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Première séance du mercredi 16 mars 2005 177e séance de la session ordinaire 2004-2005 PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ M. le président. La séance est ouverte. (La séance est ouverte à quinze heures.)
M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement. M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour poser la première question, au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains. Mme Jacqueline Fraysse. Ma question s'adresse à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Le 12 janvier dernier, une nouvelle convention médicale, organisant les rapports entre la médecine libérale et l'assurance maladie, a été signée par trois organisations syndicales et l'UNCAM. Traduction concrète de la réforme de l'assurance maladie, cette convention organise, en principe, un parcours de soins coordonnés par un médecin traitant. En réalité, elle aboutit à augmenter la part des dépenses restant à la charge des patients et à brouiller la responsabilité politique de ce transfert. Vous obligez, en effet, les médecins à faire assumer cette régression à leurs patients, dans la solitude de leur cabinet. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ainsi, par cette convention, et contrairement à ce que vous annonciez, les patients devront payer de leur poche l'augmentation des tarifs de la médecine de ville, même s'ils respectent le parcours de soins. La mise en place de ce système de santé à multiples vitesses rassemble contre elle, au-delà de tout clivage politique, l'ensemble des professionnels de santé et les usagers. Déjà, plus de 80 % des généralistes refusent cette convention médicale par la voix de leurs organisations syndicales. Certains d'entre eux, constitués en collectif, ont rédigé un manifeste contre votre réforme et sa convention. Il est, à ce jour, signé par plus de 25 000 médecins et citoyens. Ils ont engagé un recours devant le Conseil d'État et appellent, aujourd'hui, les assurés sociaux à boycotter la déclaration du médecin traitant. Ils semblent d'ailleurs avoir été largement entendus, puisque seulement 2 millions d'assurés sociaux sur les quelque 45 millions que compte notre pays ont renvoyé leur déclaration. Avec mes collègues du groupe des député-e-s communistes et républicains, je les soutiens sans réserve dans cette démarche. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. Madame Fraysse, veuillez poser votre question. Mme Jacqueline Fraysse. Mesdames, messieurs les ministres, votre politique ultralibérale et régressive craque de toutes parts. (« La question ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues ! Madame Fraysse, posez votre question ! Mme Jacqueline Fraysse. Comme pour l'emploi, les salaires, les 35 heures, le droit du travail, l'école, nos concitoyens exigent que vous preniez leurs intérêts en compte avant celui des marchés et de la haute finance. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. Inutile de crier, cela ne sert à rien ! Posez votre question, madame ! Mme Jacqueline Fraysse. Ils exigent que vous appeliez à de nouvelles négociations pour un projet de convention médicale... M. le président. Madame Fraysse, vous avez dépassé votre temps de parole depuis longtemps ! M. Maxime Gremetz. C'est faux ! Mme Jacqueline Fraysse. ...qui place l'intérêt des patients et de la santé au cœur de son action (Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)... M. le président. Madame, je vais être forcé de vous interrompre ! Mme Jacqueline Fraysse. ...et qui tienne compte de l'ensemble des professionnels de la médecine. Êtes-vous prêt à accéder à leur demande ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. le président. Chacun doit respecter le même temps de parole ! (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.) M. Daniel Paul. Mme Fraysse l'a respecté ! M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie. Madame la députée, je pense avoir compris le sens de votre question. Je serais même tenté de vous remercier de l'avoir posée car elle va me permettre de rétablir la vérité. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste. - « Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Quand vous dites que les assurés sociaux vont mettre la main à la poche, ce n'est pas vrai (« Si ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), puisque, aujourd'hui, un patient qui choisira son médecin traitant et qui sera dans le parcours de soin sera remboursé comme hier, et même mieux. En effet, certains Français qui n'avaient pas accès à une complémentaire santé seront désormais aidés pour en avoir une. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur les bancs du groupe socialiste.) Ils sont deux millions dans cette situation, qui peuvent être aidés grâce à la réforme. Vous prétendez que 80 % des médecins sont contre la convention. En vérité, 94 % des médecins généralistes ont déjà renvoyé des formulaires de déclaration du médecin traitant. Et ces chiffres ne résultent pas de sondages ! C'est la réalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Voilà qui montre bien que, pour les Français, comme pour leurs médecins, la réforme est en marche. Vous ajoutez que 2 millions de Français seulement ont choisi leur médecin traitant. Or, les chiffres dont Philippe Douste-Blazy et moi-même disposions, hier, montrent que ce sont plus de 3,5 millions de Français qui ont fait ce choix, alors même que tous nos concitoyens n'ont pas reçu le formulaire. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Madame Fraysse, je vous reprocherai non pas d'avoir échoué dans la réforme de l'assurance maladie, mais de ne même pas avoir osé la tenter, alors que, nous, nous allons la réussir, pour sauver la « Sécu » à la française ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.) M. le président. Monsieur Paul, vous avez nié que Mme Fraysse ait dépassé son temps de parole. Sachez qu'elle a parlé durant trois minutes quarante-cinq ! (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Or chacun dispose du même temps de parole, qu'il soit de droite ou de gauche ! M. le président. La parole est à M. Georges Ginesta, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire. M. Georges Ginesta. Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, après l'explosion de l'insécurité qu'a connue la France sous le gouvernement socialiste (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), ces dernières années ont revêtu un caractère tout particulièrement important en matière de lutte contre la délinquance. Sous l'impulsion du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, et grâce à la fermeté dont il a déclaré vouloir faire preuve en la matière, grâce aussi à la mobilisation des équipes de gendarmerie et de police, force est de constater que la délinquance recule. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Après la baisse continue, constatée tout au long des années 2002 et 2003, l'année 2004 a marqué un nouveau record, avec une diminution générale de près de 4 % des faits constatés. Reste que cette bonne évolution doit impérativement s'inscrire dans le long terme. Nos concitoyens, avec raison, sont tout particulièrement attentifs à cette question. Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous communiquer les derniers chiffres dont vous disposez sur la délinquance ? Confirment-ils la tendance à la baisse qui perdure depuis 2002 ? Pouvez-vous, surtout, nous indiquer ce qu'il en est de l'évolution des violences faites aux personnes, qui s'était stabilisée à la fin de 2004 ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, vous avez raison de saluer l'action de nos forces de sécurité, parce qu'elles le méritent. L'année 2004 a été la meilleure des dix dernières années pour la lutte contre la délinquance. Et les résultats sont aussi au rendez-vous pour les deux premiers mois de 2005, puisqu'on enregistre une baisse de la délinquance générale de 5,1 % et de la délinquance de voie publique de 9,5 %. Mais dans le domaine de la lutte contre la délinquance, il faut rester modeste. Mme Martine David. Vous ne l'êtes pas ! M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Notre priorité est la lutte contre les violences sur les personnes, violences difficiles, car elles sont souvent gratuites. Il s'agit parfois aussi de violences intraconjugales, de violences quotidiennes. M. François Sauvadet. Très juste ! M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Cela implique des objectifs très clairs. C'est pourquoi je souhaite une mobilisation constante de nos forces de sécurité, davantage de présence sur le terrain, et une présence plus réactive grâce aux nouveaux outils de gestion, notamment la main courante informatique. Il faut surtout protéger les plus exposés, les femmes, les enfants et les personnes âgées. Dans le domaine des violences contre les personnes aussi, les résultats sont là, puisque, pour les deux premiers mois de l'année, on note une baisse de 2 %. Dans le Var, votre département, monsieur Ginesta, elle est même de 5 %. Par conséquent, si nous devons rester modestes, nous n'en devons pas moins prodiguer des encouragements à tous ceux qui, sur le terrain, se battent pour la sécurité de nos compatriotes. Telle est bien la détermination du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour le groupe socialiste. Mme Marylise Lebranchu. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, depuis trois ans, le Gouvernement, auquel vous appartenez désormais, conduit la politique de la France. M. Lucien Degauchy. Vérité de La Palice ! Mme Marylise Lebranchu. Tout homme ou toute femme politique qui croit en l'action publique ne peut plus entendre l'argument de « l'héritage » ni les leçons données en permanence à la gauche. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Hier, ni Jean-Marc Ayrault, ni Pierre Bourguignon, ni donc aucun Français, n'ont obtenu de réponses à leurs questions. C'est pourquoi je vous demande de nous dire, comment, avec plus de mille milliards d'euros de déficit,... M. Lucien Degauchy. La faute à qui ? Mme Marylise Lebranchu. ...avec 10 % de chômage - ces chiffres traduisent la réalité d'aujourd'hui pour les Français -,... M. François-Michel Gonnot. Non, ils traduisent votre bilan ! Mme Marylise Lebranchu. ...avec une révision à la baisse de la croissance, avec l'engagement de baisser les déficits publics et celui de baisser encore les impôts des plus favorisés, vous allez faire pour assumer les engagements du Premier ministre d'augmenter le pouvoir d'achat de nos compatriotes, qui a perdu 0,3 % en 2003, et d'ouvrir des négociations salariales dans la fonction publique (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), et l'engagement pris ce matin de faire bénéficier la minorité d'entreprises, qui pourront faire verser 200 euros de plus d'intéressement, d'une baisse de l'impôt sur les sociétés. Et j'en passe ! Bref, comment allez-vous procéder pour diminuer les impôts, donc les recettes, augmenter les dépenses, et vous attaquer, enfin, au chômage, drame premier de trop nombreux de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Madame la députée, je vous répondrai brièvement : nous ferons en faisant ce que vous n'avez pas fait pendant cinq ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. le président. Je vous en prie ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous avez raison, en France, le pouvoir d'achat est un vrai problème. Il est au cœur des préoccupations du Gouvernement (Exclamations ininterrompues sur les bancs du groupe socialiste), qui a pris des mesures à cet égard. (Vives protestations, puis huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. le président. Donnez un autre spectacle ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. L'augmentation du pouvoir d'achat a été de 1,5 % en 2004, et l'action du Gouvernement en cette matière va continuer, car les Français payent l'addition du financement de la RTT, non négociée et imposée. Nous avons donc pris des mesures. La bonne nouvelle, c'est que les solutions existent. Jean-Louis Borloo a pris les initiatives qu'il fallait. Le SMIC augmente de 5 % par an et la prime pour l'emploi de 4 %. Nous disposons à présent des éléments nécessaires pour envisager la redistribution des profits des entreprises. Telles sont les mesures prises par le Gouvernement. Nous avons donc bon espoir, madame la députée, que ce que vous n'avez pas réalisé le soit, en vue d'améliorer le pouvoir d'achat de tous les Français. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Huées sur les bancs du groupe socialiste.) M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie, donnez de nous une autre image ! OPTIONS DANS L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Union pour la démocratie française. M. François Rochebloine. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, parmi les nombreuses questions que se pose le monde de l'éducation, parents, élèves, enseignants, celle de la suppression des options nous préoccupe particulièrement. Si l'éducation est bien la priorité de la nation, comme on nous le dit régulièrement, pourquoi alors cette suppression annoncée partout pour la rentrée prochaine ? Comment comprendre que le ministère accepte ou entretienne une rupture d'égalité entre les collégiens et les lycéens, selon qu'ils sont scolarisés dans un établissement d'une grande ville ou d'un petit bourg ? Nous craignons que se développe une école à deux vitesses avec, d'un côté, les collèges et les lycées de centre-ville, où l'on pourra apprendre le latin et le grec, et d'un autre côté, les établissements désavantagés, où le choix des options sera réduit. Ce n'est pas l'école de la République, ce n'est pas l'école que nous voulons ! Monsieur le ministre, comment comptez-vous répondre à ces inquiétudes et quels moyens allez-vous donner à l'école pour que tous les élèves aient la même chance de réussir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.) M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement. M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement. Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de François Fillon, qui défend au Sénat la loi d'orientation sur l'école. Votre question, monsieur le député, touche à l'évolution de la démographie, réalité que l'éducation nationale ne peut ignorer et qui se traduit par l'évolution des options proposées aux élèves. M. Augustin Bonrepaux. Vous n'êtes pas convaincant ! M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement. Notre enseignement est l'un des plus diversifiés au monde. Au cours des années passées, nous avons choisi de permettre l'étude de nombreuses langues vivantes et de spécialités technologiques très variées. Mais ce choix a une contrepartie : il implique une évolution de la carte des options lorsque les élèves ne sont plus demandeurs de l'une d'entre elles. Lorsque les effectifs baissent, nous devons organiser par bassins de formation des regroupements de classes, voire d'établissements. L'idée est de maintenir toute l'offre de formation sur un bassin. Et les recteurs veillent à cette exigence. La diversité de notre enseignement est telle que le taux d'encadrement de nos établissements y est le plus élevé du monde, avec un professeur pour onze élèves en moyenne. Mme Martine David. C'est faux ! M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement. On ne peut raisonnablement faire plus. La carte des options doit être adaptée en conséquence pour atteindre notre objectif qui est celui d'une diversification réelle des parcours lycéens en fonction de leur demande sur l'ensemble du territoire et par bassin de formation. Monsieur le député, notre volonté commune est de fortifier l'école de la République, c'est-à-dire garantir à chaque élève l'égalité d'accès au savoir ainsi que l'égalité des chances. Tel est précisément l'objet de la loi d'orientation sur l'école que François Fillon défend en ce moment au Sénat et que la majorité de cette assemblée s'honore d'avoir votée il y a quelques jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) CONFLITS FAMILIAUX TRANSNATIONAUX M. le président. La parole est à M. Michel Heinrich, pour le groupe de l'UMP. M. Michel Heinrich. Monsieur le garde des sceaux, ministre de la justice, le nombre d'enfants enlevés chaque année par l'un de leurs parents et emmené à l'étranger pour empêcher l'autre d'exercer ses droits est en constante progression. La justice est saisie de plusieurs centaines de dossiers de ce type par an et leur nombre ne cesse de croître. Pour améliorer le traitement de ces douloureux contentieux familiaux, vous avez élaboré en octobre 2003, avec les autres ministres de la justice de l'Union européenne, le règlement communautaire dit « Bruxelles II bis », relatif à la responsabilité parentale, qui est entré en vigueur le 1er mars 2005. Les nouvelles dispositions européennes devraient favoriser la résolution des conflits familiaux qui sont autant de situations douloureuses vécues par les familles concernées. L'an dernier, vous aviez lancé un numéro Azur « SOS enfants disparus », afin que les familles puissent trouver un interlocuteur pour les conseiller et les orienter dans les procédures. Cette année, suite à l'entrée en vigueur de cet important règlement communautaire, vous créez un site Internet consacré aux déplacements internationaux d'enfants et à l'exercice du droit de visite à l'étranger. Pouvez-vous nous indiquer ce que ce site Internet, lancé ce matin même, apportera de nouveau aux familles confrontées à ce douloureux problème ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le député, de plus en plus de couples sont formés par des personnes de nationalités différentes au sein de l'Europe, mais aussi plus largement au niveau international. La conséquence, hélas, inévitable est qu'un certain nombre de ces couples, qui se déchirent, ont ensuite des difficultés - plus grandes qu'à l'intérieur d'un espace national - à gérer les questions liées à la garde de l'enfant et à la répartition des responsabilités parentales. Certains parents se laissent aller à enlever l'enfant de son lieu de domicile habituel pour l'emmener dans leur pays d'origine. Face à cette situation, il fallait trouver, d'abord au sein de l'union européenne, une solution propre à éviter les conflits de compétences entre tribunaux. Grâce à une initiative franco-allemande, nous avons obtenu il y a deux ans l'adoption d'un règlement européen qui donne au tribunal du domicile habituel de l'enfant la compétence exclusive pour trancher le différend. Ce règlement est entré en vigueur le 1er mars. Nous devons maintenant assurer le succès de ce dispositif qui est un élément important de la vie quotidienne en Europe. Après la création d'un numéro Azur, j'ai souhaité celle d'un site Internet permettant aux familles concernées - au 1er janvier dernier, 645 dossiers étaient ouverts auprès de la Chancellerie - de savoir quelle démarche administrative lancer, comment constituer le dossier et qui saisir, pour aboutir, dans le respect de la loi, à une décision de justice, propre à reconstituer, autant qu'il est possible, un environnement familial satisfaisant. Au-delà de l'Europe, il faudra, par des conventions avec chacun des pays concernés, obtenir des accords comparables. Il s'agit d'un progrès réel dans la vie quotidienne au sein de l'espace judiciaire européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. Yves Coussain, pour le groupe de l'UMP. M. Yves Coussain. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, trois semaines après avoir pris vos fonctions à la tête du ministère de l'économie, vous avez tenu ce matin votre première conférence de presse et vous avez fait le point sur votre méthode de travail et les actions prioritaires que vous comptez engager sans attendre. Votre méthode se fonde sur deux principes : instaurer la confiance en l'avenir et travailler dans la transparence, ce qui exige bien d'évoquer l'héritage. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Vos actions prioritaires sont destinées à soutenir et renforcer la croissance, ainsi que l'emploi et le pouvoir d'achat, celui-ci constituant également une priorité du contrat 2005 du Premier ministre. Le pouvoir d'achat est une source d'inquiétude pour nos concitoyens qui ont l'impression, vraie ou fausse, qu'il se dégrade, en particulier pour les classes moyennes. Quelles mesures comptez-vous prendre, monsieur le ministre, pour relancer le pouvoir d'achat dans le secteur privé comme dans le secteur public ? Vous avez dit ce matin que vous souhaitiez inciter les entreprises à associer leurs salariés aux résultats et avez tracé quelques pistes. Il serait juste en effet que les salariés, qui sont les premiers contributeurs à la production de résultats, profitent de ceux-ci. Quels sont vos objectifs en matière de pouvoir d'achat et les moyens d'y parvenir ? Plus largement, pouvez-vous indiquer à la représentation nationale quelles initiatives vous allez prendre en faveur du pouvoir d'achat et quel en est le calendrier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En effet, monsieur le député, j'ai expliqué ce matin que la méthode que je souhaitais développer à la tête de mon ministère se fondait sur la transparence (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et la réactivité. Il s'agit d'abord de parler aux Français l'économie qu'ils comprennent. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) M. Jean-Pierre Brard. Ne soyez pas méprisant ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il existe un certain nombre d'agrégats macro-économiques avec lesquels il nous faut trouver des marges de manœuvre - et cela n'est pas facile. Nous devons aussi réveiller les énergies qui sommeillent en chacun des Français. Ce sont les progrès de chacun qui feront le succès de tous. J'ai proposé un tableau de bord simplifié qui permettra de rendre compte, tous les trois mois, des progrès de notre économie. Les deux axes prioritaires que vous avez évoqués, monsieur le député, soutien à l'emploi et relance du pouvoir d'achat, sont intimement liés et sont en effet au cœur du combat du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) M. Augustin Bonrepaux. On voit le résultat ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Au-delà des mesures très importantes mises en œuvre par Jean-Louis Borloo (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), nous avons fait d'autres propositions concernant aussi bien le secteur privé que le secteur public. Les entreprises ont réalisé, il est vrai, d'importants bénéfices en 2004. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Il faut s'en réjouir, mes chers collègues, car cela signifie que la France est compétitive et que ces entreprises paieront leurs impôts sur le territoire national. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous avons décidé d'assouplir les procédures afin que les entreprises puissent faire bénéficier les salariés d'une prime d'intéressement exceptionnel de 15 % en 2005, prélevée sur le montant de l'IS 2004, et ce dans la limite de 200 euros par salarié. Il en sera de même pour le secteur de la recherche-développement. M. Augustin Bonrepaux. Avec quels moyens ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Les entreprises pourront ainsi utiliser leurs bénéfices pour préparer l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. le président. La parole est à M. Didier Mathus, pour le groupe socialiste. M. Didier Mathus. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, car elle porte sur une décision qui dépend de lui seul. Il semble que M. le Premier ministre ait la tentation d'imposer M. Aillagon, ex-ministre de la culture et de la communication, à la tête de TV5 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - « Et alors ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), télévision à vocation internationale qui regroupe l'ensemble des chaînes publiques francophones suisse, belge, canadienne et, bien sûr, française. Ce serait là un précédent unique : un ministre de tutelle propulsé après son éviction du Gouvernement à la tête d'une chaîne de télévision publique en guise de consolation ! C'est dire le peu de considération que vous avez à la fois pour la télévision et pour la francophonie ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Les organisations syndicales de TV5 comme nos partenaires étrangers ont fait part de leur émotion et de leur intention de refuser cette décision. M. Aillagon, qui avait réussi à dresser tous les acteurs de la culture contre lui et à faire annuler tous les festivals de l'été 2003, s'était également signalé par une constante action de déstabilisation de la télévision publique. M. Richard Mallié. Posez votre question ! M. Didier Mathus. C'est donc une singulière vision de la récompense des talents que vous mettez en œuvre. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Rappelons que cette tentative fait suite à la nomination de M. Mattei, ancien ministre de la santé, si brillant dans la gestion de la canicule de l'été 2003, à la tête de la Croix-Rouge ! (Exclamations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Allez-vous persévérer dans ces complaisances partisanes ou renouer enfin avec la pratique républicaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations et huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. Monsieur Nicolin, je vous en prie, on n'est pas au cinéma ! La parole est à M. le secrétaire d'État aux affaires étrangères. M. Renaud Muselier, secrétaire d'État aux affaires étrangères. Oui, monsieur le député, la France a proposé au Canada, à la communauté française de Belgique, au Québec et à la Suisse, nos partenaires au sein de TV5, la candidature de M. Jean-Jacques Aillagon pour la présidence de TV5 Monde. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est une personnalité incontestable et de très haut niveau, dont je salue le professionnalisme. Mme Martine David. S'il est si bien, pourquoi n'est-il plus ministre ? M. le secrétaire d'État aux affaires étrangères. Le nouveau président directeur général de TV5 Monde doit être élu par le conseil d'administration où siègent des représentants de France Télévisions, Arte France, la RTBF, la Télévision suisse romande et Télé Québec. Conformément aux engagements pris par le Gouvernement, nous procédons à une concertation préalable approfondie avec les différents partenaires. C'est la raison pour laquelle M. Aillagon rencontre aujourd'hui les représentants de ces différents gouvernements. Mme Martine David. Il n'est pourtant plus ministre ! M. le secrétaire d'État aux affaires étrangères. La procédure s'achèvera normalement avec la réunion du prochain conseil d'administration, dont la date reste à fixer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène des Esgaulx, pour le groupe UMP. Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Ma question s'adresse à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation. Jusqu'aux années 60, le commerce était une activité naturelle, spontanée de nos centres-villes. Mais à la suite d'une évolution profonde des modes de consommation, les zones commerciales se sont transportées vers la périphérie des agglomérations. C'est ainsi, d'ailleurs, que toutes les entrées de ville se ressemblent aujourd'hui, ce que nous ne pouvons que déplorer. Pendant ce temps, le nombre de commerces de proximité n'a cessé de diminuer. M. Jacques Desallangre. Ne faut-il pas laisser faire le marché ? Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Les cœurs de ville, lorsqu'ils sont animés, offrent pourtant une vie densifiée et contribuent à des relations sociales équilibrées. Ce tissu de petites et moyennes entreprises est donc un atout considérable pour notre pays. Aujourd'hui, nous observons un redémarrage de ces commerces dans nos centres-villes, et un réel potentiel s'offre à eux. Ainsi, dans ma ville, Gujan-Mestras, capitale ostréicole du Bassin d'Arcachon, les artisans et petits commerces représentent le maillage essentiel du tissu urbain. Je dirai même que ce sont eux qui structurent nos quartiers. Or nous constatons, du fait du vieillissement de la population, un infléchissement très net des habitudes des consommateurs, qui réclament aujourd'hui davantage d'accueil, de conseil et d'écoute, bref, une meilleure qualité de service. M. Gilbert Biessy. Est-ce vraiment si nouveau ? Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Nos habitants vivent même les achats en centre-ville comme une nouvelle forme de loisir. Dans un tel contexte, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer ce que le Gouvernement entend faire pour accompagner ce mouvement, positif pour nos centres-villes, pour les consommateurs et pour les commerces de proximité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) M. le président. La parole est à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation. M. Christian Jacob, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation. Vous avez raison, madame la députée, de le souligner : on observe un redémarrage des commerces dans les centres-villes. On le doit notamment aux supérettes, dont le nombre a augmenté ces dernières années d'environ 30 %, et qui sont un élément essentiel d'animation. Notre plan de redynamisation vise à accompagner et à conforter l'implantation de ces commerces. Plusieurs actions vont ainsi être menées. D'abord, une action de restructuration conduite de la façon la plus globale possible, grâce à la collaboration des villes, des unions de commerçants et des institutions consulaires. M. Jean-Pierre Brard. Ce sont des soins palliatifs ! M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation. Ensuite, nous avons renforcé les fonds d'intervention en faveur du commerce et de l'artisanat, en les augmentant de 40 % : ils sont portés de 70 à 100 millions d'euros. Ajoutons à cela le lancement d'une campagne de communication sur le thème : « commerçants, l'énergie de tout un pays ». En complément, enfin, vient la préparation du projet de loi PME, dont les mesures concernent le financement, la transmission, la création et le renforcement de ces structures essentielles. Le petit commerce, en effet, représente dans notre pays 400 000 entreprises et 2 millions d'emplois. Il mérite donc que l'on prenne en sa faveur toutes les mesures d'accompagnement et de solidarité nécessaires. Et au moment où certains éprouvent le besoin de mener de grandes campagnes d'affichage montrant des matraques, j'invite les consommateurs à se diriger vers des commerces où ils seront accueillis avec le sourire plutôt qu'avec des matraques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) M. le président. La parole est à Mme Françoise de Panafieu, pour le groupe de l'UMP. Mme Françoise de Panafieu. Monsieur le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, la commission d'évaluation du Comité international olympique a quitté dimanche notre capitale, après y avoir passé cinq jours, au cours desquels elle a évalué la candidature de Paris pour les jeux Olympiques et paralympiques de 2012. À lire la presse, nous avons le sentiment que cette visite s'est bien passé. Mais nous savons qu'il faut rester extrêmement prudent dans ce type de situation. Je souhaite, monsieur le ministre, vous poser deux questions. Premièrement, quelle est votre analyse de la situation et des cinq jours que la commission a passés ici ? Deuxièmement, j'aimerais savoir ce que l'équipe de candidature et vous-même projetez comme action, d'ici au 6 juillet prochain, pour continuer d'entretenir la ferveur de l'esprit olympique français et permettre à notre dossier d'être examiné avec succès, ce qui serait un bien pour la France et pour nous tous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. la parole est à M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Vous l'avez dit, madame la députée : la candidature française vient de vivre une étape particulièrement importante, une étape nécessaire, mais pas encore suffisante pour obtenir l'organisation des Jeux. En accueillant la commission d'évaluation et sa présidente, Mme Nawal El Moutawakel, nous avions trois objectifs. Le premier était de vérifier que notre concept des Jeux était le bon - en particulier l'installation du village olympique dans un de vos quartiers du 17e arrondissement, dont vous êtes l'élue. (« Quelle coïncidence ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Cela conduirait à transformer profondément et durablement un quartier qui en a bien besoin. Le deuxième objectif était d'exprimer un consensus politique autour de la candidature. Le Président de la République a reçu la commission ; le Premier ministre s'est rendu devant elle, en compagnie d'un certain nombre de ministres, dont M. Thierry Breton, ici présent, ... M. Jean-Pierre Brard. Et le maire de Paris ? M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. ...afin d'exprimer l'engagement total du Gouvernement aux côtés de la ville de Paris et de son maire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), ... M. Jean Glavany. Il s'appelle Delanoë ! M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. ...de la région et du mouvement sportif. Le Gouvernement tiendra toute sa place dans l'organisation des jeux Olympiques. M. Jean Glavany. Il n'a rien fait ! Et le maire de Paris, il n'existe pas ? M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Enfin, le troisième objectif était de démontrer la mobilisation des Françaises et des Français, dont un sondage a rappelé qu'ils étaient 85 % à accompagner la candidature. Pour cela, il fallait des symboles. À cet égard, monsieur le président, l'Assemblée nationale a pleinement joué son rôle, d'une part, parce qu'un de vos collègues, Guy Drut, membre du CIO, fait partie de la commission de candidature et participe activement à ses travaux (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), et, d'autre part, parce que vous avez vous-même signé, avec les présidents des groupes de l'Assemblée, une tribune appelant à une mobilisation en faveur de la candidature. (Mêmes mouvements.) Enfin, dernier symbole, et peut-être le plus beau : le slogan « Paris 2012 » affiché sur le fronton de l'Assemblée nationale. Je peux vous assurer, monsieur le président, qu'il a séduit la commission d'évaluation et sa présidente, démontrant que chaque Française et chaque Français s'était approprié cette candidature. M. Jean Glavany. Vous ne vous rappelez toujours pas le nom du maire de Paris ? M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Arrêtez de beugler, monsieur le député ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Cette candidature est soutenue au même niveau par le maire de Paris, le président de la région et l'ensemble des Françaises et des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Plusieurs députés du groupe socialiste. Des excuses ! M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira, pour le groupe socialiste. Mme Christiane Taubira. Monsieur le président, je ne doute pas une seconde que M. le ministre des sports aura à cœur de présenter ses excuses pour l'expression malheureuse qu'il vient d'employer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je suis d'ailleurs prête à lui céder dans ce but quelques secondes de mon temps de parole. (Mêmes mouvements.) Ma question s'adresse à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Monsieur le ministre, le paludisme fait l'objet d'une actualité désolante, et je souhaite vous interroger sur l'action du Gouvernement en ce domaine. Le sujet a d'ailleurs été abordé en janvier dernier, au sommet de Davos, et les organismes internationaux ont pu commencer à accorder leurs chiffres : deux milliards de personnes exposées, 600 millions touchées en 2002. C'est la première cause de mortalité en Afrique, et la maladie la plus répandue dans le monde, y compris aux Amériques et en Asie du Sud-Est. Même la Corse est exposée. En Guyane, 5 000 cas sont recensés chaque année, ce qui représente plus de 3 % de la population. Encore ce chiffre est-il probablement en deçà de la réalité, compte tenu de l'orpaillage clandestin, qui mobilise de nouveaux foyers d'infestation, et de l'enclavement du territoire, qui entrave l'action des services sanitaires. À l'occasion du festival « Africa live », qui s'est tenu à Dakar le week-end dernier, le Président de la République a déclaré que le terrible bilan du paludisme était une insulte à la conscience humaine et assuré que la France serait au côté de l'Afrique pour enrayer la progression du paludisme et du sida d'ici à 2015. Mais la parole de la France sera d'autant plus crédible qu'elle aura démontré, là où elle le peut et le doit, sa détermination à soigner et à prévenir. Martine Aubry avait accompli un acte de responsabilité (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) en retirant les médicaments antipaludéens de la liste des médicaments de confort. Depuis, nous attendons la prise en charge du remboursement par la Caisse primaire d'assurance maladie sur le régime général. C'est la condition pour désengorger les hôpitaux et les centres de santé, et pour éviter de pénaliser les patients ayant recours à la médecine de ville. (« La question ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce remboursement est urgent, de même que le sont la simplification et l'harmonisation des schémas thérapeutiques (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) ... Dois-je vous rappeler que l'on meurt du paludisme ? Il est également urgent, bien entendu, de lutter contre la résistance des souches et d'assurer l'approvisionnement des hôpitaux en primaquine. Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question ! Mme Christiane Taubira. Le ministre a entendu ma question. M. le président. Veuillez conclure, madame Taubira. Mme Christiane Taubira. Monsieur le ministre, l'OMS signale qu'un enfant meurt du paludisme toutes les trente secondes. Ainsi, depuis que j'ai pris la parole, quatre enfants en sont décédés. Quatre destins humains ont été broyés ! Si vous convenez de l'urgence de la situation, je vous prie de nous indiquer le calendrier d'action du Gouvernement en ce domaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. le président. Mes chers collègues, dans la tradition parlementaire, lorsque certains mots ont excédé la pensée de leur auteur, l'usage veut que la présidence ne les entende pas. Je n'ai rien entendu tout à l'heure. (« Nous non plus ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La parole est à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Vous avez raison, madame la députée, de souligner l'horreur que représente cette maladie qu'est le paludisme. La Guyane est le seul département français à connaître un paludisme endémique. De 2000 à 2002, plus de 10 000 cas ont été notifiés, en particulier dans la région du Maroni. Il s'agit essentiellement du plasmodium falciparum (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), qui est le plus dangereux. Et il est en effet nécessaire de soigner en priorité les enfants, qui sont les plus touchés. Comment vous le savez, il existe deux traitements du paludisme, ... M. Jean-Marie Le Guen. Non, il y en a trois ! M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Monsieur Le Guen, vous devriez savoir que le plasmodium n'est pas sensible à la Nivaquine, mais à la Malarone. S'agissant du traitement curatif, il est remboursé à 100 % par la sécurité sociale. Vous n'avez pas le droit de prétendre le contraire, madame la députée : un tel mensonge est inadmissible ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Lucien Degauchy. Oh la menteuse ! M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Quant au traitement prophylactique du paludisme, j'ai le plaisir d'annoncer à la représentation nationale que j'ai demandé à la Caisse nationale d'assurance maladie d'en expérimenter le remboursement pour les personnes qui se rendront en Guyane à titre professionnel (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et non pour des raisons touristiques, bien évidemment. Ce n'est pas l'ancienne majorité qui l'a fait, c'est nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) ÉVALUATION DE LA LOI SUR LES DÉCHETS RADIOACTIFS M. le président. La parole est à M. Claude Birraux, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire. M. Claude Birraux. Monsieur le ministre délégué à l'industrie, à la demande des quatre présidents de groupe de l'Assemblée et après accord du Bureau, le président Debré a saisi l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques d'une étude sur l'évaluation de la loi de 1991 relative à la gestion des déchets radioactifs de haute activité. Ce matin, Christian Bataille et moi-même, avons rendu public notre rapport, accepté hier soir par l'Office. Monsieur le ministre délégué à l'industrie, ma question se décline en trois points. La loi de 1991 a largement été inspirée par le Parlement, l'Office parlementaire et les travaux de Christian Bataille. Elle prévoyait un rendez-vous parlementaire en 2006. M. Bataille et moi insistons sur le terme de « parlementaire » parce que seul le Parlement a une légitimité démocratique que lui confère le suffrage universel. Confirmez-vous ce rendez-vous et selon quel calendrier ? Lors de nos visites de terrain, nous avons constaté un manque d'information des élus et du public sur les recherches conduites en application de la loi de 1991. Notre rapport fait un point rigoureux sur l'évolution des connaissances depuis 1991. Un débat peut donc s'organiser à partir de ces éléments scientifiques. Comment comptez-vous informer les élus et le public, organiser le débat et selon quel calendrier ? Enfin, si cette question est nationale, elle concerne aussi le niveau local. Des engagements de solidarité avaient été pris avec les collectivités locales de Meuse et de Haute-Marne où le laboratoire de Bures est implanté. Confirmez-vous ces engagements de l'État qui semblaient s'être estompés dans la mémoire de tous vous prédécesseurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie. M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le député, je veux dire d'abord que le Gouvernement apprécie particulièrement les travaux de l'Office parlementaire, qui ont le grand avantage, sous toutes les législatures, d'être conduits de façon paritaire entre majorité et opposition, ce qui les rend d'ailleurs relativement indiscutables. Je vois avec sympathie la bonne entente entre ceux qui conduisent ces travaux. Oui, le rendez-vous de la loi Bataille sera tenu. Quand ? Au premier semestre 2006. Selon quelles modalités ? D'abord, les rapports des acteurs de la recherche, l'ANDRA et le CEA, seront rendus dès juin 2005. Ensuite, la Commission nationale du débat public organisera le débat à l'automne de cette année et rendra son rapport en janvier 2006. Enfin, le Gouvernement finalisera son projet de loi au premier trimestre 2006 et saisira le Parlement au deuxième trimestre 2006. Sur les conclusions du rapport déposé ce matin par l'Office parlementaire, je veux exprimer l'accord du Gouvernement. Naturellement, il y a lieu d'étendre le débat public à toutes les personnes concernées. Quant à votre troisième question, ni moi ni mes prédécesseurs n'ont réellement oublié les engagements pris. Les départements considérés touchent, chaque année, 9,2 millions d'euros au titre de la loi Bataille, ce qui n'est pas négligeable. De plus, le projet de loi que le Gouvernement proposera au Parlement révisera, pour l'étoffer, le dispositif d'accompagnement économique. Enfin, j'ai demandé à la filière industrielle du nucléaire de faire, dès cette année, des implantations industrielles dans ces départements. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La loi Bataille est la loi de la République ! M. le président. La parole est à Mme Michèle Tabarot, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Mme Michèle Tabarot. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État aux affaires étrangères et j'y associe les membres du groupe d'études sur l'adoption. Monsieur le secrétaire d'État, en décembre dernier, la mobilisation du Gouvernement et des parlementaires a permis à plusieurs familles de faire enfin aboutir leurs dossiers d'adoption au Cambodge après une attente de plus de dix-huit mois. Ce dénouement positif fut une grande satisfaction. Mais cet exemple démontre à quel point l'adoption internationale est une démarche difficile. La prochaine proposition de loi relative à l'adoption permettra d'ailleurs de mieux accompagner nos compatriotes à l'étranger. Madagascar a décidé, en 2004, d'adhérer à la Convention de La Haye et de réformer sa législation sur l'adoption. Aujourd'hui, les dossiers de plus de 100 familles françaises sont bloqués dans l'attente de cette réforme. Ces familles vivent actuellement un véritable déchirement, car le lien avec l'enfant a déjà été créé. M. le Premier ministre et vous-même êtes d'ailleurs très au fait de ces difficultés, puisque vous avez effectué différentes démarches afin qu'une issue favorable soit trouvée dans les meilleurs délais. Monsieur le secrétaire d'État, quelles actions diplomatiques entendez-vous prochainement engager auprès des autorités malgaches ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.) M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État aux affaires étrangères. M. Renaud Muselier, secrétaire d'État aux affaires étrangères. Madame la députée, je tiens tout d'abord à saluer votre action à la tête du groupe d'études sur l'adoption et remercier pour son travail le Conseil supérieur de l'adoption que préside M. Nicolin. Il est exact que, sur les 5 000 enfants adoptés par les familles françaises, près de 4 000 le sont à l'étranger. L'intérêt supérieur de l'enfant prime dans tous les cas de figure. Tous les pays sont aujourd'hui tenus, pour être reconnus sur le plan international, de respecter la Convention de La Haye qui protège l'enfant et permet de lutter contre les trafics. Parmi les pays qui entreprennent de régulariser leur législation, il y a Madagascar. Si le cas du Cambodge est aujourd'hui réglé, la législation malgache dans ce domaine ne date que du 1er septembre. On peut considérer que c'est une période transitoire pour les parents qui, après des démarches administratives difficiles dans ce pays, ont trouvé un enfant qu'ils ne peuvent faire venir sur le territoire français. C'est pourquoi le Premier ministre a écrit à son homologue malgache pour chercher des solutions permettant à ces parents d'accueillir leur enfant. Une mission d'évaluation a donc été envoyée sur place en février. Pour ma part, je m'y rendrai fin mars. Nous souhaitons résoudre le problème dramatique de cette centaine de familles puisque, aujourd'hui, seul un carcan administratif les empêche de régulariser leur situation. Nous ferons tout pour aboutir, comme ce fut fait pour les petits Cambodgiens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement. Suspension et reprise de la séance M. le président. La séance est suspendue. (La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. François Baroin.) PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN, vice-président M. le président. La séance est reprise.
M. le président. La parole est à M. Jean Glavany, pour un rappel au règlement. M. Jean Glavany. Je ne vais pas faire une affaire d'État de l'incident survenu tout à l'heure lors de la séance des questions au Gouvernement, monsieur le président, mais nous avons été un grand nombre à être très surpris par la réponse extraordinairement sectaire du ministre des sports à propos des jeux Olympiques. Soulignant le formidable consensus qui entoure ce dossier, il a cité le Président de la République, le Premier ministre, Mme de Panafieu, M. Drut, oubliant le président de la région et le maire de Paris. Au-delà d'un tel sectarisme qui ne l'a ni honoré ni grandi, le ministre des sports a oublié deux choses. La première, c'est la charte olympique, qu'il devrait connaître puisqu'il a été, que je sache, champion olympique, même à deux reprises, charte selon laquelle un dossier de candidature ne peut être déposé que par une ville, et c'est donc la ville de Paris qui a déposé le dossier, et la seconde, c'est le nom du maire de Paris. Pourriez-vous donc lui rappeler qu'il s'appelle Bertrand Delanoë et que citer le nom du maire de Paris n'a jamais écorché les lèvres de qui que ce soit dans cet hémicycle ? Il devrait s'en souvenir. Quant aux termes qu'a employés le ministre des sports à l'égard de quelques députés, dont j'étais, qui essayaient de lui rappeler ces deux réalités, le propos du président de l'Assemblée nationale était suffisamment explicite pour les désavouer et les condamner. Je dirai simplement avec humour qu'ayant été ministre de l'agriculture pendant quatre ans, je suis bien placé pour savoir que les bruits émis par certains animaux n'ont rien à voir avec ce que nous avons entendu tout à l'heure dans l'hémicycle. Je regrette que le ministre des sports, ministre de la République, soit si peu connaisseur des affaires rurales ! (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
RÉFORME DE L'ORGANISATION DU TEMPS DE TRAVAIL DANS L'ENTREPRISE Discussion, en deuxième lecture, d'une proposition de loi M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise (nos 2147, 2148). La parole est à M. le ministre délégué aux relations du travail. M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, votre assemblée est saisie en deuxième lecture de la proposition de loi relative à l'organisation du temps de travail dans l'entreprise. Lors de nos débats approfondis en première lecture, j'ai eu l'occasion d'insister sur l'importance que le Gouvernement attache à cette proposition de loi qui ouvre aux entreprises des possibilités nouvelles en matière d'organisation du temps de travail. Je ne reviendrai donc que très brièvement sur sa logique d'ensemble, mais il me semble toutefois à ce stade nécessaire de remettre en perspective la démarche qui a guidé les promoteurs de ce texte, et le Gouvernement, qui lui a apporté son soutien. J'ai entendu des interrogations sur l'opportunité d'une telle réforme alors que le chômage reste à un niveau élevé et que nombre d'entreprises semblent avoir, tant bien que mal, surmonté le passage aux 35 heures. Certains estiment même, et je pense notamment aux prises de position récentes de plusieurs organisations syndicales, que la proposition de loi constituerait un retour en arrière. Revoir l'organisation du temps de travail au sein des entreprises, ce serait freiner les embauches et limiter la progression du pouvoir d'achat des salariés. Je crois pour ma part que ces prises de position ne correspondent guère aux réalités, qu'il s'agisse de l'impact des 35 heures ou de la nature de la réforme proposée. Voyons le diagnostic tout d'abord. Considérer que le passage aux 35 heures aurait été globalement favorable à notre économie et aurait été une source d'emplois pérennes et de richesse qu'il faudrait tenter de réactiver aujourd'hui me paraît constituer globalement un contresens. Des études, et je fais notamment référence aux travaux sur lesquels s'est appuyée la mission commune d'information présidée par Patrick Ollier et dont Hervé Novelli était le rapporteur, l'ont montré : l'emploi est le fruit de la croissance et de l'initiative collective et individuelle. Une réduction autoritaire et uniforme de la capacité de travail est un facteur de rigidité supplémentaire qui pénalise les entreprises et leur interdit de répondre à de nouvelles opportunités de marchés, donc de développer l'emploi. Si 350 000 emplois environ ont effectivement été créés entre 1998 et 2001, c'est sous l'effet d'une conjoncture internationale particulièrement favorable. C'est aussi parce que le passage aux 35 heures s'est accompagné de subventions massives aux entreprises... M. Patrick Ollier. Eh oui ! M. le ministre délégué aux relations du travail. ...pour compenser l'impact de cette mesure sur le coût du travail. M. Hervé Novelli. Exactement ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Ces subventions pèsent aujourd'hui lourdement sur nos comptes publics. Dans le même temps, la réduction autoritaire du temps de travail a eu un coût élevé pour les salariés : un coût en termes de stress et de charge de travail, nous en avons beaucoup débattu, 28 % des salariés considérant que leurs conditions de travail s'en sont trouvées dégradées, et un coût en termes de pouvoir d'achat, le passage contraint aux 35 heures s'étant traduit, dès que la conjoncture s'est retournée, par une forte décélération des salaires qui a atteint son point bas en 2003. En 2004, la tendance commence à s'inverser : le salaire moyen a progressé de 2,6 %, ce qui représente une progression nette du pouvoir d'achat moyen des salariés de 0,5 % à 0,7 % pour les salaires ouvriers. J'aurai l'occasion d'y revenir vendredi après-midi devant la sous-commission des salaires de la Commission nationale de la négociation collective et de faire le point sur ce sujet. Autrement dit, contrairement à ce que l'on entend ici ou là, assouplir l'organisation du temps de travail dans les entreprises, comme le Gouvernement s'y est employé depuis 2003, ne pénalise nullement les salaires et le pouvoir d'achat des salariés, bien au contraire. Par ailleurs, soutenir que la réforme de l'organisation du temps de travail serait un retour en arrière intempestif constitue un contresens sur la nature de cette réforme. M. Patrick Ollier. Très juste ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Il n'est pas question ici, au nom d'un quelconque esprit de revanche, d'abolir les 35 heures et de remettre en cause la durée collective du travail. Quoi que l'on pense des lois de 1998 et de 2000 et de leur bilan, tout cela n'aurait aujourd'hui guère de sens. Qu'on le veuille ou non, les entreprises et les salariés ont dû s'organiser autour de cette nouvelle durée légale, et il ne s'agit évidemment pas aujourd'hui de les contraindre à remettre une nouvelle fois à plat leur organisation. On sait la lourdeur d'une telle remise à plat. Notre démarche est pragmatique et réaliste. Elle vise simplement, dans le prolongement des lois Fillon du 17 janvier 2003 et du 4 mai 2004, à donner aux entreprises et aux branches des outils supplémentaires pour surmonter les rigidités nées du passage autoritaire, brutal et univoque aux 35 heures. Les ajustements nécessaires seront trouvés par la négociation collective, au plus près du terrain, en fonction des besoins des entreprises et des attentes des salariés, car, conformément aux principes fixés par le Président de la République le 14 juillet dernier et rappelés par le Premier ministre lors de la présentation du contrat France 2005, il faudra que ces nouveaux équilibres prennent pleinement en compte les légitimes aspirations des salariés, notamment en termes de pouvoir d'achat. M. Maxime Gremetz. Oh ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Autrement dit, et ce sera l'enjeu des accords à négocier, tout surcroît de travail devra se traduire par un surcroît de rémunération à la hauteur des sujétions acceptées par les salariés, sous la forme soit d'un complément immédiat de salaire, soit d'une épargne en temps ou en argent utilisable à plus long terme. En première lecture, le Sénat s'est clairement inscrit dans la perspective ouverte par la proposition de loi et les travaux de l'Assemblée nationale et a apporté d'utiles compléments au texte issu de vos travaux. Je passerai rapidement sur l'article additionnel avant l'article 1er. Je sais que les élus alsaciens et mosellans de cette assemblée y sont très attachés. Il concerne le statut spécifique des jours fériés en Alsace-Moselle, notamment la Saint-Étienne, reconnu par le droit local. M. Alain Vidalies. Il faudrait étendre cette disposition ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Il n'y a pas de droit local dans les Landes, monsieur Vidalies,... M. Alain Vidalies. C'est vrai, mais c'est dommage ! M. le ministre délégué aux relations du travail. ...si ce n'est une autre forme de droit auquel un Président de la République avait rendu un honneur particulier ! À l'article 1er, relatif au compte épargne-temps, le Sénat a souhaité étendre davantage encore le dispositif d'exonération fiscale et sociale qui a été prévu à l'initiative de votre rapporteur pour les abondements de l'employeur en cas de transfert des droits vers l'épargne retraite. Le dispositif d'exonération couvre ainsi désormais clairement les transferts vers les autres plans de retraite d'entreprise dès lors qu'ils revêtent un caractère collectif et obligatoire, et je sais que votre rapporteur y est aussi très attaché. Le Sénat a également souhaité, avec le soutien du Gouvernement, préciser les conditions d'utilisation des congés payés affectés au compte épargne-temps, en évitant la monétisation systématique de la cinquième semaine de congés payés. Cela permet d'éviter que le socle des congés annuels ne puisse être fragilisé par le biais du compte épargne-temps et systématiquement transformé en complément de rémunération. L'article 3, relatif aux petites entreprises, a lui aussi fait l'objet de quelques modifications limitées. La nouvelle rédaction précise, plus clairement encore, que le régime dérogatoire applicable aux entreprises de vingt salariés au plus prendra fin au 31 décembre 2008. À compter de cette date, et comme le Premier ministre l'a indiqué, c'est le droit commun des heures supplémentaires qui leur sera applicable. M. Maxime Gremetz. Oh là là ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Par ailleurs, afin de favoriser la conclusion d'accords collectifs sur le compte épargne-temps dans ces entreprises et leur permettre d'anticiper ainsi la fin de la période dérogatoire, le Sénat a ouvert, à titre transitoire, un mécanisme de mandatement simplifié. Ce régime ad hoc de mandatement est proche de celui institué par la loi du 4 mai dernier sur le dialogue social, mais il n'exige pas la conclusion préalable d'un accord de branche étendu. M. Maxime Gremetz. Eh oui ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Vous le voyez, les apports du Sénat s'inscrivent bien dans la continuité de la démarche initiée par votre assemblée. Cette réforme me semble avoir atteint son point d'équilibre. Elle ouvre de nouvelles possibilités au dialogue social pour organiser le temps de travail, tout en respectant les garanties prévues par le code du travail. Il appartiendra donc aux partenaires sociaux de la faire vivre afin qu'elle puisse produire tous ses effets. En cela, elle s'inscrit donc pleinement dans la continuité de la politique suivie par le Gouvernement, qui vise à ouvrir de nouveaux espaces à la négociation collective et à remettre le dialogue social au cœur du fonctionnement des entreprises et des branches. Ces réformes étaient indispensables. Bien sûr, les recettes mises en œuvre jusqu'en 2002 avaient pu faire illusion en haut de cycle. Mais elles ont vite montré leurs limites lorsque la conjoncture s'est retournée. Alors que notre pays est exposé à une concurrence internationale sans cesse plus vive, il est illusoire de prétendre assurer sa prospérité à coup de contrats aidés dans les collectivités publiques, notamment pour les jeunes diplômés, ou de partage autoritaire du travail dans les entreprises. M. Patrick Ollier. Le ministre a raison. M. le ministre délégué aux relations du travail. Ces réformes commencent à porter leurs fruits, comme en témoigne la reprise de la croissance. Elles seront naturellement poursuivies. M. Maxime Gremetz. Et en avant ! M. le ministre délégué aux relations du travail. L'emploi demeure la première préoccupation des Français et la priorité du Gouvernement. Et c'est bien cette perspective qui nous a conduits, au sein du pôle de cohésion sociale animé par Jean Louis Borloo, à élaborer la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale. Cette loi est porteuse de réformes ambitieuses : elle s'attaque aux dysfonctionnements du marché du travail ; elle renforce le suivi des chômeurs ; elle donne aux entreprises les outils nécessaires pour accompagner au mieux les restructurations auxquelles elles sont confrontées ; elle favorise la création de nouvelles activités, ce qui constitue, pour les mois à venir, une priorité - le plan de développement des services à la personne en est une illustration. Nous sortons de quatre années de faible croissance qui ont entamé le dynamisme de notre économie et ont pesé sur l'évolution des salaires comme sur les résultats des entreprises. J'ai la conviction que cette tendance commence à s'inverser. Mais il s'agit d'un processus fragile, qu'il nous faut accompagner et non étouffer. Le Gouvernement y sera très attentif et j'aurai l'occasion de le redire après-demain devant la sous-commission des salaires de la Commission nationale de la négociation collective. Nous souhaitons œuvrer en faveur d'un nouveau pacte de croissance entre les entreprises et les salariés français, qui leur permette d'enclencher une dynamique de créations d'activités et de richesses partagées. Cela passe par une relance de la négociation salariale, dans les branches et les entreprises de croissance. Cela passe aussi par une rénovation des dispositifs d'intéressement pour permettre aux salariés de bénéficier directement des retombées positives de leur investissement au service de leur entreprise. M. Patrick Ollier. Très bien ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Car, en matière de salaires comme sur les autres sujets, je crois aux vertus du dialogue social. Telle est bien d'ailleurs la logique de cette proposition de loi dont l'accord collectif est la clé de voûte. J'ai bien la conviction que, par ces assouplissements, nous œuvrons au service de l'emploi, en desserrant les freins qui entravent le développement de l'activité dans notre pays et en accompagnant la reprise qui, certes encore fragile, s'est dessinée depuis le milieu de l'année 2004. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. M. Pierre Morange, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Assemblée nationale est saisie, en deuxième lecture, de la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, modifiée par le Sénat le 3 mars 2005, après avoir été adoptée en première lecture le 9 février 2005 par notre assemblée. Je ne reviendrai pas, à ce stade de la procédure, sur l'ensemble de la démarche qui inspire ce texte mais uniquement sur la volonté de permettre aux salariés qui le souhaitent de travailler davantage afin d'accroître leur pouvoir d'achat, et ce compte tenu des limites juridiques, économiques et sociales de la législation relative à la réduction du temps de travail. Il est donc apparu nécessaire, dans cette perspective, de prolonger les assouplissements mis en œuvre dès la loi Fillon du 17 janvier 2003. En première lecture, l'Assemblée nationale avait, sur chacun des articles de la proposition de loi, conforté en même temps qu'enrichi, la portée des différents dispositifs. Le Sénat a à son tour amélioré le texte sans en changer l'inspiration. L'évolution de l'article 1er relatif au compte épargne-temps affecte tant les possibilités d'alimentation que les modalités d'utilisation de celui-ci. L'Assemblée a, rappelons-le, enrichi cet outil en prévoyant notamment un régime d'exonération de cotisations sociales et d'impôt applicable aux droits issus des abondements de l'employeur au profit du compte épargne-temps, dans le cas où les sommes concernées sont versées sur un plan d'épargne pour la retraite collectif, le fameux PERCO. Elle a en outre précisé les modalités de liquidation du compte épargne-temps en établissant des mécanismes de garanties, notamment en cas de transfert des droits d'une entreprise à une autre. Le Sénat, en s'inscrivant dans une même logique, a enrichi le mécanisme attractif d'exonération fiscale et sociale en l'étendant aux droits affectés au compte épargne-temps lors d'un abondement par l'employeur pour le financement des régimes de retraite supplémentaire d'entreprise. Dans un autre ordre d'idées, le Sénat a souhaité que l'utilisation de la cinquième semaine de congés payés ne puisse pas être l'objet d'une rémunération immédiate, et ce dans un esprit de conformité à la législation relative aux congés payés. L'article 2, en consacrant l'existence d'un dispositif de « temps choisi », a ouvert la possibilité pour les salariés de travailler au-delà du contingent d'heures supplémentaires s'ils le souhaitent, et pour les cadres de renoncer à une partie de leurs journées de repos en contrepartie d'une majoration salariale, dans le respect des règles définies par une convention ou un accord collectif de travail. L'Assemblée, au cours de la première lecture, avait, pour l'essentiel, étendu ce régime à l'ensemble des cadres, quelle que soit leur catégorie de forfait. Au Sénat, la commission des affaires sociales avait adopté un amendement destiné à rappeler expressément l'existence de la règle de droit commun posant un maximum journalier de dix heures de travail, en application de l'article L. 212-1 du code du travail. Néanmoins, le ministre délégué aux relations du travail, M. Gérard Larcher, ayant, lors de la discussion en séance publique, réaffirmé l'applicabilité de cette règle de droit commun, le rapporteur de la commission des affaires sociales, M. Louis Souvet, a retiré cet amendement. En l'absence d'autres modifications, l'article 2 a donc été adopté dans les mêmes termes au Sénat et à l'Assemblée et il n'est dès lors plus en discussion. L'article 3 prévoit des mesures ciblées sur les petites entreprises de vingt salariés au plus. La première lecture devant l'Assemblée nationale avait déjà permis de préciser la portée de ces dérogations, en particulier par l'extension à toutes les catégories de cadres, de la possibilité transitoire offerte aux salariés de renoncer à une partie de leur journée ou demi-journée de repos en contrepartie d'une majoration salariale. Au cours de la lecture devant le Sénat, un amendement adopté par la commission des affaires économiques et du Plan a réaffirmé le caractère transitoire de ces régimes en posant expressément le principe de leur disparition au 1er janvier 2009. Par ailleurs, à l'initiative du groupe socialiste, le Sénat a précisé que les femmes enceintes ne pourraient avoir recours à la procédure de renonciation à une partie des journées ou demi-journées de repos. En outre, à l'initiative du groupe Union centriste - UDF, le Sénat a adopté une disposition consacrant l'existence d'un régime de mandatement syndical en l'absence de convention de branche ou d'accord professionnel étendu, pour permettre la conclusion plus aisée d'accords d'entreprise créant un compte épargne-temps dans les plus petites entreprises. Quant à l'article 4, qui comportait un gage destiné à compenser les éventuelles pertes de recettes résultant de l'application de la proposition de loi, il a été supprimé dès la première lecture devant l'Assemblée nationale, par la voie d'un amendement gouvernemental. Le Sénat a confirmé cette suppression, l'article 4 n'est donc plus soumis à la discussion pour cette deuxième lecture devant l'Assemblée nationale. Il faut enfin noter l'adoption, lors de la première lecture devant le Sénat, d'un amendement portant article additionnel, placé en tête de l'ensemble du dispositif, relatif à la question bien spécifique du statut des jours fériés dans les départements d'Alsace et en Moselle. Au total, c'est donc une démarche cohérente d'enrichissement progressif du texte que ces premières lectures de la navette parlementaire ont permis, et il convient de se féliciter des apports résultant de la discussion devant le Sénat. M. Patrick Ollier. Très bien ! M. Pierre Morange, rapporteur. C'est la raison pour laquelle la commission des affaires culturelles, familiales et sociales n'a pas souhaité, au cours de sa réunion du mardi 8 mars, amender le texte. M. Patrick Ollier. Elle a eu raison ! M. Pierre Morange, rapporteur. Voilà donc, en quelques mots, l'essentiel des dispositions qui sont soumises aujourd'hui à notre examen. Elles constituent, comme j'ai déjà eu l'occasion de le préciser au cours de la première lecture, un élément de souplesse supplémentaire et non une remise en cause des 35 heures, pour l'ouverture de nouveaux équilibres dans les entreprises, dans le respect des choix et des espérances de chacun. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement. La parole est à M. Jean Le Garrec. M. Jean Le Garrec. Monsieur Larcher, je rejoins votre analyse sur un seul point : l'extrême importance de ce texte, même s'il ne reste à examiner que deux articles, un article ayant été adopté conforme. En revanche, j'apprécie peu votre caricature de la question des 35 heures. Une commission, dont M. Novelli était le rapporteur, a rendu un rapport. C'est un travail que nous avons suivi passionnément. Nos points de désaccords ont été pris en compte et les problèmes ont été traités au fond. M. Hervé Novelli. Tout à fait. M. Jean Le Garrec. Vous avez qualifié les lois organisant la réduction du temps de travail de « brutales », « autoritaires », « univoques ». C'est oublier qu'elles ont donné lieu à des dizaines de milliers de négociations. M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Voilà qui ne vous ressemble pas, monsieur Le Garrec ! Ces mots me blessent, me choquent, me heurtent ! M. Jean Le Garrec. Monsieur le président, je le dis avec calme, mais je le dis. C'est mon droit. Je ne prendrai qu'un chiffre, le coût des 35 heures. Le rapport établi par la Cour des comptes, page 6, montre que sur 17 milliards d'abattements fiscaux consentis, 8 milliards proviennent de la réforme Juppé de 1995. Vous n'avez pas remis cela en cause, et je ne vous le reproche pas. Personne ne pensait le faire. Mais n'oubliez pas, monsieur le ministre, que, en cinq ans, nous avons créé 2 millions d'emplois et fait baisser d'un million le nombre des chômeurs. M. Jean-Michel Fourgous. Les Espagnols ont créé un million d'emplois de plus que nous ! M. Jean Le Garrec. Ne liez pas cela à la croissance. L'année dernière, avec une croissance de 2,3 %, vous n'avez créé que 40 000 emplois. C'est bien votre responsabilité qui est en cause. N'esquivez pas en permanence, comme vous le faites lors des séances de questions au Gouvernement, en renvoyant à d'autres ce qui relève de vos trois ans de gestion. De cela, vous serez comptables. Je ne reviendrai pas sur les motifs d'inconstitutionnalité de ce texte que j'ai déjà longuement évoqués en première lecture. Cela allongerait mon propos. Ce qui m'importe, c'est de jeter un regard sur la situation de notre société, de voir quels sont les problèmes qui se posent. La magnifique manifestation, qui s'est déroulée le 10 mars dernier, a certes rassemblé autour de mots d'ordre divers, parfois contradictoires, mais elle a exprimé une situation de grande gravité. Le sociologue Vacquin, spécialiste des conditions de négociations et de travail, parle d'une « société anxiogène. » Le mot est juste. Les salariés du privé ont même participé à cette manifestation. Malgré un taux de chômage de 10 %, ils ont eu ce courage. Quels sont les problèmes ? Le chômage, je l'ai dit, l'incertitude, le décalage entre les profits des grands groupes et la situation des salariés, les « golden parachutes »... Pourtant, le président du MEDEF déclarait hier que la France s'est globalement enrichie. Il est certes pour vous un allié encombrant, mais il soutient tout de même plus votre politique qu'il n'a jamais soutenu la nôtre ! Pour illustrer ce problème, l'actualité nous a fourni hier l'exemple d'Arkema, filiale chimique installée dans les Alpes de Haute-Provence... M. Hervé Morin. Et ailleurs ! M. Jean Le Garrec. Ailleurs aussi, en effet. Arkema n'a reçu aucun investissement depuis des années - j'ai attentivement étudié le dossier. Dans cette entreprise de 700 salariés contrôlée par Total, sont projetés 380 licenciements et 202 départs à la retraite à cinquante-deux ans. Cela renvoie au problème de la durée de la vie active en France : un taux de chômage record en Europe pour les moins de vingt-cinq ans et un taux d'employabilité très faible au-delà de cinquante-cinq ans - voire à cinquante-deux ans, en l'espèce. Voilà la situation vécue par les salariés. Le groupe Total réalise 10 milliards d'euros de bénéfices et procède à un rachat de ses propres actions pour 11 milliards d'euros - soit 10 millions d'euros par jour. Selon le dossier défendu par M. Jean-Louis Bianco, président du conseil général des Alpes de Haute-Provence et par le maire de Saint-Auban, M. Escanez, que je connais bien, il faudrait probablement investir, pour que cette entreprise retrouve une efficacité suffisante, 30 millions d'euros - ce qui n'est rien par rapport à la colossale puissance financière du groupe Total. On ne peut, certes, espérer de cet investissement des taux de retour de 10 % ou 15 %, mais du moins cette industrie-clé demeurerait-elle en France, et l'on éviterait de provoquer, avec la disparition des emplois indirects, des emplois induits et des emplois intérimaires qu'elle génère, un cataclysme dans les Alpes de Haute-Provence. Tel est le climat dans lequel nous examinons en deuxième lecture votre projet de loi mal ficelé et dangereux. C'est, d'abord, un projet mal ficelé : pas d'études d'impact, aucune information, par exemple, sur le compte d'épargne d'entreprise. M. Jean-Michel Fourgous. Vous aviez fait des études d'impact pour les 35 heures ? M. Jean Le Garrec. Oui, il y en a eu beaucoup ! M. Jean-Michel Fourgous. Parlez-nous de la concertation ! M. Jean Le Garrec. Pas de négociation avec les organisations syndicales. Au Sénat, sur ce texte d'une grande importance - et même si l'on peut se féliciter que la Haute assemblée ait sanctuarisé la cinquième semaine de congés payés et conforté le mandatement, auquel je suis très attaché, dans des termes presque identiques à ceux que nous avions employés dans les lois de Mme Aubry -, le débat a été plus qu'expéditif, comme cela a été le cas à propos du compte épargne temps, qui est un véritable fourre-tout. Monsieur le ministre, on trouve dans le texte qui nous est soumis la formule suivante : « à l'initiative de l'employeur, les heures effectuées au-delà de la durée collective du travail, lorsque les caractéristiques des variations de l'activité le justifient ». En bon français, il s'agit ici des heures supplémentaires. Théoriquement, ces quelques lignes permettraient donc d'intégrer au compte épargne-temps les heures supplémentaires, à l'initiative de l'employeur. Vous pourrez certes objecter qu'un accord d'entreprise est nécessaire, mais, puisque vous avez remis en cause la hiérarchie des normes, le champ est étroit et, dans le rapport de forces entre l'entreprise et son salarié, la situation de ce dernier est de plus en plus fragile. À propos de l'AGS, qui doit assurer des garanties, j'avoue que vous m'aviez « collé » lors de la première lecture du texte : alors que je faisais état d'un déficit de l'AGS, vous m'avez répondu que celle-ci avait retrouvé son équilibre, et vous aviez raison. M. Hervé Morin. Oui ! M. Jean Le Garrec. Toutefois, ce retour à l'équilibre a été obtenu en réduisant de moitié les garanties des salariés, par le décret du 27 juillet 2003. En outre, ces garanties reposent sur une augmentation de 0,35 % à 0,45 % des prélèvements sur les entreprises, qui n'est acceptée que provisoirement par le patronat. Le compte épargne-temps peut être utilisé sans aucune garantie véritable et chargé à l'initiative de l'employeur, dans un rapport de force déséquilibré entre l'entreprise et le salarié, avec une garantie de l'AGS d'autant plus problématique qu'elle jouera éventuellement, un jour ou l'autre, pour la clause de sauvegarde. J'ai interrogé des DRH, qui considèrent qu'il s'agit d'une véritable « usine à gaz » qu'il sera très difficile de mettre en œuvre. Voilà encore un point qui justifie l'importance de notre débat. C'est, il faut le reconnaître, un vrai saut dans l'inconnu, avec des précisions insuffisantes et des garanties fragiles. Or, vous le savez, monsieur le ministre, le dialogue, la concertation et, plus encore, la négociation indispensables n'ont pas eu lieu. Malgré des échanges et des rencontres, ce mécanisme n'a pas été poussé jusqu'à son terme. Je crains - et je préférerais me tromper, car ce sont les salariés qui en feront les frais - que ce dispositif ne soit d'une très grande fragilité dans les années à venir. À cet égard, vous n'apportez aucune garantie. Voilà déjà un point capital : ce texte important a été mal travaillé et n'a pas été négocié avec les partenaires sociaux. Cette impréparation recouvre une logique, qui est celle de votre gouvernement depuis plus de deux ans : c'est la fin d'une période, la fin du gaullisme social, la fin de la méfiance historique bien connue du général de Gaulle envers les puissances d'argent. M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Vous ne pouvez pas dire ça ! M. Jean Le Garrec. Mais si, je peux le dire ! La preuve : je le dis ! C'est le retour à l'ultralibéralisme. M. Patrick Ollier. Vous parlez à des gaullistes qui ne peuvent pas l'accepter. M. Jean Le Garrec. Moi, j'ai le droit de le dire si je le pense ! M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Vous nous avez habitués à plus de finesse, monsieur Le Garrec ! M. Jean Le Garrec. Il y a des moments où l'inquiétude l'emporte sur la courtoisie, et j'exprime ici une inquiétude réelle, et non simulée. Vous pourriez la respecter. Depuis deux ans se met en place une vision ultralibérale de la société. Les preuves en sont nombreuses : vous remettez en cause la hiérarchie des normes et le principe de faveur. Avec la clause de sauvegarde, vous avez la tentation de permettre les licenciements anticipés, sans aucune garantie ni protection - j'en prends à témoin M. de Roux, qui approuve cette démarche M. Xavier de Roux. Je confirme ! M. Jean Le Garrec. Je le sais bien, car j'ai participé à ce débat, et il est donc légitime que vous le confirmiez. Le président de la commission des lois a d'ailleurs défendu l'amendement proposé en ce sens en affirmant que les licenciements d'aujourd'hui garantiraient les emplois de demain. Le Garde des sceaux a résisté à la majorité à laquelle il appartient et n'a pas accepté cette solution, qui était le point d'orgue de tout un processus. J'espère que nous n'y reviendrons pas. Ce « détricotage » du code du travail - qui touche à la hiérarchie des normes, au principe de faveur et aux autres aspects que je viens d'évoquer - révèle un formidable retour en arrière quant aux protections collectives des salariés. Je n'aime pas l'expression de « temps choisi », sur laquelle vous insistez tant. M. Hervé Novelli. Vous préférez celle de « temps contraint » ! M. Jean Le Garrec. Dans une entreprise, le rapport de forces n'est guère favorable au salarié pour négocier son temps. Avec un contingent de 220 heures supplémentaires et sept heures de travail non payées, les salariés travailleront 40 heures par semaine. Quant aux trois millions de salariés qui sont aujourd'hui à 39 heures, et dont on ne parle jamais, ils pourront aller jusqu'à 44 heures. M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Mais non ! M. Jean Le Garrec. Ne dites pas le contraire ! M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Relisez donc le texte ! M. Jean Le Garrec. Si on ajoute à cela le temps choisi, la situation devient absurde. Quel est le sens de ce temps choisi, lorsqu'on atteint des nombres d'heures qui dépassent les montants prévus par le code du travail ? M. Alain Vidalies. C'est le temps choisi par l'employeur ! M. Jean Le Garrec. La tentation pourrait se faire jour de revoir l'accord collectif sur les heures supplémentaires, de le ramener à 50 ou 60 heures et d'instaurer, au-delà, le temps choisi. M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Comment peut-on être d'aussi mauvaise foi ? M. Jean Le Garrec. Monsieur le président Dubernard, je sais de quoi je parle : c'est mon métier ! Je ne suis pas médecin, et me garderais de vous expliquer comment on recoud une main ! Ne me donnez donc pas de leçons dans ce domaine ! M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Vous ne nous avez pas habitués à autant de mauvaise foi, monsieur Le Garrec ! M. Jean Le Garrec. Monsieur Dubernard, j'ai été président de votre commission pendant cinq ans, et vous me connaissez assez pour savoir que je n'ai jamais fait preuve de mauvaise foi. M. Patrick Ollier. C'est vrai ! M. Alain Vidalies. M. Le Garrec était un excellent président ! M. Jean Le Garrec. Je peux être en désaccord, mais j'argumente toujours ma position. Et si on me prouve, comme l'a fait M. le ministre à propos de l'AGS, que j'ai commis une erreur, je sais le reconnaître. M. Patrick Ollier. Vous vous trompez de bonne foi ! M. Jean Le Garrec. Je maintiens ma démonstration : voir dans l'empilement des heures de travail la réponse aux problèmes actuels est une vision malthusienne du développement économique. M. Hervé Morin. C'est précisément l'inverse : vous devez parler des 35 heures ! (Sourires.) M. Hervé Novelli. Quel paradoxe ! M. Jean Le Garrec. Vous regardez en arrière, et non pas en avant. Mon interrogation sur le temps choisi n'en est pas moins posée. Où et comment s'applique-t-il ? Au-delà du contingent d'heures supplémentaires ? Si c'est le cas, le risque est grand que l'accord collectif, d'entreprise ou d'établissement, revienne sur la masse des heures supplémentaires, et qu'à cela s'ajoutent les heures choisies, dont le régime sera beaucoup moins protecteur. Je me trompe peut-être : mais alors démontrez-le. En tout état de cause, ce n'est pas nous qui avons créé ce contingent d'heures supplémentaires, c'est vous. Et vous ne nous avez toujours pas dit pour quelles raisons vous l'avez fait. Vous mesurez vous-même - vous avez manifesté, à juste titre, le souci de travailler sur ce point - les risques d'aggravation des conditions de travail et de la précarité, étant donné la situation actuelle des entreprises. M. Askenazy, que vous avez lu, a raison d'en estimer le coût à 3 % de la richesse nationale. Le problème du temps est un problème capital, pour nos entreprises comme pour nos sociétés. Ma dernière interrogation concerne votre politique de l'emploi. Mais avez-vous même une politique de l'emploi ? C'est une grave question. Je vous répète ce que j'ai déjà dit à M. Borloo : je souhaite que le chômage baisse, parce que cela ne nous empêchera pas de vous battre, et que je préfère que notre victoire ait lieu dans un pays apaisé. Je n'ai pas pour habitude de faire de la politique sur le désarroi, l'angoisse et l'inquiétude des citoyens. On peut en effet se demander s'il y a réellement une politique de l'emploi. Vous avez, dans un premier temps, cassé les outils que nous avions mis en place. Oh ! je ne prétends pas qu'ils étaient parfaits ; ils avaient du moins le mérite d'exister, et d'avoir été rodés peu à peu. Je pense au dispositif TRACE, à l'intéressement. Vous avez certes dans un deuxième temps créé de nouveaux outils, comme le CIVIS ou le RMA, mais leur échec est patent. Voilà que M. Borloo nous en propose d'autres. Il a annoncé hier, en réponse à des questions au Gouvernement, que le contrat d'accompagnement vers l'emploi serait mis en place le 1er mai, le contrat d'avenir le 1er avril - sans vouloir faire un mot qui ne serait pas à la hauteur de notre débat. Or la Cour des comptes dans son rapport, que j'ai lu attentivement... M. Hervé Novelli. Nous aussi ! M. Jean Le Garrec. Je le sais, monsieur Novelli, puisque nous en avons discuté ensemble. La Cour des comptes, disais-je, explique que rien n'est pire que le changement incessant des politiques publiques... M. Hervé Morin. C'est surtout qu'elles ne sont jamais évaluées ! M. Jean Le Garrec.... et qu'il vaut mieux les laisser suivre leur chemin. Je sais par expérience, monsieur le ministre, qu'il faut attendre un an pour qu'une politique commence à faire ressentir ses effets. Nous sommes en 2005 : voyez à quelle date cela nous renvoie ! Vous ne pouvez pas vous justifier par une croissance moindre, dont votre politique économique est en partie responsable. La croissance française est en effet inférieure à la moyenne des pays européens comparables. En agissant à contretemps et à contre-emploi, vous n'avez créé, malgré une croissance relativement dynamique de 2,5 points, que 40 000 emplois, ce qui est dérisoire. Vous ne pouvez pas renvoyer à d'autres cette responsabilité, alors que cela fait trois ans que vous êtes au pouvoir. On sait aujourd'hui, monsieur Larcher, que ce sont les PME qui créent de l'emploi, et non les grandes entreprises. Or, si ces dernières gèrent très bien les 35 heures - je suis lucide : même quand il s'est agi d'un « donnant donnant », le gain des salariés a été moindre que celui des entreprises -, il n'en va pas de même pour les PME. Pour elles, vous dégagez le terrain des heures supplémentaires, en portant leur contingent jusqu'à 220 heures. Vous y ajoutez le temps choisi, qui suscite beaucoup d'interrogations. Vous pérennisez jusqu'en 2008 la faible majoration - 10 % - des heures supplémentaires. M. Patrick Ollier. Ce n'est pas une obligation ! C'est un choix ! (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Mme Muguette Jacquaint. C'est faux ! M. Jean Le Garrec. La belle remarque, monsieur Ollier ! Mme Muguette Jacquaint. Comme s'il y avait une possibilité de négocier ! M. Jean Le Garrec. Quand une PME souffre d'une croissance molle, monsieur Ollier, et qu'elle s'inquiète de son avenir, quand du fait des contraintes de son donneur d'ordre ou de la grande distribution elle est en butte à de grandes difficultés, quand elle a peur de prendre des risques, ce n'est peut-être pas une obligation, mais elle prend ses précautions ! Voilà la réalité. M. Hervé Morin. Pourquoi avoir introduit ce dispositif en 1998 ? M. Jean Le Garrec. Je pense que vous faites preuve d'une méconnaissance totale des contraintes qui pèsent sur l'entreprise. En envoyant un tel signal, vous allez compliquer l'application de votre politique, voire la rendre inapplicable, et fragiliser considérablement l'emploi. J'ai suffisamment travaillé sur ces sujets, monsieur le président de la commission, j'en ai suffisamment débattu, y compris avec M. Novelli, pour mesurer l'insuffisance de tel ou tel aspect de notre politique. Mais il faut aussi prendre en compte les résultats que nous avons obtenus. J'attire pour finir votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que vous prenez le risque de remettre en cause des régimes juridiques protecteurs des salariés. Non content d'agir à rebours d'une véritable politique de l'emploi, vous voulez mettre en œuvre une loi qui ignore les garanties minimales - je pense par exemple au compte épargne-temps. Si vous ne voulez pas m'écouter, monsieur le ministre, lisez au moins ce que certains écrivent, et d'abord Hannah Arendt, pour qui la maîtrise du temps était un enjeu essentiel pour nos sociétés. La valeur du travail n'est pas en cause : les Français sont courageux et très attachés au travail, d'autant qu'ils savent que le travail est, aujourd'hui plus que jamais, la condition de l'insertion sociale. Lisez Castoriadis, qui souligne le caractère historique de l'abaissement de la durée hebdomadaire du temps de travail, passée de 70 heures à 40 heures au cours du siècle dernier. Or voilà que nous revenons brutalement en arrière. Vous ne pourrez pas maintenir très longtemps une telle régression. Lisez enfin, si ce n'est pour vous convaincre - je n'ai pas cette prétention -, du moins pour l'avoir à l'esprit, la dernière intervention de Patrick Artus, économiste en chef de la Caisse des dépôts, qui écrivait récemment que par ses méthodes le capitalisme était en train de s'autodétruire. M. Hervé Novelli. Vous devriez vous en réjouir ! M. Jean Le Garrec. Sans connaître personnellement Patrick Artus, je pense que sa compétence, qui est notoire, donne quelque crédit à ses propos Telles sont, monsieur les ministre, les raisons qui nous conduisent à nous opposer radicalement à votre texte. Au nom de la chasse aux rigidités et d'une plus grande souplesse, on est en train de faire tomber des pans entiers de la protection des salariés, et au-delà de sacrifier une politique de l'emploi, pourtant indispensable. En définitive, je suis d'accord avec vous sur un point : ce projet de loi est extrêmement important, et nous aurons à en reparler. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. le président. La parole est à M. le ministre. M. le ministre délégué aux relations du travail. Permettez-moi, monsieur Le Garrec, de vous répondre en quelques mots. À propos des caractéristiques des variations de l'activité, que vous avez évoquées, je vous renvoie au code. Nous ne faisons que reprendre un texte issu de la loi du 19 janvier 2000. M. Jean Le Garrec. Et alors ? M. le ministre délégué aux relations du travail. Je veux compléter l'information que je vous avais apportée en ce qui concerne l'AGS, car votre lecture me semble lacunaire, si ce n'est imparfaite. La situation financière de l'AGS s'est redressée, et le décret du 24 juillet 2003 a en effet joué un rôle en la matière. Je voudrais vous faire remarquer cependant qu'il n'a pas divisé par deux les garanties ; il a simplement réduit le plafond le plus élevé, qui ne concernait que 5 % des salariés. Il faudrait d'ailleurs s'interroger plus généralement sur la hauteur des plafonds dans notre pays, y compris en ce qui concerne les allocations chômage. M. Jean Le Garrec. Sur la fragilité de la situation l'AGS, on peut se mettre d'accord, monsieur le ministre. M. le ministre délégué aux relations du travail. Cette situation a été confortée par le décret de 2003. Même si la question des heures choisies n'est plus en débat, je voudrais rappeler que ce sont les heures qui sont au-delà du contingent des heures supplémentaires, qu'il soit conventionnel ou réglementaire. Et c'est à l'accord collectif de définir le régime des heures choisies. M. Jean Le Garrec. Elles sont donc bien au-delà des 220 heures ? M. le ministre délégué aux relations du travail. Éventuellement, s'il n'y a pas d'accord collectif. Ceux-ci concernent, je le rappelle, 27 % des salariés des petites et moyennes entreprises. Vous avez évoqué les remarques de la Cour des comptes à propos des changements de politique publique. Cela me permet de rappeler que le plan de cohésion sociale a mis en place quatre types de contrat, deux pour le secteur marchand, deux pour le secteur non-marchand. En ce qui concerne le secteur marchand, nous avons signé il y a deux jours avec la Fédération française du bâtiment la première convention à prévoir la mise en place, dans le secteur du bâtiment, de 1 500 CI-RMA. D'ores et déjà huit départements nous ont fait savoir qu'ils souhaitaient s'engager dans cette démarche. Nous sommes en phase d'élaboration de conventions-cadres avec d'autres fédérations, comme celle des travaux publics ou de la plasturgie. Je pense que nous devons, nous inspirant de l'exemple du Danemark, où le retour vers l'emploi est assuré à 60 %, nous appuyer sur le secteur marchand. C'est l'objectif du RMA, dont les titulaires bénéficient, je vous le rappelle, de l'intégralité des droits sociaux. En ce qui concerne le contrat d'avenir, les décrets sont en cours de signature, et il sera au rendez-vous fin mars - et non pas au 1er avril. Je rappelle que la loi a été promulguée le 18 janvier dernier et que l'élaboration de procédures aussi complexes prend du temps, dans la mesure où cela nécessite en particulier la connexion des fichiers des collectivités locales, de l'ANPE, des ASSEDIC et suppose notamment la consultation de la CNIL et du Conseil d'État. Mais soyez assurés que les décrets seront signés, et les contrats d'avenir mis en place d'ici à deux mois. Avec ces contrats, destinés à ceux qui sont titulaires depuis plus de six mois du RMI ou de l'ASS, les collectivités locales disposeront désormais d'une formule simple. Il y a aussi le contrat d'accompagnement vers l'emploi qui, à partir du 1er mai, prendra la suite des CES, sachant que ceux-ci continuent à se conclure, que le Gouvernement y a mis les moyens, et qu'ils se transformeront en contrats d'accompagnement vers l'emploi ou en contrats d'avenir, étant entendu que certains CES pourront être prolongés jusqu'à la fin de l'année comme Jean-Louis Borloo l'a annoncé. M. Patrick Ollier. Très bien ! C'est très positif ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Enfin, concernant les CES pour les chantiers d'insertion, le dispositif est renforcé en y ajoutant la possibilité d'une dotation de 15 000 euros par chantier d'insertion, pouvant être portée à trois fois 15 000 euros quand il y a plusieurs chantiers d'insertion. C'est donc un renforcement à la politique de l'insertion par les chantiers d'insertion, qui représentent, je vous le rappelle, près du tiers des contrats emploi-solidarité. Tels sont les moyens qui sont mis en œuvre pour accompagner le retour à l'emploi, et j'appelle les uns et les autres à les utiliser. Mais, naturellement, ce sont des parcours de retour vers l'emploi ; ce qu'il nous faut favoriser, c'est le développement de l'emploi dans le secteur marchand. Nous travaillons à la modernisation du service public de l'emploi, au travers notamment du travail que nous faisons, que personne n'avait entamé, du rapprochement entre l'ANPE et l'UNEDIC. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). En tout cas, si ce rapprochement avait été entamé, il n'avait pas été couronné de succès. C'est un travail difficile qui réclame de la volonté et de l'humilité de la part ceux qui le conduise. Je peux vous assurer qu'autour du principe des maisons de l'emploi nous le conduisons avec beaucoup de détermination. Voilà pour la politique de l'emploi. M. Maxime Gremetz. Ça va pas loin ! M. le ministre délégué aux relations du travail. En ce qui concerne la croissance, celle de la France en 2004 a été parmi les meilleures en Europe, notamment dans la zone euro. Je reprends, pour terminer, l'une des conclusions du G 8 de l'emploi, qui s'est tenu la semaine dernière : il serait illusoire de faire croire à nos sociétés que travailler moins pourrait produire un modèle social avancé. Travailler moins, créer moins de richesse,... M. Maxime Gremetz. Il faut mettre plus de monde au travail ! Il y a trois millions et demi de chômeurs ! M. le ministre délégué aux relations du travail. ...ce serait en fait mettre en péril notre modèle social, conduire à la régression de ce modèle qui fait partie des valeurs partagées ! M. Patrick Ollier. Vous avez raison, monsieur le ministre ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Voilà pourquoi ce texte s'inscrit aussi dans une conception de la cohésion sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Hervé Novelli, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire. M. Hervé Novelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais effectivement être amené à indiquer les orientations de vote du groupe de l'UMP à propos de l'exception d'irrecevabilité défendue par M. Le Garrec. M. Jean Le Garrec. On croyait déjà les connaître ! M. Hervé Novelli. Monsieur Le Garrec, puisque vous n'avez pas utilisé des arguments juridiques pour justifier cette exception d'irrecevabilité, je ne vais pas non plus m'étendre sur ce point. Mais ce n'est pas à vous qui êtes le vice-président de l'Assemblée que j'apprendrai qu'il faut, pour qu'une exception d'irrecevabilité soit justifiée, que le texte soit contraire à la Constitution. M. Jean Le Garrec. J'avais fait cette démonstration en première lecture, et j'ai dit que je n'y reviendrai pas. M. Hervé Novelli. Je veux bien en prendre acte, mais comme ce n'est pas moi qui vous ai répondu la première fois, souffrez que je vous réponde cette fois-ci. Vous savez bien que cette proposition de loi s'inscrit de plain-pied dans la négociation contractuelle. Je dirai même que l'ensemble des articles est parcouru par cette volonté de favoriser la négociation, et par cette volonté d'avoir confiance dans la négociation et dans les partenaires sociaux. Mme Danièle Hoffman-Rispal. Comment pouvez-vous dire ça ? M. Hervé Novelli. Et, parfois, je m'étonne que ceux qui siègent à gauche de l'hémicycle fassent si peu confiance aux partenaires sociaux (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), au point de trouver une proposition de loi comme celle-ci aussi dangereuse alors qu'elle s'inscrit de plain-pied dans la négociation. M. Alain Vidalies. Alors, il fallait les laisser négocier ! S'il y a un jour où vous ne pouvez pas tenir de tels propos, c'est bien aujourd'hui ! M. Hervé Novelli. Mais j'en termine là en ce qui concerne les arguments juridiques, pour me concentrer sur vos arguments, monsieur Le Garrec, et ils valent qu'on s'y arrête un instant. Tout d'abord, je vous remercie du satisfecit que vous avez adressé à la mission d'information... M. Jean Le Garrec. Je n'ai jamais dit ça ! M. Alain Vidalies. Il entend des voix ! C'est un mystique ! M. Hervé Novelli. ...à laquelle vous avez appartenu, qui a été présidée, avec talent, par le président de la commission des affaires économiques, M. Ollier. Ce satisfecit intervient évidemment un peu tard. On aurait souhaité qu'il soit exprimé plus tôt, notamment lorsque le rapport a été publié. Mais je suis très heureux que vous vous appuyez sur les chiffres du rapport de cette mission d'information puisque vous les avez cités, et donc vous les avez confirmés aujourd'hui après les avoir contestés hier. Mais à tout pécheur miséricorde. M. Alain Vidalies. C'est bien ce que je disais : vous êtes un mystique du libéralisme, monsieur Novelli ! M. Hervé Novelli. Maintenant, au-delà de ce satisfecit, je vais, bien sûr, aller au fond. Vous avez parlé de négociation, et vous vous êtes fait le chantre de celles qui ont eu lieu pendant la période dite « Aubry », celle des lois dites « Aubry I » et « Aubry II ». Et il est vrai qu'il y a eu un certain nombre de négociations dans les entreprises. M. Alain Vidalies. Pas « un certain nombre » : des dizaines de milliers ! M. Hervé Novelli. Nous avons les chiffres dans le rapport. Je ne voulais pas vous les citer, mais puisque vous m'y incitez, je vais le faire : 20 000 accords d'entreprise en 2001, 20 000 en 2002. Ces négociations ont eu lieu. Mais n'oublions pas qu'elles étaient obligées ou obligatoires (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) puisqu'il y avait une date butoir et qu'il fallait négocier avant l'application de la loi couperet. La plupart de ces accords, et j'appelle votre attention sur ce point, contenaient une clause dite « de modération salariale » sur trois ans. M. Jean Le Garrec. Oui. C'était du donnant-donnant. M. Hervé Novelli. Et je ne suis pas le seul à le dire. Si ce n'était que moi, je comprendrais que vous soyez un peu sceptique. Vous m'y avez habitué. Mais c'est M. Le Duigou lui-même qui a dit, il y a quelques jours, dans un journal du soir, que l'application des 35 heures a été, pendant plusieurs années, responsable de la modération, de la stagnation salariale. M. Alain Vidalies. C'est pourquoi il faut augmenter les salaires ! M. Hervé Novelli. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes élevés de manière aussi claire contre cette loi qui organisait de facto la stagnation du pouvoir d'achat des salariés de ce pays, et on voit bien que ce problème n'a pas été réglé. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Aujourd'hui, ce problème est au cœur de la société française, notamment à cause de ces dizaines de milliers d'accords salariaux dits « de modération salariale ». M. Alain Vidalies. Vous ne voulez pas augmenter les salaires, mais simplement faire travailler les gens davantage ! M. Hervé Novelli. Maintenant, venons-en aux critiques les plus importantes que vous portez à l'encontre de cette proposition de loi. Je voudrais rappeler, en quelques mots, la philosophie qui sous-tend celle-ci. Premièrement, il s'agit de répondre au lancinant problème du pouvoir d'achat. Je l'ai indiqué et je n'y reviens pas. M. Jean Le Garrec. Mais c'est un discours qu'il nous fait ! M. Hervé Novelli. Deuxièmement, il s'agit d'assouplir le dispositif du compte épargne-temps par la négociation et par le conventionnement entre partenaires sociaux. Troisièmement, il s'agit de pouvoir travailler au-delà du contingent. En la circonstance, nous parlons bien de temps choisi, de la possibilité de travailler au-delà du contingent d'heures supplémentaires si le salarié le souhaite,... M. Jean Le Garrec. Eh bien voilà ! Convainquez le président de la commission des affaires sociales ! M. Hervé Novelli. ...si l'entrepreneur le souhaite, aux termes d'un accord collectif et dans le respect des directives européennes. M. Alain Vidalies. Ce n'est pas une argumentation, c'est la méthode Coué ! M. Hervé Novelli. Quatrièmement, il s'agit de proroger le régime dérogatoire jusqu'en 2008, tant son application couperet posait de problèmes pour les entreprises de moins de vingt salariés. Vous l'aviez du reste indiqué vous-même. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous nous avez dit, monsieur Le Garrec, que ce texte est mal ficelé, qu'il ne comporte pas d'étude d'impact. Je vous rappelle que celle prévue dans la loi sur les 35 heures n'a pas été livrée par votre gouvernement. De plus, lorsque vous nous parlez d'un texte dangereux, vous nous indiquez, compte tenu de la philosophie de ce texte, que la liberté, finalement, il faut s'en méfier ! Mais je vais vous dire ceci : la liberté n'est jamais dangereuse lorsqu'on l'associe à la responsabilité. C'est tout ce qui sous-tend ce texte. Au fond, et ce sera ma conclusion (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), il y a bien deux visions qui nous différencient. La première - la vôtre -, c'est une vision du partage malthusien de la pénurie (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) ; la seconde - la nôtre -, c'est une vision d'expansion, de croissance parce que nous faisons confiance à l'homme, alors que vous vous en méfiez. C'est pourquoi je demande à mes collègues de bien vouloir rejeter votre exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott, pour le groupe socialiste. M. Michel Liebgott. On en arrive à se demander, lorsqu'on est orateur du groupe socialiste, s'il faut simplement approuver Jean Le Garrec - ce qui va de soi - ou s'il faut répondre aux excès du libéral Hervé Novelli. Mais essayons de repartir du texte que nous examinons, qui est très court. Il aurait pu ne pas porter à conséquence s'il ne contenait des dispositions essentielles. Dès le départ, nous avions dit en commission, mais aussi dans l'hémicycle, avec d'autres collègues, que cette petite loi - en nombre d'articles - allait sans doute produire de grands méfaits. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas voulu signer au bas du parchemin. Et nous ne signerons pas plus aujourd'hui que nous n'aurions signé il y a quelques semaines, quand nous ne siégions pas au sein de la commission des affaires sociales parce que nous savions d'avance, compte tenu du caractère idéologique de cette proposition de loi, qu'elle ne souffrirait d'aucune modification. Cette proposition de loi a été conçue pour ressouder votre majorité sur le plan idéologique et pour satisfaire le MEDEF, qui en exige l'adoption. Bien entendu, vous avez toiletté le texte au Sénat. Honte d'ailleurs à l'Assemblée nationale de ne pas l'avoir fait sur l'essentiel. Le Sénat n'a pas voulu franchir le rubicon. Il est resté correct. Il a voulu demeurer, aux yeux de l'ensemble des femmes françaises, respectueux de leur statut en excluant les femmes enceintes du dispositif de renonciation aux journées de repos - vous l'avez rappelé tout à l'heure, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre. Nous aurions pu y penser plus tôt. Cela étant dit, je rappelle qu'être enceinte n'est pas une maladie. Malheureusement, puisque vous faites état des questions de santé pour exonérer les femmes enceintes, nous pourrions nous interroger sur la situation sanitaire d'autres travailleurs. Mais nous y reviendrons au cours du débat.
Manifestement, vous avez un problème avec l'économie : pour vous, ce sont les seules entreprises qui la font. Vous considérez que, lorsqu'il s'exprime, le MEDEF doit être écouté − et il sait se faire entendre, d'autant mieux que, après s'être tu quelque temps et se voyant menacé à nouveau par la rue, il donne de la voix. Votre politique repose sur quatre ministres − ce qui est beaucoup en trois ans de législature − et débouche sur un constat d'échec. Vous nous proposez aujourd'hui un texte censé régler tous les problèmes de l'économie française, créer de l'emploi, faire reculer la précarité. Mais quatre ministres s'y sont déjà essayés, et ce n'étaient pas n'importe lesquels. Deux d'entre eux, issus de la société civile, ont dirigé des entreprises et étaient censés être compétents : député de Lorraine, je connais assez bien le premier, qui a longtemps dirigé la société sidérurgique aujourd'hui dénommée Arcelor ; quant au second, nous attendons de le voir à l'œuvre, sans nous faire trop d'illusions. Les deux autres étaient d'éminents politiques : on a vu le résultat. Jean Le Garrec a dit, avec raison, que le chômage n'a cessé d'augmenter tandis que le pouvoir d'achat stagnait. Certains ont évoqué la modération salariale du précédent gouvernement : elle s'accompagnait cependant d'une augmentation de l'emploi. Aujourd'hui, l'équation n'est pas tout à fait la même. Avec vous, les augmentations de pouvoir d'achat se résument à deux chiffres : le 0 et le 1. Hélas, en accolant le 1 et le 0, on obtient 10 % de Français au chômage et 10 % d'augmentation du nombre de RMistes en un an. Il est incontestable que ce n'est pas un bon bilan. Vous proposez différents procédés techniques, tel ce fameux « temps choisi » qui, en réalité, n'est rien d'autre qu'un « temps imposé ». Certes, d'autres défendent une thèse différente et prétendent que ce sera plutôt du « temps négocié » : on sait très bien que, à un moment ou à un autre, ce sera le chef d'entreprise qui imposera au salarié ce qu'il jugera bon pour l'intérêt de l'entreprise. On ne peut imaginer qu'il en aille autrement, car, en l'absence de règles fixées par le droit du travail, un accord d'entreprise, c'est avant tout la volonté de l'employeur. À travers cette loi, vous allez tout simplement inscrire dans le marbre les inégalités entre entreprises : selon qu'elles compteront moins de vingt salariés, entre vingt et cinquante ou plus de cinquante, le nombre de salariés y travaillant 35 heures variera de un à trois sur quatre. Dans ces conditions, nous ne pouvons accepter de poursuivre l'examen de cette proposition de loi et la rejetons en bloc. À l'heure où 38 % des salariés français ne gagnent pas plus de 1,33 % du SMIC, elle est particulièrement malvenue. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains. Mme Muguette Jacquaint. Je ne souhaite pas employer d'arguments juridiques : je n'ai rien contre, ils sont bien nécessaires dans notre enceinte, mais je préfère m'appuyer sur la réalité économique et sociale. Si, entre les deux lectures de ce texte, certains ont oublié ce qu'elle était, des millions de personnes se sont chargés de la leur rappeler. Et qu'on ne nous dise pas que c'est l'héritage ! Aujourd'hui, les gens attendent des solutions concrètes à leurs problèmes et à leurs difficultés. Mais, entre les deux lectures, le but de cette réforme de l'organisation du temps de travail n'a pas varié : il s'agit de mettre à mort les 35 heures. Le seul leitmotiv de la majorité, c'est : « Si vous voulez gagner plus, travaillez plus ! » Il est vrai que les gens souhaitent une augmentation de leur pouvoir d'achat − il a d'ailleurs été reconnu qu'il avait baissé. Mais nous avons démontré en première lecture − et nous le referons en deuxième lecture − que ce que vous proposez aux gens, c'est de travailler plus avec un contingent d'heures supplémentaires qui seront moins bien payées. Vous allez sans doute hurler si je parle du baron Ernest-Antoine Seillière, mais n'était-ce pas lui qui, hier, sur une chaîne de télévision, après les grands mouvements qui se sont déroulés dans notre pays, prétendait que les salariés français sont les mieux payés d'Europe ? Ces propos sont scandaleux. Il y a aujourd'hui des gens qui ne sont même plus payés au SMIC : ils travaillent mais n'ont pourtant pas de quoi vivre, et vous voulez encore aggraver leur situation. Mme Michèle Tabarot. Laissez-les travailler ! Mme Muguette Jacquaint. Vous nous parlez du temps choisi. Mais les salariés peuvent-ils vraiment choisir, quand pèse sur eux la menace d'un chômage à plus de 10 % ? Dans les entreprises, lorsqu'on leur annonce qu'ils vont travailler davantage pour honorer une commande urgente, on ne leur dit pas qu'on les mettra à la porte s'ils n'acceptent pas, mais on le leur fait comprendre. M. Jean Le Garrec. Eh oui ! Mme Muguette Jacquaint. J'avais déjà cité, en première lecture, l'exemple des employés de la grande distribution. On leur dit : « Travaillez plus pour gagner plus. » Ils ne demandent rien d'autre, mais, dans leur cas, vous n'en avez que faire, monsieur le ministre. D'un côté, il y a des entreprises qui mettent des salariés de cinquante-deux ans à la retraite, alors qu'ils souhaiteraient travailler plus longtemps, et, de l'autre, il y a des personnes qui voudraient travailler plus pour gagner plus et à qui on le refuse, en aggravant au contraire leur situation. Vous ne serez donc pas étonnés que notre groupe vote l'exception d'irrecevabilité qu'ont soutenue nos collègues socialistes. M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité. (L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.) M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement. La parole est à M. Michel Liebgott. M. Michel Liebgott. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 5 février et le 11 mars derniers, la France était dans la rue. La France grogne, les colères successives s'enfilent comme des perles. Les sondages le disaient, les manifestations ont permis de le vérifier, les slogans témoignant de ce que l'opinion publique pense de votre politique de l'emploi et des salaires. J'en ai relevé un que vous n'avez sans doute guère apprécié : « Augmentez les salaires, pas les horaires ! » Perdez-vous les pédales ? Essayez-vous de vous rattraper aux branches ? Vous prétendez que les 35 heures ne sont pas en cause, qu'on ne va pas y toucher, que c'est un droit acquis. Les Français ne vous comprennent pas et n'acceptent plus ce double langage. Vous avez supprimé des emplois aidés. Dans certaines collectivités, on a parfois dû réembaucher des gens quelques mois après les avoir licenciés, des crédits arrivant sans qu'on sache ni d'où, ni comment, ni pourquoi, mais tous n'ont pu retrouver leur emploi. Dans le cadre de la loi de cohésion sociale, vous promettez des emplois aidés, sous l'appellation de « contrats d'avenir » ou de « contrats d'accompagnement à l'emploi », mais les législateurs que nous sommes ne savent rien des conditions financières dans lesquelles ils seront mis en place. Nous savons simplement que les CES bénéficieront d'un petit sursis, ce qui s'imposait absolument pour permettre aux élus locaux de gérer l'urgence. Si nous n'avons aucune assurance pour l'avenir, nous avons, au contraire, beaucoup d'inquiétudes. Lors de l'examen de ce texte en première lecture, vous avez tenté − en vain − de nous démontrer l'impact négatif des 35 heures sur l'économie. Tout à l'heure encore, vous n'avez parlé que des 35 heures, responsables, selon vous, de tous les maux, mais c'est pour mieux masquer votre échec patent dans le domaine socio-économique − échec qui est aussi celui de vos quatre ministres de l'économie et des finances, aussi célèbres et médiatiques soient-ils. Avec mes collègues socialistes − notamment Jean Le Garrec, Alain Vidalies, Gaëtan Gorce, Jean-Yves Le Bouillonnec, Danièle Hoffman-Rispal − nous avons démontré point par point les incohérences d'un projet plus idéologique que rationnel, qui n'a rien à voir avec le texte économiquement fondé qu'auraient souhaité les salariés. Certes, vous subissez des influences : encore faudrait-il savoir y résister parfois. On évoquait tout à l'heure le général de Gaulle. Lui, il a su le faire, à une certaine époque. Manifestement, ce gouvernement, libéral pur et dur, n'a rien de gaulliste. M. Patrick Ollier. N'exagérez pas ! M. Michel Liebgott. D'un point de vue macroéconomique, les 35 heures ont entraîné la création de 340 000 emplois et la sauvegarde de 60 000 emplois, soit un total de 400 000 emplois − c'est-à-dire beaucoup plus que la loi Robien, dont, soit dit en passant, vous avez oublié l'existence, car elle était la preuve qu'il n'est pas irresponsable d'imaginer partager le temps de travail. Contrairement à vos allégations, ces créations d'emploi n'étaient pas seulement liées à la croissance économique − qui est d'ailleurs toujours là −, mais à la politique volontariste menée par le gouvernement Jospin dans le domaine de l'emploi et, plus généralement, en matière socio-économique. En effet, l'économie forme un tout, elle n'est pas compartimentée, il faut une volonté politique générale, une cohérence dans le développement des mesures, et non pas du coup par coup, pour satisfaire telle corporation ou tel lobby. Il est parfois bon d'établir des comparaisons et de rappeler les vérités statistiques incontestables : depuis 2002, votre politique de l'emploi, c'est 200 000 chômeurs de plus et 250 000 RMistes supplémentaires. On constate d'ailleurs que nombre de chômeurs exclus du dispositif deviennent des RMistes, ce que l'on ne peut pas qualifier de succès. Je me permettrai une image que les maires des communes concernées me pardonneront, mais qui sera bien utile pour faire comprendre les ravages de cette politique : c'est l'équivalent de Lille pour les premiers et de Strasbourg pour les seconds, c'est-à-dire l'équivalent de villes importantes et non de villages ou de petites cités. Il est temps d'ouvrir les yeux : votre action contre le chômage est un échec complet ! M. Alain Vidalies. Voilà la vérité ! M. Michel Liebgott. S'agissant du financement des 35 heures, vous prétendez que la réforme a été dispendieuse pour le budget de l'État. Là encore, vous véhiculez des idées fausses. Le coût économique des allégements de charges a été compensé par des recettes fiscales et sociales dopées. En effet, contrairement à vous, lorsque nous accordons des exonérations de charges, c'est sous réserve de contreparties, avec les résultats conséquents que l'on sait. Distribuer le travail, c'est distribuer du pouvoir d'achat - axiome qui est à la base même de notre pensée. C'est donc un bon moyen pour l'État d'accroître ses recettes fiscales et sociales, directes et indirectes - on ne pourra pas dire que nous ne sommes pas de bon conseil ! Voilà pourquoi l'application des 35 heures a eu un impact limité et maîtrisé sur les finances publiques, quoi qu'en disent certains, plus par idéologie, sans doute, que par conviction. La mission parlementaire d'information commune sur l'évaluation des conséquences économiques et sociales de la législation sur le temps de travail - dont certains ici faisaient partie - est née de cette polémique sur les coûts. Là encore, les caricatures et les propos erronés sont légion. Tant sur les coûts bruts que sur les recettes directes et indirectes, les chiffres fournis par les gouvernements Raffarin I, Raffarin II, Raffarin III - pour ne pas parler des changements internes - sont fantaisistes. Les chiffres réels, confirmés par la plupart des experts, sont clairs : la mise en place de la RTT s'est inscrite dans une dynamique de création d'emplois dans le secteur marchand, dynamique qui a produit des recettes nouvelles, tant fiscales, en matière de TVA, d'impôts locaux, d'impôt sur le revenu, etc. - je ne vous ferai pas l'injure de vous les rappeler toutes - que sociales, s'agissant de l'assurance chômage ou encore de la sécurité sociale. Ces dernières recettes seraient d'ailleurs aujourd'hui les bienvenues, à entendre les chiffres inquiétants annoncés en matière de sécurité sociale ! En conséquence, la différence entre les coûts bruts résultant des exonérations de charges, soit 10,5 milliards d'euros selon vos propres services du ministère du travail, et les recettes générées par ailleurs, que vous oubliez de mentionner, soit 6 milliards d'euros, serait donc de 4,5 milliards d'euros pour 350 000 emplois créés, soit un coût de 13 000 euros par emploi. On le voit, nous sommes très loin des fameux 40 000 euros parfois invoqués. De toutes les aides à l'emploi, les 35 heures apparaissent donc comme le dispositif le moins coûteux et le plus efficace. Ainsi, pour créer un emploi, il faut 13 000 - voire 14 000 euros - d'allégements de charges pour un emploi 35 heures, contre 30 500 euros pour un emploi ristourne Juppé et 45 000 euros pour un emploi CIE. Nous avons donc quelque fierté de penser que cette loi n'était sans doute pas la plus mauvaise, fut-elle imposée. En tout cas, elle n'était sans doute pas la plus coûteuse en termes de créations d'emplois réels et utiles à la société, à l'entreprise et aux salariés. Les 35 heures sont aussi accusées d'avoir fortement dégradé la compétitivité et l'attractivité de la France. Là encore, nous divergeons dans l'appréciation des faits. L'analyse des données de la comptabilité publique contredit en effet cette thèse. Selon Eurostat, la production par heure travaillée et celle par personne employée étaient supérieures en 2001 à la moyenne européenne - il n'y a d'ailleurs jamais eu autant d'heures travaillées que durant ces années que vous critiquez tant comme étant un héritage négatif, mais des heures de travail partagé, et non réservé à un nombre restreint de personnes. En base 100, la France se situait à 109,5, l'Allemagne à 106,3 et le Royaume-Uni à 90,4. Globalement, les Français ont réussi à produire autant en moins de temps et les 35 heures ont permis en outre de réorganiser et de rationaliser le travail pour dégager plus de temps libre, lui-même producteur de croissance pour certains secteurs dont le tourisme et les fonctions récréatives. Il est donc possible de joindre l'utile - ou devrais-je dire le nécessaire ? - et l'agréable. Les 35 heures - vous y avez suffisamment insisté, monsieur le ministre, pour que je vous fasse part de notre vision des choses - sont par ailleurs accusées de nuire au pouvoir d'achat en empêchant les heures supplémentaires. Cet argument, comme beaucoup d'autres, est fallacieux. En réalité, la loi Aubry II en autorisait 130 par an et par salarié, ce qui est amplement suffisant puisque les salariés en font en moyenne une cinquantaine voire une soixantaine, même si certains, me direz-vous, en font beaucoup plus. L'esprit de l'amendement que nous avions proposé en première lecture et que vous avez, bien entendu, rejeté tant en commission, où nous n'avons pas siégé, que dans cet hémicycle, sans vraiment nous l'expliquer, allait dans ce sens. Il était non seulement réaliste mais porteur d'avenir car si la croissance devait repartir un tant soit peu, il conviendrait qu'elle bénéficie avant tout à des chômeurs plutôt qu'à des gens déjà salariés à qui l'on demanderait, voire l'on imposerait, de travailler plus. Avec cette proposition de loi, les salariés feront donc des heures supplémentaires qui seront payées comme des heures normales, directement ou par l'intermédiaire du compte épargne-temps. Voilà qui est loin d'être un progrès social dans un pays aussi développé que le nôtre. Sur le plan économique, on peut toujours trouver plus fort que soi. Mais, sur le plan social, la répartition des richesses doit se faire de façon équitable. La vraie question, comme nous l'ont rappelé à tous les manifestants de février et mars, c'est bien, en effet, celle du pouvoir d'achat et donc des salaires. L'esprit des 35 heures était de favoriser le partage du temps de travail pour donner au plus grand nombre des Françaises et des Français du pouvoir d'achat et de relancer ainsi la consommation, porteuse de croissance et donc d'emplois. Cette logique keynésienne n'a rien d'original mais si je la rappelle c'est que les choses les plus simples sont parfois celles que l'on oublie le plus facilement, surtout si elles ne plaisent pas ! Redonner du travail, c'est aussi redonner du pouvoir d'achat et permettre la relance économique : on sait pertinemment que les plus modestes consommeront de manière directe, l'épargne étant plus difficile pour eux. Vous avez fait le choix contraire dans un certain nombre de domaines, notamment celui de la santé où vous avez augmenté certains honoraires. Mais fallait-il vraiment, pour rééquilibrer les comptes de la sécurité sociale, commencer par augmenter les dépenses ? Je le rappelle, c'est bien au quatrième trimestre de 2001 que le record historique d'heures travaillées en France a été atteint avec 27 milliards d'heures. Les heures travaillées ont ainsi augmenté de 7,9 % entre 1997 et 2002 mais baissé de 1,3 % depuis 2002 : voilà une réussite plutôt honteuse pour des chantres du libéralisme et de la réussite économique ! Ces heures travaillées procurent autant de revenus aux foyers, l'argent ainsi redistribué contribuant à la relance de l'économie de notre pays dans un cercle vertueux. Mais il est plus inquiétant encore : aujourd'hui, alors que le PIB croît, le chômage suit la même tendance. M. le Premier ministre théorisait pourtant l'inverse : ne table-t-il pas toujours, dans son contrat 2005, sur une décroissance du chômage de 10 % d'ici à la fin de l'année ? Cette situation est bien le signe d'une société qui évolue à deux vitesses et d'une classe moyenne qui, petit à petit, se resserre - peut-on d'ailleurs encore l'appeler moyenne : ne faudrait-il pas plutôt parler de classe en perdition, du fait de cet appauvrissement ? D'un côté, il y aura les plus riches, les gros actionnaires, sachant que les salaires des patrons du CAC 40 ont cru en 2004 de 27 % - il est facile d'imaginer, connaissant la base de départ, les sommes que cela représente ! De l'autre, il y aura les chômeurs, les exclus et, pire encore, les « travailleurs pauvres », puisque ce terme est aujourd'hui entré dans les mœurs. À une certaine époque, on parlait de nouveaux pauvres. Aujourd'hui, on peut parler de travailleurs pauvres, ces travailleurs dont accentuez le nombre et que les Anglo-Saxons, dont vous appréciez tant le modèle, appellent les Working poor. Je ne suis pas particulièrement fier de prononcer ici ce terme anglais mais c'est celui qui s'applique le mieux à la politique que vous développez aujourd'hui en France et qui a déjà, malheureusement, causé suffisamment de dégâts dans d'autres pays pour que nous la combattions et pour que nous proposions une politique alternative, plus volontariste et plus juste. Car, même en travaillant, beaucoup de salariés ne sont plus aujourd'hui capables de s'en sortir, quand bien même ils travailleraient plus comme vous les y appelez sans cesse avec ce leitmotiv dont la proposition de loi se fait la traduction. Le salariat est en voie de « smicardisation » comme le montre, chiffres à l'appui, Jean-Christophe Le Duigou, secrétaire confédéral de la CGT : le pouvoir d'achat du salaire moyen par tête a perdu de 5 à 6 % en trois ans. Je le rappelais, 38 % des salariés français sont à moins 1,33 SMIC. La situation tend à s'aggraver pour la grande frange centrale de la population française, même lorsque dans un ménage les deux époux travaillent. La politique que vous menez crée réellement, au-delà même des considérations économiques, le risque d'une rupture de notre pacte social et donc un danger pour l'ensemble de la société en donnant à celles et à ceux qui travaillent le sentiment d'être menacés. Une société qui va mal, c'est une économie qui va de plus en plus mal et donc un nombre toujours plus élevé de personnes touchées. Il faut désormais, nonobstant la pression défavorable du MEDEF - ce qui n'est pas, à vrai dire, surprenant - enclencher une dynamique positive sur les salaires. C'est ce que nous suggérons. Dominique Strauss-Kahn, entre autres, évoque ainsi un « Grenelle des revenus ». Il est en tout cas impératif, pour éteindre les incendies dont on a le sentiment qu'ils pourraient se propager, que vous tentiez de vous rapprocher des partenaires sociaux en ouvrant des négociations nationales et interprofessionnelles, ce que vous n'avez pas fait en dépit de vos promesses. Je ne sais comment ils vous accueilleront, mais il faut que les salaires soient revalorisés de façon très significative si l'on veut, ce qui va de soi, qu'ils obtiennent satisfaction mais, surtout, que la croissance puisse repartir. Il ne s'agit pas de s'en remettre à une croissance naturelle, mondiale, mais de susciter la croissance par une politique volontariste : une croissance partagée et non centrée sur quelques privilégiés qui ne consomment pas plus mais placent leur argent. Un tel comportement pourrait bien entendu paraître naturel si cet argent n'alimentait pas souvent des fonds de pension dont les exigences de rémunération absorbent les bénéfices des entreprises au détriment des salariés ou de l'investissement. La hausse des salaires dépend de l'emploi, non des 35 heures, monsieur le ministre. Aux employés du public comme du privé qui réclament du pouvoir d'achat, vous répondez sur le ton de la provocation - « Travaillez plus pour gagner plus » - laissant croire que les Français sont des fainéants, du moins est-ce ainsi qu'ils l'entendent, alors que les chiffres de la productivité montrent le contraire. La fin programmée des RTT n'y changera rien. La proposition de loi veut appâter les salariés en leur faisant espérer une augmentation du pouvoir d'achat : cela ressemble tout de même à de l'escroquerie. La vraie question est celle des salaires, qui n'ont été en rien affectés par les 35 heures. En effet, à rebours des idées reçues et véhiculées, l'INSEE estime que la RTT n'a eu qu'un impact limité et programmé sur les salaires, estimé à 0,3 point par an. En 2001, le pouvoir d'achat du salaire moyen dans le privé s'est accru de 1,5 % tandis qu'en 2003, il a baissé de 0,4 % - pour 2004, les incertitudes demeurent. On le voit, vos démonstrations ne tiennent pas. Comme le note Patrick Artus, responsable des études économiques d'Ixis CIB, il faut que l'État intervienne dans le partage de la valeur ajoutée entre salaires et profits réservés aux actionnaires. En ce domaine, les profits récemment annoncés par les ténors du CAC 40 laissent pantois : Arcelor, plus 800 %, L'Oréal, plus 104 %, Total, plus 37 %. De tels chiffres sont tellement déconnectés des réalités et de la vie quotidienne de la grande majorité des Français qu'ils n'ont plus beaucoup de signification. Les Français les prennent en pleine figure sans trop comprendre. La seule chose qu'ils perçoivent, c'est leur caractère injuste, scandaleux et inadmissible. Cela d'ailleurs nous interpelle tous et pas seulement sur les bancs de la majorité. Il faut impérativement que les accumulations se traduisent par des redistributions significatives pour tous et pas seulement pour les patrons du CAC 40. En effet, pour ces derniers, il n'y a pas de baisse d'achat, bien au contraire. Si l'on s'en tient au haut du panier, l'augmentation des rémunérations par rapport à 2004 est encore de 10,3 %, et les chiffres donnent le vertige : en moyenne, vous le savez sans doute, même si on n'ose pas trop le répéter, ces patrons gagnent 406 fois le SMIC. On est loin du SMIC ! Sans compter les stocks options, on parle, je ne citerai pas les noms car cela ne paraît pas utile à la démonstration, de 6,57 millions d'euros pour le patron de L'Oréal, de 4,26 millions d'euros chez Michelin, de 3,02 millions d'euros chez Vinci, de 2,96 millions d'euros chez Carrefour, de 2,59 millions d'euros chez TF1. Et je pourrais continuer, car la liste est longue, très longue. J'illustrerai mon propos par une nouvelle comparaison : le 1er janvier, à dix heures trente, c'est-à-dire juste après le petit-déjeuner, le patron de L'Oréal a déjà gagné plus d'argent qu'un smicard en un an ! C'est pas mal comme confort de vie. Certains deviennent rentiers sans trop se fatiguer. M. Alain Vidalies. J'ai compris : il vaut mieux être patron de L'Oréal que smicard ! M. Michel Liebgott. Vous avez bien compris. Cet abîme, ce gouffre - on ne peut plus parler de différence - entre la situation des Français et l'explosion des profits des entreprises et les salaires de leurs dirigeants est plus qu'incompréhensible : il devient obscène aux yeux de nous tous. Tant d'accumulations et si peu de redistribution ! Tant de richesses et si peu de partage ! La fracture sociale existe toujours et même se creuse inéluctablement. Je voudrais à présent revenir sur le fait que cette proposition de loi ne recueille manifestement pas l'aval de la rue, vous l'avez vous-même constaté. Bien entendu, vous me répondrez, à l'instar de M. Copé, que ce n'est pas la rue qui gouverne mais la représentation démocratique issue des urnes. Certes, mais, dans une société vivante, la démocratie sociale doit accompagner la démocratie électorale, l'une ne va pas sans l'autre. M. Alain Vidalies. Très bien ! M. Michel Liebgott. Or, sur ce point, force est de constater que la coupe est pleine. Votre autisme est dangereux, quand bien même M. Raffarin dit vouloir agir sur les salaires, dans le seul but d'apaiser la grogne sociale - sinon, il l'aurait fait depuis longtemps. Mon collègue Jean Le Garrec avait déposé deux amendements visant à insérer, après l'article 1er A, deux mesures importantes qui allaient dans le sens de cette impérative concertation, pour prendre le pouls de la société française. Si vous l'aviez fait, aujourd'hui, vous ne seriez pas débordés. Malheureusement, ces amendements ont été rejetés en commission, témoignant, s'il en était encore besoin, de votre libéralisme aveugle et de votre servilité envers le MEDEF. Il s'agissait pourtant de deux choses toutes simples. D'une part, il était proposé que le Gouvernement saisisse les partenaires sociaux, dans le cadre de la commission nationale de la négociation collective, des dispositions de la présente loi en vue d'engager un processus de négociation collective sur ces dispositions avant la fin de la discussion de ce texte au Parlement. On négocie avant, près, c'est trop tard. D'autre part, il était demandé que le Gouvernement organise, avant la fin du deuxième trimestre de l'année en cours, une conférence sur les salaires, l'emploi, les conditions de travail et l'organisation du temps de travail avec l'ensemble des représentants des organisations syndicales et patronales représentatives. Cette proposition me semble particulièrement d'actualité, et je tiens à saluer la pertinence de notre collègue, qui montre bien sa connaissance du monde de l'entreprise et sa sensibilité pour les questions sociales, que vous ne semblez pas partager sur les bancs de la majorité, loin s'en faut, nous l'avons constaté lors de nos débats longs et parfois tendus. Le MEDEF s'est exprimé sur la question salariale, et lui, vous l'écoutez - il est vrai qu'il s'exprime tellement fort que vous ne pouvez pas passer à côté. Pourtant, ils ne sont pas nombreux dans la rue, mais enfin, c'est du concentré. Le MEDEF s'est exprimé via M. Seillière, avant M. Sarkozy, Guillaume bien évidemment, mais sa réponse était attendue et n'a surpris personne. La volonté farouche des patrons de mener leur barque indépendamment des revendications exprimées reste entière, ils ne bougeront pas d'un iota, vous l'avez constaté. Au contraire, ils seront là pour freiner. Cette proposition de loi vise à permettre de travailler plus. Je souhaite ici exprimer mes plus vives inquiétudes en matière de santé et de risques pour les salariés. Vous en avez d'ailleurs parlé tout à l'heure, mais peut-être pas dans les mêmes termes que moi. D'une manière générale, que ce soit à travers le CET, dont de champ, de l'aveu même du Figaro aujourd'hui, est « considérablement » étendu dans l'article 1er, sous- entendu peut-être exagérément, ou par le temps choisi, c'est l'article 2, ou par les heures supplémentaires, après la loi Fillon et le décret de décembre 2004, l'ensemble des mesures visant à rallonger le temps de travail seront nécessairement préjudiciables aux salariés. Plus le nombre d'heures hebdomadaires augmente, plus le risque d'accidents et d'impact en termes de santé dans la durée est accru, c'est une lapalissade. Un mot sur l'article 2, dont nous n'aurons malheureusement plus la possibilité de débattre. J'ai d'ailleurs le sentiment que vous souhaitez obtenir un vote conforme sur l'ensemble du texte puisque vous avez atteint vos objectifs et que vous n'écoutez ni la rue, ni l'opposition, ni l'expression de la démocratie sociale. Les heures choisies sont, en réalité, des heures supplémentaires qui ne sont pas payées comme telles. M. Alain Vidalies. Tout à fait ! M. Michel Liebgott. Vous avez réussi votre manipulation. Vous me répondrez qu'à une autre époque, entre 1849 et 1912, on travaillait dix heures par jour, qu'en 1919, on travaillait encore huit heures et qu'en 1936, on effectuait quarante heures par semaine. Mais, aujourd'hui, on a l'impression d'être revenus au début du siècle dernier, en tout cas avant 1936. Ce n'est pas un progrès, alors que nous venons d'entrer dans un autre millénaire. Les conséquences, nous les connaissons. L'employeur pourra facilement avoir recours aux heures supplémentaires puisqu'il ne les paiera pas à leur juste prix. Il imposera aux salariés des heures choisies et le problème de la précarisation des RMIstes et des demandeurs d'emplois de longue durée ne sera pas réglé. Sans compter que le temps partiel subi pourrait se transformer en temps complet pour des gens qui ont des ressources faibles. La commission des affaires sociales du Sénat avait adopté un amendement destiné à rappeler expressément la règle de droit commun, à savoir que le travail journalier ne peut excéder dix heures en application de l'article L. 212-1 du code du travail - on revient quelques décennies en arrière. Le rapporteur du Sénat, M. Louis Souvet, l'a malheureusement retiré, au motif que vous-même, monsieur le ministre délégué aux relations du travail, aviez réaffirmé en séance publique la règle du droit commun. À notre sens, il n'aurait pas été inutile de le repréciser dans cette loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, compte tenu de ses ambitions sous-jacentes et du rapport de force toujours défavorable au salarié, surtout en période de hausse du chômage. J'ai parcouru, comme vous sans doute, l'ouvrage de Philippe Askenazy sur les désordres du travail. Ce livre, primé par le Sénat, offre une nouvelle lecture des conditions de travail en France : la fatigue psychologique et les troubles musculo-squelettiques se développent, le nombre d'accidents du travail ne cesse d'augmenter, les chiffres qu'il cite le prouvent, constituant une véritable bombe à retardement pour nos économies. C'est notamment vrai dans toutes les petites entreprises et chez les sous-traitants. M. Jean Le Garrec. C'est vrai ! M. Michel Liebgott. Plus intéressant encore, l'auteur indique que le coût des seuls accidents du travail atteindrait 3 % du PIB, c'est-à-dire l'équivalent théorique de l'ajout d'une dizaine de jours fériés sur le calendrier - mais les jours fériés, on sait ce qu'ils deviennent, notamment le lundi de Pentecôte. Il y a, vous en conviendrez, quelque chose d'anachronique entre cette proposition de loi et les analyses de cet expert. Nous avons des suggestions à vous faire. Pourquoi ne pas expérimenter le système mis en place en Suède de congés sabbatiques rémunérés, les postes libérés étant occupés par des chômeurs ? Au-delà de la question des 35 heures, voilà un exemple de partage du travail. L'objectif de ce système original est de réduire le stress et les arrêts maladies. Cette proposition connaît actuellement un engouement remarquable dans ce pays toujours novateur en matière sociale : 27 000 dossiers déposés pour 12 000 postes. Les amendements adoptés par le Sénat sont un minimum par rapport aux ambitions idéologiques et dangereuses de cette proposition de loi. Globalement, celle-ci n'est pas changée, je l'ai montré tout à l'heure dans mon explication de vote sur l'exception d'irrecevabilité, je n'insiste pas. C'était quand même la moins des choses que les femmes enceintes ne puissent pas renoncer à une partie des journées ou demi-journées de repos. Cela ne relève même plus du droit du travail, mais de la plus élémentaire des courtoisies. Les sénateurs de droite semblent plus raisonnables ou tout du moins plus réalistes que vous, à moins qu'ils n'aient eu mauvaise conscience. Le meilleur exemple en est la rédaction qu'ils ont retenue pour l'article 1er, qui a trait aux modalités d'abondement du compte épargne-temps. Les sénateurs ont souhaité que la cinquième semaine de congés payés ne puisse pas faire l'objet d'une rémunération immédiate ou différée. Cela nous paraissait tellement évident que nous n'avons pas compris que cette disposition n'ait pas été adoptée par notre assemblée. Honte à l'Assemblée nationale et bravo, pour une fois, au Sénat. Enfin, étant d'origine mosellane, je ne peux pas passer sous silence les demandes formulées par l'Institut du droit local d'Alsace Moselle. À la suite de l'amendement de mon collègue sénateur mosellan Jean-Marc Todeschini, il a été inséré dans la proposition de loi un article additionnel pour stabiliser la situation juridique, maintenir la confiance dans les règles locales que les partenaires sociaux sont en droit d'attendre et ainsi éviter des revirements de jurisprudence, tel l'arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation du 26 janvier 2005. Il dispose, et ceci conforte les usages locaux, que « dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de Moselle, les jours figurant dans l'ordonnance du 16 août 1892 - il est fait là référence au XIXe siècle, mais de façon positive, cette fois - intégrant le Vendredi Saint et le lendemain de Noël spécifiques à l'Alsace Moselle, ainsi que le 11 novembre, le 1er mai, le 8 mai et le 14 juillet sont des jours chômés ». Il existe encore quelques droits locaux qui garantissent des droits favorables. Au final, comme je l'ai souligné en première lecture avec d'autres, il est illusoire de penser qu'avec votre proposition de loi, les salariés pourront exercer un quelconque choix. Progressivement, sans concertation, sans consultation des forces vives de notre pays, se met en place un droit du travail d'inspiration libérale, j'ose même dire à la « tête du client ». On le voyait déjà dans la loi de cohésion sociale, on le constate une nouvelle fois avec ce texte. Sur le fond, cette réforme du temps de travail que vous proposez ne favorisera pas le pouvoir d'achat, notamment pour les salariés des petites entreprises dont les heures supplémentaires ne seront pas rémunérées à leur juste valeur, ce qui est scandaleux. Elle ne contribuera nullement à la réduction du chômage, bien au contraire, et donc à l'augmentation du pouvoir d'achat synonyme de croissance économique. La France et son économie n'ont pas besoin de votre réforme. Vous augmentez des contingents horaires alors que ceux actuellement en vigueur ne sont pas pleinement utilisés. Vous favorisez les démarches individuelles et vous excluez du travail des milliers de Français qui cherchent leur place dans la société active et productive. Les salariés veulent plus de sécurité dans leur travail, s'inquiètent pour leur santé, et vous leur proposez de travailler plus alors que d'autres alternatives sont possibles. Cette loi est un aveu d'échec pour un gouvernement qui perd pied, qui se limite au discours et à des positions idéologiques. M. le président. Monsieur Liebgott, je vous prie d'en venir à votre conclusion. M. Michel Liebgott. J'y arrive. M. le président. Il faudrait le faire très rapidement. M. Michel Liebgott. Le Gouvernement fait preuve de lâcheté. D'ailleurs, il n'a pas consulté le Conseil d'État et n'a pas présenté le texte au conseil des ministres. Sur un texte aussi important, il aurait pu au minimum respecter les règles en vigueur pour l'adoption d'un projet de loi. Je terminerai ma défense de la question préalable en citant Denis Lefebvre, historien : « Le travail n'est pas un privilège » - même si quelquefois on a le sentiment que cela l'est redevenu - « c'est un droit essentiel de la survie de l'humanité, un partage fondamental de nos richesses ». Cette tirade, très logique, rejoint notre philosophie qui est : travailler tous et surtout travailler mieux. Comme le rappelle très justement et très simplement Xavier Timbeau, expert de l'OFCE, « Les 35 heures sont un choix de société : soit ceux qui ont un travail gagnent plus et travaillent plus, soit on partage le travail et on embauche ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux relations du travail. M. le ministre délégué aux relations du travail. Je voudrais d'abord apporter une précision, puisque M. Liebgott a parlé de la croissance tout à l'heure. En 2004, la croissance de la France a été de 2,5 %, contre 1,8 %, en moyenne, pour la zone euro, 2,6 % pour l'Espagne, 1,2 % pour l'Allemagne, 1,3 % pour l'Italie, et 3,2 % pour le Royaume-Uni. On a entendu dire que la croissance française était inférieure à la moyenne de la zone euro, mais tels sont les chiffres. S'agissant du temps partiel non choisi, je rappelle à Mme Jacquaint que nous avons engagé, notamment dans le secteur de la grande distribution, une réflexion en vue de prendre en compte la situation des salariés qui n'ont pas choisi leur temps partiel, qui le subissent. Quant au taux de rémunération des heures choisies, sujet dont nous n'avons pas à rediscuter aujourd'hui, la proposition de loi est très claire : il ne peut être inférieur à celui des heures supplémentaires. Et cela est écrit. Je le rappelle compte tenu de l'amnésie de certains. Vous avez insisté, monsieur Liebgott, sur l'amendement du Sénat relatif à la cinquième semaine de congés payés. Celle-ci ne peut pas faire l'objet d'une monétisation immédiate, je l'ai indiqué tout à l'heure, mais elle pourra bien entendu être utilisée par exemple pour rémunérer un congé de formation. M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jérôme Rivière, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire. M. Jérôme Rivière. Selon le groupe socialiste, il n'y aurait donc pas matière à délibérer. Pourtant, les travaux de la mission d'information ont montré que les conséquences économiques et sociales de la réduction autoritaire et uniforme du temps de travail nécessitaient une loi si l'on voulait éviter la faillite à notre pays. Non seulement la RTT a coûté très cher, mais elle a très lourdement pénalisé notre développement économique, avec 3 % à 5 % de PIB de perte de croissance. Notre texte, à l'inverse des lois Aubry, repose sur la suppression des rigidités et l'ouverture d'espaces de négociation supplémentaires dans l'entreprise pour permettre aux salariés qui le souhaitent - et ils sont nombreux ! - de travailler plus pour gagner plus. Les 35 heures ont conduit au gel des salaires. Nous ne remettons pas en cause la durée du travail. Nous proposons des dispositions pragmatiques. Notre texte permet de tenir compte des aspirations différentes des salariés et des exigences de chaque entreprise, de chaque secteur d'activité. Cela, nous le réaliserons par la négociation collective. Parce que notre majorité fait confiance aux partenaires sociaux, nous sommes convaincus du succès de la mise en place des conventions. Nous laisserons aussi l'initiative aux salariés : à la garantie collective s'ajoute la nécessaire volonté individuelle. C'est ainsi que nous répondrons à la diversité des aspirations des salariés. La liberté de chacun sera respectée à la différence de ce que prévoyait la loi autoritaire qui nous avait été imposée par la gauche. Ce texte poursuit la politique de revalorisation du travail engagée par le Gouvernement et sa majorité. Alors, oui, plus que jamais, pour répondre aux attentes des millions de salariés français, notre assemblée doit légiférer ! Pour toutes ces raisons, le groupe UMP rejettera cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste. M. Alain Vidalies. Je pense au contraire que cette question préalable est parfaitement fondée. En effet, certaines questions, qui avaient déjà été posées en première lecture et qui l'ont à nouveau été par M. Le Garrec et M. Liebgott, n'ont toujours pas reçu de réponses de la part du Gouvernement. Pourtant, ce sont des questions de fond, monsieur le ministre. La difficulté à laquelle nous sommes aujourd'hui confrontés peut se résumer au constat suivant. Nous sommes dans un pays où l'on produit de plus en plus de richesses. Le produit intérieur brut n'a cessé d'augmenter, excepté en 1993, et sa croissance s'accompagne d'une hausse du chômage. Cela veut tout simplement dire que nous sommes capables de produire plus de richesses avec moins de travail. M. Jean Le Garrec. Eh oui ! C'est aussi simple que cela ! M. Alain Vidalies. La diminution du temps de travail est la seule réponse socialement acceptable à cette question. Si les gens travaillaient autant qu'il y a 100 ans pour produire les richesses d'aujourd'hui, nous aurions environ 10 millions de chômeurs ! Pour l'heure, vous menez une politique fondée sur l'accélération de la productivité captée par les actionnaires et les entreprises, et le chômage ne cesse d'augmenter ! M. Jean Le Garrec. Et voilà ! M. Alain Vidalies. Vous aurez beau faire, cette contradiction s'imposera de plus en plus à vous. Mais, sur ce point, vous ne répondez pas. Sur la question de la négociation sociale, le représentant de l'UMP a beau jeu de nous présenter comme d'affreux législateurs obsédés. M. Hervé Novelli. C'est un peu cela ! M. Jérôme Rivière. C'est même tout à fait ça ! M. Alain Vidalies. Je lui répondrai qu'il vaudrait mieux éviter ce genre de discours en l'espèce. En effet, s'il est un texte sur lequel il ne faut pas nous donner cette leçon, c'est bien celui-là. C'est le seul pour lequel il n'y eu aucune négociation ! Le Gouvernement n'a pas eu de courage puisqu'il a utilisé le biais d'une proposition de loi pour éviter l'examen par le Conseil d'État, les négociations sociales et pour essayer de faire passer cette réforme en catimini. Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Tout de même ! Il y a eu un débat au Parlement ! M. Alain Vidalies. Les salariés vous ont répondu en se mobilisant contre. Ne travestissez pas la réalité ! Non, il n'y a pas eu de négociation sociale ! Vous utilisez la négociation sociale pour revenir sur des lois progressistes, mais quand il s'agit d'adopter des textes de régression sociale, vous vous en passez, vous êtes aux ordres de ceux qui vous demandent d'imposer cette régression. M. Jean Le Garrec et Mme Muguette Jacquaint. Excellent ! M. Alain Vidalies. C'est ce vous faites aujourd'hui. Au moins assumez-le et ne travestissez pas la vérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. Jean Le Garrec. Même M. Novelli est gêné ! M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe communiste. Mme Muguette Jacquaint. Je voulais simplement dire que je voterai cette question préalable. M. le président. Je mets aux voix la question préalable. (La question préalable n'est pas adoptée.) Suspension et reprise de la séance M. le président. La séance est suspendue. (La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures trente.) M. le président. La séance est reprise. M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Maxime Gremetz. M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je vous ai apporté de quoi faire le tour du débat parlementaire qui a eu lieu sur la première et la deuxième loi sur les 35 heures. J'ai avec moi des morceaux choisis extraordinaires, que je peux vous citer si vous le voulez. Mais, plutôt que de les vous les lire dans la discussion générale, peut-être vaut-il mieux vous les distiller au cours du débat. Mme Muguette Jacquaint. Vous allez être sous perfusion, monsieur le ministre ! M. Maxime Gremetz. Il faut que la mémoire demeure. Si les paroles s'envolent, le Journal officiel reste, comme un témoin incontestable. Revient, en seconde lecture, la proposition de loi relative à l'organisation du temps de travail, plus communément nommée proposition de loi de démantèlement des 35 heures. M. Hervé Novelli. Oh ! M. Maxime Gremetz. Son passage au Sénat aura confirmé la duplicité du Gouvernement et de sa majorité parlementaire. En effet, une lecture attentive des débats de la Haute Assemblée nous aura permis de constater que le Gouvernement s'approprie le contenu de la proposition de loi, jusqu'à venir parfois, dans une ambiguïté certaine, défendre son action et affirmer que ce texte est dans la continuité de celle-ci. Exit tout aspect d'initiative parlementaire ! Les masques, une fois de plus, sont tombés et plus encore au Sénat qu'à l'Assemblée nationale. Au reste, ce n'est pas une découverte pour nous. Nos débats de février avaient déjà été éclairants à cet égard. En prête-nom, quatre parlementaires de la majorité ont donc déposé cette proposition de loi rédigée par le Gouvernement. Les débats au Sénat, ont permis de mettre en exergue le contenu de cette proposition de loi, qui mêle mensonge et déviance par rapport à la loi sur les 35 heures. Le mensonge s'appuie sur deux slogans. Le premier propose de « travailler plus pour gagner plus ». Bon sens populaire ou populisme ? M. Hervé Novelli. C'est une vérité ! M. Maxime Gremetz. Le second réside dans la formule dite du « temps choisi ». Mais comment choisit-on ce temps et qui le choisit ? C'est une autre paire de manches. Le premier slogan est une supercherie car les salariés pourront certes travailler plus, mais pour gagner moins. M. Hervé Novelli. C'est faux ! M. Maxime Gremetz. Vous battez donc tous les records, monsieur le ministre ! Vous imposez des heures supplémentaires moins payées. Vous refusez de payer les astreintes comme il se doit, alors que nous nous étions battus pour leur prise en compte et celle de la notion de travail effectif. Nous les avions même imposées au gouvernement de l'époque, mais vous faites voler tout cela en éclat. Vous restez passif devant l'état de la négociation collective sur les salaires, qui est au point mort. Il s'agit d'une négociation obligatoire annuelle, mais dans quelles branches et dans combien d'entreprises a-t-elle lieu ? Alors que, par ce slogan, vous leurrez les salariés, les entreprises - vous en conviendrez, monsieur le ministre - ne connaissent pas la crise, mais un boom des profits et des dividendes reversés aux actionnaires. Les salariés auxquels on dit qu'il n'y a plus d'argent et qu'il n'y a pas moyen de les augmenter ont l'impression qu'on se moque d'eux quand ils voient ces entreprises florissantes et ces actionnaires rayonnants. Quand ils souffrent, les Français n'aiment pas qu'on se moque d'eux. Je vous ai déjà mis en garde : quand les lycéens descendent dans la rue, cela traduit un ras-le-bol général. Les Français en ont assez d'être écoutés parfois, mais jamais entendus. Rien de ce qu'ils disent n'est pris en compte et la loi de l'économie s'applique de manière telle que l'argent coule à flot pour tout le monde, sauf pour eux. Les entreprises font des profits, du moins les plus importantes d'entre elles. Ce n'est pas le cas des PME, en effet, qui créent de l'emploi, mais ne reçoivent aucune aide. M. Hervé Novelli. C'est exact ! M. Maxime Gremetz. On aide plutôt les autres, en effet, ces grosses entreprises qui préfèrent, malgré des profits extraordinaires, rétribuer leurs actionnaires plutôt que leurs salariés, spéculer plutôt qu'investir, délocaliser plutôt que miser sur la production des richesses, l'innovation, la modernisation et le développement. Je pourrais citer bien des exemples dans ma région, notamment Flodor et Abelia décors, deux grands groupes, l'un italien, l'autre allemand, qui réalisent des bénéfices considérables, mais veulent fermer leur unité de Péronne ou d'Abbeville au nom du seul profit. Elles restructurent leur groupe et jettent les hommes à terre. Quant à la notion du « temps choisi », c'est un marché de dupe. Quand on connaît les relations sociales au sein de l'entreprise et le chantage à l'emploi qui s'y exerce, on ne peut pas donner le moindre crédit à cette proposition. Encore faut-il, pour le comprendre, être allé dans une entreprise. Ce n'est pas le cas de ceux qui se sont contentés de les diriger, assis derrière leur bureau, ou d'exercer une profession libérale. En réalité, monsieur le ministre, vous enfermez les salariés dans une relation individuelle à l'employeur qui leur imposera ce temps choisi, sinon dans les petites entreprises familiales, du moins dans les entreprises importantes. Qui peut croire aujourd'hui que le salarié est seul maître de l'organisation de son temps de travail, alors que le refus des heures supplémentaires peut être un motif de licenciement et que le contingent d'heures supplémentaires peut être, au gré de l'employeur, la variable d'ajustement à la flexibilité ? En réalité, grâce à ce dispositif, vous autorisez la multiplication des heures supplémentaires payées au rabais - à 10 % au lieu de 25 % - et, en la fixant à 48 heures hebdomadaires sur quatre mois, vous permettez à l'employeur de flirter avec la durée maximale du temps de travail ! Vous ne pouvez pas le démentir, monsieur le ministre. Non seulement ce texte contient un mensonge, mais il témoigne d'une déviance par rapport à la loi sur les 35 heures. Vous renversez en effet le rôle du compte épargne temps : d'un outil en faveur du salarié, avec les réserves que nous pouvons émettre, vous en faites son ennemi. Vous pervertissez son concept en donnant la possibilité à l'employeur de déterminer unilatéralement le choix de son utilisation, en créant, avec sa monétarisation, du salaire différé et virtuel en cas de choix spéculatifs incertains, et en le transformant véritablement en fonds de pension. Je note d'ailleurs qu'il s'agit toujours de fonds de pension étrangers. Selon nous, cet outil doit demeurer un mode d'indemnisation des congés, et non devenir une voie nouvelle pour constituer une épargne ou un moyen aléatoire de compléter sa rémunération. J'ai entendu le nouveau ministre de l'économie s'exprimer à ce propos. M. Hervé Novelli. Il est très bien ! M. Maxime Gremetz. Quand vous me dites qu'il est très bien, j'en déduis qu'il est très mauvais pour les salariés. Avec l'ultralibéralisme, il faut choisir entre les résultats et les salariés. Nous nous comprenons, n'est-ce pas, monsieur Novelli ? M. Hervé Novelli. Je ne suis pas d'accord avec vous, mais je vous comprends ! M. Maxime Gremetz. Nous sommes complètement opposés sur ce point, mais nous nous comprenons. C'est cohérent. Vous êtes un ultralibéral et moi pas. M. Hervé Novelli. Je suis un libéral très modéré, monsieur Gremetz ! M. Sébastien Huyghe. M. Novelli est d'inspiration libérale. (Sourires.) M. Maxime Gremetz. J'ai prêté attention à ce que disait ce ministre moderne qui a été placé à la tête de France Télécom en vue de sa privatisation et qui ne manque donc pas de savoir-faire. À cet effet, il a travaillé avec les banques et j'attendais de sa part des idées modernes. En tout et pour tout, je n'en ai entendu que deux, que je connais depuis quarante-cinq ans. Il s'agit d'abord d'une prime d'intéressement. Dans l'entreprise où je travaillais, j'étais actionnaire, sans le vouloir. M. Hervé Novelli. Vraiment ? M. Maxime Gremetz. Bien sûr ! M. Hervé Novelli. C'est le début de la conversion ! (Sourires.) M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Capitaliste ! (Sourires.) M. Maxime Gremetz. J'avais droit à une action, mais cela n'a pas empêché le ministre du travail de me licencier, alors que j'étais actionnaire et délégué du personnel. Il m'a donc chassé de chez moi, puisque je possédais une part de l'entreprise. En outre, les primes ne sont jamais intégrées au salaire. Elles se donnent et se reprennent. La preuve, c'est que, aujourd'hui, alors que les profits des entreprises sont considérables, de nombreux salariés nous disent qu'ils n'ont droit à aucun intéressement. Que savent-ils, en effet, des comptes de leur entreprise ? Il suffit de faire en sorte que les comptes de l'entreprise soient à découvert pour que, le jour de la paye, il n'y ait rien à partager - sauf pour les actionnaires. L'idée de M. Breton est vieille de 45 ans ! Tout cela pour refuser une augmentation des salaires, dans un pays où - personne ne peut le contester - ils sont pourtant très bas. Faut-il rappeler que le pouvoir d'achat a diminué de 0,3 % dans le privé et que, dans de nombreuses corporations, les conventions collectives prévoient des salaires inférieurs au SMIC ? La seconde grande idée de notre brillant ministre des finances consiste à aider les entreprises qui veulent investir dans la recherche. Mais cela fait des années que l'on accorde des exonérations de cotisations patronales pour favoriser l'investissement, notamment dans la recherche. On en est à 23 milliards d'euros d'exonérations, et on nous dit que ce n'est pas suffisant ! Dois-je rappeler que la Cour des comptes a jugé scandaleux les milliards d'euros ainsi gaspillés ? En tout cas, le moins qu'on puisse dire, c'est que le ministre n'a pas inventé la lune ! M. Hervé Novelli. Il fait preuve de bon sens ! M. Maxime Gremetz. Il reprend, sous une autre forme, les recettes qui, quels que soient les gouvernements qui les ont appliquées, ont échoué à soutenir, non pas les grands groupes - ceux-là rayonnent ! -, mais l'économie du pays, la croissance et la création d'emplois et à assurer le moyen de vivre dignement dans ce pays riche. Quant au ministre de la fonction publique, M. Dutreil, qui assurait hier qu'il n'existait pas de marges de manœuvres pour augmenter les salaires des fonctionnaires de plus de 0,5 %, il annonce finalement, après quelques grandes manifestations et l'expression d'un ras-le-bol, que l'on peut faire mieux et envisager une augmentation de 1 %. Autrement dit, avec ce gouvernement, on n'obtient rien sans lutte et sans détermination. Les lycéens et l'ensemble de la population l'ont compris. M. le président. Il faut conclure, monsieur Gremetz. Vous avez dépassé votre temps de parole. M. Maxime Gremetz. Non, monsieur le président, j'ai le droit à quinze minutes. Votre montre n'est pas à l'heure ! M. le président. Vous parlez depuis seize minutes, monsieur Gremetz. M. Maxime Gremetz. Je vais résumer mon propos. Face à une offensive idéologique déconnectée de tout fondement, aucun rapport ni aucune étude sérieuse et impartiale n'étant jamais venue étayer votre réforme, nous entendons porter un contre-projet de réforme du temps de travail, en nous appuyant sur les attentes qui s'expriment et en tirant les leçons des insuffisances comme des erreurs du passé. En effet, le reproche que l'on peut faire à la loi Aubry II - et nous l'avons toujours dit -, c'est d'avoir cédé au chantage du patronat en déconnectant, comme le reconnaît aujourd'hui la Cour des comptes, l'octroi des aides publiques de la création d'emplois et d'avoir créé les conditions permettant la conclusion d'accords qui ont débouché sur une plus grande flexibilité et un gel des salaires. M. Hervé Novelli. Tout à fait ! M. Maxime Gremetz. Plutôt que de mettre un frein au processus historique de la réduction du temps de travail, il faut au contraire lui donner un nouvel élan et tracer - c'est le sens de nos amendements - les contours d'une future loi de réduction du temps de travail. Pour commencer, il faut impérativement revenir sur deux notions fondamentales - la définition du temps de travail effectif et du déplacement et la réglementation du travail de nuit -, avec pour objectif l'interdiction de celui-ci pour les femmes dans l'industrie et le passage aux 32 heures pour les autres, notamment pour ceux qui exercent un métier pénible. Il convient également de rendre sa légitimité à la négociation sociale en instaurant le principe de l'accord majoritaire, afin que la validité de tout accord de réduction du temps de travail soit subordonnée à son adoption par les syndicats représentant la majorité des salariés. Notre dialogue social souffre en effet du jeu de posture permis par la loi Fillon du 4 mai 2004, selon laquelle des syndicats minoritaires peuvent valider des accords. Quant au droit d'opposition, nous en voyons aujourd'hui les limites, puisqu'il place les représentants des salariés dans une position défensive, pour faire échec aux accords régressifs. On ne peut plus continuer ainsi. Il faut inverser cette logique et faire du dialogue social un échange constructif dans un esprit de conquête, grâce à l'accord et à la négociation à armes égales. Ce souci du dialogue rénové doit aller de pair avec l'octroi de nouveaux droits d'intervention des salariés, ce qui suppose - car ces deux mesures sont indissociables - qu'on leur accorde des temps de formation à l'activité syndicale. Nous défendrons un amendement fort à ce sujet. M. le président. Concluez, monsieur Gremetz. M. Maxime Gremetz. Certains se plaignent que le droit du travail est complexe,... M. Hervé Novelli. Il l'est ! M. Maxime Gremetz. ...mais s'il l'est pour l'employeur, il ne faut pas oublier qu'il l'est tout autant pour les salariés. Nous nous opposerons à cette proposition de loi, en rappelant que ceux qui, par le passé, ont voulu faire tourner en sens inverse la roue de l'histoire ont toujours été déchus. Pour notre part, nous défendrons, à travers l'ensemble de nos amendements, une vraie réforme du temps de travail, digne de notre pays et de l'époque à laquelle nous vivons. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. Jean Le Garrec. Très bien ! (M. Yves Bur remplace M. François Baroin au fauteuil de la présidence.) vice-président M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli. M. Hervé Novelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Assemblée nationale est saisie en seconde lecture de la proposition de loi portant réforme du temps de travail dans l'entreprise, qui a été cosignée par le rapporteur, Pierre Morange, le président Dubernard, le président Ollier et moi-même. Je ne reviendrai pas sur la philosophie de ce texte ni sur les arguments qui ont été échangés à satiété au cours de longues nuits, lors de son examen en première lecture. Je serais pourtant tenté de le faire après l'exposé de M. Gremetz mais, souhaitant pour ma part respecter mon temps de parole, je me limiterai à rappeler quatre mots-clés. Premièrement, la liberté, celle de choisir son temps de travail (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)... M. Jean Le Garrec. La liberté du renard dans le poulailler ! M. Hervé Novelli. ... par la négociation. Deuxièmement, la négociation collective, dont il faut reconnaître qu'elle était en panne. Troisièmement, le pouvoir d'achat, qui - et, sur ce point, je suis d'accord avec M. Gremetz - a reculé de 0,3 % en 2004 pour les salariés du secteur privé. J'y vois la marque de la loi Aubry II,... M. Alain Vidalies. Et moi celle du gouvernement Raffarin ! M. Hervé Novelli. ... qui a conduit, dans des milliers d'entreprises, à la conclusion, pour une durée de trois ans, d'accords qui ont entraîné une stagnation salariale dont il est difficile de sortir aujourd'hui - mais nous en sortirons. La commission des affaires sociales de l'Assemblée a adopté conforme le texte adopté par le Sénat. À cet égard, je voudrais saluer la maestria et l'habileté du professeur Dubernard, à qui l'on doit beaucoup, ainsi que la sagacité du rapporteur. Les sénateurs ont modifié l'article 1er et l'article 3 de la proposition de loi. L'article 1er, qui procède à une simplification et à un assouplissement des conditions d'utilisation du compte épargne-temps, a été modifié par un amendement qui exclut la possibilité pour la convention ou l'accord collectif d'autoriser l'utilisation, sous forme de compléments de rémunération, des droits versés sur le CET au titre de la cinquième semaine de congés payés. En revanche, ces jours pourront toujours être stockés pour indemniser un congé ultérieur. Dont acte. Par ailleurs, le mécanisme d'incitation fiscale et sociale prévu dans le texte initial pour l'utilisation des droits inscrits sur le compte épargne-temps pour alimenter un plan d'épargne retraite collectif a été étendu, par cohérence, à l'utilisation de ces droits pour abonder un régime supplémentaire de retraite d'entreprise. Telles sont les modifications qui ont été apportées à l'article 1er par nos collègues sénateurs, modifications qui ne sont pas de nature à changer radicalement la philosophie et le fond de la proposition de loi. En ce qui concerne l'article 3, je centrerai mon propos sur l'amendement que je considère comme le plus important parmi ceux qui ont été adoptés sur cet article, un amendement qui prévoit la possibilité, en l'absence de délégué syndical, de conclure des accords d'entreprise pour la mise en œuvre d'un compte épargne-temps par le biais du mandatement. Il s'agit de favoriser, à titre transitoire, dans les petites entreprises qui ne disposent souvent pas de représentation syndicale, la conclusion d'accords collectifs. Certes, cette possibilité figure déjà dans la loi du 4 mai 2004 relative au dialogue social qui dispose que, dans les entreprises dépourvues de délégué syndical et d'élus, la direction a la possibilité de négocier et de signer avec un salarié mandaté à cet effet par une organisation syndicale. Le mandatement doit être réalisé par une organisation représentative sur le plan national et pour une négociation donnée. L'accord ainsi conclu doit ensuite recueillir la majorité des suffrages exprimés par les salariés. Cette possibilité du mandatement doit être prévue par un accord de branche dans le cadre de la loi du 4 mai 2004, ce qui n'est pas le cas dans l'amendement adopté par les sénateurs qui prévoit une dérogation au droit commun pour les petites entreprises. M. Alain Vidalies. Vous ne respectez pas vos propres lois ! C'est incroyable ! M. Hervé Novelli. Permettez-moi, monsieur le ministre, de considérer à titre personnel que cet ajout aurait pu être évité. En premier lieu, parce qu'il reprend les dispositions de la loi Aubry sur le mandatement, loi Aubry dont nous nous efforçons de gommer les aspects les plus néfastes. M. Alain Vidalies. Quelle horreur ! M. Hervé Novelli. J'ai bien noté le souhait du Gouvernement d'un vote conforme... M. Jean Le Garrec. Au moins il est logique avec lui-même ! M. Hervé Novelli. ...auquel je me suis rallié. Je n'ai donc pas déposé d'amendement de suppression de cette disposition. Cependant, je souhaite qu'à l'avenir nous ayons une discussion et des propositions novatrices concernant l'accord collectif dans l'entreprise visé par les dispositions de l'article L. 227-1 du code du travail. Je pense qu'il faudra légiférer pour modifier cet article et donner toute sa force à un accord collectif dans l'entreprise. M. Alain Vidalies et M. Jean Le Garrec. Non, ça suffit ! M. Hervé Novelli. D'une manière plus générale, je voudrais plaider, comme je l'ai fait en première lecture, pour l'élaboration d'un nouveau contrat social, basé sur la primauté de la négociation et du contrat sur la loi, à présenter à l'opinion en 2007. Il faut qu'à cette occasion, le rôle des acteurs sociaux soit revalorisé et que ceux-ci soient responsabilisés en se voyant accorder plus de pouvoir pour définir les normes sociales générales de notre pays. Au législateur de fixer les grands principes destinés à garantir le respect des engagements internationaux de la France, les règles relevant de l'intérêt général comme la durée maximale du travail, le droit aux congés payés ou l'exercice de la liberté syndicale et aux juges à veiller à la légalité des accords, des conventions. Le domaine social pourrait comporter deux sous-ensembles. Le premier serait constitué de compétences partagées sur lequel les partenaires seraient prioritaires dans l'édition des normes. En l'absence d'accord, après un certain délai, l'État pourrait légiférer. Le deuxième sous-ensemble serait celui des compétences exclusives des partenaires sociaux. Je suis convaincu qu'il faut refonder notre démocratie sociale par un nouveau contrat qui laisse toute sa place à la négociation, à l'accord. Aujourd'hui, on légifère en fonction de telle ou telle majorité, et cela n'est pas près de changer si nous n'élargissons pas le domaine de compétence des partenaires sociaux. Cette proposition de loi que vous nous faites l'honneur et le plaisir de soutenir a un grand mérite, monsieur le ministre, celui d'ouvrir la voie à cette nouvelle ère sociale, à ce nouveau contrat social. C'est la raison pour laquelle le groupe UMP la votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal. Mme Danièle Hoffman-Rispal. Trois ans après son arrivée au pouvoir, ce gouvernement a enfin atteint son objectif : mettre à bas les 35 heures, c'est-à-dire l'une des principales réformes entreprises par le précédent gouvernement, qui aura marqué l'histoire sociale de notre pays. En matière de droits sociaux, il est assez rare de revenir en arrière. Vous auriez pu vous contenter de ne pas aller plus loin sur la voie de la réduction du temps de travail. Vous auriez pu vous satisfaire des fameux assouplissements introduits dans la loi de janvier 2003 par M. Fillon, alors ministre des affaires sociales. Sans oublier le décret du 21 décembre dernier, qui ouvre aux entreprises la possibilité de recourir à un contingent pouvant atteindre 220 heures supplémentaires dans l'année. Ce chiffre, rappelons-le, représente déjà quatre fois le nombre moyen d'heures supplémentaires effectuées par un salarié français dans l'année. Et lorsqu'on divise ce chiffre par 47 semaines, on aboutit à 39,6 heures de travail par semaine - presque 40, soit la situation antérieure à 1982. En matière de temps de travail, votre majorité avait donc déjà offert aux entreprises la possibilité de contourner la durée légale de 35 heures. Mais emporté par sa logique, soumis à la pression de l'aile ultra-libérale de sa majorité... M. Hervé Novelli. Allons ! Pas de caricature ! Mme Danièle Hoffman-Rispal. ...sensible aux revendications de plus en plus insistantes du MEDEF, le Gouvernement n'a pas pu résister. Il veut aller plus loin, quitte à saper les fondements de notre droit du travail. À ce rythme et au vu du chemin parcouru depuis le début de cette législature sur la question du temps de travail, on peut penser que les grandes entreprises verront bientôt leur régime aligné sur celui des petites, plutôt que le contraire ! Mais revenons sur la méthode du Gouvernement dans cette affaire. Vous avez fait un premier choix hypocrite, celui de revenir sur la réforme des 35 heures, tout en maintenant la durée légale du travail au même niveau. Vous pouvez ainsi prétendre les avoir assouplies, quand vous les avez en fait supprimées. Jusqu'à ce que le MEDEF vous réclame officiellement de modifier la durée du travail, injonction à laquelle vous ne résisterez probablement pas longtemps. Deuxième hypocrisie : pour mettre en œuvre ce nouveau recul social, vous avez fait le choix de vous abriter derrière une proposition de loi. Ce texte était pourtant voulu par le Premier ministre lui-même, qui en avait fait l'annonce à la fin de l'année dernière. Se réfugier derrière une initiative parlementaire pour court-circuiter l'ensemble des procédures préalables au dépôt d'un projet de loi n'est pas glorieux de votre part. Si vous vouliez une négociation sociale sur ce texte, il fallait un projet de loi et non une proposition. Contrairement à ce que vous affirmiez tout à l'heure, monsieur Novelli, si quelqu'un craint la négociation, c'est bien le Gouvernement ! M. Hervé Novelli. Pour une fois que les parlementaires ont la parole ! Mme Danièle Hoffman-Rispal. Le passage par une proposition de loi a un effet très concret, celui de mettre les partenaires sociaux hors jeu. Le Président de la République avait pourtant posé comme préalable la concertation avec les partenaires sociaux. Mais alors que vous vous étiez engagés à privilégier la négociation sociale, vous l'avez tuée dans l'œuf, comme à votre habitude. Votre méthode démontre que vous ne faites pas confiance aux acteurs du dialogue social. Sachant que les organisations syndicales sont très hostiles à votre texte, vous avez décidé de vous passer purement et simplement de leur avis. Comme vous l'avez vous-même reconnu, les lois du gouvernement Jospin sur la réduction de travail avaient été l'occasion d'une formidable relance du dialogue social, même dans les plus petites entreprises, grâce au système du mandatement syndical. La différence avec votre politique est flagrante. Car, avec vous, le dialogue social est devenu un mirage. Si le texte qui nous est soumis est court, son contenu n'en bouleverse pas moins très profondément notre droit du travail. M. Hervé Novelli. Un texte court et clair ! Ça change ! Mme Danièle Hoffman-Rispal. Il établit une injustice durable au détriment des femmes et des hommes employés par les entreprises de moins de 20 salariés. Les changements de formulation après l'examen du Sénat ne modifient pas le fond des choses. En repoussant une nouvelle fois l'échéance, le Gouvernement pérennise une procédure qui devait rester transitoire et qui était destinée à aider les petites entreprises à passer aux 35 heures. La fixation du 1er janvier 2009 comme date butoir ne trompe personne, il s'agit d'un renvoi aux calendes grecques. Cette disposition aura d'ailleurs des effets pervers pour les petites entreprises elles-mêmes, car elles perdent en attractivité et risquent de rencontrer de grandes difficultés de recrutement. Or, c'est dans les PME que l'emploi se crée aujourd'hui. M. Hervé Novelli. Sur ce point, nous sommes tous d'accord ! Mme Danièle Hoffman-Rispal. La métamorphose du compte épargne-temps et la mise en œuvre du fameux « temps choisi » sont tout aussi contestables. Derrière les mots se cachent des réalités qui mettent le salarié dans un rapport de forces toujours plus défavorable face à son employeur. C'est l'entreprise qui bénéficie de possibilités nouvelles, le salarié étant quant à lui contraint de s'y soumettre. « Ceux qui veulent gagner plus pourront travailler plus » : ce conte de fées gouvernemental est une propagande qui ne tient pas la route. Car dans votre texte, c'est l'employeur qui décide, et non pas le salarié. Il en est de même en ce qui concerne le compte épargne temps. Il permettait au salarié de maîtriser son temps de travail et constituait un élément de souplesse pour l'entreprise et pour le salarié. Vous en faites un outil de gestion de l'entreprise en en transférant le contrôle quasi exclusif à l'employeur. M. Jean Le Garrec. Très juste ! Mme Danièle Hoffman-Rispal. Le recours intensif aux heures supplémentaires n'est pas une bonne chose pour les conditions de travail et pour la santé des salariés. Alors que la question de la pénibilité au travail est un enjeu que chacun reconnaît désormais, vous n'en tenez pas compte. Je ne saurais trop vous conseiller de vous référer à l'excellent rapport qu'a rendu le COR sur ce point. L'acceptation d'un amendement de nos collègues socialistes du Sénat relatif aux femmes enceintes est significative : s'il faut protéger les femmes salariées pendant leur grossesse, c'est bien qu'il existe un risque pour la santé à laisser dériver le temps de travail au-delà de la durée légale. Quant à la notion de salaire différé incluse dans votre nouveau compte épargne temps, elle ne va pas dans le sens de la hausse du pouvoir d'achat. L'employeur pourra en effet décider unilatéralement de ne pas payer un certain nombre d'heures de travail et de les inscrire au compte épargne temps. Ainsi, l'augmentation des revenus que vous prétendez mettre en œuvre avec cette loi est un leurre complet. Il y aura, en fait, une pression à la baisse sur le coût du travail, par le biais d'une augmentation du temps de travail. Les salariés seront une nouvelle fois floués. Le refus de M. Seillière d'envisager une négociation aboutissant à une hausse des salaires en est aujourd'hui une preuve supplémentaire. Enfin, le développement d'une relation de travail individualisée entre l'employeur et le salarié marque le caractère libéral de ce texte. Entre le faible et le fort, le rôle de la loi est de compenser l'inégalité de la relation. Mais au lieu de protéger le faible, vous ne cessez d'encourager le plus fort à imposer ses vues. Votre objectif est de permettre aux employeurs de s'affranchir du droit du travail, en entretenant la fiction qu'il existe un choix commun et libre de l'entreprise et du salarié. En période de chômage de masse, cela relève tout simplement du cynisme. De plus, ce texte fragilise les relations collectives de travail, qui constituent pourtant la seule garantie pour les travailleurs de voir leurs droits reconnus. Comme ils l'ont montré ces dernières semaines, les Français y sont très attachés dans leur immense majorité. Vous procédez donc par petites touches, en masquant vos intentions réelles. Votre texte de loi fait partie de cette démarche ; il s'inscrit dans la droite ligne de la loi de mai 2004 sur le dialogue social, qui systématise l'accord d'entreprise, celui-ci pouvant dorénavant être moins favorable au salarié que l'accord de branche lui-même. Il nous revient d'éclairer l'opinion sur ce point qui dépasse le seul sujet du temps de travail. Il est un fait nouveau à prendre en compte depuis la première lecture, c'est la mobilisation exceptionnelle des salariés du public et du privé, partout en France. Celle-ci est partie de la contestation de ce texte législatif par le monde du travail. Et si la mobilisation s'est étendue aux questions d'emploi et de pouvoir d'achat, c'est que les choses sont étroitement liées. Par ailleurs, les chiffres sortis très récemment sont venus sanctionner votre politique. Le cap des 10 % de chômeurs rapportés à la population active a été franchi en février. Cela n'a malheureusement rien d'étonnant, car l'emploi, loin de constituer la priorité de votre politique, est devenu une simple variable d'ajustement. Cette proposition de loi ne va pas arranger les choses, car le message que vous adressez aux entreprises est clair : en cas d'augmentation de l'activité, n'embauchez pas, mais faites faire des heures supplémentaires à vos salariés actuels ! Cela aura des conséquences néfastes pour ceux qui recherchent un emploi. M. Jean Le Garrec. Tout à fait ! M. Hervé Novelli. Il faudrait modifier le contrat de travail !
Quant au pouvoir d'achat, votre échec vient également d'être confirmé par les chiffres de l'INSEE : 0,3 % de baisse en 2003 du salaire net moyen. M. Hervé Novelli. À qui la faute ? Mme Danièle Hoffman-Rispal. Monsieur Novelli, cela fait maintenant trois ans que les Français vous entendent répéter sans cesse que les 35 heures sont responsables de tout, et notamment de la baisse de leur pouvoir d'achat. M. Hervé Novelli. C'est la réalité ! Même la CGT le dit ! Mme Danièle Hoffman-Rispal. Trois ans, c'est une demi-mandature ! Pendant cette période, vous avez eu le temps de construire votre propre politique. Vous ne pouvez plus continuer de faire porter le chapeau aux trente-cinq heures. M. Hervé Novelli. Il y a bien d'autres choses ! Mme Danièle Hoffman-Rispal. Que ce soit en matière de pouvoir d'achat ou de hausse du chômage, vous êtes aujourd'hui confrontés aux conséquences de votre action. Et ça, les Françaises et les Français l'ont bien compris. La réalité de votre politique, c'est l'emploi sacrifié et l'absence de justice sociale puisque tous les prélèvements pèsent sur les salariés. Les possibilités ouvertes pour utiliser le compte épargne-temps afin de développer les PERCO, c'est-à-dire la retraite par capitalisation que vous avez mise en place, vont également dans ce sens. Elles transforment une rémunération du travail - travailler plus et gagner plus - en une chose qui s'éternise sur des années, à l'image du jour férié supprimé cette année pour trouver 2 milliards d'euros de recettes nouvelles. Et j'ai lu ce matin dans la presse que cette somme ne suffirait pas ! La majorité a amendé le texte en première lecture, afin de flécher le dispositif de compte épargne-temps vers l'épargne-retraite. Elle a détourné en catimini le dispositif de son objet initial. Et ce faisant, elle a accordé bien sûr au passage de nouveaux avantages aux entreprises : au lieu de rémunérer normalement le travail de leurs salariés, elles pourront utiliser le compte épargne-temps pour diminuer leurs versements de cotisations sociales et réduire le montant de l'impôt sur les sociétés. C'est avec de telles mesures que les déficits des organismes sociaux perdurent. Je conclurai en revenant à l'objet de départ que vous aviez assigné à cette proposition de loi. Vous l'avez tous dit, le ministre et M. Novelli, notamment, vous ne croyez pas à la réduction du temps de travail, malgré les 350 000 emplois créés grâce à elle, même si la croissance y a également contribué - tous les chiffres confirment deux millions d'emplois créés et un million de chômeurs en moins -, malgré le formidable mouvement de négociation sociale et de réorganisation du travail qu'a permis le passage aux 35 heures dans notre pays. Vos conceptions idéologiques vous conduisent à voir dans la baisse de la durée du travail une source d'oisiveté dangereuse. Je reste pour ma part convaincue qu'il s'agit bien d'un mouvement historique qui correspond aux aspirations des femmes et des hommes, à leur besoin d'émancipation personnelle. Cette avancée vers une plus grande autonomie des individus, plus libres de disposer de leur temps, c'est une valeur que nous continuons de porter au cœur de notre engagement politique. C'est aussi le sens de toute l'histoire économique et sociale depuis la révolution industrielle. En faisant aujourd'hui repartir le temps de travail à la hausse, vous commettez une erreur historique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier. M. Patrick Ollier. Je veux dire combien je suis satisfait du travail que nous avons accompli et je souhaite répondre à nos collègues socialistes sur ce point. J'espère, avec le ministre, le président de la commission des affaires culturelles, le rapporteur et l'ensemble du groupe UMP que le texte auquel nous sommes parvenus sera confirmé sans être amendé. Nous avons commencé à travailler en 2003, avec la création d'une mission d'évaluation - M. Novelli, qui en a été l'excellent rapporteur, peut en témoigner. Nous avons ensuite poursuivi notre réflexion, et M. Larcher nous a tendu la main. Puis, notre collègue Morange a déposé sa proposition de loi, que j'ai signée avec le professeur Dubernard et M. Novelli. Dix-huit mois se sont écoulés et nous avons mis à profit cette période pour travailler sérieusement. Chers collègues de l'opposition, pensez-vous vraiment que, pendant ce laps de temps, nous ayons pu nous montrer complètement autistes ? Nous avons, nous aussi, rencontré beaucoup de monde. Pensez-vous que nous n'ayons rien vu ni entendu ? M. Hervé Novelli. Très bien ! M. Patrick Ollier. Je veux donc faire pièce à tous les arguments politiciens que nous venons d'entendre. Le texte que nous vous soumettons est équilibré et ne fait que proposer des choix. Il n'a rien de contraignant, contrairement à la loi Aubry. Comment peut-on refuser une opportunité de choix ? Alors que la période n'est pas facile et que les salariés réclament plus de pouvoir d'achat, je ne comprends pas qu'on puisse s'opposer à un choix que nous ne faisons qu'ouvrir. Mme Muguette Jacquaint. Quel choix ? M. Patrick Ollier. Après la négociation, un choix sera scellé dans un accord, qui permettra, seulement à ceux qui l'auront voulu, d'aller plus loin et de travailler plus pour gagner plus. Le Sénat a bien travaillé. Je retiendrai deux amendements parmi les quelques modifications qu'il a apportées. Le premier prévoit l'interdiction de monétiser dans le cadre du CET la cinquième semaine de congés payés. Le second, dit « amendement mandatement », prévoit que les entreprises dépourvues de délégués syndicaux peuvent conclure des accords de mandatement pour la mise en place du compte épargne-temps. Sur les bancs de la majorité, nous sommes d'accord pour accepter ces deux amendements qui enrichissent et confirment nos intentions de la première lecture. C'est un travail de partenariat positif avec le Sénat. Je suis donc satisfait de voir bientôt définitivement adoptées ces mesures qui permettront, contrairement à ce que vous prétendez, chers collègues de gauche, de répondre aux attentes exprimées par les salariés des entreprises de pouvoir enfin retrouver, dans le cadre d'une négociation sociale renforcée, la plus fondamentale des libertés, celle du choix. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous ne faisons que proposer des outils aux salariés et aux entreprises et nous n'imposons rien. Nous ouvrons simplement des espaces de liberté. Qui dit accord, dit négociation. Et, je le répète, le temps choisi ne se fera que sur la base du volontariat. Les propos de Mme Hoffman, qui vient de s'absenter, frisaient la caricature. M. Le Garrec - et je l'apprécie beaucoup car c'est un honnête homme - a ferraillé avec beaucoup de sérieux contre nos propositions tout au long de nos travaux. Il a présenté des arguments de poids que nous ne partageons pas, mais que nous respectons. Je regrette cependant que lui et ses collègues cherchent à attiser les peurs. Ils cherchent à faire croire que ce texte va déboucher sur une catastrophe en remettant en cause les relations du travail au sein des entreprises. Mme Muguette Jacquaint. La situation est assez catastrophique comme ça ! On n'a pas besoin d'en rajouter ! M. Patrick Ollier. C'est choquant, car c'est inexact. Est-ce à dire, sinon, que nous serions des benêts qui ne savent pas ce qu'ils font ? Mme Muguette Jacquaint. Des libéraux, c'est tout ! M. Patrick Ollier. M. Novelli a une pensée libérale que je respecte. J'ai une pensée gaulliste qu'il respecte. Et nous sommes heureux de nous retrouver dans le même mouvement politique. « Vous ne pouvez pas prendre le risque de revenir sur les protections des salariés », nous a dit tout à l'heure M. Le Garrec. Mais en quoi prenons-nous un quelconque risque ? Je ne partage pas ce catastrophisme. Moi aussi, je me plais à rêver à une société apaisée, de confiance, de liberté. Je me plais à rêver à une entreprise où les rapports ne seraient pas systématiquement conflictuels. M. Hervé Morin. Ils ne le sont pas toujours ! M. Patrick Ollier. Certains veulent qu'ils le soient pour entretenir le conflit de l'ancienne lutte des classes. Il y aurait les bons et les méchants. Et, bien sûr, nous serions les méchants tandis que nos collègues de gauche seraient les bons ! Or tout cela relève de la caricature et d'une argumentation plutôt ringarde, si vous m'autorisez cette expression. Le ministre a parlé de participation, tout à l'heure. Je me plais aussi à rêver que ce principe puisse être développé. Mme Muguette Jacquaint. On connaît bien le principe ! M. Patrick Ollier. Je rêve d'entreprises où les hommes seraient des partenaires et non pas des adversaires. M. le président. Il faut conclure, monsieur Ollier. M. Patrick Ollier. Mes chers collègues, je vous encourage à voter le texte tel qu'il est, sans l'amender. Comme le président Dubernard et le rapporteur l'ont expliqué, il s'agit de faire en sorte que cette loi soit votée rapidement pour être appliquée le plus vite possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. Hervé Morin. M. Hervé Morin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je centrerai cette intervention sur quelques éléments pour ne pas répéter les arguments qui ont d'ores et déjà été développés. Je soulignerai tout d'abord que ce débat a bien souvent frisé la caricature et le manichéisme. On y retrouve toujours les mêmes schémas. Ainsi, on a affirmé sur les bancs de gauche de cet hémicycle que modifier à la marge le code du travail allait provoquer des ruptures graves dans les conditions sociales des salariés français, tandis qu'à l'UMP, on nous a expliqué que cette proposition de loi allait permettre de revenir sur l'erreur historique qu'a constituée la réduction du temps de travail prévue par la loi Aubry. En fait, ce n'est ni l'un ni l'autre. M. Alain Vidalies. Voilà un vrai centriste ! (Sourires.) M. Hervé Morin. La durée du travail n'est pas réellement modifiée. Et considérer qu'avec la monétarisation du compte épargne-temps, l'accroissement potentiel des heures supplémentaires et le dispositif des heures choisies, on va remettre gravement en cause des acquis sociaux relève bel et bien de la caricature. Monsieur le ministre, cette proposition de loi comporte une grande injustice, encore plus flagrante aujourd'hui où l'on sait à quel point la question du pouvoir d'achat des salariés est centrale. Cette injustice, que nous avons d'ores et déjà dénoncée en première lecture, avait été initialement introduite par les socialistes : c'est le traitement différent des salariés des entreprises de moins de vingt personnes. Or rien ne justifie que cette disparité de traitement soit maintenue. En effet, les marges des entreprises se sont reconstituées dans les grands groupes, bien sûr, mais aussi dans l'artisanat et les PME. Dans les entreprises où les salariés ne bénéficient déjà pas de comité d'entreprise, ni de régime de prévoyance, ni des autres avantages sociaux des grands groupes, et qui sont d'ailleurs celles où le potentiel d'heures supplémentaires est le plus élevé, il faudrait au moins prévoir que les heures supplémentaires seront rémunérées à 25 % comme pour les salariés des entreprises de plus de vingt personnes. Je le regrette, et ce d'autant plus que la question du pouvoir d'achat est aujourd'hui centrale. Je voudrais, à l'occasion de cette deuxième lecture, aborder deux sujets. Tout d'abord, la France peut-elle être le pays du monde où l'on travaille le moins ? N'y a-t-il pas une contradiction, une sorte de schizophrénie à demander un meilleur pouvoir d'achat et dans le même temps être celui des pays occidentaux où l'on travaille le moins ? La réalité c'est qu'aujourd'hui, et le rapport Camdessus l'a montré, les Français travaillent 900 heures par an - si l'on considère l'ensemble de la population active en âge de travailler, y compris les chômeurs et tous ceux qui ne travaillent pas - alors que la moyenne mondiale est de 1 200 heures. Quand on est confronté à une compétition mondiale et européenne telle que nous la connaissons aujourd'hui, et quand on voit des pays comme l'Allemagne - dirigée par un gouvernement socialiste - allonger la durée du travail, on se dit que la France ne peut rester à l'écart de cette tendance. Il est par ailleurs aberrant de considérer que l'allongement de la durée du travail équivaut à une remise en cause des acquis sociaux et des conditions de travail. Mme Muguette Jacquaint. Ah bon ? M. Hervé Morin. Tout d'abord, parce que même si certains de nos compatriotes connaissent des conditions de travail difficiles, le travail n'est pas forcément une aliénation et peut même être un épanouissement. On ne peut demander à la fois une augmentation du pouvoir d'achat et le maintien des conditions de production qui sont aujourd'hui les nôtres. L'idée que par un allongement de la durée du travail on va améliorer le pouvoir d'achat, donc la consommation et la qualité de la vie, n'est pas forcément antisociale ! M. François Rochebloine. Absolument ! M. Hervé Morin. Par ailleurs, si l'accroissement de la productivité doit aller de pair avec la diminution de la durée du travail, sa réduction automatique comportait plusieurs illogismes majeurs, le premier étant de réduire la durée mensuelle du travail, alors qu'on savait que le financement des retraites serait de plus en plus difficile. Un autre choix était possible : accroître la durée hebdomadaire du travail et non la durée du travail tout au long de la vie, afin de ne pas travailler jusqu'à 62, voire 65 ans, comme nous y serons amenés demain. M. François Rochebloine. Ce sera une obligation ! M. Hervé Morin. Si nous avions donné le choix à nos compatriotes de travailler un peu plus longtemps chaque semaine mais un peu moins longtemps au cours de leur vie, je suis convaincu qu'ils auraient préféré cette solution. M. François Rochebloine. Très bien ! M. Alain Vidalies. Ce n'est pas un vrai choix ! Mme Muguette Jacquaint. Et la retraite forcée à cinquante-deux ans ? M. Hervé Morin. Monsieur le ministre, j'ai lu avec attention la déclaration du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur l'évolution du pouvoir d'achat. Une première réponse consisterait à donner aux salariés la possibilité de faire des heures supplémentaires et de remettre en cause la logique infernale des 35 heures. Une autre réponse serait de créer un système simple d'intéressement. Je crains que, une nouvelle fois, nous ne mettions en place une usine à gaz, un système qui ne permettra pas aux salariés de percevoir rapidement les fruits de leur travail. Au mois de décembre, le groupe UDF a fait des propositions. Si dans une petite entreprise l'année a été bonne, le chef d'entreprise doit pouvoir intéresser les salariés aux résultats. Cette prime doit être intégrée au salaire direct, pour ne pas être différée dans le temps, et elle doit être exonérée de charges. Lorsqu'une entreprise verse 75 euros à chacun de ses salariés, cela lui coûte 150 euros, compte tenu des charges salariales et des charges patronales. Si elle dépense 100 euros pour chaque salarié, il faut que cette somme soit intégralement versée au salarié et qu'elle soit exonérée de cotisations sociales et non soumise à l'impôt sur le revenu. Mme Muguette Jacquaint. Et voilà ! M. François Rochebloine. C'est une bonne proposition ! M. Hervé Morin. Cela pourrait améliorer le sort de nos compatriotes. Monsieur le ministre, il y a un autre élément sur lequel il nous faudra revenir : nous devons donner aux petites entreprises les moyens d'intéresser leurs salariés. En effet, si les régimes d'intéressement ou de participation que nous mettons en place sont compliqués et nécessitent le recours à des consultants ou à un appareil juridique lourd, les petites et moyennes entreprises ne les adopteront pas. Il serait préférable de permettre aux Français de bénéficier de régimes de prévoyance financés par les entreprises, sans considérer cela comme une rémunération soumise aux cotisations sociales et à l'impôt sur le revenu. Compte tenu du poids croissant des complémentaires dans les régimes d'assurance maladie, il serait bon de faciliter l'octroi de régimes de prévoyance à nos compatriotes qui travaillent dans de petites entreprises. M. François Rochebloine. Ils sont nombreux ! M. Hervé Morin. Enfin, je reste convaincu que la solution préconisée par l'UDF en 2002 concernant la réforme des 35 heures était la bonne. Le Gouvernement n'a jamais voulu suivre cette voie, qui aurait pourtant réglé définitivement le problème. Je vous en rappelle l'essentiel : maintenir la durée légale du travail à 35 heures, permettre de mieux rémunérer les salariés pour les heures supplémentaires jusqu'à la trente-neuvième heure avec un taux de bonification de 25 %, et réduire à due proportion les cotisations sociales afin que cela ne coûte pas plus à l'entreprise. Cela n'aurait été que bénéfice, en permettant aux salariés qui le souhaitent de rester à 35 heures et à ceux qui veulent augmenter leur rémunération de travailler plus. Mais il fallait avoir le courage politique de faire cette réforme et de l'inscrire dans la loi, au lieu de la renvoyer à d'hypothétiques accords ou conventions collectives. Nous avons manqué cette solution en 2002, et depuis nous peinons pour améliorer les choses. Malheureusement, je crains que les dispositions que nous allons voter ne changent pas grand-chose, car je ne vois pas bien, dans l'état actuel du dialogue social, des syndicats majoritaires signer des conventions collectives qui pourraient donner plus de souplesse au système. Je vous remercie. M. François Rochebloine. Très bien ! M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies. M. Alain Vidalies. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen en deuxième lecture de la proposition de loi de l'UMP réformant l'organisation du temps de travail intervient dans un contexte particulier, marqué par les hésitations et les incohérences de la politique gouvernementale. Il est vrai que les statistiques publiées depuis le débat en première lecture éclairent singulièrement les résultats de votre politique, monsieur le ministre. Ainsi, l'INSEE a révélé que le pouvoir d'achat des salariés du secteur privé a diminué de 0,3 % en 2003. Je vous rappelle qu'il faut remonter à 1996 - époque où vous aviez déjà la responsabilité de notre pays - pour trouver un résultat aussi négatif. Le nombre de chômeurs ne cesse d'augmenter et vous avez à nouveau franchi la barre des 10 % de demandeurs d'emploi avec à votre actif, si j'ose dire, 200 000 chômeurs de plus depuis 2002. Ces statistiques minorent d'ailleurs les résultats réels de votre politique, car en modifiant la réglementation sur l'allocation spécifique de solidarité, vous avez sorti des statistiques du chômage plusieurs dizaines de milliers de salariés qui bénéficient aujourd'hui du RMI. Le nombre des allocataires du RMI a augmenté de 9 % pour la seule année 2004, soit 88 000 de plus ! Globalement, les résultats de votre politique, ce sont 200 000 chômeurs et 150 000 allocataires du RMI de plus depuis juin 2002, soit au total 350 000 personnes et leurs familles plongées dans les difficultés. Parallèlement, les résultats annoncés par les grandes entreprises battent tous les records, avec des augmentations de 40 %, de 100 %, voire de 800 % pour certaines entreprises, et ce dans tous les secteurs économiques : les banques, l'industrie et le commerce. M. Arnaud Montebourg. C'est la cagnotte privée ! M. Alain Vidalies. Votre politique de réduction des impôts pour les catégories sociales les plus aisées et de démantèlement des principes fondamentaux du droit du travail a abouti à fragiliser la situation des salariés et a permis une captation de la richesse produite, au détriment du travail et au profit des actionnaires. Au cours des derniers mois, nous n'avons cessé de vous interpeller sur les conséquences de cette politique. Je n'aurai pas la cruauté de vous rappeler vos réponses, souvent marquées par l'annonce d'une prochaine amélioration... qui n'est jamais venue. Il y a quelques jours encore, aucune négociation salariale n'était possible et le ministre du budget écartait les demandes des fonctionnaires en déclarant avec subtilité qu'il n'y avait pas d'argent caché sous la moquette. Aujourd'hui, vous êtes bien obligé de prendre en compte la très forte mobilisation des salariés du public et du privé qui, face à votre inertie, ont été contraints de descendre dans la rue. Contrairement à vos affirmations réitérées dans cet hémicycle, des négociations salariales vont enfin pouvoir être engagées. Or, souvenez-vous que les revendications exprimées dans le récent mouvement social portaient à la fois sur l'augmentation des salaires et sur la défense des 35 heures. Le jour même de la grande manifestation, le 10 mars, Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, affirmait « l'urgence de réponses concrètes aux revendications concernant le temps de travail et le pouvoir d'achat ». Le même jour, François Chérèque déclarait, au nom de la CFDT : « Aujourd'hui, nous lançons un appel fort au Gouvernement : pas question de toucher aux 35 heures ». En inscrivant ce texte à l'ordre du jour, vous ignorez totalement l'ampleur du mécontentement. Cette réforme est purement dogmatique et ne reflète pas la réalité. Comment pouvez-vous continuer à invoquer la perte de compétitivité due aux 35 heures, alors que les grandes entreprises, premières concernées, affichent des bénéfices records ? Comment pouvez-vous encore utiliser le slogan « travailler plus pour gagner plus », qui sonne comme une provocation pour tous ceux que votre politique a privés d'emploi ou renvoyés au RMI ? Ce slogan, nous le savons, a été inventé par une fédération patronale, l'UIM, l'union des industries minières, et repris par le Gouvernement. Je ne peux passer sous silence les étonnantes déclarations faites hier, le 15 mars 2005, par le président du MEDEF, M. Ernest-Antoine Seillière. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Écoutez bien, car c'est un moment rare ! La phrase n'est pas très bien rédigée, mais je crois qu'avec de tels propos, M. Seillière va entrer dans l'Histoire ! Je le cite : « Les 35 heures ont donné plus de temps de loisir, et comme finalement le pouvoir d'achat est ce dont on dispose par heure non travaillée, tout ceci s'ajoutant donne un ressenti qu'on a moins d'argent pour satisfaire ses besoins ». M. Jean-Michel Fourgous. C'est un scoop ! M. Alain Vidalies. Vous avez bien compris : le président du MEDEF ose affirmer que si les salariés ont l'impression d'être plus pauvres, c'est parce qu'ils ont plus de temps libre, du fait des 35 heures ! M. Hervé Novelli. C'est vrai, ils n'ont pas d'argent ! M. Jean-Michel Fourgous. Vous avez promis aux gens qu'ils gagneraient plus et travailleraient moins ! M. Alain Vidalies. Il faut remonter au temps où les maîtres des forges s'opposaient aux congés payés pour empêcher les ouvriers d'aller au bistrot pour trouver une énormité semblable ! Comment voulez-vous faire avancer le dialogue social dans notre pays quand, en 2005, le représentant du patronat déclare que les salariés ont le sentiment d'être pauvres parce qu'ils ont trop de temps libre ? Mme Muguette Jacquaint. C'est incroyable ! M. Alain Vidalies. Alors, face à toutes ces contradictions, le discours du Gouvernement et de l'UMP consiste à affirmer, sans aucun élément statistique, que certes les grandes entreprises font des bénéfices records, mais que les moyennes et petites connaissent des difficultés. À supposer que cet argument corresponde à la réalité, ce n'est certainement pas votre réforme qui va améliorer la situation. Vous feriez mieux de vous intéresser au financement mutualisé du chômage qui amène l'UNEDIC, pour le travail précaire - intérim et contrats à durée déterminée -, à percevoir 1 milliard d'euros de cotisations, alors que ces mêmes contrats précaires génèrent 7 milliards d'euros d'indemnité chômage. Comte tenu de l'usage massif des formes précaires d'emploi dans les grandes entreprises, c'est un véritable transfert de charges qui s'opère au détriment des petites entreprises. Mais vous ignorez ces pistes de réforme pour répéter sans fin que tout est la faute des 35 heures, au point d'apparaître inconséquent pour n'avoir pas procédé immédiatement à leur suppression ! Le texte qui nous revient du Sénat est modifié et mérite toujours les critiques de fond exprimées en première lecture. Je me permets d'insister une nouvelle fois sur les dangers des dispositions de l'article 3 qui introduit pour la première fois la possibilité d'une dérogation au droit commun par accord individuel entre l'employeur et le salarié. Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas à la fois prétendre - et je veux bien vous croire - vous opposer à la généralisation de la règle de l'opting out dans le droit européen et laisser introduire insidieusement dans notre code du travail le début de ce principe. D'ailleurs, c'est bien parce que la renonciation du salarié à dix jours de repos constitue une régression sociale que vous avez accepté, au Sénat, un amendement qui interdit son application aux femmes enceintes ! M. Jean Le Garrec. Très bien ! Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait ! M. Alain Vidalies. Cette interdiction montre que vous êtes parfaitement conscient de la nature de la réforme que vous nous proposez aujourd'hui. J'ajoute, monsieur le ministre, que lorsque le Sénat adopte la règle du mandatement, on voit bien quelles sont les limites du discours du Gouvernement et de la majorité. Car sur le dialogue social, le texte du mois de mai 2004 - proposé par le Gouvernement, que vous aviez voté, messieurs - prévoyait le mandatement à condition qu'il y ait un accord d'entreprise. Or à la première occasion, vous n'appliquez même pas les lois que vous avez vous-mêmes votées puisque, maintenant, la dérogation sur le mandatement sera possible, même en l'absence d'accord de branche ! M. Arnaud Montebourg. Il faudra répondre, monsieur Larcher ! M. Alain Vidalies. Ce texte n'est, en réalité, que la manifestation d'une fuite en avant d'une majorité en perdition dont le raidissement sur des principes idéologiques d'un autre siècle va encore pénaliser l'emploi et les salaires. Vous avez d'ailleurs la rancune sociale tenace, car le même jour où le Gouvernement est contraint de relancer la négociation sur les salaires dans la fonction publique, un haut responsable de l'UMP « demande que la réforme des 35 heures actuellement en discussion au Parlement soit étendue à la fonction publique » ! Mme Muguette Jacquaint. Ah ! Il ne faut pas qu'il s'arrête à la moitié du chemin ! M. Alain Vidalies. Si ce n'est pas une provocation, cela y ressemble ! Au moment où notre pays compte trois millions de demandeurs d'emploi, de plus en plus de salariés à temps partiel subi et d'allocataires du RMI, le Gouvernement et l'UMP ne trouvent rien de mieux à faire que d'augmenter le volume des heures supplémentaires et d'en réduire le coût ! Monsieur le ministre, mesdames et messieurs de la majorité, il serait temps que vous preniez conscience qu'une grande majorité de Français rejettent cette réforme socialement injuste et économiquement absurde. Il est encore temps de faire amende honorable et de retirer purement et simplement cette proposition de loi désastreuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. le président. La parole est à Mme Martine Billard. Mme Martine Billard. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, selon M. Ollier, notre collègue de l'UMP, et M. Morin, notre collègue de l'UDF, les salariés qui veulent une répartition des richesses de ce pays et une répartition des temps qui ne soient pas simplement en leur défaveur se fonderaient sur des schémas anciens. Mais c'est vous qui vous fondez sur des schémas archéologiques ! M. Jean-Michel Fourgous. Vous voulez sans doute dire archaïque ? Mme Martine Billard. En effet, le libre choix tel que vous le proposez et le droit de travailler plus existaient au début du siècle ! Et c'est justement parce que les travailleurs travaillaient énormément - pendant que d'autres étaient au chômage - et ruinaient leur santé, vues les durées de temps de travail et les conditions de vie de l'époque, qu'ils se sont battu pour obtenir des conventions collectives qui généralisaient à l'ensemble des salariés de plusieurs branches, d'abord,... M. Jean Le Garrec. Le Front populaire ! Mme Martine Billard. ...à l'ensemble des salariés de ce pays, ensuite, des conditions de vie et de travail un peu meilleures. M. Jean Le Garrec. Eh oui ! Mme Martine Billard. Visiblement, vous voulez revenir à la philosophie de vos ancêtres ! M. Hervé Novelli. Caricature ! Mme Martine Billard. Non, c'est la réalité ! Lisez l'histoire sociale, l'histoire du droit du travail... M. Hervé Novelli. Je la connais aussi bien que vous ! Mme Martine Billard. ...et vous verrez que vous n'inventez rien ! Le moins qu'on puisse dire est que vous n'avez pas pris la mesure de l'ampleur de la contestation sociale telle qu'elle s'est exprimée dans la rue et avec les grèves. Votre grand argument était de répéter que cela ne concernait que les salariés du secteur public. Mais voilà, le 10 mars, il n'y avait pas seulement des salariés du secteur public dans la rue et en grève, il y avait aussi énormément de salariés du secteur privé. Ces derniers prennent d'ailleurs ce gouvernement au mot : oui, ils veulent gagner plus,... M. Hervé Novelli. Et travailler plus ! Mme Martine Billard. ...mais sans travailler plus ; ils demandent le maintien des 35 heures car notre pays est l'un des pays les plus riches de la planète, et les richesses ne font qu'augmenter. M. Jean-Michel Fourgous. Il n'y a pas un pays au monde qui vous ait suivis ! Mme Martine Billard. Aujourd'hui, les inégalités ne font qu'augmenter : les plus riches continuent à s'enrichir pendant que les plus pauvres continuent à s'appauvrir. C'est cela qu'ils remettent en cause. Je comprends que ce soit pour vous désagréable à entendre, mais ils continuent de le penser : selon eux, les richesses de notre pays doivent être équitablement réparties. M. Alain Vidalies. Eh oui ! Mme Martine Billard. C'est une différence de philosophie ! M. Jean-Michel Fourgous. La richesse, qui la crée ? Mme Martine Billard. Les travailleurs ! Car sans eux, vous ne pourrez rien créer ! Début mars, nous avons appris que les trente-cinq groupes français qui figurent dans l'indice boursier du CAC 40 avaient enregistré des bénéfices records pour 2004 : un bénéfice global de plus de 55 milliards d'euros, un record historique de 9 milliards d'euros rien que pour le groupe Total, des groupes financiers qui se portent bien du fait de l'augmentation des tarifs bancaires. M. Jean-Michel Fourgous. Continuez à attaquer les entreprises ! Elles partiront un peu plus vite ! Mme Martine Billard. D'ailleurs, les salariés du secteur bancaire n'en profitent pas et les consommateurs, eux, subissent toutes ces augmentations, sans justification la plupart du temps. M. Jean-Michel Fourgous. Harcèlement permanent des entreprises ! Mme Martine Billard. « Harcèlement permanent des entreprises » ! Quelle horreur, vraiment ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. Monsieur Fourgous, ne troublez pas Mme Billard ! M. Jean Le Garrec. Vous avez vraiment une tête de harcelé, monsieur Fourgous ! Il faut le laisser parler, monsieur le président ! Donnez-lui la parole ! Mme Martine Billard. Pour le moment, c'est le harcèlement d'une oratrice ! (Rires.) Toutes ces entreprises sont engagées dans des politiques de réduction des coûts de production qui passent entre autres par des licenciements, mais aussi par l'externalisation - c'est très à la mode ! Comment pouvez-vous alors claironner que les entreprises françaises seraient en danger à cause du droit du travail et des maigres protections des salariés ? D'ailleurs, dans le même temps, tous les chiffres sur la dégradation de la situation de l'emploi et de la montée de la précarité démontrent que votre discours est totalement idéologique. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Jean-Michel Fourgous. Les 35 heures, ce n'est pas idéologique ? C'est économique, peut-être ? Mme Martine Billard. Non, c'est très concret ! M. Jean-Michel Fourgous. Soyez crédible ! Mme Martine Billard. Plus de un million de personnes qui vivent du revenu minimum d'insertion dans un pays aussi riche que le nôtre, avec une hausse de 9 % en 2004 par rapport à 2003. Un taux de chômage qui atteint désormais 10 % de la population active. Une aggravation du taux de chômage pour les salariés de plus de cinquante-cinq ans, ce qui prouve d'ailleurs que ce n'est pas eux qui veulent arrêter de travailler, mais que ce sont les entreprises qui les mettent à la porte ou qui refusent de les embaucher. Visiblement, les salariés n'ont rien compris, ils sont méchants envers les chefs d'entreprise parce qu'ils veulent être embauchés ! Ils ne sont pas embauchés, mais c'est leur faute, si je comprends bien votre discours ! 80 % des embauches qui sont sous statut précaire : CDD, temps partiels imposés, contrats aidés. Temps partiels imposés : voilà les salariés qui veulent travailler plus pour gagner plus ! M. Alain Vidalies. Exactement ! Mme Martine Billard. Ces salariés ont de la chance, se disait-on : leur seront proposés des contrats de travail à durée indéterminée, de 35 heures et avec des salaires leur permettant de vivre, de se loger ! Eh bien non, eux ne sont pas concernés par la loi ! Et malgré tous les discours, le 8 mars étant passé, on n'entend plus parler de la loi sur l'égalité entre les hommes et les femmes au travail ! Peut-être finira-t-elle par réapparaître un jour ! M. le ministre délégué aux relations du travail. Elle sera examinée demain au Conseil d'Etat, madame ! Voilà une information ! Mme Martine Billard. Alors vous allez pouvoir nous parler des avancées pour les femmes qui sont en contrat à temps partiel et n'ont pas de quoi vivre et se loger aujourd'hui ! M. Hervé Novelli. C'est du Zola ! M. le président. Cessez d'interrompre Mme Billard ! Laissez-la conclure ! Mme Martine Billard. Lisez la presse ! Allez voir les gens concernés ! Peut-être vous rendrez-vous compte qu'il n'y a pas que des gens qui ont un « ressenti » de baisse de revenu ! D'ailleurs, je ne crois pas que le président du MEDEF soit très concerné par ce « ressenti » de baisse de revenus ! M. Jean-Michel Fourgous. Qu'est-ce que cela a à voir avec le débat ? Mme Martine Billard. Cela a à voir ! M. Jean-Michel Fourgous. C'est l'instrumentalisation trotskiste ! Mme Martine Billard. Je n'en ai jamais fait partie, mais si vous le dites, c'est que vous avez dû en être ; vous avez donc une très bonne connaissance de la question ! M. le président. Madame Billard, il faut penser à conclure ! Mme Martine Billard. J'essaie, monsieur le président, mais avouez que j'ai beaucoup été interrompue ! M. le président. J'essaie de faire taire vos collègues ! Mme Martine Billard. C'est difficile ! Au lieu de faire du politicien, vous feriez mieux de vous préoccuper des 25 % de salariés qui sont au SMIC, de ces milliers de salariés qui, aujourd'hui, n'arrivent pas à vivre avec leur salaire à temps partiel. Et pour eux, vous auriez pu proposer une loi... M. Alain Vidalies. Exactement ! Mme Martine Billard. ...qui leur permette de compléter leur salaire, de vivre dignement afin qu'on n'ait plus aujourd'hui, au moment où reprennent les expulsions de logement, des gens qui veulent travailler plus et à qui votre gouvernement ne donne aucune réponse ! M. Jean-Michel Fourgous. Ils veulent travailler plus ! Vous l'avez dit ! Mme Martine Billard. Votre loi va casser un peu plus la possibilité de travailler plus pour ceux qui en ont besoin et va détruire la santé de ceux qui n'ont pas forcément besoin de travailler plus, mais besoin de gagner plus. Un seul exemple le prouve : dorénavant, les femmes enceintes seront exclues du temps choisi ! Cela démontre bien qu'il y a un vrai problème de santé. Oui, le travail peut être émancipateur, oui, il peut être un épanouissement, mais il faut aussi pouvoir répartir le temps entre le travail, sa famille, ses loisirs, il faut pouvoir se cultiver, faire du bénévolat parce que les associations en ont de plus en plus besoin, d'autant plus que vous coupez leurs moyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. Jean-Michel Fourgous. Des associations avec de l'argent public ! M. le président. La parole est à M. Sébastien Huyghe, dernier orateur inscrit. M. Sébastien Huyghe. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mise en œuvre des 35 heures a été la pire décision pour l'économie de notre pays depuis les dévaluations du franc sous le gouvernement Mauroy-Delors. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) M. Hervé Novelli. Très bien ! M. Sébastien Huyghe. En effet, les 35 heures ont conduit et conduisent encore non seulement à la destruction, mais également à l'absence de création d'un nombre aussi considérable qu'incalculable d'emplois en France ; elles ont limité le pouvoir d'achat des salariés français... M. Jean Le Garrec. Et allez donc ! M. Sébastien Huyghe. ...et donc participé à la paupérisation de nos concitoyens ; et elles ont eu un effet désastreux sur les mentalités en creusant un fossé entre les entreprises et leurs salariés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) M. Jean Le Garrec. C'est la meilleure ! On ne l'avait pas encore entendue celle-là ! M. Sébastien Huyghe. Les 35 heures ont tout d'abord conduit non seulement à la destruction d'emplois, mais elles ont constitué un gigantesque frein à la création d'emplois nouveaux sur notre sol. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) M. Jean Le Garrec. Même Novelli n'en revient pas ! Il est débordé sur sa droite ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) M. Sébastien Huyghe. La destruction d'emplois a eu lieu, et continue d'avoir lieu dans notre pays, par l'effet accélérateur et amplificateur des 35 heures dans le processus de délocalisations d'entreprises (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), notamment industrielles, qui ont dû faire face à un renchérissement des coûts salariaux de 11,5 %, alors que les entreprises concurrentes étrangères n'ont bien évidemment pas été confrontées à ce phénomène. On peut ajouter aux délocalisations le deuxième effet des 35 heures, qui est celui de la destruction d'emplois par la disparition des entreprises parce qu'elles n'ont pas pu résister à la concurrence, et ont donc fait l'objet d'une liquidation judiciaire pure et simple. J'évoquerai également le cas de toutes ces entreprises qui ont été rachetées par leurs concurrents étrangers qui, après s'être appropriés, pour certains la trésorerie, pour d'autres les clients, pour d'autres enfin certains savoir-faire, ont tout simplement délocalisé la production, voire fermé les établissements français parfois dans des conditions très discutables. M. Hervé Novelli. C'est vrai ! M. Sébastien Huyghe. Parlons également des emplois nouveaux qui avaient vocation à être créés en France et dont la mise en œuvre a été purement et simplement abandonnée du fait des 35 heures. Le Premier ministre m'avait confié en 2003 une mission parlementaire sur l'attractivité du territoire pour les sièges sociaux des grands groupes internationaux. À l'occasion de cette mission, bon nombre de dirigeants des filiales françaises de grandes entreprises internationales que j'ai auditionnés m'ont avoué qu'à l'époque de la mise en place des 35 heures, leur groupe avait des projets d'investissements productifs, donc créateurs d'emplois pour notre pays, qui ont été stoppés net du fait même des 35 heures. M. Hervé Novelli et M. Jean-Michel Fourgous. Eh oui ! M. Sébastien Huyghe. Ce sont ainsi d'autres pays européens qui ont bénéficié de ces nouveaux investissements, donc de nouveaux emplois. M. Hervé Novelli. C'est vrai ! M. Sébastien Huyghe. Vous comprenez ainsi aisément, mes chers collègues, l'effet désastreux, qu'ont eu les 35 heures sur l'image de notre pays. M. Jean Le Garrec. Et allez donc ! M. Sébastien Huyghe. La France apparaît dans le monde entier comme un pays où il fait bon vivre, mais sûrement pas travailler ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Ensuite, les 35 heures ont limité le pouvoir d'achat des salariés et participent à la paupérisation de nos concitoyens. Nous pouvons le dire aujourd'hui : « les 35 heures sont le premier ennemi de la feuille de paie ». M. Jean Le Garrec. Décidément, nous sommes contents de vous connaître, monsieur Huygues ! M. Sébastien Huyghe. La baisse du pouvoir d'achat de 0,3 %, enregistrée pour 2003 par l'INSEE, découle directement des 35 heures. En effet, ce que l'on a appelé pudiquement « la modération salariale » - en clair « le blocage des salaires » - était l'une des seules modestes contreparties possibles au passage aux 35 heures. L'effet sur les salaires ne s'est pas fait sentir immédiatement et c'est aujourd'hui que nos concitoyens se rendent compte du marché de dupes qui a été passé, à l'époque, avec le gouvernement Jospin. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) C'est donc aujourd'hui que nos concitoyens expriment leur mécontentement alors que les vrais coupables - j'allais dire la vraie coupable ! (Mêmes mouvements) - ne sont pas là pour assumer leurs responsabilités. Il est en réalité paradoxal, mais les membres de l'opposition ne sont pas à un paradoxe près, de revendiquer à la fois le maintien strict du dispositif des 35 heures et l'augmentation des salaires. L'escroquerie intellectuelle qui consistait à faire croire qu'il était possible à la fois de travailler moins et de gagner plus a fait long feu. M. Hervé Novelli. Très bien ! M. Sébastien Huyghe. Les manifestants de la semaine dernière ont voulu exprimer non pas un attachement particulier aux 35 heures, mais un désir profond d'augmentation de leur pouvoir d'achat. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) Nous assistons donc aujourd'hui à l'explosion de la bombe à retardement que le gouvernement Jospin nous avait laissée. (Mêmes mouvements.) M. Jean-Michel Fourgous. Merci Jospin ! M. Sébastien Huyghe. Enfin, les 35 heures ont eu un effet désastreux sur les mentalités en creusant un fossé entre les entreprises et leurs salariés. En effet, les entreprises avaient souvent mis des années à créer une culture d'entreprise, c'est-à-dire à faire en sorte que l'ensemble des salariés, quelle que soit leur fonction, se battent afin que l'entreprise se développe, conquière des marchés, ce qui lui permettait d'embaucher de nouveaux collaborateurs et de distribuer des revenus supplémentaires, sous forme, par exemple, de primes d'intéressement. Nous étions ainsi dans une véritable logique de « gagnant- gagnant ». M. Hervé Novelli. Très bien ! M. Alain Vidalies. C'est un discours pour son journal local, dans le Nord ! M. Sébastien Huyghe. Les 35 heures ont mis un brusque coup d'arrêt à cette logique en diffusant un message négatif vis-à-vis de l'entreprise : le temps passé dans l'entreprise est du temps perdu pour le salarié ; seul compte pour lui le temps de loisirs. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) M. Jean-Michel Fourgous. Oui, c'est ce qu'ils ont répété à l'envi dans leurs discours électoraux ! M. Sébastien Huyghe. Ce message a brouillé les rapports des salariés avec leur entreprise ; nous assistons ainsi au résultat d'un discours démagogique, fondé sur une idéologie périmée de lutte des classes datant du XIXe siècle. Le texte dont nous débattons aujourd'hui, monsieur le ministre, mes chers collègues, est à l'honneur de notre majorité, car il est de notre devoir de tout mettre en œuvre pour réconcilier les salariés avec leur entreprise. Il est, en effet, une évidence qui, semble-t-il, mérite d'être rappelée à certains de nos collègues, c'est que pour partager des richesses, quelles qu'elles soient, encore faut-il être en capacité de les créer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) M. le président. La discussion générale est close. La parole est à M. le rapporteur. M. Pierre Morange, rapporteur. J'informe mes collègues que le président Dubernard a convoqué, à l'issue de cette séance, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour examiner, au titre de l'article 88 du règlement, les derniers amendements à la proposition de loi, n° 2147, modifiée par le Sénat, portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise. M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
ORDRE DU JOUR M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique : Suite de la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, n° 2147, portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise : Rapport, n° 2148, de M. Pierre Morange, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. La séance est levée. (La séance est levée à vingt heures cinq.) Le Directeur du service du compte rendu intégral jean pinchot |