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Deuxième séance du mardi 1 février 2005 130e séance de la session ordinaire 2004-2005
M. le président. La séance est ouverte. (La séance est ouverte à quinze heures.)
SOLIDARITÉ À L'ÉGARD M. le président. Mes chers collègues, il y a vingt-sept jours, Florence Aubenas disparaissait avec son accompagnateur en Irak. Nous ne les oublions pas. Je veux dire, en votre nom à tous, notre solidarité à l'égard de sa famille, de ses proches et de ses confrères, qui vivent dans l'attente, dans l'angoisse et aussi dans l'espoir. Tous, ici, nous comprenons leur inquiétude. Tous, ici, nous partageons leur espoir. (Applaudissements sur tous les bancs.) La parole est à M. le Premier ministre. M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, je vous remercie d'avoir exprimé, au nom de l'ensemble de l'Assemblée nationale, votre solidarité à l'égard de Florence Aubenas et de Hussein Hanoun. Leur disparition est une préoccupation quotidienne pour le chef de l'État, pour le Gouvernement et pour tous les services concernés. Nous avons mis en place à Paris, mais aussi à Bagdad, un dispositif qui nous permet de suivre en permanence la situation et de prendre toutes les dispositions appropriées. Les informations que nous avons recueillies, dont je peux aujourd'hui vous faire part, nous donnent à penser que nous nous trouvons dans une situation très sensiblement différente de celle que nous avons connue avec Christian Chesnot et Georges Malbrunot. Vous comprendrez que je ne puisse en dire plus aujourd'hui, afin de préserver la sécurité de Florence Aubenas et de Hussein Hanoun. Je continuerai à vous tenir informés par l'intermédiaire du Président de l'Assemblée nationale et de vos représentants, que je recevrai la semaine prochaine. Mais, à cet instant, mes pensées vont vers Florence Aubenas et Hussein Hanoun, vers leurs familles, vers leurs proches, amis et confrères. Nous faisons tout ce qui doit être fait pour que très rapidement, ils reviennent parmi nous. (Applaudissements sur tous les bancs.)
M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement. Nous commençons par une question du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. PROPOSITION DE LOI PORTANT RÉFORME DE L'ORGANISATION DU TEMPS DE TRAVAIL DANS L'ENTREPRISE M. le président. La parole est à M. Pierre Morange. M. Pierre Morange. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Les Français aspirent à voir augmenter leur pouvoir d'achat. Or, aujourd'hui, la limitation autoritaire du temps de travail à 35 heures (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) mise en place par le précédent gouvernement a eu pour conséquence immédiate et dommageable la stagnation de ce même pouvoir d'achat. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) En effet, la loi sur les 35 heures a imposé un double verrou à notre société : aux entreprises, d'une part, avec une loi rigide et uniforme, applicable de façon généralisée, mais qui s'avère inadaptée à bien des secteurs ; aux salariés, d'autre part, parce que cette loi, si elle leur a permis d'avoir du temps libre supplémentaire, ne leur a pas donné les moyens d'en profiter. C'est pourquoi le texte dont nous allons commencer de débattre tout à l'heure heure revêt une importance toute particulière (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste) puisqu'il va redonner aux salariés un espace de liberté et de choix sur le temps de travail et permettre aux entreprises de trouver la souplesse nécessaire qui leur est indispensable au regard des réalités auxquelles elles sont confrontées. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. André Chassaigne. C'est faux ! M. Pierre Morange. Or l'opposition, depuis quelques semaines, tente de faire croire qu'il s'agirait là d'une véritable régression sociale. (« Oui ! Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. Marcel Dehoux. C'est le fils de Seillière ! M. Pierre Morange. Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous réaffirmer devant la représentation nationale que la présente proposition de loi, portée par la majorité, qui a pour objectif principal de donner aux Français la possibilité d'augmenter leur pouvoir d'achat en travaillant plus, s'ils le souhaitent, est bien au cœur de vos préoccupations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. -Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux relations du travail. M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je ferai un premier constat, fondé sur les chiffres de la DARES : l'évolution salariale dans les entreprises passées à 35 heures a été en moyenne inférieure d'un point à celles qui sont demeurées à 39 heures. Deuxième constat : fort heureusement, le Gouvernement et François Fillon, dans la loi de janvier 2003, ont engagé la convergence des sept SMIC, permettant chaque année une croissance annuelle de près de quatre points du pouvoir d'achat réel des plus bas salaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La proposition de loi, déposée par certains de vos collègues, monsieur Morange, s'inscrit bien dans le contrat 2005 proposé au pays par M. le Premier ministre : assouplissement du compte épargne temps, heures choisies, rachat des jours de RTT. Dans tous les cas, le travail supplémentaire fera l'objet d'une majoration salariale fixée par l'accord collectif, qui sera la clef de voûte du système. À cet égard, je précise, après avoir entendu certaines observations, que dans le cadre du CET, les heures supplémentaires effectuées à l'initiative de l'employeur seront payées comme des heures supplémentaires. Notre désir est bien de répondre aux vœux de ceux qui souhaitent gagner plus, tout en restaurant le dynamisme et la croissance de nos entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. le président. Du calme ! Vous aurez l'occasion d'en débattre tout à l'heure ! RÉFORME DE L'ASSURANCE MALADIE M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour le groupe socialiste. Mme Catherine Génisson. Monsieur le ministre des solidarités, de la santé et de la famille, de nombreux professionnels de santé sont inquiets. Médecins urgentistes, psychiatres, futurs médecins, personnels des hôpitaux publics, tous s'opposent à votre politique de démantèlement du service public de la santé. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je sais de quoi je parle : j'étais de garde ce week-end. Nos concitoyens sont également inquiets. Les professionnels de santé, du secteur libéral comme du secteur public, sont épuisés. Ils ne savent plus où aller. Tous s'opposent à votre politique de démantèlement. Les médecins généralistes désapprouvent votre ersatz de réforme et dénoncent la mise en place d'une médecine à deux vitesses. Il n'est pas normal, il n'est pas juste que les médecins spécialistes soient mieux rémunérés quand un patient est en dehors du parcours de soins. Les professionnels de santé ne sont pas incités à faire de la prévention. Vous n'encouragez pas les patients à entrer dans une démarche de soins ; au contraire, vous les sanctionnez une fois de plus. Vous mettez à bas la réforme essentielle, voulue par le gouvernement de Lionel Jospin, qu'a été la reconnaissance de la médecine générale comme spécialité à part entière. Nous répétons une nouvelle fois que le médecin généraliste ne doit pas être le sous-traitant du système de soins. Pourquoi avoir souhaité la fin du médecin référent, qui soigne, qui fait de la prévention auprès d'un million de personnes parmi les plus fragiles ? La convention médicale signée n'est que la concrétisation de l'injustice de votre politique en matière de protection sociale. Les dépenses continuent de courir et vous ne faites que punir un grand nombre de Françaises et de Français et rendre plus précaire leur situation. Derrière les effets d'annonce, monsieur le ministre, la réalité est tout autre : vous êtes en train de faire de la santé une marchandise comme une autre. Ma question est simple : quand allez-vous concrètement reconnaître le rôle du médecin généraliste et demander une renégociation de la convention médicale ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.) M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Madame la députée, la meilleure réponse que l'on peut apporter à ceux qui douteraient de l'acceptation de la convention est donnée par les Français eux-mêmes puisque, chaque semaine, la Caisse nationale d'assurance maladie reçoit 50 000 formulaires. Ainsi, 600 000 lui sont parvenus à ce jour. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Mme Martine David. Évidemment, c'est une obligation pour eux ! M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Cette convention a été signée par les syndicats majoritaires des médecins généralistes et des médecins spécialistes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Dire le contraire est un mensonge. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. Jean Glavany. Vous êtes expert en la matière ! M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Par ailleurs, madame Génisson, je tiens à souligner que s'il y a une convention qui valorise les médecins généralistes, c'est bien celle-là. M. Jean Glavany. Ce n'est pas ce qu'ils disent ! M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Celle qu'avait mise en place Lionel Jospin avait abouti au système du médecin référent. Or savez-vous combien de patients dans notre pays y avaient recours ? Deux pour cent ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. -Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) M. Jean Glavany. C'est faux ! M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. C'est peut-être votre idée de l'égalité, mais ce n'est pas la mienne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Aujourd'hui, un médecin de famille est celui qui connaît vos antécédents, ceux de vos parents et de vos enfants ainsi que les problèmes que vous avez rencontrés en matière de traitements. Doté d'une vision globale de votre santé, c'est lui qui vous soigne le mieux. Les Français ne s'y trompent pas puisqu'ils estiment que les médecins généralistes doivent être mieux reconnus, comme nous les incitons à le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. -Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) SITUATION BUDGÉTAIRE DES HÔPITAUX PUBLICS M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre, pour le groupe Union pour la démocratie française. M. Claude Leteurtre. Monsieur le ministre des solidarités, de la santé et de la famille, l'hôpital va mal... M. Bernard Roman. Eh oui ! M. Claude Leteurtre. ...pour des raisons multiples, malgré la volonté et le dévouement de tout son personnel, de ses médecins et de ses gestionnaires. Le récent mouvement des chirurgiens de l'hôpital public en est une illustration. Je ne reviendrai pas sur la mise en application des 35 heures. Tout le monde s'accorde à dire qu'elle constitue un handicap majeur dans le secteur hospitalier. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.) En ce début d'année, force est de constater que l'incertitude budgétaire est totale, insupportable et démobilisatrice. Elle entraîne d'importantes conséquences pour la prise en charge de nos concitoyens qui viennent de plus en plus nombreux dans les services hospitaliers, particulièrement aux urgences. Pour la deuxième année consécutive, une partie des ressources des hôpitaux va dépendre de leur activité. Or, à ce jour, ils ne savent toujours pas quel pourcentage de cette activité sera pris en compte, ni sur quelles bases seront calculés les tarifs. Par ailleurs, la somme qui leur est versée du fait des contraintes du service public sera tout juste suffisante pour les CHU. Que restera-t-il donc pour les hôpitaux généraux ? Enfin, le financement, l'an passé, des reports de charges n'a pas modifié les raisons profondes pour lesquelles les hôpitaux sont déficitaires. Ils vont donc à nouveau perdre de l'argent, ce qui se soldera par des reports d'intervention et des délais supplémentaires pour les consultations. Face à ce manque de visibilité, monsieur le ministre, l'UDF s'interroge : quand les hôpitaux auront-ils enfin connaissance des règles budgétaires qui leur seront applicables cette année ? Dans quelles conditions entendez-vous assurer une totale transparence dans la fixation des tarifs qui vont leur être imposés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. M. Philippe Douste-Blasy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Monsieur le député, chacun s'accorde à reconnaître que le budget global hospitalier, qui permettait la gestion à l'aveugle de tout le système hospitalier, était non seulement injuste mais aussi complètement dépassé. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) J'espère que la tarification à l'activité représentera, en 2005, 25 % du budget de l'hôpital, contre 10 % en 2004. Néanmoins nous ne pourrons répondre à cette question qu'après la réunion du conseil de l'hospitalisation du 4 février prochain. À titre personnel, je pense que la tarification à l'activité ne pourra jamais être supérieure à 50 % du budget global, comme en Allemagne, ainsi que l'a indiqué d'ailleurs le Chancelier Schröder, en raison des missions d'intérêt général. Qui va à l'hôpital public ? Aussi bien le patient à qui l'on va poser une prothèse cardiaque très sophistiquée qu'au SDF qui a une affection dermatologique. Si le premier peut être pris en compte dans la tarification à l'activité, le second ne le peut pas, bien évidemment. C'est pourquoi, il faut envisager les missions d'intérêt général au CHU mais aussi dans les centres hospitaliers qui n'ont pas vocation à l'enseignement et à la recherche. Enfin, permettez-moi de dire à ceux qui essaient de nous donner des leçons alors qu'ils ont mis en place les 35 heures à l'hôpital sans en prévoir ni le financement ni les carrières, qu'ils ne sont pas les meilleurs amis de l'hôpital public ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. -Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) M. le président. La parole est à Mme Janine Jambu, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains. Mme Janine Jambu. Monsieur le ministre délégué au logement et à la ville, la fondation Abbé Pierre a présenté, ce matin, son dixième rapport sur l'état du mal-logement, lequel touche des catégories croissantes de la population du fait de la hausse vertigineuse des loyers tant dans le secteur privé que dans le secteur social, du prix du mètre carré dans le neuf et dans l'ancien, et de la pénurie de logements sociaux disponibles, pour tous et partout, en locatif comme en accession. Alors que les fonds de pension spéculent sur la vente à la découpe des immeubles privés, en particulier à Paris, des milliers de logements sociaux sont promis à la vente : 4 500 dans les Hauts-de-Seine, à l'initiative du président du conseil général, Nicolas Sarkozy. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - « Eh oui ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.) Le logement devient pour la famille en situation de précarité, la famille monoparentale, la famille d'actifs du public ou du privé, l'étudiant, le retraité, la préoccupation première. Le contenu annoncé du projet de loi si mal nommé « Habitat pour tous » ne laisse pas de nous inquiéter : encouragement à la vente des logements sociaux, abrogation de la loi de 1948, suppression du statut public des offices et de leur personnel, modification de l'article 55 de la loi SRU. Face à la gravité de la situation, il faut prendre des dispositions. Qu'allez-vous faire, monsieur le ministre, pour encadrer et limiter les hausses de loyers ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Qu'allez-vous faire, monsieur le ministre, pour empêcher la vente du parc locatif social (« Rien ! » sur les bancs du groupe socialiste) et impulser, au contraire, la construction de logements sociaux sur tout le territoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au logement et à la ville. M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville. Madame Jambu, je vous remercie d'avoir confirmé ici le diagnostic que nous avions énoncé avec Jean-Louis Borloo, depuis plusieurs années déjà, et que j'ai fait valider par les assises du logement de juillet dernier. J'étais ce matin avec l'abbé Pierre et des membres de sa fondation, et nous sommes d'accord sur le problème du mal-logement. Merci de vous en rendre compte aujourd'hui, madame Jambu (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française - Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) alors que, quand M. Gayssot était ministre de l'équipement et M. Besson secrétaire d'État au logement, vous déteniez le record historique à la baisse du nombre de logements sociaux produits : 42 000 ! (Applaudissements et huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Madame Jambu, puisque vous me demandez quelles mesures d'urgence je compte prendre, je vous renvoie au plan de cohésion sociale. Nous finançons 74 000 logements, alors que vous en financiez 42 000, soit une hausse de 77 % ! (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mme Janine Jambu. Où ? M. le ministre délégué au logement et à la ville. Quant aux logements PLUS et PLAI, nous en finançons 50 % de plus que ce que vous faisiez en l'an 2000. Nous avons d'ores et déjà agi pour la production de logements sociaux. Si l'on veut résorber le problème de la hausse des loyers, il faut s'attaquer à l'offre. Nous doublerons, comme nous l'avons dit, le nombre de logements locatifs sociaux produits. (« Très bien » ! sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous doublerons le nombre de logements vacants remis sur le marché... M. Jacques Desallangre. Mais où ? M. le ministre délégué au logement et à la ville. ...ainsi que celui des primo-accédants à la propriété aidée. Enfin, nous avons tenu notre engagement s'agissant du prêt à taux zéro puisque sa réforme est appliquée depuis le 1er février. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Madame la députée, ce ne sont pas des discours mais des actes, et nous continuerons, ne vous en déplaise ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) ÉDUCATION PHYSIQUE ET SPORTIVE À L'ÉCOLE M. le président. La parole est à M. Christian Kert, pour le groupe UMP. M. Christian Kert. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, vous avez décidé de réformer l'école. M. Jacques Desallangre. En supprimant des classes ! M. Christian Kert. Pour ce faire, vous avez mis au cœur de la réforme que vous entendez nous proposer sous peu l'idée d'un « socle » qui correspond aux connaissances de base que tout enfant doit acquérir. Cette priorité est juste et nécessaire, car 150 000 jeunes sortent actuellement du système éducatif sans qualification et plus de 80 000 élèves entrent en sixième sans savoir ni lire ni compter. M. Jacques Myard. À qui la faute ? À la gauche ! M. Christian Kert. La nation doit donc mettre l'accent sur ces priorités éducatives. Pour autant, toutes les matières sont importantes. Je pense à l'enseignement artistique sur lequel travaille actuellement une mission parlementaire, ou encore à la pratique sportive à l'école qui contribue à l'épanouissement et à l'indispensable construction de la personnalité des enfants. Or des informations contradictoires circulent sur cet enseignement, certains parlant même de la disparition des cours d'éducation physique à l'école. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Jean Leonetti. Ils disent n'importe quoi ! M. Christian Kert. Monsieur le ministre, pouvez-vous rétablir quelques vérités face à ces rumeurs qui ont parfois des relents démagogiques... M. Jacques Desallangre. Vous supprimez des classes partout ! M. Christian Kert. ...et nous dire si, comme nous, vous réaffirmez la place et le rôle que doit tenir le sport à l'école ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, le débat démocratique suppose que l'on se respecte et que l'on échange des arguments plutôt que des procès d'intention ou des fantasmes, comme ceux que j'entends chaque jour sur la volonté du Gouvernement de supprimer l'éducation sportive, l'histoire, la géographie, les sciences physiques ou la technologie ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) La vérité, c'est que nous voulons que la nation s'engage à transmettre à tous ses enfants un socle de compétences et de connaissances fondamentales sans lesquelles ils ne pourront pas réussir leurs études et leur vie professionnelle. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. André Gerin. Ce n'est pas vrai ! M. Albert Facon. Des mots ! M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cela étant ce socle ne résume pas les missions de l'école. S'agissant de l'éducation physique et sportive, je veux tout de suite vous rassurer en soulignant qu'elle conservera naturellement toute sa place au sein de l'éducation nationale. D'ailleurs, notre projet n'apporte aucune modification à la législation antérieure. Les trente articles du code de l'éducation qui y font référence ne sont pas supprimés. Au brevet, par exemple, l'éducation physique et sportive est aujourd'hui évaluée en contrôle continu avec un coefficient 1 ; nous proposons de porter celui-ci à 2. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) M. Yves Durand. Quelle révolution ! M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Au baccalauréat, l'éducation sportive est évaluée en contrôle continu ; nous proposons de poursuivre dans la même direction. Enfin, je vous précise que le projet de loi qui va vous être proposé prévoit de rendre obligatoire l'enseignement de l'éducation physique et sportive, ce qui n'a jamais été inscrit dans un texte. Je voudrais m'arrêter un instant sur les horaires pour montrer qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter. En seconde, il y a deux heures d'EPS, mais un élève peut prendre, s'il le souhaite, un enseignement de détermination de cinq heures ou une option facultative de trois heures. S'il est inscrit à l'Union nationale du sport scolaire, il fera trois heures de sport le mercredi après-midi. Cela montre que l'éducation nationale peut assurer jusqu'à dix heures hebdomadaires d'EPS à un élève qui aura par ailleurs quatre heures et demie de français et quatre heures de mathématiques. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Mme Martine David. Cela ne veut rien dire ! M. Bruno Le Roux. Ce n'est pas la réalité de terrain ! M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Vous le voyez, monsieur le député, l'éducation physique et sportive est au cœur de notre projet éducatif. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) LUTTE CONTRE LES GROUPUSCULES NÉONAZIS M. le président. La parole est à M. Émile Blessig, pour le groupe UMP. M. Émile Blessig. Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, un récent rapport des renseignements généraux indique que le nombre des militants de groupuscules d'extrême droite s'élèverait à 3 500 dans notre pays, répartis principalement dans les régions Alsace, Île-de-France et Provence-Alpes-Côte d'Azur. Le dénominateur commun de ces groupuscules est ce qu'ils appellent la lutte contre le pire ennemi, celui-ci pouvant être juif ou musulman. Cette grave situation est à rapprocher des 1 513 actes racistes et antisémites recensés en 2004, dont 361 avec violences. Malheureusement, l'Alsace est particulièrement concernée par ce phénomène. Les renseignements généraux indiquent qu'un certain nombre de groupuscules néo-nazis, liés à leurs homologues allemands, n'hésitent pas à organiser des rencontres sous couvert de réunions privées annoncées comme des événements festifs ou familiaux, trompant ainsi délibérément la bonne foi des communes ou des associations propriétaires de salles. En seize mois, trois réunions de ce type ont pu être organisées, à Ringendorf, Hinsbourg et Hipsheim. Monsieur le ministre, l'existence même de ces groupuscules et leurs menées sont une menace pour les fondements de notre démocratie. À mon sens, on doit voir dans la multiplication et la montée des actes racistes, antisémites et islamophobes une première conséquence de leur action pernicieuse. Ce constat étant fait, ma question est simple monsieur le ministre : quelle action envisagez-vous d'engager pour lutter contre les mouvements néonazis ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.) M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, il existe dans notre pays un certain nombre de groupes néonazis rassemblant près de 3 000 personnes. C'est une honte pour notre mémoire nationale et pour nos valeurs républicaines. C'est aussi une menace et un danger quand on sait que les actions de ces groupes sont de plus en plus violentes : 65 actions violentes en 2004, contre 27 en 2003. Face à cette situation inacceptable, je tiens à prendre toutes les mesures nécessaires. Tout d'abord, je veux que les maires et les préfets puissent interdire les réunions publiques. Par ailleurs, je veux mobiliser l'ensemble des loueurs de salles afin qu'ils puissent empêcher les réservations et les locations qui sont faites sous de faux prétextes. Je veux également lutter contre l'utilisation de l'internet pour diffuser des messages néonazis. Il y a une veille de la police et de la gendarmerie à cet effet et une action de notre part contre la diffusion de ces messages auprès des hébergeurs des sites. Cependant il convient d'aller plus loin : il faut dissoudre ces mouvements et je le proposerai en conseil des ministres, conformément à la loi de janvier 1936, en apportant l'ensemble des preuves qui auront été recueillies contre chacun d'eux. Nous veillerons ensuite à ce qu'ils ne soient pas reconstitués sous de faux noms en engageant les poursuites indispensables. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française, et sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe socialiste. M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le ministre délégué au logement et à la ville, vous justifiez le scandaleux sacrifice des aides personnelles au logement en prétendant concentrer tous vos efforts sur la réalisation de logements neufs. Autrement dit, vous annoncez à tous les bénéficiaires de l'aide au logement qui voient diminuer leurs possibilités de faire face à l'augmentation vertigineuse des loyers : « Tenez bon : dans cinq ans, on aura construit 500 000 logements sociaux en plus ! » M. Jean-Luc Reitzer. Vous ne l'avez pas fait ! M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Aujourd'hui, vous affirmez que vos premiers objectifs ont été atteints et que 74 000 logements sociaux ont été financés en 2004. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En fait, derrière cette annonce, se dissimule... M. Jean Leonetti. Votre inaction ! M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ...une réalité bien moins flatteuse et catastrophique pour les demandeurs de logement : en 2004, 44 000 logements sociaux seulement ont été mis en chantier. M. Richard Mallié. C est la conséquence d'avant 2002. M. Jean Leonetti. Ils sont jaloux ! M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les 74 000 que vous revendiquez sont purement virtuels. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Ils correspondent au nombre d'agréments donnés à des projets de construction... M. Jean-Luc Reitzer. C'est faux ! M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ...qui abriteront peut-être demain ou après-demain ceux qui, aujourd'hui, attendent un logement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mes chers collègues, il y a plus redoutable encore : sur ces 74 000 agréments accordés en 2004, seuls 35 000 auront un caractère vraiment social, chiffre tout à fait comparable à celui de 2001. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) L'augmentation du nombre d'agréments provient essentiellement des logements appelés PLS, dont les loyers sont 50 % supérieurs à ceux des HLM classiques, ce qui les rend inaccessibles à la grande majorité des demandeurs de logement. D'ailleurs, de nombreux acteurs du secteur estiment que la définition du logement social ne devrait plus intégrer ce type de construction. Or, loin d'y prêter attention, le Gouvernement ne cesse d'en augmenter la proportion dans le parc locatif. Pourquoi ? Pour une raison très simple : ils ne coûtent pas un euro à l'État ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) M. Jean-Luc Reitzer. La question ! M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce matin, monsieur le ministre, vous avez jugé que le rapport de la fondation Abbé Pierre constituait à votre égard un procès d'intention. Sont-ce vos médiocres résultats qui vous placent dans cette médiocre défensive ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.- Applaudissements sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au logement et à la ville. M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville. Franchement, monsieur le député, vous n'êtes pas dans le ton. (Huées sur les bancs du groupe socialiste.) Choisir la politique du pire, vouloir que notre plan échoue devant des millions de téléspectateurs qui vous regardent (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste) montre que vous êtes à côté de la plaque ! (Huées sur les bancs du groupe socialiste.) D'ailleurs les chiffres que vous avez donnés, monsieur Le Bouillonnec, sont faux ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) M. le président. Vous avez posé une question. Écoutez au moins la réponse ! M. le ministre délégué au logement et à la ville. Le nombre d'agréments concernant les seuls logements PLUS HLM classiques, et PLAI pour les plus modestes, atteignait, à la fin de l'année 2004, 52 000 quand vous en donniez 38 000 en 2000 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et des député-e-s communistes et républicains.) Nous en faisons donc 50 % de plus.(Mêmes mouvements.) Il est clair, monsieur Le Bouillonnec, qu'il faut deux ans entre l'agrément et la construction : si donc les chiffres des constructions effectives ne sont pas encore ce qu'ils devraient, c'est bien parce que votre politique a été mauvaise ! (Protestations puis huées sur les bancs du groupe socialiste.) M. le président. Calmez-vous ! M. le ministre délégué au logement et à la ville. Je vous le dis tranquillement : ce n'est pas en jouant la politique du pire que vous réglerez les problèmes. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Et vous ne les réglerez pas davantage en vous attaquant aux personnes qui gagnent entre une fois et trois fois le SMIC. (Protestations continues sur les bancs du groupe socialistes.) M. le président. Regardez le spectacle que vous donnez ! M. le ministre délégué au logement et à la ville. Les socialistes se cherchent des excuses. Jean-Louis Borloo, lui, nous a trouvé les moyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. le président. Á quoi bon crier ? Quand vous posez une question, écoutez au moins la réponse ! M. le président. La parole est à M. Dominique Richard, pour le groupe UMP. M. Dominique Richard. Monsieur le ministre de la culture et de la communication, le coût du travail dans notre pays a provoqué la multiplication des délocalisations de tournages : 28 % de la production française pour le cinéma et 19 % pour l'audiovisuel en 2002. Conscient du problème, le Gouvernement a créé, en 2004, un crédit d'impôt pour le cinéma qui a permis, dès la première année, une augmentation de 16 % des tournages en France et une baisse de près de 40 % des tournages à l'étranger. Après ce résultat encourageant, la loi de finances rectificative de 2004 a étendu le dispositif aux productions audiovisuelles. Toutefois, d'autres obstacles subsistent à la relocalisation, notamment pour les réalisations qui impliquent un tournage sur des sites historiques. À côté des lourdeurs administratives, bien réelles, imposées aux réalisateurs, la location de la cour carrée du Louvre, par exemple, coûte 70 000 euros par jour, et le château de Versailles beaucoup plus, au point qu'il est plus rentable de reconstituer le décor dans un pays d'Europe de l'Est. Outre l'incongruité de la situation, ce sont autant d'heures de travail perdu, sans parler des retombées économiques indirectes, en particulier touristiques. Aussi vous serais-je reconnaissant, monsieur le ministre, de bien vouloir nous indiquer les mesures que vous entendez prendre pour faciliter les tournages en France, plus particulièrement dans les monuments historiques qui dépendent de l'autorité publique, qu'il s'agisse de l'État ou des collectivités locales. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.) M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication. M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, vous avez raison d'insister sur l'importance de l'emploi dans le secteur du cinéma, de l'audiovisuel ou du spectacle vivant, et sur la nécessité de relocaliser cette activité en France. Nos concitoyens ont peur que les échanges internationaux et la mondialisation nous fassent perdre l'essentiel de notre influence, de notre attractivité et de notre capacité à maintenir des emplois. Vous pouvez donc légitimement être fiers des mesures que vous avez adoptées récemment en étendant le crédit d'impôt pour le cinéma à l'audiovisuel. Il est également indispensable d'instituer une coopération avec les régions : l'État et les régions, au lieu de se regarder en chiens de faïence dans le cadre d'affrontements partisans, comme cela se passe dans certains cas, doivent savoir se réunir autour d'une table pour agir en commun. Samedi, dans la région Auvergne, en présence de Louis Giscard d'Estaing, (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)... M. Alain Néri. Et nous ? M. le ministre de la culture et de la communication. ...nous avons signé une convention entre l'État et la région pour relocaliser l'activité. Notre pays est riche d'un grand capital, avec ses monuments publics, qu'ils appartiennent à des personnes publiques ou privées, et ses musées. J'ai réuni vendredi dernier tous les responsables des musées et les propriétaires des monuments historiques, ainsi que les professionnels du cinéma et de l'audiovisuel, pour que nous sachions tout simplement ouvrir nos portes : entre la gratuité et le prix prohibitif, il y a place pour un prix raisonnable qui permettra de mettre nos sites à la disposition des tournages français et étrangers. Ce sera, à mon avis, le meilleur moyen d'attirer sur notre territoire de nombreux touristes et de défendre l'activité. J'assurerai un suivi très attentif de cette question. J'ai d'ailleurs mis en place un bureau d'accueil pour la relocalisation des tournages dans chacune de nos régions. La France est riche de ce potentiel qui doit nous redonner confiance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) STATUT DES ASSISTANTS MATERNELS M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial, pour le groupe UMP. M. Édouard Courtial. Monsieur le ministre des solidarités, de la santé et de la famille, le Gouvernement a fait de la conciliation entre vie professionnelle et vie privée un axe majeur de sa politique familiale. La mise en place de la PAJE a été le point d'orgue de sa politique. Cette mesure doit être accompagnée par le développement des différents modes de garde - tel est l'objectif du plan Crèches qui prévoit 20 000 places - et par la nécessaire revalorisation du statut des 265 000 assistants maternels qui, je le rappelle, accueillent les enfants de moins de trois ans. Ce dernier mode de garde présente de multiples avantages, au premier rang desquels la souplesse des horaires et, surtout, un accueil personnalisé par des femmes aimant leur métier et ne comptant pas leurs efforts pour le bien-être de nos enfants. La revalorisation du statut des assistants maternels viserait à reconnaître le rôle social de cette profession et à pallier deux carences : le manque de garanties et de droits qui leur sont accordés et l'insuffisance criante du nombre de candidats au regard de la demande croissante des familles. Selon une étude du Commissariat du Plan, nous aurons besoin de 600 000 assistants maternels dans les dix ans à venir, dont 450 000 créations de poste. Pour toutes ces raisons, le projet de loi relatif aux assistants maternels et familiaux est attendu avec impatience par la profession elle-même et par les familles. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous confirmer qu'il sera examiné par notre assemblée dans les prochains jours et nous présenter ses principales dispositions ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Monsieur le député, le projet de loi concernant les assistants maternels sera présenté à l'Assemblée nationale mardi prochain. Son premier objectif est d'aider à mieux concilier la vie familiale et la vie professionnelle. Il va d'abord permettre de différencier deux professions totalement distinctes : d'un côté, les assistantes maternelles, des femmes en général, qui gardent des enfants de moins de trois ans à domicile ; de l'autre, les assistants familiaux qui gardent des enfants en difficulté pour lesquels on considère le placement en famille d'accueil comme le mieux adapté. M. Augustin Bonrepaux. Qui va payer ? M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Ensuite, ce projet de loi leur apportera une meilleure reconnaissance grâce à une meilleure professionnalisation avec une formation de 60 à 120 heures pour les assistantes maternelles, et de 120 à 300 heures pour les assistants familiaux. Mme Nathalie Gautier. À quel prix ? M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Il leur procurera aussi un meilleur statut puisqu'il prévoit la possibilité de signer un contrat écrit et une rémunération horaire pour les assistantes maternelles, ce qu'elles attendent toutes. Les assistants familiaux pourront également avoir une meilleure rémunération forfaitaire. Il est important de mieux prendre en compte la garde des enfants pour mener une politique de la natalité. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) SUPPRESSIONS D'EMPLOIS M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bianco, pour le groupe socialiste. M. Jean-Louis Bianco. Monsieur le président, permettez-moi de revenir un instant, un instant seulement, sur le logement social. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cela ne vous plaît pas, messieurs de la majorité, mais je serai bref ! M. le président. Laissez parler M. Bianco, je vous prie. M. Jean-Louis Bianco. Monsieur Daubresse, vous venez d'en faire la démonstration, on ne fait pas une politique du logement social avec des chiffres virtuels et des chiffres faux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Monsieur le Premier ministre, lors de ses vœux pour 2005, le Président de la République a affirmé sa volonté pour la France de renouer avec une politique industrielle s'inspirant du rapport de M. Jean-Louis Beffa. Or, dans le même temps, la casse industrielle de notre pays continue. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Plusieurs députés de groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est la faute aux 35 heures ! M. Jean-Louis Bianco. Chacun connaît la situation de Danone et de Lustucru en Provence. Aujourd'hui, c'est le groupe Total qui, après avoir réalisé 10 milliards d'euros de bénéfice net et distribué 7 milliards d'euros de dividendes à ses actionnaires, annonce la suppression de près de 600 emplois dans sa principale filiale chimique, Arkema, dont environ 400 à l'usine de Saint-Auban dans mon département, les Alpes-de-Haute-Provence. Les régions Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-d'Azur sont concernées. Avec les sous-traitants, ce sont près de 3 000 emplois qui vont disparaître,... M. Christian Cabal. C'est la faute aux 35 heures ! M. Jean-Louis Bianco. ...soit 10 % des emplois offerts par le secteur privé. C'est une véritable catastrophe économique, sociale et humaine qui se profile à l'horizon, avec la disparition des Salins de Giraud, dont l'usine de Saint-Auban est le principal client, la menace d'une catastrophe écologique en Camargue et la fermeture de la ligne fret de la SNCF. Qu'on ne vienne pas nous dire que le groupe Total serait dans l'impossibilité d'investir quelques dizaines de millions d'euros pour préserver l'emploi ! Le 20 octobre dernier, ici même, mon collègue Daniel Spagnou alertait M. Devedjian, ministre de l'industrie. Monsieur le Premier ministre, aujourd'hui, au nom de tous les parlementaires et de tous les maires de mon département, toutes tendances politiques confondues,... M. Jean-Paul Anciaux. Cela suffit ! M. le président. Monsieur Anciaux, je vous prie de laisser parler M. Bianco ! M. Jean-Louis Bianco. ...je vous demande solennellement d'obliger Total à retirer son plan de casse industrielle. M. Jean Leonetti. Villevorde ! M. Jean-Louis Bianco. Je vous demande solennellement, comme nous l'avons fait en vain depuis des mois auprès du préfet de région, d'organiser une table ronde pour que nous puissions débattre des autres propositions que nous avons élaborées avec les syndicats. Plusieurs députés de groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question ! M. Jean-Louis Bianco. Monsieur le Premier ministre, il y a urgence. Le rouleau compresseur déclenché par la recherche des profits boursiers est en marche. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Lucien Degauchy. C'est M. Gremetz qui a écrit votre question ? M. Jean-Louis Bianco. Laisserez-vous écraser des centaines d'hommes et de femmes et désindustrialiser le cœur d'un département, ou montrerez-vous qu'il y a encore une volonté politique pour défendre l'industrie et l'emploi en France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie. M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur Bianco, avant de dénoncer les chiffres virtuels, il faudrait commencer par vous assurer des vôtres. La vérité, déjà préoccupante, c'est qu'on supprime 380 emplois... M. Daniel Paul. C'est votre vérité ! M. le ministre délégué à l'industrie. ...et que cette suppression s'accompagnera naturellement de créations d'emplois et de mesures de revitalisation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) La procédure est engagée. Les mesures suivront ! M. Daniel Paul. Lesquelles ? M. le président. Monsieur Daniel Paul, laissez M. le ministre s'exprimer. M. le ministre délégué à l'industrie. Monsieur Bianco, vous ne pouvez pas soutenir que le Gouvernement, en liaison avec M. Spagnou et l'ensemble des élus du département des Alpes-de-Haute-Provence dont vous faites partie, ne s'est pas préoccupé de ce dossier. La vérité, c'est que l'industrie chimique française se trouve confrontée à des problèmes de compétitivité d'autant plus graves qu'ils n'ont pas été anticipés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - « Oui ! Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Augustin Bonrepaux. C'est vous qui n'avez rien fait ! M. le président. Monsieur Bonrepaux, laisser le ministre s'exprimer ! M. le ministre délégué à l'industrie. Cette industrie doit se restructurer. L'usine de Saint-Auban, qui a été fondée durant la guerre 14-18 pour produire de l'ypérite et qui n'est plus suffisamment compétitive, affronte aujourd'hui la concurrence avec difficulté. Il est donc prévu d'investir 20 millions d'euros dans la modernisation de cette entreprise, de pérenniser 333 emplois et d'en créer un nombre au moins équivalent. Le Gouvernement se préoccupe bien de concilier, dans les Alpes-de-Haute-Provence, la préservation du tissu local et une plus grande compétitivité des entreprises, dans le cadre d'une véritable politique industrielle, abandonnée depuis si longtemps. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) M. David Habib. C'est faux ! DÉMARCHES JURIDIQUES M. le président. La parole est à M. Céleste Lett, pour le groupe UMP. M. Céleste Lett. Monsieur le garde des sceaux, la catastrophe naturelle en Asie du Sud-Est, par son ampleur, constitue un véritable drame humain. L'horreur des conséquences du tsunami a entraîné une mobilisation internationale sans précédent. L'État français a, pour sa part, débloqué une cinquantaine de millions d'euros, auxquels on doit ajouter les nombreux dons d'organisations ou de personnes privées : l'aide française atteint ainsi une centaine de millions d'euros. Le séisme qui s'est produit au large des côtes de l'Asie le 26 décembre dernier a entraîné la disparition de nombreuses personnes, dont les corps n'ont pu être retrouvés. Certaines d'entre elles étaient de nationalité française ou avaient leur domicile ou résidence habituelle en France. Ainsi, dans ma ville de Sarreguemines, une famille est particulièrement éprouvée puisque sur huit membres, seuls trois sont revenus. Compte tenu de l'absence de corps, il n'a pas été possible d'établir d'actes de décès, ce qui retarde les démarches à effectuer par les familles, notamment pour la prise en compte des prêts par les assurances décès, le fonctionnement des sociétés civiles ou immobilières, le rapport locatif ou les successions d'entreprises. Monsieur le garde des sceaux, pouvez-vous nous préciser les dispositions qui ont été prises en vue de répondre concrètement aux demandes des familles des victimes qui n'ont toujours pas pu obtenir de certificats de décès ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, dans les jours qui ont suivi cette catastrophe et en liaison avec Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, qui a chargé M. du Boispéan d'assurer les contacts avec les familles concernées, j'ai alerté les procureurs de la République afin qu'ils se mettent aussitôt à la disposition de celles qui souhaiteraient engager des démarches. Il convient d'être précis. Lorsque le décès est survenu dans des circonstances permettant de penser qu'il existe un lien effectif entre la catastrophe et la disparition du corps, il est possible d'introduire une action judiciaire. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à ce que toutes les procédures soient centralisées par le procureur de la République de Paris qui prend l'initiative des procédures ou les engage en liaison avec les familles. Le ministère des affaires étrangères nous fournit, quant à lui, les éléments d'information dont nous avons besoin. Dès le 28 janvier, le procureur de la République de Paris a présenté au tribunal de grande instance une première série de requêtes et, dans la journée, celui-ci a prononcé vingt-quatre déclarations de décès. Le 4 février, une autre série concernant quinze personnes sera présentée au tribunal de grande instance. Une telle procédure, j'insiste, est différente de la déclaration d'absence : celle-ci intervient lorsque aucune circonstance particulière ne permet d'établir avec certitude le décès de la personne disparue. Les procédures sont, dans ce cas, beaucoup plus longues. Je souhaiterais, monsieur le député, que vous assuriez aux familles que le parquet de Paris, qui introduit lui-même auprès du tribunal de grande instance les demandes de déclarations de décès, est à leur disposition pour répondre à leurs questions. Le processus est aujourd'hui en cours. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. Jean Bardet, pour le groupe UMP. M. Jean Bardet. Madame la ministre déléguée à l'intérieur, les examens des projets régionaux de budgets pour 2005 ont déjà largement commencé. Ils se dérouleront jusqu'au 31 mars, mais une constante paraît d'ores et déjà devoir s'imposer : les budgets des collectivités locales gérées par la gauche explosent. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Mme Martine David. Il faut bien assumer l'héritage de la droite ! M. Jean Bardet. Ce sont ainsi, par rapport à 2004, 20 % d'augmentation pour la région Midi-Pyrénées, 14,6 % pour la région Nord-Pas-de-Calais ou 8,3 % pour la région Île-de-France. Pour cette dernière, la majorité socialiste présidée par Jean-Paul Huchon prévoit une augmentation de 23 % des impôts que versent nos concitoyens d'Île-de-France au titre de la région. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Une partie de cette majorité - les Verts - veut aller encore plus loin et réclame une augmentation de 50 % ! La taxe professionnelle connaîtra, quant à elle, une hausse de 35 %, ce qui ne manquera pas de pénaliser les entreprises et d'avoir des conséquences désastreuses sur l'emploi. Or, lors de la campagne pour les élections régionales, les socialistes avaient fait des promesses démagogiques tout en assurant qu'il n'y aurait pas de hausses d'impôts. Pour la justifier, ils arguent aujourd'hui de la décentralisation et accusent l'État de se désengager des régions. M. Augustin Bonrepaux. Ils ont raison ! C'est la stricte vérité ! M. Jean Auclair. C'est faux ! M. Jean Bardet. Il s'agit, dans les deux cas, d'un mensonge grossier. Pour la seule région d'Île-de-France, la dotation de l'État augmente de 4,8 %, soit plus que l'inflation et à périmètre de compétences égal. De plus, non seulement les transferts de charges prévus par les lois de décentralisation devront être intégralement compensés par l'État, mais nos projets de budgets seront votés avant même que la loi sur la décentralisation ne soit entrée en application ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Madame la ministre, pouvez-vous nous assurer que l'explosion de la fiscalité des régions n'est liée ni à un quelconque désengagement de l'État ni, comme le prétend la gauche, à la création d'impôts nouveaux induits par la décentralisation, mais uniquement à la volonté des socialistes de faire payer leurs promesses démagogiques par les Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'intérieur. Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur. Monsieur le député, vous avez raison, il convient de chercher les raisons pour lesquelles la fiscalité régionale explose. On accuse la décentralisation mais, vous l'avez rappelé, elle ne pèsera que pour 2,5 % sur les budgets régionaux de 2005, et cette hausse sera entièrement compensée. M. Christian Paul. Ça suffit ! Mme la ministre déléguée à l'intérieur. On accuse également l'incertitude qui pèserait sur le financement des régions, mais 400 millions d'euros ont été inscrits à ce titre en loi de finances ! Celle-ci a été publiée au Journal officiel depuis plus de quatre semaines et la ventilation de la TIPP par région est désormais connue : en Île-de-France, elle sera, à l'euro près, de 8 066 841 euros ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Enfin, une commission d'évaluation des charges opérera, si cela se révèle nécessaire, d'éventuelles rectifications. On accuse aussi l'État d'obliger les régions à se substituer à lui. C'est oublier que le plan Borloo prévoit la création d'un million d'emplois sur cinq ans et la réalisation de très nombreux logements sociaux. Les présidents de région seraient mieux inspirés de jouer la synergie et la complémentarité avec le Gouvernement, chacun dans ses compétences. Jouer collectif, c'est le meilleur moyen de faire gagner l'équipe France ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) L'augmentation de la fiscalité concerne essentiellement la taxe professionnelle. Ainsi, l'Île-de-France a acheté la paix avec sa majorité plurielle, en la faisant passer de 30 à 35 % : tant pis pour les entreprises et tant pis pour l'emploi. Les particuliers, quant à eux, ne seront pas non plus épargnés, puisque la carte grise augmentera. Mesdames et messieurs les députés, au moment où, solennellement, vous vous apprêtez à voter la révision constitutionnelle, les élus régionaux seraient bien inspirés de penser qu'ils sont comptables également devant l'Europe de la stabilité des prélèvements obligatoires. (Rires et protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) La hausse de la fiscalité régionale est un mauvais signe donné à l'Europe et aux Français ; elle porte un mauvais coup à l'esprit de solidarité et à la stabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement. Suspension et reprise de la séance M. le président. La séance est suspendue. (La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.) M. le président. La séance est reprise.
MODIFICATION DU TITRE XV Explications de vote et vote sur l'ensemble M. le président. L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution (nos 2022, 2033). La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Je souhaite rappeler en quelques mots, avant les explications de vote et le vote solennel, que ce texte permettra la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe. Tel est l'objet de l'article 1er, adopté sans modification. Les articles 2 et 4, adoptés eux aussi sans modification, prévoient la consultation obligatoire du peuple français par voie de référendum pour toute nouvelle adhésion d'un État à l'Union européenne. Enfin, l'article 3 réécrit l'ensemble du titre XV de la Constitution. Les apports principaux du débat à l'Assemblée nationale sont d'une part le remplacement, dans le texte proposé pour l'article 88-1, du mot « France » par « République française », d'autre part la réécriture complète du texte proposé pour l'article 88-5. Les conditions dans lesquelles les assemblées parlementaires pourront adopter des résolutions en matière de contrôle du respect du principe de subsidiarité par les institutions européennes apparaissent désormais plus clairement. Je remercie la commission des lois pour la qualité de sa suggestion. Pour le reste, nos débats ont essentiellement porté sur le texte proposé pour l'article 88-4, lequel vise à permettre l'information du Parlement. Actuellement, le Gouvernement est tenu de transmettre au Parlement « les projets ou propositions d'actes des Communautés européennes et de l'Union européenne comportant des dispositions de nature législative » au sens de l'article 34 de la Constitution. Le Gouvernement ne souhaitait pas que ce débat, qui porte sur la révision constitutionnelle en vue de la ratification du traité, aboutisse à une modification des équilibres de notre système institutionnel. Néanmoins il a compris que le Parlement souhaite que soit renforcée son information sur l'activité des institutions européennes. Deux extensions ont donc été discutées : d'une part, l'obligation de transmission par le Gouvernement sera élargie aux projets d'actes législatifs au sens européen du terme, ce qui inclut les directives et les règlements européens ; d'autre part, le Gouvernement renforcera l'information du Parlement : les documents dont la transmission n'est pas obligatoire seront tout de même transmis si le président d'une assemblée ou d'une commission permanente le demande. Ainsi, ce qui était jusqu'à présent l'exception deviendra la règle. Les autres articles du texte proposé pour le titre XV ont été adoptés sans modification. Je remercie une nouvelle fois l'Assemblée nationale pour la qualité des débats et du travail accompli, et je souhaite l'adoption de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. Avant de donner la parole aux orateurs inscrits dans les explications de vote, je vais, d'ores et déjà, faire annoncer le scrutin, de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle. Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Christophe Caresche, pour le groupe socialiste. M. Christophe Caresche. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre déléguée aux affaires européennes, mes chers collègues, nous sommes appelés à voter la révision de notre Constitution en vue de la ratification du traité constitutionnel européen. Étape indispensable pour la ratification, ce vote est éminemment politique. Il pèsera sur le choix du printemps prochain lors du référendum sur le traité lui-même, tout comme le vote massif et incontestable de milliers de militants socialistes en faveur de ce traité aura impulsé la première dynamique positive pour l'adoption d'une Constitution européenne. Dire oui au traité constitutionnel, c'est donner toutes ses chances à l'Europe politique qui est sur le point de naître ; c'est dire oui à une Europe élargie qui va pouvoir se doter enfin des institutions lui permettant un fonctionnement plus démocratique, mais aussi plus efficace. Certes, des progrès indispensables restent à faire, mais cela ne saurait masquer les avancées réelles et fortes qui dominent dans le traité. C'est donc dans le droit-fil des positions prises par notre formation politique dans l'histoire de la construction européenne, et par respect pour le vote de la majorité des militants de notre parti, que nous voterons ce texte. Cela ne signifie pas pour autant que nous en approuvons tous les aspects. L'introduction d'un article sur le référendum automatique pour tout futur élargissement de l'Union nous paraît éminemment contestable, car dictée par des considérations opportunistes. Chacun aura compris que c'est de l'adhésion de la Turquie qu'il s'agit, puisque les pays dont l'adhésion est en cours seront exemptés de cette disposition. Or le Président de la République est favorable à l'adhésion de la Turquie mais sa majorité ne l'est pas. Le Gouvernement tente donc, par cet artifice, de réconcilier la tête, qui dit oui, avec le corps, qui dit non. Vous venez en quelque sorte d'inventer le contorsionnisme constitutionnel ! Nous ne pouvons l'accepter. Sur la méthode d'abord, loin de dissocier le sujet de l'adhésion de la Turquie et celui de la ratification du traité, vous les liez, donnant ainsi des arguments à ceux qui, curieusement, se proclament pour le traité et font campagne contre l'entrée de la Turquie en Europe. À chacun sa cohérence ! Sur le fond, vous introduisez une disposition de pure conjoncture dans notre Constitution, qui ne devrait pourtant contenir que des principes intangibles. Nous ne sommes pas contre le fait que l'adhésion de la Turquie ou de tout autre pays puisse être soumise à l'approbation des Français : c'est une initiative qui peut se comprendre le moment venu. Cependant cela n'a pas à être inscrit dans la Constitution comme vous nous le proposez. L'autre aspect de la révision constitutionnelle concerne les nouvelles compétences que le traité constitutionnel européen reconnaît aux parlements nationaux. Ce n'est pas le moindre mérite d'un traité qui, loin de diluer les nations dans l'Union européenne comme les éternels détracteurs de l'Europe voudraient le faire croire, renforce au contraire l'autorité et l'utilité des parlements nationaux au bénéfice des intérêts particuliers des pays membres. Avec le contrôle de subsidiarité et le contrôle d'éventuelles révisions simplifiées du traité, le Parlement se voit conférer un véritable rôle. Pour la première fois, un lien direct entre notre assemblée et les institutions européennes est établi. Nous récoltons là le fruit du travail accompli par nos collègues au sein de la Convention, que je tiens à saluer une nouvelle fois. Nous nous réjouissons, à cet égard, que l'amendement socialiste sur l'élargissement du champ de contrôle de notre Parlement sur les décisions européennes ait été adopté. Qui pourrait se plaindre d'un tel élargissement ? Certainement pas ceux qui réclament depuis longtemps un rééquilibrage de nos institutions au profit du Parlement. Restera évidemment à notre assemblée la responsabilité de faire vivre ces nouvelles compétences ; nous en reparlerons. Pour l'heure, nous voterons cette révision constitutionnelle, conscients qu'elle représente la première étape de la ratification du traité constitutionnel, rendez-vous avec l'histoire que notre pays ne doit pas manquer. (Applaudissements sur de très nombreux bancs du groupe socialiste.) M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, au nom du groupe Union pour la démocratie française. Mme Anne-Marie Comparini. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, pour le groupe UDF, ce texte va bien au-delà des modifications, fussent-elles constitutionnelles, qu'il comporte. Préalable à la ratification du traité européen, il nous parle de la Constitution européenne que nous réclamions déjà, dans l'incrédulité générale, en 1999. Il serait inimaginable que ceux qui ont appelé de leurs vœux une Constitution pour plus de démocratie en Europe, pour une meilleure identification de ses dirigeants et de leurs responsabilités et pour que la voix des citoyens soit mieux entendue, se refusent à la voter maintenant ! La Constitution fait progresser l'Europe en la dotant d'institutions plus efficaces et plus démocratiques. Le monde actuel est aux puissances-continents. Les pays européens ne peuvent rester à l'écart de ce mouvement et la France a toute sa place dans une telle construction, dont elle peut être un moteur. La Constitution fait aussi progresser l'Europe dans sa dimension sociale. C'est - le dit-on assez ? - le premier texte européen qui assigne à l'Union des objectifs sociaux tels que le plein-emploi ou la protection sociale, et qui reconnaît les services publics. Cette chance unique, les Français doivent la saisir. L'UDF la défendra avec énergie et conviction. Étant pour la Constitution européenne, nous voterons pour la révision proposée, qui en est l'antichambre. Toutefois ce vote positif ne nous fait pas oublier que les avancées auxquelles l'Europe nous invite en matière de démocratie parlementaire auraient dû s'accompagner de progressions plus volontaires dans le fonctionnement des institutions françaises. Le vent européen de rééquilibrage des institutions s'est malheureusement arrêté aux portes du Palais-Bourbon, comme nous l'avons vu lors de l'examen des amendements. Tous, pourtant, partaient du même constat : comment mieux associer notre Parlement aux questions européennes et rendre l'Europe plus lisible pour nos concitoyens ? Pour l'UDF, il n'y avait rien de scandaleux à vouloir que les membres de la représentation nationale s'expriment, en dehors des textes normatifs, sur les grandes décisions de politique européenne. Après tout, les affaires européennes ne sont plus étrangères : ce sont des affaires intérieures. Les Français l'ont bien compris qui, dans toutes les études d'opinion, placent l'Europe en première position quand on les interroge sur la construction de leur avenir. Et la pratique constitutionnelle française nous a habitués par le passé à ce que chaque avancée européenne s'accompagne d'une « invention française ». La France aurait pu se placer à l'avant-garde, mais vous avez manqué d'audace. Vous avez conservé une vision figée de la Ve République, alors que le monde bouge : la France de 2005 n'est plus celle de 1962. L'amendement Balladur sur la possibilité, pour le Parlement, de délibérer sur les grands problèmes européens a honoré notre assemblée. Nous l'avons repris, mais vous nous avez objecté que cette disposition pourrait gêner le Président ou le Gouvernement dans leur travail de négociation et qu'elle remettrait même en cause l'équilibre des pouvoirs inscrit dans la Constitution française. Pourtant, comme François Bayrou l'a indiqué, il s'agit non pas de contester que le Président puisse négocier et signer les traités, mais de faire admettre que le Parlement a droit à la parole. À refuser la discussion la plus large possible sur ces sujets d'importance, les peurs, les replis, les démagogies s'accroissent et, au final, se développent et le rejet du projet européen et la méfiance envers nos institutions. Notre vision, d'ailleurs, ne devait pas être si choquante. Nous l'avons vu au moment du vote de l'amendement, elle était partagée bien au-delà du groupe UDF. Nous regrettons donc que vous n'ayez pas saisi cette occasion pour renforcer la fonction parlementaire française et, de ce fait, mieux impliquer nos concitoyens aux grandes orientations qui les concernent. Ce n'est pas par esprit franc-tireur que nous vous le disons, mais tout simplement parce que cela s'appelle la démocratie parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) M. le président. Pour le groupe des député-e-s communistes et républicains, la parole est à Mme Marie-George Buffet. Mme Marie-George Buffet. Monsieur le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, « L'Union européenne offre à ses citoyennes et à ses citoyens un marché ouvert où la concurrence est libre et non faussée. » Dès l'article 3 du projet de traité constitutionnel, on sait à quoi s'en tenir : l'Europe n'est pas construite pour le bien-être des individus, mais pour la libre concurrence. M. Jean Leonetti. N'importe quoi ! Mme Marie-George Buffet. Vous nous demandez d'inclure dans la Constitution française cette phrase : « Elle » - la République française - « peut participer à l'Union européenne dans les conditions prévues par le traité établissant une Constitution pour l'Europe signé le 29 octobre 2004. » II s'agit donc d'être d'accord avec ce traité, ce que nous refusons résolument. Tout d'abord, ce traité grave le libéralisme dans le marbre. C'est au nom de ce principe économique que le pouvoir politique est peu à peu transféré aux mains des multinationales et des places boursières. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le libéralisme économique est une gangrène mortifère, qui crée des inégalités, détruit l'emploi, abaisse le niveau des salaires, des droits et des conditions de travail. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) N'y a-t-il pas mieux à proposer que cette mise en concurrence des salariés et des peuples entre eux ? Ensuite, au nom de ce dogme libéral, le projet de traité prévoit délibérément la poursuite de la casse des services publics. Les besoins fondamentaux des hommes et des femmes y sont livrés à la loi du marché. L'heure serait pourtant à la construction de grands services publics pour répondre aux besoins humains. L'emploi y demeure soumis à la bonne volonté d'une Banque centrale européenne au service des marchés financiers, mais indépendante des pouvoirs politiques. Ajoutons à cela le carcan du pacte de stabilité, qui affiche l'ambition de réduire toujours plus les dépenses publiques, pour laisser toujours plus chaque femme, chaque homme seul face aux difficultés. Les droits des personnes, exprimés a minima dans la fameuse Charte des droits fondamentaux, n'ouvrent pas de nouvelle compétence à l'Union européenne. Peut-on se féliciter de quelques belles intentions dépourvues d'applications concrètes, la seule obligation, noir sur blanc, étant de « ne pas contredire le principe de libre concurrence » ? Sur le plan démocratique, l'opacité reste de mise, et malgré l'article 3 de votre projet de loi, rien n'est fait pour favoriser la participation des citoyens et des citoyennes à l'Europe. Enfin, si elle défendait vraiment la paix, l'Europe se rangerait-elle sous la bannière de l'OTAN ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous avons fait l'expérience de l'Europe telle qu'elle s'est construite, et on veut nous l'imposer pour des décennies avec cette camisole libérale. Ne voyez-vous pas les aspirations de notre société à vivre mieux, à vivre ensemble ? Les luttes des salariés sont pourtant exemplaires : défense du service public et de l'intérêt général, résistance face à la pression sur les salaires et à l'augmentation du temps de travail, bataille des agriculteurs pour des prix rémunérateurs. Et nous voterions l'introduction, dans notre Constitution, de l'exact contraire de tout cela ? En fait, c'est votre politique libérale que vous voulez inscrire en Europe. Nous voterons contre, comme nous nous opposerons tout à l'heure à votre remise en cause des 35 heures, car cela relève de la même logique. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous rêvez que les salariés français travaillent, comme certains en Europe, 48 heures et plus. Permettez-moi maintenant d'en venir à un second point. Nous sommes en train de nous prononcer sur la modification de notre Constitution, et l'on nous dit que cela va influencer le vote des Françaises et des Français. Mais c'est au moment du référendum que notre peuple aura à se prononcer. Or le débat parlementaire, sur un texte annoncé depuis de nombreux mois par le président Giscard d'Estaing, se déroule sans aucune information démocratique et sans que la date du référendum ne soit encore connue. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Que les forces politiques dominantes de notre pays se prononcent pour le texte est une chose, mais que le peuple fasse de même en est une autre. J'attire donc l'attention de notre assemblée et j'appelle sa vigilance sur les conditions démocratiques dans lesquelles doit se dérouler la confrontation. Les député-e-s communistes et républicains ne voteront pas cette modification constitutionnelle, et j'en suis fière, car elle est contraire à l'intérêt de notre peuple. Nous mènerons bataille avec force, comme nous avons déjà commencé à le faire, pour que notre peuple se saisisse en conscience de son avenir, et pour que le « non » l'emporte afin que les politiques européennes soient radicalement réorientées. C'est la vie quotidienne de chacune et de chacun qui est en jeu dans ce débat crucial. Il faut remettre l'ouvrage sur le métier ; il faut un autre traité pour une autre Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. le président. Mes chers collègues, je vais faire annoncer une nouvelle fois le scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. Pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire, la parole est à M. Pierre Lequiller, dernier orateur inscrit. M. Pierre Lequiller. Monsieur le président, mes chers collègues, le « oui » de l'UMP à la Constitution européenne suppose évidemment un « oui » clair à la révision constitutionnelle qui le permet. Nous considérons que cette révision constitutionnelle représente plusieurs progrès. D'abord, elle rend possible la ratification de la Constitution européenne qui ouvre la voie à une Europe plus efficace et plus démocratique. Ensuite, elle nous permet de franchir une étape décisive vers une association de plus en plus étroite des parlements nationaux à la construction européenne. Grâce au nouvel article 88-5, l'Assemblée nationale pourra, à l'avenir, exercer un droit de regard sur la construction européenne, notamment en adressant des avertissements à la Commission dès qu'elle outrepassera ses compétences ou en saisissant la Cour de justice européenne de textes ne respectant pas, selon nous, le principe de subsidiarité. La discussion de la semaine dernière a permis d'améliorer ce contrôle : d'abord par la circulaire que le Gouvernement s'est engagé à établir en réponse aux préoccupations de nos collègues, MM. Balladur, de Charrette et Blum ; ensuite par l'adoption de mon amendement déposé avec MM. Caresche et Floch, visant à étendre le contrôle au fond par le Parlement français de tous les projets d'actes législatifs européens, harmonisant ainsi les articles 88-4 et 88-5. En dépassant les clivages partisans, nous avons ainsi encore accru le pouvoir de notre Parlement, surtout celui de la délégation pour l'Union européenne et des commissions permanentes. Enfin, et dernièrement, nous avons adopté le principe du référendum obligatoire pour tout nouvel élargissement à un pays dont les négociations auraient démarré après le 1er juillet 2004. Ainsi les Français savent, et sauront qu'ils pourront eux-mêmes arbitrer l'entrée - ou non - de la Turquie dans l'Union. Cette procédure, on ne peut plus démocratique, devrait permettre de concentrer le référendum de 2005 sur le seul sujet qui le concerne : la Constitution européenne. Mes chers collègues, Victor Hugo disait : « Un jour viendra où vous tous, nations du continent, vous vous fondrez étroitement dans une unité européenne et vous constituerez la fraternité européenne. » L'enjeu du référendum, dans quelques mois, est immense : il s'agit, après l'union économique, après l'union monétaire, de construire l'union politique. L'enjeu est tout aussi national qu'européen, car il en va de la place et du rôle de la France dans l'Europe de demain, grâce à la Constitution que les conventionnels français de tous bords ont tant influencée car, madame Buffet, cette Constitution n'est pas plus de droite que de gauche. C'est une Constitution pour tous. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. Gilbert Biessy. Vous n'y croyez pas vous-même ! M. Pierre Lequiller. La paix, la démocratie et les droits de l'homme méritent mieux que les arrière-pensées de politique intérieure. Dans ces conditions et pour ces raisons, c'est avec conviction, confiance et enthousiasme que l'UMP votera massivement la révision de la Constitution. (Applaudissements sur la plupart des bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. Je vais donc mettre aux voix l'ensemble du projet de loi constitutionnelle. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places. Le scrutin est ouvert. .................................................................. M. le président. Le scrutin est clos. Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants 548 Nombre de suffrages exprimés 484 Majorité absolue 243 Pour l'adoption 450 Contre 34 L'Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et sur divers bancs du groupe socialiste.) M. André Gerin. Ce n'est qu'un début, le combat continue ! Suspension et reprise de la séance M. le président. La séance est suspendue. (La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinq, sous la présidence de M. Maurice Leroy.) PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY, vice-président M. le président. La séance est reprise.
RÉFORME DE L'ORGANISATION DU TEMPS Discussion d'une proposition de loi M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Patrick Ollier et plusieurs de ses collègues portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise (nos 2030, 2040). M. Gaëtan Gorce. Je demande la parole pour un rappel au règlement. M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour un rappel au règlement. M. Gaëtan Gorce. Sur un sujet d'une telle importance, nous devons avoir des débats de qualité. Or le groupe socialiste s'interroge sur les conditions dans lesquelles la discussion va s'engager. Non seulement nous allons débattre d'une proposition de loi et non pas d'un projet,... M. Patrick Ollier et M. Lionnel Luca. Vive le pouvoir du Parlement ! M. Gaëtan Gorce. ...mais nous avons été informés que le débat allait probablement se prolonger dans la soirée, contrairement à la tradition qui prévaut dans cette assemblée de lever la séance après une motion de procédure, en fin d'après-midi. Surtout, nous avons découvert que nous siégerons demain matin, au mépris des réunions prévues par les groupes et l'ensemble des parlementaires et contre les usages de cette assemblée. M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Cela a été décidé en conférence des présidents ! M. Gaëtan Gorce. J'ai bien compris que la proposition de loi visait à déréglementer le temps de travail. Si vous commencez par celui du Parlement, cela augure mal de la suite pour les salariés dans leurs entreprises ! Eu égard aux observations du président de notre assemblée sur nos conditions de travail, ce n'est pas acceptable. La majorité essaie de passer en force (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)... M. Jean Auclair. C'est ce qu'avait fait Mme Aubry ! M. Gaëtan Gorce. ...sur un projet qui, à défaut de concertation préalable, nécessite une discussion dans l'hémicycle. Je souhaiterais avoir, de la part du Gouvernement et de la présidence, des explications sur la manière dont nos travaux sont organisés. M. Alain Néri. Très bien ! M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mais je vous rappelle que, conformément à ce dernier, c'est la conférence des présidents qui détermine l'ordre du jour de l'Assemblée sur proposition du Gouvernement. Or le président du groupe socialiste assistait à celle qui a établi l'ordre du jour que vous contestez. M. Hervé Novelli. Eh oui ! M. le président. La décision a donc été prise en présence de votre représentant. M. Alain Néri. Mais sans son accord ! M. le président. Monsieur Néri, soyez prudent dans vos affirmations. Je vous recommande de mieux vous informer. M. Alain Néri. Suspendez la séance pour attendre M. Ayrault, qui vous le confirmera ! M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. M. Pierre Morange, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué aux relations du travail, mes chers collègues, la présente discussion était attendue. Depuis plusieurs années, la législation sur le temps de travail fait débat, dans un contexte malheureusement fort préoccupant. Je vais revenir brièvement sur ce contexte, dans lequel s'inscrit notre débat d'aujourd'hui, avant de rappeler les principales caractéristiques du dispositif proposé, ainsi que les aménagements apportés par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales au cours de sa séance de la semaine dernière. Le contexte de la discussion est bien connu. Après la réduction du temps de travail telle qu'elle a été mise en place par les lois Aubry I et Aubry II de 1998 et 2000, le bilan dressé, notamment par la mission d'information présidée par M. Patrick Ollier et dont M. Hervé Novelli était rapporteur,... M. Jean-Jacques Descamps. Très bon rapporteur ! M. Pierre Morange, rapporteur. ...a laissé plus que songeur et interrogatif. Pour n'en citer que les principales conclusions : complexité juridique, née de dispositions multiples et dénoncée régulièrement tant par les juristes que par les praticiens, mais surtout incertitude économique. Les 35 heures devaient apporter une réponse au problème du chômage. Il n'en a rien été, comme le montre la modestie des résultats obtenus : 350 000 emplois créés - au mieux -, à un coût exorbitant, sans atteindre les objectifs annoncés, que pouvait laisser espérer la croissance économique de l'époque. M. Hervé Novelli. Tout à fait ! M. Pierre Morange, rapporteur. Plus grave, des menaces, mises aujourd'hui en évidence par de multiples contributions, pèsent sur la croissance à long terme. Pour n'en citer qu'une, issue des travaux du groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus à l'automne 2004, il semble avéré que la logique du partage du travail qui sous-tendait le processus de réduction du temps de travail, est une perspective statique et pour le moins fragile. M. Jean-Jacques Descamps. Exactement ! M. Pierre Morange, rapporteur. Selon M. Camdessus : « Cette stratégie est perdante. À l'horizon de dix ans, elle conduit à la régression économique et sociale. Par définition, moins nous travaillons, moins nous produisons ». (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) M. Hervé Novelli. Tout à fait ! M. Pierre Morange, rapporteur. Et le rapport de pointer le fait que « les pays dans lesquels la durée du travail et les taux d'activité sont élevés sont aussi ceux dans lesquels le chômage est le plus faible ». M. Alain Néri. À quoi servent donc les gains de productivité ? M. Pierre Morange, rapporteur. Le résultat des travaux sur l'année écoulée, effectués tant par le fonds monétaire international que par l'institut national de la statistique et des études économiques, est tout aussi alarmant. Une telle accumulation ne peut susciter que la consternation. Quant au bilan social, il est au mieux mitigé. S'il est vrai qu'une partie des attentes des salariés a été satisfaite par la réduction du temps de travail... M. Alain Néri. Ah ! M. Pierre Morange, rapporteur. ...à l'inverse, comment ne pas reconnaître les difficultés importantes engendrées par le mode systématique de cette réduction ? La plupart des analyses - et les plus indulgentes au premier chef -, alors même qu'elles relèvent par ailleurs les aspects positifs du bilan, sont critiques au sujet des conditions de travail des salariés, de l'articulation entre travail et loisirs ou encore du creusement des inégalités. M. Hervé Novelli. C'est vrai ! M. Pierre Morange, rapporteur. Et je ne parle pas de la modération salariale ou des « multi-smics » qui ont accompagné la mise en place des 35 heures. Ce n'est ni un slogan ni une formule creuse : « travailler plus pour gagner plus » si cela est possible, est l'une des libertés fondamentales auxquelles sont attachés aujourd'hui les salariés. Cette liberté a été mise en péril par les deux lois de Mme Martine Aubry. Elle correspond à une préoccupation réelle. Les praticiens des ressources humaines s'en font régulièrement l'écho : toutes catégories confondues, près de la moitié des salariés préféreraient avoir plus d'argent et moins de temps libre, et cela est plus vrai encore s'agissant des employés et des ouvriers. La présente proposition de loi n'entend pas revenir sur le cadre légal des 35 heures : il s'agit d'un droit acquis, comme l'a rappelé le Président de la République dans son allocution du 14 juillet 2004. M. Gaëtan Gorce. Ce n'est pas exact ! M. Pierre Morange, rapporteur. Non, il n'est pas question de revenir sur la réduction du temps de travail, démarche qui, en définitive, serait aussi systématique que celle des lois de 1998 et 2000. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) M. Alain Néri. Quelle hypocrisie ! Mme Odile Saugues. Assumez ! M. Gaëtan Gorce. Cessez de jouer les Tartuffe ! M. Pierre Morange, rapporteur. L'enjeu est plus global : il convient aujourd'hui de réserver une place plus importante à la négociation collective, de façon à prendre en compte la très grande diversité des souhaits des salariés. (« Très bien ! » sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Hervé Novelli. Vous feriez mieux d'écouter, messieurs les socialistes ! M. Pierre Morange, rapporteur. La loi Fillon du 17 janvier 2003 a déjà sensiblement assoupli la législation sur le temps de travail. J'avais eu l'honneur, à cette occasion, d'assurer la fonction de rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. M. Alain Néri. Quel honneur ! M. Pierre Morange, rapporteur. Après ces premières mesures, nous vous proposons, aujourd'hui, monsieur le ministre, de poursuivre sur cette voie de l'assouplissement, en invitant l'ensemble des partenaires sociaux à la négociation collective, dans le nouveau cadre de la loi du 4 mai 2004, relative notamment au dialogue social. Cette proposition s'inscrit, en outre, dans le contrat France 2005 présenté par le Premier ministre au mois de décembre dernier. De ce point de vue, elle constitue aussi une illustration de l'articulation entre les pouvoirs exécutif et législatif, symbole de la démocratie au quotidien. La présente proposition de loi traite de trois sujets principaux. Le premier est l'assouplissement du dispositif du compte épargne temps, aujourd'hui trop peu utilisé. Dans 15 % des entreprises seulement, une majorité de salariés l'alimente effectivement. Dans les plus petites entreprises, cette proportion est encore moindre. Le compte épargne temps doit pouvoir devenir l'outil de développement d'une nouvelle conception de la gestion de son temps tout au long de la vie. L'article 1er de la proposition de loi s'inscrit dans cette même philosophie, que l'on peut résumer en trois mots : simplicité, souplesse, diversité. En faveur de la simplicité, cet article propose une nouvelle rédaction de l'article L. 227-1 du code du travail, plus légère que celle aujourd'hui en vigueur, mais inspirée du même esprit car reposant sur l'existence d'une convention ou d'un accord collectif de travail. Cette rédaction est effectivement avant tout au service de la souplesse, puisque l'utilisation du compte épargne temps n'est plus encadrée par des seuils rigides, s'agissant notamment de la condition d'ancienneté, de la période maximale de dix jours pour le report de congés ou des maxima de cinq jours dans l'année et de quinze jours au total pour l'affectation de jours effectués au-delà de la durée collective du temps de travail. Seules subsistent les limites destinées à assurer le respect de la santé des salariés, à savoir les dispositions légales relatives à la durée maximale hebdomadaire du travail ou les dispositions communautaires relatives aux congés annuels. Par ailleurs, la nature des éléments susceptibles d'alimenter le compte épargne temps est diversifiée : désormais - ce qui n'était pas le cas auparavant -, le repos compensateur obligatoire, ainsi que tout type de jours de repos accordés au titre de la réduction du temps de travail, constituent des sources d'alimentation du compte épargne temps. De plus, toute somme pourra être affectée au compte épargne temps par le salarié. Autre élément de souplesse appréciable : la limite selon laquelle l'ensemble des droits acquis sur une année affectés au compte épargne temps ne pouvaient excéder vingt-deux jours disparaît. Les conditions d'utilisation en temps sont, pour l'essentiel, maintenues. Il convient toutefois de signaler que la commission a souhaité, au cours de ses travaux, ouvrir expressément la possibilité aux salariés qui le souhaitent d'utiliser le compte épargne temps pour prendre un congé de solidarité internationale. S'agissant de l'utilisation en argent, les possibilités nouvelles sont majeures. Le salarié pourra, aux termes de la proposition de loi, voir sa rémunération complétée par une monétisation immédiate de ses droits acquis. Quant aux possibilités de monétisation différée, qui sont certes ouvertes dans le régime aujourd'hui en vigueur, elles sont expressément développées par la référence à la fois à l'alimentation d'un plan d'épargne collectif et à des versements au profit d'un régime de retraite supplémentaire. L'employeur, quant à lui, conserve l'usage de la possibilité, préexistante - je tiens à le souligner -, d'utilisation de jours qu'il a affectés collectivement au compte épargne temps si les caractéristiques des variations de l'activité le justifient. La limite selon laquelle le congé indemnisé devait être pris dans un délai de cinq ans est supprimée dans la nouvelle rédaction, ce qui rend possible une véritable gestion du temps - comme de l'argent - tout au long de la vie. Quant aux éléments complémentaires relatifs aux modalités de gestion du compte, leur définition est plus générale encore que dans la version actuelle. Il est important de souligner que, lors de ses travaux, la commission a prévu un régime attractif d'exonération de cotisations sociales et d'impôt, applicable aux droits issus des abondements de l'employeur, sous réserve que ceux-ci soient affectés à un plan d'épargne pour la retraite collectif, de manière à privilégier l'épargne longue et à conforter les régimes de retraite. M. Claude Gaillard. C'est une bonne idée ! M. Pierre Morange, rapporteur. Dans un souci de sécurisation des salariés, la commission a tenu, en outre, à mentionner dans le texte le principe de la liquidation monétaire intégrale du compte du salarié qui quitte l'entreprise, sauf si des conditions de transfert des droits ont pu être définies en cas de changement d'emploi, tout en imposant que soit établi un mécanisme spécifique d'assurance pour les comptes individuels qui dépassent un plafond. La commission a enfin précisé qu'il est possible à la convention ou à l'accord collectif de déroger à la limitation aux droits acquis dans l'année prévue pour la liquidation monétaire du compte. Pour le développement du temps choisi, cette proposition vient s'ajouter à l'assouplissement déjà opéré par le décret du 21 décembre 2004 qui a porté le contingent légal d'heures supplémentaires de 180 à 220 heures. M. Gaëtan Gorce. C'est le retour aux 40 heures ! M. Pierre Morange, rapporteur. L'article 2 ouvre ainsi aux salariés qui le souhaitent, dans le cadre d'une convention ou d'un accord collectif de travail, la faculté, en accord avec le chef d'entreprise, d'effectuer des « heures choisies » au-delà du contingent d'heures supplémentaires. L'accord collectif de travail définit notamment le taux de la majoration de ces heures, lequel ne peut être inférieur au taux applicable dans l'entreprise ou dans l'établissement pour les heures supplémentaires, ainsi que, le cas échéant, les contreparties, notamment en termes de repos. Les limites maximales hebdomadaires de la durée du travail sont applicables, restant garantes de la protection de la santé et de la sécurité du salarié. Il convenait d'ouvrir une possibilité spécifique de temps choisi pour les cadres bénéficiant d'un régime particulier d'organisation du temps de travail. L'article 2 leur donne la possibilité de décider, en accord avec le chef d'entreprise, de renoncer à une partie des jours de repos en contrepartie d'une majoration de salaire. Là encore, il est nécessaire qu'un accord collectif soit signé, pour prévoir non seulement le principe d'une telle renonciation mais aussi le montant de la majoration, ainsi que les conditions dans lesquelles les salariés font connaître leur choix. Ces jours ne sont alors pas pris en compte dans le décompte des jours travaillés plafonnés à 218 par an. La proposition de loi contient enfin des mesures ciblées au profit des petites entreprises de vingt salariés au plus. Le régime prévu par l'article 3 est en effet transitoire. Il vise à prendre en compte leurs spécificités. Dans la logique initiée dès l'année 2000 avec l'adoption de la loi Aubry II, il est important de prévoir, pour celles qui ont été fragilisées par le choc des 35 heures, des mesures propres, leur réservant une souplesse dans l'application des règles nouvelles. Les spécificités inhérentes à leur mode de fonctionnement les justifient d'ailleurs amplement. L'article 3 prévoit donc que les deux mesures spécifiques relatives au régime des heures supplémentaires dans les petites entreprises de vingt salariés au plus sont prorogées jusqu'au 31 décembre 2008 : il s'agit, d'une part, de la majoration à un taux minoré, établi à 10 %, des quatre premières heures supplémentaires et, d'autre part, de la possibilité de n'imputer les heures supplémentaires sur le contingent qu'à compter de la trente-septième heure, et non de la trente-sixième, comme le voudrait l'application stricte de la durée légale à 35 heures. Par ailleurs, afin de tenir compte des difficultés plus importantes des petites entreprises à parvenir à la signature d'un accord relatif au compte épargne temps, l'article 3 prévoit, toujours à titre transitoire, jusqu'au 31 décembre 2008, un mécanisme de renonciation propre aux salariés de ces entreprises de vingt salariés au plus à une partie de leurs jours ou demi-jours de repos accordés au titre de la réduction du temps de travail, en accord avec le chef d'entreprise. En l'absence d'accord collectif, ce mécanisme de renonciation est encadré par un certain nombre de garanties : cette possibilité est limitée à dix jours par an et la contrepartie salariale doit être au moins égale à 10 %. De manière générale, la commission a veillé à ce que toutes les dispositions de la proposition de loi puissent bénéficier à tous les salariés, en particulier aux différentes catégories de cadres soumis à une convention de forfait, quelles qu'en soient les modalités de calcul. La présente proposition de loi s'inscrit donc dans la continuité des réformes engagées par François Fillon relatives à l'assouplissement des 35 heures et à la négociation collective. Afin de poursuivre cette philosophie qui vise à redonner la primauté au droit conventionnel sur le droit réglementaire, pour une meilleure démocratie sociale, je vous propose donc de lever l'obstacle que constitue la rigidité d'application des 35 heures, tout en en respectant le principe. M. Patrick Ollier.. Très bien ! M. Pierre Morange, rapporteur. Je vous citerai pour finir le rapport de l'OCDE, qui a démontré que les gains de productivité réalisés pour compenser le surcoût des 35 heures n'ont pas été suffisants pour compenser la diminution du nombre des heures travaillées par salarié. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la réduction systématique du temps de travail n'a été adoptée par aucun pays industrialisé. Il est de notre responsabilité de dire la vérité aux Français... M. Gaëtan Gorce. Pourquoi alors commencer par leur mentir ? M. Pierre Morange, rapporteur. ...et de ne pas leur laisser croire qu'il est possible de gagner plus en travaillant moins. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Voilà, en quelques mots, l'essentiel des dispositions de la proposition de loi que MM. Ollier, Novelli, Dubernard et moi-même... M. Alain Néri. Quel quarteron ! M. Pierre Morange, rapporteur. ...soumettons aujourd'hui à votre examen. Ces dispositions constituent, je tiens à le rappeler, un élément de souplesse supplémentaire et non une remise en cause des 35 heures. Elles ouvrent la voie à la définition de nouveaux équilibres dans les entreprises, dans le respect des choix et des espérances de chacun. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Gaëtan Gorce. Je demande la parole pour un rappel au règlement. M. Pierre Micaux. Encore ! M. le président. Sur le fondement de quel article, monsieur Gorce ? M. Gaëtan Gorce. L'article 58-1 du règlement, monsieur le président. M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour un rappel au règlement. M. Gaëtan Gorce. Nous n'avons pas été tout à fait satisfaits de la réponse que vous nous avez donnée, monsieur le président. En effet nous ne considérons toujours pas qu'il soit normal, alors que rien ne presse, de nous obliger à siéger, sur un sujet important, dans les conditions qui nous ont été annoncées. Par ailleurs, nous ressentons le besoin de réfléchir de manière plus approfondie sur ce que vient d'exposer le rapporteur, M. Morange. Pour ces deux raisons, je vous demande, monsieur le président, une suspension de séance de quinze minutes. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La demande de suspension de séance étant de droit, je vous accorde cinq minutes. M. Gaëtan Gorce. Si vous agissez de la sorte, je me verrai obligé d'en demander régulièrement ! M. Alain Néri. Vous nous poussez à présenter de nouvelles demandes ! Suspension et reprise de la séance M. le président. La séance est suspendue. (La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures trente.) M. le président. La séance est reprise. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec cette proposition de loi, déposée avec mes collègues Patrick Ollier, Hervé Novelli et Pierre Morange, l'initiative parlementaire est aujourd'hui à l'honneur. M. Jean-Pierre Gorges. Très bien ! M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Tous les députés devraient s'en féliciter, même ceux qui ne sont pas là. (Sourires.) Cette maison reste irremplaçable dans notre système démocratique. Elle demeure une institution vivante, qui a beaucoup évolué pour se moderniser. En cinq ans, les majorités successives, auxquelles je rends hommage, ont lancé la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances, fait adopter la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Nous préparons son pendant en matière de financement de la sécurité sociale. Au sein de la commission des affaires sociales, nous avons créé une mission d'évaluation et de contrôle sur le financement de la sécurité sociale et nous avons installé un office parlementaire d'évaluation des politiques de santé. Enfin, nous avons tous adopté la proposition de résolution de notre collègue Jean-Luc Warsmann modifiant le règlement en vue d'informer l'Assemblée nationale sur la mise en application effective des lois. M. Claude Gaillard. Excellent ! M. Jean-Marie Geveaux. Quel bilan ! M. Hervé Novelli. Quel président ! M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Beaucoup a été fait pour que le Parlement puisse tenir son rôle dans l'élaboration des lois et le contrôle de l'exécutif. M. Pierre Morange, rapporteur. Très bien ! M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Ainsi donc, mes chers collègues, avec cette proposition de loi, entendons-nous user pleinement des pouvoirs qui sont les nôtres dans un domaine cher à nos concitoyens : l'organisation du temps de travail dans l'entreprise. M. Hervé Novelli. Très bien ! M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Nous relayons les attentes de nombreux salariés qui souhaiteraient avoir plus de libertés : liberté de rester aux trente-cinq heures, celle d'avoir un peu moins de temps libre mais plus d'argent, celle d'alterner des périodes d'activité plus ou moins intenses en fonction de leur projet de vie. M. Jean-Claude Sandrier. Ah ! M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Il y a quelques années, la France, seule parmi les économies occidentales réduisait autoritairement la durée du travail. Les lois Aubry devaient apporter une réponse au problème du chômage. (Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Elles se sont montrées inefficaces par rapport à leurs propres objectifs : dans le meilleur des cas, 350 000 emplois ont été créés, alors que nous étions en pleine croissance économique, à un coût exorbitant. Notre pays allait imposer à ses entreprises des contraintes dont nous savions qu'elles seraient redoutables au moindre essoufflement d'activité. M. Claude Gaillard. Elles l'ont d'ailleurs été ! M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Cette réforme allait devenir un casse-tête dans de nombreux secteurs, particulièrement pour les petites et moyennes entreprises, avec la crainte d'avoir à mettre la clé sous la porte et de laisser des employés sur le carreau. C'était une telle évidence que les promoteurs de ces lois durent rapidement se résoudre à accorder un régime de faveur aux plus petites d'entre elles. La liberté des comportements individuels et la diversité des situations professionnelles auraient dû proscrire toute vision mécaniste de la société. Celle-ci ne fonctionne pas comme une chaudière, dont il suffit de régler les manettes centrales. L'approche malthusienne, jacobine du temps de travail était irréaliste. Cette réforme portait surtout en germe une dislocation inexorable du marché du travail et du monde des entreprises. Sur le plan social, cette réforme n'a pas eu les mêmes effets selon les groupes sociaux. (Approbations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Si certains cadres ont pu réaménager leur temps de travail ou allonger leurs week-ends (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)... M. Hervé Novelli. C'est exact ! M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ...ce qu'ont ressenti les salariés, en premier lieu les catégories les moins favorisées, ce sont les changements dans le travail et le blocage des salaires. C'est de la gauche, du moins de ce qu'il en reste (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) que vont monter les plus fortes objections morales et techniques. M. Jean-Pierre Gorges. Parfaitement ! M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Jack Lang a ainsi dénoncé « une législation trop rapide et d'une application trop rigide ». Jean-Pierre Chevènement s'est rapidement déclaré favorable à un assouplissement général du système. Bernard Kouchner, pour qui la réduction du temps de travail aurait dû être discutée sur plusieurs années, a rappelé que « personne [..] n'a jamais défendu les trente-cinq heures devant lui, sauf les cadres supérieurs ». M. Alain Cousin. Ces rappels sont intéressants ! M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Serge July, au lendemain du premier tour des élections présidentielles, a commenté : « Toutes les enquêtes tendent à montrer que ces dispositions ont beaucoup profité aux cadres et aux professions intermédiaires, et très peu, sinon pas du tout, aux salariés des petites et moyennes entreprises, ... M. Patrick Ollier. C'est vrai ! M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ...illustrant de manière éclatante la fracture sociale qui est, de manière entêtante, au cœur de cet ouragan politique ». M. Hervé Novelli. Très bien ! M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Même sentiment chez Mme Ségolène Royal, pour laquelle ces lois ont « dégradé un peu plus les conditions de travail du monde salarié défavorisé ». M. Jean-Pierre Gorges. Ils sont amnésiques ! M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Même verdict pour Henri Emmanuelli : « L'adoption de la deuxième loi Aubry aurait entraîné des baisses de salaires pour les salariés moyens et modestes ». M. Gaëtan Gorce. Lisez donc ce qu'ils écrivent dans leurs analyses politiques. M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Monsieur Gorce, je suis content de vous voir revenir. Je suis également très heureux que vous ayez été intéressé par l'intervention de notre collègue Pierre Morange. M. Gaëtan Gorce. Il ne nous a pas convaincus ! M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Il est très bien que vous l'ayez dit, mais permettez-moi de vous rappeler que, pour étudier le texte plus à fond, il aurait peut-être fallu participer aux travaux de la commission qui a été désertée par le groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) M. Gaëtan Gorce. Nous allons vous expliquer pourquoi nous n'avons pas participé aux travaux de la commission. M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Je reviens à quelques citations. Laurent Fabius concédait que, devant la diversité de la situation des entreprises, la réponse n'aurait pas dû être la même pour toutes : « Des lois ont été votées ; on ne les annulera pas, mais nous devons certainement traiter les situations diverses avec souplesse. » M. Gaëtan Gorce. C'est un mensonge éhonté ! M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Nous partageons cet avis. Alors que faire ? Comment réparer les dégâts ? Il faut convenir que personne ne disposait de la solution miracle. Nous nous sommes vite ralliés à l'idée qu'il fallait améliorer l'existant, maintenir les trente-cinq heures, mais corriger les lois Aubry au service du pouvoir d'achat et de l'emploi. La justice sociale militait avant tout pour une mesure ambitieuse : la sortie par le haut de la jungle des multismics. M. Gaëtan Gorce. Avec vous, la sortie n'est jamais par le haut ! M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. La loi Fillon a eu le mérite insigne d'éponger le tort fait à une grande partie des deux millions de salariés payés au smic. Le principe selon lequel un même travail doit se faire à salaire horaire égal a été restauré rapidement grâce à une mise en convergence des smics échelonnée sur trois ans. La possibilité de gagner plus a été brisée par les lois Aubry. Les salariés modestes ont, dans l'affaire, perdu du pouvoir d'achat, quand les cadres dirigeants voyaient le leur croître. L'essentiel pour les Français, surtout les plus modestes, c'est l'espoir de vivre demain mieux qu'hier. Pourquoi avoir combattu une idée pourtant simple : du temps de travail de chacun dépend son revenu ; et lui seul sait quel niveau il juge suffisant ? La parole doit être redonnée aux salariés et aux entrepreneurs, pour qu'ils définissent eux-mêmes les contours de l'organisation du travail qu'ils souhaitent en fonction des contraintes économiques et des aspirations des salariés en termes de pouvoir d'achat. M. Gaëtan Gorce. Aux syndicats, ce serait plus simple ! M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Ceux qui veulent donner la priorité à la fiche de paie, ceux qui veulent travailler plus pour gagner davantage doivent pouvoir le faire. M. Gaëtan Gorce. C'est un leurre ! M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. La proposition que nous vous soumettons va permettre de prendre en compte la très grande diversité des souhaits des salariés. Il s'agit d'une proposition pragmatique et équilibrée. Elle respecte les intérêts des salariés et ceux des entreprises. Elle a pour clé de voûte - il faut le rappeler - un renvoi systématique aux accords collectifs. Deuxième sécurité : elle exige en outre l'accord individuel du salarié pour modifier la durée du travail qui lui est applicable. M. Claude Gaillard. Voilà ! M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Elle ne remet donc pas en cause l'architecture générale de la loi sur les 35 heures, mais elle y introduit le dialogue social, un dialogue indispensable, dans une société démocratique, à l'équilibre des rapports sociaux, au respect des employés, mais également à l'évolution des entreprises. Monsieur le ministre, avec la concertation et une forme d'intéressement, on retrouve dans cette proposition de loi un peu de l'esprit de participation, cher aux gaullistes. M. Jean-Claude Sandrier. Bien peu ! M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Ce texte accroît de façon considérable les possibilités de recours aux comptes épargne temps. Nous souhaitons, comme l'a fort bien expliqué M. Morange, que ces derniers puissent offrir aux salariés une nouvelle conception de la gestion de leur temps tout au long de leur carrière. Nous proposons également la mise en place d'un régime d'heures choisies au-delà du contingent d'heures supplémentaires, et, pour les cadres, la possibilité de renoncer à une partie des jours de repos en contrepartie d'une majoration de salaire. Pour les entreprises n'employant pas plus de vingt salariés, nous vous demandons de prolonger de trois ans le régime dérogatoire de majoration des heures supplémentaires et d'ouvrir, comme l'a dit le rapporteur, la possibilité, à titre transitoire, de racheter dix jours de RTT par an avec une majoration de salaire de 10 %. Au-delà du pouvoir d'achat, c'est à l'emploi que nous pensons. Ces assouplissements visent à éviter que les entreprises ne privilégient l'investissement dans les machines plutôt que dans l'homme et qu'elles ne soient tentées de délocaliser ou de sous-traiter à l'étranger. Il s'agit de prévenir l'asphyxie des PME et de les encourager à ne pas réfléchir indéfiniment avant d'envisager une embauche. M. Jean-Claude Sandrier. Parce que c'était mieux avant les 35 heures ? M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Écoutez les gens sur le terrain ! Vous verrez ! M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On les a écoutés ! M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Nous aussi, nous les écoutons. Nous sommes élus, comme vous, globalement par le même nombre d'électeurs, et parfois dans des quartiers où ce n'est pas si simple. La lutte contre le chômage passe par la croissance, qui s'entretient aussi par le travail et les efforts entrepris pour trouver de nouveaux débouchés à l'intérieur ou à l'extérieur de l'hexagone. Les heures supplémentaires sont, de ce point de vue, un des ressorts les plus profonds de l'activité économique. Mes chers collègues, une société avancée se doit d'être solidaire et comptable d'objectifs à long terme. Le seul passage de quarante à trente-neuf heures avait nécessité des années pour que la nouvelle durée légale devienne effective, des années pour qu'une réduction d'une heure en moins soit digérée par le pays. Il était irresponsable d'imposer aux forceps l'usine à gaz Aubry à notre économie. Mais combien refusent encore cette évidence ? L'État n'est pas le seul maître de l'emploi. Quand on joue les apprentis sorciers, ce sont toujours les plus modestes qui paient la facture. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux relations du travail. M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, m'exprimant dans cet hémicycle en mon nom et en celui de Jean-Louis Borloo, je souhaite, avant toute chose, saluer la qualité du travail d'analyse, de réflexion et de proposition qu'ont accomplie depuis un an votre assemblée et votre commission. La mission commune d'information sur l'évaluation des conséquences économiques et sociales de la législation sur le temps de travail, qu'a présidée Patrick Ollier et dont Hervé Novelli était le rapporteur, a d'abord permis d'établir, un bilan étayé et approfondi des lois Aubry I et Aubry II. Elle a montré que la démarche autoritaire de réduction du temps de travail, fondée sur une vision malthusienne de l'emploi, aboutissait à terme à une impasse. L'emploi n'est pas une marchandise. Il ne se partage pas comme un stock, pas plus qu'il ne se décrète. Il est le fruit de la croissance et de l'initiative collective et individuelle. L'organisation du travail est différente selon les entreprises. Autrement dit, pour financer dans la durée ses ambitions économiques et sociales, notre pays ne peut se permettre de continuer une forme de rationnement de sa capacité de travail ou de se priver de ses forces vives, voire d'interdire à nos entreprises de répondre à de nouvelles opportunités de marchés. Augmenter le nombre des heures travaillées est facteur de développement. M. Hervé Novelli. C'est vrai ! M. le ministre délégué aux relations du travail. L'exemple de nos principaux partenaires en témoigne. Avec 38,8 heures travaillées par semaine pour les salariés à temps complet en 2003, la France est à l'avant-dernier rang de l'Europe des Quinze. Son taux de chômage était en revanche parmi les plus élevés de la zone. Comme quoi le partage ne résout pas la question du chômage structurel. M. Gaëtan Gorce. C'est surtout votre politique qui ne la résout pas ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Fort de ce constat, le Gouvernement, et notamment le pôle de cohésion sociale autour de Jean-Louis Borloo, ne pouvait ensuite que souscrire à une démarche pragmatique et réaliste. La mission d'information ne préconisait pas de revenir sur les 35 heures par la voie législative. Tirant les leçons des erreurs du passé, elle recommandait, au contraire, de clarifier les compétences respectives du législateur et des partenaires sociaux et d'ouvrir de nouvelles marges au dialogue social dans les branches et dans les entreprises. Car, s'agissant de l'emploi, qui reste la première préoccupation de nos compatriotes, l'idéologie et l'esprit de système sont mauvais conseillers. La loi Fillon du 17 janvier 2003 s'était d'ailleurs engagée dans cette voie en ouvrant au dialogue social de nouveaux champs de négociations sur la durée du travail et sur le régime des heures supplémentaires. Cet effort a été poursuivi par la loi du 4 mai 2004 sur le dialogue social pour les branches. Ces avancées ont d'ores et déjà porté leurs fruits au niveau des branches : ce sont ainsi 31 accords qui ont été conclus dans ce cadre. Mais comme l'a montré le rapport de la mission, des ajustements supplémentaires, au plus près des besoins des entreprises et des attentes des salariés, notamment en termes de pouvoir d'achat - j'ai eu l'occasion de le souligner cet après-midi lors des questions au Gouvernement -... M. Gaëtan Gorce. Nous n'avons pas été convaincus ! M. le ministre délégué aux relations du travail. ...restaient souhaitables et possibles. M. Gaëtan Gorce. On vous rappellera les vrais chiffres ! M. le ministre délégué aux relations du travail. C'est pourquoi, à la demande du Premier ministre, j'ai engagé, avec Jean-Louis Borloo, au mois de juin, une série de consultations avec les partenaires sociaux, que nous avons approfondies lors de rencontres fin août, puis début octobre. M. Gaëtan Gorce. Il n'y a eu aucune concertation ! C'est de la provocation, monsieur le ministre ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Nous voulions mesurer très concrètement les difficultés auxquelles se heurtaient encore les entreprises et les branches et de mieux cerner les attentes des salariés. M. Jean-Marc Ayrault. Mais juste pour rire ! M. Jean-Jacques Descamps. C'est aimable pour les syndicats ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Notre souci était de favoriser au mieux le développement de l'activité et la création de richesses. Ces consultations nous ont permis d'identifier, au plus près du terrain, les ajustements souhaitables et nécessaires dans le respect des principes posés par le Président de la République le 14 juillet dernier. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) M. Jean-Marc Ayrault. Si c'est une promesse... M. le ministre délégué aux relations du travail. Respect de la durée légale du travail, primauté de l'accord et prise en compte des attentes des salariés, notamment en termes de rémunération. Quand on travaille plus, on doit gagner plus ! M. Patrick Ollier. Très bien ! M. Richard Mallié. C'est le bon sens ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Parallèlement à ces consultations, nous avons poursuivi et élargi nos échanges avec les parlementaires, notamment avec le président Dubernard... Mme Marylise Lebranchu. Une concertation à deux ! M. le ministre délégué aux relations du travail. ...afin que, sur ces sujets essentiels pour la vie des entreprises et des salariés, la réflexion collective puisse progresser. M. Gaëtan Gorce. Quel courage ! M. le ministre délégué aux relations du travail. La proposition de loi déposée par Pierre Morange, en juillet, a enrichi les propositions sur le compte épargne temps. M. Patrick Ollier. C'est vrai ! M. le ministre délégué aux relations du travail. À la suite de ces consultations, Jean-Louis Borloo et moi-même avons été en mesure de présenter au Premier ministre un certain nombre de propositions de réforme. Le Premier ministre, après avoir rencontré les partenaires sociaux en novembre, a fixé dans le contrat France 2005 les lignes directrices des assouplissements qu'il entendait voir privilégier en faisant de l'accord collectif la clef de voûte de ces évolutions. Le contrat France 2005, cher président Dubernard, comporte également des mesures visant notamment à renforcer la participation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) La proposition de loi déposée par MM Ollier, Novelli, Morange et Dubernard... M. Gaëtan Gorce. Ce ne sont pas eux qui l'ont portée ! M. le ministre délégué aux relations du travail. ...en a ensuite tout à la fois fixé le cadre et décliné le contenu concret, autour de deux grandes mesures, le compte épargne temps et le temps choisi, tout en tenant compte les spécificités des très petites entreprises qui bénéficieront d'une période transitoire de trois ans. M. Alain Vidalies. Transitoire... M. le ministre délégué aux relations du travail. Votre commission, dans ses conclusions, a encore enrichi le texte initial. Vous avez en effet, monsieur le rapporteur, proposé d'apporter plusieurs aménagements pour en préciser et conforter la portée. Le Gouvernement accueille favorablement ces apports. Vous proposez ainsi, nous y reviendrons dans le débat, de mettre en place un régime fiscal et social attractif pour le compte épargne temps lorsque les droits versés par l'employeur sont affectés à un plan d'épargne retraite collectif. M. Hervé Novelli. Très bien ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Vous proposez également d'apporter de nouvelles garanties pour le compte épargne temps pour sécuriser - c'est essentiel - les droits acquis par les salariés. Vous avez veillé enfin à ce que les nouveaux assouplissements, qu'il s'agisse du compte épargne temps ou des « heures choisies », ... M. Alain Vidalies. Choisies par qui ? M. le ministre délégué aux relations du travail. ...puissent effectivement bénéficier à l'ensemble des salariés, notamment aux différentes catégories de cadres soumis à une convention de forfait quelle qu'en soit la nature. C'est également essentiel. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le texte qui vous est soumis s'inspire du principe de réalité et du principe de confiance. L'accord collectif en est, je le rappelle, la clé de voûte. Depuis 2003, nous avons fait le choix du dialogue social. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. Alain Vidalies. Le dialogue avec le MEDEF ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Nous avons voulu recréer de nouveaux espaces de liberté pour les entreprises et les salariés. Ce texte en est une nouvelle illustration. J'ai la conviction que par ces assouplissements nous œuvrons au service de l'emploi, en desserrant les freins qui entravent le développement de l'activité dans notre pays. Car, et le Premier ministre l'a rappelé avec force samedi, c'est bien l'emploi qui constitue la priorité du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si ce n'était pas le cas, qu'est-ce que ce serait ! M. le ministre délégué aux relations du travail. C'est pourquoi nous avons engagé une profonde réforme du service public de l'emploi, réforme qui n'a jamais été faite précédemment ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est la raison pour laquelle nous nous attachons à développer les activités nouvelles et que nous encourageons la formation tout au long de la vie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Claude Gaillard. C'est cohérent ! M. Hervé Novelli. Très bien ! M. le ministre délégué aux relations du travail. C'est ce gouvernement qui l'a fait ! (« Très bien !» sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et c'est cette majorité qui engage les partenaires sociaux sur l'emploi des salariés âgés et l'accès des jeunes à l'emploi. M. Richard Mallié. Très bien ! M. le ministre délégué aux relations du travail. C'est ce gouvernement qui a créé les pôles de compétitivité face aux délocalisations ! J'émets un vœu : je voudrais qu'avec ce texte, nous tournions enfin la page d'une singularité française qui nous aura collectivement coûté cher et qu'aucun de nos voisins n'a souhaité imiter. M. Jean Auclair. Eh oui ! Ils n'ont pas des socialistes comme les nôtres ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Participant en décembre dernier au conseil européen de l'emploi, je n'ai vu ni l'Allemagne sociale- démocrate, ni le gouvernement socialiste espagnol, et encore moins le gouvernement travailliste britannique suivre la voie des 35 heures ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement. La parole est à M. Jean Le Garrec. M. Jean Le Garrec. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, j'aborde ce débat avec un souci de précision et en souhaitant éviter de tomber dans la caricature, comme vous, monsieur le président de la commission. M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. C'est une accusation sans fondement ! M. Jean Le Garrec. C'était bien une caricature, monsieur le président, et c'est dommage, car le sujet méritait mieux. Nul ne s'y trompe quand le président du MEDEF, allié encombrant, déclare que « nous entrons dans un nouveau monde ». Si j'étais salarié, ce nouveau monde me ferait peur ! Mme Marylise Lebranchu. À moi aussi ! M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Là, c'est vraiment de la caricature ! M. Jean Le Garrec. Hélas non. C'est une déclaration du président du MEDEF. M. Guy Teissier. Une interprétation. M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Une interprétation caricaturale ! (Sourires.) M. Jean Le Garrec. L'interprétation est libre. Ce débat est d'importance, et, au demeurant, les salariés ne s'y sont pas trompés : 67 % se déclarent pour les 35 heures, 16 % y sont opposés. Et ils manifesteront très nombreux samedi prochain. De plus, notre vigilance a été surprise. M. Chirac avait dit qu'il ne fallait pas légiférer et M. Raffarin avait déclaré qu'il ne fallait pas retenir les propositions de la mission d'information. M. Patrick Ollier. Il n'a jamais dit cela ! M. Jean Le Garrec. Dans ce cas, je corrige mon propos. Quoi qu'il en soit, pressions du patronat, enjeux politiques, je ne sais et peu m'importe, vous n'avez pas résisté. Il est au moins un point sur lequel je suis d'accord avec le rapporteur : la situation est préoccupante. Pour la première fois depuis vingt ans, le nombre d'emplois du secteur privé a diminué de 40 000, alors que le gouvernement Jospin en avait créé 2 millions ! Vous avez laminé le parcours TRACE et les emplois-jeunes. Vous venez de connaître un échec retentissant sur le CIVIS et le RMA. Et pourtant nous vous avions avertis ! M. Guy Teissier. Quelle lucidité ! M. Jean Le Garrec. M. Fillon a autorisé 180 heures supplémentaires par décret pour allonger la durée du travail, mais cela ne vous suffit pas. Vous avez remis en cause la protection des femmes contre le travail partiel subi. Vous êtes intervenus sur le temps d'information - trois jours au lieu de sept - la durée et le nombre de pauses. Bref, vous avez avec toutes ces mesures - à croire que vous ne réalisez pas ce qui se passe sur le terrain - aggravé la situation des travailleurs pauvres, fait de certains jeunes, des intermittents du travail, qui passent de l'UNEDIC en contrat de courte durée. M. Hervé Novelli. À qui la faute ? M. Jean Le Garrec. C'est toujours de notre faute. Vous n'y êtes jamais pour rien depuis trois ans ! Telle est la situation ! Et vous osez dire que cela serait lié aux 35 heures, alors qu'il n'y a aucun rapport. Vous ne mesurez même pas le désarroi des Français. M. Jean-Pierre Gorges. Vous vous adressez aux socialistes ? M. Jean Le Garrec. Et pourtant, vous venez de subir trois échecs électoraux retentissants : cantonales, régionales, européennes. Le moral des Français a baissé de 25 % au dernier trimestre, et de 17 % sur l'année 2004. On dirait que vous l'avez oublié. Pourtant, vous voyez bien dans vos permanences, le désarroi, l'angoisse, l'inquiétude des jeunes. M. Jean-Pierre Gorges. C'est de l'intox ! M. Jean Le Garrec. Il ne suffit pas de reprendre le slogan de la chanteuse Lorie, qui connaît un franc succès auprès des jeunes de dix ans, sur la « positive attitude » pour tromper les Français ! M. Jean-Marc Ayrault. Bien sûr que non ! M. Charles Cova. Vous oubliez que vous avez perdu en 2002, et à cause des 35 heures ! M. Jean Le Garrec. En lisant les déclarations faites à l'assemblée générale du MEDEF, j'ai cru à la caricature. M. Jean-Pierre Gorges. Vous faites du Gremetz ! M. Jean Le Garrec. Les patrons les plus payés d'Europe, ceux du CAC 40, passent leur temps à nous donner des leçons, et utilisent tellement le mot liberté que je n'ai pas pu m'empêcher de penser à Népomucène Lestiboudois, filateur à Elbeuf qui, au temps du débat sur le travail des enfants de moins de dix parlait, selon l'historien Henri Guillemin, de la « liberté de l'honnête commerçant que l'on remet en cause ». Discours archaïque, passéiste, dépassé ! M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Tout à fait ! M. Jean Le Garrec. Monsieur le rapporteur, l'incertitude économique dont vous parlez est liée à d'autres causes : la parité entre le dollar et l'euro, ainsi que l'insuffisance de la recherche-développement et de la formation universitaire. Parlons des vrais problèmes parce qu'ils sont préoccupants et que notre devoir de parlementaires est de les analyser. Monsieur le rapporteur, j'ai toujours été hostile ce que vous appelez le partage... M. Patrick Ollier. C'est Mme Aubry qui en parlait ! M. Jean Le Garrec. Je parle en mon nom ! Le problème est de lier l'évolution technologique et la nature de l'emploi. M. Hervé Novelli. Il n'y a pas besoin d'une loi pour cela. M. Jean Le Garrec. Le président de Renault, homme sérieux s'il en est, vient de déclarer que le coût ouvrier dans la fabrication d'une voiture est de 400 euros - on reste songeur quand on le compare aux 15 000 ou 20 000 euros qu'il faut pour acheter une petite voiture... Il disait aussi que l'augmentation du temps de travail dans les usines de fabrication de voiture en Allemagne, qui représente 10 euros par voiture, est négligeable dans le prix de revient final du produit. Vous n'allez pas tout de même pas prétendre qu'il ne connaît rien au fonctionnement d'une entreprise ! L'usine Toyota de Valenciennes... M. Richard Mallié. Il existe d'autres secteurs que l'automobile ! M. Jean Le Garrec. ...est considérée par son propre groupe comme une des meilleures. La preuve, c'est qu'il y investit pour créer 500 emplois, et que deux sous-traitants s'y installent, créant 150 emplois supplémentaires. Voilà des faits précis ! M. Guy Teissier. Cela prouve simplement que notre pays est attractif ! M. Jean Le Garrec. Ne vous contentez pas d'à peu près ! Parlons des réalités ! Pour avoir longtemps travaillé en entreprise, je les connais. M. Jean-Pierre Gorges. Il y a deux réalités ! M. Jean Le Garrec. Monsieur le président de la commission, je ne veux pas polémiquer avec vous, car je sais ce que sont vos responsabilités, mais puisque vous parlez de « restauration » du dialogue social je vous rappellerai que les 35 heures ont donné lieu à 120 000 négociations ! M. Hervé Novelli et M. Richard Mallié. Contraintes ! M. Jean-Pierre Gorges. Forcées ! M. Jean Le Garrec. Il faut investir sur les hommes plutôt que sur la technique, dites-vous. C'est sympathique, mais en réalité, l'important est de relier les deux. Sinon on crève, on meurt, on disparaît. Mais je veux bien croire que l'entreprise n'est pas tout à fait votre métier. Au besoin, nous en discuterons en tête à tête. M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Ne caricaturez pas mes propos ! M. Jean Le Garrec. Quant à vous, monsieur le ministre délégué, comment pouvez-vous parler de « l'autorité malthusienne », alors que votre gouvernement a fait disparaître 40 000 emplois, ce qui, sur les vingt dernières années, constitue une performance pour le moins exceptionnelle ? Faites preuve d'un minimum de modestie ! Tout compte fait, je préfère la brutalité de M. Seillière - affirmer qu' « une page est tournée », c'est se montrer très clair : lui au moins ne se cache pas derrière les mots - ou celle de Mme Laurence Parisot, pour qui « il est insupportable de constater que la liberté de penser s'arrête là où commence le droit du travail ». Une telle déclaration vaut la peine que l'on s'en empare ! M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Incroyable ! Extraordinaire ! M. Jean Le Garrec. Voilà la réalité, monsieur le rapporteur. C'est mon job, je sais de quoi je parle. Et si j'accepte le désaccord - c'est la règle, dans un débat démocratique -, je n'accepte pas la caricature. Mon intervention s'organisera autour de quatre points : la méthode, l'emploi, le pouvoir d'achat et le projet que sous-tend le choix de votre vocabulaire. Et, bien entendu, je me donnerai le droit d'apporter une conclusion. J'ai eu le souci de bâtir soigneusement mon intervention, et de pas l'écrire ni la lire à toute vitesse. Cela mérite l'écoute. Parlons d'abord de la méthode. J'ai une longue expérience de parlementaire. J'ai présidé la commission des finances, celle des affaires sociales. Je soutiens évidemment les droits du Parlement. M. Hervé Novelli. Ah ! C'est bien, ça ! M. Jean Le Garrec. Mais reconnaissez, monsieur le président Ollier, que cette proposition de loi, c'est un peu un faux nez. Elle a en outre le gros défaut - qui arrange bien, toutefois, le Gouvernement - d'être présentée aujourd'hui, dans la précipitation, sans étude d'impact. M. Patrick Ollier. Parce que vous, vous en avez fait ? M. Hervé Novelli. Vous êtes expert en la matière ! Où sont les études d'impact liées aux lois Aubry ? M. Jean Le Garrec. Or une étude d'impact sur le compte épargne temps aurait été plus que nécessaire. J'y reviendrai. Le Conseil d'État n'a pas donné un avis préalable. Il manque une appréciation juridique. Le ministre n'a pas été consulté : il vient d'intervenir sur le sujet pour la première fois. Enfin, et il serait déraisonnable de prétendre le contraire, il n'y a pas eu de véritable concertation avec les organisations syndicales. Je peux donner un exemple de ce manque de préparation. Telle qu'elle était conçue initialement, la proposition de loi n'était pas gagée. Les administrateurs de la commission des affaires sociales ont fait leur travail, et conçu un gage, placé, lorsque j'ai pris connaissance du texte, là où il devait être, c'est-à-dire après l'article 1er, dont les conséquences en termes d'équilibre financier, et sur le plan fiscal et social, sont importantes. Après le dépôt de la proposition de loi, cependant, le gage était à la fin du texte, ce qui est une façon de camoufler les choses. M. Patrick Ollier. Vous savez très bien que nous ne sommes pas à l'origine de ce changement ! M. Jean Le Garrec. Bien entendu, cela ne constitue pas une cause d'irrecevabilité, mais il était de mon devoir de relever ce fait, qui témoigne de la manière dont vous concevez la loi. J'ajoute que M. Fillon avait pris des engagements très précis concernant le contingent d'heures supplémentaires : aucune augmentation ne devait avoir lieu sans négociation préalable. Ce principe était même inscrit dans un décret. Toute modification relative à la fixation des contingents devait être soumise à la Commission nationale de la négociation collective et donner lieu à un bilan. Or vous avez pris, sans aucune concertation ni consultation de cette commission, en dépit des engagements formels de M. Fillon, un décret faisant passer ce contingent de 180 à 220 heures. Le président du Conseil constitutionnel, M. Mazeaud, s'est plaint, dans un texte fort long que j'ai lu avec attention, du manque de clarté des lois, de leur élaboration précipitée, du manque d'informations et de débat préalables. Bien entendu, il a totalement raison. Or cette proposition de loi est le meilleur exemple de ce qu'il ne faut pas faire. Déposée précipitamment, peu claire, elle ne répond pas à certaines questions précises et n'a pas fait l'objet de négociation ni de concertation. M. Hervé Novelli. Au contraire, elle est simple et claire. Elle est présentée après un an de débat. M. Jean Le Garrec. Ainsi, l'article 1er - le plus complexe - dispose que les droits acquis dans le cadre du compte épargne temps sont gagés sur l'Assurance garantie des salaires. Or celle-ci connaît un déficit de plusieurs milliards. M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement ! M. Jean Le Garrec. Le MEDEF se demande d'ailleurs comment en sortir. M. Gérard Bapt. Même lui est inquiet ! M. Jean Le Garrec. Je ne vois donc pas comment elle pourrait garantir ce nouveau système d'épargne salariale, à moins de prévoir une augmentation de ses ressources. Mais au détriment de qui ? Faudra-t-il instituer une cotisation supplémentaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Voilà un parfait exemple de ce que M. Mazeaud, que par ailleurs chacun d'entre vous respecte, appelle à éviter. Mais le président du Conseil constitutionnel emploie aussi la jolie expression de « bégaiement législatif » qui trouve également son illustration dans la proposition de loi. Ainsi, dans l'article 1er, qui énumère les modalités d'utilisation du compte épargne temps, figure cette phrase : « à l'initiative de l'employeur, les heures effectuées au-delà de la durée collective du travail, lorsque les caractéristiques des variations de l'activité le justifient. » Je relève, tout d'abord, l'expression « à l'initiative de l'employeur ». On a insidieusement glissé de la volonté du salarié à celle de l'employeur. M. Charles Cova. C'est absurde ! La mesure de l'activité ne peut que relever de l'employeur ! M. Jean Le Garrec. Mais surtout, en termes de législation, cette phrase n'a aucun sens. Les « caractéristiques des variations de l'activité », moi, je ne sais pas ce que cela veut dire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les variations, d'accord, mais pas les caractéristiques des variations ! M. Didier Mathus. Il faut un décodeur ! M. Jean Le Garrec. Qui va définir ces caractéristiques ? Les analyser ? Les imposer ? Les grandes entreprises s'en garderont bien, de même que celles, petites ou moyennes, dans lesquelles les syndicats sont présents. Mais dans les autres, celles que vous avez évoquées, monsieur le président de la commission, et qui sont dénuées de structures syndicales, qui négociera ? Qui définira ces caractéristiques ? Sur le plan juridique, une telle imprécision est inacceptable ! M. Gérard Bapt. C'est la porte ouverte à l'arbitraire ! M. Jean Le Garrec. C'est au Sénat que j'ai trouvé d'autres raisons de juger ce texte irrecevable. La majorité du Sénat - majorité de droite, s'il est utile de le préciser, monsieur Larcher -... M. Alain Vidalies. Non, c'est un pléonasme ! M. Jean Le Garrec. ...avait naguère introduit un recours constitutionnel fondé sur l'article 1er de la Constitution, lequel dispose que la France assure l'égalité de tous les citoyens devant la loi. Les signataires considéraient en effet que la distinction entre les entreprises de plus et de moins de vingt salariés créait une inégalité. Le Conseil a toutefois rejeté l'argument, considérant que la différence de traitement ainsi relevée, qui repose sur la différence de taille des entreprises, revêtait un caractère temporaire. M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Tout à fait ! M. Jean Le Garrec. Les négociations devaient en effet reprendre en 2002. Or vous les avez renvoyées en 2005, puis en 2008 : le temporaire tend à s'éterniser. M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà le problème ! M. Jean Le Garrec. C'est une des raisons pour lesquelles ce texte est contraire à la Constitution. Mme Marylise Lebranchu. Très juste ! M. Jean Le Garrec. Mais il y en a d'autres. En particulier, monsieur le ministre, sur la question de savoir à quel tarif seront payées les heures supplémentaires intégrées à un compte épargne temps, vous ne m'avez guère convaincu. Il devait d'ailleurs être inquiet pour que M. Morange lui pose une question d'actualité afin qu'il puisse se dédouaner. Mais nous aurons le temps d'approfondir ces problèmes. Je rappelle tout de même que la durée légale du temps de travail est une obligation définie par le Bureau international du travail. Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est vrai ! M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Petit rappel ! M. Alain Vidalies. J'ai entendu que certains voulaient la supprimer ! M. Jean Le Garrec. Deuxième point : l'emploi. Le décret « Borloo-Larcher » est paru le 22 décembre. Martine Aubry avait fixé le quota d'heures supplémentaires à 130, François Fillon l'a relevé à 180 et Jean-Louis Borloo - je ne veux pas vous mettre en cause, monsieur le ministre - ... M. le ministre délégué aux relations du travail. Oh, si, vous pouvez ! M. Jean Le Garrec. ...à 220 heures, auxquelles s'ajoutent sept heures d'une journée de travail non rémunérée. M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le lundi de Pentecôte ! M. Jean Le Garrec. Donc, on peut parler de 227 heures. Je vous avoue d'ailleurs que ces sept heures me restent toujours en travers de la gorge. En effet, alors que nous imposons des négociations, vous imposez des journées de travail non payées que vous inscrivez, de surcroît, dans le code du travail ! Vous imposez la solidarité, quand le drame du tsunami a prouvé combien notre peuple pouvait se montrer spontanément solidaire, le moment venu ! Pourquoi imposez-vous ces 227 heures ? C'est une bonne question, monsieur le ministre ! La moyenne des heures supplémentaires est de cinquante-neuf heures. Je veux bien admettre qu'elle est inférieure dans les grandes entreprises et supérieure dans les petites entreprises. On oublie de préciser que cela se traduit par quarante heures : à savoir, 220 plus 7 plus 35, auxquelles s'ajoute le temps de formation en dehors de l'entreprise. Mais n'entrons pas trop dans le détail ! Avec quarante heures, vous revenez à Léon Blum. Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui ! M. Jean Le Garrec. Vive Léon Blum ! Il convient aussi de prendre en compte un tiers des salariés qui sont aux trente-neuf heures, monsieur le ministre. Si l'on ajoute aux trente-neuf heures 220 heures, sept heures, et un temps de formation en dehors de l'entreprise nous atteignons les quarante-cinq heures,... Mme Nathalie Gautier. Très juste ! Tout est là ! M. Jean Le Garrec. ...soit l'objectif du Conseil du patronat en 1932 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Mme Nathalie Gautier. Très belle démonstration ! M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Excellente démonstration de régression sociale ! M. Jean Le Garrec. C'est étonnant et extraordinaire ! Dans un contexte de faible croissance - 1,5 % en 2005 - que tous les économistes reconnaissent, les entreprises hésitent à embaucher, parce qu'elles ont peur de l'avenir, monsieur le rapporteur. Ce n'est pas dû aux 35 heures, mais à la parité dollar-euro, au prix de l'énergie et à un ensemble d'autres facteurs ! Croyez-vous que leur permettre de recourir davantage aux heures supplémentaires facilitera l'embauche ? Mme Nathalie Gautier. Certainement pas ! M. Jean Le Garrec. De qui se moque-t-on ? M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Des Français ! M. Jean Le Garrec. Vous donnez le gage, vous donnez l'impulsion, vous êtes à contre-courant d'une véritable politique de l'emploi ! Cela ne m'étonne guère, considérant votre action pendant ces trois dernières années. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Il fallait le dire ! M. Jean Le Garrec. Vous allez, bien entendu, me répondre, monsieur Larcher, qu'il y a une limite. Oh, oui, il y a une limite : celle des quarante-huit heures ! La vision que vous avez du travail aujourd'hui est archaïque... Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Dogmatique ! M. Jean Le Garrec. ...dépassée et dangereuse pour la santé des salariés ! Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Il fallait le dire ! M. Gérard Bapt. Tout à fait ! La santé au travail ! M. Jean Le Garrec. Je ne m'étendrai pas, sur ce point, bien qu'après avoir regardé ma montre, je constate que je dispose encore de temps ! La possibilité offerte à l'employeur d'affecter au compte épargne temps, par une décision unilatérale, les variations d'activité dans des conditions que je n'ai pas comprises, que vous ne comprenez pas non plus... M. Patrick Ollier. Nous le comprenons très bien ! Nous connaissons le code du travail ! M. Jean Le Garrec. Mais non, vous ne les comprenez pas ! D'ailleurs, vous n'en avez pas dit un mot ! Vous avez, monsieur Morange, exposé fort rapidement votre rapport... Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Sans passion ! M. Jean Le Garrec. ...en évitant d'insister sur les problèmes qui pouvaient quelque peu nous préoccuper. J'ai discuté de ce point, ce matin lors d'une émission de télévision, avec M. Novelli, qui m'a dit que je me trompais, pour reconnaître ensuite que tel n'était pas le cas. Relisez le texte ! Les employeurs pourront inscrire dans ce compte épargne temps les augmentations et les avantages salariaux ! Comment pouvez-vous affirmer que l'objectif est de travailler plus pour gagner plus ? Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Ils n'ont pas lu le texte ! M. Jean Le Garrec. Or le risque est grand de travailler plus pour gagner moins ! Mme Nathalie Gautier. C'est la vérité ! M. Patrick Ollier. Mais non ! M. Jean Le Garrec. Mais si, monsieur Ollier ! Je n'aime pas les slogans. Vous brandissez en permanence ce slogan ! M. Patrick Ollier. Avec conviction ! Mme Nathalie Gautier. Ce slogan est faux ! M. Jean Le Garrec. Je respecte votre conviction qui est totale, monsieur Ollier. Mais c'est lorsque l'on a des convictions aussi fermées que l'on commet d'aussi grandes erreurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je connais par avance la réponse de M. Larcher. Il me renverra à la garantie qu'est censé être l'accord collectif. Avec qui ? Comment les petites et moyennes entreprises, en particulier, pourront-elles s'y prendre ? M. Gérard Bapt. Eh oui ! M. Jean Le Garrec. Que signifie l'accord collectif, quand on subit en permanence la pression du chômage et que l'on craint le licenciement ? Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Et les femmes seules ! M. Jean Le Garrec. Je vous renvoie à ce qui s'est passé dans la sidérurgie, en Moselle, où, le couteau sur la gorge, les salariés ont dû accepter de revenir sur des accords passés. M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Évidemment ! M. Gérard Bapt. Bien sûr ! M. Jean Le Garrec. Ce n'est pas moi qui porterai un jugement. Je les respecte. Je comprends leur situation. Ils ont, depuis des années, depuis la fermeture des mines, tout supporté ! M. Patrick Ollier. C'est ce que l'on veut empêcher ! M. Jean Le Garrec. Ils ont tout admis. Il en va de même pour les salariés du Nord-Pas-de-Calais. Mettez-vous à leur place, lorsqu'ils apprennent qu'ils risquent d'être licenciés ! M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est un chantage ! M. Jean Le Garrec. Ils sont victimes d'un chantage, alors que l'entreprise connaît une situation florissante ! M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. C'est de la caricature ! M. Jean Le Garrec. Non, ce n'est pas de la caricature ! M. Patrick Ollier. Et c'est vous qui dénoncez la caricature ! M. Jean Le Garrec. Pourquoi dites-vous que c'est de la caricature ? M. Patrick Ollier. C'est justement pour que cela ne recommence pas que nous légiférons ! M. Jean Le Garrec. Dites que la vérité vous gêne, mais ne me dites pas que c'est de la caricature ! Tels sont les quelques exemples que je tenais à citer. Oh, il conviendrait de traiter d'autres sujets ! Que dire de l'emploi partiel subi ? Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui ! Mme Nathalie Gautier. Cela touche 80 % des femmes ! Les salariés pauvres ! M. Jean Le Garrec. Cela touche une majorité de femmes - 80 % - mais aussi des hommes ! C'est également la renégociation des accords entre les maisons mères et la sous-traitance... Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Tout à fait ! M. Jean Le Garrec. ...dont on sait qu'elle est souvent coincée, présurée. J'en discutais, ce matin, avec une entreprise de sous-traitance. Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Venez visiter une région comme la mienne où il n'y a que de la sous-traitance ! M. Jean Le Garrec. Par ailleurs, avec ce texte, monsieur le ministre, vous glissez insensiblement du compte épargne temps au compte épargne « tout court ». Mme Paulette Guinchard-Kunstler et M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est exactement cela ! M. Jean Le Garrec. En effet, votre objectif in fine ne serait-il pas l'idée d'un fonds de pension à la française ?... Donc, je vois ce glissement sémantique et juridique s'opérer quelque peu. Au-delà des 120 000 accords signés, fait sans précédent, vous voulez individualiser les rapports entre l'entreprise et le salarié. M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà ! M. Jean Le Garrec. J'en veux pour preuve, monsieur le rapporteur, ce que vous avez écrit dans votre exposé des motifs. M. Gérard Bapt. La fin de toute protection sociale ! M. Jean Le Garrec. Quand vous précisez que le droit conventionnel doit primer sur le droit réglementaire,... M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est incroyable ! M. Jean Le Garrec. ...vous ouvrez la porte à cet espace,... M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr ! M. Jean Le Garrec. ...sachant, par ailleurs, qu'il n'existe pas de droit conventionnel, mais un droit social. M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement ! M. Jean Le Garrec. Des règlements le traduisent. M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Tout à fait ! M. Jean Le Garrec. Des négociations, avec des espaces de liberté, le mettent en place, mais la garantie demeure le droit social. Cette phrase, monsieur le rapporteur, ne figure pas dans la loi, mais dans l'exposé des motifs de votre proposition de loi. M. Gérard Bapt. C'est inconscient ! M. Jean Le Garrec. Je l'ai souligné, car c'est le fond de votre pensée. Bien entendu, vous n'osez pas le dire,... M. Gérard Bapt. Mais il l'écrit ! M. Jean Le Garrec. ...vous l'écrivez ou on vous le fait écrire. M. Patrick Ollier. C'est un propos choquant ! M. Pierre Morange, rapporteur. Je le pense par définition, puisque je l'écris ! M. Jean Le Garrec. Je ne suis pas certain que vous en ayez compris toute la portée ! M. Pierre Morange, rapporteur. Je n'ai pas votre intelligence ! M. Jean Le Garrec. En définitive, c'est une insulte pour les salariés. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr ! Mme Nathalie Gautier. C'est clair ! M. Jean-Pierre Soisson. Ça, c'est une caricature ! M. Jean Le Garrec. Je peux d'autant plus l'affirmer que je les ai vus négocier durement, consentir des sacrifices en matière de temps de repos et d'annualisation ! Mme Nathalie Gautier. En matière de flexibilité ! M. Jean Le Garrec. Ils se sont battus pour que l'entreprise se développe et crée des emplois ! Ils avaient un sacré courage et je leur ai souvent tiré mon chapeau ! Vous balayez d'un revers de main le courage de dizaines de milliers de syndicalistes, de mandataires, qui ont signé ces 120 000 accords ! C'est le fond du débat ! C'est le fond de ma pensée ! Et c'est pourquoi nous nous battons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Troisième point : le pouvoir d'achat. Face à quatre millions de demandeurs d'emplois et de contrats précaires, il faut rester prudent, surtout quand le nombre de chômeurs augmente de 110 000 et que le nombre d'emplois global dans le privé diminue de 40 000 ! M. Marc Laffineur. C'est à cause de vous ! M. Jean Le Garrec. Bien sûr et l'on se demande ce que vous avez fait pendant trois ans ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Robert Lamy. Réparer vos erreurs ! Mme Nathalie Gautier. Assumez votre politique, messieurs les députés de la majorité ! M. Jean Le Garrec. Les Français sont beaucoup plus intelligents que vous ne le pensez et ils ont fait leur choix. S'agissant du pouvoir d'achat, il a crû de 0,3 % en 2003, de 1,5 % en 2004 et les prévisions sont de 0,5 % pour le premier trimestre 2005. M. Marc Laffineur. Et les 35 heures ? M. Jean Le Garrec. Quelles sont les raisons de cette stagnation du pouvoir d'achat ? M. Marc Laffineur. Les 35 heures ! Mme Nathalie Gautier. Vous dites n'importe quoi ! Arrêtez, c'est ridicule ! M. Jean Le Garrec. Ce n'est pas grave, cela leur passera ! Mme Nathalie Gautier. Ils ont du mal à comprendre ! M. Jean Le Garrec. C'est la stagnation des salaires. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est le prélèvement sur les salariés : assurance maladie, assurance complémentaire et, demain, l'augmentation des prélèvements des collectivités territoriales faute, pour l'actuel gouvernement, de prendre en compte la réalité des charges que celles-ci supportent. Je ne vais vous citer qu'un seul exemple, il m'a été donné par mon très bon camarade Alain Néri, vice-président du conseil général du Puy-de-Dôme. La prise en charge du RMI va coûter 5 millions d'euros supplémentaires à son département, et le fonds social du logement 4 millions, soit 9 millions, pour un petit département. Mme Marylise Lebranchu. Ce n'est pas les Hauts-de-Seine ! M. Jean Le Garrec. On lui répond que la compensation est garantie à l'euro près. On connaît le discours, sauf que cette garantie ne jouera, si elle joue, qu'en 2006, au moment du compte administratif, et, pendant un an, la collectivité territoriale doit assumer. M. Marc Laffineur. Quelle mauvaise foi ! M. Jean Le Garrec. Vous parlez parfois du coût des 35 heures en des termes extravagants ! M. Patrick Ollier. Et l'APA ? M. Marc Laffineur. Et les SDIS ? M. Jean Le Garrec. La baisse des cotisations sociales représente 17 milliards d'euros par an. Nous avions prévu, nous, que ce serait donnant donnant, grâce aux créations d'emplois. M. Marc Laffineur. Et le blocage des salaires ! M. Jean Le Garrec. Avec vous, il n'y a plus aucune contrepartie. Je vais d'ailleurs vous donner un exemple assez étonnant. Un décret du 31 décembre 2004 institue les 39 heures dans l'hôtellerie-restauration, contrepartie probable des 550 millions d'abattement prévus au budget 2005. M. Marc Laffineur. Et on a revalorisé le SMIC hôtelier ! M. Jean Le Garrec. Les professionnels avaient annoncé la création de 40 000 emplois avant de dire qu'ils s'étaient un peu trompés et qu'ils en créeraient probablement 20 000. Aujourd'hui, on n'en parle plus ! M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement ! M. Alain Vidalies. Ils laissent tout de même les pourboires aux salariés ! M. Jean Le Garrec. Quant au SMIC, je voudrais qu'une fois pour toutes, on revienne à des choses plus sérieuses. M. Marc Laffineur. Les 35 heures se sont traduites par cinq SMIC ! M. Jean Le Garrec. D'accord, monsieur le ministre, vous avez tenu compte des engagements que nous avions pris dans la loi de 2000 sur le réajustement en fin de processus. C'est même le seul point sur lequel vous avez tenu les engagements. Par contre, l'augmentation de 11 % ne concerne qu'une petite partie des salariés. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Plusieurs députés du groupe socialiste. 60 000 ! M. Robert Lamy. Ils apprécieront ! M. Jean Le Garrec. Cette petite partie des salariés est très heureuse, tant mieux. Je suis en train de faire un compliment, ce n'est pas si fréquent, ne me gâchez pas le plaisir. M. Madelin vient de déclarer dans Les Échos du 17 janvier que les capitaux abondent, que les bénéfices s'accumulent,... Mme Paulette Guinchard-Kunstler. C'est très clair ! M. Jean Le Garrec. ...et que les entreprises n'ont jamais gagné autant d'argent. Constat brutal mais juste. Les profits ont augmenté trois fois plus vite que les salaires, et chose extraordinaire, les entreprises ont racheté ces deux dernières années pour 56 milliards d'euros de leurs propres actions. M. Alain Vidalies. Et voilà ! Et ça ne crée pas d'emplois ! M. Jean Le Garrec. Nous connaissons la situation, monsieur le ministre : surendettement, 3,5 millions de pauvres, nombre de RMIstes en augmentation de 10,5 %, mauvais moral des Français, accroissement du chômage des jeunes. Prenez donc la seule décision qui serait utile, provoquez une négociation interprofessionnelle entre les entreprises et les organisations syndicales sur les salaires. J'arrive à ma conclusion (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), et je voudrais relever quelques mots car, c'est bien connu, le vocabulaire n'est jamais neutre et cache toujours un projet. « Les 35 heures, ce n'est pas un droit, c'est une prison. » a dit l'un d'entre vous. Quand on pense à ceux qui se sont battus, ont négocié, ont fait des efforts, c'est inacceptable. La prison, c'est pour les 4 millions de chômeurs et de précaires, les travailleurs intermittents. C'est la peur des délocalisations, la hantise du chômage, c'est, face à la nécessité pour certaines entreprises de faire des bénéfices à deux chiffres, la course à la productivité et l'emploi comme variable d'ajustement. C'est ça la prison. Utilisons le terme à bon escient ! Pour Alain Touraine, « sur les ruines de la société ébranlée et détruite par la globalisation surgit un conflit central entre, d'un côté, des forces non sociales, comme les mouvements du marché, et, de l'autre, le sujet, qui cherche à maintenir la distance qui le protège ». Le sujet qui s'efforce de maintenir la distance qui le protège, c'est le salarié, c'est celui qui est en difficulté, et c'est le rôle du politique, monsieur le rapporteur, et du droit, particulièrement du droit social, de protéger celui qui se sent menacé. Quant au mot « liberté », je ne veux même pas faire de comparaison avec d'autres époques terribles où il a été utilisé, ce serait indécent. Moi, je le manie toujours avec prudence. Croyez-vous que la liberté prévale dans les rapports entre le salarié et l'employeur ? Croyez-vous qu'elle soit présente en l'absence de syndicat ? Croyez-vous que le rapport de forces soit équilibré ? N'utilisez pas le mot « liberté », il est trop dangereux. Je ne l'emploie jamais. Vous dites que la France ne travaille pas assez. J'ai rappelé les chiffres des créations d'emplois du gouvernement Jospin. La France n'a alors jamais autant travaillé. Pour un grand nombre d'investisseurs étrangers, c'est un pays où la qualité du travail est telle que l'investissement peut s'y faire avec des chances de succès. J'ai parlé de Toyota, mais regardez les chiffres de l'investissement. Vous jonglez avec les mots, vous jonglez avec le temps, les temps de repos, les temps de vacances, vous n'oubliez qu'une chose qui a été très bien démontrée dans Les désordres du travail par Philippe Askenazy : il y a quelque 2 000 accidents du travail par jour occasionnant une incapacité au moins temporaire. Leur coût social cumulé avec celui des maladies professionnelles s'élèverait à 3 % de la richesse nationale, soit l'équivalent théorique de plus d'une dizaine de jours fériés supplémentaires au calendrier. L'étude de M. Askenazy est impitoyable, l'exemple le plus frappant étant les TMS, les troubles musculo-squelettiques. Avec modestie, avec prudence, j'ai écouté ce que disent les salariés, et j'ai repris au vol les phrases d'une dame dont je ne donnerai que le prénom, Lætitia. Voici ce qu'elle déclare : « Le seul oubli des politiques, ce sont les conditions de travail. Moi, je suis à la chaîne, dans un laboratoire, au service des coupes. Il y fait très froid. Sept heures trente en moyenne par jour, cinq jours sur sept, je manie le couteau pour découper des carcasses. On est déjà à 39 heures de travail par semaine, compensées par dix jours de RTT. Alors faire plus d'heures supplémentaires ou troquer mes RTT contre de l'argent, si c'est pour gagner vingt euros ou même quarante euros de plus par mois, je suis contre, je préfère garder du temps libre, tout simplement pour me reposer. » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Elle aura le droit ! M. Jean Le Garrec. Ce que nous avons voulu, à travers cette réflexion de plusieurs années amorcée par M. de Robien, membre de votre gouvernement, poursuivie par la loi d'incitation, qui nous a servi en quelque sorte de laboratoire, puis par la loi pour créer le mouvement, c'est concilier deux choses : les nécessités du travail et de l'entreprise, avec une évolution très forte des cycles de travail, et la protection du salarié et de l'emploi. Je ne dis pas que nous avons parfaitement réussi, nous sommes trop modestes (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), mais nous avions ouvert une voie qu'il fallait continuer à explorer, en apportant si nécessaire des corrections. Si 85 % des petits salariés considèrent que leurs conditions de travail ont été améliorées, 15 % d'entre eux disent qu'elles se sont dégradées. Ce sont ces 15 % qui comptent car nous n'avons pas su leur répondre. Mais nous avions ouvert une voie et c'est incontestablement la voie de l'avenir. M. Marc Laffineur. Il faut sortir de nos frontières de temps en temps ! M. Jean Le Garrec. Nous pouvons espérer revenir un jour aux responsabilités, ce sont les Français qui décideront. Ce travail que nous avions commencé, nous le poursuivrons, en réfléchissant, en corrigeant, en regardant ce qui a pu ne pas marcher. Je pourrais faire référence au travail de Mme Guigou ou au dernier livre de Mme Aubry, je pourrais faire référence aussi à mes propres travaux. Maîtrise du processus historique de diminution du temps de travail, dimension européenne de l'action, sécurité du parcours professionnel, qualité du travail vue comme une clé de l'innovation et donc de la création de richesses, c'est ça l'enjeu. Nous l'avions en tête, nous n'avons pas changé d'un iota,... Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est ce qu'on vous reproche ! M. Marc Laffineur. Il n'a encore rien compris ! M. Jean Le Garrec. ...et nous tiendrons compte de nos erreurs pour atteindre encore mieux ces objectifs. Pour Hannah Arendt, c'est probablement la maîtrise du temps qui est la donnée principale de nos sociétés. Nous en avons conscience, nous y travaillons. L'histoire est un éternel recommencement. Ce processus historique a eu ses hauts et ses bas, ses hauts quand la gauche impulsait (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), ses bas quand d'autres gouvernaient... C'est la réalité historique, vous n'y pouvez rien ! J'ai recherché quelque chose qui puisse illustrer ce processus historique. J'ai trouvé ces deux affiches, qui datent de 1911. Le graphisme a un peu vieilli. J'en ferai des reproductions et je vous en offrirai une, monsieur le ministre. D'un côté, les longues journées génératrices de bas salaires, de difficultés de santé, de chômage... Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est du Zola ! M. Jean Le Garrec. De l'autre, les journées courtes, synonymes de hauts salaires, de diminution du chômage, de sauvegarde de la santé, de bien-être et qui permettent de se constituer un foyer. M. Pierre Lequiller. Vous avez quarante ans de retard ! M. Jean Le Garrec. Pas du tout, et c'est parce que nous avons un héritage que nous sommes sûrs de notre volonté, même si, bien évidemment, il faut corriger les imperfections. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. le président. La parole est à M. le ministre. M. le ministre délégué aux relations du travail. Monsieur Le Garrec, permettez-moi d'abord de rétablir quelques vérités. Dans une citation, quand on inverse une négation, cela n'a plus tout à fait le même sens. J'ai dit, et je l'assume, que les 35 heures étaient un droit, pas une prison. Je n'ai pas déclaré que les 35 heures ne seraient pas un droit, mais une prison. Attention à la place des négations. M. Patrick Ollier. Très bien ! M. le ministre délégué aux relations du travail. S'agissant du nombre d'emplois créés en 2004 dans le secteur privé dépendant de l'UNEDIC, il devrait s'établir, - chiffres à paraître le 16 février prochain - entre 34 000 et 36 000. C'est naturellement insuffisant, mais on est très loin des « moins 40 000 » que vous avez annoncés. Vous avez évoqué la santé au travail. C'est un sujet important sur lequel nous aurons l'occasion, le 17 février prochain, de nous exprimer devant la commission supérieure des risques professionnels. Je vous renvoie à une étude de la DARES de juin 2003, n° 241, qui fait apparaître qu'un tiers des salariés - 44 % des ouvriers et des employés - se disent être plus stressés depuis la mise en place des 35 heures dans leur entreprise. Après les chiffres, permettez-moi de répondre à un certain nombre de points que vous avez abordés. Tout d'abord, sur l'opportunité de recourir à un projet plutôt qu'à une proposition de loi. Dois-je vous rappeler que Mme Génisson avait déposé une proposition de loi sur le travail de nuit et que le PACS découle d'une proposition de loi ? Il revient aussi au Parlement, me semble-t-il, de prendre des initiatives. Cet équilibre entre Parlement et Gouvernement en matière législative, voulu par la Constitution, a été renforcé ces dernières années par le Président de la République. Vous avez évoqué la commission de la négociation collective. Le 24 juin dernier, j'ai présenté à cette instance un bilan établissant que le seuil des 180 heures était franchi par 23 % des petites entreprises. Ce chiffre a donc bien été fourni. M. Jean Le Garrec. Nous en reparlons, monsieur Larcher ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Quant aux « caractéristiques des variations d'activité dans les entreprises », dois-je vous rappeler que nous nous sommes bornés à reprendre les termes même de la loi Aubry, tels qu'ils figurent à l'article L. 227-1 du code du travail. Au nom de quoi ce qui est interprétable aujourd'hui ne le serait plus demain ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce qui change tout, c'est que vous laissez à l'employeur l'initiative de l'allongement de la durée du travail ! M. le ministre délégué aux relations du travail. À propos du contingent d'heures supplémentaires, vous faites un décompte à partir 39 heures. Or je vous rappelle que le contingent part de 35 heures. Donc trente-cinq plus quatre égalent trente-neuf,... M. Jean Le Garrec. Trente-cinq plus quatre égalent trente-neuf ! Là, je suis d'accord ! M. le ministre délégué aux relations du travail. ...ce qui, en contingent annuel, fait 188 heures auxquelles j'ajoute la différence de 220 heures qui ne s'appliquent qu'à 27 % des salariés ne faisant pas l'objet d'une négociation collective et cela me conduit non pas au souvenir de Blum, mais à trente-neuf heures, ce qui est, me semble-t-il, la réalité. M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est totalement incompréhensible ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Et l'accord Arcelor que vous avez évoqué n'entre pas dans le champ du présent texte puisqu'il porte sur une durée de travail de trente-deux heures. M. Jean Le Garrec. Je l'ai simplement évoqué. M. le ministre délégué aux relations du travail. Vous craignez aussi que le compte épargne devienne une sorte de fonds de pension : avec 1 % de la masse salariale, vous conviendrez qu'il faudra une très longue période pour le constituer ! M. Jean Le Garrec. C'est un début ! M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le pire est encore à venir ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Et nous serions moins bons que la PREFON ! Sur la notion de travail de qualité et l'opting-out, la position du Gouvernement français est extrêmement claire. Il n'est que de consulter les débats du conseil des ministres de l'emploi au mois de décembre, pour constater que la France a été à l'initiative du refus de la permanence de l'opting-out, dérogation à l'accord collectif permettant de travailler au-delà de quarante-huit heures en moyenne par semaine. Nous avons réussi, au terme d'un débat de six heures, à réunir une minorité de blocage sur ce sujet. De même, en juin dernier, alors que cela n'intéressait personne, c'est à notre initiative que le conseil des ministres européens de l'emploi s'est saisi de l'avant-projet de directive « services ». C'est le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui a été à l'initiative de ces deux sujets dont on parle beaucoup aujourd'hui. Voilà pourquoi le Gouvernement partage la position de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur la proposition de loi signée par quatre de vos collègues. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.). M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe UDF. M. Nicolas Perruchot. J'ai écouté avec beaucoup d'attention les explications de M. Le Garrec qui, cela ne vous étonnera pas, ne m'ont pas convaincu. J'ai participé avec Patrick Ollier, Hervé Novelli et bien d'autres, à la mission d'information qui, pendant plus de cinq mois et demi, au cours d'une soixantaine d'auditions, a essayé de trouver une réponse différente que le retour aux 39 heures. Nous étions convaincus qu'il fallait essayer de trouver d'autres dispositifs qu'une réponse brutale à la RTT telle que vous l'aviez voulue à l'époque. Dans les explications de M. Le Garrec, je n'ai rien trouvé qui puisse nous amener à considérer que la présente proposition est irrecevable. Au contraire, comme nous l'avons entendu au cours des auditions, et comme nous l'entendons encore tous les jours dans nos circonscriptions, les lois sur les 35 heures loin d'en créer, ont contribué à la destruction d'un trop grand nombre d'emplois. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous n'entendons pas la même chose ! M. Nicolas Perruchot. Mais ne vous trompez pas : les responsables d'entreprises, des employés, des salariés, notamment ceux qui travaillent dans les grandes entreprises, nous exhortent à ne pas défaire une loi qu'ils viennent à peine de digérer. Certes, pour les grandes entreprises, il y a sans doute beaucoup à faire pour mettre en place d'une nouvelle loi. En revanche, dans les PME et les PMI - que M. Le Garrec visite régulièrement -, chez les artisans et les commerçants, il ne se trouve pas beaucoup de monde pour défendre les 35 heures. Il faudra bien que nos collègues de l'opposition, à l'aune de ce qui a été dit tout à l'heure, prennent en considération cette réalité. L'UDF appelle depuis longtemps de ses vœux la mise en œuvre de mesures visant à simplifier le système. C'est pourquoi elle rejette résolument l'exception d'irrecevabilité. M. le président. Pour le groupe UMP, la parole est à M. Patrick Ollier. M. Patrick Ollier. Monsieur Le Garrec, nous avons assisté pendant une heure à une démonstration, certes brillante, mais fondée sur l'amalgame, le non-dit, les oublis, les contrevérités et la suspicion. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) M. André Gerin. La suspicion, c'est vrai ! M. Patrick Ollier. Le ministre, à l'instant, a démontré de quelle manière vous avez manipulé la vérité. Ainsi, vous prétendez que le Premier ministre aurait déclaré qu'il ne fallait pas retenir les propositions de la commission Ollier-Novelli. J'ai pourtant là une lettre du Premier ministre, du 18 mai 2004, adressée à M. Novelli et à moi-même... M. Alain Néri. Ce ne serait pas la première fois qu'il changerait d'avis ! M. Patrick Ollier. ...dans laquelle il salue la qualité de notre rapport et reconnaît la pertinence de nos propositions. M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Balivernes ! M. Patrick Ollier. Monsieur Le Bouillonnec, lorsque l'on a, comme vous, organisé une fausse conférence de presse pour trahir les secrets des délibérations de notre mission (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et proféré des contrevérités, on est mal placé pour faire la leçon aux autres. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Autre exemple, vous parlez de faux nez, monsieur le Garrec. Le travail qui a été fait par notre mission d'information pendant plus de huit mois a abouti à la lettre du Premier ministre du 18 mai. M. Larcher a ensuite été investi par le Premier ministre et M. Borloo, d'une mission pour organiser les négociations et la concertation sociale. Le Premier ministre avait alors annoncé que dernier trimestre de l'année serait le temps des décisions. M. Gaëtan Gorce. Vous n'avez pas été reçu par le Premier ministre ! M. Patrick Ollier. Ce travail a duré près d'un an. La présente proposition est le fruit d'un remarquable travail de partenariat entre le Parlement et le Gouvernement. Et vous voudriez dénier au Parlement le droit de déposer une proposition de loi au prétexte que cela ne vous arrange pas ! Nous sommes fiers, à l'UMP, d'avoir pu montrer que l'Assemblée nationale peut être efficace (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et de tenir les engagements que nous avons pris devant nos électeurs. Mme Hélène Mignon. Quel cirque ! M. Patrick Ollier. Enfin, monsieur Le Garrec, quand vous citez les textes, faites attention à ce que vous dites ! Mme Martine David. Donneur de leçons ! M. Patrick Ollier. M. Larcher l'a dit, mais je ne résiste pas au plaisir d'insister. Vous prétendez ne pas connaître la définition des « caractéristiques des variations de l'activité » mentionnées à l'article 1er de la proposition de loi. Or nous avons repris vos propres termes tels qu'ils figurent à l'article L. 227-1 du code du travail. Si c'est comme cela que vous entendez démontrer que nous avons tort dans ce que nous faisons... M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous laissez à l'employeur l'initiative de l'allongement de la durée du travail ! M. Patrick Ollier. ...je trouve que l'argument est pour le moins fallacieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Je terminerai par un point de vocabulaire. Monsieur Le Garrec, dans un communiqué de presse daté de ce matin vous nous traitez de manière tout à fait inacceptable. (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Vous dites que nous avons produit des chiffres mensongers. Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est vrai ! M. Patrick Ollier. Monsieur Le Garrec, vous avez participé à la mission. Les chiffres concernant le coût des 35 heures,... M. Augustin Bonrepaux. Ils sont faux ! M. Patrick Ollier. ...11 milliards d'euros en 2004, 15 milliards d'euros en 2005, proviennent du FOREC et de la direction du budget. Ce n'est pas une invention d'Hervé Novelli ou de Patrick Ollier (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), mais la simple vérité, dûment constatée - même si elle ne vous plaît pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Permettez-moi enfin de vous dire qu'en matière de jonglage et de faux nez, vous vous y entendez. Monsieur Le Garrec, je ne vous ai pas entendu parler, dans votre démonstration, d'irrecevabilité. M. Jean Le Garrec. Bien sûr que si ! Vous ne m'avez pas écouté ! M. Patrick Ollier. Face à une loi autoritaire et uniforme, qui impose la réduction systématique du temps de travail, est-il irrecevable d'ouvrir des espaces de liberté ? De vouloir des aménagements négociés plutôt qu'une loi imposée ? (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) M. Strauss-Kahn lui-même a dit que l'erreur a été de faire voter une loi uniforme. Je ne le vois pas sur ces bancs, mais je tiens à le remercier d'avoir dit la vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Murmures sur les bancs du groupe socialiste.) Ce que nous proposons, c'est le libre choix. L'heure n'est pas à la suspicion, monsieur Le Garrec : les 35 heures ne sont pas mortes ! (« Si ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. Augustin Bonrepaux. Vous n'avez pas le courage de le dire ! M. Patrick Ollier. La majorité ne propose pas l'abrogation, mais la souplesse. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. Gaëtan Gorce. Hypocrites ! M. Augustin Bonrepaux. Menteurs ! M. Patrick Ollier. Elle propose d'ouvrir des espaces de liberté,... M. André Gerin. Mensonge ! M. Patrick Ollier. ...permettant, à partir d'accords d'entreprise ou de branche, à ceux qui le veulent - et à ceux-là seulement - de pouvoir gagner plus en travaillant plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Où est l'idéologie, quand, dans le pragmatisme et le bon sens, nous proposons la liberté, et vous, dans le cadre d'une loi autoritaire, avez imposé la contrainte ? Je demande donc à mes collègues de rejeter l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. Sur le vote de l'exception d'irrecevabilité, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Jean-Marc Ayrault. M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur Larcher, puisque vous avez évoqué le vote du texte relatif au dialogue social et à la formation professionnelle, je vous rappelle que c'est après une longue négociation, qui a donné lieu à un accord de toutes les organisations syndicales françaises, que le Gouvernement a proposé au Parlement, à juste titre, l'intégration dans le code du travail de texte qui représentait un progrès accepté par toutes les organisations syndicales. Le conseil des ministres a été saisi de ce projet de loi et le Gouvernement a agi dans la transparence et la clarté, pour que chacun puisse savoir à quoi s'en tenir et prendre ses responsabilités. Mais voici qu'à propos d'un changement profond du code du travail, qui touche à la nature du contrat entre les salariés et l'entreprise, vous avez choisi, pour mettre à bas les 35 heures, et même beaucoup plus, sans courage - je dirais même avec hypocrisie et lâcheté (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) - de procéder par la voie de l'initiative parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Notre collègue Le Garrec a fait, avec beaucoup de rigueur et de brio, la démonstration qu'il fallait. Je comprends qu'elle vous ait gênés et ait provoqué votre colère : nous avons mis le doigt là où ça fait mal ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Christian Paul. Il fallait que cela soit dit ! M. Jean-Marc Ayrault. Vous n'êtes pas très fiers, en effet, de légiférer sur un sujet aussi grave, qui concerne l'avenir des relations sociales dans notre pays, sans partir d'un projet de loi du Gouvernement. M. Jean-Jacques Descamps. Vous, vous légiférez dans la rue ! Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et les droits du Parlement ? M. Jean-Marc Ayrault. En l'occurrence, plus que des droits du Parlement il s'agit des droits des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Mes chers collègues, quand des textes de cette importance viennent en débat par la voie de l'initiative gouvernementale, le Conseil d'État doit donner un avis. Dans le cas présent, il n'a pas été consulté, et on comprend pourquoi. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Patrick Ollier. Et les droits du Parlement ? M. Richard Mallié. À quoi servons-nous ? M. Jean-Jacques Descamps. C'est scandaleux ! M. Jean-Marc Ayrault. Quand on légifère sur des questions aussi importantes concernant le droit social, il faut consulter les organisations syndicales et négocier avec elles, comme cela a été le cas pour le projet de loi relatif à la formation professionnelle. Mais sur ce sujet grave, le besoin de revanche sociale et idéologique vous anime à un tel point que vous avez voulu faire l'impasse sur la négociation avec les organisations syndicales. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Toutes les organisations syndicales confondues, quels que soient leur sensibilité ou leurs points d'accord et de désaccord, ont compris que vous portiez là un mauvais coup, profond et durable, aux salariés de notre pays. Vous voulez imposer un modèle à l'anglo-saxonne, dont une très grande majorité des électeurs - y compris de l'UMP et peut-être de l'UDF - ne veulent pas. C'est la raison pour laquelle les organisations syndicales ont appelé ensemble les salariés du public et du privé à manifester dans tous les départements de France. Voilà la réalité politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Oui, mes chers collègues, voilà pourquoi nous réagissons aujourd'hui avec beaucoup de gravité. Chacun sera confronté à ses responsabilités. À l'UMP ou à l'UDF, on verra bien que l'idéologie de la revanche est à l'œuvre et que, malgré ses propos, M. Bayrou, qui joue le faux opposant, sera, avec ses amis, parmi les premiers à dire : « Assez des 35 heures ! Assez du droit social ! Il faut imposer le modèle anglo-saxon à la France ! » (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous n'en voulons pas, et nous sommes ici les porte-parole de ceux qui n'en veulent pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Personne ne nie qu'il faut peut-être améliorer les choses, car rien n'est jamais figé et tout doit pouvoir être adapté, et c'est précisément pourquoi nous parlons de négociation. Mais la loi Jospin-Aubry (« Où est Mme Aubry ? » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) avait proposé un maximum de 130 heures supplémentaires, payées 25 % de plus. Jugeant que ce dispositif manquait de souplesse, vous avez permis la négociation par branche, qui a d'ailleurs été utilisée avec parcimonie et prudence par les branches patronales et les organisations syndicales. Monsieur Larcher, il ne vous suffit pas que le potentiel d'heures supplémentaires ait été porté de 130 à 180 heures : vous voulez désormais le porter à 220 heures, alors que la moyenne des heures supplémentaires effectuées en 2004 n'a été, il faut le rappeler, que de 57 ! M. Jean-Jacques Descamps. Que signifie cette moyenne ? M. Jean-Marc Ayrault. Qu'est-ce d'autre qu'une volonté idéologique et politique de revanche sociale, une volonté d'imposer ce que les Français ne veulent pas ? Ils sont aujourd'hui en train de découvrir qu'au-delà des souplesses que vous appelez de vos vœux pour les petites et moyennes entreprises, le contrat de travail mettra désormais face-à-face le salarié tout seul et son chef d'entreprise. Croyez-vous vraiment - je l'ai déjà demandé à M. Novelli - que chaque salarié de l'entreprise pourra choisir le compte épargne temps quand il le voudra ? (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Vous nous dites que la situation est certainement différente dans les grandes entreprises, et c'est peut-être le cas, mais le climat que vous êtes en train de créer est celui qui a permis d'imposer l'exigence patronale à Arcelor, comme l'a rappelé à plusieurs reprises notre collègue Liebgott. La durée du travail est certes toujours officiellement de 35 heures, mais les salariés vont désormais travailler 37 heures et demie sans être payés en heures supplémentaires. Voilà la logique implacable qui est en marche ! Croyez-vous que, dans les petites et moyennes entreprises, le vendredi soir, le chef d'entreprise réunira ses salariés pour leur dire : « Les gars - ou : les filles -, la semaine prochaine, il va falloir travailler beaucoup plus, mais vous aurez des heures supplémentaires, et vous allez les mettre sur votre compte épargne temps. Vous êtes d'accord ? » (« Caricature ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce n'est pas de la caricature ! J'ai vu tout à l'heure à la télévision un reportage dans lequel on demandait à des salariés ce qu'ils pensaient de cette réforme. La majorité y était opposée, un certain nombre s'interrogeaient et quelques-uns étaient intéressés (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), mais quand on a demandé au chef d'entreprise qui déciderait du compte épargne temps, il a répondu que ce serait lui. Voilà la réalité de ce que vous voulez imposer : l'opting out à l'anglo-saxonne - mais les Français, dans leur très grande majorité, n'en veulent pas. C'est la fin des 35 heures, mais vous voulez faire bien plus, et c'est ce que nous combattons ce soir. M. Jean Auclair. Marchand d'illusions ! M. Jean-Marc Ayrault. Voilà pourquoi j'appelle à voter l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. le président. Pour le groupe des député-e-s communistes et républicains, la parole est à M. Jean-Claude Sandrier. M. Jean-Claude Sandrier. Je ne suis pas sûr qu'aujourd'hui, et notamment sur cette proposition de loi, nos collègues de la majorité représentent la majorité de nos concitoyens. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Jean-Jacques Descamps. Et pourquoi pas ? M. Richard Mallié. C'est incroyable ! Nous avons été élus comme vous ! M. le président. Mes chers collègues, veuillez laisser parler M. Sandrier. M. Jean-Claude Sandrier. J'ai pris la précaution de dire que je n'en étais pas sûr, mais certains indices le laissent penser. J'ai lu dans tous les journaux - et pas seulement dans L'Humanité - qu'une majorité de chefs d'entreprise ne souhaitait pas revenir sur les dispositions relatives aux 35 heures. Aujourd'hui, un sondage a indiqué deux éléments très forts et concordants :... M. Patrick Ollier. On ne gouverne pas en fonction des sondages ! M. Jean-Jacques Descamps. Ce ne sont pas les sondages qui gouvernent ! Mme Martine David. Quand cela vous arrange, les sondages ont du bon ! M. Jean-Claude Sandrier. ...77 % des Français souhaitent laisser les choses en l'état, contre 18 % qui sont favorables au changement de la loi. Je ne suis donc pas sûr que vous représentiez ici une majorité de nos concitoyens. (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Vous souhaitez, par ailleurs, revenir à une situation antérieure. Or, entre 1993 et 1997, les 35 heures n'existaient pas, mais votre bilan est connu : tous les records de chômage ont été battus. Nous ne voulons pas revenir à cette situation-là. En troisième lieu, la France se situe dans la moyenne européenne pour ce qui est de la durée moyenne effective du travail pour tous les salariés. M. Marc Laffineur. C'est faux ! M. Jean-Claude Sandrier. Le coût horaire du travail est plus faible en France qu'en Allemagne ou en Suède, par exemple,... M. Marc Laffineur. C'est faux ! M. Jean-Claude Sandrier. ...et notre pays est au deuxième rang des grands pays industriels pour ce qui est de la productivité du travail. M. Jean-Jacques Descamps. Par heure ! M. Jean-Claude Sandrier. Enfin, vous ne pouvez pas effacer le fait que les 35 heures ont permis de créer 400 000 emplois. Ce qui pénalise le travail aujourd'hui, ce qui fait que nous avons du mal à créer de l'emploi, c'est que vous rémunérez le capital plus que le travail. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. Eh oui ! M. Jean-Claude Sandrier. Nous l'avons souvent répété, et un article de presse paru aujourd'hui le confirme. Alors qu'en France l'inflation est de 2 %, et la croissance du PIB de 2 %, on accepte, voire on encourage des taux de rendement des actions de 15, voire 20 % : c'est ça qui tue l'économie, et non les 35 heures. Je vous cite cet article, qui fait suite à des statistiques concernant les entreprises de l'Union européenne publiées par la Société générale : « Voir les marchés financiers ne plus contribuer au financement des entreprises, mais au contraire en tirer tous les profits est une situation un peu inattendue » - pour les auteurs de l'article du moins ! Ils ajoutent : « En fixant des normes intangibles de rentabilité - 15 % sur les capitaux investis, au moins 20 % de retour sur les nouveaux investissements, 50 % des profits distribués - les investisseurs institutionnels ont contribué au dessèchement du système ». Cet article s'intitule « Les dangers d'un capitalisme rentier ». Vous demandez un motif constitutionnel d'adopter cette motion d'irrecevabilité ? Le voici : votre texte contrevient au principe d'égalité entre les citoyens. En effet, même s'il s'agissait, pour reprendre votre slogan, de « travailler plus pour gagner plus », il n'en resterait pas moins une profonde inégalité avec ceux qui ne travaillent pas du tout et continuent à gagner plus, et de plus en plus. Voilà pourquoi nous voterons cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.) M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité. Le scrutin est ouvert. .................................................................. M. le président. Le scrutin est clos. Voici le résultat du scrutin : L'Assemblée nationale n'a pas adopté. M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique : Suite de la discussion de la proposition de loi, n° 2030, de M. Patrick Ollier et plusieurs de ses collègues portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise : Rapport, n° 2040, de M. Pierre Morange, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. La séance est levée. (La séance est levée à dix-neuf heures quinze.) Le Directeur du service du compte rendu intégral jean pinchot |