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Deuxième séance du mardi 12 juillet 2005 15e séance de la session extraordinaire 2004-2005 PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ M. le président. La séance est ouverte. (La séance est ouverte à quinze heures.)
HABILITATION À PRENDRE PAR ORDONNANCE DES MESURES D'URGENCE POUR L'EMPLOI Transmission et discussion du texte de la commission mixte paritaire M. le président. M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante : « Paris, le 11 juillet 2005 « Monsieur le président, « Conformément aux dispositions de l'article 45, alinéa 3, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous demander de soumettre à l'Assemblée nationale, pour approbation, le texte proposé par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi. « Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. » En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire (n° 2461). La parole est à M. Claude Gaillard, rapporteur de la commission mixte paritaire. M. Claude Gaillard, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, pour commencer, je tiens à saluer l'ensemble de mes collègues ayant participé à nos débats sur cette loi d'habilitation : ils ont eu la possibilité de s'exprimer et d'aller au fond des choses. À titre personnel, je tiens à leur dire combien j'ai apprécié la qualité de nos travaux, marqués naturellement par des divergences, faibles ou profondes, lesquelles, en tout état de cause, ont honoré le débat démocratique qui a eu lieu au sein de cette assemblée. Monsieur le ministre, je vous remercie pour la part que vous avez prise à ces débats, pour votre effort naturel à répondre à toutes nos questions, nous permettant d'avoir un éclairage le plus large possible. À travers vous, je salue également M. Jean-Louis Borloo. Je tiens naturellement à saluer et à remercier M. le Premier ministre, Dominique de Villepin, qui a fait la présentation de ce projet de loi. Au terme de la lecture au Sénat, une convergence d'analyse est apparue. Les principaux apports de la lecture devant le Sénat ont permis de préciser les points suivants. Désormais, le texte prévoit que le dispositif du contrat nouvelles embauches devra être évalué. Monsieur le ministre, j'avais moi-même fais cette demande au nom de mes collègues et vous vous étiez engagé à l'accepter. Cette disposition apparaît maintenant dans le texte grâce à un amendement sénatorial, ce qui va dans le bon sens. Deuxième apport : le dispositif d'accompagnement des salariés dont le contrat nouvelles embauches a été rompu à l'initiative de l'employeur, en vue de favoriser leur retour à l'emploi, est désormais expressément prévu dans le projet. Nous n'avions fait qu'évoquer ce dispositif, certes très clairement, durant nos débats ; aujourd'hui, il figure dans le texte. Troisième apport : par souci de simplification face à une mesure dont la mise en œuvre pouvait s'avérer délicate, la participation des employeurs au financement des transports en commun a été extraite du dispositif de neutralisation du surcoût du passage du seuil des dix salariés. Je regrette qu'on n'ait pas pu effacer le seuil pour le versement transport. Cependant, devant la complexité de l'effacement financier de ce seuil - toutes les collectivités n'ont pas de versement transport et le taux n'est pas le même -, je comprends que la difficulté de sa mise en place était réelle et délicate, notamment dans des délais courts. Nous nous sommes donc associés à l'aménagement proposé. Enfin, quatrième apport, conformément à l'engagement pris par le Premier ministre devant cette assemblée, le Sénat a prévu que le chèque emploi entreprise pourra tenir lieu de contrat de travail et de bulletin de paie. S'agissant des débats de la commission mixte paritaire, l'article 1er seul restait en discussion, l'article 2 ayant été adopté conforme par les deux assemblées. Un amendement présenté conjointement par Alain Gournac, mon collègue rapporteur au Sénat, et moi-même, a été adopté. Il a permis de clarifier la rédaction du 2° de l'article 1er, tel qu'il résultait d'un amendement proposé par nos collègues sénateurs, relatif à la rupture du contrat nouvelles embauches. Nous avons simplement voulu le réécrire pour le rendre plus lisible, plus clair et plus facile d'interprétation, afin qu'un revenu de remplacement adapté et un accompagnement renforcé en vue du retour à l'emploi ne soient pas réservés exclusivement à ceux qui n'auraient pas été affiliés pendant les six mois ouvrant droit à l'assurance chômage de droit commun, mais que ces garanties bénéficient éventuellement aux autres. Vous avez en effet toujours dit, monsieur le ministre, qu'il était normal qu'un regard particulier soit apporté aux salariés dans le cadre de ce contrat nouvelles embauches. Cet amendement a donc une portée plus large que celui proposé par nos collègues sénateurs. Les quelques adaptations proposées en CMP allant tout à fait dans le sens qui est le nôtre, l'ensemble du texte ainsi élaboré a été approuvé. En conclusion, ce texte repose sur une volonté d'équilibre : aider les entrepreneurs à faire le saut pour embaucher davantage ; aider les salariés bénéficiant du contrat nouvelles embauches pour qu'en cas rupture, un accompagnement beaucoup plus fort soit prévu afin d'augmenter le plus possible leurs chances de réintégrer le monde du travail. Au terme de cette présentation succincte, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous remercie encore pour votre participation active à l'élaboration de ce texte. Je pense particulièrement à Yves Geoffroy (« Bravo ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) qui a été le porte-parole de notre groupe et que je tiens à remercier personnellement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe des députés communistes et républicains. M. Michel Vaxès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelques mots seulement pour confirmer le vote contre du groupe des députés communistes et républicains pour les raisons que notre collègue Maxime Gremetz à largement exposées devant vous la semaine dernière. Notre vote exprime un double rejet : rejet de la méthode et rejet du contenu de la réforme que vous avez décidée. Rejet de la méthode car il n'est pas acceptable que vous refusiez à la représentation nationale de débattre des choix du Gouvernement sur un sujet aussi sensible et important que l'emploi. N'évoquez surtout pas l'urgence après trois ans de règne sans partage de votre majorité. Vous y perdriez encore en crédibilité, à moins qu'avec nous vous considériez que votre prédécesseur a été particulièrement mauvais dans ce domaine. Mais dans ce cas, il faut le dire et surtout ne pas vous inscrire dans les mêmes logiques que celles qui ont échoué. Vous ne faites ni l'un ni l'autre, parce qu'en vérité le choix de ce passage en force par voie d'ordonnance est l'illustration parfaite de votre défiance à l'égard des élus du peuple, et donc du peuple lui-même. Ce peuple qui s'est exprimé avec force et clarté le 29 mai dernier pour rejeter les logiques libérales qui, en Europe et en France, se nourrissent de la souffrance d'un nombre toujours croissant de nos concitoyens. En vérité, monsieur le ministre, votre politique prolonge celle de votre prédécesseur et, comme la sienne, répond, quand elle ne les anticipe pas, aux exigences du MEDEF (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) - eh oui, messieurs ! - : plus de flexibilité, plus de précarité, plus d'insécurité sociale ! Vous faites mine de vous distinguer des modèles anglo-saxons, mais, en tous points, vos décisions s'apparentent à celles de Tony Blair et des milieux d'affaires. Votre politique relève d'une philosophie anti-humaniste. Voilà pourquoi vous refusez d'en débattre sur le fond, et voilà pourquoi, sur le fond, nous la rejetons avec la plus grande énergie. Vous savez par exemple mieux que personne que les contrats nouvelles embauches, que vous nous présentez comme la mesure phare de votre plan, ne serviront rien d'autre que les intérêts du MEDEF, qui rêve de bousculer, jusqu'à le détruire, notre code du travail. Un code qui, jusqu'à ces dernières années, honorait les choix de la France en matière de législation du travail. Les organisations syndicales, toutes les organisations syndicales, ne s'y sont pas laissé tromper. Elles rejettent votre plan avec une belle unanimité en vous promettant une rentrée sociale particulièrement combative. Ne vous en étonnez pas car votre plan est une provocation de plus adressée au monde du travail. Je ne vous surprendrai pas en vous assurant que les députés communistes et républicains seront aux côtés de ce peuple-là, à son service, pour faire grandir encore l'exigence d'autres choix. L'exigence d'une autre politique, très exactement à l'inverse de celle que conduit le groupe Nestlé, par exemple, qui s'obstine à vouloir condamner un site pourtant rentable, celui de Saint-Menet dans les Bouches-du-Rhône. Voilà une occasion pour vous de gagner en crédibilité : agissez pour sauver cette entreprise ! Le ferez-vous ? Il y a là une vraie urgence ! Il y a là une réelle possibilité de sauver l'emploi et la vie de centaines de familles marseillaises ! Il y a là le moyen de donner crédit à la volonté que vous affichez ! Le ferez-vous ? Je vous repose la question afin d'être certain que vous entendez, à cet instant, la voix de tous les salariés de cette entreprise. Mme Arlette Grosskost. C'est la CGT qui bloque ! M. le président. Madame Grosskost ! M. Michel Vaxès. C'est aux actes que notre peuple vous jugera, mais vos premiers pas n'inspirent pas la confiance aux Françaises et aux Français, et pas d'avantage, d'ailleurs, aux députés communistes et républicains, dont je me fais ici l'interprète pour refuser d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances. M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe UMP. M. Guy Geoffroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous nous penchons une dernière fois sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi, après son examen à l'Assemblée, au Sénat, puis en commission mixte paritaire, hier, lors d'une réunion très utile par ses réflexions et ses conclusions. Avant de procéder à une rapide analyse de l'état dans lequel le texte nous revient pour approbation définitive, je tiens à rendre une fois de plus hommage, au nom du groupe UMP, au Gouvernement pour la manière dont il nous a invités à discuter de ce texte et pour l'engagement qui a été le sien au travers de la présentation faite par le Premier ministre... M. Gaëtan Gorce. C'est du masochisme parlementaire ! M. le président. Monsieur Gorce ! M. Gaëtan Gorce. Ça s'imposait, monsieur le président ! M. Guy Geoffroy. ...et au travers de la participation très active à nos échanges de M. Borloo et de M. Larcher. En effet, nous avons le sentiment très profond que notre assemblée n'a pas été appelée à voter un texte à la sauvette, la dépossédant de ses attributions fondamentales, mais que, au contraire, l'examen des deux articles du projet de loi d'habilitation nous a donné l'occasion de travailler, en profondeur, sur ce que devaient être les ordonnances. Comme cela a déjà été indiqué ici même lors de la première lecture, je tiens à souligner combien nos ministres ont tenu à répondre, dans les moindres détails, aux questions, aux préoccupations et, quelquefois, aux critiques des parlementaires de tous les bancs. Je crois que cela devait être rappelé au moment où nous venons à nouveau d'entendre et où nous entendrons peut-être à nouveau des propos sur le caractère exorbitant, inacceptable, inadmissible de la procédure utilisée. M. Gaëtan Gorce. Je ne vous le fais pas dire ! Il n'y a rien d'extraordinaire, d'anormal ou d'exorbitant à ce que l'on recoure aux ordonnances afin de mettre en place, dans l'urgence, des solutions concrètes pour l'emploi et pour ceux de nos concitoyens qui en sont le plus éloignés. Et si l'on a besoin d'une justification supplémentaire, il faut se rappeler les propos qu'a tenus hier notre collègue Floch, lors de la réunion de la commission mixte paritaire, et qui, dès lors qu'on y réfléchit un peu, paraissent en fait très surprenants. Justifiant a posteriori l'usage des ordonnances en 1982, il a argué qu'il s'agissait simplement de faire ratifier par le Parlement l'un des engagements pris devant le peuple par le candidat Mitterrand : si nous voulions pousser cette logique à son terme, il nous faudrait considérer que, pour transformer en lois les 110 propositions de François Mitterrand, candidat à l'élection présidentielle du 10 mai 1981, le vote d'une loi d'habilitation aurait suffi. Curieuse lecture de la Constitution ! Nous préférons, quant à nous, nous en tenir à cette lecture ordinaire, sage, qui prévoit que le Parlement peut être appelé par le Gouvernement à lui donner, dans des conditions bien précises − qui sont aujourd'hui réunies −, l'autorisation de prendre, par ordonnances, des mesures nécessaires, indispensables. Je voudrais, à l'occasion de cette dernière lecture, saluer les avancées concrètes et incontestables de ce texte. Les cibles sont très simples à déterminer : ceux qui sont le plus éloignés de l'emploi. Grâce aux nouvelles dispositions et au contrat nouvelles embauches, des possibilités inédites leur sont offertes. Dans le même ordre d'idée, les petites et très petites entreprises pourront, grâce à la confiance qui leur fait aujourd'hui défaut, franchir le pas et embaucher, ce qui leur est nécessaire mais qu'elles hésitent à faire pour les raisons que l'on sait. Les jeunes ne sont pas oubliés par le projet de loi, qui répond de manière concrète à leurs attentes. Notre pays souffre en effet d'un mal profond : un jeune sur cinq peine à entrer dans le monde du travail. C'est un véritable drame national, et nous devons relever ce défi. Notre texte y contribue, non pas de manière décisive et définitive, pour solde de tout compte, mais de manière concrète, pertinente, en sachant que d'autres dispositions ultérieures seront nécessaires. Le rapporteur l'a dit, la commission mixte paritaire s'est prononcée hier sur un nouveau texte qui, en progressant, met d'accord les deux assemblées et permet de mieux cadrer le dispositif du contrat nouvelles embauches, en lui donnant plus de contenu. Monsieur le ministre, s'il est une recommandation que le groupe UMP souhaite vous faire, c'est de donner dans ces ordonnances toute sa validité au concept que nous avons bien compris, et de mettre en place tous les éléments qui garantiront, tant pour les entreprises que pour les salariés, qu'il s'agit bien d'un concept nouveau. Loin de basculer notre droit social par-dessus bord, il permet au contraire, dans un cadre précis, garanti, grâce à l'engagement nouveau et consolidé des toutes petites et des petites entreprises, de remettre ceux qui en sont le plus éloignés sur le chemin de l'emploi, non seulement parce qu'ils y ont droit, mais parce que c'est nécessaire pour le développement des richesses et de l'initiative dans notre pays. Pour toutes ces raisons, et pour celles qui ont déjà été exprimées en première lecture, je voulais vous donner, monsieur le ministre, l'assurance que ce n'est pas à contrecœur que le groupe UMP approuvera votre projet, mais en toute conscience et avec détermination. Nous apporterons à votre projet de loi le soutien nécessaire à notre pays, afin de parcourir une étape de plus dans la lutte que vous avez engagée et que nous gagnerons ensemble, pour permettre le retour à l'emploi du plus grand nombre de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce pour le groupe socialiste. M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous venons d'entendre M. Geoffroy priver le groupe UMP et, d'une certaine façon, le Gouvernement, des dernières circonstances atténuantes. Monsieur Geoffroy, on ne peut pas vous dire : « Pardonnez-leur, ils ne savent ce qu'ils font. » Vous savez parfaitement ce que vous faites, vous connaissez les atteintes que vous portez aux droits du Parlement, au dialogue social et à notre droit du travail. En ce qui concerne les droits du Parlement, monsieur le président, je profite de votre éminente présidence pour indiquer que nous ne pouvons pas nous satisfaire de voir utiliser comme un mode normal de législation la procédure d'urgence ou la procédure d'habilitation. Je l'ai rappelé chaque fois que j'ai eu l'occasion d'intervenir dans ce débat, c'est la septième loi qu'on nous fait voter en urgence. Sans doute, c'est la première loi d'habilitation, mais cela n'en prive pas moins le Parlement des conditions normale d'un véritable débat − comme dans le cas de l'urgence −, voire, purement et simplement, de tout débat − comme dans le cas de la loi d'habilitation. Que le groupe UMP puisse s'en satisfaire et dire, même, que c'est une bonne chose, cela dépasse un peu l'entendement, en tout cas de notre point de vue de parlementaires. Si l'on considère que la question de l'emploi est la grande affaire du Gouvernement − le Premier ministre ayant consacré l'essentiel de sa déclaration de politique générale à ce thème −, on peut penser que la majorité et, plus généralement, le Parlement souhaiteraient être associés étroitement à sa mise en place. Mais, nous avons eu l'occasion de le dire, c'est également la fin du dialogue social. Comment espérer faire en sorte que les partenaires sociaux s'impliquent, dès lors qu'on les contourne à la première occasion, qui, en l'occurrence, n'est pas n'importe laquelle, puisqu'il s'agit de la question cruciale de l'emploi et de la lutte contre le chômage ? Tous les engagements qui ont été pris par le passé − ceux qui figurent dans l'exposé des motifs de la loi Fillon − sont bafoués, et ce ne sont pas ceux que vous avez utilisés, monsieur le ministre, lorsque vous nous avez rappelé qu'on avait entamé, au cours des derniers mois, des discussions sur de nouveaux types de contrats, qui pourront corriger l'impression fâcheuse que toutes les décisions ont été prises parfois dans l'improvisation et jamais en concertation avec les partenaires sociaux, car, plus qu'une impression, c'est une réalité. Enfin, ce projet de loi marque la mise en cause du droit du travail. En dépit des petits aménagements apportés par le Sénat au cours des dernières heures, ce contrat nouvelles embauches, que nous avons qualifié de « contrat précarité plus », ne voit pas modifier sa nature. On met en place un contrat permettant de rejeter le salarié dans un ou deux ans sans conditions, ou dans des conditions très faibles en termes de procédure, et sans motivations. L'arbitraire va donc s'installer dans les relations entre le salarié et le chef d'entreprise sur la question la plus cruciale, celle qui touche au renouvellement du contrat de travail. Vous avez, c'est vrai, employé les adjectifs qui conviennent : cette solution est inacceptable, inadmissible, et ne correspond ni à l'attente des Français ni à celle des salariés. M. Guy Geoffroy. Quelle gymnastique ! M. Gaëtan Gorce. Cela vous fait sourire, mais il est vrai que, depuis trois ans, vous souriez faute d'agir. Ce n'est pas en accroissant la précarité que vous améliorerez la situation de l'emploi et restaurerez la confiance. C'est très exactement le contraire qu'il faudrait faire. Vous vous trompez donc : chacun peut se tromper ; le problème, c'est que vous le faites avec persévérance. M. Bernard Schreiner. Vous l'avez fait aussi ! M. Gaëtan Gorce. Depuis 2002, vous avez multiplié les erreurs sur le terrain de l'emploi, cassant les outils qui marchent, ne les remplaçant pas et mettant en place, aujourd'hui, des mesures justifiées par l'urgence qui n'auront pas la moindre efficacité. M. Guy Geoffroy. Nous verrons bien ! M. Gaëtan Gorce. Le triste pari que nous sommes amenés à prendre, c'est que le chômage ne décroîtra pas dans les deux ans qui viennent... M. Guy Geoffroy. Mais si ! M. Gaëtan Gorce. ...et que, en 2007, au moment où nous aurons une explication devant les Français, nous nous retrouverons avec un taux de chômage qui sera toujours supérieur ou au moins égal à 9,5 % de la population active, c'est-à-dire dans une situation dramatique pour les Françaises et les Français qui la vivent et pour les familles qui en subissent les conséquences. À travers ce vote, vous acceptez de commettre un petit meurtre par ordonnance : contre le droit du travail, contre l'esprit de sécurité qui devrait régner dans les entreprises et bénéficier aux salariés, contre les droits du Parlement et contre le dialogue social. Aucune amélioration sensible n'est à noter dans les dispositions qui ont été discutées au Sénat. Par conséquent, le groupe socialiste ne pourra que confirmer son vote, et le déplorer d'ailleurs, car nous aurions pu espérer que, sur une question aussi importante, cette assemblée et les partenaires sociaux seraient mobilisés pour faire en sorte que ce que vous appelez une grande cause nationale ne soit pas simplement une petite opération de politique qui débouchera sur les mêmes résultats que ceux que nous constatons depuis trois ans : l'échec, pour vous, mais aussi, ce qui est plus grave, pour le pays. M. Émile Zuccarelli. Tout à fait ! M. le président. La parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe UDF. M. Rudy Salles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà arrivés au terme d'un débat raccourci à sa plus simple expression. En application d'une double procédure, l'habilitation de l'article 38 de la Constitution jumelée à l'urgence déclarée, le Parlement est aujourd'hui placé devant un fait accompli que les amendements mineurs adoptés au Sénat puis par la commission mixte paritaire n'arriveront pas à dissimuler. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Gaëtan Gorce. Nous ne sommes pas les seuls à le dire ! M. Guy Geoffroy. Il faut se pincer pour y croire ! M. Rudy Salles. Nous l'avions largement souligné dès la déclaration de politique générale, puis lors du débat en première lecture, la procédure des ordonnances ne constitue pas une réponse adaptée à la crise sociale et économique que connaît notre pays depuis plus de vingt ans. En économisant quelques semaines de discussion parlementaire, qu'avons-nous gagné ? En confondant urgence et précipitation, que pouvons-nous espérer ? Nous avions besoin d'un débat public sur les origines de la crise française, sur la nécessité de poser clairement le diagnostic et d'examiner la viabilité de chacune des propositions formulées dans cet hémicycle et dans plusieurs rapports récents que l'on s'est empressé d'enterrer. Nous avions besoin d'associer les Français à ce débat, eux qui, depuis vingt ans, émettent les pires doutes sur nos capacités à traiter la question lancinante du chômage qui touche, hélas, toutes les familles. Comment imaginer, une fois encore, agir sans associer nos concitoyens à une politique imposée d'en haut et qui les laisse, comme par le passé, spectateurs dubitatifs et résignés de leur propre destin ? Nous avions besoin d'associer les partenaires sociaux à ce débat, mais ils sont eux aussi placés devant le fait accompli, leur rôle se limitant, dans les semaines à venir, à compléter à la marge des mesures dont il aurait fallu débattre avec eux en amont. Sur ce sujet, plus que sur tout autre, nous avons besoin d'associer toutes les forces vives du pays, à commencer par les syndicats et les organisations patronales. Or c'est exactement le contraire qui se passe : les partenaires sociaux, comme le Parlement, sont les uns après les autres dessaisis de ce dossier majeur. Plus grave encore, cette procédure a de graves incidences sur le fond, dans la mesure où l'on ne peut guère, par ordonnances, faire adopter un plan global pour l'emploi utilisant tous les leviers à la fois. Le résultat patent, c'est que ce nouveau plan de lutte contre le chômage ressemble à s'y méprendre aux plans précédents. Nous jouons sur quelques curseurs, mais la cohérence d'ensemble n'est pas au rendez-vous. Certes, ce projet comporte des mesures intéressantes, en particulier certaines simplifications administratives et le chèque emploi en faveur des petites entreprises, mais elles sont homéopathiques. Quant au contrat nouvelles embauches, malgré les améliorations qui ont été introduites, il demeure d'une gestion complexe et d'une efficacité discutable. Pour mettre en œuvre le traitement de choc dont nous avons besoin, nous avions formulé, en première lecture, quatre séries de propositions. La première concernait la modification d'une assiette des charges qui pénalise inutilement et injustement le travail : notre dispositif des cotisations sociales et patronales, imaginé au moment où la France connaissait le plein-emploi, est aujourd'hui fortement contreproductif. Reposant essentiellement sur le travail, il le tarit à la source alors que nous devrions disposer d'une assiette de prélèvement qui le préserve. Nous suggérons donc un transfert significatif vers la CSG, dont le socle, plus large, englobe aujourd'hui 97 % des revenus. Cette proposition, jamais sérieusement débattue, est pourtant loin d'être farfelue. D'autre part, nous sommes convaincus qu'il est nécessaire d'augmenter le volume de travail afin de pouvoir supporter un niveau de protection sociale élevé : notre problème majeur est celui du déficit de travail tout au long de la vie. Là encore, notre proposition mérite d'être discutée sur le fond. Nous devons trouver des formules souples permettant une meilleure modulation de travail en fonction des âges, de la pénibilité des métiers et de leur exposition aux risques. Nous préconisons également de refonder le contrat de travail dans le sens d'une meilleure sécurité pour les employeurs et les salariés : dans cette perspective, la proposition d'un contrat de travail unique à durée indéterminée, assorti d'un renforcement progressif du mécanisme d'indemnisation, nous paraît une solution juste et équilibrée. Pourquoi n'en avoir jamais débattu ? Enfin, nous sommes favorables à l'activation du service public de l'emploi, qui doit pratiquer un accompagnement individualisé dès les premières semaines de chômage, procédure qui a donné de très bons résultats chez plusieurs de nos partenaires européens. Là encore, peut-on se contenter de la seule expérimentation rendue possible par la loi de cohésion sociale ? Le 29 juin dernier, à l'issue de la discussion générale, vous aviez eu l'amabilité de préciser que nous avions évoqué des questions importantes. Quinze jours après, ces questions restent malheureusement sans vraie réponse. Vous comprendrez que, dans ces conditions, la position du groupe UDF restera inchangée. Mme Anne-Marie Comparini. Très bien ! M. le président. La discussion générale est close. La parole est à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais tout d'abord remercier le président et le rapporteur de la commission mixte paritaire pour le travail qui a été effectué et pour celui que nous avons accompli ensemble, ici, à l'Assemblée. Nul ne peut dire que nous n'avons pas eu la volonté de répondre à toutes les questions, à toutes les suggestions qui ont été formulées. M. Guy Geoffroy. C'est vrai ! M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Le rapporteur a d'ailleurs interrogé le Gouvernement sur nombre de sujets, ce qui nous a conduits à préciser les textes des six ordonnances. M. Gaëtan Gorce. C'est l'éloge de la portion congrue ! M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Nous sommes ainsi parvenus à cet équilibre que vous appeliez de vos vœux, monsieur Geoffroy, ce même équilibre que nous avions proposé, monsieur Gorce, dès le 30 juin 2004 aux partenaires sociaux. M. Gaëtan Gorce. Ce sont eux qui ne s'en souviennent pas, alors ! M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. En effet, par un courrier conjoint de Jean-Louis Borloo et de moi-même, nous avions sollicité, le 30 juin 2004, les partenaires sociaux - courrier dont j'ai donné lecture en séance - pour qu'ils se saisissent ensemble du dossier et qu'ils réfléchissent notamment au moyen de lever les freins à l'emploi dans les petites et moyennes entreprises. Après deux séries de consultations, en août puis en octobre, ils ont conclu que, décidément, ce n'était pas un sujet dont ils pouvaient s'emparer, à l'inverse de ce qui se passe sur le dossier des seniors, monsieur Salles, sur lequel les négociations avec les partenaires sociaux sont engagées et dont les résultats sont attendus pour le mois d'octobre. Il importait donc que la représentation nationale soit saisie de cette question, ce qui a été fait. Personne ne peut dire que le débat a été escamoté. M. Michel Vaxès. C'est pire : le débat n'a pas eu lieu ! M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Les discussions qui ont eu lieu tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, ainsi que les travaux de la commission mixte paritaire démontrent bien qu'il ne s'est pas agi de donner un blanc-seing et que nous avons été au fond des choses. Une première ordonnance mettra en place le contrat nouvelles embauches, qui offrira plus de souplesse pour l'employeur et de nouvelles garanties pour les salariés, toujours dans ce souci d'équilibre que beaucoup appelaient de leurs vœux, notamment M. le rapporteur. Ces garanties, qui continuent d'ailleurs de faire l'objet de consultations avec les partenaires sociaux, doivent apporter plus de sécurité à la fois à l'employeur et au salarié. Ce contrat fera en outre l'objet d'une évaluation, je tiens à le préciser parce que c'est un sujet sur lequel nous avons longuement échangé. Une deuxième ordonnance créera le chèque emploi TPE, qui sera réservé à un nombre limité de salariés. Il s'agira en quelque sorte de donner un coup de pouce à ceux qui créent leur premier, deuxième ou troisième emploi à l'intérieur de l'entreprise. Une troisième ordonnance proposera d'alléger le surcoût que représente le passage du seuil de vingt salariés. On voit bien que ce point soulève, dans notre pays, une vraie interrogation. Les partenaires sociaux eux-mêmes nous ont annoncé aujourd'hui - je livre cette information à l'Assemblée nationale - qu'ils étaient prêts à en discuter alors que ce sujet est longtemps resté un sujet tabou, sur lequel on ne pouvait pas engager la discussion. Le dialogue devrait donc se poursuivre. Une quatrième ordonnance visera à faciliter l'accès à l'emploi des jeunes de moins de vingt-six ans. Nous en avons peu parlé, mais l'expérience du SMA, qui fera l'objet d'une évaluation, est intéressante. Une dernière ordonnance concernera la fonction publique. L'ouverture de la fonction publique est un point extrêmement important. Je voudrais dire à M. Vaxès que je recevrai les salariés de Nestlé dans quelques jours, à la demande d'ailleurs de Roland Blum, du sénateur-maire de Marseille et de M. Muselier. Mais je me devais de suivre les procédures. Je suis trop respectueux du code du travail pour risquer de tomber moi-même dans le délit d'entrave. C'est un point essentiel pour nous. Je voudrais, pour terminer, dire à M. Salles, que le groupe proche du sien au Sénat a enrichi ce texte grâce à l'adoption de certains de ses amendements. Ce projet de loi est en effet le fruit d'un travail partagé auquel je tiens à rendre hommage. M. Gaëtan Gorce. C'est bien la preuve qu'on ne peut pas faire confiance au Sénat ! M. le président. Monsieur le ministre, ne dites pas que la formation de M. Salles est plus sage au Sénat qu'ici ! (Sourires.) M. Gaëtan Gorce. C'est plutôt le contraire ! M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Non, j'ai pensé qu'au Sénat, il était marqué d'une sagesse particulière ; vous me pardonnerez cette considération, due sans doute à mes origines. M. Rudy Salles. Les amendements sont tombés en commission mixte paritaire. M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. En conclusion, je plaide simplement, monsieur Gorce, pour qu'on ne fasse pas de pari sur le maintien du niveau du chômage. Je reviens de Belfast, où, dans des circonstances particulières, nous avons entamé la réflexion sur le modèle social européen. Je ne peux pas imaginer que des représentants de l'Assemblée nationale comme du Sénat fassent un tel pari. Je crois, au contraire, que la lutte contre le chômage doit nous mobiliser tous, au-delà de nos choix politiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je crois que c'est un vrai combat pour la cohésion de notre société. Voilà pourquoi je ne doute pas que, les uns et les autres, et je le constate sur le terrain, nous travaillerons à la réussite du contrat nouvelles embauches, du plan d'urgence du Premier ministre et du plan de cohésion sociale. M. Gaëtan Gorce. Votre bilan parle pour vous ! M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Il y va des valeurs de la République et de notre vivre ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. Personne ne demande plus la parole ?... Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire. (L'ensemble du projet de loi est adopté.) Suspension et reprise de la séance M. le président. La séance est suspendue. (La séance, suspendue à quinze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures quarante-cinq.) M. le président. La séance est reprise.
COMPARUTION SUR RECONNAISSANCE PRÉALABLE DE CULPABILITÉ Discussion d'une proposition de loi M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, précisant le déroulement de l'audience d'homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (nos 2413, 2425). La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président de l'Assemblée nationale, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, l'une des innovations les plus marquantes de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité est très certainement la création de la nouvelle procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, dite de CRPC. Cette procédure, qui est prévue par les articles 495-7 à 495-16 du code de procédure pénale, est particulièrement innovante parce qu'elle repose sur l'adhésion et le consentement du condamné et parce qu'elle diffère très sensiblement dans son déroulement des procédures traditionnelles de jugement pénal. Elle permet en effet au procureur de la République, pour des délits punis jusqu'à cinq ans d'emprisonnement, de proposer une ou plusieurs peines à une personne majeure qui reconnaît sa culpabilité et qui est assistée par un avocat. La peine proposée peut être un emprisonnement d'une durée maximale égale à la moitié de la peine encourue sans pouvoir dépasser un an. En cas d'accord de l'auteur des faits, donné en présence de son avocat, la ou les peines proposées doivent faire l'objet d'une homologation par le président du tribunal de grande instance ou un magistrat par lui délégué, après que celui-ci a entendu la personne et son avocat. Cette audience d'homologation est publique, conformément à la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 2 mars 2004. Le magistrat chargé de statuer sur l'homologation peut, par la même décision, statuer sur la demande de dommages et intérêts formée par la victime. Si l'homologation est prononcée, la peine est alors exécutoire comme en cas de jugement. De par sa nature, la CRPC est destinée à être mise en œuvre dans le cadre du traitement en temps réel des procédures en cas de faits simples et reconnus pour lesquels le prévenu est prêt à assumer une sanction dès lors qu'elle intervient rapidement. La CRPC, vous le savez, a deux objets. Elle tend, tout d'abord, à alléger les audiences correctionnelles et à diminuer les délais de jugement. Elle permet ainsi une meilleure régulation des flux pénaux en mettant à la disposition des juridictions correctionnelles plus de temps pour se consacrer à l'examen des procédures complexes. En second lieu, elle tend au prononcé de peines mieux adaptées et plus efficaces, car acceptées par l'auteur du délit, et qui, de ce fait, seront mieux exécutées. La CRPC a suscité à sa création des objections qui n'ont cependant pas, me semble-t-il, résisté à l'épreuve des faits. En effet, l'application de cette procédure par les juridictions constitue d'ores et déjà un succès, d'un point de vue tant quantitatif que qualitatif. L'excellent rapport d'information de votre commission du 15 juin 2005 sur l'application de la loi du 9 mars 2004, présenté par M. Jean-Luc Warsmann - je profite de l'occasion pour louer la particulière qualité de ce rapport -, observe ainsi que « la CRPC connaît une montrée en puissance régulière tendant à sa généralisation à l'ensemble des juridictions » et qu'il s'agit d'une « procédure efficace » dont le taux de succès est « considérable ». La CRPC connaît en effet un véritable succès statistique : depuis le 1er octobre 2004, date de son entrée en vigueur, jusqu'au 8 juin 2005, 147 tribunaux de grande instance ont fait application de cette procédure, qui a concerné plus de 10 700 personnes, avec un taux d'homologation des propositions de peine désormais supérieur à 87 %. C'est aussi un succès d'un point de vue qualitatif. Les acteurs de cette procédure, même s'ils ont parfois eu des difficultés pour la mettre en place, sont le plus souvent très satisfaits des conditions de sa mise en œuvre. Il suffit pour s'en convaincre d'observer le taux d'homologation ou de constater une absence quasi totale d'appel. Ce succès est d'autant plus remarquable que, par nature, la mise en oeuvre de la CRPC suppose, outre le consentement de l'auteur du délit, l'accord des trois acteurs principaux de la procédure, à savoir les magistrats du parquet, les magistrats du siège et les avocats. Mais c'est justement là une des clefs de la réussite de la CRPC : elle n'a pu se mettre en place qu'à la suite de concertations approfondies entre les magistrats et les barreaux. Le rapport de M. Warsmann indique à cet égard que les représentants des avocats se sont félicités de ces concertations préalables. La mise en œuvre de la CRPC a toutefois donné lieu à des difficultés pratiques résultant de l'insuffisante précision des dispositions de l'article 395-9 du code de procédure pénale relatif à l'audience d'homologation. La question s'est en effet posée de savoir s'il convenait que le procureur de la République assiste ou non à cette audience, l'article 395-9 étant muet sur ce point. Il ne fait certes pas de doute que l'intention du législateur, dont l'un des objectifs est de simplifier le traitement de certains contentieux, était de réserver la présence du procureur à la première phase de cette procédure, celle de la proposition de la peine. Toutefois, dans un avis en date du 18 avril 2005, la Cour de cassation a considéré que les dispositions générales de l'article 32 du code de procédure pénale, qui prévoient la présence du procureur de la République lors des « débats devant les juridictions de jugement », étaient applicables et que le parquet devait donc assister aux audiences d'homologation. Dans deux décisions rendues en référé le 11 mai 2005, le Conseil d'État en a jugé de même. Au vu de ces décisions, les juridictions ont, dans l'attente d'une clarification législative, diversifié leurs pratiques, certaines décidant de renoncer à la CRPC. Une telle situation, qui n'est évidemment pas satisfaisante, appelait donc une clarification législative urgente. La proposition de loi adoptée par le Sénat et que vous examinez aujourd'hui est dès lors particulièrement bienvenue. M. Jérôme Lambert. C'est du bricolage ! M. le garde des sceaux. Elle tend en effet à inscrire clairement dans l'article 395-9 du code de procédure pénale que la procédure d'homologation se déroule en audience publique, mais que la présence du parquet à cette audience n'est pas obligatoire. La première précision consacre la décision du Conseil constitutionnel. La seconde correspond à la fois au caractère sui generis de la procédure et à l'intention du législateur. Votre commission des lois, à l'initiative de son rapporteur M. Jean-Paul Garraud, après avoir très clairement rappelé la situation actuelle et la nécessité d'y apporter une réponse législative simple et rapide, vous propose d'adopter cette proposition de loi sans modification. Le rapport de M. Jean-Paul Garraud développe de façon détaillée et particulièrement convaincante les différentes raisons justifiant l'adoption conforme de ce texte par l'Assemblée nationale. Je vous demande donc de suivre les conclusions de votre commission et de votre rapporteur en adoptant cette proposition de loi. Le Parlement permettra ainsi à la procédure de CRPC de conserver un intérêt pratique pour les magistrats du parquet et de poursuive son extension au sein des juridictions dans des conditions homogènes, ce qui aura pour conséquence d'accroître la célérité et la qualité de la justice répressive, objectif auquel, je pense, nous sommes tous attachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) M. le président. Je vous remercie, monsieur le garde des sceaux, pour votre concision et j'invite les orateurs à suivre votre exemple. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. M. Jean-Paul Garraud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite loi Perben II, constitue à n'en pas douter l'une des dispositions essentielles qui réforment notre justice et notre droit pénal. Conscient que l'appareil judiciaire ne disposait plus des outils suffisants pour lutter avec détermination contre la grande criminalité, ce gouvernement et cette majorité ont eu le courage d'innover, de réformer et donc de revenir sur les égarements de nos prédécesseurs qui, bien que constatant l'évolution particulièrement marquée de la délinquance, n'avaient pas osé en tirer les conclusions qui s'imposaient. Très rapidement, nous avons, en revanche, préparé et mis en place de nouveaux dispositifs judiciaires et policiers destinés à protéger nos concitoyens et à nous retrouver, en quelque sorte, au moins à armes égales avec les malfaisants, les voyous, les truands, bref tous ceux qui choisissent le crime comme mode de vie et qui manifestent ainsi leur mépris de la société et des valeurs démocratiques que nous sommes chargés de défendre. C'est ainsi que cette loi Perben II, totalement en phase avec la loi sur la sécurité intérieure de Nicolas Sarkozy, modifie en profondeur nos règles juridiques afin de combattre efficacement cette grande criminalité, ces mafias. Alors, évidemment, certains se sont émus, ceux là mêmes qui avaient négligemment laissé se dégrader la situation. La loi a été critiquée par une minorité agissante. Elle a même été qualifiée d'affreusement sécuritaire. La critique absolue ! Sans revenir sur tous nos débats à ce sujet, je rappellerai simplement que cette loi a fait l'objet d'une grande concertation préalable, notamment avec tous les auxiliaires de justice et en particulier les avocats, et que les garanties fondamentales des droits de la défense, auxquelles nous sommes tous très attachés, sont absolument préservées et même, sur certains points, renforcées. Seulement, dans la balance, symbole de la justice, il fallait bien rétablir l'équilibre et ne pas oublier les victimes ! Des réformes de structure ont donc été opérées. L'une d'elles, majeure, concerne la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, objet de la présente proposition de loi. Cette innovation procédurale consiste, comme son nom l'indique, à tenir compte d'une culpabilité reconnue, et donne aux différents intervenants au processus judiciaire - juge, procureur, avocat - des rôles accrus et nouveaux. Outil supplémentaire et complémentaire mis à la disposition des parquets, elle s'ajoute à la comparution immédiate, à la citation à comparaître, à l'ordonnance pénale, à la composition pénale, à l'audience « classique », pour adapter la sanction à l'acte commis et à la personnalité de son auteur. Elle est, à mon sens, un outil de plus au service de l'individualisation de la peine puisqu'elle permet, sous certaines conditions, d'adapter non seulement la peine, mais aussi la procédure au cas présenté. Elle permet aussi de s'adapter au mieux à certains contentieux de masse dont le traitement était jusqu'ici indigne - j'ose le dire - de la République. Comment en effet tolérer, par exemple, qu'une personne parfaitement intégrée dans la société et n'ayant jamais eu le moindre problème avec la justice soit traduite directement devant un tribunal correctionnel pour une simple conduite occasionnelle sous l'empire d'un état alcoolique et attende des heures durant que son affaire soit appelée à l'audience, alors même qu'elle reconnaît sa culpabilité et qu'elle ne disposera en fait que de quelques très brèves minutes pour s'expliquer devant son juge ? Ne vaut-il pas mieux lui éviter l'infamie, pour un homme souvent honnête, d'un procès correctionnel, lui laisser le temps de s'exprimer, tenir compte de sa reconnaissance de culpabilité, lui permettre d'être assisté du début à la fin par son avocat, pour finalement lui infliger une peine qui tiendra compte à la fois de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur, et qui permettra plus généralement de traiter décemment et efficacement ce type de délits ? M. Jérôme Lambert. En catimini ! M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. La procédure de la CRPC, autrement appelée « plaider-coupable », est pourtant très différente de la procédure anglo-saxonne. Elle s'inspire de la même idée de la reconnaissance de culpabilité, mais elle ne constitue en rien un marchandage comme j'ai pu l'entendre quelquefois. Le procureur n'abdique en rien ses pouvoirs sur la maîtrise de l'action publique, d'abord, parce qu'il peut toujours utiliser une autre voie procédurale ; ensuite, parce qu'il propose une peine, tout comme il l'aurait fait à l'audience correctionnelle. Vous avez rappelé, monsieur le garde des sceaux, la procédure prévue par les articles 495-7 à 495-16 du code de procédure pénale. Je souligne simplement que, dans cette procédure, l'avocat est obligatoire, ce qui n'est pas le cas devant le tribunal correctionnel ou même la cour d'assises. Il doit même être présent à tous les moments de la procédure. La personne est traduite devant le procureur, qui propose une peine. Lors de l'audience d'homologation qui suit, le juge entend l'avocat et le prévenu. Il vérifie la réalité des faits et leur qualification juridique. Il peut poser toutes les questions utiles. Le juge statue ensuite par une ordonnance motivée en homologuant ou en rejetant la peine. L'ordonnance est lue en audience publique. Elle est immédiatement exécutoire. Les droits des victimes sont entièrement préservés, puisque celles-ci sont informées de la procédure, peuvent se constituer partie civile et même faire appel de l'ordonnance d'homologation. Bref, il s'agit d'une procédure rapide, concrète, rationnelle, qui préserve à la fois les droits de la société, de la victime et du prévenu. C'est pourquoi elle a connu - vous l'avez dit, monsieur le garde des sceaux - une parfaite réussite. N'en déplaise à ses détracteurs, on constate objectivement, depuis son entrée en vigueur, le 1er octobre 2004, une montée en puissance de son application. Au cours du dernier trimestre 2004 - premier trimestre d'application de la loi -, 1 930 dossiers avaient relevé d'une CRPC. Mais, pour le seul mois de mai 2005, 2 480 affaires ont été traitées par ce moyen. À ce jour, près de 11 000 affaires ont fait l'objet d'une CRPC. Non seulement les parquets ont compris l'intérêt de la procédure, mais le barreau lui-même la sollicite de plus en plus, ce qui pourrait sembler, à première vue, étonnant. Mais pourquoi se priver d'une procédure simple, rapide, soucieuse des droits des prévenus et des victimes, alors que les faits sont simples et reconnus ? M. Jérôme Lambert. En effet ! Pourquoi s'embêter avec la loi ? M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Ne sont-ce pas ces contentieux de masse qui encombrent nos juridictions et sont source des lenteurs qui exaspèrent à juste titre nos concitoyens ? En pratique, on note que cette procédure est utilisée le plus souvent pour les conduites sous l'empire d'un état alcoolique, pour les violences urbaines, pour les contentieux familiaux tels que le non-paiement de pension alimentaire ou la non-représentation d'enfant, ou pour certains contentieux techniques comme, en droit du travail, le non-respect des règles d'hygiène et de sécurité. Comme il s'agit d'un outil de plus mis au service de la justice afin de trouver une vraie réponse pénale, on constate également que les parquets l'utilisent comme une réponse graduée en fonction de la gravité des faits. On voit que la loi a apporté ainsi souplesse et efficacité à l'institution judiciaire, qui en a bien besoin. C'est donc une réussite pleine et entière qui doit se poursuivre. Nous sommes amenés à revenir d'une façon technique et parcellaire sur ce plaider-coupable. La proposition de loi déposée par notre excellent collègue le sénateur Béteille répond aux exigences posées par la Cour de cassation et le Conseil d'État, juridictions suprêmes qui ne remettent pas en cause le bien fondé de la CRPC, mais seulement un aspect procédural qui a suscité débat. Il faut donc trancher. Saisie à titre préjudiciel par le tribunal de grande instance de Nanterre, la Cour de cassation a rendu, le 18 avril 2005, un avis. Interrogée sur le point de savoir si la présence du parquet à l'audience publique prévue pour l'homologation ou le refus d'homologation de la peine proposée par le procureur de la République était obligatoire, la Cour de cassation a répondu par l'affirmative en invoquant l'article 32 du code de procédure pénale. À la suite à cet avis, qui ne lie pas les juridictions, votre prédécesseur, monsieur le garde des sceaux, a adressé aux parquets une circulaire, dès le lendemain, 19 avril, pour faire savoir que cette présence n'était exigée que pour la lecture publique de l'ordonnance d'homologation. M. Jacques Floch. Eh oui ! M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Cette subtile distinction a été déférée devant le Conseil d'État statuant en référé qui, le 11 mai, a suspendu cette circulaire et l'a privée d'effet. M. Jacques Floch. Deux hautes juridictions sont intervenues sur ce texte. Cela fait beaucoup ! M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Il faut donc en sortir pour éviter d'entacher d'irrégularité cette procédure, pourtant de plus en plus appréciée par les parquets, le barreau et, j'en suis certain, par nombre de prévenus. Bien que le rôle du parquet soit prépondérant puisque c'est lui qui choisit cette voie procédurale et propose la peine, faut-il pour autant exiger sa présence au cours de la phase finale, lors de l'audience d'homologation, alors que, comme l'indique le professeur Pradel, le parquetier « a déjà tout dit au prévenu lors de l'audience de cabinet » ? M. Jacques Floch. Au prévenu, certes, mais pas au juge ! M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Il est évident que, si l'on exige cette présence, qui n'est en fait que formelle et ne présente aucun intérêt réel, on va considérablement amoindrir les avantages majeurs et pratiques de cette procédure, que j'ai évoqués précédemment. S'il s'agit de désencombrer les juridictions et d'accélérer les procédures, pourquoi revenir à un débat contradictoire au cours de l'audience, alors que les droits de la défense sont préservés, que l'auteur des faits reconnaît sa culpabilité et accepte la peine proposée par le procureur, qui est néanmoins soumise à l'appréciation d'un juge du siège, qui accepte ou refuse cette proposition ? Notre appréciation, lors des débats préparatoires au vote de la loi Perben II, consistait manifestement à considérer comme inutile et superflue la présence du procureur lors de cette phase procédurale. Il est d'ailleurs assez cocasse et amusant de relever que c'est le syndicat des avocats de France qui avait saisi le Conseil d'État pour parvenir à la suspension de la circulaire. C'est bien la première fois que je vois un syndicat d'avocats réclamer la présence du procureur à l'audience ! M. Jérôme Lambert. Il n'y a rien d'étonnant à ce qu'un syndicat réclame une justice équilibrée ! M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Une clarification législative s'impose, au moyen de la nouvelle rédaction de l'article 495-9 du code de procédure pénale qui vous est proposée : « La procédure prévue par le présent alinéa se déroule en audience publique ; la présence du procureur de la République à cette audience n'est pas obligatoire. » Cette précision sur la présence facultative du procureur reproduit littéralement la rédaction de l'article 464 du code de procédure pénale, qui n'impose pas la présence du parquetier lors des audiences correctionnelles statuant sur les seuls intérêts civils. Elle assure également la publicité de l'audience d'homologation, conformément aux exigences du Conseil constitutionnel. De cette manière, nous confirmerons l'intention qui était la nôtre lors des débats précédents et nous encouragerons une procédure qui introduit souplesse et efficacité dans notre droit. Cette procédure a d'ailleurs été adoptée avec célérité dans la pratique, ce qui démontre, s'il en était besoin, que, lorsque les réformes sont justes et utiles, les mentalités peuvent évoluer au même rythme. C'est certainement un exemple à méditer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) M. le président. Monsieur le rapporteur, nous votons les lois de la République et non des lois qui porteraient le nom de telle ou telle personne. J'aimerais que cette tradition républicaine ne se perde pas. D'ailleurs, je souhaite que la proposition de loi dont je suis l'auteur, qui va venir en discussion dans quelques minutes, soit considérée avant tout comme une loi de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement. La parole est à M. Jacques Floch. M. Jacques Floch. Monsieur le président, je vous remercie de montrer qu'il y a encore un républicain dans cette assemblée ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, comment corriger ou tenter d'améliorer l'innovation qu'introduit dans notre droit, plus précisément dans notre code de procédure pénale, cette proposition de loi précisant le déroulement de l'audience d'homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ? Comment l'idée d'une simplification destinée à améliorer le fonctionnement de la justice a-t-elle pu nourrir autant de controverses et susciter autant d'affronts de la part de nos plus hautes juridictions ? Le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation et le Conseil d'État : cela fait tout de même beaucoup pour un seul texte. L'idée pouvait pourtant paraître satisfaisante, M. le garde des sceaux et M. le rapporteur l'ont souligné. Les petits délits qui encombrent les tribunaux ne méritent pas tout l'apparat judiciaire. Mais ils ne peuvent pas non plus se satisfaire d'une simple apparence de justice. De quoi s'agit-il ? D'une procédure particulière, qui doit s'appliquer aux « affaires simples et en état d'être jugées ». Un magistrat du parquet reçoit un prévenu qui reconnaît sa culpabilité et lui propose une sanction. Vous avez parlé d'« affaires simples », monsieur le garde des sceaux. Il s'agit tout de même - je cite le rapport - de « conduite sous l'empire d'un état alcoolique, sans permis, sans assurance ou en récidive d'un très grand excès de vitesse, faits pour lesquels la culpabilité est rarement contestée et qui ne causent pas de victime ». S'y ajoutent les « violences urbaines », comme les casses en ville ou les dégradations d'abribus, les « contentieux familiaux », qui sont plus graves encore, tels que « le non-paiement de pension alimentaire » ou même « les violences conjugales », qui peuvent conduire certaines victimes, souvent des femmes, à l'hôpital, ou encore les « contentieux techniques et répétitifs concernant des faits simples et reconnus » : non-respect des règles d'hygiène et de sécurité prévues par le code du travail ou « travail dissimulé », expression intéressante pour parler en fait du travail clandestin. Je rappelle que, en 1997, la lutte contre le travail clandestin avait été considérée comme une priorité nationale. Et voilà qu'on voudrait le juger en catimini, par une procédure rapide, alors même qu'il est passible sur le plan pénal de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende pour les personnes privées et de 225 000 euros d'amende pour les personnes morales. Par quel mystère cette priorité nationale est-elle à présent rangée parmi les « affaires simples » ? Quant à la mention « en état d'être jugées », c'est là que le bât blesse. En effet, une affaire en état d'être jugée devrait être connue du juge. L'aveu du présumé coupable ne suffit pas. Le bât blesse même deux fois, pour ainsi dire, si l'on se demande ce qu'est un jugement dans une société libre, démocratique, équitable ou censée l'être, comme la nôtre. La Commission nationale consultative des droits de l'homme, ainsi que le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation et le Conseil d'État - encore eux ! -, ont rappelé que la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité fait partie intégrante du code de procédure pénale, et ce au chapitre des jugements classiques. Or qui dit jugement classique sous-entend que la justice doit posséder tous ses éléments et attributs : un prévenu à qui l'on reproche un méfait, un avocat pour défendre le prévenu, un procureur pour assurer l'accusation et proposer une sanction, et un juge pour juger, c'est-à-dire pour dire le droit et la sanction équitable. C'est explicite. Tout le reste relève d'une simplification abusive, conduisant immanquablement à des dénis de justice. La tentation de la simplification abusive est venue à M. Perben, mais les hautes juridictions ont mis un frein à ses velléités, que je me permets de rappeler. Pour lui, en effet, l'avocat ? Ni utile ni nécessaire. Cette conception a été retoquée en haut lieu. L'audience publique ? Pour quoi faire ? Là encore, son texte a été retoqué. La présence du procureur tout au long de la procédure ? Encombrante et heurophage, c'est-à-dire mangeuse d'un temps précieux. Vous me permettrez ce néologisme, monsieur le garde des sceaux. Au reste, vous savez que la justice rendue trop vite peut parfois prendre beaucoup de temps, en suscitant de nombreux appels. Doit-on rappeler, enfin, l'article 32 du code de procédure pénale, en vertu duquel toutes les décisions sont prononcées en présence du parquet ? Dès lors, le plaider-coupable n'apparaît plus comme un acte judiciaire. Qu'est-il donc, alors ? Et quels choix s'offrent au législateur ? Le mécanisme du plaider-coupable ou la difficulté d'adapter le droit anglo-saxon, qui négocie tout, même la loi, au droit continental, pour qui la loi est au-dessus de tout marché. Le dispositif de la loi - que je n'appellerai pas « Perben II » pour satisfaire à la demande du président - a tenté cette expérience. Dès lors, il peut présenter deux natures différentes : soit il s'inscrit dans le droit fil de la médiation pénale ou de la composition pénale ; soit il opère une mutation conséquente du rôle du parquet dans le paysage judiciaire. Dans la première hypothèse, le plaider-coupable peut être considéré comme une organisation un peu plus sophistiquée de la composition pénale. Le parquet fait des propositions après avoir entendu l'avocat du prévenu qui reconnaît les faits et accepte la proposition qui lui est faite. Il repose sur un principe bien établi : celui de l'opportunité des poursuites, qui reste le monopole du procureur de la République. Son avantage est d'accélérer le cours de la justice, chaque fois que le procureur l'estime opportun - j'insiste sur ce terme. Dans ce cas, le juge garde son entier pouvoir d'appréciation et la décision d'homologation est une véritable audience. Dans la seconde hypothèse, le juge voit ses pouvoirs rognés et la séance d'homologation perd sa nature d'audience. Il devient un fonctionnaire qui se borne à vérifier que la procédure a été bien suivie. Qui a le pouvoir de juger, dans ce cas ? Essentiellement le procureur. Qui a le pouvoir de finalisation du prononcé de la peine ? Le juge. Ce « couper en deux » est un processus où, à chaque étape, l'espace de recherche est restreint à l'une des deux parties, ce qui est unique dans notre droit, et d'autant plus choquant que le procureur est, certes, un magistrat, mais que son statut actuel le place aux ordres du politique. Le texte voté en 2004 a fait l'objet, d'une part, d'une censure, et, de l'autre, d'une très importante réserve d'interprétation, qui conditionnent la validité du plaider-coupable. La censure tenait au caractère non public de la « séance » d'homologation. Le juge homologue bien en public, au cours d'une audience de plein exercice. Mais quelles sont ses prérogatives ? C'est ici que les réserves émises prennent toute leur importance. Le Conseil constitutionnel a en effet pris soin de rappeler que le juge possède des prérogatives dont il doit se servir et qu'il ne peut homologuer qu'après avoir vérifié la compatibilité de la proposition du procureur avec, au fond, les exigences de l'individualisation de la peine et le droit des victimes. Le juge est donc libre, pour accepter ou refuser d'homologuer la peine qui lui est proposée, d'invoquer sa propre analyse de la nature des faits, qu'il peut requalifier, de la personnalité de l'intéressé, de la situation de la victime ou des intérêts de la société. Il pourra notamment refuser l'homologation si les déclarations de la victime - entendue seulement lors de cette ultime étape - apportent un éclairage nouveau sur les conditions dans lesquelles l'infraction a été commise ou sur la personnalité de son auteur. Ce faisant, le Conseil a rendu à l'ordonnance d'homologation sa nature de jugement, le juge pouvant s'opposer au procureur de la République sur l'appréciation de la peine et, au-delà, sur l'opportunité de recourir au « plaider-coupable ». Les choses ne sont donc pas aussi simples que vous l'affirmiez. Que propose l'article unique de la proposition de loi qui nous est soumise ? Tout d'abord, le mécanisme initial est maintenu. Je rappelle au passage que le procureur de la République peut demander au juge des libertés et de la détention que l'intéressé soit placé sous contrôle judiciaire ou en détention provisoire, ce qui n'est pas rien. Lorsque, en présence de son avocat, la personne accepte la ou les peines proposées, elle est présentée devant le président du tribunal de grande instance qui procède ou non à l'homologation en chambre du conseil. L'ordonnance a les effets d'un jugement de condamnation et est immédiatement exécutoire. Le condamné peut faire appel à titre principal, le ministère public à titre incident, ce qui est encore heureux. La victime, si elle est identifiée, est informée et invitée à comparaître, éventuellement accompagnée de son avocat, en même temps que l'auteur des faits tout au long de l'audience d'homologation. Elle peut se constituer partie civile et demander réparation de son préjudice. Quand même ! Quant aux modifications apportées par la proposition de loi, elles consistent en une petite clarification - l'homologation, ou son refus, est bien rendue au cours d'une audience publique, comme l'imposait la décision du Conseil constitutionnel - et en une absurdité de taille : la présence facultative du procureur à l'audience publique d'homologation. Cette proposition de loi est inacceptable, en droit et en fait. Elle va encore plus loin que les circulaires qui ont pourtant été sanctionnées pour non-conformité à l'analyse du Conseil constitutionnel, puisqu'elle dispose que la présence du procureur est facultative non seulement lors de la décision finale d'homologation, mais également pendant la phase de présentation de la personne devant le juge, pendant l'audition de la personne et de son avocat et pendant la vérification des faits et leur qualification juridique. Cette proposition est inacceptable en droit, disais-je. En effet, l'audience, quand elle est juridictionnelle, implique - et le Conseil constitutionnel a pris le soin de le préciser -non seulement la publicité, mais également la présence du procureur. Au reste, à quoi ressemblerait une audience publique pénale à laquelle assisteraient un juge, une victime et un prévenu accompagné de son avocat, mais d'où serait absent le procureur ? N'est-ce pas faire preuve d'un grand mépris à l'égard du représentant du parquet que de considérer que le magistrat qui a dirigé la procédure jusqu'à ce stade n'est pas tenu d'être présent à l'audience ? N'est-ce pas sous-estimer le rôle des magistrats du parquet, dont il a toujours été dit que leur présence était nécessaire lors du procès pénal ? N'est-ce pas mépriser les victimes qui ne comprendront pas le sens de cette nouvelle procédure particulièrement occulte ? N'est-ce pas mépriser le prévenu qui, en l'absence du procureur, aura bien des difficultés à expliquer le résultat d'une procédure dont il n'a pas eu l'initiative ? Il pourra, certes, expliquer pourquoi il a accepté l'offre qui lui a été faite, mais jamais pourquoi elle lui a été faite. À moins que l'on ne considère son avocat comme un représentant du parquet. La confusion des rôles touche à l'absurde. N'est-ce pas, enfin, mépriser la justice elle-même que de permettre à un magistrat du parquet de dire à son collègue du siège : « Ma proposition est à prendre ou à laisser ; moi, je ne m'y intéresse plus » et à un magistrat du siège de rendre une décision pour des motifs qui, en dépit des recommandations du Conseil constitutionnel, n'auront pas nécessairement été pris en compte par le procureur, et ce en l'absence de celui-ci ? Que devient, dans ces conditions, le principe contradictoire, d'autant plus nécessaire en raison de l'originalité même du « plaider-coupable » ? Pourquoi le juge ne peut-il entendre le procureur au moment de prendre sa décision - le mot audience ne vient-il pas du latin audire, qui veut dire : entendre ? Espère-t-on que l'absence du procureur freinera les velléités du juge ? Peut-on encore parler de procès équitable ? Je pose ces questions, mais j'en connais, comme vous, les réponses. On peut aller très loin dans l'exercice autorisé de l'opportunité des poursuites, mais il est des limites à ne pas dépasser : le procureur ne saurait s'ériger en juge et le juge en greffier. Or c'est ce que propose le texte que ni le Sénat ni la majorité de l'Assemblée, je le crains, n'auront le courage de refuser, malgré la censure et les réserves émises par le Conseil constitutionnel. La leçon n'a pas été comprise et vous proposez un nouveau dispositif qui, en scindant le couple magistrat du siège et magistrat du parquet, tend à reconstituer celui qui a déjà été sanctionné, c'est-à-dire une procédure à l'anglo-saxonne dans laquelle la notion d'audience n'a pas le sens que nous lui donnons de ce côté-ci de la Manche. Cette proposition de loi est également inacceptable en raison de ses conséquences pratiques. Pourtant, mes chers collègues, vous vous apprêtez à voter conforme le texte adopté par le Sénat et à accepter - car vous n'êtes pas dupes - la création de ce qu'il faut bien considérer comme un tribunal d'exception d'un genre nouveau. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Guy Geoffroy. Joli sens de la nuance ! M. Jacques Floch. L'absence de débat contradictoire est en effet exceptionnelle dans notre code de procédure pénale. M. Guy Geoffroy. Vous êtes tellement figés : il faut s'adapter ! M. Jacques Floch. Je ne désespère pas de vous convaincre, mes chers collègues, et cette analyse de Robert Badinter devrait vous faire réfléchir. Le législateur peut, certes, faire bien des choses, y compris prévoir une exception explicite à l'article 32 du code de procédure pénale, qui dispose de façon très générale : « Le ministère public est représenté auprès de chaque juridiction répressive. Il assiste à tous les débats des juridictions de jugement ; toutes les décisions sont prises en sa présence. Il assure l'exécution des décisions de justice. » Ce texte fondamental, vous voulez le modifier à toute force, au motif que le plaider-coupable, ça marche. M. Guy Geoffroy. Onze mille affaires ont été traitées dans ce cadre ! M. Jacques Floch. Sur plusieurs centaines de milliers, mon cher collègue. Au reste, il n'est pas étonnant que ça marche puisque, selon le procureur du tribunal d'Évry, cela va deux fois plus vite. Pensez donc : onze cas en une heure, soit huit minutes par prévenu ! Comment garantir la qualité de la justice quand elle est ainsi expédiée - je ne dis pas expéditive - alors que les individus jugés ne risquent pas, comme en matière de composition pénale, des peines d'amende, mais jusqu'à un an d'emprisonnement ? M. Charles Cova. Si les faits sont patents... M. Guy Geoffroy. Et reconnus ! M. Jacques Floch. Dans ce cas, ce n'est même pas la peine d'avoir recours à la justice ! Le commissaire de police ou le brigadier de gendarmerie peuvent très bien envoyer eux-mêmes l'auteur d'une infraction en prison dès lors que les faits sont patents ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Les infractions sont graves, puisqu'elles peuvent être punies de cinq ans de prison, et les victimes sont parfois durement touchées. Alors, pourquoi avoir déposé un tel texte ? Certes, nous manquons de magistrats et l'organisation de notre justice laisse à désirer, mais ce n'est pas une raison pour légiférer à la va-vite et pour jouer à l'apprenti sorcier. Votre replâtrage ne trompe personne. Cette procédure est un bouche-trou qui présente l'avantage de la rapidité, mais elle n'est guère sérieuse. Vous encourez donc une nouvelle fois la censure du Conseil constitutionnel, car vous violez l'article 66 de la Constitution, les articles 6, 8, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen sur le droit à un procès équitable, ainsi que l'article 34 de la Constitution sur l'égalité des citoyens devant la justice. L'article unique de cette proposition de loi, qui n'apporte aucune précision ni ne fixe de critères susceptibles de fonder la décision du ministère public d'être ou non présent à l'audience au cours de laquelle le juge du siège examine l'affaire, ne pourra échapper à la censure, sauf à faire de l'emploi du temps des magistrats le critère nécessaire et suffisant pour justifier les différences de composition des juridictions répressives. Mais une telle option donnerait une bien piètre image de notre justice. Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, vous voterez l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité. (L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.) M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Anne-Marie Comparini. Mme Anne-Marie Comparini. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l'examen de la proposition de loi sénatoriale précisant le déroulement de l'audience d'homologation de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité nous offre l'occasion de débattre à nouveau de cette procédure nouvelle issue de la loi du 9 mars 2004 et baptisée « plaider-coupable », qui a pour objet de désengorger les tribunaux d'un grand nombre de petits délits qui ne nécessitent pas toujours une audience du tribunal. Nul ne peut le nier, les délais de traitement des affaires, de plus en plus longs et de plus en plus préjudiciables à la société, notamment aux victimes, sont devenus un véritable fléau pour notre institution judiciaire. Il était donc temps de s'attacher à réduire les délais de jugement afin d'accroître son efficacité. Ainsi que le disait le garde des sceaux, le rapport de M. Warsmann, dont je salue la qualité, a bien montré que la nouvelle procédure est de ce point de vue un succès. Bien sûr, sa nouveauté a pu être à l'origine de débuts difficiles dans le monde judiciaire parce que le rôle de chacun des intervenants s'en est trouvé modifié et qu'elle a nécessité une évolution des mentalités. Mais, en un an, elle a connu une incontestable montée en puissance. Les avocats l'ont apprivoisée et les magistrats du siège, qui l'ont mise en œuvre, comme les juges des tribunaux correctionnels considèrent qu'elle offre une réelle valeur ajoutée - allégement des audiences, traitement plus personnalisé de l'infraction pénale - par rapport aux procédures existantes. Toutefois, selon l'avis rendu par la Cour de Cassation et la procédure de référé du Conseil d'État, des risques d'interprétations contradictoires concernant le caractère public de l'audience d'homologation et la présence obligatoire du parquet existent. Il est vrai que l'insuffisante précision des dispositions concernant la CRPC est à l'origine de difficultés pratiques. Or vous conviendrez que notre droit ne peut être source d'incertitude et qu'il ne peut être mis en œuvre dans des conditions qui ne seraient pas homogènes sur l'ensemble du territoire. Nous sommes donc conduits à légiférer une nouvelle fois, afin de clarifier l'article 495-9 du code pénal et de mieux adapter le dispositif à la réalité. C'est ainsi que j'analyse les observations des hautes juridictions. La proposition de loi votée au Sénat nous permet d'être clairs, en premier lieu sur la présence du procureur de la République à l'audience. L'audience d'homologation de la CRPC est une alternative à l'audience correctionnelle ; c'est la logique même du dispositif que nous avons adopté. La présence du procureur n'est, dès lors, plus nécessaire après la phase de proposition et d'acceptation de la peine. Cette argumentation est de bon sens : si le représentant du parquet se contentait, après la phase de proposition et d'acceptation de la peine, de rester muet ou d'indiquer qu'il s'en remet à l'appréciation du tribunal, ce ne serait pas de bonne administration de la justice. J'ajoute qu'en ne rendant pas nécessaire la présence du procureur à l'audience, nous ne révolutionnons pas notre droit : le juge des libertés prononce déjà des peines privatives de liberté hors la présence d'un représentant du parquet. De même, quand le juge des enfants statue à l'encontre de mineurs, la présence du procureur n'est pas obligatoire. En second lieu, la proposition du Sénat nous permet d'affirmer clairement le caractère public de l'audience. Ce point, évoqué lors des travaux préparatoires de la loi de mars 2004, avait alors fait débat entre nos deux assemblées et mon groupe ne peut que se réjouir de voir consacré, par cette proposition sénatoriale, le caractère public de l'audience d'homologation. Dès lors, le groupe UDF votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès. M. Michel Vaxès. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, à la lecture de la proposition de loi du sénateur Laurent Béteille et de son exposé des motifs, je suis plutôt surpris, comme devraient l'être la plupart des juristes avertis, nombreux sur ces bancs. L'auteur de ce texte, adopté en première lecture par le Sénat, nous explique que la mise en œuvre de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité a donné lieu à des difficultés pratiques résultant de l'insuffisante précision des dispositions de l'article 495-9 relatif à l'audience d'homologation. Il rappelle l'avis de la Cour de cassation du 18 avril dernier qui a considéré, au regard de l'article 32 du code de procédure pénale, que le parquet devait assister aux audiences d'homologation. Il ajoute que « dans deux décisions rendues en référé le 11 mai 2005, le Conseil d'État en a jugé de même ». Sa conclusion s'impose donc : « Il paraît dès lors nécessaire de clarifier les dispositions de l'article 495-9. » Mais, paradoxalement, c'est là que tout se complique : « La présente proposition de loi a ainsi pour objet de compléter cet article, afin de préciser - conclut le sénateur Béteille - que la comparution de la personne devant le juge chargé de statuer sur l'homologation fait l'objet d'une audience publique, mais que la présence du procureur de la République à cette audience n'est pas obligatoire ». L'honorable sénateur prend donc délibérément à contre-pied l'avis de la Cour de cassation et les décisions du Conseil d'État, en inscrivant exactement l'inverse dans la loi. Certes, il appartient au législateur de légiférer ; encore faut-il qu'il le fasse dans le souci de la qualité des dispositions qu'il adopte. Or que constatons nous ? Que non seulement le Sénat fait peu de cas de l'application de nos principes juridiques mais, pire, qu'il nous propose d'inscrire dans la loi leur non-application. Il nous demande en effet de voter une proposition de loi dont l'objet n'est rien d'autre que de contourner l'un des principes essentiels de notre procédure pénale : le débat contradictoire. Le Gouvernement a, à l'évidence, décidé de ne pas s'embarrasser du respect de principes à ses yeux trop contraignants et trop encombrants. Il nous avait déjà donné un avant-goût de ces petits arrangements avec la loi dans une circulaire du 19 avril dernier, par laquelle le garde des sceaux appelait les magistrats à contourner l'avis de la cour de Cassation de la veille - circulaire d'ailleurs à l'origine des décisions du Conseil d'État. Il n'a que faire, et c'est bien dommage, de l'avis de magistrats qui font pourtant autorité dans ce domaine. Pourtant, l'article 32 du code de procédure pénale est on ne peut plus clair : « Le ministère public est représenté auprès de chaque juridiction répressive. Il assiste aux débats des juridictions de jugement ; toutes les décisions sont prononcées en sa présence. » Qu'importe ! L'auteur de la proposition de loi, soutenu par le Gouvernement, propose de reprendre la formulation de l'article 464 du même code relatif aux audiences du tribunal correctionnel statuant sur les seuls intérêts civils, dans lesquelles la présence du parquet est facultative. Mais ce caractère facultatif s'explique précisément par le fait que les seuls intérêts civils sont en jeu. Or, en l'espèce, il s'agit de peines pouvant aller jusqu'à un an d'emprisonnement. En décidant la présence facultative du procureur à l'audience d'homologation de la peine, cette proposition de loi va à l'encontre de la bonne marche de la procédure pénale qui devrait rester contradictoire. C'est du moins, jusqu'à ce jour, l'un des grands principes en matière de procédure pénale. Dans le cadre de l'audience d'homologation qui est, comme le rappelle le Conseil constitutionnel, une audience correctionnelle, le ministère public doit soutenir l'accusation comme au cours de toute audience juridictionnelle. Son rôle ne peut se réduire à faire une simple proposition de peine. Puisque dans le cadre de cette audience, une peine privative de liberté peut-être prononcée, le ministère public doit pouvoir justifier sa proposition au regard des faits, de la personnalité de l'intéressé, de l'intérêt de la société et de la victime. Cela devient impossible lorsque le procureur est absent. Sans doute me direz-vous que le fait que la présence du procureur ne soit pas obligatoire ne veut pas dire, a contrario, qu'elle est impossible. Mais, là encore, la précision et la clarté ne sont pas de mise, puisque nous ignorons toujours les critères retenus pour justifier la présence ou non du procureur à cette audience. Le procureur y assistera-t-il en fonction de son envie, en fonction de la peine prononcée, ou encore en fonction de son emploi du temps ? La question a été posée à l'auteur de la proposition et au garde des sceaux lors de l'examen du texte au Sénat. Elle est restée sans réponse. Nous vous la posons donc à nouveau aujourd'hui, monsieur le garde des sceaux L'article unique de cette proposition de loi n'emporte notre adhésion ni sur le fond ni au regard de la méthode. La procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, à laquelle nous nous sommes fermement opposés lors de son institution par la loi de la République Perben II... M. Guy Geoffroy. Il faut les respecter, les lois de la République ! M. Michel Vaxès. ...est une procédure d'urgence, qui vise à éviter les pertes de temps. L'intention est louable et nous la partageons dès lors qu'elle ne remet pas en cause la qualité de la justice rendue. Or, en l'espèce, au nom d'une justice plus rapide, le Gouvernement sacrifie l'un des grands principes de notre procédure pénale. À vouloir rendre la justice dans la précipitation, sans se donner les moyens humains d'y parvenir, notre système judiciaire, tel que le Gouvernement le dessine, s'oriente vers une justice d'abattage qui met à mal les droits des prévenus comme ceux des victimes. À la peine individualisée, vous préférez la punition généralisée, ce qui est grave. Pourtant, l'encombrement des tribunaux, qui se traduit par une trop grande lenteur dans le traitement des affaires, devrait conduire tout législateur raisonnable à s'interroger sereinement sur les raisons de la judiciarisation de notre société et sur les moyens qu'elle se donne pour y faire face. À ces questions, le Gouvernement refuse de répondre. Il n'a qu'un souci : l'accélération des procédures. Mais cela n'est pas sans conséquence. Cette proposition de loi en est la plus parfaite illustration. Malgré nos mises en garde, malgré les critiques des professionnels, le Gouvernement a persisté. Cet entêtement lui a valu les « observations critiques » du Conseil constitutionnel, de la Cour de cassation et du Conseil d'État. Aujourd'hui encore, en dépit de ces décisions et avis, il s'obstine. Rien ne doit venir entraver sa propension à l'abattage, même s'il lui faut contrevenir aux principes fondamentaux de la procédure pénale et aux droits des justiciables. Le souci d'affichage et les intérêts politiques partisans ont pris le pas sur les grands principes républicains, ce qui n'est pas tolérable ! Lorsque le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation et le Conseil d'État rappellent que le ministère public doit être présent lors de toute audience juridictionnelle parce qu'il y va de la qualité de la justice, le Gouvernement, par la voix de M. Béteille, choisit de déroger au principe fondamental du procès contradictoire, poumon du procès pénal. Pour quelle raison ? Parce qu'en l'espèce le respect de ce principe aboutirait à une perte de temps ! Le rapport de la justice au temps, voilà un bien beau sujet de discussion ! Cette proposition de loi, le Gouvernement et la majorité ont décidé de la bâcler. Pour notre part, nous avons une trop haute idée de la justice pour accepter son sacrifice au nom de la rentabilité. Ce n'est rendre service ni aux justiciables, ni aux prévenus, ni aux victimes. Nous voterons donc contre cette proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy. M. Guy Geoffroy. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il me paraît nécessaire de limiter nos propos au contenu et à la portée exacte - certes non négligeable - de cette proposition de loi. M. Philippe Houillon, président de la commission des lois. Très bien ! M. Guy Geoffroy. M. le garde des sceaux et M. le rapporteur ont clairement rappelé les données essentielles du problème. La loi portant « adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité » visait à remédier aux retards pris par la justice dans le traitement de délits pourtant bien identifiés, en raison du fait qu'elle ne disposait pas des moyens nécessaires pour rendre des décisions indispensables à l'ordre public, aux victimes, mais aussi et à certains égards surtout, aux auteurs de ces infractions. Quel est l'objet de la CRPC, si ce n'est de créer, parce que les circonstances et les conditions en sont réunies, un sursaut de responsabilisation de la part de l'auteur des faits ? Le suivi des affaires pénales montre qu'il n'y a pas de meilleur moyen de prévenir la réitération et la récidive que de faire prendre conscience à l'auteur d'une infraction de la gravité et de la dangerosité de son acte. À cet égard, la CRPC est une procédure novatrice, qui permet en outre d'améliorer notablement le fonctionnement de la justice. Près de 150 tribunaux de grande instance en ont, les uns après les autres, mesuré l'intérêt ; à ce jour, quelque 11 000 décisions ont été rendues dans ce cadre et leur nombre va croissant en proportion. Dès le départ, les pourcentages d'homologation se sont situés aux environs des deux tiers, voire de 70 %, pour atteindre aujourd'hui 90 %. Cette validation par les tribunaux montre qu'il s'agit d'une bonne procédure qui renforce la qualité et l'efficacité de notre justice, pour le plus grand bien de l'ordre public, dans l'intérêt des victimes et dans l'intérêt bien compris des auteurs d'infractions. Certains points devaient toutefois être éclaircis. Le Conseil constitutionnel a tout d'abord rappelé, dans une décision faisant suite à l'adoption de la loi initiale, que l'audience d'homologation devait être publique. Dont acte. Il restait à voir comment les juridictions elles-mêmes allaient appliquer le nouveau dispositif. La circulaire appelée à en préciser les contours et le fonctionnement est apparue incertaine dans sa base juridique, ce qui a conduit la Cour de cassation à émettre un avis - et non pas à rendre une décision - et le Conseil d'État à formuler, par deux décisions de référé, une objection majeure concernant la présence du ministère public à l'audience d'homologation. Ceux qui ont lu en toute bonne foi l'avis de la Cour de cassation et les deux décisions du mois de mai en audience des référés du Conseil d'État - et je ne doute pas que vous l'ayez fait, mes chers collègues - ont bien noté que ces deux instances n'ont pas exigé la présence du ministère public. Ils ont simplement relevé qu'en l'absence de formulation explicite de la possibilité pour le ministère public de ne pas être présent à l'audience d'homologation, la circulaire en question n'avait pas un fondement légal suffisant pour être appliquée. Voilà quel est le point de départ. C'est cela qui nous a conduits à la proposition de loi de notre collègue Laurent Béteille, au Sénat. Ce texte a l'ambition, suffisante mais nécessaire, de préciser au sein de l'article en cause du code de procédure pénale, d'une part qu'il s'agira bien d'une audience publique - on le savait depuis la décision du Conseil constitutionnel -, d'autre part que la présence du ministère public n'y sera pas obligatoire. Tout cela est parfaitement cohérent. Comme l'a souligné fort justement Mme Comparini, il s'agit là d'un travail de précision sur un texte dont l'essence même n'a jamais été mise en cause par le Conseil constitutionnel et dont la finalité n'a cessé de progresser dans l'esprit de tous les acteurs de la justice de notre pays. Il nous revient aujourd'hui de mettre un point final à une incertitude juridique grâce à la proposition de loi de notre collègue Laurent Béteille qui a été adoptée par le Sénat. Le groupe UMP propose donc en toute sérénité l'adoption de ce texte dans les conditions qui ont été rappelées par le garde des sceaux et notre rapporteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert. M. Jérôme Lambert. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous abordons, avec cette proposition de loi sénatoriale, un texte au fond assez misérable mais qui reste préoccupant. Il s'agit d'une modification supplémentaire d'un texte fleuve qui a réformé en quelques mois plus de 400 articles du code de procédure pénale. M. Guy Geoffroy. Parce que c'était nécessaire ! M. Jérôme Lambert. Je rappelle que, dans le flot de ces mesures multiples, certaines dispositions nous ont paru suffisamment intéressantes pour être votées. Il en est ainsi des chapitres introduits par le Parlement à l'initiative de notre collègue Jean-Luc Warsmann, et spécialement de ceux relatifs à l'exécution des peines. On aurait pu croire qu'une réforme d'une telle envergure, que l'on soit d'accord ou non avec son contenu, avait été suffisamment étudiée pour présenter une certaine unité, une cohérence et, dès lors, une pérennité appelée de leurs vœux par tous les praticiens du droit, magistrats ou avocats ainsi que par les justiciables. Ce ne fut pas le cas ! À peine votée, cette loi fait, en effet, l'objet de demandes de rectifications multiples. Dans la majorité même, des voix s'élèvent pour proposer de revenir sur certaines dispositions concernant le traitement de la récidive et l'exécution des peines. À peine fait, tout est donc à refaire. C'est bien le signe inquiétant, souvent relevé ces derniers temps au sein de la commission des lois, y compris par son ancien président, vous-même, monsieur le garde des sceaux, qu'en légiférant trop on en vient vite à légiférer mal. Aujourd'hui, vous nous proposez de réécrire les dispositions du plaider-coupable, c'est-à-dire de la procédure de comparution immédiate sur reconnaissance de culpabilité. L' objectif de cette proposition serait de sauver le fleuron de la loi Perben II qui a été dans la pratique judiciaire réduit à quasiment rien. Il s'agissait pourtant de l'une des dispositions les plus fameuses de cette loi du 9 mars 2004. L'affaire est donc grave pour la crédibilité du Gouvernement, lequel se vante encore néanmoins du « succès » de cette mesure, qui n'empêche pas qu'il doive légiférer à nouveau et en urgence sur cette question. Nous légiférons donc aujourd'hui, mes chers collègues, pour rendre facultative la présence du procureur devant le juge de l'homologation de la procédure de plaider-coupable, ainsi saucissonnée en deux temps. Premier temps : les acteurs de la procédure sont le procureur et le prévenu accompagné de son avocat, en l'absence du juge. Deuxième temps : changement de décors, le prévenu et son avocat sont présents devant le juge, mais en l'absence du procureur. À chaque stade de la procédure quelqu'un est donc absent... Est-ce ainsi que l'on garantit une meilleure justice ? L'argument, nous le connaissons : il s'agit d'économiser des postes de magistrats, et spécialement de procureurs, que le Gouvernement et le législateur accablent de tâches supplémentaires depuis peu. Le résultat, on vous en a dit un mot : la procédure cesse de s'inscrire dans la logique de la composition pénale. En revanche, le pouvoir du juge est modifié. Il devra se faire son opinion sans le concours du procureur, ce magistrat dont la fonction est de représenter l'intérêt de la société. Cela semble tellement absurde, dans notre procédure pénale, que les dispositions initialement votées n'ont pu être mises correctement en pratique. Comment en est-on arrivé là ? La loi qui porte adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a été votée dans ces termes : « Article 495-9. - Lorsque, en présence de son avocat, la personne accepte la ou les peines proposées, elle est aussitôt présentée devant le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui, saisi par le procureur de la République d'une requête en homologation. « Le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui entend la personne et son avocat en chambre du conseil. Après avoir vérifié la réalité des faits et leur qualification juridique, il peut décider d'homologuer les peines proposées par le procureur de la République. Il statue le jour même par ordonnance motivée. En cas d'homologation, cette ordonnance est lue en audience publique. » Mais le texte de la loi Perben II promulguée est différent. Les mots « en chambre du conseil » ont en effet disparu et de nombreuses et importantes réserves d'interprétation ont définitivement situé la procédure nouvelle dans le cadre des procédures existantes, telle la composition pénale. C'est que la décision du Conseil constitutionnel, que nous avions saisi à juste titre, a clairement rééquilibré la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, et en a précisé les contours et la nature au moyen de réserves d'interprétation très fournies. Que disent les sages du Conseil Constitutionnel ? La procédure doit être publique ; le juge qui apprécie la proposition peut refuser l'homologation en raison de sa propre appréciation des faits et de la gravité de la peine. Le Conseil y a insisté : le juge de l'homologation conserve une mission pleine et entière et doit, pour répondre aux exigences d'un procès équitable, « vérifier la qualification juridique des faits et s'interroger sur la justification de la peine au regard des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur, la situation de la victime, ou les intérêts de la société. » Le Conseil a également précisé que le juge « pourra refuser l'homologation s'il estime : que la nature des faits, la personnalité de l'intéressé, la situation de la victime ou les intérêts de la société justifient une audience correctionnelle ordinaire ; (...) que le président du tribunal de grande instance pourra également refuser d'homologuer la peine proposée si les déclarations de la victime apportent un éclairage nouveau sur les conditions dans lesquelles l'infraction a été commise ou sur la personnalité de son auteur ; (...) que l'avocat sera présent lorsque l'intéressé reconnaîtra les faits et qu'il recevra la proposition de peine du procureur de la République ». Autant dire que le Conseil constitutionnel a voulu rendre au juge des pouvoirs non dégradés. Comprenez bien le message qui nous a été délivré. La phase d'homologation conserve tout son caractère de jugement, et le juge l'ensemble de ses pouvoirs même si le principe de l'homologation implique une réponse par oui ou par non aux propositions faites. Concrètement, du reste, il aurait pu difficilement en être autrement, sauf à inciter le juge soit à se passer des commentaires du parquet en cas de refus d'homologation, soit à homologuer même en cas de doute. Que l'on soit satisfait ou non par la décision du Conseil, la loi fondamentale, je veux dire la Constitution, voudrait que l'on s'incline. Comme vous n'avez pas voulu le faire, un feuilleton rocambolesque a commencé, qui n'a abouti qu'à discréditer définitivement le précédent garde des sceaux et, au-delà, le Gouvernement. Nous avons d'abord vu un avis défavorable de la Cour de cassation qui ne faisait que tirer les conséquences de l'avis du Conseil constitutionnel. Puis, nous avons vu des annulations partielles ou totales par le Conseil d'État des circulaires d'application qui ont tenté de contourner la décision suprême. Enfin, faisant écho à une remarque rageuse de M. Perben, ce fut, en désespoir de cause, la proposition de loi salvatrice du sénateur Béteille et le recours à la loi de façon précipitée et mal étudiée, puisque ce texte se trouve lui-même en contradiction avec d'autres articles du code de procédure pénale qui resteront aussi en application. Quel symbole ! Quel exemple vous donnez là du respect des principes fondamentaux de notre République ! Sans doute la hiérarchie des normes à laquelle vous êtes attaché comme nous tous, monsieur le ministre, est-elle fondamentale. C'est d'ailleurs cette hiérarchie que je veux évoquer aujourd'hui non pas pour réaffirmer que le peuple est souverain - chacun sait cela - mais pour m'étonner des pratiques du Gouvernement. Que penser de circulaires qui modifient le sens de la loi promulguée ? Pas du bien, assurément ! Et c'est cela, seulement cela que, successivement et à leur place, ont rappelé la Cour de cassation et le Conseil d'État. Il faut bien le comprendre pour apprécier la situation. À cet égard, la réponse du groupe socialiste est claire. Nous sommes choqués de cette manipulation d'arrière-garde des principes fondamentaux, destinée à pallier les carences de réformes coûteuses, et non financées, autant que douteuses. Il n'y a pas de meilleure justice dans cette proposition, il n'y a que du replâtrage d'une situation rendue préoccupante par votre souci de sauver la face au mépris de la justice elle-même. Vous ne rendez pas service à nos institutions en les considérant de la sorte. Pire, vous faites peser sur elle le soupçon de l'instrumentalisation au service d'une simple volonté politique conjoncturelle. Notre justice et nos concitoyens partagent assurément le même désir, celui que les règles et le fonctionnement de celle-ci soient transparents pour garantir l'égalité de tous. Cette proposition consacre le règne d'une justice rendue plus opaque et ne sert pas nos concitoyens. C'est pourquoi nous souhaitons le maintien du texte arrêté par le Conseil constitutionnel. Nous sommes donc opposés à la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. le président. La discussion générale est close. J'appelle maintenant l'article unique de la proposition de loi dans le texte du Sénat. M. le président. Sur l'article unique, je suis saisi d'un amendement n° 1. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir. M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet amendement de suppression de l'article unique s'inscrit dans la logique des interventions de M. Floch et de M. Lambert. Au cours de la discussion de la loi Perben, nous n'avons eu de cesse de répéter que la procédure du débat contradictoire telle qu'elle était instaurée par la reconnaissance préalable de culpabilité ne pouvait pas faire échapper le prononcé de la sanction aux règles fondamentales du droit. Rappelez-vous, monsieur le garde des sceaux, les nuits ardentes que nous avons passées ensemble à débattre de ce sujet lorsque vous étiez encore au banc de la commission... Il s'agissait pour nous de faire valoir que la sanction devait être fixée au regard d'une juste appréciation des faits et de la gravité de l'infraction, selon le principe de proportionnalité des peines. Nous reviendrons, bien sûr, à ce vaste problème lorsque nous examinerons le texte sur la récidive. Sur le fond, nous souhaitions donc l'intervention pleine et entière du juge dans l'homologation. Nous l'avons fait valoir devant le Conseil constitutionnel, et c'est l'honneur de mon premier mandat de député. Le Conseil a ainsi reconnu qu'il appartenait au juge d'assumer la plénitude de ses compétences dans le prononcé du jugement, même s'il s'agit simplement d'homologuer ou de refuser l'accord intervenu entre le prévenu et le parquet. Ce principe ayant été posé par le Conseil constitutionnel et validé ultérieurement par la Cour de cassation, comment imaginer que le débat lors de l'audience d'homologation puisse ne pas être contradictoire, c'est-à-dire se dérouler en l'absence du procureur ? Si nous avons tant insisté pour que l'on renonce à cette proposition de loi, c'est parce qu'elle est inacceptable. Aujourd'hui encore, par le biais de cet amendement de suppression, je vous demande de ne pas persévérer : vous ne pouvez pas à la fois accepter la décision du Conseil constitutionnel, qui reconnaît au juge la plénitude de ses compétences, et refuser que celles-ci s'exercent dans le cadre normal du débat contradictoire, principe de droit fondamental, notamment dans des dispositions du code de procédure pénale auxquelles vous n'avez pas encore touché. Vous ne pouvez pas refuser cet espace de contradiction aux parties, c'est-à-dire à l'action publique, représentée par le parquet, et aux prévenus, représentés par les avocats. Avec cet amendement de suppression, nous renouvelons notre opposition à ce dispositif législatif. M. le président. L'avis de la commission est défavorable. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le garde des sceaux. Je vous remercie, monsieur le président, de me donner l'occasion de répondre aux orateurs et à l'auteur de cet amendement, qui tend à la suppression de l'article unique de la proposition de loi. Le Conseil constitutionnel a demandé deux choses : que l'audience soit publique et qu'il y ait publicité des débats. Pourquoi ? Parce que, comme l'ont rappelé différents orateurs, dont M. Floch, la peine proposée peut être une peine d'emprisonnement. Or, pour le Conseil constitutionnel, une peine de privation de liberté ne peut être infligée en dehors de l'audience publique. Nous sommes d'accord sur ce point. Nous sommes allés plus loin dans cette proposition de loi, puisqu'il y a audience publique dans tous les cas, y compris pour l'homologation d'une peine qui ne prévoit pas de privation de liberté. On ne peut donc pas invoquer l'inconstitutionnalité puisque cette question, qui en était le nœud, est réglée. Quant à la présence du parquet, on peut l'exiger pour la forme. C'est ce que vous faites, à l'inverse du Conseil d'État et du Conseil constitutionnel. De quoi s'agit-il ? Le parquet n'a-t-il pas, dans le cadre de cette procédure, donné son avis ? Bien sûr que si, puisque c'est lui qui propose la peine ! Simplement, il y a deux phases : le parquet propose, et ensuite le juge du siège homologue la peine, dans les deux cas en présence de l'avocat. Le parquet a forcément donné son point de vue. Quant à savoir s'il assiste ou n'assiste pas à l'audience, cela relève uniquement de la volonté du procureur de la République, dans son appréciation de la bonne administration de la justice. En un mot, s'il en ressent le besoin, parce qu'il estime qu'il a des explications à apporter au juge du siège, il assistera à l'audience. Si, pour vous, la question est de savoir si le juge du siège peut donner au procureur l'instruction d'être présent, la réponse est non. Le procureur de la République sera le seul maître de sa présence à l'audience. Enfin, cette procédure est nécessairement conforme à la notion de procès équitable établie par la Cour européenne des droits de l'homme, en ce sens qu'elle est le fruit d'un accord. Franchement, vous sous-estimez son originalité. Dans la justice traditionnelle, nous avons toujours un vainqueur et un vaincu. M. Jacques Floch. Pas en droit pénal ! M. le garde des sceaux. C'est peut-être moins vrai au pénal, mais la peine y est plus ou moins lourde pour le prévenu, comme d'ailleurs aux yeux de la partie civile. On s'estime donc plus ou moins vainqueur ou plus ou moins vaincu. L'originalité de cette procédure est qu'elle sort de la situation habituelle du procès, avec un vainqueur et un vaincu. Elle consiste à reconnaître des faits qui peuvent être graves, comme la violence conjugale, citée par M. Floch, ou toute autre forme de violence, et à accepter la sanction avant même qu'elle ne soit prononcée par le juge. C'est cela qui fait faire à la justice de ce pays un extraordinaire progrès qualitatif. M. Guy Geoffroy. Tout à fait ! M. le garde des sceaux. Je pense que la CRPC prophétise en quelque sorte la justice de demain : sans perdants ni vainqueurs, la justice de demain reposera principalement sur l'accord, comme en matière de médiation ou d'arbitrage. Ce que nous faisons aujourd'hui en matière pénale est une innovation. Face à cette innovation, on distingue ceux qui veulent faire progresser la justice et les conservateurs, qui préfèrent une justice plus formelle. Nous venons de démontrer que l'audience d'homologation serait publique et qu'il y aurait publicité des débats. Par ailleurs, vous avez la certitude qu'un accord a bien eu lieu, ce qui atteste le rôle du parquet. Honnêtement, cette procédure est parfaitement conforme et va même au-delà de la simple conformité aux exigences constitutionnelles formulées par la Cour suprême. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. La parole est à M. Jacques Floch, pour une explication de vote. M. Jacques Floch. Monsieur le garde des sceaux, vous qui êtes un grand professionnel du droit et qui connaissez bien le fonctionnement de la justice, vous savez bien que l'accord, comme vous dites, entre le prévenu et le procureur ou entre le procureur et le prévenu, est un marché - je n'ai pas dit un marchandage. M. Alain Marsaud. C'est un contrat ! M. Jacques Floch. En effet, c'est un peu un contrat commercial et, en matière pénale, cela pose problème ! Vos explications, vous les délivrez dans l'hémicycle parce que vous savez que vos propos figureront au Journal officiel et qu'ils serviront à expliciter la loi lorsque nous irons devant le Conseil constitutionnel défendre nos positions divergentes. Enfin, vous avez une idée derrière la tête - c'est du moins ce qui se murmure - c'est que le juge du siège pourra toujours demander des explications au procureur de la République. Pourquoi ne pas inscrire cette idée dans la loi ? M. le garde des sceaux. Ce n'est pas obligatoire ! M. Jacques Floch. Voilà pourquoi, mes chers collègues, nous ne pouvons pas voter cette proposition de loi. M. le président. Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi. (L'article unique de la proposition de loi est adopté.)
LOCAUX DU CONGRÈS À VERSAILLES Discussion, en troisième lecture, M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, en troisième lecture, de la proposition de loi tendant à mettre à la disposition du public les locaux dits du Congrès, au Château de Versailles. La parole est à M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement. M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement. Mesdames et messieurs les députés, j'ai eu l'occasion d'exprimer hier au Sénat le soutien que le Gouvernement apporte à la réforme qui vous est soumise, que vous avez souhaitée et que vous-même, monsieur le président, avez initiée. L'initiative historique de l'Assemblée nationale permettra de rendre à Versailles son unité et de mettre à la disposition de ses visiteurs de nouveaux espaces d'accueil au sein du monument le plus emblématique de notre patrimoine. Le Gouvernement appuie cette réforme et vous en remercie. Outre son aspect symbolique majeur, elle offre un exemple de politique ambitieuse de valorisation du patrimoine. Elle présente des avantages fonctionnels considérables pour la mise en œuvre du schéma directeur de modernisation de l'accueil du Château de Versailles, approuvé en 2003 par le Gouvernement sous l'appellation significative de « Grand Versailles ». Je le redis aujourd'hui devant vous, le Gouvernement, dans le respect du principe de séparation des pouvoirs, ne souhaite pas intervenir directement dans le débat engagé entre les deux assemblées pour définir précisément les modalités d'une réforme qui touche au cœur de la souveraineté du Parlement et de l'exercice de son rôle constitutionnel. Je m'en remettrai donc, pour l'examen des dispositions qui vous sont soumises, à la sagesse de votre assemblée. Je voudrais toutefois évoquer brièvement certains éléments du dispositif qui vous est soumis et ses conséquences sur l'activité de l'établissement public chargé de la mise en valeur de ce fleuron du patrimoine national. Le maintien de l'affectation parlementaire de la salle du Congrès garantit le respect le plus strict de l'histoire de ce haut lieu de la démocratie parlementaire. L'entretien et la conservation de ces espaces demeureront à la charge et sous la responsabilité des assemblées. J'observe toutefois que cette affectation concerne non seulement la salle mais ses accès. Il est à souhaiter que l'interprétation de ces termes généraux n'entrave en rien la circulation et l'accueil de tous les publics dans le palais, dont l'ouverture à la visite doit être la plus large possible. Enfin, s'agissant des conventions à conclure pour les locaux actuellement occupés, le Gouvernement émet le vœu qu'elles puissent être négociées dans les plus brefs délais afin d'améliorer les conditions d'accueil et de visite au fur et à mesure de l'ouverture des chantiers opérationnels du schéma directeur. Ainsi, la réforme que vous avez voulue, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, et à laquelle le Gouvernement souscrit pleinement, aura atteint son objectif ambitieux : que les citoyens de notre pays et du monde entier se réapproprient ce symbole de notre nation, pour le présent et pour l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. René Dosière. Très bien ! M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, rapporteur. M. Philippe Houillon, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mers chers collègues, je n'estime pas nécessaire, à ce stade de la discussion, de rappeler les raisons historiques qui éclairent le fait que le Parlement est affectataire de locaux dans le Château de Versailles et ses dépendances - environ 25 000 m2 -, situation qui apparaît aujourd'hui de plus en plus incongrue. En revanche, je rappellerai rapidement l'objectif de la proposition de loi, à l'origine de laquelle se trouve notre président, dont je ne citerai pas le nom puisque sa proposition de loi, une fois votée, ne sera pas la « loi Debré » mais la loi de la République. L'Assemblée nationale a donc souhaité rendre au public les locaux dont le Parlement est devenu affectataire. Cette volonté, gouvernée, d'une part, par le souci de prendre acte du fait que ces locaux n'étaient utilisés que pour les réunions du Congrès du Parlement chargé de réviser notre Constitution et, d'autre part, par une meilleure prise en considération d'une bonne gestion publique - qui exige de mettre en adéquation les moyens avec les fonctions de chacun et de permettre au Château de Versailles de retrouver son unité culturelle et juridique -, cette volonté, donc, s'est matérialisée dans une proposition de loi adoptée par notre assemblée en première lecture le 7 avril 2005. Le dispositif retenu permettait de concilier l'affectation de l'ensemble des locaux à l'établissement public du musée et du domaine national de Versailles pour l'accomplissement de ses missions et la préservation des missions constitutionnelles du Parlement réuni en Congrès par la mise à disposition, en tant que de besoin et à titre gratuit, des seuls locaux nécessaires à la tenue des réunions de ce dernier. Le Sénat a examiné la proposition de loi, en première lecture, le 10 mai dernier. Tout en se ralliant à l'objectif fixé par l'Assemblée nationale et par son président, il a quelque peu restreint le champ de la proposition de loi en maintenant aux deux assemblées une affectation permanente de la salle des séances du Congrès et de ses accès. Tout en « sanctuarisant » l'usage de la salle des séances du Congrès, l'Assemblée nationale, lors de la deuxième lecture, intervenue le 9 juin, a préféré, à ce stade de la discussion, revenir à sa position initiale de mise à disposition la plus large possible des locaux que le Parlement occupe à Versailles, tout en garantissant l'usage parlementaire de la salle des séances du Congrès en tant que de besoin. Le Sénat, pour sa part, lors de la deuxième lecture, intervenue le 11 juillet, a fait le choix de conserver la position qu'il avait arrêtée en première lecture. Ainsi, là où l'Assemblée avait choisi de créer une simple mise à disposition gratuite et temporaire des locaux nécessaires à la tenue du Congrès, le Sénat a choisi de revenir à une affectation permanente de la salle des séances et de ses accès, complétée par une mise à disposition des autres locaux nécessaires à la tenue du Congrès du Parlement. Le Sénat a également rétabli, dans une rédaction certes allégée, les dispositions prévoyant que les locaux réaffectés étaient destinés à l'accueil du public ou, lorsqu'ils ne s'y prêtent pas, à l'exercice par l'établissement public de Versailles de ses autres missions. Il a enfin rétabli la disposition imposant de prévoir dans les conventions que les locaux de l'aile du Midi affectés à cet établissement public ne peuvent recevoir aucune modification qui serait susceptible de gêner la tenue des réunions du Congrès. En revanche, il a ajouté que la salle du Congrès pourrait, dans des conditions définies par les Bureaux des deux assemblées et à titre exceptionnel, être utilisée pour des réunions autres que parlementaires. On peut songer, par exemple, à des réunions internationales. Attachée à rendre effective la proposition de loi déposée à l'initiative de M. le président de l'Assemblée nationale votre commission des lois constate que l'objectif consistant à ouvrir au public le plus large possible l'ensemble du Château de Versailles, nonobstant le maintien d'une enclave parlementaire permanente, est atteint par le texte adopté par l'Assemblée nationale tel que modifié par le Sénat. Si certaines dispositions rétablies par ce dernier peuvent paraître - c'est un euphémisme - inutilement méfiantes... M. René Dosière. Voire mesquines ! M. Philippe Houillon, président de la commission des lois, rapporteur. ... à l'encontre de l'établissement public de Versailles, ou encore redondantes, et si le régime juridique applicable aux locaux du Château de Versailles ne rejoint pas une unité idéale, l'intérêt général et le sens des responsabilités qui est le nôtre commandent d'arrêter la navette entre nos deux assemblées et de vous inviter à adopter la proposition de loi dans le texte retenu par le Sénat en deuxième lecture. Lorsque nous aurons adopté cette proposition s'ouvrira une intense période de négociations pour prévoir les modalités de la transition et fixer solidement les conditions de la mise à disposition des locaux nécessaires à la tenue des séances du Congrès. En outre, monsieur le ministre, nous devrons nous rappeler, l'automne venu, que le Château de Versailles aura besoin de moyens budgétaires suffisants pour valoriser les espaces qui lui seront rendus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et du groupe socialiste.) M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Guy Geoffroy. M. Guy Geoffroy. Monsieur le président, mes chers collègues, je serai très bref, car le M. le ministre et le rapporteur ont tout dit. Il est bon de rappeler que seul l'objectif compte. Celui du président de notre assemblée était de rendre au public, en les faisant revenir dans le giron de l'établissement public du Château de Versailles, tous les locaux affectés jusque-là à titre exclusif au Congrès et - il ne faut pas l'oublier -au musée du Parlement. Les deux assemblées n'ont jamais été en désaccord sur l'objectif lui-même. Elles y ont simplement manifesté leur adhésion en des termes différents. Nous avons pensé, tant lors de la première que de la deuxième lecture, que les choses étant très claires au niveau des principes, il convenait d'être suffisamment explicite, mais sans être trop long. Nos collègues sénateurs ont souhaité, lors des deux lectures, être plus précis. Notre rapporteur a utilisé le mot « méfiance ». Je ne sais s'il faut aller jusque là. Mais ils ont pensé qu'un surcroît de précisions donneraient peut-être plus de corps à notre objectif commun. Quoi qu'il en soit, monsieur le président, ce texte met bien les choses en l'état où vous souhaitiez qu'elles soient mises. Premièrement, les locaux seront rendus au public et le Congrès du Parlement pourra y tenir ses réunions lorsque ce sera nécessaire. Deuxièmement - c'est le fond de l'article 2 - des conventions permettront d'assurer à la fois la nouvelle implication de l'établissement public et le contenu de ses obligations. La commission a jugé avec beaucoup de sagesse qu'il fallait faire cesser les navettes, car aucune d'entre elles ne permettrait une amélioration substantielle de l'objectif. Le Gouvernement et le Président nous recommandent la même sagesse. Le groupe UMP votera donc le texte qui nous revient du Sénat sans états d'âme. M. le président. La parole est à M. René Dosière. M. René Dosière. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on a beaucoup raillé, au Palais du Luxembourg, cette proposition de loi, qui est apparue à nos collègues sénateurs comme inutile et secondaire. Il est vrai qu'elle n'est pas de nature à résoudre les problèmes économiques particulièrement graves que la France connaît, notamment en termes d'emplois ou de déficit public. Mais est-elle si inutile ? C'est moins sûr ! Car elle améliorera certainement l'image de la représentation nationale par son caractère symbolique. Et la République vit aussi de symboles. M. Claude Goasguen. C'est vrai ! M. René Dosière. Il s'agit de permettre au Château de Versailles de retrouver pleinement sa vocation de musée - son unité culturelle comme vient de le dire si joliment notre rapporteur -, en restituant à l'établissement public les mètres carrés qu'occupent l'Assemblée nationale et le Sénat, en particulier les logements de fonction mis à la disposition des présidents des assemblées, des questeurs et des secrétaires généraux. À un moment où l'attention de nos concitoyens s'est quelque peu focalisée et continue d'ailleurs à s'intéresser aux abus auxquels donnent lieu, ici ou là, les logements de fonction, il n'est pas indifférent que la représentation nationale s'efforce de clarifier sa pratique et, d'une certaine manière, montre l'exemple. On a pu constater, de ce point de vue, une certaine différence d'appréciation au sein des deux assemblées. Aucune réticence, ici, n'était perceptible, alors qu'on a cru déceler au Sénat une adhésion - comment dire ? - un peu contrainte, au point de susciter quelques réactions d'hostilité déplacée envers notre président. La navette a au moins eu une utilité. Elle a permis, au cours des discussions, de préserver ce symbole républicain qu'est la salle des séances du Congrès de Versailles. Ce n'était pas évident au départ. Aujourd'hui, le Sénat lui-même a insisté pour que l'on évite toute marchandisation des hémicycles législatifs, refusant leur utilisation folklorique et médiatique. C'est un pas considérable vers des pratiques que, pour notre part, nous n'avons jamais acceptées. Le Sénat a même voulu aller plus loin, puisqu'il a souhaité que les assemblées restent affectataires de ces locaux. Je pense, monsieur le ministre, que l'on parviendra à définir assez précisément ce que sont les accès à la salle des séances. Il y a, dans ce texte qui revient du Sénat, une autre précision utile : les bureaux des assemblées pourront, ponctuellement, accorder quelques dérogations. Pour autant, la volonté du législateur ne peut être mise en doute : il ne s'agit pas de dérogations comme certaines de celles évoquées au cours des débats, mais d'une utilisation parlementaire ou qui s'en rapproche. Je crois que nous pouvons faire confiance aux bureaux de nos deux assemblées et souhaiter, si le problème se pose, qu'ils parviennent à se mettre d'accord - même si le texte ne précise pas ce qui se passerait en cas de désaccord persistant. Un élément de ce texte est, à mon avis, superfétatoire, et même un peu mesquin dans sa formulation. Nous rendons les logements à l'établissement public, mais il ne faudrait pas qu'il les utilise à son tour comme tels. Était-il utile d'inscrire ces précisions dans la loi ? J'aurais préféré, pour ma part, que l'on supprimât cette partie du texte. Mais, dans ce cas, la navette se serait poursuivie. Vous n'avez pas souhaité, monsieur le ministre, - je ne sais si telle est la pratique coutumière du Gouvernement -réunir une commission mixte paritaire sur un texte qui concerne directement les assemblées. Dès lors, si nous n'avions pas adopté un texte conforme, la navette aurait pu se poursuivre indéfiniment. Peut-être certains n'attendaient-ils que ces délais supplémentaires. Il m'a donc semblé préférable que nous mettions un terme à cette navette, en adoptant tous ensemble ce texte, qui deviendra ainsi une loi de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini. Mme Anne-Marie Comparini. Monsieur le président, je n'utiliserai pas la totalité de mon temps de parole car, comme l'a indiqué M. le rapporteur, nous nous retrouvons en troisième lecture sur une proposition claire : les locaux du Congrès sont remis à l'établissement public de Versailles. Le Parlement pourra, bien entendu, les utiliser en tant que de besoin. C'est une décision bienvenue. L'État doit être modeste, ce qui ne l'empêche pas d'être moderne. Et l'ouverture des symboles de notre République au public en est un des aspects. Nous avions vu en deuxième lecture que des conventions d'application nous permettraient de régler dans le détail ce transfert. J'avais apprécié la pureté cristalline de la proposition de l'Assemblée en deuxième lecture mais, comme l'ensemble de mes collègues, je conçois qu'il faut, à un moment donné, mettre fin à des navettes sur un sujet aussi simple, alors que nous avons tant de préoccupations plus graves. Je me rallierai, comme les collègues des autres groupes, au dernier texte qui nous est soumis. M. le président. La discussion générale est close. J'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux Assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique. M. le président. Je mets aux voix l'article 1er. (L'article 1er est adopté.) M. le président. Je mets aux voix l'article 3. (L'article 3 est adopté.) M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, permettez-moi d'observer, mes chers collègues, que grâce au Parlement, le Château de Versailles, inscrit par l'UNESCO au patrimoine mondial de l'humanité, retrouve ainsi son unité avec la restitution à l'établissement public de Versailles et au public de l'aile des Princes et de l'aile des ministres. En quatre mois et demi, il a été mis fin à une situation qui, pour être intimement liée à l'histoire parlementaire, ne correspondait plus aux besoins réels du Parlement et risquait d'apparaître comme la continuation de privilèges indus. Comme l'a dit très élégamment le président de la commission des lois, l'objectif que l'Assemblée nationale s'était assigné a, malgré certaines réticences ou certaines résistances, été atteint. C'est cela l'essentiel. Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi. (L'ensemble de la proposition de loi est adopté.) M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES M. le président. Mercredi 13 juillet 2005, à neuf heures trente, première séance publique : Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de sauvegarde des entreprises : Rapport, n° 2459, de M. Xavier de Roux ; Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale : Rapport, n° 2437, de M. Maurice Giro ; Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 2465, portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique : Rapport, n° 2468, de M. Pierre Morel-A-L'Huissier au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. À quinze heures, deuxième séance publique : Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie : Rapport, n° 2466, de M. Gilles Carrez ; Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises : Rapport, n° 2464, de MM. Serge Poignant et Luc-Marie Chatel ; Éventuellement, discussion, en troisième lecture, du projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale. La séance est levée. (La séance est levée à dix-sept heures trente.) Le Directeur du service du compte rendu intégral jean pinchot |