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Cahier annexe : articles, amendements, autres annexes
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Troisième séance du mardi 21 juin 2005

233e séance de la session ordinaire 2004-2005


PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1

CONFIANCE ET MODERNISATION
DE L'ÉCONOMIE

Suite de la discussion,
après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie (nos 2249, 2342).

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chers collègues, le 29 mai dernier, nos concitoyens se sont prononcés sur ce qu'ils vivent, sur ce que l'Europe de la finance et le Gouvernement de la France leur font vivre en matière d'emploi et en matière sociale. Ils se sont prononcés aussi sur l'avenir qui leur était proposé, c'est-à-dire un avenir sous tutelle des marchés financiers et d'une guerre économique prédatrice.

A-t-on tiré la leçon de ce verdict ? On aurait pu le penser en voyant que M. Raffarin démissionnait. Or l'un des tout premiers textes qui vient en discussion après la nomination du nouveau Gouvernement est signé par M. Raffarin lui-même. Avouons que cela est cocasse.

Sans doute rétorquera-t-on qu'il s'agit d'un projet de loi pour l'emploi dont le nouveau Premier ministre a fait une priorité nationale. Le seul problème, c'est que ce texte met en scène tous les dogmes de l'économie libérale dont nous subissons les conséquences depuis l'énoncé du fameux théorème de l'ancien chancelier Schmidt : « Les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois d'après-demain. » Monsieur le ministre, nous en sommes à après-après-demain et nous n'en sommes toujours qu'à la première partie de l'énoncé.

Ne dites pas non − mais je suis sûr que vous n'avez pas envie de dire non (Sourires) −, car la première phrase de votre exposé des motifs constitue la plus belle démonstration : « La situation financière des entreprises françaises a rarement été aussi saine, les liquidités abondantes et pourtant nombre de projets d'investissement ne trouvent pas leur financement. » Vous évoquez « des capitaux en jachère ». Pour ce diagnostic, monsieur le ministre, je vous donnerais volontiers une carte du PCF. (Sourires.)

Voilà donc pour le constat : depuis trente ans, le théorème du chancelier Schmidt est bloqué à sa première phase. Les entreprises se portent bien, il y a beaucoup d'argent, les grands patrons en profitent beaucoup − pas seulement chez Carrefour −, les actionnaires du CAC 40 aussi, mais la machine reste grippée. Les capitaux ne servent pas d'abord à créer des emplois.

Évidemment, votre exposé des motifs sonne comme un terrible aveu d'échec, d'impuissance. Dans ces conditions, nous pourrions imaginer que vous allez tenter de vous éloigner un peu des dogmes et des théorèmes qui ont prévalu jusque-là et qui ont échoué. Nous pourrions supposer qu'une autre idée fera son chemin, que, par exemple, la lutte contre le chômage et pour l'emploi impliquera une rupture progressive avec les dogmes de l'économie libérale qui font reposer le fonctionnement du système sur le dumping social et la mise en concurrence des travailleurs. Mais il n'en est rien. Vous êtes tellement sûr d'avoir raison que votre projet de loi propose d'en mettre une dose supplémentaire en essayant d'imiter, entre autres, ce très beau modèle britannique qui répartit les chômeurs en deux catégories : les inaptes au travail et les salariés Kleenex sans statuts, avec des services publics particulièrement faibles, comme l'a dit récemment, de manière très diplomatique, notre ministre des affaires européennes.

Vous parlez de « confiance ». Mais à qui voulez-vous donner confiance en reprenant ces vieilles recettes ? À qui voulez-vous donner confiance en aggravant encore et toujours les logiques libérales ? Certainement pas aux Français, à la majorité de nos concitoyens qui n'ont d'autres ressources que le fruit de leur travail et subissent de plein fouet les effets de la dérégulation, de la casse des services publics, de la stagnation, voire du recul, du pouvoir d'achat : ils viennent de vous dire qu'ils ne croyaient plus à ces vieilles recettes. En réalité, c'est aux actionnaires, aux milieux bancaires et financiers que vous entendez donner confiance. Le problème est que leur premier objectif n'est pas de créer des emplois.

Vous parlez de « moderniser ». Mais moderniser, c'est rajeunir et renouveler, formuler de nouvelles propositions, réfléchir à des alternatives. Vous ne proposez rien de nouveau. Vous ne proposez que d'asseoir davantage le pouvoir des actionnaires au sein des organes de direction des entreprises, que de permettre aux marchés financiers de pénétrer davantage encore le tissu économique, avec les risques que cela fait courir à l'emploi et au développement économique et social de nos territoires.

Ces propositions s'inscrivent dans le droit-fil des mesures que vous préconisez par ailleurs et que vous avez défendues, monsieur le ministre, en décidant de mettre sur le marché 20 % supplémentaires du capital de France Télécom, en annonçant la vente d'une partie de Gaz de France − qui augmente ses tarifs de 4 % le 1er juillet, ce qui conduirait à une hausse de la facture de 37 % depuis la mise en place de la déréglementation en 2000. À cela, la hausse du prix du pétrole ne peut pas servir d'alibi, pas plus qu'à l'explosion des profits des compagnies pétrolières.

Votre logique, jamais démentie, c'est la privatisation des profits et la socialisation des pertes.

Mais venons-en à présent, monsieur le ministre, à l'examen de l'architecture de votre projet de loi.

Vous nous proposez, dans un titre Ier, d'adapter l'environnement juridique des entreprises. En fait d'adaptation, il s'agit simplement de faciliter la tenue des conseils d'administration, des conseils de surveillance et des assemblées générales. Loin de donner plus de pouvoir aux salariés, il ne s'agit que de renforcer l'emprise et le pouvoir des actionnaires et de leurs représentants.

Pourtant, on aurait pu attendre de mesures de modernisation qu'elles s'attaquent enfin au problème du cumul des mandats et à celui du versement abusif des jetons de présence. Et, puisque la majorité se fait fort de défendre l'idée d'une participation accrue des salariés dans la fameuse « gouvernance d'entreprise », nous aurions pu également nous attendre à des mesures significatives en faveur d'une meilleure représentation des administrateurs salariés.

Vous proposez ensuite, dans un titre II, d'élargir la gamme des financements disponibles pour la revitalisation économique, ce qui se traduit par deux mesures phares : l'une propose de renforcer encore les garanties d'institutions publiques ou à capitaux mixtes, afin de réduire les risques supportés par les banques ; l'autre met en place l'Agence de l'innovation industrielle, sans qu'aucune précision ne soit apportée quant à la composition du conseil de surveillance et du directoire de ladite agence, non plus que sur ses moyens de financement ni sur ses missions précises, dans un domaine où l'on dispose pourtant déjà d'autres outils.

En définitive, ce que vous demandez au Parlement, comme à l'article 6, c'est de laisser au Gouvernement les mains libres pour préciser lui-même le contenu de ces dispositions et, toujours sans dévoiler au Parlement les mesures qu'il envisage de prendre pour bouleverser l'architecture du droit des sûretés, dûment codifié et dont les modifications relèvent bien évidemment de la seule compétence législative.

Non content d'user et d'abuser de la procédure de l'article 38 de la Constitution, vous vous faites fort de vouloir réformer les dispositions du Livre III du code civil relatives à l'expropriation forcée et aux ordres entre les créanciers. Souhaitons que les mesures que vous envisagez n'aggravent pas encore les risques sur les patrimoines des familles endettées, notamment celles touchées par le chômage, le divorce ou la maladie, alors même que vous proposez par ailleurs à l'article 14 de relever le plafond des mesures d'exonération prévues dans la loi votée l'an dernier, ce qui aggrave les inégalités entre contribuables au profit des plus aisés − comme toujours.

Dressant encore le tableau de vos mesures, j'en viens à celles relatives à la simplification de l'accès au marché boursier et au chapitre relatif au renforcement de la confiance des investisseurs. Là encore, vous ne faites pas mystère de la philosophie qui vous guide : faciliter l'accès aux marchés boursiers, c'est en effet offrir de nouvelles opportunités pour les placements financiers, déresponsabiliser encore davantage les banques dans le financement des projets d'entreprise et soumettre plus encore la gestion des entreprises aux critères de rentabilité financière, au mépris des enjeux de développement de l'emploi et des territoires.

M. Philippe Rouault. C'est le contraire !

M. Jean-Claude Sandrier. Ce que vous couvrez du nom de « renforcement de la confiance des investisseurs » est une mesure larvée de mise au pas des journalistes et une certaine atteinte à la transparence.

M. Philippe Auberger. Caricature !

M. Jean-Claude Sandrier. J'évoquerai pour finir les mesures que vous avez prévues afin d'encourager les mécanismes d'intéressement des salariés aux résultats de leur entreprise. Je souligne au passage que la première mesure proposée vise à ouvrir au chef d'entreprise le bénéfice d'un accord d'intéressement dans les entreprises de moins de cent salariés, et qu'elle est suivie de cette tartufferie : « Dans un souci d'équité, est posée la règle selon laquelle la répartition des sommes issues de l'intéressement versées à chaque bénéficiaire ne peut dépasser le montant du salaire le plus élevé de l'entreprise. »

Il y aurait matière à sourire si cette disposition − comme les suivantes, notamment celles de l'article 19 − ne relevait d'une tentative de contournement de la priorité que constitue aujourd'hui la hausse des salaires.

L'esprit de votre projet de loi est d'intégrer les salariés aux objectifs de gestion financière. Aussi limitez-vous leur participation à la gouvernance d'entreprise. Mais ils ne sont ni ne seront dupes. Votre objectif est de faire accepter et de faire supporter aux salariés les risques incombant à l'employeur, de faire en sorte qu'ils renoncent aux revalorisations de salaires et de cotisations sociales.

Dans ces circonstances, il n'est pas inutile de rappeler que le salaire est une notion centrale du code du travail, pour des motifs essentiels. Il constitue en effet un point de repère collectif, il se fonde sur la reconnaissance d'une qualification, il garantit aussi un droit à une progression de carrière. Il est enfin soumis à des cotisations sociales qui garantissent la pérennité de notre système de protection sociale et de retraite.

Nous ne saurions évidemment souscrire à une logique aussi perverse quand les Français réclament, eux, une hausse des salaires et non des propositions en trompe-l'œil. En fait, en renforçant le poids des marchés financiers, en favorisant un actionnariat de salariés captifs au lieu d'augmenter les salaires efficaces pour la consommation, vous allez totalement à l'encontre du but que vous recherchez.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il n'est pas nécessaire de lire dans le marc de café pour savoir que cette tentative d'avancer vers la deuxième proposition du théorème de Schmidt échouera.

Le chemin à prendre est exactement inverse. Si l'on veut que les capitaux en jachère dont vous parlez s'investissent dans l'emploi et la croissance, il faut, et c'est ce que propose le groupe communiste et républicain :

Créer un pôle financier chargé de développer une vraie mission de service public du crédit ;

Mettre en place un crédit sélectif, je l'ai dit tout à l'heure, favorisant les investissements créateurs d'emploi et pénalisant toute conduite contraire à l'emploi et à l'investissement socialement utile - rien ne sera possible pour l'emploi sans taxer les actifs financiers non réinvestis, sans taxer la spéculation et l'argent qui sert à délocaliser les entreprises qui font des bénéfices, sans mettre en place une régulation pour assurer un niveau décent de rendement des actions ;

Créer des fonds régionaux et nationaux alimentés par un recyclage des 20 milliards d'euros de cadeaux sur les cotisations sociales afin d'alléger les charges financières des entreprises dès lors qu'elles investissent dans l'emploi et la recherche - les charges financières sont les charges essentielles des entreprises ;

Augmenter les salaires, retraites et pensions afin de donner une vraie assise à une croissance fondée sur l'emploi.

D'autres mesures peuvent être envisagées au niveau de la France mais également au niveau de l'Europe et du monde. Encore faut-il sortir de cette logique suicidaire d'une concurrence outrancière, d'une guerre économique qui détruit plus qu'elle ne construit.

Bref, il faut réduire le poids de l'exigence de rentabilité financière pour augmenter le poids de l'exigence de rentabilité humaine. Or vous faites exactement le contraire ! Voilà pourquoi le groupe communiste et républicain ne partage ni la philosophie ni le contenu de ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, il ne vous étonnera pas que je sois en total désaccord avec les propos de notre collègue, excellent par ailleurs, Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Pierre Balligand. Ce n'est pas possible !

M. Jean-Claude Sandrier. Je suis déçu !

M. Philippe Auberger. D'abord, je voudrais lever un malentendu, que j'aurais aimé que vous dissipiez, monsieur le ministre. Ainsi que vous l'avez reconnu ce matin lors de votre conférence de presse, si mes informations sont bonnes, la France connaît actuellement une croissance relativement faible, en tout cas plus faible que celle qui était escomptée et trop faible pour faire baisser progressivement le chômage et retrouver une situation de l'emploi plus favorable. Mais ce n'est pas la demande, et en particulier la demande des ménages, qui explique cette situation car la consommation des ménages continue, malgré tout, à bien se tenir. Et si elle était dopée de façon artificielle, les conséquences seraient tout de suite visibles sur la balance commerciale. Même si plus personne ne parle de la balance commerciale, celle-ci est essentielle dans la conjoncture actuelle. Or, malheureusement, cette balance commerciale s'est dégradée au fil des dernières années. Cela prouve que notre économie, et en particulier notre industrie, perd de sa compétitivité, perd des parts de marché à l'extérieur, en particulier dans les pays émergents.

Le niveau de la croissance n'est donc pas dû à une trop faible demande, mais à un défaut d'offre compétitive. Nous avons besoin de restaurer la compétitivité de notre économie pour redresser la situation, renforcer la croissance et augmenter le pouvoir d'achat. C'est cela qui est au cœur du projet de loi qui nous est proposé.

Il faut donc parvenir à relever le niveau des investissements, pas tant dans les grandes entreprises d'ailleurs, car si celles-ci investissent en partie en France, on voit bien que de plus en plus, malheureusement, elles réalisent leurs profits à l'étranger, avant de les rapatrier en France pour le plus grand bénéfice de l'impôt sur les sociétés, que dans les petites et moyennes entreprises. Or pour développer l'investissement dans les petites et moyennes entreprises, il faut renforcer leurs fonds propres. Aujourd'hui, elles ont une réelle opportunité d'investir, en s'endettant puisque les taux d'intérêt n'ont jamais été aussi bas, en particulier les taux à long terme. Si elles ne le font pas, c'est parce que l'endettement présente trop de risques pour elles en l'absence de fonds propres suffisants. Il est donc urgent d'améliorer la situation en fonds propres des petites et moyennes entreprises. C'est ce que prévoit le projet de loi. C'est pour cela que ce texte est important.

Face à ce besoin en fonds propres, nous constatons que nos concitoyens continuent à épargner de façon importante dans les assurances-vie en euros ou sur les livrets, c'est-à-dire dans des produits à taux fixe, sans risque, alors que nous avons besoin d'une épargne à risque, d'une épargne qui soit investie dans le secteur productif, même si dans ce cas la rémunération, à long terme, n'est assurée que s'il règne un bon climat de confiance.

M. Jean-Louis Dumont. Il faut oser !

M. Philippe Auberger. C'est là le cœur du dispositif qui nous est proposé.

Ce dispositif n'a rien d'exceptionnel, il est dans la lignée de ce qui avait été mis en place par la précédente majorité dans le cadre de la loi NRE pour une bonne partie, notamment en ce qui concerne la gouvernance des entreprises, et par la loi sur la sécurité financière de 2003 en ce qui concerne le fonctionnement des marchés financiers. Le texte qui nous est proposé aujourd'hui apporte des améliorations, des perfectionnements. Il permet également d'intégrer dans notre droit un certain nombre de dispositions provenant des directives européennes. Dans ces conditions, je ne vois pas comment on peut considérer que ce projet de loi est complètement hors sujet et qu'il ne répond pas à des attentes importantes des entreprises.

Ce projet a comme objectif en particulier de mobiliser l'épargne au profit des entreprises et des PME et d'accorder plus de transparence au marché, et c'est bien ce qu'il faut faire dans l'immédiat.

Une première mesure significative concerne la mise en place de l'Agence française pour l'innovation industrielle. C'est une innovation très importante qui avait été saluée d'ailleurs par le Président de la République lors de ses vœux aux forces vives de la nation. Une disposition législative est nécessaire pour pouvoir adapter la gouvernance de cette agence, compte tenu notamment des règles en vigueur en matière de démocratisation du secteur public. Mais il est impérieux que cette agence soit mise en place très rapidement, le Premier ministre en a d'ailleurs parlé dans sa déclaration de politique générale. L'annonce qui a été faite de la doter dès la première année de 1 milliard d'euros au lieu des 500 millions qui étaient prévus initialement est excellente. Il faut, monsieur le ministre, que cette agence démarre le plus tôt possible. Pour cela, il faudrait que le décret d'application soit pris dès le mois de septembre.

En tout cas, je peux vous dire puisque la Caisse des dépôts et consignations sera amenée à gérer les comptes de cette agence sur le plan administratif et à veiller...

M. Jean-Louis Dumont. Nous sommes attentifs à la gestion de la Caisse des dépôts et consignations.

M. le président. Monsieur Dumont, vous n'avez pas la parole.

M. Jean-Louis Dumont. Mais j'observe que le président de la Caisse des dépôts ne nous répond pas.

M. le président. Ici, il n'y a pas de président de la Caisse des dépôts.

M. Jean-Louis Dumont. C'est M. Auberger qui vient d'en parler.

M. le président. Cela ne m'a pas échappé, monsieur Dumont. Mais ici, nous sommes à l'Assemblée nationale. Poursuivez, monsieur Auberger.

M. Jean-Louis Dumont. Justement ! il faut revendiquer, face au ministre de l'économie, le rôle du Parlement pour la Caisse des dépôts et consignations. M. Balligand est également présent, et il entend !

M. le président. On sait tout cela, monsieur Dumont.

Monsieur Auberger, vous avez la parole et vous seul.

M. Philippe Auberger. Les outils sont prêts pour assurer, d'une part, la gestion administrative et financière et, d'autre part, le suivi des crédits qui seront mis à la disposition des entreprises. Ainsi, en cas de bonne fortune par exemple, il faudra veiller que les crédits soient restitués comme prévu et que l'Agence joue un rôle d'amorçage. Il faudra en outre veiller à ce qu'il y ait une répartition intelligente des crédits entre les grandes entreprises, qui seront incontestablement à l'initiative de ces recherches et de ces développements en matière d'innovation, et un certain nombre de petites entreprises, qui doivent pouvoir bénéficier d'une part des aides lorsqu'elles travaillent avec les grandes entreprises.

Une telle mesure va incontestablement faciliter le développement des financements à l'innovation. Tout le monde avait déploré le fait que le processus enclenché à Lisbonne n'ait pas trouvé de réalisation. En voilà une.

Il reste simplement à souhaiter qu'il y ait un volet non seulement français mais également allemand - je crois que cela a déjà été envisagé - et, plus largement, un volet européen. Ce n'est pas parce que les institutions européennes sont un peu en panne depuis le 29 mai, malheureusement, que l'industrie européenne ne doit pas se développer de concert. Nous avons là vraiment un très beau projet dans ce sens.

Deuxième mesure importante, c'est la précision, dans la suite de la loi sur la sécurité financière, d'un certain nombre de pouvoirs de l'Autorité des marchés financiers qui avait été mise en place alors, notamment pour l'approbation des prospectus en vue de l'appel public à l'épargne ou des règles de présentation et de diffusion des recommandations d'investissements. Il ne s'agit pas du tout, comme cela a été dit, de bâillonner la presse, y compris la presse financière. Il s'agit de moraliser et d'éviter des recommandations orientées pour des raisons qui n'auraient rien à voir avec une information objective et sereine des projets des entreprises. Cette précaution avait d'ailleurs déjà été envisagée dans la loi sur la sécurité financière.

Les pouvoirs de sanction et d'injonction de l'AMF doivent être renforcés, notamment pour les titres cotés à Paris et toutes les opérations en France. Il faut éviter la diffusion de fausses informations et les manipulations de cours et améliorer le système des déclarations en matière de franchissement de seuil.

Il faut par ailleurs mobiliser l'épargne au profit des PME, notamment avec les opérations dites de proximité, qui bénéficieront d'une réglementation allégée, et simplifier les introductions en bourse, notamment grâce à Alternext. Cela dit, monsieur le ministre, il ne faut pas se leurrer : si le nouveau marché n'a pas donné les résultats escomptés, c'est parce qu'il y a eu la bulle spéculative des années 2000-2002, notamment autour d'Internet, et que le système français est un peu moutonnier. Il faut donc éviter une dérive d'Alternext dans ce domaine. Il ne faut pas oublier non plus que toute introduction, même par Alternext, coûte pas mal d'argent aux entreprises et que toutes les entreprises n'y ont pas accès.

Enfin, un dispositif, qui sera pris par ordonnances, permettra d'améliorer notre système de sûretés. Le sujet est sur le plan juridique extrêmement complexe. Il me semble qu'il n'y avait pas lieu d'en discuter au fond à l'Assemblée nationale et que nous pouvons faire confiance au Gouvernement dans ce domaine.

Deux sujets majeurs qui n'ont pas été complètement traités dans ce projet devraient l'être dans des délais raisonnables.

Le premier concerne l'épargne salariale, et j'ai bien entendu ce que le président Ollier a dit tout à l'heure dans ce domaine.

Il faut assurer une certaine stabilité des règles dans ce domaine, notamment éviter de les changer en cours d'année, donnant ainsi l'impression que l'épargne salariale serait une variable, qui pourrait fluctuer au gré de la conjoncture.

Il faut également que cette épargne salariale soit une véritable incitation à une épargne longue. Je sais bien que, pour des raisons conjoncturelles, nous avons accepté le déblocage cette année, mais s'il doit y avoir un véritable avantage fiscal, ce déblocage ne doit pas avoir lieu avant un terme raisonnable.

Il faut en outre que cette épargne salariale soit fonction des résultats. Ce n'est pas un complément de rémunération, mais la manifestation d'une certaine association des salariés aux résultats de l'entreprise.

Il faut enfin simplifier les systèmes entre l'intéressement, la participation et les plans d'épargne salariale. Les règles sont nombreuses et trop complexes. Il vaudrait mieux élaborer un système unique plus simple.

Le second chapitre qu'il faudra ouvrir concerne la fiscalité globale de l'épargne en actions et de l'épargne à risque, même si, je le sais, la commission des finances n'aime pas, à juste titre, ouvrir ce type de chapitres en dehors des lois de finances.

D'abord, nous constatons actuellement que les grandes entreprises qui engrangent des résultats importants rachètent une partie de leur capital au lieu d'investir. C'est tout à fait anormal. Je ne sais pas si l'amendement que le rapporteur a prévu de défendre dans ce domaine aura toutes les vertus qu'on peut escompter. En tout cas, je pense que le problème est bien réel.

Ensuite, de façon plus générale, nous constatons que nos concitoyens sont tentés par les produits à taux, ou des systèmes garantis qui sont équivalents à des systèmes à taux. Il faut vraiment mettre en place une fiscalité de l'épargne à risque qui soit plus avantageuse que le système actuel.

Pour les entreprises, par exemple, le système actuel tend plutôt à développer tout ce qui concerne l'endettement, qui est déductible, plutôt que le système d'actions avec des dividendes. Le régime des plus-values en ce qui concerne les actions devrait être rendu plus favorable, le Président de la République l'a dit. Globalement, il y a donc un gros effort à faire dans ce domaine.

A ces quelques réserves près, qui sont plutôt des perspectives pour l'avenir, monsieur le ministre, le groupe de l'UMP approuve votre projet et le soutiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque je relis le titre de ce projet de loi « pour la confiance et la modernisation de l'économie »,...

M. Jean-Claude Sandrier. Déjà cela pose problème !

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. C'est un excellent titre !

M. Jean-Pierre Balligand. ...et lorsque je pense à son contenu,...

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Excellent aussi !

M. Jean-Pierre Balligand. ...je me dis, monsieur le ministre, que vous avez été floué,...

M. Jean-Louis Dumont. Cela commence fort !

M. Jean-Pierre Balligand. ...car les vingt-trois articles hétéroclites dont nous allons débattre ne forment guère plus qu'un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mais ce sont les plus importantes, cher collègue !

M. Jean-Pierre Balligand. C'est un DDOF !

M. Jean-Louis Dumont. C'est le Bazar de l'Hôtel de Ville !

M. Jean-Pierre Balligand. Je comprends que le rapporteur général soutienne ce texte, mais je ne suis pas sûr que cela soit à la hauteur des enjeux s'agissant de sa lisibilité pour le monde de l'entreprise. Ces articles ne sont en aucun cas à la hauteur de l'ambition dont vous vous réclamez. Cette divergence fondamentale illustre assez bien la tonalité globale d'un texte qui réussit tout à la fois, ce qui était un véritable défi, à être creux et paradoxal.

Nos divergences prennent corps dès l'exposé des motifs. Là où nous sommes un certain nombre à attendre moins de laisser-faire et plus de régulation, vous entendez introduire, avec vos habituels euphémismes - ce sont vos prédécesseurs plus que vous, monsieur le ministre, qui sont en cause, mais c'est ça la continuité de l'État ! -, moins de blocages et plus d'assouplissements. Là où nous voyons une France qui va mal, dont le moral, la consommation et l'investissement sont en berne, et qui est touchée, comme d'autres pays occidentaux, par une crise profonde du capitalisme, vous persistez à voir une France florissante qui attendrait seulement davantage de laisser-faire et de libéralisme pour donner le meilleur d'elle-même.

Votre texte est donc surtout marquant par ce que l'on n'y trouve pas.

Il y a, d'abord, les dispositions qu'il faut aller chercher dans le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers, déposé le 29 mars 2005, déjà examiné en première lecture par le Sénat et qui sera débattu lundi prochain dans notre assemblée. Ainsi, alors que le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie est déjà le fruit d'une scission en deux censée lui avoir donné plus de cohérence, voilà que nous devons désormais faire face à des « rejets » législatifs sur un thème analogue. Cela n'est pas sérieux !

Il y a, ensuite, les dispositions qui ne figurent pas encore dans votre texte. De nombreuses promesses et annonces gouvernementales, malheureuses au demeurant, n'ont pour l'heure pas été suivies d'effet, mais elles pourraient l'être à l'occasion du débat en séance publique : le pouvoir de transaction de l'Autorité des marchés financiers - AMF -,...

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il fallait écouter M. le ministre tout à l'heure !

M. Jean-Pierre Balligand. ...le déblocage anticipé de l'épargne salariale, qui est devenue une véritable arlésienne à force de revirements, ou encore le « coup de pouce » conjoncturel de 200 euros pour les entreprises et, peut-être, dans le meilleur des cas, pour les salariés. Cette manière de légiférer par amendements, sur laquelle je reviendrai, est encore moins acceptable.

Il y a, enfin, les dispositions qui ne figurent pas du tout dans ce texte et qui n'y figureront vraisemblablement pas. Elles sont nombreuses. Il s'agit de réponses aux besoins du marché ou aux attentes de la profession encore une fois occultées : un meilleur encadrement des agences de notation, la généralisation d'une gestion des risques, la promotion de la responsabilité sociétale de l'entreprise, la défense des droits des actionnaires et, plus largement, de toutes les parties prenantes de 1 ' entreprise.

Au final, les conditions de notre travail parlementaire sont totalement insatisfaisantes : une disponibilité tardive des rapports, qu'il s'agisse des rapports pour avis ou du rapport principal ; une diffusion sporadique et une élaboration confuse, pour ne pas dire cafouilleuse, et par médias interposés, des propositions d'amendements, en particulier celles émanant du Gouvernement. On ne peut pas décemment légiférer dans ces conditions, autant du reste par respect pour la majorité que pour l'opposition.

Tous ces éléments font que nous naviguons dans un climat paradoxal d'impréparation et de précipitation qui n'est pas à la hauteur des enjeux en présence. De reports ultimes en modifications de dernière minute, le travail d'élaboration législative a rarement été aussi brouillon et dépourvu de ligne directrice.

M. Jean-Louis Dumont. Ça c'est dur !

M. le président. Monsieur Dumont, au cas où cela vous aurait échappé, c'est M. Balligand qui a la parole !

M. Jean-Louis Dumont. Mais j'approuve ce qu'il dit, monsieur le président !

M. Jean-Pierre Balligand. Première conséquence collatérale : ce n'est pas aujourd'hui que les lacunes flagrantes de la loi de sécurité financière seront comblées, en dépit du travail qualitatif important mené il y a deux ans, lors du vote de la loi, par toutes les parties concernées.

Quant aux propos que je tenais il y a un an à peine, lors de la tentative d'examen de notre proposition de loi relative au renforcement de la responsabilité individuelle des dirigeants et mandataires sociaux dans les sociétés anonymes ainsi qu'à la transparence et au contrôle de leur rémunération dans les sociétés cotées, ils demeurent malheureusement toujours valables, voire plus que jamais d'actualité.

Ce texte intéressant et constructif s'inscrivait pourtant au nombre des tentatives régulières de contenir les dérives observées depuis plusieurs années dans le fonctionnement du capitalisme de marché. En 2003, lors du débat sur la loi de sécurité financière, c'était l'ombre des dérèglements internationaux majeurs intervenus en 2002 - Enron, WorldCom, Vivendi - ; en 2004, c'était l'affaire Parmalat, puis les scandales occasionnés par quelques rémunérations éhontées perçues chez Alcatel ou au Crédit Lyonnais. Depuis, le scandale des retraites chapeau indues ou disproportionnées, comme chez Carrefour, a fini de faire comprendre à l'opinion publique que non seulement nous posions de vraies questions, mais qu'au surplus nous suggérions des réponses crédibles.

La réflexion critique sur le gouvernement d'entreprise a pourtant été ouverte et activement entretenue par le mouvement patronal lui-même, depuis Marc Viénot, par deux fois - en 1995 et en 1999 -, jusqu'à Claude Bébéar en 2003, en passant par Daniel Bouton en 2002. Le droit des affaires a tenté plusieurs fois de se réformer à la lumière des principes de transparence et de responsabilité. Mais les réformes effectivement menées en France n'ont jamais été à la mesure ni des questions posées par le fonctionnement des entreprises et des marchés ni même des réponses apportées outre-Atlantique par la loi Sarbanes-Oxley de 2002.

Nous en sommes d'ailleurs arrivés à une situation relativement paradoxale où c'est l'approche américaine qui impose des règles, des normes,...

M. Christophe Caresche. Absolument !

M. Jean-Pierre Balligand. ...une documentation et des sanctions très lourdes, notamment pénales, pour les dirigeants en cas d'infraction aux règles édictées,...

M. Christophe Caresche. Exactement !

M. Jean-Pierre Balligand. ...alors que l'approche française laisse le droit commun compétent pour les cas de manquement aux règles et parie davantage sur la prise de conscience, ce qui est un vœu pieu en matière financière et économique. L'expérience des dernières années le prouve de plus en plus.

Le cadre légal français est certes censé diminuer l'asymétrie d'information et améliorer les moyens de contrôle des actionnaires. Mais est-ce vraiment bien le cas, lorsque l'on sait que seul un tiers des 250 premières capitalisations à la Bourse de Paris disposent d'un comité des rémunérations ? Des progrès restent donc à faire dans ce domaine, et les moyens de contrôle doivent également s'élargir à d'autres outils que la seule rémunération.

Et pourtant, année après année, ministre après ministre, les véritables questions continuent de demeurer éludées, quand bien même elles dépassent par leur dimension le strict cadre du travail législatif.

Les problématiques sont en effet bien plus larges. S'agissant des entreprises, tout d'abord.

Première interrogation : à qui appartiennent-elles ? Les investisseurs institutionnels ont une exigence de dividendes, mais sans responsabilité managériale : de plus en plus de grands actionnaires refusent aujourd'hui de participer aux conseils d'administration. On est quasiment revenu au temps des sociétés en commandite, où le manager a une responsabilité totale. Mais la « neutralité actionnariale » demeure une ineptie. L'exemple récent fourni par le cas Havas en est une parfaite illustration.

Seconde interrogation : comment sauver les sociétés de leurs propres actionnaires quand la logique du court terme prévaut : recherche de résultats à deux chiffres, quête sans fin du plus lucratif, déconsidération des problématiques sociales au profit du retour sur investissement ?

M. Jean-Claude Sandrier. Voilà le problème !

M. Jean-Pierre Balligand. En ce qui concerne, ensuite, la place des salariés.

Depuis quelques années, on assiste à une déconnection complète entre croissance et emploi, aussi bien aux États-Unis qu'en Europe. Avant de partager l'emploi, il faut donc partager le pouvoir avec les salariés, car leur intérêt collectif est de sauver les entreprises de la dictature des fonds de pension. Il y aurait par conséquent un intérêt à mettre en place un triple partage dans nos économies et dans nos entreprises : partage du pouvoir, partage de l'emploi, partage des fruits de la croissance.

Pour ce qui est justement des rémunérations, les écarts de salaires minent les systèmes démocratiques. Alors que le système de redistribution est hors service - il faudrait d'ailleurs sans doute réhabiliter le rôle de l'impôt, mais c'est un autre débat ! -,...

M. Éric Raoult. On vous fait confiance !

M. Jean-Pierre Balligand.... les mécanismes internes de partage des fruits de la croissance dans chaque entreprise sont également en berne. Cette situation est dangereuse. De nouveaux chemins sont possibles et doivent être explorés.

Dans Dérives du capitalisme financier, que je vous recommande de lire, mes chers collègues, Michel Aglietta, pour lequel j'ai beaucoup d'estime et qui n'est pourtant pas un révolutionnaire, et Antoine Rebérioux font ce constat alarmant : aux États-Unis, le rapport entre les rémunérations moyennes des salariés et des PDG, qui était de 1 pour 40 dans les années 1980, est passé à 1 pour 400 dans les années 2000 ! Il faut à tout prix restaurer une mesure de justice dans ce domaine. Il est incroyable que la loi de sécurité financière soit allée moins loin que les préconisations des dirigeants eux-mêmes.

II y a un an, lors du débat escamoté autour de la proposition de loi précitée, nous avions proposé précisément la fixation en assemblée générale d'un rapport maximum entre les deux rémunérations, la plus haute et la plus basse dans l'entreprise, de manière à créer des rapports salariaux, et donc sociaux, plus transparents et plus maîtrisés. Peine perdue ! La majorité UMP a refusé de débattre de cette proposition pourtant concrète, signe de son impuissance fondamentale face au marché et face aux dérives du capitalisme.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Proposition que vous aviez vous-même refusée en 2001 !

M. Jean-Pierre Balligand. Pourquoi ne pas revenir à la règle des trois tiers - actionnaires, développement, salariés - pour la répartition des dividendes ? Pourquoi ne pas mettre en place un meilleur contrôle de la répartition entre salaire fixe et salaire différé ? C'est le sens de la proposition que je fais notamment de lier l'attribution des différentes formes de rémunération variable au profit des mandataires sociaux, cadres dirigeants de la société, à la mise en place ou au renouvellement d'un accord d'intéressement dans l'entreprise.

On ne devrait autoriser les stock-options qu'une fois que les salariés ont tous eux-mêmes été intéressés aux résultats.

Autre problématique : les employés des grandes entreprises - comme Saint-Gobain, Renault, Veolia ou Suez - bénéficient d'un intéressement ou d'une participation, mais, l'essentiel du travail étant fait par leurs sous-traitants, il faudrait associer financièrement aux résultats les salariés de ces entreprises sous-traitantes. Voilà une vraie utopie,...

M. Jean-Louis Dumont. Très bien ! Nous avons besoin d'utopie !

M. Jean-Pierre Balligand. ...un vrai défi qui pourrait être relevé.

Eu égard à ces enjeux, et si on le regarde un peu plus en détail, le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui souffre d'un trop grand nombre de faiblesses, que je peux lister de manière non exhaustive.

Je demeure perplexe sur les conséquences de l'article 2, qui tend à abaisser à 20 % le quorum requis pour la tenue de l'assemblée générale des actionnaires.

M. Jean-Louis Dumont. Moi aussi !

M. Jean-Pierre Balligand. Je l'ai signalé en commission : cela veut dire en pratique que 10 % des actionnaires plus un suffiront désormais à définir une majorité. Je ne sais pas si beaucoup de nos collègues ici présents se rendent bien compte de ce que cela signifie en termes de disparition du pouvoir de démocratie actionnariale dans l'entreprise. La vraie question serait plutôt de savoir comment favoriser la participation des actionnaires individuels, étant donné que les investisseurs institutionnels ont d'autres moyens d'exercer leur contrôle.

M. Jean-Louis Dumont. Très bien !

M. Jean-Pierre Balligand. Nous savons tous que les décisions sont prises dans des road shows trimestriels, sachant que l'on anticipe constamment les résultats, ce qui ne facilite pas la tâche des managers.

Le projet d'Agence de l'innovation industrielle, créée à l'article 5 en référence aux recommandations du rapport Beffa, n'est qu'une énième entité ad hoc, à l'espérance de vie notoirement incertaine. « Il n'est pas nécessaire de créer une nouvelle agence », disait d'ailleurs récemment et publiquement le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations. Mais vous n'êtes pas sans savoir que celle-ci est liée aux activités d'OSEO.

L'habilitation à légiférer par ordonnances, donnée au Gouvernement par l'article 6, est d'une ampleur trop importante pour être autorisée telle quelle par le Parlement. Beaucoup s'accordent d'ailleurs à le reconnaître.

Les nouvelles règles proposées à l'article 9 pour les recommandations d'investissement sont d'autant moins protectrices pour les investisseurs qu'elles ne concernent pas les agences de notation.

À l'article 14, l'extension en valeur - de 20 000 à 30 000 euros - et dans le temps - du 31 mai au 31 décembre 2005 - de la mesure d'exonération dite Sarkozy sur les dons manuels est une décision typiquement clientéliste, sociologiquement ciblée, au demeurant non chiffrée et bien sûr non financée. Elle contraste cruellement avec les propos que tenait, il n'y a pas si longtemps, un membre éminent de la majorité parlementaire. Celui qui déclarait ainsi, le 15 mars 2005, dans un grand quotidien économique, qu'il fallait « répondre aux attentes de la France des fins de mois difficiles », c'est Pierre Méhaignerie.

Quant au crédit d'impôt institué à l'article 20 pour la formation des salariés aux dispositifs d'épargne salariale, si j'adhère à son objectif, je n'en conteste pas moins la complexité de son fonctionnement et l'absence totale d'estimation de ses conséquences fiscales. Les partenaires sociaux, patronaux comme syndicaux, ont d'ailleurs été les premiers surpris par cette mesure. Elle risque bien de n'avoir au final qu'un maigre effet d'aubaine et l'on est en droit de suspecter derrière elle un lobbying actif des organismes de formation.

Mais ce sont les dispositions présentes ou à venir relatives à l'épargne salariale et à la participation qui continuent de susciter - vous devez vous en douter - mon désaccord le plus total.

Le souci du Gouvernement de permettre le versement d'une prime exceptionnelle d'intéressement pourrait éventuellement se comprendre dans l'optique de donner un pouvoir d'achat supplémentaire à certains salariés. Encore faudrait-il que son effet sur la consommation soit dûment prouvé et mesuré, ce qui est loin d'être le cas.

En revanche, le projet de déblocage de la participation est absolument inopportun et s'inscrit peut-être dans un projet plus large de remise en cause des outils à la disposition des entreprises et d'une redéfinition de ce qu'est la rémunération du travail.

Quitte à répéter dans l'hémicycle ce que j'ai dit en commission des finances - pourquoi m'en priverais-je, puisqu'il me semble que mes propos ont porté leurs fruits ? -, je rappelle que l'épargne salariale représente des quasi-fonds propres pour beaucoup de petites et moyennes entreprises. Permettre aux salariés de la débloquer par anticipation risque de mettre en danger leur financement. Je me suis efforcé, sous la précédente législature, de démontrer la nécessité de maintenir un dispositif de participation qui s'inscrive dans la durée. Le Gouvernement ne recommande-t-il pas lui-même de conserver une épargne de long terme ? Je ne comprends donc pas quel but il poursuit quand il cherche à la débloquer.

J'ai bien tenté d'ailleurs, il y a six mois, d'alerter les pouvoirs publics sur cette évolution totalement contradictoire et contre-productive des mécanismes d'épargne-retraite, ainsi que sur le risque qu'ils font courir à l'épargne salariale. Mes craintes étaient malheureusement fondées, mais elles n'ont, de toute évidence, pas été entendues.

J'ajoute que les nouveaux dispositifs créés par la loi Fillon ont compliqué davantage l'offre des établissements et le choix des épargnants, en ajoutant encore au brouillard de l'épargne longue. C'est le cas du PERCO, le plan d'épargne pour la retraite collectif, contesté par les syndicats, et du PERP, le plan d'épargne retraite populaire, qui a été condamné par la principale association d'épargnants, l'AFER, et dont la popularité est décevante. Voyez les chiffres : on compte plus d'un million de plans ouverts, mais moins de 500 millions d'euros placés en 2004, ce qui n'est pas le signe d'une grande réussite.

Le coup de grâce est venu en août 2004, lorsque la loi Sarkozy relative au soutien à la consommation et à l'investissement a commencé d'organiser le siphonnage en bonne et due forme de l'épargne salariale, en autorisant jusqu'au 31 décembre 2004 le déblocage exceptionnel de 10 000 euros sur les plans ouverts avant le 16 juillet 2004. 7 milliards d'euros ont finalement été débloqués - on comprend pourquoi je parle de siphonnage -, ce qui représente au passage autant de mandats retirés du jour au lendemain aux sociétés de gestion, avec tout ce que cela implique pour le financement des entreprises.

Ces sommes ont-elles pour autant été affectées intégralement à la consommation intérieure ? Rien n'est moins sûr : les indicateurs conjoncturels ne se sont pas relevés dans les mêmes proportions que le mouvement de désépargne observé. Quant au moral des ménages, il n'a pas cessé pour autant de se dégrader. En tout état de cause, le Gouvernement a préféré fragiliser un outil de redistribution du pouvoir dans l'entreprise que redonner durablement confiance aux consommateurs par une politique économique structurelle et volontariste.

Monsieur le ministre, j'espère que vous serez clair, comme vous l'avez été en commission, ainsi que tout à l'heure en séance publique. Je connais sans doute mieux que vous les députés de la majorité. Je sais que vous n'êtes pas à l'abri de leurs manœuvres d'amendements ni de leurs pressions. Ce sont toujours les mêmes, dans votre majorité, qui s'amusent à déposer des amendements scélérats.

M. Éric Raoult. Oh !

M. Jean-Pierre Balligand. Je suis en droit de penser qu'il existe des lobbies. M. Novelli arrive à point nommé car je pensais justement à celui qu'il représente.

M. Hervé Novelli. Si l'on me traite ainsi, je vais repartir ! (Sourires.)

M. le président. Concluez, monsieur Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. Dans cet hémicycle, et plus particulièrement dans votre groupe, monsieur Novelli, certains aiment aller dans le sens d'un libéralisme débridé, qui suscite aujourd'hui un mécontentement populaire important.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est un fantasme !

M. le président. Merci, monsieur Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. Un mot encore: il faut stabiliser l'épargne salariale, monsieur le ministre, au lieu de multiplier les produits financiers.

M. Jean-Louis Dumont. Voilà un bon conseil !

M. Jean-Pierre Balligand. M. Auberger a dit qu'il fallait revenir sur la participation et l'intéressement. Je souhaiterais que vous nous donniez des assurances dans ce domaine car ce texte n'est pas adapté à l'ampleur de la crise de confiance que traverse l'économie française. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons vise à apporter un nouveau souffle dans notre économie en modernisant les règles de fonctionnement des entreprises, notamment en les simplifiant.

Affirmons-le d'emblée, le cadre général de ce projet nous semble satisfaisant, qu'il s'agisse de l'adaptation à l'environnement juridique, de la modernisation des outils de financement des entreprises, de la simplification de l'accès aux marchés financiers ou du renforcement de la confiance des investisseurs.

Pour autant, les mesures proposées ne créent pas de véritable dynamique. Elles ne vont pas révolutionner notre économie. Elles ne relèvent pas d'une stratégie globale. À l'UDF, nous aurions préféré que ce texte soit inclus dans un plan plus général de relance de la croissance car une impulsion forte ne serait pas négligeable au regard de la crise sociale que nous traversons. Mais ces mesures sont nécessaires. Elles sont attendues par les entreprises. Il s'agit d'aménagements techniques qui simplifieront leur activité.

Je ne prendrai que quelques exemples.

Tout d'abord, la possibilité de tenir des conseils d'administration et de surveillance par tout moyen prend désormais en compte l'évolution moderne et rapide des moyens de communication. L'entreprise se trouve ainsi en phase avec une société où les contacts par téléphone et par Internet sont aujourd'hui quotidiens.

Deuxièmement, la création d'une Agence de l'innovation industrielle est une mesure au but louable, qui permettra de cofinancer des grands projets industriels. Encore faut-il préciser que le mode de financement de cette agence par des recettes provenant des cessions d'actifs ne constitue pas une solution durable. À moins que le ministre nous explique que l'Agence de l'innovation industrielle aura une durée de vie limitée, ce que la plupart de nos collègues ne croiront pas, puisque, dans notre pays, on crée beaucoup plus de nouvelles structures qu'on n'en supprime. Il faudra donc trouver un relais budgétaire.

En troisième lieu, l'élargissement des pouvoirs de l'AMF, l'autorité des marchés financiers, va également dans le bon sens.

Néanmoins, mes chers collègues, permettez-moi de vous alerter sur deux points qui, à notre sens, méritent une réflexion approfondie. Il s'agit, d'une part, de la réforme du droit des sûretés prévue à l'article 6 et, d'autre part, du contrôle de la rémunération des mandataires sociaux.

Avec l'article 6, vous nous demandez, monsieur le ministre, d'autoriser le Gouvernement à réformer le droit des sûretés par ordonnances - encore une ordonnance ! Nous sommes d'accord avec vous, monsieur le ministre : moderniser les textes afin de les rendre plus lisibles est nécessaire. Les règles de 1804 ont besoin d'être dépoussiérées. Simplifier les procédures et assurer une meilleure protection du consommateur sont des objectifs chers à l'UDF.

Néanmoins, faire l'économie d'un débat parlementaire constituerait une grave erreur. La réforme du droit des sûretés mérite réflexion et discussion. Hypothéquer n'est pas un acte anodin. C'est une décision qui engage chaque année des milliers de personnes, qui affecte leur budget et leurs dépenses.

Parmi les mesures que vous envisagez, vous citez la création d'un crédit hypothécaire rechargeable et d'un prêt viager hypothécaire. Ce sont là des mesures lourdes de conséquences, qui doivent être rigoureusement encadrées afin de ne pas plonger des familles dans le cycle pervers du surendettement. Les représentants des citoyens que nous sommes ne doivent pas être écartés d'un tel débat. Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas laisser s'échapper nos compétences en la matière.

Puis-je me permettre de vous rappeler, mes chers collègues, que le Gouvernement nous demande en quinze jours un nombre d'ordonnances considérable ? Est-ce à dire que nous légiférons sur des sujets inutiles ?

En veut-on un exemple ? À peine la loi Fillon avait-elle été votée par la seule UMP, le nouveau ministre, qui venait juste de prendre ses fonctions, a annoncé qu'il allait attendre avant de prendre des décrets d'application.

M. Jean-Louis Dumont. Très juste !

M. Charles de Courson. Pour notre part, à l'UDF, nous avions insisté sur le fait qu'un tel texte n'était pas nécessaire. Le ministre pouvait fort bien exercer son pouvoir réglementaire. Si tel avait été le cas, sans doute aurions-nous davantage de temps pour travailler sur des textes qui relèvent de nos attributions. En effet, nous croyons, à l'UDF, à l'utilité du Parlement.

M. Jean-Louis Dumont. Très bien !

M. Charles de Courson. Rares sont ceux qui partagent réellement notre analyse. Mais, puisque M. Dumont applaudit, je n'aurai pas la cruauté de remonter trop en arrière.

M. Jean-Louis Dumont. Les socialistes ont toujours cru à l'utilité du Parlement !

M. Charles de Courson. Les différents gouvernements ont tous eu leur part de responsabilité en la matière. Mais nous aussi, mes chers collègues, nous sommes responsables : si nous légiférions mieux, nous aurions sans doute le temps de nous consacrer à des sujets aussi importants que la réforme des hypothèques.

J'en viens à la question sensible de la rémunération des mandataires sociaux. En avril dernier, la polémique autour des indemnités de départ à la retraite des chefs d'entreprise a atteint son apogée avec l'annonce des 38 millions d'euros de provision destinés à verser une retraite chapeau à l'ex-PDG de Carrefour. Un quotidien national rapportait ce chiffre au SMIC afin de mettre en évidence la disproportion entre les salaires : une telle somme correspondrait à 2 514 années de SMIC !

Pascal Clément, alors président de la commission des lois, s'était dit « révolté » par ces chiffres. Et je ne crois pas me tromper en affirmant que toute la classe politique - avec une certaine démagogie, diront certains - a dénoncé cette disproportion.

D'autres golden parachutes  - comme il est convenu d'appeler ces indemnités de départ en or - ont, ces dernières années, nourri la presse, alimenté les conversations et suscité bien des promesses de changement. Je ne vous rappellerai pas ces différentes affaires ; dans cet hémicycle, nous n'avons pas vocation à accuser, à juger. En revanche, nous nous devons d'aborder ce débat au fond et d'affronter cette délicate question.

L'UDF souhaite promouvoir la démocratie économique - il s'agit de l'un des quatre thèmes qui nous tiennent à cœur - et la démocratie économique, ce n'est pas l'ombre : c'est la transparence. Or, aujourd'hui, c'est la méfiance qui prévaut entre actionnaires et dirigeants. Il faut donc restaurer la confiance entre tous les acteurs de l'économie et éviter que d'autres scandales n'éclaboussent nos entreprises et n'ébranlent la société. Le capitalisme à la française doit être, sur ce point, assaini.

Pascal Clément avait, lorsqu'il était encore parlementaire, présenté un amendement...

M. Jean Launay. Après ce qu'il a dit cet après-midi, il sera peut-être obligé de le redevenir ! (Sourires.)

M. Charles de Courson. ...afin que le rapport remis à l'assemblée générale des actionnaires soit plus précis sur le contenu des rémunérations et avantages dont bénéficient les mandataires de la société, ainsi que sur les engagements de la société en matière de retraite.

C'est un premier pas. Nous estimons qu'il serait important de compléter cet effort de transparence en nous inspirant du système britannique, c'est-à-dire en prévoyant que les actionnaires doivent approuver la décision du conseil d'administration ou du conseil de surveillance portant sur l'ensemble des éléments de rémunération des mandataires sociaux : président, directeur général et directeurs généraux délégués.

En effet, beaucoup de membres des conseils d'administration se connaissent depuis longtemps, et leurs affinités, leur proximité ne permettent pas un véritable contrôle du choix du montant de la rémunération et des indemnités. À l'UDF, nous sommes pour le libéralisme, mais pour un libéralisme organisé. Nous vous proposons donc de donner aux actionnaires - qui, faut-il le rappeler, sont les propriétaires de l'entreprise - plus qu'une simple information et de placer entre leurs mains un véritable contre-pouvoir.

À ce propos, je souhaite attirer votre attention, mes chers collègues, sur l'amendement concocté par le Gouvernement, qui vise à assimiler la délibération du conseil d'administration ou du conseil de surveillance fixant la rémunération et les différents éléments accessoires à une convention réglementée. En effet, si cet amendement est déposé, comme on nous l'a annoncé...

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission l'a examiné à quatorze heures trente et l'a même adopté !

M. Charles de Courson. Hélas ! j'étais absent à cette réunion. Quoi qu'il en soit, il faut s'interroger sur les conséquences pratiques d'une telle disposition, en particulier si le vote des actionnaires est négatif. Pour tenter de le savoir, je me suis replongé dans mes livres de droit, mais je n'ai trouvé qu'une réponse assez obscure.

En effet, le deuxième alinéa de l'article L. 225-41 du code de commerce dispose que les conséquences, préjudiciables à la société, des conventions désapprouvées peuvent être mises à la charge de l'intéressé et, éventuellement, des autres membres du conseil d'administration. J'ai cherché de la jurisprudence : je n'en ai point trouvé. Mais il me semble que le mécanisme ne peut pas fonctionner. Or, je ne vois pas quelle sera la portée de la mesure proposée si un vote négatif des actionnaires sur le rapport spécial du commissaire aux comptes relatif aux éléments de rémunération n'a aucune conséquence. Le groupe UDF serait donc curieux, monsieur le ministre, que vous nous expliquiez comment cela va marcher.

J'ajoute que, contrairement à ce qui est dit, certains éléments de rémunération des mandataires sociaux sont déjà considérés par le droit existant comme des conventions réglementées devant être, en tant que telles, approuvées en même temps que le rapport du commissaire aux comptes : les assurances-vie et, surtout, les pensions de retraite, parmi lesquelles la jurisprudence distingue entre les bonnes et les mauvaises, ces dernières étant les seules à être considérées comme des conventions réglementées.

Nous sommes dans l'incertitude. Du reste, lorsque je lui ai posé la question, tout à l'heure, M. Houillon, dont chacun sait pourtant qu'il est un bon spécialiste du droit des sociétés, n'a pas su me répondre. J'espère donc que vous nous éclairerez, monsieur le ministre.

En tout cas, votre amendement ne peut se contenter d'évoquer une convention réglementée. Il doit au moins être sous-amendé afin de prévoir les conséquences d'un éventuel refus des actionnaires. Dans une économie de marché, ce sont les propriétaires qui ont le dernier mot. Un vote négatif de l'assemblée générale des actionnaires doit donc avoir des conséquences juridiques. Sinon, il n'y a là que poudre aux yeux.

Le groupe UDF était, quant à lui, favorable à un dispositif très simple. L'assemblée générale vote sur la délibération du conseil d'administration, laquelle peut remonter à cinq ou six mois. Si elle vote contre, la rémunération n'est pas annulée rétroactivement, mais le conseil d'administration est obligé d'en fixer une nouvelle pour l'avenir. Ce dispositif est clair, simple et cohérent avec les modalités de fonctionnement des sociétés, puisqu'un mandataire social peut être recruté avant que le vote de l'assemblée générale ordinaire n'ait eu lieu.

En conclusion, le projet de loi sur la confiance et la modernisation de l'économie apporte une série de mesures techniques, variées, parfois disparates mais nécessaires. Bien que nous doutions de l'opportunité de réformer le droit des sûretés par ordonnances - nous voterons d'ailleurs contre cet article - et que nous insistions sur le rôle primordial des actionnaires en termes de contrôle de la rémunération des dirigeants dans un souci permanent de transparence, nous soutiendrons globalement ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Monsieur le ministre, les hasards du calendrier - mais peut-on parler de hasards ? - font coïncider l'examen du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie avec la conférence de presse que vous avez tenue ce matin.

M. Éric Raoult. Et avec la fête de la musique !

M. Jean Launay. Vous avez d'ailleurs, à cette occasion, explicité vos trois priorités : répondre à la sous-capitalisation des entreprises françaises, dynamiser les efforts en matière de recherche et développement, notamment par la création de l'Agence pour l'innovation industrielle, et rouvrir l'intéressement aux salariés, dans une logique de moyen et long terme.

Telle sera la trame de mon intervention.

Le constat de la sous-capitalisation des entreprises françaises vous conduit à envisager différentes mesures de mobilisation de l'épargne pour financer la croissance. Toutefois, les nombreuses dispositions du titre IV du projet de loi recèlent, à mon sens, une incohérence majeure. En effet, vous refusez de choisir entre, d'une part, l'incitation à la consommation par la multiplication de procédures de déblocage de ce qui constitue souvent la seule épargne longue des ménages les plus modestes et, d'autre part, le souci d'obtenir une période de blocage plus longue, nécessaire au financement des fonds propres des entreprises. Ainsi, en réformant les modalités des augmentations de capitaux réservés aux adhérents d'un plan d'épargne d'entreprise, vous consentez un rabais plus important sur les titres qui seront indisponibles sur une période de blocage plus longue ; en incitant au transfert de l'épargne détenue au titre de la réserve spéciale de participation dans un plan d'épargne retraite collectif, vous poussez les salariés vers la retraite par capitalisation.

Dans votre intervention liminaire, vous avez évoqué trois outils nouveaux, qui peuvent faire l'objet d'un débat : Alternext, l'amendement parlementaire relatif aux investissements en actions et le régime fiscal des plus-values liées à la détention durable d'actions. Permettez-moi de douter que ces mesures aient un impact favorable et rapide sur l'ensemble des très petites et des petites et moyennes entreprises françaises, dont la grande majorité n'ont pas vocation à aller à la cote. Ce dont ces entreprises ont besoin, c'est un accès facilité au crédit. En d'autres termes, il faut que les banques fassent leur métier et prennent des risques...

M. Jean-Claude Sandrier. Très bien !

M. Jean Launay. ...pour accompagner ces entreprises, qui forment le tissu économique vivant de nos territoires. Et ne me renvoyez pas au prochain texte consacré aux PME, car la suppression du taux plafond d'usure que vous prévoyez renchérira encore le coût du crédit pour les très petites et les petites et moyennes entreprises.

Ce texte ne modifiera donc pas les conditions de capitalisation de la très grande majorité des entreprises françaises.

Deuxième de vos priorités : la dynamisation de la recherche et du développement.

Le titre II de votre texte comporte notamment les mesures législatives de nature à assurer le fonctionnement permanent de l'Agence pour l'innovation industrielle. L'article 5, en particulier, a pour objet de mettre en place ce nouvel établissement public industriel et commercial, souhaité par le Président de la République après la remise par M. Beffa de son rapport sur la nouvelle politique industrielle.

Nous pouvons partager le double constat de M. Beffa : d'une part, la perte de vitesse de l'industrie française et européenne, surtout en termes qualitatifs, et le mauvais positionnement des produits de haute technologie ; d'autre part, l'incapacité des politiques d'inspiration libérale à faire émerger en Europe des nouveaux champions dans les industries de haute technologie.

Face à ce constat, M. Beffa propose un ensemble de mécanismes destinés à permettre l'intervention du politique sans se priver des signaux du marché. Avec la création de l'Agence pour l'innovation industrielle, on se focalise, avec des moyens appropriés - 100 millions d'euros par programme et par an -, sur une dizaine de secteurs ciblés dont le potentiel commercial se chiffre en milliards d'euros, en s'appuyant en outre quasi exclusivement sur les grandes entreprises.

Nous laissons à nos collègues ultralibéraux leur critique de la légitimité de l'intervention du politique dans l'économie et celle de l'aveu de l'impuissance partielle des politiques structurelles par rapport aux politiques horizontales. Pour notre part, nous formulerons six critiques majeures.

Premièrement, encore une fois, on ne prête qu'aux riches. En effet, la mécanique centrale des financements publics est entièrement tournée vers quelques grandes entreprises, alors que nous savons que les PME sont souvent les plus innovantes en matière de technologies. De plus, confier entièrement le pilotage et la coordination des programmes aux grands industriels risque d'entrer rapidement en contradiction avec le rôle de coordination de l'État.

Deuxièmement, territoires et collectivités territoriales ne sont mentionnés nulle part, ce qui est contradictoire, d'une part, avec les nouvelles lois de décentralisation, qui confèrent aux régions un pouvoir de coordination en matière de développement économique, d'autre part, avec l'idée selon laquelle l'ancrage dans le territoire constitue l'arme ultime contre les délocalisations.

Troisièmement, le nécessaire élargissement de la politique à la dimension européenne n'est proposé qu'à la fin du rapport de M. Beffa. Or, l'Europe industrielle ne peut être une option. Comment s'imaginer que la France pourra, à elle seule, atteindre 20 à 30 % de parts de marché sur des programmes structurants pour lesquels se battront tous les pays développés de la planète ?

Quatrièmement, de grandes incertitudes demeurent en ce qui concerne les financements.

Cinquièmement, peu de choses sont dites sur le contrôle démocratique, la démocratie participative et la gouvernance.

Enfin, alors que l'objectif devrait être avant tout l'amélioration des conditions de vie de la population et des salariés, les programmes ont pour finalité essentielle le renforcement de la compétitivité et la pérennité d'emplois qualifiés. Si l'on suit jusqu'au bout cette logique, le risque est donc réel de déboucher sur une marchandisation de l'innovation et sur un productivisme à tout crin.

Le troisième point que vous avez développé ce matin est celui de l'intéressement. Monsieur le ministre, comment aborder ce sujet sans constater au préalable la crise du pouvoir d'achat créée par votre politique et celle de vos prédécesseurs ? Cette crise du pouvoir d'achat engendre une baisse de la consommation - du moins ne permet-elle pas une relance de la croissance par la consommation. Les salariés, qu'ils soient du secteur public ou du secteur privé, le constatent dans leur vie de tous les jours et vous le disent, au point que vous suppliez le MEDEF de relancer les négociations sur les salaires dans les accords de branches.

Du coup, monsieur le ministre, vous cherchez dérivatifs et contre-feux du côté de l'intéressement et de la participation, mais ce faisant vous entretenez une contusion néfaste entre le salaire direct et les mécanismes additionnels du salaire. Néfaste pour les salariés eux-mêmes, puisqu'aux augmentations de salaires durables se substituent des éléments variables ; néfaste pour l'État, puisque ses rentrées fiscales en ressortiront affaiblies du fait de la non-imposition à l'impôt sur le revenu ; néfaste pour les régimes sociaux, puisqu'aucune cotisation ne viendra renforcer les régimes maladie, vieillesse et retraite, déjà affaiblis. Dois-je rappeler qu'en 2004, le déficit de la sécurité sociale avoisine les 12 milliards d'euros pour la deuxième année consécutive ?

Aujourd'hui, que proposez-vous aux salariés ? L'accès aux mécanismes de participation reste très restreint dans les très petites entreprises comme dans les petites et moyennes entreprises, et la disproportion entre la participation versée aux salariés modestes et celle que s'auto-attribuent les grands patrons est criante. L'étude des bénéficiaires par tranches de revenus fait apparaître que la distribution de la participation, de l'intéressement et de l'abondement est inégale parmi les salariés. Les strates supérieures de revenus sont surreprésentées alors que les strates inférieures sont sous-représentées. Plus on progresse dans l'échelle des revenus, plus la part de ces revenus tirés de l'intéressement est importante. Votre dispositif ne fera que renforcer la fracture salariale dans notre pays.

Je dirai un mot sur l'intervention du président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier, toujours touchant quand il parle de la participation voulue par le général de Gaulle. Au-delà de son plaidoyer, il vous demande déjà un autre texte, monsieur le ministre, qui pourrait constituer pour l'UMP un véritable projet économique et social. Pouvait-il faire un plus bel aveu, une reconnaissance plus explicite des insuffisances du texte qui nous est présenté ?

En conclusion, monsieur le ministre, je voudrais revenir sur le mot « confiance », qui fait partie du titre de votre projet de loi. Pour l'obtenir des Français, cette confiance, il faudrait leur adresser des signaux cohérents. Or, que perçoivent-ils de la situation actuelle ? Que la concurrence internationale, si fréquemment évoquée par les entreprises pour justifier la modération salariale imposée aux salariés, sert également de prétexte aux dirigeants pour s'accorder de choquantes largesses ! Que le groupe Carrefour provisionnait 2 515 années de SMIC pour assurer une retraite confortable à son PDG Daniel Bernard, alors même que celui-ci était poussé à la démission pour cause de mauvais résultats !

M. Jean-Claude Sandrier. Ça fait cher du Caddie !

M. Jean Launay. Cet épisode arrive après ceux, tout aussi scandaleux, qui ont vu Jean-Marie Messier réclamer 21 millions d'euros de prime de départ pour avoir ruiné le groupe Vivendi ou encore Pierre Blayau, mis en examen pour détournement d'actifs, en toucher deux pour avoir mené Moulinex à la banqueroute.

Les Français retiendront également, s'ils ont pris le soin de lire le rapport d'activité de 2004 de France Télécom, que Thierry Breton a certes renoncé à ses jetons de présence ainsi qu'à son indemnité de départ et qu'il n'a pas bénéficié d'option de souscription ou d'achat d'actions depuis sa nomination en tant que PDG de France Télécom. Mais ils constateront également, s'ils poursuivent la lecture de ce rapport, que « par décision du conseil d'administration, M. Thierry Breton bénéficie d'une promesse de retraite à prestation définie ou de toute solution lui donnant les mêmes garanties...

M. Éric Raoult. Quelle indélicatesse !

M. Jean Launay. ...et dont les modalités seront proposées par le comité de rémunération ».

M. Éric Raoult. Si on parlait de Tapie et d'Attali ?

M. Jean-Michel Dubernard. C'est indécent, monsieur Launay !

M. Éric Raoult. C'est médiocre !

M. Jean Launay. Et je crains, monsieur le ministre, que les quelques aménagements prévus dans votre texte...

M. Philippe Auberger. C'est une attaque personnelle !

M. Jean Launay. ...ne soient pas suffisants pour gagner en transparence et pour restaurer une confiance durable dans une économie véritablement plus équitable pour nos concitoyens.

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Lisez donc la suite du rapport !

M. Jean Launay. Je l'ai sous les yeux, mais les précisions complémentaires ne changent rien...

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. On ne peut pas raisonner valablement sur des citations tronquées !

M. Jean Launay. Il est dit que cette retraite vous sera versée au moment de la liquidation de vos autres régimes de retraite et au plus tôt à l'âge de soixante ans.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Exactement. Cela n'a donc pas été fait !

M. Éric Raoult. Vous remarquerez que personne ne vous a applaudi, monsieur Launay ! Même M. Dumont est gêné !

M. le président. La réaction de vos collègues démontre en effet que les attaques personnelles sont à bannir de notre hémicycle, monsieur Launay.

M. Éric Raoult. C'était la fausse note de la Fête de la musique !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, également appelé projet de loi Breton, a pour objectif la mise en place d'une stratégie de croissance des entreprises en modernisant leur fonctionnement et en facilitant leur accès à des outils de financement modernes. Je ne peux que saluer cet objectif, car il est indispensable de diversifier le financement des entreprises et d'accompagner leurs efforts en matière d'innovation et de recherche.

En outre, nombre des dispositions du projet de loi vont dans le bon sens, notamment celles relatives à l'accès des PME à l'épargne, au renforcement des pouvoirs de l'AMF, ou à l'intéressement.

La création de l'Agence pour l'innovation industrielle mérite aussi d'être saluée. L'État a en effet un vrai rôle à jouer en termes de soutien de la recherche, afin d'encourager les entreprises technologiques et d'inciter au développement de synergies entre les grandes entreprises pilotes, les PME industrielles et de services, les start-up, les milieux de la recherche publique ou privée. Cette intervention de l'État est urgente, comme le souligne le rapport de Jean-Louis Beffa de janvier 2005, intitulé « Pour une nouvelle politique industrielle ».

Je suis toutefois plus sceptique quant à un certain nombre d'autres mesures. Il me semble indispensable d'instaurer davantage de transparence dans le fonctionnement de notre économie. En effet, plusieurs scandales récents au sujet des montants des indemnités de départ dont bénéficient certains grands patrons, qui ont choqué nombre de Françaises et de Français, auront au moins eu le mérite de focaliser notre attention sur cette question de la transparence de l'entreprise. L'affaire Daniel Bernard, ex-PDG de Carrefour, a mis en lumière de très graves dysfonctionnements dans l'entreprise, auxquels ce texte avait pour ambition de remédier.

Notre économie traverse aujourd'hui une crise de confiance profonde, et je suis pour ma part persuadé que restaurer la confiance des Français dans leur système économique n'est possible que si les entreprises elles-mêmes instaurent et respectent une vraie relation de confiance vis-à-vis de leurs salariés, mais aussi de leurs actionnaires.

La transparence de l'information des revenus des dirigeants de nos entreprises est à mes yeux un instrument de prévention incontournable face aux abus. L'encadrement de pratiques jusque-là floues devient urgent. C'est pourquoi je suis favorable à un système de démocratie économique : une véritable liberté des entreprises en ce qui concerne la fixation des salaires, encadrée par une information des actionnaires. Je suis pour une exigence de transparence. Ce code de bonne conduite de l'entreprise paraît indispensable, et je suis persuadé que la liberté d'information des actionnaires quant aux revenus de leurs dirigeants permettrait un vrai renforcement de la confiance des investisseurs.

J'insiste également sur le fait que pour apprécier les revenus d'un dirigeant, de nombreux éléments devraient être comptabilisés et rendus publics : le salaire, mais aussi les indemnités de retraite, l'intéressement, les golden parachutes, les golden hello, et toutes autres mesures pouvant constituer une forme de rémunération. La transparence impliquerait de soumettre à l'assemblée générale des actionnaires, seul organe représentant les propriétaires de la société, comme l'a rappelé notre collègue de Courson, la totalité de la rémunération des dirigeants. Dans les annonces qui avaient entouré la présentation de ce texte, monsieur le ministre, nous étions nombreux à avoir compris que cette demande serait satisfaite. Nous allons rester vigilants sur ce point afin que les actionnaires, c'est-à-dire les vrais propriétaires des entreprises, puissent avoir accès dans la plus grande transparence au montant des rémunérations, y compris des salaires, des dirigeants. Nous en avons débattu en commission, et je sais que nous ne sommes pas tous d'accord sur ce point, mais nous devons en tout cas avancer sur cette question importante. Le capitalisme anglais a fait de la transparence un principe essentiel de l'action économique qui a permis de nombreuses avancées. Les entreprises anglaises s'en portent très bien aujourd'hui et ce modèle serait très facilement transposable en France.

De la même manière, il paraît indispensable que ces dispositions s'appliquent aux entreprises publiques. La mission d'évaluation d'EDF-GDF menée par la MEC sous l'excellente présidence de M. Deniaud avait mis en évidence de graves dysfonctionnements en matière de rémunération de certains dirigeants. La leçon à en tirer est que la transparence doit s'appliquer dans le privé comme dans les entreprises publiques.

Je suivrai avec un intérêt particulier les débats qui vont suivre et j'attends les réponses que pourra apporter le Gouvernement sur ces notions fondamentales à mes yeux que sont la liberté et la transparence au sein des entreprises (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Descamps.

M. Jean-Jacques Descamps. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, j'ai écouté ce matin le Premier président de la Cour des comptes nous présenter le rapport d'exécution des lois de finances de 2004. Nous ne savons évidemment pas encore ce que sera 2005, mais je ne doute pas que la situation de l'État soit très grave. Son endettement atteint des sommets jamais connus. Nos dépenses publiques, y compris certaines dépenses de fonctionnement, sont couvertes en large partie par des déficits, entraînant des dettes nouvelles qui à leur tour créent des dépenses nouvelles : nous sommes pris dans un mauvais cycle. Le taux de chômage ne s'améliore pas pour autant et reste anormalement élevé par rapport à celui de nos voisins. Notre « modèle » social n'en est pas vraiment un, et la complexité administrative de notre pays est inégalée. C'est le résultat d'une trop longue période de conservatisme socialiste...

M. Christophe Caresche. Cela fait quand même trois ans que les socialistes ne sont plus au pouvoir !

M. Jean-Jacques Descamps. ...au mieux social-démocrate, puis d'hésitations devant l'ampleur des réformes à accomplir, hésitations que nombre d'entre nous dénonçons depuis longtemps.

Vous avez eu raison, monsieur le ministre, de dire enfin la vérité aux Français. Cela ne peut plus continuer et il faut, même s'il est un peu tard, prendre des mesures ambitieuses pour redresser rapidement la barre et préparer une nouvelle étape de réformes de fond dont la mise en œuvre devra être proposée à nos concitoyens après 2007.

Les solutions ne sont pas à rechercher dans la distribution de pouvoir d'achat supplémentaire à nos concitoyens. Après les 35 heures, les augmentations successives du SMIC vont accroître de façon importante nos prix de revient et handicaper nos exportations. Avec les autres primes - PPE, prime de Noël, et caetera -, elles resserrent l'échelle des salaires et démotivent les classes moyennes. De plus, encourager la consommation favorise plus les importations et les services que nos produits industriels.

M. Richard Mallié. Très juste !

M. Jean-Jacques Descamps. Les solutions ne résident pas non plus dans l'assistance accrue des plus défavorisés, les chômeurs en particulier. En effet, si l'augmentation de leur pouvoir d'achat ainsi obtenue se traduit par une augmentation de leur consommation, elle ne saurait avoir pour effet de les inciter à travailler plus.

Quant au plan de cohésion sociale, il ne résoudra pas tout, même s'il comporte des mesures bénéfiques, en particulier celles de nature à favoriser le retour au travail d'une partie de nos demandeurs d'emploi - à condition qu'elles ne soient pas complexifiées et dénaturées entre-temps par l'administration.

En revanche, il devient urgent de motiver ceux qui créent, ceux qui travaillent, ceux qui entreprennent pour investir et créer des emplois. Tel est du reste l'objet du projet de loi, un projet qui a le mérite de participer d'un changement de culture, qui, s'il demande beaucoup de pédagogie, va privilégier la recherche et l'investissement au moyen d'incitations financières ou fiscales.

Pour cela, il faut en effet, comme vous le proposez, que les PME accèdent plus facilement aux marchés financiers ou soient aidées par l'épargne familiale, surtout lorsqu'il s'agit de PME récemment créées.

Vous avez aussi prévu une incitation des grandes entreprises à développer l'innovation et les efforts de recherche chez elles comme chez leurs sous-traitants. C'est une très bonne idée qui vient s'ajouter à la création de l'Agence de l'innovation industrielle. Je voudrais toutefois être bien sûr que la création de cette agence, qui aura pour mission de gérer des sommes importantes, se fera par redéploiement de frais de fonctionnement.

M. Bernard Accoyer. Très juste !

M. Jean-Jacques Descamps. Il faudra nous le démontrer dans le prochain budget.

Cette nouvelle loi devrait également favoriser l'épargne à risque par le développement de la participation des salariés à la gestion et aux résultats de l'entreprise. Mais il faudra aussi, comme je l'espère, faire en sorte que les sommes attribuées restent consacrées à l'épargne salariale, y compris dans l'entreprise où sont ces salariés, pour favoriser l'actionnariat populaire et peut-être la préparation à la retraite et à la dépendance. Tout déblocage rendu systématiquement possible de la participation relèverait d'une mesure d'opportunité pour améliorer artificiellement le pouvoir d'achat des salariés et créerait une confusion entre salaire et participation ou intéressement et viendrait nuire à cette belle idée.

Enfin, vous avez prévu de modifier par ordonnances le droit des sûretés, ce qui aura pour effet de développer le crédit hypothécaire. C'est là une mesure essentielle pour développer l'accès à la propriété des classes moyennes et des jeunes ménages, en particulier.

Un regret tout de même : vous n'avez rien prévu pour favoriser l'exportation, qui est actuellement un de nos grands points faibles et qu'il faudrait d'ailleurs mettre en parallèle avec les délocalisations qui nous menacent. Si celles concernant les produits de faible valeur ajoutée sont inéluctables, il est essentiel de compenser grâce aux exportations de nos produits à plus forte valeur ajoutée. Mais il faut, là aussi, développer les incitations pour les PME.

Cette confiance nouvelle faite aux entrepreneurs doit s'établir dans la transparence car c'est la seule façon d'être juste. C'est l'objet des mesures prises pour mieux contrôler les rémunérations des dirigeants. En pratique, soumettre à l'approbation de l'assemblée générale la rémunération des chefs d'entreprise alors que le recrutement a déjà eu lieu semble inefficace. En revanche, publier les salaires tout en laissant à l'exécutif le soin de les fixer, permettra de rendre le système plus moral.

La loi que vous nous proposez n'est pas révolutionnaire mais va dans le bon sens. Le libéralisme pragmatique, que je m'honore de défendre et d'expliquer, souvent avec résultats, à tous ceux qui le confondent, ou veulent par ce biais le combattre, avec l'ultra libéralisme - expression qui ne veut rien dire d'ailleurs -, est la seule voie pour retrouver la croissance, éviter la diminution de nos acquis sociaux - ce qui revient en fait à maintenir ce qu'il y a de bon dans notre modèle social - et redonner le sentiment aux Français que ce modèle est juste. C'est ce qu'ont fait nos principaux voisins et concurrents. Pourquoi pas nous ?

Monsieur le ministre, je soutiendrai votre projet de loi qui va précisément dans ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Après Jean-Pierre Balligand, j'interviendrai à mon tour sur les problèmes de gouvernance d'entreprise et de rémunérations. Avec l'ancien président de la commission des lois, qui est aujourd'hui l'un de vos collègues, monsieur le ministre, nous avions accompli, sur cette question, un important travail qui n'a malheureusement pas abouti à des délibérations législatives puisque notre proposition de loi n'a jamais été examinée.

Ce travail s'est révélé intéressant car il a montré qu'un certain nombre de dérives choquantes touchaient particulièrement la France dans ces domaines. Disant cela, il ne s'agit pas de porter un jugement moral. Je n'ai rien contre le fait que des dirigeants d'entreprise soient bien rémunérés. Mais, ces dernières années, ces rémunérations ont obéi à des règles qui n'avaient plus grand-chose à voir avec le mérite. Or ce phénomène a fini par mettre à mal la confiance et la cohésion sociale dans notre pays. Comment expliquer en effet à des salariés, qui voient leur pouvoir d'achat stagner, voire régresser, depuis des années, la multiplication des golden hello ou des golden parachutes ? C'est la confiance des salariés dans l'entreprise et dans l'économie qui est finalement mise en cause à travers ce type de rémunérations.

Par ailleurs, et ainsi que Jean-Pierre Balligand l'a fait observer, il est paradoxal que ce soit dans un pays comme les États-Unis, qui ne constituent pas le symbole du socialisme, monsieur Descamps, que des dispositions législatives aient été prises pour pouvoir mettre en cause la responsabilité des dirigeants d'entreprise. En France, en revanche, on sent la grande résistance du monde patronal à l'idée que le législateur puisse intervenir sur cette question.

Tout au long des travaux de la mission d'information, les chefs d'entreprise et les représentants patronaux - tous très estimables - que nous avons rencontrés nous ont du reste expliqué que nous avions raison sur le fond, mais qu'il fallait faire confiance à l'autorégulation et qu'il suffisait d'appliquer les règles internes aux entreprises.

M. Jean-Jacques Descamps. Il faut que les rémunérations soient publiées !

M. Christophe Caresche. Certes, les entreprises, dans leur grande majorité, ont défini un certain nombre de règles. On a cependant constaté - le cas de l'ex-responsable de Carrefour constitue à cet égard un bon exemple - que ces règles étaient largement transgressées.

Voilà pourquoi nous considérons qu'il est temps de légiférer sur ces questions, non pas pour dire la morale, mais pour rétablir la confiance, celle des salariés et celle des actionnaires. C'est dans cet esprit qu'avec Arnaud Montebourg nous avions déposé et fait examiner, ici même, une proposition de loi tendant à dégager un certain nombre de règles dans deux domaines.

Le premier porte sur la responsabilité des dirigeants d'entreprise, à travers la mise en œuvre de la responsabilité civile des mandataires sociaux. Ce principe, d'ores et déjà inscrit dans notre droit n'est malheureusement pas appliqué du fait d'une jurisprudence de la Cour de cassation en la matière. Nous avons donc déposé des amendements visant à nous permettre de progresser dans la voie de la mise en œuvre de cette responsabilité civile des mandataires sociaux.

Le deuxième domaine concerne les rémunérations des chefs d'entreprise et des mandataires sociaux. L'objectif est double. Il s'agit tout d'abord d'assurer une véritable transparence. Certes des dispositions ont d'ores et déjà été prises. Mais il nous semble qu'il faut aller plus loin et, en tout cas, codifier au niveau législatif un certain nombre de pratiques. Nous avons déposé des amendements en ce sens.

Il s'agit ensuite de permettre à l'assemblée générale de l'entreprise de fixer un rapport entre la plus haute et la plus basse rémunération versées pour un travail à temps plein dans ladite entreprise de façon à lier la rémunération des responsables d'entreprise à une politique salariale dynamique. Cela montrera aussi aux salariés qu'ils sont concernés par le partage des fruits des résultats de l'entreprise.

J'ai noté que vous alliez nous soumettre un amendement sur cette question. Celui-ci s'est fait beaucoup attendre car cette mesure figurait déjà dans la proposition de loi de la mission d'information. Il a fallu finalement le « scandale » de l'affaire Daniel Bernard pour que le Gouvernement décide d'introduire dans la loi une disposition tendant à prévoir que l'assemblée générale aura à se prononcer sur la rémunération du chef d'entreprise. Une telle mesure, qui existe déjà à l'étranger - je ne sais plus si c'est en Allemagne ou en Angleterre - va dans le bon sens. Mais notre proposition, qui consiste à fixer un rapport entre les rémunérations, me semble mieux répondre au problème posé.

Nous sommes heureux de constater que la majorité et le Gouvernement aient finalement décidé, après beaucoup d'atermoiements, de légiférer sur cette question. Nous aurons à cœur, quant à nous, de défendre nos amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les entreprises françaises n'investissent plus suffisamment. C'est là un constat indiscutable. Le retard français est de plus en plus perceptible dans les domaines de la recherche et du développement, de l'innovation et dans les technologies de l'information et de la communication. Pourtant, l'investissement des entreprises est, aujourd'hui plus que jamais, le déterminant clé de la croissance économique et de la compétitivité de notre pays.

Je tiens donc à saluer tout d'abord l'initiative que vous avez prise, monsieur le ministre, en choisissant de vous attaquer à la longue série de blocages et d'archaïsmes qui asphyxient notre système d'investissement. Là où certains voient dans votre projet de loi un ensemble disparate, je souligne au contraire la grande cohérence de ses orientations, qui tentent de répondre à l'exigence de modernisation et d'adaptation de notre économie.

S'agissant de nos PME et PMI, la nécessité de débloquer de nouvelles sources de financement a bien été comprise. Vous proposez ainsi une véritable innovation en introduisant une déclinaison de l'appel public à l'épargne selon le marché considéré.

Il est vital de rétablir la confiance perdue de nos petits épargnants. La France est en effet de plus en plus menacée par la logique d'un capitalisme international sauvage qui fait peu cas de nos emplois. Il était donc urgent de renforcer le pouvoir de contrôle de l'AMF afin de donner un signe fort à tous ces petits actionnaires soucieux avant tout de la sécurité et de l'honnêteté de leurs placements. Les affaires Benefic et Eurotunnel, entre autres, nous ont montré combien les abus de confiance pouvaient être lourds de conséquence sur les petits épargnants. Nous en avons perdu quelques centaines de milliers au cours de l'année précédente.

Ces deux affaires montrent bien aussi que l'information donnée était soit malhonnête, ce que je n'ose croire, soit libellée de telle façon que l'interprétation en a été très mauvaise.

On peut donc se féliciter des améliorations prises en ce sens. Celles-ci complètent par ailleurs fort bien les dispositions qui viendront en discussion ici dans le cadre d'un texte que j'ai l'honneur de rapporter. C'est en effet par le renforcement de l'exigence d'information et de contrôle des transactions que nous inciterons à revenir tous ces petits actionnaires qui ont abandonné l'investissement dans l'entreprise dans le cadre de la bourse. Et, pourquoi pas, en faire venir de nouveaux ?

À cette ambitieuse politique de réorientation de l'épargne des ménages vers l'entreprise, vous ajoutez un encouragement au développement des investissements innovants, de même que dans la recherche et le développement.

Je tenais à insister ici, monsieur le ministre, sur votre courage et votre audace. Votre courage, parce que la mission qui est la vôtre n'est pas facile, tant les 35 heures et la faiblesse de la croissance ont amoindri les résultats des PME-PMI et donc décapité leurs capacités d'investissement. Votre audace, parce que vos propositions devront permettre à la France de reprendre la place qui est la sienne en Europe : celle d'un pays dont l'économie est dynamique et tournée vers l'avenir.

Il semble toutefois que le texte qui nous est proposé fasse l'impasse sur un élément clé du redémarrage de notre économie, à savoir le salarié. En effet, c'est aussi en accordant aux employés un statut juste et en adéquation avec le travail fourni que nous pourrons offrir à l'entreprise un environnement propice à un meilleur développement. Le code du travail présente en effet certaines rigidités dommageables tant à la bonne marche de nos entreprises qu'au bien-être de nos salariés.

M. Hervé Novelli. C'est vrai !

M. Richard Mallié. Je songe notamment à la règle du repos dominical, bafouée par nombre d'entreprises qui préfèrent prendre le risque de payer une amende en ouvrant illégalement le dimanche et en faisant pression sur leurs salariés, sans leur accorder de compensation financière. Je vous présenterai ultérieurement un amendement qui nous donnera l'occasion d'appliquer ce que nous préconisons depuis trois ans : laissons travailler ceux qui veulent travailler et laissons les partenaires sociaux concernés s'entendre entre eux.

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. Richard Mallié. En tout état de cause, monsieur le ministre, à ceux qui se disent, comme toujours, progressistes, mais qui prônent l'immobilisme, le Gouvernement et l'UMP prouvent, une fois de plus, avec le texte que vous nous soumettez aujourd'hui, qu'ils poursuivent avec détermination l'entreprise de modernisation et de réforme de notre pays. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je profite de mon intervention pour déplorer le fait qu'avec ce texte, une occasion a été manquée, et ce pour trois raisons que je développerai successivement devant vous.

Selon moi, le projet de loi dit « de modernisation de l'économie » ne règle en effet ni le problème de la justice, ni le problème de la transparence, ni enfin la question de la régulation des marchés financiers.

Une première occasion a été manquée de faire en sorte que la démocratie existe enfin au sein de l'entreprise et que cette démocratie ne profite pas toujours aux mêmes : gros actionnaires contre petits actionnaires, capitalistes contre salariés, dirigeants contre employés.

Avez-vous donc déjà oublié, monsieur le ministre, le versement à l'ancien PDG de Carrefour, Daniel Bernard, d'une indemnité de départ d'au moins 29 millions d'euros ? Est-il possible d'imposer, sans aucune approbation de l'assemblée générale des actionnaires, le versement de telles indemnités lors de la cessation de fonction d'un dirigeant, qui de surcroît avait été évincé pour de pas avoir réussi, semble-t-il, à redresser les comptes du géant de la grande distribution ? Et surtout, avez-vous songé à ce que peuvent penser de cette indemnité les salariés de Carrefour, qui auraient besoin de travailler plusieurs vies pour gagner ne serait-ce que le centième de cette somme ?

Or, alors que seule une disposition législative, comme vient de le rappeler Christophe Caresche, aurait été à même d'interdire ces « retraites chapeau », rien n'est prévu dans votre projet de loi, mais j'espère que la sagesse parlementaire en modifiera sensiblement certains éléments.

Sans aller jusqu'à cet exemple extrême, je voudrais rappeler que, selon l'étude publiée par l'European Corporate Governance Institute en juin 2003, les dirigeants des grands groupes français sont les mieux payés d'Europe, avec un salaire annuel moyen de 1,8 million d'euros. S'ils sont encore loin des rémunérations de leurs homologues américains, leur situation n'est pas à l'honneur de notre pays.

Or, là encore, votre projet de loi s'en tient à des mesures marginales, alors que dans un esprit de justice, on aurait dû profiter de ce texte pour fixer un plafond aux rémunérations des dirigeants.

M. Jean-Jacques Descamps. Vous prônez l'économie fermée !

M. Pascal Terrasse. Certes, des progrès avaient été amorcés dans la loi sur les nouvelles régulations économiques, qui précisait : « Le rapport de gestion doit rendre compte de la rémunération totale et des avantages de toute nature versés durant l'exercice à chaque mandataire social ». Mais force est de constater que tout reste à faire. Entre part fixe, part variable, actions gratuites, stock-options, bonus, et caetera, il n'est pas toujours facile pour l'actionnaire de se retrouver, ni de savoir dans quelles mesures cette rémunération est liée aux résultats de l'entreprise.

Je voudrais vous citer les propos de M. Jean Peyrelevade, dont vous ne contesterez pas la compétence dans ce domaine : « Je considère que les résultats actuels ne sont pas satisfaisants ; les dirigeants des sociétés françaises cotées sont trop rémunérés ; contrairement à une idée reçue, il n'existe pas de marché international des dirigeants, mais seulement un marché national. La corrélation entre la qualité de gestion et la rémunération me paraît peu établie ».

C'est là, précisément, l'un des points essentiels. Outre Atlantique, dans les milieux les plus libéraux, les dispositions prévues par la loi Sarbanes-Oxley ont impulsé un changement d'attitude des administrateurs américains, qui ont massivement réformé les modalités de rémunération de leurs PDG. Par exemple, l'importance de la part variable des rémunérations sert à inciter les dirigeants à œuvrer sur les performances de long terme de l'entreprise. Et s'ils restent les mieux payés du monde, les dirigeants américains ont vu leurs revenus diminuer, surtout du fait de la disparition de l'exercice des stocks options.

En France, la part variable dans les salaires des dirigeants reste la plus élevée d'Europe, mais ce constat ne semble pas vous avoir frappés !

En fin de compte, les différents débats au niveau international à propos de la rémunération des dirigeants témoignent surtout de la nécessité de retrouver la confiance des investisseurs et des actionnaires, une confiance fortement ébranlée par les scandales qui ont secoué la finance internationale. À défaut de pouvoir lutter contre la fraude organisée, ne peut-on trouver des gages de stabilité et des moyens de rassurer les actionnaires ?

L'un de ces moyens, qui paraît de plus en plus évident aux yeux de tous, est de revoir les modalités de la rémunération des grands chefs d'entreprise pour que soient mieux prises en compte leurs performances. Son corollaire immédiat est une réelle transparence de l'information - ce qui m'amène au deuxième point que je voudrais aborder devant vous.

La deuxième occasion manquée dans ce texte est d'assurer, enfin, une transparence des procédures et de la prise de décision.

Le projet de loi se donne notamment pour but de renforcer la confiance des investisseurs. Pour protéger les actionnaires, dites-vous, et en particulier les actionnaires minoritaires, les règles relatives aux recommandations d'investissement produites ou diffusées par toute personne dans le cadre de son activité professionnelle sont strictement réglementées. Pourtant, lorsqu'on lit le titre III du projet de loi, ce n'est pas une réglementation accrue, mais bien un assouplissement des règles fixées par la loi NRE que l'on trouve. Ainsi, votre préoccupation semble être plus de limiter le contentieux que de protéger les petits épargnants.

Que dire, ainsi, du « résumé » du document destiné à l'information du public accompagnant obligatoirement tout appel public à l'épargne ? Non seulement il sera possible pour les sociétés de produire une note dans une langue autre que le français, accompagnée seulement d'un résumé en français, mais de plus ce résumé n'aura pas de valeur juridique. Vous admettrez que l'on s'interroge, à juste titre, sur les effets réels qu'aurait une telle mesure sur l'information du marché.

En outre, un assouplissement notable est prévu au profit des émetteurs, puisque l'autorité des marchés financiers pourra définir des cas dans lesquels les opérations d'appel public à l'épargne pourront être dispensées de la production de ce document.

Quant à la modernisation des règles relatives à l'information périodique, elle relève davantage d'un effet d'annonce que d'une réelle recherche de transparence.

En effet, il est stipulé dans la loi que les émetteurs de titres doivent publier un rapport financier annuel comprenant les comptes, un rapport de gestion, le rapport des commissaires aux comptes, ainsi qu'une déclaration des personnes physiques qui en assument la responsabilité. À cette obligation annuelle s'ajoute en outre une obligation de rapport financier semestriel ainsi qu'une information financière trimestrielle.

Or, si le caractère obligatoire de ces documents apparaît en soi comme un réel progrès, la formulation de cette obligation est bien maladroite et risque de se révéler contre-productive. Ainsi, tous les commentateurs s'accordent à dire que le dépôt trimestriel est de nature à renforcer les tendances « court termistes » et à entraîner la formation de bulles spéculatives, déjà fortement favorisées par les nouvelles normes comptables liées à la comptabilisation à la juste valeur.

Enfin, une troisième occasion manquée est celle de contrer le système d'autorégulation qui nous est imposé par les normes internationales et qui profite toujours aux mêmes. Et c'est le dernier point que j'aimerais aborder devant vous. L'importante marge laissée à l'autorégulation relève, en grande partie, de la faiblesse de la supervision des recommandations d'investissement par l'AMF. Je voudrais souligner que le champ qui est laissé au dispositif d'encadrement est si large qu'on devrait davantage parler à son propos d'autorégulation que d'encadrement. En effet, ne sont pas soumis directement à ces règles les éditeurs de publication de presse, les éditeurs de services de radio ou de télévision, les agences de presse, ou encore les journalistes exerçant dans l'une de ces entreprises.

De même, le champ des « recommandations d'investissement », qui sont contrôlées par l'AMF, est si restrictif que ne seraient même pas considérés comme tel le fait de citer une source ou une recommandation d'achat ou de vente.

En définitive, on ne peut que regretter de ne pas avoir engagé de réflexion sur un élément pourtant essentiel en matière de confiance des investisseurs : les agences de notation.

Vous ne faites, il est vrai, que conforter la position du comité des régulateurs européens qui, le 30 mars dernier, avaient remis un rapport en faveur de l'autorégulation des agences de notation financières, refusant par là même la mise en place de règles communes. Dans le contexte de l'émotion qu'a suscitée l'affaire dite Parmalat, en Italie et en France, notamment dans les secteurs agricole et agroalimentaire, ce choix vous semble-t-il véritablement judicieux ?

Comme vous le savez, les analyses de ces agences de notation tiennent lieu de carnet de route aux investisseurs, aux détenteurs de part sociale et aux organismes financiers. La concentration des acteurs sur ce secteur et le développement du financement par marchés, au détriment du financement bancaire, devraient donc non seulement favoriser la concurrence du marché des agences de notation, mais aussi donner un cadre juridique à la régulation.

Faute de quoi, le risque est grand de voir se renouveler des accidents économiques lourds, dans des périodes où l'activité financière dépasse notre propre territoire et où les jeux d'acquisition-absorption peuvent avoir des conséquences sur l'emploi, comme l'ont montré les affaires Enron, Parmalat plus récemment, et dans une moindre mesure Vivendi. Il est donc nécessaire que le projet de loi se saisisse de cette problématique des agences de notation, afin de déterminer l'impact réel de la notation financière, d'examiner les conséquences de l'activité des agences en fonction des méthodes de travail choisies et d'envisager les réformes susceptibles d'améliorer le fonctionnement du marché des agences de notation. Il importe d'engager une réflexion sur un domaine encore vierge de tout examen approfondi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Dubernard.

M. Jean-Michel Dubernard. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, mon intervention portera sur la création de l'Agence de l'innovation industrielle, que j'appellerai AII, et dont l'intrication avec la politique de la recherche, compétence de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, est évidente.

D'emblée, je vous précise que je me réjouis de la création de cette agence. Voulue par le Président de la République, elle fait suite aux conclusions du rapport de M. Jean-Louis Beffa, président directeur général de Saint-Gobain, auquel je tiens à rendre hommage, lui qui, dès le mois de mars 2004, est venu nous faire part de ses idées et de ses réflexions lors d'une table ronde organisée à l'initiative de la commission.

Monsieur le ministre, la recherche française pâtit d'une insuffisante implication des acteurs privés.

M. Bernard Accoyer. Très juste !

M. Jean-Michel Dubernard. Selon les dernières estimations dont nous disposons pour l'année 2003, la dépense intérieure de recherche et développement, la DIRD, exécutée par les entreprises, représente 1,36 % du produit intérieur brut et à peine plus de 60 % de l'effort global de recherche.

Ces chiffres sont à comparer à l'objectif européen, à la stratégie de Lisbonne, affinée au Conseil européen de Barcelone. Pour faire de l'Union européenne l'économie de la connaissance la plus compétitive du monde, le Conseil préconise que les entreprises investissent à hauteur de 2 % du produit intérieur brut dans la recherche et assument les deux tiers des dépenses globales de recherche. Or, pour ce qui concerne notre pays, il affiche un retard important par rapport à cet objectif. En France, par tradition, le secteur académique tient une place très importante dans le dispositif de recherche. À l'inverse, les pays aujourd'hui à la pointe de la recherche disposent tous d'une recherche privée beaucoup plus dynamique que la nôtre.

M. Bernard Accoyer. C'est vrai !

M. Jean-Michel Dubernard. Aux États-Unis, la part de la dépense intérieure de recherche et développement exécutée par les entreprises dépasse les deux tiers. Le phénomène n'est pas simplement anglo-saxon. En Finlande, la participation des entreprises à l'effort de recherche s'élève à 70 %. C'est vrai et vérifié. Il culmine à 73 % au Japon.

De ce point de vue, monsieur le ministre, la création de l'AII, Agence pour l'innovation industrielle, constitue, à n'en pas douter, une étape importante propre à stimuler les initiatives en ce domaine. Et l'annonce par le Premier ministre, lors de son discours au salon du Bourget, du doublement « dès cette année » de la dotation initiale de l'Agence est une excellente nouvelle. Cette dotation sera portée de 500 millions à 1 milliard d'euros. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Toutefois, je ne peux dissimuler mes interrogations, qui sont de trois ordres.

Premièrement, l'insertion de l'AII dans le dispositif de recherche français et sa cohérence avec la loi d'orientation et de programmation de la recherche à venir, avec également les actions déjà intervenues, telle que la création de l'Agence nationale de la recherche, ANR.

Deuxièmement, l'inscription de l'AII dans le schéma européen et son articulation avec les politiques menées au niveau communautaire.

Troisièmement, l'association des petites et moyennes entreprises aux actions menées par l'AII.

Sur le premier point, la rédaction retenue par l'article 5 du projet de loi se borne à autoriser le Gouvernement à créer par décret la nouvelle agence.

Je comprends les nécessités qui ont conduit à ce choix, et notamment la nécessité qu'il y a à déroger au droit commun applicable aux établissements publics de l'État pour mettre en place une gouvernance du futur établissement conforme à ses missions ; il n'empêche qu'elle accorde une forme de blanc-seing au Gouvernement et limite par là même les prérogatives du Parlement.

Vous comprendrez aisément que celui-ci souhaite peser sur l'organisation qui lui semble la plus adéquate d'une structure dans laquelle il sera de surcroît amené à siéger par la voix de représentants. Ne pouvant le faire par voie d'amendements, je vous demanderais de bien vouloir tenir compte des quelques remarques que je veux faire ici.

Notre commission a beaucoup œuvré, tout particulièrement sous l'impulsion de M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la mission d'information sur la recherche publique et privée en France face au défi international, pour réfléchir sur notre système de recherche et notamment pour déterminer ses faiblesses.

Lorsqu'on interroge les différents acteurs du secteur, qu'ils soient issus du secteur public ou du secteur privé, de l'université, des grandes écoles ou des grands organismes scientifiques, la réponse qui vient en premier est toujours la même : la recherche française souffre d'un cloisonnement excessif.

Il y a une véritable fracture entre ce que, faute de mieux, l'on nomme recherche fondamentale et recherche appliquée, recherche publique et recherche privée, fracture que l'on retrouve au sommet de l'État puisque l'innovation relève, pour l'essentiel, du ministère de l'industrie, tandis que la recherche et l'enseignement supérieur relèvent d'un ministère éponyme. C'est un peu comme si la responsabilité gouvernementale de l'enseignement était scindée entre deux ministères : l'un en charge de l'enseignement public et l'autre en charge de l'enseignement privé. Je vous laisse juger de l'effet d'une telle division en termes de gestion ou de résultats des élèves et des étudiants... Tout cela est certes un peu caricatural. Mais il ne fait pas de doute que le débat actuel est faussé par des idéologies encore trop vivaces opposant les tenants d'une vision uniquement appliquée de la recherche à ceux qui se réfugient dans la pure théorie.

Si les mentalités évoluent, la césure demeure entre recherche et applications de la recherche - ce sont les termes que je préfère - , rendant notre tissu scientifique et économique moins dynamique qu'aux États-Unis, par exemple, où les acteurs ont l'habitude de travailler ensemble et de développer des synergies.

Avec la création des pôles de compétitivité et le développement, via l'ANR, d'une logique de financement sur projets indifférente aux statuts des opérateurs, l'État tente avec courage et détermination de briser ce mal français.

Mais la création d'une agence, qui, selon toute vraisemblance - et ainsi que le laisse présager le rapport de la commission des finances - , sera placée sous la tutelle du ministère de l'industrie, ne masque-t-elle pas, dans les faits, la reconduction et la rigidification d'un système dont on a éprouvé les limites, que les mesures en cours et la réforme annoncée cherchaient justement à assouplir ?

On peine en effet à débrouiller la logique du système. D'autant plus que la frontière entre les départements ministériels, au demeurant étanche, ne trouve pas toujours de justifications très pertinentes sur le fond.

À défaut d'une tutelle multiple, qui engendrerait vraisemblablement plus de problèmes qu'elle n'en résoudrait, à tout le moins faut-il que les différents acteurs de la recherche française et leurs émanations ministérielles - enseignement supérieur, recherche, industrie, défense, environnement, agriculture, etc. - soient représentés dans les instances dirigeantes de l'Agence : ils pourront ainsi faire entendre leur voix et coordonner leurs actions.

Cela pose en fait, monsieur le ministre, la question de la gouvernance de l'Agence et même celle de la gouvernance globale du système de recherche, qui sera au cœur de la réforme de l'automne.

À qui reviendra la prérogative de définir le contour des projets donnant lieu à appels d'offre ? À qui reviendra la responsabilité de choisir in fine les candidats retenus pour mener le projet à bien et disposer des financements de l'agence ? Cette responsabilité doit-elle revenir à un comité de scientifiques ou bien doit-on privilégier la compétence des financiers ?

Plus globalement, la détermination des axes de recherche doit-elle s'exercer au sein même de l'agence, au risque de fonctionner en circuit fermé et de ne pas profiter des synergies offertes par la mise en commun des expériences ?

De telles questions ne sont pas secondaires. De la réponse qui leur sera donnée peut découler, pour l'agence, des modes d'organisation très différents à la fois dans leur fonctionnement et leur efficacité.

De telle sorte qu'on peut se demander - c'est une suggestion, monsieur le ministre - si une structure commune aux deux agences, AII et ANR, comme ce Haut conseil de la recherche et de l'innovation, HCRI - dont, vous le savez comme moi, certaines personnes ont voulu enlever le « I » car l'innovation les choquait, et qui aurait pu devenir l'agence de la science ou peut-être l'agence de la science et de la technologie si l'on voulait bien accepter que la technologie prenne une dimension et ait une relation avec la recherche - ce HCRI, donc, qui avait, un temps, été envisagé, ne constituerait-il pas la formule la plus adéquate ? Il permettrait en effet une coordination structurelle des actions de l'ANR et de l'AII et réaliserait du point de vue organisationnel le continuum de la recherche - enseignement supérieur - recherche - innovation - qui, de l'avis de tous, est l'objectif à atteindre.

Monsieur le ministre, je vous pose la question ! Comme le rapporteur général de la commission des finances, M. Gilles Carrez (« Il est excellent ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), je crois en effet que la « coordination des positions des différents acteurs publics » est une donnée essentielle pour la réussite du projet. Comment pensez-vous pouvoir l'assurer ?

Deuxième point : pilotage au niveau national et, de l'autre côté, articulation avec l'échelon européen... Nous le savons et, monsieur le ministre, vous êtes mieux placé que quiconque, eu égard à vos responsabilités antérieures - et là encore, je réfute les critiques personnelles et violentes de M. l'inspecteur du Trésor,...

M. Bernard Accoyer. Oui, c'est scandaleux ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Dumont. Non, c'est honorable !

M. le président. Monsieur Dumont, je vous invite à ne pas défendre l'indéfendable !

M. Jean-Michel Dubernard. ...pour savoir qu'en matière scientifique comme dans le domaine économique la compétition est devenue mondiale.

Prenant acte de cette évolution et conformément aux préconisations du rapport Beffa, l'agence s'attachera donc à financer des projets correspondant à des marchés potentiels de taille européenne ou mondiale, dont la solvabilité aura été démontrée, en concentrant ses crédits sur un nombre réduit d'orientations.

Dans cette lignée européenne, le Premier ministre, Dominique de Villepin, dans son discours de politique générale, a affirmé que « l'initiative que constitue l'AII sera rapidement ouverte à d'autres pays européens, en particulier l'Allemagne ».

D'ores et déjà, pouvez-vous nous dire quelle forme prendra cette coopération ? Se déroulera-t-elle dans un cadre intergouvernemental - associant un nombre limité d'États - ou bien la France entend-elle promouvoir une telle initiative au niveau communautaire ?

Dans le même ordre d'idées, une articulation des actions de l'agence avec le dispositif de « plateformes technologiques » contenu dans le programme « coopérations » du prochain PCRD, le septième programme-cadre de recherche et de développement, est-elle prévue ?

À mon sens, c'est là un point important. Sans anticiper sur un débat qui aura lieu à la rentrée, il m'apparaît en effet primordial que, désormais, toutes les nouvelles orientations arrêtées pour le développement scientifique de la France soient « eurocompatibles », c'est-à-dire qu'elles puissent s'inscrire dans le cadre d'une dynamique européenne, qu'elles anticipent les articulations avec le septième PCRD et le Conseil européen de la recherche - ERC, European research council, qui, plus qu'un conseil, est en fait une agence.

La France seule n'est plus de taille à lutter contre des ensembles aussi massifs que les États-Unis et, demain, la Chine ou l'Inde. La mise en commun des ressources est donc la condition sine qua non de notre compétitivité future dans les domaines scientifique et technologique.

Troisièmement, eurocompatibilité, insertion de la nouvelle agence dans le dispositif de recherche actuel, gouvernance : ces points, aussi importants soient-ils, n'épuisent pas les questions soulevées par la création de l'AII.

Que notre système de recherche souffre actuellement d'un pilotage perfectible et d'une implication insuffisante du secteur privé, c'est une évidence. Il pâtit également d'une sous-utilisation des réservoirs d'innovation offerts par la création d'entreprises et les PME.

On l'a dit, l'effort de recherche des entreprises privées françaises est en retrait par rapport à celui fourni par leurs homologues étrangers. Pourtant, lorsqu'on observe les choses de plus près, on constate que les grandes entreprises françaises investissent autant - sinon plus, c'est notamment le cas de Renault - que leurs concurrents directs situés dans un même secteur d'activités.

Dans les faits, trois facteurs expliquent le retard français. La France dispose de moins de grandes entreprises. Les grandes entreprises françaises sont moins présentes dans les secteurs à forte intensité technologique là où, pourtant, les réservoirs d'innovation et de plus-value pour l'avenir sont les plus importants. La France ne dispose pas d'un tissu fourni de PME innovantes, soit que celles-ci sont de dimension trop réduites, soit qu'elles ne disposent pas d'un environnement favorable à leur expansion.

Si l'AII constitue une réponse idéale à la seconde faiblesse, je m'interroge en revanche sur sa capacité à offrir les perspectives de développement nécessaires aux PME. Il s'agit là, monsieur le ministre, d'un des défis majeurs qui se présentent à la recherche française. Et vos propos introductifs en début de séance m'ont rassuré. J'avoue m'être demandé auparavant si la création de l'AII ne constituait pas une réponse anachronique à un problème réel. Je m'explique. En ciblant les financements destinés à la recherche privée sur quelques projets précis pour éviter un désastreux saupoudrage, mais en concentrant ses efforts en direction des grandes entreprises, l'Agence ne s'inscrirait-elle pas dans un contexte économique révolu, ne faisant qu'appliquer une recette ancienne pour affronter des problèmes nouveaux ?

Ainsi que l'a très bien mis en avant l'analyse développée par le groupe Futuris, le paradigme de la recherche a considérablement évolué au cours des cinquante dernières années. Hier, le modèle français reposait sur un triptyque - recherche publique, entreprise publique, commande publique - fonctionnant en économie fermée. Les contraintes d'une économie ouverte imposent aujourd'hui de revoir en profondeur cette architecture. Et il n'est pas certain que la simple substitution du terme « d'entreprise» tout court à celui « d'entreprise publique » - ce que propose dans les faits l'AII - suffise pour prendre acte de la nouvelle donne.

Force est de constater que le plus grand atout des pays qui disposent d'une recherche dynamique réside dans leur capacité à faire émerger des acteurs nouveaux de l'économie, tandis que les grandes entreprises françaises sont, pour l'essentiel, vieilles de plusieurs décennies. On compte parmi les mille plus grandes entreprises mondiales pas moins de quatre-vingt-huit entreprises américaines créées après 1980 : Microsoft, Dell, Google, e-Bay...

Certes, des dispositifs en direction des PME existent d'ores et déjà. Ils ont même été renforcés récemment avec la nouvelle entité Oséo-Anvar, que le rapporteur a citée. Mais l'effort n'est pas suffisant Pour que l'AII donne la pleine mesure de son efficacité, il serait donc souhaitable qu'elle « associe très largement les PME à côté des grands groupes industriels », pour reprendre les termes exacts du Premier ministre dans son discours de politique générale. Il ne s'agit pas là d'un propos de circonstance mais d'une nécessité vitale pour le dynamisme de l'innovation française. Reste à déterminer les modalités de cette association. C'est peut-être l'occasion ou jamais de mettre en œuvre une sorte de small business program à la française : cette législation en vigueur aux États-unis, qui réserve une part des marchés publics aux PME innovantes, a très largement contribué à l'essor de l'innovation américaine au cours des trente dernières années.

Dans le cadre de l'AII, pour accompagner le développement de nouveaux acteurs de référence dans le secteur des hautes technologies et pour assurer ainsi la prospérité future du pays, il n'est pas inenvisageable de tenter d'acclimater sous nos latitudes un mécanisme similaire. On pourrait imaginer, par exemple, que les grands groupes qui veulent obtenir des financements de l'Agence doivent s'associer, pour une part significative du marché, à des PME indépendantes de l'entreprise de référence.

Voilà, monsieur le ministre, les réflexions que je souhaitais vous soumettre. Je ne doute pas que vous saurez lever toutes mes interrogations. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont, dernier orateur inscrit.

M. Jean-Louis Dumont. Je souhaite réagir à certains propos que j'ai entendus au cours de la discussion générale. Je note tout d'abord un décalage entre les exigences de bonne gouvernance que vous avez affirmées, monsieur le ministre, et le texte qui nous est proposé. Vous souhaitez en particulier réduire à 20 % le quorum des actionnaires représentés. Or l'exercice du droit de vote est une partie de la gouvernance de l'entreprise ! Le rôle des investisseurs institutionnels en est une autre, et le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, M. Mayer, a évoqué devant la commission des finances l'élaboration d'une charte permettant d'éviter les conflits d'intérêts et de donner une dynamique à ses actions. Réduire la présence des actionnaires est en contradiction, me semble-t-il, avec ce souci de bonne conduite et de transparence. D'ailleurs, l'Autorité des marchés financiers invite les sociétés de gestion de portefeuille à exercer les droits de vote qu'elles gèrent et leur demande de motiver le non-exercice de ce droit. Il me semble intéressant de souligner cette contradiction.

Ma deuxième remarque a trait à un possible mauvais coup que Jean-Pierre Balligand évoquait de la part du Parlement - et pas forcément de cette assemblée, monsieur le ministre -, qui pourrait arriver nuitamment, s'agissant d'une grande entreprise de l'économie sociale, à savoir les caisses d'épargne. Des rumeurs ont mobilisé l'ensemble du mouvement. Je puis vous assurer que, sur le terrain, elles sont toutes vigilantes, ne souhaitant pas que soient remis en cause les équilibres instaurés par la loi. Le réseau est vent debout pour résister au mauvais temps, y compris à un mistral marseillais !

M. Richard Mallié. Quel lyrisme !

M. Jean-Louis Dumont. Ma troisième observation est relative à l'épargne salariale. Je milite dans des organismes HLM, dont certains sont des sociétés anonymes en parts sociales, des coopératives, et d'autres des SA en actions, des ESH. Certaines de ces sociétés anonymes HLM pratiquent l'épargne salariale et l'intéressement, qui permettent de dynamiser les équipes, de leur donner des objectifs. Lorsque, pendant trois années consécutives, une même équipe d'hommes et de femmes, dont les compétences sont transcendées, passe de 80 logements à 200 logements par an, que croyez-vous qu'il arrive quand vient le contrôleur ? Il mégote, il discute, il met en cause. Il ne cherche pas à savoir si les gens ont entrepris, s'ils se sont mobilisés, s'ils ont dépassé les 35 heures, si toute l'équipe a répondu aux besoins de logement créés par la professionnalisation de l'armée !

Pis encore, lorsque votre collègue Gilles de Robien - et avant lui Marc-Philippe Daubresse - prétend ici dynamiser l'accession sociale à la propriété et que ces sociétés mettent en place un plan stratégique de patrimoine répondant exactement aux indications ministérielles, on leur oppose qu'elles ne sont pas des promoteurs et qu'elles n'ont pas à vendre le patrimoine HLM ! C'est pourtant bien là une dynamique propre à relancer l'accession à la propriété, susceptible de donner au parcours résidentiel du résident toute sa plénitude. Voilà toutes les contradictions que nous vivons sur le terrain.

Le dernier point sur lequel je veux intervenir est très important. Je suis originaire d'un département frontalier. Nous observons actuellement, souvent le dimanche matin, des véhicules qui viennent stationner à proximité d'un débitant de tabac. Lorsque leur coffre s'ouvre, le marché libre commence ! Le Gouvernement a certes pris des mesures. Il a peut-être même mis beaucoup d'argent, mais sans tenir compte de l'environnement. M. le rapporteur général a bien voulu le reconnaître, même si mon amendement relatif à ce problème n'a pas été retenu par la commission des finances. J'attire votre attention, monsieur le ministre, sur l'importance de conserver un maillage territorial des commerces à vocation multiple et de mieux prendre en compte la réalité économique : si le chiffre d'affaires et la marge bénéficiaire se maintiennent, inutile d'intervenir. Mais il faut donner aux commerçants, surtout en zone frontalière, une perspective, pour leur laisser le temps, comme d'autres l'ont déjà fait dans le Centre de la France, de pousser les murs, de trouver d'autres formes de commerce, de dynamiser leur chiffre d'affaires. Il faut éviter qu'ils ne disparaissent. En milieu rural, avec La Poste et d'autres commerces, ils sont aussi une image de marque.

Telles sont les quelques réflexions que je voulais faire dans le temps qui m'était imparti. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je tiens tout d'abord à vous remercier de la qualité de vos interventions, qui témoignent de l'intérêt que suscite le présent texte sur tous les bancs de l'hémicycle. Au terme de la discussion générale, je voudrais insister sur trois points fondamentaux : l'unité du projet de loi, sa pertinence au regard de la situation économique et le profond respect des droits du Parlement et de la procédure parlementaire qui m'anime.

En matière de législation comme en matière d'économie, mieux vaut être pragmatique plutôt qu'esthète : ce qui importe, c'est le contenu du projet, non sa forme. Surtout, je suis convaincu que ce texte a une profonde unité. Votre rapporteur, avec qui nous avons beaucoup travaillé, l'a lui-même souligné. D'ailleurs, la commission a beaucoup contribué à le renforcer.

Je rappelle l'objectif, simple et unique, de ce texte : favoriser la croissance de l'économie. Les moyens pour y parvenir sont de mobiliser l'épargne en faveur des entreprises et de leur faciliter l'accès au financement.

La croissance est le fruit de la consommation, de l'investissement et, vous l'avez rappelé, de l'exportation. Par la reconduction de la mesure sur les donations, par une prime exceptionnelle d'intéressement, par une mesure de déblocage ponctuelle de la participation permettant de libérer des liquidités pour les ménages, nous soutenons la consommation et donc la croissance. En facilitant par ailleurs l'accès au marché des capitaux, en élargissant la pratique de l'intéressement dans les PME, en accompagnant fiscalement l'émergence d'un marché d'accès à la bourse pour les PME, en permettant aux entreprises de fonctionner de manière plus moderne, nous stimulons le financement des investissements des entreprises. En favorisant la croissance des entreprises, en créant l'outil unique, puissant et original que constitue l'Agence de l'innovation industrielle, nous pourrons améliorer la spécialisation technologique de notre pays et ainsi conforter, voire améliorer, sa capacité exportatrice.

Monsieur Dubernard, je souscris entièrement à ce que vous venez de dire dans votre intervention. Du reste, j'exprimais certaines de vos remarques lors de la conférence de presse que j'ai tenue ce matin.

M. Bernard Accoyer. Les grands esprits se rencontrent !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est pourquoi je vous ai écouté avec beaucoup de plaisir. (Sourires.) Le Gouvernement, je le redis, non seulement est sensible à vos observations, mais y souscrit pleinement.

M. Pascal Terrasse. Vous vous aimez, c'est déjà bien !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous aurons l'occasion de reparler de tout cela et notamment de l'adéquation entre l'Agence, la recherche et Oséo. Je partage l'ambition et la nécessité que vous avez si bien décrites.

Ceux qui voient dans ce texte un patchwork ont une vision plus archaïque que la mienne et peut-être plus centralisatrice, pour ne pas dire planificatrice, de l'économie. La croissance résulte de l'action de tous les acteurs de l'économie. Chacun - épargnant, consommateur, investisseur, entrepreneur, innovateur - trouvera dans ce texte une réponse aux difficultés auxquelles, dans ses projets de consommation ou d'investissement, il se heurte encore aujourd'hui.

C'est à ce titre que ce projet mobilise et modernise l'ensemble des acteurs de notre économie.

D'aucuns ont reproché à ce texte de ne pas comporter de mesures phares. Les orateurs qui ont exprimé ce regret sont-ils souvent appelés à se prononcer sur la création d'un outil public doté à sa naissance d'un milliard d'euros et destiné à soutenir l'innovation de notre pays ? Est-ce anecdotique et dépourvu d'ambition ? Je ne le crois pas.

À la question légitime de M. Carrez au sujet de l'articulation entre l'agence de l'innovation et Oséo- Anvar, je répondrai que le Gouvernement a souhaité créer un dispositif cohérent et complet de soutien à l'innovation et au développement des entreprises. Oséo disposera des moyens nécessaires au développement et à l'innovation pour les PME. L'agence de l'innovation soutiendra pour sa part de grands projets industriels structurants qui reposeront, bien sûr, sur de grandes entreprises, mais sans oublier les PME, comme l'a rappelé M. Dubernard et demandé à juste titre M. Auberger. À ce titre, je demanderai au président du directoire de cette agence d'avoir pour objectif que 25 % de ses fonds aillent directement aux PME.

Je souhaite également revenir sur la participation des salariés au développement et aux résultats des entreprises. C'est un sujet essentiel, comme l'a souligné le président Ollier. Il a brillamment rappelé le pacte fondateur à l'origine de la participation.

Dans ce domaine, le projet de loi a une ambition ciblée, correspond à l'état du débat au moment de sa préparation. Ces sujets répondent en effet à un équilibre subtil entre intéressement, participation et actionnariat des salariés.

L'esprit du texte présenté aujourd'hui par le Gouvernement est de prendre des mesures pragmatiques : même si elles ne sont pas spectaculaires, elles pourront s'appliquer directement dès cette année.

Cela étant, j'ai bien entendu le message du président de la commission des affaires économiques en faveur d'un texte dédié à la participation, et je l'entends tout particulièrement en ce message qui concerne les entreprises de petite taille.

Le Gouvernement va donc poursuivre le travail et la concertation dans ce domaine, en se fondant notamment sur les analyses de MM. Godfrain et Cornut-Gentille, qui ont été nommés parlementaires en mission, comme vous le savez, par M. Jean-Pierre Raffarin. J'ai fait le point avec M. Godfrain tout à l'heure : son travail avec M. 
Cornut-Gentille sur ces sujets progresse rapidement et nous devrions, à ce qu'il m'a dit, avoir avant l'automne les premières conclusions de leur rapport. Elles éclaireront le Gouvernement.

M. le président Méhaignerie a développé une vision de notre économie à la fois profonde et beaucoup plus large que le texte qui nous occupe aujourd'hui. Je m'y retrouve naturellement largement, notamment dans l'exigence de passer aux travaux pratiques et d'obtenir des résultats.

Il a évoqué plusieurs interrogations fondamentales. J'en ai pris bonne note et je ne doute pas que le Gouvernement dans son ensemble apportera des réponses dans les prochains mois.

Pour ce qui est des mesures concrètes, M. Balligand a fait, même si je n'y souscris pas, un exposé brillant, mais il a beau jeu, me semble-t-il, de se plaindre que sa proposition de loi n'ait pas été adoptée : le parti socialiste s'était bien gardé de la déposer quand il avait la majorité... Je suis le premier à passer aux actes pour ce qui est de l'intervention de l'assemblée générale sur les rémunérations. C'est la première fois que cela se fera. J'ai donc trouvé le raisonnement de M. Balligand un peu particulier.

Ce matin, j'ai indiqué, dans un esprit de responsabilité, un souci de transparence et une volonté de mobilisation de l'ensemble de nos compatriotes, que la croissance de notre économie en 2005 ne serait pas à la hauteur de nos espérances initiales. Ma responsabilité de ministre devait-elle se limiter à cet exercice d'information et de lucidité ? Lorsque j'identifie un problème ou une difficulté, il est de mon devoir d'y apporter des réponses et des remèdes, après en avoir informé nos compatriotes.

Tout retard dans l'examen de ce texte ferait prendre le risque de laisser s'échapper un peu de croissance. Les entreprises qui pourront, grâce au législateur, bénéficier du cadre juridique protecteur et stimulant d'Alternext vont investir et créer des emplois. N'est-ce pas une urgence ? Je vous pose la question !

Le calendrier adopté a aussi pour objectif, en cette période de débats sur l'Europe - et je crois que le Gouvernement et le Parlement pourront en être fiers - d'être ponctuels au rendez-vous de la transposition des directives prospectus et transparence qui, je vous le rappelle, entreront en application dès le 1er juillet prochain.

En troisième lieu, je souligne que la procédure de conception de ce projet ainsi que son contenu traduisent un profond respect des droits et prérogatives du Parlement. Le recours à une procédure d'ordonnance pour réformer le droit des sûretés, notamment en matière hypothécaire, permet d'aller vite, tout en concentrant dans une matière complexe l'intervention et le temps du législateur sur les principes essentiels. Votre commission des lois a été, comme l'a rappelé Philippe Houillon, particulièrement vigilante sur ce point et elle a eu raison. Je confirme ici à son président, que je remercie pour la collaboration de sa commission sur l'ensemble des sujets de la loi, que le processus d'élaboration de ces ordonnances sera parfaitement transparente.

Tous ceux qui sont intéressés par ces sujets y seront, évidemment, associés. J'adresse tout particulièrement cette invitation à M. de Courson qui a manifesté avec raison son intérêt pour ces matières.

Sur tous les aspects de ce texte, je me réjouis d'ailleurs des échanges avec les trois commissions de votre assemblée qui ont bien voulu se pencher sur ce projet. Ils ont permis de l'enrichir sur de nombreux points, notamment sur la question délicate de la rémunération des dirigeants.

Je reviens sur votre remarque, monsieur Launay. Vous êtes inspecteur des impôts ?...

M. Jean Launay. Inspecteur du Trésor !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Comme tous les fonctionnaires de cette administration, que j'ai l'honneur de diriger, vous êtes donc précis. Je m'étonne que vous ayez omis un fragment du texte que vous citiez. Je me permets donc, puisque vous avez eu la délicatesse de lire un rapport annuel, public au demeurant, concernant une entreprise que j'ai eu l'honneur de diriger avant de devenir ministre, de signaler qu'à la page 151, concernant une retraite éventuelle dont j'aurais pu être le bénéficiaire - ce qui, du reste, n'a rien de scandaleux par ailleurs - vous avez négligé de rappeler que ses modalités devaient être proposées par le comité des rémunérations.

M. Jean Launay. Je l'ai dit, monsieur le ministre !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Or, monsieur Launay, j'ai quitté l'entreprise avant que ce comité n'ait fait sa recommandation, et donc je n'en bénéficie pas. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Michel Dubernard. Votre remarque était honteuse, monsieur Launay !

M. Bernard Accoyer. Scandaleuse ! Quel sectarisme suranné ! Quand M. Launay perdra les élections, où ira-t-il ? Quel risque a-t-il pris ?

M. Jean-Michel Dubernard. Aucun !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Revenons à des sujets plus intéressants.

M. Charles de Courson a posé une question tout à fait pertinente et légitime concernant les conventions réglementées. C'est un instrument souple, simple et qui correspond bien à la logique de l'amendement que le Gouvernement proposera en vue de soumettre au vote de l'assemblée générale les éventuelles rémunérations différées de certains dirigeants. Je considère comme vous, monsieur de Courson, que le projet dissipe un certain flou jurisprudentiel quant à la nécessité ou non de passer en convention réglementée certains éléments de rémunération différée. Désormais les choses seront claires : tous ces éléments de rémunération seront nécessairement soumis à l'approbation des actionnaires par le biais de cette procédure simple et juridiquement validée depuis très longtemps dans le droit des sociétés.

Sur le second point que vous soulevez, la volonté du Gouvernement a été de ne pas proposer une innovation juridique qui aurait créé une instabilité inutile. Toutes les sociétés connaissent en effet parfaitement le régime des conventions réglementées. En cas de refus, le texte de l'article L. 225-41 du code du commerce précise que les conséquences préjudiciables pour la société peuvent être mises à la charge de l'intéressé et éventuellement des autres membres du conseil d'administration. Ainsi, au cas où une assemblée générale voterait contre une convention réglementée, la question se pose de savoir quel dirigeant de société cotée prendrait le risque de passer outre ce vote défavorable des actionnaires, avec les conséquences personnelles, civiles et éventuellement pénales que cela comporterait. La réponse à cette question est, à n'en pas douter, qu'aucun conseil d'administration ne fera courir ce risque qui, je le rappelle, peut être pénal : si jamais la convention n'est pas reconnue, elle peut être attaquée. Un nouveau vote pourra, le cas échéant, être proposé à l'assemblée mais la convention sera caduque de facto puisque le principe de responsabilité s'appliquera au conseil d'administration.

C'est là une sécurité juridique. Cela, encore une fois, répond parfaitement bien à la problématique puisqu'il s'agit, en somme, d'un contrat entre un mandataire social et l'entreprise et, comme tout contrat de cette nature, il doit être soumis au droit des conventions réglementées.

Nous avons voulu sur ce point être simples et pratiques, et traiter ces questions dans une procédure que les entreprises et les assemblées générales connaissent bien.

Voilà mesdames, messieurs les députés, ce que je souhaitais dire au terme de cette première journée de débat sur le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie. Nos échanges nourris ont fait ressortir une exigence de la représentation nationale : que le Gouvernement prenne à bras-le-corps l'ensemble des questions posées à notre modèle de croissance économique. Ces échanges ont montré également que l'Assemblée mesure l'ambition qui anime ce projet qui, parfois technique - mais est-ce critiquable d'être précis ? - a pour but d'apporter aux entreprises de notre pays, à leurs salariés, à leurs clients et à leurs actionnaires des outils de développement nouveaux au service de la croissance et de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    2

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Mercredi 22 juin 2005, à quinze heures, première séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 2249, pour la confiance et la modernisation de l'économie :

Rapport, n° 2342, de M. Gilles Carrez, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan ;

Avis, n° 2329, de M. Patrick Ollier, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire ;

Avis, n° 2333, de M. Philippe Houillon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 22 juin 2005, à zéro heure dix.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot