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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 15 décembre 2005

104e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Droit de préemption et protection des Locataires en cas de vente d’un immeuble

Suite de la discussion, en deuxième lecture, d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative au droit de préemption et à la protection des locataires en cas de vente d’un immeuble (nos 2599, 2749).

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pu parvenir à un texte identique.

Avant l’article 1er

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 27, portant article additionnel avant l’article 1er.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Comme le disait ce matin l’une de mes collègues, je suis persévérante. A force de répéter, peut-être une petite lueur apparaîtra-t-elle et finirai-je par être entendue.

Cet amendement vise à instituer un « permis de diviser », en précisant, comme pour le permis de démolir, les critères techniques et socio-économiques pour l’acceptation ou le refus de ce permis. L’objectif est de doter les maires d’un outil de régulation administrative permettant de maintenir un parc locatif privé abordable. En effet, il y a toujours eu des ventes à la découpe, mais nous sommes aujourd’hui dans une situation nouvelle dès lors que ces ventes ont pris une tournure spéculative.

Il s’agit de s’en prendre non pas au petit propriétaire qui revend un immeuble acquis par sa famille au fil des décennies, mais à tous les spéculateurs immobiliers dont l’action empêche les élus locaux de mener une politique d’aménagement équilibrée et propre à maintenir l’ensemble des catégories sociales au cœur de nos villes.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement.

M. Christian Decocq, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. La commission n’a pas examiné cet amendement. Je m’exprimerai donc à titre personnel et cela me donnera l’occasion d’évoquer la notion d’équilibre, qui est extrêmement complexe et justifiera souvent le rejet par la commission de certains amendements.

Au fil des auditions en commission et de nos discussions – c’est le rapporteur qui vous parle plus que le député de la majorité –, j’ai pu prendre conscience de l’extraordinaire difficulté de trouver un équilibre entre les bailleurs, les locataires et les investisseurs. Or la mesure que vous nous proposez, madame Billard, est forte et même radicale. Elle nous entraînerait sur des terres inconnues tant en matière économique et sociale – quelles seraient les réactions des uns et des autres ? – que sur le plan juridique. Vous nous conduisez là aux confins des procédures d’utilité publique, voire d’expropriation, et c’est un terrain sur lequel l’on ne peut vous suivre à la faveur d’un simple amendement même si je comprends ce qui en justifie la radicalité. Ce matin, M. Braouezec a bâti quasiment toute son intervention dans la discussion générale autour de ce permis de diviser. C’est vous en dire l’importance ! A titre personnel, je suis défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Le Gouvernement est lui aussi défavorable à cet amendement. La procédure proposée serait en effet attentatoire au droit de propriété. En outre, elle serait extrêmement lourde à mettre en œuvre et serait source de nombreux contentieux. Enfin, elle aurait pour conséquence de figer complètement le marché. Vous disiez vous-même ce matin, madame Billard, qu’il fallait respecter la volonté de certains de rester locataires, ce qui suppose préserver la possibilité de trouver des logements à louer. Il faut donc laisser les investisseurs investir.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je n’ai rien trouvé dans les propos de M. le rapporteur prouvant que le permis de diviser serait une mauvaise chose. J’ai bien compris qu’il ne voulait pas toucher à un équilibre, mais je précise que l’amendement n° 27 affecterait non pas les relations entre les bailleurs et les locataires, mais celles entre les locataires et les investisseurs spéculateurs qui pratiquent la vente à la découpe. Nous nous situons non pas dans le cadre des lois de 1982 et 1989, mais dans l’hypothèse où un investisseur a pour seul objectif de vendre le plus vite possible et au meilleur prix les logements libérés. Nous ne sommes pas dans la logique qu’impose le nécessaire équilibre entre bailleurs et locataires. L’analyse du rapporteur ne tient donc pas. Les exemples cités ce matin par M. Bloche montrent bien que de tels investisseurs n’ont rien à faire des rapports entre bailleurs et locataires, car leur mobile est purement spéculatif.

Ensuite, Mme la ministre nous dit qu’un permis de diviser serait attentatoire au droit de propriété. Comme je l’ai souligné en première lecture, depuis son intégration dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ce droit n’a cessé d’être entamé au nom de principes et d’objectifs que tout le monde approuve. Ainsi ont été adoptées des dispositions particulières relatives à l’expropriation, à la propriété commerciale et à la propriété agricole, au droit de préemption, à la fixation des prix lors des enchères et des surenchères ou encore à l’usufruit. Il ne s’agissait pas de porter atteinte au droit de propriété en tant que tel, mais de servir d’autres intérêts, tout aussi louables. On ne peut donc pas dire que l’on est dans le cadre d’une confrontation entre le droit de propriété et le droit des locataires.

Quant à l’argument selon lequel ce serait une procédure lourde, si le Gouvernement a pu alléger par ordonnances les procédures du permis de construire, il n’y aurait aucune raison que celles du permis de diviser soient complexes, lourdes et difficiles. Nul ne le souhaite ! En revanche, et c’est là l’intérêt de la démarche, le dépôt de la demande permettrait un véritable débat public local, nourri par les éléments du dossier et par la publicité de l’autorisation administrative.

J’ajoute que si nous avions adopté ce permis de diviser en première lecture, nous aurions simplifié le montage juridique. En effet, le texte de Mme Aurillac est passé sous les lames de M. le rapporteur, qui l’a reconstruit. Nous-mêmes avons travaillé dessus et le Sénat l’a complètement restructuré parce qu’il est juridiquement complexe. Le principe d’un permis de diviser me semble donc le bon, et je vous appelle à le retenir.

M. le président. La parole est à Mme Martine Aurillac.

Mme Martine Aurillac. Voilà un amendement on ne peut plus radical ! Que vous le vouliez ou non, monsieur Le Bouillonnec, un permis de diviser modifierait complètement l’équilibre sur lequel nous avons travaillé. Il est possible de favoriser la concertation entre bailleurs et locataires sans pour autant empêcher l’investissement. Certains investisseurs sont en effet parfois obligés de vendre : les compagnies d’assurance, par exemple, pour faire face à de grands incendies dans Paris. L’objectif que nous devons poursuivre n’est pas de brider les investisseurs à tout prix, mais de protéger les locataires qui ne peuvent pas acheter et de permettre à ceux qui le peuvent de le faire en stoppant autant que faire se peut toute spéculation immobilière abusive. Ce sont les intermédiaires qui n’apportent aucune plus-value que nous devons plutôt viser. Tel est le but de ce texte.

Par ailleurs, puisque vous souhaitez une sorte de publicité, je vous signale que le Sénat a adopté un amendement très utile qui instaure une obligation d’informer le maire, notamment les maires d’arrondissement, de toute vente de ce type.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 27.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article 1er

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 9.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En réécrivant l’article 1er, le Sénat a relevé le seuil d’application du droit de préemption à plus de dix logements, alors que l’Assemblée, suivant Mme Aurillac et notre rapporteur, l’avait fixé à plus de cinq. Cet amendement vise donc à revenir à notre texte sur ce point, même si nous manquons d’éléments statistiques sur le contenu des opérations. Touchons-nous ou non au processus successoral, ou les grands « institutionnels » seront-ils seuls affectés ? A ce sujet, je voudrais souligner que ce ne sont pas les compagnies d’assurance qui posent problème, comme je l’ai noté dans ma commune. Elles se montrent en effet généralement respectueuses des équilibres existants, contrairement aux commercialisateurs qui achètent en bloc pour revendre. Nous proposons donc de ramener le seuil à cinq logements et je me félicite que la commission ait jugé cette demande légitime.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Decocq, rapporteur. M. Le Bouillonnec a rappelé que la commission avait émis un avis favorable et a lui-même développé tous les arguments qui plaident en faveur de cet amendement, soulignant en particulier que c’est l’Assemblée qui, lors de la première lecture, a fixé le seuil à plus de cinq logements. En le portant à plus de dix, le Sénat a réduit, de manière mécanique et arithmétique, le nombre de locataires pouvant bénéficier de cette mesure. Loin de moi tout esprit de provocation, mais je rappelle à M. Le Bouillonnec que la proposition de loi de Mme Aurillac vise avant tout, comme l’indique son nom, à la « protection des locataires ».

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je m’intéresse davantage à une autre partie du titre : « en cas de vente d’un immeuble » à la découpe !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Nous avons déjà eu cette discussion lors de la première lecture. Si le Sénat a retenu le seuil de dix logements, c’est parce que, dans les accords collectifs, c’est toujours le chiffre de dix qui est mentionné. Or, en l’occurrence, ce sont bien les institutionnels et les SCI qui sont visés, et en aucun cas les particuliers.

Mais, sur ce sujet, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …qui est grande !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 11.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet amendement vise à prolonger de six à douze ans le bénéfice de la situation locative des occupants, lorsque le vendeur s’engage à maintenir le bail. Nous souhaitons prolonger cette durée, car six ans forment, somme toute, un laps de temps extrêmement bref, même si c’est le délai maximum des contrats de location, puisque la quasi-totalité des baux des personnes morales sont précisément d’une durée de six ans.

À mes yeux, on ne peut limiter à une durée aussi brève l’occupation par le « locataire ou occupant de bonne foi », pour reprendre les termes de l’article 1er. C’est pourquoi nous souhaitons l’allonger à douze ans, ce qui va dans le sens des dispositions que nous voulons prendre pour rééquilibrer le dispositif au profit des locataires ne pouvant pas accéder à la propriété.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Decocq, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. Point n’est besoin de nombreux commentaires. Je connais le caractère lassant de la répétition, mais je répète que la notion d’équilibre est fondamentale. Une durée de six ans est déjà importante. Il serait manifestement excessif de l’allonger à douze.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Le Gouvernement partage l’avis de la commission. Nous le savons tous : un bail passé avec une personne physique est de trois ans et, avec un institutionnel, de six ans. En outre, la durée que l’amendement propose d’allonger commence à partir du transfert des clés. C’est dire qu’elle est suffisamment longue. Voilà pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je souligne que la situation de l’occupant, au lendemain de l’opération, est différente selon qu’il se trouve locataire d’une personne physique ou d’une personne morale. Certes, le dispositif s’applique pour une durée de six ans en cas de renouvellement, mais je rappelle que la personne morale de droit privé a beaucoup plus de difficulté à reprendre les lieux qu’une personne physique, qui peut ne pas renouveler le bail ou donner congé à son locataire si elle veut occuper le logement elle-même ou le vendre.

La limitation de six ans prévue par le texte occasionnera des mutations de patrimoine qui placeront à nouveau l’occupant dans les mêmes difficultés que celles auxquelles nous voulons mettre fin. C’est pour cela que nous avons déposé cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 10.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous avons déjà eu, en première lecture, un débat sur la question du diagnostic. J’avais apprécié que l’ensemble de mes collègues, ainsi que Mme la ministre, aient considéré qu’il s’agissait d’un problème important. Mme la ministre avait d’ailleurs indiqué qu’elle souhaitait que le texte évolue à ce sujet au cours de la navette.

La rédaction retenue par le Sénat prévoit qu’un diagnostic technique soit fourni au locataire par le bailleur qui notifie la vente. Elle prend soin de préciser, signe que le problème n’est pas anodin, que cet audit doit être fait par quelqu’un qui ne doit avoir « aucun lien » avec le bailleur. On comprend pourquoi. Mais, monsieur le rapporteur, je vous sais homme de justice : reconnaissez qu’il sera très difficile de savoir qui fait quoi dans ce genre d’affaire. Je ne suis pas certain que la seule déclaration d’intention du législateur suffise à garantir l’indépendance de l’auteur de l’audit par rapport à l’opérateur. Je suis même sûr du contraire !

Il ne suffit donc pas d’imposer un audit. Encore faut-il que l’audit soit contradictoire, c’est-à-dire que les occupants y soient partie prenante ou y soient représentés, ce qui est la règle dans toutes les procédures de ce type. Pour être incontestable, un audit doit être contradictoire. Personnellement, je peux citer nombre d’exemples dans lesquels, manifestement, l’architecte qui a fait le constat ignore ce qu’est un dernier étage d’immeuble, ne regarde pas une cage d’ascenseur, ignore les termes des décrets qui vont obliger tous les copropriétaires et les bailleurs à rectifier ou à modifier l’ensemble des ascenseurs pour des coûts insurmontables, quand il n’oublie pas purement et simplement la dernière réglementation en vigueur sur l’évacuation des fumées, sujet sur lequel nous avons tous travaillé et auquel nous sommes particulièrement sensibles. Je ne suis pas persuadé que ce débat soit ouvert dans des conditions qui permettent la parfaite information de tous. Et ne parlons pas de l’aspect réglementaire et de la question des ravalements !

Ce qu’il faut éviter, c’est que, au lendemain de la transaction, les copropriétaires se retrouvent non seulement exsangues, parce qu’ils viennent de payer leur appartement, mais obligés de réaliser dans la copropriété des travaux qu’ils ne pourront pas assumer. Cela reviendrait à ouvrir le champ à de nouvelles copropriétés dégradées.

J’insiste également sur la nécessité que les travaux identifiés par ce diagnostic soient à la charge du vendeur. En effet, si, depuis vingt ans, le locataire a payé ses loyers pendant que le propriétaire n’exécutait pas de travaux, il est inacceptable que, recevant de plein fouet la nouvelle de la vente et contraint d’acheter l’appartement fort cher, il doive ensuite faire les travaux à ses frais. C’est pour cela que nous proposons, outre un audit contradictoire, une évaluation des travaux figurant dans le diagnostic, de manière que ceux qui incombaient au propriétaire au titre des règles de sécurité soient effectivement assumés par le vendeur et non par l’acheteur.

Notre amendement essaie de résoudre un problème de fond. Je regrette que nous n’ayons pas tenu compte de la proposition que vous aviez faite en première lecture, madame la ministre, en suggérant d’aller plus loin dans la prise en charge. J’ai relu votre intervention à ce sujet, qui était très claire. C’est alors que nous aurions dû introduire l’obligation d’un audit contradictoire, dûment notifié, et d’une prise en charge par le vendeur des travaux dits de sécurité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Decocq, rapporteur. Cet amendement, qui vise à garantir l’impartialité et l’indépendance de l’audit, pose en fait deux questions.

De manière générale, nous avons construit, tout au long de ce texte, un régime quasiment sui generis autour d’une situation spécifique qui nous a tous frappés. C’est le cas pour ce diagnostic, qui existait par ailleurs dans notre corps de droit, mais pour des immeubles anciens. Il était donc légitime d’appliquer cette mesure à d’autres situations. Toutefois, le Sénat a ajouté – ou surajouté – que l’audit devait obéir à des règles d’indépendance et d’impartialité. Mais ne s’agit-il pas de règles presque objectives ?

Vous savez bien, mes chers collègues, que, en tant que législateurs, vous offrez, par cette seule mention, un moyen de droit à tous ceux qui souffriraient éventuellement d’un audit ou d’un diagnostic partial, non indépendant ou orienté. L’indépendance et l’impartialité sont quasiment des règles de l’art. De même qu’un plombier, pour prendre un autre exemple dans le bâtiment, doit faire des travaux selon les règles de l’art, l’expert doit exercer son métier selon les règles de son art.

Pour ce qui est du financement des travaux, il va de soi qu’il incombe au vendeur, au moment de la mise aux normes. Mais, trois ans après, on tombe dans le droit commun de la répartition entre bailleurs et locataires, prévue par le code civil, et de la qualification des travaux de grosse réparation, qui figure aux articles 606 et suivants du même code.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En effet.

M. Christian Decocq, rapporteur. Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Le Gouvernement est lui aussi défavorable à cet amendement. Au cours des différentes lectures, en particulier après celle de l’Assemblée, nous avons avancé sur la question du diagnostic. Aujourd’hui, le texte précise qu’il doit être réalisé par des personnes indépendantes, en renvoyant aux articles du code de la construction et de l’habitation correspondants. La parfaite information de tous sera ainsi assurée.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je soutiens l’amendement de mon collègue socialiste. Il faut en effet penser non seulement aux textes juridiques, mais aussi aux situations concrètes, qui imposent d’être précis. Aujourd’hui, les locataires victimes des ventes à la découpe ont l’impression de se trouver face à une machinerie énorme, où interviennent experts et avocats. Soumis au stress de se retrouver à la rue et contraints à des délais très courts, ils risquent d’accepter des propositions qu’ils auraient refusées dans d’autres circonstances.

Il est fondamental que l’audit soit contradictoire, d’autant que le texte précise que le diagnostic ne portera que sur « l’état apparent » des bâtiments. Par conséquent, dans certains immeubles, les acquéreurs risquent de se trouver ensuite face à des dégâts qui n’étaient pas apparents, notamment dans le clos. Il faut donc prévoir le maximum de garanties.

M. Christian Decocq, rapporteur. Il y a des règles en ce qui concerne les vices cachés !

Mme Martine Billard. Quant aux travaux, il me semble que les dépenses envisagées ne sont pas celles qui pourraient apparaître dans les trois années à venir, mais celles qui paraissent nécessaires au vu de l’audit et qui doivent être effectuées dans les trois ans. Elles doivent donc être prises en charge par le bailleur pendant cette durée. Il ne s’agit évidemment pas de faire prendre en charge par celui-ci d’autres dépenses, dont la nécessité n’apparaîtrait qu’ensuite.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si la notion de contradictoire nous paraît utile, c’est qu’elle permet, en droit, d’empêcher les parties d’invoquer des vices dans l’élaboration de l’audit. Il ne me semble pas possible que le législateur impose une règle en prévoyant que la seule solution, en cas de non-respect de l’impartialité, soit le procès, surtout quand il a la possibilité de réduire encore les risques de contentieux.

La meilleure solution n’est-elle pas, j’y insiste, de prévoir un audit contradictoire ? Cela empêcherait les parties d’user d’arguments fallacieux ou d’invoquer l’absence d’un examen conjoint de la situation descriptive établie par le rapport. Un audit non contradictoire et pouvant, à ce titre, être contesté par le locataire, serait contraire à la sécurisation que le rapporteur cherche à obtenir, et qui est également conforme à notre objectif.

S’agissant du coût, je rappelle que des problèmes importants se posent lorsque, au lendemain de la création de la copropriété, les copropriétaires, généralement exsangues, découvrent que leurs charges sont plus élevées que celles des locataires – ce qu’ils ne se privent d’ailleurs pas de leur rappeler. Le fait d’avoir à exécuter des travaux est susceptible de créer immédiatement des difficultés dans la gestion de la copropriété.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Decocq, rapporteur. Il nous faut simplifier la vie des gens et faire en sorte que la loi leur rende réellement service. Quand un tuyau est crevé, la canalisation fuit et il n’est pas besoin d’une procédure contradictoire pour le constater. L’expertise doit être faite par un homme de l’art.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce n’est pas une expertise !

M. Christian Decocq, rapporteur. Ne jouons pas sur les mots : il s’agit d’un diagnostic établi par un contrôleur technique indépendant, impartial et qui respecte les règles de son art. L’intérêt du locataire est donc protégé.

Par ailleurs, Mme Billard estime que cette disposition ne va pas très loin, dans la mesure où elle ne concerne que les risques apparents. Je ne voudrais pas donner le sentiment que nous faisons preuve de légèreté dans la défense des locataires. Je rappelle donc que notre droit est très complet et que l’hypothèse évoquée par Mme Billard relève de la théorie du vice caché. La protection des uns et des autres est donc assurée : j’ai été locataire assez longtemps pour le savoir.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Nous avons cherché à assurer une meilleure information du locataire et, surtout, de l’acquéreur potentiel. Dès lors, l’amendement qui prévoyait l’établissement d’un diagnostic avait toute sa place dans le projet de loi. Ce diagnostic, qui figure désormais dans le texte, permet, avec les dispositions du code de l’urbanisme sur lesquelles il s’appuie, de déterminer clairement l’état de l’immeuble et de fournir une information précise aux acquéreurs, conformément à l’objectif du Gouvernement. Nous ne souhaitons pas aller plus loin. C’est pourquoi nous demandons le rejet de cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 1 de la commission.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Christian Decocq, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 30.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Il s’agit de prévoir que toute violation des dispositions d’un accord rendu obligatoire par décret peut entraîner, à la demande du locataire concerné, la nullité de la notification de l’offre de vente.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Decocq, rapporteur. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission, mais il me semble, madame Billard, qu’il est satisfait par le 3° de l’article 3.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. L’article 3 va même plus loin que l’amendement de Mme Billard puisqu’il prévoit que la nullité est obligatoire. Nous sommes donc défavorables à l’amendement.

M. le président. Faites un beau geste, madame Billard, et retirez l’amendement n° 30…

Mme Martine Billard. Non, je le maintiens.

M. Christian Decocq, rapporteur. Mme Billard n’oublie pas qu’elle appartient à un parti politique attaché au principe de précaution ! (Sourires.)

Mme Martine Billard. Absolument !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 30.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 2.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Christian Decocq, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 3 de la commission est également rédactionnel et le Gouvernement y est favorable.

Je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 12.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le dispositif adopté par le Sénat permet au locataire occupant de bénéficier d’un délai de quatre mois pour accepter l’offre de vente, puis d’un délai identique pour réaliser la vente. Nous souhaitons que ce deuxième délai soit porté à six mois. Nous considérons en effet que les situations des parties ne sont pas équilibrées. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avions demandé, en première lecture, que le premier délai soit de quatre mois, et nous sommes satisfaits que le Sénat ait adopté cette disposition.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Avec l’accord du Gouvernement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Oui, mais le député de base que je suis, madame la ministre, s’irrite de voir le Sénat avoir raison avant l’Assemblée nationale (Sourires), comme il s’irrite que, malgré vos engagements, les textes relatifs au logement continuent d’être examinés par le Sénat avant d’être soumis à l’Assemblée. Mais je reconnais que vous n’êtes pas seule à en décider.

Ces six mois permettraient de monter les dossiers de prêts et ils seraient utiles si, comme j’en rêve, les occupants pouvaient bénéficier du PTZ nouveau. Au reste, le délai de six mois ne doit pas être très éloigné du temps nécessaire au montage des dossiers et à la signature des actes chez les notaires. Il serait tout de même dommage que le locataire se voie opposer par le vendeur la nullité de l’offre qu’il avait formulée si, au bout de quatre mois, l’acte n’est pas signé. Cette situation pourrait être source d’un contentieux supplémentaire, défavorable au locataire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Decocq, rapporteur. Comme M. Le Bouillonnec, la commission s’est demandé si le texte laissait au locataire le temps de se retourner. Or on peut supposer que le délai de réflexion, qui a été porté de deux à quatre mois, lui permet de voir s’il peut mobiliser les moyens nécessaires à l’achat. Et s’il décide de recourir à un emprunt, il disposera de quatre mois supplémentaires avant de réaliser la vente. Quatre plus quatre font huit…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais quatre plus six font dix ! (Sourires.)

M. Christian Decocq, rapporteur. La commission, a estimé, dans sa sagesse, que c’était suffisant. Elle a donc repoussé l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement, car il estime logique de respecter la symétrie des délais : quatre mois pour le principal, quatre mois pour le subsidiaire.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 4 de la commission.

M. Christian Decocq, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 5 de la commission est également rédactionnel et le Gouvernement y est favorable.

Je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 6.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Christian Decocq, rapporteur. Cet amendement, qui a trait à l’application du droit de préemption aux cessions de parts sociales, vise à corriger une imprécision rédactionnelle.

Pour éviter que les personnes désireuses d’échapper aux nouvelles contraintes qui pèsent sur la vente en bloc aient recours à la constitution d’une SCI, le Sénat a décidé de préciser que le droit de préemption créé en faveur du locataire lors de la vente en bloc de l’immeuble serait étendu aux cessions de parts sociales, mais uniquement en cas de cession de l’ensemble de ces parts. Sinon, il entrerait en concurrence avec un droit de préemption existant.

Afin de bien préciser ce point, la commission propose une nouvelle rédaction plus claire, dans l’esprit de ce qu’a souhaité le Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour une brève intervention.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il est exact que la constitution d’une SCI pouvait être un moyen de contourner les nouvelles règles, et vous avez bien fait d’en tenir compte. Mais j’attire votre attention sur le fait que l’application du dispositif est restreinte à la cession des parts ou actions d’une SCI portant attribution en propriété ou en jouissance de chacun des logements d’un immeuble.

Je reconnais qu’il est très difficile de trouver une solution pour le cas où les parts de la SCI ne portent pas attribution en propriété ou en jouissance d’un logement, et j’admets volontiers que le Sénat ne pouvait faire que ce demi-pas. Mais je rappelle que cette situation est la plus courante. En effet, les SCI qui portent un patrimoine pour le compte des compagnies d’assurance ou qui sont délégataires de la Caisse des dépôts et consignations n’ont pas le droit de jouissance ou de propriété de tel ou tel logement. Le dispositif ne règle donc pas entièrement le problème.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Decocq, rapporteur. N’ajoutons pas à la confusion. Nous précisons dans cet amendement qu’une part sociale, qui est en quelque sorte un droit abstrait, doit correspondre à un droit d’usage, à un véritable droit immobilier.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pas du tout !

M. Christian Decocq, rapporteur. Si.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Nous en venons aux amendements portant article additionnel après l’article 1er.

Après l’article 1er

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 14.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Afin de renforcer la protection du locataire qui occupe un logement racheté par une personne physique, nous proposons d’introduire une réduction des droits de mutation pour l’acquéreur lorsque celui-ci s’engage à ne pas donner congé au locataire. Cette disposition vise donc à maintenir le statut locatif d’un appartement vendu occupé.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Decocq, rapporteur. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission. Je constate qu’il est en fait très proche du dispositif d’incitation fiscale figurant à l’amendement n° 7 troisième rectification à l’article 1er bis, dispositif auquel, à titre personnel, je donne ma préférence.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Je comprends la fin poursuivie par l’amendement n° 14, qui est de proposer un dispositif de réduction des droits de mutation. Mais alors que cet amendement se traduirait par une réduction automatique des droits de mutation, celui proposé par la commission laisse aux collectivités concernées la possibilité de déterminer la réduction à leur guise. Pour cette raison, le Gouvernement préfère la rédaction de l’amendement n° 7, 3ème rectification. Je vous invite donc à retirer votre amendement, monsieur Le Bouillonnec. À défaut, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je maintiens l’amendement n° 14, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 13.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche. J’ai fait référence, lors de la discussion générale, à l’adoption à l’unanimité d’un amendement, dont j'étais l'auteur, au projet de loi de finances pour 2005. Grâce à la grande sagesse du Gouvernement et à la contribution active du rapporteur général du budget, M. Gilles Carrez, la loi de finances pour 2005 a réduit de quatre ans à deux ans le délai ouvrant droit à l’exonération de droits de mutation dont disposent les marchands de biens pour réaliser leurs opérations à compter de la première acquisition en cas de vente à la découpe. Cette disposition figure actuellement dans le code général des impôts.

Ce fut le premier acte fort marquant la volonté de la représentation nationale d’encadrer sur le plan législatif la vente à la découpe. Je ne reviens pas sur l’historique des épisodes suivants, que M. Le Bouillonnec se plaît à rappeler, et notamment pas sur le refus de la majorité de passer à la discussion des articles de notre proposition de loi, le 10 mars dernier.

Nous en sommes aujourd’hui à l’examen en deuxième lecture de la proposition de loi de notre collègue Martine Aurillac. Cette proposition de loi, même si nous la jugeons insuffisante, a le mérite d’instaurer un nouveau droit de préemption, codifié dans un nouvel article 10-1 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la protection des occupants de locaux à usage d’habitation.

Pour parfaire ce travail législatif et lui donner toute la cohérence souhaitable, il convient d’éviter que le dispositif adopté en loi de finances pour 2005 ne devienne obsolète. Le présent amendement vise donc à ce que l’Assemblée adapte les dispositions de l’article 1840 G quinquies du code général des impôts afin que celui-ci mentionne expressément le nouveau droit de préemption que Mme Aurillac et ses collègues proposent d’adopter et prévoie un droit supplémentaire en cas d’application de ces dispositions.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Decocq, rapporteur. La commission n’a pas été saisie de cet amendement.

En droit fiscal comme en droit pénal, je crois qu’il faut se garder de toute improvisation. Vous voudrez donc bien me pardonner de m’en remettre strictement à mes notes pour vous répondre, monsieur Bloche.

M. Patrick Bloche. Cela m’est arrivé aussi lorsque j’étais rapporteur… (Sourires.)

M. Christian Decocq, rapporteur. L’article 1115 du code général des impôts prévoit que les marchands de biens sont exonérés des droits et taxes de mutation s’ils revendent l’immeuble par lots dans les deux ans suivant son acquisition – M. Bloche connaît parfaitement cette disposition, puisqu’il en est l’auteur.

À défaut de revente dans ce délai, l’article 1840 G quinquies prévoit que le marchand de biens doit s’acquitter du montant des droits d’enregistrement. L’amendement n° 13 propose une pénalité supplémentaire – il ne s’agit donc pas d’un simple ajustement – qui semble inutile dans la mesure où, en vertu du nouvel article 1840 G ter du code des impôts tel qu’il est issu de l’ordonnance du 7 décembre 2005, lorsqu’une exonération de droits d’enregistrement est acquittée avec retard, elle est majorée des intérêts de retard, ce qui en soi est déjà une pénalité.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 13. Au-delà des aspects fiscaux que M. le rapporteur vient, à juste titre, d’évoquer, cet amendement aurait également des répercussions sur l’organisation d’une profession, celle des marchands de biens. Il est évident que l’on ne peut envisager de modifier des dispositions fiscales sans en avoir discuté avec les premiers intéressés. À cet effet, nous allons réunir dès la semaine prochaine les professionnels de l’immobilier, notamment la FNAIM et le CNAB, afin d’ouvrir des négociations avec eux sur divers sujets.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Sans prétendre à une totale maîtrise du droit fiscal, ce que je sais de cette matière m’encourage à insister pour défendre mon amendement. Je veux d’abord souligner que je n’ai pas créé un délai de deux ans ouvrant droit à l’exonération de droits de mutation, mais simplement ramené, par un amendement, ce délai de quatre ans à deux ans – faute, d’ailleurs, d’avoir pu supprimer purement et simplement l’exonération.

Nous avions montré, il y a un an, notre détermination à encadrer par la loi la pratique des ventes à la découpe. Quel dommage qu’aujourd’hui la création d’un nouveau droit de préemption, proposée par Mme Aurillac, ait pour effet de rendre obsolète cette disposition du code général des impôts !

Madame la ministre, permettez au simple député que je suis de vous donner un conseil – et je vous donnerais exactement le même si j’appartenais à la majorité. Prenez garde à ne pas vous engager dans une démarche lourde et complexe qui n’aboutira à rien, si ce n’est à vous contraindre à prendre des engagements que vous ne pourrez pas tenir et à perdre votre temps. Je puis témoigner que M. Daubresse, qui s’était engagé dans cette voie, l’a ensuite amèrement regretté, et j’aimerais vous éviter cette mésaventure. En cette affaire, faites confiance à la loi, vous ne vous en porterez que mieux.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Je vous remercie de vos conseils, que j’ai écoutés avec beaucoup d’intérêt, monsieur Bloche. Mais serait-il raisonnable de créer un nouvel impôt par un amendement déposé ce matin, qui n’a même pas été examiné en commission ? Vous êtes le premier à souligner l’importance de la négociation. Les rendez-vous sont pris, laissons les négociations se dérouler.

M. Guy Geoffroy.. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 15.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche. Je déplore le rejet de l’amendement n° 13, car contrairement à ce qu’affirme Mme la ministre, il ne visait pas à créer un impôt nouveau, mais simplement à ce que le dispositif adopté en loi de finances pour 2005 ne devienne pas obsolète.

Quant à l’amendement n° 15, il reprend un article de notre proposition de loi, débattue ici même le 10 mai dernier. Je lance à nouveau un appel à la majorité, à notre rapporteur et au Gouvernement : il est grand temps d’instaurer une décote prenant en compte l’ancienneté de l’occupation des lieux au bénéfice du locataire qui souhaite acheter le logement qu’il occupe. Notre amendement propose de plafonner cette décote à 30 % du prix consenti à un autre acheteur. Cette mesure s’inscrit dans l’esprit de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Decocq, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement. Nous en avons déjà longuement débattu, et je vais reprendre les arguments d’ordre économique, juridique, et même moral – pour autant que l’on puisse invoquer la morale quand on fait la loi – qui plaident contre le dispositif proposé.

Sur le plan économique et juridique, comme l’a fait remarquer le professeur de droit Joël Monéger, une telle décote est « l’anti-norme de l’économie de marché. La valeur d’un bien varie non selon son état, mais selon la qualité de l’acquéreur. »

Par ailleurs, le locataire qui rachète son logement ne subit pas à proprement parler de préjudice, à la différence du locataire qui doit le quitter.

Enfin, quel sera le prix de référence du bien vendu ? Le prix moyen pratiqué dans le quartier n’est pas la seule base susceptible d’être adoptée. À défaut de fixation objective de ce prix de référence, on se trouvera tantôt dans une situation pénalisante, tantôt dans une situation d’aubaine. Ce caractère aléatoire n’est pas acceptable.

Sur le plan moral, n’est-on pas en train de transformer un locataire en spéculateur en puissance, dans la mesure où il sera tenté d’acheter son logement en bénéficiant d’une décote, pour le revendre ensuite au prix du marché ?

Après avoir mis en perspective tous ces arguments d’inégale importance, la commission a rejeté l’amendement n° 15.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Je ne comprends pas bien le fond de cet amendement, car la meilleure des décotes ne résulte-t-elle pas du droit de préemption ? Celui-ci permet de faire baisser le prix, sans avoir à se référer à un critère imposé, qui peut se révéler moins avantageux. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Martine Aurillac.

Mme Martine Aurillac. Chacun conviendra que la meilleure décote est effectivement celle offerte par le droit de préemption. J’ajoute que le critère de l’ancienneté – un critère au demeurant très intéressant – a déjà été pris en compte par le biais des délais supplémentaires qui sont accordés.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Monsieur le rapporteur et madame la ministre, je comprends mal votre raisonnement. Cet amendement s’inscrit en effet dans votre démarche puisqu’il vise à permettre au locataire d’acheter le logement qu’il occupe à un prix plus favorable pour lui, en appliquant une décote que nous avons plafonnée à 30 %.

En outre, il est pour le moins surprenant de faire de ce locataire, victime d’une vente à la découpe, un spéculateur en puissance. Nul n’ignore qu’il s’agit souvent de personnes à revenus modestes ou moyens qui occupent depuis vingt ou trente ans leur appartement. Elles cherchent non à spéculer mais à pouvoir rester dans le même logement et le même quartier.

Je suis d’autant plus surpris par votre position que le principe de la décote s’applique déjà aux droits de succession sans qu’il y ait besoin d’un préjudice.

Bref, votre argumentation ne me paraît guère convaincante et je regrette que cet amendement recueille un avis si défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 15.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 16.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet amendement vise à améliorer le dispositif de protection du locataire qui n’est pas susceptible de se porter acquéreur. Ce locataire, qui occupait souvent les lieux depuis longtemps, bénéficiait d’un bail de six ans, renouvelable quasi automatiquement, lorsque le bailleur était une personne morale. Il s’agit par cet amendement de prévoir que le locataire qui avait conclu un tel bail et dont le logement est vendu à une personne physique continue à bénéficier de renouvellements de six ans par dérogation aux dispositions en vigueur selon lesquelles, lorsque le propriétaire est une personne privée, la durée minimale du bail est de trois ans. Nous renforçons ainsi la protection du locataire demeurant dans les lieux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Decocq, rapporteur. M. Le Bouillonnec veut introduire une dérogation au droit positif. Or celle-ci est contraire à la logique juridique du bail dont la durée minimale est précisément fixée en fonction de la nature du bailleur. La commission a donc repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 17.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir cet amendement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet amendement prévoit que, si un tiers des locataires refusent l’acquisition de leur logement, ils peuvent demander au maire l’organisation d’une enquête publique. Au vu des éléments qui apparaîtront alors, le maire pourra invoquer la nécessité pour le bailleur de maintenir une offre locative dans la zone concernée.

La majorité, ici même et au Sénat, a souhaité accorder au maire un droit de préemption dès le moment où la vente en bloc était envisagée, en parallèle en quelque sorte au droit de préemption des locataires. Mais nous avons toujours considéré, quant à nous, que ce droit était insuffisant pour permettre au maire de remplir les obligations qui relèvent de l’organisation générale du logement et de l’habitat dans sa commune, et au-delà, pour atteindre les objectifs fixés dans les PLU ou les PLH en termes de mixité ou de diversité de l’offre par exemple.

Si nous nous contentons d’ouvrir le champ de préemption du maire, nous allons limiter les solutions aux villes et communes qui ont les moyens de préempter ou qui sont dotées d’un organisme de logements délégataire du droit de préemption. Cela va donc réduire considérablement la possibilité d’intervention. Cela va également à l’encontre de la volonté que nous partageons tous de ne pas voir ces initiatives d’investissement compromettre par trop la diversité des quartiers et l’équilibre entre accédants à la propriété et locataires sociaux ou du secteur locatif libre.

Nous proposons donc, au-delà du droit de préemption, de doter la collectivité d’un instrument supplémentaire. Cet amendement prévoit ainsi que le maire peut prendre un arrêté suspendant l’opération lorsqu’il apparaît qu’elle aurait des conséquences trop graves.

Ce matin, Patrick Bloche a donné des exemples concrets. Ainsi, la société Sorege 3, qu’il a précisément dénoncée, n’a que faire des engagements qu’elle prend à l’égard des élus. Elle a mis en vente dans la confidence 120 logements. Elle avait assuré au maire, les yeux dans les yeux, que 80 de ces logements seraient destinés à l’accession et 40 au logement social. Mais ce n’est pas ce qu’elle a fait. Ces belles déclarations n’étaient qu’un écran de fumée pour empêcher le maire d’intervenir. C’est un véritable scandale.

S’il s’agissait uniquement de bailleurs honnêtes, qui, pendant des années ont été attentifs à leur immeuble et à leurs locataires, il n’y aurait pas de problème. Mais, je l’affirme ici, ceux qui s’engagent dans ces processus et qui continueront à procéder ainsi si nous n’intervenons pas, n’ont rien à faire des locataires. Ils veulent vendre le plus vite possible et le plus cher possible, au mépris de la parole donnée. Pour eux, tous les artifices sont bons. Nul, ici, ne peut l’accepter. Le Journal officiel montrera qu’au moins quelqu’un a élevé la voix pour dire que c’était inacceptable.

M. Patrick Bloche. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Decocq, rapporteur. Défavorable. Ce problème a été déjà largement évoqué avec Mme Billard.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Même position que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article 1er bis

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 7, troisième rectification.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Christian Decocq, rapporteur. Cet amendement, qui propose une nouvelle rédaction de l’article 1er bis, apporte les corrections techniques nécessaires afin de permettre au dispositif fiscal d’être appliqué.

Monsieur le président, il faut cependant apporter une correction supplémentaire à cet amendement, et supprimer les termes « Par dérogation, » au début du texte proposé pour les articles 1584 bis et 1594 F sexies.

M. le président. L’amendement est ainsi rectifié.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Je remercie le rapporteur pour cette nouvelle rédaction parfaitement opérationnelle pour l’administration fiscale du dispositif proposé par le Gouvernement au Sénat. Avis très favorable à cette importante avancée.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7, quatrième rectification.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, ce texte devient l’article 1er bis.

Article 2

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques nos 18 et 31.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l’amendement n° 18.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous nous souvenons tous des événements qui ont présidé aux travaux de la commission nationale de conciliation, du caractère fructueux de ses conclusions, puis de l’opposition des organisations de locataires et de la fureur extrême du ministre de l’époque, M. Daubresse, que nous apprécions par ailleurs et qui est redevenu notre collègue. Il espérait évidemment, la commission ayant abouti, que les associations de locataires ne dénonceraient pas l’accord et que celui-ci pourrait être étendu.

Ce refus, on le sait, est l’acte fondateur de la démarche législative d’aujourd’hui. Je précise, pour les avoir auditionnés comme M. le rapporteur, que les représentants des associations de locataires manifestaient le souhait de ne plus s’inscrire dans la démarche de conciliation pour entrer dans le cadre de la loi. Ils demandaient en réalité au législateur de trancher. Tout comme eux, nous avons donc considéré comme une sanction la décision prise par l’Assemblée en première lecture de changer l’accord de la commission nationale en simple avis. Cela vidait en effet la concertation de tout contenu. C’était en outre totalement contradictoire avec les déclarations du ministre, qui reprochait toujours aux locataires de ne pas entrer dans le processus de conciliation. Mais la sanction est tombée : puisque les associations s’étaient montrées critiques, il fallait les empêcher de s’exprimer à l’avenir.

Nos arguments n’ayant pas été retenus en première lecture, le Sénat a repris le dossier en « la jouant fine », si j’ose dire. La position consistant à supprimer l’exigence d’un accord étant difficile à tenir, y compris pour le Gouvernement, le Sénat s’est contenté de fondre les organisations représentatives des locataires et des bailleurs dans un collège unique si bien qu’il n’est plus nécessaire d’obtenir la majorité dans chacun des deux collèges, mais simplement celle de l’ensemble de la commission. Avec de telles règles, le texte qui avait été refusé par les associations de locataires aurait été accepté.

Madame la ministre et monsieur le rapporteur, je suis certain que vous voulez défendre la concertation. Laissez donc le processus de conciliation aller jusqu’à son terme ! Ne biaisons pas le débat ! Cela ne pourrait que faire naître de nouvelles tensions. Vous allez réduire le champ d’action dont vous devez bénéficier pour trouver la meilleure voie dans la négociation entre les propriétaires bailleurs et les locataires.

Je propose donc, par cet amendement, de supprimer l’article 2 pour en revenir au dispositif précédent, qui a fait ses preuves et qui a notamment permis au premier accord collectif d’être étendu. Les associations de propriétaires et de locataires, dans leur vocation et leurs compétences respectives, ont pu faire valoir la position de leurs mandants.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l’amendement n° 31.

Mme Martine Billard. « On ne peut pas modifier des pratiques fiscales sans en avoir parlé avec les principaux intéressés », nous avez-vous dit, madame la ministre. Étendons ce principe au sujet qui nous intéresse ici. La modification introduite par l’Assemblée, puis de façon beaucoup plus subtile par le Sénat, consiste en effet à modifier les règles fixées dès lors que le résultat du processus de concertation déplaît au Gouvernement. On écarte alors la concertation et on impose.

Si, à chaque fois qu’un processus engageant plusieurs partenaires ne se conclut pas de la façon escomptée par le gouvernement en place, celui-ci se débrouille pour faire voter une disposition modifiant ou supprimant ledit processus…

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Ne caricaturez pas !

Mme Martine Billard. C’est exactement ce qui se passe, madame la ministre, même si c’est sous une forme plus subtile, s’agissant de la nouvelle rédaction de l’article 2. Si les gouvernements procèdent ainsi, nous allons passer notre temps, législature après législature, et même au sein d’une même législature, à modifier constamment les dispositifs pour essayer d’aboutir toujours au résultat escompté. En l’occurrence, la modification consiste à prévoir que c’est la majorité de l’ensemble des représentants – propriétaires et locataires – qui sera dorénavant prise en compte.

Introduire ce type de disposition n’est pas de bonne politique. Cela règle peut-être le problème aujourd’hui, mais demain, personne ne sait ce qui se passera et à quels résultats on aboutira.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Absolument ! Vous verrez, madame la ministre !

Mme Martine Billard. Vous serez peut-être malheureux d’avoir introduit une telle disposition !

On a un peu trop tendance de nos jours à légiférer sous la pression de l’opinion publique ou après tel ou tel drame. Gardons-nous aujourd’hui de modifier la loi pour faire plaisir au Gouvernement ! J’en appelle à la sagesse de l’Assemblée pour supprimer cet article et rétablir la règle antérieure.

M. le président. Madame Billard, en appeler à la sagesse de l’Assemblée est l’apanage du ministre ! Vous serez peut-être à sa place un jour, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui ! (Rires.)

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. C’est tout le mal que je vous souhaite, madame Billard !

Mme Martine Billard. Monsieur le président, je dis ce que je souhaite en tant que parlementaire !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Decocq, rapporteur. La commission s’inscrit dans la mécanique parlementaire. Je ne reviens pas sur l’historique de ce texte, car vous l’avez fort bien décrit, monsieur Le Bouillonnec. En juin, nous avons choisi le dialogue et la concertation pour sortir d’une situation de blocage et de polémique. À l’époque, il a semblé aux députés de la majorité, dont votre rapporteur, que substituer le dialogue au blocage était une solution satisfaisante. Et je m’apprêtais, je ne m’en cache pas, à vous proposer la même chose, sans forcément m’en tenir à la sagesse du Sénat. Après mûre réflexion, je crois sincèrement, comme l’ensemble de la commission, que la solution proposée par les sénateurs – une majorité d’opposition englobant les deux collèges – ne sera pas l’enfer que vous nous prédisez ! Nous avons déjà notre purgatoire ! (Sourires.) Cette solution est sage, et c’est ce que vous propose la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Revenons à des propos plus laïques… Nous avons constaté que le Sénat avait voulu rétablir le droit d’opposition. Le Gouvernement l’a accepté, après une discussion importante ici même, à l’Assemblée nationale. Ce dispositif est beaucoup plus équilibré, il a l’énorme avantage de ne pas nous paralyser et il procède d’un compromis. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à ces deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 18 et 31.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2.

(L’article 2 est adopté.)

Après l’article 2

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 28 rectifié, portant article additionnel après l’article 2.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Cet amendement vise à étendre à tous les locataires le régime protecteur de la loi de 1948 pour lutter contre les travaux abusifs auxquels les locataires ne peuvent s’opposer.

Cette mesure est importante, car de nombreux propriétaires d’immeubles soumis à la vente à la découpe utilisent cette façon de faire pour décourager les occupants de rester dans les lieux. Ils entreprennent des travaux, souvent assez lourds, sur les parties communes ou la toiture, pour faire de la vie quotidienne des locataires un enfer. La seule solution pour les locataires est d’intenter une action en justice, mais cela coûte cher, dure de longs mois et n’est pas toujours possible, par exemple lorsque les locataires sont majoritairement des personnes âgées, pour qui ces démarches sont difficiles et qui voudraient bien terminer tranquillement leur vie dans un logement où elles vivent souvent depuis longtemps.

Il est indispensable d’étendre cette protection à l’ensemble des locataires en autorisant les travaux réalisés dans des conditions correctes et en excluant les travaux abusifs, caractérisés par de mauvaises conditions d’hygiène ou par le travail au noir, fréquent dans le secteur du bâtiment.

J’insiste sur l’importance de cette disposition, qui protégerait réellement les locataires sans interdire – malheureusement, de mon point de vue – les ventes spéculatives. Celles-ci existeraient toujours, mais les occupants seraient un peu moins stressés !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Decocq, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement, mais votre rapporteur, qui en a été saisi à onze heures seize, y est défavorable. Si j’ai bien suivi votre raisonnement, madame Billard, vous souhaitez un dispositif d’encadrement aussi protecteur que celui de la loi de 1948. C’est donc qu’il existerait un vide juridique…  J’ai cherché dans le code civil pour voir ce qu’il contenait à ce propos et je me suis aperçu qu’il n’y avait pas de vide juridique : l’article 1724 répond parfaitement à votre attente et le droit commun met à l’abri les locataires de cette sorte de harcèlement physique que vous dénoncez à juste titre. Le droit positif existe et je ne souhaite pas, à titre personnel, ajouter une mesure sui generis à notre dispositif de protection des locataires.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Considérant qu’il vaut mieux éviter la confusion et engager une concertation avant de prendre ce type de décision, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je vous assure, madame la ministre et monsieur le rapporteur, que cette pratique existe, en particulier dans des immeubles de ma circonscription du centre de Paris. Il s’agit souvent d’immeubles anciens, dont certains sont pourtant soumis à l’avis des Bâtiments de France. Le code civil n’a pas résolu le problème de ces locataires, qui ont été contraints d’intenter une action en justice. Or certains n’ont pas les moyens, d’autres pas la force d’entreprendre une telle démarche.

M. Christian Decocq, rapporteur. L’article 1724 du code civil est suffisant !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Il faut négocier avant !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 28 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article 2 ter

M. le président. Le Sénat a supprimé cet article.

Article 3

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 29.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Cet amendement vise à interdire l’usage du congé pour vente pendant un délai de six ans après la vente en bloc ou la mise en copropriété d’un immeuble collectif d’au moins dix logements. Cette disposition est le seul moyen de protéger les locataires déjà soumis à un congé pour vente et leur donner le temps de se retourner.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Decocq, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement, mais le rapporteur, saisi à onze heures seize, considère, madame Billard, que l’article 1er répond à vos préoccupations.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Après l’excellent amendement de Mme Aurillac, adopté en première lecture, fixant un délai de protection minimal de deux ans dans tous les cas, l’article 3 sanctionne le non-respect de l’engagement de maintenir l’immeuble sous statut locatif lors de la vente en bloc. Je pense que nous avons suffisamment protégé et encadré les locataires, et c’est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 29.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 19.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet amendement a pour objet de toujours mieux protéger le locataire qui ne peut pas être accédant en lui permettant de bénéficier d’un bail prolongé par un droit de suite des dispositions prévues par l’accord.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Decocq, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 19.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 8 de la commission.

M. Christian Decocq, rapporteur. Amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 33 et 32, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l’amendement n° 33.

Mme Martine Billard. Cet amendement vise à protéger les personnes fragiles, c’est-à-dire les locataires âgés de plus de soixante-cinq ans ou dont les ressources sont inférieures ou égales à 100 % des plafonds prévus à l’article R. 391-8 du code de la construction et de l’habitation, et les locataires placés dans une situation de difficulté grave telle qu’un état de santé présentant un caractère de gravité reconnue, un handicap physique ou une dépendance psychologique. Je précise que l’âge du locataire serait apprécié à la date d’échéance du contrat.

Comme vous le savez, dans certains quartiers de nos villes, les ventes à la découpe frappent des immeubles occupés par des locataires âgés. Ceux-ci sont particulièrement fragiles car il leur est difficile d’obtenir un emprunt bancaire. Je vous rappelle que tout demandeur d’emprunt doit justifier de son état de santé. Même si un certain nombre de garanties existent déjà, il est nécessaire de les renforcer : c’est l’objet de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l’amendement n° 32.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Notre amendement n° 32 a le même objet. Mais je m’aperçois qu’il doit être rectifié, car il dispose : « lorsque le bailleur vend par lots un immeuble de plus de dix logements », ce qui correspond au seuil retenu par le Sénat. Or nous venons de voter à l’article 1er un amendement qui étend le champ du texte aux immeubles de plus de cinq logements. Je souhaite donc, monsieur le président, rectifier l’amendement n° 32 en écrivant « de plus de cinq logements ».

Nous n’avons fait que reprendre le dispositif facultatif de l’accord conclu en 1998 et rendu obligatoire en 1999. Dans la mesure où tout le monde le juge positif, inscrivons-le dans la loi. Il a le mérite d’être clair. De plus, cette mesure atténuerait les reproches qui pourraient vous être faits de ne vous soucier que des acquéreurs potentiels et démontrerait que la protection des locataires occupants vous intéresse aussi.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Ne caricaturez pas !

Mme Martine Billard. Monsieur le président, la même rectification s’impose pour mon amendement.

M. le président. En effet.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 32 et 33, ainsi rectifiés ?

M. Christian Decocq, rapporteur. La commission ne les a pas examinés, mais nous en avons déjà discuté en première lecture. Les arguments sont les mêmes et je les reprends à titre personnel : les locataires de plus de soixante-dix ans bénéficient déjà – sous conditions de ressources – d’un certain nombre de garanties, les accords collectifs de location leur offrant généralement des protections complémentaires. Concernant votre suggestion, mon cher collègue, je laisse le Gouvernement vous répondre.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements pour la raison suivante : la protection des personnes les plus fragiles est prévue dans le cadre de l’accord collectif et je confirme que celui-ci sera étendu dès lors que le présent texte aura été promulgué. Cela montre, monsieur Le Bouillonnec, que le Gouvernement recherche un dispositif équilibré, prenant en compte aussi bien les intérêts des locataires que ceux des acquéreurs potentiels.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Madame la ministre, je vous remercie d’avoir rendu hommage à l’accord collectif, lequel a été acquis à la majorité des deux collèges : cela montre que la structure de la commission nationale qui existait jusqu’à ce texte donnait d’excellents résultats.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. C’est un peu tiré par les cheveux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est un élément essentiel : tout le monde reconnaît l’intérêt de l’accord qui a été étendu en 1999. Or il est le fruit de la concertation entre propriétaires et locataires : hommage leur soit rendu, madame la ministre !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Dans ce cas, pourquoi le dernier accord n’a-t-il pas été étendu ?

M. le président. Monsieur Le Bouillonnec, ne souhaitez-vous pas répondre à la question de Mme la ministre ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr que si, monsieur le président, mais je n’ai guère l’habitude que vous m’accordiez un supplément de temps de parole.

M. le président. Le dialogue est si fécond…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je vous l’ai déjà dit, madame la ministre, et M. Decocq l’a entendu comme nous puisque nous avons auditionné les associations ensemble : c’est à contrecœur qu’elles sont entrées dans la négociation ouverte par M. Daubresse, car elles ne souhaitaient plus qu’on ait recours à la technique de l’accord collectif, compte tenu de la difficulté des rapports qui s’étaient établis. Aussi ont-elles demandé l’intervention du législateur.

Le ministre a néanmoins convoqué la commission et participé au débat. Au départ, deux associations de locataires ont approuvé ce texte, que les autres ont refusé, comme elles en avaient le droit, mais je crois savoir que celles qui l’avaient d’abord approuvé ont fini par le dénoncer − ce qui s’explique par l’importance du débat interne dans ces structures.

Je persiste à penser que vous vous privez d’un instrument extrêmement intéressant, qui permet d’engager le débat entre propriétaires et locataires. Il me semble en effet que l’accord collectif de 1998, étendu en 1999, prouve que l’on pourrait aujourd’hui encore parvenir à des solutions équitables, et qu’une ministre telle que vous, madame, ne manquerait pas de rendre applicables au moyen de la procédure d’extension.

M. Guy Geoffroy. Il y met de la pommade !

M. le président. Monsieur Le Bouillonnec, c’est un bel hommage que vous rendez à Mme la ministre !

M. Guy Geoffroy. Hommage mérité !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je passe mon temps à lui rendre hommage !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 33 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 32 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié par l’amendement n° 8.

(L’article 3, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 3

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 20, visant à introduire un article additionnel après l’article 3.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet amendement prolonge celui qui a été adopté en loi de finances pour 2005, à l’initiative des députés socialistes. Il consiste à ramener le délai d’exonération des droits de mutation bénéficiant aux personnes utilisant le régime fiscal des marchands de biens à un an, lorsqu’il s’agit d’une vente à la découpe. Le délai conditionnant l’exonération serait fixé à quatre ans lorsque l’engagement serait pris de ne pas utiliser le congé pour vente. Il serait porté à six ans pour les organismes sociaux qui s’occupent de redresser les copropriétés en difficulté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Decocq, rapporteur. La commission n’a pas été saisie de cet amendement mais, dans la mesure où nous avons déjà examiné, à l’article 1er bis, une disposition fiscale qui nous semble appropriée, je suis, à titre personnel, défavorable à cette proposition.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 20.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 23.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet amendement tend à instaurer un moratoire sur les ventes à la découpe.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Decocq, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 23.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 24.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je souhaite développer un peu l’exposé sommaire de cet amendement, bien qu’il ait le même objet que le précédent. Nous avons engagé un processus assez laborieux, qui n’aboutira qu’au printemps prochain. Pour l’heure, la situation des immeubles vendus à la découpe n’est toujours pas réglée et ceux qui se sont battus contre les difficultés que nous évoquons depuis l’ouverture de nos débats ne seront pas protégés par cette loi. N’y a-t-il pas là une injustice criante ? Cela revient à donner une prime aux spéculateurs qui ont su être rapides pour engranger de gros profits. Nous avons évoqué quelques cas aujourd’hui, Patrick Bloche et moi-même, et chacun en connaît. Nous proposons donc de suspendre les ventes à la découpe chaque fois que le processus de vente des immeubles n’est pas totalement achevé. C’est le moins que nous puissions faire en faveur de citoyens qui, soumis à ces pratiques, ont les premiers nourri la réflexion, guidant celle du Gouvernement et celle du législateur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Decocq, rapporteur. La loi, une fois publiée, s’appliquera à tous les congés en cours dont le délai de préavis n’est pas encore échu. Ce délai de congé pour vente est de six mois. La commission considère donc qu’il existe déjà une forme de rétroactivité de six mois au maximum. Aller au-delà reviendrait à introduire une insécurité juridique, ce qu’elle ne peut approuver. Elle a donc rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Pour prolonger la démonstration de M. le rapporteur, je ferai remarquer que la rétroactivité serait, je crois, anticonstitutionnelle. C’est pourquoi le Gouvernement rejette également l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’anticonstitu-tionnalité de la rétroactivité du dispositif des lois de 1982 et de 1989 n’a pas été retenue, et elles ont pu s’appliquer immédiatement aux situations en cours. C’était d’ailleurs une nécessité pour éviter d’énormes problèmes et pour ne pas aller à l’encontre de ce que souhaitait le législateur.

Je voudrais cependant, madame la ministre et monsieur le rapporteur, que vous répétiez ce que vous venez d’indiquer, car il ne me paraît pas que le texte du Sénat ait un effet sur les congés en cours. Juridiquement parlant, cette affirmation est, sinon inexacte, du moins contestable. Pouvez-vous confirmer, madame la ministre, que les congés qui ne sont pas purgés sont bien concernés par le dispositif ? Si c’est le cas, vous aurez apaisé une de nos appréhensions et je m’en réjouirai, mais je suggérerai alors une rédaction plus explicite.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Madame la ministre, j’attire votre attention sur tous les locataires qui, confrontés à cette situation il y a un an, se sont battus pour l’intérêt général, mais qui ne pourront bénéficier de ce qu’il faut bien appeler les améliorations − même si nous les jugeons insuffisantes − de la proposition de loi. Accepteriez-vous de recevoir soit les représentants des locataires de ces immeubles, soit les locataires eux-mêmes, de façon à voir ce qu’il est possible de faire pour eux, afin qu’ils n’aient pas l’impression d’avoir été les sacrifiés d’un débat qui aura duré plus d’un an ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, je ne voudrais pas mettre Mme la ministre en difficulté. Je me suis permis de lui demander d’expliciter la réponse déjà très claire qu’elle nous a faite lorsqu’elle a dit que la loi aurait un effet sur les congés en cours. Il ne me semble pas que cela soit aussi évident dans la rédaction du Sénat. Si telle est bien l’intention du Gouvernement, je ne peux que l’encourager à aller jusqu’au bout de sa démarche, car cela répond exactement au problème que nous soulevons. Peut-être Mme la ministre a-t-elle donné une appréciation extensive, mais il est très important de faire toute la clarté possible : si le texte s’applique à tous les congés non purgés à la date de publication de la loi, c’est une excellente nouvelle ; si ce n’est pas le cas, mais que telle est bien l’intention du Gouvernement, faisons en sorte de rédiger le texte, ici ou au Sénat, dans cet esprit.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. À question précise, réponse précise : la loi peut s’appliquer aux congés non purgés.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 24.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 26.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Decocq, rapporteur. Défavorable : cet amendement concerne une situation qui ne peut pas se rencontrer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 26.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Le Bouillonnec, pour défendre l’amendement n° 21.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si vous le voulez bien, monsieur le président, je défendrai également les deux suivants, nos 22 rectifié et 25, qui ont le même objet : il s’agit de donner un statut professionnel aux marchands de biens. Lors du débat en première lecture, nous avions souligné que, parmi les acteurs essentiels des mutations actuelles et des processus de vente et de cession de patrimoines immobiliers, figuraient les marchands de biens, non pas les personnes en tant que telles, mais l’institution, qui n’est pas réglementée, si ce n’est dans sa dimension fiscale. Le marchand de biens ne peut pas rester en dehors du champ de la réglementation qui concerne tous les autres acteurs. Avec ces trois amendements, nous proposons donc que la loi définisse un cadre.

Madame la ministre, bien que vous ayez attaché un certain intérêt à cette question, les choses n’ont pas évolué. Le débat que vous avez ouvert va se poursuivre, si nous avons bien compris, dans les semaines qui viennent. Nous attirons l’attention de tous sur le fait que la proposition de loi doit impérativement s’accompagner d’une organisation, d’une réglementation, voire d’une structuration déontologique de la profession des marchands de biens.

Monsieur le président, je viens ainsi de défendre d’un seul mouvement mes trois amendements.

M. le président. Je vous en remercie, monsieur Le Bouillonnec, et M. Thierry Breton, qui vient de faire son entrée dans notre hémicycle, vous en remercie également : le débat suivant pourra ainsi commencer sans retard.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Decocq, rapporteur. Ces trois amendements portent sur la profession de marchand de biens. Même si, comme tous mes collègues, je suis attentif au sujet que vient d’évoquer M. Le Bouillonnec, notre proposition de loi a pour objet la protection des locataires, et non la suppression de la profession de marchand de biens. Sans doute débattrons-nous de ce sujet un autre jour. De surcroît, ces amendements ne prennent pas du tout en compte les avancées de la proposition de loi dont nous achevons l’examen. La commission les a donc rejetés.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Comme je l’ai dit, la concertation commence avec les professionnels. Vous comprendrez par ailleurs que, devant le ministre de l’économie et des finances, je confirme qu’on n’aborde pas des sujets fiscaux sans en avoir au moins un peu parlé avec Bercy. (Sourires.) Pour ces deux raisons, je suis défavorable à ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 21.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 22 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 25.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Selon nous, le dispositif contre les ventes à la découpe devait régler trois problèmes : garantir aux locataires capables d’acquérir leur logement qu’ils pourront le faire dans des conditions financières convenables ; protéger les locataires qui n’ont pas les moyens de se porter acquéreur de leur logement ; donner aux maires ou aux collectivités territoriales la possibilité d’intervenir pour préserver la mixité sociale et l’équilibre des habitats.

La proposition de loi votée par l’Assemblée nationale était très insatisfaisante. Le Sénat l’a améliorée, en retenant d’ailleurs nombre de dispositions que nous avions défendues en première lecture. Néanmoins, il n’a que très imparfaitement réglé le problème. Surtout, il n’offre pas de protection suffisante aux locataires qui ne peuvent acheter leur logement, ce qui n’est pas acceptable. De même, il ne donne pas la possibilité aux maires ou aux destinataires de l’aide à la pierre d’être des opérateurs, en empêchant d’agir les « investisseurs spéculateurs », que nous savons distinguer des simples investisseurs.

Dans un contexte d’urgence sociale, le texte ne va pas assez loin. Il laisse des gens de côté, en l’occurrence des locataires qui, faute de moyens, seront demain expulsés et viendront grossir le flot des demandeurs de logements sociaux. À un moment où la crise du logement sévit, c’est bien entendu inacceptable. Pour ces raisons, nous voterons contre la proposition de loi.

M. le président. La parole est à Mme Martine Aurillac, pour le groupe de l’UMP.

Mme Martine Aurillac. Nous partageons tous le même objectif : donner un coup d’arrêt...

M. Guy Geoffroy. Dans l’équilibre !

Mme Martine Aurillac. ...à ce phénomène malsain que sont les ventes successives, dites à la découpe, organisées par des intermédiaires qui se comportent comme des marchands de biens et qui réalisent des plus-values tout à fait injustifiables, faute de véritable valeur ajoutée.

Le texte auquel nous sommes parvenus à la suite du travail que nous avons réalisé ensemble, notamment avec notre rapporteur, M. Decocq, et que le Sénat a enrichi, n’est peut-être pas parfait, monsieur Le Bouillonnec, mais il est en tout cas équilibré.

M. Guy Geoffroy. C’est important !

Mme Martine Aurillac. Il fallait en effet mettre un terme à des pratiques abusives, en protégeant les locataires qui ne peuvent pas acheter. Nous ne sommes peut-être pas allés aussi loin que vous l’auriez aimé, mais nous n’avons pas entravé le jeu du marché. En effet, rien ne serait pire dans ce domaine que la rigidité.

Bien sûr, le texte ne réduira pas à néant la crise du logement. C’est à la pénurie de logements qu’il faudrait remédier, problème que les socialistes n’ont pas vraiment saisi à bras-le-corps. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Bloche. Quelle facilité !

Mme Martine Aurillac. Dois-je rappeler que M. Borloo a lancé la construction de 500 000 logements ? Qu’avez-vous fait, vous, sinon pas grand-chose ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est le chiffre que M. Borloo annonce : nous en reparlerons quand vous reviendrez au pouvoir dans trente ans !

Mme Martine Aurillac. Je regrette, monsieur Le Bouillonnec, que vous ne votiez pas ce texte avec nous en dépit de son caractère d’urgence, alors qu’il représente une avancée réelle,...

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Tout à fait.

Mme Martine Aurillac. ...en attendant le projet de loi portant engagement national pour le logement, qui ouvrira bien des pistes.

Notre groupe votera donc cette proposition de loi qui est très attendue. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Decocq, rapporteur. Bravo !

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Offres publiques d’acquisition

Discussion d’un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux offres publiques d’acquisition (nos 2612, 2750).

La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, le dynamisme de nos entreprises est un pan essentiel de la politique de croissance que mène le Gouvernement.

À cet égard, le droit boursier peut être un outil à plusieurs facettes, au service d'un objectif unique : favoriser le développement de nos entreprises, en faisant preuve tout à la fois de respect du droit des actionnaires et de réalisme face à la compétition internationale. La stratégie du Gouvernement vise en effet à renforcer et à stabiliser le capital des entreprises françaises. Cette stabilisation, je m'empresse de le préciser, ne signifie pas pour autant immobilisme, car une entreprise immobile est une entreprise morte. Elle correspond, au contraire, à un mouvement qui se conçoit dans la durée, par opposition à une volatilité préjudiciable aux intérêts de notre économie.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais brièvement mettre en perspective les autres leviers de l'action du Gouvernement qui concourent à cet objectif, et que vous avez appréciés ou aurez à apprécier à l’occasion de textes législatifs.

Vous avez examiné au cours de la session budgétaire plusieurs dispositions qui devraient renforcer l'appétence de nos concitoyens pour l'investissement en actions, et cela dans leur intérêt d'investisseurs. Ces mesures ont été calibrées pour récompenser la fidélité, qu'il s'agisse de prendre en compte la durée d'investissement, grâce au nouveau régime d’imposition à l’impôt sur le revenu des plus-values d’actions à long terme, ou d'éviter des effets pervers, poussant à la vente, en ajustant la fiscalité patrimoniale de l'actionnariat salarié.

À cet égard, le Premier ministre a souhaité donner une nouvelle impulsion à la participation et à l'actionnariat salarié dans notre pays. Je suis convaincu qu'il s'agit d'une stratégie gagnante, pour les entreprises et pour les salariés. Je me réjouis donc de revenir, avec Gérard Larcher, vous proposer au premier semestre 2006, à l'issue d'une large concertation, des mesures de nature à inciter les entreprises à associer leurs salariés au capital et à développer l'intéressement aux résultats, rejoignant en cela au plus près les projets de l'entreprise comme la stratégie d'épargne des salariés.

M. Philippe Auberger. Très bien !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je sais pouvoir compter sur une forte mobilisation de votre assemblée, dont de nombreux membres ont participé à nos réflexions au cours de cette année.

J'en viens maintenant au texte relatif aux offres publiques d'acquisition.

Naturellement, il serait dangereux d'oublier que c'est en premier lieu à l'entreprise elle-même – et à ses dirigeants – qu'il revient d'assurer sa pérennité et son développement, en mobilisant tous ses collaborateurs autour d'une stratégie porteuse d'avenir, et en convainquant ses actionnaires de son bien-fondé. Cependant, il appartient aux pouvoirs publics de définir des règles du jeu équitables, adaptées à une économie mondialisée.

Le projet de loi résulte d'une large concertation – conduite par le groupe présidé par M. Jean-François Lepetit, dont je tiens à saluer une nouvelle fois le travail – qui a notamment porté sur la manière de transposer en droit français les dispositions optionnelles de la directive. La France, vous le savez, a relativement peu de chemin à accomplir pour mettre en œuvre ses dispositions obligatoires, dans la mesure où, depuis 1966, notre droit boursier est l'un des plus complets, des plus cohérents et des plus protecteurs pour les actionnaires minoritaires en Europe.

M. Hervé Novelli, rapporteur. C’est vrai.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. L'essentiel du débat s'est donc concentré sur la transposition des dispositions optionnelles.

Le Gouvernement avait à cet égard deux exigences fortes : renforcer encore la démocratie actionnariale, qui est au cœur de notre droit boursier, mais aussi permettre aux entreprises de disposer de moyens de défense équitables face à d'éventuels initiateurs d’OPA. La protection des actionnaires minoritaires ne doit en rien être synonyme de naïveté à l'égard de la compétition internationale, et celle-ci ne peut être une excuse pour violer les droits des actionnaires minoritaires.

Permettez-moi donc de concentrer mon propos sur les dispositions « phares » du texte, celles sur lesquelles se sont prioritairement et fort logiquement penchés votre rapporteur, Hervé Novelli, et le rapporteur pour avis, Xavier de Roux.

Le projet de loi instaure un nouveau dispositif de retrait obligatoire à la suite de toute offre publique d'acquisition. Il s’agit d’une simplification importante pour les initiateurs, qui n'auront plus à déposer, au préalable, une offre publique de retrait. Pour autant, je tiens à garantir la protection des actionnaires minoritaires : c'est pourquoi j'ai souhaité exercer l'option offerte par la directive, et donc maintenir le seuil de retrait obligatoire à 95 %. Le Sénat s'est rangé à cette ligne, qui était celle de la France lors de la négociation de la directive, en précisant de manière opportune la possibilité d’un retrait de l'offre publique en titres, à la condition que des espèces soient toujours proposées de manière alternative.

Sur la question des compétences de l'Autorité des marchés financiers, un amendement a permis de compléter le texte par une innovation que je crois importante pour la transparence du jeu des offres publiques dans notre pays. Il s’agit de permettre à l'Autorité des marchés financiers d'obtenir, lorsque la situation le justifie, par exemple en cas de rumeurs entraînant des mouvements significatifs sur le cours d'une entreprise, des clarifications nécessaires pour l'information du marché et équitables pour l'entreprise ciblée, qui ne doit pas être déstabilisée. L'Autorité des marchés financiers pourra alors en tirer les conséquences et refuser, le cas échéant, le dépôt d'une offre.

Par ailleurs, le projet de loi contient différentes dispositions permettant d'améliorer de manière utile l'information des actionnaires et des salariés.

J'en arrive aux dispositions de nature optionnelle de la directive. Comme je vous le disais à l’instant, le Gouvernement a cherché un équilibre et je pense sincèrement qu’il y est parvenu.

Le Gouvernement a fait le choix de rendre obligatoire l'article 9 de la directive. Celui-ci prévoit que, en période d'offre, c'est à l'assemblée générale des actionnaires que revient la responsabilité d'approuver toute mesure dont la mise en œuvre est susceptible de faire évoluer l'offre. C'est un principe fort, qui est repris du reste par nombre de nos partenaires européens : six pays de l'Union envisagent d'ores et déjà de le retenir. La contrepartie de cette confiance accordée aux actionnaires est évidemment un fonctionnement facilité et accéléré des assemblées générales. Un pas important a été accompli à l'initiative du Sénat pour faciliter le vote électronique et je m'en félicite.

Ce renforcement de la démocratie actionnariale doit être conjugué avec des mesures permettant de mettre à la disposition de nos entreprises les outils qui leur sont nécessaires pour affronter la compétition internationale.

Pour cela, le Gouvernement a fait le choix d'offrir aux entreprises la possibilité de mettre en œuvre la clause dite de réciprocité. Cela signifie qu'une société française qui fait l'objet d'une offre initiée par une société étrangère n'appliquant pas l'article 9 de la directive ou des mesures équivalentes pourra suspendre l'application de cet article.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Très bien !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Dès le vote de la loi, les sociétés ne seront donc plus dans la situation actuelle, issue de l'ordonnance sur les valeurs mobilières du 24 juin 2004, qui entraîne une suspension automatique des délégations au conseil d'administration en période d'offre.

Je profite de cette intervention pour vous rassurer face aux opinions dissidentes qui contestent la possibilité de mettre en œuvre la clause de réciprocité quand l'article 9 a été transposé. La réciprocité ne serait ouverte qu'aux entreprises qui appliquent volontairement les dispositions optionnelles de la directive. Cette opinion me paraît totalement infondée. Elle est contraire à l'esprit et au texte de la directive. D'ailleurs, plusieurs États ont indiqué lors des ateliers de transposition organisés à Bruxelles par la Commission européenne qu’ils comptaient adopter la solution française du couple « article 9 et réciprocité ». La Commission n'a exprimé aucun doute quant à la conformité de ce choix.

C'est donc en confiance que le Gouvernement vous demande de confirmer le choix de rendre obligatoire l'application de l'article 9, tout en ouvrant la clause de réciprocité sur cet article.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Très bien !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. En revanche, le Gouvernement, comme les gouvernements de la quasi-totalité des pays de l'Union européenne, a choisi de ne pas vous proposer de rendre obligatoire l'application de l'article 11 de la directive. Cet article, qui conduit à suspendre des contrats de droit privé en période d'offre, est en effet trop rigide et a pour conséquence de priver émetteurs et investisseurs de solutions contractuelles concourant, dans des conditions transparentes, à la structuration et à la stabilité de leur capital en permettant des solutions favorables à leur financement.

Ce projet est néanmoins l'occasion d'inscrire dans la loi les deux mesures comprises dans le champ de l'article 11 de la directive qui sont déjà connues en droit français. Il s'agit de la suspension, d’une part, des clauses statutaires qui, en période d'offre, limiteraient les transferts d'actions ; d’autre part, des clauses qui, à l'issue d'une offre réussie, limiteraient l'exercice des droits de vote. Ces dispositions entrent donc dans notre ordre public. Le Gouvernement estime qu'elles constituent un socle nécessaire et suffisant pour assurer la compétitivité de notre environnement juridique.

Au Sénat, la possibilité de prévoir, pour tout ou partie de cet article, le même régime de réciprocité que pour l'article 11 a fait l'objet de discussions préliminaires. J'ai exprimé les raisons qui m'avaient conduit à ne pas proposer la réciprocité, et je crois que nous aurons l'occasion d'y revenir à l'initiative de votre rapporteur.

Tel est donc, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui. Il se caractérise, on ne peut le nier, par une nécessaire technicité. Mais qu'on ne s'y trompe pas, cette technicité est placée au service de choix stratégiques forts en faveur de la compétitivité de notre pays, du point de vue tant des entreprises que des investisseurs. Je suis sûr que ce texte recueillera toute votre attention et je vous remercie par avance de la qualité des débats qui s'annoncent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Hervé Novelli, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui un projet de loi, adopté par le Sénat le 20 octobre dernier, qui vise à transposer la directive n° 2004/25/CE du 21 avril 2005 concernant les offres publiques d'acquisition.

Je ne reviendrai pas sur les avatars de l'élaboration de cette directive, dont la première esquisse date de juin 1985 : c’est dire que les choses ont pris leur temps. Je rappellerai simplement que son objectif est d'harmoniser le droit des OPA en Europe.

Avant d'en venir au fond, je souhaite formuler trois remarques liminaires :

D’abord, je voudrais dire que je suis très heureux de rapporter ce texte. Cela me rajeunit, car cela me rappelle le temps où j’étais jeune manager dans une banque d’affaires américaine. J’ai ainsi pu bénéficier, grâce à vous, monsieur le ministre, d’une actualisation accélérée de mes compétences dans ce domaine.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Bravo !

M. Hervé Novelli, rapporteur. Ensuite, je voudrais féliciter le Gouvernement d’être allé aussi vite pour proposer cette transposition. À cet égard, vous le savez, la France souffre d’un déficit chronique. Je ne parle pas du niveau des déficits qui vient d’être publié et sur lequel vous avez décidé, et je vous en félicite, de communiquer ; je parle du retard de la France en matière de transposition de directive. Si nous faisions jusqu’à présent figure de mauvais élèves, vous renversez la tendance. Après la publication du rapport de M. Lepetit, à qui vous aviez demandé de faire le point sur la question, le Gouvernement a déposé le projet de loi de transposition sur le bureau du Sénat. C’était le 22 septembre. Cette célérité devrait nous permettre de respecter la date limite de transposition, fixée au 20 mai 2006.

Cette situation tranche avec les habitudes prises : je rappelle que nous sommes actuellement dix-huitième sur les vingt-cinq États membres de l'Union européenne pour la transposition des directives du marché intérieur ! Avec ce texte, nous avons peut-être une chance de remonter dans le classement.

Ma troisième remarque liminaire est destinée à accélérer la discussion de ce texte. De nombreux amendements seront proposés par votre rapporteur, mais je crois qu’ils sont nécessaires à la clarté et à la précision du texte. J’ajoute que seuls les amendements rédactionnels incontournables ont été déposés pour ne pas alourdir outre mesure la discussion, et je suggère que leur examen soit accéléré pour que nous nous consacrions aux vrais enjeux de ce débat, que vous avez très clairement rappelés, monsieur le ministre.

La directive européenne constitue un texte équilibré. Elle propose d'améliorer la protection des actionnaires minoritaires, la transparence autour des offres publiques et l'équilibre, très important, entre les actionnaires et les instances dirigeantes des sociétés.

Ce texte est également un outil pragmatique. En effet, l'harmonisation totale des droits nationaux en matière d'OPA étant apparue irréalisable, la directive propose que certaines de ses dispositions puissent faire l'objet d'une mise en œuvre « à la carte ». Ce sont les dispositifs optionnels dont vous avez parlé.

Le projet de loi fait ainsi le choix de transposer l'article 9, qui définit des normes européennes de gouvernance d'entreprise en période d'offre publique. Il prévoit qu'en période d'offre, toute mesure de défense de la société cible doit être approuvée par l'assemblée générale des actionnaires.

Conformément aux recommandations du groupe de travail animé par M. Lepetit, la transposition de l’article 9 sera assortie d'une clause de réciprocité permettant d'assurer l'égalité des « conditions de jeu » entre la société française et une entité qui n'appliquerait pas ces dispositions. Cette égalité des conditions de jeu entre sociétés me semble très importante.

Par ailleurs, le gouvernement français, comme ceux de la quasi-totalité des pays de l'Union européenne – seules la Grèce et la Lituanie font exception –, a choisi de ne pas rendre obligatoire l'application de l'article 11 de la directive. Comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, cet article, qui conduit à suspendre des contrats de droit privé en période d'offre, paraît trop rigide. Il risquerait de priver les acteurs de solutions contractuelles.

Le Gouvernement nous propose tout de même judicieusement d'inscrire dans la loi deux mesures comprises dans le champ de l'article 11 de la directive, et déjà connues en droit français. II s'agit d’une part, de l'inopposabilité des clauses statutaires qui, en période d'offre publique, limiteraient les transferts d'actions ; d’autre part, de la suspension des clauses qui, à l'issue d'une offre réussie, limiteraient l'exercice des droits de vote.

J'en viens aux principales propositions de la commission des finances, que je présenterai très brièvement puisque nous aurons l'occasion d'en discuter lors de l'examen des amendements.

Tout d'abord, le projet de loi prévoit, dans ses articles 10 et 11, que toute mesure défensive mise en œuvre par les dirigeants d'une société devra être approuvée par l'assemblée générale des actionnaires, selon l'article 9 de la directive. La commission des finances a longuement débattu de l'attitude à tenir lorsqu'une entreprise française est visée par plusieurs OPA dont une, au moins, émane d'une société qui n'applique pas les mesures prévues sur le recours à l'assemblée générale pour autoriser les dirigeants à mettre en œuvre des mesures défensives.

Deux solutions seulement s'offrent à nous : ou bien nous considérons que l'entreprise française doit s'aligner sur le plus « vertueux » des offrants en ne lui permettant pas de ne pas appliquer les dispositions de l’article 9, et la clause de réciprocité ne joue pas ; ou bien nous considérons que l'entreprise française doit s'aligner sur le moins « vertueux » des offrants en lui permettant de ne pas appliquer les dispositions de l'article 9, et la clause de réciprocité peut donc jouer.

Nous reviendrons sur les motivations de la commission des finances. Je me bornerai à dire pour l’instant qu’elle a choisi la solution retenue par le Gouvernement dans son projet de loi initial, lequel prévoyait qu'en la circonstance, la clause de réciprocité ne pouvait pas jouer. C'est la voix de la sagesse : elle évite que les entreprises cibles imaginent des stratagèmes pour ne pas appliquer l'article 9. C'est aussi faire le choix de la vertu contre le vice.

Sur ce même sujet, la commission des finances n'a pas adopté l'amendement de la commission des lois permettant à l'assemblée générale d'autoriser, à l'avance, la délégation aux dirigeants des pouvoirs nécessaires à la réalisation d'une augmentation de capital réservée pendant la période d'offre. Il s'agit en particulier de laisser aux dirigeants, le moment venu, le soin de désigner le « chevalier blanc » bénéficiaire de cette opération. La commission des finances a estimé que cet amendement constituait une entorse majeure, le rapporteur pour avis me le pardonnera, à l'équilibre entre l'assemblée générale des actionnaires et les dirigeants de l’entreprise, équilibre qui sous-tend et justifie la directive et le projet de loi.

La commission s'est également interrogée sur l'insertion par le Sénat d'une clause de réciprocité relative aux dispositions de l'article 11 de la directive. Ce dispositif vise à appliquer la clause de réciprocité aux cas où l’initiateur d'une OPA vise une société qui a volontairement décidé d'inclure dans ses statuts l'inopposabilité ou la suspension des restrictions facultatives au transfert de titres ainsi qu’à l'exercice du droit de vote, ou des droits extraordinaires de nomination ou de révocation de certains actionnaires.

J'observe que le dispositif introduit par le Sénat ne couvre pas les dispositions obligatoires insérées par les articles 12 et 16. La commission des finances a estimé que la solution retenue laissait planer un risque juridique, que nous ne pouvons pas courir, quant à la compatibilité avec le droit communautaire. La directive permet-elle une réciprocité «à la carte» des dispositions de son article 11 ? Ce n'est pas certain, et j’essaierai de le démontrer à l'occasion du débat sur l'article 19. Il est, en tout état de cause, plus sage d'en revenir à la position initiale du Gouvernement.

La commission des finances s'est également interrogée sur le dispositif de l'article 22. Ce dernier prévoit de substituer une nullité facultative à la nullité impérative des délibérations prises par les assemblées générales d'actionnaires. Cependant, cette évolution ne concerne que le vote électronique, à l'exclusion de tous les autres modes. La commission des finances a donc suivi la position de la commission des lois et a adopté son amendement étendant la nullité facultative à l'ensemble des votes.

M. Étienne Blanc. Très bien !

M. Hervé Novelli, rapporteur. Monsieur le ministre, le projet de loi que vous nous présentez doit renforcer, vous l’avez dit, la vigueur de notre économie. Toutefois, il propose également des mesures de défense de nos entreprises, non pas dans une logique frileuse, mais simplement pour assurer l'égalité des « conditions de jeu », pour reprendre l'expression du rapport du groupe de travail présidé par M. Jean-François Lepetit.

Ce texte renforce aussi, c’est très important,  l'équilibre entre l'assemblée générale des actionnaires et les instances dirigeantes de l'entreprise. Je ne peux que m'en féliciter.

Dans ces conditions, je vous invite, mes chers collègues, à adopter ce projet de loi, comme l'a fait la commission des finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Merci, monsieur le rapporteur, d’avoir respecté scrupuleusement votre temps de parole.

La parole est à M. Étienne Blanc, suppléant M. Xavier de Roux, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Étienne Blanc, suppléant M. Xavier de Roux, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à indiquer que je supplée effectivement le rapporteur pour avis de la commission des lois, M. Xavier de Roux, qui ne peut être présent aujourd’hui en séance, en raison de sa participation simultanée à la mission d’information de la commission des lois sur la situation de l’immigration à Mayotte.

Parmi les vingt-six articles du projet de loi issu de la première lecture au Sénat, la commission des lois de l’Assemblée nationale s’est saisie des quatorze articles modifiant des dispositions du code de commerce relatives au droit des sociétés. Ceux-ci correspondent en l’occurrence au cœur de la transposition de la directive du 21 avril 2004 relative aux offres publiques d’acquisition.

Le projet de loi sur les offres publiques d’acquisition a en effet pour objet de transposer cette directive européenne, adoptée après presque quinze ans de discussions. Un certain nombre d’États membres de l’Union n’ayant toutefois pas souhaité aboutir à une forme de « désarmement » de leurs entreprises en cas d’OPA inamicale, la directive – comme l’a dit l’excellent rapporteur de la commission des finances – laisse ainsi au libre choix des États membres plusieurs dispositions importantes.

A la suite des consultations auxquelles il a été procédé au sein du groupe de travail présidé par M. Jean-François Lepetit, le projet de loi a opté pour le principe de prééminence de la démocratie actionnariale, principe auquel la commission des lois est tout à fait favorable. C’est pourquoi il retient l’application obligatoire de l’article 9 de la directive, c’est-à-dire l’obligation de faire approuver les mesures de défense anti-OPA par les actionnaires, mais sous condition de réciprocité.

En revanche, suivant également les conclusions du groupe de travail, le Gouvernement n’a pas souhaité introduire en droit français l’application obligatoire de l’article 11 de la directive, qui prévoit la suspension de certaines mesures restrictives des droits de vote en période d’offre ou juste après sa conclusion, comme le plafonnement du pourcentage de voix par les plus gros actionnaires, le droit extraordinaire de nomination et de révocation attachés à certains actionnaires, les obstacles aux transferts de titres.

Néanmoins, compte tenu du fait qu’il importe de permettre aux entreprises, au cas par cas, d’appliquer cet article 11 de la directive si elles l’estiment utile, le projet de loi prévoit que les entreprises peuvent décider a priori, dans leurs statuts, de suspendre ces mesures restrictives des droits de vote.

Après diverses auditions des représentants de l’administration, des entreprises et de praticiens, il est apparu manifeste au rapporteur pour avis que le cœur du projet de loi résidait dans la définition, la portée et l’application de la clause de réciprocité.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Tout à fait !

M. Étienne Blanc, suppléant M. le rapporteur pour avis. Or celle-ci apparaît perfectible, si on veut lui donner tout son sens et fournir à toutes les entreprises des armes égales. Deux amendements ont été adoptés par la commission en ce sens.

En premier lieu, le droit des États, au-dessus des statuts des entreprises, pose souvent des limites aux possibilités d’acquisition d’une entreprise nationale par une entreprise étrangère.

Pour ne prendre que l’exemple des États-Unis, outre les dispositions propres au droit boursier ou au code des sociétés, la combinaison des textes relatifs au contrôle des investissements étrangers dans les secteurs sensibles et des nombreuses dispositions sectorielles fédérales ou des différents États, qui vont très au-delà de la sécurité nationale, permet de bloquer juridiquement de nombreuses tentatives de prise de contrôle. Ainsi, par exemple, dans le transport aérien, les non-résidents ne peuvent détenir plus du quart du capital des compagnies battant pavillon américain, ni représenter plus d’un tiers des membres du conseil d’administration ou du comité de direction. On pourrait tout à fait dire la même chose d’économies moins développées et moins libérales, dans de nombreux pays émergents.

Le projet de loi prévoit l’analyse de l’équivalence des mesures permettant ou non d’invoquer la clause de réciprocité pour autoriser l’entreprise française cible d’une offre publique émanant d’un État tiers de se défendre à armes égales. Mais si cette analyse ne devait prendre en compte que les seules dispositions du ressort direct des entreprises, cette notion d’équivalence, et donc le contenu même de la clause de réciprocité, pourraient être, dans une large mesure vidés de leur substance.

Il va donc de soi que l’appréciation par l’entreprise cible de l’équivalence des mesures comme la décision de l’AMF en cas de contentieux devront prendre en compte non seulement les statuts de la ou des entreprises initiatrices, mais aussi les règles législatives, réglementaires ou conventionnelles qui sont applicables à chacune d’entre elles en termes de contrôle du capital.

En second lieu, l’équilibre du projet de loi repose sur le double choix, proposé par la place, de rendre obligatoire l’article 9 de la directive, c’est-à-dire de contraindre la direction de l’entreprise cible d’une offre publique à demander aux actionnaires l’autorisation de prendre des mesures de défense anti-OPA, tout en retenant la clause de réciprocité si l’entreprise auteur de l’offre n’est pas elle-même soumise aux mêmes contraintes.

Mais, en application directe de la directive, l’invocation de la clause de réciprocité ne permet à la direction de l’entreprise cible de mettre en œuvre que des mesures de défense qui auront été approuvées à froid par l’assemblée générale des actionnaires, un an et demi au plus avant l’offre. Cette condition restrictive risque de rendre inopérante la mesure de défense anti-OPA généralement estimée la plus efficace en droit français par les praticiens, à savoir l’augmentation de capital réservée à certaines catégories d’actionnaires ou à certains actionnaires. En effet, il est manifestement impossible, dix-huit mois avant l’offre, de connaître l’identité de l’éventuel « chevalier blanc » qui pourrait souscrire cette augmentation de capital réservée le moment venu. En conséquence, la clause de réciprocité serait quasiment privée de sa portée réelle.

II apparaît donc légitime de permettre, dans le seul cas très particulier d’invocation de la clause de réciprocité par une entreprise visée par une offre publique « à armes inégales », de demander à l’assemblée générale d’autoriser la délégation à l’avance, au conseil d’administration ou au directoire, des pouvoirs nécessaires à la réalisation d’une augmentation de capital réservée pendant la période d’offre, c’est-à-dire en particulier la désignation précise du ou des bénéficiaires de cette opération.

Cette facilité pour la direction devrait cependant être assortie de deux conditions : ses modalités devraient, d’une part, être soumises au contrôle de l’AMF et le prix de souscription de l’augmentation de capital réservée devrait, d’autre part, être au moins égal à celui de la dernière offre publique.

Sur un tout autre plan – mais vous nous avez indiqué, monsieur le rapporteur, que la commission des finances avait donné un avis favorable –, il s’agit, au titre de l’article 22, de rendre facultatives pour les magistrats saisis d’une contestation les nullités que le Sénat avait voulu ne faire porter que sur le vote électronique et non sur le vote classique.

Cette orientation confirmerait celle retenue très récemment par le Parlement à l’initiative de notre commission des lois en faveur de la sanction de la nullité facultative, laissée à l’appréciation du juge saisi, en cas d’omission, dans le rapport annuel de gestion, d’informations relatives aux rémunérations exceptionnelles des dirigeants, à leur entrée ou sortie de fonction, entre autres.

Il serait donc judicieux d’étendre au vote classique la disposition adoptée par le Sénat, qui reste limitée au vote par voie électronique.

Telles sont les observations que je souhaitais présenter pour le compte de la commission des lois saisie pour avis. J’aurai l’occasion de m’exprimer ultérieurement sur les amendements qui nous seront soumis.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Très bien !

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrick Bloche, pour le groupe socialiste.

M. Patrick Bloche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour traiter, à l’occasion du projet de loi de transposition de la directive du 21 avril 2004, de la question des offres publiques d’acquisition.

Malgré le peu de solennité du débat, que le Gouvernement a choisi d’inscrire en fin de calendrier parlementaire et en fin de semaine – nous ne sommes guère nombreux –, l’enjeu est loin d’être mince car la question des offres publiques, qui se situe au croisement du droit boursier, du droit des sociétés et du droit du travail, cristallise les oppositions qui traversent l’Europe, mais également chaque pays, sur la manière d’appréhender l’entreprise.

Dans une conception libérale, que l’on s’attend à retrouver aux États-Unis, l’entreprise « appartient » en effet à ses actionnaires, et à eux seuls. C’est cette version qui sous-tendait la rédaction de la directive dans sa version initiale.

A l’inverse, la conception « européenne » cherche à donner corps à l’idée de l’entreprise comme collectivité d’intérêts, ce qui implique que la direction soit autorisée à agir au nom d’un intérêt supérieur, l’intérêt social de l’entreprise, ou que les salariés soient intégrés aux processus décisionnels. C’est notamment cette dernière conception qui inspirait la loi relative aux nouvelles régulations économiques, laquelle a introduit l’obligation, pour la société à l’origine de l’offre publique, d’informer et de consulter le comité d’entreprise de la société cible sur ses projets industriels, sous peine de se voir privée des droits de vote attachés aux titres ramassés durant l’opération.

Cette problématique est souvent résumée par l’opposition entre parties prenantes et propriétaires du capital.

L’histoire de la directive a été à cet égard particulièrement mouvementée. Initiée en 1985, il y a une vingtaine d’années, sa rédaction a été plusieurs fois ajournée ; elle a été pour la dernière fois rejetée le 4 juillet 2001 par le Parlement européen, par 273 voix pour et 273 voix contre.

Les discussions ont notamment tourné autour de deux articles centraux. Tout d’abord l’article 6 de la directive, concernant l’information des salariés. Cette notion d’information avait été jugée largement insuffisante pour assurer la prise en compte des intérêts essentiels des salariés dans l’entreprise. Ensuite, l’article 9 qui, en référence à un principe dit de « neutralité », empêche les dirigeants de la société cible d’interférer avec le libre choix des actionnaires.

Pour l’essentiel, cet article empêche les dirigeants de mettre en œuvre des mesures anti-OPA sans accord de l’assemblée générale. Il est le produit direct d’une conception de l’entreprise qu’on pourrait caractériser comme celle de la souveraineté actionnariale : seuls les actionnaires auraient le droit de décider du sort de l’entreprise, alors même que ces opérations ont des conséquences souvent importantes, notamment pour les salariés, en termes de restructurations.

Après l’échec de 2001, le groupe d’experts constitué autour de M. Winter a remis un rapport en 2002 qui a permis une nouvelle rédaction. Ce rapport n’a fait que renforcer les principes énoncés par l’article 9, puisque c’est lui qui a ajouté un article 11 interdisant l’utilisation, lors de l’assemblée générale ayant à décider de l’adoption de mesures défensives, de mécanismes restreignant les droits de vote.

En revanche, aucun droit nouveau n’a été prévu au bénéfice des salariés. Ceux-ci demeurent ainsi dans la situation curieuse d’être informés du projet d’acquisition, potentiellement porteur de restructurations, par une direction qui, une fois qu’elle les a informés et, dans le meilleur des cas, écoutés sinon consultés, n’a aucun moyen d’intervenir sur le cours de cette offre d’acquisition.

Le nouveau projet de directive a été adopté le 16 décembre 2003 par le Parlement européen, et définitivement adopté le 21 avril 2004, avec des amendements qui nous placent dans la situation que nous connaissons aujourd’hui.

L’article 9 est devenu optionnel. Il peut donc être transposé ou non par chaque État membre.

A également été introduite la clause de réciprocité, selon laquelle un État peut prévoir qu’une société cible qui appliquerait l’article 9 pourrait suspendre cette application dans le cas où l’offre émanerait d’une société qui, elle, n’en ferait pas usage.

L’article 11 est lui aussi optionnel, chaque État pouvant choisir si sa législation restreindra ou non les droits de vote doubles ou multiples en cas de décisions sur la réaction à tenir face à une offre d’acquisition.

Quant aux salariés, ils n’ont toujours droit qu’à une simple information. Toutefois, aux termes de la directive, il sera désormais obligatoire d’informer les salariés des sociétés assaillantes et des sociétés cibles. Le projet de loi complète ainsi les dispositions inspirées du droit allemand et votées dans la loi relative aux nouvelles régulations économiques. Il s’agit d’une avancée modeste, mais notable.

L’article 7 du projet de loi, qui précise que l’information est obligatoire même si la société ne dispose pas de comité d’entreprise, est également bienvenu.

Enfin, le texte protège en principe les actionnaires minoritaires en encadrant les procédures de retrait et de rachat obligatoires, notamment en cas de succès de l’offre, auxquelles les articles 15 et 16 sont consacrés, et en définissant le « prix équitable » auquel ces procédures doivent se conformer.

Le projet de loi que vous nous proposez aujourd’hui, monsieur le ministre, fait le choix de transposer l’article 9 de la directive, sous réserve de réciprocité, mais de ne pas transposer son article 11 avec valeur obligatoire, en laissant les entreprises choisir d’en appliquer ou non les dispositions.

Contrairement à la majorité, et notamment au rapporteur, le groupe socialiste ne juge pas que, au total, le texte « renforce l’équilibre dans les relations entre l’assemblée générale des actionnaires et les instances dirigeantes de l’entreprise ». Il nous semble au contraire aller toujours plus loin dans la conception « financière » de l’entreprise, au détriment notamment de ses salariés. Loin d’être « vertueuse », l’exposition accrue des entreprises aux risques d’OPA n’est pas source d’efficacité économique réelle. Elle peut même s’avérer dangereuse pour le développement à long terme de l’entreprise et pour l’emploi.

À cet égard, nous nous opposons au souhait du rapporteur de revenir sur une amélioration de la rédaction de l’article 11 du projet votée à l’initiative du Sénat, et prévoyant à bon droit que, au cas où plusieurs OPA viseraient une même société, celle-ci ne serait pas tenue à la réciprocité si une seule des sociétés assaillantes n’appliquait pas l’article 9 de la directive. Notre rapporteur, tout à sa vision certes cohérente, juge que cette disposition ferait « triompher le vice sur la vertu ».

M. Hervé Novelli, rapporteur. Eh oui !

M. Patrick Bloche. Nous pensons au contraire qu’elle est le signe d’un certain réalisme et souhaitons qu’elle soit conservée.

Nous ne défendons pas une conception « protectionniste » du capitalisme qui accorderait aux équipes dirigeantes une sorte d’immunité contre le risque de voir leurs choix de gestion remis en cause. Des investisseurs nouveaux peuvent être porteurs d’un meilleur projet industriel, plus favorable au développement de l’entreprise et à l’emploi, et ils doivent être en mesure de l’imposer.

Il serait en revanche dangereux de tomber dans la vision aussi onirique qu’idéologique d’un meilleur des mondes des OPA agressives dans lequel la compétition serait le gage de l’efficacité économique parce qu’elle assurerait le renouvellement constant du tissu productif. Toutes les parties prenantes de l’entreprise doivent être prises en compte. À cet égard, la conception réductrice du capitalisme financier, qui ne voit dans l’entreprise que la propriété de ses actionnaires, est sans issue car elle encourage les comportements prédateurs, de court terme, et dangereux pour l’emploi. C’est pourtant celle qui prévaut au sein de la majorité et du Gouvernement, et dont vous êtes, monsieur le rapporteur, un excellent porte-parole.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Merci !

M. Patrick Bloche. Une autre partie de la majorité, même si elle n’est pas représentée aujourd’hui, est néanmoins consciente que tout n’est pas aussi idyllique et que, à lui seul, le marché ne suffit pas à garantir le triomphe des investisseurs porteurs du meilleur projet pour l’entreprise parmi la masse indifférenciée de capitaux anonymes qui s’investit dans les entreprises, sans égard pour les spécificités nationales. Il est évident que des actionnaires nationaux se détermineront en fonction d’autres critères que le seul rendement s’ils envisagent des délocalisations d’emplois ou le déplacement de centres de recherche. Au moins la proximité de l’opinion publique nationale les rendra-t-elle moins indifférents aux conséquences sociales de leurs choix. Une partie de la majorité, celle qui est absente aujourd’hui, en est sans doute consciente, mais elle ne souhaite visiblement pas en tirer les conséquences. Nous ne pouvons que le regretter.

D’où l’agitation purement médiatique qui anime la majorité lorsqu’une entreprise française est menacée par une OPA. Le Premier ministre a donné le ton en parlant de « patriotisme économique ». L’expression a fait mouche, mais il ne s’agissait que d’une bravade qui n’a été suivie une fois encore d’aucune conséquence concrète. Les rumeurs de rachat de Danone par PepsiCo n’auront suscité qu’une levée de boucliers purement verbale pour défendre les entreprises nationales.

Bien que vous ayez annoncé un sursaut dans le présent projet de loi, il n’en est rien et la notion de patriotisme économique, particulièrement floue, n’est pas précisée. Un décret a bien été annoncé, pour protéger contre d’éventuels prédateurs dix secteurs jugés sensibles, comme la sécurité, les biotechnologies, le matériel de communication et de cryptologie, mais sa légalité est plus que douteuse au regard du droit communautaire.

Votre texte n’a manifestement pas pour but de protéger les entreprises, contrairement à ce que vous affirmiez au moment de l’affaire Danone. Pire, il aggrave la situation des entreprises françaises en cas d’OPA hostile. Alors que le droit français garantissait aux entreprises la stabilité de leur capital en leur donnant dans une certaine mesure les moyens de se protéger contre les raids, elles n’auront plus beaucoup de marges de manœuvre. En transposant l’article 9 de la directive, qui est décisif car il prévoit qu’en période d’offre publique, toute mesure de défense doit être approuvée par les actionnaires de la société cible, vous déplacez de fait les centres de décision. La décision de se protéger contre une OPA hostile n’appartient plus au conseil d’administration, mais aux actionnaires. Or leurs intérêts, exclusivement financiers, les incitent à accepter une offre supérieure au cours du marché sans se préoccuper de la nécessité, pour nous vitale, de garantir l’emploi, la stabilité économique de l’entreprise et la préservation des bassins d’emplois. Comme l’a souligné notre collègue François Marc au Sénat, vous vous êtes enfermés dans un piège : vous avez mis au jour les contradictions entre vos discours et vos actes.

D’ailleurs, pas plus tard que ce matin, un journal économique soulignait les risques de l’option que vous avez choisie et expliquait que, selon certains juristes, cette protection serait inopérante. Et le MEDEF lui-même, cité dans le même journal,...

M. Hervé Novelli, rapporteur. Y aurait-il collusion entre vous ?

M. Patrick Bloche. Pour une fois qu’un député de l’opposition cite le MEDEF !

Le MEDEF souligne que « la directive donne des armes aux entreprises qui initient les OPA et non à celles qui sont attaquées, comme on le croit trop souvent, sous réserve de la mise en jeu de la clause de réciprocité, pour autant qu’elle ait un contenu ». Bref, à l’arrivée, le projet de loi que vous nous demandez d’adopter aujourd’hui pourrait conduire à laisser les entreprises françaises totalement désarmées en cas de contentieux.

Mais la question ne saurait se réduire à celle de la nationalité des actionnaires. C’est plus fondamentalement la conception de l’équilibre des pouvoirs au sein de l’entreprise qui doit être posée. En effet, qui est mieux à même que les salariés et leurs représentants de se prononcer sur l’avenir de l’emploi dans une entreprise ? Une fois encore, vous ne proposez aucune avancée et l’on peut parier que la prochaine OPA laissera l’État, qui se voudrait garant de la protection des intérêts industriels de long terme, aussi démuni qu’il l’aurait été cet été si la rumeur de prise de contrôle de Danone avait été fondée.

À une exception près, il est vrai. L’introduction par amendement à l’article 1er d’une disposition donnant compétence à l’AMF pour connaître les intentions d’une entreprise en matière d’ouverture d’une offre nous permettrait de savoir plus rapidement s’il s’agit d’autre chose que d’une rumeur, mais guère plus. À cet égard, sans doute serait-il utile, monsieur le ministre, de prévoir une disposition spécifique pour informer le plus rapidement et le plus précisément possible le comité d’entreprise et les représentants des salariés des entreprises, parallèlement à la disposition générale renvoyant à un règlement de l’AMF les conditions dans lesquelles les informations recueillies sont transmises au public.

En raison des réserves que lui inspire le projet de loi, le groupe socialiste se cantonnera dans une abstention que je qualifierai de négative.

M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger, pour le groupe UMP.

M. Philippe Auberger. Monsieur le ministre, je me réjouis d’apprendre de votre bouche que nous allons nous préoccuper dès le premier semestre 2006 du développement de l’épargne salariale. C’est d’autant plus opportun que d’importantes réformes ont été votées concernant l’épargne à risque, en particulier la fiscalité des dividendes – avec la disparition de l’avoir fiscal – et des plus-values dans le cadre de la loi de finances rectificative, et l’imposition des salariés actionnaires de leur entreprise et soumis à l’ISF. Il faudra aller encore plus loin pour favoriser le développement de l’épargne à risque.

Le texte sur les OPA que nous examinons aujourd’hui est fondamental et il était très attendu, car il protège nos entreprises, leurs dirigeants – en évitant que ces derniers ne soient injustement mis en cause –, les salariés ainsi que les actionnaires minoritaires.

Je souligne en outre la rapidité de la transposition de cette directive sur les offres publiques d’acquisition. Il y a deux semaines, j’intervenais en tant que rapporteur sur la transposition de deux directives relatives aux assurances et nous avions près d’un an de retard ! Aujourd’hui, au contraire, le vote final du Parlement européen est intervenu en avril 2004, et votre prédécesseur a chargé M. Lepetit d’une réflexion sur la transposition immédiatement après. Il a remis son rapport en juin 2005 et, dès le mois de juillet, vous annonciez à Paris-Europlace que vous demanderiez la transposition de la directive sur les bases des conclusions du rapport Lepetit. L’opération a été rondement menée, ce qui montre que la France peut – heureusement – agir plus rapidement qu’à son habitude.

Le projet de loi traite d’un sujet important et délicat qui met en cause plusieurs types d’acteurs économiques.

Il est certain qu’une offre publique d’acquisition peut dynamiser les marchés sur le plan économique comme sur le plan financier en permettant la croissance externe des entreprises ou une meilleure valorisation de leur capital. Certes, c’est parfois l’occasion d’un changement assez brutal de stratégie, voire des dirigeants, mais il est normal, dès lors que les entreprises sont cotées, qu’elles se trouvent soumises aux disciplines du marché.

Les OPA ont également des conséquences importantes pour les actionnaires minoritaires puisqu’elles leur permettent souvent de valoriser leur épargne. Il est donc normal qu’ils puissent faire valoir leur point de vue et tirer les bénéfices qu’ils sont en droit d’attendre des OPA.

Enfin, en ce qui concerne les salariés, il est vrai que les OPA constituent des opérations délicates puisqu’elles peuvent non seulement entraîner le changement des dirigeants et une modification des structures mais surtout conduire à des réorganisations et comporter des risques pour l’emploi, voire en termes de délocalisations. Mais, dans ce domaine, notre droit est déjà assez protecteur. Notre collègue qui en a tout à l’heure savamment parlé est parti. Il convient néanmoins de lui rappeler que nous n’avons pas attendu ce projet de loi pour demander que les comités d’entreprise soient systématiquement consultés au déclenchement d’une OPA et ils peuvent d’ores et déjà non seulement se prononcer sur la riposte envisagée par le conseil d’administration et l’assemblée générale, mais encore missionner un expert indépendant, qui jugera l’OPA, et intervenir dans le débat, ce qui paraît tout à fait normal.

Par rapport à la réglementation actuelle sur les OPA, la directive n’apporte pas beaucoup de modifications. En effet, à partir des années quatre-vingt-dix, nous avons progressivement élaboré en la matière une réglementation parce que nous avons considéré qu’il était nécessaire de prendre des dispositions en droit boursier. Je pense notamment à la création de l’Autorité des marchés financiers, en tant qu’autorité centrale veillant au libre jeu des marchés, à la clarification des offres et des ripostes, aux modalités de paiement en cas d’OPA réussie, à la détermination d’un prix équitable, à l’information correcte des actionnaires minoritaires, à la constatation éventuelle d’une prise de contrôle et aux opérations de retrait du marché. Tous ces points avaient été précédemment balisés dans le droit boursier. La directive permet de conforter le rôle de l’AMF, notamment pour la fixation du juste prix, ainsi que celui de l’assemblée générale des actionnaires, en matière de riposte, et développe surtout – cela a été évoqué à juste titre – la notion de réciprocité, qui garantit l’équilibre entre les différentes parties, et ceci quels que soient les pays. L’introduction de la notion de réciprocité est très importante puisque, je le rappelle, si le projet de directive a échoué le 4 juillet 2001, c’est en raison notamment de préventions en Allemagne à la suite d’une OPA de Vodafone sur Mannesmann, qui avait laissé des traces sérieuses, et d’une tentative d’OPA – que les journaux français et italiens couvrent actuellement comme un véritable roman-feuilleton – de la Banque populaire italienne sur la banque Antonveneta, à la suite d’une OPA lancée par ABN AMRO. Il semble que la Banque d’Italie n’ait pas fait preuve de toute la transparence nécessaire pour permettre à l’OPA d’ABN AMRO de fonctionner comme elle aurait dû. Il est important de ne pas être trop naïf : les affaires sont les affaires et elles ont parfois une certaine dureté. C’est pourquoi les règles doivent être bien établies et c’est à juste titre que l’article 9 de la directive a été transposé dans le cadre de la réciprocité, tandis que l’article 11, qui laisse les possibilités ouvertes, n’a pas été rendu obligatoire.

Toutefois, quelques dispositions, dans différents articles, doivent encore faire l’objet d’une discussion, ce qui est normal puisque nous examinons ce texte en première lecture. Je pense notamment à la détermination du prix de l’offre publique et à la période de référence, au problème du seuil du retrait obligatoire, à l’organisation de l’assemblée générale qui doit se prononcer sur les ripostes éventuelles ou, du moins, sur l’attitude que l’entreprise attaquée doit adopter, et aux conditions à remplir pour qu’une offre publique d’acquisition soit considérée comme réussie. Il est en effet important de savoir si, dans ce domaine, il convient d’encadrer la marge d’initiative de l’AMF ou, au contraire, de la laisser totalement libre, ce point de droit commercial ayant des conséquences très importantes sur le fonctionnement de l’entreprise, une fois l’offre effectuée.

Sous le bénéfice de l’examen de ces quelques points, le groupe UMP votera la transposition de la directive, parce que, si elle n’apporte pas une grande innovation, elle va néanmoins dans le sens des dispositions déjà adoptées dans le droit boursier français et permettra, notamment par le biais de la réciprocité, d’introduire un certain équilibre. En effet, si les entreprises françaises sont actuellement relativement offensives en termes d’OPA, notamment en direction des entreprises des pays européens, la moindre des choses est d’assurer la réciprocité afin de garantir un équilibre dans ce domaine et d’assurer ainsi le bon fonctionnement des marchés.

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je tiens tout d’abord à remercier M. le rapporteur et M. le rapporteur pour avis, ainsi que M. Auberger pour leur excellente présentation du projet de loi, laquelle laisse augurer un débat nourri et efficace. Vous êtes bien en ligne avec le Gouvernement, ce qui va dans l’intérêt du texte que nous défendons.

M. Bloche nous a quittés. Il ne pourra malheureusement pas répondre à ma question. En effet, contrairement aux exposés que vous avez faits, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, je n’ai pas bien compris ce que le groupe socialiste propose en matière de transposition alternative. Il me semblait qu’un vaste consensus existait, sur les bancs de l’Assemblée, au sujet de la démocratie actionnariale. Or ce consensus ne semble plus partagé par le groupe socialiste. Pour le Gouvernement, ce qui est important, évidemment, c’est d’assurer la bonne gouvernance des entreprises, qui, dans l’intérêt des actionnaires et des salariés, sortira renforcée de l’adoption de ce texte.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

Article 1er

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements sur l’article 1er.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 6.

M. Hervé Novelli, rapporteur. L’amendement n° 6 est un amendement rédactionnel. Il en est de même des amendements nos 7 à 12, qui ont été adoptés par la commission des finances.

M. le président. Vous souhaitez donc, monsieur le rapporteur, en vue d’accélérer le rythme du débat, que je demande l’avis du Gouvernement sur tous ces amendements.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Oui, monsieur le président.

M. le président. Le Gouvernement est-il favorable à cette méthode ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 6 ainsi que sur les amendements nos 7 à 12 ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je vais successivement mettre aux voix les amendements nos 7à 12.

(Les amendements nos 7 à 12, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 58 rectifié.

La parole est à M. Hervé Novelli, pour le soutenir.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 58 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 13.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 14.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 15.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Cet amendement, que j’ai déposé et qui a été adopté par la commission des finances, nous permet d’entrer dans le vif du sujet. Il vise à préciser l’amendement « rumeur » – tel est le surnom qui a été donné à l’amendement présenté par le Gouvernement au Sénat.

Le V de l’article L.433-1 qui, je le répète, a été introduit au Sénat dans le cadre d’un amendement présenté par le Gouvernement, prévoit un dispositif de déclaration visant « toute personne dont il y a des motifs raisonnables de penser qu’elle prépare une offre publique ». Ce dispositif vient répondre – chacun le sait car nous avons évoqué la question au cours de la discussion générale – aux inquiétudes soulevées cet été quant aux mouvements sur le cours de l’action d’une grande entreprise alimentaire, que je n’ai pas besoin de nommer, sur fond de rumeurs de marché persistantes. La France n’a pas de dispositif permettant, en cas de rumeur sur un titre, d’obliger un éventuel initiateur à déclarer ses intentions, alors qu’un tel dispositif existe dans d’autres pays européens. Le texte proposé par le Gouvernement et adopté au Sénat prévoit que les formes de cette déclaration seront fixées par le règlement général de l’AMF.

La commission des finances ne peut qu’approuver une telle mesure. Toutefois, il lui a paru que dans la rédaction actuelle, la loi introduit, sans les définir, les notions de « motifs raisonnables » et de « mouvement significatif ». Le règlement général de l’AMF ne les définit pas non plus. J’ai donc proposé à la commission que ces deux notions soient définies par le règlement général de l’AMF. Je me dois d’indiquer que notre excellent collègue Philippe Auberger a jugé superflu le terme « raisonnables » et que la commission a approuvé son analyse. La commission a finalement souhaité que le règlement général de l’AMF précise les motifs en cause et définisse ce qu’il faut entendre par « mouvement significatif ». Ces notions étant particulièrement vagues, nous ne pouvons en rester, monsieur le ministre, à l’imprécision législative induite par le texte de l’amendement du Gouvernement. Tel est l’objet de cet amendement n° 15.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le rapporteur, le Gouvernement comprend parfaitement votre souci de préciser les conditions d’application de cette nouvelle faculté donnée à l’AMF.

Cependant, je tiens à vous rappeler que c’est à dessein que le projet de loi renvoie l’appréciation de ces notions à la jurisprudence de l’AMF, sous le contrôle du juge. En effet, si, en 2003, le législateur a créé l’AMF en la composant de professionnels de qualité – notamment des hauts magistrats – et en lui conférant un statut d’autorité administrative indépendante, c’est afin qu’elle soit pleinement responsable et parfaitement capable de réagir à des situations de marché nécessitant des connaissances diverses et qui doivent être appréciées au cas par cas, même si elles ne peuvent pas toujours être anticipées. Nous touchons au cœur même du fonctionnement du régulateur, sous le contrôle du juge. De fait, je crains qu’une tentative de définition plus précise au plan législatif, voire dans le cadre du règlement général de l’AMF, n’aboutisse en fait à laisser de côté certains cas d’espèce, les situations en cause ne pouvant être détectées par l’application de la méthode du faisceau d’indices que nous serions bien en peine, du reste, de délimiter à l’avance.

Le régulateur pourra bien entendu, pour la bonne information du marché, exposer publiquement sa méthode : c’est ce qu’a déjà fait, avec un certain succès, le régulateur britannique. Cependant, tout en demandant à l’AMF d’être particulièrement vigilante sur ces sujets – et elle l’a démontré ces derniers temps –, je crois souhaitable qu’elle conserve la souplesse d’évolution nécessaire. Aussi, bien que je comprenne les motivations qui animent la commission, je préférerais que vous retiriez votre amendement, monsieur le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger. Il ne faut pas être naïf : en général, quand quelqu’un a l’intention de monter une OPA, il regarde d’abord le niveau de la valeur qu’il souhaite acquérir puis, soit directement, soit par l’intermédiaire de comparses, ou du moins de personnes qui travaillent de concert avec lui, notamment des banques, il achète un petit volant d’actions, qui peut représenter quelques pourcents du capital, afin de disposer, avant le déclenchement de l’OPA proprement dite, d’armes lui permettant de contrecarrer d’éventuels mouvements erratiques.

Si l’AMF, qui est systématiquement informée des évolutions, constate des déplacements significatifs d’actions, elle peut effectivement disposer d’un faisceau de présomptions, la difficulté pour elle étant alors de déterminer si des opérateurs agissent de façon concertée ou s’ils sont indépendants les uns des autres. Si elle dispose de moyens d’investigation pour le vérifier, il faudrait qu’elle soit rapidement à même de pousser l’attaquant à se dévoiler suffisamment tôt pour ne pas laisser des rumeurs se développer et avoir des effets extrêmement pernicieux sur le marché, comme ceux que l’on a constatés au mois de juillet.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Nous sommes tous d’accord pour confier à l’AMF le soin de surveiller tout cela de très près et pour clarifier la notion de mouvements significatifs. Je souhaiterais seulement, monsieur le ministre, que vous demandiez à cette institution de définir des cas types sur lesquels elle pourrait fonder une jurisprudence. Cette garantie me permettrait de retirer l’amendement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Nous partageons à l’évidence le même objectif. Je m’engage à faire connaître à l’AMF la volonté du législateur de la voir remplir cette fonction et lui demanderai de vous faire connaître le corpus jurisprudentiel qu’elle constitue jour après jour. Chacun doit savoir qu’elle est extrêmement vigilante sur ces questions et exerce de plein droit les pouvoirs qui lui sont conférés en la matière.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 15 est retiré.

Nous en venons à l’amendement n° 16 de la commission.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. L’avis du Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l’amendement n° 16.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

Article 2

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 17 et 57.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 17.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir le texte initialement proposé par le Gouvernement. L’article 5 de la directive précise que le prix équitable est « le prix le plus élevé payé pour les mêmes titres par l’offrant, ou par des personnes agissant de concert avec lui, pendant une période, déterminée par les États membres, de six mois au minimum à douze mois au maximum ». Le projet de loi initial prévoyait que le prix équitable devait être au moins équivalent au prix le plus élevé payé par l’auteur de l’offre. La commission des finances a estimé que cette rédaction permet à un offrant qui souhaite offrir une « prime » aux actionnaires minoritaires de le faire plus facilement. Elle propose donc le rétablissement des mots : « au moins », qui avaient été supprimés par le Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Comme je l’ai déjà indiqué au Sénat, la suppression des mots : « au moins » pourrait, selon nous, dissuader certains auteurs d’offre publique de proposer un prix supérieur au prix le plus élevé constaté au cours de la période antérieure. Cela étant, le maintien de ces mots peut aussi sembler inutile, dans la mesure où l’AMF a la possibilité de demander une modification du prix proposé. Ma position est donc la même qu’au Sénat : sagesse.

M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger, pour soutenir l’amendement n° 57.

M. Philippe Auberger. Il s’agit du même amendement et je souscris entièrement à l’argumentation de mon ami Hervé Novelli.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 17 et 57.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. J’appelle maintenant l’amendement n° 56.

La parole est à M. Philippe Auberger, pour le soutenir.

M. Philippe Auberger. Cet amendement a pour objet de revenir sur un amendement adopté par le Sénat qui retirait toute latitude à l’AMF pour choisir la période de référence pour la fixation du prix proposé. Dans la rédaction initiale, que je propose de rétablir, il était prévu que le règlement de l’AMF permettait de choisir une période comprise entre six et douze mois.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Novelli, rapporteur. Elle n’a pas examiné cet amendement, auquel je suis plutôt défavorable à titre personnel – en espérant que Philippe Auberger voudra bien me le pardonner – dans la mesure où le Sénat a introduit dans la loi la durée de référence. La directive prévoit que celle-ci doit être comprise entre six et douze mois. En retenant une période de douze mois, on a plus de chances de trouver un point haut de cotation et, partant, de favoriser les actionnaires minoritaires. Mieux vaut inscrire ce délai dans la loi plutôt que de s’en remettre à l’AMF.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger. Je trouve peu logique que l’on donne à l’AMF tout pouvoir pour déterminer le prix mais qu’on lui impose la période de référence. Elle pourrait fixer elle-même cette période tout aussi bien.

Cela dit, ce n’est pas une disposition essentielle. Je retire donc mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 56 est retiré.

Nous en venons à l’amendement n° 18 de la commission.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. L’avis du Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l’amendement n° 18.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. J’appelle maintenant l’amendement n° 19.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Cet amendement a trait à la définition du prix équitable et vise les circonstances exceptionnelles où la valeur de marché n’est pas représentative de la valeur de la société. Dans de telles situations, qui englobent une manipulation des prix ou le sauvetage d’une entreprise en détresse, le prix peut être modifié à la hausse ou à la baisse. Le projet de loi indique que l’AMF peut demander une telle modification. Par le présent amendement, je propose que l’on aille plus loin en précisant qu’elle peut également autoriser la modification à la suite d’une demande formulée en ce sens.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Il me semble que le texte répond déjà largement à ce type de situation, mais l’amendement apporte une clarification qui n’est pas inutile. Le Gouvernement y est donc favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 19.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Nous en venons à l’amendement n° 20.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. L’avis du Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l’amendement n° 20.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. J’appelle l’amendement n° 21.

M. Hervé Novelli, rapporteur. C’est également un amendement rédactionnel.

M. le président. L’avis du Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l’amendement n° 21.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 22.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Il s’agit d’un amendement d’harmonisation rédactionnelle avec un alinéa introduit par la loi pour la confiance et la modernisation de l’économie que nous avons adoptée cet été.

M. le président. L’avis du Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l’amendement n° 22.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Article 3

M. le président. L’article 3 ne fait l’objet d’aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L’article 3 est adopté.)

Article 4

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 23 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de clarification.

M. le président. L’avis du Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l’amendement n° 23 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié par l’amendement n° 23 rectifié.

(L’article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Article 5

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 55.

La parole est à M. Philippe Auberger, pour le soutenir.

M. Philippe Auberger. Cet amendement a trait au problème de la proposition de retrait obligatoire lorsque l’attaquant a obtenu un certain pourcentage du capital ou des droits de vote. Ce seuil, qui est actuellement de 95 %, a été ramené par le Sénat à 90 %.

Sachant que les entreprises attaquantes dépensent déjà beaucoup d’argent pour l’OPA, il semble plus raisonnable de s’en tenir au seuil actuel pour passer à l’offre publique de retrait.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Novelli, rapporteur. Elle n’a pas examiné cet amendement, auquel je suis plutôt défavorable à titre personnel. En effet, le texte prévoit le cas où les actionnaires minoritaires ne représentent pas plus de 5 % du capital ou des droits de vote : il retient donc une logique de calcul par rapport à l’ensemble du capital et non pas par rapport à la part du capital qui fait l’objet de l’offre. Par souci de cohérence, je préfère que l’on s’en tienne à la rédaction actuelle.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je me suis déjà exprimé à ce sujet. Le Gouvernement est favorable au maintien du seuil de 95 % pour le retrait obligatoire. C’est du reste la position retenue par le Sénat. Puisque les titres ne peuvent être transférés que s’ils ne représentent pas plus de 5 % du capital ou des droits de vote, votre demande me semble satisfaite, monsieur Auberger, et je vous invite à retirer votre amendement.

M. Philippe Auberger. Je le retire.

M. le président. L’amendement n° 55 est retiré.

Nous en venons à l’amendement n° 54.

La parole est à M. Philippe Auberger, pour le soutenir.

M. Philippe Auberger. Actuellement, il est possible d’indemniser les titres non présentés par un échange de titres ou sous forme numéraire. Cet amendement vise à ce que cette indemnisation se fasse obligatoirement en numéraire. C’est, me semble-t-il, équitable : bien souvent, les OPA se font déjà en utilisant l’un et l’autre moyen ; si les actionnaires minoritaires ont délibérément refusé de céder leurs titres, il est normal qu’ils soient remboursés en numéraire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Novelli, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement. Néanmoins, à titre personnel, j’y suis défavorable. En effet, notre collègue vient de parler d’obligation, idée qui me rend d’emblée un peu méfiant. Plutôt que d’obliger à payer en numéraire, je considère qu’il convient de laisser le choix aux actionnaires minoritaires d’être indemnisés soit en numéraire, soit en titres. C’est la raison pour laquelle je suis plutôt défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement propose le rejet, à défaut du retrait, de cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 24 de la commission.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Cet amendement vise à éviter que des titres puissent faire l’objet d’une consignation. Il apparaît en effet que l’obligation de consignation des titres peut avoir pour conséquence de bloquer, par exemple, une opération de dissolution de la société puisque certains titres resteraient consignés.

Le présent amendement propose donc que, si à l’issue du retrait, certains titulaires de titres n’ont pas fait connaître leur choix entre une indemnisation en titres ou en numéraire, et qu’ils ne sont pas identifiés, ces titres fassent automatiquement l’objet d’une indemnisation en numéraire dont le montant est consigné.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. L’amendement de la commission vise à compléter le dispositif adopté au Sénat, qui prévoyait la possibilité d’une indemnisation en titres lors d’un retrait obligatoire, pour les détenteurs demeurant non identifiés.

Or vous souhaitez qu’à l’issue de l’offre l’indemnisation soit uniquement faite en numéraire. Votre amendement me semble pertinent : en effet, pendant la période de conciliation, qui peut être longue et durer jusqu’à dix ans, il faut éviter un éventuel arbitrage entre une indemnisation en numéraire ou sous forme de titres. C’est donc la raison pour laquelle le Gouvernement est favorable à votre amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 59.

La parole est à M. Hervé Novelli, pour le soutenir.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Il s’agit de proposer que les titres donnant - ou pouvant donner - accès au capital entrent dans le champ du retrait obligatoire.

Cet amendement me semble important parce que la procédure de retrait obligatoire introduite en droit français par la loi du 31 décembre 1993 a pour objectif de permettre aux actionnaires majoritaires qui détiennent plus de 95 % du capital ou des droits de vote d’une société d’imposer aux actionnaires minoritaires de leur transférer leurs titres, sous réserve, évidemment, d’une juste indemnisation.

Cette procédure, analysée par la jurisprudence comme une expropriation pour cause d’utilité générale, permet d’éviter le maintien en négociation d’un titre qui n’a plus véritablement d’existence boursière faute de liquidités suffisantes. Toutefois, la pratique révèle que le périmètre actuel du retrait obligatoire – qui ne concerne que les actions, les certificats d’investissement et les droits de vote – présente des difficultés.

Tout d’abord, ce périmètre pose problème aux actionnaires majoritaires. Les nouvelles techniques de financement des sociétés cotées, qui ont très largement recours à des augmentations de capital différées via l’émission de titres donnant ou pouvant donner accès au capital, conduisent à la multiplication de titres qui ne rentrent pas dans le champ du retrait obligatoire.

Ce périmètre pose aussi des difficultés aux actionnaires minoritaires qui, à la suite d’un retrait obligatoire, peuvent se retrouver avec des titres donnant accès au capital, alors même que la société est radiée de la cote. La protection des actionnaires minoritaires nécessite donc que le retrait obligatoire porte également sur les titres donnant ou pouvant donner accès au capital, moyennant une juste indemnisation sous le contrôle de l’AMF.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Le Gouvernement, très favorablement impressionné par cette innovation de la commission, qui apporte un véritable progrès par rapport au texte initial, soutient cet amendement avec enthousiasme.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Article 6

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 25 rectifié de la commission.

La parole est à M. le rapporteur pour le soutenir.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 26 de la commission.

La parole est à M. le rapporteur pour le soutenir.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Il s’agit également d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26, le Gouvernement ayant émis un avis favorable.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 6, ainsi modifié, est adopté.)

Article 7

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 27 de la commission.

La parole est à M. le rapporteur pour le soutenir.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, comme l’amendement n° 28.

M. le président. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 27, que je mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 28, de la commission, auquel le Gouvernement est favorable.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 7, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 7

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 29 de la commission.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination qui vise à tenir compte du fait que l’article 7 du projet de loi insère deux alinéas à la place du quatrième alinéa de l’article L. 432-1 du code du travail.

M. le président. L’avis du Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l’amendement n° 29.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 30 de la commission.

Le Gouvernement y est favorable.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

Article 8

M. le président. Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Article 9

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 31 de la commission.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Le Gouvernement y est favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 31.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié par l'amendement n° 31.

(L'article 9, ainsi modifié, est adopté.)

Article 10

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 32 de la commission.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Hervé Novelli, rapporteur. La rédaction retenue par le Sénat peut laisser entendre que l’assemblée générale est contrainte d’adopter ce que lui proposent les dirigeants. Or ce n’est pas le cas, et la commission des finances a jugé préférable de revenir à la rédaction initiale du Gouvernement. Du reste, si nous maintenions la rédaction retenue par le Sénat, il faudrait déposer d’autres amendements de coordination à plusieurs autres articles.

Il apparaît donc plus sage d’adopter l’amendement de la commission des finances.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 53.

La parole est à M. Philippe Auberger, pour le soutenir.

M. Philippe Auberger. Cet amendement reprend également une disposition discutée au Sénat.

Dans la mesure où, dans le cadre d’une offre publique d’acquisition, les réactions doivent être assez rapides, il est souhaitable que l’on puisse convoquer l’assemblée générale dans des délais assez courts. Néanmoins, même si l’on accepte que les délais soient précisés par un décret en Conseil d’État, il faut dans le même temps maintenir les règles de quorum sans lesquelles l’assemblée générale ne pourrait pas être valable.

Or, comme l’a bien dit M. le rapporteur, tout le dispositif repose sur le fait que les dirigeants ne doivent pas être totalement libres et le conseil d’administration considéré comme la seule riposte possible en cas d’OPA. En effet, notamment si l’on doit procéder à une augmentation de capital, il faut que l’assemblée générale puisse être convoquée et délibérer. De plus, il faut éviter que les conseils d’administration demandent aux assemblées générales des pouvoirs en blanc pour une augmentation de capital, comme c’est le cas actuellement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Hervé Novelli, rapporteur. Je suis favorable à l’amendement sur le fond mais, à ce stade de la discussion et à titre personnel, plutôt défavorable. En effet, M. le ministre, qui va pouvoir le confirmer, a indiqué au Sénat qu’une modification du décret de 1967 allait être engagée.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Tout à fait !

M. Hervé Novelli, rapporteur. Aussi, sous le bénéfice d’une confirmation précise de M. le ministre, je pense que notre collègue pourrait être satisfait.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je salue tout d’abord la perspicacité de M. Auberger, qui nous apporte beaucoup par son regard très précis sur ce texte. Et c’est justement ce dont nous avons besoin pour essayer de trouver les dispositions les meilleures.

Monsieur le député, le Gouvernement partage entièrement l’objectif que vous poursuivez. Cela dit, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, il ne me semble pas nécessaire de prévoir un nouveau renvoi au décret, une modification du décret de 1967 sur les sociétés commerciales nous semblant suffisante.

Je renouvelle donc bien volontiers, comme M. le rapporteur vient de m’y inciter, l’engagement que j’ai pris au Sénat à propos de la modification du décret de 1967. Cet engagement tenu, le délai de convocation sera plus court que celui du droit commun, ainsi que vous le souhaitez.

Par conséquent, au bénéfice de cette clarification, je vous invite à bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger. Je comprends parfaitement le souci de cohérence de M. le ministre et je n’avais pas eu l’occasion d’examiner en détail le débat du Sénat sur ce point.

Reste que le Sénat n’a pas évoqué un aspect nouveau. Il s’agit de maintenir, pour la première convocation de l’assemblée générale au moins, la règle habituelle des quorums, sans quoi il serait facile au conseil d’administration de convoquer très rapidement une assemblée générale aux effectifs insuffisamment significatifs pour prendre des décisions le plus souvent importantes. Je pense donc que les règles de quorum doivent être assez strictes.

Mais sous le bénéfice de la clarification apportée par M. le ministre, je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 53 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 33 de la commission.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Le Gouvernement y est favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 33.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 10, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 10, ainsi modifié, est adopté.)

Article 11

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 34 de la commission.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Nous voici arrivés à l’un des débats les plus passionnants qui soient, puisque nous allons devoir trancher entre le vice et la vertu.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Le vice est parti !

M. Philippe Auberger. Le débat est tranché d’avance !

M. Hervé Novelli, rapporteur. Merci d’anticiper, mon cher collègue, je vais toutefois m’expliquer davantage.

Cet amendement concerne la situation d’une entreprise française visée par plusieurs OPA, dont une au moins émane d’une société qui n’applique pas les dispositions de l’article 9 de la directive du 21 avril 2004 qui, je le rappelle, prévoit le recours à l’assemblée générale pour autoriser les dirigeants à mettre en œuvre des mesures défensives.

Pour les besoins de la démonstration, convenons d’appeler une entreprise n’appliquant pas l’article 9 de la directive une entreprise non vertueuse. Deux solutions seulement s’offrent à nous.

Ou bien l’on considère que l’entreprise française doit s’aligner sur le plus vertueux des offrants, et donc on ne lui permet pas de ne pas appliquer les dispositions de l’article 9, auquel cas la clause de réciprocité ne joue pas ; ou bien l’on considère que l’entreprise française doit s’aligner nécessairement sur le moins vertueux des offrants, en lui permettant de ne pas appliquer les dispositions de l’article 9, et ici la clause de réciprocité joue.

J’attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que chacune de ces deux solutions présente des inconvénients. Ainsi, si l’on fait jouer la clause de réciprocité, l’entreprise visée dans un premier temps par des offrants appliquant tous l’article 9 aura intérêt à ce qu’un nouvel offrant non vertueux se déclare. En effet, l’entreprise française pourra alors se dispenser d’être vertueuse, y compris face à des entités qui le sont. Un tel choix du législateur conduirait à une inégalité dans les règles du jeu. C’est la solution, je l’ai déjà mentionnée, qui privilégierait le vice par rapport à la vertu.

Dans le cas où l’on ne fait pas jouer la clause de réciprocité, une entreprise visée par des offrants vertueux ne pourra pas se dispenser d’appliquer l’article 9 de la directive. Or si elle fait l’objet d’une nouvelle offre d’une entité non vertueuse, qui, elle, pourra ne pas l’appliquer, elle sera désavantagée par rapport à l’offrant non vertueux qui jouera au « passager clandestin ».

Chacune de ces deux solutions présente donc des inconvénients et nous devons trancher en toute conscience. Le projet de loi initial du Gouvernement prévoyait qu’en la circonstance la clause de réciprocité ne pouvait pas jouer. C’était, monsieur le ministre, et je vous en félicite, la voie de la sagesse. Elle évitait en effet que les entreprises cibles n’imaginent des scenarii suscitant de nouvelles offres non vertueuses pour éviter d’appliquer l’article 9. C’était aussi faire le choix de la vertu, ce qui ne m’étonne absolument pas de votre part. À l’inverse, selon la proposition du Sénat, dès lors qu’un offrant n’applique pas l’article 9, l’entreprise visée n’est pas tenue d’être vertueuse, y compris vis-à-vis des offrants vertueux. Est-ce cette situation paradoxale que nous voulons permettre ? Une telle solution ne peut qu’inciter la cible à souhaiter qu’un offrant non vertueux surgisse, ce qui n’est pas très sain. Surtout, elle revient à s’aligner sur celui qui n’applique pas les dispositions que nous introduisons aujourd’hui dans notre droit.

Retenir la solution du Sénat reviendrait à faire primer le vice sur la vertu, ce qui ne saurait être notre intention.

M. Philippe Auberger. Quelle belle leçon de morale !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Telle n’est pas non plus l’intention du Gouvernement, monsieur le rapporteur. Vous l’avez rappelé, le projet initial prévoyait, conformément aux conclusions du rapport Lepetit, que la clause de réciprocité ne pouvait être mise en œuvre que si la société cible faisait l’objet d’offres initiées exclusivement par des sociétés n’appliquant pas l’article 9. Mais je vais vous expliquer pourquoi il nous a semblé in fine que le Sénat y avait apporté une amélioration.

Le Sénat a souhaité se placer du point de vue de la cible, ce qui n’était pas inutile. La suppression de l’adverbe « exclusivement » permettra en effet à une société française appliquant l’article 9 de faire jouer plus facilement la clause de réciprocité. Dès lors que toutes les entreprises n’appliquent pas cet article  – ce contre quoi nous ne pouvons rien en dehors du droit français –, les entreprises doivent pouvoir lutter à armes égales. Cela signifie que nous ne devons pas rendre vulnérables celles qui appliquent l’article 9.

Pour cette raison, et après avoir bien pesé le pour et le contre plutôt que le vice et la vertu, j’ai accepté la proposition du Sénat. Par conséquent, et compte tenu de ces explications, je vous demande, monsieur le rapporteur, de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Monsieur le ministre, je m’étonne que le Gouvernement, qui avait proposé cette rédaction dans la version initiale du projet, reprenne maintenant celle du Sénat. Je souhaite donc compléter ma démonstration. Pour des raisons tenant à la réputation de notre place financière, à la transparence des opérations et à l’éthique des marchés, j’ai choisi de préférer les sociétés vertueuses à celles qui ne le sont pas. C’est pourquoi, en conscience, je ne peux pas retirer cet amendement, même si je comprends les raisons de votre changement de position.

M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger. Comme le rapporteur, je m’étonne du changement de pied du Gouvernement. Alors que nous proposons de rétablir sa version initiale, il souhaite s’en tenir à la modification apportée par le Sénat. La situation est délicate !

La principale question tient au pays d’origine des attaquants possibles. Si ce sont des pays européens réputés pour leur réglementation financière – même si j’ai pu expliquer que s’agissant de l’Italie, on pouvait parfois nourrir des doutes sur certaines opérations –, il n’y a pas de difficulté à suivre la proposition de notre éminent rapporteur. Mais si l’on accepte d’appliquer cette clause en présence d’attaquants immatriculés dans une zone offshore sans la moindre réglementation boursière et n’ayant qu’une vague notion de la réciprocité, la position des sénateurs se défend parfaitement.

Le problème est que nous devons appliquer un texte qui concerne aussi bien des pays qui, tenant à leur bonne réputation financière, s’efforceront de garantir le sérieux des offres et des attaquants, que des pays beaucoup plus laxistes, qui, comme une pomme gâtée peut entraîner la pourriture de tout un panier, feraient courir un risque de contagion. Dès lors, la prévention du ministre est justifiée.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. La qualité de notre débat sur cette question n’a d’égale que celle qui a prévalu lors de la discussion au Sénat. Cela montre combien il est difficile de trancher.

Je tiens à le dire, mesdames, messieurs les députés, vos collègues sénateurs, en se plaçant du côté de la cible, ont eu une analyse également très pertinente. C’est celle que le Gouvernement a finalement retenue, même si les arguments avancés par le rapporteur sont d’un poids presque égal. Par souci d’homogénéité et de cohérence, le Gouvernement reste donc sur la position qu’il a prise au Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 35.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1.

La parole est à M. Etienne Blanc, pour le soutenir.

M. Étienne Blanc, suppléant M. le rapporteur pour avis. Le droit des États, au-dessus des statuts des entreprises, pose souvent des limites aux possibilités d’acquisition d’une entreprise nationale par une entreprise étrangère. Si l’on prend l’exemple d’une économie libérale développée, comme celle des États-Unis d’Amérique, le degré de protection des entreprises américaines est sensiblement plus élevé contre une offensive étrangère que contre une offre hostile d’une entreprise de droit américain. Mais les mesures législatives et réglementaires de protection des entreprises nationales sont également très présentes dans de nombreux autres États, en particulier parmi les pays émergents. À l’avenir, une entreprise française faisant l’objet d’une OPA hostile d’une entreprise chinoise, indienne ou turque, n’aura pas nécessairement en face d’elle une entreprise aussi respectueuse qu’elle du droit des actionnaires et des dispositions de protection du capital.

Bien sûr, on peut défendre l’idée selon laquelle l’analyse de l’équivalence des mesures, qui permet ou non d’invoquer la clause de réciprocité pour permettre à l’entreprise cible d’une offre publique émanant d’un État tiers de se défendre à armes égales, ne doit prendre en compte que les dispositions du ressort direct des entreprises. Mais cette notion d’équivalence, donc le contenu même de la clause de réciprocité, serait alors, dans une très large mesure, purement et simplement vidée de son sens. Il semble d’ailleurs aller de soi, du moins pour les praticiens consultés par mon collègue Xavier de Roux, que tant l’appréciation par l’entreprise cible de l’équivalence des mesures que la décision de l’AMF en cas de contentieux devront prendre en compte non seulement les statuts de l’entreprise initiatrice de l’OPA, mais aussi les règles législatives, réglementaires ou conventionnelles qui lui sont applicables en termes de contrôle du capital, à l’exception de ce qui relève du contrôle de la concurrence. Compte tenu de cette position exprimée par les professionnels, il ne paraît pas indispensable que la loi le prévoie explicitement. Néanmoins, la commission des lois a souhaité que ce point soit précisé pour clarifier le droit.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Hervé Novelli, rapporteur. La commission des finances a rejeté cet amendement. Si, en cas de contestation, l’AMF doit apprécier la réciprocité en prenant en compte non seulement les statuts des entreprises initiatrices, mais aussi les règles législatives, réglementaires et conventionnelles applicables à chacune d’elles en termes de contrôle du capital, cela revient à exiger d’elle qu’elle analyse tous les systèmes juridiques du monde, du niveau de l’État à celui des structures régionales ! Cela aurait peut-être pour effet de créer quelques emplois, mais je ne suis pas sûr que là soit notre propos. La portée de l’amendement paraît donc disproportionnée par rapport à l’objet du texte.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Cet amendement soulève, je le reconnais volontiers, une question pertinente. Dans certains pays, en effet, lois et règlements posent, indépendamment du droit boursier, des obstacles aux prises de contrôle. La prise en compte de cet état de fait dans le cadre de l’analyse de l’équivalence pourrait sembler justifiée. Néanmoins, cette proposition se heurte à trois difficultés majeures.

D’abord, une mesure aussi large de l’équivalence, qui pourra prendre en compte le droit de la concurrence, mais aussi la législation relative à certains secteurs comme la presse ou la défense, n’entre pas dans le champ des compétences de l’Autorité des marchés financiers, chargée uniquement de la surveillance et du bon fonctionnement des marchés financiers. La proposition va donc bien au-delà de ses missions.

Ensuite, cette extension pourrait remettre en cause nos engagements vis-à-vis de l’OMC. Alors que, dans le dispositif actuel, la réciprocité est appréciée entreprise par entreprise, en fonction des dispositifs statutaires et conventionnels, cette extension conduirait à prendre en compte dans certains cas la législation spécifique à chaque État et donc, in fine, à discriminer en fonction de la nationalité des entreprises, ce qui est évidemment impossible.

J’ajoute que cette interprétation pourrait être opposée à des entreprises françaises.

Enfin, l’extension que vous proposez est incompatible avec le considérant 21 de la directive, qui dispose que la réciprocité s’apprécie uniquement sur le fondement des dispositions statutaires et conventionnelles.

Pour toutes ces raisons, je pense plus raisonnable, monsieur Blanc, de retirer votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Etienne Blanc.

M. Étienne Blanc, suppléant M. le rapporteur pour avis. J’ai bien noté le souci de mon excellent collègue rapporteur de la commission des finances d’éviter un dérapage de la dépense publique du fait, selon lui, de la création d’un service spécifique chargé de comparer dans chaque pays de la planète le droit positif, que ce soit le droit commercial, le droit boursier ou les autres règles et législations qui protègent ces pays des offres publiques à caractère inamical. Cela étant, il n’est pas très juste qu’un pays se surprotège et qu’on ne puisse pas le lui reprocher alors même qu’une entreprise qui ressortit de cet État lance une offre publique d’achat très inamicale contre une entreprise française.

Faut-il désarmer notre droit et nos entreprises dans ce cas de figure ? La commission des lois a répondu non et a estimé qu’il fallait garder dans notre droit positif la possibilité d’utiliser cette argumentation, car il serait quand même choquant de mettre notre pays dans une situation d’infériorité.

Il y aurait peut-être une solution pour éviter le caractère systématique d’une instruction : ce serait d’ajouter à l’amendement proposé par la commission des lois les mots : « le cas échéant, » après le mot : « appréciée » pour laisser la possibilité à l’Autorité des marchés financiers, si elle le souhaite, d’utiliser simplement cet argument pour éviter une offre publique d’achat inamicale sur une entreprise française.

Je maintiens donc l’amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Malgré les explications de notre collègue de la commission des lois, je maintiens l’avis défavorable de la commission des finances.

Le dernier alinéa de l’article 11 précise que « toute contestation sur l’équivalence de ces mesures fait l’objet d’une décision de l’Autorité des marchés financiers. » On imagine bien que cette décision sera prise après un examen soigneux des contestations.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 36.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Il est retiré.

M. le président. L’amendement n° 36 est retiré.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 37.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 2.

La parole est à M. Etienne Blanc, pour le soutenir.

M. Étienne Blanc, suppléant M. le rapporteur pour avis. L’équilibre du projet de loi qui transpose la directive du 21 avril 2004 repose sur le double choix, qui a été proposé par le groupe de travail animé par M. Jean-François Lepetit, de rendre obligatoire l’article 9 de la directive, c’est-à-dire de contraindre la direction de l’entreprise cible d’une offre publique à demander aux actionnaires l’autorisation de prendre des mesures de défense anti-OPA, tout en retenant la clause de réciprocité prévue par l’article 12 de la directive si l’entreprise auteur de l’offre n’est pas elle-même soumise aux mêmes contraintes.

Toutefois, conformément à l’article 12 de la directive, l’invocation de la clause de réciprocité ne permet à la direction de l’entreprise cible de mettre en œuvre que des mesures de défense qui auront été approuvées à froid par l’assemblée générale des actionnaires, un an et demi au plus avant l’offre. Cette condition, qui est jugée restrictive, découle directement de la directive mais risque de rendre inopérante la mesure de défense anti-OPA généralement estimée la plus efficace en droit français par les praticiens, c’est-à-dire l’augmentation de capital réservée à certaines catégories d’actionnaires ou à certains actionnaires.

La jurisprudence de l’AMF impose en effet pour cela de définir des catégories d’actionnaires suffisamment précises. Faute de l’avoir fait, le conseil d’administration ne pourra pas, le moment venu, disposer d’une marge d’action suffisante.

Par ailleurs, il est manifestement impossible, dans le délai de dix-huit mois précédant l’offre, de connaître l’identité de l’éventuel chevalier blanc qui pourrait souscrire cette augmentation de capital réservée. La clause de réciprocité serait alors presque totalement privée de sa portée.

Si l’on se place non pas dans le cas le plus fréquent d’une OPA lancée par une entreprise française sur une autre ou par une entreprise européenne sur une entreprise française, mais dans le cas très particulier d’une OPA lancée par une entreprise d’un État très protectionniste, tiers à l’Europe, sur une entreprise française, il faut bien examiner les armes dont disposeront les entreprises françaises pour se défendre et la manière dont la clause de réciprocité pourra jouer.

Dans ce cas particulier, la commission des lois a considéré légitime de permettre de demander à l’avance à l’assemblée générale d’autoriser la délégation au conseil d’administration ou au directoire des pouvoirs nécessaires à la réalisation d’une augmentation de capital réservée pendant la période de l’offre, c’est-à-dire, en particulier, la désignation précise du ou des bénéficiaires de cette opération. Cela signifie que la délégation pourrait être faite à chaud afin de mettre en place le dispositif de protection.

L’assemblée des actionnaires demeurera en tout état de cause souveraine puisqu’elle aura la totale liberté, à la majorité de blocage – qui, je le rappelle, est du tiers –, de ne pas accorder cette autorisation de délégation à froid.

Compte tenu du caractère dérogatoire de la mesure, la commission des lois a souhaité que soient posés deux dispositifs de protection ; premièrement, les modalités seront logiquement soumises au contrôle de l’AMF et, deuxièmement, pour éviter que les actionnaires ne soient lésés, le prix de souscription de l’augmentation de capital réservée sera au moins égal à celui de la dernière offre publique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Hervé Novelli, rapporteur. La commission des finances a rejeté cet amendement.

En effet, comme l’a excellemment exposé notre collègue, cet amendement propose de permettre, dans le cas d’invocation légitime de la clause de réciprocité par une entreprise qui serait visée par une offre publique, de demander à l’avance à l’assemblée générale d’autoriser la délégation au conseil d’administration et au directoire des pouvoirs nécessaires à la réalisation d’une augmentation de capital réservée pendant la période d’offre, c’est-à-dire en particulier la désignation précise du ou des bénéficiaires de cette opération.

Je vous rends attentifs, mes chers collègues, au fait que cet amendement revient en fait à donner aux dirigeants un document en blanc sur lequel ils pourront, le moment venu, inscrire le nom du chevalier blanc de leur choix. Je considère, et la commission des finances m’a suivi de manière unanime, qu’il s’agit d’une entorse majeure à l’équilibre entre l’assemblée des actionnaires et les dirigeants, équilibre qui sous-tend à la fois la directive et le projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le rapporteur pour avis, si elle était retenue, votre proposition ferait évoluer très significativement notre droit.

Le droit actuel, en termes d’augmentation du capital réservée, est clair : soit l’assemblée générale décide une augmentation de capital et peut la réserver à des personnes dénommées, soit elle délègue au conseil d’administration le soin de la réaliser, après avoir déterminé les catégories de personnes qui peuvent en bénéficier.

Au Sénat, j’ai eu l’occasion de préciser que le projet de loi, dans sa version actuelle, permet tout à fait, dans le cadre de la réciprocité, que la délégation donnée à froid par l’assemblée générale perdure à chaud : les dirigeants auront ainsi la possibilité de réaliser une augmentation de capital réservée aux catégories de personnes préalablement définies par l’assemblée générale.

Vous proposez d’étendre cette possibilité : le conseil d’administration pourrait choisir, en période d’offre, la ou les personnes à qui serait ouverte l’augmentation du capital.

Mais, si vous introduisez des garde-fous importants en prévoyant que cela s’effectuerait sous le contrôle de l’AMF et dans des conditions de prix ne lésant pas les actionnaires, il reste qu’une telle procédure pose de sérieuses questions de gouvernance.

Dans la rédaction actuelle, la clause de réciprocité a d’ores et déjà un contenu. Il est peut-être possible de l’enrichir ou de préciser encore les règles de bonne gouvernance, mais cela demande un débat plus approfondi. C’est la raison pour laquelle, le Gouvernement vous demande, monsieur le rapporteur pour avis, de retirer votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger. J’ai le sentiment que l’adoption de cet amendement entraînerait une régression importante des pouvoirs de l’assemblée générale par rapport à ceux des dirigeants et, en particulier, du conseil d’administration. Même si ces pouvoirs sont bordés, la doctrine telle qu’on l’a développée au cours des dernières années est de limiter la diffusion des pouvoirs en blanc et de faire en sorte que les actionnaires, en assemblée générale, sachent exactement ce qu’ils vont voter et au bénéfice de qui.

Or, en acceptant cet amendement, on offrirait une arme très importante aux dirigeants ou au conseil d’administration, alors que les OPA – il ne faut pas le cacher et je l’ai dit dans mon exposé tout à l’heure – visent parfois à rompre avec la stratégie de l’équipe dirigeante et même, le cas échéant, à changer les dirigeants pour instaurer une nouvelle stratégie plus valorisante pour le capital et donc pour les actionnaires.

Si on laisse cette arme aux dirigeants, on leur offre une protection qui sera dans leur intérêt et pas dans celui de l’entreprise et des actionnaires.

Vous savez sans doute que la Caisse des dépôts et consignations a mis en place un comité consultatif de gouvernance, lequel a défini un code de bonne conduite à l’usage des gérants qui représentent la Caisse dans les assemblées générales où elle est actionnaire. Or, après de longues discussions, il a été décidé de refuser par principe – sauf cas très particuliers – de donner ce type de pouvoir au conseil d’administration. En investisseurs avisés sur le moyen et le long termes, nous avons considéré que cela donnait trop d’importance aux dirigeants par rapport à une stratégie d’investissement.

Telles sont les raisons pour lesquelles je suis, moi aussi, défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Etienne Blanc.

M. Étienne Blanc, suppléant M. le rapporteur pour avis. Je souligne que ce dispositif resterait exceptionnel, puisqu’il ne s’appliquerait que lorsque l’on considérerait que la clause de réciprocité n’est pas tout à fait respectée par l’entreprise auteur de l’offre publique d’achat.

Il ne s’agit pas d’un dispositif général. C’est la raison pour laquelle je maintiens cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je suis très sensible à l’argumentation de M. Auberger. En matière de gouvernance, on ne peut que souscrire à la vision qu’il a exprimée.

Comme l’a dit le rapporteur de la commission des finances, un chèque en blanc serait donné à un management, lequel, comme vient de le souligner M. Auberber, peut chercher plus à se protéger qu’à défendre l’intérêt des actionnaires. Ce cas est rarissime…

M. Pierre Cardo. Pas tant que ça !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. ...mais il peut se produire.

J’ajoute que cette disposition ne donnerait pas une bonne image sur la place. Vous avez fait allusion, monsieur Auberger, à la Caisse des dépôts et consignations. Cet organisme intervient assez significativement sur la place dans l’intérêt de ses mandants, et c’est une bonne chose. On pourrait donner le sentiment qu’il pourrait être appelé au secours de certaines entreprises.

Cela n’arrivera jamais, bien sûr. La Caisse des dépôts et consignations n’intervient jamais que de façon raisonnable. C’est un cas purement théorique. Mais les observateurs extérieurs ne connaissent pas la qualité de la gouvernance de la Caisse des dépôts ni des autres institutions de cette nature.

Même si je comprends votre analyse, monsieur le rapporteur pour avis, tant en matière de gouvernance qu’en matière d’image sur la place, votre amendement serait finalement contreproductif. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement maintient son avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 11, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 11, ainsi modifié, est adopté.)

Articles 12 à 15 

M. le président. Les articles 12 à 15 ne font l’objet d’aucun amendement.

Je vais les mettre successivement aux voix.

(Les articles 12 à 15, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Article 16

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, n° 38, 52 et 3, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 38.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Je m’exprimerai rapidement sur l’ensemble des amendements qui concernent les articles 16 et 17, ce qui permettra de mieux voir le lien entre ces deux articles.

L’amendement n° 38 de la commission des finances doit se comprendre à la lecture des articles 16 et 17, qui ont trait à la première assemblée générale suivant la réussite d’une offre.

L’article 16 propose en cas de réussite de l’offre une suspension obligatoire des restrictions statutaires, tandis que l’article 17 propose une suspension facultative des restrictions statutaires et conventionnelles.

Premier élément : la commission des finances a approuvé le principe d’une articulation entre ces deux dispositifs. En clair, la suspension facultative est possible jusqu’à un certain seuil. Au-delà, il s’agit d’une suspension obligatoire. Sur ce point, la commission des finances et la commission des lois sont d’accord.

La commission des finances a d’ailleurs adopté très clairement l’amendement n° 4 de la commission des lois présenté à l’article 17, qui met en œuvre ce principe.

Deuxième élément  – c’est le seul point de divergence –, nous ne sommes pas tout à fait d’accord sur la façon de fixer le seuil de la suspension obligatoire.

La commission des finances propose par son amendement n° 38 de le fixer aux deux tiers du capital. Elle a donc, très logiquement, rejeté l’amendement n° 3 de la commission des lois, qui propose que le seuil soit fixé par le règlement général de l’AMF entre les deux tiers et les trois quarts – ce dernier chiffre étant, je vous le rappelle, fixé dans la directive.

La commission, en revanche, n’a pas examiné l’amendement n° 52 de M. Auberger, qui propose que le seuil soit fixé par le règlement général de l’AMF entre 50,1 % et les deux tiers. Après la présentation de l’amendement de M. Auberger, je me permettrai de donner un avis à titre personnel.

M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger, pour soutenir l’amendement n° 52

M. Philippe Auberger. Je pense que l’on peut à juste titre lier la discussion des amendements nos 38, 52 et 3. Ils ont des objets très semblables mais ne parviennent pas à la même solution.

L’amendement n° 52 est plus souple que l’amendement n° 38 et il est parfaitement compatible avec ce dernier. Il donne une certaine marge de liberté à l’AMF, tout en l’encadrant. Je pense qu’il est important que le seuil à partir duquel on estime que l’OPA a réussi soit clairement fixé. Et il faut aussi laisser une certaine latitude à l’AMF.

C’est la raison pour laquelle j’ai proposé une échelle comprise entre 50,1 et 66,6 %. Le pourcentage de 66,6 a été retenu par le rapporteur mais cette limite n’offre aucune souplesse à l’AMF.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l’amendement n° 38 ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Et l’amendement n ° 3 ?

M. le président. Nous allons d’abord examiner l’amendement n° 38. S’il est adopté, il fera tomber les amendements nos 52 et 3.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je suis favorable à la fixation d’un seuil permettant de laisser une certaine marge de manœuvre. Toutefois, l’amendement n° 3 de la commission des lois, qui dispose clairement que le seuil ne peut pas être supérieur à 75 % – seuil imposé par la directive –, me semble préférable.

En l’état actuel des choses, je souhaite que l’amendement n° 38 soit retiré.

M. le président. Je vais de nouveau donner la parole à M. le rapporteur. Après quoi, je la donnerai à M. Étienne Blanc, dont l’amendement n° 3 tomberait en cas d’adoption de l’amendement n° 38.

M. Hervé Novelli, rapporteur. J’ai bien écouté les propos de M. le ministre sur l’amendement n° 38.

J’ai conscience d’avoir été un peu rude avec la commission des lois depuis le début de la discussion, mais les arguments que j’avançais me paraissaient pleinement justifiés.

Je suis prêt à retirer l’amendement n° 38 de la commission des finances au bénéfice de l’amendement n° 3 de la commission des lois. Je souhaiterais que l’amendement n° 52 puisse être retiré dans le même mouvement. Cela nous permettrait d’avoir des articles 16 et 17 parfaitement coordonnés en matière de seuils.

M. le président. L’amendement n° 38 est retiré.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger. Je suis un peu surpris par la réaction de notre excellent rapporteur.

Je lui avais dit en commission, que je n’étais pas opposé à son amendement n° 38 et je lui avais exposé verbalement un amendement – il n’avait pas été formellement déposé – qui permettait une certaine latitude.

Mon amendement n° 52 était plus souple que le sien mais il incluait l’amendement n° 38. Si je comprends bien, le rapporteur va maintenant jusqu’à accepter la limite des trois quarts. J’aurais volontiers retiré mon amendement n° 52 au bénéfice de l’amendement n° 38, mais je ne puis le faire au bénéfice de l’amendement n° 3.

M. le président. La parole est à M. Etienne Blanc, pour soutenir l’amendement n° 3.

M. Étienne Blanc, suppléant M. le rapporteur pour avis. L’amendement n° 3 a été très largement exposé dans son principe.

Il rappelle que l’article L. 225-125 du code de commerce permet au statut de l’entreprise dont les actionnaires le souhaitent de limiter le nombre de voix par actionnaire pour prévenir l’écrasement des petits porteurs, sous réserve de ne pas favoriser ou léser une catégorie particulière d’actionnaires.

Cette limitation statutaire va se traduire par l’obligation – pour la décider, comme pour la supprimer – d’une majorité qualifiée en assemblée générale extraordinaire, c’est-à-dire des deux tiers des voix des actionnaires présents ou représentés en application de l’article L. 225-96 du code de commerce.

L’article 16 du projet de loi modifie l’article L. 225-125 de façon à suspendre automatiquement l’application des limitations statutaires du nombre de voix qui l’autorise lors de la première assemblée générale suivant la clôture de l’offre publique, lorsqu’elle est réussie. Ainsi, celui qui a mené son offre d’acquisition pourra exercer immédiatement et sans délai, à l’occasion de cette première assemblée générale, les pouvoirs qui lui reviennent du fait de la réussite de son offre.

Cette suspension n’est imposée que si l’auteur de l’offre est parvenu à détenir une proportion des actions supérieure à un seuil qui est exprimé en fractions de capital ou de droits de vote.

La directive a exigé que ce seuil soit au plus égal à 75 % du capital, assortis de droits de vote.

L’amendement proposé par la commission de lois vise à assurer une cohérence du dispositif nouveau avec l’article L. 225-125 qui est en vigueur et qui conduit à retenir un seuil égal au minimum à celui prévu en droit français pour modifier les statuts, c’est-à-dire le seuil des deux tiers.

Ce seuil est déjà appliqué par plusieurs groupes cotés. À titre d’exemple, le seuil des deux tiers du capital est celui prévu par les statuts d’un grand groupe alimentaire coté au CAC 40 qui limite à 6 % le nombre total de votes par actionnaire, pour rendre caduque cette limitation dès qu’un actionnaire franchit le seuil des deux tiers, à l’issue d’une offre publique.

Le rôle légitime de l’AMF sera pour sa part préservé puisqu’elle demeurera chargée, dans son règlement général, de déterminer précisément le niveau de seuil entre le plancher des deux tiers, fixé par la loi, et le plafond de 75 %, qui est prévu par la directive.

M. le président. La parole est à M. Jacques Bobe.

M. Jacques Bobe. À titre personnel, je suis favorable à l’amendement n° 3.

Ainsi que le rapporteur pour avis vient de l’indiquer très précisément, la loi française prévoit que la modification des statuts ne peut intervenir que si une majorité des deux tiers le décide.

Ce seuil me paraît être en cohérence avec le droit français.

Il y a quand même, mes chers collègues, une certaine liberté de manœuvre entre les deux tiers et les trois quarts. Ce n’est évidemment pas la même souplesse qu’entre 50,1 % et 66,6 %. Mais 50,1 %, c’est la majorité simple pour toutes les opérations courantes de gestion. Par conséquent, je crois qu’il vaut mieux s’adosser au seuil de 66,6 % proposé par l’amendement n° 3.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Hervé Novelli, rapporteur. J’ai retiré l’amendement n° 38, mais je voudrais intervenir sur l’amendement n° 52 de M. Auberger et reprendre pour une large part les propos de M. Bobe.

Le seuil ne doit pas être inférieur aux deux tiers, proportion nécessaire pour modifier les statuts. Cela me semble être la bonne solution.

À titre personnel, je suis défavorable à l’amendement n° 52 et je me rallie à l’amendement n° 3 de la commission des lois.

M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger. À vrai dire, j’aurais été tenté de reprendre l’amendement n° 38 de la commission des finances proposant un seuil de 66,6 %, car je sais bien qu’en droit français il n’est en effet pas justifié d’aller jusqu’à 75 %, même si tel était mon souhait.

M. le président. Je vous rappelle, monsieur Auberger, que le rapporteur a retiré l’amendement n° 38.

M. Philippe Auberger. Alors j’en reste là : je retire mon amendement, mais je voterai contre l’amendement n° 3.

M. le président. Les amendements n°s 38 et 52 ayant été retirés, je mets aux voix l’amendement n° 3.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 16, modifié par l'amendement n° 3.

(L'article 16, ainsi modifié, est adopté.)

Article 17

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 39.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 4.

La parole est à M. Etienne Blanc, pour le soutenir.

M. Étienne Blanc, suppléant M. le rapporteur pour avis. L'article 16 du projet de loi rend obligatoire la suspension, pendant la première assemblée générale suivant une offre publique réussie, des mesures statutaires restrictives de l'exercice du droit de vote des actionnaires, de façon à permettre à celui qui a pu faire aboutir son offre de prendre effectivement et normalement le contrôle de l'entreprise qu'il a acquise. Cette suspension obligatoire est subordonnée au franchissement d'une proportion du capital ou de voix de l'entreprise acquise.

L'article 17 prévoit pour sa part la même suspension, mais seulement facultative, si elle est prévue dans les statuts de la société, pour la même première assemblée générale, des effets des restrictions statutaires comme conventionnelles à l'exercice du droit de vote. Cette suspension facultative est également soumise au dépassement par l'offreur d'un seuil exprimé en fraction du capital, et dont la détermination incombera au règlement général de l'AMF.

Les deux dispositifs peuvent paraître partiellement redondants. Pour les articuler de manière cohérente et utile, il est proposé de préciser qu'ils sont destinés à permettre une gradation des mesures : la suspension facultative devrait ainsi n'être possible que pour un seuil exprimé en proportion du capital strictement inférieur à celui au-delà duquel elle est obligatoire.

Tout cela va sans dire, mais il me semble préférable de l’écrire explicitement dans la loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Hervé Novelli, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 17, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 17, ainsi modifié, est adopté.)

Article 18

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 40.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 18, modifié par l'amendement n° 40.

(L'article 18, ainsi modifié, est adopté.)

Article 19

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 41.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Le deuxième alinéa de l'article L. 233-40 du code de commerce dont la suppression est ici proposée résulte de l'adoption par le Sénat d’un amendement contre l'avis du Gouvernement.

Ce dispositif vise à appliquer la clause de réciprocité aux cas où un ou plusieurs initiateurs d'offres visent des sociétés qui ont volontairement décidé d'inclure dans leurs statuts l'inopposabilité ou la suspension de restrictions facultatives au transfert de titres, à l'exercice du droit de vote ou des droits extraordinaires de nomination ou de révocation de certains actionnaires. Celles-ci sont prévues par les articles 13 à 15 et 17 et 18 du projet de loi. Mais le dispositif ne couvre pas les dispositions obligatoires insérées par les articles 12 et 16.

Trois choix étaient envisageables.

Premièrement, ne pas introduire de clause de réciprocité pour l’application facultative des dispositions de l’article 11 de la directive. C’est la position du Gouvernement tant dans son projet de loi initial qu’au Sénat.

Deuxièmement, prévoir une clause de réciprocité pour les dispositions de l’article 11 de la directive qui s’appliquent de manière obligatoire et facultative, en vertu des articles 12 à 18 du projet de loi.

Troisièmement, prévoir une clause de réciprocité pour les dispositions de l’article 11 de la directive qui s’appliquent de manière facultative, le Sénat ayant retenu cette dernière option. Pourtant, ce cas de figure, je l’ai indiqué lors de la discussion générale, laisse planer une incertitude : la directive permet-elle une réciprocité « à la carte » des dispositions de son article 11 ? Nous sommes là au cœur d’incertitudes juridiques fortes.

Le paragraphe 3 de l’article 12 de la directive, en ne prévoyant que l’application par les sociétés de l’article 11 en tant que tel, ne prévoit pas le cas d’une clause de réciprocité sur une partie et une partie seulement de cet article. Il subsiste donc une incertitude forte sur la conformité au droit communautaire du dispositif adopté par le Sénat. C’est la raison pour laquelle il m’a semblé plus sage, avec l’ensemble des membres de la commission des finances, de supprimer l’ajout du Sénat pour revenir à la position initiale du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je me félicite que la commission des finances et le Gouvernement partagent la même analyse. C’est une bonne chose de revenir à notre choix initial, plus sûr juridiquement et plus opportun.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 19, modifié par l'amendement n° 41.

(L'article 19, ainsi modifié, est adopté.)

Article 20

M. le président. Sur l’article 20, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L’article est adopté.)

Article 21

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 42.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer l’article 21, qui fixe la date d’application de cette loi, et vise à permettre une application immédiate de la loi dès sa publication. Il faut en effet que les assemblées générales qui se tiendront après la promulgation de la loi puissent adopter des résolutions l'appliquant avant le 20 mai 2006, date d'entrée en vigueur de la directive. Cela facilitera la tâche des sociétés.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Voilà une remarque tout à fait pertinente, monsieur le rapporteur, et qui va dans le sens d’une demande très compréhensible des entreprises, en particulier en cette période de l’année. C’est avec enthousiasme, là encore, que nous soutenons cette proposition.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 21 est supprimé.

Avant l’article 22

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 43.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.

(L'amendement est adopté.)

Article 22

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 5.

La parole est à M. Etienne Blanc, pour le soutenir.

M. Étienne Blanc, suppléant M. le rapporteur pour avis. Cet amendement relève d’une observation générale de la commission des lois sur le droit des affaires qui est un droit très « pénalisé ». De nombreuses mesures sont assorties de sanctions pénales qui, parfois, sont excessives au regard de la faute commise. C’est le cas par exemple d’une mesure qui a été récemment supprimée mais qui prévoyait que le président d’un conseil d’administration pouvait être sanctionné pénalement pour avoir commis des erreurs de forme dans la convocation d’une assemblée générale ou la tenue du registre des assemblées.

Une contravention était prévue avec sanction pénale à la clé en cas de non-observation de ces règles. Nous avons considéré qu’il s’agissait d’une exception, notamment en Europe.

Par ailleurs, la commission s’est à plusieurs reprises exprimé sur le régime des nullités. Nous avons considéré que des nullités absolues et systématiques ne devaient pas avoir cours, car la proportion entre l’erreur ou la faute commise et les conséquences de cette faute n’était pas respectée dans la mesure où la nullité systématique engendrait parfois des conséquences extrêmement lourdes pour une faute à caractère véniel.

Nous avons considéré que, lorsque le Sénat décide que la nullité sera facultative en cas de faute sur un vote électronique, le caractère facultatif doit être étendu à l’ensemble du dispositif concernant le vote, se rapprochant ainsi de la jurisprudence administrative en ce qui concerne les élections. Lorsque les conséquences de la faute n’ont pas d’incidence sur le résultat, la nullité ne doit pas être systématique et il faut laisser au magistrat la possibilité de se prononcer sur le sujet et décider si, oui ou non, il doit y avoir nullité. De fait, cet amendement vise à étendre le régime de la nullité facultative, au-delà de ce qu’a prévu le Sénat pour le vote électronique, à l’ensemble des opérations de vote.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Hervé Novelli, rapporteur. La commission a examiné cet amendement et a donné un avis favorable. Comme l’a excellemment indiqué notre collègue Étienne Blanc, l’article L.235-2-1 du code de commerce qu’il nous est proposé de retoucher a été introduit par la loi sur la sécurité financière du 1er août 2003 et traite des irrégularités constatées dans les votes sur les délibérations des assemblées générales. Ce texte a remplacé les sanctions pénales antérieures par une nullité impérative des délibérations prises si des dysfonctionnements sont constatés. Le juge saisi ne peut pas moduler son jugement.

L’article 22 adopté par le Sénat traite en effet du cas spécifique du vote électronique. Le texte propose que les dysfonctionnements observés sur les votes électroniques ne conduisent à la nullité des délibérations que si le juge l’estime nécessaire. Il se comporterait un peu comme le juge électoral. L’amendement de la commission des lois va plus loin en proposant que le juge puisse apprécier la gravité de tout dysfonctionnement dans les procédures de vote. Après une discussion fournie en commission des finances, cet amendement nous a semblé de bon sens et c’est pourquoi nous l’avons adopté.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Le régime actuel de sanctions prévoit l’annulation automatique des décisions prises en assemblée générale en violation des règles régissant le droit de vote. Le Sénat a effectué un pas important en basculant les questions relatives au vote électronique dans un régime de nullité facultative, c’est-à-dire laissée à l’appréciation du juge.

Vous proposez d’aller un peu plus loin et d’effectuer ce basculement pour l’ensemble des dispositions régissant le droit de vote. Comme vous le soulignez, monsieur le rapporteur pour avis, un contentieux mineur portant sur un très petit nombre de voix peut déboucher sur l’annulation complète des délibérations de l’assemblée sans que le juge dispose d’une quelconque marge de manœuvre pour apprécier le cas d’espèce. Cela constitue une source d’insécurité juridique pour nos entreprises. J’ai du reste entendu avec intérêt la jurisprudence que vous avez élargie à d’autres cas.

Il est proposé de donner au juge la liberté d’apprécier de manière générale la nécessité d’annuler ou non la décision contestée de l’assemblée générale, quelles que soient les modalités de vote, en lui faisant confiance pour avoir à cœur d’assurer la protection des actionnaires et en considérant l’importance que revêt la sécurité juridique.

Sur ce point, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de votre assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L’article 22 est ainsi rédigé.

Article 23

M. le président. L’article 23 ne fait l’objet d’aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L'article 23 est adopté.)

Article 24

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 44.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 24 est ainsi rédigé.

Article 25

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 45.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, comme le sont les amendements qui suivent.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 45.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 46 de la commission. Sur cet amendement rédactionnel, l’avis du Gouvernement est favorable.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 47 de la commission, amendement rédactionnel auquel le Gouvernement est également favorable.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 48 de la commission.

M. Hervé Novelli, rapporteur. Il s’agit là encore d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 48.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 49 deuxième rectification de la commission, amendement rédactionnel auquel le Gouvernement est favorable.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 50, de la commission, amendement rédactionnel auquel le Gouvernement est également favorable.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 51, de la commission, amendement rédactionnel auquel le Gouvernement est favorable.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 25, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 25, ainsi modifié, est adopté.)

Article 26

M. le président. L’article 26 ne fait l’objet d’aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L'article 26 est adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je ne suis saisi d’aucune demande d’explication de vote.

Je mets donc aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

M. le président. Pour terminer, permettez-moi, en votre nom, monsieur le ministre, au nom du rapporteur de la commission des finances et du rapporteur pour avis de la commission des lois, de souhaiter un très bon anniversaire à M. Philippe Auberger. (Applaudissements.)

sécurité et développement
des transports

Communication relative à la désignation
d’une commission mixte paritaire

M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m’informant qu’il avait décidé de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la sécurité et au développement des transports.

Ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Mardi 20 décembre 2005, à neuf heures trente, première séance publique :

Questions orales sans débat.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2006 :

Rapport, n° 2761, de M. Gilles Carrez, rapporteur général ;

Discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 1206, relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information :

Rapport, n° 2349, de M. Christian Vanneste, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)