Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2005-2006)

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 13 octobre 2005

19e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. RENÉ DOSIÈRE,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

traitement de la récidive
des infractions pénales

Suite de la discussion, en deuxième lecture, d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales (nos 2093, 2452).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a commencé l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 5.

Article 5

M. le président. Le Sénat a supprimé l’article 5.

Plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l’article 5 est aussi préoccupant que les précédents, et que les suivants. Cette proposition de loi est, je le répète, inspirée par le populisme et la démagogie. Elle ne règle rien, car le dispositif actuel est largement suffisant, et elle fait des récidivistes une catégorie particulière soumise à un régime dérogatoire au droit commun. Or le droit français connaît déjà trop de dérives et comprend suffisamment de mesures d’exception pour que l’on n’en ajoute pas d’autres.

En limitant le crédit de réduction de peine, l’article 5 ne fait rien d’autre qu’appliquer un régime dérogatoire au droit commun aux récidivistes.

M. Xavier de Roux. Qui eux-mêmes dérogent au droit commun en récidivant !

M. Noël Mamère. La récidive est une forme de criminalité et elle est punie en tant que telle par le code pénal. Le récidiviste ne déroge donc pas au droit au commun.

L’article 5 vise à pénaliser les récidivistes en limitant le crédit de réduction de peine à deux mois au lieu de trois la première année, à un mois au lieu de deux pour les années suivantes, et à cinq jours par mois au lieu de sept. Cette disposition confirme ainsi l’esprit de la proposition de loi, d’où ont d’ailleurs disparu des notions, notamment celle de réinsertion, dont on croyait pourtant qu’elles inspiraient aussi l’action de ce gouvernement.

Nous sommes ici dans la logique du châtiment. On veut nous faire croire que le suivi socio-judiciaire sera renforcé, mais les moyens nécessaires à sa mise en œuvre manquent. La mise en œuvre du bracelet électronique mobile épuisera les crédits du ministère de la justice et, pendant ce temps, on continuera à manquer de psychiatres, de travailleurs sociaux et de médecins coordonnateurs. Je rappelle que seuls dix-huit centres existent sur les cent quatre-vingts qui seraient nécessaires et que les juges d’application des peines – un pour 180 000 – ne sont pas assez nombreux.

Or on ne peut pas dire que la France figure au premier rang des pays européens en ce qui concerne les conditions pénitentiaires. Je ne vous ferai pas l’affront de vous lire les propos du représentant du Conseil de l’Europe, après sa visite de nos prisons et de nos centres de rétention. Son constat est terrifiant.

M. Xavier de Roux. C’est tout à fait exact, mais ce n’est pas le sujet !

M. Noël Mamère. La question de la condition pénitentiaire est au cœur même de notre sujet, cher collègue. En effet, jusqu’à présent, la philosophie de la République était qu’un détenu devait avoir la perspective de se réinsérer dans la société.

M. Xavier de Roux. Ce n’est pas certain !

M. Noël Mamère. Or il ne me semble pas que ce soit la philosophie du Gouvernement, que vous soutenez aveuglément.

En tout cas, les déclarations de M. Alvaro Gil Robles sont particulièrement sévères pour la manière dont les détenus sont traités dans nos prisons, pour la réforme du droit d’asile que M. de Villepin a fait adopter quand il était ministre de l’intérieur – et contre laquelle je m’honore d’avoir voté – et pour les centres de rétention. Les uns et les autres, nous serions d’ailleurs bien avisés de visiter, comme nous le permet la loi d’avril 2000, non seulement les maisons d’arrêt et les centres de détention, mais aussi les sous-sols du palais de justice de Paris, où ceux qui cherchent à venir dans notre pays sont traités comme des rebuts de l’humanité et chassés comme de véritables esclaves, alors qu’on laisse les mains libres aux exploiteurs.

M. le président. La parole est à M. Gérard Léonard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelle, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Gérard Léonard, rapporteur commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. J’espère ne pas vous offenser, monsieur Mamère, en vous répétant que vous n’avez saisi ni le sens ni la portée de la proposition de loi. De toute façon, ce n’est pas votre problème car, par réflexe presque pavlovien, vous taxez tous les textes de liberticides, déshumanisants et inefficaces.

M. Noël Mamère. Je n’ai jamais prononcé ces mots : j’ai dit que ce texte était populiste et démagogue !

M. Gérard Léonard, rapporteur. De toute façon, vous employez toujours les mêmes mots. Je vais donc vous expliquer les dispositions de l’article 5, puisque vous ne les avez apparemment pas bien comprises.

Il s’agit de prendre en compte la récidive dans les réductions de peine. Actuellement, celles-ci sont automatiques : trois mois la première année de détention, deux mois les années suivantes et sept jours par mois lorsque la peine prononcée est égale ou inférieure à un an. Nous proposons donc que, en cas de récidive légale, ces réductions de peine soient réduites du tiers la première année – passant de trois à deux mois –, de moitié pour les années suivantes – de deux à un mois – et qu’elles soient de cinq jours par mois, au lieu de sept, pour les peines égales ou inférieures à un an. Notre objectif est de faire en sorte que les récidivistes bénéficient d’un traitement qui favorisera une prise de conscience, voire une réinsertion.

En effet, actuellement, le taux de libération conditionnelle est très faible, en dépit des circulaires de la Chancellerie, qui encourage les juges à prendre cette mesure. Or cette situation s’explique par le fait que le système de réduction de peine est conçu de telle manière qu’il dissuade les détenus d’accepter une libération conditionnelle.

M. Hervé Morin. Tout à fait !

M. Gérard Léonard, rapporteur. Ceux-ci ont intérêt à attendre la fin de leur incarcération en bénéficiant des réductions de peine, car ils pourront alors sortir de prison sans être soumis à aucun contrôle ni aucun suivi, ce qui ne favorise pas leur réinsertion. Nous souhaitons donc limiter les réductions de peine, afin de rendre beaucoup plus attractive la libération conditionnelle. Tel est l’objectif de la proposition de loi.

J’en profite d’ailleurs pour féliciter le Gouvernement d’avoir pris en compte ces préoccupations dans son amendement n° 54 rectifié. Outre la limitation de la réduction de peine, qui faisait partie de la proposition de loi initiale, celui-ci reprend l’amendement n° 13 de la commission, cosigné par M. Caresche, qui insiste sur la volonté de favoriser la libération conditionnelle et la réinsertion, conformément à la philosophie qui est la nôtre. On sait très bien que la sortie sèche de prison, qui est un facteur de récidive, est la pire des choses. C’est pourquoi nous voulons l’éviter autant que possible.

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Mon intervention portera notamment sur l’amendement n° 13 de la commission, que M. le rapporteur vient d’évoquer.

Il est vrai que le système actuel de réduction de peine, tel qu’il a été instauré par la loi « Perben II » – qui date pourtant d’à peine de deux ans – ne favorise pas la libération conditionnelle. En effet, dans certains cas, les détenus ont intérêt à attendre la sortie sèche plutôt que de bénéficier d’une libération conditionnelle. Malheureusement, l’amendement n° 13, monsieur le rapporteur, ne porte que sur les cas de récidive. Or le problème est identique pour les primo-délinquants et les primo-incarcérés : le jeu des réductions de peine est tout aussi pernicieux pour eux que pour les récidivistes.

M. Xavier de Roux. Non, il l’est moins !

M. Hervé Morin. Il l’est autant. Par ailleurs, monsieur le rapporteur, le fait de n’exclure des dispositions sur le crédit de réduction de peine que les condamnés en état de récidive légale acceptant une mesure de libération conditionnelle me laisse perplexe. En effet, prenons le cas d’un automobiliste qui récidiverait après avoir été condamné à un sursis avec mise à l’épreuve pour conduite en état d’ivresse. Il verrait son crédit de réduction de peine limité au même titre que les autres récidivistes. Or, si une telle mesure peut se justifier lorsqu’il s’agit de délinquants sexuels ou de psychopathes, elle me paraît excessive dans des cas tels que celui que je viens de citer.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. J’interviens sur l’article 5, car il me semble que l’adoption de l’amendement n° 54 rectifié du Gouvernement ferait tomber les suivants, notamment l’amendement n° 13 de la commission que j’ai cosigné.

M. le président. C’est exact, monsieur Caresche.

M. Christophe Caresche. En ce qui concerne les réductions de peine, Hervé Morin a raison. Il est vrai que, dans certains cas, le détenu peut avoir intérêt à rester un peu plus longtemps en prison plutôt que d’accepter une libération conditionnelle. Mais l’amendement du Gouvernement réduit très sensiblement les réductions de peine. Le Sénat avait d’ailleurs rejeté, en première lecture, la disposition, qui figurait dans la proposition de loi initiale, au motif qu’elle était excessive et pouvait poser problème en raison de la surpopulation carcérale.

Il faut avoir conscience du fait que restreindre les réductions de peine pour les récidivistes aura comme conséquence évidente un maintien en détention plus long pour beaucoup d’entre eux, ce qui ne sera pas sans poser problème dans la situation que nous connaissons.

J’ai déposé un amendement n° 13, adopté par la commission des lois, qui vise à maintenir les réductions de peine pour les détenus récidivistes qui choisissent la liberté conditionnelle. Je suis en effet convaincu qu’il faut développer les libérations conditionnelles, qui constituent une réponse efficace au problème de la récidive.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 54 rectifié, 13 et 29 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour soutenir l’amendement n° 54 rectifié du Gouvernement.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. J’ai effectivement déposé un amendement n° 54 rectifié, qui reprend l’amendement n° 13 de la commission des lois et rectifie par ailleurs une faute de plume qui a, paraît-il, fait couler beaucoup d’encre.

L’amendement n° 13 de la commission des lois, cosigné par le groupe socialiste, modifie l’article 721 du code de procédure pénale issu de la loi du 9 mars 2004, afin de limiter le montant du crédit de réduction de peine pour les récidivistes, tout en évitant que cette limitation n’ait une incidence sur la possibilité d’octroi d’une libération conditionnelle. Le Gouvernement est tout à fait favorable à cette modification. Il semble toutefois que cette modification exige une réécriture plus importante de l’article 721. Par ailleurs, cette réécriture est l’occasion de mieux préciser les modalités de calcul du crédit de réduction de peine par rapport à la peine prononcée, le texte actuel souffrant d’une imprécision.

C’est pourquoi le Gouvernement a déposé cet amendement, qui a deux objectifs. Le premier est celui poursuivi par la commission des lois : ramener de trois mois à deux mois pour la première année, de deux mois à un mois pour les années suivantes, et de sept à cinq jours par mois la durée du crédit de réduction de peine applicable aux récidivistes. Ainsi, un récidiviste condamné à deux ans d’emprisonnement bénéficiera de deux mois plus un mois, soit trois mois de crédit de réduction de peine, au lieu des trois mois plus deux mois, soit cinq mois, applicables à un non-récidiviste. Il devra donc exécuter vingt et un mois d’emprisonnement au lieu de dix-neuf mois. En revanche, pour l’octroi de la libération conditionnelle, ces dispositions seront sans incidence. La libération conditionnelle sera possible aux deux tiers des dix-neuf mois, et non des vingt et un mois, ce qui constituera une incitation pour le condamné à demander une libération conditionnelle.

Le second objectif de l’amendement du Gouvernement est de clarifier la rédaction de l’article 721 concernant les modalités de calcul du crédit de réduction de peine. Une erreur de plume est intervenue à l’occasion de la réécriture de ce texte lors de la navette entre les deux assemblées. Or, les travaux préparatoires permettent de connaître sans aucune ambiguïté la volonté du législateur, et les textes d’application – notamment l’article D.115-1 du code de procédure pénale et la circulaire d’avril 2005 – vont tous dans le sens voulu par celui-ci. Toute autre interprétation conduirait du reste à des résultats absurdes.

Telle est la double finalité de l’amendement du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche, pour défendre l’amendement n° 13.

M. Christophe Caresche. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin, pour soutenir l’amendement n° 29 rectifié.

M. Hervé Morin. Notre amendement visant à rectifier l’erreur de plume dont a fait état M. le garde des sceaux, je considère qu’il est satisfait par l’amendement du Gouvernement, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Philippe Houillon, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur ces trois amendements.

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. La commission est très favorable à l’amendement du Gouvernement, qui s’inscrit dans le même esprit que les amendements précédemment adoptés par la commission. Pour répondre de nouveau, s’il en est besoin – et je crois que c’est le cas –, à M. Mamère…

M. Noël Mamère. Je vous reposerai la même question sur d’autres articles !

M. Philippe Houillon, président de la commission. La pédagogie est l’art de la répétition, monsieur Mamère ! L’amendement du Gouvernement repose une idée simple, celle que le récidiviste doit supporter une sanction plus importante que le primo-délinquant, y compris dans la computation des réductions de peine. En revanche, comme nous souhaitons éviter les « sorties sèches », c’est-à-dire privilégier la réinsertion, les récidivistes acceptant une libération conditionnelle assortie de mesures d’accompagnement ne sont pas pénalisés par cette réduction du quota de réduction de peine, et bénéficient au contraire du quota normal. L’ensemble de ces mesures constitue un dispositif parfaitement équilibré, et je préfère finalement l’amendement du Gouvernement à celui que la commission avait adopté, puisqu’il présente l’avantage de corriger ce qui a pu être considéré, à tort ou à raison, comme une imprécision de l’ancienne écriture de l’article 721 du code de procédure pénale.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Autant je peux être d’accord avec la proposition formulée par notre collègue Morin pour rectifier l’erreur de plume qui s’était glissée dans la loi Perben II, autant je ne suis pas d’accord pour que cette rectification figure dans un amendement portant confirmation du statut dérogatoire d’un récidiviste.

M. le garde des sceaux. Nous ne parlons pas de la même chose !

M. Noël Mamère. Je m’obstine à ne pas comprendre vos explications, monsieur le garde des sceaux. Donc, ne vous fatiguez pas !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est effectivement de l’obstination !

M. Noël Mamère. Je voudrais simplement poser une question au président de la commission des lois : dans quel article du projet de loi peut-on lire le mot « réinsertion » ? Pour ma part, je n’ai pas trouvé ce mot dans le texte.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Vous lisez, mais vous ne savez pas écouter, monsieur Mamère. Vous étiez pourtant présent hier, lorsque j’ai développé un amendement auquel je tiens beaucoup. Cet amendement prévoit que pour les mineurs, il peut y avoir un sursis avec mise à l’épreuve au-delà de cinq ans. J’ai donné l’exemple d’un mineur condamné à huit ans, qui bénéficierait d’un sursis de trois ans avec mise à l’épreuve. Et puisque vous êtes débutant, je vous explique ce qu’est un sursis avec mise à l’épreuve : ce n’est rien d’autre que de l’insertion. Ceux qui écrivent sans écouter les débats font la même erreur que vous et, malheureusement, informent mal l’opinion.

Avec ce texte, nous avons certes la volonté de punir, mais aussi d’insérer, et d’éviter les sorties « sèches » et la récidive. Tout le reste, monsieur Mamère, est bon pour vos abominables préaux d’école, où les gens sont convaincus d’avance. Ce n’est pas la réalité de ce que veut la droite française : nous menons une politique équilibrée entre la sanction et l’insertion, et tout y mène dans les articles de ce projet. Par rapport à la situation antérieure, il y a désormais la certitude de la peine, c’est un progrès ; il n’y a plus de sortie sèche, mais réinsertion, c’est un autre progrès. Tout le reste n’est que verbiage (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Nous venons d’entendre de belles paroles, qui figureront au compte rendu des débats. Pour autant, M. le ministre ne m’a pas convaincu. Il a peur d’utiliser le mot « réinsertion » parce que la droite, qu’il représente, n’aime pas ce mot et la philosophie qu’il véhicule. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Si ce mot ne vous faisait pas si peur, vous l’auriez inscrit dans le texte, comme vous l’avez fait pour l’individualisation des peines, alors qu’il s’agit d’un principe juridique intangible. Vous ne l’avez pas fait ; il n’en restera donc que des paroles verbales.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 54 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 5 est rétabli et se trouve ainsi rédigé.

Les amendements nos 13 et 29 rectifié n’ont plus d’objet.

Nous passons aux amendements portant articles additionnels après l’article 5.

Après l’article 5

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 66.

La parole est à M. Christophe Caresche, pour le soutenir.

M. Christophe Caresche. Comme les faits divers nous l’ont malheureusement rappelé ces dernières semaines, certains condamnés ne bénéficient pas de suivi socio-judiciaire, soit qu’ils aient été condamnés avant les décrets d’application de cette mesure en 2000, soit que les magistrats ne l’aient pas imposé, sachant que faute de moyens il ne serait pas appliqué. Dès lors qu’ils ne demandent pas de libération conditionnelle, ces condamnés n’ont pas, à leur sortie, de suivi psychologique – la plupart d’entre eux n’en ont d’ailleurs pas bénéficié pendant leur détention. Cette situation peut favoriser la récidive.

Notre proposition, qui ne sort pas du cadre constitutionnel, consiste à ce que le juge d’application des peines puisse, dans le cadre de réductions de peine – comme il peut le faire dans le cadre de la libération conditionnelle – prononcer une injonction de traitement psychologique décidée après une expertise médicale et pour une durée maximum correspondant à la durée de la réduction de peine.

Cet amendement est basé sur l’article 721-2 du code de procédure pénale, qui prévoit d’ores et déjà que le juge d’application des peines peut, selon des modalités prévues par l’article 712-6, ordonner que le condamné ayant bénéficié d’une ou plusieurs réductions de peine soit soumis après sa libération à l’interdiction de recevoir la partie civile, de la rencontrer ou d’entrer en relation avec elle de quelque façon que ce soit. Nous proposons qu’un article vienne compléter celui-ci pour permettre au juge d’application des peines de prononcer également ce suivi médico-psychologique.

Notre objectif est que tout condamné pour des faits graves de violences sexuelles – punis d’au moins sept ans d’emprisonnement, ce qui est la condamnation moyenne pour les violences sexuelles graves, notamment les viols aggravés – puisse bénéficier de ce suivi médico-psychologique. Nous n’y voyons pas une solution miracle, dans la mesure où tout traitement médical a ses limites.

Nous avons donc inclus dans le suivi socio-judiciaire la dimension pathologique de cette délinquance. Personnellement, je suis d’ailleurs quelque peu réservé sur cette extension indéfinie du suivi socio-judiciaire car d’autres types de délinquance vont être impliqués. Or toute délinquance n’est pas pathologique. En tout état de cause, la décision que nous avons prise nous conduit à prendre aussi en compte la dimension pathologique dans le cadre de l’application de la peine et pour un condamné qui, refusant la liberté conditionnelle, bénéficierait d’une réduction de peine.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. Au nom de la commission, je tiens à dire le plus grand bien de cet amendement qui nous satisfait totalement. Il est en effet tout à fait conforme aux conclusions du rapport de la mission sur la récidive puisqu’il considère la situation du détenu délinquant criminel sexuel qui accomplit sa peine et auquel un traitement est appliqué au-delà de la peine, mais qui se retrouvera à nouveau incarcéré s’il n’observe pas son traitement dans la durée de la réduction de la peine dont il a bénéficié. Cela traduit parfaitement la philosophie du rapport de la mission.

Cet amendement s’inscrit également tout à fait dans l’esprit de notre proposition de loi, qu’il améliore incontestablement.

La commission a néanmoins été appelée à le repousser, tout en reconnaissant ses grands mérites, car il est d’ores et déjà satisfait par l’amendement n° 55 rectifié du Gouvernement sur la surveillance judiciaire. Cela n’aura pas échappé à M. Caresche. Le Gouvernement a donc, et il faut le souligner, intégré par avance l’amendement Caresche.

L’amendement du Gouvernement présente l’avantage d’avoir une portée plus large puisque la surveillance judiciaire inclut l’injonction de soins, l’interdiction de se rendre dans certains lieux ou de fréquenter certaines personnes, reprenant en cela la philosophie du suivi socio-judiciaire, ainsi que l’application du bracelet électronique mobile. Je précise au passage que la libération conditionnelle peut relever du PSEM – placement sous surveillance électronique mobile.

Voilà pourquoi la commission a repoussé l’amendement de M. Caresche tout en adhérant sur le fond à sa démarche.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Comme vient de le dire le rapporteur, cet amendement a quelque chose de miraculeux. Ceux qui ont fait le procès de l’inconstitutionnalité de ce texte découvrent en effet que les groupes socialiste et UMP font la même analyse, adoptent la même technique juridique pour arriver à leurs fins et proposent les mêmes solutions. Comme quoi, la réalité des choses a fini par l’emporter !

Cet amendement, qui prévoit un traitement thérapeutique pour des personnes aujourd’hui en détention, et pendant la durée de la réduction de peine, est totalement contenu dans celui du Gouvernement. Christophe Caresche se limite, lui, au traitement thérapeutique. À cet égard, et sans chercher à lui faire un procès d’intention, je ferai observer que le traitement thérapeutique inclut des traitements thérapeutiques lourds, ceux précisément qui interpellent tel ou tel à propos des violeurs récidivistes.

Il s’agit donc bel et bien d’une mesure attentatoire à la liberté individuelle. On peut ainsi considérer qu’il y a parallélisme avec la disposition visant à imposer un bracelet électronique mobile à un détenu. On ne peut pas dire qu’il n’y aurait entrave à la liberté que dans un seul de ces deux cas.

Il est donc bien clair qu’il est possible de limiter la liberté du détenu pendant la durée des réductions de peine mais aussi pendant celle qui avait été initialement décidée par la cour d’assises ou le tribunal correctionnel.

Si le Gouvernement n’avait pas déposé l’amendement n° 55 rectifié, j’aurais évidemment demandé à l’Assemblée d’adopter l’amendement de M. Caresche. L’amendement du Gouvernement inclut en effet la disposition proposée par M. Caresche et ajoute le bracelet et différentes mesures de sûreté et de sécurité pour la société.

Vous avez fort justement soulevé la question, monsieur Caresche, de l’extension du suivi socio-judiciaire. Je me la suis également posée. Et je suis arrivé à la conclusion qu’on ne peut inclure dans le suivi socio-judiciaire que ce qui a pour finalité la sécurité publique. Cela devient alors une modalité d’application de la peine et c’est non plus une peine mais une mesure de sûreté que nous avons appelée surveillance judiciaire. Ce concept regroupe plusieurs dispositions – le bracelet, l’injonction thérapeutique, l’interdiction de se rendre dans certains lieux ou de fréquenter telle ou telle personne –, qui ont toutes pour finalité la sécurité publique. Ce sont des modalités de l’application des peines, immédiatement applicables et non rétroactives. Ne sont concernées que la durée de la peine initiale et la période de réduction de peine. Le Parlement peut donc adopter ces dispositions qui ne font l’objet d’aucun risque d’inconstitutionnalité.

Monsieur Caresche, force est de constater que, sur ce point qui a fait couler tant d’encre, nous sommes d’accord.

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech.

M. Georges Fenech. Monsieur le ministre, je tiens, au nom du groupe UMP, à exprimer le regret que vous ne nous donniez pas l’occasion d’adopter l’amendement de M. Caresche, qui montre bien que nous avons finalement le même souci, celui de la réinsertion, puisque l’obligation de soins est précisément l’un des éléments les plus importants de la réinsertion.

Je réponds par là même à Noël Mamère qui, dans un réquisitoire à l’emporte-pièce, accuse notre majorité de ne pas considérer la réinsertion comme l’un des éléments de la sanction, ce qui est quasiment insultant. Un responsable politique doit en effet savoir que la réinsertion est définitivement inscrite, quelles que soient les tendances politiques, dans notre logique de politique pénale.

Je vous rappelle, monsieur le député, que vous avez eu hier l’occasion de voter, et je vous en remercie, mon amendement prévoyant l’obligation de soins pendant la détention qui donne droit à des réductions supplémentaires de peine. Tout cela participe de la même logique, qu’on soit en détention ou en liberté, et nous nous rejoignons sur ce point.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Je ne voudrais pas qu’il y ait de confusion d’amendements comme on dit qu’il y a confusion des peines. (Sourires.) Autant nous pouvons nous rejoindre sur des dispositions favorables à la réinsertion et au suivi, à l’intérieur et à l’extérieur de la prison, autant je continuerai à m’opposer à tous les mécanismes visant à alourdir la peine d’emprisonnement des récidivistes. Les choses doivent être très claires en la matière.

Vous refusez donc mon amendement et je le regrette. En effet, et bien que vous disiez le contraire, il n’est pas identique à l’amendement n° 55 rectifié.

M. le garde des sceaux. Votre amendement n’est pas identique à celui du Gouvernement, il y est intégré !

M. Christophe Caresche. Ce n’est pas si simple, monsieur le ministre. Pour ma part, j’ai recherché en effet un dispositif qui mette l’accent sur la question du suivi médico-psychologique – point essentiel pour nous – et qui ne puisse encourir le moindre risque en matière de constitutionnalité. J’ai précisément soulevé hier une exception d’irrecevabilité pour exprimer quelques doutes sur le fait que vous intégriez dans la surveillance judiciaire le bracelet électronique mobile. Est-ce que, oui ou non, ce sera une peine ? Cela nous pose problème.

J’ajoute que vous reprenez un mécanisme proposé d’ailleurs en première lecture que je trouve trop lourd. Il tend en effet à faire reposer la décision d’accorder la surveillance judiciaire sur le tribunal d’application des peines après avis d’une commission qui me semble contestable. Ma proposition est différente.

Voilà toutes les raisons pour lesquelles je maintiens mon amendement, que vous devriez accepter. Il vous donnerait en effet une sécurité si votre dispositif était retoqué par le Conseil constitutionnel.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je ne peux absolument pas soutenir l’amendement présenté par M. Caresche au nom du groupe socialiste. Comme l’a très bien expliqué le garde des sceaux, cet amendement s’inscrit parfaitement en effet – peut-être contre la volonté de ceux qui l’ont déposé – dans la logique de cette loi que nous condamnons.

Réduire le problème du récidiviste à l’aspect médical ne réglera qu’une petite partie de la question, quels que soient le contenu de la récidive et la commission des actes. S’intéresser prioritairement à l’aspect médical et permettre une réincarcération lorsque le suivi médical obligé n’est pas suivi à l’extérieur de la prison, c’est ignorer la grande misère de nos prisons et notamment de tous les dispositifs concernant l’accompagnement, et la préparation à la sortie et à la réinsertion.

Faut-il rappeler une fois de plus qu’il manque quelque 800 psychiatres dans les prisons françaises ? Réduire le problème soulevé par un délinquant sexuel à la seule cause médicale me semble témoigner d’une vision particulièrement limitée et d’une ignorance de l’environnement social qui a pu conduire la personne à commettre de tels actes.

Je ne peux donc que m’opposer à l’amendement présenté par M. Caresche au nom du groupe socialiste. Nous ne pouvons en effet nous associer ni de près ni de loin à un texte inutile et absurde.

Enfin, je dirai à M. Fenech que je ne regrette pas d’avoir voté l’amendement qu’il a proposé hier soir puisqu’il visait un détenu encore en prison ce qui n’est pas le cas de l’amendement de M. Caresche.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 66.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 55 rectifié.

La parole est à M. le garde des sceaux, pour le soutenir.

M. le garde des sceaux. Les dramatiques affaires de récidive survenues ces dernières semaines rappellent à nouveau la nécessité de donner la possibilité au juge de l’application des peines d’imposer à sa sortie de prison à la personne auteur d’un crime ou d’un délit sexuel, à titre de mesure de sûreté, le respect de certaines obligations destinées à prévenir une nouvelle récidive. La libération conditionnelle est une mesure dont l’octroi est subordonné à l’accord du condamné et qui suppose que ce dernier ne présente plus de dangerosité, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas. De ce fait, les condamnés les plus dangereux sont libérés sans suivi ni contrôle.

La solution qui vous est proposée dans l’amendement n° 55 rectifié permet au juge de l’application des peines d’ordonner la surveillance judiciaire du condamné pour une durée égale à celle des réductions de peines dont celui-ci a bénéficié.

Les obligations qui pourront être imposées par le juge seront celles de la libération conditionnelle dès lors qu’elles présentent un aspect de mesure de sûreté, du suivi socio-judiciaire et du placement sous surveillance électronique mobile.

L’érosion légale ou judiciaire de la peine privative de liberté sera ainsi compensée par la possibilité d’imposer, non à titre de peine mais à titre de mesure de police, la surveillance du condamné libéré afin d’empêcher sa récidive.

Il ne s’agit donc pas d’une nouvelle peine qui serait ordonnée par le juge, mais d’une modalité d’application d’une peine déjà prononcée par la juridiction de jugement.

Il n’y aura dès lors aucun obstacle constitutionnel à prévoir l’application immédiate de ces dispositions, y compris à l’égard des personnes condamnées pour des faits commis avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, comme le prévoit l’article 16 de la proposition de loi, qui fait l’objet d’un amendement à cette fin.

Ainsi, une personne condamnée à vingt ans pour viol en récidive et libérée au bout de dix-sept par le jeu des réductions de peine, soit trois ans avant l’expiration du délai de vingt ans, pourra se voir imposer par le juge de l’application des peines une surveillance pendant une durée de trois ans.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. La commission a émis un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Pour les mêmes raisons qui m’ont incité à intervenir tout au long de ce débat, je suis défavorable à cet amendement du Gouvernement, qui va dans le sens de la fixation d’un statut dérogatoire du récidiviste, en particulier pour les délits de nature sexuelle.

Par ailleurs, le rôle du législateur n’est pas de se transformer en journaliste qui regarde l’actualité et utilise les textes en discussion pour faire des coups médiatiques, censés répondre à une supposée inquiétude de l’opinion publique.

M. Jean-Paul Garraud. Parole d’expert !

M. Noël Mamère. Personne ici ne veut absoudre les délinquants et les récidivistes sexuels. Mais cet amendement du Gouvernement revêt le caractère circonstanciel de cette proposition de loi, qui ne traite que l’écume des choses et ne s’attaque pas aux vrais problèmes et à la racine des maux de notre société. On ne se demande pas, dans ce texte, ce qui peut conduire des personnes à devenir des récidivistes et des grands délinquants.

Le fil rouge qui conduit ce texte est la suspicion jetée en permanence sur le juge, considéré comme trop laxiste. D’ailleurs, n’est-ce pas le ministre de l’intérieur, dont l’ombre plane en permanence sur cet hémicycle depuis le début de notre discussion, et dont vous êtes en quelque sorte le télégraphiste, monsieur le garde des sceaux… (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Gérard Léonard, rapporteur. C’est ridicule !

M. Noël Mamère. N’est-ce pas M. le ministre de l’intérieur, ne connaissant pas le code pénal et ne sachant pas comment fonctionne notre droit, qui a accusé un juge d’avoir commis une faute en décidant la libération conditionnelle d’une personne qui, par la suite, a commis une récidive, alors que toute libération conditionnelle, conformément à la loi, est décidée par trois juges ?

Vous mettez en doute le travail des juges, vous vous immiscez dans leurs fonctions. Vous voulez donner le sentiment que votre rôle consiste à surveiller, à punir et à garantir le bon peuple de France contre les dérives de tant de malfrats.

Je vous rappelle, monsieur le garde des sceaux, que vous avez commandé une étude sur le sujet. Cette étude, réalisée par le ministère de la justice, et non par je ne sais quel groupe d’intérêts, recense des cohortes de personnes condamnées qui ont été libérées en 1996 et 1997. Elle montre que dans l’immense majorité des cas, la libération conditionnelle, telle qu’elle a été conçue et telle qu’elle est appliquée par les juges de l’application des peines, ne conduit pas à la récidive, bien au contraire. En réalité, les cas de récidive sont des exceptions. Et je considère pour ma part que nous n’avons pas à légiférer sur des exceptions ni à créer des statuts dérogatoires du droit commun.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Je voudrais que les choses soient bien claires. Le dispositif que vous nous proposez, qui comprend le bracelet électronique mobile, n’a strictement rien à voir avec celui que vous nous proposiez en première lecture. Il s’agissait alors d’une mesure de sûreté s’appliquant après l’accomplissement de la peine, éventuellement pendant très longtemps – jusqu’à vingt ou trente ans.

Vous vous en souvenez certainement, nous nous étions montrés à l’époque très opposés à une telle mesure, qui nous paraissait totalement disproportionnée et méritait certaines critiques, dans la mesure où elle constituait une sorte de double peine.

Mais les choses ont changé avec la parution du rapport de M. Fenech et la position qu’a adoptée le Sénat. Vous avez décidé de réintroduire le bracelet électronique mobile, mais dans le cadre juridictionnel clair de la liberté conditionnelle et d’un suivi socio-judiciaire.

Les objections que nous avions formulées lors de la première lecture n’ont donc plus lieu d’être. Je l’ai indiqué ici même, nous ne rejetons pas le principe du bracelet électronique mobile. D’ailleurs, en 1997, lorsqu’il fallut voter le projet de loi créant le premier bracelet électronique, nous nous sommes abstenus.

De même, vous nous avez proposé il y a quelques jours le dispositif de la surveillance judiciaire, dans le contexte des réductions de peine – il ne s’agit pas d’alourdir celle-ci. Par exemple, un détenu condamné à dix ans de prison mais sorti au bout de sept ou huit ans peut, après décision du tribunal de l’application des peines, se voir imposer le port du bracelet électronique durant le temps équivalent à la réduction de sa peine, c’est-à-dire trois ans maximum, la possibilité étant offerte au juge d’en adapter la durée. Tel est le cadre de l’application de cette mesure.

C’est une mesure intéressante qui pose, comme l’amendement n° 66 que je vous présentais à l’instant, le problème des condamnés qui, bénéficiant d’une réduction de peine, sortent de prison sans aucun accompagnement. C’est un problème qu’il nous faut régler.

Néanmoins, comme je l’ai indiqué en défendant l’exception d’irrecevabilité, un doute demeure sur la constitutionnalité de ce dispositif. C’est la raison pour laquelle nous ne voterons pas cet amendement, même si nous n’en récusons pas le principe. L’idée ne nous choque pas, même si la question des moyens n’est pas du tout réglée.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est un peu obscur !

M. Christophe Caresche. Non, c’est extrêmement clair, seulement un peu technique… Le sujet est un peu complexe, certes, mais nous sommes là pour faire la loi. On peut évidemment transformer l’hémicycle en meeting politique, mais c’est la solution de facilité…

M. Gérard Léonard, rapporteur. C’est pour Noël Mamère !

M. Christophe Caresche. J’ai toujours considéré que le rôle du législateur, qu’il soit dans l’opposition ou dans la majorité, est d’améliorer quand il le peut le texte que le Gouvernement lui soumet. Cela n’exclut pas les désaccords que nous pouvons avoir entre nous, entre la gauche et la droite, mais lorsque des dispositions vont dans le bon sens, pourquoi ne pas contribuer à les améliorer ? J’ajoute que j’entends partout, notamment à gauche de cet hémicycle, qu’il faut revaloriser le Parlement. Eh bien, ce texte nous en donne l’occasion.

Nous nous abstiendrons donc sur cet amendement, compte tenu des réserves que j’ai exprimées et de nos doutes quant à la constitutionnalité du dispositif, même s’il va dans le bon sens et facilitera la réinsertion des condamnés pour des faits graves de délinquance.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Garraud.

M. Jean-Paul Garraud. Je souhaite, monsieur le président, réagir aux propos inadmissibles de M. Mamère. Notre débat a été jusqu’à présent d’une haute tenue, en présence du public, parmi lequel figurent quelques victimes. Il est donc nécessaire de conserver à ce débat sa sérénité. Mais ce n’est pas la première fois que M. Mamère manie la provocation et les incohérences. Une chose m’étonne : c’est qu’il se pose depuis le début de ce débat en défenseur des juges. Il est, me semble-t-il, très mal placé pour cela… Mais peut-être veut-il leur paraître sympathique. On devinera pourquoi ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Je voudrais en quelques mots vous faire part de la position du groupe UDF sur l’amendement du Gouvernement.

Nous n’aurions pas voté une disposition contraire à la Constitution. Selon les analyses que nous avons effectuées, celle que vous nous proposez ici n’entre pas dans ce cas de figure et serait donc constitutionnelle. Nous souhaiterions que le Conseil constitutionnel, saisi par le Gouvernement, nous le confirme. Ce serait le meilleur des services à rendre à cette loi.

Nous n’aurions pas voté une disposition contraire à la Constitution, je le répète, car nous n’avons pas intérêt à le faire. Nous voterons donc cet amendement, préférant, comme mon collègue Caresche et mes collègues de l’UMP, un suivi socio-judiciaire et le contrôle des détenus aux sorties sèches de prison.

M. Noël Mamère. Monsieur le président, puis-je m’exprimer à nouveau ?

M. le président. Monsieur Mamère, dans la mesure où notre débat vient de commencer, j’accepte, à titre exceptionnel, de vous redonner la parole. Mais je vous rappelle que chaque orateur dispose de cinq minutes et que chacun est libre de ses propos. Je vais vous donner la parole, mais vous n’interviendrez pas sur les amendements suivants, et je vous demande d’être bref !

M. Jean-Paul Garraud. Monsieur le président, c’est un provocateur !

M. le président. Monsieur Mamère, vous avez la parole.

M. Noël Mamère. Monsieur le président, si je vous comprends bien, je me retrouve dans la position de l’accusateur, alors qu’en réalité je suis accusé par un certain nombre de mes collègues… (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je ne connais même pas le nom de notre collègue qui vient de s’exprimer… (Mêmes mouvements.)

M. le président. M. Garraud, député de la Gironde !

M. Noël Mamère. Il est peut-être député de la Gironde, mais il n’est pas intervenu depuis le début de l’examen de ce texte en deuxième lecture et s’il intervient aujourd’hui, c’est uniquement pour s’attaquer à ma personne. Sans alimenter la polémique, je considère que mes interventions font partie du débat, que nous devons les uns et les autres défendre notre point de vue. Comme vous avez pu le constater il y a quelques instants, nous ne sommes pas tous, au sein de l’opposition, d’accord sur ce texte. Chacun apporte sa contribution et ce n’est pas parce que nous ne sommes que trois députés Verts, donc très minoritaires dans cette assemblée, que nous avons politiquement et juridiquement tort !

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech.

M. Georges Fenech. M. Mamère nous reproche d’enserrer le juge dans un rôle, de ne pas lui faire confiance. En réalité, cet amendement laisse toujours la possibilité au juge de prononcer cette mesure. Ce n’est pas du tout une mesure automatique.

Je note l’intérêt de cette nouveauté, très importante, dans notre arsenal de procédure pénale : la surveillance judiciaire. Ce nouveau cadre juridique va permettre également de lutter plus efficacement contre la récidive.

Je souffre beaucoup en vous entendant, monsieur Caresche, car vous nous dites être pour le dispositif de surveillance judiciaire, mais avoir un doute sur sa constitutionnalité et donc ne pas vouloir le voter. Mais si vous ne le votez pas, comment saurez-vous qu’il est constitutionnel ou inconstitutionnel ? Votez-le et soumettez-le ensuite au Conseil constitutionnel ! Soyez cohérent !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 3.

La parole est à M. le garde des sceaux, pour le soutenir.

M. le garde des sceaux. Cet amendement augmente le délai maximal d'épreuve de la libération conditionnelle pour les condamnés récidivistes ou les condamnés à perpétuité.

Cette augmentation est à la fois logique et cohérente, au regard des textes actuels, tant pour les condamnés à une peine « à temps » que pour les condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité. Pour les peines dites « à temps », l'article 729 prévoit déjà un régime spécifique pour les récidivistes en portant le temps d'épreuve aux deux tiers, au lieu de la moitié de la peine, tout en fixant le maximum à quinze ans. Il en résulte qu'une personne condamnée par exemple à trente ans de réclusion peut bénéficier d'une libération conditionnelle après quinze ans de détention, et non après vingt ans, ce qui correspond pourtant aux deux tiers de la peine. L’amendement fixe donc logiquement ce seuil maximal à vingt ans pour les récidivistes.

Pour la réclusion criminelle à perpétuité, le délai est actuellement de quinze ans. Il est donc identique au délai maximum prévu pour les peines « à temps », ce qui est incohérent. Il est le même que la personne soit ou non récidiviste, ce qui n’est pas non plus logique. C’est pourquoi l’amendement fixe le délai à dix-huit ans pour les non récidivistes, qui correspond à la peine de sûreté, et à vingt-deux ans pour les récidivistes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Léonard. rapporteur. Cet amendement a été adopté par la commission.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Nous nous opposerons très fortement à cet amendement, qui est au cœur des contradictions de la majorité.

D’un côté, c’est vrai, vous avez cherché, par certains dispositifs, à répondre à des problèmes d’insertion. Je répète que tout cela dépendra aussi des moyens qui y seront affectés, notamment en matière de personnels et d’accompagnement, y compris pour la surveillance judiciaire. Je ne voudrais pas que la seule chose qui reste pour la surveillance judiciaire soit le bracelet électronique mobile. Mais c’est un aparté.

Par contre, ces dispositions visent à durcir les conditions d’obtention de la libération conditionnelle, alors que le dispositif de la libération conditionnelle avait été plutôt salué par la mission d’information. Ces amendements sont arrivés tardivement, ils ne figuraient ni dans les conclusions de la mission d’information ni dans la proposition de loi version première lecture. Ces dispositions ont été proposées au mois de juillet dernier et, il faut le souligner, à la suite d’un fait divers ayant amené le ministre de l’intérieur à mettre en accusation un magistrat qui avait décidé une libération conditionnelle.

Nous sommes là au cœur de vos contradictions, et ce n’est pas acceptable. Vous ne pouvez pas, d’un côté, revendiquer une logique de suivi, d’insertion, de réinsertion et, de l’autre, avoir une logique purement carcérale avec une volonté d’augmenter toujours plus les peines. Cette contradiction se retrouve d’ailleurs dans l’affectation des moyens, car ceux que vous allez mettre dans l’augmentation des peines et du temps passé en prison sont autant de moyens qui ne seront pas consacrés à l’accompagnement des détenus.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer cette question hier soir.

Bien entendu, celles et ceux qui ont commis des actes odieux doivent payer, et cher. Là-dessus, il n’y a absolument aucun doute.

Mais qui peut penser un seul instant que l’augmentation de la durée de l’épreuve, ou de la durée de détention avant l’octroi d’une libération conditionnelle, peut, à un titre ou à un autre, avoir un effet dissuasif sur les hommes et les femmes – surtout les hommes – visés par ces dispositions ? Personne ! Personne ne peut croire un seul instant qu’un Bodein, qu’un Fourniret puisse un jour regarder le code pénal et considérer que leur libération conditionnelle, en cas de récidive, sera prolongée aux deux tiers de la peine ! Cela ne changera rien !

M. le garde des sceaux. Il n’est pas avocat, Morin !

M. Philippe Houillon, président de la commission. Quelle méconnaissance de la réalité carcérale !

M. Hervé Morin. J’ai consulté les avocats et l’association des avocats pénalistes ! Selon eux, cela n’aura absolument…

M. Noël Mamère. Aucun effet !

M. Hervé Morin. … aucun effet !

À moins d’entrer dans la démarche américaine du bannissement ou de l’exclusion définitive, selon laquelle, ces hommes étant dangereux, il faut les laisser en prison durant la totalité de leur vie, jusqu’à leur mort, je ne vois pas en quoi augmenter la durée de détention avant l’octroi de la libération conditionnelle pourrait limiter le niveau de la récidive.

J’en profite pour ajouter une chose, car nous sommes dans le débat sur les réductions de peine. Il faudrait aussi, un jour ou l’autre, que notre pays cesse d’avoir des pratiques d’un autre temps et d’avant 1789, par exemple les décrets de grâce ! Ces décrets de grâce sont accordés automatiquement à l’ensemble des détenus. Dans le dernier, les personnes ayant commis un assassinat en bénéficiaient au titre de la grâce du 14 juillet. Il faut supprimer ce genre de dispositif qui date d’avant la Révolution française !

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. C’est incroyable : la méconnaissance d’un sujet finit par rendre le débat totalement surréaliste !

M. Xavier de Roux. Absolument !

M. le garde des sceaux. Nous sommes en train d’étudier un amendement de coordination de la loi de 1992 qui a créé la peine de trente ans. Ce n’est pas autre chose, et je vais essayer de vous l’expliquer.

Nous avons actuellement la réclusion criminelle à perpétuité.

M. Xavier de Roux. Qui remplace la peine de mort !

M. le garde des sceaux. Il m’arrive depuis quelques mois d’expliquer dans diverses émissions pourquoi la perpétuité n’existe pas réellement. Mais quand je dis que pour la perpétuité, la libération conditionnelle peut commencer à partir de quinze ans, les Français qui m’écoutent ne comprennent plus rien.

M. Xavier de Roux. Absolument !

M. le garde des sceaux. La raison est simple : quand il y a réclusion à perpétuité, la mesure de sûreté, qui est automatique sauf disposition contraire, est elle-même de dix-huit ans.

Que propose cet amendement ? Un minimum de dix-huit ans ! Cohérence, et non pas aggravation !

On peut ne pas comprendre, dire des stupidités…

M. Hervé Morin. Je vous remercie !

M. le garde des sceaux. Tout à fait et c’est insupportable !

Quant au récidiviste, il est nécessaire qu’il ait plus de dix-huit ans, qui correspondent à la peine de sûreté. On porte alors le temps d’épreuve à vingt-deux ans.

M. Hervé Morin. À quoi ça sert ?

M. le garde des sceaux. Cela sert à être cohérent dans l’échelle des peines ! Pour une réclusion à perpétuité qui s’applique pour les meurtres et les crimes, et pour les meurtres simples qui sont à trente ans, la peine de sûreté de dix-huit ans restera à dix-huit ans minimum pour la libération conditionnelle. Pour le récidiviste, le temps d’épreuve doit être plus élevé que dix-huit ans et est donc porté à vingt-deux ans. C’est de la coordination,…

M. Hervé Morin. Ah bon !

M. le garde des sceaux. …et pas un débat philosophique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 4.

La parole est à M. le garde des sceaux, pour le soutenir.

M. le garde des sceaux. L’article 729-3 du code de procédure pénale issu de la loi du 15 juin 2000 permet une libération conditionnelle à l’issue d’un délai de quatre ans aux personnes exerçant l’autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans. Ces dispositions ne sont pas applicables en cas de crime ou de délit commis sur un mineur.

Le présent amendement propose d’ajouter une nouvelle exception en prévoyant que ces dispositions ne seront pas applicables aux récidivistes. Ces dispositions ont du reste généré des fraudes et ont été supprimées en matière de détention provisoire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. Cet amendement a été adopté par la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous passons aux amendements portant articles additionnels après l’article 6.

Après l’article 6

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 15.

La parole est à M. le président de la commission, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, président de la commission. En matière correctionnelle, le tribunal qui prononce une peine d’emprisonnement ferme doit motiver spécialement sa décision.

Cet amendement propose que, dans les hypothèses de récidive légale, le tribunal devra toujours motiver sa décision, mais n’aura pas à motiver spécialement sa décision pour l’application d’une peine d’emprisonnement ferme.

Pour prévenir toute observation et raccourcir les débats, je vous indique qu’il ne s’agit là que de l’application et du recopiage de la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui juge depuis longtemps ce que nous écrivons en disant que la récidive légale constitue implicitement mais nécessairement cette motivation spéciale permettant d’appliquer une peine d’emprisonnement ferme. Ce n’est rien de plus que ce que dit déjà depuis longtemps la chambre criminelle de la Cour de cassation.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Comme l’a dit le rapporteur, c’est la consécration d’une jurisprudence de la Cour de cassation. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 14.

La parole est à M. Georges Fenech, pour le soutenir.

M. Georges Fenech. Je reprendrai la même argumentation que M. le ministre tout à l’heure. C’est une mise en cohérence dans l’échelle des peines. À partir du moment où les périodes de sûreté sont élevées, je propose que la période incompressible que pourra prononcer une cour d’assises en matière de réclusion criminelle à perpétuité soit portée à vingt-cinq ans.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement de la commission ?

M. le garde des sceaux. Sagesse.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. En fait de cohérence, cet amendement va se traduire pour un détenu qui pouvait penser bénéficier d’une liberté conditionnelle au bout de vingt-deux ans à ne pouvoir en bénéficier qu’au bout de vingt-cinq ans.

M. Charles Cova. Mais quand on est condamné à perpétuité !

M. Christophe Caresche. Et alors ? Ce n’est donc pas de la cohérence !

Vous êtes en train de nous dire que ce n’est pas de la cohérence, que c’est un choix politique. Assumez-le !

M. Georges Fenech. C’est un choix politique cohérent !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Nous l’assumons !

M. Christophe Caresche. Non, vous ne l’assumez pas puisque, depuis tout à l’heure, M. le garde des sceaux ne nous parle que de cohérence par rapport au droit.

M. Xavier de Roux. Ce n’est pas la même chose !

M. Christophe Caresche. C’est en tout cas ce que vient de nous dire M. Fenech.

M. le garde des sceaux. Moi, je ne l’ai pas dit !

M. Christophe Caresche. C’est vrai, vous ne l’avez pas dit. Vous avez dit « sagesse ». Mais M. Fenech l’a dit. Ce n’est donc pas de la cohérence, et je suis heureux que ce point ait été clarifié. Ce choix politique a été fait au moment où le ministre de l’intérieur mettait gravement en cause un magistrat à propos d’une affaire de mise en liberté conditionnelle. Ce choix n’est pas le nôtre, et nous voterons contre cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 14.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 69.

La parole est à M. Gérard Léonard, pour le soutenir.

M. Gérard Léonard, rapporteur. Les délits relevant de la compétence du juge unique en matière correctionnelle sont tous punis soit d’une peine d’amende, soit d’une peine d’emprisonnement dont la durée est inférieure ou égale à cinq ans.

En 1999, cette compétence a été modifiée afin d’en exclure les délits commis en état de récidive légale et qui, du fait du doublement des peines résultant de la récidive, sont passibles d’une peine d’emprisonnement supérieure à cinq ans.

Si l’objectif de cette disposition − qui est d’éviter qu’un juge seul ne prononce une peine d’emprisonnement ferme de plus de cinq ans − est à l’évidence totalement justifié, il en résulte toutefois que le parquet est souvent amené, en pratique, à renoncer à relever l’état de récidive afin de pouvoir conserver la compétence du juge unique.

Il en est notamment ainsi en matière de vol simple, de violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, ou encore de blessures involontaires commises par un automobiliste ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois, délits normalement punis de trois ans d’emprisonnement, et donc de six ans en cas de récidive.

Même si, dans de telles hypothèses, ni le parquet ni le tribunal n’envisagent le prononcé d’une peine d’emprisonnement supérieure à cinq ans, le fait que l’état de récidive ne puisse être relevé n’est pas satisfaisant, puisque la dangerosité du prévenu et son passé pénal ne peuvent être pris en considération. En outre, cet effet pervers sera aggravé avec l’adoption des nouvelles dispositions prévues par la présente proposition de loi, comme la limitation des sursis avec mise à l’épreuve ou la possibilité de délivrer un mandat de dépôt à l’audience à l’encontre des récidivistes, qui seront en pratique inapplicables pour le juge unique.

C’est pourquoi le présent amendement propose que le juge unique puisse relever la circonstance aggravante de récidive, quand bien même la peine encourue par l’auteur des faits est supérieure à cinq ans, dès lors que la peine effectivement prononcée demeure inférieure à cinq ans d’emprisonnement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 69.

M. Philippe Houillon, président de la commission. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

Mme Josiane Boyce. Ça manquait !

M. Noël Mamère. Ça manquait peut-être, mais cet article est très intéressant, car, derrière des apparences techniques, c’est encore une atteinte à l’État de droit qui se profile derrière la proposition qui nous est faite. Votre texte prévoit donc que le tribunal correctionnel peut relever d’office la circonstance aggravante de récidive sans l’accord du prévenu, qui doit toutefois avoir été en mesure de présenter ses observations. Nous considérons que cet article est totalement inutile et qu’il trahit même une certaine ignorance de la part des collègues députés qui sont à l’origine de la proposition. En effet, les arguments que nous avons entendus, en particulier lors des discussions en commission, ont rappelé la jurisprudence de la Cour de cassation − notamment les arrêts de la chambre criminelle du 22 mars 2000 et du 27 avril 2000 − selon laquelle les juges correctionnels ne peuvent ajouter de nouvelles circonstances aggravantes aux faits dont ils sont saisis par le procureur de la République ou l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction. Il convient de rappeler la juste position de la Cour de cassation, mais aussi celle de la Cour européenne des droits de l’homme.

M. Gérard Léonard, rapporteur. Ce n’est pas le sujet !

M. Noël Mamère. Si, c’est le sujet, puisqu’il s’agit de la possibilité, pour le juge correctionnel, d’aggraver la peine sans en avoir informé le détenu. Je rappelle donc que la Cour européenne des droits de l’homme est intervenue sur cette question, qui se rattache au principe du procès équitable, posé par l’article 6 de la Convention européenne, et que la jurisprudence en la matière a été fixée en ce sens : le tribunal correctionnel peut procéder à la requalification de faits dont il est expressément saisi dès lors que cette modification est opérée à l’issue de débats contradictoires ayant permis à l’accusé de préparer efficacement sa défense.

Je ne veux pas être trop long, mais il est nécessaire de revenir sur cette proposition, dont la jurisprudence nous aide à mieux comprendre le côté pervers. Il appartient à la juridiction de jugement, lorsque cette requalification est envisagée, de faire discuter spécialement ce point entre toutes les parties présentes, et de rouvrir éventuellement les débats si la question apparaît lors du délibéré. Il est donc tout à fait possible de retenir la même qualification, mais avec la circonstance aggravante de récidive, si celle-ci n’a pas été visée initialement et apparaît officiellement dans les débats.

Ce n’est pas du tout ce que vous proposez, c’est même l’exact contraire. En effet, la circonstance aggravante de récidive n’a pas pour effet de changer les faits incriminés ou examinés. Le vol reste un vol, l’escroquerie une escroquerie et l’agression sexuelle une agression sexuelle. C’est la position de la chambre criminelle depuis fort longtemps et, d’ailleurs, le rapporteur du Sénat a très justement cité un arrêt du 18 février 2003, et aurait pu en invoquer d’autres. Le Sénat a rappelé avec une certaine pertinence la position de la jurisprudence, que mes collègues députés de la majorité semblent ignorer. Le rapporteur du Sénat indique que cette proposition ne crée pas un principe nouveau, mais stabilise « une jurisprudence qui a, sur ce point, présenté certaines incertitudes ». « En fait, poursuit-il, comme l’ont confirmé des décisions récentes, le droit de relever d’office l’état de récidive demeure sous réserve, pour les juges du fond, de permettre au prévenu de s’expliquer sur cette circonstance aggravante. À défaut, la cassation se fonde non seulement sur l’absence d’indication quant aux droits de la défense mais aussi sur l’absence de mention de l’état de récidive dans l’acte de poursuite. »

En définitive, cet article est inutile. Il tend à faire croire aux Français que le législateur veut faire preuve d’une sévérité nouvelle et qu’il a confié pour cela des pouvoirs accrus aux juges, alors que le principe en cause est acquis sans discussion depuis longtemps. Il n’y a pas davantage de jurisprudence à stabiliser. Si le législateur devait se mettre à stabiliser des jurisprudences établies depuis un quart de siècle, il lui faudrait siéger sans désemparer, jour et nuit.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Houillon, président de la commission. M. Mamère vient de nous lire in extenso un long réquisitoire contre l’article 6…

M. Noël Mamère. Tout à fait !

M. Philippe Houillon, président de la commission. …pour conclure qu’il est inutile.

M. Noël Mamère. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Philippe Houillon, président de la commission. Ce qui est inutile, monsieur Mamère, c’est d’encombrer nos débats. Mais ce n’est pas la première fois que vous ne comprenez pas ce qui se passe. L’article 6 a été adopté conforme par les deux assemblées et n’est donc plus en discussion.

M. Noël Mamère. Je parlais de l’amendement n° 69 !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 69.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 60.

La parole est à M. Hervé Morin, pour le défendre.

M. Hervé Morin. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 60.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article 7

M. le président. Le Sénat a supprimé l’article 7.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous abordons à présent le titre II, intitulé « Dispositions relatives au placement sous surveillance électronique », et l’intervention que je vais développer devant vous concerne l’article 7 et les suivants.

Nous en venons donc maintenant à la discussion sur un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre, le bracelet électronique mobile. Je ne reviendrai pas sur la polémique concernant sa nature : de nombreux juristes ont cependant estimé qu’il s’agissait bel et bien d’une peine. Cette polémique a enflé lorsque le président du Conseil constitutionnel est sorti de sa réserve pour expliquer à M. le garde des sceaux que la Constitution n’est pas un risque, mais que son respect est un devoir, que l’on ne peut pas impunément, lorsqu’on est le gardien de la loi, inciter les parlementaires à voter des textes entachés d’inconstitutionnalité et à ne pas saisir le Conseil.

Vous avez fait de cette disposition une mesure de sûreté qui restreint la liberté conditionnelle, mais vous voudriez la faire passer pour une mesure socio-judiciaire. Cette idée est simplement la mise en œuvre d’une modalité technique dans le domaine des sanctions. On peut considérer, comme mes collègues socialistes, que la surveillance électronique est séduisante dans la mesure où elle pourrait éviter des incarcérations inutiles, mais elle peut aussi n’être qu’un mode de répression supplémentaire, rognant encore un peu plus sur le champ de la liberté plutôt que sur celui de la détention. C’est exactement ce que nous propose ce texte.

Le bracelet mobile pose aussi des problèmes matériels considérables du point de vue de la gestion de son suivi et de son coût, puisqu’il est estimé à plusieurs millions d’euros, si l’on considère que nombre de personnes devraient en être porteuses. Cela mettrait en péril le budget du ministère de la justice qui n’est déjà pas très important.

Il est intéressant de se reporter au rapport que notre collègue Georges Fenech a déposé en avril 2005 et qui confirme qu’il s’agit de renforcer encore et toujours la sécurité : le bracelet électronique mobile, écrit-il, « s’inscrit dans un mouvement général de notre société qui réclame toujours plus de sécurité par le renforcement de la surveillance », mouvement qu’il rapproche de l’engouement pour la vidéosurveillance. (« Cinq minutes ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le garde des sceaux. Monsieur le président, l’orateur parle depuis cinq minutes !

M. Noël Mamère. Nous serons d’ailleurs sans doute appelés à examiner un projet de loi présenté par le ministre de l’intérieur − son ombre ne cesse de planer sur nos débats − dans le cadre des prétendues mesures pour réfréner le terrorisme.

M. Philippe Houillon, président de la commission. Mais de quoi parle-t-il ? On ne comprend rien !

M. Noël Mamère. L’appréciation que fait M. Fenech de la mesure de placement sous surveillance électronique classique est mitigée : il s’agit pour l’instant d’un mode d’exécution de la peine qui doit nécessairement être doublé d’un réel accompagnement social et qui ne peut durer plus de quelques mois, car il constitue une pression psychologique très forte.

Les rares pays intéressés par le bracelet électronique mobile en sont encore au stade des expérimentations. Le gouvernement britannique a mis en place depuis septembre 2004 seulement une expérimentation du bracelet électronique mobile. Les résultats sont attendus pour la fin 2005. Il est bien précisé que l’évaluation de l’effet dissuasif ne pourra être faite qu’en fin d’expérimentation, notamment grâce à une évaluation universitaire.

La Floride a instauré depuis 1998 le bracelet électronique mobile. Ce système n’est pas sans inconvénient, car l’appareillage est tellement volumineux que le boîtier muni d’une antenne que porte le condamné « le désigne à l’évidence aux yeux des passants et de ses collègues de travail ». Un nouveau matériel, moins encombrant, est actuellement testé dans cet État.

Le dernier pays qu’a visité M. Fenech, l’Espagne, n’en est même pas au stade de l’expérimentation, mais à celui de l’étude. Le bracelet électronique mobile y sera bientôt testé sur dix détenus.

M. le garde des sceaux. Monsieur le président, cela fait dix minutes que M. Mamère parle !

M. le président. Il faut conclure, monsieur Mamère.

M. Noël Mamère. Tous les spécialistes de la question évoquent la nécessité d’attendre avant de mettre en œuvre le placement sous surveillance économique mobile car une période d’expérimentation préalable est nécessaire.

M. le garde des sceaux. Monsieur le président, c’est cinq minutes, pas dix !

M. Noël Mamère. Je suis dans mon temps d’intervention, monsieur le ministre.

M. le président. Monsieur Mamère, il faut conclure.

M. le garde des sceaux. Non, il ne faut pas conclure, c’est terminé. Si ça continue, je vais créer un incident de séance.

M. Noël Mamère. Vous aussi, monsieur le ministre, vous prévoyiez une expérimentation, dans le rapport que vous aviez commis avec M. Léonard lorsque vous étiez encore président de la commission des lois. Permettez-moi de vous citer : « La mission souhaite qu’un vaste débat national soit engagé sur ce sujet, associant le Parlement et l’ensemble des acteurs concernés. » Or ce débat n’a pas eu lieu.

M. le président. Monsieur Mamère…

M. Noël Mamère. En conclusion de mon intervention (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), il apparaît que ce que vous appelez le PSEM, puisque vous aimez les acronymes, doit impérativement faire l’objet d’études et d’expérimentations sérieuses avant d’être éventuellement généralisé. Votre précipitation est suspecte. Vous essayez de nous faire croire, là encore, à l’efficacité d’une politique répressive alors que vous négligez, vous les prometteurs de cette réforme, les précautions élémentaires en matière de liberté et de technique pure.

M. le président. Monsieur Mamère, je vous demande de conclure !

M. Thierry Mariani. Les cinq minutes sont largement dépassées.

M. le garde des sceaux. C’est intolérable !

M. Noël Mamère. Vous supposez que les personnes sont en permanence en état de récidive et vous ne faites rien pour préparer leur sortie de prison et je rappelle qu’il manque 800 psychiatres dans les prisons françaises.

M. Jean-Paul Garraud. Changez de disque !

M. le président. Mes chers collègues, je suis bien placé pour savoir que M. Mamère a dépassé son temps de parole. Laissez-moi contrôler les temps de parole. Il arrive, quand le sujet en vaut la peine, que j’autorise un dépassement. Mais lorsque je rappelle à l’ordre un député, je souhaite qu’il arrive très vite à votre conclusion. Je souligne en outre que, si un député ne veut pas écouter la présidence, j’ai toujours la possibilité de couper le micro.

M. Jean-Paul Garraud. Et M. Mamère est un récidiviste. (Sourires.)

M. Philippe Houillon, président de la commission. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Philippe Houillon, pour un rappel au règlement.

M. Philippe Houillon, président de la commission. Monsieur le président, je m’associe à vos propos. Je souhaitais toutefois rappeler que l’article 95, alinéa 2, du règlement prévoit que les interventions sur les articles ne doivent pas dépasser cinq minutes.

Je comprends qu’il faille faire preuve d’une certaine souplesse et que celle-ci bénéficie à tout le monde. Toutefois, si M. Mamère réitère cette façon de faire,…

M. Noël Mamère. Tiens ! voilà un mot que vous avez aimé !

M. Philippe Houillon, président de la commission. … s’il continue de lire des textes préparés qu’il ne comprend pas toujours et qui dépassent systématiquement les cinq minutes, je crains qu’on ne puisse pas tolérer indéfiniment, même si la tolérance du président est évidemment souveraine et qu’elle est grande en l’occurrence, la violation de notre règlement.

M. le président. Monsieur le président de la commission des lois, rassurez-vous, tolérance ne veut pas dire laxisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le garde des sceaux. Très bien !

M. Noël Mamère. Je crois qu’on manque de psychiatres aussi dans cette assemblée ! Vous n’aimez pas qu’on vous dise ce que vous n’aimez pas !

Reprise de la discussion

M. le président. Sur l’article 7, je suis saisi d’un amendement n° 16, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 68.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 16.

M. Gérard Léonard, rapporteur. Cet amendement propose de rétablir une disposition que nous avions adoptée en première lecture et qui a été supprimée par le Sénat. Il s’agit du recours au placement sous surveillance électronique mobile.

Nous avions indiqué, lors de la première lecture, que nous tiendrions compte des réflexions de la mission qui avait été confiée à notre collègue Fenech le jour même de l’examen de ce texte. C’est ce que nous avons fait.

Ainsi, nous rétablissons ce PSEM, mais en considérant, reprenant en cela une des conclusions de M. Fenech, qu’il devait être assorti d’un suivi personnalisé, avec les conditions du suivi socio-judiciaire.

Cette disposition n’est d’ailleurs pas totalement nouvelle puisque nous faisions déjà, dans l’article 12 du texte initial, du PSEM une modalité du suivi socio-judiciaire. Ici, nous étendons cette obligation du suivi socio-judiciaire à l’ensemble de l’utilisation du PSEM.

Les conditions d’application du PSEM sont les suivantes : il s’applique le jour où la privation de la liberté prend fin, ce qui est la philosophie même du suivi socio-judiciaire ; il obéit à quelques conditions, qui ne sont pas anodines – il faut avoir été condamné pour une peine d’au moins cinq ans d’emprisonnement et avoir fait l’objet d’une expertise médicale constatant la dangerosité. Nous sommes attachés à cette idée de dangerosité, qu’il conviendra d’ailleurs de creuser. Je vois que mon collègue Jean-Claude Garraud opine du chef.

M. Jean-Paul Garraud. J’acquiesce en effet !

M. Gérard Léonard, rapporteur. Durant les travaux de la mission d’information dont il était membre, il avait beaucoup insisté – et nous l’avions suivi dans cette voie – sur la nécessité de pratiquer préalablement cette évaluation de la dangerosité au moins un an avant la sortie de prison.

Telle est l’économie générale de cet amendement. Je précise que l’article 8 prévoit les modalités d’application du dispositif, sur lesquelles nous reviendrons peut-être.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Je profite de cet amendement pour exprimer à nouveau la position du groupe UDF sur le bracelet électronique mobile.

M. Philippe Houillon, président de la commission. C’est normal : le chef est là !

M. Hervé Morin. Je l’ai dit hier et je le répète : le bracelet électronique mobile ne saurait être qu’une modalité du suivi socio-judiciaire, et non l’alpha et l’oméga de la lutte contre les récidives. Il faut absolument qu’il y ait un accompagnement social et une obligation de suivi de traitement psychothérapeutique. C’est la mise en œuvre de l’ensemble de ces moyens, moyens qui manquent cruellement aujourd’hui dans le budget de la justice, qui permettront de régler cette question ou, du moins, de limiter au maximum les cas de récidive.

Monsieur le garde des sceaux, vous nous avez dit hier que le coût de soixante euros par jour et par personne évoqué pour le fonctionnement d’un bracelet électronique mobile – ce qui représente une somme considérable si cette mesure s’applique sur plusieurs milliers de détenus – était largement surestimé. Et vous avez, en présentant des bracelets, avancé le chiffre de dix-huit euros. Je voudrais dire à l’Assemblée nationale que ce chiffre correspond au coût d’un bracelet dans le cadre d’une expérimentation portant sur dix à quarante bracelets et certainement pas le coût que représenterait la mise en œuvre du bracelet sur plusieurs centaines ou plusieurs milliers de détenus.

M. le garde des sceaux. Vous n’avez pas fait non plus une école de commerce : plus il y en a, moins c’est cher !

M. Hervé Morin. Ce n’est pas vrai parce que la société britannique qui les commercialise agit dans le cadre d’une expérimentation. À ce titre, elle est prête à casser les prix. Sans compter qu’elle met en œuvre également toute une série de services auprès de sociétés privées, du type sociétés de convoyage de fonds. C’est dans ce cadre-là que sera menée l’expérimentation.

Je ne vois pas comment la France pourrait sortir un bracelet à dix-huit ou vingt euros quand les Britanniques, qui ont lancé le bracelet électronique mobile, sont à cent euros par jour et par personne. D’autant que j’ai le sentiment qu’en Grande-Bretagne, les affaires sont gérées avec une volonté permanente de réduction des coûts. Je doute que nous, Français, nous soyons capables de faire cinq fois moins cher, avec un produit fabriqué par une société britannique.

De plus, l’expérimentation britannique qui a été lancée montre de sérieuses difficultés d’application, notamment techniques, pour pouvoir garantir une prestation de service correcte.

Au regard du coût de cette opération, je persiste et signe : je considère que cet argent public serait nettement plus efficace s’il servait à augmenter les crédits du ministère de la justice pour développer l’obligation de soins thérapeutiques et pour mettre en œuvre l’ensemble des mesures d’accompagnement des détenus. Le bracelet électronique est certes symbolique, parce que faisant appel aux techniques les plus sophistiquées, mais elle n’a pas encore montré de réelle efficacité.

M. Michel Hunault. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Un mot, parce que nous déjà longuement parlé du bracelet électronique mobile ici même en première lecture, notamment des difficultés de sa mise en application. À ce sujet, M. Morin a exprimé un certain nombre de réserves, que je partage.

D’abord, je ne pense pas que ce bracelet électronique mobile puisse être mis en application à très court terme.

M. Gérard Léonard, rapporteur. Nous n’avons jamais dit cela !

M. Christophe Caresche. Ce qui est important dans cet amendement, c’est qu’on recadre le bracelet électronique mobile dans un dispositif juridictionnel qui me paraît nettement plus acceptable que celui qui nous avait été proposé en première lecture. Il s’agit en effet d’en faire une mesure du suivi socio-judiciaire, avec toutes les garanties que cela suppose.

M. Gérard Léonard, rapporteur. C’était déjà dans l’article 12.

M. Christophe Caresche. Nous en avons en effet parlé à l’article 12, mais le présent amendement apporte des garanties en matière juridictionnelle dans le fait que le port du bracelet électronique mobile, considéré dorénavant comme une composante du suivi socio-judiciaire, sera décidé par la juridiction qui jugera le condamné et qui pourra donc lui appliquer ce suivi socio-judiciaire. Dans ce cadre-là, nous considérons que cette mesure est acceptable.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Mon intervention sera brève, rassurez-vous, monsieur le président. Elle s’inscrit plus dans la continuité de ce qu’a dit M. Morin que des propos de M. Caresche, pour les raisons que j’ai d’ailleurs évoquées dans la présentation concernant le titre II et l’article 7.

Toutes les évaluations qui ont été faites quant à la mise en œuvre de ce bracelet électronique mobile montrent que le coût sera extrêmement élevé, trop élevé pour pouvoir être financé par le budget du ministère de la justice.

Si, malgré tout, vous vous décidez à mettre en œuvre ce dispositif, qui, pour nous, est une peine et non une mesure de sûreté – et j’espère que nous serons un nombre de parlementaires suffisant pour saisir le Conseil constitutionnel sur cette disposition –, soit en consacrant l’essentiel de votre budget dans ce bracelet, soit en trouvant de l’argent ailleurs, cela ne réglera en rien la question du manque de psychiatres, environ 800, de médecins coordonnateurs, de juges de l’application des peines, d’assistants sociaux dans les prisons. Pourtant, toutes ces personnes sont indispensables pour préparer la réinsertion.

Enfin, arrêtez de nous faire croire que ce bracelet électronique permettra d’éviter la récidive. Ce n’est qu’une peine de plus que l’on impose à quelqu’un qui sort de prison. On court plus de risque de récidive en mettant en œuvre cette disposition…

M. Gérard Léonard, rapporteur. Oh !

M. Noël Mamère. …qu’en faisant des efforts sur l’accompagnement psychologique, sur l’accompagnement psychiatrique, sur l’accompagnement médical et sur la préparation à la réinsertion. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Gérard Léonard, rapporteur. Oh ! quel culot !

M. Noël Mamère. Vous le savez, mais, comme vous êtes des démagogues, vous préférez continuer dans cette voie. (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech.

M. Georges Fenech. Je comprends parfaitement la préoccupation de M. Morin sur le coût de ce dispositif. Cela a d’ailleurs été l’une de mes préoccupations dans le cadre de la mission que j’ai remplie. Je craignais au début un coût prohibitif, mais, en réalité, nous disposons déjà des chiffres du bracelet électronique statique, dont 730 exemplaires fonctionnent en France.

M. Hervé Morin. Ce n’est pas la même technologie !

M. Georges Fenech. Nous sommes arrivés, sauf erreur de ma part, à un coût d’à peu près onze euros par jour, ce qui, mis en perspective avec un prix de journée de détention de soixante euros environ, reste extrêmement intéressant sur le plan économique.

Le bracelet mobile implique certes un coût supplémentaire parce qu’il y a des communications GSM, l’accès aux satellites, des contraintes technologiques plus importantes. Vous avez cité le cas de l’Angleterre, où le coût est estimé à peu près à cent euros.

M. François Bayrou. Merci de le reconnaître.

M. Georges Fenech. Mais, nous avons vu ce système fonctionner à Manchester et à Londres, il faut savoir que les Britanniques externalisent à peu près tout. Ce sont des sociétés privées qui font la pose par exemple, ce qui est interdit chez nous par un arrêt du Conseil d’État.

M. Hervé Morin. Je sais.

M. Charles Cova. Il faudrait aller jusqu’au bout de la démonstration alors, monsieur Morin.

M. Georges Fenech. Si vous savez tout ça, je comprends moins vos conclusions.

Le coût est en effet élevé, parce qu’il y a une importante externalisation, mais M. le garde des sceaux a raison de dire qu’il baisse lorsque le nombre de bracelets augmente. Aux États-Unis, où l’on externalise beaucoup moins, la puissance publique ayant plus de responsabilités dans la pose et la surveillance, ce coût est de neuf dollars par jour. Ces références figurent dans mon rapport et elles sont vérifiables. Le coût n’est donc pas prohibitif.

M. Jean-Christophe Lagarde. Le public serait moins cher que le privé ?

M. le président. Le sous-amendement n° 68 n’est pas défendu.

La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Monsieur Fenech, je voudrais simplement savoir comment la République pourrait, tout d’un coup, trouver les crédits pour affecter un bracelet électronique mobile à plusieurs centaines ou milliers de personnes sortant de détention, alors que nous ne sommes même pas capables aujourd’hui de financer des bracelets fixes. Au tribunal d’Alençon, dans l’Orne, le juge d’application des peines n’a pas un seul bracelet fixe à disposition, alors qu’il y a un centre de détention de près de mille détenus. Il faut donc que les moyens de suivi socio-judiciaires et psychothérapeutiques soient au niveau. Commençons donc par respecter les obligations prévues par la loi depuis 1997 !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 7 est rétabli et se trouve ainsi rédigé.

Après l’article 7

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 61, portant article additionnel après l’article 7.

La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir cet amendement.

M. Thierry Mariani. Cet amendement reprend le texte de la proposition de loi n° 1805 modifiant le code de procédure pénale en vue de développer le placement sous surveillance électronique des personnes condamnées âgées de plus de soixante-dix ans. Cette proposition, déposée le 22 septembre 2004, a été cosignée par quatre-vingt-dix-sept députés.

L’objet de cet amendement humanitaire est simple. Il s’agit de ne plus envoyer en détention les personnes âgées de plus de soixante-dix ans au jour de leur condamnation qui ont commis des délits mais n’ont pas provoqué de graves atteintes à l’ordre public et, de plus, ne sont pas en état de récidive. Il ne s’agit pas de libérer des détenus dangereux ou des personnes reconnues coupables de complicité de crime contre l’humanité.

Je développerai quelques points pour illustrer cet amendement. Les personnes de plus de soixante-dix ans dont il est question ne représentent évidemment pas un danger pour la société. Cette modification législative ne serait applicable qu’en matière correctionnelle. Les personnes âgées reconnues coupables de crime ne pourraient donc pas en bénéficier. Celles reconnues coupables de crime contre l’humanité, pédophilie, crimes pour lequel la condamnation intervient trop souvent plusieurs années après les faits, ne bénéficieraient pas non plus de cette clémence.

Les délits qui ont entraîné ou entraînent de graves atteintes à l’ordre public sont exclus du champ d’application de cet amendement. Les personnes qui les ont commis ne pourraient pas bénéficier de cette dispense légale de peine d’emprisonnement, non plus que celles reconnues coupables de violences, d’agressions, d’atteintes sexuelles, de trafic de stupéfiants, terrorisme, d’association de malfaiteurs ou de proxénétisme. Les personnes en état de récidive ne pourront pas en bénéficier non plus.

De plus, si cet amendement vise à dispenser les personnes âgées d’exécuter une peine, ce n’est pas une nouvelle cause d’irresponsabilité. Les personnes âgées sont des citoyens à part entière et doivent répondre de leurs actes. Les coupables devront, dans tous les cas, s’acquitter des amendes et subir les autres peines complémentaires prononcées par la juridiction de jugement. Les parties civiles seront donc valablement indemnisées.

Enfin, nos prisons ne sont actuellement pas capables d’accueillir les personnes âgées dans la dignité. L’âge n’est pas une maladie, mais quand on a soixante-dix ans, cela a parfois des conséquences sur la vie quotidienne. Le processus de vieillissement étant lié au mode de vie, force est de constater que le système pénitentiaire se préoccupe peu des questions de régime alimentaire ou d’hygiène de vie en détention.

Voilà pourquoi, monsieur le ministre, bien que cela vous fasse sourire, je dépose à nouveau cet amendement. J’ai souvenir d’un amendement sur les indics que j’ai déposé trois fois. La troisième fut la bonne. Pour celui-ci, je n’en suis qu’à la deuxième fois !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. On ne peut pas dire que M. Thierry Mariani manque de suite dans les idées ! C’est en effet la troisième fois qu’il nous fait ce type de proposition.

A soixante-dix ans, on peut encore être dangereux. (« Oui ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe socialiste.) Surtout, une telle disposition pose un problème d’égalité devant la loi. J’ajoute que la suspension de peine reste possible si la personne est atteinte d’une maladie grave, le pronostic vital ayant été prononcé. Par conséquent, la commission a repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Cet amendement part d’un sentiment très généreux, ce qui n’étonne personne venant de M. Mariani, mais le Gouvernement y est défavorable. En effet, il empêcherait l’individualisation de la peine par le juge. Si celui-ci a en face de lui une personne de soixante-dix ans, il s’en apercevra , monsieur Mariani ! Et il peut décider soit d’incarcérer pour les cas les plus graves, soit d’imposer le port du bracelet fixe – 1 000 détenus sur 56 000 en sont équipés –, qui est une alternative à l’incarcération. En outre, je ne suis pas convaincu de la constitutionnalité de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. L’on peut en effet s’interroger, car M. Mariani ne nous a pas habitués à faire dans la mansuétude ! Cela dit, cet amendement pose la question de l’utilisation du bracelet électronique mobile comme alternative à l’incarcération. Je note que M. Mariani n’a pas repris les propositions contenues dans le rapport de M. Fenech et que, personnellement, je trouve intéressantes. Le bracelet électronique de première génération,…

M. le garde des sceaux. Fixe !

M. Christophe Caresche.… et même celui que vous entendez développer dans des conditions encore un peu mystérieuses, pourraient être utilisés comme alternative à la prison.

M. le président. La parole est à M. Charles Cova.

M. Charles Cova. Permettez au seul septuagénaire de cette assemblée aujourd’hui de s’exprimer ! Je partage avec Thierry Mariani le souci que les gens âgés de plus de soixante-dix ans ne puissent être incarcérés. Cela dit, j’ai entendu les explications de M. le rapporteur et de M. le ministre.

M. Christophe Caresche. Vous êtes inquiet ?

M. Charles Cova. Non, je ne suis pas inquiet, mon cher collègue ! Peut-être le serai-je plus tard, sait-on jamais ! Mais, vous savez, j’ai déjà soixante-quatorze ans. Pour introduire un peu d’humour dans ce débat, je propose donc de remplacer soixante-dix ans par soixante-quinze ans ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Décidément, quand je fais preuve de mansuétude, je suis accusé de tous les maux ! Si ma mémoire est bonne, la dernière fois que j’ai présenté cet amendement, je l’ai retiré et il n’a donc pas été soumis au vote. En effet, à l’époque, une certaine personne impliquée dans un scandale pétrolier, dont je ne donnerai pas le nom car elle décédée, était en prison et certains m’avaient prêté certaines arrière-pensées.

Vous me dites, monsieur le rapporteur, que l’adoption de cet amendement entraînerait une rupture d’égalité devant la loi, car la même infraction serait punie différemment selon l’âge de l’auteur. Mais permettez-moi de vous rappeler d’autres cas de rupture d’égalité devant la loi : le droit pénal applicable aux mineurs et le fait que la contrainte judiciaire ne puisse être prononcée ni contre les personnes mineures au moment des faits ni contre les personnes âgées d’au moins soixante-cinq ans au moment de la condamnation – article 751 du code de procédure pénale. Il y a donc des précédents.

Enfin, monsieur le garde des sceaux, il ne s’agit pas de libérer des personnes dangereuses. Je n’énumérerai pas tous les délits qui sont exclus du champ d’application d’une telle mesure, mais, au 14 décembre 2004, vingt-huit personnes seulement étaient concernées. Ce n’est pas monstrueux ! Il s’agit de vingt-huit personnes de plus de soixante-dix ans qui n’ont jamais fait de récidive, qui n’ont pas commis de crime. Le plus souvent, elles sont condamnées pour des infractions au droit des sociétés. Pensez-vous sincèrement que la prison puisse servir à quelque chose à leur âge ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je ferai deux observations.

D’abord, l’amendement exclut tellement de cas qu’il ne concerne plus grand monde ! L’on peut en effet se demander pourquoi quelqu’un qui a été l’auteur de violences il y a trente ans et qui a soixante-dix ans resterait en prison. Cela me paraît douteux.

Ensuite, même si cet amendement était adopté, compte tenu des mesures qui ont été votées cette nuit, il y aurait réellement rupture d’égalité devant la loi puisque les cas de récidive sont exclus, mais pas ceux de réitération.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 61.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article 8

M. le président. Le Sénat a supprimé l’article 8.

Plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Noël Mamère, pour un maximum de cinq minutes.

M. Noël Mamère. Que je n’utiliserai pas, monsieur le président.

L’article 8 ramène le bracelet électronique mobile à une simple mesure de sûreté. Par son coût, ce dispositif exclut tout autre accompagnement psychiatrique, médical et social des récidivistes. Nous considérons qu’il s’agit d’une peine. Par ailleurs, vous marquez trop d’empressement dans la mise en œuvre de cet outil. Le rapport de M. Fenech a bien montré, avec les exemples de la Grande-Bretagne, de l’Espagne et des États-Unis, qu’il fallait un temps d’expérimentation. Les Espagnols ont, pour l’instant, renoncé à l’extension du bracelet électronique mobile. On ne peut le considérer comme une simple mesure de sûreté dans la mesure où ce dispositif est encore extrêmement voyant. Il y a encore beaucoup de portiques dans de nombreux lieux publics et l’on pourra donc très vite être montré du doigt et discriminé si l’on porte ce bracelet. L’expérimentation devra primer si l’on doit le mettre en place. Il ne devra pas exclure toute autre forme d’accompagnement pour la réinsertion. Considérant qu’il s’agit d’une peine et non d’une mesure de sûreté, nous nous associerons à nos collègues députés qui saisiront le Conseil constitutionnel.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Garraud.

M. Jean-Paul Garraud. Avec le bracelet électronique, nous parlons d’évaluation de la dangerosité. Je tiens tout d’abord à dire que cette proposition va dans le bon sens et que je vote sans ambiguïté toutes les dispositions qui nous sont proposées. D’ailleurs, ce texte est le fruit d’un travail important réalisé par la commission des lois et qui a duré plus de deux ans. On ne peut donc pas nous accuser de faire du populisme et de la démagogie. Nous avons travaillé en profondeur sur ce sujet. Je vous remercie d’ailleurs, monsieur le rapporteur, d’avoir rappelé mon engagement et ma détermination en la matière.

Le bracelet électronique pourra être posé lorsque l’on relèvera une certaine dangerosité chez l’individu visé. Nous touchons là le cœur du problème, à savoir l’évaluation de cette dangerosité – j’ai déposé un amendement sur ce sujet après l’article 8. Il ne faut pas se voiler la face. Nous le savons tous, et au premier chef les professionnels de la justice, certaines personnes qui sont en liberté sont dangereuses et le restent. Bien sûr, il faut mettre en place tous les systèmes de réinsertion de nature à permettre leur réintégration dans le corps social. Il ne doit y avoir aucune ambiguïté sur ce point. Malheureusement, il reste des personnes dangereuses, des récidivistes notamment, qui s’ancrent dans la délinquance, ne veulent pas en sortir, et tout ne se résume pas à une question pathologique.

Jusqu’à présent, dans nos débats, nous nous sommes centrés sur des problèmes importants, certes, mais reliés à la pathologie psychiatrique des délinquants, notamment des criminels sexuels. Or il y a d’autres types de criminels. C’est pourquoi j’apprécie que la proposition de loi envisage plus largement le cas des récidivistes en matière d’assassinat, d’enlèvement, de torture et d’actes de barbarie.

Que peut-on faire face à ceux qui se sont ancrés ainsi dans la délinquance ? La notion d’évaluation de la dangerosité reprend ici toute son importance. En toute honnêteté, pour avoir été par le passé au service de la justice, je me demande si le système que nous mettons en place suffira à éviter la récidive de grands criminels ou de criminels prédateurs, qui sont peu nombreux mais qui causent de terribles dégâts. À cette question, mon intime conviction me pousse, malgré tous les progrès apportés par ce texte, à répondre négativement. Je crains que nous n’ayons pas apporté toutes les réponses à ce problème.

Sans doute n’y a-t-il pas de solution miracle. Mais, dans un amendement que je détaillerai tout à l’heure, je rejoins les propositions de la commission santé-justice, qui a rendu récemment son rapport, ou la pratique qui a cours au Canada, en Suisse ou en Allemagne. Cet amendement prévoit des conditions de détentions particulières pour les individus reconnus comme gravement dangereux, dont on est quasiment certain qu’ils récidiveront. Je rappelle qu’il y a des délinquants qui savent eux-mêmes qu’ils recommenceront et qui demandent à ne pas sortir de prison.

Le dispositif que je présenterai prévoit non seulement, en cas de dangerosité légère, certaines mesures de sûreté, dont le bracelet électronique, mais aussi, en cas de dangerosité particulièrement grave, quand la récidive est certaine, un enfermement dans un centre de protection sociale, sous certaines conditions tenant notamment à la nature de la peine prononcée.

Ce centre de protection sociale présenterait un double avantage. Il offrirait une garantie à l’individu lui-même, que psychiatres et psychologues pourraient traiter dans des conditions dignes, en gardant le souci de sa réinsertion. Il jouerait également un rôle de protection sociale. J’ajoute qu’on ne dépassera pas, en durée, la peine prononcée par la juridiction et que le placement sera soumis à l’autorité judiciaire, en l’espèce au tribunal de l’application de peine, susceptible de recours et soumis à débat contradictoire.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Garraud.

M. Jean-Paul Garraud. S’agissant d’une question clé, je demande à bénéficier de la part de la présidence de la même indulgence que M. Mamère !

Ce sujet est au centre de nos débats et je sais que le Gouvernement y est particulièrement attentif. Tôt ou tard, il faudra se résoudre à adopter ce dispositif. Je reviendrai sur son coût, auquel on doit réfléchir. Mais nous ne pourrons pas éviter ce débat. Il faut l’affronter, au contraire, et réfléchir en notre âme et conscience, en songeant à ceux qui ont souffert des criminels prédateurs et à ceux qui risquent d’en souffrir encore si nous ne prenons pas les décisions nécessaires.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 17, qui fait l’objet de deux sous-amendements, nos 77 et 78.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 17.

M. Gérard Léonard, rapporteur. Cet amendement a pour objet de rétablir le texte de l’article 8 de la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture déterminant la procédure d’application du PSEM. Pour ce faire, il introduit au sein du code de procédure pénale une nouvelle section relative audit placement « à titre de mesure de sûreté ».

Toutefois, compte tenu de l’insertion du PSEM dans le cadre juridique du suivi socio-judiciaire, les dispositions prévues par le présent amendement diffèrent sur trois points du texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

Tout d’abord, la durée du placement est limitée à trois ans en matière délictuelle et à cinq ans en matière criminelle, renouvelables une fois.

Ensuite, la commission des mesures de sûreté intervient au niveau du juge de l’application des peines, et non plus auprès du tribunal de l’application des peines. En outre, il est précisé que la commission doit être composée de façon pluridisciplinaire, de manière à évaluer la dangerosité de l’individu. En effet, compte tenu de la difficulté que représente cette évaluation, il importe qu’une analyse mobilisant tous les savoirs utiles – des psychologues, des médecins, des travailleurs sociaux ou des représentants des associations de victimes – sur la personne concernée soit mise en œuvre pour éclairer la décision du JAP.

Enfin, l’amendement reprend, en les généralisant, les dispositions introduites par le Sénat à l’article 8 bis A nouveau prévoyant que le contrôle à distance de la localisation du condamné fait l’objet d’un traitement automatisé des données à caractère personnel, auquel peuvent avoir accès des officiers de police judiciaire spécialement habilités intervenant dans le cadre de procédure concernant un crime ou un délit puni d’une peine au moins égale à cinq années d’emprisonnement.

Au-delà de ces différences, liées à l’introduction du PSEM dans le cadre du suivi socio-judiciaire, les parentés avec le dispositif adopté par l’Assemblée nationale en première lecture sont nombreuses. Les décisions tendant au placement sous surveillance électronique mobile seront prises contradictoirement et susceptibles d’appel. Le procédé de surveillance électronique mobile devra être homologué par le ministre de la justice et garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de l’intéressé, tout en favorisant sa réinsertion sociale. Le relèvement de la mesure en cours d’exécution pourra être ordonné d’office par le juge de l’application des peines, sur réquisitions du procureur ou à la demande du condamné. Enfin, à défaut de renouvellement exprès de la mesure par le JAP, le PSEM sera interrompu.

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin, pour soutenir le sous-amendement n° 77.

M. Hervé Morin. Ce sous-amendement s’inspire du principe de parallélisme des formes. Puisque l’amendement précise que le juge de l’application des peines détermine la durée pendant laquelle le condamné sera placé sous surveillance électronique mobile et que la durée de ce placement ne peut excéder trois ans en manière délictuelle ou cinq ans en matière criminelle, nous proposons d’indiquer que le tribunal de l’application des peines peut soit sur réquisitions du procureur de la République soit à la demande du condamné, présentée le cas échéant par l’intermédiaire de son avocat, supprimer ledit placement en cours d’exécution si l’examen de dangerosité devient totalement négatif.

M. le président. Pouvez-vous également défendre le sous-amendement n° 78, monsieur Morin ?

M. Hervé Morin. Ce sous-amendement nous a été inspiré par une grande association de victimes d’agressions sexuelles, dont le président estime qu’il faut éviter que le port du bracelet électronique donne lieu à une stigmatisation – cela va de soi, mais mieux vaut le préciser – si l’on veut que l’application de cette mesure donne des résultats.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux sous-amendements nos 77 et 78 ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. Ces deux sous-amendements n’ont pas été examinés par la commission.

Le sous-amendement n° 77 est satisfait par la rédaction de l’article 8 que nous proposons de rétablir. Le texte proposé pour l’article 763-11 du code de procédure pénale propose même plus de modalités de remise en cause du placement que le sous-amendement n° 77. Je suggère donc à M. Morin de retirer celui-ci.

Quant au sous-amendement n° 78, il me laisse perplexe. Peut-on inscrire dans la loi qu’il faut « éviter toute stigmatisation » ? Il me semble que cette mention relève de la vie privée et qu’elle n’a pas sa place dans la définition du dispositif.

Avis défavorable sur les deux sous-amendements.

M. le président. Monsieur Morin, souhaitez-vous retirer le sous-amendement n° 77 ?

M. Hervé Morin. Oui.

M. le président. Le sous-amendement n° 77 est retiré.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 17 et le sous-amendement n° 78 ?

M. le garde des sceaux. Avis favorable sur l’amendement n° 17 et défavorable sur le sous-amendement n° 78.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Nous étudions ici l’application du PSEM, laquelle est décidée lors du prononcé de la peine et du choix de la durée du suivi socio-judiciaire. N’est-ce pas, monsieur le rapporteur ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. En effet.

M. Christophe Caresche. Est-ce bien pendant cette durée que le juge de l’application des peines pourra choisir d’appliquer le bracelet électronique mobile ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. Oui.

M. Christophe Caresche. Il est important de le préciser car la durée que vous envisagez me semble plus longue que ne le prévoyait le rapport de M. Fenech. Celui-ci a souligné en effet qu’il lui paraissait difficile de mettre en œuvre le bracelet électronique mobile pour une durée supérieure à deux ans, laquelle est retenue par les pays étrangers qui appliquent cette mesure.

Sur ce point, les choses doivent être claires, monsieur le rapporteur. J’aimerais que vous nous précisiez la durée pendant laquelle le juge de l’application des peines pourra mettre cette disposition en œuvre.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Léonard, rapporteur. Je renvoie M. Caresche au texte. Ayant participé comme nous tous aux débats qui ont eu lieu lors de la première lecture, il a observé que nous avions réduit très sensiblement la durée d’application du placement sous surveillance électronique, pour tenir compte des observations émanant notamment de M. Fenech.

Cette réduction de la durée envisagée me semble raisonnable. Nous nous sommes d’ailleurs calés sur une autre préoccupation : le suivi médical de la personne, dont la plupart des études montrent que c’est pendant les premières années qu’il peut avoir une portée décisive et permettre des résultats convaincants en matière de soins. En outre, le juge de l’application des peines peut relever la mesure pendant la totalité de sa durée.

Sans entrer dans les détails techniques, je rappelle enfin que l’application du PSEM peut revêtir deux modalités. Elle peut être effectuée soit en un mode actif, qui suppose une surveillance permanente, soit en un mode passif, qui prévoit qu’on ne fasse appel à l’enregistrement qu’en cas de nécessité, pour vérifier si la personne se trouvait à un moment donné à tel ou tel endroit. Si le mode actif, très dissuasif, peut être très stressant, voire traumatisant, le mode passif ne présente pas les mêmes inconvénients. Mais il s’agit là de modalités d’application, qui relèvent de l’exécution de la peine.

Pour revenir à la question de M. Caresche, la durée retenue a été considérablement réduite. Elle paraît désormais conforme aux besoins exprimés. Quant aux modalités envisagées, elles permettent de lever la mesure en cas de nécessité.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 78.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 8 est rétabli et se trouve ainsi rédigé.

Nous passons aux amendements portant articles additionnels après l’article 8.

Après l’article 8

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 72.

La parole est à M. Gérard Léonard, pour le soutenir.

M. Gérard Léonard, rapporteur. Cet amendement de coordination donne au juge d’application des peines la possibilité de recourir au PSEM pendant la durée du suivi socio-judiciaire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 72.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 33.

La parole est à M. Jean-Paul Garraud, pour soutenir cet amendement.

M. Jean-Paul Garraud. Monsieur le président, je tiens à associer à cet amendement M. Alain Ferry et M. Bur, vice-président de l’Assemblée nationale.

Cet amendement, qui fait suite à mes observations, vise à insérer un titre VII quater intitulé « De l’évaluation de la dangerosité des condamnés », comprenant six articles.

Même si cela peut sembler curieux, notre droit pénal ne fait quasiment jamais référence à la notion de dangerosité, sauf en cas d’expertise psychiatrique. Pourtant, c’est une vérité de bon sens de dire qu’il y a des gens très dangereux.

Je souhaite tout d’abord que tout condamné à une peine égale ou supérieure à cinq ans d’emprisonnement ferme et en état de récidive légale puisse faire l’objet d’une évaluation de sa dangerosité par le tribunal de l’application des peines, saisi à cet effet par le juge de l’application des peines en charge du condamné ou par le procureur de la République agissant soit d’office, soit à la demande des parties au procès.

L’article suivant indique de quelles mesures peut s’entourer le tribunal pour évaluer la dangerosité. D’ailleurs, cela ne pose aucun problème au Canada, en Suisse et en Allemagne. Au Canada notamment où le système est appliqué, les récidives en matière d’infractions sexuelles ont diminué de 60 %, ce qui est considérable.

Je précise que tout dépend du degré de dangerosité. Si la dangerosité est de faible importance, une mesure de sûreté en milieu ouvert peut s’exercer. Si elle est plus importante, le tribunal de l’application des peines qui a fait procéder à l’évaluation de la dangerosité peut en tirer toutes les conséquences, en plaçant le condamné soit sous surveillance électronique, soit dans un centre fermé de protection sociale, comme le propose M. Burgelin, l’ancien procureur général de la Cour de cassation, dans le rapport de la commission santé-justice.

La durée d’exécution de la mesure de sûreté est fixée par le tribunal. Bien évidemment, cette durée ne peut en aucun cas dépasser la peine prononcée par la juridiction, bien que cela ne soit pas le cas au Canada. Dans ce pays, en effet, en cas de dangerosité avérée, les tribunaux canadiens peuvent prononcer des peines à durée indéterminée effectuées dans un centre fermé de protection sociale – ce que je ne préconise pas.

La levée de cette mesure peut intervenir à tout moment sur décision du tribunal de l’application des peines. Tout dépend de la dangerosité, si elle est avérée ou non, si elle continue ou non.

Ensuite, un décret en Conseil d’État déterminerait les conditions d’application de ce système.

Le coût d’un tel dispositif ne me semble pas très élevé car les grands criminels pervers sont peu nombreux. Deux ou trois centres pourraient donc suffire pour les traiter correctement. Ce ne serait pas la prison, ce ne serait pas non plus l’hôpital. En 1992, dans le cadre d’une loi sur les périodes de sûreté et les peines incompressibles, Pierre Méhaignerie avait indiqué qu’il fallait placer de tels individus dangereux, difficilement ou très peu réinsérables, dans des « hôpitaux-prisons ». Ce dont nous parlons a donc été, je pense, voté en 1992 mais jamais appliqué.

À Mme Guigou qui l’interrogeait hier sur le bracelet électronique, M. le garde des sceaux a répondu que c’est parce qu’il allait le faire voter qu’il aurait les moyens. Mesdames, messieurs les députés, il faut voter ces dispositions. Nous aurons ensuite les moyens nécessaires.

M. Christian Ménard. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

Comme M. Garraud le sait bien, la question de l’évaluation de la dangerosité des condamnés a été au cœur de la réflexion de la mission d’information, qui y a consacré beaucoup d’auditions. Nous avons indiqué ce qui se faisait à l’étranger, et vous avez cité l’exemple du Canada. Nous avons traduit cette préoccupation dans la loi, et mon amendement, à l’article 8, qui rétablit le dispositif supprimé par le Sénat, prend bien sûr en compte la dimension de la dangerosité.

Nous avons retenu le principe du PSEM parce que l’on sait qu’après la libération, si une certaine dangerosité subsiste, il faut s’assurer des moyens d’éviter la récidive. Pour notre part, nous avons, après réflexion, et notamment après les suggestions de M. Fenech, fait du PSEM un outil du suivi socio-judiciaire. Je rappelle que l’article 12 de la loi prévoyait le PSEM comme une modalité d’application du suivi socio-judiciaire. L’article 8 prévoit, quant à lui, que la décision est prononcée par le juge au moment du prononcé de la peine avec possibilité d’application du PSEM. Après une étude de dangerosité qui devra intervenir un an au moins avant la libération de l’individu par une commission pluridisciplinaire, il appartiendra au juge d’application des peines de dire si cette modalité doit être appliquée. Cette possibilité est donc offerte et l’on donne au juge d’application des peines le moyen de la mettre en œuvre.

L’article 8 satisfait donc très largement les préoccupations exprimées par M. Garraud et que nous partageons tous, avec un avantage puisque la décision est prise au moment du prononcé de la peine et qu’il appartient ensuite au juge d’application des peines de dire si le degré de dangerosité justifie l’application du PSEM.

S’agissant de la création de centres fermés de protection sociale, mesure préconisée par M. Burgelin dans son rapport, je ne dispose pas aujourd’hui des éléments d’information permettant d’apporter une réponse. Un tel dispositif existe déjà dans d’autres pays, comme l’a rappelé M. Garraud. Il s’agit de recourir à cette mesure lorsque toutes les autres sont inopérantes et que le condamné conserve un degré de dangerosité très élevé. C’est une petite minorité, certes, mais elle existe et il faut en tenir compte.

Aujourd’hui, reconnaissons que nous ne sommes pas en mesure de dire quels moyens peuvent être consacrés à la création de tels centres.

Pour toutes ces raisons, la commission a repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. La proposition de loi prévoit d’évaluer la dangerosité et le risque de récidive à différents stades de la procédure.

Néanmoins, il est difficile pour les professionnels d’apprécier de manière objective et complète la dangerosité des condamnés. La réflexion doit donc se poursuivre sur ce sujet. Le Premier ministre envisage de confier une mission à un parlementaire sur cette question majeure de l’évolution de la dangerosité.

En conséquence, je demande à M. Garraud de retirer son amendement.

M. Christophe Caresche. Voilà un argument important !

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Je suis étonné d’entendre M. Garraud prétende que c’est la première fois qu’on parle de la dangerosité de l’individu alors que j’avais moi-même déposé en première lecture, au nom du groupe UDF, des amendements tendant à ce que les remises de peine, d’une part, et la libération conditionnelle, d’autre part, tiennent bien compte de la dangerosité des individus. À l’époque, M. le garde des sceaux, qui était président de la commission des lois, m’avait répondu que ce sujet était au cœur de la problématique de cette proposition, ce qu’il nous a confirmé cet après-midi.

Évaluer la dangerosité de l’individu est très difficile. J’ai l’impression que ce texte donne lieu à une surenchère auprès de l’opinion publique, le but étant, pour certains, de se montrer plus sévères que la proposition de loi.

La question est de savoir si nous avons actuellement, dans l’arsenal judiciaire, les éléments nécessaires pour lutter contre la récidive. Nous sommes un certain nombre à penser que oui.

La loi de 1998 prévoit tous ces éléments, comme en témoigne le dialogue auquel nous avons assisté hier entre M. le garde des sceaux et son prédécesseur, Mme Guigou. Mais on sait très bien que les moyens manquent pour les appliquer. La justice a besoin de sérénité, car il s’agit là de sujets très délicats. M. le garde des sceaux vient d’annoncer que le Premier ministre allait confier une mission à un parlementaire sur cette question. Certains députés, pour leur part, demandent la création d’un observatoire de la récidive, auquel participeraient les professionnels du droit, ceux qui suivent ces individus. Nous sommes au cœur d’une problématique humaine. La France a été à la pointe de la législation pour abolir la peine de mort en 1981, et elle est encore à la pointe, au sein du Conseil de l’Europe, sur la réinsertion des détenus. Or, pour un effet d’affichage, pour rassurer l’opinion publique, certains se livrent cet après-midi à une course aux amendements dont les dispositions sont encore plus sévères que la proposition dont nous discutons. Nous sommes là sur une pente assez dangereuse qui n’est pas sincère. Nous avons besoin d’être rassurés sur les moyens, car les juges, les magistrats, les associations de victimes demandent à être pris en considération.

M. Noël Mamère. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Garraud.

M. Jean-Paul Garraud. M. Hunault m’accuse de ne pas être sincère, c'est-à-dire en quelque sorte d’être malhonnête – propos que je ne tolère pas. Mais, à la différence de lui, pour avoir travaillé au service de la justice pendant vingt ans, je sais de quoi je parle !

M. Noël Mamère. Votre passé judiciaire ne démontre pas votre sincérité !

M. Jean-Paul Garraud. Monsieur Hunault, je ne veux pas polémiquer et je vous laisse à vos responsabilités. Vous venez de dire très clairement qu’il était urgent d’attendre et qu’il ne fallait rien faire de plus.

M. Michel Hunault. Caricature !

M. Jean-Paul Garraud. On limite le débat à un problème de moyens, alors qu’il faut répondre aux vraies questions en faisant preuve d’imagination. Mes propos ne sont pas dictés par le populisme, je le dis sincèrement. Libre à vous de ne pas me croire.

Je suis très sensible à ce qui vient d’être dit par M. le garde des sceaux et par M. le rapporteur. Certes, la notion d’évaluation de la dangerosité a été au centre de nos préoccupations au sein de la mission de lutte contre la récidive. Je crois d’ailleurs pouvoir dire que ma contribution a été positive.

La question est de savoir s’il faut retirer l’amendement n° 33. Je suis très sensible, je le répète, à la très grande attention portée à ce sujet par le Premier ministre, qui souhaite nommer un parlementaire chargé d’étudier l’évaluation de la dangerosité pour aller vite.

Cela étant, mes deux collègues Yves Bur, vice-président de l’Assemblée, et Alain Ferry, qui a vu de près des victimes dans sa circonscription, n’ont pas été consultés sur le retrait de cet amendement.

En outre, au risque d’être accusé de faire de la caricature, je voudrais dire que je parle au nom des victimes...

M. Christophe Caresche et M. Hervé Morin. On ne peut pas laisser dire ça !

M. Hervé Morin. Si vous ne retirez pas ces propos, je demande une vérification du quorum !

M. Jean-Paul Garraud. Je sais seulement que les victimes sont confrontées à de nombreuses difficultés et qu’elles ne sont pas toujours entendues.

Nous aurons des réponses dans un avenir proche parce que le Gouvernement, M. le garde des sceaux l’a répété, est sensible à leur détresse, mais, en l’état, je ne retire pas l’amendement car je veux que tous les parlementaires ici présents prennent leurs responsabilités lors d’un vote.

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Je n’ai absolument aucune envie de polémiquer ou de verser dans la caricature, mais je demande à M. Garraud de retirer ses propos.

L’idée qu’il y aurait d’un côté les défenseurs des victimes et, de l’autre, les salauds qui défendraient les grands délinquants, est proprement inacceptable ! Considérer que l’intervention de Michel Hunault qui posait, de façon équilibrée, la question des moyens mis en œuvre pour assurer le suivi des détenus et des anciens détenus, allait à l’encontre de l’intérêt des victimes est totalement inacceptable, monsieur le président.

Même si la question posée est une vraie question – et je le sais pour avoir rencontré, dans le cadre de la commission d’enquête sur les prisons, de grands psychopathes, des individus dangereux, pour lesquels il fallait trouver des solutions en dehors des moyens classiques – M. Garraud n’est pas pour autant autorisé à opposer ceux qui parlent au nom des victimes et ceux qui s’en contreficheraient.

Si M. Garraud ne retire pas ses propos, je demanderai la vérification du quorum.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Monsieur le président, j’avais renoncé à m’exprimer sur cet amendement parce qu’il ne faut pas entretenir la polémique. À vrai dire, je pensais que M. Garraud allait retirer l’amendement, compte tenu de ce qu’avait dit M. le ministre.

Vos propos, monsieur Garraud, ne sont pas acceptables. Vous n’êtes pas le seul ici à parler au nom des victimes et à pouvoir revendiquer d’être leur porte-parole.

Je demande une suspension de séance de cinq minutes, monsieur le président.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Houillon, président de la commission. Je tiens à m’exprimer à la reprise de nos travaux pour nous féliciter collectivement de la bonne tenue de notre débat en dépit des discussions qui ont pu l’émailler. Les différentes interventions l’ont suffisamment démontré : c’est l’intérêt des victimes qui, sur tous les bancs, préoccupe chacun. Cet intérêt, loin d’être l’apanage d’aucun d’entre nous, est une préoccupation collective, quelles que soient les positions défendues. Nous avons tous été émus et préoccupés par les drames récents que nos circonscriptions ont connus.

La suspension de séance a permis d’éclairer le débat, et je vous en remercie, monsieur le président. Les assurances données par le garde des sceaux sur une préoccupation à la fois partagée et pertinente devraient permettre à M. Garraud de retirer l’amendement n° 33. Compte tenu des indications qui nous ont été fournies, nous pourrions alors poursuivre nos travaux.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Garraud.

M. Jean-Paul Garraud. Je tiens à lever l’ambiguïté qui a pu accompagner mes propos en précisant, relativement à la demande qui m’a été formulée de retirer l’amendement, que je ne prétends évidemment pas être le seul ici à défendre les victimes. Mais je ne m’estimais pas en droit de retirer cet amendement en raison de l’engagement que j’avais pris auprès des victimes. C’est ce qui a pu rendre mes propos ambigus. Naturellement, je n’ai aucun doute sur le fait que tous, ici, nous sommes prêts à adopter toutes les dispositions utiles visant à répondre au souci légitime des victimes.

Je suis certain que le bracelet électronique ne suffira pas. Telle est la raison pour laquelle j’ai proposé le dispositif prévu dans l’amendement. Compte tenu de nos débats, qui ont été déterminants, et des garanties qui ont été offertes tant par le Premier ministre, qui a décidé la mise en place d’une mission parlementaire sur le sujet, que par le garde des sceaux, j’ai décidé de retirer l’amendement. Je tiens néanmoins à préciser très clairement que je le retire uniquement parce que je sais que des décisions complémentaires seront prises rapidement.

Telle est ma position exacte.

M. le président. L’amendement n° 33 est retiré.

Article 8 bis A

M. le président. M. Mamère, qui était inscrit sur l’article 8 bis A, a renoncé à son temps de parole afin que nos débats puissent se terminer dans la sérénité, en tout état de cause avant la séance de nuit. Mes chers collègues, je ne puis que vous inviter à suivre son exemple, en limitant votre temps de parole.

M. Noël Mamère. Je vous remercie, monsieur le président.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 18.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Gérard Léonard, rapporteur. C’est un amendement de cohérence.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 18.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 8 bis A est ainsi rédigé.

Articles 8 bis, 9,10, 11 et 12

M. le président. Le Sénat a supprimé les articles 8 bis, 9, 10, 11 et 12.

Avant l’article 13 A

M. le président. Je suis saisi d’un amendement, n° 19, portant article additionnel avant l’article 13 A.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir cet amendement.

M. Philippe Houillon, président de la commission. Dans la suite logique de nos débats, cet amendement vise à étendre la mesure de suivi socio-judiciaire à d’autres infractions que celles pour lesquelles il est d’ores et déjà prévu, en l’occurrence aux meurtres, aux assassinats et aux séquestrations.

Cet amendement a été accepté par la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Je souhaiterais appeler l’attention de la majorité et du Gouvernement sur les implications de l’amendement. Le suivi socio-judiciaire – cela a été rappelé à maintes reprises – connaît déjà des difficultés d’application suffisamment importantes sans qu’il soit nécessaire de l’étendre ! Je ne suis pas opposé au principe de son extension lui-même, mais cet amendement rendra encore plus difficile l’application du suivi socio-judiciaire si son adoption ne s’accompagne pas des moyens correspondants. Il n’aura alors aucune portée.

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Je tiens tout d’abord à remercier notre collègue Jean-Paul Garraud pour ses propos. La question qu’il a posée, relativement aux criminels très dangereux et aux psychopathes, est une vraie question.

Je tiens également à préciser que j’approuve pleinement l’amendement présenté par M. Houillon et accepté par la commission.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 19.

(L’amendement est adopté.)

Article 13 A

M. le président. Sur l’article 13 A, je suis saisi d’un amendement n° 75.

La parole est à M. Gérard Léonard, pour soutenir cet amendement.

M. Gérard Léonard, rapporteur. Cet amendement de coordination a été accepté par la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 75.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 13 A, modifié par l’amendement n° 75.

(L’article 13 A, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 13 A

M. le président. Je suis saisi d’un amendement, n° 56, portant article additionnel après l’article 13 A.

La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir cet amendement.

M. le garde des sceaux. Cet amendement a pour objet d’étendre le suivi socio-judiciaire aux auteurs d’incendies volontaires, comme je m’y étais engagé au cours de l’été dernier.

Les incendies volontaires portent en effet gravement atteinte aux biens, à l’ordre public et, dans certaines affaires dramatiques, aux personnes. Ces faits sont inacceptables et tous les outils juridiques doivent être donnés aux juridictions pour réprimer efficacement les auteurs de telles infractions et prévenir la récidive. Or il est apparu que, parfois, les délinquants concernés peuvent souffrir de troubles du comportement caractéristiques de la pyromanie. Dans ces conditions, il apparaît utile d’étendre l’application du suivi socio-judiciaire aux auteurs d’incendies volontaires, afin d’assurer un meilleur encadrement de ces condamnés qui pourront ainsi être soumis à une injonction de soins ou à des mesures de surveillance, telles que l’interdiction de paraître en certains lieux.

Cet amendement a également pour objet d’apporter une correction à l’avant-dernier alinéa de l’article 322-5 du code pénal, issu de la loi du 9 mars 2004, sanctionnant les auteurs d’incendies involontaires ayant causé des blessures.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 56.

(L’amendement est adopté.)

Article 13

M. le président. Sur l’article 13, je suis saisi d’un amendement n° 70.

La parole est à M. Gérard Léonard, pour soutenir cet amendement.

M. Gérard Léonard, rapporteur. L’article 13 de la proposition de loi introduit, dans le code de la santé publique, un nouvel article qui prévoit que, si la personnalité du condamné le justifie, le médecin coordonnateur de l’injonction de soins ordonnée dans le cadre du suivi socio-judiciaire peut inviter le condamné à choisir, soit en plus du médecin traitant, soit à la place de ce dernier, un « psychologue traitant ». Cette disposition – chacun s’en souvient – a été prévue pour répondre à la pénurie de psychiatres.

Le second alinéa de ce même article du code de la santé publique précise que les dispositions applicables au médecin traitant dans le cadre du suivi socio-judiciaire assorti d’une injonction de soins sont applicables au psychologue.

Or, le Sénat a complété les pouvoirs dévolus au médecin traitant en l’autorisant à prescrire au condamné, avec son consentement, un traitement utilisant des médicaments entraînant une « diminution de la libido ».

Dès lors, la juxtaposition des dispositions prévoyant que les psychologues bénéficient des mêmes compétences que les médecins traitants avec celles qui confèrent à ces derniers la compétence pour prescrire ces médicaments pourrait avoir pour effet de conférer aux psychologues un tel pouvoir de prescription – ce qui est impossible. Telle est la raison pour laquelle le présent amendement prévoit que le pouvoir de prescription des médicaments doit demeurer de la compétence exclusive du médecin.

La commission a accepté cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable : la précision est utile.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 70.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 13, modifié par l’amendement n° 70.

(L’article 13, ainsi modifié, est adopté.)

Article 13 bis

M. le président. Sur l’article 13 bis, je suis saisi d’un amendement n° 71.

La parole est à M. Gérard Léonard, pour soutenir cet amendement.

M. Gérard Léonard, rapporteur. Cet amendement vise à parfaire le travail du Sénat, qui m’est apparu très insuffisant sur un point.

L’article 13 bis, introduit par nos collègues sénateurs, dispose que le médecin traitant ayant été agréé à cette fin est habilité à prescrire au condamné, avec le consentement par écrit et renouvelé de ce dernier, un traitement utilisant des médicaments entraînant une diminution de la libido. Toutefois, la périodicité du renouvellement de ce consentement n’est pas déterminée. Une précision législative semble nécessaire afin de s’assurer du suivi du condamné par le médecin. Nous proposons donc par cet amendement que le consentement écrit du condamné soit renouvelé au moins une fois par an.

Je précise que la commission a accepté cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Je souhaite préciser dans quel esprit nous avons approuvé l’article introduit par le Sénat.

Selon nous, il est hors de question que le législateur s’immisce dans la relation entre le médecin et le patient. C’est à eux seuls de déterminer si, au cours du suivi médical, le premier peut prescrire à certains moments un médicament ayant pour effet de diminuer la libido. Cette relation, j’y insiste, doit être totalement préservée, et c’est dans ce cadre seulement que de tels médicaments pourraient être donnés.

En revanche, l’article introduit par le Sénat tend à résoudre un vrai problème, celui de la responsabilité juridique du médecin quand il prescrit certains médicaments mis sur le marché pour traiter telle ou telle pathologie mais qui peuvent aussi être utilisés pour inhiber la libido. Il convenait de faire en sorte que cette responsabilité du médecin ne puisse pas être mise en cause. Dès lors qu’il ne s’agit que de cela, nous considérons que l’article du Sénat va dans le bon sens, et nous voterons également l’amendement présenté par M. Gérard Léonard.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 71.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 13 bis, modifié par l’amendement n° 71.

(L’article 13 bis, ainsi modifié, est adopté.)

Article 14

M. le président. Le Sénat a supprimé l’article 14.

Je suis saisi d’un amendement n° 5.

Cet amendement fait l’objet de deux sous-amendements, nos 31 et 32.

La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l’amendement n° 5.

M. le garde des sceaux. Cet amendement vise à améliorer sur deux points l’efficacité du fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles, le FIJAIS, qui est entré en service le 30 juin dernier.

En premier lieu, il ajoute à la liste des infractions sexuelles figurant à l’article 706-47 du code de procédure pénale les crimes de meurtre ou assassinat commis avec tortures ou actes de barbarie, les crimes de torture ou actes de barbarie ainsi que les meurtres ou assassinats commis en état de récidive légale. Cet ajout aura pour principale conséquence que les auteurs de ces crimes seront inscrits dans le fichier automatisé des auteurs d’infractions sexuelles, ce qui entraînera, à leur libération, l’obligation de justifier semestriellement leur adresse en se présentant auprès d’un service de police ou de gendarmerie. Il est à noter que cette inscription interviendra également si l’auteur des faits a été déclaré pénalement irresponsable en raison d’un trouble mental.

En second lieu, l’amendement étend la possibilité de consultation du FIJAIS par les préfets et les administrations de l’État, car le texte de la loi du 9 mars 2004 comporte un oubli : il ne prévoit en effet cette consultation que pour l’examen des demandes d’agrément concernant les activités ou professions impliquant des contacts avec les mineurs, alors que la réglementation relative à ces activités prévoit parfois, non pas un agrément ou une autorisation préalable, mais une simple déclaration pouvant donner lieu à l’exercice d’un pouvoir d’opposition. C’est notamment le cas de l’article L. 227-5 du code de l’aide de l’action sociale et des familles, pour les organismes accueillant des mineurs. Il est donc indispensable de permettre la consultation du FIJAIS en cas de contrôle de l’exercice de ces activités ou professions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. La commission a adopté cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Garraud, pour soutenir les sous-amendements nos 31 et 32.

M. Jean-Paul Garraud. Le sous-amendement n° 31 vise à permettre aux personnes devant justifier leur adresse de le faire auprès du service de police ou de gendarmerie le plus proche de leur domicile, et non au service départemental, ce qui est parfois malaisé pour les personnes pouvant difficilement se déplacer.

Quant au sous-amendement n° 32, il vise à permettre la consultation du FIJAIS par les officiers de police judiciaire lorsqu’une personne est gardée à vue pour des faits autres que ceux qui donnent lieu à une inscription dans le fichier. On comprend bien qu’une telle consultation peut s’avérer nécessaire dans le cadre d’une enquête.

Ce sous-amendement vise également à permettre aux services de police et de gendarmerie qui sont chargés, depuis le 30 juin 2005, de rechercher les adresses des personnes condamnées avant la promulgation de cette loi et de les convoquer aux fins de notification des obligations, d’user à cette fin de contrainte. Il apparaît en effet que dans la pratique certains condamnés ne défèrent pas aux convocations. Le sous-amendement permettra donc aux officiers de police judiciaire de disposer de cette possibilité, comme c’est le cas dans d’autres domaines.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les deux sous-amendements ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je ne peux que m’opposer à l’amendement du Gouvernement, qui tend à élargir le fichier judiciaire prévu par la loi Perben II : outre les auteurs d’infractions sexuelles, il va désormais recenser toutes les personnes qui ont bénéficié d’une décision retenant leur irresponsabilité pénale.

M. Christophe Caresche. Non !

M. Noël Mamère. C’est exactement ce qui est écrit, mon cher collègue.

Qui plus est, monsieur le garde des sceaux, vous demandez que ces personnes fassent l’objet d’une surveillance de la part d’un service de police ou de gendarmerie pendant une durée de trente ans. J’estime que le fichier mis en place par la loi Perben II suffit amplement pour obtenir un suivi et des informations. L’élargir ainsi, sous prétexte de rassurer les Français, constitue un cas flagrant d’atteinte aux libertés.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 31.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 32.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5, modifié par les sous-amendements adoptés.

(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 14 est rétabli et se trouve ainsi rédigé.

Article 15

M. le président. Le Sénat a supprimé l’article 15.

Après l’article 15

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 15.

Nous commençons par l’amendement n° 6.

La parole est à M. le garde des sceaux, pour le soutenir.

M. le garde des sceaux. Cet amendement est attendu par de nombreuses associations de victimes, et à travers elles par beaucoup de Français. Pour compléter les nombreuses dispositions issues de la loi du 9 mars 2004 renforçant la prise en compte des intérêts de la victime au cours de l’application des peines, il tend à permettre à l’avocat de la partie civile qui en fait la demande de formuler des observations devant le tribunal de l’application des peines ou la cour d’appel, notamment pour les audiences de libération conditionnelle ou de suspension de peine pour des raisons médicales.

Le point de vue de la victime pourra ainsi être défendu devant ces juridictions, compétentes pour les aménagements de peine concernant les condamnations à des peines de plus de dix ans d’emprisonnement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Cet amendement, et plus encore l’amendement n° 21 qui lui fait suite, pose un problème puisqu’il fait entrer dans le débat contradictoire devant le tribunal de l’application des peines le point de vue des parties civiles. Or ces dernières disposent déjà, dans le processus juridictionnel, d’un certain nombre de moyens de faire valoir leur point de vue, notamment avec les procédures d’appel. Elles risquent donc de peser sur une décision importante, qui peut aller dans le sens de l’accompagnement de la sortie du détenu. Une telle démarche peut s’en trouver freinée.

Pour ces raisons, je n’approuve pas cet amendement qui, je le répète, fera peser sur les décisions du juge de l’application des peines un point de vue qui risquera de le faire hésiter et pencher dans un sens qui n’est pas, selon moi, positif.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je formulerai les mêmes critiques que M. Caresche sur cet amendement et sur l’amendement n° 21. L’intention du législateur apparaît dans le besoin qu’il a de préciser que l’avocat de la partie civile doit pouvoir s’exprimer avant les réquisitions du ministère public. Cette innovation est bien la preuve que l’on souhaite que le représentant des victimes exerce une pression sur le ministère public.

Il ne s’agit nullement, pour nous, de réduire les droits des victimes. Je crois d’ailleurs avoir lu qu’une association de parents de victimes se disait défavorable aux dispositions de l’amendement n° 21, car elle menait son action dans un esprit tout différent.

En tout état de cause, ces deux amendements ne me paraissent pas conformes au principe du procès équitable énoncé dans la Convention européenne des droits de l’homme.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. L’amendement que j’ai présenté est au contraire bien équilibré et a recueilli l’assentiment des associations de victimes. S’il est prévu que l’avocat de la partie civile parle avant les réquisitions du ministère public, c’est que nous ne sommes pas dans le cadre d’un procès : dans le cas d’espèce, il est normal que celui qui défend l’ordre public, à savoir le procureur, s’exprime en dernier. Il n’y a là rien de choquant et, je le répète, les associations de victimes ont approuvé cette disposition.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 21.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Gérard Léonard, rapporteur. Par cet amendement, cosigné par M. Fenech, la commission propose que les représentants d’associations d’aide aux victimes, ou de victimes, et des associations d’insertion des condamnés soient préalablement consultés par le tribunal de l’application des peines lorsque ce dernier envisage d’ordonner une libération conditionnelle, une suspension de peine, une réduction ou une suppression de la période de sûreté concernant un récidiviste.

Afin d’éviter les consultations inutiles, celles-ci ne sont pas exigées lorsque le tribunal n’envisage pas d’accorder une telle mesure, notamment lorsqu’il statue à la suite d’une demande du condamné n’ayant aucune chance de prospérer.

En outre, en cas d’appel d’une mesure concernant un récidiviste d’un crime ou d’un délit grave, la chambre de l’application des peines de la cour d’appel devra être celle dont la formation est prévue au deuxième alinéa de l’article 712-13 du code de procédure pénale, à savoir celle composée des représentants des associations d’aide aux victimes et de réinsertion des condamnés.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

Le Gouvernement avait déposé un amendement permettant à l’avocat des victimes d’être entendu. Mais soyons bien clairs, mes chers collègues : à chacun son rôle !

Si les victimes donnent leur avis, comment pouvez-vous espérer une quelconque libération conditionnelle, qui reste pourtant la meilleure méthode de réinsertion sociale ?

Dans l’amendement précédent, la présence de l’avocat des parties se justifiait. Mais ici, une commission qui viendrait donner un avis et ferait pression sur le tribunal de l’application des peines ne se justifierait pas. Elle ferait sortir les associations de victimes de leur rôle. D’ailleurs, monsieur le rapporteur, les associations de victimes les plus représentatives que nous avons entendues ne sont pas favorables à votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Nous sommes du même avis que le Gouvernement. On risque de limiter la mise en œuvre de la libération conditionnelle, système qui donne a priori les meilleurs résultats dans la lutte contre la récidive. On risque également de rencontrer un problème en matière de représentativité des associations, sur l’ensemble du territoire national.

La sagesse voudrait que nous rejetions cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. J’irai dans le même sens. Je pense que cet amendement est non seulement contestable, mais encore impraticable. Je ne vois pas comment des associations d’aide aux victimes pourront se déplacer dans toute la France, pour se rendre à des audiences du tribunal de l’application des peines.

Par ailleurs, monsieur le garde des sceaux, vous avez expliqué pourquoi la présence de l’avocat des parties civiles au tribunal de l’application des peines est contestable : c’est le rôle du procureur, donc du Parquet, de faire valoir l’existence d’un trouble à l’ordre public, et pas celui des parties civiles.

Quoi qu’il en soit, nous voterons contre cet amendement comme nous avons voté contre le précédent.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 65.

La parole est à M. Christophe Caresche, pour le soutenir.

M. Christophe Caresche. Cet amendement vise à compléter l’article 712-11 du code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions relatives à l’appel formé par le condamné contre les ordonnances du juge de l’application des peines en matière de permissions de sortir ou d’autorisations de sorties sous escorte ne sont applicables qu’à compter du 1er janvier 2007. »

C’était une mesure prise dans le cadre de la loi Perben.

La loi du 9 mars 2004 a considérablement augmenté l’importance des fonctions, notamment juridictionnelles, confiées au juge de l’application des peines.

La présente proposition de loi va à nouveau alourdir la tâche de ces magistrats, spécialement parce qu’elle élargit le domaine du suivi socio-judiciaire, allonge la durée du sursis avec mise à l’épreuve et institue le placement sous surveillance électronique mobile.

Dans ces conditions, il ne paraît matériellement pas possible que toutes les ordonnances rendues par le JAP puissent être frappées d’appel par les condamnés à compter du 31 décembre 2005, comme le prévoit la loi du 9 mars 2004. Cette impossibilité matérielle est d’autant plus flagrante que l’arrivée de nouveaux greffiers dans les services de l’application des peines ne se fera que de façon progressive au cours de l’année 2006.

S’il n’est pas envisageable de reporter ce droit d’appel pour les ordonnances relatives aux réductions de peine, et notamment celles qui ordonnent le retrait de tout ou partie d’un crédit de réduction de peine et qui prolongent en conséquence la durée de détention du condamné, il paraît en revanche nécessaire de différer à nouveau ce droit en ce qui concerne les ordonnances relatives aux permissions de sortir.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. Défavorable.

M. Christophe Caresche. Pas de pitié pour les JAP !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Je suis toujours sensible quand un parlementaire soutient les magistrats, ou une catégorie particulière de magistrats.

M. Christophe Caresche. Ils le méritent !

M. le garde des sceaux. Mais la mission du Parlement est-elle de soutenir une catégorie particulière de magistrats, aussi sympathique et méritante soit-elle ? (Sourires.)

En un mot comme en cent, M. Caresche demande que le bureau suspende encore un an la possibilité, pour les condamnés, de faire appel des ordonnances du juge de l’application des peines. Mais, soyons francs, tous les détenus savent qu’il sera possible de faire appel des décisions du JAP et ce report risquerait de poser un problème de sécurité. Reste que ce n’est pas le plus important.

Comme tout le monde le dit, s’agissant des JAP, nous sommes très en retard par rapport aux chiffres théoriques souhaitables – et je suis prêt à l’admettre. Cependant, mesdames et messieurs les députés, savez-vous que, depuis 2002, c’est-à-dire le début de la législature, le nombre de magistrats de l’application des peines a augmenté de 76 %, ce qui correspond à 134 juges supplémentaires ? Ils sont aujourd’hui 310 dans les 186 tribunaux de grande et de première instance, ce qui représente 7,5 % du corps.

Les services de l’application et de l’exécution des peines disposent quant à eux de 758 agents. Ces effectifs incluent les 87 greffiers – un tiers – qui sortent de l’école, affectés à la rentrée de 2005. Par ailleurs, 150 adjoints administratifs viendront renforcer ces services d’ici à janvier 2006.

Parmi les 3 600 agents d’insertion et de probation, 1 250 sont affectés à l’accompagnement et à l’insertion. En septembre 2006, 189 conseillers d’insertion probation sortiront de formation ; en septembre 2007, ils seront 290, environ cent de plus, à sortir de l’école. Enfin, le projet de loi de finances pour 2006 a prévu la création de 80 postes supplémentaires pour les SPIP.

Tels sont les effectifs. Les JAP aussi bien que les greffes ou les agents des SPIP ont reçu, dans le budget, des renforts, certes mérités, mais qui amélioreront les choses.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Monsieur le garde des sceaux, vous avez parlé de 310 JAP supplémentaires. Or les syndicats parlent plutôt de 250. Sur un plan plus général, il serait intéressant que vous nous indiquiez combien de dossiers sont traités par ces juges de l’application des peines. J’ai la réponse : ils ont 200 000 dossiers à traiter !

Il est facile de venir nous dire, de manière triomphante,…

M. le garde des sceaux. Mais non !

M. Noël Mamère. …que le nombre des JAP a augmenté de 76 %.

Combien manque-t-il de psychiatres ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il en manque 800 !

M. Jean-Paul Garraud. Pourquoi posez-vous des questions, puisque vous connaissez les réponses ?

M. Noël Mamère. Nous voulons préciser que, malgré notre manque d’intelligence, nous disposons d’informations sur ce dossier. Et nous savons qu’il y a un travailleur social pour 120 détenus !

Vous voulez consacrer une part importante de votre budget de la justice aux bracelets électroniques mobiles, alors que nous sommes dans une grande misère comparés à bien d’autres pays européens, s’agissant de l’accompagnement et de la préparation à l’insertion dans la société ! J’y vois une réelle contradiction. Vous ne pourrez pas en sortir, quels que soient les chiffres que nous avez donnés aujourd’hui.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 65.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 62 rectifié et 51 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

L’amendement n° 51 rectifié fait l’objet d’un sous-amendement n° 73.

La parole est à M. Christian Ménard, pour soutenir l’amendement n° 62 rectifié.

M. Christian Ménard. Cet amendement a été cosigné par environ 150 députés – 82 ou 83 qui sont arrivés à temps, et 70 autres en retard.

C’est un fait divers sordide et atroce qui m’a amené à le déposer : un double meurtre avec acte de barbarie, commis à Brest en août 2003.

À l’époque, trois personnes avaient été mises en examen et placées en détention provisoire. Parmi elles, un mineur âgé de dix-sept ans et qui en a aujourd’hui dix-neuf. En août 2005, celui-ci a été remis en liberté en vertu de l’article 11 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, selon lequel un mineur ne peut pas passer plus de deux ans en détention provisoire. Inutile de vous dire que cette décision a révolté la Bretagne, et en premier lieu les familles.

Que les choses soient claires : il n’est pas question de remettre en cause la présomption d’innocence, dont doivent toujours bénéficier les personnes placées en détention provisoire. Mais lorsqu’un magistrat décide de placer un mineur en détention provisoire, ce qui est déjà une décision lourde et exceptionnelle, et qu’il l’y maintient pendant deux ans, ce n’est pas pour « faire dans la dentelle » : c’est qu’il a de bonnes raison d’agir ainsi et de penser que ce mineur, devenu majeur entre-temps, peut présenter un danger pour lui-même ou la société s’il est remis en liberté avant son procès.

C’est la raison pour laquelle il est absolument nécessaire de modifier le quatorzième alinéa de l’article 11 de l’ordonnance du 2 février 1945, relative à l’enfance délinquante, en remplaçant la phrase : « ; toutefois, la détention provisoire ne peut être prolongée au-delà de deux ans » par la phrase suivante : « ; la détention provisoire ne peut, en principe, être prolongée au-delà de deux ans. Toutefois, lorsque les investigations du juge d’instruction doivent être poursuivies et si la gravité de l’affaire le requiert, » – comme c’était le cas pour l’affaire de Brest, avec des actes de barbarie – « la chambre d’instruction peut, à titre exceptionnel, décider, à l’issue de cette période, de maintenir le mineur en détention provisoire ».

Il s’agit ni plus ni moins que de ce qui est prévu pour les majeurs.

Cet amendement a été cosigné par de très nombreux députés. C’est dire l’intérêt qu’il présente. Il répond à la fois à l’attente des Françaises et des Français en matière de justice, mais aussi à l’incompréhension et à la douleur des familles.

Quelle serait votre réaction, mes chers collègues, si les victimes étaient de vos enfants, votre fille ou votre fils ? Il est bien de penser aux condamnés, mais la priorité doit tout de même aller aux victimes et aux familles. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. Cet amendement a été repoussé par la commission, mais je tiens à expliquer pourquoi.

M. Ménard pose un réel problème et met le doigt sur une lacune de notre dispositif législatif pour de telles affaires. Mais je ne suis pas sûr que la réponse juridique apportée dans l’amendement soit acceptable en l’état, car elle reviendrait à supprimer toute limite au placement en détention des mineurs. En outre, elle serait contraire en particulier à la convention de New York sur les droits de l’enfant.

Je pense que nous trouverons une réponse juridiquement plus acceptable dans l’amendement de M. Mariani, que je me propose de sous-amender.

M. Christophe Caresche. Cela n’a rien à voir avec la récidive ! C’est un cavalier !

M. Gérard Léonard, rapporteur. Le terme « cavalier » n’est pas approprié. Si la personne est libérée alors qu’elle est encore dangereuse, elle peut récidiver. Il y a donc tout de même une relation avec la récidive.

Je suggère donc de repousser l’amendement de M. Ménard – ou mieux, qu’il le retire – et d’adopter l’amendement de M. Mariani, modifié par mon sous-amendement. Nous aurons ainsi trouvé le moyen d’éviter que le mineur arrivant au terme de la détention préventive ne puisse à nouveau sévir, en particulier à l’endroit même où il avait accompli ses forfaits.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Je connais la préoccupation de M. Ménard et partage l’émotion qu’il a exprimée, ainsi que celle de ses électeurs. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Mais cela ne surprendra personne si je dis que la méthode qu’il préconise, à savoir supprimer le délai butoir de deux ans pour que le jeune relevant de l’ordonnance de 1945 puisse rester plus longtemps en détention provisoire en attendant son jugement, n’est pas la bonne.

D’abord, dans la plupart des cas, l’instruction dure moins de deux ans. Et dans les cas exceptionnels, il faut apporter les moyens juridiques et humains pour qu’elle n’aille pas au-delà.

Ensuite, si nous supprimions le délai butoir, nous contreviendrions à la jurisprudence constante du « délai raisonnable » de détention de la Cour européenne des droits de l’homme, ce qu’en aucun cas nous ne pouvons faire.

M. Michel Hunault. Très bien !

M. le garde des sceaux. La question n’est pas de savoir si M. Ménard a tort ou raison, mais si nous pouvons faire ce qu’il préconise. Or nous ne pouvons pas le faire !

M. Michel Hunault. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement n° 51 rectifié.

M. Thierry Mariani. Cet amendement s’inscrit en complément de celui visant à donner la possibilité au juge d’instruction de prolonger la détention provisoire jusqu’à l’ordonnance de règlement pour des personnes majeures ayant commis des crimes particulièrement sordides et dont la remise en liberté perturberait gravement l’ordre public. Il concerne les mineurs qui avaient entre seize et dix-huit ans au moment des faits. Du fait de l’impossibilité de prolonger la détention provisoire des mineurs au-delà de deux ans, il n’est pas rare que la justice française libère des jeunes majeurs particulièrement dangereux si, au terme de ce délai, l’instruction n’est pas terminée. Mon amendement vise donc à aligner le régime des mineurs devenus majeurs en détention provisoire sur celui des personnes majeures au moment des faits.

M. le président. La parole est à M. Gérard Léonard, pour soutenir le sous-amendement n° 73.

M. Gérard Léonard, rapporteur. À l’instar de celui de M. Ménard, l’amendement de M. Mariani présente l’inconvénient de supprimer toute limite à la durée de détention provisoire. On ne peut pas ignorer non plus l’obligation de délai raisonnable de détention qu’a rappelée M. le garde des sceaux.

Le sous-amendement que je propose permettrait d’atteindre les buts poursuivis par nos collègues, c’est-à-dire l’éloignement et le placement en milieu fermé du jeune, avec une limitation dans le temps, en donnant à la chambre de l’instruction la possibilité d’ordonner le placement du mineur en centre éducatif fermé pour une durée maximale de quatre mois renouvelable une fois. Le magistrat disposerait ainsi de huit mois supplémentaires pour achever son instruction, ce qui éviterait certaines libérations et les drames qui peuvent les accompagner.

Mon sous-amendement présente donc l’avantage d’atteindre les objectifs souhaités dans des conditions juridiquement satisfaisantes. C’est pourquoi l’amendement de M. Mariani, sous-amendé, a été accepté par la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. L’amendement de M. Mariani appelle de ma part exactement les mêmes observations que celui de M. Ménard. Pour autant, sous-amendé par le rapporteur, il devient acceptable.

Je ne suis pas sûr qu’il faille vraiment ouvrir le débat. Mais vous l’avez souhaité sous le coup de l’émotion. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je reconnais que la solution proposée par le rapporteur rend ce que vous recherchez juridiquement possible.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. M. Mariani – il l’a dit lui-même – a coutume de présenter le même amendement plusieurs fois de suite. Celui qu’il nous propose aujourd’hui n’a rien à voir avec le sujet que nous examinons : cela s’appelle un « cavalier ».

M. Gérard Léonard, rapporteur. Pas du tout !

M. Christophe Caresche. Bien sûr que si.

M. Jean-Pierre Grand. Il ne vous est jamais arrivé d’en proposer ?

M. Christophe Caresche. Peut-être, mais le problème du cavalier, c’est qu’il est susceptible d’être censuré par le Conseil constitutionnel !

Par ailleurs, outre les arguments tout à fait pertinents développés par le garde des sceaux, je me demande si la solution proposée par le rapporteur nécessite une disposition législative. Ceci demande vérification, mais je pense que le juge a la possibilité, au titre de l’aide sociale à l’enfance, de placer en établissement le jeune qui sort de prison après deux ans. Dans ce cas, la proposition du rapporteur trouverait à s’appliquer dans le cadre du droit actuel.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Une fois n’est pas coutume, je soutiens totalement la position de M. le garde des sceaux,…

M. Thierry Mariani. Voilà qui nous inquiète !

M. Noël Mamère. …qui est inspirée par la sagesse et le respect de la justice et qui ne sacrifie pas à l’émotion. D’ailleurs, nous avons senti la gêne du rapporteur pour répondre à son ami politique et aux nombreux cosignataires de l’amendement n° 62. On ne légifère pas à partir d’un fait divers, aussi dramatique, aussi barbare soit-il. Nous sommes là pour construire l’État de droit, pas pour répondre à des circonstances. Nous sommes là pour mettre en place un cadre juridique qui permette à la justice de s’accomplir selon les normes démocratiques qui nous régissent.

Je suis d’accord avec Christophe Caresche : l’amendement de M. Mariani est purement et simplement un cavalier, même si M. Léonard a cru pouvoir – et de quelle manière ! – y trouver un lien avec la récidive. Ce n’est pas avec ce genre de lieu commun que nous répondrons aux exigences auxquelles nous sommes soumis. Mais il fallait bien qu’il réponde à ses collègues sans les humilier.

Reprenant les arguments développés par M. le garde des sceaux, je rappelle que nous sommes là en totale contradiction avec la convention européenne des droits de l’homme et avec la convention de New York protégeant l’enfance. Une fois encore, on constate qu’à travers son amendement le rapporteur a essayé de « bidouiller » pour lui faire plaisir. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) M. Mariani a essayé de tordre le cou à l’ordonnance de 1945.

M. Thierry Mariani. Elle a soixante ans !

M. Noël Mamère. C’est bien vous et vos amis, monsieur Mariani, qui aviez déjà essayé de la réformer en proposant d’abaisser l’âge de la responsabilité pénale !

M. Thierry Mariani. Exactement !

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech.

M. Georges Fenech. Je comprends parfaitement le souci de mes collègues de groupe. Pour autant, je partage les objections du garde des sceaux sur l’absence de délai butoir. J’attire également l’attention du rapporteur sur le fait que les juges d’instruction auront beaucoup de mal à trouver des places en centres éducatifs fermés. En outre, la longueur de la procédure laisse tout le temps aux mineurs de devenir majeurs, ce qui dès lors leur interdit d’être placés dans de tels centres.

M. Christophe Caresche. C’est vrai !

M. Georges Fenech. Une autre solution, suggérée par l’Association française des magistrats instructeurs, aurait consisté à porter le délai butoir de deux ans à trois ans, ce qui aurait laissé un peu plus de souplesse pour les délais d’instruction. Mais je pense qu’adopter ce système reviendrait à mettre le doigt dans un engrenage difficile à divers points de vue.

M. le président. La parole est à M. Christian Ménard.

M. Christian Ménard. Ce ne sont pas mes électeurs, monsieur le garde des sceaux, qui m’ont demandé de faire passer un message aujourd’hui : ce sont les familles des victimes !

Je souscris à l’amendement présenté par mon ami Thierry Mariani et je considère que votre proposition, monsieur le rapporteur, est intéressante. Mais tout en laissant au magistrat la faculté de maintenir le mineur en détention au-delà de deux ans, la solution trouvée ne modifie pas le quatorzième alinéa de l’article 11 de l’ordonnance de 1945. Il y a là un problème de droit que les avocats ne manqueront pas de soulever. En dehors de cette petite rectification qu’il faudrait apporter, votre proposition représente une avancée. Merci.

M. le président. Que répondez-vous à la demande de retrait de votre amendement, monsieur Ménard ?

M. Christian Ménard. Je le retire.

M. le garde des sceaux. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 62 rectifié est retiré.

J’ai cru comprendre, monsieur le garde des sceaux, que l’adoption du sous-amendement n° 73 rendrait l’amendement n° 51 rectifié plus acceptable pour le Gouvernement.

M. le garde des sceaux. Disons : un peu moins inacceptable. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 73.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 51 rectifié, modifié par le sous-amendement n° 73.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. Christophe Caresche. Le Conseil constitutionnel va le censurer !

M. le garde des sceaux. C’est l’intérêt des navettes : elles permettent de réfléchir. On ne dira jamais combien le bicaméralisme est un bon système démocratique.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 7 deuxième rectification.

La parole est à M. le garde des sceaux, pour le défendre.

M. le garde des sceaux. Cet amendement a pour but de légaliser les fichiers d’analyse criminelle actuellement utilisés de façon expérimentale par les enquêteurs français. Ces fichiers, comme SALVAC et Anacrim, sont nécessaires pour l’identification des auteurs de crimes en série et doivent, pour ce faire, tout en ne concernant que des procédures judiciaires portant sur des faits graves, comporter plus d’informations que les fichiers traditionnels de police judiciaire relevant de l’article 21 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure et, notamment, des informations relatives aux témoins.

Bien évidemment, ces fichiers ne sont utilisés qu’à des fins de police judiciaire, et non de police administrative, comme c’est le cas des fichiers de l’article 21. Il ne s’agit d’ailleurs pas de fichiers d’antécédents, permettant de connaître le passé de telle ou telle personne, mais des fichiers dans lesquels les modes opératoires de certains criminels, parfois déjà condamnés, sont enregistrés pour être comparés avec d’autres affaires irrésolues. Au demeurant, seules sont enregistrées dans ces fichiers des procédures caractéristiques dont le mode opératoire est intéressant.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Il nous est proposé un nouveau fichier – qu’on pourra croiser avec d’autres – comportant des données sur les personnes, sans limitation d’âge, pouvant être conservées pendant quarante ans.

Nous nous trouvons dans une zone d’ombre de notre droit puisqu’il n’est prévu aucune consultation de la CNIL sur ces fichiers.

Pour toutes ces raisons, je ne peux que m’opposer à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7 deuxième rectification.

(L'amendement est adopté.)

Avant l’article 15 bis

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels avant l’article 15 bis.

La parole est à M. Thierry Mariani, pour défendre l’amendement n° 52.

M. Thierry Mariani. Lorsque des enfants sont victimes d’inceste de la part de leurs parents et que les parents sont condamnés pour les délits ou les crimes qu’ils ont commis, il n’est pas rare que les juges oublient de statuer sur le retrait de l’autorité parentale. Dès lors, il est possible à un parent incestueux, lorsque, sorti de prison, il se retrouve dans le besoin, de demander des aliments à son enfant victime devenu adulte en vertu de l’article 205 du code civil.

Mon amendement a simplement pour objet de pallier l’omission fréquente des juridictions pénales de statuer sur la déchéance de l’autorité parentale des pères et mères auteurs d’infractions à caractère sexuel sur leurs enfants. Il rend donc obligatoire le prononcé d’une décision du juge pénal sur cette délicate question, le principe étant celui de la déchéance.

Toutefois, au regard des circonstances de l’espèce et de facteurs d’ordre psychologique, la possibilité est laissée aux juges de ne pas prononcer le retrait de l’autorité parentale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis également favorable, sous réserve de quelques améliorations rédactionnelles qui pourront être apportées au cours des navettes.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. À première vue, on pourrait être favorable à cet amendement. Mais, en fait, il gomme une partie très importante de la cause qui conduit souvent à ce type de situation. Les affreux cumulards que nous sommes, députés et maires en même temps, savons bien comment les choses se passent dans certaines familles. Nous n’avons pas le droit d’ignorer le contexte de misère sociale qui conduit souvent à ce type d’attitude. De ce point de vue, le mot « déchéance » me semble particulièrement détestable.

Là encore, nous sommes confrontés à une absence criante de moyens pour accompagner ces familles. On ne peut imposer ainsi, par le biais d’un amendement, la déchéance des parents défaillants alors qu’il y a des possibilités de les réinsérer dans la société et de les aider à reconstruire une structure familiale.

On a vu ce que pouvait donner cette manière d’appréhender les choses, sous le coup de l’émotion, dans les affaires d’Outreau et d’Angers. Il serait d’ailleurs très intéressant d’examiner quelles étaient les conditions sociales des familles concernées.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 20 et 34 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 20.

M. Gérard Léonard, rapporteur. Cet amendement prévoit une aggravation de la répression des viols commis en série car ils dénotent chez l’auteur une particulière dangerosité qui fait craindre un risque de récidive très élevé.

Actuellement, en effet, le fait qu’une personne soit poursuivie pour un ou pour plusieurs viols n’entraîne aucune différence quant à la peine maximale encourue et, en l’absence de circonstance aggravante, un criminel en série ayant commis une dizaine de viols, par exemple, n’encourt que quinze ans de réclusion. Le texte proposé permettra que soit encourue une peine de vingt ans de réclusion.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Garraud, pour défendre l’amendement n° 34 rectifié.

M. Jean-Paul Garraud. Celui qui a commis des viols en série manifeste une dangerosité bien plus grande que l’auteur d’un viol unique. C’est pourquoi il est naturel de prévoir une peine plus lourde. Ce qui me surprend, c’est que cela n’ait pas encore été rectifié.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements identiques ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 20 et 34 rectifié.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 50.

La parole est à M. Thierry Mariani, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani. Noël Mamère va une fois de plus lever les bras au ciel car l’amendement que je défends maintenant a pour objet de revenir sur les errements de la loi du 15 juin 2000.

Celle-ci ayant posé des limites à la durée de la détention provisoire, il arrive que des criminels dangereux soient libérés alors que l’instruction n’est pas terminée, tout simplement parce que les plafonds sont atteints.

Les socialistes nous expliqueront qu’ils ont prévu des garde-fous pour empêcher cette situation. En effet, la loi du 15 juin 2000 sur la présomption d’innocence a prévu que la chambre de l’instruction peut, dans les affaires criminelles, à titre exceptionnel, prolonger la détention provisoire pour une durée de quatre mois « lorsque les investigations du juge d’instruction doivent être poursuivies et que la mise en liberté de la personne mise en examen causerait pour la sécurité des personnes et des biens un risque d’une particulière gravité ». Mais cette décision n’est renouvelable qu’une seule fois.

Aujourd’hui, un juge des libertés et de la détention peut placer en détention provisoire un dangereux criminel pendant plusieurs années : deux ans maximum si la peine encourue est inférieure à vingt ans de réclusion –placement pour un an puis deux prolongations de six mois – ; trois ans maximum dans les autres cas – placement pour un an puis quatre prolongations pour six mois – ; quatre ans maximum pour trafic de stupéfiants, proxénétisme, extorsion de fonds ou crime commis en bande organisée. Lorsque ces seuils de deux, trois et quatre ans suivant la gravité de l’infraction sont atteints, la chambre d’instruction peut décider par deux fois de conserver en détention provisoire un criminel jugé particulièrement dangereux. Mais après ? Eh bien, si l’instruction n’est toujours pas terminée, on libère le détenu ! On libère quelqu’un qu’on a décidé de garder en détention provisoire parce qu’il était dangereux, et ce à cinq, sept ou neuf reprises.

Hier, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, cet amendement a été repoussé en commission. Permettez-moi d’insister de nouveau. Allons-nous vraiment laisser dans le code de procédure pénale une disposition qui prévoit que des individus potentiellement dangereux pour l’ordre public et impliqués dans des affaires criminelles graves seront parfois remis en liberté parce que le juge d’instruction n’aura pas pu clore l’information judiciaire dans les délais impartis ? Il convient donc de donner la possibilité à la chambre de l’instruction, si elle le juge nécessaire, de prolonger la détention provisoire jusqu’à l’ordonnance de règlement pour des personnes ayant commis des crimes particulièrement sordides et dont la remise en liberté perturberait gravement l’ordre public.

Nous reviendrions ainsi à l’esprit de la détention provisoire telle que voulue par le législateur de 1989 et réformée par la loi du 15 juin 2000. Ainsi, les magistrats pourraient, tous les quatre mois et sur la base d’une décision motivée, reconduire le maintien en détention provisoire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. Comme l’a indiqué M. Mariani, la commission a rejeté son amendement. Celui-ci aboutirait, en réalité, à supprimer toute limitation de la durée de la détention provisoire, laquelle peut déjà atteindre quatre ans et huit mois pour les crimes contre les personnes. Ce délai me paraît suffisant pour traiter des affaires.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Je ne comprends pas ce type d’amendement. Nous vivons dans une société démocratique, dans un État de droit. Or celui-ci se définit, entre autres critères, par l’existence de voies de recours, le respect des droits de la défense, des délais. Qu’est-ce que le code de procédure pénale sinon un appareil de formalités et de délais ? Ne pas s’y conformer, c’est tomber dans l’abus de droit.

Sous prétexte qu’il y a, il est vrai, certaines instructions qui n’en finissent pas, vous concluez, monsieur Mariani, qu’il faut abandonner l’un des éléments fondamentaux d’un droit démocratique et contrôlé par le législateur.

Supprimer toute limitation du délai de détention provisoire serait totalement contraire aux recommandations de la Cour européenne des droits de l’homme et serait évidemment censuré par le Conseil constitutionnel. Au surplus, politiquement, ce n’est vraiment pas la façon de régler le problème.

Je suis comme vous, monsieur Mariani, extrêmement préoccupé par la longueur de certaines instructions et, des propositions contenues dans le très intéressant rapport de M. Viout, le procureur général de Lyon, il en est une qui a attiré mon attention : la création, dans la chambre d’instruction, d’un référent pour les cabinets d’instruction. Cela permettrait d’avoir des avertisseurs pour éviter que les instructions ne durent trop longtemps. Il me semble préférable de donner des moyens juridiques et humains pour éviter que des instructions ne s’éternisent plutôt que de supprimer les délais de la détention provisoire, ce qui est contraire à toute la tradition juridique française et même européenne ainsi qu’à la Constitution. Bref, ce n’est pas possible, monsieur Mariani.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je ne peux qu’abonder dans le sens de M. le garde des sceaux : M. Mariani n’a décidément pas changé. Nous l’avons vu défendre, dans d’autres circonstances, le même type d’amendement. Il voudrait des prisons partout, toujours plus de prisonniers.

Il sait que nos prisons sont surpeuplées, que des détentions provisoires durent trop longtemps et il ne connaît pas la Convention européenne des droits de l’homme – ou, en tout cas, il feint de l’ignorer.

Il sait parfaitement – pour avoir une certaine expérience du vote des lois – que ce type d’amendement démagogique est inacceptable. Pourtant, cela ne l’empêche pas de le déposer.

On a accusé certains d’entre nous de faire de la politique politicienne dans cet hémicycle. Or nous avons là l’exemple type de l’amendement politicien, qui n’a aucune chance d’aboutir, mais qui fera plaisir à un certain type d’électorat que M. Mariani et ses amis sont en train de ratisser.

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Monsieur Mariani, ce n’est pas raisonnable. Ce n’est pas parce qu’on assiste à des dysfonctionnements de la justice ou que l’on déplore des lenteurs qu’il faut pour autant prolonger à l’infini la durée de la détention provisoire. Remédions plutôt aux dysfonctionnements.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier la présomption d’innocence. En effet, tant qu’on n’est pas condamné, on est présumé innocent. S’il y a, je vous l’accorde, de dangereux criminels, de graves erreurs judiciaires peuvent être commises. Vous devez garder en mémoire le fait que, dans le Pas-de-Calais, un certain nombre de personnes ont été accusées d’avoir commis des actes de pédophilie alors qu’elles étaient totalement innocentes.

On peut donc se retrouver dans des situations très graves, contraires à tous les fondements de la démocratie.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Garraud.

M. Jean-Paul Garraud. Je m’élève contre les raisons invoquées pour expliquer que ce sont les dysfonctionnements judiciaires qui expliquent la prolongation de la détention,…

M. Hervé Morin. C’est ce qu’il a dit !

M. Jean-Paul Garraud. …même si cela peut arriver.

Je me souviens d’une affaire de hold-up avec prise d’otages commis par le gang de la Brise de Mer. C’étaient des gens très dangereux, et l’on avait pris sur le fait l’un des auteurs du hold-up. Il avait été placé en détention provisoire. L’enquête, sur commission rogatoire, avait duré des années. Et la personne incarcérée a été relâchée, car la date butoir de détention était dépassée, alors que ses complices n’avaient pas encore été arrêtés. Cela a, bien sûr, fait échec à la suite des investigations.

L’amendement de M. Mariani nous interpelle. Il ne faut pas constamment accuser les juges – dont M. Mamère a pris la défense – d’être les auteurs de dysfonctionnements judiciaires. Certains cas, comme celui que je viens d’évoquer, posent problème.

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Je propose simplement de revenir à la situation de 1989.

M. le garde des sceaux. On a beaucoup évolué depuis !

M. Thierry Mariani. J’ai entendu de grands discours sur les atteintes à la démocratie. Je n’avais cependant pas l’impression qu’en 1989 nous vivions dans un État fascisant, où les libertés individuelles étaient remises en cause.

M. le garde des sceaux. Il y a eu des progrès qui font qu’aujourd’hui on ne peut pas revenir à la situation de 1989 !

M. Thierry Mariani. Il y a des lois sur lesquelles on peut revenir. Pour moi, ce qui a été voté par la gauche n’est pas intangible.

Je propose par mon amendement de revenir au droit de 1989, non à la royauté ou à l’abus de droit permanent.

Vous m’avez répondu que le dispositif n’était pas encadré. Mon amendement prévoit que les magistrats puissent prolonger tous les quatre mois – c’est très limité –, sur la base d’une décision motivée, la détention provisoire. J’ai donc placé des garde-fous.

Monsieur le garde des sceaux, je n’agis pas sous le coup de l’émotion. Il n’y a aucune affaire de cette nature dans ma circonscription, ni dans le sud de la France. Mais je trouve révoltant que certaines personnes soient relâchées.

C’est la raison pour laquelle je propose de revenir à la situation de 1989.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Monsieur Mariani, votre argumentation mérite que l’on y réponde.

Vous avez raison : c’était la situation qui existait avant 1989. Que s’est-il passé depuis ? Nous avons connu des condamnations en cascade de la Cour européenne des droits de l’homme. C’est pour cela que l’on ne peut pas revenir en arrière.

On peut, comme vous, le déplorer, mais en l’occurrence je vous réponds sur le plan du droit.

M. Christophe Caresche. De plus, cet amendement est un « cavalier ».

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 50.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article 15 bis et article 15 ter

M. le président. Les articles 15 bis et 15 ter ne font l’objet d’aucun amendement.

Je vais les mettre successivement aux voix.

(Les articles 15 bis et 15 ter, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Après l’article 15 ter

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 22, portant article additionnel après l’article 15 ter.

Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement n° 79.

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 22.

M. Gérard Léonard, rapporteur. Cet amendement est le fruit de nos réflexions et des auditions auxquelles nous avons procédé dans le cadre de la mission d’information sur la récidive.

Il tend à améliorer l’efficacité de la réponse pénale aux faits de violence intrafamiliale et à prévenir la récidive en offrant un fondement légal clair à certaines pratiques qui se développent aujourd’hui à l’initiative de certains procureurs de la République.

En effet, plusieurs procureurs ont mis en place des dispositifs spécifiques en matière de lutte contre les violences intrafamiliales tendant à traiter les comportements violents le plus précocement possible en leur apportant une réponse immédiate.

Sur le fond, l’amendement prévoit que l’auteur des faits peut, d’une part, être soustrait du foyer conjugal pour être placé en garde à vue, ou en foyer, afin que la victime demeure à son domicile, et, d’autre part, être astreint à une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique, la décision du procureur en matière d’engagement des poursuites dépendant, dans les faits, de la gravité des actes commis et du comportement du mis en cause lors de cette prise en charge.

Ces expériences semblent concluantes puisque, à titre d’illustration, je rappellerai que, sur les 143 personnes qui ont été prises en charge à Douai en un an, 20 ont été présentées au tribunal correctionnel en comparution immédiate, 66 ont été placées dans le foyer, 20 ont fait l’objet d’un rappel à la loi et 37 ont été placées chez un tiers. Sur les 66 personnes ayant été placées en foyer, seules deux ont réitéré et ont été condamnées à des peines d’emprisonnement ferme par le tribunal correctionnel qui a été saisi dans le cadre de la procédure de comparution immédiate.

C’est dire l’efficacité de ces méthodes et combien il serait utile de les intégrer dans notre ordre législatif.

La commission a adopté cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est très favorable à cet amendement. C’est la consécration d’une pratique déjà lancée par certains procureurs, comme vous l’avez indiqué, monsieur le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin, pour soutenir le sous-amendement n° 79.

M. Hervé Morin. Le placement sous surveillance électronique mobile pourra être prévu au titre des obligations du régime de la mise à l’épreuve.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis défavorable. Ce sous-amendement est un peu excessif.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 79.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 22.

(L’amendement est adopté.)

Article 15 quater

M. le président. Sur l’article 15 quater, je suis saisi d’un amendement n° 42.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir cet amendement.

M. Philippe Houillon, président de la commission. Un certain nombre d’amendements subséquents démontrent le travail de précision législative, très utile, auquel s’est livré notre collègue M. Warsmann.

L’article 76 du code de procédure pénale, modifié par la loi du 9 mars 2004, autorise, dans le cadre de l’enquête préliminaire, la conduite d’une perquisition sans l’assentiment de la personne chez laquelle elle se déroule, après autorisation du juge des libertés et de la détention.

Or, la loi ne précise pas quel juge des libertés et de la détention est compétent pour autoriser ces opérations. Cette imprécision n’est pas satisfaisante et soulève d’ores et déjà des difficultés dans la conduite des enquêtes. C’est pourquoi l’amendement précise que le juge des libertés et de la détention compétent est soit celui du TGI du procureur qui dirige l’enquête, soit, si ce procureur en décide ainsi, celui du TGI dans le ressort duquel se déroule la perquisition.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 42.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 43.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour le défendre.

M. Philippe Houillon, président de la commission. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 43.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 44.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour le défendre.

M. Philippe Houillon, président de la commission. C’est un amendement de précision, qui corrige une imperfection juridique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. D’accord !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 44.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 45.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, président de la commission. Cet amendement corrige une erreur de référence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 45.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 46.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour le défendre.

M. Philippe Houillon, président de la commission. Cet amendement vise à réparer un oubli.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 46.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 47.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, président de la commission. L’amendement a pour objet de corriger une imperfection rédactionnelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. D’accord.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 47.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 48.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, président de la commission. L’amendement n° 48 vise à mettre fin à des incertitudes concernant ce qui se passe dans l’hypothèse du non-paiement des jours-amende.

La question se posait de savoir si l’on devait convertir les jours-amende non payés en autant de jours de prison que d’impayés ou si le juge pouvait opérer une modulation.

L’amendement indique que le nombre de jours-amende impayés est converti à due concurrence en jours d’incarcération.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 48.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 49.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, président de la commission. Cet amendement vise à corriger une erreur de référence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est d’accord.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 49.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 15 quater, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 15 quater, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 15 quater

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 64, portant article additionnel après l’article 15 quater.

La parole est à M. Christophe Caresche, pour défendre cet amendement.

M. Christophe Caresche. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. La commission l’a repoussé, mais sans trop de conviction – sous réserve des explications du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 64.

(L’amendement est adopté.)

Avant l’article 16

M. le président. Sur l’intitulé du titre IV de la proposition de loi, je suis saisi d’un amendement n° 76.

La parole est à M. Gérard Léonard, pour soutenir cet amendement.

M. Gérard Léonard, rapporteur. Cet amendement de précision vise à insérer dans l’intitulé du titre IV, les mots : « transitoires et » après le mot : « dispositions ».

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 76.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 23 rectifié, portant article additionnel avant l’article 16.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.

M. Gérard Léonard, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 23 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

Article 16

M. le président. Le Sénat a supprimé l’article 16.

Je suis saisi de deux amendements, nos 53 et 24, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l’amendement n° 53.

M. le garde des sceaux. Cet amendement permet l’application immédiate des nouvelles dispositions permettant aux juridictions de l’application des peines de placer certains condamnés sous surveillance judiciaire afin de prévenir la récidive.

Comme je l’ai déjà indiqué, l’application de ces dispositions à des personnes condamnées pour des faits commis avant la publication de la loi nouvelle est constitutionnellement possible pour deux raisons : d’une part, parce qu’il s’agit non pas d’une peine, mais d’une modalité d’application de la peine permettant le prononcé à l’égard du condamné libéré d’obligations pendant une durée égale à celle des réductions de peine dont il a bénéficié, et, d’autre part, parce ces obligations ne constituent pas des sanctions, mais des mesures de sûreté – ou pour reprendre l’expression du Conseil constitutionnel, des mesures de police – destinées à lutter contre la récidive.

En effet, si le 3° de l’article 112-2 du code pénal précise que les lois relatives au régime d’exécution et d’application des peines sont d’application immédiate, sauf si elles rendent plus sévère l’exécution de la peine, cette exception au principe de l’application immédiate a été toujours considérée, lors de l’adoption du nouveau code pénal en 1992 – le ministre était à l’époque M. Badinter – et ainsi que l’indiquent tant la circulaire d’application de ce code que la doctrine, comme ne répondant pas à une exigence constitutionnelle, ce qui permet au législateur d’y déroger s’il le souhaite.

En outre, dans sa décision du 2 mars 2004 relative à la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, le Conseil constitutionnel a autorisé l’application des dispositions sur le fichier des auteurs d’infractions sexuelles à des personnes condamnées pour des faits commis avant cette loi, en observant qu’il ne s’agissait pas d’une sanction mais d’une mesure de police destinée à prévenir le renouvellement d’infractions, ce qui est également le cas en l’espèce.

Par ailleurs, le placement sous surveillance judiciaire devra être ordonné par le tribunal de l’application des peines et non par le juge de l’application des peines, et le condamné pourra demander une contre-expertise s’il conteste les conclusions de l’expertise constatant sa dangerosité. Il est dès lors certain que ce placement ne pourra intervenir que dans des hypothèses dans lesquelles il sera absolument justifié.

Du fait de ces différentes garanties, les principes constitutionnels de nécessité et de proportionnalité qui sont les fondements de notre droit sont pleinement respectés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. La commission a accepté cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 24.

M. Gérard Léonard, rapporteur. Cet amendement adopté lors de la réunion de notre commission en juillet dernier prévoit d’appliquer la mesure de sûreté que constitue le PSEM aux personnes qui ont été condamnées antérieurement à la promulgation du texte.

Nous retrouvons là le fameux débat sur la rétroactivité. Et c’est l’occasion pour moi de maintenir notre position consistant à plaider la cause de la rétroactivité, étant donné qu’il ne s’agit pas d’une peine, mais d’une mesure de sûreté.

Cela dit, l’amendement du Gouvernement poursuit les mêmes objectifs que notre amendement, et presque dans les mêmes termes. Nous avons par ailleurs adopté le système de surveillance judiciaire. Dans ces conditions, je retire mon amendement au profit de celui du Gouvernement.

M. le président. L’amendement n° 24 est retiré.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Nous considérons que ce dispositif répond à la notion de peine et non à une disposition de sûreté. Nous saisirons donc le Conseil constitutionnel.

L’amendement présenté par le Gouvernement revient en fait à relancer la polémique sur la rétroactivité de la loi pénale.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Je voudrais remercier la commission et M. le rapporteur d’avoir retiré l’amendement n° 24. Je considère que les indications données par le garde des sceaux sont de nature à apporter toutes garanties. Je me range donc à son avis. Cela n’est pas nouveau, mais je le confirme et je l’approuve dans les justifications qu’il vient de donner.

M. le garde des sceaux. Merci !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 53.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 16 est rétabli et se trouve ainsi rédigé.

Nous allons maintenant entendre les explications de vote sur l’ensemble de la proposition de loi. En vertu de l’alinéa 3 de l’article 54 du règlement peut s’exprimer un orateur par groupe, pour un temps limité à cinq minutes.

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote sur l’ensemble de la proposition de loi, la parole est à M. Christophe Caresche, pour le groupe socialiste.

M. Christophe Caresche. Le groupe socialiste ne votera pas ce texte. À ce stade, nous en sommes à la deuxième lecture. À l’évidence, il y aura d’autres étapes. Un certain nombre de dispositions supprimées par le Sénat ont été rétablies, et d’autres ont été introduites. Le Sénat aura encore la faculté de faire évoluer le texte. Nous verrons alors où nous en serons quand nous connaîtrons l’ensemble du dispositif.

Par rapport à la première lecture, nous constatons un certain nombre d’évolutions sensibles. Certaines sont positives, d’autres négatives.

Parmi les évolutions positives, je pense en particulier au bracelet électronique mobile. Je considère que les dispositifs que vous nous proposez, monsieur le garde des sceaux, à la suite des propositions du Sénat, vont plutôt dans le bon sens, même si je maintiens une réserve sur le dispositif de surveillance judiciaire. Pour le reste, l’inscription du bracelet électronique mobile dans le cadre du suivi socio-judiciaire va dans la bonne direction. À cet égard, je rappelle qu’en première lecture j’avais fait cette proposition dans un amendement.

Parmi les évolutions négatives, je veux citer un certain nombre de dispositions qui ont été manifestement la conséquence de certains événements ou de pressions au mois de juillet – cela a été confirmé lors de la dernière réunion de la commission des lois – et qui vont dans le sens du durcissement des peines. Nous n’acceptons pas une telle logique, car nous considérons au contraire qu’il faut favoriser la réinsertion.

Nous voterons contre ce texte. Cependant, nous n’exprimons pas une opposition « radicale », comme j’ai pu le lire ce soir dans un journal, mais une opposition tout court.

M. Gérard Léonard, rapporteur. Constructive !

M. Christophe Caresche. Une opposition est une opposition.

Nous attendons les prochaines étapes. Entre la première et la deuxième lecture, nous avons pu constater que les choses avaient beaucoup évolué. D’autres évolutions sont encore possibles.

Nous verrons comment les choses se présenteront à la fin du processus, notamment après la discussion avec le Sénat.

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour le groupe UMP.

M. Georges Fenech. Au nom du groupe UMP, je tiens à féliciter les initiateurs de cette proposition de loi, à commencer par M. le garde des sceaux, à l’époque président de la commission des lois, mais sans oublier l’actuel président et le rapporteur.

Nous n’en sommes pas encore à l’aboutissement du long processus législatif, mais nous touchons au but après une lente maturation. Ce texte équilibré apporte des réponses graduées à la délinquance d’habitude et à la délinquance la plus grave, celle qui préoccupe très légitimement nos concitoyens – nous pensons bien sûr aux agressions violentes et aux agressions sexuelles.

Ce texte donne des outils juridiques nouveaux – nouveaux concepts, nouveau cadre juridique – comme la surveillance judiciaire, sur la constitutionnalité de laquelle nous n’avons, pour notre part, aucun doute. Parmi les outils techniques très novateurs, on peut retenir le bracelet électronique mobile qui nécessitera une mise en œuvre graduée, et probablement la nomination d’un chef de projet, car cela me semble être la clé de la réussite pour conduire le dispositif et le mettre en œuvre. J’avais du reste émis ce souhait dans mon rapport.

Je note aussi votre engagement, monsieur le garde des sceaux, de mettre en place une mission sur la dangerosité qui est, à juste titre, un souci non seulement de notre collègue Jean-Paul Garraud qui a eu raison d’en parler, mais un souci partagé par notre groupe et sur les bancs de l’opposition.

Ce texte permettra de mieux lutter contre la récidive. Et contrairement aux critiques un peu rapides de l’opposition, il va dans le sens d’une meilleure réinsertion, grâce notamment aux soins qui seront dispensés aussi bien en détention qu’en milieu ouvert.

Voilà un texte qui répondait à une nécessité. Il était attendu par nos concitoyens et par les praticiens du droit. Il a été élaboré dans la sérénité, sans démagogie.

Je note aussi la critique objective de M. Caresche, qui a parlé d’évolutions positives. Au moins, nous nous retrouvons sur un certain nombre de points essentiels. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin, pour le groupe UDF.

M. Hervé Morin. Comme nous l’avons dit et répété, une politique globale du traitement de la récidive, c’est beaucoup plus que ce qui figure dans cette proposition de loi. Ce serait un autre traitement des conditions d’incarcération avec la mise en œuvre de toute une série de dispositions qui nécessitent beaucoup de moyens, nous en sommes conscients. Ce serait le développement de tous les procédés évitant les sorties sèches, et rendant le suivi socio-éducatif ou socio-judiciaire obligatoire. Ce serait enfin un accompagnement global dans lequel le bracelet électronique mobile a sa place.

Prétendre que l’on traite la récidive par les quelques dispositions qui ont été adoptées dans le cadre de cette proposition de loi, c’est aller un peu vite.

Nous constatons un certain nombre d’améliorations, notamment grâce à la prise en compte d’un certain nombre d’observations de notre collègue François Zocchetto au Sénat. Compte tenu de la suppression des éléments les plus choquants de la proposition de loi au cours des navettes, le groupe UDF, dans l’attente de la commission mixte paritaire, votera le texte.

M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(L’ensemble de la proposition de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Permettez-moi de vous remercier tous, et tout particulièrement le rapporteur, qui depuis près de vingt mois travaille cette question, ainsi que l’administrateur de la commission Yann Padova, qui en a été une cheville ouvrière. Je voudrais remercier aussi le président Houillon, qui a repris avec brio et compétence le relais, et enfin m’exprimer plus généralement.

Ce texte n’est pas du tout qu’un texte de répression. Bien entendu, il vise à affirmer la sûreté de la peine. L’introduction du PSEM va dans ce sens.

Nous avons avant tout cherché l’équilibre. La conclusion que je tire de cette proposition de loi, c’est que le parlementarisme est une chose bien faite. Grâce aux navettes, comme l’a dit très justement Christophe Caresche, le texte a été amélioré en deuxième lecture. Au Sénat, certains excès seront sans doute encore atténués, et nous finirons par avoir un texte de très bonne qualité. Il a été récemment médiatisé, j’y ai sans doute une part de responsabilité et j’en suis désolé. Mais je m’aperçois que cela n’a pas empêché un dialogue de grande qualité dans cet hémicycle.

Je voudrais remercier particulièrement Christophe Caresche, qui a travaillé avec nous, tout en ne cachant pas ses convictions, ce qui est bien légitime, mais dans un esprit constructif et dans un but bien précis : faire en sorte que nous limitions la récidive. Personne n’a pensé une seule seconde que nous avions trouvé une martingale pour entrer dans un monde parfait. En revanche, nous savons qu’en tant qu’élus, nous avons le devoir de tout faire et de prendre en compte toute nouvelle technique à notre portée pour tenter d’empêcher que des détenus, à peine sortis, recommencent à commettre des crimes, chose insupportable pour les Français. Et mes pensées vont aussi aux victimes.

Je remercie également tous ceux qui ont participé à l’élaboration de cette loi à la Chancellerie.

Je remercie pour finir l’ensemble des députés qui ont suivi ce travail.

À la fin du mois de novembre sans doute, nous nous retrouverons pour examiner une dernière fois cette proposition de loi. Sachez que je ferai en sorte, avec l’ensemble des services du ministère de la justice, que le délai incompressible concernant l’appel d’offres et les décrets d’application soit réduit le plus possible. Mais il faut savoir qu’à partir du moment où la loi sera votée, même si nous devrons attendre cinq ans avant que le bracelet électronique mobile ne soit pleinement utilisé, les juges pourront déjà avoir recours à ce nouveau moyen…

M. Gérard Léonard, rapporteur. Deux à trois ans seraient préférables !

M. le garde des sceaux. Ou d’ici deux à trois ans.

Mesdames, messieurs les députés, nous avons certainement fait avancer le droit pénal mais nous n’avons pas cherché à être partisans : nous avons cherché à être équilibrés, j’en suis convaincu. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

FIN DE Missions temporaires de députés

M. le président. M. le Premier ministre m’a informé de l’achèvement des missions temporaires confiées respectivement à M. François Cornut-Gentille, député de la Haute-Marne, et M. Jacques Godfrain, député de l’Aveyron.

Saisine pour avis d’une commission

M. le président. J’informe l’Assemblée que la commission des finances, de l’économie générale et du Plan a décidé de se saisir pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.

Ordre du jour des prochaine séances

M. le président. Lundi 17 octobre 2005, à quinze heures, première séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 2341, d’orientation agricole :

Rapport, n° 2547, de M. Antoine Herth, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 2544, de Mme Brigitte Barèges, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République,

Avis, n° 2548, de M. Marc Le Fur, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)