Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2004-2005)

 

Deuxième séance du jeudi 25 novembre 2004

73e séance de la session ordinaire 2004-2005


PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

COHÉSION SOCIALE

Suite de la discussion d'un projet de loi
adopté par le Sénat après déclaration d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, après déclaration d'urgence, de programmation pour la cohésion sociale (nos 1911, 1930).

La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué aux relations du travail, monsieur le secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes, mes chers collègues, avant que ne s'engage la discussion des articles, je voudrais préciser très brièvement les conditions dans lesquelles j'ai appliqué l'article 40 de la Constitution aux 955 amendements déposés pour enrichir ce projet de loi. Je précise tout de suite qu'une soixantaine d'entre eux seulement ont été déclarés irrecevables, soit 6,8 % du total. Cela laisse donc une large place au débat.

Quels sont les points sur lesquels l'article 40 a dû s'appliquer ? En ce qui concerne d'abord les dispositions du texte relatives à la promotion de l'emploi - et en particulier l'article 1er, relatif au rôle des acteurs du service public de l'emploi -, je me suis montré très souple, conformément à la volonté légitime du Gouvernement. Il convient en effet de laisser une place aux initiatives locales, notamment s'agissant des maisons de l'emploi.

En revanche, les amendements prévoyant une aide automatique de la part de l'État ou des régions dans le cadre des contrats d'aide sont irrecevables lorsqu'ils vont clairement au-delà du texte. Il en est de même pour l'ANPE et pour l'UNEDIC : les amendements aboutissant à augmenter l'indemnisation au titre du chômage ou limitant la portée des dispositifs en vigueur en matière de contrôle des demandeurs d'emploi ont été écartés.

L'article 40 ne permet pas non plus d'augmenter le champ d'intervention de l'ANRU, par exemple pour la construction de logements destinés à l'accession sociale à la propriété. Les aides au logement, et notamment l'APL, ont fait l'objet d'amendements très importants qui, bien qu'ils aient été adoptés par la commission, représentent indiscutablement un coût pour le budget de l'État. Toutefois, rien n'empêche le Gouvernement de les reprendre. Je pense particulièrement à la proposition sur le versement trimestriel de l'APL, pour en faire bénéficier des personnes supplémentaires, ou à celle visant à supprimer le délai de carence. Tout cela va au-delà de l'enveloppe budgétaire, pourtant considérable, prévue par le Gouvernement pour son plan de cohésion sociale.

Cette loi de programmation donne une valeur normative aux engagements du Gouvernement d'ouvrir des crédits budgétaires ou de construire des logements sociaux. Je n'ai donc pas accepté les amendements qui, en allant au-delà de la programmation prévue, seraient source de charges publiques supplémentaires pour l'avenir.

Enfin, les amendements qui tendent à diminuer une ressource publique - ce qui est plus facile - doivent être impérativement gagés, et si possible bien gagés. J'ai encore accepté, à titre pédagogique, d'en gager moi-même la plupart pour que le débat ait lieu. Mais, et chacun doit en prendre conscience, une perte de recettes n'est pas anodine dans le contexte budgétaire actuel, surtout si l'on tient compte de la multiplication de niches fiscales et sociales, pourtant déjà trop nombreuses. Je souhaite, dans ce domaine, que chacun prenne à l'avenir ses responsabilités.

Ces quelques rappels de règles, que certains d'entre vous connaissent bien, permettront peut-être de limiter les suspensions de séances relatives à l'application de l'article 40 - même si j'en doute. (Sourires.)

Discussion des articles

M. le président. J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

Avant le titre Ier

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 494, portant article additionnel avant le titre Ier.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir cet amendement.

M. Francis Vercamer. Mes chers collègues, nous nous préparons à un large débat sur la cohésion sociale, qui nous conduira à aborder des problèmes de procédures, de dossiers, d'institutions. Mais, et nous ne devons pas l'oublier, la cohésion sociale est avant tout une réponse à l'exclusion, ce qui signifie qu'elle concerne d'abord l'homme au sein de la société. Cet amendement tend donc à inscrire, dès le début du texte, le principe selon lequel le citoyen est au cœur des dispositifs institutionnels de lutte contre l'exclusion ; il rappelle que le but de la cohésion sociale est d'accompagner l'homme, dans sa dignité et sa diversité.

J'ai déposé un certain nombre d'amendements relatifs à discrimination, qui seront également autant d'occasions de traiter des problèmes humains plutôt que des institutions ou des équipements. L'homme passe avant les dossiers.

M. Jean-Claude Sandrier. Et avant le fric !

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 494.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. La commission a lu cet amendement avec beaucoup d'intérêt. Le citoyen doit, c'est évident, être placé au cœur des politiques de l'emploi, du logement et de la lutte contre l'exclusion, de même qu'il doit l'être au cœur des politiques de santé ou de toute politique. Mais ne sommes-nous pas, en tant que députés, ses représentants ?

Mme Claude Greff. Bien sûr !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Tout en appréciant son esprit, la commission a donc jugé que l'amendement ne trouvait pas sa place dans le projet de loi et a donné un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux relations du travail, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 494.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Le Gouvernement partage, monsieur le député, l'idée selon laquelle le citoyen doit être le cœur, plutôt que l'objet, des politiques de l'emploi. C'est d'ailleurs le sens de toute action publique.

Nous aurons, au cours de la discussion, l'occasion de parler d'instances représentatives susceptibles de répondre à vos préoccupations. C'est la raison pour laquelle je vous invite à retirer cette proposition d'article additionnel, au bénéfice du travail que nous allons accomplir dans les prochaines semaines.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 494.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 1er.

La parole est à M. Jean-Paul Anciaux.

M. Jean-Paul Anciaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en matière de cohésion sociale, trois approches sont possibles : l'une, de nature idéologique ; la deuxième, théorique ; et la troisième, pragmatique.

L'évocation des difficultés rencontrées par nos concitoyens, confrontés au chômage ou, pour les plus jeunes, aux problèmes d'insertion, peut faire l'objet d'une vision idéologique, fondée sur l'idée d'une société modèle permettant à tous d'être heureux, dans l'entreprise comme dans la vie, et souvent accompagnée d'un argumentaire démagogique, fallacieux et mensonger. En effet, si une telle société pouvait exister, nous la connaîtrions déjà.

L'approche théorique tente d'inscrire sur un document tout ce qu'il convient de faire, de ne pas faire, ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas, ce que l'organisation de la société doit apporter aux uns et aux autres. Quel que soit le niveau de responsabilité de celui qui adopte cette approche - qu'il soit membre du Parlement et dispose d'une représentativité nationale, ou qu'il agisse au sein d'une collectivité territoriale, d'une commune -, celle-ci donne lieu, en règle générale, à une organisation de type « usine à gaz » et à un excès de réglementations et de contraintes difficilement applicables.

La troisième est l'approche pragmatique, et c'est, je crois, celle choisie par le Gouvernement. Que se passe-t-il réellement sur le terrain, dans les bassins d'emploi ? Comment s'articulent l'information sur la formation, l'accompagnement, l'aide, l'accueil et l'orientation des demandeurs d'emploi ? À partir de telles questions, le projet de loi pour la cohésion sociale préconise un certain nombre d'éléments pragmatiques à l'usage de tous.

Il en est ainsi, d'abord, du dossier unique. Le demandeur d'emploi n'aura désormais plus l'obligation de pousser une porte, celle de l'ANPE, puis une autre - celle de la mission locale s'il a moins de vingt-six ans, celle de la mission d'information sur la formation et l'emploi, etc. Il n'aura qu'un seul interlocuteur et un dossier unique.

J'évoquerai tout de même ce point, même s'il paraît peu important, simple et plein de bon sens. Mais, telle est la réalité. Avant, cela ne se passait pas ainsi. Vous avez voulu simplifier les démarches des demandeurs d'emploi.

Quant à la convention pluriannuelle ANPE-État-UNEDIC, elle permettra que s'engage une réflexion entre les acteurs intéressés, les acteurs décideurs, chacun apportant ses suggestions, son expérience, ses critiques et ses propositions. Je souhaiterais, quant à moi, que vous envisagiez d'y associer l'AFPA.

M. Maxime Gremetz. Il faut de grandes maisons !

M. Jean-Paul Anciaux. En effet, si l'emploi est premier, la formation est seconde et au service de l'emploi. Je soutiens donc votre démarche, qui va dans le bon sens.

Concernant la lisibilité, la création des trois cercles permettra de rendre l'ANPE plus performante et rendra son organisation compréhensible par nos concitoyens.

Ainsi, le premier cercle réunit l'ANPE et les représentants de l'État, auxquels vous avez adjoint l'UNEDIC. Cette démarche collective est essentielle, puisque la structure permet aux demandeurs d'emploi de rechercher formation et activité. L'UNEDIC est, quant à elle, chargée d'indemniser les chômeurs. Le rapprochement de ces deux structures est, de mon point de vue, une bonne chose ; il y va de l'intérêt de nos concitoyens.

Deuxième cercle : il est nécessaire d'impliquer tous les acteurs de terrain qui concourent à l'accueil, à l'information et à sa diffusion et, enfin, à l'orientation des demandeurs d'emploi. Ces structures composeront ces maisons de l'emploi. La liste ne doit pas être exhaustive. Tous ceux qui, à quelque niveau que ce soit, interviennent sur le terrain dans les domaines de l'information, de l'orientation et de l'emploi doivent y figurer. Je vous félicite donc, là encore, pour cette démarche intelligente et pragmatique.

Le troisième cercle est un élément nouveau et important et concerne l'arrivée officielle sur le front des préoccupations des collectivités territoriales. Les élus locaux - certains siègent aujourd'hui dans cet hémicycle - sont systématiquement sollicités par leurs concitoyens dans leurs permanences. Les collectivités sont désormais obligées de s'impliquer dans ce domaine. Cette obligation est le symbole de leur engagement dans le grand défi qu'elles doivent relever : celui de l'information, de l'emploi, au plus près de nos concitoyens.

Cet article 1er est donc essentiel et précis. Il met en œuvre ce plan de cohésion sociale, qui répond aux attentes de nos concitoyens.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Très bien !

Rappels au règlement

M. Maxime Gremetz. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un rappel au règlement.

M. Maxime Gremetz. Je demande, monsieur le président, une suspension de séance pour permettre au ministre et à nos collègues inscrits sur l'article de nous rejoindre. En fait, nous ne sommes que deux inscrits à être présents. Alors que débute l'examen des amendements, il est pour le moins léger que le ministre de la cohésion sociale ne soit pas là ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous n'avons jamais commencé l'examen d'un texte aussi fondamental en l'absence du ministre de tutelle !

M. Charles Cova. C'est vraiment faire peu de cas du ministre délégué et du secrétaire d'État !

M. le président. Monsieur Gremetz, vous venez de faire un rappel au règlement. Vous représentez votre groupe, la suspension de séance est donc de droit. Permettez-moi néanmoins de vous faire observer que les collègues inscrits sur un article, absents au moment où ils devraient s'exprimer, perdent leur tour de parole.

M. Maxime Gremetz. Je ne veux pas qu'ils perdent leur tour et je ne veux pas que le ministre ne soit pas là !

M. le président. Certes, monsieur Gremetz, mais vous ne représentez pas les orateurs du groupe UMP !

M. Maxime Gremetz. Je ne les représente pas, mais je demande une suspension de séance pour leur permettre d'arriver !

M. le président. Votre première demande de suspension de séance, pour permettre à certains collègues de l'UMP de nous rejoindre, n'est pas fondée.

Quant au Gouvernement, il est représenté par M. Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Tous les ministres chargés du secteur social n'ont pas l'obligation d'être présents !

M. Maxime Gremetz. Je ne sous-estime pas les ministres présents. Telle n'est pas la question. Mais il est inconcevable d'examiner un plan Borloo en l'absence de M. Borloo ! De mémoire de parlementaire, je n'ai jamais vu cela ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Roy. C'est vrai !

Mme Claude Greff. Ce n'est pas un plan Borloo !

M. Jean-Michel Fourgous. C'est un plan pour les personnes en difficulté !

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour un rappel au règlement.

M. Gaëtan Gorce. Je m'associe aux remarques de mon collègue Maxime Gremetz.

L'absence du ministre, lorsque notre collègue Patrick Roy présentait l'exception d'irrecevabilité, nous a déjà étonnés. Il n'est toujours pas présent, alors que le débat s'engage sur les articles. Comme nous l'avons déjà souligné, il est clair que son plan de cohésion sociale était destiné aux médias. Il a autre chose à faire qu'à débattre avec les députés ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il est plus intéressé par ce qui se passe à la télévision ou à la radio. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs.) Il est scandaleux de traiter ainsi la représentation nationale ; je me permets de le faire remarquer ! (Mêmes mouvements.) Si cela provoque les irritations et les criailleries de la majorité, c'est son affaire. Nous dénonçons ce comportement inacceptable, qui n'est pas respectueux de la représentation nationale ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Rodolphe Thomas.

M. Rodolphe Thomas. Mes collègues de l'opposition devraient faire un tant soit peu preuve d'un minimum de responsabilité. MM. Larcher et Hénart sont présents.

M. Maxime Gremetz. Il n'y a qu'un ministre !

M. Rodolphe Thomas. Ils sont à même de répondre à nos questions et représentent excellemment le Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)

M. le président. Un peu de calme, chers collègues !

M. Rodolphe Thomas. Ils ont montré qu'ils étaient en mesure de remplacer M. le ministre Borloo en son absence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Anciaux.

M. Jean-Paul Anciaux. Il s'agit du plan de cohésion sociale. Si les journalistes ont appelé le plan de cohésion sociale « plan Borloo », c'est leur affaire et non celle des parlementaires !

Mme Claude Greff. Exactement !

M. Jean-Paul Anciaux. En revanche, je persiste et je signe, M. Larcher, ministre délégué aux relations du travail, est dans l'hémicycle et M. Hénart, secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes, va nous rejoindre. Nous pouvons donc parfaitement, aujourd'hui, dans cet hémicycle, faire notre travail de parlementaires et débattre de cet important dossier de la cohésion sociale !

M. le président. Je vais, mes chers collègues, suspendre la séance pour cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. L'article 1er est un article important du texte, à défaut de l'être pour la politique de l'emploi. Il résume en effet les objectifs du Gouvernement en la matière, mais c'est tout à fait insuffisant puisque, face à une situation économique et sociale extrêmement dégradée, les mesures sont inadaptées, en tout cas en proportion. On réforme le service public du placement - après tout, pourquoi pas ? -, en le redéfinissant et en associant d'autres acteurs. Nous avons d'ailleurs déposé des amendements pour préciser la responsabilité des uns et des autres et notamment distinguer celle de l'État de celle des autres intervenants. Mais les fameuses maisons pour l'emploi, qui peuvent être ici ou là des initiatives utiles puisqu'elles visent à rapprocher les différents interlocuteurs, ne peuvent pas à elles seules se substituer à une politique locale de l'emploi, qui n'est même pas esquissée.

On en annonce 300, c'est manifestement trop peu pour jouer le rôle de la référence que vous prenez habituellement du job center plus, c'est-à-dire des structures de proximité pour les demandeurs d'emploi. S'il s'agit de leur confier une mission de pilotage de la politique de l'emploi, les responsabilités qui sont les leurs sont trop mal définies. Il n'est pas admissible qu'elles se substituent aux structures du service public de l'emploi. Il n'est pas imaginable par ailleurs que des représentants d'employeurs puissent diriger ces maisons pour l'emploi, dans lesquelles des personnels seraient mis à disposition par le service public de l'emploi, ou donner indirectement des instructions à l'agence locale pour l'emploi ou à ses services.

Je pourrais malheureusement prendre de nombreux autres exemples.

Nous ne refusons pas le dispositif, mais nous défendons une organisation alternative. Nous voulons notamment rapprocher davantage l'ANPE, l'UNEDIC et l'AFPA pour que les prestations soient plus complémentaires. Il faut aussi clarifier la donne au plan local, en s'appuyant principalement sur les agences locales pour l'emploi. On pourrait redéfinir leurs missions, leurs objectifs et leurs moyens et en faire le pivot autour duquel s'organiseraient les autres interlocuteurs, les collectivités territoriales si elles le souhaitent, dans le respect de leurs compétences, et, naturellement, les partenaires sociaux ou les autres organismes. Il faut enfin faire le maximum pour permettre de créer sur le terrain des guichets de proximité réunissant les ASSEDIC et l'ANPE pour que les chômeurs et les différents acteurs locaux puissent bénéficier de ce service.

Ça, ce serait une politique territoriale de l'emploi, mais ce n'est pas du tout ce qui est dans le texte. Nous avons, dans l'improvisation, un empilage de différentes mesures, à partir sans doute de l'expérience de Valenciennes. C'est peut-être une référence en soi, mais cela ne peut suffire à nous faire considérer que ce sont les moyens d'une politique offensive et efficace.

Si nous souhaitons mettre en place une vraie politique locale de l'emploi, il faut aussi une politique nationale de l'emploi, car la solution ne viendra pas simplement de cette construction bizarroïde que sont les maisons de l'emploi, sorte de maisons des miracles que l'on nous propose pour résoudre tous les problèmes. Ce qui compte aujourd'hui, ce sont les moyens que l'on met pour avoir une politique qui ne soit pas d'accompagnement social mais de soutien effectif à la croissance et de création d'emplois, et, de ce point de vue, nous ne voyons rien dans ce texte.

Proposer des emplois et notamment des emplois aidés, y compris dans le secteur marchand, sans soutien à la création d'emplois, c'est théoriser une voie sans issue.

Pour ces différentes raisons, nous souhaiterions que l'article 1er soit profondément revu. Je doute que nous y arrivions dans le débat qui va s'engager. Nous défendrons un grand nombre d'amendements positifs pour tenter d'apporter de véritables solutions. C'est dans cet esprit que nous interviendrons mais je voulais d'abord souligner en introduction que la solution préconisée est totalement inadaptée vu l'ampleur des problèmes.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. M. Anciaux nous a expliqué qu'il ne fallait pas avoir une vision idéologique ou théorique mais être pragmatique. N'oublions tout de même pas que la principale cause du chômage, c'est le manque d'emplois, et que les chômeurs n'en sont pas responsables.

Par ailleurs, même si c'est un peu atténué aujourd'hui par rapport aux discours qui pouvaient être tenus jusqu'à il y a dix-huit mois, je m'étonne un petit peu de cette hiérarchie qui voudrait que, pour l'emploi, le meilleur secteur soit le secteur marchand, les autres arrivant en dernier ressort quand on ne peut pas faire autrement. Nous allons être confrontés à des départs en retraite massifs dans tous les secteurs.

M. Jean-Paul Anciaux. Eh oui !

Mme Martine Billard. Des emplois seront proposés dans le secteur public et dans le secteur associatif comme dans le secteur marchand. Pour moi, il n'y a pas de hiérarchie...

M. Jean-Paul Anciaux. Si !

Mme Martine Billard. ...entre ces trois secteurs de notre économie.

Cela dit, quand on veut traiter du chômage, la première chose dont il faut se préoccuper, ce sont tout de même les personnes au chômage. Il faut les remettre au cœur des politiques, de la réflexion et des dispositifs,...

M. Jean-Paul Anciaux. C'est ce qu'on fait !

Mme Martine Billard. ...et commencer par éviter de multiplier les dispositifs. Quand on est au chômage, on doit souvent déjà lutter pour sa survie quotidienne, payer le loyer, les diverses factures et son alimentation, et il reste peu de temps pour chercher un emploi. Il ne faut pas oublier cet aspect, qui me paraît fondamental. Si, en plus, on multiplie les dispositifs, c'est invivable.

Si les maisons de l'emploi doivent coordonner les différentes structures sur l'ensemble du territoire, cela peut être une bonne chose,...

M. Jean-Paul Anciaux. Très bonne !

Mme Martine Billard. ...mais j'en doute tellement leur structure est fluctuante. En commission, on l'a vu, chacun avait sa définition. En plus, s'il n'y en a que 300 pour tout le territoire national, je ne vois pas très bien comment on pourra coordonner l'ensemble du dispositif.

M. Jean-Paul Anciaux. Nous allons le faire !

Mme Martine Billard. Quand vous écrivez par ailleurs que les maisons de l'emploi peuvent obtenir des aides de l'État, ce n'est pas une obligation. Cela veut-il dire qu'elles ne recevront plus d'aide l'an prochain ? On ne peut qu'être inquiet avec une telle formule.

Le principal, quand on est au chômage, c'est de garder espoir, mais il faut que cela soit possible. De ce point de vue, autant on aurait pu tirer un bilan des CIF collectifs et individuels et essayer de les améliorer, autant je ne suis pas convaincue que ce soit une très bonne idée de les supprimer totalement et de ne plus rien offrir comme dispositif de formation indépendant des contrats aidés. Les CIF individuels permettaient à des personnes ayant des profils très spécifiques de compléter leur parcours professionnel et de reprendre pied sur un emploi différent, - je pense notamment à des demandeurs d'emploi ayant déjà un parcours professionnel assez long. Les chômeurs n'auront désormais le choix qu'entre un contrat aidé et un autre contrat aidé, passage obligé, sans garantie de formation. Cela me paraît être plutôt une régression qu'une amélioration de la situation.

Enfin, on sait que, pour accéder à l'emploi aujourd'hui, l'un des problèmes pour toute une partie de notre population, ce sont les discriminations, discriminations en raison de l'âge, discriminations envers les femmes ou envers les jeunes venant de cités ou de quartiers difficiles, ou ne correspondant pas au profil idéal de l'emploi marchand.

M. Jean-Paul Anciaux. Nous sommes d'accord !

Mme Martine Billard. Or il n'y a rien dans ce texte.

M. Jean-Paul Anciaux. Si !

Mme Martine Billard. Il n'y a rien par exemple pour aider les femmes seules qui ont des problèmes de garde d'enfants à reprendre le travail. On sait que c'est l'un des principaux obstacles.

Mme Claude Greff. C'est prévu justement !

Mme Martine Billard. Je ne vois aucune proposition pour améliorer la garde des enfants.

M. Jean-Paul Anciaux et Mme Claude Greff. C'est dans le texte !

Mme Martine Billard. Non, il n'y a rien qui soit à la hauteur de ce qu'il faudrait.

Il n'y a rien non plus sur la prise en charge des frais de transport. Cela peut être un obstacle...

Mme Claude Greff. La région le demande !

Mme Martine Billard. Pas toujours !

Bref, qu'il s'agisse des maisons de l'emploi ou de la volonté globale de prendre en charge l'ensemble des freins à la reprise d'un emploi, l'article 1er aborde tous les problèmes de façon totalement incomplète.

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. Incontestablement, c'est un article important, et je n'ai rien compris à l'argumentation de M. Anciaux...

M. Jean-Paul Anciaux. Je vais vous réexpliquer !

M. Jean Le Garrec. ...faisant la distinction entre idéologie, théorie et pragmatisme.

M. Jean-Paul Anciaux. C'est pourtant simple !

M. Jean Le Garrec. Je suis prêt à me battre sur des convictions idéologiques, mais, quand on parle de ce genre de problèmes, j'ai plutôt tendance à les regarder de manière extrêmement pragmatique.

M. Jean-Paul Anciaux. C'est ce que nous avons fait !

M. Jean Le Garrec. J'ai été ministre de l'emploi, responsable d'entreprise, responsable de la commission des affaires sociales. Je me bats depuis des années pour le guichet unique, ...

M. Jean-Paul Anciaux. Très bien !

M. Jean Le Garrec. ...qui se heurte aux difficultés que l'on sait, et, dans la loi contre les inégalités, j'ai fait jouer au CCAS un rôle important.

Cela dit, habitude souvent chère à l'administration française, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

M. Jean-Paul Anciaux. C'est l'inverse !

M. Jean Le Garrec. Non, justement ! Cet article introduit une complexité énorme.

Mme Claude Greff. Non !

M. Jean Le Garrec. On additionne des conventions et des responsabilités, on mélange les compétences régaliennes de l'État, qu'il ne faut jamais abandonner, avec celles des collectivités territoriales, on laisse de côté le PARE, qui avait comme objectif de représenter un guichet unique, monsieur Anciaux, dans lequel les trois éléments clés, - le placement, l'indemnisation et la formation - étaient abordés.

Au lieu de cela, vous réinventez une véritable usine à gaz dont je ne vois pas comment elle fonctionnera. Au lieu de partir de ce qui avait été négocié - difficilement, d'ailleurs - avec les organisations syndicales et les entreprises, et, si nécessaire, d'améliorer et de compléter le dispositif pour l'ajuster, vous réintroduisez un ensemble qui sera très difficile à maîtriser. Cela me semble une erreur fondamentale.

Enfin, l'ouverture du marché au privé peut poser des problèmes redoutables. On peut, en effet, appliquer deux formes de traitement aux demandeurs d'emploi, selon qu'ils seront faciles à intégrer dans le marché du travail - ce qui peut être un marché important pour le privé - ou plus difficiles à employer.

Votre dispositif me semble bâti dans la précipitation et très technocratique.

M. Jean-Paul Anciaux. Ah non !

M. Jean Le Garrec. Vous avez le droit de ne pas être de mon avis, mais j'ai le droit de le dire !

L'expérience montrera qu'il s'agit d'une erreur. J'ajoute que trois cents maisons de l'emploi, c'est trop...

M. Jean-Paul Anciaux. Ou pas assez ! (Sourires.)

M. Jean Le Garrec. ...ou trop peu !

M. Jean-Paul Anciaux. C'est une boutade ?

M. Jean Le Garrec. Dans le Nord, il faut un lieu par bassin d'emploi, soit quarante lieux, et autant dans le Pas-de-Calais, soit déjà quatre-vingts. Ça n'a pas de sens ! Que voulez-vous que je fasse avec une seule maison de l'emploi ?

Votre approche parfaitement théorique, qui croit s'appuyer sur du pragmatique, va se solder par une incapacité de fonctionnement. Monsieur Anciaux, puisque vous allez, semble-t-il, être responsable de ce dispositif, je vous en félicite, mais je dois aussi vous dire que le débat avec vous sera difficile. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. M. Maxime Gremetz, inscrit, n'ayant pas encore rejoint l'hémicycle, je donne la parole à M. Rodolphe Thomas. On ne pourra pas reprocher à la présidence de manquer d'indulgence ! (Sourires.)

M. Rodolphe Thomas. Il doit être clair que ce nombre de trois cents maisons de l'emploi est un minimum. Il conviendra d'apprécier, en fonction des bassins d'emploi, s'il doit y en avoir trois cents, quatre cents ou plus. Les élus ont toute latitude politique pour créer une maison de l'emploi.

Pour sortir de l'exclusion sociale et régler les questions de la formation professionnelle, il faut, comme le permet ce dispositif, associer beaucoup plus directement tous les partenaires, à condition de nous en donner les moyens et que les partenaires concernés ne soient pas uniquement les institutionnels.

Associer les PLIE et les missions locales me semble donc très cohérent avec la démarche des maisons de l'emploi. À Hérouville-Saint-Clair, où diverses structures sont réunies, lorsque nous mettons en place des structures d'insertion pour des chômeurs de longue durée ou des RMIstes, nous appliquons ce procédé à un accompagnement de parcours professionnalisant. Les maisons de l'emploi éviteront aux chômeurs un véritable parcours du combattant et une structure unique permettra d'être beaucoup plus réactifs sur le terrain pour trouver toutes les solutions permettant de faire sortir ce public de l'exclusion de l'emploi - et donc de l'exclusion proprement dite.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, qui vient d'arriver dans l'hémicycle.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, bonne nouvelle : M. Borloo arrive. Il m'a demandé de l'attendre, et je demande donc une suspension de séance. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Le Garrec. C'est déplaisant !

M. le président. Monsieur Gremetz, je vous en prie !

M. Maxime Gremetz. Faut-il que je fasse un rappel au règlement pour demander une suspension de séance ?

M. le président. Monsieur Gremetz, vous qui êtes un parlementaire chevronné, je vous rappelle que vous avez demandé la parole sur l'article.

M. Maxime Gremetz. Je demande une suspension de séance pour attendre M. Borloo. Ses conseillers sont, d'ailleurs, arrivés, et il ne saurait donc tarder.

M. Borloo pourra ainsi nous entendre et, sinon réparer une injure - le terme serait exagéré -, du moins atténuer l'impression qu'il fait peu de cas de la représentation nationale : même si les ministres qui composent le pôle qu'il dirige sont présents, il laisse commencer sans lui le débat sur un vaste « plan Borloo » dont le financement passe de 10 à 15 milliards d'euros ! De mémoire de parlementaire, c'est la première fois que je vois ça !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Allons donc !

M. Maxime Gremetz. Il aurait au moins pu venir un quart d'heure au début ! Jamais un ministre n'a fait ça !

M. Jean-Michel Fourgous. Parole de communiste !

Mme Claude Greff. Les ministres sont là !

M. le président. Monsieur Gremetz, lors des débats sur la réforme de l'assurance maladie, auxquels vous avez participé dans cet hémicycle avec la dextérité que l'on sait, il est arrivé à de nombreuses reprises que M. Xavier Bertrand soit seul en séance et que M. Douste-Blazy ne soit pas présent.

M. Maxime Gremetz. Il est venu s'excuser !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Et sous la législature précédente ?

M. le président. Sous la législature précédente, comme le rappelle M. Dubernard, cela a dû arriver à plusieurs reprises.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Justement pas ! Cela n'est jamais arrivé ! Vous êtes tombé dans le piège !

M. le président. Le règlement précise que le Gouvernement est valablement représenté quand l'un des ministres est au banc.

Mme Claude Greff. Monsieur le président, vous n'avez pas à vous justifier !

M. le président. Monsieur Gremetz, si vous ne voulez pas intervenir...

M. Jean-Michel Fourgous. Pourquoi demande-t-il la parole ?

M. Maxime Gremetz. Je demande qu'on respecte la représentation nationale !

M. le président. Jusqu'à présent, tout s'est bien passé.

M. Maxime Gremetz. Je n'ai jamais vu ça !

M. le président. M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale est dans les locaux de l'Assemblée. Le règlement ne précise pas qu'il doive être vissé à son siège pour toute la durée du débat.

M. Maxime Gremetz. Il peut faire ce qu'il veut, et moi je peux dire ce que je veux ! Je demande une suspension de séance !

M. le président. Monsieur Gremetz, la suspension de séance...

M. Maxime Gremetz. Est de droit !

M. le président. Alors, justifiez-la par un autre motif.

M. Maxime Gremetz. Je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.

M. le président. Afin de permettre aux trois parlementaires du groupe des député-e-s communistes et républicains ici présents de se réunir, je vais suspendre la séance pour trois minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à quinze heures cinquante-trois.)

M. le président. La séance est reprise, en présence de M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. On peut tirer une leçon de ce qui vient de se produire : la bataille paie !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est une belle démonstration !

M. le président. La provocation aussi, parfois !

M. Maxime Gremetz. Le combat continue !

M. Jean-Paul Anciaux. C'est votre 18 juin !

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Nous vous écoutons, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je vous remercie, monsieur le ministre. Je leur avais bien dit que vous arriviez, mais ils ne voulaient pas vous attendre. Ç'aurait été bien dommage - mais ils ne croient jamais ce qu'on leur dit ! Au moins, je commence mon après-midi sur un succès.

M. Jean-Paul Anciaux. Cabotin !

Mme Claude Greff. Le ridicule ne tue pas !

M. Maxime Gremetz. Cet article 1er cherche à définir le service public de l'emploi et à créer une meilleure coordination entre ses « composantes », en s'appuyant entre autres sur la création de « maisons de l'emploi ».

La définition du « service public de l'emploi », terme que vous substituez à celui de « service public de placement », est pour nous, en elle-même, source de vives inquiétudes.

Certes, vous réaffirmez le principe selon lequel « aucune rétribution, directe ou indirecte, ne peut être exigée des personnes à la recherche d'un emploi en contrepartie de la fourniture de services de placement ». Mais ce principe est néanmoins fortement mis à mal, ne serait-ce que par la possibilité laissée aux « organismes [...] privés dont l'objet consiste en la fourniture de services relatifs à l'insertion, à la formation et à l'accompagnement des demandeurs d'emploi » de « participer au service public de l'emploi ».

Je rappelle une expérience faite en ce sens - monsieur le ministre, si vos services ne disposent pas de cette étude, je vous la ferai parvenir - : un cabinet privé a été chargé de placer des demandeurs d'emploi et était rémunéré en fonction des placements obtenus. Il avait, évidemment, intérêt à placer le plus vite possible les candidats.

M. Jean-Michel Fourgous. C'est de l'ultra-libéralisme !

M. le président. Monsieur Fourgous, je vous en prie, laissez parler M. Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Je ne l'entends pas ! Ce qu'il dit est indifférent : il n'y a donc aucun problème.

Je parle sérieusement, et je peux vous fournir le bilan de cette expérience, dont vos services n'ont manifestement pas pris connaissance. Certes, trente personnes ont été placés très rapidement, parce que cela rapporte beaucoup à l'organisme privé de placement.

M. Jean-Michel Fourgous. À l'UNEDIC aussi !

M. Maxime Gremetz. Mais ce ne sont pas les personnes les plus éloignées de l'emploi qu'ils sont parvenus à placer, mais ceux qui étaient déjà prêts à entrer directement sur le marché du travail. Or, à en croire vos déclarations, le plan de cohésion sociale est censé profiter aux laissés pour compte de l'emploi. On voit par cet exemple qu'un tel système ne résout rien. En outre, il remet en cause les missions de service public de l'ANPE, puisque des salariés de l'ANPE seraient mis a contribution par ces maisons de l'emploi. Je ne parle même pas de la forme que prendraient ces maisons des l'emploi, dont vous nous avez dit, monsieur le ministre, qu'elles pourraient être de nature très diverse : certaines n'auraient qu'une existence virtuelle, jusqu'à se réduire parfois à un agent muni d'un ordinateur - je répète ce que vous avez dit en commission, comme le prouve le compte rendu. Dans ces conditions, je ne vois pas où on pourra rassembler tous les services concourant à cette mission : dans une cuisine peut-être ? C'est une vraie question.

Cette formule nous amène d'abord à émettre de sérieux doutes sur la compatibilité de cet article avec la mission du service public de l'emploi.

D'autre part, l'ouverture de l'activité de placement à de nouveaux opérateurs privés conduit à la suppression de fait du monopole de l'ANPE sur l'activité de placement, qui garantissait le respect d'une conception du service public d'intérêt général dans l'activité de placement. C'est l'ANPE, dans ses missions de service public, que vous fragilisez, non seulement à travers l'ouverture de l'activité de placement à de nouveaux opérateurs privés, mais aussi par la suppression de l'obligation faite jusque-là aux employeurs de notifier à l'ANPE toute place vacante dans leur entreprise.

Ne s'agit-il pas aussi d'une remise en cause indirecte du caractère gratuit de l'activité de placement ? En effet, une fois que ce marché sera ouvert aux intervenants privés, la prochaine étape logique pour eux ne sera-t-elle pas la recherche du profit maximal ?

Concernant les maisons de l'emploi, si la création de telles institutions n'est pas en soi une mauvaise idée, votre dispositif n'en reste pas moins contestable. Améliorer l'accueil, l'orientation, la formation et l'insertion des chômeurs apparaît comme un but louable. Mais outre que la « souplesse » de gestion, en ce qui concerne, entre autres, le statut juridique, risque de créer des distorsions territoriales, ces maisons de l'emploi relèguent les agences locales de l'ANPE au rang de simples agences publiques de placement, à côté de bureaux privés, dotés de moyens plus importants : l'ANPE n'aura plus de raison d'être et semble condamnée à la disparition par une absorption progressive, totale ou partielle, dans les maisons de l'emploi.

Il semble décidément que l'ANPE soit dans votre ligne de mire. L'existence d'une Agence nationale pour l'emploi, dotée de missions de service public, vous gênerait-elle ?

Je veux, à l'appui de mon propos, citer l'exemple de mon département. Je viens d'apprendre par la presse qu'on veut y supprimer deux agences de l'ASSEDIC, contraignant les demandeurs d'emploi à parcourir soixante kilomètres pour s'y inscrire. Et ces suppressions frappent parfois des communes importantes, notamment dans le Vimeu industriel : je pense à Friville-Escabortin, ou à Albert.

M. le président. Puis-je considérer que votre intervention sur l'article vaut également pour votre amendement n° 211, que nous allons examiner maintenant ?

M. Maxime Gremetz. Ah non ! C'est si bon que je vous en ai gardé un peu pour la suite ! (Rires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Même vos collègues en rient !

Je suis saisi d'un amendement n° 211, tendant à supprimer l'article 1er.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir cet amendement.

M. Maxime Gremetz. Je vous demanderai évidemment une feuille verte de scrutin public, pour que chacun s'exprime tout à fait clairement et qu'on se souvienne longtemps de ceux qui prendront la responsabilité de supprimer les agences de l'ANPE.

M. le président. Si j'ai bien compris, vous donnez des directives pour votre groupe ?

M. Maxime Gremetz. Mais non ! J'applique simplement les décisions de mon groupe, et mon groupe a décidé de demander un scrutin public.

M. le président. C'est quand même à moi de faire les annonces !

M. Maxime Gremetz. Je vous le dis pour gagner du temps, sans que vous soyez prévenu à la dernière minute.

M. le président. Merci, c'est gentil. Poursuivez.

M. Maxime Gremetz. Cet amendement vise à supprimer l'article 1er, qui, malgré ses aspects vertueux, ne remplit pas d'autre objectif que de remettre en cause le service public. Je l'ai déjà dit, l'idée est louable, mais il faut la traduire autrement - je ne dirai pas à la télévision autre chose que ce que je dis là.

M. Jean-Paul Anciaux. Vous passez à la télévision ? C'est la gloire !

M. Maxime Gremetz. Et ce que je dis, c'est que la traduction qui en est proposée par ce texte est très dangereuse. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous, évidemment, vous êtes pour le privé. Pour vous, même placer des chômeurs, c'est une occasion de faire du fric ! On va pouvoir « surfer » sur le chômage !

M. le président. Et si on revenait à l'amendement, monsieur Gremetz ?

M. Maxime Gremetz. Il faut bien les laisser s'exprimer ! Ils ont raison de s'exprimer, s'ils ne sont pas d'accord !

Il s'agit bien à terme, qu'on le veuille ou non, de remettre en cause ce service public. Et, monsieur le ministre, si j'attire votre attention sur ce point, c'est que vous ne semblez pas en mesurer la portée

Les organisations syndicales, comme les associations qui œuvrent en faveur de l'insertion des publics les plus éloignés de l'emploi, s'en inquiètent à juste raison. Vous le savez, madame la rapporteure, puisqu'à vous en croire vous avez auditionné un grand nombre de représentants des organisations syndicales. En outre, elles ont fait des déclarations communes sur cette question de l'ANPE. Quant aux associations, elles demandaient par exemple un seul contrat d'insertion.

C'est pour ces motifs que les auteurs de l'amendement proposent la suppression de cet article, et demandent un scrutin public sur le vote de l'amendement.

M. le président. Avant de demander l'avis de la commission, j'indique à l'Assemblée que, sur le vote de l'amendement n° 211, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Françoise de Panafieu, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 211.

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. La commission a rejeté cet amendement, monsieur le président, puisque cet article 1er est le pilier du premier des trois volets du projet de loi sur la cohésion sociale. Voilà pourquoi la commission n'a pas suivi la proposition de M. Gremetz, Mme Jacquaint, Mme Jambu et M. Bocquet.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux relations du travail, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 211.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, avant de m'exprimer sur cet amendement, je souhaiterais apporter quelques éclaircissements aux différents orateurs qui sont intervenus, et, notamment, donner quelques éléments de réponse aux interrogations de Rodolphe Thomas et de Jean-Paul Anciaux sur la maison de l'emploi.

Vous savez, monsieur Gorce, qui a initié les maisons de l'emploi, et je citerai trois exemples de ce qui existe déjà en la matière. Celle de Lannion, qui a vu le jour au moment de la grave crise qui a frappé le secteur des télécommunications, est née de la rencontre d'une organisation patronale, le MEDEF, et d'une organisation syndicale, la CFDT.

M. Jean Le Garrec. Eh oui !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Ces deux organisations, face au formidable gâchis auquel a donné lieu l'explosion de la bulle Internet, ont cherché les moyens de gérer la ressource humaine pour préparer la reprise. Le ciment du projet a été apporté par l'État, au travers de l'engagement de la préfecture, notamment du sous-préfet, et par la municipalité, derrière le maire de la commune, votre collègue Alain Gouriou.

M. Jean Le Garrec. Nous connaissons cette expérience !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Je citerai ensuite l'initiative de Bressuire, due à un partenariat entre un groupement d'entreprises et l'ensemble des organisations syndicales représentées dans ce secteur. J'évoquerai enfin Bonneville, dont le maire est Martial Saddier : cette collectivité a initié une des maisons de l'emploi parmi les plus dynamiques, dans un secteur qui ne connaissait pourtant pas de crise majeure. Il s'agissait de faire de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

Il me semble que ces trois exemples illustrent la nécessité de la diversité dans ce domaine.

Madame Billard, vous avez évoqué la simplification des dispositifs contractuels et vous vous êtes interrogée sur la disparition des stages. Nous proposons de passer des quatorze contrats existants, système fort complexe, notamment quand on est demandeur d'emploi, à sept contrats, dont quatre principaux. Alors que certains ont, durant nos débats, émis le souhait d'un contrat unique, voilà qu'on souhaiterait au contraire les multiplier.

Je vous rappelle, monsieur Le Garrec, que le PARE a été institué par les partenaires sociaux en 2000. Il n'avait pas suscité une large adhésion au sein du Gouvernement d'alors - on se souvient des conditions de l'extension de cet accord.

M. Maxime Gremetz. Nous avons voté contre !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Le projet ne remet pas en cause le PARE : il crée un nouveau dispositif pour les salariés des PME touchés par les licenciements économiques. C'est bien la démarche du PARE, qui met l'accent notamment sur l'accompagnement du demandeur d'emploi - le sujet a été évoqué par beaucoup d'orateurs - et est fondé sur l'engagement mutuel, qu'il faut renforcer.

Je voudrais vous rappeler, monsieur Thomas, monsieur Anciaux, monsieur Gremetz, ce qu'est l'article 1er : c'est la première fois qu'une loi consacre le principe d'un service public de l'emploi - peu importe qu'on l'appelle service public de placement ou service public de l'emploi.

M. Jean Le Garrec. C'est le point positif !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Jusqu'ici en effet, ce service n'était défini que dans le cadre d'une circulaire datant de 1984.

En réalité, notre service public est soumis à une logique centralisée et en même temps éclaté. Il ne fait aucun doute qu'il s'appuie insuffisamment sur les réalités du terrain. Tel est le paradoxe français, évoqué hier par certains parlementaires sur d'autres sujets : en dépit des moyens importants que nous consacrons aux politiques de l'emploi par rapport à d'autres pays - cela représente en effet 3 % du PIB de la France -, nous comptons 2,4 millions de chômeurs, et plus de 350 000 emplois non pourvus dans certains secteurs. Ces problèmes d'adéquation sont d'ailleurs difficiles à comprendre au-delà du cercle des spécialistes.

Il s'agit d'y remédier d'abord en favorisant la coordination et le pilotage de trois grands réseaux nationaux, dont on ne comprend pas pourquoi ils ne forment pas un tout. Il ne s'agit pas de nier la spécificité de chacun de ces réseaux ; il s'agit d'assurer leur convergence, dans l'intérêt du demandeur d'emploi. Cela permettrait une juste analyse des besoins, s'agissant notamment des métiers qui souffrent de pénurie, en termes de formation et d'accompagnement des hommes et des femmes en difficulté dans leur trajet vers l'emploi.

La maison de l'emploi sera le lieu de cette convergence, non pas en imposant un modèle unique, mais en partant des réalités territoriales, en s'appuyant sur quelques critères.

Le critère territorial est le bassin d'emploi. L'objectif de 300 maisons de l'emploi pour 2006 n'est pas un chiffre plafond ; s'il en faut 400, 500, ce sera possible. Mais, de toute façon, le bassin d'emploi est un territoire où il existe des convergences, des solidarités, des réalités territoriales, des impacts sociaux et territoriaux voisins, dans lequel il y a des complémentarités, mais aussi, parfois, des difficultés. Il doit donc être le périmètre de la maison de l'emploi. Dans certains endroits, ce sera un grand territoire ; dans d'autres, il faudra sans doute fractionner les bassins d'emploi au sens administratif. Je pense que, dans la région Nord - Pas-de-Calais, installer une maison unique de l'emploi dans de très grands bassins ne serait pas une réponse adaptée aux besoins. Nous en avons déjà débattu, notamment avec M. Vercamer et avec M. Vanneste, à l'occasion du projet de loi de finances et lors de la discussion générale.

Enfin, il y a des territoires en plus grande difficulté, qui ont besoin d'une maison plus proche. Pierre Cardo le sait puisqu'il est en train d'en bâtir une. Au départ, ce n'était pas pour lui dans une logique de bassin d'emploi au sens administratif, mais dans une logique de bassin humain, avec un besoin d'accompagnement et d'appui.

La maison d'emploi, dotée d'une personnalité morale, aura, bien sûr, un socle territorial et, dans le cadre d'une convention, il y aura un service public de l'emploi ANPE-ASSEDIC. Ils vont travailler ensemble, avec les partenaires sociaux, les chambres consulaires. Il faut que tous les acteurs du dynamisme économique et social puissent y participer. Et, naturellement - Laurent Hénart aura l'occasion d'y revenir -, les missions locales auront pleinement leur place dans ce dispositif.

Voilà pourquoi, monsieur Gremetz, en termes d'analyse des métiers pénuriques et de réponse aux besoins, cet article 1er est tout à fait important. Le Gouvernement ne peut donc pas être favorable à votre amendement de suppression.

M. Jacques Desallangre. Baratin ! Vous venez de parler dans le vide !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. S'agissant des CIF, je n'ai pas demandé leur maintien. J'ai dit qu'il fallait en faire le bilan. Mais, à l'heure actuelle, avec les dispositifs proposés, il n'y aura plus d'accès à la formation, hors des contrats aidés, pour les chômeurs indemnisés par l'ASSEDIC. Et cela pose un problème.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre délégué aux relations du travail, j'ai bien entendu tout ce que vous avez dit. Mais cela ne répond pas à cette question majeure : pourquoi, alors que nous avons un service public de l'emploi, lui refuse-t-on les moyens en personnels ? Il y a même des antennes ASSEDIC qui ferment ! Mais si, monsieur Borloo, vous ne pouvez pas me contredire ! Je peux vous y amener, quand vous voulez. À Albert, ceux qui veulent s'inscrire à l'ASSEDIC sont obligés d'aller à Amiens. C'est vrai ! Je vous donne deux exemples de fermeture : une antenne à Albert et une à Friville-Escarbotin ! Vous parlez de service public de l'emploi, mais il a déjà diminué. Au fond, vous partez pourtant d'une bonne idée. Nous, nous avons décidé de créer, dans ma région, quinze « maisons de la région », ce qui est différent des maisons de l'emploi. Les services de la région sont plus proches, et ils travailleront avec tous les secteurs concernés, alors que, dans les maisons de l'emploi, tous les services sont réunis, ce qui obligera les gens à venir à Amiens pour remplir un dossier.

En plus, dans la maison de l'emploi, il y aura tous les services de l'emploi, y compris les services de placement des agences privées.

Mme Claude Greff. Ben voyons !

M. Maxime Gremetz. Qu'on le veuille ou non, c'est le début de la privatisation du service public de l'emploi. Vous pourrez m'expliquer tout ce que vous voudrez, mais c'est ainsi ! Au lieu d'un service réel, il y aura toujours, avec ces services de placement privés, la rentabilité d'abord ! Si vos services ne sont pas capables de vous tenir au courant des études récentes, je peux vous les communiquer : l'expérimentation que j'ai déjà évoquée a montré que ceux qu'on a voulu accompagner dans leur reclassement étaient ceux qui en avaient le moins besoin ! La réalité concrète ne correspond pas à vos explications, et nous voyons bien ce qu'il y a derrière vos arguments.

Autant je suis d'accord sur la nécessité de simplifier, autant il ne faut pas simplifier n'importe comment, en mettant dans une maison que vous appelez « de l'emploi » n'importe quoi, y compris ce qui se contredit. Tout ce qui va dans l'autre sens que le parcours du combattant, nous sommes pour. Mais ce n'est pas le cas ici.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 211 tendant à supprimer l'article 1er.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 53

                    Nombre de suffrages exprimés 53

                    Majorité absolue 27

        Pour l'adoption 17

        Contre 36

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisi d'un amendement n° 23.

La parole est à Mme la rapporteure, pour le soutenir.

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. C'est un amendement de précision. La législation en vigueur prévoit déjà les règles particulières d'agrément et de rémunération des agents sportifs qui opèrent le placement des joueurs. Il faut donc rappeler ces règles spécifiques, comme pour les agents artistiques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 260.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le soutenir.

M. Maxime Gremetz. Au combat !

Mme Jacqueline Fraysse. L'article 1er modifie la rédaction de l'article L. 310-2 du code du travail. Cette nouvelle rédaction offre à l'ensemble des acteurs du placement la possibilité de se faire rétribuer par les entreprises en échange du service rendu. En conséquence, elle ouvre la possibilité à l'ANPE de se faire rétribuer par les entreprises pour ses services de placement, ce qu'elle ne peut faire aujourd'hui.

L'inscription de l'ANPE dans le champ du marché, même partielle, ne serait évidemment pas sans effets sur cette institution et sur la politique de l'emploi, ni sur les chômeurs eux-mêmes. Faire de l'ANPE un acteur marchand dans la relation de placement des chômeurs reviendrait à dénaturer ce service public. Je tiens, au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains, à insister sur ce point essentiel.

L'Agence nationale pour l'emploi assure un service de placement des chômeurs de la nation, et remplit à cet effet un rôle capital dans la politique de l'emploi que peut mener un gouvernement, quel qu'il soit, lorsqu'il s'en donne les moyens. Ce rôle est neutre et indépendant de toutes considérations financières. Faire de l'ANPE un intervenant marchand sur le marché de l'emploi va mettre fin à sa neutralité et introduire des comportements économiques et financiers, des préoccupations mercantiles, dans la relation de l'institution avec l'entreprise offreuse d'emploi, et même avec le chômeur.

Or, cette conception est contraire à l'objectif de l'institution, qui consiste à rapprocher, dans les meilleures conditions et sans arrière-pensée, une offre et une demande d'emploi, sans en tirer de bénéfices.

Par ailleurs, cette façon de procéder constitue une nouvelle entorse aux conventions internationales que la France a ratifiées, lesquelles définissent précisément les conditions dans lesquelles doit s'effectuer ce placement. Certes, vous prenez soin dans ce texte d'exclure les chômeurs de toute obligation de payer le service de placement qui leur serait fourni. C'est bien le minimum ! Mais, en déséquilibrant la relation au placement entre offreurs et demandeurs, vous ouvrez la porte à une modification ultérieure de cet article, qui introduira, au nom de l'équité et, pourquoi pas, de l'efficacité, la rémunération par les chômeurs eux-mêmes du service dont ils bénéficieront. L'argument sera simple : il suffira de dire, comme le font déjà les agences privées de placement, que le service rendu s'inscrit dans une relation commerciale. Il s'agira alors d'un achat de service à une entreprise, qui doit bien évidemment être rétribué. Vous aurez ainsi rendu marchande l'information sur l'emploi, secteur particulièrement lucratif dans la perspective globale de flexibilisation intégrale du marché du travail qui est la vôtre. D'ailleurs, les agences d'intérim, auxquelles vous faites quelques cadeaux dans ce texte, sont très attentives à vos projets.

Mais ce n'est pas tout. Car votre proposition est aussi particulièrement contre-productive en termes de création d'emplois. En faisant payer les entreprises, vous faites de la discrimination négative entre elles. Vous facilitez les choses pour celles qui pourront assumer ce coût nouveau de formation et de placement, mais vous excluez les plus petites et les moins riches, qui ne le pourront pas et qui, pourtant, sont celles qui ont le plus besoin de salariés pour se développer. Ce n'est pas un service que vous leur rendez.

En outre, cette discrimination s'étendra nécessairement aux chômeurs. Quel sera effectivement le choix des entreprises qui recourront, malgré tout, à ce service de placement pour absorber ce coût nouveau ? Elles décideront, tout simplement, de peser sur la rémunération, sur le coût de la formation et sur les conditions de travail des chômeurs qu'elles auront embauchés.

Telles sont les raisons essentielles qui nous conduisent à réaffirmer la nécessité de garder ce service public et gratuit, financé par l'État. Cet amendement tend donc à compléter le texte proposé à l'article 1er pour l'article L. 310-2 du code du travail par l'alinéa suivant : « De la même façon, il ne peut être demandé aucune rétribution directe ou indirecte aux offreurs d'emploi, en contrepartie de la fourniture du service de placement. » (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. La commission a rejeté l'amendement de Mme Fraysse.

M. Maxime Gremetz. Elle va rejeter tous nos amendements !

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Le projet de loi garantit la gratuité du service rendu aux personnes en recherche d'emploi. Pour les entreprises qui offrent des emplois, il va de soi que l'ouverture à la concurrence implique que les nouveaux acteurs privés puissent leur facturer des services, de la même manière, d'ailleurs, que leur sont aujourd'hui facturées des prestations très proches du placement stricto sensu : conseil en recrutement, présentation de candidats recherchés par des chasseurs de têtes, intervention dans des opérations de reclassement commanditées par des grands groupes qui ferment un site, etc.

Au cours des auditions auxquelles j'ai procédé, j'ai, bien sûr, rencontré le directeur général de l'ANPE, M. Bernard, qui m'a fait part de sa satisfaction de voir l'agence disposer ainsi d'une filiale. Toutefois, celle-ci ne représenterait, selon lui, que 1 % du budget de l'ANPE, c'est-à-dire 20 millions d'euros, et cette action serait menée exclusivement dans le cadre d'un reclassement dans de grands bassins d'emploi. Il est évident que, dans ce cas, l'agence nationale peut apporter sa quote-part, mais, en contrepartie, il est normal que ce service soit payé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Madame Fraysse, le principe de gratuité vaut, naturellement, à l'égard des demandeurs d'emploi. La possibilité de demander aux entreprises de contribuer financièrement aux prestations de placement réalisées à leur demande ne met nullement en cause le bon fonctionnement du service public de l'emploi et l'égalité de traitement des demandeurs d'emploi. La facturation de tous les services s'applique tant pour des prestations privées que pour celles fournies par l'ANPE, notamment par l'intermédiaire de ses filiales.

Il est donc normal que des prestations particulières, réalisées à la demande et pour le compte d'une entreprise, soient facturées et non pas prises en charge gratuitement par le service public de l'emploi.

Mme Jacqueline Fraysse. Vous considérez les chômeurs comme des marchandises !

M. Maxime Gremetz. Avant, il y avait le marché aux esclaves ; maintenant, il y aura le marché aux chômeurs !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Je citerai un exemple de ce qui se fait dans les grands bassins d'emploi. Dans une très grande entreprise française du secteur de l'automobile, l'ANPE est chargée d'opérer le recrutement, notamment de jeunes pour l'instant sans qualification. Il est utile que ce soit l'agence nationale qui le fasse, par la méthode des habiletés, par exemple, et il n'est pas anormal que, pour cette prestation, cette action très spécifique de recrutement, le service public de l'emploi soit rétribué.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 260. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. La proposition du groupe communiste met en lumière l'ambiguïté du texte qui nous est présenté. À son propos, on nous parle beaucoup de cohésion sociale, mais toute une série de petites dispositions y ont été introduites qui posent un problème de fond et suscitent pour le moins la perplexité.

La définition qui est donnée du service public de l'emploi, puisqu'elle remet en cause le monopole de placement de l'ANPE - déjà largement écorné, il est vrai -, organise la mise en concurrence sur le marché du placement. Quel avantage peut-on en attendre ? Peut-on vraiment considérer qu'elle va dans le sens de l'intérêt général ? Ne risque-t-on pas d'alimenter des organismes privés dont l'objectif - c'est naturel - est non pas de rendre un service public mais de faire des bénéfices, avec le risque de dérapages comme ceux auxquels on a parfois assisté ? On va donner beaucoup d'argent à des organismes qui privilégieront les chômeurs les plus faciles à réinsérer.

Le risque est le même si l'on confie à des organismes privés le soin d'effectuer des missions de contrôle ou de donner des prescriptions dont la conséquence peut éventuellement être la radiation ou la suppression de l'indemnisation.

Si on met bout à bout toutes ces dispositions - nous en ferons la démonstration tout au long du débat -, on s'aperçoit que votre projet comporte des éléments préoccupants, pour ne pas dire dangereux, au point qu'on pourrait dire, à supposer que vos intentions soient bonnes - ce dont nous doutons -, que ce plan de cohésion sociale, c'est une petite cuiller de sirop dans un grand bol d'huile de ricin ! (Murmures.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 260.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 454.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour le soutenir.

M. Francis Vercamer. Je ne suis pas mécontent que ce premier des quelques amendements que j'ai déposés au nom de la lutte contre les discriminations, soit celui qui tende à l'anonymat partiel du curriculum vitae. Depuis vingt-quatre heures, tout le pays est en émoi et semble se préoccuper de la lutte contre la discrimination. Je ne peux que m'en réjouir, moi qui, depuis deux ans et demi, interviens sur ce sujet à la faveur de toute discussion sur le droit du travail.

Le problème de la discrimination est souvent évoqué mais rarement traité, sinon par le biais pénal, en sanctionnant ceux qui s'en rendent coupables. Jamais on ne s'est attaqué à la question sur le fond. Dans le cadre de ce projet de cohésion, on peut considérer à cet égard le présent amendement comme un amendement phare.

Pourquoi rendre le CV anonyme ? m'a-t-on souvent demandé. On ne peut embaucher à l'aveugle. Il ne s'agit pas d'embaucher mais de garantir l'égalité des chances devant l'embauche : il faut empêcher que la candidature d'une personne soit écartée parce qu'elle a plus de quarante-cinq ans, qu'elle est issue de l'immigration, qu'elle est handicapée ou qu'elle n'est pas du bon sexe ! Les gens doivent pouvoir défendre leur candidature devant l'employeur, lequel, bien sûr, reste libre de choisir qui il veut. Il n'est pas question de pousser à l'embauche de telle ou telle catégorie ; bref, ce n'est pas de la discrimination positive.

Après en avoir discuté, nous avons, Mme la rapporteure et moi-même, rédigé un nouvel amendement qui porte sur le titre III, intitulé « promotion de l'égalité des chances ». Nous l'avons d'ailleurs précisé davantage, en fixant son champ d'application aux plus grosses entreprises, et en rendant les CV totalement anonymes lorsqu'ils passent par des organismes de placement, qui ont toute faculté de le faire.

Du reste, s'étonne-t-on de l'anonymat des offres d'emploi ? Pourtant, souvent, on ne connaît pas l'entreprise qui les a déposées, et on ne sait où elle se trouve ; tout juste sait-on ce qu'elle fait. On dispose surtout de la description du poste offert. Pourquoi dès lors serait-on choqué par l'anonymat du CV ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. M. Vercamer a bien fait de soulever ce problème qui le préoccupe depuis longtemps et dont il s'était déjà ouvert auprès de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Il voit, aujourd'hui, aboutir sa démarche, même si c'est d'une façon imparfaite ; en tout cas, c'est une forme de reconnaissance.

Comme notre collègue l'a dit, un autre amendement, qui se substitue au sien, viendra en discussion. C'est plutôt sur celui-là que nous nous exprimerons et au bénéfice duquel je lui demande donc de retirer l'amendement n° 454.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 454.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Monsieur Vercamer, nombre de vos amendements tournent autour de ce sujet. Peut-être est-ce parce que vous êtes originaire d'un bassin où la population est victime plus qu'ailleurs de discrimination. Vous avez coutume de dire que cette lutte contre les discriminations est l'enjeu numéro un pour notre pays, s'il veut garantir l'équilibre républicain, favoriser l'intégration et redonner espoir dans le futur à toute une partie de la population.

Notre pays se trouve à un moment de sa vie où il peut regarder en face ce dont il paraissait impossible même de débattre jusqu'à présent. On nous mettait en garde : vous allez entretenir les extrémismes ! Mais d'autres éléments - les plates-formes d'accueil, l'immigration, un rapport de la Cour des comptes - ont rendu nécessaire d'examiner les choses avec pragmatisme, de regarder, sans se flageller, notre pays tel qu'il est et de se donner les moyens d'atténuer et même de rendre impossible la discrimination, sans brider la liberté de choisir ses collaborateurs.

Des entreprises ont fait des propositions. Le Premier ministre a confié une mission à Claude Bébéar. Une charte de la diversité a été rédigée. Le plan de cohésion sociale est lancé. Vos propositions arrivent donc, monsieur le député, à un moment où le pays est capable de les entendre.

Je propose que tous vos amendements qui ont trait aux objectifs et aux méthodes de lutte contre la discrimination soient regroupés à l'article 58. L'Assemblée aura alors un débat de fond, auquel, je l'espère, les députés participeront nombreux. Même si le Parlement ne peut parvenir à une rédaction précise de nouvelles règles, parce qu'il faudra consulter les partenaires sociaux, il est extrêmement important qu'il fixe un cap.

Par conséquent, si je vous invite à retirer votre amendement, ce n'est pas que j'y sois opposé sur le fond mais pour vous inviter à suivre cette méthode.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Maxime Gremetz. Mais j'avais demandé la parole !

M. le président. Il est d'usage que, lorsque le ministre demande à l'auteur d'un amendement de le retirer, le président donne la parole à ce dernier !

M. Maxime Gremetz. Certes !

M. Francis Vercamer. Je ne tiens pas essentiellement à engager une discussion sur le présent amendement et je pense, comme M. le ministre, qu'un grand débat sur la discrimination serait utile. Je suis donc d'accord pour le retirer, d'autant qu'un amendement identique, dans le cadre du titre III qui traite justement de l'égalité des chances, nous permettra d'approfondir, je l'espère devant un hémicycle plus rempli, ce que je considère comme un sujet de société d'une importance capitale, surtout quand on parle de cohésion sociale. La discrimination est certainement l'un des fléaux les plus graves à l'origine de la fracture sociale, d'autant, je le rappelle, qu'elle ne frappe pas seulement les gens d'origine immigrée mais aussi les handicapés, les femmes ou les seniors.

M. le président. L'amendement n° 454 est retiré.

Je vais néanmoins donner la parole successivement à M. Le Garrec et à M. Gremetz, qui ont manifesté le souhait d'intervenir.

La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. Monsieur le président, ce n'est pas sur cet amendement que je voudrais m'exprimer mais sur celui qui viendra en discussion ultérieurement et qui reprend, en le renforçant, le principe de l'anonymat des CV, et en précisant qu'il s'applique aux entreprises de plus de 250 salariés, ce qui en change grandement la portée - je le fais observer à M. Vercamer.

Ne traitons pas ce problème à la légère. Il n'est pas nouveau, il est bien réel et très grave - nous en sommes tous d'accord.

Je rappelle qu'en 2002, j'ai fait voter une loi contre la discrimination renforçant les pouvoirs de l'inspection du travail et des organisations syndicales, avec un assez large accord de l'Assemblée puisque le groupe UMP s'était abstenu, ce qui, en cas de majorité alternée, montre l'importance du débat.

Aujourd'hui, ce débat génère plus de déclarations d'intention qu'une véritable volonté. Je cite un exemple. Quand nous avons débattu sur le voile, il y avait cinquante intervenants, dont la plupart évoquaient la lutte contre la discrimination. Le groupe UMP a alors décidé d'organiser un débat sur cette question dans les quarante-huit heures, initiative que je salue : nous n'étions plus que dix en séance !

Je ne voudrais pas, monsieur le ministre, que nous traitions ce problème au détour d'un amendement. Ce ne serait ni sérieux ni raisonnable. Que l'amendement pose la question, soit, mais que le Gouvernement organise ensuite un véritable débat. D'autant que - et je m'exprime à titre personnel - masquer la réalité d'un problème derrière l'anonymat est une erreur très grave.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est dur pour les personnes concernées !

M. Jean Le Garrec. Certes, nous ne partageons pas le même avis sur cette question, mais elle ne mérite d'être traitée en quelques instants. Il serait paradoxal d'avoir eu un débat sur le thème : « Enlevez ce voile que je ne saurais voir » et d'affirmer s'agissant de l'emploi : « Remettez le voile sur ce que vous êtes en réalité, femmes, jeunes, d'origine algérienne ou marocaine... » Je considère cette approche du problème comme insultante - le mot est fort et je m'en excuse -, non seulement pour la personne concernée, mais aussi pour l'entreprise.

Que les textes soient insuffisants, je l'admets volontiers et je l'ai dit au ministre. Qu'on relance une négociation sur ce sujet avec les organisations syndicales, qu'on organise une table ronde avec le patronat, que la répression ne soit pas un élément suffisant sur le plan pénal, j'en suis d'accord, car il s'agit d'un problème politique et culturel. Alors, posons-le, mais, monsieur le ministre, j'y insiste, ne le traitons pas à la va-vite, car ce ne serait pas acceptable, étant donné la difficulté du sujet. Il ne sera pas difficile pour le Gouvernement d'organiser une table ronde et de prendre certaines initiatives qui permettront de dégager des thèmes sur le sujet.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur Vercamer, je comprends votre souci : lutter contre les discriminations, notamment à l'embauche, en faisant d'une personne un numéro. Cela pose un vrai problème et je souhaite un débat sérieux sur cette question. Or nous allons discuter toute une série d'amendements qui, eux non plus, n'ont jamais été examinés en commission, ce qui, selon moi, fera diversion.

Regardez à quoi la presse réduit ce grand plan de cohésion sociale : le grand événement est un amendement qui propose l'anonymat pour éviter la discrimination. Étant pour ma part victime de discrimination en tant que communiste, je dois donc devenir un numéro !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. On aura tout entendu !

M. Maxime Gremetz. Je pose la question, même si j'exagère un peu : allons-nous vivre dans une société de numéros ou d'êtres humains responsables, avec leurs qualités, leur identité et leur diversité ?

Par ailleurs, si vous pensez résoudre le problème de la discrimination par l'anonymat, c'est que vous ne savez pas comment cela se passe en réalité. Quand j'étais au chômage, j'ai eu beaucoup d'entretiens d'embauche. Quand le ministre du travail m'a licencié à l'époque, je suis allé dans toutes les « boîtes ». Je pouvais changer de nom, mais je n'aurais jamais été embauché car, quand j'arrivais, ils me reconnaissaient.

M. Jean-Paul Anciaux. Même chez Pinder ?

M. Maxime Gremetz. Ne plaisantez pas sur un sujet qui pose des problèmes éthiques ! Je vous ai connu meilleur, monsieur Anciaux !

M. Jean-Paul Anciaux. Je retire ce que j'ai dit, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Comment se passe une demande d'entretien ? Vous remplissez un CV - j'en ai rempli des centaines -, puis vous allez vous présenter.

Mme Martine Billard. Si on vous convoque !

M. Maxime Gremetz. Il n'y a pas discrimination si l'on n'est pas convoqué ! Grâce à l'anonymat, on vous convoque. Et là, stupeur, un Noir, un communiste ! (« C'est Gremetz ! » sur divers bancs) ! En quoi l'anonymat favorisera-t-il l'embauche ?

Mme Martine Billard. On peut attaquer pour discrimination.

M. Maxime Gremetz. Pas du tout, car on dira que le demandeur n'a pas le profil recherché. Par conséquent, le problème reste le même et l'amendement ne le résout en aucune façon.

M. le président. je vous rappelle que l'amendement a été retiré. Pourriez-vous en tenir compte en faisant preuve de brièveté ?

M. Maxime Gremetz. C'est un problème sérieux qui touche à beaucoup de questions. Et je fais part de mes réflexions parce que je souhaite qu'on organise un véritable débat.

Faut-il baisser la garde en matière de lutte contre les discriminations ? Je rappelle que nous avons créé une Haute autorité de lutte contre les discriminations. Que dirait-elle ? Cette question ne mérite-t-elle pas d'être examinée par cette Haute autorité ?

D'autre part, et je pose la question brutalement, faut-il demander à des êtres humains de cacher qu'ils sont noirs ou d'origine maghrébine ?

Ce serait baisser la garde et masquer le problème sans pour autant le résoudre. Plutôt que renforcer la lutte contre les discriminations, ce serait les encourager. Nous nous sommes battus pour faire adopter à l'Assemblé nationale une loi contre le harcèlement moral...

M. Jean Le Garrec. Tout à fait !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Il faut lutter contre les discriminations, mais je ne crois pas que vous employiez le bon moyen. Pour ma part, je ne baisserai jamais la garde face aux attitudes racistes. Il faut les sanctionner. Je vous repose la question, monsieur Larcher : combien de plaintes sont aujourd'hui déposées sans être suivies d'effet parce que les inspecteurs du travail ne sont pas assez nombreux ?

En tout état de cause, je ne sous-estime pas le patronat, qui trouvera d'autres moyens de discrimination. N'ayant pas de réponses toutes faites, je souhaite donc que nous puissions débattre tranquillement de cette question.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Monsieur Gremetz, nos amendements ne sont pas arrivés à la dernière minute en commission. Nous en avons débattu, et je remercie Mme la rapporteure d'en avoir repris un certain nombre à son compte pour lancer le débat.

Deuxièmement, monsieur Le Garrec, je n'ai pas déposé seulement cet amendement. J'en ai proposé d'autres sur la formation des DRH et sur la charte de diversité.

M. Jean Le Garrec. Je n'ai pas dit le contraire !

M. Francis Vercamer. Aussi, ne dites pas que j'ai recherché un effet médiatique. Cela fait deux ans et demi que je me bats contre la discrimination. Et je ne comprends pas qu'on souhaite encore repousser le problème en demandant des études et autres commissions : c'est comme cela que, depuis vingt ans, on enterre le dossier.

Enfin, je ne vois pas en quoi l'anonymat est ahurissant. Il existe une pratique régulière et anonyme que tout le monde respecte : le suffrage universel.

M. Maxime Gremetz. C'est autre chose : avant de voter, on présente sa carte d'identité !

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 674.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous entrons dans la rédaction du dispositif et nous voulons modifier celle de l'article L. 311-1 du code du travail telle qu'elle résulte du texte adopté par le Sénat.

Nous souhaitons que la rédaction de cet article important distingue, d'une part, la définition du service public de l'emploi et, d'autre part, les organismes chargés de l'assurer, et que soit pleinement intégrée la place de chacun des responsables dans le dispositif.

Nous voulons également que figure dans la rédaction l'affirmation suivante : « Le service public de l'emploi comprend le placement, l'indemnisation, l'insertion, la formation et l'accompagnement des demandeurs d'emploi. » Nous précisons ensuite à l'alinéa suivant : « Il est assuré par les services de l'État chargés de l'emploi, l'Agence nationale pour l'emploi et l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes. »

Puis, nous déclinons dans quelles conditions l'ensemble des autres organismes viennent à être partenaires de ces services de l'État.

Enfin, nous précisons la vocation des collectivités territoriales. Nous souhaitons en effet que soient associées clairement les missions locales et les permanences d'accueil, d'information et d'orientation, ainsi que les collectivités territoriales dans le respect des compétences qui sont les leurs et de leur liberté propre, c'est-à-dire dans le cadre de conventions territoriales traduisant leur adhésion aux objectifs de développement local. Cette adhésion est aussi, à nos yeux, le gage de leur efficacité et de leur mobilisation.

Cette rédaction propose également de fixer les objectifs du service public de l'emploi par une convention nationale déclinée dans chaque département en conventions territoriales, qui marqueraient du même coup l'adhésion de ceux qui interviennent dans le cadre du service public de l'emploi.

Enfin, elle pose le principe de la nécessité pour un organisme privé de conclure une convention avec l'ANPE pour participer au service public de l'emploi, ce qui offre aussi l'avantage d'ériger l'Agence en opérateur de terrain de référence.

En somme, cette rédaction aurait le mérite de fixer le contenu du service public de l'emploi et la manière dont les différents organismes qui doivent y travailler sont associés à sa démarche.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Cet amendement a été repoussé par la commission. Il s'inscrit dans la perspective d'une nouvelle rédaction de l'article 1er qui conditionnerait la participation au placement des opérateurs privés à la conclusion d'une convention avec l'ANPE. Ce choix n'est pas celui que nous avons retenu, puisque le texte ne les soumet qu'à déclaration.

Je signale que l'ANPE ne recueille aujourd'hui qu'un tiers des offres d'emploi. De très nombreux placements sont effectués par l'intermédiaire d'opérateurs privés. Le projet de loi a l'immense mérite de reconnaître et d'encadrer cette situation.

La commission considère qu'il n'est pas possible d'aller plus loin. C'est la raison pour laquelle elle a repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Avis défavorable, pour des raisons que j'ai déjà indiquées et sur lesquelles je reviendrai quand nous examinerons, à l'occasion des amendements suivants, la situation de différents organismes.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 674.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de huit amendements, nos 738, 466, 675, 255, 62, 254, 727 et 22, qui, malgré leur place, peuvent être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 62 et 254 sont identiques.

L'amendement n° 738 n'est pas défendu, non plus que l'amendement n° 466.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l'amendement n° 675.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet amendement vise à préciser que les missions locales et les PAIO, les permanences d'accueil, d'information et d'orientation, intègrent totalement le service public de l'emploi. Nous contestons toujours la rédaction actuelle de l'article 1er, qui ne fait pas apparaître explicitement, dans le corps de la loi, la place qu'elles ont dans le dispositif, alors que le Gouvernement, nous le savons, n'a nullement pour but de les remettre en cause. Le fait de ne pas les intégrer dans le dispositif rédactionnel qui pose le socle du service public de l'emploi risquerait, à notre sens, de les mettre à l'écart.

Au reste, notre proposition de les réintégrer explicitement dans le dispositif ne saurait être contestée, puisqu'elle va dans le sens de l'esprit de la loi.

M. le président. L'amendement n° 255 n'est pas défendu, non plus que l'amendement n° 62.

Je vous donne à nouveau la parole, monsieur Le Bouillonnec, puisque vous défendez également l'amendement n° 254 de M. Zuccarelli.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. J'avais en effet été chargé par M. Zuccarelli de présenter cet amendement, qui, lui aussi, vise la reconnaissance des missions locales et des PAIO en tant qu'acteurs essentiels de la mise en œuvre du service public de l'emploi.

Leur rôle, depuis 1989, en matière de placement, d'insertion et d'accompagnement des jeunes demandeurs d'emploi ne peut être contesté. La pertinence de leur niveau d'intervention, leur structuration sur le territoire, le professionnalisme de leurs intervenants et la transmission de leur savoir-faire aux partenaires institutionnels ont su garantir l'efficacité de leur action en faveur de l'emploi des jeunes.

Chaque année, souligne notre collègue Émile Zuccarelli, plus de 900 000 jeunes, en majorité peu ou pas qualifiés, se rendent dans l'une des 400 missions locales réparties sur l'ensemble du territoire. Un jeune sur deux inscrit au programme TRACE, piloté à titre d'opérateur principal par les missions locales, a ainsi accédé à un emploi, et majoritairement à un emploi stable.

Par ailleurs, dans le cadre de leur participation au service public de l'emploi, les missions locales sont les seuls partenaires qui disposent de bases de données techniques régionales en temps réel sur l'insertion professionnelle et sociale des jeunes.

Enfin, parce qu'elles s'inscrivent naturellement dans la volonté de territorialisation de l'action publique et en constituent des instruments, le législateur a reconnu leur association au service public par la codification aux articles L. 311-10-2 et L.311-10-3 du code du travail.

Il s'agit aujourd'hui de franchir une nouvelle étape.

Si l'on considère, conformément à l'article 1er de la loi de programmation, que le premier cercle du service public de l'emploi doit accueillir les opérateurs principaux du plan de cohésion sociale, comment pourrait-on en exclure les missions locales ?

Tel est le sens de l'amendement n° 245 déposé par M. Zuccarelli, qui rejoint d'ailleurs celui que j'avais déposé moi-même.

M. le président. La parole est à M. Rodolphe Tomas, pour soutenir l'amendement n° 727.

M. Rodolphe Thomas. Je m'inscris à mon tour dans la même logique, puisque cet amendement concerne l'accueil des missions locales. Nous savons tous qu'elles jouent un rôle essentiel en matière de placement et d'insertion des demandeurs d'emploi. On peut même établir une certaine traçabilité de leur action en matière d'orientation ou de formation, qui en fait de véritables passerelles vers le secteur marchand. À ce titre, elles doivent faire partie intégrante du service public de l'emploi.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Anciaux, pour soutenir l'amendement n° 22.

M. Jean-Paul Anciaux. Cet amendement se situe dans le même registre, mais il comporte une particularité.

Vous étiez présent comme moi, monsieur le secrétaire d'État, à l'assemblée générale de l'Union nationale des missions locales qui s'est tenue au Creusot. Nous avons eu l'occasion de débattre et je vous avais indiqué que je déposerais un amendement allant dans le sens des précédents.

Le texte proposé pour l'article L. 311-1 indique que le service public de l'emploi est également assuré par les « organismes de l'assurance chômage mentionnés à l'article L. 351-21 ». Or je souhaiterais qu'il mentionne explicitement les « associations nationales ou réseaux associatifs nationaux conventionnés avec le service public de l'emploi, reconnus pour leur utilité sociale dans le domaine de l'emploi, notamment les missions locales, les PAIO », ainsi que d'autres instances, dont je propose une liste établie en fonction de deux critères : l'appartenance aux réseaux associatifs nationaux et la reconnaissance par le service public de l'emploi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 675, 254, 727 et 22 ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Loin de tout élu local et de tout parlementaire l'idée de nier l'importance des missions locales ou les responsabilités qu'elles endossent en tant qu'acteurs de terrain. J'ai d'ailleurs reçu, au cours des auditions, M. Giannesini, secrétaire général du Conseil national des missions locales. Au nom de l'Assemblée, je lui ai dit à cette occasion l'admiration que vouent les élus au travail qu'elles accomplissent.

On nous demande aujourd'hui de les faire intervenir dans le premier cercle du service public de l'emploi, qui est désormais défini, comme l'a indiqué M. le ministre délégué aux relations du travail. Accéder à une telle demande emporterait des effets juridiques non négligeables. En effet, l'article 7 du projet de loi dispose que le non-respect de mesures d'aide au retour à l'emploi ou d'accès à des formations prescrites par les organismes d'État du premier cercle - l'ANPE, l'AFPA et l'assurance chômage, nommées au premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 311-1 - sera susceptible d'entraîner la radiation de demandeurs d'emploi de la liste de l'ANPE, puis la réduction ou la suspension de leurs allocations.

Dès lors que, aux termes du projet de loi, tous les partenaires cités pour faire partie du premier cercle ont le droit de procéder à des sanctions, il est très difficile de l'élargir. On ne peut en effet diluer une telle responsabilité.

Toutefois, pour reconnaître l'existence et le travail des missions locales, la commission a adopté, à l'article 1er bis, un amendement reconnaissant leur mission de service public, ce qui représente déjà un grand pas. M. Giannesini en est convenu. De là à leur donner le même rôle qu'aux services de l'État, il y a un pas que la commission n'a pas souhaité franchir. C'est la raison pour laquelle ces amendements ont été repoussés.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes, pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 675, 254, 727 et 22.

M. Laurent Hénart, secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes. Vous l'avez rappelé, monsieur Anciaux, j'étais avec vous au Creusot, à l'assemblée générale de l'Union nationale des missions locales. Une question y a été posée dans des termes voisins de ceux qu'a utilisés M. Le Bouillonnec : au moment où le service public de l'emploi s'organise, faut-il considérer que les missions locales y concourent ?

Une autre question a été posée, qui transparaissait en filigrane dans les préoccupations de M. Thomas et de M. Zuccarelli : quelles sont les particularités des missions locales par rapport aux autres opérateurs du SPE ?

Ces particularités sont doubles.

D'une part, comme les PAIO depuis 1982, les missions locales résultent, depuis 1989, d'une initiative : la rencontre des communes, des intercommunalités et de l'État, voire, le cas échéant, d'autres collectivités publiques comme le département ou la région, ou d'autres établissements publics ou partenaires sociaux. Elles ne procèdent donc pas d'un service public systématiquement organisé de la même manière sur tout le territoire. Ainsi, l'organisation d'une mission locale ou d'une PAIO n'a rien d'obligatoire, mais résulte d'un contrat.

D'autre part, l'accompagnement proposé n'a rien d'autoritaire et ne relève en rien de la gestion d'un monopole. C'est là une différence notable avec les acteurs du premier cercle, qui, détenant tous un monopole, exercent à ce titre une autorité particulière. La spécificité des missions locales est de proposer un accompagnement global qui prenne en compte tant l'emploi et la formation que - vous l'avez dit, monsieur Thomas - tous les problèmes qui peuvent faire trébucher sur le parcours vers l'emploi : le logement, la santé, la famille ou le transport.

C'est pourquoi nous avons souhaité, avec le Sénat et la commission, trouver une solution qui concilie les deux points de vue en plaçant clairement les missions locales dans le service public de l'emploi, tout en préservant leur particularité.

La solution initiée par le Sénat figure à l'article 1er bis du projet de loi, que nous discuterons dans un instant. Dans la section du chapitre du code du travail consacré au service public de l'emploi qui énumère les organismes concourant à ce service - il faut garder à l'esprit l'architecture du code -, un article reprend la définition des missions locales donnée par la loi de 1989, l'intégrant ainsi dans le code du travail.

Ce libellé laissait encore deux questions en suspens.

La première, Mme la rapporteure l'a bien dit, concernait la mention explicite du terme « service public ». L'amendement n° 28 de la commission permettra de l'introduire à l'article 1er bis, ce qui lèvera définitivement toutes les hypothèques. Les missions, comme les PAIO, figureront donc à 100 % dans le SPE.

La seconde question concerne l'intégration des missions locales au sein des maisons de l'emploi. Des amendements ultérieurs, l'un de M. Joyandet, l'autre de M. Vercamer, permettront de préciser que cette intégration est de plein droit.

L'architecture du Sénat, complétée par la commission, permet une meilleure intégration des missions locales dans le SPE, qui prend en compte leur particularité. En outre, elle permet de ne pas diluer l'autorité prévoyant la prise de sanctions éventuelles contre les demandeurs d'emploi.

C'est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de ces quatre amendements et propose que nous débattions utilement des amendements nos 28 et 601 déposés sur l'article 1er bis. Nous pourrons ainsi préciser encore, si besoin est, la formulation du Sénat, dans le souci de rappeler explicitement que les missions locales peuvent concourir à la mise en œuvre des maisons de l'emploi.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je retire l'amendement n° 254 au nom de M. Zuccarelli, qui m'avait demandé de le faire au cas où les explications du Gouvernement seraient concluantes.

Je maintiens toutefois l'amendement n° 675. Dans cette affaire, tous les partenaires, missions locales ou PAIO, ont connu un trouble extrême, chacun ayant l'impression que les dispositifs allaient s'arc-bouter sur le service public de l'emploi désormais refondu, réaffirmé ou « soclé », comme une statue, au cœur de l'ensemble du dispositif.

Ceux qui n'appartenaient pas à ce socle ont par conséquent mal réagi, se sentant écartés. Nous avons vu ainsi les missions locales ou les PAIO s'inquiéter, d'autant qu'elles traversaient depuis des mois, sinon des années, des turbulences, notamment en ce qui concerne leur conventionnement ou leur financement. Comme ces structures vivent souvent en partenariat avec des communautés d'agglomérations ou des communes, chacun a pensé qu'elles avaient peut-être vocation à disparaître dans le nouveau dispositif.

Personne ne conteste l'importance de l'institution d'un service public de l'emploi, mais, à partir du moment où l'on crée une hiérarchie entre les différentes structures, il est normal que certaines se demandent si elles ne vont pas disparaître. C'est en tout cas ce qui ressort des auditions que nous avons menées en commission et des entretiens que nous avons eus au niveau local

Les obstacles juridiques évoqués par Mme de Panafieu peuvent parfaitement être contournés : il suffit de modifier un alinéa de l'article 6.

Par ailleurs, la rédaction proposée par le Sénat a pour conséquence de rendre les choses très confuses. La rédaction du Gouvernement avait en effet pour avantage d'articuler le dispositif autour de l'institution du service public de l'emploi. Or, en introduisant l'article 1er bis, qui crée le Conseil national des missions locales - ce qui est pertinent en soi -, on dilue, et je ne comprends toujours pas pourquoi on ne pourrait pas mentionner les missions locales dans le premier alinéa de l'article L. 311-1. Le rattrapage qui a été effectué pour manifester l'intérêt porté aux observations des partenaires locaux est insuffisant et il générera des difficultés. Nous pourrions très bien imaginer une rédaction qui tienne compte de la primauté des institutions étatiques et des conséquences légales en ce qui concerne la validité des dossiers. L'explication du Gouvernement ne me paraît donc pas satisfaisante.

M. le président. L'amendement n° 254 est retiré.

La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre CardoJ'aurais tendance à considérer qu'il faut distinguer trois niveaux.

Le premier est constitué par le service public de l'emploi, qui comprend l'ANPE, l'AFPA et les organismes de l'assurance chômage.

Le deuxième niveau devrait regrouper les missions locales et les PAIO, auxquels il conviendrait d'ajouter les plans locaux d'insertion par l'économique, les PLIE, qui ont été créés au début des années quatre-vingt-dix pour s'occuper de profils spécifiques. Ces différentes structures participent de fait au service public de l'emploi. Il n'y a donc pas de raison d'écrire, dans l'article 1er, qu'elles « peuvent » y participer.

Enfin, au troisième niveau, on trouve les entreprises privées, notamment celles de travail temporaire, qui, elles, « peuvent » participer au service public de l'emploi, selon la manière dont elles souhaitent intervenir et selon qu'on les a sollicitées ou non.

Il me semble donc que l'on a oublié un niveau intermédiaire et que cette distinction permettrait de nous mettre d'accord.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Anciaux.

M. Jean-Paul Anciaux. Je vais bien entendu retirer mon amendement, compte tenu des assurances que m'a données le Gouvernement.

Il est évident que les missions locales participent de fait au service public de l'emploi, comme vient de le dire Pierre Cardo. Mais les deux critères que je propose dans mon amendement - appartenance à un réseau national et reconnaissance par le SPE - me paraissent importants, car ils permettent de tenir compte des structures qui remplacent les missions locales lorsque celles-ci n'existent pas. Je pense notamment aux MIFE, les maisons d'information sur la formation et l'emploi, qui disposent d'un réseau national d'une soixantaine de structures, ou aux comités de bassin d'emploi, qui ont donné des résultats inégaux, mais qui font parfois un travail rigoureusement identique à celui des missions locales et des PAIO.

Ces deux critères permettraient donc d'aller au-delà des missions locales et de prendre en considération des structures qui pourraient être intégrées dans le deuxième cercle défini par le ministre.

M. le président. L'amendement n° 22 est retiré.

La parole est à M. Rodolphe Thomas.

M. Rodolphe Thomas. Tout dépend de ce que l'on veut faire des maisons de l'emploi. Pour ma part, je pense qu'il faut inciter à la création de missions locales, mais rien ne nous garantit que, demain, celles-ci adhéreront aux politiques ou aux dispositifs mis en place en direction des chômeurs ou des personnes qui ont besoin d'une formation. Il faut donc insister sur le fait que les missions locales doivent être partie intégrante des maisons de l'emploi.

M. le président. Retirez-vous votre amendement, monsieur Thomas ?

M. Rodolphe Thomas. Oui, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 727 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 675.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 500 et 950.

L'amendement n° 500 n'est pas défendu.

La parole est à M. Pierre Cardo, pour soutenir l'amendement n° 950.

M. Pierre Cardo. Il y a plus de vingt ans, quand je suis devenu maire d'une ville qui comprend des quartiers difficiles et que j'ai décidé de créer des structures pour l'emploi parce que j'estimais que les ANPE ne disposaient pas de moyens suffisants, beaucoup de collègues du département m'ont dit que je m'occupais de ce qui ne me regardait pas. Depuis, les choses ont beaucoup évolué. Il faut donc montrer que les collectivités territoriales sont très concernées par l'emploi : elles ne font peut-être pas partie du premier cercle, mais elles sont en première ligne. C'est pourquoi je propose d'inverser l'ordre des alinéas et de placer les collectivités territoriales - qui financent d'ailleurs les missions locales, les PAIO et les PLIE - avant les organismes publics et privés. Il s'agit d'être logique et de montrer aux élus combien on compte sur eux pour la réussite du dispositif.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. La commission a émis un avis favorable à cet amendement qui permet de souligner l'importance des collectivités territoriales.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Monsieur le député, votre préoccupation rejoint celle qui est à l'origine du rôle confié aux collectivités territoriales dans les maisons de l'emploi, rôle qui témoigne de notre volonté d'inscrire celles-ci dans la territorialité. C'est pourquoi le Gouvernement est favorable à l'amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 950.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 551.

La parole est à M. Bertho Audifax, pour le soutenir.

M. Bertho Audifax. Compte tenu des explications qui ont été données sur les maisons de l'emploi, je retire cet amendement. Je fais confiance à ces maisons pour mettre en place une structure suffisamment souple pour permettre la participation de tous les organismes.

M. le président. L'amendement n° 551 est retiré.

Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 212, 324 et 676.

La parole est à M. Jacques Desallangre, pour soutenir l'amendement n° 212.

M. Jacques Desallangre. Cet amendement vise à supprimer la possibilité de conférer un rôle important, au sein du service public de placement, aux opérateurs privés tels que les entreprises d'intérim. En effet, l'introduction de ces opérateurs privés nous amène à émettre de sérieux doutes sur la compatibilité de cette disposition avec la mission de service public assignée au « service public de l'emploi ».

Cette ouverture de l'activité de placement à de nouveaux opérateurs privés conduirait à la suppression de fait du monopole de l'ANPE sur l'activité de placement, monopole qui garantit la prise en compte d'une conception du service public d'intérêt général dans l'activité de placement. C'est l'ANPE qui serait fragilisée dans ses missions de service public, à travers l'ouverture de l'activité de placement à de nouveaux opérateurs privés, mais aussi par la suppression de l'obligation faite jusque-là aux employeurs de notifier à l'ANPE toute place vacante dans leur entreprise.

Enfin, comme l'ont dit nos collègues Maxime Gremetz et Jacqueline Fraysse, ne s'agit-il pas d'une remise en cause indirecte du caractère gratuit de l'activité de placement ? Maintenant que les intervenants privés se voient ouvrir ce marché, la prochaine étape logique pour eux n'est-elle pas la recherche du profit maximal ? Va-t-on créer un marché du placement comme on a créé un marché des droits de polluer, une bourse de l'énergie ? Va-t-on spéculer sur le chômage ? Nous ne pouvons pas prendre ce risque, et les orientations que vous proposez soulèvent de graves questions éthiques.

Pour ces raisons, nous proposons de maintenir le rôle de l'ANPE et de circonscrire le rôle des opérateurs privés.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 324.

Mme Martine Billard. Il nous a été dit tout à l'heure que, de fait, il n'y avait déjà plus de monopole de l'ANPE pour les annonces et que le nouvel article 311-1 du code de travail ne faisait qu'entériner la situation existante en essayant de réorganiser le service public de l'emploi. Cependant, la rédaction de cet article comporte beaucoup de flou et de complexité.

Même s'il n'y a effectivement plus de monopole total de l'ANPE sur les offres d'emplois, parce que certains secteurs professionnels passent leurs offres d'emplois sur des réseaux professionnels, jusqu'à présent la majorité de ces offres étaient aussi envoyées à l'ANPE. Si demain, ce n'est plus le cas, le risque est que les demandeurs d'emploi soient obligés de courir en plusieurs lieux pour trouver les annonces susceptibles de leur correspondre. Pour l'instant la concurrence entre réseaux d'offre concerne surtout certains secteurs ciblés et des emplois du type cadre supérieur ; elle risque de s'étendre demain à tous les demandeurs d'emploi, ce qui aggravera les difficultés inhérentes à la recherche d'un emploi.

Comme si cela ne suffisait pas, voilà qu'on permet également aux entreprises de travail temporaire de jouer un rôle au sein du service public de placement. Le moins que l'on puisse dire est que vous les choyez, ces entreprises ! Depuis que votre gouvernement est au pouvoir, on leur réserve une place dans le dispositif de chaque loi sociale : naguère avec le RMA, aujourd'hui avec le placement, bientôt avec d'autres dispositions de ce texte... À chaque fois, les entreprises de travail temporaire se retrouvent à égalité avec l'ensemble des autres entreprises. Or un rapport de la présidente de la délégation aux droits des femmes vient de mettre en évidence l'aggravation de la pauvreté chez les femmes, liée au développement du travail à temps partiel. L'explosion du travail intérimaire, avec des missions parfois très courtes n'ouvrant pas droit à indemnisation en cas d'inactivité, notamment chez les jeunes, aggrave encore un peu la précarité.

Certes, on nous dit que seules les obligations du premier cercle verront leur non-observation par les demandeurs d'emploi donner lieu à sanction, mais je crains que, du fait de la rédaction ambiguë de cet article, on n'en vienne à ce que tout refus d'une offre émanant d'un quelconque acteur de ces différents cercles puisse entraîner un refus d'indemnisation.

À terme, et peut-être plus tôt qu'on ne le pense, les demandeurs d'emplois pourraient se trouver obligés d'accepter n'importe quoi sous peine de se retrouver sans aucun revenu. Ouvrir cette voie dans une loi de cohésion sociale me paraît plus que contradictoire.

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy, pour soutenir l'amendement n° 676.

M. Patrick Roy. Mme la rapporteure nous a dit que la loi avait le mérite de clarifier la situation. Je crois - c'est en tout cas le sens de mon engagement politique - que la loi n'est pas faite pour clarifier ce qui existe, mais pour faire avancer les choses et permettre à la République de trouver des réponses à certains problèmes, en combattant au besoin une situation de fait.

Je suis convaincu que l'ANPE sera fragilisée par l'arrivée du secteur privé. Il me paraît fondamental que le service public de l'emploi soit strictement réservé à la puissance publique. L'ouvrir au secteur privé présente un grand danger, celui d'aboutir à un placement à deux vitesses, le privé s'occupant des chômeurs les plus directement employables et laissant aux acteurs publics ceux qui sont le plus éloignés de l'emploi. Comment pourrait-il en être autrement dans la mesure où le secteur privé a pour vocation de faire du profit ? Cette vocation, légitime et même louable dans d'autres domaines, est impensable quand il s'agit de l'emploi : moralement, on ne peut accepter que des entreprises fassent du profit sur le malheur des personnes au chômage.

Je suis donc persuadé qu'avec le bon sens qu'on leur connaît, le Gouvernement et la commission ne pourront qu'approuver cet amendement afin de faire honneur à ce qu'ils nous présentent comme une très grande loi de cohésion sociale.

Mme Martine Billard. L'espoir fait vivre !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. La commission a rejeté ces amendements identiques.

M. Jacques Desallangre. Quelle surprise !

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. L'alinéa sur lequel ils portent ne fait que constater qu'un certain nombre d'organismes participent à l'activité de placement. En leur reconnaissant une fonction de service public de l'emploi, il leur impose des obligations liées à cette mission, notamment la gratuité pour les personnes en recherche d'emploi et la non-discrimination. Il s'agit donc avant tout de constater et de réglementer une situation existante.

Quant aux entreprises de travail temporaire, il me paraît abusif de les attaquer en permanence. Une étude a été conduite sur les personnes se trouvant en intérim en avril 2003. Elle a montré que 44 % d'entre elles étaient auparavant demandeurs d'emploi. Un an plus tard, en mai 2004, 18 % seulement étaient encore dans la même situation, tandis que 58 % étaient en emploi temporaire - intérim ou CDD - et 14 % en contrat à durée indéterminée. Cela montre bien que l'intérim constitue un moyen de s'insérer dans l'emploi et même de parvenir à un emploi stable.

Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Pour 14 % !

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Les entreprises d'intérim ont beaucoup évolué depuis une dizaine d'années. Elles sont assujetties à des obligations de formation supérieures, en termes financiers, à celles des autres entreprises. Leurs salariés peuvent être syndiqués. Bref, elles fonctionnent de plus en plus comme des entreprises classiques. Beaucoup d'entre elles assurent une réelle fonction d'insertion et souhaitent faire accéder leurs intérimaires à des emplois stables. C'est la raison pour laquelle, plutôt que de jeter l'anathème sur ces entreprises, la commission a préféré rejeter les amendements les concernant.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. L'avis du Gouvernement rejoint celui de la commission. Mais puisque nous avons parlé d'intérim, je voudrais, en reprenant les chiffres de l'année 2002 fournis par la source DARES, dont chacun reconnaît la qualité et l'impartialité, rappeler que le secteur privé représente 15,5 millions de salariés, dont 91 % d'emplois à durée indéterminée, 5,7 % de contrats à durée déterminée et 3,3 % d'intérim. Il est bon d'avoir ces chiffres en tête pour la suite de notre débat.

Que deviennent ceux qui passent par cette forme d'emploi ? Parmi les personnes qui se déclaraient en intérim, et sur la base du ratio cumulé de 2002 et 2003, 30 % sont en CDI ou exercent une activité dans des structures non salariées, 10 % sont en CDD ou en emploi aidé, 40 % sont encore dans des structures intérimaires ; enfin, 15 % sont au chômage.

Je voudrais rappeler la position du Gouvernement, à l'heure où nous débattons d'un projet de directive européenne sur l'intérim. Sur ce sujet, nous soutenons avec la Belgique la position la plus exigeante de toute l'Union européenne : l'égalité de traitement, à tous égards, dès le premier jour. Il faut d'ailleurs noter que depuis vingt ans, les entreprises d'intérim se sont dotées de structures conventionnelles, qui permettent notamment la formation, et qu'elles participeront naturellement au dispositif de formation tout au long de la vie.

La principale préoccupation porte sur les jeunes. Parmi les jeunes en phase d'insertion, donc sortis du système scolaire depuis moins de cinq ans, 20 % occupent une forme particulière d'emploi - CDD, intérim, ou contrat aidé ; un quart seulement des embauches de jeunes de moins de trente ans se fait par la voie du CDI. La probabilité de passage d'un contrat temporaire à un emploi stable est plus élevée pour les jeunes en phase d'insertion qu'elle ne l'est pour les aînés : 40 % des jeunes qui occupaient un emploi à forme particulière ont trouvé un emploi stable un an après, contre 35 % pour les moins de 50 ans et, malheureusement, 27 % pour les plus de 50 ans. Cette constatation justifie la priorité donnée par le Gouvernement à la négociation interprofessionnelle sur l'emploi des seniors, dont on voit qu'ils sont en quelque sorte discriminés sur le marché du travail.

La probabilité de la transformation de ces formes particulières d'emploi en CDI augmente avec le diplôme. 48 % des titulaires d'un diplôme de l'enseignement supérieur ont trouvé un emploi stable, contre 22 % pour ceux qui n'ont aucun diplôme. Voilà qui montre l'importance de la formation, qui est l'un des acquis du plan de cohésion sociale, à tous les niveaux. C'est ce qui différencie les CES ou les contrats jeunes, sans formation, du contrat d'avenir. Celui-ci prévoit en effet une formation et une validation des acquis de l'existant tout en contribuant à la revalorisation de l'apprentissage auprès des jeunes.

Voilà pourquoi l'intérim ne doit être ni paré de toutes les vertus ni accablé de tous les maux. C'est un simple outil que les règles conventionnelles ont permis d'enrichir. L'intérim d'il y a vingt ans n'a rien à voir avec la réalité d'aujourd'hui. Le Gouvernement est donc opposé à ces trois amendements.

Monsieur le président, pardonnez-moi d'avoir été un peu long, mais il était important de communiquer ces données chiffrées à l'Assemblée nationale.

M. le président. Le temps des ministres, ici comme ailleurs, n'est jamais limité.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Votre bel exposé sur les vertus de l'intérim ne m'a pas convaincu, monsieur le ministre. Les faits montrent qu'on accède à un CDI après être passé par un CDD, nous dites-vous. Mais comment pourrait-il en être autrement alors que 80 % des nouveaux contrats de travail sont des contrats à durée déterminée ? Cela prouve simplement que les agences d'intérim sont les outils de la précarisation. Et avec ce texte, vous confirmez cette fonction, car vous savez fort bien que l'intérim est subi et non pas choisi.

M. Charles Cova. Pas toujours !

M. Jacques Desallangre. Vous évoquez le rôle des structures conventionnelles créées par les sociétés d'intérim en matière de formation. Il faudra me prouver ce que vous avancez. Les sociétés d'intérim n'ont en effet aucun intérêt à mieux former ceux qu'elles exploitent et surtout à les conduire vers des CDI, puisqu'il s'agit là de leur matière première. Ce ne sont pas de bons Samaritains.

Monsieur le ministre, il ne faut pas donner une nouvelle forme de reconnaissance aux entreprises d'intérim, qui ne sont rien d'autre que les instruments de votre politique de précarisation de l'emploi. Croyez-vous que les femmes qu'on appelle pour une mission de deux heures le matin et deux heures l'après-midi chez Auchan, par exemple, sont contentes de leur sort ? Nous sommes donc, quant à nous, résolument opposés à l'intérim institutionnalisé que vous souhaitez mettre en place dans cet article 1er.

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. M. Desallangre s'est montré extrêmement convaincant et je ne doute pas que le Gouvernement va revenir sur sa première idée. (Sourires.)

Je tiens à préciser qu'il ne s'agissait pas pour moi de jeter l'anathème sur l'intérim. Je voulais simplement rappeler la réalité. Le but du secteur privé étant de faire du profit, certains domaines doivent relever de l'État et de la solidarité nationale. Il en est ainsi du chômage. C'est une question de morale. Nous ne saurions accepter que la prise en compte de la misère des gens, de leurs conditions de vie de plus en plus difficiles, fasse l'objet d'un enjeu financier.

Faisons un parallèle avec l'école. Il est facile de faire réussir les meilleurs élèves, et certains établissements privés ont fait le choix de n'accepter que des élèves de haut niveau. Mais le rôle de l'école publique est de faire réussir tout le monde. Le SPE doit précisément avoir la même vocation. On ne peut donc introduire cette notion de profit qui aboutira forcément à un placement à deux vitesses.

Comme l'a souligné M. Desallangre, l'intérim n'est choisi qu'en période plein emploi. Or cela fait bien longtemps que nous n'en avons pas connu. Aujourd'hui, nous sommes en période de chômage de masse et l'intérim est donc forcément subi. Il l'est d'autant plus que les missions proposent souvent des emplois partiels avec des horaires inadaptés, voire tranchés, qui empêchent toute vie sociale et familiale.

Enfin, je suis moi aussi un partisan de la formation. Il est évident que, pour mettre un terme au drame national du chômage, nous devons mettre le paquet sur la formation, initiale et tout au long de la vie. Mais, à cet égard, le texte est plutôt pauvre - je pense notamment au titre III.

Monsieur le ministre, nous nous sommes montrés très convaincants, me semble-t-il. Je vous vois souriant et je ne doute pas que vous allez me dire que vous avez compris. (Sourires.) Nous allons avoir une vraie loi de cohésion sociale.

M. Charles Cova. Il serait bien le seul à avoir été convaincu !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Il s'agit, non pas de diaboliser l'intérim, mais de le cantonner aux missions définies par le code du travail. Or, rappelons-le, celui-ci prévoit que l'intérim a pour fonction de remplacer des salariés malades ou de faire face à une suractivité momentanée dans une entreprise.

Dans le service public de l'emploi, on ne proposait pas jusqu'à présent aux demandeurs d'emploi des missions en intérim. On leur proposait des formations, des remises à niveau, des embauches définitives ou en CDD. Faire entrer les entreprises de travail temporaire dans le troisième cercle - l'expression est presque poétique ou cinématographique - du service public de l'emploi, revient à admettre qu'on pourra dorénavant proposer une mission d'intérim d'une semaine à un chômeur, qui n'aura pas besoin d'une formation et auquel on ne pourra offrir ni CDD ni CDI. Or c'est précisément cela qu'au nom des Verts, je refuse.

S'agissant du pourcentage de CDI dans les embauches, il apparaît dans le rapport qu'il était de 32,3 en 2000, de 31,7 en 2001, de 29,8 en 2002, de 28,4 en 2003 : il n'a donc cessé de diminuer. Certes, on peut proposer aux jeunes de commencer leur vie professionnelle par des contrats aidés, puis de passer aux missions d'intérim et aux CDD, pour espérer obtenir un CDI à trente-cinq ans, qu'ils garderont jusqu'à quarante-cinq ans avant d'être considérés comme trop vieux et de devoir recommencer le chemin inverse. Mais j'ai, pour ma part, une autre idée de la société qu'on peut construire dans un des pays les plus riches de la planète.

M. Alain Gest. C'est pour cela qu'il faut arrêter de caricaturer ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Martine Billard. Je ne caricature pas. C'est malheureusement la trajectoire de ceux qui ne sont pas cadre-sup et qui n'ont pas bac + 5. Et ils représentent, que je sache, une bonne partie de la population.

Les actuels contrats aidés prévoient d'ores et déjà la possibilité ou l'obligation d'organiser une formation. Où est l'amélioration dans les contrats que vous proposez ? Je le rappelle, quand on est indemnisé par les ASSEDIC, on a droit, depuis le PARE, à des formations dont la durée ne peut pas être supérieure à celle de l'indemnisation. Cela pose d'ailleurs des problèmes car, de ce fait, on ne peut pas proposer de formation dans des secteurs où l'on manque pourtant de salariés - c'est le cas par exemple pour les aides-soignantes. En outre, si l'on n'est pas indemnisé par les ASSEDIC, soit on est au niveau des minima sociaux et on entre dans la catégorie des contrats aidés, soit on n'a droit à aucune indemnité parce que, du fait des revenus du conjoint, par exemple, on se retrouve au-dessus des plafonds ouvrant droit à l'ASS ou au RMI. Et dans ce cas, on peut toujours aller demander à bénéficier d'une formation, les chances de l'obtenir sont pratiquement égales à zéro.

Par conséquent, autant je considère qu'il fallait modifier les CIF autant je regrette qu'on en arrive à la situation que je viens de décrire.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. Qu'on le veuille ou non, les entreprises d'intérim participent à des opérations qui concernent le service public de l'emploi. Certes, on peut critiquer leur comportement. Mais certains organismes de formation sont tout aussi critiquables dans leur mode de fonctionnement. Prévoir d'associer parfois ces entreprises au SPE - je rappelle que c'est une possibilité et non pas une obligation - ne constitue-t-il pas précisément un moyen de contrôler un peu mieux leur mode d'intervention dans le domaine de l'emploi, notamment intérimaire ? En effet, les laisser continuer à fonctionner sur le marché libre sans jamais se préoccuper de ce qu'elles font n'est pas la meilleure solution, d'autant que, même réorganisé par ce texte, le service public de l'emploi n'apportera pas une réponse à tous et que beaucoup seront donc obligés de se tourner vers l'intérim. C'est un choix aussi, parfois.

Chers collègues, j'ai bien entendu vos arguments et je les comprends. Mais est-il vraiment si négatif d'envisager que ces entreprises soient associées au service public de l'emploi ?

M. Jacques Desallangre. C'est dangereux !

M. Pierre Cardo. Certes, mais vous pouvez encadrer le dispositif. Vous l'imaginez bien, ce texte prévoit que des accords soient passés, et donc un cahier des charges établi.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Pierre Cardo est pragmatique. Rappelons-le, lorsque nous organisons des forums pour l'emploi dans les collectivités, tout le monde est rassemblé et les entreprises d'intérim n'ont pas un statut particulier.

Madame Billard, vous avez évoqué la situation des femmes. Je tiens à dire au nom du Gouvernement que le service des droits des femmes, sur lequel veille particulièrement Nicole Ameline, fait partie intégrante du service public de l'emploi. Nous le retrouvons d'ailleurs dans la déclinaison de l'accord sur l'égalité professionnelle, que nous évoquerons à l'occasion du débat sur les discriminations.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 212, 324 et 676.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 677.

La parole est à M. Patrick Roy, pour le soutenir.

M. Patrick Roy. J'ai déjà eu l'occasion de le dire, ce projet de loi ne répond pas à l'objectif que vous lui fixez. Certes, je trouve son titre très sympathique mais il reflète l'opposition très forte qui existe entre notre conception du rôle de l'État et du service public, et l'arrivée du privé, avec les différences de traitement qui en découleront.

Ce projet de loi mérite une autre critique, déjà longuement développée : il est extrêmement flou sur de nombreux points. Prenons les maisons de l'emploi : on ne sait pas très bien ce qu'elles feront, comment elles seront organisées et comment elles seront dirigées.

Cet amendement, qui répond à un besoin d'efficacité et de clarification, vise à préciser le contenu de la convention pluriannuelle qui sera passée entre l'État, l'ANPE et les organismes de l'assurance chômage. Il est important de préciser les objectifs du service public de l'emploi, ses moyens de coordination et surtout les modalités de leur déclinaison au niveau local.

Nous espérons obtenir dans les jours qui viennent des réponses à nos nombreuses interrogations, qui n'ont été levées ni à la lecture du projet de loi, ni lors de l'audition des ministres, ni par les travaux de la commission.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. La commission a repoussé l'ensemble des amendements qui visent à rédiger différemment l'article 1er.

Mme Jacqueline Fraysse. Bel argument !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. La convention pluriannuelle tripartite passée entre l'État, l'UNEDIC et l'ANPE est préconisée, je le rappelle, dans un certain nombre de rapports, dont celui de M. Marimbert. Son objectif est de renforcer les synergies entre l'ANPE et l'UNEDIC. Au-delà du guichet unique, sa logique est celle du dossier unique et de l'accompagnement en synergie du demandeur d'emploi.

Quant à l'AFPA, elle appartient à ce qu'on appelle le premier cercle. Acteur du service public de l'emploi, elle participera aux orientations et aux objectifs de la politique de l'emploi, tant au niveau national qu'au niveau territorial.

M. Jean-Paul Anciaux. Tout à fait !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Pourquoi ne sommes-nous pas favorables à cet amendement ? Je vous rappelle notre discussion à propos des maisons de l'emploi et les récentes interventions de M. Anciaux et de M. Thomas. La convention tripartite nationale ne doit pas devenir une sorte de calcification définitive de ce que doit être la maison de l'emploi ! La réponse doit être adaptée au terrain. Elle sera différente outre-mer, en Île-de-France et dans le Nord - Pas-de-Calais. Il faut privilégier la souplesse et la prise en compte des réalités territoriales.

Nous ne pouvons, pour des raisons de fond, accepter cet amendement, même si, naturellement, l'AFPA participe pleinement à la définition de la politique de l'emploi, tant nationale que territoriale.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 677.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 261.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le soutenir.

Mme Jacqueline Fraysse. Le texte que vous nous proposez, monsieur le ministre, modifie l'article L. 311-1 du code du travail qui définit les acteurs du service public de placement et les conditions particulières dans lesquelles ce service s'applique.

Vous élargissez à de nouveaux acteurs, privés et publics, la prérogative du placement et vous créez une convention qui servira d'outil de contrôle de l'activité de la seule ANPE. Cette convention, signée entre l'État, l'ANPE et les organismes de l'assurance chômage, précisera les objectifs du service public de l'emploi au regard de la situation de l'emploi et les modalités de leur adaptation locale.

Notre amendement tend à introduire un aspect oublié par le Gouvernement, à savoir la dimension financière qui est attachée à ces objectifs. Sur ce point, curieusement, la loi de programmation que vous nous proposez est vide. Vous êtes prolixe sur les objectifs que vous fixez à l'ANPE, mais étonnamment muet sur les moyens supplémentaires dont elle aura besoin pour les atteindre. S'agira-t-il d'un financement de l'État ou des collectivités territoriales ? Est-ce dans ce but que vous introduisez celles-ci dans le GIP qui fondera les maisons de l'emploi ?

Ces questions, à nos yeux, sont fondamentales dans la mesure où, selon la réponse que notre assemblée leur apportera, le principe d'égalité de traitement des chômeurs sur l'ensemble du territoire sera préservé ou non. Vous savez comme nous que les communes, les départements et les régions n'ont pas tous les mêmes moyens. En tout état de cause, ils ne peuvent être considérés comme des vaches à lait pour financer vos projets, comme l'a rappelé, lors de son récent congrès, l'Association des maires de France.

Considérant que le financement public de ces activités doit apparaître clairement dans les conventions territoriales, nous proposons que la convention pluriannuelle qui détermine les conditions dans lesquelles ces objectifs sont précisés, détermine également « leurs financements publics ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. La commission a rejeté cet amendement. On ne négocie pas à trois des financements publics, puisqu'il s'agit de contrats bilatéraux. Ce que suggère cet amendement serait donc contraire au paritarisme.

Comment réagirait l'ANPE si, ayant passé un contrat avec l'État, elle voyait surgir un troisième partenaire dans la négociation pour son financement public ? De la même manière, si l'UNEDIC et l'ANPE se rapprochent, quelle sera leur réaction si l'État s'immisce dans leur discussion, devenant de fait un contrôleur tatillon ?

Mme Jacqueline Fraysse. Si l'État paie...

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Il faut maintenir les règles telles qu'elles sont établies dans le projet pour assurer le fonctionnement du service public de l'emploi, respecter les principes du paritarisme et garder à l'esprit que ces financements publics sont le fruit de contrats bilatéraux qui doivent le rester.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. La convention tripartite n'a pas vocation, je le rappelle, à s'occuper des moyens financiers : c'est le contrat de progrès entre l'État et l'ANPE qui définit les objectifs, les efforts de modernisation, les approches nouvelles, et par conséquent les moyens financiers. Ce contrat de progrès sera renouvelé dès les premières semaines de l'année 2005. Sa signature interviendra donc parallèlement à la préparation de la convention tripartite.

De même, comme l'a rappelé Mme la rapporteure, l'UNEDIC est un organisme paritaire et la convention tripartite n'a pas vocation à décider pour un organisme paritaire. J'ai cru comprendre qu'un certain nombre de parlementaires s'inquiétaient du sort fait à l'UNEDIC et d'une éventuelle restriction du paritarisme. Au contraire, c'est votre amendement, madame la députée, qui en réduirait l'exercice !

Telle est la logique du contrat de progrès avec l'ANPE. Mais je ne peux accepter votre amendement, même si la question des moyens se pose, car sans moyens, bien sûr, il n'y aurait pas de contrat de progrès entre l'État et l'ANPE.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 261.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 262.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le soutenir.

Mme Jacqueline Fraysse. J'y insiste : les objectifs de l'activité du service public de l'emploi nécessitent, pour être réalisés, des moyens financiers adéquats. Le financement public de ses activités - ses circuits, ses destinataires - doit donc clairement apparaître dans l'ensemble des conventions nationales et territoriales afin d'être décliné au plan local.

Pour parvenir à cette transparence, nous souhaitons qu'un rapport annuel d'activité soit remis aux élus locaux, définissant la nature et les moyens des objectifs de cette activité. Vous introduisez dans votre dispositif les collectivités locales et territoriales. Il est donc normal que les élus qui les représentent soient informés, qu'ils aient un droit de regard et puissent émettre un avis sur cette question. Nous proposons donc que l'information sur la régulation du marché de l'emploi soit partagée par tous, notamment par les décideurs locaux.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Des rapports, encore des rapports, toujours des rapports ! Les statistiques existent, provenant du ministère et d'autres organismes. Il suffit de s'y reporter. Demander sans arrêt à ceux qui travaillent de rédiger des rapports ne présente pas un intérêt fulgurant quand on dispose des données nécessaires. C'est la raison pour laquelle la commission a rejeté cet amendement.

M. Alain Gest. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement, qui contribuerait à la multiplication des rapports. Mais le projet de loi prévoit que le comité régional de l'emploi, placé sous l'autorité du préfet de région, ou du préfet du département pour le comité départemental, aura notamment pour rôle d'examiner le fonctionnement du service public de l'emploi.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 262.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 213.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le soutenir.

M. Jean-Claude Sandrier. L'article 1er précise qu'une convention pluriannuelle détermine notamment - c'est le c) de l'article 311-1 - « les modalités de coordination des actions respectives des services du ministère chargé de l'emploi, de l'ANPE et des organismes de l'assurance chômage et de transmission mutuelle des informations qui leur sont nécessaires pour réaliser ces actions ». Nous proposons d'insérer le mot « strictement » avant le mot « nécessaires ».

L'objectif du Gouvernement, selon l'exposé des motifs du projet de loi, est de parvenir d'ici à 2006 à la constitution d'un dossier unique du demandeur d'emploi, accessible aux différents réseaux. C'est un aspect positif. Or l'article 1er ne donne aucune garantie de confidentialité. Cette lacune est d'autant plus préjudiciable qu'elle rappelle un dispositif très restrictif, s'apparentant à un fichage, qui existait au XIXème siècle : c'était le livret ouvrier, que des luttes répétées ont fini par faire disparaître.

Le manque de confidentialité nous inquiète. C'est pourquoi nous tenons à préciser que seules les informations objectives minimales et à caractère non personnel, donc strictement nécessaires au demandeur d'emploi, devront figurer dans ce dossier, et à titre tout à fait confidentiel.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. La commission a rejeté cet amendement, qui ne nous semble pas avoir une grande portée. Je ne comprends pas bien la différence entre des informations nécessaires et des informations « strictement » nécessaires. L'encadrement strict du dispositif est assuré par la loi Informatique et libertés, en ce qui concerne la transmission de données informatiques.

Compte tenu de ce que représente la CNIL, l'enjeu de cet amendement paraît faible. C'est la raison pour laquelle la commission l'a rejeté.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Le Gouvernement partage la préoccupation légitime des auteurs de l'amendement mais, conformément à la loi du 6 janvier 1978, le texte prévoit que l'accès aux informations relatives au demandeur d'emploi ne vaut qu'en tant que de besoin, pour la seule réalisation des actions menées par chaque acteur intervenant sur le marché du travail. Je vous rappelle que la CNIL veille au respect des règles et garanties prévues par la loi du 6 janvier 1678. Nous souhaitons le retrait de cet amendement qui n'apporte pas de protection supplémentaire par rapport à celle qui existe déjà.

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. M. le ministre nous dit partager l'interrogation des auteurs de l'amendement...

M. le ministre délégué aux relations du travail. Je n'ai pas d'interrogation !

M. Patrick Roy. ...et nous explique que, le texte étant déjà parfaitement écrit, l'ajout du mot « strictement » est tout à fait inutile.

Si nous voulons aborder ce texte d'une manière républicaine et collective, lorsqu'un simple ajout ne semble pas mettre en jeu des logiques différentes - que par ailleurs je peux comprendre, et je fais là référence à notre discussion sur l'intégration des services privés -, il ne devrait pas, a priori, y avoir d'opposition. Si vraiment vous partagez l'angoisse qui est la nôtre, j'ai du mal à comprendre pourquoi vous nous refusez de simples dispositions qui ne changent pas l'esprit de la loi. Cela pourrait laisser penser que vous nourrissez des arrière-pensées.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 213.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 726.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour le soutenir.

M. Francis Vercamer. Voilà quelques mois, lors de l'examen d'un autre texte, j'avais réclamé le guichet unique pour les demandeurs d'emploi. Le Gouvernement avait d'ailleurs accepté un amendement dans lequel je demandais un rapport sur l'établissement du guichet unique avant le 31 décembre 2004.

Aujourd'hui, je demande, par cet amendement, la constitution du dossier unique du demandeur d'emploi. À défaut d'avoir le guichet unique, si le demandeur d'emploi avait un dossier qui le suit, comportant des informations à la fois en termes de placement et d'indemnisation, voire de formation, ce serait très positif.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Je m'en étais remise à la sagesse de la commission, qui n'a pas été entièrement persuadée de l'opportunité de cet ajout et a rejeté l'amendement. Elle s'est tout de même posé la question.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Comme nous l'avons déjà expliqué, nous partageons la préoccupation exprimée par M. Vercamer.

Un des enjeux de la convention tripartite est l'interopérabilité des échanges de données entre les agents des deux grands opérateurs, par le biais d'une interface entre, notamment, des systèmes d'information réciproque. Il faut savoir que, la plupart du temps, nos réseaux informatiques, nos réseaux numériques sont très difficilement compatibles et que nous continuons à passer des marchés sans prévoir leur compatibilité.

L'objectif est bien de parvenir à un dossier unique - pour ce qui est du guichet unique, nous verrons la réalité des situations et il y aura, en tout cas, un réseau. Ce dossier unique devra être accessible aux organismes chargés du suivi et du placement des demandeurs d'emploi. Le Gouvernement poursuit cet objectif, atteint dans la plupart des autres pays. Il n'y a que chez nous que subsistent encore parfois trois dossiers pour le même demandeur face à une même problématique de recherche d'emploi !

Voilà pourquoi le Gouvernement est favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 726.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 471.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour le soutenir.

M. Francis Vercamer. Cet amendement, dans la droite ligne du précédent, intègre l'AFPA dans le dossier unique. Certes, l'AFPA n'est pas le seul organisme de formation mais, étant le plus « institutionnalisé », il me paraît important qu'il fasse partie de l'équipe qui va suivre le demandeur d'emploi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. La commission a rejeté l'amendement, estimant que l'AFPA n'a pas vocation à faire partie du dossier unique, car elle assure des activités de formation et ne peut être juge et partie.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Le Gouvernement a le même avis que la commission. Si l'AFPA appartient bien au « premier cercle », elle n'a pas vocation à participer au dossier unique en tant que telle, d'autant que d'autres organismes de formation auront à intervenir dans certains territoires.

Voilà pourquoi nous souhaitons le retrait de votre amendement, monsieur Vercamer, ce qui n'enlève rien à l'importance de l'AFPA.

M. Francis Vercamer. Je le retire.

M. le président. L'amendement n° 471 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements, nos 678 et 679, pouvant faire l'objet d'une présentation commune, dans la mesure où le rejet du premier ferait tomber le second.

La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Tout à l'heure, Mme la rapporteure a rejeté un amendement au motif qu'il conduirait à réécrire l'article 1er. J'avoue que l'argument me paraît faible, mais j'ai peu d'espoir que ces deux amendements soient retenus car ils proposent, eux aussi, une réécriture.

Une convention pluriannuelle, dite « convention territoriale de développement de l'emploi » doit être le cadre de l'action du service public de l'emploi à un niveau pertinent. À long terme, elle favoriserait la gestion prévisionnelle de l'emploi au niveau d'un bassin d'emploi pour anticiper les problèmes de reconversion. À moyen terme, elle permettrait une mise en cohérence des objectifs locaux avec les objectifs nationaux fixés dans la convention nationale.

Nous espérons que la sagesse du Gouvernement l'amènera à accepter nos amendements, mais l'intransigeance de Mme la rapporteure risque d'y faire obstacle.

M. Jean Le Garrec. Très bien, monsieur Roy ! Que le Gouvernement nous prouve sa sagesse !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Je ne pense pas faire preuve d'intransigeance, mais simplement de cohérence. À partir du moment où les deux amendements comportent une vision très différente de celle proposée par le Gouvernement, ils ne peuvent qu'être repoussés, pour toutes les raisons que j'ai déjà exprimées.

Encore une fois, chacun a le droit d'avoir sa vision, et la vôtre est totalement respectable, monsieur Roy. Simplement, elle est incompatible avec celle du projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. La sagesse, c'est aussi la cohérence ! Comme nous voulons la cohérence avec les positions exprimées antérieurement, la sagesse ne peut que conduire à un avis défavorable. Je suis désolé pour M. Le Garrec !

M. Jean Le Garrec. Je suis déçu !

M. Patrick Roy. Et moi donc !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Ça s'arrangera !

M. le président. Malgré cette déception, je mets aux voix l'amendement n° 678. (Sourires.)

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Par conséquent, l'amendement n° 679 n'a plus d'objet.

Je suis saisi d'un amendement n° 680.

La parole est à M. Patrick Roy, pour le soutenir.

M. Patrick Roy. Je ne doute pas un seul instant que, cette fois-ci, la sagesse du Gouvernement va nous permettre d'adopter cet amendement important, même s'il touche à une des divergences majeures entre notre lecture du projet et la vôtre.

Je le martèle : le texte dont nous sommes saisis étant intitulé « projet de loi pour la cohésion sociale », nous aurions pu imaginer qu'il offrirait de nouveaux droits, de nouvelles protections, de nouvelles garanties, un avenir meilleur, une vraie formation, et au final, qu'il favoriserait l'accès au plein-emploi, modèle auquel nous devons tendre.

Or nous découvrons qu'en guise de cohésion sociale, le texte fait preuve de beaucoup de souplesse pour les entreprises et de beaucoup de rudesse, de fermeté, pour les chômeurs, notamment en mettant l'accent sur de nouvelles sanctions à leur encontre. Si la logique est d'inscrire ces nouvelles sanctions, alors il faut mettre en parallèle des droits réaffirmés. Or rien dans ce texte ne concerne le droit des chômeurs à bénéficier d'un emploi véritable, à se voir proposer l'emploi qui leur permettrait de s'intégrer réellement dans la vie. Si, d'un côté, les sanctions sont développées, il faut que, de l'autre, le service public, l'État soit cohérent et apporte de nouveaux droits.

Pour ma part, je crois beaucoup à la notion de droits et de devoirs. Ou bien nous mettons les deux en avant, et vous devez nous dire quelle est la politique de l'emploi qu'offre ce gouvernement. Ou bien on sanctionne plus gravement, et on choisit un autre titre pour la loi, en tout cas pas celui de « cohésion sociale ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. À ses yeux, le dernier alinéa de l'amendement, aux termes duquel « tout employeur est tenu de notifier à l'Agence nationale pour l'emploi toute place vacante dans son entreprise », justifie à lui seul le rejet, car il va à l'encontre de l'objectif visé par le projet de loi.

Encore une fois, par cohérence, je ne vois comment on pourrait accepter une telle rigidité.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Monsieur Roy, le service public de l'emploi a pour mission de fournir « le service adéquat, au bon moment, à la bonne personne ». Comme je l'ai dit en répondant à M. Le Garrec, les partenaires sociaux ont mis en place le dispositif PARE-PAP, dans le cadre de la convention du 1er janvier 2001. Le PARE n'est pas supprimé : nous y ajoutons, à l'article 37, un dispositif complémentaire de droit au reclassement pour les salariés des PME. En conséquence, nous ne sommes pas favorables à cet amendement.

M. Patrick Roy. Je suis déçu, une fois de plus !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 680.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 501.

M. Alain Gest. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Je préfère l'amendement n° 24 de la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 501.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 24 et 620

La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 24.

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Il nous a paru important de mentionner les intercommunalités, dont les compétences sont de plus en plus nombreuses, dans l'intitulé de la section 5 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code du travail.

M. le président. La parole est à M. Rodolphe Thomas, pour soutenir l'amendement n° 620.

M. Rodolphe Thomas. Il est en effet important de mentionner ici les groupements de communes et les EPCI.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Favorable aux deux amendements, dans la logique de la réponse que nous avons faite à Pierre Cardo.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 24 et 620.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 681 de M. Gorce n'a plus d'objet, du fait du rejet de l'amendement n° 678.

Je suis saisi d'un amendement n° 25 de la commission.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Il s'agit d'un amendement de précision, que la commission a adopté à l'initiative de M. Perrut.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Pour définir un territoire d'action cohérent et pertinent pour les maisons de l'emploi, et pour l'adapter à la configuration des bassins d'emploi, il faut identifier les besoins. C'est pourquoi nous devons impérativement faire preuve de souplesse. Nous faisons nôtres toutes les préoccupations qui s'expriment à propos des bassins d'emploi et des comités de bassin d'emploi. Nous sommes donc favorables à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Le groupe UDF est bien sûr favorable à cet amendement. Je souhaiterais néanmoins que M. le ministre nous apporte une précision : lorsqu'il parle, comme le propose l'amendement, d'un ressort « adapté à la configuration des bassins d'emploi », faut-il bien comprendre, comme je le pense et comme je l'espère, qu'il peut y avoir une ou plusieurs maisons de l'emploi dans un même bassin ? Certains comptent 600 000 habitants quand d'autres n'en ont que 20 000.

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. Je trouve l'intervention de M. Vercamer d'une extraordinaire justesse.

M. Rodolphe Thomas. Comme toujours !

M. Jean Le Garrec. Non, pas comme toujours ! (Sourires.) Il a raison, en tout cas, de préciser qu'il peut y avoir une ou plusieurs maisons de l'emploi dans un même bassin d'emploi. Je me suis donc complètement trompé tout à l'heure en avançant l'hypothèse d'une quarantaine de maisons de l'emploi pour le Nord. Je viens de refaire mon calcul : il en faudrait 175... (Rires.)

Mme Martine Billard. Vous en prenez plus de la moitié !

M. Pierre Cardo. Laissez-en un peu pour les autres !

M. Jean Le Garrec. ...et autant pour le Pas-de-Calais. Ainsi, à elle seule, la région Nord - Pas-de-Calais accapare les 300 maisons de l'emploi qui sont prévues.

M. Antoine Herth. Vous êtes gourmand !

M. Jean Le Garrec. Si le projet ne correspond pas tout à fait à ce qui est souhaitable, il faut le redimensionner, comme je l'ai dit dans la discussion générale, et bâtir des dispositifs adaptés en partant de ce qui existe. Sinon, on risque d'engendrer des monstres sans rapport avec la réalité.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. Je suis plutôt favorable à cet amendement, mais je me demande s'il ne faudrait pas apporter une autre précision. L'article parle de « maisons de l'emploi, dont le ressort ne peut excéder la région », ce qui implique sans doute que le territoire d'une maison de l'emploi doit être entièrement contenu dans une même région. Mais que se passe-t-il, par exemple, dans le cas d'une commune d'Île-de-France comme la mienne, voisine de la Haute-Normandie ? Que fait-on si le bassin d'emploi est à cheval sur deux régions ?

M. Jean Le Garrec. M. Cardo simplifie le problème ! (Sourires.)

M. Pierre Cardo. Le texte, tel qu'il est rédigé, interdit-il de sortir des frontières d'une région ? Sans doute s'agit-il au contraire de préciser que le ressort des maisons de l'emploi ne peut pas dépasser une région entière, mais il faut penser au cas des bassins à cheval sur deux, voire trois régions, comme dans le centre de la France. Les différences d'interprétation peuvent entraîner des blocages et il serait bon que nous ayons cet éclaircissement avant de voter.

M. Alain Gest. Il faut de la souplesse et du pragmatisme !

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Anciaux.

M. Jean-Paul Anciaux. Ce n'est pas une question de surface et de géographie. La notion de bassin d'emploi est importante, car c'est à cette échelle que l'on peut, par une bonne connaissance des situations et des chiffres, conduire des réflexions qui pourront rendre les dispositifs plus efficaces. Il est vrai que, compte tenu de la démographie de certaines régions, comme ma chère Bourgogne, les maisons de l'emploi devront parfois couvrir plusieurs bassins. À l'inverse, dans d'autres, comme le Nord - Pas-de-Calais qu'évoquait Jean Le Garrec, on pourra créer plusieurs maisons dans un grand bassin. L'essentiel est que la maison de l'emploi soit tête de réseau. Le ministre l'a dit et tout le monde est d'accord : il convient de prendre en compte l'existant. Il n'y aura pas de maison de l'emploi virtuelle. Et toutes délimiteront leur périmètre en prenant en compte ce qui existe.

Sans doute le ministre répondra-t-il à Pierre Cardo avec plus de précision que je ne saurais le faire mais, même si nous sommes partis de la gradation commune-agglomération-département-région, il est clair que, en cas de chevauchement, c'est la plus grande entité qui sera porteuse du projet.

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. Notre collègue Pierre Cardo n'a pas vraiment simplifié les choses en se référant aux frontières régionales. Il a raison de poser ce problème, qu'il faut d'ailleurs étendre aux frontières nationales. Ainsi, la Flandre du Nord travaille de plus en plus avec la Flandre belge. On peut envisager des systèmes de coopération lorsque des salariés passent d'un pays à un autre.

Je rejoins M. Anciaux, et je vais lui faire un compliment,...

M. Jean-Paul Anciaux. Merci !

M. Jean Le Garrec. ...ce qui n'est pas si fréquent. Il insiste à juste titre sur le concept de tête de réseau, qui eût permis, à mon sens, de remédier à la complexité de ce texte. Il suffisait de parler de têtes de réseau assurant la coordination des structures existantes, telles que les PLIE, dans les bassins d'emploi, ainsi que la participation du patronat et des organisations syndicales. Si les maisons de l'emploi, c'est cela, je suis preneur !

M. Jean-Paul Anciaux. Il n'est pas dit que ce n'est pas cela !

M. Jean Le Garrec. Je propose de réécrire en ce sens l'ensemble de l'article pour la commission mixte paritaire.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Monsieur Vercamer, j'ai eu l'occasion de le dire lors de l'examen du projet de loi de finances : il pourra y avoir plusieurs maisons de l'emploi dans des grands bassins d'emploi comme ceux de votre région.

Pierre Cardo a mis le doigt sur quelque chose d'important. La référence des maisons de l'emploi, ce sont les collectivités territoriales, communes ou groupements de communes. Mais il peut y avoir des bassins d'emploi interdépartementaux ou interrégionaux. Pardonnez-moi de prendre l'exemple d'un territoire que je connais bien : à Rambouillet-Épernon...

M. Jean Le Garrec. Des nantis !

M. le ministre délégué aux relations du travail. ...on trouve deux pôles industriels, à cheval sur la région Île-de-France et la région Centre, sur l'Eure-et-Loir et les Yvelines.

Je tiens à préciser, pour que les choses soient claires, que le projet n'enferme pas les maisons de l'emploi dans des limites préétablies.

M. Jean-Paul Anciaux. Très bien !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Nous n'excluons donc pas a priori qu'une maison de l'emploi puisse être créée à cheval sur deux régions si les réalités économiques et sociales l'exigent, conformément à la logique du bassin d'emploi.

M. Alain Gest. Restera à le faire entendre aux préfets !

M. Jean Le Garrec. Très juste !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Je leur écrirai personnellement en ce sens.

L'important est que le ressort de la maison de l'emploi n'excède pas la région ou, en Corse, la collectivité territoriale.

M. Jean Le Garrec. Je retiens pour ma part la formule « tête de réseau » !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 265, 503 et 622 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 265.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement de repli a un double objectif ; il précise le rôle des maisons de l'emploi ; il tend à ce que les outils locaux actuels de la politique de l'emploi ne soient pas négligés par le Gouvernement.

En effet, si ce dernier propose de créer des maisons de l'emploi dont l'objectif est de coordonner les actions menées dans le cadre du service public de l'emploi et d'informer sur les besoins locaux de main-d'œuvre comme de reconversion des territoires, il emploie le conditionnel en prévoyant que ces maisons de l'emploi « peuvent » également participer à l'accueil et à l'orientation des demandeurs d'emploi. Cette troisième mission est, selon nous, essentielle et ne saurait être facultative.

Nous l'avons déjà dit, la mise en place de maisons de l'emploi - institutions réunissant sur un territoire donné l'ensemble des acteurs du service public de l'emploi pour travailler dans l'intérêt des chômeurs et associant dans la mise en œuvre de ses décisions les acteurs du monde de l'entreprise et de la formation - n'est pas en soi une mauvaise idée.

En revanche, si ces maisons de l'emploi devaient avoir pour seule finalité de mettre à bas les outils publics actuels de la politique de l'emploi, en liquidant l'ANPE et toutes les structures locales de l'insertion et de l'emploi, nous ne pourrions l'accepter. Or nous sommes inquiets sur ce point car la nouvelle rédaction de l'article L. 311-10 du code du travail semble, hélas, permettre un tel usage de l'outil qui est créé. Comment expliquer autrement l'utilisation du conditionnel pour une action qui est déjà au cœur du service public de l'emploi ?

Les PLIE et les missions locales, l'ensemble des dispositifs d'insertion sociale ou économique, œuvrent déjà concrètement au niveau local et régional pour aider les demandeurs d'emploi. Il s'agit d'outils pertinents et efficaces du service public de l'emploi. Quel serait l'intérêt de ces maisons de l'emploi s'il ne s'agissait pas d'un moyen supplémentaire pour améliorer et coordonner le travail actuellement mené sur le plan local et territorial au profit des demandeurs d'emploi ?

Voilà pourquoi il nous semble nécessaire que l'action entreprise au bénéfice des chômeurs relève des maisons de l'emploi et qu'à cet effet, les PLIE et les missions locales fassent partie intégrante de ces nouvelles structures du service public de l'emploi.

M. le président. L'amendement n° 503 n'est pas défendu.

La parole est à M. Rodolphe Thomas, pour soutenir l'amendement n° 622 rectifié.

M. Rodolphe Thomas. Avec cet amendement, je me fais l'interprète de l'Alliance Villes Emploi qui œuvre pour l'insertion sociale et professionnelle. Elle demande l'intégration dans les maisons de l'emploi des missions locales et des PLIE, opérateurs du suivi et du financement des chantiers d'insertion, des accompagnements personnalisés ou encore des parcours d'accès à l'emploi.

Les maisons de l'emploi ont d'ailleurs parmi leurs objectifs celui de décloisonner les actions des services et des structures associatives au profit des demandeurs d'emploi. Voilà pourquoi il me semble pertinent de regrouper les PLIE, les missions locales et les maisons de l'emploi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 265 et 622 rectifié ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Je souhaite indiquer d'emblée les raisons pour lesquelles la commission a rejeté la plupart des amendements relatifs aux maisons de l'emploi, ce qui m'évitera d'y revenir.

Ces amendements traduisent, pour la plupart, une certaine incompréhension du projet du Gouvernement. L'objectif n'est pas d'imposer une nouvelle structure venant se superposer à d'autres mais, à partir de ce qui existe déjà, de labelliser les dispositifs qui ont fait leurs preuves, en gage de reconnaissance du dynamisme, plus ou moins grand selon les territoires, des différents acteurs.

Nous avons fait le choix d'une triple souplesse pour les futures maisons de l'emploi.

La première tient à leur forme juridique, qui pourra être ou non celle d'un GIP.

La deuxième souplesse a trait à leur composition. Un noyau dur, restreint, de partenaires sera obligatoire.

M. Jean-Paul Anciaux. Très bien !

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Il pourra s'agir de l'État, de l'ANPE, de l'UNEDIC, voire d'une collectivité locale, toutes structures sans lesquelles la démarche d'insertion n'aurait aucun sens. Mais en aucun cas la porte ne sera fermée à d'autres structures. Les missions locales, les PLIE, les comités de bassin, l'AFPA, les partenaires sociaux, les chambres consulaires, etc., ...

M. Jean-Paul Anciaux. Les MIFE.

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. ...pourront bien sûr être associées aux maisons de l'emploi si elles le souhaitent et si elles y ont une utilité. Leur présence sera possible, mais l'imposer ne ferait que compliquer les choses. En effet, plus un organisme nouveau associe de parties prenantes, plus il est difficile à mettre en place. Comment ferait-on, en outre, dans un bassin d'emploi où n'existe pas de PLIE, de représentation consulaire, syndicale et patronale à l'échelon territorial, ou d'antennes de l'AFPA ?

La troisième souplesse tient à la mission réservée aux maisons de l'emploi. L'accueil des demandeurs d'emploi aura ainsi un caractère facultatif afin de tenir compte de chaque situation. Le guichet unique est certainement nécessaire dans certaines zones rurales, mais il l'est peut-être moins en ville, où de nombreuses agences de l'ANPE, voire certaines antennes de l'UNEDIC, peuvent parfaitement remplir ce rôle.

Une trop grande rigidité ferait de ces maisons de l'emploi des tours de Babel où seul Nabuchodonosor pourrait se retrouver. C'est pourquoi la commission a fait le pari de la souplesse et rejeté les amendements tendant à modifier la nature de ces organismes.

M. Alain Gest. Voilà qui est sage !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Je ne sais si Nabuchodonosor pourrait se retrouver dans la maison de l'emploi, mais celle-ci n'a pas vocation à n'avoir que deux faces, telle la gratounette Spontex. (Sourires.) C'est, en effet, la souplesse qui doit tenir lieu d'architecture aux maisons de l'emploi. Sur la base du socle commun que j'ai décrit, et de cercles concentriques, chacune et chacun a vocation à les rejoindre.

J'ai évoqué tout à l'heure une maison de l'emploi créée à l'initiative conjointe du MEDEF et de la CFDT. Elle pourra être labellisée à la suite de la mission que le Gouvernement va confier à M. Anciaux et qui devra définir rapidement les critères de labellisation. Ces critères permettront d'apporter des réponses différentes à des situations elles-mêmes diverses.

M. Jean-Paul Anciaux. Tout à fait.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Chaque territoire a en effet son histoire, où le PLIE et d'autres structures ont pu jouer un rôle particulier.

Aussi, quel que soit l'intérêt de ces amendements, le Gouvernement souhaite leur retrait.

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. Monsieur le ministre, plus je vous entends parler des maisons de l'emploi, plus je pense que vous avez l'étoffe d'un grand architecte !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Comme Nabuchodonosor ? (Sourires.)

M. Jean Le Garrec. J'ajouterai à l'attention de Mme la rapporteure que changer la nature d'une maison de l'emploi est dans la nature des choses, puisque cette structure est devenue extrêmement mobile.

L'important, c'est d'affirmer son rôle, et tel est d'ailleurs l'objectif de mon amendement suivant, n° 682. Si on ne supprime pas le verbe « peuvent », on reste vraiment dans le virtuel, même plus dans un rôle de tête de réseau. Si les maisons de l'emploi ne « peuvent » que participer à l'accueil et à l'orientation des chômeurs, je me demande ce qui restera de cette construction dont Nabuchodonosor lui-même aurait eu bien du mal à trouver la porte d'entrée ! (Sourires.)

M. le président. Si je comprends bien, monsieur Le Garrec, vous avez défendu par avance votre amendement n° 682 ?

M. Jean Le Garrec. En effet, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 265.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 622 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 502, 621 et 682, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques, mais l'amendement n° 502 n'est pas défendu.

La parole est donc à M. Rodolphe Thomas, pour soutenir l'amendement n° 621.

M. Rodolphe Thomas. Je propose de substituer aux mots « peuvent également participer » les mots « participent également », de façon à affirmer plus clairement les compétences des maisons de l'emploi en matière de participation à l'accueil, à l'orientation, à l'insertion, à l'orientation en formation et à l'accompagnement des demandeurs d'emploi.

Le terme « peuvent » n'est vraiment pas approprié, parce que trop vague. L'orientation, l'accompagnement, l'accueil doivent être des missions fondamentales, « régaliennes », si nous voulons vraiment dynamiser ces fameuses maisons de l'emploi.

M. le président. L'amendement n° 682, qui a pratiquement le même objet, a déjà été soutenu par M. Le Garrec.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 502 et 682 ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Sans parti pris ni enthousiasme particulier, la commission a estimé que ces deux amendements risquaient de créer une obligation alors que, justement, nous recherchons la souplesse. Elle les a donc plutôt rejetés.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Pour sa part, le Gouvernement est plutôt favorable à cette précision.

M. Jean Le Garrec. Merci au grand architecte ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je veux d'abord remercier mon ami Rodolphe Thomas d'avoir lancé le débat sur le rôle des maisons de l'emploi. Si elles ne servaient qu'à débattre ou organiser des réunions entre les acteurs sans disposer de prérogatives fortes, ces maisons ne serviraient pas à grand-chose. Je félicite donc le Gouvernement d'avoir donné un avis favorable à cet amendement. J'ai moi-même déposé d'autres amendements qui donnent encore plus de poids aux maisons de l'emploi, parce que je pense qu'elles sont un outil indispensable si nous voulons créer des passerelles entre le monde de la solidarité et de l'insertion et le monde de l'entreprise.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. D'une façon générale, il vaut mieux éviter, quand ce n'est pas nécessaire, d'écrire le verbe « pouvoir » dans les textes de loi. De nombreux élus ont l'imagination et l'intelligence suffisantes pour appréhender l'ouverture qui leur est ainsi laissée et l'exploiter.

Ce texte définit un socle et donne des moyens conséquents aux maisons de l'emploi, il serait dommageable qu'elles ne servent qu'à assurer une gestion prévisionnelle des emplois.

M. Rodolphe Thomas. Tout à fait !

M. Pierre Cardo. C'est utile, mais ce n'est pas essentiel. Les missions définies dans cet article sont primordiales, elles ne sont pas facultatives.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Anciaux.

M. Jean-Paul Anciaux. Comme mes collègues, je considère qu'il y a le socle et puis l'accueil, l'information, l'insertion et l'emploi, toutes missions auxquelles les maisons de l'emploi doivent participer.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 621.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 682 tombe.

Je suis saisi d'un amendement n° 214.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le soutenir.

M. Jean-Claude Sandrier. L'amendement n° 214 insiste sur la nécessité de faire de ces maisons de l'emploi des lieux de construction d'un projet personnel et de retour à un emploi stable.

Si la création de telles institutions n'est pas en cause, votre dispositif n'en reste pas moins contestable car fondé sur une conception utilitariste du retour à l'emploi, sans s'interroger sur l'aspect qualitatif, voire sur la stabilité de l'emploi. Ainsi, l'amélioration de l'accueil, de l'orientation, de la formation et l'insertion des chômeurs apparaissent comme un but louable, on pourrait même dire indispensable, mais insuffisant. De la même manière, le travail de prévision des besoins en main-d'œuvre n'envisage la question de l'emploi qu'en fonction des besoins de l'employeur et aucunement en termes de construction du projet personnel des demandeurs d'emploi à plus long terme. Enfin, les actions de reconversion dans les bassins d'emploi prennent rarement ces aspects en compte.

Or, aujourd'hui, la sécurisation de l'emploi et la formation tout au long de la vie sont des enjeux sociaux centraux que tous les acteurs ayant une mission de service public en matière d'emploi doivent intégrer dans leur action concrète. C'est pourquoi cet amendement précise que les maisons de l'emploi doivent participer à l'accompagnement, « professionnel et social », des demandeurs d'emploi et des salariés.

Si vous pouviez, monsieur le ministre, accepter cet amendement « en souplesse », ce serait très bien.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. C'est toujours un peu pareil. Préciser que l'accompagnement est « professionnel et social » n'apporte pas grand-chose, à mon avis. On ne viendra pas à la maison de l'emploi pour y cueillir des petites fleurs, on s'en doute. Mais, honnêtement, ce sujet, pourtant d'une très haute importance, n'a pas suscité une passion déchaînée au sein de la commission. Donc, c'est plutôt un rejet de la commission que j'exprime, mais sans enthousiasme non plus.

M. le président. Le Gouvernement a-t-il une passion déchaînée pour l'amendement n° 214 ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. L'ajout des termes « professionnel et social » limiterait l'accompagnement des maisons de l'emploi. Or, plusieurs d'entre vous l'ont dit, il faudra traiter également des problèmes de santé.

M. Pierre Cardo. En effet.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Nous n'avons pas traité dans le plan de cohésion sociale la dimension médicale, c'est vrai, mais nous savons tous que c'est une dimension importante de l'orientation et de l'accompagnement.

Mme Martine Billard. Eh oui !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Jean-Louis Borloo l'a souligné : cela fait partie des tâches que nous allons entamer au-delà du plan de cohésion sociale pour donner une dynamique aussi à cet aspect.

Voilà pourquoi je serai plutôt défavorable à l'amendement, non par esprit de rigidité, monsieur Sandrier, mais pour nous laisser la possibilité d'aller au-delà des aspects professionnels et sociaux de l'accompagnement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 214.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 26 de la commission et  452 de M. Vercamer.

Avant de donner la parole à leurs auteurs, je voudrais savoir s'ils sont d'accord pour que l'on rectifie la première phrase en écrivant : « Elles mènent des actions de sensibilisation sur la discrimination à l'embauche et "dans" l'emploi » au lieu de « "à" l'emploi » ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. D'accord.

M. Francis Vercamer. Bien sûr.

M. le président. Les amendements n°s 26 et 452 sont ainsi rectifiés.

Vous avez la parole, madame la rapporteure, pour défendre l'amendement n° 26 rectifié.

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. La commission a adopté cet amendement qui reprend un thème cher non seulement à M. Vercamer mais également à la plupart de ses membres. Il s'agit de tout mettre en œuvre pour éviter la persistance de pratiques discriminatoires à l'embauche.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour défendre l'amendement n° 452 rectifié.

M. Francis Vercamer. Ces amendements viennent en complément du CV anonyme. Nous proposons que les maisons de l'emploi mènent des actions de sensibilisation sur les pratiques discriminatoires auprès des entreprises. Il s'agit de les informer sur la loi - les chefs d'entreprise ne la connaissent pas forcément parce qu'elle évolue beaucoup - et de leur rappeler le principe de l'égalité des chances en matière d'embauche. Je pense que c'est une excellente idée. Les maisons de l'emploi doivent mener non seulement des actions de formation et d'insertion, mais également de sensibilisation à la lutte contre les discriminations.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Jean-Louis Borloo a eu l'occasion de s'exprimer à ce sujet. Je rappelle que l'article L. 122-45 du code du travail permet déjà de lutter contre les discriminations : « Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement [...] en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille. »

M. Jean-Paul Anciaux. Tout est dit !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Que la sensibilisation à ce problème fasse partie des missions des maisons de l'emploi, cela va de soi. Qu'il faille l'écrire, pour bien marquer cette priorité, le Gouvernement n'y est pas défavorable. Vous connaissez la préoccupation du Gouvernement sur ces sujets. Des rapports ont même été demandés, notamment par le Premier ministre. Simplement, c'est l'effectivité de la mise en œuvre qui pose problème, même si nous disposons déjà dans le code du travail de tout un arsenal de moyens. Nous y reviendrons ultérieurement mais il me semblait important de vous apporter cet éclairage général. Donc, finalement, avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 26 rectifié et 452 rectifié.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 472.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour le soutenir.

M. Francis Vercamer. Cet amendement vise à confier aux maisons de l'emploi la conclusion des conventions qui déterminent les contrats de travail d'insertion. Jusqu'à présent, l'État est celui qui contracte avec les partenaires. À partir du moment où on crée, à travers les maisons de l'emploi, un groupement dans lequel chacun va essayer d'émettre des idées pour favoriser l'insertion professionnelle, il me paraît important que ce soit la maison de l'emploi elle-même qui conventionne et non plus l'État, qui est un partenaire parmi d'autres.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. La commission a émis un avis défavorable. Cet amendement aurait pour effet d'instaurer un véritable transfert de l'État vers la maison de l'emploi de la compétence de signer des conventions d'aide dans le cadre des contrats aidés et pour le secteur de l'insertion par l'économique. Cela semble incompatible avec la souplesse que nous souhaitons pour ces maisons. Elles ne doivent pas avoir la même structure juridique sur tout le territoire national.

Il faut néanmoins noter que, sans qu'il soit besoin pour cela d'une mesure législative, la maison de l'emploi pourra bénéficier de formes de délégation, mais au cas par cas et seulement pour des tâches d'instruction ou de gestion des aides à l'emploi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Je partage l'analyse de Mme la rapporteure. Ce que nous visons, c'est l'opérationnalité de la nouvelle offre d'insertion des personnes sans emploi en proposant une visibilité renforcée aux bénéficiaires du CIE et à leurs employeurs. Je souhaite donc, monsieur Vercamer, que vous retiriez cet amendement.

M. Francis Vercamer. Je le retire.

M. le président. L'amendement n° 472 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 470.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour le soutenir.

M. Francis Vercamer. Cet amendement vise, lui aussi, à lutter contre les discriminations, non plus cette fois en sensibilisant les acteurs, mais en permettant aux maisons de l'emploi de passer des conventions avec les entreprises en vue de favoriser la « diversité sociale du recrutement ». On peut imaginer qu'à titre expérimental certaines maisons de l'emploi situées dans des bassins où les discriminations sont fortes - je suis l'élu du bassin d'emploi de Roubaix-Tourcoing-vallée de la Lys où le taux d'immigration est important - puissent lancer des chartes de la diversité, comme celles qu'envisage M. le ministre, mais au niveau local.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. La commission a émis un avis défavorable à cet amendement, car elle ne voit pas bien ce qu'apporterait cette précision. Je comprends bien votre préoccupation, monsieur Vercamer, mais si nous voulons que la loi soit connue de tous, il faut simplifier le texte et ne pas toujours en rajouter.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Nous avons déjà largement débattu de cette question. L'amendement n° 26 a d'ailleurs précisé que les maisons de l'emploi « mènent des actions de sensibilisation sur la discrimination à l'embauche et dans l'emploi auprès des entreprises ». Le Gouvernement est partagé : la possibilité de passer des conventions avec des entreprises pour favoriser la diversité sociale du recrutement est intéressante, mais faut-il pour autant l'inscrire dans la loi ? Il s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 470.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 455.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour le soutenir.

M. Francis Vercamer. Lors du débat sur la loi créant le RMA, j'avais défendu le guichet social unique. Le Gouvernement m'avait répondu qu'il n'était pas encore prêt et s'était engagé à présenter un rapport à ce sujet avant le 31 décembre 2004. Je sais que nous ne sommes que le 25 novembre et qu'il reste encore six semaines, mais je n'ai pas de nouvelles de ce rapport.

Mon amendement vise à ce que la maison de l'emploi soit un « lieu unique pour accueillir, informer, élaborer un premier bilan des personnes à la recherche d'un parcours d'insertion professionnelle ou d'un emploi, afin de les orienter efficacement ». Elle serait donc un guichet unique, ce qui, d'après ce que j'ai compris, correspond à la volonté du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. La commission a repoussé cet amendement. Certes, nous cherchons à constituer pour le demandeur d'emploi un dossier unique qui lui évite de devoir fournir sans cesse les mêmes renseignements à différents guichets. En revanche, faire de la maison de l'emploi un guichet unique obligatoire serait la formaliser à l'excès,...

M. Jean-Paul Anciaux. Bien sûr !

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. ...à l'inverse de la souplesse que le ministre et la plupart des membres de la commission souhaitent lui conserver.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Naturellement, le guichet unique est un de nos objectifs, mais la réalité peut exiger que l'on ait plusieurs guichets. Songez au rôle que pourra jouer la maison de l'emploi, notamment en milieu rural, là où d'autres lieux proposeront des offres d'emploi ! Encore une fois, nous partageons l'objectif de parvenir à un lieu unique où le demandeur d'emploi trouvera l'information, l'accompagnement, les pistes de formation, mais nous ne pouvons nous enfermer ainsi. Je souhaite donc le retrait de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je l'ai déjà retiré lors du débat sur le RMA et l'on m'avait annoncé qu'il serait étudié avant la fin de l'année. Je ne peux le retirer à nouveau sinon, dans dix ans, on me demandera encore de le retirer ! Cela fait vingt ans que l'on parle de la discrimination, mais nous allons peut-être voir des changements cette année. Je ne voudrais pas que l'on attende vingt ans pour traiter la question du guichet unique !

M. Rodolphe Thomas. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. La fonction de la maison de l'emploi est bien d'être une forme de guichet unique, c'est-à-dire d'offrir un ensemble de prestations, car la personne qui a un problème d'emploi en a en général plusieurs autres : ce n'est pas un problème unique dont on pourrait charger un spécialiste, selon un travers bien français. C'est donc un réseau qui prendra les gens en charge.

Quelqu'un a déjà tenté d'établir le guichet unique, à savoir Bertrand Schwartz, et d'ailleurs ce guichet existe dans les textes : c'est la mission locale. On a vu ce qu'il en est advenu. Je crois dangereux d'écrire que la maison de l'emploi est « un lieu unique ». En effet, certaines communes, par exemple parce qu'elles ont des bureaux de l'emploi, ne voudront pas rejoindre tout de suite le nouveau dispositif, de sorte que les personnes qui s'adressent à leurs services risquent d'être privées des prestations de la maison de l'emploi.

Je comprends votre souci, monsieur Vercamer, mais à force d'additionner des phrases, on finit par rendre les textes illisibles. A mes yeux, ce qui fera le succès des maisons de l'emploi, ce sera leur performance, leur intérêt pour les gens. Lorsque le chômeur qui a en outre un problème de logement, un problème psychologique, et ainsi de suite, ira à la maison de l'emploi et verra qu'il est pris en charge globalement, au lieu d'être renvoyé d'un acteur à l'autre comme une balle de ping-pong, cela finira par se savoir dans le bassin d'emploi et les « concurrents » potentiels de la maison de l'emploi vont finir par la rejoindre, parce que tous les demandeurs d'emploi souhaiteront bénéficier de ses prestations. Mais il est dangereux de l'imposer par la loi comme le lieu unique.

Le terme de « lieu », dans un texte de loi, peut d'ailleurs avoir des effets imprévus si on l'entend au sens spatial. En effet, n'oublions pas que certains bassins d'emploi peuvent être très étendus. Bref, je comprends bien l'objectif du guichet unique, et c'est précisément ce que vise le cahier des charges de la maison de l'emploi, mais je ne pense pas qu'il faille l'inscrire dans la loi. C'est le résultat que le texte vise et vers lequel, globalement, il conduit.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Anciaux.

M. Jean-Paul Anciaux. La dernière fois que l'on a inscrit dans la loi un guichet unique d'accueil, d'information et d'orientation, c'était à l'article 76 de la loi quinquennale. Hélas, ce guichet n'a pas connu un franc succès ! Comme vient de l'expliquer Pierre Cardo, la maison de l'emploi est quelque chose de tout à fait différent. C'est l'ouverture totale, et non ce carcan que risque d'être la notion d'unicité.

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Ce débat et celui qui va suivre dans les jours prochains devraient nous permettre de clarifier les choses. En effet, ce texte est très flou et j'ai du mal à comprendre ce que seront exactement les maisons de l'emploi. Si elles permettent de faciliter le parcours du chômeur, j'y suis favorable, mais je ne vois pas pourquoi on rejetterait un amendement qui me semble de bon sens et qui apporterait un plus.

En revanche, je l'ai dit, je conteste le nombre de ces maisons, qui devrait être largement supérieur si l'on veut à la fois le guichet unique et l'indispensable proximité.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 455.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 468 de M. Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je le retire.

M. le président. L'amendement n° 468 est retiré.

Et qu'en est-il de votre amendement n° 453 ?

M. Francis Vercamer. Je vais également le retirer, car il concerne les CV anonymes et il est repris dans un amendement de Mme de Panafieu dont je suis cosignataire. C'est un débat que nous aurons au titre III.

M. le président. L'amendement n° 453 est retiré.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 330, 683 et 723.

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 330.

Mme Martine Billard. Plus nous avançons dans le débat, plus nous nous demandons à quoi vont servir ces maisons de l'emploi. Ne s'agit-il pas d'une invention à usage purement médiatique que vous essayez maintenant de nous vendre ? Il aurait mieux valu rester modeste et se concentrer, comme le suggèrent mes collègues de l'UDF, sur la notion de « point unique ».

Tout le monde le reconnaît : être obligé de courir d'un lieu à l'autre pour déposer son dossier ou obtenir des informations, devoir raconter plusieurs fois la même histoire, tout cela est particulièrement décourageant. Une telle situation casse la dynamique de la recherche d'emploi, à laquelle il est essentiel que le chômeur consacre toutes ses forces, sans les dilapider en démarches répétitives.

Nous aurions préféré que le projet de loi mette en synergie l'ensemble des structures intervenant dans le domaine de l'emploi. Il aurait suffi pour cela qu'un article autorise la signature de conventions entre ces différents organismes qui, lorsqu'ils ne sont pas indépendants de l'État, peuvent relever de tutelles différentes.

Par ailleurs, les maisons de l'emploi ne peuvent avoir d'intérêt que si elles sont nombreuses et proches des demandeurs. En effet, un des problèmes auxquels ces derniers sont confrontés est celui du déplacement et du coût des transports. Car, contrairement à ce que l'on a pu entendre, il est des régions en France, à commencer par l'Île-de-France, où le transport n'est pas gratuit pour les chômeurs. Au mieux, il est proposé à moitié prix - et encore, ce n'est vraiment le cas que depuis la décision du Conseil d'État relative à l'application de la loi SRU. Mais lorsque l'on vit dans la dernière zone tarifaire et que l'on doit se rendre au centre de Paris pour un entretien, le transport a un coût très élevé, même à moitié prix. Si, en plus, les lieux où le demandeur d'emploi peut obtenir l'ensemble des informations et des aides dont il a besoin ne sont pas à sa portée, quel peut être leur intérêt ?

Lors de son audition, le ministre nous a d'ailleurs appris que les maisons de l'emploi pourraient prendre une forme immatérielle, par une mise en réseau électronique des différentes structures concernées. Je trouve un peu triste de recourir à la loi si c'est pour en arriver là. Soit ces structures prennent une forme juridique identifiée, celle du GIP, avec le statut et le personnel que cela implique - c'est l'objet de cet amendement -, soit on s'en tient à des conventions signées entre les organisations existantes. À défaut, les maisons de l'emploi resteront un concept flou à l'utilité toute relative.

Je suis par ailleurs étonnée : alors que les maisons pour l'emploi ont constitué l'une des principales annonces liées au plan de cohésion sociale du ministre Jean-Louis Borloo, il n'est même pas là pour défendre son bébé.

M. Pierre Cardo. C'est un peu facile !

M. le président. Madame Billard, cette question a déjà été évoquée. Il est de tradition que le ministre n'assiste pas à l'intégralité d'un débat.

M. Pierre Cardo. Surtout s'il doit durer quinze jours !

M. le président. C'était d'ailleurs le cas pour les retraites ou l'assurance maladie.

Mme Martine Billard. Tout de même, il s'agit d'un des points les plus importants du projet !

M. Pierre Cardo. Vous oubliez les dispositions relatives à la DSU !

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy, pour soutenir l'amendement n° 683.

M. Patrick Roy. Mme Billard a raison : on nous a présenté ce plan comme une très grande loi, destinée à bouleverser, que dis-je ? à révolutionner l'ensemble de la question sociale et à en résoudre tous les problèmes.

M. Rodolphe Thomas. Mais non !

M. Patrick Roy. Peut-être suis-je un peu naïf... Reste que l'annonce du projet de loi avait à l'époque monopolisé l'attention des médias, même s'ils semblent depuis avoir compris, au vu de la discrétion dont ils font preuve, que la grande loi en était en réalité une petite, comme le montre d'ailleurs le fait que le ministre n'est même pas venu la défendre en personne.

M. Pierre Hellier. Ce sont de petits arguments !

M. Patrick Roy. Les maisons de l'emploi étaient pourtant une mesure phare de son projet. N'ont-elles pas été, selon lui, une extraordinaire réussite à Valenciennes ? Que n'est-il présent pour tenter de nous en convaincre ! Ce silence assourdissant ne peut que nous maintenir dans le scepticisme.

M. Pierre Cardo. C'est incroyable ! On vous accorde des outils, des moyens, et vous vous plaignez !

M. Patrick Roy. J'en reste donc à ma première opinion : les maisons de l'emploi ne sont qu'un gadget.

M. Jean-Paul Anciaux. Croyez-vous que la solution soit simple ? C'est fou, une telle démagogie !

M. le président. Cher collègue, laissez M. Roy défendre son amendement.

M. Jean-Paul Anciaux. Il dit n'importe quoi !

M. le président. Peut-être, mais il en a le droit ! (Sourires.)

M. Patrick Roy. En effet, j'ai le droit de m'exprimer. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) J'aurais simplement aimé que le ministre vienne lui-même nous expliquer combien cette mesure est importante et à quel point elle va révolutionner les rapports sociaux.

Si je parle de gadget, c'est parce qu'on ne semble pas se diriger vers le guichet unique, qui pourrait représenter le véritable intérêt de ces maisons, et parce qu'aucune réponse n'a été donnée à la question de la proximité, si importante pour les chômeurs. Le ministre a parlé de 400 ou 500 maisons de l'emploi quand il en faudrait beaucoup plus : 1 000 ou 1 500.

M. Pierre Cardo. Que ne les avez-vous créées !

M. Patrick Roy. Soit vous n'êtes pas sérieux en affirmant cela, et votre tentative de faire de l'humour est bien compréhensible dans le cadre d'un débat aussi technique, soit vous ne connaissez pas la réalité, ce qui est beaucoup plus grave.

Mme la rapporteure a insisté sur la nécessité de simplifier la loi, afin que tous puissent la connaître. Nous proposons donc, par cet amendement, de simplifier la rédaction proposée par le Gouvernement en la réduisant à un mot, « prennent » plutôt que « peuvent prendre ». Vous ne pouvez qu'y être sensible, madame de Panafieu...

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l'amendement n° 723.

M. Francis Vercamer. Si elles restent virtuelles, ou tout au moins informelles, les maisons de l'emploi ne pourront pas passer des contrats ou conclure des conventions, embaucher des agents, avoir un président ou un directeur, constituer un budget... Il me paraît donc important de préciser qu'elles disposeront de la personnalité morale, sans quoi elles n'auront pas les moyens d'agir. L'amendement n° 723, complété par un autre amendement à venir, leur donne la possibilité de choisir entre le groupement d'intérêt public et le statut associatif.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Pour les raisons que j'ai déjà exposées, la commission les a repoussés.

Je le rappelle, la maison de l'emploi est envisagée dans le projet comme une structure souple. Or les amendements vont à l'encontre de ce principe en fixant précisément son statut. GIP ou association ? Ce sera aux acteurs locaux d'en décider.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Même avis.

Nous avons déjà beaucoup discuté de ce point. Je vous renvoie au texte proposé pour l'article L. 311-10 du code du travail : sa lecture vous persuadera que la maison de l'emploi ne peut qu'avoir une personnalité morale. Groupement d'intérêt public, GIE ou association : les trois possibilités existent.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 330, 683 et 723.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 473 et 870, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l'amendement n° 473.

M. Francis Vercamer. Il a pour objectif de remplacer le mot « groupement » par le mot « structure ». En effet, l'article 1er indique que la maison de l'emploi « peut » être un groupement d'intérêt public, mais est-il vraiment possible de lui attribuer une autre forme juridique dès lors que le reste du texte ne mentionne que le mot « groupement » ?

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 473 et présenter l'amendement n° 870.

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. La commission a repoussé l'amendement de M. Vercamer, faute de pouvoir trouver quelle catégorie juridique serait visée par l'expression « structure d'intérêt public ». Le GIE, au contraire, est une catégorie bien identifiée.

Quant à l'amendement n° 870, il est rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Défavorable à l'amendement n° 473 et favorable à l'amendement n° 870.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 473.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 870.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 256 n'est pas défendu.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l'amendement n° 728.

M. Francis Vercamer. Cet amendement est dans la continuité des précédents : il vise à donner la personnalité morale aux maisons de l'emploi en complétant le premier alinéa de l'article L. 311-10-1 du code du travail par les mots « ou d'une association ». Je serais d'ailleurs disposé, si nécessaire, à le modifier en vue de doter ces maisons d'une structure de personnalité morale, ce qui explique l'emploi du mot « structure » dans l'amendement précédent.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Je le répète, la commission n'a pas voulu rigidifier le statut des maisons de l'emploi : avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Même avis : le choix du groupement d'intérêt public n'est qu'une possibilité, que le texte ne fait que décliner par la suite.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Le ministre a dit en commission que les maisons de l'emploi pourraient prendre la forme d'une mise en réseau électronique. Je crains même que la plupart ne soient dans ce cas, ce qui limiterait leur action.

Sur le fond, nous sommes tous conscients de la nécessité de coordonner les politiques et de resserrer les dispositifs. Mais s'il ne s'agit ni d'un GIP, ni d'un GIE, ni d'une association, quelle sera la personnalité morale de cette « mise en réseau », et comment pourra-t-elle signer des conventions, avoir une action publique, organiser des formations ? Je me demande par exemple comment un réseau électronique pourrait organiser une formation sur la prévention des discriminations...

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 728.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 331 et 685, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 331.

Mme Martine Billard. C'est la conclusion logique de ce que j'ai expliqué jusqu'ici. Effectivement, il convient de coordonner et d'apporter de la souplesse. Toutefois, les maisons de l'emploi relèvent carrément du flou artistique ! Il est vrai que nous aurons enrichi le vocabulaire politique en introduisant le mot « souplesse » !

Je propose donc de dresser le bilan. Tout à l'heure, notre collègue Jean Le Garrec disait qu'il serait peut-être préférable de réécrire l'article pour le rendre plus clair et plus pertinent, ce que j'ai eu l'outrecuidance de tenter !

Cet amendement propose donc que des conventions d'objectifs soient signées pour contraindre l'ensemble des structures à se coordonner au bénéfice des demandeurs d'emploi, sans mentionner nommément les maisons de l'emploi. Nous constatons, en effet, au cours de ce débat, que la souplesse finit par faire des nœuds !

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy, pour soutenir l'amendement n° 685.

M. Patrick Roy. À force de vouloir de la souplesse, j'ai bien peur que certains ne reçoivent des chocs et ne finissent par se faire mal ! Plus le débat avance, moins nous savons ce que seront ces maisons de l'emploi qui continuent à être virtuelles pour certaines. Le Gouvernement a clairement indiqué, c'est paradoxal, qu'il voulait y associer des partenaires privés. J'ai eu l'occasion d'exprimer nos craintes quant à d'éventuelles dérives de services de placement à deux vitesses.

Par cet amendement, nous proposons donc que des conventions d'objectifs soient signées avec les structures d'insertion par l'économique. Cela permettrait d'apporter une garantie et de préciser la nature des maisons de l'emploi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Avis défavorable.

En effet, si tous ceux qui sont cités par Mme Billard doivent passer des conventions, les maisons de l'emploi ne sont pas près de voir le jour !

Mme Martine Billard. C'est déjà fait !

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Rien ne les empêche de passer des conventions. Alors, de grâce, ne nous substituons pas indéfiniment, sous prétexte que nous faisons la loi, à celles et ceux qui seront chargés de faire fonctionner les maisons de l'emploi ! Conservons cette souplesse qui leur permet d'agir comme elles l'entendent !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. On l'a dit et répété, la notion de souplesse ouvre des possibilités. Nous ne pouvons pas être favorables à cet amendement quand la même logique est déclinée depuis deux heures. Je peux simplement garantir que ces maisons ne sont pas virtuelles. Elles existent déjà. Ce concept fonctionne, si les acteurs locaux en ont la volonté. Ce ne sont pas des articles fort longs et d'une grande complexité qui les inciteront à créer des maisons de l'emploi adaptées aux besoins des territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. Voilà un dispositif et non pas une structure pour lequel nous proposons des outils et l'on nous répond que ce sont des gadgets. Nous donnons des moyens supplémentaires et l'on nous dit qu'ils ne suffiront pas, même s'il n'y avait rien auparavant. On se prononce pour l'expérimentation, pour le rapprochement des décisions sur le terrain, on fait confiance aux acteurs locaux, on chante leurs vertus, mais, parallèlement, on cherche systématiquement à rigidifier le système, comme si on se trouvait dans une société administrée. Cela me surprend beaucoup ! Comment voulez-vous que les acteurs locaux prennent des initiatives et procèdent à des expérimentations si vous mettez systématiquement des freins ? Cela ne les valorisera pas et ne leur donnera pas envie de prendre des risques !

L'État restera présent dans les maisons de l'emploi. Le préfet, qui le représentera, accordera ou non les financements en fonction des résultats. Des évaluations sont à prévoir. Elles sont d'ailleurs envisagées. Cela me paraît largement suffisant. Ne soyons pas défiants a priori, mais extrêmement prudents a posteriori.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je suis favorable aux expérimentations, mais pourquoi écrire des articles et envisager une loi pour les engager ? C'est inutile ! Si la loi ne prévoit pas de mettre les structures en synergie, on la modifie. Je suis, pour ma part, en faveur du développement des synergies, des structures communes, des guichets uniques, chaque fois que c'est possible. Reconnaissez cependant que les explications fournies à l'article L. 311-10-1 sur les GIP sont fort complexes. Il n'était peut-être pas indispensable de rédiger un tel article. Donc, oui aux formes souples d'expérimentation, mais ce n'était pas la peine de nous vendre une invention qui prétend régler tout : il suffisait de favoriser la poursuite des expériences en remédiant simplement aux contradictions législatives qui y font obstacle.

Après nous avoir affirmé que cet article mettait en place une structure nouvelle, on nous explique maintenant qu'il y aura beaucoup plus de souplesse et que l'État apportera ou non son aide. C'est l'un ou c'est l'autre !

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Pierre Cardo a, bien sûr, entièrement le droit d'avoir une opinion différente de la nôtre.

Si les maisons de l'emploi ont pour unique but de favoriser les chômeurs, d'améliorer la vie quotidienne de ceux qui souffrent dans notre pays, c'est très bien et chacun conviendra de leur utilité. Mais elles doivent être à proximité de leurs usagers et en nombre suffisant.

Il y a cependant une incohérence entre l'objectif du plan de cohésion sociale et ces mesures pour l'emploi. Quelle sera leur répercussion sur la courbe du chômage en France ? Non que ce soit une mesure « gadget » pour la vie quotidienne des chômeurs, mais j'ai du mal à imaginer que les maisons de l'emploi influeront sur le taux de chômage.

Quant à la souplesse, argument que vous avez maintes fois développé, il est choquant de constater qu'elle n'est pas la même partout. Les sanctions contre les chômeurs ne sont pas souples. Or il ne peut y avoir de la souplesse d'un côté et de la dureté de l'autre. Si on est souple, on doit l'être pour tout le monde !

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. Nous examinerons ultérieurement le problème des sanctions. Votre présentation est quelque peu orientée, mais restons-en aux maisons de l'emploi. Je suis en train d'essayer d'en créer une depuis un certain temps. J'ai rencontré les pires problèmes pour y parvenir. Je n'avais quasiment pas de moyens et j'avais à faire à un ensemble de structures éparpillées et très inégalement réparties. On me donne enfin des moyens et on me propose un cadre relativement souple permettant d'adapter les capacités de chacune de ces structures pour mieux répondre aux besoins. Je trouve intéressant que ce cadre ne soit pas trop rigide, qu'il s'agisse d'un dispositif plutôt que d'une structure supplémentaire, car chaque département pourra ainsi adopter la solution qui lui convient le mieux.

Les élus locaux seront maintenant face à leurs responsabilités. Ils ne pourront plus prétendre qu'ils n'ont pas de moyens. Certes, on pourrait demander beaucoup plus et vous avez raison de souligner que 300 maisons ne suffiront probablement pas, mais ce n'est qu'un début. Lorsque nous aurons démontré l'efficacité de cette mise en réseau des acteurs dans les maisons de l'emploi, c'est-à-dire son impact sur la courbe du chômage, ce que nous souhaitons tous, l'État sera, à mon avis, très heureux d'augmenter sensiblement ce nombre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 331.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 685.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 266.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le soutenir.

M. Jean-Claude Sandrier. Aux termes du 6° de l'article L. 311-10-1, les maisons de l'emploi pourront être constituées sous la forme de groupements d'intérêt public dont la particularité est de laisser une large place à la conjugaison d'acteurs publics et privés dans son assemblée générale décisionnaire, permettant des actions communes dans des domaines d'intérêt général, ce que d'ailleurs vous ne manquez pas de confirmer en intégrant, aux côtés des outils du service public de l'emploi, les entreprises d'intérim et les agences de placement privées.

De plus, du fait de leur flexibilité juridique, il n'y a pas de texte unique fixant des règles applicables à tous les GIP. Le contenu des conventions qui lient les partenaires de ces GIP n'est pas défini de manière exhaustive ; le mode de gestion des GIP peut être privé ou public ; les personnels sont, la plupart du temps, détachés des administrations : laquelle, en l'occurrence ? Cette flexibilité, que vous réclamez et revendiquez, laisse une marge de manœuvre extrême à ces dispositifs, qui peut s'avérer défavorable aux demandeurs d'emploi.

C'est pourquoi nous proposons cet amendement. Il vise essentiellement, pour des raisons tout autant de démocratie que d'efficacité, à élargir ces maisons à l'ensemble des partenaires participant à la mise en œuvre de la stratégie territoriale de l'emploi : partenaires sociaux, associations, structures d'insertion par l'activité économique et - pourquoi pas ? - chambres consulaires et entreprises. Rassembler sans exception toutes les compétences en un même lieu et contribuer à leur travail en commun me semble particulièrement approprié à l'objet que vous assignez aux maisons de l'emploi.

Je vous invite donc à voter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Nous avons suffisamment parlé de la souplesse que nous souhaitons pour les maisons de l'emploi. Associer « obligatoirement » génère une lourdeur extrême. Cela ne correspond absolument pas à notre état d'esprit. Cet amendement a donc été repoussé par la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Avis défavorable. Nous nous sommes déjà largement expliqués sur chacun de ces points.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. J'attire l'attention de l'assemblée sur le rôle du directeur par rapport à celui du président. Des amendements seront examinés ultérieurement sur ce point. En tant que président d'une structure, je ne serais pas très satisfait que le directeur dispose de pouvoirs aussi importants que ceux qui sont ici décrits.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 266.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Les amendements nos 257 et 258 ne sont pas défendus.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    2

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, n° 1911, de programmation pour la cohésion sociale :

Rapport, n° 1930, de Mme Françoise de Panafieu et M. Dominique Dord, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ;

Avis, n° 1920, de M. Alain Joyandet, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan ;

Avis, n° 1928, de M. Georges Mothron, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot