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Deuxième séance du jeudi 24 mars 2005 188e séance de la session ordinaire 2004-2005 vice-président M. le président. La séance est ouverte. (La séance est ouverte à quinze heures.)
Transmission et discussion du texte de la commission paritaire M. le président. M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante : « Paris, le 22 mars 2005. « Monsieur le président, « Conformément aux dispositions de l'article 45, alinéa 3, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous demander de soumettre à l'Assemblée nationale, pour approbation, le texte proposé par la commission paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école. « Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. » En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire (n° 2167). La parole est à M. Frédéric Reiss, rapporteur de la commission mixte paritaire. M. Frédéric Reiss, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, réformer l'école a de tout temps été un exercice périlleux. Le projet de loi actuel n'a pas échappé à la règle. Pourtant jamais, dans le passé, il n'y a eu de concertation aussi approfondie que celle qui a précédé ce projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école. Malgré un contexte difficile, dans une période où des dispositions relatives à la carte scolaire ont dû être prises pour la rentrée prochaine, je suis heureux de pouvoir vous présenter aujourd'hui les conclusions de la commission mixte paritaire qui s'est réunie le mardi 22 mars. Malgré les délais un peu courts impartis à nos deux assemblées pour examiner ce texte fondamental, je pense sincèrement que nous pouvons être fiers du travail accompli. Nous avons été guidés en permanence par l'objectif essentiel de conduire tous les élèves à la réussite et la volonté de rompre avec la résignation face à l'échec scolaire, qui laisse chaque année au bord du chemin 150 000 jeunes, alors que le budget de l'enseignement scolaire a augmenté de plus de 20 % en dix ans. Le Sénat avait été saisi, après l'adoption du projet de loi par l'Assemblée nationale, le 2 mars, de soixante et onze articles. Il en a adopté cinquante-sept conformes, supprimé cinq et en a ajouté vingt-huit. Il restait donc quarante-deux articles en discussion à la commission mixte paritaire. En première lecture, l'Assemblée nationale s'est efforcée de supprimer dans le projet de loi lui-même les dispositions manifestement dénuées de portée normative et, dans le rapport annexé, les mesures trop générales. Le ministre, par le biais d'amendements du Gouvernement, s'est d'ailleurs livré au même exercice. Il faut souligner que l'actuel code de l'éducation comporte déjà une large part de dispositions de nature réglementaire et qu'il était donc difficile, dans ces conditions, de le réformer sans continuer tant soit peu dans cette dérive. Après avoir pris connaissance des propositions du Sénat, la commission mixte paritaire a essayé de concilier les différentes approches du texte. Avec mes collègues députés, que je voudrais remercier pour leur travail, et le président de la commission des affaires sociales, Jean-Michel Dubernard, qui m'a fait confiance tout au long des débats, nous avons demandé le rétablissement de certains articles supprimés par la Haute assemblée tout en améliorant certains points essentiels, notamment à propos des missions de l'école. J'ai pour ma part présenté vingt amendements à la commission mixte paritaire. Notons qu'entre les deux assemblées, il n'y a pas eu d'opposition de fond, ce qui nous permet de présenter aujourd'hui un texte final équilibré et, je le pense, de qualité. Dans le chapitre Ier, consacré aux principes généraux de l'éducation, il est indiqué que la nation fixe comme mission première à l'école de faire partager les valeurs de la République mais aussi de transmettre les connaissances. Les différentes composantes de la communauté éducative et le rôle de cette dernière ont été utilement précisés dans l'article 2 bis nouveau. L'article 4, qui vise la réussite de tous les élèves, et l'article 6 bis A relatif au socle commun ont eux aussi fait l'objet d'utiles précisions. La réalité de la diversité des élèves et des formes d'intelligence est clairement établie. S'agissant du socle commun, le texte d'aujourd'hui précise que son acquisition par les élèves fait l'objet d'une évaluation prise en compte dans la poursuite de la scolarité et que, parallèlement, d'autres enseignements sont dispensés au cours de la scolarité obligatoire. L'article 6 ter comble un vide juridique en répondant au problème des mineurs - le plus souvent des jeunes filles - dont les parents s'opposeraient à la poursuite de la scolarité au-delà de seize ans. Le Haut conseil de l'éducation effectuera chaque année un bilan des résultats obtenus par le système éducatif, qui sera transmis au Parlement. Rien ne devrait donc nous empêcher de débattre chaque année, en dehors de l'examen du budget, du fonctionnement de l'école et d'éventuels ajustements, si le besoin s'en fait sentir. Le suivi individualisé des élèves est évidemment conforté. Le texte instaure le PPRE - programme personnalisé de réussite éducative - auquel il est alloué 107 millions d'euros par an de 2006 à 2008. Le Sénat a précisé que 1,32 million d'euros de crédits serait alloué chaque année à l'enseignement agricole durant la même période. Lorsqu'il apparaît qu'un élève risque de ne pas maîtriser les connaissances et les compétences indispensables, le directeur de l'école ou le chef d'établissement propose aux parents ou au représentant légal de l'élève de mettre conjointement en place ce programme, qui peut inclure des activités en dehors du temps scolaire. Les parents sont bien évidemment associés au suivi du programme. Dans le premier degré, des enseignants ayant acquis une formation complémentaire, des assistants d'éducation, des médecins et des psychologues scolaires assureront le suivi des élèves en difficulté. Au collège, la dotation des établissements comprendra un volet spécifique, calculé en fonction du nombre d'élèves dont on aura repéré les difficultés lors des évaluations. Des aménagements sont par ailleurs prévus pour les enfants intellectuellement précoces et pour les primo-arrivants non francophones. À ma grande surprise, le Sénat avait supprimé l'article 12 bis qui visait à donner une base légale à l'enseignement des langues et des cultures régionales. Un compromis a été trouvé en CMP avec la rédaction d'un texte prévoyant une convention entre l'État et les collectivités territoriales où ces langues régionales sont en usage. Cela contribuera au maintien d'une véritable identité culturelle française. L'amélioration de l'enseignement des langues étrangères est au cœur du texte. Le dispositif introduit par le Sénat, instituant une commission académique sur l'enseignement des langues, a été maintenu en CMP alors que j'avais proposé de le faire figurer dans le rapport annexé. L'apprentissage d'une deuxième langue vivante, qui débute en cinquième, fera partie du tronc commun pour les enseignements de la seconde générale et technologique. Les compétences de compréhension et d'expression, principalement à l'oral, seront privilégiées grâce à d'utiles dédoublements. Les élèves seront regroupés par paliers de compétences, telles que celles-ci sont définies dans le cadre européen. L'orientation et l'information des élèves sont améliorées. Elles tiennent compte de leurs aspirations, de leurs aptitudes et des perspectives professionnelles liées aux besoins prévisibles de la société, de l'économie et de l'aménagement du territoire. Enfin, quelques autres dispositions nouvelles par rapport au texte voté par notre assemblée méritent d'être signalées. L'apprentissage de l'hymne national sera étendu à son histoire. Une base légale est conférée au label « lycée des métiers ». Sous réserve de l'autorisation préalable des autorités académiques, le projet d'école ou d'établissement peut prévoir la réalisation d'expérimentations portant sur l'enseignement des disciplines, l'interdisciplinarité, l'organisation pédagogique de la classe, de l'école ou de l'établissement, la coopération avec les partenaires du système éducatif, les échanges ou le jumelage avec des établissements étrangers. Le Haut conseil de l'éducation établira chaque année un bilan des expérimentations menées. Le Sénat a proposé une disposition originale pour les lycées d'enseignement technologique ou professionnel. Pour une durée maximale de cinq ans, il pourrait mener une expérimentation permettant au conseil d'administration de désigner son président parmi les personnalités extérieures à l'établissement siégeant en son sein. J'ai fait ajouter : « sur proposition de leur chef d'établissement », par mesure de précaution. M. Guy Geoffroy et M. André Schneider. Très bien ! M. Frédéric Reiss, rapporteur de la commission mixte paritaire. D'ici à 2010, le Comité national d'évaluation des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel procédera à une évaluation des modalités et des résultats de l'intégration des instituts universitaires de formation des maîtres au sein des universités, notamment au regard des objectifs qui leur sont fixés. En matière de santé scolaire, chaque établissement du second degré bénéficiera des services d'un infirmier ou d'une infirmière identifiés qui participera à l'éducation des élèves aux questions de santé et de nutrition et proposera au comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté un programme d'actions en matière de prévention des comportements à risque pour la santé et des conduites addictives. Voilà, mes chers collègues, l'essentiel des dispositions du texte de la commission mixte paritaire. Nous ne pouvons que nous réjouir des engagements du ministre quant aux financements des nouvelles mesures. Les amendements présentés en prennent acte dans le rapport annexé et justifient la transformation du titre de la loi en « loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école ». Il nous reste maintenant à surveiller l'entrée en application de cette loi et à contrôler ses résultats, en espérant répondre aux principales préoccupations de nos concitoyens qui ne demandent qu'à retrouver leur confiance en l'école. Durant ces deux derniers mois, les médias ont contribué à stigmatiser les conséquences des changements de la carte scolaire. Mais le fait qu'il y ait 143 000 élèves en moins dans le secondaire entraînait inéluctablement des suppressions de postes. Ces mêmes médias ont relaté les revendications des lycéens, mais n'ont que rarement souligné les avancées réelles de ce projet de loi. Concernant le baccalauréat, une fois judicieusement retirée par le ministre la partie incriminée du rapport annexé, l'article 16 du projet de loi complété par le Sénat crée toutes les conditions pour que la réforme de cet examen, attendue par une grande majorité de Français, puisse être mise en chantier. L'introduction des contrôles en cours de formation et de la VAE complète, en vue de la délivrance des diplômes, les examens terminaux et le contrôle continu, déjà pris en compte dans le code de l'éducation. En conclusion, on se rend bien compte que si l'homme est doué de raison, il est aussi sentiment et affectivité. M. Jean-Louis Bernard. Tout à fait ! M. Frédéric Reiss, rapporteur. Aujourd'hui comme hier, la qualité de la relation affective entre le maître et l'élève est primordiale dans l'acte éducatif. M. Jean-Louis Bernard. Très bien ! M. Frédéric Reiss, rapporteur. Socrate ne disait-il pas de l'un de ses disciples : « Je ne peux rien lui apprendre, il ne m'aime pas. » ? Je me plais à rêver que les élèves puissent aimer leur école. La réussite est souvent à ce prix. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement. La parole est à M. Yves Durand. M. Yves Durand. Nos débats ont été relativement longs, tant à l'Assemblée qu'au Sénat. Aussi, je défendrai brièvement cette exception d'irrecevabilité. Monsieur le ministre, vous avez souhaité accélérer la discussion de ce projet de loi en déclarant l'urgence. Nous achevons donc cet après-midi une discussion tronquée, malgré sa richesse. Il est dommage que nous n'ayons pas pu bénéficier d'une vraie navette parlementaire sur un projet de loi d'une telle importance puisqu'il doit définir les grandes orientations de notre école pour les quinze ans à venir. C'est d'autant plus regrettable que la discussion, tant à l'Assemblée qu'au Sénat, a mis en évidence des imprécisions qui ont suscité des débats, notamment sur des points essentiels. Nous avons tenté de lever ces imprécisions en déposant des amendements qui ont tous porté sur des problèmes de fond. Mais ils ont presque tous été balayés soit par vous-même, soit par votre majorité. Pourtant, les choses ne semblent pas claires, même au sein du groupe majoritaire, sur des sujets essentiels. J'en veux pour preuve les contradictions qui sont apparues au sein de votre majorité lors de la discussion sur le socle commun de connaissances et de compétences, mardi matin, en CMP. Ces prises de position ne lèvent pas l'ambiguïté sur ce socle commun que vous présentez comme le cœur de votre projet de loi. En effet, jusqu'à mardi, nous ne savions pas vraiment si des enseignements complémentaires devaient compléter ou non - terme sur lequel nous avons débattu fort longtemps - le socle commun de connaissances et de compétences exigé pour tous. Aujourd'hui, même après la CMP, j'avoue que cette notion m'apparaît toujours aussi floue. S'agit-il d'exiger de tous les élèves qu'ils maîtrisent les mêmes choses ou ce socle commun entouré de cercles concentriques permettrait-il d'ouvrir à certains élèves d'autres possibilités, d'autres disciplines, d'autres compétences, créant ainsi un socle qui serait tout sauf commun ? Voilà un point sur lequel les intervenants du groupe socialiste, dont Jean-Marc Ayrault, avaient insisté. Sur cette question, ni vous ni le débat parlementaire jusqu'à mardi matin n'ont pu nous apporter les précisions essentielles sur la nature de la scolarité obligatoire et ce que l'on demande exactement à l'ensemble des élèves jusqu'à l'âge de seize ans. Je crains que de cette confusion sur le socle commun ne se dégage une réalité : c'est que vous réduisez la mission de l'école à l'apprentissage d'un minimum immédiatement utilitaire, réservant aux plus favorisés la culture, les arts, autant d'éléments que vous considérez sans doute comme superflus et qui doivent rester le privilège d'une élite. M. Guy Geoffroy. C'est un contresens ! M. Yves Durand. Mon cher collègue, si c'est un contresens, il aurait été intéressant que vous le leviez au cours du débat parlementaire, et notamment mardi ! M. André Schneider. Nous avons tout fait pour être clairs ! M. Guy Geoffroy. Pour nous, c'est clair. Mais quand on ne veut pas voir... M. Jean-Louis Bernard. C'est de l'obscurantisme ! M. Yves Durand. Monsieur le ministre, vous n'avez jamais prononcé ce mot d'« élite », mais il me semble transparaître dans l'ensemble de votre texte. La référence permanente au talent et au mérite dénote chez vous une volonté que je comprends d'ailleurs parce qu'elle semble correspondre à la conception que vous vous faites vous-même de l'école et de la société elle-même : il faut dégager avant tout cette élite ; les autres suivront s'ils le peuvent. M. Guy Geoffroy. Le mérite, c'est une idée très républicaine ! M. Yves Durand. C'est cette conception de l'école pour les autres qui vous mène à rétablir de fait le redoublement, et, même si vous prétendez le contraire et que vous vous en défendez avec beaucoup de sincérité, les paliers d'orientation après la quatrième... M. Guy Geoffroy. Invention ! M. Yves Durand. ...tout en maintenant les objectifs ambitieux de vos prédécesseurs, notamment de gauche, y compris ceux de la loi de 1989. Monsieur le ministre, c'est bien là le grand vice qui fait que votre projet de loi, au-delà de cet hémicycle, n'est pas crédible, car au fond, plus encore que le texte lui-même c'est sa sincérité qui est en cause. Vous affichez des objectifs que personne ne peut récuser, mais aucune des dispositions de votre texte ne permet de les atteindre. Je ne reprendrai pas les arguments que mes collègues ont amplement développés, tant ici qu'au Sénat. Pour essayer de faire passer ce texte, vous avez cru répondre aux uns et aux autres, et notamment aux lycéens, en retirant les dispositions concernant l'organisation du baccalauréat. Or ce n'est pas la seule organisation de cet examen qui est en cause, mais le principe même de l'égalité devant le savoir, quels que soient l'établissement où l'on étudie ou le territoire où l'on vit. Allez-vous reprocher à ces jeunes à qui vous demandez, à qui nous demandons de s'engager dans la vie de la cité, d'avoir l'égalité chevillée au corps ? Or chacun sait bien qu'on n'a pas les mêmes chances de réussir selon que l'on fréquente un lycée de banlieue ou de centre-ville. Chacun de nous connaît, voire utilise, pour ses propres enfants les subterfuges les plus habiles pour échapper à la sectorisation scolaire et les placer dans les établissements les plus cotés. M. Guy Geoffroy. C'est une pratique de gauche ! M. Yves Durand. C'est cette inégalité scolaire née des inégalités territoriales qu'il fallait attaquer si vous vouliez vraiment construire une égalité des chances dans un vrai projet de loi sur l'école. Nous avons commencé, pour notre part, à tenter de le faire - car la tâche est difficile et probablement très longue - avec la politique des zones d'éducation prioritaire qui sont la grande absente de votre projet. Mais il aurait d'abord fallu évaluer cette politique, comprendre pourquoi, dans certains cas, elle n'avait pas donné les résultats escomptés - elle pose parfois des problèmes, nous ne le nions pas - étudier si la multiplication du nombre de ZEP n'avait pas affaibli l'efficacité des moyens mis en œuvre, évaluer si ces moyens eux-mêmes correspondaient encore à l'objectif de l'éducation prioritaire. En fait, il aurait fallu avoir le courage de prendre le temps d'établir quel traitement inégalitaire pouvait le mieux atteindre l'objectif d'égalité réelle. C'est cette égalité réelle que revendiquent aujourd'hui les jeunes qui manifestent, mais également leurs parents et les enseignants, cette égalité réelle que vous ne construisez pas et qui fait que votre texte n'est pas crédible. Votre projet de loi n'a pas d'ambition, il est étriqué parce qu'il refuse de s'attaquer aux vraies causes sociales des inégalités scolaires. M. Jean-Louis Bernard. Vous n'avez rien fait pendant cinq ans ! M. Yves Durand. Il n'est pas crédible - j'allais dire qu'il est mensonger - (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) quant aux moyens que vous dégagez face aux objectifs que vous prétendez donner à l'école. M. Jean-Louis Bernard. C'est excessif ! M. Jean Dionis du Séjour. Restons raisonnables ! M. Yves Durand. Je ne reviendrai pas sur la carte scolaire pour la rentrée prochaine - le rapporteur en a parlé avec légèreté - dont je crains qu'elle ne soit pas bien ressentie par les enseignants, les élèves et les parents. Je contesterai une nouvelle fois votre argument selon lequel la baisse du nombre des élèves justifierait la baisse du nombre de fonctionnaires dans l'éducation nationale. À cet égard, je prendrai un exemple. Mme Guinchard-Kunstler vous a interrogé récemment lors des questions au Gouvernement sur l'académie de Besançon où le nombre d'élèves augmente, alors que le nombre d'enseignants diminue. Mais vous n'avez pas répondu à sa question. Quant à la programmation que vous nous avez annoncée, nous vous avons inlassablement demandé ici où vous prendriez ces crédits. Nous n'avons jamais obtenu de réponse. M. Guy Geoffroy. Dans le budget de l'État ! M. Yves Durand. Monsieur le ministre, je vous poserai donc la question différemment. Outre vos fonctions de ministre de l'éducation nationale, vous êtes l'un des plus proches conseillers du président de l'UMP qui milite pour une baisse drastique du nombre de fonctionnaires. Or sachant que l'éducation nationale emploie environ la moitié des fonctionnaires, comment allez-vous honorer à la fois votre engagement de recruter un nombre non négligeable d'enseignants et celui du président de l'UMP, dont vous êtes l'un des plus proche soutien, de réduire le nombre des fonctionnaires ? Faut-il penser que votre programmation n'est, une fois de plus, qu'un effet d'annonce ? On peut le craindre quand on prend l'exemple des infirmières qu'a rappelé à l'instant le rapporteur. Vous vous êtes engagé ici même à créer un poste d'infirmière dans chaque collègue. Pourquoi alors avez-vous accepté, au Sénat, une rédaction qui remplace l'objectif « permanent » par l'objectif « identifié », ce qui, chacun l'a bien compris, en tout cas les syndicats des infirmières, vous exonère, vous ou votre successeur, en grande partie de tenir cet engagement ? Votre texte sans ambition est aussi un texte sans moyens. Ce qui aurait pu être un nouveau grand rendez-vous entre la nation et son école, après celui de 1989, est un rendez-vous manqué. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce qui aurait dû être un moment de rassemblement des Français et d'abord des acteurs de l'école - parents, enseignants, élèves - n'est que l'objet du rejet, de déceptions et sans doute très vite de rancœurs. Votre projet sera sans aucun doute adopté dans quelques instants. Pourtant, vous le savez bien, il ne suscite absolument pas l'adhésion de ceux qui devront l'appliquer demain et le faire vivre quotidiennement. Même adopté ici, il constitue en fait un échec compte tenu du rejet de ceux qui doivent l'appliquer. Monsieur le ministre, vous avez échoué à faire aimer votre vision de l'école (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), et c'est sans doute le plus grave. Le groupe socialiste votera contre votre projet. Au-delà de ce vote, je vous demande solennellement une nouvelle fois de renouer le plus rapidement possible les liens que vous avez rompus avec tous les acteurs de l'école. Rétablissez la confiance aujourd'hui disparue. M. Jean-Louis Bernard. Il faut appeler Claude Allègre ! M. Yves Durand. Dès aujourd'hui, annoncez que vous organisez des rencontres avec les enseignants, les parents, les lycéens, pour envisager, par exemple, le rétablissement des TPE qui constituent à la fois un symbole et un véritable facteur de réussite dans leur préparation à l'enseignement supérieur. Il est urgent d'annoncer, pour la rentrée prochaine, un collectif budgétaire qui rétablisse les moyens nécessaires à une rentrée sereine. Vous ne pouvez pas, monsieur le ministre, ignorer ces deux questions. Je crains qu'avec ce projet de loi vous n'ayez gâché la chance de redonner un nouveau souffle à l'école. À d'autres, sans doute, le soin de le lui redonner ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. Claude Gaillard. Merci de votre aide ! M. Charles Cova. Vous êtes restés cinq ans au pouvoir et vous n'avez rien fait ! M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe UMP. M. Guy Geoffroy. Monsieur le ministre, en première lecture, Yves Durand indiquait, d'une manière quelque peu hasardeuse, que la copie que vous nous proposiez était bâclée. Sur le même mode, je me permettrai de dire aujourd'hui, mais en disposant de beaucoup plus d'éléments pour l'affirmer, que son intervention ressemblait à un brouillon incertain. D'emblée, il a donné le ton, celui de la contradiction. Je résume les deux premières phrases : les débats ont été longs, suffisamment longs pour que mon intervention soit brève. Mais les discussions ont été tronquées. M. Yves Durand. Absolument ! M. Guy Geoffroy. On comprend mieux qu'il dise être dans le flou sur certaines propositions du texte ! Pour notre part, nous sommes dans un état d'esprit très clair, celui du soutien déterminé à un texte très pragmatique qui a beaucoup plus de souffle qu'on veut bien le dire... M. Pierre-Louis Fagniez. C'est vrai ! M. Guy Geoffroy. ...et qui surtout fixe un nombre appréciable d'orientations pour l'avenir. J'y reviendrai dans la discussion générale. Nous n'avons pas entendu un seul argument sur l'inconstitutionnalité présumée du texte, ce qui prouve bien que ce brouillon était très incertain. On n'en est même plus là : il n'y a même plus un semblant d'amorce de recherche d'un début d'argument en ce sens ! S'agissant du socle, élément pourtant très clair, vous avez utilisé une fois de plus la caricature,... M. Charles Cova. Les socialistes sont coutumiers du fait ! M. Guy Geoffroy. ...la déformation, la simplification. Vous prétendez que le socle commun des connaissances et compétences indispensables réduirait l'enseignement à un savoir immédiatement utilitaire. C'est, bien évidemment, tout le contraire, comme l'a montré le débat fort intéressant auquel certains d'entre nous ont participé en commission mixte paritaire. M. André Schneider. Absolument ! M. Guy Geoffroy. Lors de cette réunion, il a été confirmé que pour que la scolarité obligatoire soit une réussite, il fallait un socle commun de connaissances et de compétences indispensables. Le débat n'a pas porté sur le caractère fondamental de ce socle, mais sur la question de savoir si ce socle se résumait à un ensemble de disciplines qui, par la même occasion, en excluraient certaines, ou si, au contraire, il fallait en intégrer un maximum, ce qui aurait immanquablement abouti à les mettre toutes. M. Yves Durand. Ce n'est pas le débat ! M. Guy Geoffroy. Le ministre a insisté sur la nécessité de fixer des priorités dans l'action publique en faveur de l'école. M. André Schneider. Très bien ! M. Guy Geoffroy. Le socle commun, c'est cette priorité, ce bagage indispensable à partir duquel on peut parler de la réussite de tous les élèves. Comme l'a excellemment indiqué le rapporteur, le texte est équilibré. Il ne mérite certainement pas l'ensemble des approximations dont il a fait l'objet. Le groupe UMP, pleinement mobilisé et unanime derrière le ministre,... M. Yves Durand. Cela n'a pas toujours été le cas ! M. Guy Geoffroy. ...repoussera, bien évidemment, l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. François Dosé, pour le groupe socialiste. M. François Dosé. Mes chers collègues, le Président de la République avait souhaité une grande loi d'orientation pour l'école de demain. M. Guy Geoffroy. La voici ! M. François Dosé. Des centaines de milliers de personnes impliquées ou non dans les communautés scolaires ont exprimé leurs avis, leurs vœux, leurs attentes, parfois d'ailleurs leurs contradictions, pendant dix mois au cours de 20 000 rencontres. De nombreux parlementaires ont été témoins de ces échanges. Une commission, présidée par M. Thélot, a rédigé un rapport qui, dans la diversité des opinions, a reçu un accueil intéressé. Tous les ingrédients pour une loi remarquable étaient réunis : la volonté politique, la parole collective et l'avis de personnalités compétentes, éclairées. Or, monsieur le ministre, sans vouloir vous offenser personnellement, ce projet est une occasion manquée. Évidemment, nous ne nions pas que s'expriment ici et là quelques corporatismes... M. Jean-Louis Bernard. Quelques syndicats d'enseignants ! M. Yves Durand. Allez le leur dire ! M. Guy Geoffroy. Nous ne pratiquons pas la langue de bois ! Mme Martine Billard. Parfois les corporatismes du Medef ! M. le président. Madame Billard ! M. Charles Cova. Il manquait le baron Seillière ! (Sourires.) M. François Dosé. ...quelques intérêts territoriaux et parfois même certains archaïsmes. Mais, mes chers collègues, il vous revenait de profiter de la substantifique moelle des travaux préparatoires. Vous les avez ignorés, parfois même dénaturés. Ni les objectifs, ni les moyens, ni les méthodes ne sont au rendez-vous. Les moyens, chacun les voit au quotidien. Dans mon département, on ne pourra désormais plus passer les oraux du baccalauréat. Les candidats devront parfois faire une heure et demie de trajet pour se rendre dans un département voisin. Ces élèves constatent simplement que quand on habite à Bar-le-Duc, à Verdun ou à Commercy on ne peut plus passer les oraux du baccalauréat. Voilà la réalité des moyens ! L'irrecevabilité se fonde sur des objectifs, des principes, mais aussi sur la capacité d'en témoigner tout de suite. Or rien de tout cela n'est au rendez-vous. M. Yves Durand. Très bien ! M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité. (L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.) M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean Dionis du Séjour. M. Jean Dionis du Séjour. Avec ce projet de loi d'orientation, nous avons à construire l'école de demain, pour une quinzaine d'années à venir. Nous avons donc besoin d'un texte ambitieux, qui sache répondre aux difficultés de l'école et donner une mission aux enseignants, l'objectif final étant de fournir à nos enfants les moyens de se former, d'apprendre un métier et de réussir leur insertion. Certes, ce texte comporte des avancées intéressantes : le socle commun de connaissances d'abord, la revalorisation de l'enseignement professionnel, l'accent mis sur l'évaluation des connaissances. Et je voudrais saluer le courage qu'il a fallu montrer pour choisir les composantes de ce socle. J'ai été sensible personnellement à la reconnaissance des technologies de l'information et de la communication, et de leur importance pour les générations futures. Mais, nous avons l'impression que ce projet de loi reste constamment entre deux eaux. D'un côté, bon nombre de dispositions sont des retouches, certes importantes, mais relevant davantage du décret ou de la circulaire. Dans ce cas, pourquoi avoir pris la peine de rédiger une loi pour changer finalement peu de choses dans le système scolaire français ? Vous êtes, monsieur le ministre, un excellent connaisseur de la réalité politique française. Vous savez que le cocktail formé de la culture d'allergie à la réforme de certains syndicats d'enseignants et du désir de transgression quand on a dix-huit ans rend très difficile toute réforme de l'éducation nationale. Dès lors que le Gouvernement avait fait le choix de modifications modestes, fallait-il s'en tenir à la démarche initiale et prendre le risque de perturber de manière significative notre système scolaire ? Voilà qui se discute pour le moins. D'un autre côté, vous présentez ce projet comme une grande réforme, alors que certains problèmes essentiels, et je peux respecter ces arbitrages, ne sont pas traités : le nombre considérable de jeunes qui ne savent pas lire et écrire en sixième - 10 % au moins ont de très grosses difficultés et l'on compte beaucoup plus d'illettrisme diffus -, l'échec du collège unique, le manque d'attrait des jeunes pour les filières technologiques. Pourquoi avoir lancé un grand débat national, avoir interrogé les Français sur leur conception de l'école, avoir mis en place une commission chargée d'élaborer des propositions - jusque-là nous adhérions à la démarche -pour aboutir à un résultat modeste ? Fallait-il s'en tenir à la démarche initiale ? Voilà notre première interrogation de fond. Nous nous interrogeons aussi sur la mise en œuvre des priorités avec lesquelles nous sommes d'ailleurs d'accord avec vous. Ainsi, la détection précoce des difficultés des élèves est une bonne chose. Elle était d'ailleurs déjà présente dans le contrat pour l'école mis en place par François Bayrou. Mais qu'en est-il de la mise en œuvre ? Où sont les nouvelles mesures permettant de traiter les situations de grandes difficultés scolaires ? Telle est notre deuxième interrogation. Notre troisième interrogation concerne le sort qui a été réservé aux quatorze mesures que nous avons proposées, inégales sans doute, mais qui nous paraissaient mériter votre attention. Or, nous avons été bien peu écoutés, qu'il s'agisse de l'accès de tous aux enseignements optionnels, du recentrage des dispositifs ZEP sur les établissements en difficulté ou de la préservation des écoles rurales, à classe unique ou à deux classes. Rien n'est prévu non plus pour accompagner l'augmentation des effectifs dans les établissements d'enseignement privé sous contrat d'État et nous n'avons obtenu aucune garantie quant à l'élaboration d'un statut de directeur d'école intégrant un nouveau système de décharge d'enseignement, puisque le mot « statut » ne figure pas dans l'amendement que nous avons voté. Enfin, nous n'avons pas obtenu la reconnaissance et la validation de la formation dispensée dans les classes post-bac des lycées - classes préparatoires aux grandes écoles et BTS -, dans le cadre de la réforme L-M-D, alors que tous les établissements l'attendent. Pour nous, le problème majeur de l'école, aujourd'hui, c'est qu'elle ne réussit pas à apprendre à lire et à écrire à tous les élèves. Nous avons là sans doute, monsieur le ministre, une profonde divergence. L'échec du collège français est patent pour qui examine les comparatifs européens : vous avez eu le mérite de nous le rappeler. Or, cet échec a pour origine principale celui de l'école primaire à faire acquérir chaque année, à 80 000 enfants, la lecture et l'écriture. Le socle de connaissances, en repoussant la difficulté à la classe de troisième, ne prend pas en compte la question de l'école primaire. C'est donc une occasion manquée. Monsieur le ministre, au terme de ce débat, le groupe UDF salue votre courage politique. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous resterez l'un des réformateurs authentiques de cette mandature. Il convient de le reconnaître. Mais,... M. Patrick Braouezec. Il y a un « mais » ! M. Jean Dionis du Séjour. ...nous ne pouvons manquer de nous interroger sur l'opportunité d'un projet de loi d'orientation... M. Guy Geoffroy. Encore un petit effort ! M. Jean Dionis du Séjour. ...dont les arbitrages ne retiennent que des avancées modestes. Nous nous interrogeons également sur le choix des priorités - notamment l'impasse faite sur l'illettrisme à l'école primaire. Enfin, nous sommes un peu déçus - il convient également de le reconnaître - que nos propositions n'aient pas reçu l'écoute qu'elles méritaient. Pour toutes ces raisons, l'UDF s'abstiendra. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Ça, c'est courageux ! M. Pierre-Louis Fagniez. C'est dommage ! M. Guy Geoffroy. Votre propos avait si bien commencé ! Mais l'UDF a le souffle un peu court ! M. le président. Pour le groupe des député-e-s communistes et républicains, la parole est à M. Patrick Braouezec. M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il a été dit que le projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école a été élaboré avec l'ensemble des acteurs concernés. M. Guy Geoffroy. C'est vrai ! M. Patrick Braouezec. Ne vous réjouissez pas trop vite ! Or, que voyons-nous ? La jeunesse est en colère ; certains lycées, après huit semaines de mobilisation, sont occupés, que ce soit à Paris, à Toulouse, à Rennes, à Bordeaux ou dans de nombreuses autres villes de France ; d'autres sont bloqués par les lycéens pour une heure ou deux, voire pour toute la journée et, aujourd'hui même, ces derniers sont à quelques centaines de mètres de nous : ils veulent être entendus parce qu'ils ont des choses à dire à la fois sur l'avenir de leur école et sur leur propre avenir. Les futurs enseignants et leurs professeurs d'IUFM, après avoir étudié les textes, constatent que la formation initiale et continue des enseignants du premier degré fait l'objet d'une régression sans précédent et les professeurs - ce sont eux les partenaires ! - seront dans la rue le 2 avril pour manifester leur opposition au projet de loi d'orientation. Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est nouveau, ça ! M. Guy Geoffroy. C'est un scoop ! M. Patrick Braouezec. Ainsi, l'ensemble, ou presque, des partenaires sociaux et des acteurs de l'école condamne votre texte. Certains ont même fait des propositions visant à l'améliorer : vous refusez de les entendre, préférant utiliser des méthodes qui relèvent plus du déni de démocratie que de son respect lorsque, pour raccourcir les débats, le recours à la procédure d'urgence est annoncé en pleine séance ! Les débats ont été menés, ici comme au Sénat, avec une telle précipitation que des journaux ont pu les qualifier de marathon législatif. Et c'est un spécialiste qui vous le dit : je suis un marathonien ! M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je le suis également ! M. Patrick Braouezec. Mais un marathon pour quel enjeu ? Certainement pas celui de garantir l'accession du plus grand nombre aux savoirs et à la réussite scolaire ! Qu'allons-nous gagner en permettant à notre système éducatif d'être imprégné par le libéralisme et d'être guidé par lui ? Monsieur le ministre, permettez-moi de filer la métaphore sportive : l'enjeu de ce marathon que vous nous avez imposé était de supprimer toute possibilité d'ouvrir un débat contradictoire permettant d'enrichir la réflexion menée par les deux assemblées et de faire de ce projet sur l'avenir de l'école un vrai projet, visant de vraies ambitions et accompagné de vrais moyens. Le Gouvernement a failli en ne respectant pas les règles démocratiques et c'est l'école et l'ensemble du système éducatif qui se retrouvent aujourd'hui affaiblis et remis en cause. Ce projet de loi d'orientation avait pour objet de remédier au constat, depuis longtemps établi et introduit de façon insidieuse dans l'esprit de nos citoyens, que l'école est malade. Mais malade de quoi ? Telle est la véritable question ! Ne doit-on pas plutôt se demander qui veut la mort de l'école et pourquoi ? Même si vous avez supprimé toute référence au contrôle continu dans le baccalauréat, transformé le contrat individuel de réussite éducative en programme personnalisé de réussite scolaire, réintroduit l'enseignement des langues régionales, relevé le socle de connaissances et même introduit des éléments de programmation budgétaire, il n'en demeure pas moins que toutes ces concessions n'altèrent en rien l'idéologie libérale qui accompagne le projet de loi sur l'avenir de l'école. Tout compte fait, vos propositions utilisent le contexte financier pour faire le procès des valeurs démocratiques au profit d'une certaine forme de privatisation. Il n'est que de lire la presse pour connaître le nombre de fermetures de classes dans l'enseignement primaire, notamment à Paris ou à Saint-Denis, et le nombre de postes supprimés. Pour couronner le tout, vous envisagez la mise en place d'une sélection encore plus drastique au collège, la suppression d'options dans les lycées généraux ou de filières dans les lycées professionnels, la remise en cause des dédoublements et la suppression des TPE. Dans ces conditions, on est en droit de se demander si les carences que vous aviez énumérées dans l'exposé des motifs, et dont j'avais relevé le constat dans mon intervention du 16 février, pourront trouver des réponses à la hauteur des ambitions que vous affichez pour notre pays et pour les jeunes générations. Ces carences appelaient hier, appellent aujourd'hui et appelleront encore demain des mesures qui tiennent compte à la fois de la conception que l'État se fait du rôle de l'école et des enjeux d'une réforme du système éducatif. Le recours à la CMP montre bien que le seul objectif est de réorganiser l'école au plus vite, ou plutôt à la va-vite, afin de l'adapter aux exigences d'employabilité des jeunes imposées par le marché. Ce projet sur l'avenir de l'école est d'essence ultralibérale et il le demeure : telle est la raison pour laquelle, dès la première lecture, nous vous en avons demandé le retrait. À l'examiner de plus près et en le mettant en relation avec les différents textes qui nous sont soumis depuis quelque temps, force est de constater qu'ils sont tous en congruence avec les dispositions du traité établissant une constitution pour l'Europe. Telle est, finalement, la seule manière d'expliquer votre projet de loi et la façon délétère dont les débats ont été menés : il faut que l'ensemble des services publics réponde au plus vite aux exigences du traité, notamment à l'article I-3, alinéa 2, qui fixent les objectifs de l'Union : celle-ci doit « offrir à ses citoyennes et citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, et un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée ». Plutôt que de réfléchir aux choix de société pour notre pays, lequel est partie prenante du processus de construction européenne, vous préférez brader la dimension sociale en facilitant l'ouverture à la libre concurrence des activités d'éducation, de recherche et de culture et, afin de le faire de façon plus efficace tout en vous donnant bonne conscience, vous affirmez que l'école est malade ! Mais nous ne sommes pas dupes, et les premiers concernés - les élèves, les enseignants, les futurs enseignants, les parents et tous les acteurs sociaux - ne le sont pas davantage. Non, je le répète, l'école n'est pas malade. La vérité, c'est que depuis la fin des années 80 notre système éducatif est soumis à une série de réformes qui, sous prétexte d'améliorer les conditions d'enseignement, ne tendent qu'à organiser son dysfonctionnement et sa déréglementation. Nous sommes dès lors fondés à considérer que de telles mutations expriment la volonté d'ajuster l'école aux nouvelles exigences du libéralisme. N'oublions pas qu'en 1994, lors de la signature des accords de Marrakech, la France a souscrit à l'accord général sur le commerce des services, ce qui n'est pas sans incidence sur les retraites, la protection sociale, le droit du travail et la fonction publique. Les négociations pour la mise en application de cet accord « en vue d'élever progressivement le niveau de libéralisation » sont en cours. Mais peu importe à notre gouvernement que cet accord remette en cause certains des droits fondamentaux - l'éducation, la santé et le travail - qu'il a pourtant obligation de respecter, en tant qu'État signataire des pactes de 1966 ! L'accord général sur le commerce des services n'est pas sans incidence sur les choix faits par le gouvernement français : pour lui, le plus important, c'est de montrer sa capacité à se soumettre aux programmes d'ajustement structurel que cet accord entraîne, non qu'un tel ajustement se solde par la disparition de la notion de service public et la destruction de toute forme de diversité. Dans ce contexte et de manière autoritaire, le Gouvernement entend imposer, sur le plan éducatif, un nouvel aspect de sa politique et transposer à l'intérieur de l'école les principes d'organisation, de développement et de fonctionnement du libéralisme. Dans une telle perspective, les savoirs scolaires doivent s'adapter à une vision moins-disante du monde dans lequel on veut nous faire vivre. Cette conception dominante, qui parvient à imprégner jusqu'à votre projet d'orientation du système éducatif, répond aux objectifs fixés par la déclaration de Lisbonne de « construire une Europe de l'éducation et de la formation », déclaration qui avait succédé à la table ronde des chefs d'entreprise organisée à Barcelone en 2000, où l'on a pu entendre qu'il fallait que l'école se mette en cohérence avec les besoins des entreprises puisque, à terme, et en vertu des analyses de l'OCDE, « les métiers doivent être vus sous l'angle de niveaux de qualifications et de compétences. Il faut que la formation européenne s'adapte aux besoins des entreprises, à savoir entre 20 et 40 % de métiers non qualifiés et 30 à 50 % de métiers très qualifiés.» Le livre blanc de l'OCDE sur l'éducation et la formation contient même une phrase qui devrait nous inciter à réfléchir : « cette main d'œuvre est indispensable à l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d'une croissance économique durable, accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale ». Autant dire que ce projet de loi vous permet d'orienter l'avenir de l'école vers la production d'une main-d'œuvre flexible et mobile, qui accepte des niveaux de rémunération et des conditions de travail qui la rendent compétitive avec les économies du reste du monde. C'est ainsi que le système éducatif dans son ensemble est aujourd'hui remis en cause, ce qui passe obligatoirement pour vous par une réduction de la mission du système éducatif et la mise en place d'un savoir minimum dans des écoles différenciées. Les établissements qui scolarisent les milieux populaires sont alors conçus comme des lieux de pacification de jeunes déjà fortement stigmatisés en raison de leurs origines sociales. Je ne prétends pas que l'école, à elle seule, pourrait résorber les inégalités sociales, mais je me refuse à affirmer, comme un grand nombre de ceux qui trouvent ce projet de loi très cohérent, que l'école ne peut rien faire. L'école doit garder son ambition transformatrice et émancipatrice, afin d'éviter que l'échec scolaire ne frappe essentiellement les enfants issus des milieux populaires. La question essentielle demeure alors la suivante : quelle ambition et quel projet de formation pour quelle société ? L'avenir de l'école est inconciliable avec la position que vous défendez, selon laquelle l'accès à la connaissance et à la formation est une charge financière qui pèse lourdement sur l'État. Le projet que nous défendons fait, quant à lui, le choix d'investir prioritairement sur le terrain de l'éducation, car un tel investissement est générateur d'efficacité sociale et économique. Il faut une école qui scolarise tous les enfants et tous les jeunes sans exception, qu'ils soient porteurs d'un handicap ou issus de familles appartenant aux gens du voyage ou sans-papiers. S'agissant de ces derniers, il n'est plus tolérable qu'on vienne les enlever et qu'on les prive d'école pour les jeter dans les centres de rétention au seul prétexte que leurs parents sont en situation irrégulière, comme cela vient encore de se produire ! Est-ce là la société que nous voulons ? Non ! Les missions de l'école doivent obéir aux principes de laïcité, de gratuité tout au long de la scolarité, d'obligation scolaire et d'égalité de tous les élèves devant l'éducation. Elle doit permettre la construction des savoirs afin de munir chacun d'une culture scolaire lui permettant de faire preuve d'un esprit critique et ouvert. Elle doit également développer toutes ses capacités afin de lui permettre d'entrer en relation avec le monde, de le comprendre, voire de le transformer. L'école publique est seule à même de garantir des programmes et des enseignements de qualité égale sur l'ensemble du territoire. Toute tentative de marchandisation des services qu'elle rend est contraire à aux principes qui la fondent. Il est grand temps de réorienter l'école vers un système éducatif national cohérent, donnant à chacun, quels que soient son lieu de résidence et le niveau de ses études, les mêmes possibilités d'accès à la connaissance et à la formation. De nouvelles cartes des formations, générales, techniques et professionnelles, devraient être élaborées démocratiquement par l'ensemble des partenaires du système éducatif et du monde du travail afin d'accorder des priorités aux régions actuellement sous-équipées. Il apparaît également indispensable de faire entrer les écoles et les établissements scolaires de l'ensemble du territoire dans une démarche interculturelle, impliquant une ouverture sur l'extérieur - je pense aux milieux urbains et ruraux non seulement des différents pays européens, mais également des pays du Sud. Une de nos ambitions pour l'école concerne la lutte contre les inégalités et les formes de marginalisation, ce qui nous conduit à proposer des dispositifs d'adaptation et d'intégration scolaires qui sont indissociables d'une réelle démocratisation. Ils devraient être développés et mis en œuvre tout au long de la scolarité obligatoire. Les politiques d'intégration des élèves dans les cursus scolaires doivent être encouragées et accompagnées de moyens, tels que la formation adaptée et continue des enseignants, des conditions d'encadrement améliorées ou la prévision d'un temps institutionnel pour la concertation avec les familles et les équipes éducatives. Notre ambition d'une formation de haut niveau pour tous va radicalement à l'encontre de l'idéologie qui fonde votre projet politique et s'appuie sur un principe simple : chacun peut apprendre, quelle que soit son origine sociale, géographique ou son étiologie. M. le président. Il vous faut conclure, monsieur Braouezec. M. Patrick Braouezec. Nous pensons que l'investissement dans la formation ne constitue pas tant un coût qu'il est le signe d'une société qui se projette dans l'avenir. Telle est la raison pour laquelle nous nous inscrivons dans une démarche de gratuité, qui ne doit pas dépendre des enjeux politiques nationaux ou européens, et nous proposons de définir la base commune indispensable pour assurer un enseignement de qualité pour tous. Certes, une telle démarche suppose de dégager des ressources financières, par le biais notamment d'un investissement sur cinq ans à hauteur de 7 % du PIB. Il est également indispensable de prévoir la création d'un fonds national d'action contre les inégalités à l'école afin de dégager des moyens pour permettre à tous les jeunes de se trouver dans une situation identique face à l'offre d'éducation et d'emploi. Nous avons bien d'autres propositions à formuler et mon collègue François Liberti, au cours de son intervention du 15 février, en a d'ailleurs énoncé plusieurs avec une grande précision. C'est pourquoi je m'arrête à celles-là. M. le président. Il vous faut vraiment conclure ! M. Patrick Braouezec. Je terminerai, monsieur le ministre, sur un constat terrible pour notre pays et pour l'Europe : vous avez choisi de servir les projets d'une Europe libérale au détriment d'une Europe sociale composée de citoyens responsables... M. Jean Dionis du Séjour. C'est une obsession ! M. Patrick Braouezec. ...puisque, en affaiblissant le système éducatif et en renforçant sa capacité à organiser la sélection, vous refusez à certains d'entre eux le droit de bénéficier d'une éducation développant l'ensemble des compétences. Ce texte non seulement bafoue le travail parlementaire et le dialogue social mais, de surcroît, il fait prendre à notre démocratie un tournant dangereux, en ayant pour effet de réduire le périmètre dans lequel le rôle de l'école s'inscrit, de favoriser la fuite des élèves vers l'enseignement privé - du moins pour ceux qui le peuvent -, de créer les conditions d'une école à plusieurs vitesses et de livrer le système éducatif au commerce. Nous ne voulons pas sacrifier l'avenir de générations entières, et c'est pourquoi nous voterons contre ce projet de loi. M. le président. Pour le groupe UMP, la parole est à M. Guy Geoffroy. M. Guy Geoffroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici presque parvenus au terme de cette belle aventure. C'est une noble tâche, pour un Parlement, que de fixer, sur proposition du Gouvernement, le devenir de notre pays pour les quinze prochaines années au travers de l'avenir de son école et des perspectives offertes à sa jeunesse. Une certitude ressort de l'ensemble de nos travaux : il était nécessaire de se pencher sur notre école et de la réformer. Un pays moderne et ambitieux comme le nôtre ne peut accepter plus longtemps que 150 000 de ses jeunes quittent chaque année son système éducatif sans pouvoir entrer de manière responsable et respectable dans leur vie d'adulte. Un pays comme le nôtre ne peut non plus accepter que, à mi-chemin de la scolarité obligatoire, au moment où l'on quitte ce que l'on appelait joliment la « petite école » pour entrer au collège des « grands », il y ait encore 80 000 enfants qui ne disposent pas - ou si peu ! - de ce qui fait la dignité d'un homme : la capacité à comprendre, à s'exprimer, grâce à la maîtrise de la lecture, de l'écriture, du calcul et ce tous ces fondamentaux qui permettent d'aller plus avant et de réussir sa vie. Tout le monde en convient maintenant : il fallait réformer notre école. Mais comment ? Fallait-il se limiter à des interventions d'ordre réglementaire, comme cela aurait été possible pour certains aspects de cette loi ? Nous ne le pensons pas et nous sommes heureux que le Gouvernement, sur la demande du Président de la République, ait saisi le Parlement d'un projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école. Lorsqu'il s'agit de l'avenir de notre jeunesse, c'est bien à la nation qu'il revient de dire, au travers de sa représentation, quelle doit être la ligne. La majorité parlementaire et le groupe de l'UMP sont donc particulièrement fiers, monsieur le ministre, de s'être tenus à vos côtés, sur votre invitation, pour préparer ce texte, pour l'étudier et pour l'enrichir. De ce processus découle un très bon projet, et vous pouvez compter sur nous pour contribuer à ce que, une fois devenu loi, il soit assorti des bonnes dispositions réglementaires qui lui permettront de vivre. Cette loi est-elle modeste ? C'est une question d'appréciation. M. Jean Dionis du Séjour. On ne saurait mieux dire ! M. Guy Geoffroy. Peut-on considérer qu'une loi d'orientation est modeste lorsqu'elle fixe à la nation, à ses représentants et à ses gouvernants, l'obligation de faire en sorte que 100 % des enfants quittent le système scolaire avec les éléments fondamentaux qui permettent de s'insérer dans la vie active et de mener une vie d'homme ? M. Jean-Louis Bernard. C'est une très grande ambition ! M. Guy Geoffroy. Est-on modeste lorsque l'on estime que 80 % d'entre eux doivent pouvoir accéder au niveau du baccalauréat ? Je devrais d'ailleurs dire : au niveau de tous les baccalauréats, car ce texte se penche sur la nécessaire revalorisation des formations et de l'enseignement professionnels, sans laquelle on ne pourra atteindre cet objectif. Est-il modeste de fixer à 50 % la proportion de jeunes qui, dans un avenir le plus proche possible, devront être titulaires d'un diplôme de l'enseignement supérieur ? M. Yves Durand. Tout le monde est d'accord là-dessus ! Cessez d'enfiler des perles et parlez-nous des moyens ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Guy Geoffroy. Non, ces objectifs ne peuvent être qualifiés de modestes. Les rappeler et les rendre plus cohérents qu'ils ne l'étaient jusqu'à présent : telle est la démarche marquante de ce texte. Plusieurs aspects du projet ont donné lieu à des débats féconds et apparaissent comme des éléments maîtres du dispositif proposé. Le premier est le socle commun des connaissances et compétences indispensables. Loin de constituer une régression, comme le voudrait une caricature outrancière, il représente un authentique progrès. Offrir à tous nos enfants le même outil de base, élaboré progressivement, au fil de la scolarité obligatoire, par un ensemble d'enseignements, c'est bien là le premier élément de cette véritable égalité des chances que votre loi, monsieur le ministre, va permettre enfin de construire, apportant en cela la réponse que la nation attend. Si le socle est une composante essentielle, il ne saurait toutefois, comme nous l'avons toujours souligné, résumer à lui seul la scolarité obligatoire. M. André Schneider. Absolument ! M. Guy Geoffroy. Le texte de la commission mixte paritaire démontre encore plus clairement que cette loi remet les choses en place et redonne de la cohérence et de l'ambition à notre système éducatif dès les premiers niveaux d'apprentissage : elle ménage une évaluation étape par étape, et le brevet enfin revitalisé devient un élément essentiel permettant non seulement de faire le point, mais aussi d'accéder au second cycle de l'enseignement secondaire dans des conditions mieux définies, mieux acceptées et mieux assurées. Il faut très tôt tenir compte de la personnalité de l'élève, de ses qualités et de ses difficultés. C'est pourquoi ce que nous avons baptisé le « programme personnalisé de réussite éducative » intervient comme le complément naturel du socle de connaissances. Il doit permettre une intervention immédiate et appropriée dès qu'une difficulté se déclare, et non pas quand elle est installée. La CMP lui a donné une dimension supplémentaire en prévoyant une mise en œuvre conjointe. Cette « feuille de route » au profit de l'enfant sera non seulement le fait de l'école, mais également celui des parents. C'est donc un acte majeur de responsabilisation de tous les acteurs qui, aux côtés et au profit de l'élève, contribueront à sa réussite. Entre autres aspects du texte, des dispositions audacieuses permettront de mieux concevoir et de mieux dispenser l'apprentissage des langues, lequel constitue à l'heure actuelle un grave problème dans notre pays. Concernant le recrutement, la formation et la carrière des enseignants, vous avez été particulièrement à l'écoute de votre majorité, monsieur le ministre. M. Yves Durand. Mais pas des enseignants ! M. Guy Geoffroy. Le rattachement des IUFM aux universités renforcera la qualité des enseignements et nous permettra d'être plus compétitifs en nous mettant à égalité avec nos voisins. Nous offrirons ainsi aux enseignants de meilleures perspectives de réussite professionnelle qu'ils n'en ont aujourd'hui. Dans les cinq à dix prochaines années, c'est près de la moitié du corps enseignant qu'il faudra remplacer. En conséquence, un jeune sur quatre entrant à l'université sera destiné à l'enseignement ! Pour relever ce défi, les nouvelles dispositions proposées en matière de recrutement et de carrière, en même temps que l'affirmation de la liberté pédagogique, inscrite noir sur blanc dans le texte, permettront aux enseignants, que je salue au nom de la représentation nationale, d'assurer mieux encore, en étant plus respectés, l'immense tâche qu'ils ont à accomplir en faveur de notre jeunesse. On a dit, aussi de façon un peu hasardeuse, que les parents étaient les grands absents de ce texte. M. Yves Durand. Ce sont eux-mêmes qui le disent ! M. Guy Geoffroy. Ils ne le sont pas, comme peut l'établir une lecture un tant soit peu attentive du projet. De tous nos débats, il ressort au contraire que sans les parents, il n'y a pas de réussite scolaire. M. Yves Durand. Sans les parents, il n'y a pas d'enfants ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.) M. Guy Geoffroy. Il était absolument nécessaire de donner à l'école un nouveau projet, une nouvelle ambition, mais il faut aussi que les parents soient tout à la fois respectés et mis devant leurs responsabilités. Ce projet le permettra. Le groupe de l'UMP était convaincu qu'il fallait réformer l'école ; il l'est devenu plus encore au cours de ce débat et à vos côtés, monsieur le ministre. Nous sommes heureux et fiers de vous avoir accompagné et sommes certains que les dispositions réglementaires, auxquelles nous porterons une grande attention, feront de ce texte une grande loi fondatrice de l'avenir de l'école, permettant à chacun de nos enfants, conformément au vœu du Président de la République, de réussir sa scolarité et son entrée dans la vie active - tout simplement : de réussir sa vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. Pierre-André Périssol. M. Pierre-André Périssol. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le vote du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école est une étape importante de la démarche voulue par le Président de la République. Voici dix-huit mois, on a donné la parole aux Français, qui nous ont dit leurs espérances et leurs attentes vis-à-vis de l'école. Pour y répondre, un cœur de propositions a recueilli en octobre une approbation sans précédent dans l'éducation nationale : les trois fédérations de parents d'élèves, les syndicats réformistes, une large majorité d'enseignants. Ils veulent tout d'abord un recentrage sur des fondamentaux, sur un socle qui doit être commun à tous et qui sera constitué par les grandes connaissances et compétences que tous doivent maîtriser à l'issue du collège pour réussir leur scolarité quelle que soit la voie choisie, mais aussi leur vie professionnelle, leur vie de citoyen, bref leur vie tout court.
Enfin, la totalité des élèves ne pourra maîtriser un socle commun que si une véritable personnalisation des temps d'apprentissage est instaurée pour tenir compte de la diversité des élèves. Aussi est-il indispensable de permettre aux enseignants de pouvoir, demain, personnaliser au maximum les temps, les rythmes et les modalités d'apprentissage. Ces trois orientations constituent un ensemble indissociable. Certaines de ces dispositions sont citées dans la loi et nous nous en réjouissons. J'ai pensé qu'il était utile de les préciser, de les conforter, parce qu'elles conditionnent la réussite scolaire d'une part, parce qu'elles portent l'adhésion des représentants des parents et de la plupart des enseignants, d'autre part. Des amendements allant dans ce sens ont été supprimés ou réduits. Si on ne les retrouve pas dans la loi, il faudra envoyer plus tard des signaux adéquats. De la même manière, des parents n'avaient pas vu comment le texte initial leur permettrait de mieux jouer leur rôle d'accompagnement de la scolarité de leur enfant - qui est une des conditions de la réussite des enfants. Hélas ! l'amendement proposé pour corriger ce manque n'a pas été accepté et la portée de celui proposé dans le rapport annexé a été fortement réduite. Or les symboles ont du sens et de l'importance. Là encore, des signaux concrets devront être envoyés aux parents. La définition générale des connaissances et des compétences qui constitueront le socle commun est renvoyée à une instance d'experts ; sur le sujet, nous avons eu un débat de grande qualité. Monsieur le ministre, vous avez proposé que le Parlement conseille ces experts en leur transmettant nos réflexions. En général, ce sont plutôt les experts qui conseillent les politiques ! Mais il est vrai que tous les ministres de l'éducation nationale ont eu du mal, un jour ou l'autre, à faire confiance sur ces points au Parlement. C'est dommage, car cela prive la nation d'une occasion de se mobiliser autour de son école. Vous avez souvent vous-même rappelé combien il était nécessaire que le Parlement puisse débattre de l'école. Et maintenant ? La loi d'orientation qui va être votée définira un cadre. C'est une bonne chose, et je m'en réjouis. Des avancées seront possibles, notamment dans le domaine des langues, ce dont notre pays a pour le moins besoin. Mais en matière scolaire, ni la loi, ni les décrets ne déterminent à eux seuls les résultats. C'est l'action, c'est détermination, c'est la confiance faite aux acteurs qui les conditionnent. Les connaissances et les compétences qui seront demain reconnues comme constitutives du socle commun seront-elles en phase avec les grandes options retenues dans les pays voisins, qui obtiennent de meilleurs résultats que nous dans les évaluations internationales ? Sur le plan de la personnalisation des temps d'apprentissage, interviendra-t-on dès l'amont pour prévenir l'échec ou seulement pour y remédier ? L'avenir dira si nous savons concrétiser l'ambition qu'ensemble nous avons fixée, celle de faire réussir tous les élèves. Je me réjouis que notre majorité, que le Gouvernement ait fixé cette ambition qui n'allait pas de soi : celle de refuser de laisser un certain nombre d'élèves sur le bord de la route et d'engager la nation pour que l'école de la République fasse effectivement réussir tous les élèves. C'est là l'enjeu du rendez-vous historique que nous avons avec l'école et que, j'espère, nous pourrons ensemble relever. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, nous voici au terme de ce débat sur la loi d'orientation et de programme sur l'école, qui aura été l'un des plus longs, en termes d'heures passées à échanger des arguments. Cette loi va modifier profondément le visage de l'école de la République. Elle permet, pour la première fois, de définir des priorités à notre système éducatif. Je suis, avec la majorité, fier d'avoir su résister à tous ceux qui, naturellement, approuvaient la définition de priorités, mais qui voulaient y inclure l'ensemble des disciplines. Cette loi va permettre de mettre en œuvre un dispositif de soutien dès l'école primaire comme jamais notre système éducatif n'en avait imaginé. Elle va permettre de rattraper le retard inacceptable de notre pays concernant la maîtrise des langues étrangères, au moment même où cette question devient stratégique pour l'avenir individuel des jeunes Français et l'avenir collectif de notre nation. Cette loi va permettre de clarifier l'organisation de la filière professionnelle, si importante pour l'avenir de notre pays, d'apporter une réponse efficace à la question du remplacement des enseignants absents pour de courtes durée. Cette loi, enfin, va profondément réformer la formation des maîtres, en confiant aux universités les instituts universitaires de formation des maîtres sur lesquels, depuis si longtemps, on glose sans jamais apporter de réponse opérationnelle. Au vu de ces quelques mesures, cette loi doit-elle être considérée comme modeste ? Selon moi, les changements qu'elle introduit sont plus profonds que ceux apportés par la loi de 1989, sur laquelle elle s'appuie par ailleurs. Fallait-il une loi pour mettre en œuvre l'ensemble de ces dispositions ? L'exemple cité par M. Dionis du Séjour m'en a convaincu : il a dit que François Bayrou, dans le « contrat pour l'école » avait mis en place un dispositif de détection précoce. C'est vrai, mais ce dispositif n'a pas vraiment fonctionné. Sinon, nous ne serions pas obligés d'en débattre et d'imaginer des solutions nouvelles. Face à des difficultés aussi sérieuses, face à des dérives qui menacent notre système éducatif, on ne doit pas se demander si le Parlement doit être amené à débattre. Nous sommes en face de la question la plus stratégique pour l'avenir de notre pays. Nous sommes en face du premier budget de la nation et nous nous interrogeons pour savoir si le Parlement doit débattre, fixer des orientations, accorder le poids de la représentation nationale à des mesures qu'il faudra ensuite mettre en œuvre - et qu'il ne sera pas facile à mettre en œuvre. La question ne se posait pas. Le débat que nous avons eu à l'Assemblée nationale comme au Sénat a d'ailleurs été riche et très éclairant, notamment pour savoir s'il existait des alternatives à nos propositions. Je suis bien obligé de constater que ces alternatives sont assez peu nombreuses. M. Jean-Louis Bernard. On en a peu entendu ! M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. J'en ai retenu trois, importantes, mais sur lesquelles il y aurait beaucoup à dire. Première idée, à laquelle j'adhère, d'ailleurs : introduire dans la formation des enseignants la bivalence. Cette idée a été défendue par le président Ayrault à cette tribune. M. André Schneider. Très bien ! M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cela permettrait certainement de faciliter la gestion, du collège notamment. Mais mon sens du dialogue social m'a conduit, dans l'immédiat, à ne pas la retenir. Deuxième idée, qui émane de l'opposition et que j'ai retrouvée au cours des discussions avec les organisations syndicales : il faut aller plus loin dans la mise en œuvre des cycles et casser l'organisation du collège et du lycée autour des classes. Cette idée est très séduisante, mais elle n'a jamais pu être réellement mise en œuvre depuis 1989. Nous la mettrons en œuvre massivement dans le domaine de l'apprentissage des langues : désormais, au collège et au lycée, on suivra les cours de langue en fonction de son niveau. Peut-être que cette expérimentation à grande échelle permettra d'aller plus loin dans le décloisonnement de notre système scolaire. Troisième idée, qui m'a été exposée avec beaucoup d'insistance : elle consiste à dire qu'il n'y a pas assez d'argent, de postes et qu'il faut réduire les effectifs dans les classes. Nous avons d'ailleurs entendu, à la télévision, un responsable politique très important, déclarer avec beaucoup d'assurance qu'une étude avait prouvé qu'en réduisant de 5 le nombre des élèves dans une classe, on réduisait de 40 % le nombre des redoublements. Cette étude existe, je l'ai trouvée. Pour être franc, il y en a cinquante qui disent le contraire et une qui préconise comme solution aux problèmes que rencontre notre système éducatif la baisse des effectifs dans les classes. Quand l'Assemblée nationale saura que cette étude provient de la même équipe d'experts et d'économistes qui a imaginé les 35 heures, elle comprendra que je m'en sois méfié ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) M. Yves Durand. Scandaleux, monsieur le ministre ! Vous n'êtes pas à la hauteur ! M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Comme vous avez pu le constater, j'ai été très attentif, au cours de ce débat, aux propositions de l'opposition. Plusieurs d'entre elles ont été intégrées à notre texte, votées par l'ensemble des parlementaires. Je pense en particulier à l'amendement de M. Brard sur l'enseignement du fait religieux, à plusieurs amendements déposés par le groupe socialiste, notamment celui de M. Mélenchon, relatif au lycée des métiers. Nous avons été également attentifs aux propositions du groupe UDF, monsieur Dionis du Séjour. D'ailleurs, de nombreuses demandes de l'UDF étaient déjà contenues dans le texte que nous avons proposé. Je considère que l'abstention du groupe UDF, après le vote positif sur quasiment la totalité des articles et après le vote positif du groupe UDF au Sénat, ... M. Pierre-Louis Fagniez. On a du mal à comprendre ! M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...vaut assez largement approbation des objectifs de cette réforme. Mesdames et messieurs les députés, il est exact que nous avons dû débattre de cette loi d'orientation dans un contexte de revendication et de mobilisation. Le Gouvernement n'a pas cédé à ces revendications. Il n'a pas reculé, comme c'était la règle depuis très longtemps, devant la mobilisation. Il ne l'a pas fait, parce qu'il n'a jamais considéré que cette mobilisation était majoritaire, ni dans les lycées, ni dans le pays. C'est dû au fait qu'elle a été initiée à partir d'une vision mensongère de la réforme que nous avons présentée. Nous avons entendu, tout au long de ces semaines, expliquer que nous voulions orienter de manière précoce les élèves, alors même que nous supprimons des filières qui étaient justement des filières d'orientation précoce. Nous avons entendu dire que nous voulions supprimer l'enseignement du sport, des matières artistiques, des sciences économiques, limiter à l'écriture et à la lecture les missions de l'école. Je pense que la majorité des Français a compris qu'il y avait, à la base de ce mouvement, un mensonge qui ne pouvait pas lui permettre de faire reculer le Gouvernement. Pour autant, je n'ai pas été insensible à l'appel à plus d'égalité qui s'est élevé parmi la jeunesse de notre pays. Je crois profondément que ce projet de loi sur lequel vous allez devoir vous prononcer dans quelques instants réduira une bonne partie de ces inégalités, même s'il ne les réduira pas toutes. C'est la raison pour laquelle je suis disponible pour discuter avec les organisations lycéennes comme avec l'ensemble de la communauté éducative autour d'autres étapes, qui ne seront pas forcément législatives, et qui nous permettront de réduire ces inégalités avec lesquelles notre système éducatif vit depuis si longtemps. Je remercie la majorité de son soutien. Elle peut être fière d'avoir permis une réforme importante de notre système éducatif. Pour ma part, je suis fier d'avoir porté, depuis un peu plus de deux ans, des réformes profondes et nécessaires. Je pense à celle des retraites, à celle du dialogue social, à celle de la formation professionnelle, et aujourd'hui celle de l'école. Quel sera le devenir de cette dernière réforme ? J'ai entendu les socialistes nous annoncer déjà une alternance qui permettrait de faire table rase du passé. S'agissant de l'alternance, je ne me prononcerai pas. Pour le reste, je note avec beaucoup d'intérêt que, dans les premières esquisses du programme du parti socialiste présentées ces derniers jours, il n'est nulle part question de revenir sur nos régimes de retraite. M. Guy Geoffroy. Tiens donc ! M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est le signe qu'ils ont gagné en sagesse et compris, après l'avoir violemment combattue, qu'il leur faudra bien soutenir cette réforme juste et nécessaire. M. Yves Durand. Vous avez mal lu : c'était un diagnostic, pas un programme ! M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je n'attends désormais qu'un seul jugement : celui qui résultera de la baisse de l'échec scolaire et de l'exclusion. M. Pierre-Louis Fagniez. Très bien ! M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le Président de la République m'avait confié cette mission, je crois l'avoir accomplie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La discussion générale est close. Texte de la commission mixte paritaire M. le président. Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire. Avant de mettre aux voix ce texte, je vais, conformément à l'article 113, alinéa 3, du règlement, appeler l'Assemblée à statuer d'abord sur les amendements du Gouvernement. Je suis saisi de treize amendements, nos 1, 2 rectifié, 3, 4, 5 rectifié, 6, 7, 8 rectifié, 9, 10, 11 rectifié, 12 et 13. La parole est à M. le ministre, pour les soutenir. M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le Gouvernement a en effet déposé plusieurs amendements de coordination, qui tirent les conséquences des conclusions de la commission mixte paritaire uniquement pour la rédaction des articles relatifs à l'application de la loi outre-mer. Ces amendements résultent d'un travail minutieux mené conjointement avec les rapporteurs et les services techniques des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat, que je veux remercier ici pour leur disponibilité et la qualité de leur travail. Les amendements nos 2 rectifié, 5 rectifié, 8 rectifié et 11 rectifié ont pour objet de corriger la place à laquelle la référence au nouvel article L. 122-1-1, qui définit le socle commun de connaissances et de compétences, est insérée dans les articles du code de l'éducation énumérant les articles applicables à Wallis-et-Futuna, à Mayotte, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Les amendements nos 3, 6, 9 et 13 tirent les conséquences de la décision de la commission mixte paritaire de créer un nouvel article L. 912-1-3, précisant que la formation continue des enseignants est prise en compte dans la gestion de leur carrière. Ce nouvel article a vocation à s'appliquer à Wallis-et-Futuna, à Mayotte, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Les amendements nos 1, 4, 7 et 10 ont pour objet de tirer les conséquences du rétablissement par la commission mixte paritaire de l'article 12 bis relatif à l'enseignement des langues régionales. Cet article, en effet, modifie l'article L. 312-10 du code de l'éducation, qui n'est pas applicable dans les collectivités d'outre-mer. En outre, l'amendement n° 4, portant sur l'article 36, supprime de la liste des articles ne s'appliquant pas à Mayotte la référence à l'article 22 B, celui-ci ayant été supprimé par la commission mixte paritaire. Enfin, les amendements nos 7 et 12 visent à assurer la coordination avec les modifications apportées par la commission mixte paritaire aux articles 47 et 51, précisant que la mise en œuvre des bourses au mérite doit tenir compte du partage des compétences entre l'État et les autorités locales en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission mixte paritaire, pour donner l'avis de la commission sur ces amendements. M. Frédéric Reiss, rapporteur de la commission mixte paritaire. La commission accepte, bien évidemment, l'ensemble des amendements. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix, successivement, les amendements nos 1, 2 rectifié, 3, 4, 5 rectifié, 6, 7, 8 rectifié, 9, 10, 11 rectifié, 12 et 13 du Gouvernement. (Ces amendements, successivement mis aux voix, sont adoptés.) M. le président. Je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par les amendements qui viennent d'être adoptés. (L'ensemble du projet de loi, ainsi modifié, est adopté.) M. le président. Mes chers collègues, je vous propose une courte suspension de séance. Suspension et reprise de la séance M. le président. La séance est suspendue. (La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures cinquante.) M. le président. La séance est reprise.
Suite de la discussion, en deuxième lecture, Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi d'orientation sur l'énergie (n°s 1669, 2160). J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement. La parole est à M. Philippe Tourtelier. M. Philippe Tourtelier. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à l'industrie, mes chers collègues, nous arrivons aujourd'hui au terme d'un processus lancé il y a trois ans par le Gouvernement, et qui semblait très prometteur, tant sur la méthode - une large concertation - que sur l'objectif - doter notre pays d'une grande loi d'orientation sur l'énergie pour les trente prochaines années. Malheureusement, nous le voyons maintenant, le projet de loi que vous nous proposez est très loin de répondre à l'objectif que vous avez affiché. Il est incapable de donner à notre pays le souffle mobilisateur indispensable pour répondre aux enjeux du XXIe siècle. Ces enjeux ont largement été rappelés ce matin : ils sont à la fois nationaux, européens et internationaux. Compte tenu de leur importance, je pensais y insister à nouveau mais comme, ce matin, le président de séance m'avait demandé de raccourcir mon intervention, pensant qu'elle interviendrait en fin de matinée, je ne les rappelle pas et passe directement à la suite. Cela nous fera gagner cinq minutes. Les menaces qui pèsent sur l'environnement sont réelles, les contraintes très fortes, les avertissements une réalité parfois dramatique. On ne pourra pas dire, dans trente ou cinquante ans : « Nous ne savions pas ! ». Lorsque nous parlons énergie, nous ne devons pas perdre de vue le défi considérable et ambitieux du développement durable de l'humanité. Il s'agit pour nous, pays industrialisés, de diviser par quatre ou cinq les émissions de gaz à effet de serre : c'est notre responsabilité de pays riches par rapport aux pays en voie de développement et c'est tout bonnement respecter le principe de solidarité universelle. À nous d'inventer un nouveau mode de développement en entraînant à notre suite, si possible, d'autres grands pays. On mesure l'importance du décalage entre ces enjeux planétaires liés à l'énergie et la faiblesse de votre projet de loi. Ces enjeux nécessitent une prise de conscience de nos concitoyens et une mobilisation collective pour les trente prochaines années. Or vous vous êtes contentés d'affirmer quelques grands objectifs assez vagues et de confirmer des engagements chiffrés que nous avions, dans l'ensemble, déjà pris. Il ne se dégage de ce que vous nous proposez aucune volonté politique forte. Votre texte ne nous permettra pas d'atteindre les grands objectifs que vous avez définis. Il ne suffira même pas pour remplir nos obligations, pourtant déjà actées, envers l'Europe. Pourquoi cette absence de volonté politique ? Parce que, au lieu de vous placer dans l'optique du XXIe siècle, vous êtes restés dans une approche de fin de XXe siècle, trop nationale, trop centralisée, centrée sur l'électricité au lieu de traiter l'énergie en général et que vous prenez pour postulat de départ que le nucléaire est la réponse à tout ! Vous avez d'ailleurs inscrit dans la loi le principe de la construction de l'EPR. Cette vision étriquée est d'abord une faute pédagogique - présenté de façon orientée, le dossier n'a pas pu provoquer un vrai débat dans notre pays - et, ensuite, une faute politique : par un faux débat, vous avez contribué à dévaloriser la démocratie participative. Rappelons en effet la genèse de cette loi. Inspiré par le Président de la République, le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin annonçait, dans sa déclaration de politique générale, le 3 juillet 2002 : « Dans le domaine de l'énergie, un grand débat public sera ouvert et suivi d'un projet de loi d'orientation qui consacrera un rôle accru pour les énergies renouvelables, mais aussi une place reconnue pour l'énergie nucléaire. » Un citoyen raisonnable - c'est-à-dire qui n'ignore pas la place du nucléaire en matière énergétique - ne pouvait que se réjouir de ces déclarations et penser qu'une volonté politique nouvelle s'exprimait en faveur du renforcement des énergies renouvelables. Après avoir, pendant plusieurs décennies, consacré de très importants investissements en faveur de la filière nucléaire, allions-nous enfin miser sur les autres énergies ? Optimiste, ce même citoyen pouvait comprendre que le Gouvernement allait investir autant dans les énergies renouvelables qu'il l'avait fait, par exemple, pour les recherches sur le réacteur troisième génération. Selon les données de l'Agence internationale de l'énergie, le gouvernement français aurait dépensé 445 millions d'euros par an entre 1992 et 2001 pour la recherche et le développement dans les technologies de la fission nucléaire. À combien estimez-vous, monsieur le ministre, l'investissement de votre gouvernement pour les énergies renouvelables ? Cette question aurait déjà dû recevoir une réponse lors des nombreuses réunions publiques organisées par Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, chargée de la mise en œuvre de ce grand débat national, engagé au cours du premier semestre 2003. Mais on sait ce qu'il est advenu de ce faux exercice de démocratie ! Il était censé définir les enjeux et déboucher sur des propositions du Gouvernement en matière d'énergie. Ce devait être une « expérience innovante de démocratie participative », selon les propres mots de Mme Nicole Fontaine. La réalité a été tout autre et cet exercice a déçu, malgré l'implication d'un grand nombre de citoyens et d'associations qui auraient voulu débattre et se faire entendre. Les journées de Rennes des lundi 5 et mardi 6 mai 2003, auxquelles j'ai participé, en témoignent. Le lundi, on nous a démontré que les énergies renouvelables auraient du mal à produire, en 2010, 21 % de la production d'électricité, comme le prescrit la directive européenne. C'est malheureusement vrai mais on en a profité, le lendemain, pour en conclure que le nucléaire, présenté comme une « énergie propre » et un moyen équivalent aux énergies renouvelables pour lutter contre l'effet de serre, était « incontournable ». La démonstration était parfaite, à ceci près qu'on avait opéré deux glissements : d'abord, on était passé d'un débat général sur l'énergie à un débat sur l'électricité, qui ne représente pourtant que 40 % de notre consommation d'énergie ; ensuite, on a implicitement présenté l'insuffisance actuelle des énergies renouvelables comme devant se prolonger pendant les trente prochaines années. Du coup, le nucléaire, effectivement indispensable aujourd'hui, devient incontournable jusqu'en 2050 ! Vous apprécierez l'honnêteté intellectuelle du procédé ! On comprend mieux dès lors le commentaire qui avait été fait par l'entourage de la ministre de l'industrie : « C'est une grande première, un pari avec pour objectif des débats : déminer des sujets polémiques comme le nucléaire. » En fait, c'était une machine destinée à préparer les esprits à la relance du programme nucléaire ! Plusieurs petites phrases de Mme Fontaine ou de Mme Bachelot l'ont confirmé. Après les maladresses, après le débat tronqué de 2003, les tergiversations ministérielles de 2004 ! La loi s'est fait attendre, un peu comme l'Arlésienne : elle a été plusieurs fois annoncée, plusieurs fois ébauchée et même quasiment achevée - nous avons connu au moins deux moutures de l'avant-projet de loi. On a le sentiment que le Gouvernement hésitait à livrer sa copie, à affronter l'opinion publique et la représentation parlementaire. Tandis que le cabinet du ministère de l'industrie et la direction générale de l'énergie et des matières premières, entre autres, travaillaient encore sur la énième version du projet de loi d'orientation, la donne politique fut bouleversée par les élections des conseils généraux et régionaux des 21 et 28 mars. Bien que désavoué, le nouveau gouvernement dit Raffarin III propulsait M. Sarkozy ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Les ministres qui avaient conduit le débat public ont tous été écartés. Voici M. Sarkozy à la manœuvre, et tout s'accélère. En. hors-d'œuvre : déclaration du Gouvernement relative à l'énergie le 15 avril après que Nicolas Sarkozy eut négocié avec les représentants des fédérations syndicales des industries électriques et gazières. Il confirme, d'une part, le principe d'un nouveau programme nucléaire, avec le lancement du réacteur troisième génération EPR, et, d'autre part, la modification du statut d'EDF et de GDF, laissant entendre que ces deux points sont indissociables. Comme l'on rappelé plusieurs de nos collègues ce matin, le débat général sur l'énergie de la mi-avril n'était qu'un amuse-gueule avec, en perspective, la modification du statut d'EDF-GDF : une privatisation par étape, si possible sans heurt social, donnant satisfaisant au lobby électronucléaire tout en ménageant les syndicats. Nicolas Sarkozy veut tout régler au pas de charge, avant l'été. Les propositions de Nicole Fontaine sont oubliées. La loi d'orientation sur l'énergie est présentée en mai. Réduite à la portion congrue, inachevée, elle devait être discutée en urgence déclarée, précédant de quelques semaines le projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, lui aussi en urgence déclarée, pour que la loi puisse être promulguée en août. La discussion de cette loi d'orientation, organisée dans la précipitation, avec un texte initial constitué pour moitié d'une annexe sans valeur juridique que le rapporteur a dû récrire en hâte, n'a pas permis à notre commission de débattre au fond des questions importantes. L'urgence jointe à la précipitation a accouché d'un texte où, contrairement aux déclarations initiales du Premier ministre, les énergies renouvelables restent marginalisées, quand leur développement n'est pas entravé. Pliée en quelques jours de débat, cette loi d'orientation sur l'énergie n'a servi qu'à atteindre les objectifs déjà évoqués : la construction de l'EPR et l'ouverture du capital d'EDF et de GDF. D'ailleurs, après la première lecture, il n'y avait plus d'urgence et neuf mois se sont écoulés avant la deuxième lecture. Mais cette première lecture n'a pas permis d'avoir les débats qu'attendaient nos concitoyens. Ceci transparaît constamment dans le texte que vous nous proposez. C'est pourquoi il faut que notre commission fasse maintenant le travail de fond que nous n'avons pas pu faire en première lecture. Vous avez organisé votre loi autour de l'affirmation de quatre objectifs accompagnés de quatre axes de travail permettant d'atteindre ces objectifs. Cette présentation a le mérite de permettre de clarifier le débat, à condition de prendre le temps de l'approfondir. Nous pourrions souscrire globalement aux quatre objectifs si votre pratique, que nous constatons depuis plus de deux ans, ne nous rendait pas dubitatifs sur votre degré de conviction dans ces affirmations. Quelques commentaires rapides sur ces objectifs. Le souci d'indépendance énergétique national maximal reste nécessaire du point de vue de la production, mais il doit se décliner dans le souci d'indépendance énergétique maximale de chacune de nos régions. Par ailleurs, il est à replacer dans le contexte d'un marché européen intégré dans lequel les frontières auront de moins en moins de sens, y compris dans le domaine électrique avec le développement des interconnexions. Votre deuxième objectif, le souci de l'environnement et des gaz à effet de serre, est essentiel. Compte tenu de cet objectif, il apparaît indispensable que le ministre de l'écologie et du développement durable participe à nos débats sur l'énergie. C'est une mesure facile à mettre en œuvre et de bon sens. On m'a déjà répondu que ce n'était pas l'usage. Quand un usage est désuet, on le change ! M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. On garde bien le PS ! M. Philippe Tourtelier. Ne pas le faire nous amènerait à douter de votre volonté politique sur ce thème. Le troisième objectif est celui d'un prix compétitif pour nos entreprises et nos concitoyens. Là encore il s'agit d'un objectif louable, à condition d'être transparent sur les prix réels, c'est-à-dire d'intégrer les externalités, en particulier environnementales, comme l'a souhaité, à plusieurs reprises, le ministre de l'écologie. De ce point de vue, votre proposition de certificats vous obligera à calculer enfin un coût comparé des kilowattheures en fonction de leur origine, incluant les externalités. Sinon, votre marché ne sera pas crédible. Avec un prix du baril installé durablement à 50 dollars, beaucoup d'énergies renouvelables deviennent compétitives dans le mix énergétique, permettant de répondre à la fois aux besoins de base et aux besoins de pointe. Quand il fait froid, il y a toujours du vent quelque part en France ou en Europe. Quand il fait chaud, le photovoltaïque est évidemment très efficace. Le quatrième objectif - la cohésion sociale et territoriale - est, pour nous, essentiel. Il est cohérent avec votre affirmation de la nécessité d'un service public. Mais rien dans vos actions passées, en particulier dans les lois relatives aux responsabilités locales ou à EDF, et dans vos actions présentes - vous avez refusé la prise en compte du droit à l'énergie pour tous - ne nous permet de croire à la sincérité de vos affirmations. Et cet objectif fondamental est probablement, hélas ! celui que vous atteindrez le moins. Je formulerai quelques remarques sur chacun de ces axes, que vous avez probablement classé par ordre d'importance : la maîtrise de la demande énergétique, la diversification des sources, la recherche et, enfin, le transport et le stockage. Nous pouvons être d'accord sur cet ordre d'importance, même si beaucoup d'actions sont complémentaires. Par exemple, la question du stockage de l'énergie est liée à celle de la recherche, en particulier dans le domaine de l'électricité. À propos d'une loi d'orientation qui devrait avoir pour horizon trente ans au moins, il est paradoxal d'entendre encore des arguments contre les énergies renouvelables liés à leur intermittence supposée, alors même qu'on croit par ailleurs aux recherches sur les nouvelles formes de stockage de l'électricité quand on se projette à trente ans. Il ne faut pas rester prisonnier des débats du moment ou de nos habitudes culturelles. Nous avons déjà du mal en France, je l'ai dit, à ne pas réduire le débat sur l'énergie à un débat sur l'électricité. Mais, même dans ce débat sur l'électricité, nous restons prisonniers de notre histoire politique et institutionnelle très centralisée, avec sa traduction en termes de production. Nous ne parlons que de «centrales», qu'elles soient nucléaires ou thermiques, avec ce que cela implique aussitôt en termes de distribution, mais aussi de pertes d'électricité sur les réseaux. Le modèle centralisé paraît être le seul modèle. Et nous voyons les difficultés d'accès à un réseau inadapté pour une production décentralisée. Votre projet de loi ne tire pas toutes les conséquences de ce profond mouvement de décentralisation que nous constatons au niveau politique mais aussi dans des domaines techniques. Je pense en particulier à l'informatique où l'analogie me semble parlante : il y a trente ans, à l'époque où nous avons développé nos centrales pour l'électricité, l'informatique était, elle aussi, « distribuée » à partir de grosses unités vers des terminaux. Avec l'apparition de la micro-informatique, l'informatique a été non plus distribuée, mais « répartie » - selon votre terme -, chacun étant autonome, mais pouvant se connecter à un réseau. Cela a donné plus tard la puissance et l'invulnérabilité d'Internet. Je pense que cette évolution culturelle que l'on a connue en informatique mais aussi dans les médias, et qui est en œuvre en politique avec l'émergence d'un citoyen plus autonome et plus responsable, cette véritable révolution culturelle n'est pas prise en compte dans votre projet de loi , qui en reste à la conception traditionnelle d'une énergie centralisée, distribuée à des consommateurs, alors qu'il faudrait accompagner ce mouvement de fond de la société vers l'éco-citoyenneté et la décentralisation, dans le domaine de l'énergie comme d'autres domaines. Je viens d'évoquer, à propos du stockage, l'importance de la recherche. C'est votre deuxième axe. Là encore, on voit combien votre projet de loi a du mal à sortir de nos pratiques nationales du XX e siècle. Chez nous, la réponse au choc pétrolier ayant été le développement du nucléaire, le débat sur l'énergie s'est réduit à un débat sur l'électricité, et nous avons affecté au nucléaire la quasi-totalité de nos moyens de recherche. Chacun sait que le nucléaire a phagocyté la recherche française sur l'énergie. Votre loi d'orientation se devait de réagir. Il n'en est rien. Vous admettez même que le risque demeure en écrivant que vous soutenez le programme ITER - nous aussi d'ailleurs -, ainsi que les recherches sur le traitement des déchets nucléaires. Vous soutenez donc ITER « à condition que ce programme ne déséquilibre pas les financements de la recherche dans son ensemble, et sur l'énergie en particulier». On dit « Faute avouée est à moitié pardonnée. » Mais quel aveu ! Si vous n'aviez pas sinistré le secteur de la recherche dans vos budgets 2003 et 2004, vous seriez plus confiant. Mais vous préférez baisser l'impôt sur le revenu et sacrifier notre avenir, y compris dans le domaine de l'énergie. Dans ces conditions, c'est à juste titre que vous craignez que ITER ne se fasse au détriment non seulement de la recherche sur l'énergie, mais même au détriment de la recherche dans son ensemble. Ceci explique la prudence de vos propositions. Je cite : « L'effort de recherche global portant sur le développement des énergies renouvelables et la maîtrise de l'énergie sera fortement accru sur les trois ans qui suivront la promulgation de la loi. » Vous écrivez « sera fortement accru », mais il n'y a aucun objectif chiffré, pas même en pourcentage. Quand on voit d'où l'on part, il ne sera pas difficile d'accroître fortement notre effort. Comme disait Raymond Devos : « Rien, c'est rien. Mais trois fois rien, c'est un petit quelque chose ! » Nous sommes malheureusement dans cette logique. C'est pourquoi il nous paraît indispensable d'avoir un état des lieux de la recherche publique et privée dans le domaine de l'énergie, et de fixer à partir de là des objectifs chiffrés, au moins en pourcentage, comme vous l'avez fait dans quelques domaines dans ce projet de loi - objectifs de répartition et d'évolution des crédits de recherche entre les diverses sources d'énergie ou les techniques de maîtrise de l'énergie. Pour donner de la crédibilité à votre souci de développer la recherche, il faut d'abord jouer la transparence, et ensuite affirmer une volonté politique s'appuyant sur des objectifs chiffrés. Votre troisième axe consiste à « diversifier le bouquet énergétique ». Là encore, on ne peut qu'être d'accord. Mais la déclinaison que vous faites de ce principe nous inquiète. L'ordre de présentation n'est généralement pas neutre, et, une fois de plus, vous commencez par traiter de l'électricité. Si encore c'était pour affirmer que vous alliez d'abord appliquer ce souci de diversification à l'électricité - là où près de 80 % de notre production vient du nucléaire -, on vous applaudirait ! Mais, paradoxalement, vous commencez par conforter cette mono-production en contradiction avec l'esprit de diversification proclamé, en annonçant qu'il est indispensable de construire dès maintenant l'EPR. Nous ne croyons pas à l'urgence de cette prise de décision. Comme un certain nombre d'entre vous, j'ai lu le rapport de nos collègues Bataille et Birraux sur la durée de vie des centrales, rapport fort bien fait et fort bien documenté, en trois chapitres. Personnellement, après avoir lu les deux premiers chapitres relatifs à la situation actuelle, au remplacement de pièces essentielles déjà effectué dans les centrales et à la sécurité, je ne souscris pas aux conclusions du troisième chapitre concernant l'urgence de la construction de l'EPR. De deux choses l'une : ou bien nos centrales sont sûres comme on le démontre dans les deux premiers chapitres - et j'en suis moi-même persuadé -, auquel cas nous avons du temps devant nous, ou bien elles ne le sont pas, et il faut les arrêter tout de suite. Quand nous voyons qu'aux États Unis on parle de durée de vie de soixante ans, nous pouvons espérer avoir au moins vingt ans devant nous pour développer les alternatives, en posant enfin la question de l'énergie sans la réduire à celle de l'électricité. Ainsi, au lieu de commencer par cette affirmation paradoxale que le développement du nucléaire en France renforce la diversification énergétique, votre projet de loi aurait été mieux inspiré de commencer par la question des énergies renouvelables. Vous réaffirmez votre volonté d'atteindre en 2010 l'objectif de 21 % de production d'électricité à partir d'énergies renouvelables. II faut pour cela, si je puis dire, « faire feu de tout bois ». Or vous vous privez des ressources du solaire et de l'éolien. Vous écrivez qu'il faut « faire le bilan de ce qui se passe à l'étranger ». Outre que, par rapport à un autre débat actuel, je préférerais l'expression « dans les autres pays européens et à l'étranger » - mais, là encore, je veux bien admettre que nous sommes toujours prisonniers de nos habitudes culturelles -, il n'est pas besoin d'aller très loin pour voir comment les Pays-Bas, le Danemark, l'Allemagne ou l'Espagne ont su développer ces filières d'énergies renouvelables en leur assurant dans le temps un prix d'achat correct qui permette d'accompagner la fameuse « courbe d'apprentissage » de ces nouvelles techniques. Ça a marché ailleurs, ça peut marcher en. France - encore faut-il le vouloir. Ces filières d'énergies renouvelables représentent en France 75 000 emplois à l'horizon 2010. Beaucoup de ces emplois ne sont pas délocalisables, car liés à la maintenance. Un certain nombre se situent dans les zones les plus rurales, défavorisées économiquement. En effet, le développement des filières d'énergies renouvelables est aussi un outil d'aménagement du territoire. On pouvait s'attendre à ce que votre projet de loi les soutienne résolument. C'est exactement le contraire. Il n'y a rien sur le tarif d'achat de l'électricité photovoltaïque, qui restera donc marginale, alors que la demande émanant des pays en voie de développement sera très forte dans les trente ans qui viennent. Nous serons donc absents de ce marché. Il suffit pourtant d'un simple arrêté du ministre de l'industrie pour - comme l'a préconisé Jean Besson dans son rapport - augmenter le tarif d'achat de l'électricité solaire photovoltaïque, afin de donner sa chance à cette filière. D'ici 2020, le solaire photovoltaïque aura généré plus de deux millions d'emplois dans le monde. Il est regrettable que la France soit, je le répète, absente de ce marché. Quant à l'éolien, qui, grâce aux tarifs d'achat, commençait à émerger, vos deux amendements le tuent - en commission, j'ai même dit le « flinguent » - alors que la France est le deuxième pays du point de vue des ressources éoliennes et que ses techniques, qui ne cessent de s'améliorer, peuvent participer de plus en plus efficacement dans les années qui viennent à la production décentralisée que j'évoquais voici quelques instants. M. le ministre délégué à l'industrie. Enfin vous reconnaissez la politique du Gouvernement ! M. Philippe Tourtelier. Je disais que les techniques de l'éolien ne cessaient de s'améliorer et pouvaient participer de plus en plus efficacement, dans les années qui viennent, à la production décentralisée, que je soutiens. M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Comme nous ! M. Philippe Tourtelier. Si vos deux amendements sur les éoliennes étaient adoptés, ils priveraient de leurs ressources potentielles de taxe professionnelle beaucoup de communes rurales qui n'ont aucune chance de voir un jour une unité industrielle s'implanter sur leur territoire. Mais ils feraient surtout disparaître immédiatement 200 petites entreprises, qui représentent 2 000 emplois. À l'échéance de 2010, c'est un potentiel de 22 000 emplois dans l'éolien en France dont vous nous privez, alors que vos résultats globaux en termes d'emploi ne sont actuellement pas brillants - puisque le nombre de demandeurs d'emplois dépasse 10 % de la population active. Monsieur le président de la commission, pourquoi un tel acharnement contre les éoliennes. M. Patrick Ollier, président de la commission. Je ne suis pas acharné contre les éoliennes, je veux les organiser. M. Philippe Tourtelier. On a l'impression d'un règlement de comptes, dont on ignore les raisons. Vous prétendez, monsieur le président de la commission, soutenir les éoliennes. Mais, avec les mesures que vous proposez, vous les soutenez comme la corde soutient le pendu. Monsieur le rapporteur, est-ce votre façon d'appliquer les recommandations de votre rapport sur le développement des énergies renouvelables ? Vous êtes comme moi député de l'Ouest et vous connaissez la Bretagne, qui bénéficie du deuxième potentiel éolien en France. Le Conseil régional de Bretagne mène une politique volontariste en matière d'énergies alternatives et a fixé un objectif d'installation d'éoliennes de 1000 mégawatts d'ici 2010. L'ensemble des projets recensés à ce jour est au nombre de 163, pour une puissance installée potentielle de 930 mégawatts. Ces parcs éoliens moyens auraient des puissances individuelles projetées inférieures à 12 mégawatts, conformément à la loi jusqu'à lors en vigueur qui limitait à cette puissance de 12 mégawatts le bénéfice du tarif réglementaire de rachat de l'énergie produite. Or les amendements incriminés disposent que l'obligation d'achat de l'énergie produite serait réservée aux parcs de plus de 20 mégawatts - 30 mégawatts dans les premières versions que vous avez votées initialement en commission - dans des zones de développement de l'éolien. Il n'existe, à ce jour, aucun parc de cette taille en Bretagne, ni ailleurs probablement. L'habitat diffus qui caractérise notre région interdit l'implantation de projets éoliens de très grande puissance. Si ces amendements étaient votés, ils remettraient en cause le développement de la filière éolienne en Bretagne comme dans beaucoup d'autres régions. C'est pourquoi, le Gouvernement doit revenir sur ces amendements qui vont à l'encontre de tout principe de développement durable. Monsieur le rapporteur, vous avez fait une partie du chemin en admettant désormais le principe que l'obligation d'achat peut s'appliquer au-dessus de 12 mégawatts. Allez jusqu'au bout de votre logique : conservez la situation actuelle et portez le plafond de 12 à 50 mégawatts, les conditions d'implantation de ces nouvelles fermes étant plus encadrées. M. Yves Cochet. Très bien ! M. Philippe Tourtelier. Quant à vous, monsieur le président de la commission, votre seul argument contre les éoliennes est la défense du paysage. Mais à ce compte-là, vous auriez été contre les moulins à vent au Moyen Âge ! J'ai lu vos déclarations dans des dépêches récentes. Vous voulez « éviter la pollution des paysages ». Mais je vous fais remarquer que cette supposée pollution est facilement réversible, il suffit de démonter les mâts. J'aimerais, monsieur le « nucléocrate assumé » - puisque vous déclarez assumer votre choix en faveur du nucléaire - que vous ayez la même sensibilité à la pollution par les déchets radioactifs qui, elle, est irréversible. M. Yves Cochet. Excellent ! M. Philippe Tourtelier. Comment allez-vous faire pour limiter les dégâts paysagers des nombreux très grands pylônes qui devront être installés pour distribuer l'électricité de l'EPR de Flamanville ? Vous êtes en pleine contradiction ! Quelles sont vos véritables motivations ? Je n'ose imaginer que le lobby nucléaire ait peur des quelques milliers de mégawatts produits par les éoliennes. À moins que ces éoliennes ne soient pour vous, comme pour d'autres, et peut-être inconsciemment, le symbole, comme l'ensemble des énergies renouvelables, d'une autre conception de notre organisation politique, économique et sociale, conception que vous refusez. Mes chers collègues, vous ne pouvez maintenir ces amendements qui vont détruire irrémédiablement des entreprises et des emplois, et désespérer ceux de vos amis politiques qui parient sur un minimum d'ouverture d'esprit de votre part sur les questions énergétiques. Vous écrivez que l'objectif de 2020 pour la production d'électricité à partir des énergies renouvelables sera fixé en 2010. Je crains que vous ne soyez plus là pour le faire : nos concitoyens ne vous pardonneront pas d'être restés campés sur vos positions, car ils sont plus de 80 % à être favorables à cette forme de production d'électricité et les enquêtes faites dans les départements équipés confirment cette tendance. |Il vous est encore possible de ne pas perdre un temps précieux pour tous quand on voit l'inertie qui existe entre la prise de décision et les résultats dans les domaines de l'énergie et l'effet de serre. Les chiffres que vous nous avez communiqués ce matin, monsieur le ministre, sont éloquents : la contestation des permis n'est pas propre aux éoliennes. Vous nous avez dit aussi que des permis ont été refusés, ce qui montre qu'on peut faire confiance aux autorités locales et que ce n'est pas l'anarchie. Le nombre de permis délivrés est significatif. Pourquoi se priver d'un tel apport à l'avenir ? Le système fonctionne sans risque pour nos paysages, mais il n'est pas suffisant pour atteindre nos objectifs. Amendez-le en étendant le bénéfice de l'obligation d'achat aux installations supérieures à 12 mégawatts, et en incitant à l'installation de fermes éoliennes supérieures à 20 mégawatts. Voilà une proposition de synthèse, et si vous l'approuviez, vous montreriez votre volonté de développer l'éolien en France. Vous rééquilibreriez ainsi votre texte en faveur des énergies renouvelables par rapport au nucléaire, évitant le procès d'une « vraie fausse diversification énergétique ». Vous abordez ensuite la question de la production de chaleur, en particulier dans le bâtiment, avec un objectif d'augmentation de production d'origine renouvelable de 50 %, soutenu par des mesures fiscales et l'affirmation d'un plan pluriannuel d'investissement chaleur. Tout ceci va dans le bon sens, mais là encore, nous partons de si loin par rapport à tous les autres pays européens qu'une augmentation de 50 % est un objectif somme toute bien modeste. Et le fait de fiscaliser l'aide, qui pour le particulier est l'équivalent des aides émanant de l'ADEME, va dans le sens de la simplification et, on voudrait le croire, de la pérennité. Sauf qu'il aurait fallu ne pas baisser les moyens de l'ADEME pour qu'elle puisse investir sur d'autres champs concernant l'énergie. Mais il faut bien baisser l'impôt sur le revenu ! Quant aux transports, avec les biocarburants, nous remplissons seulement nos engagements européens. On sait que ce n'est qu'une toute petite partie de la solution compte tenu de la surface cultivable qui serait nécessaire pour la substitution au pétrole. Il faut donc là aussi utiliser tous les leviers. Le passage du projet de loi au Sénat a failli se traduire par la suppression de la mention de la nécessité de réorienter le trafic fret et passagers de la route vers le rail. Vous avez rétabli cet objectif, monsieur le rapporteur, et c'est bien. Mais avec quels moyens quand on sait que vous avez supprimé les subventions aux études de plan de déplacement urbain, et diminué de façon drastique les subventions aux transports en commun ? On ne peut que constater que vous vous privez d'un des moyens les plus sûrs de diminuer notre dépendance aux produits pétroliers et d'agir efficacement contre les gaz à effet de serre. Nous arrivons maintenant à votre quatrième axe, le plus important : maîtriser la demande énergétique. Vous paraissez hésiter : vous affirmez un objectif de 2 % de baisse de l'intensité énergétique finale dès 2015, mais 2015, c'est loin. Pourquoi refusez-vous d'afficher des objectifs intermédiaires, qui montreraient votre volonté politique de prendre immédiatement les mesures permettant d'atteindre cet objectif en 2015 ? Croyez-vous vraiment à l'efficacité des moyens que vous proposez : la fiscalité, la réglementation et la sensibilisation ? Je comprends votre prudence : si vous avez un début de réponse sur une fiscalité incitative, vous vous refusez en fait à passer une véritable réglementation : nous l'avons vu dans votre recul sur le bonus-malus des 4 x 4. Nous le voyons surtout, et c'est plus grave, dans votre refus d'intervenir efficacement sur le parc ancien de logements. Le bâtiment représente 46 % de notre consommation d'énergie. Ce secteur est le deuxième responsable des rejets de gaz à effet de serre après les transports. Pour atteindre l'objectif de division par quatre des gaz à effet de serre en 2050, compte tenu de notre faible marge de manœuvre sur les transports, il faut faire des économies d'énergie très importantes sur le parc ancien de logement. Or, avec un taux de renouvellement du parc de 1 % par an, comme vous le rappelez, le parc actuel représentera encore les deux tiers du parc total en 2050. La mise aux normes thermiques de 400 000 logements en moyenne par an est incontournable. Si elle doit être encouragée fiscalement, il convient de la rendre obligatoire à l'occasion des reventes. Ne pas prendre ces mesures - à préciser bien sûr par décret au niveau des seuils de performance énergétique requis - c'est renoncer à atteindre deux de vos quatre objectifs : le respect de l'environnement et la maîtrise de l'énergie. Vous misez enfin sur l'information et la sensibilisation de nos concitoyens. Mais vous ne vous en donnez pas les moyens en refusant de vous appuyer sur les collectivités territoriales, interfaces privilégiées pour cette mobilisation citoyenne. Nous vous avons proposé un ensemble cohérent, lisible, permettant d'afficher au niveau national et régional des objectifs clairs par un réseau d'observatoires préparant les déclinaisons régionales des objectifs nationaux avec des plans proposés aux conseils régionaux et évalués régulièrement. Pour la mise en œuvre, nous vous avons proposé que les intercommunalités, responsables de l'élaboration des politiques de transport et d'habitat, deux secteurs qui font l'essentiel de nos consommations énergétiques, puissent tout naturellement se doter de compétences dans le domaine de l'énergie. Non seulement, vous avez refusé d'inscrire ces propositions dans la loi sur les responsabilités locales, ce qui était pourtant leur vraie place, mais vous refusez encore de les prendre en considération. Vos mésestimez la capacité d'exemplarité et d'entraînement des collectivités territoriales : placez donc les intercommunalités devant leurs responsabilités en leur demandant d'accompagner leurs PDU et leurs PLH d'une annexe énergétique, comme vous le faites pour les SAGE, et en leur donnant les compétences pour assumer ces responsabilités. Demandez aux collectivités locales, comme elles le font pour l'eau, de faire un rapport annuel sur l'énergie. Ne considérez pas l'obligation éventuelle d'accompagner certaines délibérations d'une annexe énergétique comme un alourdissement du travail dans les collectivités, mais comme leur contribution à la recherche d'économies d'énergie. Elles sont prêtes à avoir une politique claire et exemplaire pour mobiliser l'ensemble de nos concitoyens autour de cet objectif essentiel de maîtrise de l'énergie qui passe inévitablement aussi par un changement de nos comportements. Seule, cette mobilisation conjointe de l'État et des collectivités territoriales, permettra d'atteindre une maîtrise significative de la demande énergétique et la mise en place du service public de l'énergie que vous évoquez. Vous nous proposez un texte qui dans sa rédaction actuelle n'est pas à la hauteur des enjeux du développement durable de notre planète. Nous sommes d'accord avec vous, « la maison brûle ». Mais vous vous contentez d'inciter les gens à aller chercher de l'eau, et encore avec un gobelet ! Avec cette loi, prenons nos responsabilités. La déclaration d'urgence n'a pas permis à notre commission de replacer cette question de l'énergie dans son contexte mondial et européen, d'approfondir les propositions issues du débat public, d'auditionner les trois sages, M. Besson et M. le ministre de l'écologie et du développement durable. Toutes ces auditions auraient permis de formuler des propositions plus riches, certaines probablement plus consensuelles, et en tout état de cause, auraient évité ces amendements de dernière minute qui vont à l'encontre des objectifs affirmés. Il est donc essentiel que nous approfondissions notre travail pour arriver à une véritable loi d'orientation énergétique pour les années à venir, une loi efficace et mobilisatrice. C'est pourquoi, je vous propose le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. M. Serge Poignant, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Vous étiez censé, monsieur Tourtelier, défendre une motion de renvoi en commission. Mais, à l'exception des dernières phrases de votre exposé, je n'ai entendu qu'une déclaration générale. M. Philippe Tourtelier. Non ! M. Serge Poignant, rapporteur. Par ailleurs, vous étiez supposé parler au nom du groupe socialiste. Or vous vous êtes substantiellement démarqué de vos collègues, M. Dosé en particulier, qui a justement reconnu le mérite du projet de loi. M. Philippe Tourtelier. Il a aussi parlé de ses insuffisances ! M. Serge Poignant, rapporteur. Contrairement à lui, vous avez déclaré que ce projet de loi est vide. M. Dosé, lui, a reconnu le travail parlementaire qui a été accompli. Nous avons en effet, en première lecture, enrichi le projet initial en reprenant dans le corps même du texte des objectifs très précis qui figuraient à l'origine dans l'annexe. J'observe également que vous avez pris encore plus de distance avec votre collègue Christian Bataille,... M. Philippe Tourtelier. C'est l'inverse, c'est lui qui se différencie de moi ! M. Serge Poignant, rapporteur. En effet, M. Bataille estime qu'il faut afficher les objectifs nucléaires. Il est même allé plus loin, à la fois sur la fission pour les troisième et quatrième générations, et sur la fusion. Vous semblez donc vous placer sur des terrains très différents. S'agissant des objectifs, nous en rediscuterons au cours de la discussion des articles et des amendements. En outre, je ne suis pas d'accord avec votre appréciation quand vous nous reprochez d'avoir limité notre approche à l'électricité. Nous avons certes abordé l'électricité, mais aussi, au-delà du nucléaire, l'ensemble des énergies renouvelables, sans opposer les deux. Au sein des énergies renouvelables, nous nous sommes intéressés à l'hydraulique, à la géothermie ou à d'autres sources, comme le solaire photovoltaïque. Nous sommes longuement arrêtés sur l'hydraulique, qui représente aujourd'hui 13 à 14 % de notre parc énergétique. Nous avons non seulement parlé des transports, en réaffirmant notre objectif de 5,75 % de biocarburants en 2015, mais aussi pris des mesures en ce sens. Vous me reprochez de ne pas respecter ce que j'ai écrit dans mon rapport. C'est faux. J'ai toujours dit, même dans mon rapport préliminaire, qu'il faudrait aller vers 21 % de production d'énergie d'origine renouvelable dans notre consommation intérieure, mais aussi, en complément, d'aller vers 10 % d'énergie primaire. Pourquoi ? Parce que l'énergie thermique est essentielle, et nous pouvons gagner beaucoup par rapport aux énergies renouvelables. Alors ne dites pas que nous n'avons parlé que d'électricité. Nous avons déposé un certain nombre d'amendements sur la chaleur, sur le crédit d'impôt, que le Gouvernement a bien voulu accepter d'intégrer dans le projet de loi de finances. Nous sommes allés encore plus loin pour le bâtiment, l'habitat. M. Philippe Tourtelier. Ce sont des alibis ! M. Serge Poignant, rapporteur. Vous regrettez l'absence du ministre de l'écologie, mais alors il faudrait qu'il soit toujours présent, que l'on parle d'urbanisme ou d'agriculture par exemple. Or il ne peut pas être partout ! M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Le Gouvernement est uni ! (Sourires.) M. Serge Poignant, rapporteur. Nous avons déjà parlé de l'énergie solaire. Quant aux éoliennes, nous en débattrons à l'occasion de l'amendement qui en traite. Vous avez cité, à ce propos, des pays que citait Patrick Ollier, ce matin même : le Danemark, l'Allemagne et l'Espagne. Certains citeront en exemple le grand nombre d'éoliennes au Danemark, les autres rétorquant que ce pays ne présente pas les mêmes spécificités que le nôtre. On peut en discuter longtemps. Je m'en tiendrai, pour ma part, à l'attitude à laquelle nous invitait M. Dosé : ne nous jetons pas d'anathèmes à la figure ! M. Philippe Tourtelier. Je n'ai fait que des constats ! M. Serge Poignant, rapporteur. Gardons l'équilibre en toute chose. Le Gouvernement a eu le mérite de présenter ce projet de loi : que ne l'avez-vous fait avant, mes chers collègues de l'opposition, lorsqu'il y avait un ministre « Vert » au sein du gouvernement ? Je demande, bien sûr, à tous mes collègues de s'opposer à la motion de renvoi en commission, parce que nous y avons procédé à une seconde lecture qui a largement complété la première. M. le président. La parole est à M. Claude Gatignol, pour une explication de vote, au nom du groupe de l'UMP. M. Claude Gatignol. Nous avons écouté avec attention Philippe Tourtelier qui défendait, du moins je le croyais, une motion de renvoi en commission. Mais il l'a trop placée sous le signe de la polémique, ce qui ne convient ni au sujet, ni au climat dans lequel se déroule notre débat, et d'autant moins qu'il s'agit d'une deuxième lecture : un renvoi en commission signifierait qu'il ne s'est rien passé au cours de la première lecture à l'Assemblée nationale, ni au cours de celle qui a eu lieu au Sénat, pas plus qu'au sein de la commission. Sans reprendre vos arguments, monsieur Tourtelier, j'affirme qu'une partie de votre analyse du texte rejoint la nôtre. Et d'ailleurs, en tentant d'étoffer certains de ses articles, vous reconnaissez, en quelque sorte, que le texte identifie des axes d'action et prévoit des moyens pour atteindre ses objectifs. M. Philippe Tourtelier. Il ne prévoit pas de moyens ! M. Claude Gatignol. Or ce n'était pas si facile ! Ainsi, vous critiquez les transports : il ne faut pas toujours raisonner en termes de pourcentages, mais de façon plus globale, quelquefois en termes de masses, par exemple, en quantité de tonnes de CO2 éliminées, et ce par un pays tout entier. Je vous renvoie aux conclusions de M. Axel Friedrich, expert reconnu de l'Office fédéral de l'environnement allemand,... M. Patrick Ollier, président de la commission. Très intéressant, en effet ! M. Claude Gatignol. ...qui vient de demander aux autorités allemandes d'imposer le filtre à particules français à tous les véhicules, et souhaite que ce soit généralisé à toute l'Union. Selon lui, en matière d'émissions de CO2, c'est la France qui donne l'exemple et qui a pris les bonnes décisions,... M. François-Michel Gonnot. Très bien ! M. Claude Gatignol. ...que ce soit pour l'électricité - alors que vous diabolisez le nucléaire -... M. Philippe Tourtelier. Mais non ! M. Claude Gatignol. ...ou pour les véhicules -, alors que vous reprochez au Gouvernement de ne pas en faire assez dans le cadre des plans de transports. En réalité, le parc de voitures français, parce que le taux de diésélisation atteint 70 % des immatriculations, est le plus performant en Europe. On ne peut pas laisser dire certaines choses. Vous prétendez que les énergies renouvelables sont marginalisées. C'est pourtant bien grâce à nos travaux en commission que certains amendements - le président Ollier y a fait allusion - permettront le maintien, voire le développement du potentiel de l'hydroélectricité, énergie renouvelable s'il en est... M. Patrick Ollier, président de la commission. Bien sûr ! M. Claude Gatignol. ...et qui, de surcroît, présente le rare avantage d'une possibilité de stockage. Selon vous, le soutien aux énergies renouvelables est insuffisant. Il est tout de même question d'un triplement de la production de biocarburants ! Quant à la recherche, nous avons récemment débattu de son budget et de ses orientations, et vous voyez qu'on en revient à une approche interministérielle. L'Agence nationale de la recherche a, parmi ses priorités, un programme de recherches sur l'énergie. Décidément, oui, ce texte est consistant. Il fixe des objectifs et donne des moyens. La commission a accompli un travail considérable et recherché le consensus, autant que possible. Beaucoup d'amendements de l'opposition ont été retenus, comme de la majorité, mais pas tous. Bref, le travail en commission a été fait et je ne m'associerai donc pas, ni le groupe de l'UMP, à votre proposition : nous ne voterons pas le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. Il n'y a pas d'autre demande d'explication de vote ?... Je mets aux voix la motion de renvoi en commission. (La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.) M. le président. J'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique. M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels avant l'articler 1er A. La parole est à M. François Dosé, pour soutenir les amendements nos 247, 290 et 291, qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune. M. François Dosé. Nous savons bien que les énergies représentent un enjeu essentiellement économique, mais nous voulons rappeler qu'il s'agit aussi d'une question environnementale et qu'on ne saurait faire l'impasse sur les solidarités sociale et territoriale. Si l'on ne conjugue pas efficacité et solidarité, la politique de l'énergie ne sera pas une bonne politique. Il faut donc rappeler que c'est le service public qui l'assume et ajouter aux objectifs économiques qu'on lui assigne des obligations environnementales, sociales et territoriales. Pour le reste, on en revient à ce que je disais ce matin : hiérarchisation, maîtrise de la demande d'énergie, diversification des sources de production et d'approvisionnement. M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Serge Poignant, rapporteur. Avis défavorable aux trois amendements. Nos collègues socialistes et Verts ont déposé un certain nombre d'amendements portant articles additionnels avant l'article 1er A, c'est leur droit : ils nous font part de ce qu'ils auraient voulu que le texte contienne. Nous considérons, pour notre part, qu'ils ne sont pas à leur place à cet endroit du texte. Certains articles comportent des mesures qui nous donneront l'occasion d'en rediscuter ultérieurement. M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie, pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements en discussion. M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Le Gouvernement est du même avis que la commission : ces amendements ne sont pas à leur place et font doublon avec l'amendement de la commission, n° 80, à l'article 1er, que M. Dosé connaît bien, puisqu'il l'a sous-amendé trois fois. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 247. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 290. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 291. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l'amendement n° 153. M. Yves Cochet. Avant de présenter cet amendement, et quelques autres par la suite - que l'on n'y voie pas de ma part, une quelconque volonté d'obstruction -, je me permets de déplorer que, sur la « feuille jaune » qui a été distribuée en début de séance, ne figuraient pas ces amendements qui tendent à proposer une politique énergétique alternative. Heureusement, cette erreur a été corrigée, et je m'en félicite car c'est pour le bien de la démocratie et du droit élémentaire qu'ont les parlementaires d'exprimer un avis éventuellement contraire à celui du Gouvernement, ce qui est d'ailleurs plus un devoir qu'un droit pour l'opposition. Mais venons-en au fond de l'affaire. Si je propose cet amendement, et quelques autres, c'est que je crois que notre pays a besoin d'une tout autre politique énergétique, car celle-ci est indigente et aveugle. Je vais m'en expliquer en exposant des faits et en dénonçant les carences du texte, entre autres dans le domaine des transports. Notre société est confrontée à trois risques principaux : d'abord, la pollution de l'air et les émissions de gaz à effet de serre - dont on commence, enfin, à parler, alors que, du temps où je faisais campagne avec René Dumont, en 1974, nous étions moqués et dont il semble que l'on rie moins à présent ; le nucléaire, ensuite, dont j'essaierai de démontrer qu'il n'est pas la solution pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais au contraire un appel à la prolifération, y compris militaire, et au détournement de combustibles et de matériaux fissiles, donc très dangereux ; enfin - et j'insisterai surtout sur ce phénomène, mal connu et mal compris, voire nié, ce qui est très grave -, ce que l'un d'entre nous a appelé, ce matin, le peak oil, qui surviendra bientôt. Il n'est pas question, en l'occurrence, des réserves de pétrole pour quarante ans. Cela n'a aucun sens du point de vue économique ou politique. Ce qui va compter, c'est, bien évidemment, le prix de l'énergie : quand le prix du pétrole, de 25 dollars jadis, puis 55 aujourd'hui, passera à 100 ou 150 dollars le baril, nous entrerons dans un autre monde, et c'est pour bientôt, avant 2010 ! Monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à votre disposition un schéma de l'université d'Uppsala qui montre que ce que l'on appelle, en termes techniques, le « pic de Hubbert » de la production mondiale d'hydrocarbures liquides se situe plutôt vers 2006 ou 2007, dans un ou deux ans ! Oui, il existe une guerre pour le pétrole. Mais ce n'est pas là l'aspect essentiel, pas plus que l'excès structurel de la demande par rapport à l'offre. Ce qui importe, c'est que nous sommes dans une période de déclin intrinsèque de la production mondiale d'hydrocarbures liquides, alors que la demande continue de croître, et pas seulement de la part de la Chine, de l'Inde, du Brésil ou de l'Afrique du Sud, mais aussi des États-Unis et de l'Europe. Nous serons confrontés à un triple choc : géopolitique, économique et géologique, qui ne ressemblera pas à ceux de 1973 et de 1979. Ne raisonnons plus avec un logiciel neuronal du passé, du XXe siècle. Nous ne sommes plus dans le même monde. Il faut observer la situation, en tenant compte de la singularité de la séquence historique actuelle. La plupart des pays exportateurs de pétrole sont en déplétion. L'Indonésie, qui était à la présidence de l'OPEP, est à présent importatrice de pétrole. C'est le cas aussi de la Russie, qui a passé son « pic de Hubbert », il y a vingt ans, de l'Europe qui est en déclin de production pétrolière depuis cinq ans. Quant aux États-Unis, leur déclin date de trente-cinq ans : alors qu'il étaient les rois du pétrole jusqu'en 1970, ils importent maintenant 55 % de leur consommation. Quant aux pays du Moyen-Orient, il reste une incertitude. Cela étant, des études géologiques montrent que ces pays verront dans les années à venir, probablement avant 2010, le déclin intrinsèque de la production de produits pétroliers. Le monde va donc changer, mais votre texte fait l'impasse sur ce point. Voilà pourquoi j'ai déposé l'amendement n° 153. M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Serge Poignant, rapporteur. Ce que j'ai dit à M. Dosé vaut pour M. Cochet puisqu'il veut, lui aussi développer une politique énergétique alternative. M. Tourtelier, à qui j'ai demandé pourquoi il n'avait rien fait, m'a répondu qu'à l'époque, il n'était pas sur ces bancs. Dont acte. Quant à vous, monsieur Cochet, vos fonctions ministérielles auraient dû vous permettre, en 2001, de mettre en place un dispositif. Si vous découvrez maintenant le choc énergétique, c'est inquiétant. La commission est donc défavorable à l'amendement n° 153, ainsi qu'aux suivants de M. Cochet, puisqu'ils s'inscrivent dans le cadre de la même politique alternative. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable. M. Cochet vient de nous expliquer avec une grande éloquence que le risque majeur était dû au pétrole, alors que, dans son amendement, il place le nucléaire au premier rang des risques technologiques. Je comprends mal cette contradiction. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 153. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir les amendements nos 155 et 156, qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune. M. Yves Cochet. Mon but n'est pas de faire de l'obstruction ni d'allonger le débat. Sur la quarantaine d'amendements que j'ai déposés avant l'article premier A, je ne défendrai que ceux qui me semblent les plus significatifs des orientations de la politique énergétique que je propose, et je le ferai en développant des arguments rationnels et chiffrés, afin de montrer que mes propositions sont préférables à celles du Gouvernement. L'amendement n° 155 donne une définition - européenne - de ce que sont les énergies renouvelables. J'en profite pour m'adresser à M. Gatignol qui, dans un amendement que nous examinerons ultérieurement, veut nous faire croire que les pompes à chaleur relèvent des énergies renouvelables. Ce n'est le cas ni en France ni en Europe, et j'espère qu'elles ne seront jamais considérées comme telles ! Si un mot doit résumer ma politique, c'est celui de sobriété, car c'est le moyen le plus efficace pour réduire les effets du peak oil, qui seront dévastateurs dans tous les domaines : l'économie, le social, les transports et l'agriculture. L'automne dernier, la hausse du prix du pétrole a durement touché marins pêcheurs, agriculteurs et transporteurs routiers, qui l'achètent détaxé. La vérité du marché n'est pas la même selon que le baril est à 25 ou à 100 dollars. C'est une simple multiplication par quatre, qui relève de l'arithmétique élémentaire ! Lorsqu'il y a des taxes, on peut les baisser dès lors que le cours du baril augmente. M. Sarkozy a d'ailleurs promis un remboursement, mais qu'en sera-t-il ? Selon moi, face à ce peak oil, la meilleure stratégie, avec le développement des énergies renouvelables, c'est la sobriété dont j'énumérerai les qualités dans une liste à la Prévert. Elle incite à créer des PME et PMI, donc des emplois locaux, développe les industries d'équipement, renforce l'indépendance énergétique et allège la facture tant pour la France que pour les ménages - cela coûte moins cher de ne pas dépenser des kilowattheures ou des thermies -, consolide l'aménagement et le développement durable du territoire, participe à la protection et à l'amélioration de l'environnement, et permet de respecter nos engagements internationaux pour lutter contre le changement climatique. Quant à l'amendement n° 156, il indique que, face au risque d'épuisement des ressources au milieu du siècle et, auparavant, à l'explosion des prix, le développement des énergies renouvelables apporte de la liberté au système énergétique. Les énergies fossiles représentent 80 % de la consommation mondiale - le marché de l'énergie est en grande partie mondial, sauf peut-être dans certains domaines comme l'électricité. Ce sont donc des centaines, voire des milliers de milliards d'euros qui concernent aujourd'hui le marché mondial des énergies fossiles. Sur les 20 % qui restent, la biomasse grâce au bois et l'hydroélectricité représentent 12 %, le nucléaire 7 %, et les nouvelles énergies renouvelables, celles que nous soutenons, l'éolien, le solaire thermique, le solaire photovoltaïque, la cogénération, le biogaz, moins de 1 % de la consommation énergétique mondiale ! Ce sont des centaines de milliards qu'il faudra investir pendant de nombreuses années pour modifier la composition énergétique du monde, notamment de notre pays. Cela fait trente ans que nous ne cessons de le répéter. Le Gouvernement nous suivra-t-il sur ce point ? Le pétrole est un véritable miracle chimique, qui fournit une énergie intense sous un faible volume. En outre, les usages pétrochimiques sont multiples. Il suffit de regarder autour de nous : vêtements, moquette... M. François-Michel Gonnot. Votre magnifique cravate ! (Sourires.) M. Yves Cochet. La moitié de ce qui nous entoure est fabriqué à base de pétrole et, en outre, tout est venu par camion. Un baril de pétrole représente au moins 10 000 heures de travail, en tenant compte du rendement des meilleurs engins convertisseurs de carburant en travail mécanique. Pourra-t-on lui trouver un substitut dans les transports, qui fonctionnent pour 95 % au pétrole ? On se le demande. J'en reparlerai en défendant plus loin un autre amendement, mais les biocarburants, hélas, ne suffiront pas. M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 155 et 156 ? M. Serge Poignant, rapporteur. Les objectifs de Kyoto sont largement rappelés dans le projet de loi et la définition des énergies renouvelables est proposée à l'article 8 A. Avis défavorable. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué à l'industrie. Le Gouvernement est défavorable aux deux amendements qui sont satisfaits plus loin dans le texte, par exemple à l'article 8 A. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 155. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 156. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir les amendements nos 176 et 177, qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune. M. Yves Cochet. L'amendement n° 176 est défendu. L'amendement n° 177 concerne la question éminemment critique de l'EPR. J'en reparlerai lors de l'examen d'un article qui traite d'un démonstrateur. La relance du programme électronucléaire et la construction de l'EPR en particulier constituent une aberration. M. Messmer avait lancé le programme en 1974 dans des conditions bien peu démocratiques, comme le raconte un ancien président d'EDF dans son livre, Haute tension, paru en 1994, parce que le lobby nucléaire avait su le convaincre en quelques jours, sous le coup du premier choc pétrolier. Comme si le nucléaire pouvait remplacer le pétrole, alors qu'il n'a pas les mêmes applications ! Essayez donc de faire décoller un avion avec du nucléaire ou avec des éoliennes ! M. le ministre délégué à l'industrie. Pour le chauffage, c'est possible ! M. Yves Cochet. Cette génération de centrales entrera en fin de vie à partir de 2017. Mais comme notre production est un peu excédentaire, il n'est nul besoin de se presser. Construire l'EPR donnera du travail à Framatome et à Areva, mais ne répondra pas aux vrais besoins. Je tiens à dénoncer certaines contrevérités économiques : le calcul du coût du kilowattheure d'origine nucléaire repose sur une fausse hypothèse, car il n'inclut pas le coût du démantèlement. On avait bien prévu de réserver des crédits pour cela, mais ils ont servi à jouer au monopoly en Amérique du Sud, et n'ont pas profité au chiffre d'affaires d'EDF. C'était le monopoly à l'extérieur et le monopole à l'intérieur ! Aujourd'hui, cela ne peut plus fonctionner ainsi, du fait de l'Europe. M. le ministre délégué à l'industrie. Vous êtes pour la privatisation ? M. Yves Cochet. Non, comme M. Paul, je suis pour un grand service public de l'électricité et de l'énergie, mais je suis contre le nucléaire. Quant au coût des déchets, il est très difficile à évaluer. Je ne connais pas au monde un économiste sérieux - à supposer qu'il en existât - capable de calculer le coût actualisé de leur gestion dans deux ou cinq siècles ! Car les déchets sont là et il faudra, très longtemps encore, assumer cette conséquence du recours au nucléaire. C'est pourquoi il faut en sortir au plus vite. Enfin, il y a le coût des assurances. En France, comme d'ailleurs dans d'autres pays, le régime de garantie assurantielle contre les accidents dont bénéficie l'industrie électronucléaire est exorbitant du droit commun. Dans les autres industries, comme la chimie, par exemple, le principe de la responsabilité civile s'applique. Si l'enquête, toujours en cours, sur l'explosion survenue dans l'usine d'Azote de France conclut à une responsabilité pleine et entière de Total, l'entreprise devra rembourser 100 % des dommages. Mais il n'en est pas de même pour le nucléaire, qui ne peut pas s'assurer : le risque est en effet plafonné. En cas d'accident, ce sont les contribuables, c'est-à-dire les victimes, qui devraient assumer le coût des dégâts provoqués par le pollueur - en l'occurrence EDF -, ce qui est tout à fait paradoxal. Le coût du kilowattheure issu du nucléaire est donc largement sous-estimé. On l'a bien vu, d'ailleurs, au moment de l'explosion de la centrale de Tchernobyl. Enfin, le choix de l'EPR renforce l'usage du combustible MOX, issu du retraitement, et qui n'est pas lui-même sans poser des problèmes. L'usage et le transport de plutonium sont en effet la source de nouveaux risques, comme l'a bien montré l'ONG Greenpeace lorsqu'elle a arrêté, il y a deux ans, en Bourgogne, un camion d'Areva qui en transportait. C'est stupéfiant ! Vous rendez-vous compte de la menace que pourrait constituer le détournement d'un tel chargement par des terroristes ? Nous ne pouvons pas accepter ce risque pour notre pays ! M. Claude Gatignol. Il faudrait des camions invisibles ! M. Yves Cochet. Or, ce risque, vous le renforcez : non seulement l'EPR fonctionnera au MOX, mais il faudra retraiter celui-ci après son utilisation. Ce qui implique de l'entreposer en surface - et je ne parle même pas de l'enfouissement profond, qui a votre préférence -, non pendant cinquante ans, comme pour les oxydes d'uranium, mais pendant cent cinquante ans ! Vous pouvez imaginer les forces policières, voire militaires, qu'il faudra mobiliser pour protéger ce MOX irradié. L'EPR est donc inutile et dangereux. Il ne faut pas entreprendre sa construction, monsieur le ministre. M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 176 et 177 ? M. Serge Poignant, rapporteur. Défavorable sur les deux amendements, monsieur le président. Nous ne partageons absolument pas le souhait de M. Cochet d'une politique alternative. Le choix du nucléaire est d'ailleurs clairement affirmé par ce projet de loi et défendu sur nombre de ces bancs. Ainsi, M. Paul, éminent collègue issu de l'ancienne majorité plurielle, rappelait ce matin la pertinence du choix nucléaire au nom de la sécurité de l'approvisionnement, de l'indépendance énergétique et du droit à l'énergie pour tous. En outre, faute de réaliser l'EPR, je me demande vers quelle alternative nous pourrions nous tourner en attendant la quatrième génération de réacteur. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable à l'amendement n° 176 et à l'amendement n° 177. M. Cochet affirme que le nucléaire ne peut pas remplacer le pétrole. Je note que le choix effectué en 1974 en faveur du nucléaire n'a pas seulement amélioré notre indépendance énergétique - passée de 26 % à l'époque à 50 % aujourd'hui -, ... M. Yves Cochet. Je vous répondrai sur ce point ! M. le ministre délégué à l'industrie. ...il a également permis de produire 400 millions de mégawattheures par an, et donc d'éviter la consommation de 40 millions de tonnes équivalent pétrole par an depuis 1974. Cela fait beaucoup de pétrole économisé grâce au nucléaire. M. le président. La parole est à M. Daniel Paul. M. Daniel Paul. Je voterai l'amendement n° 176. Choisir les sources et technologies aux plus faibles impacts en termes d'effet de serre et rechercher les meilleurs rendements ne nous pose aucun problème et semble même devoir aller de soi. En ce qui concerne l'amendement n° 177, si je suis sur la même longueur d'onde que M. Cochet au sujet de la mise en place d'un service public de l'énergie, nos opinions divergent - ce n'est d'ailleurs un secret pour personne - s'agissant de la filière électronucléaire. Compte tenu de l'importance de l'énergie, de son rôle dans l'évolution de notre société et dans l'aplanissement de certaines inégalités - sans parler du développement économique -, nous considérons en effet que l'indépendance énergétique de notre pays doit constituer une grande priorité. De même, nous devons privilégier tout ce qui contribue à lutter contre la pollution, l'effet de serre, etc. Or l'énergie électronucléaire nous semble, à l'heure actuelle, un des moyens d'avancer dans cette direction. Mais elle l'est à deux conditions, dont dépend également, d'ailleurs, l'adhésion de la population française à cette source d'énergie. La première est la maîtrise publique de l'outil de production. La seconde est que l'entretien, la sécurité, la sûreté soient parfaitement assurés. À cet égard, nous ne cachons pas nos inquiétudes devant l'évolution d'EDF et la façon dont on a recours, depuis quelques années, à ceux que l'on appelle les « nomades du nucléaire » - inquiétudes que le groupe communiste n'est d'ailleurs pas seul à éprouver : j'ai cru comprendre, en effet, que l'ensemble des organisations syndicales d'EDF les partageaient. Pour autant, nous sommes confrontés à l'épuisement prévisible des ressources fossiles, au maintien à un niveau élevé des besoins en énergie et à l'arrivée en fin de vie des centrales construites depuis les années 70. En effet, même si on prolonge de quelques années leur utilisation, celles-ci produiront moins en raison de leur âge, et le problème de leur remplacement restera entier. C'est pourquoi nous sommes favorables au lancement de l'EPR afin d'assurer la transition jusqu'au milieu du siècle. Mais il ne faut pas, compte tenu des délais, se contenter d'un unique exemplaire. M. le ministre délégué à l'industrie. Vous en voulez d'autres ! M. Daniel Paul. N'oublions pas que le premier kilowatt fourni par l'EPR ne sera pas produit avant 2012. M. Claude Gatignol. Exact ! M. Daniel Paul. Or nous savons que les ressources énergétiques tendent à se raréfier. M. le ministre délégué à l'industrie. C'est ce qu'a rappelé M. Cochet, mais sans en tirer les conséquences ! M. Daniel Paul. Exactement. Si nous ne voulons pas nous retrouver en situation de pénurie, les 2 ou 3 % d'économies supplémentaires que nous pouvons réaliser chaque année et le recours à l'hydroélectrique et aux énergies renouvelables ne suffiront pas. Quel gouvernement pourrait assumer la responsabilité d'une pénurie d'énergie en France ou en Europe d'ici dix à quinze ans ? M. le ministre délégué à l'industrie. Celui qui a arrêté Superphénix ! (Sourires.) M. Daniel Paul. C'est la raison pour laquelle, en dépit des réserves que j'ai déjà exprimées sur la politique énergétique du Gouvernement, l'évolution de la situation d'EDF, les questions liées à la concurrence entre producteurs d'énergie ou aux calculs de rentabilité depuis l'arrivée de capitaux privés dans le secteur, je ne voterai pas l'amendement n° 177. M. le président. La parole est à M. François Dosé. M. François Dosé. Nos convictions nous conduisent à approuver l'amendement n° 176, qui ne pose pas de problème. En ce qui concerne l'amendement n° 177, je souhaite formuler deux remarques. La sortie du nucléaire, nous n'y croyons pas, du moins à moyen terme. Il faut sans doute redéfinir son périmètre, se garder du tout-nucléaire, revoir les proportions entre différentes formes d'énergie, ... M. Jean Dionis du Séjour. Très bien ! M. François Dosé. ...mais nous ne pouvons pas nous engager vers la sortie du nucléaire, faute de quoi nous ne pourrions résoudre la problématique énergétique à laquelle nous sommes confrontés. J'en viens à la deuxième phrase de l'amendement. Il me semble qu'une loi d'orientation sur l'énergie devrait notamment définir la répartition entre les différentes sources d'énergie. Ainsi, l'objectif pour 2010 est de parvenir à 21 % d'électricité produite à partir d'énergies renouvelables contre 79 % à partir d'énergie fossile. Mais on pourrait tout autant se fixer, sur vingt ans, un objectif de deux tiers - un tiers, par exemple, sachant que les outils actuels de la filière nucléaire civile seront alors amortis et que les techniques de demain ne seront pas celles d'aujourd'hui. Or nous choisissons de lancer l'EPR, qui permettra une certaine production, et peut-être même une surproduction, sans avoir défini les objectifs. Dans une loi d'orientation, ces derniers devraient pourtant précéder l'outil. On pourrait s'apercevoir demain qu'il suffit de vingt centrales, plutôt que cinquante, pour fournir une certaine quantité d'énergie. Nous nous abstiendrons donc sur l'amendement n° 177. M. le président. La parole est à M. Claude Gatignol. M. Claude Gatignol. Je ne peux accepter les propos tenus par M. Cochet. Certes, il nous a gratifiés d'une analyse du paysage énergétique mondial très intéressante, et à laquelle je souscris en grande partie, notamment en ce qui concerne les réserves pétrolières. En revanche, vouloir, avec le même enthousiasme, nous convaincre de la nécessité de sortir du nucléaire en raison des risques présentés par la filière n'a pas de sens, de même que n'est pas acceptable le souhait qu'aucune construction de nouveau réacteur ne soit entreprise. C'est vraiment rejeter la réalité des faits, notamment en matière de consommation. Je rappelle que 86 024 mégawatts ont été distribués le lundi 21 février vers dix-neuf heures quinze, un record encore jamais atteint. La consommation d'électricité a augmenté de 3,9 % en 2003, de 2,2 % en 2004. Il faut faire face à ces besoins, ce qui nécessite de prendre une décision politique majeure. L'électricité, je le rappelle, sert dans tous les domaines, que ce soit le confort domestique, l'hôpital, l'industrie ou le quotidien. Nous ne pouvons pas prendre n'importe quelle décision. À ce jour, je ne vois honnêtement pas comment nous pourrions faire face à la demande de production sans nos cinquante-huit réacteurs, qui fonctionnent très bien. Je citerai l'exemple de la centrale de Flamanville, que vous connaissez sans doute, monsieur Cochet. En 2004, le premier réacteur a fonctionné 360 jours sur 365, le second a dû s'arrêter pour changer son combustible, mais la centrale a tout de même produit dix-huit milliards de kilowattheures. La surveillance dont cette centrale fait l'objet et les résultats assez exceptionnels qu'elle obtient en termes environnementaux sont une satisfaction pour ceux qui ont contribué à sa conception et à sa construction et pour ceux qui participent à son fonctionnement au quotidien. Vous parlez de précipitation, d'aberration, d'impasse. C'est tout de même faire injure à nos collègues membres de l'Office parlementaire des choix scientifiques dont l'indépendance d'esprit et le sens critique garantissent la justesse de leurs rapports. Les auditions auxquelles il a été procédé voici seulement quelques jours ont témoigné de la considération des instances internationales quant à la filière nucléaire française. La conférence de l'AIEA qui s'est tenue cette semaine à Bercy a montré que, sur les dizaines de pays représentés, la technologie nucléaire française, tant en matière de conception que de fonctionnement, était la plus sûre et la plus compétitive pour produire des kilowatts. Nous le devons à Pierre Messmer et, en premier lieu, à Georges Pompidou. Je n'interviendrai plus sur ce point, monsieur le président, mais vous comprendrez que je ne pouvais m'abstenir de m'exprimer, en mon nom et en celui de l'UMP, sur le problème fondamental de la sortie du nucléaire. M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour. M. Jean Dionis du Séjour. Nous avons publiquement reconnu ce matin à quel point nous avons apprécié le diagnostic qu'ont posé en premier les écologistes sur la situation énergétique. Cela dit, notre collègue Cochet vit quelque chose de difficile en matière de nucléaire, car il est vrai que la méfiance à l'égard du nucléaire a reculé dans cette assemblée et dans l'opinion publique parce que les résultats du nucléaire français en termes de sécurité sont corrects et du fait de l'émergence de l'enjeu climatique. Sur ce point, les solutions proposées par le mouvement écologiste sont courtes. La part du nucléaire dans l'électricité française est très élevée : 78 %. À cet égard, je rejoins tout à fait les propos de François Dosé : ne basculons pas dans l'autre extrême. Une analyse sérieuse des besoins comme des ressources en base, en semi-base et en pointe est nécessaire. À mon avis, les photos « en instantané » en mégawatts sont quelque peu trompeuses. Une fois cet équilibre atteint, en intégrant la volonté d'économiser l'énergie, il faudra recadrer le nucléaire là où il est imbattable, à savoir pour l'approvisionnement de base. Nous devrons, en revanche, être de nouveau offensifs pour ce qui est de la production en semi-base et en pointe des centrales hydroélectriques et au gaz. Nous répondons à ceux de nos collègues qui sont très favorables au nucléaire qu'il ne faut pas nous terroriser intellectuellement. Il est possible, et cela va être fait, de rallonger la durée de vie des centrales nucléaires. Ils savent d'ailleurs que l'opinion des techniciens français diverge sur ce point de celle de leurs homologues américains. Nous avons donc le temps. Nous attendons encore aujourd'hui une réponse à la question concernant le nombre et le rythme des constructions. En matière de nucléaire, dans un sens comme dans l'autre, il ne faut donc pas nous terroriser intellectuellement. Nous voterons contre ces amendements. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 176. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 177. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l'amendement n° 179. M. Yves Cochet. Cet amendement est défendu. M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Serge Poignant, rapporteur. Défavorable. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 179. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l'amendement n° 159. M. Yves Cochet. Cet amendement est défendu. M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Serge Poignant, rapporteur. Défavorable. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 159. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l'amendement n° 150. M. Yves Cochet. Cet amendement est défendu. M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Serge Poignant, rapporteur. Défavorable. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 150. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l'amendement n° 158. M. Yves Cochet. Alors que l'amendement n° 159 fixait l'objectif de réduire de 3 % en moyenne la consommation des énergies primaires de combustibles fossiles, notamment des hydrocarbures, l'amendement n° 158 vise, lui, à réduire de 2 % par an la consommation d'énergie finale. Si nous voulons, souscrivant en cela aux objectifs de M. le Premier ministre, diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050, il faut commencer maintenant. M. Jean Dionis du Séjour. C'est vrai ! M. Yves Cochet. Ce n'est pas en 2049 qu'il faudra s'en préoccuper ! Il y a une inertie considérable de l'ensemble de l'industrie, de la consommation et de la production. M. Jean Dionis du Séjour. Tout à fait ! M. Yves Cochet. L'objectif des amendements nos 159 et 158 correspond d'ailleurs à une diminution de 60 % de notre consommation d'énergie finale à l'horizon 2050. Il faut donc commencer, dès maintenant, à faire preuve de sobriété en pensant à nos enfants et petits-enfants. Je n'aime pas beaucoup le côté abstrait des mots « générations futures » qui tendent à faire croire que le problème se posera beaucoup plus tard. Or cela concerne nos enfants, pour la plupart déjà nés, et nos petits-enfants. Ce sont, de plus, des amendements de paix. J'insiste sur ce mot parce que, dans la configuration triple que j'ai brièvement décrite en début de propos, la crise énergétique dans laquelle nous entrons est à la fois géologique - le pic de Hubbert, le déclin de la production pétrolière - économique - la demande excessivement supérieure à l'offre fera s'envoler les prix -, mais aussi géopolitique avec la guerre. Il y a déjà eu la guerre pour le pétrole. On l'a faite en Irak en 1991, en 2003 et elle se poursuit encore aujourd'hui ! Ne croyez pas que ce soit de type conjoncturel. On nous a raconté que Saddam Hussein était un dictateur. Mais nombre de pays du monde sont des dictatures ! Pourquoi aller là plutôt qu'ailleurs ? On nous a répondu que Saddam Hussein possédait des armes de destruction massive. C'était un leurre auquel certains ont peut-être cru ; ce ne fut pas, bien entendu, mon cas. Personne aujourd'hui ne croit que les États-Unis et la coalition, dont notre pays faisait partie en 1991, se sont rendus en Irak pour constater l'existence d'armes de destruction massive. D'ailleurs, la commission spéciale de l'ONU n'en a pas trouvé. Or Bush et ses amis s'y sont tout de même rendus parce qu'il y a de grandes réserves de pétrole et pas n'importe lequel ! Il est, en effet, des milliers de sortes d'hydrocarbures liquides, notamment de pétroles, comme il est des milliers de sortes de vins, de vignobles et de cépages ! M. le ministre délégué à l'industrie. Vous êtes un poète du pétrole ! (Sourires.) M. Yves Cochet. Je ne suis pas un poète, mais j'essaie de m'informer. Les pétroles sont des mélanges, comme nos vins et nos fromages ! Le pétrole irakien, outre que ses réserves sont considérables, présente l'avantage d'avoir un bas coût d'extraction, un dollar le baril au pied du puits contre 15 à 18 dollars en Alaska et jusqu'à 20, 22, voire 23 dollars dans certaines zones polaires où l'on fait de l'offshore profond. Après le baril coûte 55 dollars sur le marché parce que, entre l'extraction au pied du puits et la vente sur le marché, des intermédiaires - les compagnies pétrolières et les négociants en pétrole - prennent leur part des bénéfices de cette manne qui tombe non du ciel, mais du sous-sol. Pour assurer la paix, notre pays doit être moins dépendant du pétrole. M. le ministre délégué à l'industrie. Nous nous en donnons les moyens ! M. Xavier de Roux. C'est le nucléaire qui nous sauve ! M. Yves Cochet. Non, pas en faisant plus de nucléaire ! Donc, cette avidité pour le pétrole doit cesser. La mainmise des Américains et de l'Occident en général sur les hydrocarbures a été parfaitement décrite dans un très intéressant rapport américain dont vous connaissez peut-être l'existence, le National Energy Policy Development Group, rédigé le 17 mai 2001 par le vice-président Dick Cheney. Ce rapport est magnifique. Il y est précisé que les États-Unis d'Amérique ne doivent changer ni leur mode de production et de consommation ni leur mode de vie et que, par conséquent, pour garantir l'approvisionnement en pétrole et l'addiction américaine à cette énergie pendant les vingt-cinq ans qui viennent, il est nécessaire d'aller faire la guerre en Irak. Nous disons non à la guerre. Donc, votez mon amendement, mes chers collègues, puisque vous êtes d'accord avec l'objectif que je poursuis ! M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Serge Poignant, rapporteur. La commission s'est prononcée défavorablement. M. Yves Cochet. Ah ! M. Serge Poignant, rapporteur. Nous entendons bien l'argumentation. Cela dit, la question de la maîtrise de la consommation énergétique, et donc de son intensité, est traitée à l'article 1er bis, où un amendement propose de maîtriser la demande d'énergie en portant le rythme annuel de baisse de l'intensité énergétique à 2 % dès 2015 et à 2,5 % d'ici à 2030. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 158. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 246. Monsieur Dosé, pourriez-vous présenter en même temps les amendements n°s 295, 296, 297 rectifié et 298 ? M. François Dosé. Je ne peux pas réclamer de la sobriété en matière énergétique et ne pas en faire preuve moi-même (Sourires)... Par ces amendements, nous voulons redire avec force et conviction que la loi d'orientation sur l'énergie doit d'abord parler de sobriété et d'efficacité. Si nous avons décliné un peu cette idée, c'est parce que nous souhaitions attirer l'attention sur deux grands domaines énergétivores, les transports et les lieux résidentiels. On a tendance à parler, y compris à gauche, des industriels qui polluent. Ce n'est pas vrai. Depuis un certain nombre de décennies, les efforts les plus formidables sont réalisés dans le monde industriel et dans les entreprises. Du coup, on se défausse de notre responsabilité collective. En politique, il faut envoyer des signaux. Ces amendements, c'est certes une contribution législative, mais c'est en quelque sorte un droit d'alerte pour dire que, dans tous les domaines, nous devons nous mettre au travail, notamment dans les transports et dans l'énergie des résidences. M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces cinq amendements ? M. Serge Poignant, rapporteur. Lorsque vous indiquez qu'il est nécessaire de mettre en œuvre un programme biocarburant, d'améliorer l'efficacité de la combustion dans les moteurs et de développer les véhicules hybrides, nous ne sommes pas contre, bien évidemment, mais tout cela se retrouvera dans les différents articles. Les amendements suivants sont des déclinaisons de l'amendement n° 246. La commission est défavorable à tous ces amendements. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué à l'industrie. Le Gouvernement souscrit aux objectifs que vous exprimez, monsieur Dosé, mais ils sont contenus dans le texte, et il est inutile d'en faire un catalogue. M. le président. La parole est à M. Yves Cochet. M. Yves Cochet. Je voterai ces amendements. Cela dit, je veux vous donner une information factuelle et d'origine scientifique sur les biocarburants, dont on reparlera à propos d'autres amendements. Une étude faite en janvier 2005 par l'université de Californie, à Berkeley, porte sur un concept dont, j'espère, on reparlera, ce qu'on appelle l'énergie nette d'une filière. On se trompe si l'on regarde uniquement un maillon d'une chaîne énergétique. Pour le nucléaire, par exemple, il faut tout considérer, de la mine aux déchets. Pour le pétrole, il faut regarder du sous-sol jusqu'au carburateur ou autre chose... M. François Dosé. Jusqu'au CO2 ! M. Yves Cochet. Exactement. Il faut même regarder en aval ! Les biocarburants, c'est bien, dit-on, car la France est une grande nation agricole... Sur un sol en jachère, faire de l'agriculture énergétique plutôt que de l'agriculture alimentaire, ça paraît facile, et cela vaut mieux, semble-t-il, que de laisser les terres à ne rien faire, mais il faut regarder l'énergie nette, celle qui est dépensée depuis le début de la chaîne agricole jusqu'au carburateur du tracteur ou de la voiture. Cela se calcule en gigajoules par hectare. Je reviendrai dans d'autres amendements sur d'autres filières de biocarburants, car il y en a au moins une dizaine, mais je vais parler maintenant de l'éthanol, qui est fait à partir du maïs ou de la canne à sucre. M. Xavier de Roux. Le biocarburant le moins utile ! M. Yves Cochet. L'énergie nette est négative, c'est-à-dire que, pour avoir un baril d'éthanol, vous dépensez en amont plus d'un baril de combustible fossile. Ça ne sert à rien, les biocarburants, c'est un puits énergétique. Ils ont à peu près le même usage que le pétrole. D'une certaine manière, ce sont des hydrocarbures, non pas fossiles mais synthétiques,... M. le ministre délégué à l'industrie. Végétaux ! M. Yves Cochet. ...végétaux, actuels. Pour avoir à sa disposition un baril de pétrole, l'essence qu'on utilise dans une voiture ou le kérosène dans un avion, pétrole qu'il ne faut pas trop dépenser bien entendu, il faut vingt fois moins d'énergie en amont, alors que, pour avoir un baril d'éthanol disponible dans votre réservoir, on dépense en amont plus d'un baril d'énergie fossile. C'est donc un puits énergétique et un puits financier, et personne ne fera de l'éthanol massivement. Je ne dis pas qu'on ne peut pas utiliser ici ou là quelques huiles végétales brutes dans quelques fermes, on peut même recycler de l'huile de friture,... M. Xavier de Roux. Cela se fait ! M. Yves Cochet. ...même si ça sent un peu à la sortie du pot d'échappement, mais ne croyez pas qu'il faille développer en Europe et dans notre pays la filière de l'éthanol et d'autres biocarburants. C'est économiquement et énergétiquement insoutenable. M. Jean Dionis du Séjour. Ce n'est pas le sujet ! M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 246. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 295. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 296. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 297 rectifié. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 298. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. La parole est M. Yves Cochet, pour soutenir l'amendement n° 152. M. Yves Cochet. La principale orientation que je propose, c'est la sobriété. Il y a aussi l'efficacité, mais je dirai un mot tout à l'heure de ses effets pervers, qui ne sont peut-être pas assez connus, et, bien sûr, les énergies renouvelables. Bien que j'en parle depuis trente ans, elles ne sont pas assez développées, et on aura du mal à réaliser rapidement une substitution, en dépit de la crise énergétique dans laquelle nous entrons. Monsieur le ministre, nous regardons tous un peu la télé, nous écoutons la radio, nous lisons des journaux. Quelles publicités voyons-nous, entendons-nous ? D'énormes publicités pour les voitures, et pas des petites voitures, de grosses voitures. Je ne cite pas de marque, parce que ce sont aussi bien des marques françaises que des marques internationales, notamment européennes. Je crois qu'il faut encadrer une telle publicité. En plus, dans les spots publicitaires, qui sont de petits clips, il y a un côté machiste, puissant, presque psychanalytique. On vous dit : « tu seras un homme mon fils quand tu auras une grosse bagnole qui fera vroum vroum », et je n'en dis pas plus pour ne pas être déplaisant. C'est pénible. Il faut encadrer cette publicité qui met en scène une volonté de puissance, une sorte de délire prométhéen. M. Jean Dionis du Séjour. Comment fait-on ? M. Yves Cochet. On encadre par une charte, comme je le propose, pour dire aux publicitaires et aux constructeurs de voiture d'être raisonnables dans leurs publicités qui sont parfois scandaleuses. Il en est de même pour nos gros producteurs français d'électricité et de gaz. Moi, j'ai vu les pubs d'EDF depuis trente ans, et ça a d'ailleurs très bien marché. S'il y a aujourd'hui une forte demande d'électricité, c'est parce que le marketing d'EDF, le martèlement, devrais-je dire, a été considérable depuis trente ans. Savez-vous que, depuis trente ans, la consommation électrique française a été multipliée par quatre ? Est-ce que c'est parce que les Français demandaient spontanément plus d'électricité ? Sans doute un peu plus, mais pas quatre fois plus ! Simplement on a imposé le chauffage électrique. Essayez, si vous êtes lotisseur, de ne pas installer un chauffage électrique. C'est très difficile. On a donc encadré une demande artificielle d'électricité, et, maintenant, on nous dit que les gens veulent de l'électricité. Le chauffage électrique, c'est un scandale, c'est une aberration en thermodynamique. Il n'y a pas un savant ici qui le défendrait ! On fait bouillir de l'eau pour faire de l'électricité, pour faire de la perte en ligne, et, ensuite, pour refaire de la chaleur. C'est dégrader l'électricité ! Vous avez une notion scandaleuse de l'électricité, qui est évidemment un vecteur énergétique considérable, respectable. C'est de l'énergie de très haut niveau, et, avec ça, on fait de la thermie. Il ne faut pas faire de la thermie avec de l'électricité, monsieur le ministre ! M. le ministre délégué à l'industrie. J'ai honte... M. Yves Cochet. C'est ça votre défense ? En résumé, il faut encadrer toutes les publicités pour les grosses bagnoles qui font vroum vroum, mais aussi pour EDF et GDF... Avec GDF, on baigne dans des bulles, c'est le monde merveilleux, ici, là-bas, pour vous... Soyons raisonnables, c'est scandaleux. Là, je ne suis pas trop normatif, je demande simplement une charte de déontologie et un minimum de rationalité dans ces publicités dérisoires et illusoires, hélas ! M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Serge Poignant, rapporteur. Au-delà de l'humour de M. Cochet, qui permet de détendre l'atmosphère, tout cela ne me semble pas très normatif. (Rires.) M. Yves Cochet. Je demande une charte. M. Serge Poignant, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué à l'industrie. Une charte, c'est du domaine contractuel, pas du domaine législatif. M. Yves Cochet. On peut la souhaiter. M. le ministre délégué à l'industrie. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 152. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l'amendement n° 154. M. Yves Cochet. Mon orientation principale, c'est la sobriété. Je vais en donner quelques illustrations en défendant mes différents amendements, et je reviens à ce que j'appelle l'énergie nette d'un produit. Il y a peut-être encore certains de nos concitoyens qui croient que le mode de vie électrique s'arrête à la prise ou à l'interrupteur. Non, il y a quelque chose en amont, et il faut donc savoir quoi. Avec la normalisation AFNOR, les normes ISO, on a d'ailleurs mis au point depuis de nombreuses années des certifications, que vous connaissez aussi. C'est ce que l'on appelle l'analyse du cycle de vie d'un processus, d'un matériau, d'une énergie, que l'on nomme aussi ACV ou écobilan. Il faut voir, en amont d'un produit ou d'un service, quelle est sa charge énergétique, « l'énergie embarquée » dans ce produit qui nous tend la main dans les supermarchés ou dans les magasins, notamment la quantité d'hydrocarbures incorporée, et pas simplement dans la substance même du produit. Prenons quelques exemples. Le rouge à lèvre, c'est 100 % de pétrole, et il en est de même de son emballage plastique. M. Claude Gatignol. Sus aux pétroleuses ! M. Yves Cochet. Je n'ai rien contre le rouge à lèvre. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Mais il faut être modéré dans l'utilisation du pétrole. Il y a beaucoup de pétrole ailleurs que dans l'usage énergétique. Ne brûlons pas le pétrole, il est trop précieux pour cela. Laissons éventuellement la chimie améliorer le confort de nos concitoyens. Autre exemple, la consommation annuelle de chaussures - essentiellement, hélas, synthétiques aujourd'hui -, qui est de l'ordre de 243 millions de paires par an. Leur fabrication requiert 13 000 tonnes de pétrole, soit environ 90 000 barils, ou encore 15 millions de litres de pétrole. En 2002, l'Union européenne a consommé 5,5 millions de tonnes de pétrole sous forme de textiles à usage d'habillement, de linge de maison ou dans l'industrie. La quasi-totalité de ces textiles sont fabriqués à l'aide de fibres issues de la pétrochimie - polyester, polypropylène, polyamine, acrylique -, or le prix de ces fibres synthétiques est en moyenne dix fois supérieur au prix du baril de pétrole. Autrement dit, avec un baril de pétrole à 25 dollars, cela fait 250 dollars ; avec un baril à 50 dollars, comme aujourd'hui, cela fait 500 dollars ; avec un baril à 100 dollars, ce sera 1 000 dollars. Les fibres dont nous sommes habillées, et dont ces moquettes sont faites, vont donc devenir très chères parce qu'elles sont composées à 100 % de pétrole. Un dernier exemple : pour fabriquer un pneumatique de onze kilogrammes, il faut environ six kilogrammes de pétrole. Enfin, puisque avant-hier était la journée mondiale de l'eau, je vous rappelle que l'eau en bouteille de plastique - à laquelle nous sommes tout à fait défavorables - vaut 200 fois plus cher que l'eau du robinet. Pour fabriquer une bouteille de plastique d'un litre et demi, il faut trente grammes de pétrole, et il faut 100 grammes de pétrole pour l'acheminer jusqu'à l'utilisateur final. Buvons plutôt de l'eau du robinet ! M. Jean Dionis du Séjour. Et marchons en sabots ! M. Daniel Paul. Là c'est la filière bois ! M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Serge Poignant, rapporteur. Pour les chaussures, le réchauffement climatique pourrait peut-être nous permettre de nous en passer ! Plus sérieusement, sur l'amendement lui-même, l'avis de la commission est défavorable. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 154. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l'amendement n° 157. M. Yves Cochet. Cet amendement présente une autre déclinaison de la politique de sobriété et d'efficacité énergétiques et de développement des énergies renouvelables que je propose concernant la réorientation des transports. Comment alléger notre facture ? Nul n'échappe à l'indice marché, monsieur le ministre, et, je peux vous rassurer, ce n'est pas moi qui fixe le cours du baril sur le Nymex à New York, ni même sur l'IPE à Londres. M. Xavier de Roux. Ce n'est pas certain ! M. Yves Cochet. Non, ce n'est pas moi ! On tient parfois les écologistes pour responsables. Pour certaines choses, c'est vrai, mais pas à Londres sur l'IPE pour le marché du Brent, le light sweet crude, ni pour le WTI sur le Nymex de New York. Mais, de fait, le prix augmente, surtout depuis 2003 et même depuis 1999, année où le cours du baril était inférieur à 15 dollars. Entre 1859 et 2004, donc depuis un siècle et demi, calculé en dollar actuel, le cours médian du baril a été de 15 dollars ! L'énergie était abondante et bon marché. En 1999, le prix du baril était encore de 15 dollars et depuis il augmente. Bien entendu, il y a des effets de yo-yo et des petites fluctuations, quotidiennes ou hebdomadaires, dues à quelques spéculateurs par-ci aux aventures de Ioukos par-là, à une grève au Nigeria, à des mouvements sociaux en Norvège, à un cyclone tropical dans le golf du Mexique, que sais-je encore ! Toutefois, la tendance générale est à la hausse, et je pense qu'elle ne s'arrêtera plus. L'ère de l'énergie facile et bon marché, s'achève. La fête est finie, comme le dit un auteur américain. Que va-t-il se passer ? Le prix du baril va, en moyenne, augmenter chaque année. Nous allons passer dans un autre monde. Pour commencer de nous sevrer du pétrole, vous auriez dû voter mes amendements. Adoptez au moins celui-ci ! M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Serge Poignant, rapporteur. Avis défavorable. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué à l'industrie. Même avis que la commission. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 157. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l'amendement n° 160. M. Yves Cochet. Avec cet amendement, je persévère opiniâtrement dans ma proposition. J'aperçois notre excellent collègue M. Gonnot, qui, depuis quelques années, a la bonne idée d'organiser, vers le mois de décembre, un colloque sur l'énergie, notamment sur les prix de l'énergie, réunissant des industriels, des parlementaires, des responsables d'administration ou d'établissements publics. Comme il a la gentillesse de m'y inviter, j'essaie depuis deux ans d'appeler l'attention sur la tendance à la hausse. Bien sûr, il y a deux ans, on souriait un petit peu et l'an dernier encore. Mais cette année, certains - pas tout le monde, peut-être pas les représentants de Total - ont reconnu une certaine tension sur les marchés du pétrole. Si nous devons être plus indépendants à l'égard du pétrole, il faut que l'État, mais aussi toutes les collectivités publiques, donnent l'exemple en développant la simplification des procédures : guichet unique, principe de subsidiarité, délais impératifs. Surtout, il faut mettre en œuvre la grande loi de Mme Voynet, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999, qui prévoyait notamment la mise en œuvre d'un schéma de service collectif de l'énergie. Permettez-moi, pour terminer, d'en citer un article saisissant : « Le schéma de services collectifs de l'énergie définit, dans le cadre de la politique nationale de l'énergie, les objectifs d'exploitation des ressources locales d'énergies renouvelables et d'utilisation rationnelle de l'énergie concourant à l'indépendance énergétique nationale, à la sécurité d'approvisionnement et à la lutte contre l'effet de serre. » M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Serge Poignant, rapporteur. Défavorable. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué à l'industrie. Même avis que la commission. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 160. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l'amendement n° 161. M. Yves Cochet. Cet amendement est défendu. Il faudrait que les ministères, l'Assemblée nationale et le Sénat donnent l'exemple en matière de sobriété et d'efficacité énergétiques et d'énergies renouvelables, ce qui n'est pas encore le cas, notamment pour le ministère de l'industrie. M. le ministre délégué à l'industrie. Nous le faisons avec l'EPR, monsieur Cochet ! M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Serge Poignant, rapporteur. Défavorable. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 161. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l'amendement n° 162. M. Yves Cochet. Avec cet amendement, nous passons au domaine de l'habitat existant. Tous nos collègues se rendent compte que les normes thermiques ont évolué. Nombre de bâtiments sont de véritables passoires. Il y a là un gisement de sobriété énergétique immédiatement disponible, assorti de la création de dizaines de milliers d'emplois sur tout le territoire, emplois peu qualifiés, mais dont nos chômeurs aimeraient bénéficier. Que faut-il faire ? Poser des doubles vitrages, isoler les murs, les combles, les plafonds. Toutes les régions, toutes les villes sont concernées. Il faut donc le faire le plus vite possible. Voilà une véritable politique de sobriété. Je propose donc un programme national, une véritable mobilisation en faveur de l'existant. D'après le scénario du Commissariat général du Plan, plus de 50 % de la consommation d'énergie dans le résidentiel sont le fait de la mauvaise isolation des logements anciens. Quel gaspillage ! J'évalue les économies d'énergie possibles dans l'existant à 8 à 10 millions de tonnes d'équivalent pétrole. Je propose donc trois mesures pour y parvenir : une extension de la loi Besson aux investissements d'économies d'énergie dans le logement locatif et deux mesures concernant l'habitat précaire : la mise en place, au sein des caisses d'allocation familiale, d'un centre d'information sur les économies d'énergie et l'instauration d'une allocation minimum de réhabilitation, l'AMIR, équivalent, pour le logement précaire, du RMI. M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Serge Poignant, rapporteur. Défavorable. Nous avons déjà parlé, en première lecture, des bâtiments et des économies d'énergie possibles. Nous en reparlerons à l'article qui en traite. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué à l'industrie. M. Cochet devrait trouver satisfaction à sa demande à l'article 6. Avis défavorable. M. le président. La parole est à M. François Dosé. M. François Dosé. Côte à côte, se trouvent ici les représentants de la nation et les responsables de l'État. Ni les uns ni les autres ne peuvent rester insensibles à ce défi. On ne peut pas faire des lois, et ne pas donner un certain nombre de signes. Une loi d'orientation peut certes couvrir plusieurs décennies, mais il faut bien commencer ! On pourrait peut-être partir du quotidien, de ce qui est le plus proche. Ce problème touche plusieurs millions d'appartements en France, en particulier dans le parc social. M. Xavier de Roux. C'est dans le texte ! M. François Dosé. Nous devons, comme parlementaires, relever ce défi, même si ce n'est pas au ministre de l'industrie, mais au ministre du logement qu'incombe la mise en œuvre des mesures proposées. Souhaiter l'efficacité énergétique et la solidarité sociale s'inscrit tout à fait dans cette problématique. Combien avons-nous vu, en tant que maires ou conseillers généraux, de listes de personnes qui n'arrivent plus à assumer non pas leur loyer, comme on l'entend dire, mais les charges, notamment celles qui sont liées au chauffage électrique dans un appartement pourri. Au Danemark, on va jusqu'à installer un mobilier électroménager économe en énergie : la machine à laver ou le réfrigérateur font partie de l'appartement, de telle sorte que les personnes les plus modestes, qui paient un loyer modeste, disposent des éléments qui leur permettent de vivre assez longtemps dans cet appartement. Je demande donc à l'ensemble de mes collègues d'aller au-delà de la matrice et de manifester, en adoptant ce texte, leur souci de le voir décliner dans le quotidien. M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour. M. Jean Dionis du Séjour. J'évoquais déjà au nom du groupe UDF, dans mon propos liminaire, cet enjeu fort. Le texte devra sortir musclé de cette deuxième lecture pour ce qui concerne la réhabilitation et l'isolation des bâtiments existants. Alors que l'industrie a déjà fait beaucoup pour réduire sa facture énergétique et que, dans le domaine des transports, la situation n'est pas si simple, l'enjeu du logement est énorme et il existe des solutions qu'il ne serait pas difficile de mettre en œuvre. Beaucoup a été fait, il est vrai, et avec succès, pour le logement neuf, mais celui-ci ne représente que 1 % du parc. En termes de masse, il serait donc opportun de mettre le paquet sur le logement existant. L'UDF vous soumettra tout à l'heure un amendement qui aura le mérite de chiffrer l'objectif à terme. Quant à cet amendement n° 162, il va dans le bon sens et, dans un souci de cohérence, nous le voterons. M. Yves Cochet. Très bien ! M. le président. La parole est à M. Daniel Paul. M. Daniel Paul. Cet amendement va en effet dans le bon sens. Ma circonscription n'est pas seule à connaître une importante activité de réhabilitation du logement social, qui touche de nombreux quartiers dits « en difficulté ». Toutefois, s'il y a de l'argent pour démolir et reconstruire, on cale lorsqu'il s'agit de ce travail de « tricotage » qu'est celui de la rénovation ou de la réhabilitation, et les crédits permettant d'améliorer l'isolation thermique ou phonique sont dramatiquement insuffisants. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai qualifié ce matin cette loi de « petit bras », monsieur le ministre : on affiche, face aux enjeux énergétiques que nous connaissons, de grandes intentions, mais lorsqu'il s'agit de prendre en compte concrètement ce que vivent au quotidien les gens, les communes, les offices HLM ou les bailleurs sociaux, on reste en rade. Cet amendement - qui pourrait certes être encore développé - va donc dans le bon sens, et je le voterai. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 162. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 163. La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir. M. Yves Cochet. L'amendement n° 163 est consacré à la sobriété et à l'efficacité énergétiques et à l'énergie renouvelable dans les entreprises. Il faut observer, outre les performances réalisées en matière de consommation et de déplacements - professionnels et entre le domicile et le travail -, celles qui sont liées à l'activité même de l'entreprise et aux processus internes, notamment industriels. Certes, depuis le premier choc pétrolier de 1973, l'énergie est pour les industriels un coût de production : les économies d'énergie et l'efficacité énergétique sont une manière de produire à moindre coût. L'effort n'est cependant pas terminé : selon l'ADEME, le potentiel d'économies d'énergie de l'industrie - c'est-à-dire la quantité d'énergie que l'on pourrait ne pas consommer - est, aux conditions économiques et techniques actuelles, de l'ordre de 8 millions de tonnes équivalent pétrole, soit 15 % de la consommation du secteur industriel. Ainsi, les échangeurs thermiques utilisés dans l'industrie pourraient être plus sobres, la recompression mécanique de vapeur, utilisée notamment dans le domaine agroalimentaire, pourrait être améliorée et, pour la sidérurgie, les torches à plasma offrent des possibilités intéressantes en matière d'économies d'énergie. Dans les branches du papier, de l'ammoniac ou des textiles - c'est-à-dire dans toutes les branches ou intervient de la thermie -, on peut faire mieux qu'actuellement, comme dans les branches métaux et ciment, où l'utilisation de l'électricité pourrait être améliorée pour gagner au moins 8 mégatep. Voilà donc pourquoi je vous propose cet amendement. M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Serge Poignant, rapporteur. Défavorable. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 163. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 164. La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir. M. Yves Cochet. L'habitat n'est pas qu'un isolat géographique : il s'inscrit toujours dans une structure urbaine, périurbaine ou rurale. L'aménagement du territoire ou l'urbanisme méritent donc attention, car tout choix en la matière est également un choix énergétique, qu'il s'agisse des déplacements ou de l'habitat lui-même, auquel peuvent s'appliquer par exemple les normes HQE. L'amendement n° 164 traite donc de l'aménagement du territoire, des plans locaux d'urbanisme et de l'urbanisme en général, qui doivent tenir compte des contraintes climatiques et énergétiques. Ce matin, en me rasant, j'entendais sur France Culture l'architecte et urbaniste David Mangin s'interroger sur l'évolution de nos paysages urbains depuis une trentaine d'années. Dans ma région natale de Bretagne, par exemple - qui est aussi la région de M. le rapporteur... M. Serge Poignant, rapporteur. Pas tout à fait ! M. Yves Cochet. Mais si ! La Loire-Atlantique est en Bretagne - mais nous n'allons pas ouvrir ce débat maintenant ! (Sourires.) M. Serge Poignant, rapporteur. Ce serait long ! (Sourires.) M. Yves Cochet. Comme pour les deux Normandies, qui n'en forment qu'une. J'en reviens à l'urbanisme, qui peut être très dépensier sur le plan énergétique. Nous proposons donc que l'évolution de l'urbanisme tienne compte de la contrainte énergétique, c'est-à-dire de la sobriété. Or le modèle d'urbanisme qui a été encouragé jusqu'à présent est insoutenable : c'est celui de la banlieue, voire de la « banlieusardisation » de nos villes. Le mythe du petit pavillon avec 800 mètres carrés de pelouse - il paraît que nos concitoyens aiment ça ! - est destructeur et insoutenable du point de vue énergétique. M. le ministre délégué à l'industrie. Laissez-les vivre comme ils l'entendent ! M. Yves Cochet. Mais non ! M. le ministre délégué à l'industrie. Vous êtes plus totalitaire que le PC ! M. Yves Cochet. Les politiques d'urbanisme doivent permettre d'éviter un gaspillage qui conduit à la catastrophe. Vous qui êtes en Île-de-France, monsieur le ministre, vous connaissez la thrombose qui affecte les autoroutes de la région, la ligne A du RER et les trains de banlieue tous les matins et tous les soirs. M. le ministre délégué à l'industrie. À cause de la politique de la Ville de Paris ! M. Yves Cochet. La Ville de Paris mène une excellente politique de sobriété énergétique, et j'approuve ce que font M. Delanoë et M. Baupin, qui sont des amis. M. le ministre délégué à l'industrie. Les banlieusards sont interdits de Paris ! M. Yves Cochet. Ce n'est pas le débat ! M. le ministre délégué à l'industrie. C'est vous qui l'avez soulevé ! M. Yves Cochet. Ce modèle d'urbanisme pavillonnaire très étalé est insoutenable. Une courbe rapportant la densité urbaine - c'est-à-dire le nombre d'habitant au kilomètre carré - à la consommation d'énergie par an et par habitant illustre bien les différences entre trois types d'habitat et d'urbanisme. Dans l'habitat asiatique, assez resserré, une population de 10 000 habitants au kilomètre carré ne consomme que 200 litres par an et par habitant. Dans le modèle d'urbanisme américain classique, en revanche, qui n'est pas celui des tours de New York, mais plutôt celui de villes très étendues comme Houston ou Dallas, au Texas - villes impitoyables par ailleurs -... M. Claude Gatignol. Ou Detroit ! M. Yves Cochet. ...on trouve une densité du 10 ou 15 habitants par kilomètre carré, mais une consommation d'énergie de l'ordre de 2 500 litres par an et par habitant. Les villes européennes, quant à elles, se situent entre ces deux modèles. Il faut, toutefois, faire un effort : voilà pourquoi je propose cet amendement. M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Serge Poignant, rapporteur. Malgré ces déclarations « intéressantes » - j'insiste sur les guillemets -, avis défavorable. M. Yves Cochet. Pourquoi ces guillemets ? Est-ce un fait personnel ? M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué à l'industrie. Monsieur Cochet, après vos appréciations sur la banlieue et la vie en pavillon, je comprends que vous ayez été contraint de quitter le Val-d'Oise pour vivre dans une ville de privilégiés comme Paris ! Je donne un avis tout à fait défavorable à cette philosophie. M. Yves Cochet. C'est à la limite du fait personnel ! M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 164. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 165. La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir. M. Yves Cochet. L'amendement n° 165 est défendu. J'ajouterai toutefois, pour faire écho à l'excellent plaidoyer de M. Dosé, que le logement social locatif et en accession à la propriété doit être notre objectif. C'est là qu'il faut encourager le développement durable, qui associe un souci écologique - énergétique en l'occurrence - et un souci social. Je vous invite, à cet égard, à voir le très beau film documentaire de Bertrand Tavernier intitulé Au-delà du périph. M. le ministre délégué à l'industrie. Vous devriez venir y voir ! M. Yves Cochet. Quand on habite dans de vraies passoires, ce ne sont pas les loyers qui sont la cause du surendettement, mais les charges de chauffage électrique. Il ne faut pas installer de chauffage électrique dans le logement social. M. le ministre délégué à l'industrie. Il n'y en a pas à Paris ? M. Jean-Pierre Kucheida. Il y en a partout en France ! M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Serge Poignant, rapporteur. C'est un sujet qui mérite qu'on s'y intéresse, et nous aurons à examiner d'autres amendements sur le logement social, notamment ceux de notre collègue Scellier. Mais je le répète, je suis défavorable à l'adoption de telles dispositions à cet endroit du texte. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable également. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 165. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 167. La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir. M. Yves Cochet. Il est défendu. M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Serge Poignant, rapporteur. Défavorable. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable également. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 167. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 151. La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir. M. Yves Cochet. Il est défendu. M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Serge Poignant, rapporteur. Avis défavorable. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué à l'industrie. Même avis que la commission. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 151. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 181. La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir. M. Yves Cochet. Il est défendu. M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Serge Poignant, rapporteur. Défavorable. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué à l'industrie. Même avis que la commission. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 181. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 182. La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir. M. Yves Cochet. Il est défendu. M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Serge Poignant, rapporteur. Avis défavorable. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 182. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 183. La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir. M. Yves Cochet. Nous sommes au début d'une transition énergétique d'une ampleur considérable, et il est temps que notre pays, qui compte d'excellents savants et techniciens dans cette spécialité, lance un vaste programme de recherche dans ce domaine essentiel. En effet cette transition ne passera pas par le nucléaire, qui est désormais une énergie du passé - je vous rappelle que cette technique consiste à faire bouillir de l'eau ! Ce programme national de recherche sur l'énergie devra être élaboré au cours de l'année 2005, afin qu'on puisse, de 2006 à 2010, répartir les moyens entre les différentes filières, selon une « équirépartition » en cinq cinquièmes : un cinquième sera consacré à la sobriété énergétique, un cinquième à l'efficacité énergétique, un cinquième aux énergies renouvelables, un petit cinquième au nucléaire - qui absorbe actuellement 95 % des moyens consacrés par la France à la recherche publique énergétique - et un autre petit cinquième aux combustibles fossiles. Quant au dernier cinquième - cela fera donc six... (Rires.) Ce n'est pas une erreur arithmétique ; c'est plutôt une allégorie ! M. le ministre délégué à l'industrie. Je vous disais que vous étiez poète ! M. Yves Cochet. Cette dernière part reviendra aux sciences humaines et sociales. En effet, le domaine énergétique ne se résume pas aux différentes filières de production énergétique, et il faudra étudier comment nos concitoyens, les ingénieurs et les professionnels de l'énergie peuvent participer à cette politique. M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Serge Poignant, rapporteur. Avis défavorable. Je doute, mon cher collègue, que nous puissions vous donner satisfaction en ce qui concerne les six cinquièmes. Je vous fais remarquer cependant que le texte prévoit déjà, dans son article 1er septies G, que le ministre chargé de l'énergie et le ministre chargé de la recherche arrêtent et rendent publique une stratégie nationale de la recherche énergétique définie pour une période de cinq ans. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué à l'industrie. Avis défavorable également. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 183. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 178. La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir. M. Yves Cochet. Il est défendu. M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Serge Poignant, rapporteur. Défavorable. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué à l'industrie. Même avis que la commission. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 178. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 248, 292, 293 et 294, qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune. La parole est à M. François Dosé, pour les soutenir. M. François Dosé. Nous souhaiterions que les missions d'intérêt général assignées à la politique énergétique française soient définies dans le corps du texte, et non dans les annexes. Il faut en effet afficher clairement qu'il s'agit d'un service public en charge de missions d'intérêt général. M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Serge Poignant, rapporteur. Je ne peux que répéter ce que j'ai déjà dit : le texte a repris les objectifs généraux de la politique énergétique que l'on trouvait en annexe du projet initial. Je suis donc défavorable à ces amendements, qui visent à les présenter avant l'article 1erA. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué à l'industrie. Il est défavorable aux quatre amendements. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 248. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 292. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 293. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 294. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je suis saisi des amendements nos 149 et 180, qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune. La parole est à M. Yves Cochet, pour les soutenir. M. Yves Cochet. Ils sont défendus. M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Serge Poignant, rapporteur. Défavorable. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 149. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 180. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 168. La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir. M. Yves Cochet. Il est stupéfiant et pour le moins paradoxal que cette loi d'orientation ne traite pas des transports. C'est bien beau de se rengorger sur le fait que ce projet de loi constitue un progrès démocratique, que le Parlement débat, que chacun a pu s'exprimer à propos de la politique énergétique de la France après le grand débat national d'il y a deux ans. Mais quelle peut bien être la portée d'un texte qui ne comporte aucune disposition concernant les transports, alors que c'est bien le domaine dans lequel la dépendance énergétique est la plus forte, notamment par rapport au pétrole ? C'est également le domaine qui connaît la demande en plus forte croissance et qui est à l'origine des plus fortes émissions de gaz à effet de serre, qu'il s'agisse des transports aériens, des poids lourds, des voitures, et même des deux roues motorisés. Je ne parle même pas des cargos ! Les produits pétroliers représentent en effet 95 % de l'énergie nécessaire dans les transports, ce secteur absorbant à lui seul plus de 50 % de la consommation mondiale de pétrole : alors que le monde consomme actuellement, bon an, mal an - mais il conviendrait plutôt de dire « bon jour, mal jour » - à peu près 80 millions de barils par jour, c'est plus de 40 millions de barils par jour qui sont absorbés par les transports. Il s'agit donc d'une dépendance absolue. À cela vous avez coutume de répondre, monsieur le ministre, que la dépendance pétrolière de la France a baissé depuis 1974 : malheureusement cette dépendance a augmenté en ce qui concerne les transports. S'agissant d'un domaine aussi crucial, dans le contexte mondialisé que nous connaissons, si les transports souffrent, ce sont tous les secteurs qui souffriront. Si le coût des transports augmente de façon significative, c'est l'ensemble de l'activité mondiale qui sera bouleversé. Or le pétrole, qui représente, je le répète, 95 % de l'énergie absorbée par les transports, coûtera de plus en plus cher. Les transports seront donc le problème number one qu'auront à affronter les politiques publiques, dans ce pays et en Europe. Or il n'y a rien sur ce sujet dans votre loi d'orientation ! Je ne comprends pas cet aveuglement. À l'intérieur du secteur global des transports, les transports routiers consomment à eux seuls 80 % des produits pétroliers, les transports aériens 15 %, le rail et la voie d'eau se partageant les 5 % restants. Les produits pétroliers absorbés par les transports routiers le sont à 65 % par les automobiles, 25 % par les poids lourds, 5 % par les camionnettes, 4 % par les bus et les autobus, les deux-roues motorisés ne représentant qu'1 % de la consommation pétrolière des transports routiers. Il est temps, mes chers collègues, de nous interroger sur un monde qui compte plus de 700 millions de véhicules thermiques, dont les moteurs à explosion dépensent plus de 30 millions de barils par jour : tout ça pour transporter, dans un véhicule de deux tonnes, un individu qui pèse 70 kilos ! Mais c'est un monde de fous ! C'est un mode de vie qui va devenir insoutenable, et qui va le devenir dès demain matin. Je vous propose donc de voter mon amendement. M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Serge Poignant, rapporteur. Apparemment, monsieur Cochet, vous ne vous souvenez pas que la commission a accepté un amendement dont vous êtes l'auteur et qui reprend mot pour mot ce qui est proposé par cet amendement n° 168. Ce dernier sera donc nécessairement satisfait par un amendement de la commission, qui sera examiné plus loin dans le texte. M. le président. La parole est à M. Yves Cochet. M. Yves Cochet. Dans ce cas, monsieur le président, je retire l'amendement. Mais je ne retire pas mes propos ! M. le président. L'amendement n° 168 est retiré. Je suis saisi d'un amendement n° 169. La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir. M. Yves Cochet. Puisque vous avez, monsieur le ministre, parlé de Paris dans une sorte de provocation, je voudrais dire à nos concitoyens, de Paris, mais aussi de toutes les agglomérations de France, et même d'Europe, que les « circulations douces » représentent, par rapport aux transports à moteur thermique, non seulement une économie d'énergie et moins de pétrole extrait en amont, mais aussi, en aval, moins de pollution et un gain pour la santé publique. C'est pourquoi, monsieur Dionis du Séjour, vous avez raison de vouloir introduire des considérations de santé publique dans ce texte. En effet, la politique énergétique ne doit pas se limiter à des problèmes de combustion, de chimie ou de pétrochimie. La consommation d'énergie a des incidences sur l'environnement, et donc sur l'homme, qui fait partie de l'environnement : nous ne sommes pas une espèce qui peut vivre off shore. Les grandes agglomérations l'ont compris, qui commencent à mettre en œuvre de nouvelles politiques de transport, notamment Paris depuis 2001. Ces politiques ont pour premier impératif la préservation de la sécurité et de la santé de nos enfants, qui souffrent aujourd'hui de plus en plus précocement d'asthme ou de bronchiolites. Si on veut éviter à M. Douste-Blazy un nouveau trou dans les comptes de l'assurance-maladie, c'est dès maintenant, dans ce texte, qu'il convient d'introduire des mesures qui favorisent les circulations douces, c'est-à-dire les piétons et les vélos, sur le modèle de ce que font M. Delanoë et M. Baupin à Paris. Une telle politique doit être étendue à toute la France. M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Serge Poignant, rapporteur. Défavorable. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ? M. le ministre délégué à l'industrie. J'y suis également défavorable. Il n'y a en effet jamais eu autant d'embouteillages à Paris, et donc de pollution, que depuis qu'une telle politique y est appliquée. (M. Yves Cochet s'exclame.) M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour. M. Jean Dionis du Séjour. Je voterai cet amendement. Sur ces questions énergétiques en effet nous ne devons pas nous contenter de dresser des bilans généraux ; nous devons aussi modifier nos comportements individuels : préférer par exemple, de temps en temps, l'escalier à l'ascenseur ne relève pas de l'anecdote. M. le ministre délégué à l'industrie. Il faut une loi pour emprunter l'escalier ? Que la loi précise alors que la concierge est dans l'escalier. M. Jean Dionis du Séjour. Nous sommes à l'aube d'un changement global des comportements, et cet amendement constitue un clin d'œil. Voilà pourquoi cet amendement est pertinent. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 169. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
ORDRE DU JOUR M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique : Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 1669, d'orientation sur l'énergie : Rapport, n° 2160, de M. Serge Poignant, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. La séance est levée. (La séance est levée à dix-neuf heures trente.) Le Directeur du service du compte rendu intégral jean pinchot |