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Deuxième séance du mercredi 2 février 2005 133e séance de la session ordinaire 2004-2005 PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ M. le président. La séance est ouverte. (La séance est ouverte à quinze heures.)
M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement. Comme chaque premier mercredi du mois, les quatre premières questions seront réservées à des thèmes européens. Nous commençons par une question du groupe socialiste. M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen. M. Pierre Cohen. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Depuis plusieurs mois se concocte une directive relative aux services dans le marché intérieur européen, dite directive Bolkestein. Elle a la prétention de favoriser la libre circulation des salariés et des services, et permettrait, nous dit-on, une simplification administrative et une concurrence facilitée, le tout au bénéfice des consommateurs. La directive repose sur le principe du pays d'origine, qui implique qu'un prestataire de services est uniquement soumis à la loi de son pays d'origine et n'a plus à se conformer aux règlements et exigences administratives des pays d'accueil. Ainsi, une entreprise de bâtiment originaire d'un des pays membres de l'Union pourrait, en France, emporter un marché et appliquer, en toute légalité, une fiscalité différente de celle à laquelle sont soumises nos entreprises, une réglementation plus laxiste et non conforme à la nôtre, notamment en matière de sécurité, et surtout un droit du travail et des salaires au rabais. Ce projet est particulièrement grave, et ce à plusieurs titres. Tout d'abord, il s'agit d'une concurrence tout à fait déloyale. On retrouve là les stigmates d'un libéralisme qui œuvre en permanence en faveur de la dérégulation. Ensuite, la directive aura pour effet de tirer la réglementation par le bas et de mettre à mal toutes les avancées en matière fiscale ou sociale, et en particulier les acquis sociaux et la protection du code du travail. Enfin, la directive Bolkestein porte atteinte à nos services publics en les assimilant à des services marchands. Le parti socialiste, comme un grand nombre d'organisations syndicales, associatives et politiques en France et en Europe, s'oppose à cette directive et refuse même tout amendement. Aussi, monsieur le Premier ministre, nous vous demandons, dans le cadre de la conférence intergouvernementale, de vous opposer fermement à cette proposition de directive, d'en demander le rejet, en particulier s'agissant du principe du pays d'origine, qui organiserait le dumping juridique et social au sein de l'Union, et enfin de vous assurer qu'aucune directive sur les services ne soit débattue tant qu'une loi-cadre sur les services publics ne sera pas adoptée par l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Compte tenu de l'importance de cette question, je tiens à préciser moi-même la position du Gouvernement sur ce projet, qui est inacceptable. Ce n'est pas la conception que nous avons du service public, et ce n'est pas non plus celle que nous avons de l'organisation européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Si nous voulons un nouveau traité, c'est parce que nous voulons que notre modèle politique puisse peser dans les institutions européennes. Nous voulons une autre Europe, plus politique, grâce au traité instituant une Constitution européenne. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Cette directive est inacceptable. Nous utiliserons tous les moyens dont nous disposons pour nous y opposer : tel est le message donné par M. le Président de la République ce matin au conseil des ministres. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) TRANSPOSITION DES DIRECTIVES EUROPÉENNES M. le président. La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe Union pour la démocratie française. M. François Sauvadet. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. La France est malheureusement, en matière de transposition des directives, un élève qui ne figure pas parmi les meilleurs. C'est même, d'après ce que j'entends ici ou là, l'un des moins bons. Dans son rapport de juillet dernier, la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne a elle-même relevé que notre pays connaissait le plus important déficit de transposition, le plus grand stock de directives anciennes, les plus longs délais de transposition, et même que le nombre de procédures d'infraction y était en progression. C'est sur ce dernier point, madame la ministre déléguée, que je souhaite vous interroger aujourd'hui. La France pourrait en effet faire l'objet de nouvelles poursuites juridiques, voire de sanctions financières, pour non-exécution de décisions de la Cour de justice européenne en matière, notamment, de protection de l'environnement. La France a ainsi été condamnée par la Cour pour n'avoir pas fait le nécessaire en matière de déversement de substances dangereuses dans l'eau, d'OGM ou d'accès des citoyens à l'information en matière d'environnement. Au moment où nous demandons beaucoup d'efforts à nos partenaires européens, aux pays candidats ou même aux États-Unis et à la Chine, il serait bon que la France donne l'exemple, dans ce domaine comme dans d'autres, d'ailleurs. Il y va de la crédibilité de notre pays et de l'Union tout entière. Ma question est donc simple, madame la ministre : quelles dispositions concrètes entendez-vous prendre dans les meilleurs délais pour que la France évite d'être condamnée par la Cour de justice et qu'elle transpose sans tarder, et sans passer par la voie des ordonnances - car vous savez, monsieur le président, combien nous sommes attachés au rôle du Parlement -, les dizaines de directives restant en souffrance, et qu'il nous faudra bien appliquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Vous avez raison, monsieur le député, de poser la question de la transposition des directives européennes, qui doit bien sûr constituer une priorité du Gouvernement et du Parlement. J'ai présenté ce matin en conseil des ministres une communication faisant suite au dernier bilan établi par la Commission. Celui-ci laisse apparaître une amélioration de nos résultats : nous sommes passés, dans les six derniers mois, de 4,1 % de retard à 3,2 %. Vous avez dit que nous étions parmi les derniers, mais nous sommes maintenant en treizième position sur vingt-cinq États membres. L'amélioration est donc réelle, même si je reconnais que cela n'est pas suffisant. Il nous faut bien sûr travailler avec persévérance et détermination pour mieux transposer ces directives. Cela est vrai pour le Gouvernement : chacun des ministres doit se sentir responsable de cette entreprise, et doit pour cela intégrer très en amont la nécessité d'une transposition dans le droit national. Mais cela est aussi vrai pour le Parlement, vous l'avez rappelé. À cet égard, nous discutons avec votre assemblée et avec le Sénat pour la fixation de rendez-vous mensuels qui permettraient d'accélérer le processus de transposition. Trois arguments plaident en faveur de transpositions plus rapides. Premièrement, et vous l'avez souligné, la nécessité d'une exemplarité dans l'engagement de notre pays en faveur de la construction européenne ; deuxièmement, la sécurité juridique due à nos entreprises et aux consommateurs ; troisièmement, enfin, les risques de contentieux. Vous avez évoqué le problème particulier de l'environnement. Il est vrai qu'en ce domaine nous avons des retards de transposition ou d'application, en particulier en ce qui concerne le réseau Natura 2000. Nous avons cependant désigné cent sites depuis 2002, ce qui représente un progrès considérable, et pris l'engagement de désigner tous les sites d'ici 2006. Je voudrais toutefois terminer sur une note plus positive. Vous l'aurez remarqué, la Commission européenne comme l'OCDE ont loué les résultats de la France en matière de respect des objectifs de Kyoto. C'est un domaine dans lequel le Gouvernement, le Premier ministre et le Président de la République sont, vous le savez, particulièrement engagés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains. M. Alain Bocquet. Monsieur le Premier ministre, avec la liquidation en cours des 35 heures (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - « Eh oui ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), vous vous ingéniez à cacher la vérité aux Français. Le temps de travail maximum légalement autorisé au niveau européen est de 48 heures par semaine. Il représente probablement votre objectif inavoué, ainsi que celui du Medef. Vous anticipez au galop la modification, en cours de préparation, de la directive européenne sur la durée du travail. M. Lucien Degauchy. Parlons plutôt de la durée du chômage ! M. Alain Bocquet. Avec votre réforme, on assiste dans les faits à un retour en arrière vers les 40 heures, soit la situation d'avant 1982. C'est un recul social et de civilisation d'ampleur historique. Mme Nadine Morano. N'importe quoi ! M. Alain Bocquet. L'heure travaillée en France sera encore moins payée, alors que la productivité horaire du travail y est bien au-delà de la moyenne européenne. En ce domaine, nous sommes au deuxième rang mondial, derrière les États-Unis. Nous avons autre chose à faire que de copier le modèle proposé par les pays européens les plus rétrogrades. L'accord sur le temps choisi, inventé par votre gouvernement, s'inspire du système de l'opting out en vigueur en Grande-Bretagne, qui contraint des salariés à travailler jusqu'à 61 heures par semaine. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La remise en question des 35 heures, pour des raisons idéologiques et pour préserver l'intérêt financier de quelques-uns, ... M. Yves Nicolin. Baratin ! M. Alain Bocquet. ...révèle une nouvelle face sombre de la construction européenne version libérale, celle-là même que le projet de Constitution veut sanctuariser. Cela renforce notre détermination à soutenir les manifestations du samedi 5 février et à faire gagner le « non » au référendum. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Vous avez dit avoir obtenu une minorité de blocage sur ce projet de modification. Pouvez-vous vous engager aujourd'hui à faire échouer complètement celui-ci, afin d'étendre l'avancée française des 35 heures à l'échelle européenne (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), avancée qu'approuvent 77 % des Français et des Françaises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux relations du travail. M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Monsieur le député, je voudrais reprendre textuellement les propos que j'ai tenus à l'occasion du Conseil des ministres sur l'emploi qui s'est tenu le 7 décembre à Bruxelles, et qui indiquent la position du Premier ministre et du gouvernement français sur le projet de directive sur le temps de travail : « J'ai déjà indiqué, en juin et en octobre, tout en reconnaissant à la proposition le mérite de poser clairement le principe de la prééminence de la négociation collective par rapport à l'accord individuel, que la suppression de l'opt out, prévu à titre transitoire, devait être un principe clairement affiché. » M. Claude Gatignol. Très bien ! M. le ministre délégué aux relations du travail. La France, en ralliant l'Espagne, la Suède, la Belgique, puis la Finlande et le Portugal, a en effet constitué une minorité de blocage, et la question a été renvoyée à la présidence luxembourgeoise. Avec Claudie Haigneré, nous avons rencontré le commissaire _pidla pour affirmer clairement le caractère inacceptable du maintien de l'opt out. Et je l'ai répété mardi dernier, en compagnie de Jean-Louis Borloo, à Alan Johnson, ministre travailliste britannique. Les choses sont dites clairement. M. Gilbert Biessy. C'est sur les actes qu'on va vous juger, pas sur les discours ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Le Gouvernement assume la prééminence des accords collectifs. C'est ce que nous faisons dans le cadre de l'assouplissement des 35 heures. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. le président. La parole est à M. Claude Gaillard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire. M. Claude Gaillard. Monsieur le secrétaire d'État à l'aménagement du territoire, les fonds européens sont, nous le savons, d'une importance particulière, autant pour le développement économique que pour l'aménagement du territoire et la solidarité territoriale. Ils aident nos collectivités à mettre en place diverses actions relatives à l'emploi, la formation, la protection de l'environnement, les aménagements urbains, et à bien d'autres sujets encore. Or la gestion de ces fonds est soumise à la règle dite du « dégagement d'office », qui permet à la Commission européenne de reprendre les crédits qui n'auraient pas été utilisés deux ans après leur programmation, ce qui est assez légitime. Cela explique l'importance du suivi de l'utilisation de ces fonds, d'autant que le Gouvernement négocie les nouvelles règles qui seront appliquées en 2007. C'est pourquoi, dès 2002, le Gouvernement s'était fixé comme objectif de faire progresser l'utilisation de ces fonds. Deux ans et demi plus tard et à moins de deux ans de la définition des nouvelles règles, pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'État, dresser un bilan de la consommation de ces fonds européens si essentiels pour notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'aménagement du territoire. M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'État à l'aménagement du territoire. Monsieur le député, vous soulevez une question très importante qui nous intéresse tous. Nous avons restitué 17 millions d'euros à la Commission européenne au titre du dégagement d'office en 2004 - en 2003, nous en avions rendu 15 millions -, soit 0,8 % des 2,2 milliards d'euros octroyés par Bruxelles sur l'ensemble de nos territoires. C'est donc une réussite et je tiens à féliciter à cet égard les services de l'État, les services des collectivités territoriales et les associations qui y ont contribué. Vous l'avez souligné, cela nous a permis de réaliser des projets de développement économique, de soutenir l'emploi, la formation, l'aménagement urbain et rural. Nous avons pu bénéficier de ces fonds européens grâce à la décision de simplifier les procédures prise par le Premier ministre en juillet 2002. Bien évidemment, se posent des questions dans les régions. Il n'y a pas de pénurie des fonds européens. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Mme Nathalie Gautier et M. Philippe Vuilque. C'est faux ! M. le secrétaire d'État à l'aménagement du territoire. En effet, en cinq ans sur un programme de sept ans, le taux d'exécution atteint 65 %, ce qui correspond à un rythme tout à fait raisonnable. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il est vrai que, dans certaines régions, la programmation de crédits européens a pu être ralentie ou suspendue. Cela est dû au fait que le taux de programmation a dépassé 100 % des crédits disponibles. C'est la raison pour laquelle Gilles de Robien et moi-même avons demandé aux préfets de revoir ces programmations... M. Augustin Bonrepaux. Arrêtez vos salades ! M. le secrétaire d'État à l'aménagement du territoire. ...pour se concentrer sur des projets à court terme, afin qu'en 2005 aucun crédit ne fasse plus l'objet d'un dégagement d'office. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) M. Augustin Bonrepaux. Vous n'êtes pas au courant ! M. le président. La parole est à M. Yves Bur. M. Yves Bur. Ma question s'adresse à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Depuis quelques semaines, les médias reprennent des informations sur les risques liés à certains médicaments et sur la fiabilité des études cliniques réalisées par les entreprises pharmaceutiques. Les résultats des études sur les risques entraînés par la consommation de certains médicaments ont conduit des groupes pharmaceutiques à retirer certains médicaments ou à en limiter la prescription, en même temps qu'à s'interroger sur leur politique de promotion auprès des prescripteurs. Ces faits mettent aussi en lumière une donnée jamais ignorée par les spécialistes, mais parfois oubliée par le grand public, à savoir que les médicaments sont des substances actives et complexes dont les effets peuvent associer bénéfices thérapeutiques et risques. Cette situation a fait naître le soupçon que des intérêts financiers l'emporteraient sur les exigences de santé publique. Pouvez-vous, monsieur le ministre, rassurer les Français en confirmant que les autorités de contrôle françaises et européennes sont parfaitement à même d'évaluer la valeur et le risque que présente un médicament, et qu'elles fonctionnent bien en toute indépendance, avec pour seul souci la santé des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Monsieur Bur, l'autorisation de mise sur le marché d'un médicament dépend du seul rapport entre les bénéfices et les risques d'un produit. L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé évalue en permanence les médicaments à trois stades. Le premier stade se situe avant la mise sur le marché : il s'agit des essais cliniques. La loi de santé publique du 9 août 2004 oblige toutes les industries pharmaceutiques à fournir au ministère de la santé et, en particulier, à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'ensemble des essais cliniques, pour que les intérêts financiers à court terme ne prévalent pas. Le deuxième stade se situe pendant la mise sur le marché et le troisième après la mise sur le marché, c'est ce que l'on appelle la pharmacovigilance. Il convient aussi de développer la pharmaco-épidémiologie. Cette année, 18 000 effets indésirables ont été signalés par l'industrie pharmaceutique elle-même et 15 000 par les médecins généralistes. Enfin, il faut mener une action dans deux directions : d'une part, durcir les sanctions à l'encontre de ceux qui diffuseraient de fausses informations médicales dans l'industrie pharmaceutique et, d'autre part.- vous l'avez souligné, monsieur Bur, c'est capital -, garantir l'indépendance de l'expertise. Pour cela, il faut renforcer les moyens financiers dévolus aux agences afin qu'elles puissent payer des experts internes et veiller à éviter tout conflit d'intérêts lorsque les experts externes qui travaillent pour ces industries donnent leur avis sur les médicaments. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. Marcel Bonnot. M. Marcel Bonnot. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. Qu'il me soit au préalable permis d'associer à cette question mes collègues députés Irène Tharin et Damien Meslot avec lesquels j'ai déposé une proposition de loi tendant à adapter notre législation relative aux déclarations de naissance à l'officier d'état civil. En effet, la loi du 20 novembre 1919 fait obligation de déclarer la naissance de l'enfant dans la commune du lieu de l'accouchement. Or il est incontestable que, depuis des années, du fait du développement de la démographie et des restructurations hospitalières, nombre d'accouchements interviennent dans des maternités qui ne sont pas implantées dans les communes de résidence des parents. La législation actuelle conduit ainsi à fausser les statistiques concernant le taux de natalité dans les communes, gonflant les taux dans les communes où se trouve une maternité et les minorant là où il n'en existe pas. Cet anachronisme législatif pourrait conduire à des aberrations statistiques. L'aire urbaine Belfort-Montbéliard vient ainsi de décider d'implanter un centre médical technique médian de pointe dans une localité de 1 000 habitants qui serait conduite à enregistrer les naissances d'un bassin de vie comptant plus de 300 000 habitants. Plusieurs députés du groupe socialiste. La question ! M. Marcel Bonnot. Notre proposition de loi n'a d'autre prétention que d'harmoniser et de faire évoluer notre législation, à moins de considérer, monsieur le garde des sceaux, que votre pouvoir réglementaire puisse y suppléer. Ma question est donc la suivante (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) : pouvez-vous livrer à la représentation nationale votre sentiment à ce sujet ? Quelles mesures envisagez-vous pour corriger les injustices nées de la législation actuelle ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, nous avons évoqué ensemble ce sujet lors du débat sur le nom de famille. Vous-même et vos collègues députés du Doubs m'aviez, à l'époque, interpellé. Quelle est la question ? (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Pour l'ensemble des actes administratifs de la vie quotidienne - carte d'identité, ouverture d'un compte bancaire... - nous avons besoin d'une référence très précise en termes d'actes d'état civil et donc d'actes de naissance. C'est la raison pour laquelle, comme vous l'avez rappelé, depuis 1919, il est de règle que les naissances soient déclarées dans le seul lieu absolument incontestable : celui de l'accouchement. Nous devons garder cette référence certaine. M. Jean-Pierre Soisson. Très bien ! M. le garde des sceaux. Toutefois, j'ai bien conscience de la demande de nombre d'élus locaux qui, compte tenu du regroupement des maternités, voient disparaître des statistiques officielles l'augmentation naturelle de leur population. Pour répondre à ce souci, j'ai signé un décret le 19 janvier dernier (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) qui permettra de satisfaire chacun puisque l'officier d'état civil du lieu de naissance transmettra automatiquement l'acte de naissance à son homologue du lieu de résidence déclarée des parents. M. Jean Le Garrec. Cela se fait déjà ! M. le garde des sceaux. Ainsi, ces naissances, quel que soit leur lieu, seront inscrites sur les tables annuelles et décennales de vos communes. Nous répondons ainsi à la demande qu'expriment nombre de maires depuis des années sans, pour autant, négliger l'exigence de sécurité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) INDEMNISATION DES COMMUNES SINISTRÉES M. le président. La parole est à M. Jean Launay. M. Jean Launay. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le ministre, tous les Français ont gardé en mémoire la gestion calamiteuse de la période de canicule de l'été 2003 par le gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui ! M. Jean Launay. À ce sujet, vous ne pouvez rejeter, comme d'habitude et avec mauvaise foi, la responsabilité sur le gouvernement de Lionel Jospin ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais cet été 2003 a d'autres conséquences que vous feignez toujours d'ignorer. En annonçant l'ouverture de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour 3 000 communes, alors que 7 000 la demandent, vous fermez la porte à l'indemnisation de quelque 20 000 familles françaises, poursuivant ainsi l'usage de manœuvres dilatoires. Nous sommes pour notre part aux côtés de ces populations touchées et nous voulons y voir clair. Nous mesurons les conséquences de la canicule sur les habitations, en particulier dans les zones argileuses. Dans mon département, 500 maisons, réparties sur 113 communes, sont touchées. Nous rejetons fermement l'idée scandaleuse, que vous avez cru bon d'avancer, de détournements. Nous savons les difficultés physiques et financières des sinistrés de nombreux départements qui attendent réparation depuis deux hivers. Nous n'acceptons pas le traitement à la tête du client des dossiers, qui s'apparenterait à un « charcutage » de l'indemnisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Noël Mamère. Tout à fait ! M. Jean Launay. Monsieur le ministre, vous mettez en avant la nécessité financière de respecter l'équilibre du régime des catastrophes naturelles, alors que les assureurs eux-mêmes reconnaissent que l'indemnisation des 1 359 premières communes bénéficiant déjà du statut n'a pas entraîné la mise en œuvre de la garantie de l'État. Il nous faut en conséquence nous mettre d'accord sur une méthode. Ma question est double. Êtes-vous prêt à ouvrir le droit à indemnisation aux communes écartées jusqu'à présent et donc à leurs habitants sinistrés ? Êtes-vous prêt à mettre sur la table en toute transparence l'ensemble des dossiers transmis par vos préfets et à en discuter avec les parlementaires concernés, qu'ils soient de droite ou de gauche ? Il est temps de mettre fin aux atermoiements et de répondre à la demande de justice de nombre de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, il serait tentant de répondre à votre question polémique (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) par la polémique. Les Français qui nous écoutent, comme la représentation nationale, apprécieront votre ton. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) M. Jean Glavany. Il était très modéré ! M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. J'ai en mémoire les drames humains, familiaux et financiers derrière la catastrophe de l'été 2003, et je crois que nos compatriotes méritent mieux que la polémique et l'invective. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Face aux conséquences de cette catastrophe, nous nous sommes mobilisés, avec réalisme, en tenant compte des contraintes financières, comme c'est le devoir de tout responsable, et avec responsabilité, en définissant les critères les plus larges possible à partir des zones concernées. Nous avons pris deux arrêtés : le premier concernait 1 400 communes et le second 870. Cela ne suffit pas, nous le savons. C'est pourquoi le Premier ministre, dans un souci de justice, a décidé de prendre en compte les situations individuelles au-delà des zones reconnues. Je n'ai pas mémoire, messieurs les députés, que vous ayez tous fait, en de telles circonstances, honneur à cette exigence de justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Dans le Lot, une seule commune est concernée selon les critères de zone. Nous examinerons les situations individuelles sans aucun esprit partisan, dans le seul souci de l'intérêt général, parce que c'est la seule chose qui compte. L'intérêt des Français, c'est l'objectif du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) M. le président. La parole est à M. Philippe Dubourg, pour le groupe UMP. M. Philippe Dubourg. Ma question s'adresse au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le ministre, les viticulteurs, et notamment les petits viticulteurs qui composent la grande masse du vignoble bordelais, traversent depuis plusieurs années une crise sans précédent. Depuis le début des années soixante, en effet, la consommation n'a cessé de baisser en France. Elle est ainsi passée de cent litres par an et par personne au début des années 60 à cinquante litres aujourd'hui. La filière française représente 144 000 exploitations viticoles, 870 caves coopératives et unions et 1 400 entreprises de négoce, pour un total de 500 000 emplois. La baisse de la consommation et le ralentissement des exportations sont donc durement vécus par l'ensemble de la filière. Après une première rencontre, le 14 décembre dernier, vous avez reçu lundi, avec votre collègue Nicolas Forissier, les représentants de la filière viticole. À cette occasion, vous avez annoncé une série de mesures de soutien, notamment des prêts et le déblocage d'aides exceptionnelles pour un montant total de près de 70 millions d'euros. Pouvez-vous nous confirmer et nous détailler votre plan d'aide à la viticulture et nous dire comment ces aides vont permettre aux entreprises et aux salariés de traverser cette crise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité. M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité. Monsieur le député, la crise de la viticulture dans notre pays est liée à la surproduction et à l'émergence de nouveaux pays producteurs concurrents de la France. Elle est très pénible dans certains vignobles. Nicolas Forissier et moi-même avons reçu à deux reprises des représentants de la profession, et nous leur avons annoncé quatre types de mesures. D'abord des mesures de confiance. Nous avons souhaité en effet que s'instaure un nouveau climat avec la profession et, comme l'avaient demandé nombre de parlementaires des régions viticoles sur tous les bancs de cette assemblée, nous avons mis en place un conseil de la modération pour régler les relations entre le monde de la santé, le monde viticole, les ministères concernés et les associations. Nous avons ensuite annoncé des mesures de soutien conjoncturelles : soit des prêts bonifiés, pour 40 millions d'euros, soit des aides exceptionnelles, pour 20 millions d'euros, avec une priorité aux jeunes exploitants, pour lesquels 8,5 millions d'euros ont été débloqués. Nous voulons aussi traiter les problèmes bassin par bassin. La situation n'est pas la même en Champagne, dans les Pays de Loire, en Bourgogne et en Aquitaine. Nous allons recevoir les représentants de ces régions les uns après les autres, en commençant par l'Aquitaine, le 17 février. Nous étudierons les mesures d'arrachage proposées dans certains bassins, et les mesures européennes de distillation demandées par d'autres. Enfin, nous avons annoncé des mesures pour préparer l'avenir, qui visent à reprendre nos parts de marché et à aider l'exportation. Comme l'avait fait Hervé Gaymard au printemps dernier, nous consacrerons 3,5 millions supplémentaires aux aides à l'exportation. Nous aiderons également la recherche sur le vin. Le Gouvernement est à l'écoute de la profession, dont nous comprenons les difficultés. La viticulture est l'une des industries agro-alimentaires, c'est un grand atout pour notre pays. Avec les parlementaires, les régions et les vignobles, nous allons essayer d'aider au mieux nos viticulteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) RELATIONS ENTRE L'ADMINISTRATION FISCALE M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Beaulieu. M. Jean-Claude Beaulieu. Ma question s'adresse au ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le ministre, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin se montre soucieux depuis 2002 d'améliorer les relations entre l'administration et les administrés, qu'il s'agisse de faciliter l'accès des citoyens aux services administratifs, de simplifier les relations entre l'administration et les administrés ou d'améliorer l'accueil. Ainsi, certains de vos collègues ont mis en place des dispositifs spécifiques, comme la charte des droits et devoirs des victimes au ministère de la justice, la charte d'accueil et d'assistance dans les commissariats et les gendarmeries, ou la charte Marianne dans les administrations. Au ministère de l'économie et des finances, des mesures ont d'ores et déjà été prises pour améliorer l'information des contribuables et leurs relations avec les services des impôts, comme le développement de l'administration électronique avec les déclarations en ligne. Comment entendez-vous amplifier ce mouvement ? Quels objectifs principaux guideront vos choix dans l'amélioration des rapports entre l'administration des impôts et nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Plusieurs députés du groupe socialiste. À l'euro près ! M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, porte-parole du Gouvernement. Je vois que la pédagogie progresse ! Monsieur le député, vous avez rappelé l'immense travail qui a été accompli pour moderniser les relations entre l'État et les Français pour ce qui concerne notre service public. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) C'est vrai qu'il est un pan entier de ces relations pour lesquelles il faut sans cesse améliorer et moderniser les choses, ce sont les relations entre l'État et les Français en leur qualité de contribuables. Dans ce domaine, ce qui a été engagé depuis deux ans et demi est très important et va de pair avec la modernisation du ministère des finances. Nous avons à cœur, Hervé Gaymard et moi, de poursuivre dans cette voie et de passer à la vitesse supérieure. Notre idée est d'élaborer une charte, comme cela s'est fait au ministère de l'intérieur ou au ministère de la justice. Cette charte du contribuable reposerait sur trois principes. Le premier, c'est la simplicité. Dès cette année, de nombreux contribuables pourront remplir une déclaration simplifiée pour l'impôt sur le revenu. Le nombre de cases est divisé par deux. Une déclaration pré-remplie est testée dans le département de l'Ille-et-Vilaine. Si l'expérimentation marche, elle sera étendue. Deuxième principe, l'équité. Parmi les chantiers concernant les relations entre l'État et les contribuables, il y a par exemple la question des intérêts de retard. Selon que l'État est créancier ou débiteur, ce n'est pas le même tarif : 9 % dans un cas, 2,5 % dans l'autre. Il est logique de réfléchir à quelque chose de plus équitable et d'ouvrir ce chantier qui est une question majeure dans les relations entre l'État et les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Troisième principe, tout aussi important, le respect. Autant je serai intransigeant face au comportement inacceptable de certains contribuables envers les agents de l'administration des impôts, autant je crois utile que les contribuables puissent, de façon expérimentale au départ, évaluer la manière dont ils sont contrôlés. Ce sera un exercice très intéressant de modernisation et d'amélioration de la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse. M. Pascal Terrasse. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Notre pays aurait pu profiter d'une croissance mondiale exceptionnelle en 2004. La France, moins bon élève que ses partenaires, est à la traîne (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), et les chiffres de l'économie en sont le plus beau témoignage. Il ne sert à rien de laisser croire à nos concitoyens que tout va bien dans le meilleur des mondes,... M. Guy Teissier. Tartuffe ! M. Pascal Terrasse. ...alors que le chômage augmente, que les prélèvements obligatoires atteignent des sommets jamais atteints, que les déficits publics atteignent des pics que la France n'a jamais connus,... M. Michel Herbillon. Les vôtres ! M. Pascal Terrasse. ...que les salaires et les pensions de retraite stagnent, dans le meilleur des cas, c'est-à-dire lorsqu'il ne s'agit pas en réalité d'une baisse du niveau de vie des Français. Non, monsieur le Premier ministre, la France ne va pas bien, en dépit de vos campagnes de communication qui, en réalité, n'intéressent que peu de monde. Plus grave encore, comment peut-on laisser croire que la reprise économique serait au rendez-vous alors qu'une véritable hécatombe frappe le monde de l'économie et de l'emploi ? Jamais depuis ces quinze dernières années le nombre de défaillances d'entreprises n'a enregistré une aussi forte progression. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Après une hausse de 14 % en 2003, il a encore augmenté très fortement en 2004, et 48 664 entreprises ont dû fermer. Les conséquences sur l'emploi sont bien connues : 200 000 emplois détruits, autant de chômeurs en plus, ce qui pèse très lourdement sur les comptes sociaux et notamment ceux de l'UNEDIC. C'est la conséquence d'une politique à courte vue, bercée d'illusions, dont les Français mesurent malheureusement jour après jour le caractère désastreux. M. Yves Nicolin. Baratin ! M. Pascal Terrasse. Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous prendre enfin en compte la situation de l'emploi dans notre pays ? Quand allez-vous répondre à toutes ces entreprises défaillantes qui ne sont que le fruit de la politique que vous conduisez depuis près de trois ans maintenant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. Michel Herbillon. Caricature ! M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. M. Hervé Gaymard, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous aimons toujours, monsieur Terrasse, votre sens de la nuance. Je voudrais tout de même vous rappeler quelques chiffres. Vous avez parlé du déficit budgétaire. En 1980, il était de quelques milliards de francs. En 1986, nous l'avons retrouvé à 160 milliards de francs. (« Hou ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) M. Bernard Roman. Et en 1840 ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Et l'endettement invraisemblable que notre pays connaît aujourd'hui est lié en très grande partie à votre mauvaise gestion (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), notamment pendant les très fortes périodes de croissance économique que vous avez connues à la fin des années 80 et à la fin des années 90 avec M. Jospin. Alors, je vous en prie, pas de leçons ! Vous avez parlé des défaillances d'entreprises. Sous M. Jospin, elles étaient en moyenne de 50 000 par an. Depuis 2002, elles sont en moyenne de 40 000. Mais il faut surtout parler des créations d'entreprises : il y en a eu 200 000 en 2003 et 220 000 en 2004. C'est grâce à notre politique, à la loi Dutreil, que prolonge l'action de Christian Jacob, c'est lié au statut de la jeune entreprise innovante et aux investisseurs providentiels. M. Henri Emmanuelli. Et les trois millions de chômeurs ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Aujourd'hui, après avoir stimulé la création des entreprises, notre souci est de permettre leur développement et de leur donner tous les moyens de financement. Nous avons rapproché l'Agence de l'innovation de la Banque des petites et moyennes entreprises, et, sous l'autorité du Premier ministre, avec Christian Jacob, nous préparons une grande loi pour le développement des entreprises et la création d'emplois. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) L'économie française, monsieur Terrasse, recommence à créer des emplois et toute notre énergie est dédiée à ce but : cessez donc de jouer au porteur de mauvaises nouvelles ! Notre pays est dynamique, il a des réserves de croissance et nous allons prendre les mesures nécessaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) CONTINUITÉ DU SERVICE PUBLIC DE TRANSPORT M. le président. La parole est à M. Alain Gest. M. Alain Gest. Monsieur le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, mardi dernier, une contrôleuse du TER Toulouse-Cahors a été victime d'une inadmissible agression sexuelle. Cette jeune femme se trouvait seule dans une rame de train lorsqu'elle a été violentée. L'agresseur a immédiatement été interpellé par la police. Déjà connu de ses services, on peut espérer qu'il fera l'objet d'une condamnation exemplaire. Néanmoins, la première question que l'on est en droit de vous poser, c'est de savoir ce que la SNCF envisage pour éviter que des faits aussi insupportables ne se reproduisent. Si l'on peut aisément comprendre la colère suscitée par cet acte méprisable, une autre question se pose. De tels faits, que nous condamnons tous avec la plus grande vigueur, justifient-ils pour autant le déclenchement de grèves sauvages (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste) qui, dans plusieurs régions, ont perturbé durant trois jours la circulation des trains ? (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Si l'auteur de l'acte doit être sanctionné sans faiblesse, fallait-il également punir des millions d'usagers en les contraignants à des heures d'attente pour se rendre sur leur lieu de travail ? Cette situation a exaspéré de nombreux Français et des collectifs d'abonnés mécontents se sont créés dans tous le pays ; vous n'avez sûrement pas été insensible à celui qui, en Picardie, a fait remarquer qu'il était devenu difficile d'aller à Paris pour exercer son activité professionnelle. Plusieurs députés du groupe des M. Alain Gest. Le groupe UMP, comme vous, monsieur le ministre, préfère, chaque fois que cela est possible, le dialogue et l'accord contractuel à l'aspect contraignant de la loi. C'est pourquoi il suit avec intérêt la concertation que vous avez engagée, destinée à donner satisfaction - d'après un récent sondage - aux 65 % de Françaises et de Français qui souhaitent que la grève soit compatible avec un fonctionnement acceptable des transports publics. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pouvez-vous rassurer ces millions d'usagers sur l'issue des négociations afin que les perturbations répétées qu'ils subissent soient à l'avenir évitées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. Maxime Gremetz. Scandaleux ! M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, si l'on peut comprendre l'émotion soulevée chez les cheminots, mais aussi en dehors, par cette odieuse agression dont a été victime un agent de la SNCF, on ne peut admettre que cette émotion et cette solidarité s'expriment au détriment du service public sur une aussi longue période. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) C'est pourquoi le président de la SNCF a clairement déclaré que les jours de grève ne seraient pas payés. Quand on est à son poste, on est payé ; quand on n'y est pas, on n'est pas payé, et ce principe ne souffre aucune exception. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- « Scandaleux ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Quant à la sécurité dans les trains, elle s'améliore. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) L'année 2004 a encore vu 487 agressions de niveaux très différents, mais cette insécurité a baissé de 7 % en deux ans. Il est vrai que les recrutements ont été nombreux depuis sept ou huit ans (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), dont 800 recrutements de contrôleurs, mais aussi des recrutements en surveillance générale. On a pourvu les cheminots et les contrôleurs de téléphones portables et des vidéosurveillances ont été installées dans les gares. Pour l'année 2005, nous allons doubler le recrutement des contrôleurs - de 50 à 100 - et le rythme des formations. Pour l'avenir, la SNCF a fait le choix de la concertation. L'accord du 28 octobre 2004, historique, va permettre de prévenir les conflits. À titre d'exemple, sur 164 demandes de concertation, il n'y a eu que vingt-cinq mouvements de grève. Auparavant, il y en aurait probablement eu 164. Nous sommes sur la bonne voie grâce à la concertation. Nous consacrons le premier semestre 2005 à mettre en place un véritable service public continu dans les transports, même en temps de grève. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Jean-Claude Sandrier. C'est indécent ! RÉFORME DE L'ASSURANCE MALADIE M. le président. La parole est à M. Paul-Henri Cugnenc. M. Paul-Henri Cugnenc. Monsieur le ministre des solidarités, de la santé et de la famille, vous nous avez indiqué, fin janvier, que la Caisse nationale d'assurance maladie avait déjà reçu près de 600 000 formulaires individuels de déclaration d'un médecin traitant, alors que le nouveau dispositif vient à peine de se mettre en place. La réforme que vous avez lancée trouve sur le terrain les réponses que nous attendons. Les Françaises et les Français ont bien compris le sens de vos propositions pour une médecine efficace, mieux adaptée, plus juste. Il me semble d'ailleurs que seuls les esprits compliqués ne comprennent pas cette réforme simple. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. Maxime Gremetz. Ce qui revient à dire que la moitié des Français est bête ! M. Paul-Henri Cugnenc. Aujourd'hui, la caisse constate une forte accélération du rythme des retours. Près des trois quarts des médecins généralistes ont déjà signé des formulaires. Tous les assurés de plus de seize ans ont déjà reçu depuis le 1er janvier ou recevront, avant le 15 mars, un formulaire personnalisé destiné à choisir leur médecin traitant. Cette réforme traduit votre volonté affirmée d'assurer à chacun de nos concitoyens un suivi médical de qualité tout en offrant la possibilité, après un premier entretien avec le médecin traitant, de consulter si nécessaire un spécialiste. M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Cugnenc. M. Paul-Henri Cugnenc. Monsieur le ministre, dans cette perspective, pouvez-vous nous informer des derniers éléments dont vous disposez susceptibles de nous confirmer que cette réforme, nécessaire et attendue par nos concitoyens et par la grande majorité de toutes les professions de santé, est aujourd'hui parfaitement comprise ? Pouvez-vous nous indiquer les prochaines étapes de la mise en œuvre de cette réforme qui n'est d'ailleurs combattue que par des militants de l'opposition ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Monsieur le député, merci d'avoir parfaitement compris le sens de cette réforme. Nous avons en effet reçu plus de 600 000 formulaires, ce qui explique que les trois quarts des médecins généralistes nous renvoient déjà les formulaires de demande de médecins traitants. D'autre part, je rappelle que les trois quarts des syndicats représentatifs, et majoritaires, de généralistes et de spécialistes ont signé cette convention. Je souhaite apporter deux précisions, parce que tout et n'importe quoi a été dit à propos de cette réforme. D'une part, pour ceux qui consulteront le médecin traitant, il n'y a absolument aucune diminution dans le remboursement, qu'ils voient le médecin généraliste ou qu'ils voient le médecin spécialiste. M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas vrai ! M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. D'autre part, un patient souffrant d'une maladie donnée, par exemple une maladie cardiaque, et qui consulte régulièrement son cardiologue, n'aura pas à repasser par le généraliste pour revoir le spécialiste. C'est un mensonge de le faire croire ! Vous m'interrogez sur la prochaine étape. Il s'agit de la convention sur la permanence des soins. Aujourd'hui, le problème de la démographie est tel qu'il nous faut mettre en place, avant le 15 mars, un système garantissant à tous les territoires, en particulier ruraux, une permanence des soins assurée par des médecins libéraux en liaison avec les hôpitaux locaux. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé une rémunération de cette permanence des soins, surtout avant vingt-quatre heures, et que les hôpitaux locaux continuent à fonctionner en symbiose avec la médecine libérale. C'est la seule solution pour garantir une égalité de traitement en matière de santé publique à tous les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement. Suspension et reprise de la séance M. le président. La séance est suspendue. (La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. François Baroin.) PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN, vice-président M. le président. La séance est reprise.
RÉFORME DE L'ORGANISATION Suite de la discussion d'une proposition de loi M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de M. Patrick Ollier et plusieurs de ses collègues portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise (nos 2030, 2040). Motion de renvoi en commission M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement. La parole est à Mme Muguette Jacquaint. Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre délégué aux relations du travail, au moment d'examiner cette proposition de loi déposée par la majorité, je souhaite rappeler les propos de Victor Hugo que j'ai déjà eu l'occasion de citer dans cet hémicycle : « Le travail ne peut être une loi sans être un droit ». Force est de constater que, depuis votre arrivée en 2002, la loi comme le droit du travail ont été bien mis à mal et que le principe du droit à l'emploi affirmé par notre Constitution a été immanquablement fragilisé. Je ne ferai qu'un bref rappel de votre politique, qui nous conduit aujourd'hui à observer l'atonie de la croissance et l'envolée préoccupante du chômage ; qui atteint, au bas mot, le chiffre de 2,5 millions de chômeurs. Depuis 2002, ce gouvernement multiplie les attaques en règle contre le monde du travail. Vous avez commencé par la mise en cause des 35 heures, contre lesquelles vous amorcez cette nouvelle étape. Les premières mesures d'assouplissement devaient permettre de relancer l'emploi. Résultat : le chômage a augmenté. Vous avez supprimé les emplois jeunes. Vous avez taillé à la hache dans les budgets destinés à favoriser l'insertion et la formation des travailleurs les plus en difficulté, notamment des jeunes. Ces mesures d'économies budgétaires devaient permettre la création d'emplois dans le secteur marchand. Résultat : le chômage des jeunes a augmenté. Vous avez enchéri avec les contrats aidés, RMA, contrat initiative emploi, contrat d'avenir, contrat d'accompagnement, autant de contrats précaires, assortis d'aides généreuses pour l'employeur et incertains en termes de formation et de débouchés. En revanche, en l'espace d'un an, l'indice CAC 40 a progressé de 14 %, l'indice de l'industrie automobile de 31 %, celui des industries diversifiées de 35 % et celui du bâtiment et de la construction, a enregistré un gain de 26,6 %. Le niveau des exonérations de cotisations sociales patronales s'est, quant à lui, envolé pour atteindre plus de 20 milliards d'euros. Le carnet de commandes du Medef était cependant plus garni encore et vous avez continué à l'exécuter avec un zèle remarquable. Vous avez revu les règles de la négociation collective, avec l'objectif central de rendre supplétive la législation du travail en permettant aux accords de branche ou d'entreprise de déroger davantage aux lois qui protègent les salariés face à l'arbitraire patronal renforcé par les dernières dispositions relatives aux licenciements économiques votées avec la loi de cohésion sociale. Mais ce n'est pas tout ! Dans un élan sans précédent, vous bradez à la loi du marché tout le capital industriel, technologique et de recherche de la France : EDF, SNECMA, AREVA ou La Poste, pour ne citer que ces exemples. Bien sûr, toute cette politique n'est pas sans dégâts. C'est ainsi qu'on découvre qu'il y a besoin de cohésion sociale dans notre pays, que des gens souffrent de la précarité et de l'incertitude des lendemains. Ainsi, comme l'écrivait il y a quelques semaines dans un quotidien René Passet, professeur émérite d'économie, nous en arrivons à un triste constat. Votre politique qui privilégie l'allégement des prélèvements pour les plus riches, leur alourdissement pour les autres et l'allongement du temps de travail est lourde de conséquences économiques et sociales. Nous l'avons dit : la croissance promise se fait toujours attendre et le taux de chômage explose, pour atteindre près de 10 % de la population active. Mais ce n'est pas tout ! Notre pays compte 3,5 millions de pauvres - car on peut aujourd'hui travailler et faire partie des pauvres -, ce qui représente 6,1 % de la population. Ce chiffre, même s'il peut sembler relativement peu élevé par rapport aux États-Unis, est reparti à la hausse après avoir diminué de 500 000 entre 1998 et 2001, et la tendance longue à la réduction du taux de pauvreté s'est retournée. En 2002, le baromètre des inégalités et de la pauvreté enregistre un écart croissant entre les revenus extrêmes. Le nombre d'allocataires du RMI s'est accru de 10,5 % de juin 2002 à juin 2004 et celui des dossiers de surendettement a augmenté de 22 % du premier trimestre 2003 au premier trimestre 2004. Nous avons aussi notre million de travailleurs pauvres et, selon l'INSEE, 29 % de nos SDF travaillent en moyenne 32 heures par semaine ! Sur le terrain de ces performances, nous ne tarderons pas à rejoindre bientôt le modèle anglo-saxon. Dans ce contexte, votre action résolue contre le chômage et en faveur de l'emploi est de revenir sur les 35 heures pour, selon vous, « clore le débat ». Pour cela, vous négligez la concertation avec des organisations syndicales vigoureusement opposées, dans un front uni, aux mesures de cette proposition de loi. Ensuite, vous procédez à ces ajustements - mais sur quels fondements sérieux, à partir de quelles analyses et de quels diagnostics ? En réalité, vous ne vous fondez que sur les rapports du Medef et de son président. Il aurait été judicieux de prendre la mesure des effets des premiers assouplissements avant d'en adopter de nouveaux. Vous ne faites que reconduire des dispositifs qui ont échoué. Les quelques éléments dont nous disposons pour en juger sont éloquents. Sur la période de 1997 à la fin de 2001, ce sont environ 400 000 emplois qui ont été créés en raison de la réduction du temps du travail. Depuis les assouplissements mis en place par M. Fillon, nous constatons non seulement une reprise du chômage, mais aussi, de la fin septembre 2002 à la fin septembre 2004, une régression de 60 000 emplois dans le secteur marchand. Certes, les accords RTT ont été diversement appréciés dans certaines entreprises et certains secteurs d'activité : nous ne le cachons pas puisque nous l'avions mis en avant lors de l'élaboration de la loi Aubry II. Mais ce qui était mis en cause par les salariés était plutôt l'application de la réduction du temps de travail que son principe, auquel beaucoup de salariés restent attachés, comme le démontre le récent sondage selon lequel 77 % des salariés sont pour le maintien de leur temps de travail actuel, contre 18 % seulement qui veulent travailler plus. Encore y a-t-il malheureusement, dans ces 18 %, bon nombre de salariés - d'ailleurs le plus souvent des femmes - dont les salaires sont si bas et ont si peu évolué, et dont les emplois sont si précaires qu'il ne leur reste guère d'autre solution, pour gagner un peu plus, que de travailler plus, comme vous dites. On ne trouve donc pas grand monde, dans notre pays, qui souhaite réellement travailler plus : ce sont, je le répète, des ouvriers frappés par le chômage, les bas salaires et la précarité de l'emploi - c'est-à-dire les victimes du gel des salaires et de la dégradation des conditions de travail. En réalité, nos concitoyens veulent travailler moins, moins longtemps, pour pouvoir exercer pleinement leur responsabilité citoyenne, de plus en plus sollicitée, au sein de la vie associative ou politique, ou tout simplement pour avoir du temps pour eux-mêmes, leur famille et leurs loisirs. La première loi qui articulait réduction du temps de travail, création d'emplois et aides publiques a eu incontestablement des effets plus positifs que la deuxième, dite loi Aubry II, qui n'édicte pas les mêmes exigences. C'était d'ailleurs l'un de nos principaux griefs. On peut en conclure que le dispositif incitatif instauré par la première loi, pourvu que l'on veille à ce que la réduction de la durée du travail ne passe pas par une intensification du travail, est plus productif en termes de créations d'emplois. De ce point de vue, la deuxième loi a probablement cassé la dynamique suscitée par la première loi, en donnant le sentiment que l'exigence de création d'emplois était moindre et qu'on y serait moins attentif. La loi Fillon a encore accentué cette dérive, jusqu'à aller dans un sens manifestement contraire à l'emploi. Vous ne pouvez pas aller à rencontre d'une telle aspiration, qui est majoritairement partagée. Car même si la loi Aubry II n'a pas donné entière satisfaction, en raison de ses conditions d'application et de la déconnexion qu'elle autorise entre aides publiques et obligation de créations d'emplois, on ne peut pas non plus la balayer d'un revers de main en disant qu'elle est la cause de tous les maux. À ce propos, monsieur le ministre, je m'interroge : une fois que vous aurez totalement supprimé le dispositif des 35 heures, ce qui est quand même le but que vous vous êtes fixé, que vous restera-t-il à vous mettre sous la dent pour justifier que tout aille mal ? Mais la réduction du temps de travail n'est pas seulement pour nous un processus historique : pourvu qu'elle soit bien appliquée, elle constitue également un formidable levier pour l'emploi. Et cela s'est vérifié puisque, comme je l'ai dit, ce sont environ 350 000 emplois qui ont été créés directement et 50 000 sauvegardés dans le cadre de procédures de licenciement, en raison de la nature des accords, soit offensifs soit défensifs. Au cours de la période 1998-2000, la France a, pour la première fois, créé davantage d'emplois que ses voisins, ce qui signifie que la croissance y a été plus riche en créations d'emplois salariés. La réduction du temps de travail n'a pas altéré non plus la compétitivité du pays, en dépit des affirmations des partisans de la remise en cause des 35 heures. Ceux-là agitent en effet le spectre de l'inflation des coûts et de la perte de compétitivité. Pourtant, selon le Bureau of Labor Statistics américain, le coût en dollars de l'heure de travail de l'ouvrier français n'a augmenté que de 11,5 % de 1990 à 2003, contre 43 % pour l'ouvrier américain et 42 % pour l'ouvrier britannique. M. Maxime Gremetz et Mme Janine Jambu. Très juste ! Mme Muguette Jacquaint. Après avoir été, en 1990, le plus élevé après celui de son collègue allemand, il était devenu, en 2002, le moins élevé des grands pays industrialisés : 5 % de moins qu'au Royaume-Uni, 25 % de moins qu'aux États-Unis. « Malheureuses firmes françaises exsangues dont, en 2004, les profits nets auront augmenté au moins trois fois plus vite que les salaires et qui, entre 2000 et 2003, auront pu consacrer 56 milliards d'euros au rachat de leurs propres titres, pour le plus grand bien de leurs actionnaires » ironisait l'économiste René Passet. M. Maxime Gremetz. Très juste ! Mme Muguette Jacquaint. Comme l'a rappelé un article récent de La Tribune, entre 1999 et 2002, le taux de marge des entreprises non financières est passé de 32,9 % à 32,3 % de la valeur ajoutée brute, selon l'INSEE. Pendant ce temps, le poids des salaires est passé de 63,2 % à 64,2 % de cette valeur ajoutée. Il n'y a donc pas eu de captation significative des marges par les salaires. D'après les estimations de la direction du budget, les lois Aubry ont généré 28,2 milliards d'euros d'allégements de charges entre 1999 et 2003, qui sont allés pour l'essentiel dans les caisses des grandes entreprises : à 80 % dans le cas du bâtiment. Dans son rapport d'information en date du 27 mai 2004, notre collègue UMP du Gard Max Roustan reconnaît lui-même que la loi de réduction du temps de travail s'est accompagnée d'accords accroissant la productivité et de changements dans le mode de décompte du temps de travail : temps de pause, d'habillage, jours fériés. Mme Janine Jambu. Eh oui ! Mme Muguette Jacquaint. On peut également relever la conclusion d'une étude de l'INSEE, publiée en juin 2004, selon laquelle « le coût annuel moyen d'un salarié, en 2000, était de 37 941 euros en France, contre 45 664 euros en Allemagne, nouveaux Länder compris, soit un écart de 20,4 % ». M. Maxime Gremetz. Tout à a fait ! Mme Muguette Jacquaint. On peut citer d'autres chiffres : la productivité horaire du travail dans l'industrie manufacturière a progressé en France de 4,6 % entre 1995 et 2000, ce qui est légèrement mieux qu'aux États-Unis - 4,5 % - ou au Japon - 4,1 % - et près de deux fois plus qu'en Allemagne - 2,4 % - ou au Royaume-Uni - 2,3 % -, essentiellement grâce aux efforts des salariés, les investissements affichant une relative stagnation. M. Maxime Gremetz. Voilà ! Mme Muguette Jacquaint. Vous le voyez, le prétendu déclin de la France n'est pas lié aux 35 heures. Les experts sont également de cet avis. Je reprends là les propos tenus par leader de la CFDT lors de son audition par la mission d'information de notre assemblée le 7 janvier 2004. Ils notent que la hausse automatique du coût du salaire horaire en raison de la RTT a été totalement compensée : à hauteur de 1,4 % par les allégements de charges, de 1 % par la modération salariale et de 2,2 % par l'augmentation de la productivité. En conséquence, votre premier argument, selon lequel les 35 heures seraient responsables de la perte de compétitivité de nos entreprises, ne tient à l'évidence pas. Pour en faire oublier la faiblesse, vous nous opposez d'autres arguments, qui relèvent davantage de la fourberie que de la réalité. Cela était déjà le cas lors des premiers assouplissements. Ces mesures, comme celles dont nous débattons cette semaine, portent atteinte au droit du travail dans ses aspects les plus fondamentaux. Des garanties essentielles pour les salariés sont sacrifiées. En revanche, la quête du « toujours plus » en matière de flexibilité et d'allégements de charges de tous ordres est privilégiée, jusqu'à constituer la ligne directrice de votre action. J'en veux pour preuve votre discours présentant le dispositif d'harmonisation des SMIC comme un moyen d'augmenter substantiellement les salaires de l'ensemble des salariés payés au SMIC ; discours séduisant, mais faux ! Tout d'abord, vous ne cessez de dire qu'il faut qu'on puisse travailler plus pour gagner plus. Vous avez avant tout joué sur les divisions introduites entre les salariés payés au SMIC et les autres. Faute d'avoir permis d'augmenter de 11,4 % le taux horaire du SMIC comme le préconisaient les parlementaires communistes, la loi Aubry II est à l'origine de la construction d'un mécanisme complexe et inégalitaire de garantie mensuelle de rémunération qui a mis à mal l'unicité du SMIC. Je le dis d'autant plus facilement qu'à l'époque nous avions combattu cette décision et proposé d'autres solutions. Cette multiplicité des SMIC a servi de prétexte au Gouvernement pour porter un coup supplémentaire à la vocation d'ascenseur social du SMIC, qui doit, selon la loi de 1970, assurer « aux salariés dont les rémunérations sont les plus faibles la garantie de leur pouvoir d'achat et une participation au développement économique de la nation ». Seuls ceux qui sont restés à 39 heures ont connu cette augmentation sur trois ans. En contrepartie - puisque dans ce cas il y en a une -, « pour ne pas asphyxier les entreprises et tuer l'emploi », comme le dit le MEDEF, l'indexation du SMIC sur les gains de pouvoir d'achat des salaires a été supprimée ! Les syndicats, dans leur grande majorité, ont déploré la méthode choisie, considérant ce décrochage comme inadmissible et pervers. Comment accepter en effet de voir un système transitoire perdurer et dynamiter le SMIC, conformément aux souhaits du MEDEF d'annualiser et de ne plus garantir, d'une année sur l'autre, le montant de celui-ci. Je n'oublie pas non plus le recul social que constitue le nouveau régime indemnitaire des heures supplémentaires, que vous maintenez avec cette proposition de loi et qui est loin d'être sans conséquences pour la volonté légitime des salariés de gagner plus. Vous avez proposé une majoration de 10 % de ces heures, qui vise en réalité à faciliter le recours à ce système et donc immanquablement à allonger la durée du travail. En fait, 10 % de majoration représente pour ces heures 1 % d'augmentation du salaire mensuel des salariés. On est vraiment loin du compte et des promesses faites la main sur le cœur par le chef de l'État, surtout si on rapporte cela à la réforme du SMIC que je viens d'évoquer. M. Maxime Gremetz. Tout à fait ! Mme Muguette Jacquaint. La modification du régime juridique des astreintes s'inscrit dans le même mouvement de régression sociale. Sans concertation avec les intéressés, vous vous étiez offert ce luxe pour nous inadmissible. Dans un arrêt du 10 juillet 2002, la Cour de cassation a donné une définition équilibrée de la notion d'astreinte. Dans un attendu de principe, elle précise en effet que « les périodes d'astreinte, si elles ne constituent pas un temps de travail effectif durant les périodes où le salarié n'est pas tenu d'intervenir au service de l'employeur, ne peuvent être considérées comme un temps de repos, lequel suppose que le salarié soit totalement dispensé directement ou indirectement, sauf cas exceptionnels, d'accomplir pour son employeur une prestation de travail même si elle n'est qu'éventuelle ou occasionnelle ; qu'il en résulte qu'un salarié ne bénéficie pas de son repos hebdomadaire lorsqu'il est d'astreinte ». L'article 3 de la loi du 17 janvier 2003 dite « d'assouplissement des 35 heures » est venu heurter brutalement cet équilibre en prévoyant qu'à l'exception des durées d'intervention, la période d'astreinte est prise en compte pour le calcul des périodes minimales de repos quotidien et de repos hebdomadaire. Ainsi, une astreinte ou il n'y a pas eu d'intervention peut être décomptée du temps de repos. Or la mobilisation du salarié ne permet pas cette vision de l'astreinte : il n'est pas en repos car il est mobilisable et en alerte - c'est comme ça que je conçois l'astreinte. C'est pourquoi nous proposerons de revenir sur cette question. Sur ce point comme à propos de la RTT, vous avez joué du mécontentement légitime de nombreux salariés qui ont subi, à la suite du passage aux 35 heures, un gel de leur salaire. M. Hervé Novelli. Exact ! Il y a eu un gel des salaires ! Mme Muguette Jacquaint. Et les arguments d'hier sont les mêmes qu'aujourd'hui, preuve que vos orientations ne sont pas les bonnes. Sinon, pourquoi viser les mêmes objectifs que ceux que la loi Fillon est censée avoir déjà atteints ? S'agissant de la durée légale, vous ne vous privez pas de répéter à l'envi que vous n'y touchez pas. On peut a priori se féliciter de cette affirmation. Mais elle n'autorise aucune tranquillité : le seul effet de la durée légale est en effet de déterminer le seuil au-delà duquel les heures travaillées sont décomptées et payées en heures supplémentaires. Modifier le régime des heures supplémentaires revient donc à modifier la portée de la durée légale, sans paraître officiellement toucher à celle-ci. M. Maxime Gremetz. Très juste ! Belle démonstration ! Mme Muguette Jacquaint. C'est déjà ce que tentait de faire la loi Fillon de janvier 2003 en autorisant, par accord de branche, des dérogations au régime des heures supplémentaires pour ne rémunérer celles-ci que 10 % de plus que le taux normal, au lieu de 25 % dans le régime légal, et pour étendre le contingent jusqu'à 180 heures par an, au lieu de 130 heures dans la loi Aubry. Objectif du gouvernement : obtenir un retour à 39 ou 40 heures pour un coût très faible, sachant que les salariés ont déjà payé la réduction du temps de travail sous forme de modération salariale ou de flexibilité. Sans compter que personne n'est prêt à abandonner tout ou partie des 17 milliards d'euros d'aides publiques, ni à oublier le gel des salaires obtenu depuis trois ans : « II est très difficile de revenir sur la loi car les salariés eux-mêmes ont financé une partie du passage aux 35 heures par la modération salariale » reconnaissait, il y a peu, le président de l'Union des industries textiles, M. Guillaume Sarkozy. M. Maxime Gremetz. Eh oui ! Il a des moments de lucidité ! Mme Muguette Jacquaint. Il s'agit, en somme, de faire travailler plus en gagnant moins. C'est bien le sens de votre proposition de loi, qu'une organisation syndicale a très bien résumée : « Les cadeaux de Jean-Pierre Raffarin au Medef ». (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce n'est pas nous qui le disons, mais ce syndicat, qui a fait la liste des cadeaux : « Négociation au niveau des entreprises = cadeau pour le Medef ; plafond d'heures supplémentaires explosé à 220 heures, soit 40 heures de travail par semaine = cadeau pour le Medef, heures supplémentaires rémunérées à 10 % pour les petites entreprises = cadeau pour le Medef. « Les cadeaux pour les salariés : pouvoir travailler 40 heures par semaine pour gagner un salaire décent. « Les cadeaux pour les demandeurs d'emploi : continuer à chercher désespérément un emploi et à alimenter la fracture sociale. » Voilà, pour résumer, l'analyse de la CFTC. Vous proposez de modifier trois aspects de la législation sur le temps de travail : le compte épargne temps, le recours aux heures supplémentaires, la prorogation des dérogations pour les petites entreprises. S'agissant du compte épargne temps, les modifications apportées sont de plusieurs ordres. Tout d'abord, vous infléchissez la durée d'ancienneté pour bénéficier d'un CET et la durée de validité d'un CET - au terme de laquelle le bénéfice acquis doit être utilisé - en les fixant respectivement à deux et à cinq ans. Les lois Aubry avaient fixé des limites de temps pour restreindre le cumul indéfini nuisant à l'application de la RTT et pour limiter l'effet de financiarisation : vous faites sauter ces verrous. L'autre modification majeure est la monétarisation du compte épargne temps, c'est-à-dire le paiement au salarié, dans une certaine limite, des droits acquis, toujours selon l'affirmation qu'il faut travailler plus pour gagner plus. Or le paiement se fera sur la base d'une heure banalisée. Ainsi, des repos acquis au titre des heures supplémentaires - donc majorables et compensées - seront reversés au salarié comme des heures normales, banalisées. Il y a encore là un moyen de priver le salarié d'une partie de son salaire. C'est purement et simplement une escroquerie, organisée et vendue sous des aspects vertueux. M. Hervé Novelli. Pas d'outrances ! Mme Muguette Jacquaint. Cette monétarisation pourra également se faire sous forme de différents plans d'épargne-entreprise, accompagnés d'incitations fiscales fortes qui vont alimenter les marchés financiers et les capitaux des entreprises, avec malheureusement les conséquences que l'on sait pour les salariés, lesquels voient leurs placements joués en Bourse au gré des actionnaires. Concernant le recours aux heures supplémentaires, qui est le deuxième aspect de votre proposition de loi, je rappelle que si la rémunération des heures supplémentaires ne change pas légalement pour les entreprises de plus de vingt salariés, il y a une baisse possible de la majoration à 10 % en vertu d'un accord collectif dérogatoire. En revanche, pour les entreprises de moins de vingt salariés, le régime dérogatoire applicable jusqu'au 31 décembre 2005 est prorogé jusqu'au 31 décembre 2008, pour leur laisser un délai supplémentaire d'adaptation ; à quoi bon maintenant ? Cela pose deux problèmes : tout d'abord, on maintient entre les salariés l'inégalité de rémunération des heures supplémentaires selon la taille de l'entreprise ; de plus, on proroge une disposition qui devait permettre aux PME de préparer leur adaptation à la réduction du temps de travail, bien que cette période de passage puisse être détournée. Pourquoi donc maintenir ce régime dérogatoire ? Par ailleurs, une nouveauté dans votre texte apparaît : la notion de temps choisi. Vous savez que je suis à plusieurs reprises intervenue dans cette assemblée pour dénoncer à l'époque - et c'est toujours d'actualité - le temps partiel. Mais on me rétorquait que c'était du temps choisi. Or, aujourd'hui, tout le monde reconnaît que 80 % du temps partiel est du temps imposé. M. Jean Le Garrec. Tout à fait ! C'est du temps subi ! Mme Muguette Jacquaint. Alors, entendre parler de temps choisi me ferait rigoler si ce n'était pas aussi grave. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Maxime Gremetz. C'est de l'hypocrisie ! Mme Muguette Jacquaint. Le Gouvernement a d'abord relevé le contingent d'heures supplémentaires à 220 heures. Un contingent de 180 heures permettait d'exécuter en moyenne 39 heures par semaine ; le passage à 220 heures ouvre la perspective des 40 heures hebdomadaires, nous l'avons déjà dit. C'est un double recul : on ne revient pas seulement sur les 35 heures, mais aussi sur les 39 heures de 1982 ! Mon collègue et ami Alain Bocquet l'a rappelé tout à l'heure. M. Maxime Gremetz. Tout à fait ! Mme Muguette Jacquaint. Dans ce contexte, le Gouvernement apporte aussi une nouvelle dimension : celle du temps choisi ; toujours pour permettre, selon vous, de « gagner plus en travaillant plus ». Ainsi, par accord de branche ou d'entreprise, le salarié aura la possibilité d'effectuer des heures supplémentaires au-delà du contingent conventionnel, rémunérées au minimum comme les heures supplémentaires du contingent. La limite maximale de travail hebdomadaire deviendrait ainsi celle qui est déterminée au niveau européen, soit 48 heures.... Le salarié aurait ainsi, comme vous le dites, le « choix de travailler plus pour gagner plus » ! C'est oublier que seul l'employeur peut décider de l'utilisation des heures supplémentaires, qu'il faudra d'abord effectuer, compte tenu des contingents conventionnels ou réglementaires, avant de songer à utiliser son droit au temps choisi. Il ne faut pas oublier qu'en période de fort chômage, en fonction du rapport de force et du droit, un salarié ne peut pas refuser d'exécuter des heures supplémentaires. Il n'est pas en position de définir son temps de travail, il ne le choisit pas. Beaucoup de salariés me font part que, dans leur entreprise, s'ils ont des difficultés à accomplir des heures supplémentaires ou à les faire comme l'employeur l'a choisi, on leur dit que s'ils ne sont pas contents, avec 2,5 millions de chômeurs, ils peuvent toujours aller voir ailleurs. Est-ce cela le choix du salarié ? C'est davantage une porte ouverte vers l'anticipation de la révision d'une directive européenne sur le temps de travail, qui aboutira à ce que la durée hebdomadaire du travail puisse atteindre 61 heures par semaine. Aujourd'hui, la réglementation européenne fixe 48 heures maximum par semaine sur quatre mois. Le projet européen est de fixer cette durée maximale à 48 heures sur douze mois ! L'accord sur le temps choisi inventé par le gouvernement français rappelle le système de l'opting out, autorisé par la directive européenne de 1993 sur le temps de travail. Cette disposition permet à l'employeur de décider, de concert avec un salarié, que celui-ci pourra dépasser la durée maximale de 48 heures hebdomadaires. C'est une possibilité massivement utilisée en Grande-Bretagne, à tel point que la Commission a jugé nécessaire de réviser sa législation sur le temps de travail pour limiter les abus. Mais elle est allée bien au-delà de cet objectif puisque la directive en cours de révision réduit considérablement la protection offerte aux salariés. Le projet de directive révisée limite bien l'opting out en le conditionnant, quand la loi nationale le permet, par la signature d'une convention collective ou d'un accord. Mais, dans les autres cas, l'opting out continue d'être possible par consentement individuel du salarié. Et dans tous les cas, le salarié ne pourra travailler plus de 61 heures par semaine, sauf si une convention collective ou un accord l'autorise. Pour mémoire, la durée maximale absolue en France ne peut être portée à 60 heures - contre 48 heures habituellement - que par dérogation administrative, pour un motif exceptionnel. Ce n'est pas tout. La période de référence pour le calcul de la durée maximale est modifiée : la période « standard » demeure de quatre mois, mais on voit mal pourquoi les employeurs s'y tiendraient, puisque les États membres peuvent porter cette période à un an, sans aucune contrepartie, et sous réserve seulement de la consultation des partenaires sociaux et de l'encouragement au dialogue social. Enfin, le projet de directive retient une définition très large du temps de travail. Il distingue le « temps de garde », qui correspond à la période d'astreinte, de la « période inactive du temps de garde », pendant laquelle le salarié n'est pas appelé à exercer ses fonctions. Seule la « période active » est considérée comme du temps de travail. Cette disposition révèle le motif principal de la révision de la directive de 1993, qui est un motif conjoncturel et budgétaire. Dans plusieurs arrêts, la Cour de justice des Communautés européennes avait élaboré une jurisprudence protectrice, en définissant comme du temps de travail l'intégralité du temps de garde des médecins dans les hôpitaux. La mesure obligeait donc ces hôpitaux à embaucher, ce qui grevait les finances publiques. Toutefois, en attendant l'entrée en vigueur de la directive révisée, la Cour de justice persévère : elle a jugé, dans un arrêt du 5 octobre 2004 concernant la durée du travail des secouristes, que « les périodes de permanence doivent être intégralement prises en compte » comme du temps de travail. Et elle a rappelé que « la limite maximale de 48 heures [...] constitue une règle du droit social communautaire, revêtant une importance particulière dont doit bénéficier chaque travailleur, en tant que prescription minimale destinée à assurer la protection de sa sécurité et de sa santé ». Ce rappel s'impose en effet. En l'état, la directive révisée contredit ses propres objectifs qui sont l'amélioration de la santé et de la sécurité au travail, ainsi que la compatibilité entre vie professionnelle et familiale. À l'évidence, votre majorité anticipe déjà la révision de cette directive ! Enfin, concernant les PME, qui font l'objet de l'article 3, vous prorogez les dispositions déjà prises par François Fillon. Vous pérennisez les inégalités entre les salariés et entre les entreprises en confirmant l'existence de deux catégories de salariés et d'entreprises : d'un côté, les grandes entreprises passées aux 35 heures - il leur sera difficile de revenir en arrière même si, avec votre texte, ce n'est pas impossible -, de l'autre, les entreprises qui resteront à 39 heures, car elles n'auront plus aucun intérêt financier à réduire leur temps de travail ; d'un côté, des salariés, - un peu plus de huit millions - à 35 heures, de l'autre, des salariés - un peu moins de huit millions - à 39 heures ! La distorsion de situation entre salariés d'entreprises différentes s'accentuera, notamment entre petites et grandes entreprises, mais aussi, dans une même catégorie d'entreprises, entre celles qui ont joué le jeu des 35 heures et réellement réduit le temps de travail et celles qui ont traîné les pieds. Prétendrez-vous, après cela, être plus soucieux que nous du monde de l'entreprise ? En réalité, vous créez les conditions d'un libéralisme à la concurrence sauvage ! Naturellement, nous ne sommes pas pour le statu quo. Nous ne souhaitons pas un retour à la loi Aubry II ex abrupto. Nous souhaitons poursuivre le mouvement historique de la réduction du temps de travail, qui répond à l'aspiration des salariés à disposer de plus de temps libre, hors du temps contraint par le contrat de travail. Et, pour les travailleurs exposés à des travaux pénibles - ouvriers, employés de la grande distribution, personnels des hôpitaux - elle est le moyen de limiter la fatigue, le stress et l'usure physique prématurée. On sait bien, par exemple, que si les travailleurs de plus de cinquante ans ont toujours du mal à trouver un emploi, c'est que les employeurs savent bien que, compte tenu de leurs conditions de travail, ils sont souvent usés avant l'âge. La réduction du temps de travail est aussi un moyen efficace de faire reculer le chômage de masse. C'est bien pourquoi, d'ailleurs, elle sera toujours combattue par le patronat. Si quatre à cinq millions de salariés ont bénéficié de la réduction du temps de travail attendue de quatre heures, les autres n'ont obtenu qu'une réduction limitée d'une ou deux heures, du fait de la récupération des pauses et de congés. Certains n'ont rien obtenu du tout, en particulier dans les PME. En majorité, les travailleurs sont satisfaits de l'amélioration, grâce à une réelle RTT, de leurs conditions de vie. Il en va tout autrement pour les conditions de travail puisque la moitié des salariés ayant bénéficié d'une réduction du temps de travail se plaignent de leur aggravation, consécutive à une intensité accrue du travail, due elle-même à l'insuffisance ou à l'absence d'embauches, et à la flexibilité des horaires. M. Hervé Novelli. Tout à fait ! Quel réquisitoire ! Mme Muguette Jacquaint. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons en rester aux dernières lois sur la réduction du temps de travail, celle de 1998 et celle de 2000. Les raisons qui fondent depuis des décennies la revendication de la réduction du temps de travail restent pleinement d'actualité. Les travailleurs aspirent toujours à plus de temps libre pour organiser leur vie personnelle, pour s'occuper de leur famille, pour jouir de leurs loisirs, pour se cultiver, pour voyager, ou encore pour se consacrer à des activités sociales. Sensibles aux campagnes menées contre la RTT, parfois déçus par les lois Aubry, ou trompés par les promesses de salaires plus élevés, des salariés peuvent exprimer le contraire à l'occasion d'enquêtes d'opinion. Mais aucun ne voudrait, en réalité, travailler plus pour le même salaire, et presque tous souhaitent travailler moins si le salaire est maintenu et progresse et si la RTT est mise en œuvre sans aggravation des conditions de travail. La richesse de notre pays, le volume des profits et leur part dans la valeur ajoutée, les dépenses d'indemnisation du chômage autorisent, sans mettre en difficulté notre économie, une réduction importante du temps de travail, avec maintien des salaires et embauches correspondantes. Mieux, la demande intérieure augmentée grâce à de nouveaux revenus salariaux aurait un effet bénéfique pour les carnets de commandes et donc pour l'emploi. Tout nous pousse donc à proposer une nouvelle étape de la réduction du temps de travail. D'autant que, si l'on ajoute aux salariés qui travaillent bien plus que la durée légale ceux qui travaillent entre 35 et 39 heures, ceux qui sont contraints au temps partiel, les précaires qui ne travaillent qu'une partie de l'année et les chômeurs complets qui ne travaillent pas du tout, la moyenne du temps de travail s'établit à moins de 30 heures par semaine. Par conséquent, fixer à un terme rapproché, comme le demandaient certaines organisations syndicales et certains partis politiques autres que le nôtre, la durée légale à 32 heures avec maintien des salaires, n'affaiblirait nullement les capacités productives de notre pays. À la condition, inséparable de la mise en œuvre de la RTT, de l'entrée massive en formation des travailleurs sans emploi ou en sous-emploi, notamment des millions de jeunes sans qualification ou insuffisamment qualifiés : la formation doit nécessairement accompagner le processus de réduction du temps de travail afin que les personnes sans emploi puissent pourvoir les emplois libérés. Une nouvelle législation sur le temps de travail devrait l'organiser, avec l'objectif d'améliorer les conditions de vie et de travail. Il faut pour cela revoir les dispositions des lois antérieures, dont certaines ont permis au contraire au patronat d'aggraver la situation des salariés. La plupart de nos propositions en ce sens ont déjà été formulées, sous forme d'amendements, par les députés communistes, à l'occasion des débats parlementaires relatifs aux lois Aubry et Fillon. Nous préconisons donc de fixer la durée légale à 35 heures, et même dans certains cas à 32 heures, et de modifier les chapitres des lois précédentes qui permettent au patronat de tricher avec le temps de travail. Ainsi, extraire du temps de travail les temps de pause, d'habillage et de déplacement constitue un moyen privilégié pour tricher avec la RTT dans les entreprises. Pourtant, moments nécessaires à la production, ils sont du temps de travail. Il convient aussi d'abroger le forfait jours des ingénieurs et cadres. Cette invention conduit en effet ces catégories de salariés à rester enfermées dans des durées de travail très élevées. Le recrutement de cadres s'est donc fait au compte-gouttes. Dans ces conditions, l'octroi de jours de repos n'a pas empêché que 80 % des cadres se disent davantage stressés qu'auparavant. Les heures supplémentaires sont utilisées comme un moyen détourné pour augmenter la durée habituelle du temps de travail. Leur utilisation doit être limitée aux circonstances exceptionnelles, et elle requiert l'accord des salariés et de leurs représentants. Les heures supplémentaires servent aussi à aggraver la flexibilité quand elles font l'objet de récupération dans les périodes creuses de la production. Il faut revenir au paiement. Et puisque vous voulez que l'on puisse « travailler plus pour gagner plus », revenons à cet égard au moins à ce qui existait auparavant. Quant aux astreintes, elles donnent lieu à de nombreux abus. Elles doivent donc être limitées et encadrées. Nous pensons également qu'il faut, dans le même temps, lutter contre l'intensification du travail car elle est source de gâchis humains et économiques, avec son lot d'atteintes à la santé physique et mentale des travailleurs, d'absentéisme et de malfaçons. Pour l'empêcher, il faut généraliser l'obligation d'embauches compensatrices. Ce ne sera possible qu'en donnant aux travailleurs et à leurs organisations des pouvoirs nouveaux - de décision - dans la gestion des entreprises : ils ne doivent plus seulement être consultés. L'annualisation-modulation du temps de travail constitue un moyen d'intensification du travail, en même temps qu'elle bouscule les conditions de vie. Ce mode d'organisation est utilisé surtout pour produire en flux tendu, diminuer le salaire par unité de produit et supprimer des emplois. Le recours à des horaires modulés ne se justifie que dans les secteurs d'activité fortement saisonniers, comme le tourisme ou l'agriculture, avec des limites d'amplitude et des garanties d'emploi pour les travailleurs concernés. C'est le sens des propositions que nous défendrons encore lors du présent débat. Si nous souhaitons une application stricte de la réduction du temps travail dans les grandes structures et certaines adaptations pour les plus petites, il nous faut nourrir à nouveau le dialogue social et promouvoir l'aide publique ciblée. C'est le dernier point sur lequel je souhaite insister. La loi Fillon de janvier 2003 a supprimé le lien entre réduction du temps de travail et aide à l'employeur, point sur lequel nous avions bataillé pour le faire admettre. Nous considérons en effet que ce lien donne tout son sens à la réduction du temps de travail en tant que moteur de créations d'emplois, outil de lutte contre le chômage et pilier de consolidation de la croissance. En entérinant cette suppression, vous allez favoriser le ralentissement économique et ne pouvez espérer en rien une baisse sensible du chômage. C'est une arme terrible que vous avez accordée aux employeurs, qui leur permettra non plus d'assouplir, mais de mettre fin aux 35 heures et de favoriser le retour aux 39 heures. En outre, les allégements de cotisations, que nous avons dénoncés - en vain - à de multiples reprises en soulignant leur inefficacité sur l'emploi et en démontrant leurs conséquences néfastes sur les comptes sociaux, n'ayant plus aucune contrepartie, constituent un beau cadeau pour le patronat. Cette mesure leur a permis de gagner, pour des salariés gagnant environ 1 800 euros, soit 1,7 fois le SMIC, jusqu'à vingt-six points de cotisations ! Dans le même temps, les cotisations payées par les salariés ne sont pas diminuées et les revenus financiers des placements boursiers des entreprises ne sont toujours pas mis à contribution au titre de la solidarité nationale, comme nous le proposons. Pour conclure, qui donc attendait ce texte, si ce n'est le patronat et le Medef ? La remise en cause des 35 heures et l'abrogation des articles anti-licenciements de la loi de modernisation sociale sont autant de cadeaux sans contrepartie, qu'ils appelaient de leurs vœux. En revanche, vous n'entendez toujours pas les salariés qui demandent une revalorisation de leur pouvoir d'achat par l'augmentation des salaires ni les fonctionnaires, encore nombreux il y a deux semaines à dénoncer la perte de 5 % en cinq ans de leur pouvoir d'achat. Enfin, je souhaite appeler l'attention sur un point qui guide tous vos projets de loi depuis que vous êtes au pouvoir. Toutes ces dispositions s'inscrivent dans le cadre d'une philosophie de remise en cause de l'ordre public social, tel que précisé dans un avis du Conseil d'État en 1973. En renvoyant largement à la négociation, avec des rapports de forces inégaux et contestables, vous permettez au patronat de dévoyer toutes les mesures par lesquelles la loi donne - ou doit donner - des garanties minimales aux salariés. Alors que le Gouvernement et sa majorité prétendaient assouplir les lois Aubry et corriger leurs imperfections, c'est à une entreprise de destruction que vous vous êtes méthodiquement livrés, contre l'avis des syndicats de salariés. Les entreprises appliquant les 35 heures pourront, comme l'a dit M. le Premier ministre, revenir à 39 heures, avec un coût de 10 % seulement pour les quatre premières heures supplémentaires, c'est-à-dire rien. En tout cas, rien qui puisse encourager les salariés à effectuer ces heures supplémentaires. En clair, celles-ci, pas ou peu majorées seront imposées aux salariés. Il me semble que cela ne correspond pas à votre slogan : « Travailler plus pour gagner plus. » Ce texte, comme tous les autres adoptés depuis deux ans et demi, jouera contre l'emploi. Les dispositions que je viens d'énumérer ne peuvent manquer d'inciter les entreprises à recourir aux heures supplémentaires et à la flexibilité, donc à ne pas embaucher, au risque de créer plusieurs centaines de milliers de chômeurs supplémentaires. On vante fréquemment la politique sociale de nos voisins allemands. Une émission télévisée m'a permis récemment de constater la façon dont sont traités les chômeurs en Allemagne : on leur demande de travailler trente heures par semaine, pour un euro de l'heure. M. Hervé Novelli. C'est pourtant un gouvernement socialiste ! Mme Muguette Jacquaint. Comme d'habitude, la majorité conduit une politique qui va à contre-courant, non seulement des aspirations des salariés, mais aussi du mouvement historique de réduction du temps de travail, reflet de l'aspiration à plus de liberté personnelle et d'accomplissement de soi. C'est pour répondre à tous ces enjeux que je crois nécessaire de renvoyer ce texte en commission. Nous pourrions ainsi approfondir ces questions avant d'entamer le débat en séance publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.) M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. J'ai écouté avec attention les propos de Mme Jacquaint qui a exposé, avec la sincérité, l'honnêteté intellectuelle et le calme qui la caractérisent, la position du parti communiste. M. Gremetz l'avait déjà explicitée en commission dans un style différent. Aussi, bien que la motion défendue par Mme Jacquaint fût plus longue et mieux construite, n'en ai-je guère appris davantage. C'est pourquoi un renvoi en commission ne me semble pas justifié. Mes chers collègues, nous avons déjà beaucoup travaillé sur ce texte, dans le cadre de la mission d'information parlementaire présidée par Patrick Ollier et dont Hervé Novelli était le rapporteur, puis au sein de la commission des affaires culturelles, dans le cadre de l'examen de cette proposition de loi. Nous avions prévu quatre réunions de la commission pour examiner ce texte court qui ne comporte que quatre articles. M. Henri Emmanuelli. Cela suffit pour porter de mauvais coups ! M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur Emmanuelli, nous ne vous avons pas beaucoup vu en commission ! M. Henri Emmanuelli. Je n'en suis pas membre ! M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Cette logique vous est propre, monsieur Emmanuelli, mais M. Morin a assisté à cette réunion. M. Hervé Morin. Bien que je ne sois pas membre de cette commission ! M. Henri Emmanuelli. Que voulez-vous dire, monsieur Morin ? M. le président. Poursuivez, monsieur le président de la commission. M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Je vais expliquer aux membres des autres commissions ici présents, et en particulier à M. Emmanuelli, ce qui s'est passé. Nous n'avons tenu qu'une seule réunion car, après une intervention précise et structurée de M. Liebgott, les membres du groupe socialiste ont quitté la salle... M. Henri Emmanuelli. Ils ont bien fait ! M. Hervé Novelli. C'est une désertion ! M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. ...sans avoir défendu leurs amendements. Nous avons examiné une soixantaine d'amendements : une vingtaine émanant du rapporteur, une vingtaine du groupe communiste, et une dizaine de Mme Billard. La commission s'est également réunie au titre de l'article 88 pour examiner vingt amendements des députés Verts qui n'ont d'ailleurs pas été défendus, puis aujourd'hui même à quatorze heures trente, au titre de l'article 91, où 100 amendements, dont 96 émanant du groupe socialiste, lui étaient soumis. M. Gaëtan Gorce. Nous avons bien travaillé ! M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Or il n'y avait personne pour représenter le groupe socialiste. C'est dommage, car nous avons adopté deux amendements de M. le Garrec. J'ai le sentiment que l'essentiel du travail fait en commission l'a été grâce au groupe communiste dont la demande de renvoi en commission me semble donc pour le moins paradoxale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean Le Garrec, pour le groupe socialiste. M. Jean Le Garrec. Monsieur le président de la commission, je vais expliquer les motivations de mon intervention, qui risque de vous sembler paradoxale. En effet, nous n'avons pas participé aux travaux de la commission, pour protester contre la méthode d'élaboration de ce texte. Nous avons expliqué, et M. Liebgott l'a fait avec beaucoup de talent, les raisons de notre départ. Néanmoins, je soutiens la demande de renvoi en commission présentée avec talent par Mme Jacquaint (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et je vais expliquer pourquoi. M. Hervé Novelli. Quel paradoxe ! M. Patrick Ollier. C'est de l'équilibrisme ! M. Jean Le Garrec. Nous demandons d'avoir un débat en commission avec M. Borloo qui, ce matin, alors que nous ne l'avions pas encore entendu au cours de ce débat, a posé le problème sous un angle nouveau, qui diffère des explications, que je connais par cœur, de M. Morange, de M. Larcher ou encore de M. Novelli. M. Borloo a évoqué de vrais problèmes. M. Gaëtan Gorce. C'est bien la première fois ! M. Jean Le Garrec. Il nous a parlé de l'évolution capitalistique de notre société, de la pression permanente qui s'exerce sur nos entreprises pour qu'elles réalisent des bénéfices à plus de deux chiffres. Il nous a parlé des mutations technologiques qui se font par cycles de trois ans, ce qui transforme la nature de l'emploi. Je pourrais, évoquer le fameux concept de « création destructrice » de Schumpeter dont l'efficacité est mise à mal puisque, aujourd'hui, c'est la destruction qui l'emporte sur la création. Nous devons donc avoir un débat de fond sur ces questions. Il a ensuite parlé - et c'est important - du rôle de l'emploi dans les entreprises de services, et je pourrais, par exemple, rappeler ce que nous a dit plusieurs fois le président de la CAPEB : si on ne réduit pas le temps de travail dans les entreprises de main-d'œuvre et si on n'augmente pas les salaires, on ne trouvera plus de salariés français qui veuillent faire ce travail dans de telles conditions - réalité que vous connaissez tous. M. Hervé Morin. On aura des Turcs ! M. Jean Le Garrec. Voilà des débats de fond, voilà la réalité ! Engager vraiment le débat sur les 35 heures, c'est lier la vision des mutations économiques, celle des nécessités de la dynamique de l'entreprise et celle de la transformation du travail, y compris en termes d'heures. Et ce n'est pas, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ajoutant des heures à des heures... M. Philippe Rouault. Vous, vous les avez soustraites ! M. Jean Le Garrec. ...que vous réglerez ces problèmes. Vous êtes à contresens des évolutions actuelles. Vous ne voyez qu'une petite part de la réalité, qui vous est dictée, et vous ne vous situez pas par rapport à l'ensemble du problème, qui est mondial. M. Borloo a également rappelé la nécessité de la démocratie sociale. Or, pour les 35 heures, il y a eu 120 000 négociations dans les entreprises, et des milliers de syndicalistes se sont mobilisés. Bref, avec M. Borloo, nous avons entendu pour la première fois un discours de fond, sur lequel nous avons certainement des désaccords, mais qui posait au moins les problèmes réels. Car le risque, avec ce que vous faites, c'est non de travailler plus pour gagner plus, mais, pour reprendre l'heureuse expression de M. Vidalies, de faire des heures pour du beurre ! M. Jean-Pierre Soisson. C'est exactement ce que vous faites ! M. Jean Le Garrec. Si, par conséquent, la commission se réunit pour aborder ces problèmes de fond, en reprenant, pour les approfondir, les propos de M. Borloo, nous pourrons alors engager ce débat réellement, et non pas d'une manière caricaturale comme vous le faites. M. Philippe Rouault. La caricature, c'est vous ! M. Jean Le Garrec. C'est pourquoi je soutiens la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli, pour le groupe UMP. M. Hervé Novelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ferai quelques commentaires sur la demande de renvoi en commission présentée par Mme Jacquaint, après avoir, comme le président de la commission des affaires sociales, rendu hommage à sa constance, comme d'ailleurs à celle de M. Gremetz. Je ne peux évidemment souscrire à cette demande mais je relève dans le propos de Muguette Jacquaint, que j'ai écouté avec attention, quelques points sur lesquels nous sommes d'accord. Ainsi, quand elle dit qu'il y a eu une dégradation des conditions de travail à la suite de l'application de la loi Aubry II, elle a raison. Et elle a encore raison lorsqu'elle observe qu'il y a eu une stagnation salariale à la suite de cette même loi. Il est évidemment un peu contradictoire d'envisager, ayant dit cela, de passer aux 32 heures. Cela relève sans doute plus de la dialectique hégélienne que de l'observation des faits. M. Maxime Gremetz. Je vous expliquerai ! M. Hervé Novelli. Sur la forme, et bien que n'étant pas membre de la commission des affaires sociales - ce que je regrette parfois compte tenu de la qualité de son président et de ses membres - je crois pouvoir affirmer que le débat a bien eu lieu dans cette commission. Il fallait évidemment tout le talent de M. le Garrec pour demander le retour en commission après que le groupe socialiste eut quitté celle-ci pour ne pas examiner la proposition de loi ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Sans doute s'agit-il là encore de dialectique hégélienne, à moins - car je ne sais comment la qualifier - qu'elle ne soit pré- ou post-marxiste... M. Jean Le Garrec. J'apprécie assez la référence à la dialectique hégélienne ! M. Hervé Novelli. En tout cas, Muguette Jacquaint... M. Daniel Mach. Elle est partie ! M. Hervé Novelli. Mais Maxime Gremetz est là, qui écoute. ...a eu le mérite de présenter un certain nombre d'amendements que défendra dans quelques instants le groupe communiste. Il faut maintenant les examiner. Sur la forme, je ne peux donc souscrire à la demande de renvoi en commission. Sur le fond, Muguette Jacquaint a fait état de certaines injustices liées à l'application des 35 heures, et il est bien vrai qu'il y en a eu. Nous avons relevé combien les salariés du bas de l'échelle avaient été frappés par les lois Aubry qui, le plus souvent, se sont traduites par une stagnation des salaires ou par la suppression d'heures supplémentaires, bien utiles à ceux qui en bénéficiaient. Par ailleurs, la distinction qu'a faite Mme Jacquaint entre les grandes entreprises, qui auraient bénéficié des 35 heures, et les petites qui en ont pâti, est avérée : il ne faut pas en rajouter vis-à-vis des premières. La réduction du temps de travail, lorsqu'elle n'est pas justifiée par des gains de productivité, est dangereuse économiquement. Tout le monde sait en effet que la croissance économique d'un pays résulte de la combinaison de plusieurs facteurs :... M. Henri Emmanuelli. Bravo ! M. Hervé Novelli. ...la quantité de travail, la quantité de capital et l'innovation. Il n'est donc pas besoin d'être économiste pour voir qu'en diminuant de manière massive la durée du travail, on pèse sur l'une des composantes de la croissance. C'est pourquoi cette réduction du temps de travail est dangereuse sur le plan économique. M. Henri Emmanuelli. Faites donc travailler les chômeurs ! M. Hervé Novelli. Notre proposition de loi répond à trois besoins essentiels. En premier lieu, nous améliorerons le pouvoir d'achat de nombreux salariés de ce pays, mis en danger par la stagnation salariale édictée par la loi sur les 35 heures,... M. Gaëtan Gorce et Mme Danièle Hoffman-Rispal. Ce n'est pas vrai ! M. Hervé Novelli. ... cette « modération salariale » qui a fait qu'un tiers des salariés ont vu leur pouvoir d'achat stagner. M. Henri Emmanuelli. Parce qu'il augmente aujourd'hui ? C'est ridicule ! M. Hervé Novelli. Nous favoriserons la croissance du pouvoir d'achat en permettant, sous accord collectif, à ceux qui veulent travailler plus de gagner plus. M. Gaëtan Gorce. Encore un leurre ! M. Hervé Novelli. En second lieu, nous permettrons, là encore sur la base du volontariat (Rires sur les bancs du groupe socialiste),... Mme Danièle Hoffman-Rispal. Ce sera du volontariat d'office ! M. Hervé Novelli. ...et sous accord collectif, d'ouvrir des fenêtres de liberté aux travailleurs qui souhaiteront, au-delà du contingent d'heures supplémentaires, bénéficier d'un surcroît de travail qui leur rapportera un revenu supplémentaire. Enfin, certains, notamment sur les bancs de l'opposition, se gargarisent de ce que fut le dialogue social à l'époque des lois Aubry. Je leur rappelle que ce dialogue était obligatoire, qu'il avait lieu sous contrainte. Nous, nous faisons le pari que l'application de cette proposition de loi verra un renouveau du dialogue social. Pour toutes ces raisons, je vous demande, chers collègues du groupe UMP, de rejeter la demande de renvoi en commission. « (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains. M. Maxime Gremetz. Permettez-moi, après d'autres, une citation : « Le temps qui passe « Le temps qui ne passe pas « Le temps qu'on tue « Le temps de compter jusqu'à dix « Le temps qu'on n'a pas « Le temps qu'il fait « Le temps de s'ennuyer « Le temps de rêver « Le temps de l'agonie « Le temps qu'on perd « Le temps d'aimer « Le temps des cerises » M. Hervé Novelli. Prévert ? M. Maxime Gremetz. ... « Le mauvais temps « Et le bon et le beau « Et le froid et le temps chaud « Le temps de se retourner « Le temps des adieux « Le temps qu'il est bien temps « Le temps qui n'est même pas « Le temps de cligner de l'œil « Le temps relatif « Le temps de boire un coup « Le temps d'attendre « Le temps du bon bout » M. Hervé Morin. Le temps d'aller se coucher ! M. Maxime Gremetz. ... « Le temps de mourir « Le temps qui ne se mesure pas « Le temps de crier gare « Le temps mort « Et puis l'éternité. » Devinez, mes chers collègues, de qui sont ces vers. (« Prévert ! » sur plusieurs bancs.) Non. Vous avez tous faux ! Il s'agit de Philippe Soupault et de son poème Tant de temps. Comme quoi les plus intelligents et les plus cultivés ne sont pas toujours ceux que l'on croit ! Ce beau poème sur le temps et sur l'éternité me plaît beaucoup. Il me faut cependant aborder un domaine moins poétique, et traiter, après Mme Jacquaint qui a fait un exposé remarquable, d'un projet de loi... M. Patrick Ollier. D'une proposition de loi ! M. Maxime Gremetz. Effectivement, car le Gouvernement n'a pas voulu prendre ce texte à son compte et l'a très courageusement fait faire par l'UMP. M. Patrick Ollier. Nous n'avons pas besoin du Gouvernement pour présenter nos propositions ! M. Maxime Gremetz. Monsieur Ollier, vous n'avez pas la parole. Je vous ai écouté sans rien dire. Laissez-moi maintenant parler un peu ! M. Patrick Ollier. Vous ne manquez pas d'audace ! M. le président. Monsieur Gremetz, poursuivez, je vous prie, votre explication de vote. M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas parce que M. Ollier est assis au banc des commissions qu'il a le droit de parler, sauf à demander la parole. M. le président. Monsieur Gremetz, votre devoir à vous est de respecter les cinq minutes qui vous sont imparties. M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, si M. Ollier veut la parole, je la lui donne. M. le président. Non, monsieur Gremetz. C'est à moi de la lui donner. Et je vous demande de reprendre le fil de votre intervention. M. Maxime Gremetz. Voyez, monsieur Ollier, la grande liberté dont je jouis : je veux vous donner la parole mais je n'ai pas le droit d'en décider ! Cette proposition de loi - que l'on pourrait donc tout aussi bien appeler projet de loi car, si l'on en discute, c'est bien que le Gouvernement l'a acceptée - est très grave. C'est un recul social, et pas seulement par rapport aux 35 heures, c'est-à-dire par rapport à 1998. Certes on y trouve l'affirmation - grotesque - que les 35 heures sont maintenues. Mais si l'on tient compte de toutes les possibilités d'heures supplémentaires à 10 %, des astreintes qui ne sont plus prises en compte, de la remise en cause de la notion de durée effective du temps de travail, on constate que ce texte nous ramène aux 40 heures d'avant 1982. M. Jean Le Garrec. Eh oui ! M. Maxime Gremetz. Par ailleurs, on se trompe quand on parle de la loi sur les 35 heures : il y en a eu deux,... M. Hervé Novelli. Oui ! M. Maxime Gremetz. ...sur lesquelles je n'ai pas la même appréciation. La première - formidable ! - était claire et précise. C'est avec elle qu'il y a eu le plus d'accords dans les grandes entreprises, et aujourd'hui ni les salariés ni les entrepreneurs ne veulent les remettre en cause. Puis il y a eu la seconde loi, à la suite, ainsi que je l'ai dit à l'époque - le Journal officiel en fait foi -, de la pression du MEDEF, à laquelle on a cédé. M. Gaëtan Gorce. Vous l'avez votée, la seconde loi ! M. Maxime Gremetz. Il faut voir pourquoi. M. Jean-Claude Lenoir. Oui, pourquoi ? M. Hervé Novelli. Monsieur Gorce, vous êtes un provocateur ! M. Maxime Gremetz. Nous l'avons votée par solidarité gouvernementale. Vous, monsieur Gorce, vous l'avez voulue. Et puisque vous voulez aller sur ce terrain, laissez-moi vous rappeler que c'est vous qui avez commencé à mettre les heures supplémentaires à 10 % ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et aujourd'hui, la droite ne maintient que cela. M. le président. Monsieur Gremetz, je ne sais pas si ce dialogue avec le groupe socialiste est utile. Puis-je rappeler en outre : « Le temps de parole « Le temps de conclure » ? (Sourires.) M. Maxime Gremetz. Jusqu'au dernier moment, nous avons dit que nous ne voterions pas la seconde loi... M. Philippe Rouault. C'était une mauvaise loi ! M. Maxime Gremetz. ...parce qu'elle ne faisait plus référence de façon explicite aux 10 % de réduction du temps de travail, aux 6 % de créations d'emplois, avec aides financières correspondantes, dans le cadre d'un accord majoritaire et avec un comité de suivi. L'équilibre initial de la loi ayant été ainsi modifié, les patrons ont profité d'un rapport de forces favorable pour imposer aux salariés de mauvais accords. Voilà la réalité. Nous ne défendons donc pas la loi actuelle. Nous voulons même la modifier et nous ferons des propositions à travers nos amendements, mais pas pour la liquider, pour lui donner, au contraire, une véritable efficacité et aller de l'avant. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous n'arrêterez pas la roue de l'histoire : la réduction du temps de travail constitue un progrès de civilisation. C'est pourquoi, nous inspirant de ce magnifique poème de Philippe Soupault... M. le président. Non, monsieur Gremetz, il faut conclure. M. Maxime Gremetz. ...nous considérons qu'il faut donner du temps au temps et retourner en commission pour examiner toutes les propositions et apporter les améliorations nécessaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. le président. La parole est à M. Hervé Morin. M. Hervé Morin. Je voudrais d'abord rappeler à Maxime Gremetz qu'il a voté la loi Aubry II avec enthousiasme, voyant en elle un grand progrès. M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas vrai ! M. Daniel Mach. Honteux ! M. Hervé Morin. Je lui rappelle également, parce qu'il semble l'avoir oublié, que le groupe socialiste a voté la loi autorisant le travail de nuit des femmes. (« C'est scandaleux ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Maxime Gremetz. Je sais. Mais, moi, j'ai voté contre ! M. Hervé Morin. Comme le groupe RPR, d'ailleurs. M. Maxime Gremetz. Je crois que vous, vous l'aviez votée en revanche. M. Hervé Morin. Non, le groupe UDF de l'époque, qui comprenait certains de mes collègues ici présents, ne l'a pas votée. M. Gaëtan Gorce. Il fallait se mettre en conformité avec une directive européenne ! M. Hervé Morin. Bien entendu, le groupe UDF votera contre la motion de renvoi en commission. Si la réduction du temps de travail est un phénomène historique, lié à l'accroissement de la productivité du travail, si elle est, en soi, une bonne chose, encore faut-il que l'économie française soit en mesure de la supporter. Il existe une contradiction absolue à vouloir réduire le temps de travail et à réclamer, dans le même temps, une augmentation du pouvoir d'achat de nos compatriotes. M. Loïc Bouvard. Très juste ! M. Hervé Morin. On ne peut pas, et il faudra que nos compatriotes prennent un jour conscience de cette formidable schizophrénie, à la fois considérer, à juste titre, que le pouvoir d'achat a tendance à diminuer, notamment pour les bas salaires et les salaires moyens, et souhaiter que l'on puisse travailler moins et disposer de plus de temps pour les loisirs. C'est toute la question du travail dans la société française et de l'implication de nos compatriotes dans les entreprises qui est posée. J'observe, dans ce débat, des postures extraordinaires. Pour la gauche, cette proposition est une véritable loi de casse sociale, de régression sociale, tandis que pour un certain nombre de nos collègues de l'autre côté, elle va bouleverser les choses. En réalité, je crains que cette loi ne change pas fondamentalement la situation. Quelle est la portée réelle des deux dispositions majeures de ce texte, dont nous avons souvent eu l'occasion de nous entretenir avec l'un de ses auteurs, Hervé Novelli ? Le premier objectif, louable, est d'assouplir le compte épargne-temps. Malheureusement, le compte épargne-temps est très peu utilisé et, lorsqu'il existe, très peu abondé. À tout casser, il est mis en œuvre dans 10 % des entreprises qui ont passé des accords de réduction du temps de travail. En outre, cela suppose que les entreprises et les syndicats acceptent de discuter et de remettre en cause les accords conclus dans le cadre de la réduction du temps de travail. Or nous savons à quel point ces accords sont fragiles, on peut même parler de dentelle. Il est dès lors à peu près certain qu'il y aura beaucoup de réticences, d'un côté comme de l'autre, à redéfinir un nouveau cadre d'assouplissement du compte épargne-temps. Enfin, nous savons que dans les entreprises qui pratiquent la modulation, l'annualisation, les heures supplémentaires n'ont pratiquement plus cours. Le compte épargne-temps risque donc malheureusement d'être peu abondé. Il reste que le texte introduit une souplesse supplémentaire dont nous ne pouvons que nous féliciter. Quant à la seconde disposition, les heures choisies, nous savons que, du fait d'un encadrement strict, le recours aux heures supplémentaires est très faible dans notre pays. Leur nombre est, en moyenne, de 55 heures par an et par salarié. Nos compatriotes vont-ils pouvoir travailler, demain, 47 ou 48 heures par semaine grâce à ce texte ? Nous en sommes bien loin. En conclusion, nous considérons qu'il faut voter ces dispositions, en regrettant, monsieur Gremetz, de devoir proroger de trois ans le régime dérogatoire des heures supplémentaires pour les salariés des entreprises de moins de vingt salariés que vous avez voté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission. (La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.) M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz. M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, je demande une suspension de séance. M. le président. J'allais vous la proposer. Suspension et reprise de la séance M. le président. La séance est suspendue. (La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures.) M. le président. La séance est reprise. Rappel au règlement M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour un rappel au règlement. M. Gaëtan Gorce. J'ai relu le compte rendu des débats que nous avons eus hier, notamment la réponse de M. Larcher à Jean Le Garrec qui avait défendu l'exception d'irrecevabilité, et j'y ai bien trouvé ce que j'avais cru entendre, à savoir qu'une concertation aurait eu lieu entre les partenaires sociaux et le Gouvernement pour préparer le texte dont nous discutons. Or ce sentiment, le Gouvernement est manifestement le seul à le partager. Au moment d'aborder ce débat, nous aimerions donc qu'il nous présente les conclusions de cette concertation, les comptes rendus auxquels ces rencontres ont donné lieu, les points de vue exprimés par les partenaires sociaux. Le Gouvernement avait en effet pris des engagements dans l'exposé des motifs de la deuxième loi Fillon et dans le décret de 2002 sur la modification des contingents d'heures supplémentaires. La Commission nationale de la négociation collective a-t-elle été consultée ? J'aimerais aussi avoir le compte rendu de cette commission. Pour éclairer notre débat et permettre au Gouvernement de retrouver ces documents, je demande, au nom de mon groupe, une suspension de séance. M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. J'ai ces documents, monsieur le président, et je peux en parler tout de suite. M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux relations du travail. M. le ministre délégué aux relations du travail. Mesdames et messieurs les députés, j'ai sous les yeux le compte rendu de mon premier entretien avec les partenaires sociaux , le 25 août 2004. S'agissant du temps de travail et de son organisation, je rappelais que nous n'envisagions ni de mettre en place un système anglo-saxon de type « opt out », comme je l'ai dit au président Bocquet lors des questions au Gouvernement, ni de remettre en cause la durée légale de 35 heures. M. Alain Vidalies. Nous en reparlerons ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Je rappelais également les principes que le Président de la République avait fixés le 14 juillet et je précisais ensuite : « A ce stade et sans préjuger du diagnostic sur les nouvelles évolutions qui pourraient s'avérer intéressantes, on pourrait évoquer, entre autres, le développement du recours au compte épargne-temps pour rémunérer les heures supplémentaires, notamment dans la perspective de l'allongement des carrières et de l'abondement des droits à retraite, ce qui pourrait éventuellement aller de pair avec une modification des règles relatives à l'utilisation du forfait, » - j'évoquais ainsi la proposition de loi déposée par M. Morange au mois de juillet - « la mutualisation du contingent à l'échelle d'une entreprise, l'assouplissement des règles relatives à la durée maximale du travail, sans toucher bien sûr au plafond des 48 heures hebdomadaires. » Nous avons alors examiné la question d'une exonération totale ou partielle de cotisations, en réponse à M. Morin, puis la situation des très petites entreprises en évoquant un délai pour que les 27 % de salariés qui ne sont pas dans le cadre d'une négociation collective portant notamment sur les heures supplémentaires puissent y entrer. Et puis, j'ai donné rendez-vous aux partenaires sociaux pour une nouvelle série de rencontres, qui ont eu lieu début octobre. Je suis même allé au-delà de la représentativité en recevant aussi l'Union nationale des professions libérales et l'UNSA. Ces rencontres furent assez médiatisées et donnèrent lieu à suffisamment de communiqués de la part des organisations représentatives des entreprises et des salariés pour que nul n'ignore que le Gouvernement a pratiqué le dialogue. Je rappelle également que le Premier ministre a reçu chacun des partenaires au cours du mois de novembre. M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce. M. Gaëtan Gorce. Je ne doute pas que la courtoisie de M. Larcher le conduise de temps en temps à offrir le thé aux organisations syndicales, mais l'engagement qui a été pris dans l'exposé des motifs de la seconde loi Fillon ne portait pas seulement sur un échange de gâteaux secs ! Il faisait expressément référence à une négociation interprofessionnelle qui devait intervenir sur les sujets concernés avant le vote de toute disposition législative. Ce que M. le ministre nous a décrit, ce sont de simples conversations entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, comme il doit en exister dans une démocratie ; ce ne sont pas les conclusions de la consultation interprofessionnelle qui est pourtant mentionnée noir sur blanc dans la loi Fillon. J'ai donc de bonnes raisons de maintenir ma demande de suspension. Cela permettra au Gouvernement de faire des recherches approfondies dans ses archives et de nous remettre les documents relatifs à cette négociation interprofessionnelle. M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint. Mme Muguette Jacquaint. Depuis des années, ce gouvernement nous dit qu'il faut relancer le dialogue social, et j'ai bien entendu, monsieur le ministre, que vous aviez engagé des négociations avec différents partenaires. Mais si les organisations syndicales dont vous parlez ont été convaincues de la nécessité d'un « assouplissement », comme vous dites, de la loi sur les 35 heures, - pour nous c'est une remise en cause pure et simple - comment se fait-il qu'elles appellent à manifester samedi dans la rue contre ce texte ? M. Gorce a parlé de gâteaux. Ce que les salariés craignent, justement, c'est que le gâteau ne soit très gros pour certains et inexistant pour les autres. Faut-il que je rappelle les gains de productivité réalisés par certaines entreprises au cours de la dernière période ? Ce gâteau alléchant, quelques-uns se le sont partagé, oubliant la grande majorité des autres, en particulier les salariés. Ces salariés qui vous demandent, monsieur le ministre, d'améliorer le système des 35 heures, notamment en pensant à l'augmentation des salaires et sans leur dire constamment : « Si vous voulez gagner plus, travaillez plus ! » Je vous démontrerai tout à l'heure que certains d'entre eux ont récemment été contraints de travailler plus pour gagner moins. C'est en réalité ce que vous proposez ! Suspension et reprise de la séance M. le président. La séance est suspendue. (La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures quinze.) M. le président. La séance est reprise. La parole est à M. Gaëtan Gorce. M. Gaëtan Gorce. Je vous demande à nouveau la parole, monsieur le président, car je n'ai pas obtenu de réponse du Gouvernement à la question que j'ai posée. Pour la clarté de nos débats, j'aurais souhaité que, puisque le ministre a l'air particulièrement à l'aise sur ces sujets, il nous fasse profiter de ses connaissances jusqu'au bout et avec la même élégance. M. le président. La parole est à M. le ministre. M. le ministre délégué aux relations du travail. Monsieur Gorce, j'aurais pu vous répondre avant que nous ne prenions ces quelques minutes pour nous aérer. La lettre que nous avons cosignée le 30 juin, Jean-Louis Borloo et moi-même, comportait un appel à la négociation interprofessionnelle. Je vous invite par conséquent à vous reporter aux dépêches d'agence du mois de juillet. Elles vous confirmeront que deux des partenaires ont répondu que, sur ces sujets, la négociation interprofessionnelle ne leur paraissait pas souhaitable. M. Gaëtan Gorce. Lesquels ? M. Henri Emmanuelli. Le MEDEF, sans doute ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Je pense en effet au MEDEF, que j'avais saisi de deux sujets et à qui j'avais déclaré, rappelez-vous, que je ne serais pas le dynamiteur du code du travail. M. Henri Emmanuelli. C'est donc une proposition dont le MEDEF lui-même n'a pas voulu ! M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce. M. Gaëtan Gorce. Fort bien, monsieur le ministre : le Gouvernement prend acte du fait qu'il n'a pas été possible d'engager une négociation interprofessionnelle qu'il avait promise, en raison de l'opposition de l'un des partenaires, en l'occurrence le patronat. Plutôt que de réunir les conditions d'une vraie discussion, il a préféré donner, par ce texte, entière satisfaction à celle des parties qui a refusé de discuter. Voilà une parfaite démonstration de la conception qu'il se fait du dialogue social. J'ai une autre question à poser à M. le ministre. Mais, pour ne pas nuire au bon déroulement du débat, je l'interrogerai après la discussion du premier amendement. Discussion des articles M. le président. J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission. Avant l'article 1er M. le président. Avant l'article 1er, je suis saisi d'un certain nombre d'amendements portant article additionnel. Le premier est l'amendement n° 71. La parole est à M. Jean Le Garrec, pour le soutenir. M. Jean Le Garrec. Avant d'aborder l'amendement n° 71, dont le texte est très clair, je voudrais remercier M. Novelli, qui m'a fait, involontairement sans doute, un grand compliment en me disant que j'utilisais la dialectique hégélienne. Celle-ci ayant aidé fortement à la compréhension du monde, je lui suis très reconnaissant d'y faire référence, et je lui signale l'existence d'un excellent film dont le titre l'intéressera autant qu'il l'amusera : La dialectique peut-elle casser des briques ? Je ne suis pas sûr, monsieur Novelli, que la dialectique hégélienne me permette de vous « casser », métaphoriquement bien sûr ;... M. Hervé Novelli. Je l'espère ! M. Jean Le Garrec. ...mais je vais du moins m'y efforcer. (Sourires.) M. Hervé Novelli. Je vous en sais capable ! (Sourires.) M. Jean Le Garrec. L'amendement n° 71 est un amendement d'appel qui vise à rétablir la durée légale du temps de travail à 35 heures dans les métiers de l'hôtellerie et de la restauration. Afin que vous nous aidiez à mieux comprendre ce qui est en cause, monsieur le ministre, je me permettrai de vous poser quelques questions. Nous savons que le décret dont vous avez pris l'initiative pour faire passer à 39 heures le temps de travail dans ces secteurs faisait suite à un accord signé avec Force ouvrière, la CFTC et la CGC. Il comporte l'expression « équivalences d'heures ». Nous avons tous en tête ce que recouvre cette notion. Mais pouvez-vous nous indiquer comment elle peut jouer dans certains métiers précis et dans quels cas elle peut être appliquée ? Il me semble que ce concept classique, utilisé en droit du travail, ne correspond pas aux formes de travail qui ont cours dans l'hôtellerie ou la restauration. Mais sans doute allez-vous nous répondre sur ce point. Nous verrons alors le sort qu'il convient de réserver notre amendement. Par ailleurs, j'en reviens à une question que je vous ai déjà posée. Le budget pour 2005 prévoit, afin d'aider les secteurs de l'hôtellerie et de la restauration, des abattements qui s'élèvent à 525 millions d'euros, ce qui n'est pas rien. Cette somme ne représente d'ailleurs qu'une partie de vos engagements, puisque vous avez promis d'apporter à cette branche, notamment sous forme d'abattements fiscaux, 1,5 milliard d'euros. M. Henri Emmanuelli. Il faut également compter avec l'évolution des prix ! M. Jean Le Garrec. Il y a donc quelques raisons de penser, puisque vous ne manquerez pas de tenir parole, que le budget pour 2006 prévoira l'équivalent des dispositions qui figurent dans celui pour 2005. Or les engagements pris par le président de cette branche devaient se traduire tant par des augmentations de salaire que par des créations d'emplois. Si j'ai bonne mémoire, il avait même été envisagé de créer 50 000 emplois. Progressivement, ce chiffre est descendu à 30 000 puis à 20 000. Aujourd'hui, on n'en parle plus. Au-delà de l'accord signé avec Force ouvrière, la CFTC et la CGC, auquel nous reviendrons, celui par lequel le Gouvernement soutient cette branche en lui consacrant des sommes importantes se traduit-il dans la réalité, comme prévu à l'origine, par des créations d'emplois et des augmentations de salaire ? Nous avons quelques doutes à ce sujet. Tant mieux si nous nous trompons car, pour nous, la création d'emplois serait un bénéfice considérable. Mais, dans le cas inverse, ce serait un marché de dupes : le Gouvernement donnerait sans contrepartie, selon un procédé qu'il utilise constamment dans ce texte. M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 71. M. Pierre Morange, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. La commission a émis un avis défavorable. Sur le plan de la forme, je me permets de rappeler que la rédaction de l'amendement est inadéquate, dans la mesure où elle sous-entend que la durée équivalente à la durée légale est identique à la durée légale, alors que, par définition, elle lui est supérieure. Sur le fond, il me faut revenir à l'allusion qu'a faite M. Le Garrec à l'accord de branche critiqué dans l'exposé des motifs de cet amendement. Je lui rappelle que cet accord a tout de même eu le mérite de supprimer ce que l'on appelait le SMIC hôtelier - ce qui a permis une augmentation de plus de 10 % des rémunérations les plus basses - et de créer une sixième semaine de congés payés ainsi que deux jours fériés supplémentaires. N'est-ce pas un exemple de dialogue social réussi ? M. Hervé Novelli. Très bien ! M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux relations du travail, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 71. M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. En application de l'article L. 212-4 du code du travail, la durée d'équivalence a été fixée à 39 heures, en contrepartie de la suppression du SMIC hôtelier et de la création d'une semaine supplémentaire de congés payés. J'ajouterai un deuxième élément, d'ordre budgétaire. Vous savez que la France s'est engagée à aligner le taux de TVA du secteur de la restauration sur celui de la restauration rapide en le portant à 5,5 %. Ce point, qui exige l'unanimité européenne, est actuellement en cours de négociation avec l'Allemagne, seul pays qui n'était pas favorable à cette mesure. M. Jean Le Garrec. En effet. M. le ministre délégué aux relations du travail. Enfin, vous parlez des créations d'emplois, monsieur Le Garrec. Mais je constate que personne, dans ce domaine, n'a utilisé le droit d'opposition. C'est donc que l'accord était bon pour les salariés et concourait à l'attractivité de ce secteur. Il s'agit de métiers en tension, qu'il convenait, comme ceux du bâtiment il y a quelques années, de rendre plus attractifs. M. Henri Emmanuelli. Ce n'est pas avec ce texte que vous y parviendrez ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Des dizaines de milliers d'offres d'emplois, en effet, ne sont pas satisfaites. M. Henri Emmanuelli. En effet ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Voilà pourquoi les organisations représentatives des entreprises de l'hôtellerie et de la restauration viennent d'engager une importante campagne, en liaison avec nos services, pour contribuer à l'opération « 100 000 emplois » et participer à d'autres opérations que nous avons engagées, notamment en liaison avec la SNCF : je pense en particulier au « train des compétences ». Ce secteur fait donc partie de nos priorités. Je profite de l'occasion pour vous dire où en est l'opération « 100 000 emplois », notamment en ce qui concerne les métiers en tension. Nous sommes passés de plus de 300 000 offres d'emplois non satisfaites en mois « n + 1 » à 230 000 fin décembre 2004. Ces secteurs, qui sont aujourd'hui créateurs d'emplois, le seront plus encore au cours de l'année 2005, dès lors qu'ils seront rendus plus attractifs. En matière d'offres d'emplois, nous avons également demandé à la profession de faire un effort de formation. M. Henri Emmanuelli. Et de rémunération ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Je viens d'évoquer, monsieur Emmanuelli, une augmentation de plus de 10 % et la création d'une sixième semaine de congé. Pour ce qui est de la formation, il faut poursuivre les efforts entrepris pour les serveurs en café-restaurant et les personnels en cuisine. Nous agissons avec la profession pour développer tant la formation initiale que la formation tout au long de la vie, puisqu'il faut, dans ces métiers, gérer une certaine pénibilité, et donc prévoir des parcours professionnels adaptés. Avis défavorable à l'amendement. M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce. M. Gaëtan Gorce. J'ai écouté avec attention le Gouvernement faire état des conditions dans lesquelles les partenaires sociaux avaient pu débattre de ces problèmes, ce qui me ramène à la question précédente. J'ai retrouvé - pardon d'avoir mis un peu de temps - l'exposé des motifs de la loi Fillon, que je tiens à citer in extenso pour éclairer l'Assemblée sur le non-respect des engagements pris par le Gouvernement et sur l'autisme social qui le caractérise aujourd'hui, après l'autisme civique et politique dont il a fait preuve l'année dernière. Voici ce texte : « Le Gouvernement prend l'engagement solennel » - ce qui n'est pas mince - « de renvoyer à la négociation nationale interprofessionnelle toute réforme de nature législative relative au droit du travail. Par conséquent, il saisira officiellement les partenaires sociaux, avant l'élaboration de tout projet de loi portant réforme du droit du travail, afin de savoir s'ils souhaitent engager un processus de négociation sur le sujet évoqué par le Gouvernement. « Le Gouvernement proposera à la Commission nationale de la négociation collective d'adopter une charte de méthode fixant les modalités pratiques de ce renvoi à la négociation collective interprofessionnelle, et notamment les délais de réponse des partenaires sociaux. » Évidemment, cela suppose qu'aucun des partenaires sociaux ne vous réponde, par retour du courrier, qu'il refuse de discuter et que vous n'en déduisiez pas que vous pouvez légiférer en passant par-dessus l'ensemble des organisations syndicales. J'aimerais donc que le Gouvernement nous dise comment il interprète cet exposé des motifs et le projet de loi relatif au dialogue social. On nous fait en permanence le procès d'avoir mis en place les 35 heures dans un contexte qui n'aurait pas permis l'épanouissement du dialogue social, et la majorité vote un texte sur le dialogue social dont elle bafoue les dispositions à la première occasion ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Pas du tout ! M. Gaëtan Gorce. Alors, soyez plus précis, monsieur le ministre. Si les engagements que vous prenez dans les textes que vous soumettez à la représentation nationale ne valent rien, à quoi bon débattre ? Nous ne pouvons que douter des engagements que vous prendrez et de votre capacité à faire respecter les garanties collectives que les salariés sont en droit d'exiger en matière de droit du temps de travail. Pardonnez-moi d'insister sur ce point, mais j'y reviendrai tant que je n'aurai pas obtenu une réponse satisfaisante du Gouvernement. M. le ministre délégué aux relations du travail. J'ai répondu. M. Gaëtan Gorce. Cela étant, l'amendement est retiré. M. le président. L'amendement n° 71 est retiré. Rappel au règlement M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour un rappel au règlement. M. Alain Vidalies. De deux choses l'une : soit les engagements que le Gouvernement prend devant l'Assemblée nationale ont un intérêt, soit il peut ne pas en tenir compte... M. Hervé Novelli. Ce serait trop facile ! M. Alain Vidalies. ... et l'on en arrive à la plus extrême confusion des textes et des objectifs. Probablement conscient de la singularité d'une situation dans laquelle on parle de dialogue social tout en ayant pris soin d'éviter de rencontrer les partenaires sociaux, vous écrivez vous-même, monsieur Morange, au début de votre rapport : « Parce que le dialogue social représente, associé à la volonté individuelle du salarié, le meilleur vecteur pour la construction d'un droit du travail qui concorde avec l'intérêt général, il est important de renforcer aujourd'hui, dans la continuité de l'apport de la loi du 4 mai 2004 relative, notamment, au dialogue social, le rôle de la négociation collective. » Vous devez donc nous préciser la manière dont vous comprenez l'engagement pris par la majorité dans la loi de mai 2004, selon lequel des négociations précéderont chaque changement important. Le Gouvernement vient de dire qu'il avait renoncé à négocier parce que le patronat ne le voulait pas. Cette règle vaut-elle pour l'avenir ? La question n'est pas mineure, compte tenu des projets annoncés par les promoteurs de cette proposition de loi. En effet, dans un entretien accordé aux Échos, M. Novelli a pris, sur un sujet aussi grave que la remise en cause des 35 heures dans la fonction publique, des engagements précis. M. Hervé Novelli. Ah bon ? M. Alain Vidalies. Oui, monsieur Novelli. Lorsque le journaliste vous demande si vous considérez, « comme le MEDEF, que l'adoption de votre proposition de loi va clore le dossier des 35 heures », vous répondez : « Provisoirement. En effet, la proposition de loi ne concerne que le secteur privé et laisse donc entière la question de la réforme des 35 heures dans la fonction publique. » M. Patrick Ollier. C'est la vérité ! M. Alain Vidalies. « Celle-ci pose des problèmes pratiques majeurs qu'il faudra résoudre, notamment dans les hôpitaux. Le dossier est compliqué par son coût budgétaire. » On nous a déjà fait le coup un certain nombre de fois : on commence par toucher au secteur privé, puis on dit que le public ne peut pas continuer à bénéficier d'un tel avantage. Ainsi, vous ajoutez : « Il y a un réel problème d'équité entre public et privé qui commande de s'en occuper. » Mais vous allez plus loin - et le Gouvernement doit nous dire sa position à ce sujet - quand vous déclarez : « À plus long terme, il faudra bien s'intéresser aussi à la notion même de durée légale du travail. » Mme Martine Billard. Ce n'est pas la première fois qu'il le dit ! M. Alain Vidalies. Ce n'est pas rien, nous sommes là dans un autre monde ! Si ce sont les perspectives qui nous attendent, vous devez nous dire, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, si le non-respect des engagements que vous avez pris dans la loi sur le dialogue social et dans le décret de 2002, signifie que désormais, dans ce pays, la règle sera la suivante : il y aura négociation si le patronat veut bien négocier. Si tel est le cas, dites-le nous, cela éclairera nos travaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. Henri Emmanuelli. Et nous saurons pour qui vous travaillez ! M. le président. Je ne suis pas certain, monsieur Vidalies, que votre intervention était pleinement conforme à l'esprit d'un rappel au règlement, mais vous avez dit ce que vous aviez à dire. M. Henri Emmanuelli. Et cela en valait la peine ! M. le président. La parole est à M. Hervé Morin. M. Hervé Morin. Je fais à nouveau observer à mes collègues socialistes que les trois articles de cette proposition de loi ne modifient substantiellement ni l'équilibre des relations sociales ni le droit du travail. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Mme Muguette Jacquaint. Tu parles ! M. Hervé Morin. Corriger à la marge le compte épargne-temps... Mme Martine Billard. À la marge ? M. Hervé Morin. ...et ouvrir éventuellement les heures choisies, ce n'est pas ce que j'appelle modifier en profondeur l'équilibre des relations sociales. (Exclamations sur les mêmes bancs.) M. Jean Le Garrec. Hegel est dépassé ! M. Hervé Morin. Il s'agit d'une posture : on est dans un jeu de rôles, depuis deux jours. Quoi qu'il en soit, je suis rassuré par l'accord interprofessionnel sur la négociation collective et par la loi Fillon, qui n'en a été que l'expression. Désormais, un accord existe quand il est signé par des syndicats majoritaires. M. Henri Emmanuelli. Vous plaisantez ? M. Hervé Morin. Or je ne vois pas beaucoup de syndicats majoritaires, dans les branches et les entreprises, renégocier les accords sur la RTT ou le compte épargne-temps. Ce n'est donc pas, je le répète, une modification substantielle du droit du travail qui nous est proposée aujourd'hui. M. Henri Emmanuelli. C'est une bagatelle ! M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli. M. Hervé Novelli. Monsieur le président, je souhaiterais que nos collègues de l'opposition nous permettent d'aborder le plus rapidement possible le cœur de cette proposition de loi avec l'examen des amendements. M. Gaëtan Gorce. Nous sommes en plein dans le débat, monsieur Novelli ! M. Hervé Novelli. Par ailleurs, j'aurais préféré que M. Vidalies me cite en tant que cosignataire de la proposition de loi. Nous ne débattons pas de l'entretien que j'ai accordé aux Échos et auquel je n'ai rien à ajouter. M. Alain Vidalies. Vous avez dit qu'il fallait désoviétiser la société française ! M. Hervé Novelli. J'y évoquais l'avenir... M. Alain Vidalies. Justement ! Le crime est signé ! On voit bien ce qui nous arrivera ! M. Hervé Novelli. ... et je souhaiterais que l'on s'en tienne au présent, c'est-à-dire à la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise. M. le président. La parole est à Mme Martine Billard. Mme Martine Billard. On a l'impression que vous méconnaissez totalement l'entreprise. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Combien sont-elles à avoir des sections syndicales ? Très peu, vous le savez bien. La majorité des salariés travaillent dans de petites entreprises où il n'y a pas de représentation syndicale. Donc, lorsque vous venez nous expliquer que les syndicats pourront user de leur droit d'opposition, vous nous racontez des histoires. D'ailleurs, si la loi Fillon vise les accords d'entreprise et d'établissement, c'est bien pour contourner les accords de branche, où la représentation syndicale est présente et peut utiliser ce droit. Que devient le droit d'opposition dans les petites entreprises où elle n'existe pas ? M. Hervé Morin. Là, il n'y a pas d'accord possible ! Mme Martine Billard. Si. Selon la loi Fillon, des accords peuvent être négociés, même sans syndicats, et c'est bien le problème. Quant à la proposition de loi, elle n'apporte aucune restriction : elle ne prévoit pas qu'un accord d'entreprise sur le temps de travail ne pourra être négocié que s'il y a une représentation syndicale. Dans toute entreprise, le patron et les salariés peuvent donc négocier une augmentation du temps de travail : il suffit d'organiser un référendum d'entreprise. Dans ce cas, il n'y a plus de droit d'opposition. Or, si un patron demande au salarié d'une petite entreprise de faire des heures supplémentaires en lui précisant que c'est ça ou la porte, il ne pourra pas refuser, surtout s'il occupe un poste qui n'est pas particulièrement qualifié et où il peut être facilement remplacé. Quant à l'inspection du travail, elle est débordée ; elle manque d'inspecteurs et de contrôleurs. Et lorsque des salariés protégés sont licenciés et demandent sa protection, on leur répond que le délai prévu par la loi a expiré et que l'on ne peut pas les recevoir. Il ne leur reste plus alors qu'à saisir le tribunal administratif et, éventuellement, ensuite, le conseil des prud'hommes. Ce n'est pas de l'invention, c'est du vécu ! Je veux bien que l'on nous tienne de grands discours inspirés d'une vision idéale de l'entreprise, mais ce n'est pas ce que vivent les travailleurs. Dans ma circonscription, nombre de délégués syndicaux du secteur du commerce et de la grande distribution sont licenciés contre l'avis de l'inspection du travail et avec l'accord du ministre du travail. Voilà la réalité ! M. le président. Je vous rappelle que tout est parti d'un rappel au règlement. Je veux bien être souple, afin que les uns et les autres puissent s'exprimer, mais je préférerais que ce soit dans le cadre de la discussion des amendements, afin que le débat avance. M. Alain Vidalies. Le Gouvernement ne veut pas répondre ! M. le ministre délégué aux relations du travail. J'ai déjà répondu ! Reprise de la discussion M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 15 et 36, pouvant être soumis à une discussion commune. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour soutenir l'amendement n° 15. Mme Muguette Jacquaint. MM. Novelli et Morin prétendent que nous étions hors sujet. M. Hervé Morin. Je n'ai pas dit cela ! Mme Muguette Jacquaint. Vous avez dit, monsieur Morin, qu'il n'était pas question de remettre en cause la loi sur les 35 heures. Hélas ! cette proposition de loi intervient après une série de textes du Gouvernement, notamment la loi Fillon, qui a déjà assoupli ce régime. J'ajoute que vous avez déclaré dans la presse que le Gouvernement n'était pas allé assez loin et qu'il fallait abolir la loi sur les 35 heures. Vous y allez peut-être par étapes, mais vous y allez quand même ! J'en viens à l'amendement n° 15, qui porte sur le travail à temps partiel. La délégation aux droits des femmes a auditionné, sous la présidence de Mme Zimmermann, plusieurs associations et organisations syndicales qui, toutes, nous ont dit que le temps partiel n'était pas un temps choisi mais une forme de travail imposée. Le travail à temps partiel concerne aujourd'hui à 80 % des femmes qui, soit ont arrêté leur activité pendant quelques années, soit sont peu qualifiées, et qui, de toute façon, sont sous-payées. Chacun s'accorde à reconnaître qu'il s'agit d'une forme de précarité... M. Maurice Giro. C'est vrai ! C'est la conséquence des 35 heures ! Mme Muguette Jacquaint. ...et que c'est parmi les salariés à temps partiel que l'on retrouve le plus grand nombre de travailleurs pauvres. Pour gagner un peu plus - c'est la grande théorie qu'on nous assène tous les jours - on leur propose d'effectuer des heures supplémentaires, mais on répond à ceux qui souhaitent travailler à temps plein que ce n'est pas possible. M. Maurice Giro. À cause des 35 heures ! Mme Muguette Jacquaint. C'est pourquoi nous proposons de rémunérer à leur juste valeur les heures complémentaires, en faisant en sorte qu'elles donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des quatre premières heures et de 50 % pour chacune des suivantes, afin que cette forme de travail, aujourd'hui condamnée et rejetée par la grande majorité des salariés auxquels elle est imposée, soit au moins mieux rémunérée. M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 36. Mme Martine Billard. Cet amendement procède de la même intention que l'amendement n° 15. Le Gouvernement nous explique qu'il faut permettre aux travailleurs qui le souhaitent de gagner plus. La première catégorie concernée, ce sont les travailleurs à temps partiel, qui voudraient effectivement travailler plus. À l'heure actuelle, l'entreprise peut proposer aux salariés en poste des heures complémentaires, mais elles ne sont pas payées en heures supplémentaires. Souvent d'ailleurs, le délai requis pour avertir un salarié qu'il peut effectuer des heures complémentaires est très court et ne respecte pas la réglementation. On sait, par exemple, que l'immense majorité des salariés à temps partiel de la grande distribution, en dehors des étudiants qui y travaillent le soir ou le samedi pour payer leurs études, sont des femmes, souvent en CDD car elles n'ont pas le choix. Comme on leur fait miroiter qu'on va les faire passer en CDI, elles acceptent tout ce qu'on leur demande. Puis, une fois en CDI à temps partiel, on leur promet qu'on va augmenter leur nombre d'heures. Le salarié est pris dans un engrenage, et il se trouve assez démuni face à la direction de son entreprise. Ce sont bien des salariés qui veulent travailler plus et gagner plus, mais ils ne sont pas franchement payés plus. Il faut savoir que les femmes représentent actuellement 80 % des salariés à temps partiel et 80 % des travailleurs pauvres, c'est-à-dire qui vivent avec au plus 600 euros par mois. Un rapport sur les effets du temps partiel, remis à l'Assemblée nationale par Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes, confirme que la tendance est malheureusement à l'augmentation du temps partiel des femmes et s'inquiète du risque d'augmentation de la pauvreté générée par cette forme d'emploi. Il précise que 30 % des femmes actives sont à temps partiel, soit 3,25 millions de femmes. Les secteurs concernés sont ceux qui emploient principalement des femmes, comme la santé, l'action sociale, la grande distribution, le secteur de la propreté et l'administration. Si vous souhaitez vraiment permettre aux salariés à temps partiel, qui sont massivement des femmes, de travailler plus et d'être payés plus, vous devriez accepter, soit l'amendement du groupe communiste, soit celui que je présente au nom des Verts. Peut-être nous proposerez-vous un compromis, mais je ne vois pas comment vous pourriez refuser d'améliorer le sort des travailleurs les plus pauvres de notre société. M. Patrick Ollier. Au-delà de 35 heures, d'accord ! M. Henri Emmanuelli. Monsieur Ollier, il n'y a pas lieu d'ironiser quand on sait comment sont traités ces salariés ! M. Patrick Ollier. Mais je n'ironise pas ! M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable à ces deux amendements. Les heures complémentaires font partie intégrante du régime spécifique du travail à temps partiel. Elles sont limitées au dixième de l'horaire contractuel. Conformément à l'économie d'ensemble de ce régime, elles ne donnent lieu à aucune majoration. Je n'aurai pas la cruauté de rappeler que le dispositif actuel est issu des lois Aubry. M. Patrick Ollier. En effet ! M. Pierre Morange, rapporteur. Cependant, la limite du dixième de l'horaire contractuel peut être portée au tiers par un accord collectif. Les heures effectuées au-delà du dixième sont alors majorées de 25 %. Il reste que le régime du travail à temps partiel interdit un alignement sur le mode de rémunération des heures supplémentaires. Mme Martine Billard. Il suffit de le modifier ! On est là pour ça ! M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué aux relations du travail. Le rapporteur vient de rappeler l'état du droit, tel qu'il a été fixé par la loi du 19 janvier 2000. Le Gouvernement ne peut être favorable à ces deux amendements, mais ils posent, à leur manière, la question de l'égalité de traitement entre hommes et femmes, préoccupation exprimée par le Président de la République à l'occasion de ses vœux aux forces vives. Plusieurs députés du groupe socialiste. Nous sommes sauvés ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Au reste, les chiffres disponibles invitent à nuancer l'analyse. Dans notre pays, 29,7 % des femmes sont employées à temps partiel. M. Hervé Morin. Soit beaucoup moins qu'ailleurs ! M. le ministre délégué aux relations du travail. C'est effectivement beaucoup moins que dans les autres pays fondateurs de l'Europe : 39 % en Belgique, plus de 40 % en Allemagne, plus de 30 % au Luxembourg et 74 % au Pays-Bas. En Italie, ce pourcentage est de 17,3 %, en raison du faible taux d'emploi des femmes. Quant aux hommes, 5,2 % sont employés à temps partiel en France, taux que l'on retrouve dans la plupart des pays de référence, à l'exception, par effet contraire, de l'Italie, où il est plus bas : 3 %, du Luxembourg où il est également plus faible : 1,4 %, et des Pays-Bas, où il est beaucoup plus élevé : 21,4 %. Manifestement, ce pays recourt beaucoup au temps partiel. Ne nous interdisons pas d'aborder ce sujet globalement, en partant de l'égalité entre les hommes et les femmes, car on voit bien que l'approche plus restrictive de la loi de janvier 2000 n'a pas vraiment permis de résoudre le problème du temps partiel subi, notamment dans le secteur de la grande distribution, où l'on a voulu étendre les heures d'ouverture pour répondre aux nouvelles formes de vie. Voilà une réalité qu'il nous faut analyser très sereinement. M. Patrick Ollier. C'est vrai ! M. Alain Vidalies. Et dire que M. Sarkozy veut ouvrir les grandes surfaces le dimanche ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Mais il faut ramener les choses à leur juste dimension et arrêter d'imaginer qu'il y aurait une dérive vers le temps partiel. Entre 2002 et 2004, nous avons même réduit sa part d'un demi point, ce qui n'est pas négligeable. M. Henri Emmanuelli. Vous avez tout réduit, mais il y a 300 000 chômeurs de plus ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Il reste que le temps partiel subi pose un vrai problème d'égalité entre hommes et femmes. Pour nous, le temps partiel doit toujours être choisi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Patrick Ollier. Très bonne explication ! M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies. M. Alain Vidalies. Les graves questions que soulèvent ces amendements méritent d'être abordées avec rigueur. Je me tiens à la disposition du rapporteur pour lui procurer un code du travail actualisé, car c'est un raccourci que de dire que les dispositions du code du travail seraient issues de la loi de janvier 2000, qui a connu quelques « petites » adaptations « à la marge », comme on dit. Ainsi, s'il était naguère possible de déroger au droit commun par la voie d'un accord de branche, cette possibilité est désormais étendue aux accords d'entreprise et même d'établissement. M. Henri Emmanuelli. Ça change tout ! M. Alain Vidalies. Jusqu'à présent, la loi prévoyait que les négociations sur les dépassements d'horaires, les dérogations, la non-application des conventions, les quotas d'heures, devaient avoir lieu au niveau de la branche. Désormais, elles pourront avoir lieu au niveau de l'entreprise, et même du supermarché. Je rappelle que ces modifications sont intervenues en mai 2004. Il semble que la question du temps partiel représente, pour nous tous, une difficulté majeure. Les travailleurs pauvres existent, car personne ne peut vivre avec la moitié ou 60 % d'un SMIC. Statistiquement, ce ne sont pas des chômeurs mais, désormais la grande pauvreté n'est plus seulement issue de l'exclusion, elle touche des gens qui ont un travail. C'est un phénomène social nouveau qui frappe d'abord des femmes, ayant souvent une famille à charge, et dont la détresse s'accroît à la mesure de la hausse des prix, des services, des loyers. Et si on n'a pas la lucidité de traiter cette question, on risque de faire dériver ces travailleurs pauvres vers un statut encore plus paradoxal qui serait celui de travailleur en situation d'exclusion. Tout le monde porte une part de responsabilité dans le développement du travail à temps partiel dans la mesure où tout gouvernement confronté à l'échec de sa politique de l'emploi peut être tenté de le favoriser, ne serait-ce que pour réduire les chiffres du chômage. Deux personnes qui travaillent à mi-temps, cela ne fait qu'un travail à temps complet de plus, mais deux chômeurs de moins. M. Jacques Briat. C'est la logique des 35 heures : le partage du travail ! Mme Martine Billard. Vous n'avez pas honte ? M. Henri Emmanuelli. Quel cynisme ! M. Alain Vidalies. Celui qui a compris que c'était la même logique que les 35 heures a eu, je pense, un moment d'égarement ! Procéder à des exonérations de charges pour encourager le développement du travail à temps partiel, ce que nous avons fait, est une erreur. Monsieur le ministre, vous devez nous donner votre position sur le travail à temps partiel et préciser la politique que vous entendez suivre, car nous ne sommes pas là pour penser que les gens sont forcément vertueux, mais pour définir un cadre législatif. La tentation de développer le travail à temps partiel sera grande dès lors que les entreprises auront beaucoup de marge de manœuvre et pourront ajuster en permanence le nombre d'heures complémentaires. Vous avez supprimé la loi de modernisation sociale, renversé la hiérarchie des normes et introduit dans le code l'accord d'entreprise - M. Novelli, qui est un connaisseur, apprécie. Autrement dit, vous avez démantelé la protection collective, y compris celle issue de la négociation, pour en arriver à la proposition d'aujourd'hui. J'ai cru comprendre que vous partagiez nos craintes de voir se développer le travail à temps partiel. Qu'envisage le Gouvernement ? Nous formulons, quant à nous, des propositions dans nos amendements. Il ne suffit plus de constater la gravité de la situation. Il faut apporter des réponses. Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait ! M. le président. La parole est à Mme Martine Billard. Mme Martine Billard. Monsieur le ministre, j'ai été très déçue par votre réponse. En fait, ce n'est jamais le moment d'améliorer la situation des salariés qui perçoivent les rémunérations les plus basses. Vous nous expliquez qu'une loi sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes va être proposée. Soit. Mais aujourd'hui, tous les rapports font le même constat et nous sommes tous d'accord pour admettre qu'une des raisons de la pauvreté des femmes salariées vient du travail à temps partiel. La présidente de la délégation des droits des femmes l'a elle-même déclaré. M. Hervé Morin. C'est vrai ! Mme Martine Billard. Alors pourquoi attendre encore avant d'essayer d'améliorer la situation de ces femmes ? Ce texte porte précisément sur le temps de travail. Faisons en sorte qu'il prévoie au moins une disposition positive et que ces femmes puissent gagner plus, puisque vous ne cessez de répéter, comme un leitmotiv, que ce projet vise à permettre aux gens de gagner plus. Nous n'en sommes plus au temps où les femmes travaillaient pour un salaire d'appoint. Aujourd'hui, elles exigent de pouvoir travailler si elles le souhaitent et de ne pas gagner un salaire de misère. Cela se justifie d'autant plus que, pour une femme seule, il est désormais impossible, compte tenu de l'explosion des prix de l'immobilier, de trouver un logement avec un salaire de caissière à temps partiel. Elles auront beau faire des heures complémentaires, cela ne changera rien. En outre, comme ces heures sont proposées au dernier moment, elles doivent faire face à des problèmes d'organisation, de garde d'enfants, par exemple. Et, au bout du compte, elles peuvent même perdre de l'argent car ces heures complémentaires ne sont pas surpayées. Monsieur le ministre, les femmes dans cette situation sont très nombreuses. Il s'agit aujourd'hui de savoir si vous voulez améliorer leur condition ou si vous vous contentez de discours. Mme Muguette Jacquaint. Très bien ! M. le président. La parole est à M. Hervé Morin. M. Hervé Morin. Je suis d'accord avec vous, madame Billard, sur le risque de déséquilibre dans la négociation des accords d'entreprise, en particulier dans les PME. M. Alain Vidalies. C'est le fond du problème ! M. Hervé Morin. Je suis même plutôt réservé, à titre personnel, sur les accords d'entreprise conclus dans les PME. Sur ce point, vous avez donc raison. En revanche, vous avez tort de dire qu'en l'absence de délégués syndicaux, les patrons pourront s'arranger car, en fait, il n'y aura pas d'accord. Le mandatement - c'était une innovation prévue par la loi Aubry - est en effet exclusivement réservé à la négociation de la durée du temps de travail. À moins que le Gouvernement ne dise l'inverse, nous ne sommes pas dans ce cadre. Par conséquent, sans délégués syndicaux, il ne pourra pas y avoir d'accord, ni donc de modification des conditions du compte épargne temps ou des heures choisies. M. Henri Emmanuelli. Si ! M. Hervé Morin. Monsieur Emmanuelli, les conditions de travail des femmes et des hommes employés à temps partiel sont parfois scandaleuses. Nous en sommes tous conscients. Je constate cependant que ce qui est proposé aujourd'hui dans vos amendements ne l'a pas été hier. Mme Muguette Jacquaint. Moi, je l'avais proposé ! M. Hervé Morin. Alors que j'étais le porte-parole de mon groupe lors de l'examen du texte sur les 35 heures et de la loi de modernisation sociale, je n'ai jamais entendu le groupe socialiste, qui détenait alors la majorité,... Mme Muguette Jacquaint. Je n'ai jamais été au groupe socialiste ! M. Hervé Morin. ...défendre, avec l'accord du Gouvernement, un amendement tendant à prévoir un régime spécifique pour les heures complémentaires. Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh non ! M. Hervé Morin. Vous étiez aux manettes de 1997 à 2002. Or - je ne m'adresse pas à Mme Billard, qui n'était pas encore parlementaire - jamais le groupe socialiste ou le groupe communiste n'ont présenté une avancée du type de celle qu'ils proposent aujourd'hui. M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec. M. Jean Le Garrec. Les deux amendements en discussion sont des amendements de fond. Monsieur le ministre, la comparaison avec les autres pays sur les taux de temps partiel subi n'a pas grand sens. Elle n'aurait d'intérêt que si elle était établie au regard du nombre de femmes qui travaillent - l'Allemagne et l'Italie connaissent à cet égard des situations très différentes -, et des protections prévues en la matière, comme aux Pays-Bas, par exemple. Pour notre part, avons-nous toujours fait le nécessaire ? Je veux bien reconnaître que des erreurs ont été commises ou que l'on constate des insuffisances. Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est un aveu ! M. Jean Le Garrec. Du reste, Mme Jacquaint s'est souvent exprimée sur ce thème. Dans le cadre de la loi de modernisation sociale, nous nous étions cependant efforcés de prévoir des garanties, que vous avez fait sauter ensuite. M. Alain Vidalies. Eh oui ! M. Jean Le Garrec. Ainsi, le délai de prévenance avait été fixé à sept jours pour permettre aux femmes soumises au temps partiel subi de s'organiser, notamment pour la garde des enfants. Mais vous avez fait passer ce délai à trois jours. De même, nous avions prévu que le temps d'arrêt ne pouvait pas être supérieur à deux heures. Mais vous avez supprimé cette disposition, ce qui désorganise complètement la journée de travail et risque de créer des problèmes insurmontables. Ne venez donc pas aujourd'hui nous raconter des histoires ! Vous aviez bel et bien commencé à supprimer les précautions que nous avions prises. Elles étaient peut-être insuffisantes, je veux bien l'admettre. Mais elles constituaient l'amorce d'une protection pour celles et ceux qui sont au temps partiel subi. Avec nos amendements, nous cherchons à débusquer vos intentions réelles. Renverser la hiérarchie des normes en privilégiant les accords d'entreprise, c'est bien faire sauter des protections et des possibilités de négociation. Or, nul ne l'ignore, compte tenu des difficultés actuelles, la négociation est extrêmement difficile. Mme Muguette Jacquaint. Bien sûr ! M. Jean Le Garrec. C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous allons une fois de plus vous demander de prévoir un dialogue sur ce texte avec les partenaires sociaux. Il est pour le moins étonnant que celui-ci n'ait pu avoir lieu alors que nous traitons de problèmes aussi graves. Monsieur Novelli, comme vous êtes profondément honnête lorsque vous présentez votre vision ultralibérale de la société, vous suscitez beaucoup d'inquiétude dès que vous faites une déclaration. M. Alain Vidalies. Ce qui est grave, c'est que le Gouvernement le suit ! M. Jean Le Garrec. Ainsi, l'interview que vous avez donnée au journal Les Échos concerne, non pas cette loi,... M. Alain Vidalies. Mais la prochaine peut-être ! M. Jean Le Garrec. ...mais votre vision du futur, qui éclaire le présent et renforce nos légitimes inquiétudes. M. Alain Vidalies. C'est une vision anglo-saxonne ! M. Jean Le Garrec. Monsieur le ministre, tant que le Gouvernement n'aura pas reconnu clairement qu'il n'a pas tenu ses engagements et que la négociation n'a pas eu lieu, ce sont les propositions de M. Novelli qu'on retiendra le plus et qui renforceront nos désaccords. M. Alain Vidalies. Très bien ! M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint. Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le président, je profiterai de cette intervention pour défendre mon amendement n° 13. Dans sa réponse, le Gouvernement nous a expliqué que le travail à temps partiel était plus développé en Angleterre et dans d'autre pays européens qu'en France. À l'entendre, nous n'avons donc pas à nous plaindre et à appeler l'attention sur ces femmes qui, aujourd'hui, se débattent dans les plus grandes difficultés parce qu'on leur impose, malheureusement, un temps partiel. Il ne faudrait rien dire sous prétexte que nos voisins font pire que nous. Cela signifie-t-il, monsieur le ministre, que, tant que le taux de salariés à temps partiel n'aura pas atteint 40 % comme en Angleterre, il ne faudra rien faire pour modifier la législation existante ? M. Jean Le Garrec. Bonne question ! Mme Muguette Jacquaint. Cela ne va pas dans le sens des discours de M. Borloo et du Président de la République sur la grande pauvreté. Chacun le reconnaît, les différences de salaires entre hommes et femmes sont de l'ordre de 20 %. On nous explique qu'une loi sur l'égalité professionnelle va nous être présentée. Soit. Mais il existe aussi une inégalité entre les femmes puisqu'un travail à temps partiel est payé 25 % de moins qu'un travail à temps complet. Le temps partiel est un moyen de payer encore moins les femmes. Monsieur Morin, vous nous avez reproché de n'avoir rien fait. Je vous renvoie à mes interventions et aux amendements proposés par mon groupe. M. Hervé Morin. Je n'ai pas parlé de vous ! Mme Muguette Jacquaint. Surtout, et il ne s'agit pas ici de se justifier, il n'est jamais trop tard pour faire mieux, a fortiori lorsqu'on sait que le temps partiel est à l'origine de la pauvreté dans notre pays. Il y a trois ou quatre ans, nous ne disposions pas de tous ces éléments d'analyse. J'ajoute que la situation s'est aggravée depuis car certains ont compris qu'il était possible de faire travailler les salariés davantage sans les payer plus. Monsieur le ministre, vous nous dites aujourd'hui vouloir faire en sorte que les gens travaillent plus pour gagner plus. C'est exactement ce que nous proposons, et cela m'amène à mon amendement n° 13. Si on doit pouvoir travailler plus, on ne doit pas pour autant y être contraint. Chacun l'a dit, en effet, les heures complémentaires bouleversent complètement la vie de famille. Il faut en finir avec le travail imposé. Il serait donc souhaitable que le salarié soit d'accord pour faire ces heures et que son refus ne donne pas lieu à un licenciement. Voilà ce que nous proposons pour améliorer le travail à temps partiel. J'ajouterai,... M. le président. Brièvement, madame Jacquaint ! Mme Muguette Jacquaint. ...reprenant les propos de M. Le Garrec, que vous avez visiblement la volonté de développer le travail à temps partiel, puisque vous avez encore assoupli les règles qui l'encadrent. Je vais vous parler de cas que chacun d'entre vous connaît : M. Novelli lui-même l'a confirmé. J'ai reçu dans ma permanence une femme qui travaille à temps partiel et qui, chaque jour, a trois heures de transport. Quand elle a une coupure, elle ne rentre pas chez elle. M. Jean Le Garrec. Et voilà ! Mme Muguette Jacquaint. Elle passe donc sept heures dehors pour un salaire de misère, qui ne lui permet même pas de payer la garde de son enfant ! Plusieurs députés du groupe UMP. Mais vous étiez favorables au travail à temps partiel ! M. Henri Emmanuelli. Pas dans ces condtions : c'est vous qui avez supprimé le plafond de deux heures ! Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le ministre, il est scandaleux que vous ne vouliez pas changer de telles situations ! M. le président. La parole est à M. le ministre. M. le ministre délégué aux relations du travail. Concernant le mandatement et la place des accords d'entreprise, je voudrais expliciter la circulaire du 22 septembre 2004, prise en application de la loi du 4 mai, que nous avons beaucoup évoquée. M. Morin a raison : l'article L. 132-26 permet de recourir au mandatement, quel que soit le sujet de l'accord. Il faut que le mandatement soit organisé par la branche. Deux branches l'ont déjà fait. Mais que se passe-t-il dans l'hypothèse où il n'y a pas de délégué syndical ? Les accords d'entreprise peuvent être négociés avec les représentants élus du personnel au comité d'entreprise, ou à défaut avec les délégués du personnel,... M. Henri Emmanuelli. Et voilà ! M. le ministre délégué aux relations du travail.... mais de tels accords doivent être approuvés par une commission nationale paritaire de branche. C'est cet équilibre que M. Le Garrec juge insuffisant. Pourtant, la branche, dans la commission nationale où sont représentés les partenaires sociaux et les syndicats, aura à s'exprimer sur l'accord. M. Jean Le Garrec. Vous dites bien : « aura à s'exprimer » ! M. le ministre délégué aux relations du travail. J'ai dit « aura » car il s'agit d'un accord qui lui sera soumis ! En l'absence de tout représentant élu, la négociation peut aussi être menée par des salariés mandatés dans les conditions que je viens d'évoquer. Mais l'accord ainsi conclu doit être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés. Mme Martine Billard. C'est ce que j'ai dit ! M. Alain Vidalies. On reste dans l'entreprise ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Il y a donc un certain nombre de protections. En ce qui concerne d'éventuelles pressions, l'application de la loi du 4 mai préserve l'équilibre entre les salariés et l'entreprise. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Alain Vidalies. Vous proposez au pendu de choisir la corde ! M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36. (L'amendement n'est pas adopté.) Rappel au règlement M. Gaëtan Gorce. Je demande la parole pour un rappel au règlement. M. le président. Dans l'esprit ou la lettre ? M. Gaëtan Gorce. Dans l'esprit, assurément : je parle de l'esprit de concertation qui devrait animer le Gouvernement. (Sourires.) Nous n'avons pas eu de réponse très précise sur la concertation interprofessionnelle, je n'aurai donc pas la cruauté d'insister sur ce point qui, manifestement, met le Gouvernement mal à l'aise. Et comme nous sommes une opposition constructive (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et que nous ne voulons pas créer de difficultés au Gouvernement sur un sujet aussi difficile, je vais déplacer la discussion sur un autre thème. M. Larcher nous indiquait hier qu'une concertation avait été engagée. En lisant son interview dans Le Parisien du 31 janvier dernier, j'apprends qu'elle a eu lieu avec le Gouvernement lui-même et que cette proposition de loi a été élaborée en concertation avec le Gouvernement. C'est la moindre des choses ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. Henri Emmanuelli. Heureusement ! Mme Muguette Jacquaint. Encore heureux ! M. Gaëtan Gorce. Et comme M. le ministre est cohérent, il explique ensuite à l'Assemblée nationale que cette proposition de loi a été élaborée en concertation avec les parlementaires : CQFD, la boucle est bouclée ! Mais puisque nous parlons de concertation, je voudrais revenir à certains textes juridiques, à propos desquels j'aimerais obtenir des réponses précises du Gouvernement. Selon l'article 3 du décret du 15 octobre 2002, qui porte la signature de M. Jean-Pierre Raffarin, toujours Premier ministre, et de M. François Fillon, alors ministre des affaires sociales, une modification du contingent d'heures supplémentaires ne pourrait intervenir qu'après l'établissement d'un bilan de la négociation collective relative à la fixation du contingent d'heures supplémentaires. Nous souhaiterions, monsieur le ministre, disposer de ce bilan au vu duquel, après avis du Conseil économique et social, il peut être procédé à un nouvel examen des dispositions réglementaires relatives au contingent d'heures supplémentaires. N'ayant pas assisté à toutes les réunions de la commission, pour les raisons qui ont été évoquées précédemment, nous n'avons eu connaissance ni du bilan présenté à la Commission nationale de la négociation collective, ni de l'avis du Conseil économique et social qui a précédé l'adoption du décret du 21 décembre 2004 portant le contingent de 180 à 220 heures. Monsieur le ministre, sachant que vous êtes, comme M. Fillon, M. Borloo et l'ensemble du Gouvernement, un adepte forcené du dialogue social et de la concertation (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), je suppose que ces dispositions ont été respectées. Afin de vous laisser le temps de communiquer les documents correspondants à la représentation nationale, je demande une suspension de séance d'un quart d'heure. M. le président. La parole est à M. le ministre. M. le ministre délégué aux relations du travail. Monsieur Gorce, je veux bien comprendre ces suspensions de séance successives, qui n'ont d'autre but que celui d'éclairer la représentation nationale,... (Rires sur divers bancs.) M. Jean Le Garrec. C'est évident ! M. le ministre délégué aux relations du travail. ...qui doit en être illuminée ! Je vous rappelle que la lettre du 30 juin contenait l'ensemble des programmes du plan de cohésion sociale, ainsi que l'évolution de la législation sur la durée du travail. Hier, je vous ai lu le fil conducteur des entretiens bilatéraux. M. Jean Le Garrec. Ce ne sont que des entretiens ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Aujourd'hui, vous ne l'avez sans doute pas entendu, mais je vous ai donné lecture d'une partie du compte rendu que la Commission nationale de la négociation collective a reçu le 26 juin dernier. M. Alain Vidalies. Ce n'était pas très clair ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Il est vrai que le Conseil économique et social n'a pas été saisi de ce dossier... (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) M. Henri Emmanuelli. Eh bien voilà ! M. le ministre délégué aux relations du travail. ...dès lors qu'une négociation interprofessionnelle n'était pas prévue et que nous avons considéré qu'il fallait légiférer. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) M. Jean Le Garrec. Voilà ! M. le ministre délégué aux relations du travail. J'espère, monsieur Gorce, avoir répondu très précisément à la question que vous m'avez posée. M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce. M. Gaëtan Gorce. Je remercie M. le ministre de sa franchise : il vient de nous confirmer que les dispositions que le Gouvernement avait intégrées dans le décret du 15 octobre 2002 n'ont pas été respectées. Cela étaye notre démonstration : le Gouvernement passe en force, au mépris des dispositions qu'il a lui-même prises ; le dialogue social, qui est au cœur de son discours, n'est pas un élément de sa pratique. Je renouvelle donc, monsieur le président, ma demande de suspension de séance, pour laisser au Gouvernement le temps de retrouver ses esprits après ce moment d'assouplissement des règles qu'il s'est lui-même fixées... M. le président. La suspension de séance est de droit. Nous reprendrons nos travaux à dix-neuf heures trente. Suspension et reprise de la séance M. le président. La séance est suspendue. (La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à dix-neuf heures trente.) M. le président. La séance est reprise. Je suis saisi d'un amendement n° 13. Cet amendement a été défendu par Mme Jacquaint. Quel est l'avis de la commission ? M. Pierre Morange, rapporteur. Avis défavorable de la commission. Je tiens à rappeler les éléments de protection du régime des heures complémentaires pour éclairer le débat. Comme je l'ai précisé, elles doivent rester dans la limite d'un dixième de l'horaire contractuel de temps partiel et ne donnent lieu ni à majoration ni à repos compensateur. Cette limite peut être portée au tiers de l'horaire par accord collectif et, dans ce cas, les heures effectuées au-delà du seuil d'un dixième sont majorées de 25 %. Par ailleurs, l'accord collectif doit apporter des garanties, notamment en matière de continuité des plages de travail et de limitation des interruptions. Les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée effective du travail à un temps plein. De plus, lorsque pendant douze semaines consécutives ou douze semaines sur une période de quinze, un salarié à temps partiel a dépassé d'au moins deux heures par semaine son horaire contractuel, son contrat est de droit modifié en conséquence. L'horaire contractuel est donc majoré du dépassement constaté. Enfin, le principe posé au quatrième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail, selon lequel le refus de faire des heures complémentaires dans les limites contractuelles ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement lorsque le salarié est informé moins de trois jours auparavant, constitue une garantie suffisante au regard des spécificités du travail à temps partiel. M. Vidalies s'inquiétait de savoir si je disposais d'une édition actualisée du code du travail : je le rassure quant à la fraîcheur du code dont fait usage la commission ! Je me permets toutefois de lui relire l'article L. 212-4-4, car il a été dit que le passage du délai de prévenance de sept à trois jours était imputable au gouvernement actuel. Je vais donc découper ce texte : « Une convention ou un accord collectif de branche étendu » - texte antérieur - « ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement... » - ajout introduit en effet par la loi du 4 mai 2004 -... M. Alain Vidalies. C'est essentiel ! M. Pierre Morange, rapporteur. Je poursuis : «...peut faire varier en deçà de sept jours, jusqu'à un minimum de trois jours ouvrés, le délai prévu au premier alinéa de l'article L. 212-4-3, dans lequel la modification de la répartition de la durée du travail doit être notifiée au salarié. » Ces dernières dispositions sont issues, permettez-moi de le souligner, de la loi du 19 janvier 2000 ! M. Alain Vidalies. Oui, mais ce n'était possible que par un accord de branche ! M. Pierre Morange, rapporteur. Il n'empêche que la réduction du délai de prévenance a été autorisée par la loi du 19 janvier 2000. M. Alain Vidalies. Vous avez introduit l'accord d'entreprise et, ensuite, vous avez inversé la hiérarchie des normes ! M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué aux relations du travail. Le Gouvernement partage l'avis du rapporteur. En outre, il s'est déjà largement expliqué à ce sujet. M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies. M. Alain Vidalies. L'amendement n° 13 pose une question de principe que nous reverrons à plusieurs reprises tout au long du débat. Elle mérite une réponse qui n'a pas été apportée jusqu'à présent et qui permettra, je crois, au Gouvernement et à la majorité de préciser leurs intentions et, en tout cas, de nous donner une lecture beaucoup plus précise de ce qu'est l'objectif réellement poursuivi. Quelle est la situation à ce jour, aussi bien dans le cadre du contrat à durée indéterminée que dans le cadre du contrat à durée déterminé qui est visé par cet amendement ? Le salarié, par principe dans le contrat à durée indéterminée, et au-delà d'un quota fixé à l'avance dans le contrat à durée déterminée, ne peut pas refuser de faire des heures supplémentaires. M. Jean Le Garrec. Et voilà ! Mme Martine Billard. Eh oui ! M. Alain Vidalies. C'est-à-dire que la décision de faire effectuer des heures supplémentaires à un salarié est jusqu'à présent une prérogative du chef d'entreprise, et que le refus du salarié est une cause réelle et sérieuse de licenciement. M. Jean Le Garrec et Mme Martine Billard. Tout à fait ! M. Alain Vidalies. Or, depuis le début, vous abordez ce débat en nous expliquant que l'important, pour pouvoir travailler plus afin de gagner plus, c'est que la liberté, le temps choisi puisse s'exprimer ; et à chaque fois que nous faisons des objections, vous nous opposez le choix du salarié. S'il doit y avoir une mise en cohérence du code du travail avec vos affirmations réitérées depuis des semaines dans les journaux et dans cet hémicycle, et si ce qui est réellement recherché est bien la liberté de choix du salarié, il faut alors immédiatement voter cet amendement et nos amendements suivants sur le contrat à durée indéterminée, de telle sorte que le salarié ait aussi le choix de refuser d'effectuer des heures supplémentaires sans encourir de sanction. Ainsi, votre démarche et vos explications auraient quelque crédibilité. J'espère donc que vous répondrez favorablement à cet amendement et à ceux qui suivront sur le contrat à durée indéterminée. Sinon, épargnez-nous vos histoires de temps choisi et de liberté du salarié qui ne servent qu'à nous vendre un texte qui vise d'autres objectifs, des objectifs de flexibilité et certainement pas de promotion du temps choisi. Nous attendons avec beaucoup d'intérêt la réponse du rapporteur, du Gouvernement et de la majorité sur cette question de principe, majeure dans ce débat, afin de jauger de la crédibilité de leurs arguments. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13. M. Alain Vidalies. Ils ne répondent pas : c'est extraordinaire ! (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 14. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le soutenir. Mme Muguette Jacquaint. On entend souvent dire que les entreprises doivent pouvoir s'organiser, et c'est pourquoi, d'année en année, on aurait diminué le délai de prévenance. Seulement, les salariés et leurs familles ont, eux aussi, besoin de s'organiser. On nous annonce une loi sur l'égalité professionnelle. La délégation aux droits des femmes va formuler des vœux pour qu'il soit possible de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle. Or, quand une salariée - je parle surtout des femmes car elles représentent 80 % des effectifs du temps partiel - n'est prévenue que quelques jours à l'avance d'une modification de son organisation de travail, comprenez que cela perturbe énormément sa vie familiale. Je me souviens qu'un parlementaire avait interrogé le Gouvernement sur les crèches à l'occasion d'une question d'actualité. Les crèches, disait-il, ne peuvent pas s'adapter à l'organisation du travail telle qu'elle se pratique aujourd'hui. Et c'est vrai ! M. Hervé Novelli. Il y a les crèches d'entreprise ! Mme Muguette Jacquaint. Quand vous travaillez à temps partiel et qu'on vous dit seulement deux jours avant : « Madame, cette fois-ci, vous ne travaillerez pas le matin, mais l'après-midi », ou « vous ne travaillerez pas le mercredi, mais le jeudi », reconnaissez que si votre enfant est à la crèche, ce n'est tout de même pas l'idéal pour améliorer son accueil ! Je le répète, cette organisation du travail n'est pas choisie, mais imposée ! S'agissant du délai de prévenance en cas de modulation du temps de travail, qu'il soit de trois jours ou de sept jours, nous savons tous parfaitement que les entreprises ne respectent même pas les délais légaux ! Très souvent, on vous appelle la veille pour le lendemain ! « Excusez-nous, vous deviez travailler dans trois jours, mais on a vraiment besoin de vous, il faut que vous veniez demain ! »... Et si vous ne venez pas, vous êtes très mal notée, vous ne faites pas d'effort, vous êtes, comme on dit, insensible au développement de l'entreprise ! Notre amendement a donc pour objet de revoir ce délai en le portant à quinze jours au lieu de sept actuellement - ou plutôt trois maintenant -, afin de permettre aux salariés de concilier impératifs professionnels, vie de famille et accueil du jeune enfant. M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. Je ne voudrais pas lasser nos collègues dans la mesure où j'ai déjà donné lecture de ce fameux article L. 212-4-4. Toutefois, le délai de sept jours, qui peut être abaissé au minimum à trois jours, dans lequel toute modification du contrat de travail à temps partiel doit être notifiée au salarié, semble suffisant au regard des spécificités de ce régime. Par ailleurs, il convient de noter que la rédaction proposée par l'amendement est trop extensive et ne correspond pas à l'objet annoncé. Je ne reprendrai pas l'argumentaire sur les lois Aubry qui, me semble-t-il, est désormais acté. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué aux relations du travail. Comme l'a rappelé le rapporteur, l'alinéa premier de l'article L. 212-4-4 du code du travail prévoit « une convention ou un accord collectif », donc une négociation pour faire varier le délai entre trois jours ouvrés et sept jours. M. Alain Vidalies. De branche ou d'établissement ? M. le ministre délégué aux relations du travail. Je l'ai dit tout à l'heure, je ne souhaite pas ouvrir maintenant le chantier du temps partiel, même s'il m'apparaît nécessaire. Je pense en effet qu'il faut le resituer dans le débat sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Il nécessite également une analyse d'impact, que nous avons commencée, et une analyse par branche professionnelle que, pour ma part, j'ai engagée, notamment auprès de la grande distribution. Comme vous tous, nous constatons en effet un certain nombre de choses et le texte sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes nous donnera l'occasion d'ouvrir le débat. Cependant, la flexibilité peut être utile tant pour l'employeur que pour le salarié. Il faut donc laisser une place à la négociation... M. Jean Le Garrec. Attendez ! Où va-t-on ! M. le ministre délégué aux relations du travail. ...entre les partenaires sociaux pour apprécier la mesure de flexibilité qui est nécessaire. Une approche équilibrée entre la part de la loi et celle de la convention doit permettre de régler au mieux les rapports entre les salariés et l'entreprise. M. Jean Le Garrec. Non ! M. le président. La parole est à Mme Martine Billard. Mme Martine Billard. Quand Muguette Jacquaint parle d'êtres humains, le rapporteur répond en invoquant la spécificité du régime, ce qui est une manière de rejeter l'amendement. Il y a de quoi être choqué : en l'occurrence, il s'agit de femmes qui travaillent à temps partiel et qui doivent s'adapter à des modifications d'horaires dans des délais très brefs. M. le ministre invoque la négociation collective. Il faudrait en finir avec cette histoire ! On pourrait envisager de recourir à la négociation collective s'il n'y avait pas eu la loi Fillon, si l'on n'avait pas autorisé les accords d'entreprise et d'établissement moins favorables que les accords de branche, mais M. le ministre a parlé des entreprises où la décision du chef d'entreprise s'imposerait dès lors que 50 % des salariés l'accepteraient. Ces salariés auront-ils le choix, si on leur dit : c'est ça ou la porte ? Pourront-ils refuser si des dizaines d'autres personnes attendent de s'emparer de leur poste ? Croyez-vous vraiment que, dans ces cas-là, il y ait égalité ? C'est au contraire la toute-puissance du chef d'entreprise qui décidera souverainement des horaires de travail. Si vous voulez vraiment rétablir l'égalité et la négociation, commencez par revenir sur la loi Fillon pour en rester aux accords de branche. Au nom des Verts, je m'étais opposée à cette loi et, lors du débat, j'avais expliqué que, dès lors qu'on ouvrait la porte aux accords d'entreprise et aux accords de branche moins favorables, ce serait un précédent qui s'appliquerait pour toutes les lois. Les salariés n'auraient alors plus de protection. Mme Muguette Jacquaint. Bien sûr ! Mme Martine Billard. La protection, en effet, ce sont les négociations, les accords de branche qui l'assurent. Et c'est précisément ce qu'a supprimé la loi Fillon. Ne venez donc pas nous expliquer aujourd'hui, chaque fois que vous imaginez de nouvelles clauses, que la protection des accords collectifs continuera de s'exercer, car, dans bien des entreprises, ils n'existent déjà plus, certaines ayant conclu des accords internes pour passer outre aux accords de branche. M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec. M. Jean Le Garrec. Mme Jacquaint et Mme Billard, qui connaissent parfaitement ces sujets, ont expliqué les conditions de travail imposées à ces femmes : temps partiel subi, salaires ne permettant souvent de vivre qu'à la limite du seuil de pauvreté. Or, monsieur le ministre, vous aggravez encore ces conditions, d'une part en réduisant le délai de prévenance de sept à trois jours, d'autre part en bouleversant la hiérarchie des normes. Ce n'est plus l'accord de branche qui prime, mais l'accord d'entreprise, voire d'établissement. Et vous avez le toupet d'écrire qu'un accord d'établissement peut éventuellement ramener le délai de prévenance de sept à trois jours, moyennant les contreparties nécessaires. Mais que faudra-t-il pour que les conditions d'une véritable négociation soient réunies au niveau de l'établissement ? Cela ne se fera-t-il pas, le plus souvent, en l'absence de toute représentation syndicale ? N'invoquera-t-on pas l'énorme pression du chômage ? Les salariés ne seront-ils pas, de fait, dans l'incapacité de négocier ? On me rapportait tout à l'heure le cas d'une jeune femme de Besançon qui vient d'être licenciée sans délai sous prétexte qu'elle a refusé une modification d'horaires. Au lieu de maintenir le délai de prévenance que nous avions fixé à sept jours,... M. Pierre Morange, rapporteur. Pouvant être ramenés à trois ! M. Jean Le Garrec. ...vous l'avez raccourci. Au lieu de privilégier l'accord de branche, vous vous donnez bonne conscience en disant que, si un accord d'établissement est conclu sur la réduction du délai, il sera éventuellement possible de prévoir des contreparties. Or nous savons que, dans la majorité des cas, la négociation n'aura pas lieu. Cette situation est inacceptable et il faut voter l'amendement qui vient d'être proposé. M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint. Mme Muguette Jacquaint. Je sais bien que, comme vous venez de le dire, monsieur le ministre, nous aurons à débattre, dans les jours ou les mois qui viennent, d'un texte sur l'égalité professionnelle. Mais n'est-ce pas aussi le sujet de la proposition de loi dont nous discutons en ce moment ? Pourquoi renvoyer à un hypothétique projet de loi ? Pourquoi ne pas en profiter pour améliorer dès aujourd'hui le statut des travailleurs à temps partiel, qui sont parmi les moins bien protégés et les plus pauvres ? Vous dites que la flexibilité arrange à la fois les entreprises et les salariés. Permettez-moi d'en douter pour ces derniers. M. Hervé Novelli. Allez au Danemark, vous verrez ! M. Henri Emmanuelli. Avec le code du travail danois, ça m'étonnerait, monsieur Novelli ! Mme Muguette Jacquaint. Permettez-moi de rappeler qu'il y a 25 % de différence entre la rémunération d'une femme qui travaille à temps partiel et celle d'une femme qui travaille à temps complet. Il faut appeler un chat un chat ! Qui est le gagnant, dans cette affaire ? Et pourquoi a-t-on si souvent recours à cette forme de travail et à la flexibilité ? Certains ont su s'assurer une bonne part du gâteau, tandis que d'autres sont parmi les plus mal payés et subissent des contrats de travail qu'on peut rompre à tout moment. Des femmes sont licenciées parce qu'elles refusent de changer d'horaires. Autrement dit, on veut des salariés dévoués corps et âme, pieds et poings liés. Je ne suis pas du tout satisfaite de la réponse de M. le ministre, et je demande, monsieur le président, une suspension de séance pour pouvoir préparer la défense de mon prochain amendement. M. le président. La parole est à M. Léonce Deprez, qui avait demandé à s'exprimer avant que vous ne réclamiez une suspension de séance, madame Jacquaint. M. Léonce Deprez. Pour que notre débat soit équilibré, il faudrait qu'un membre de la majorité s'exprime aussi. M. Alain Vidalies. Ne vous en privez surtout pas ! M. Léonce Deprez. Nous sommes de ceux qui souhaitent réexaminer la question du temps partiel et celle de l'égalité du coût du travail féminin et masculin dans un cadre législatif. Nous sommes de ceux qui souhaitent que les femmes aient le même traitement que les hommes. Mais, monsieur le ministre, nous examinerons ces questions le moment venu. Ne mélangeons pas les débats et restons-en à la réforme qui est proposée aujourd'hui. Avec le recul de l'expérience − plusieurs dizaines d'années de vie dans l'entreprise −, je sais bien que, si le rapporteur et le ministre proposent de réduire le délai de prévenance à trois jours, c'est parce que, dans la compétition qui les oppose, les entreprises ont pour objectif de satisfaire leurs clients. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) M. Henri Emmanuelli. Tout ça, c'est pour les besoins de la clientèle ! M. Léonce Deprez. Si l'on ne satisfait pas leurs exigences, on perd des clients, et si l'on perd des clients, on perd de l'emploi. Il faut quand même le dire : c'est lorsque les entreprises répondent aux exigences de la vie économique qu'elles créent du travail. On s'en rend bien compte, dans certains départements où le taux de chômage est élevé : tout ce que l'on peut faire pour les demandeurs d'emploi, c'est de leur donner du travail. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Pour cela, il faut un travail qui soit dignement rémunéré et, pour le préserver, il faut satisfaire les clients, car les entreprises sont au service de leurs clients. Mme Martine Billard. Les salariés sont aussi des clients ! M. Léonce Deprez. C'est pourquoi il faut envisager les mesures que nous proposons dans un autre esprit que vous ne le faites. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Pour accéder à la demande de Mme Jacquaint et parce qu'il est l'heure, je vais lever la séance. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique : Suite de la discussion de la proposition de loi, n° 2030, de M. Patrick Ollier et plusieurs de ses collègues portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise : Rapport, n° 2040, de M. Pierre Morange, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. La séance est levée. (La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.) Le Directeur du service du compte rendu intégral jean pinchot |