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M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Nous commençons par une question du groupe Union pour la démocratie française.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.
M. Pierre-Christophe Baguet. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Comment recréer du lien social ? Comment donner une formation et transmettre des valeurs à notre jeunesse ? Comment renforcer son sens de la citoyenneté ? Dès 2001, l’UDF avait proposé de créer un service civil universel obligatoire pour permettre à tous les jeunes, garçons et filles de toutes origines et de toutes conditions sociales, d’acquérir de l’expérience dans des domaines divers, de donner de leur temps aux autres, de se consacrer à des causes d’intérêt général ou humanitaires en France, en Europe ou dans le monde. Ils apprendraient ainsi à se connaître et à se respecter, ce dont les événements de cet automne dans nos banlieues ont rappelé tout l’intérêt.
Or, dans le projet de loi sur l’égalité des chances, le service civil volontaire que vous proposez n’est guère éloigné des dispositifs existants et ne s’adresse qu’aux jeunes issus de quartiers difficiles.
Je ne voudrais pas que nous rations cette occasion de renforcer la cohésion nationale : un service civil n’a de sens que s’il est obligatoire, afin de permettre un brassage entre tous les jeunes Français. Le mélange de la jeunesse est l’essence même de l’esprit républicain.
De nombreuses personnalités de la société civile et plus de 450 parlementaires, sur tous bancs, ont affirmé publiquement, dans le magazine La Vie, leur soutien à cette proposition de l’UDF, par ailleurs très attendue par les Français.
Monsieur le Premier ministre, comment comptez-vous répondre à cet appel du pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur le député, je suis totalement d’accord avec vous. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Aujourd’hui plus que jamais, l’engagement au service de la collectivité et de la nation est nécessaire pour maintenir la cohésion, pour rappeler ce lien social qui unit notre pays. Cet objectif, au demeurant, est au cœur même du service civil volontaire annoncé par le Président de la République et mis en œuvre par le gouvernement de Dominique de Villepin. « Défense deuxième chance », « cadets de la République », volontariat associatif, contrats aidés – dans le domaine de l’environnement, par exemple –, tous ces dispositifs accompagnent les jeunes vers une insertion professionnelle stable. Il en va de même du contrat première embauche et, plus largement, du plan de cohésion sociale,
Pour autant, il ne me semble pas nécessaire de dénaturer cet esprit de volontariat, d’engagement désintéressé de notre jeunesse.
M. André Schneider. Tout à fait !
M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. En effet, les problèmes pourraient s’amonceler rapidement : comment donner des missions d’intérêt général à toute une classe d’âge, soit 800 000 jeunes par an ? Pensez-vous que nous puissions confier à des associations un tel dispositif ? Il est à craindre que, très vite, les jeunes ne cherchent par tous les moyens à se décharger de cette contrainte !
M. Yves Bur. Exactement ! Comme pour le service militaire !
M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Par ailleurs, j’ai entendu l’opposition proposer un service obligatoire de deux fois quinze jours.
M. Jean Glavany. Personne n’a jamais dit cela !
M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. C’est une mesure cosmétique qui n’a aucun intérêt. Vous avez pour votre part parlé d’une durée moyenne de six mois, monsieur Baguet.
M. Jean Glavany et M. François Lamy. Tout à fait !
M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Cela reviendrait à désorganiser totalement les cursus de formation et à mettre en danger les jeunes qui rencontrent des difficultés pour trouver un emploi. Or la priorité du gouvernement de Dominique de Villepin est de leur donner un emploi stable.
Dernier élément, et non des moindres : le coût d’une telle organisation, évalué à dix milliards d’euros par an au minimum.
M. Pierre-Christophe Baguet et M. Jean Dionis du Séjour. Non ! Trois milliards !
M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. N’utilisons pas les recettes d’hier pour répondre aux préoccupations d’aujourd’hui. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le Premier ministre, vous êtes un homme lettré. Chacun se rappelle votre intervention de New York. Aussi, pour vous poser ma question sur la délinquance, ai-je consulté le Littré, pour qui un délinquant est « celui qui a commis un délit », et pour qui un délit est une « infraction quelconque à la loi ». Et, comme le dit si bien M. Sarkozy : « Ce qui est en question, c’est l’impunité d’un certain nombre d’individus qui croient pouvoir s’exonérer des conséquences de la loi républicaine. Cette période est révolue. »
M. Yves Bur. Voilà que le Littré se met à citer M. Sarkozy ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Brard. Tels sont les propos du Gouvernement. Or quelle est la réalité ? Sur les 36 000 maires de France qui se dépensent sans compter pour nos concitoyens,…
M. Patrick Balkany. Ça c’est vrai !
M. Jean-Pierre Brard. …il en est une centaine qui refusent d’appliquer la loi qui impose 20 % de logements sociaux dans les villes. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.) Il y a donc une centaine de maires délinquants, monsieur le Premier ministre. Ils n’appliquent pas la loi, au sens où l’entend M. Sarkozy lui-même.
Ma question est simple : qu’allez-vous faire pour cette centaine de maires – par exemple celui de Saint-Maur, dans le Val-de-Marne, celui d’Ormesson, en Seine-et-Marne, celui d’Arcachon… (Exclamations et huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Démagogue ! Délateur ! Staline !
M. Jean-Pierre Brard. Vous demanderez aussi à M. Sarkozy, monsieur le Premier ministre, le nom du maire délinquant de Neuilly-sur-Seine, commune qui compte 1,34 % de logements sociaux.
Monsieur le Premier ministre, qu’allez-vous faire pour que la loi soit respectée, pour qu’on n’arrête pas seulement les voleurs de poules mais que les maires délinquants aient à répondre de leurs actes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Richard Mallié. Scandaleux !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.
M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je suis un peu surpris que vous posiez une question alors que vous en connaissez la réponse, monsieur le député : depuis le 23 août, les préfets ont été saisis pour vérifier dans chaque commune l’application de la loi. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Lorsque le rattrapage n’a pas été effectué dans conditions prévues, la loi française est appliquée. Le doublement des sanctions est en place. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Bien plus : les préfets se substituent alors aux maires et ont le pouvoir de délivrer des permis de construire.
Cela étant, votre brillante intervention ne saurait vous dispenser d’un petit effort de mémoire. Je rappelle que la majorité que vous avez soutenue est celle qui, depuis la guerre, a construit le moins de logements sociaux en France. (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. André Chassaigne. Mensonge !
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. À titre d’exemple, 40 000 logements sociaux ont été construits en 2000, alors que nous en avons construit 80 200 l’an passé. Notre objectif est de passer à 100 000 : le pacte national pour le logement a été conclu à cet effet.
Il est plus facile de construire des discours que des logements sociaux, monsieur Brard ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Nicolas, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Jean-Pierre Nicolas. Monsieur le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, le développement des services à la personne, rendu possible par la loi du 26 juillet 2005, participe de l’ambition du Gouvernement d’améliorer la vie quotidienne des Français. Il répond à la fois aux défis du vieillissement et à la chance que représente pour notre pays un taux de natalité élevé. Il permettra à chacun et chacune de mieux concilier vie professionnelle et vie personnelle et familiale, à tout âge et partout en France. C’est une aspiration profonde de tous nos concitoyens, que je peux constater chaque jour dans ma circonscription d’Évreux.
L’objectif est également de créer dans ce secteur des emplois qualifiés, qui permettront d’accomplir, grâce à des formations adaptées, des parcours professionnels réussis.
Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous donner à la représentation nationale quelques indications sur la mise en œuvre du plan de développement des services à la personne, et en particulier sur la mise en place du chèque emploi service universel, le CESU, mesure phare de la loi du 26 juillet 2005 dont la presse s’est déjà largement fait l’écho ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.
M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. L’objectif du Gouvernement est en effet de simplifier la vie de nos concitoyens, monsieur le député.
M. Maxime Gremetz. Il est loin de l’avoir atteint !
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Cela suppose notamment que l’on puisse accéder facilement à tous les services dont nous avons besoin au quotidien. Un dispositif simple était donc nécessaire. Il fallait d’abord – osons le dire – que le prix n’excède pas celui du travail au noir. Il fallait aussi, outre la facilité d’accès, un service efficace et un titre de paiement simple.
C’est ainsi que sera lancé dès mardi prochain le chèque emploi service universel, grâce à la mobilisation de la Banque de France, qui sécurisera le système. Ce chèque va révolutionner les services à la personne. Non seulement il simplifiera la vie de chacun, mais il créera aussi, selon les estimations d’économistes reconnus, entre 500 000 et un million d’emplois. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je perçois déjà le drame que l’on commence à vivre sur certains bancs ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque, pour le groupe socialiste.
M. Philippe Vuilque. Ma question sera précise, monsieur le Premier ministre, et appelle une réponse claire de votre part. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je le souligne, car cela ne semble pas dans vos habitudes !
Je souhaite illustrer par un exemple concret les risques et les dérives que comporte votre projet de contrat première embauche pour les salariés et les jeunes en particulier. Une jeune femme de vingt-neuf ans a signé le 2 novembre 2005 un contrat « nouvelles embauches » – rappelons que ce qui est aujourd’hui valable pour le CNE le sera demain pour le CPE – avec un groupement d’employeurs de ma circonscription, dans la Pointe de Givet, pour travailler dans une supérette. Devant subir une intervention chirurgicale à la mi-décembre, comme l’atteste un certificat de l’hôpital, cette jeune femme consciencieuse, pour éviter d’être absente pendant la période des fêtes de fin d’année, repousse l’opération au 10 janvier et prévient son employeur. Or, elle reçoit le 3 janvier une lettre de ce dernier lui signifiant la fin de son contrat et ce, bien sûr, sans aucune explication, comme le prévoit votre dispositif.
Cet exemple montre bien qu’en cas de maladie, de problèmes familiaux graves ou liés aux risques de la vie, le jeune salarié pourra se retrouver viré du jour au lendemain, sans motif exprimé, sans entretien préalable, sans assistance.
De tels excès résultent de l’absence de motivation de la lettre de licenciement. C’est en réintroduisant cette possibilité, qui n’existe plus depuis 1973 dans le code du travail, que vous légalisez la précarité.
M. Jean-Marc Roubaud. C’est faux !
M. Philippe Vuilque. Bien sûr, tous les chefs d’entreprise n’agissent pas et n’agiront pas de la même manière (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), mais nous savons tous d’expérience que de telles dérives se reproduiront.
On ne peut pas licencier comme cela un salarié en maladie, me direz-vous. La preuve que si ! Contrairement à ce que vos ministres ont dit hier, le contrôle du juge sera réduit à néant puisque les motifs du licenciement seront discrétionnaires. Voilà à quoi aboutira le contrat première embauche. Il faut que les jeunes le sachent : il réduira leurs droits de citoyens ! (« La question ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) La voilà : avez-vous l’intention de revenir sur ces dispositions injustes et inadmissibles, monsieur le Premier ministre ? (« Non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Noël Mamère. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.
M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député, grâce à votre question, nous allons pouvoir recadrer le débat sur le contrat nouvelle embauche et, en anticipant sur son adoption en faveur de laquelle je vous invite à voter, sur le contrat première embauche. Ces contrats sont-ils exorbitants des règles de l’ordre public social ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.) La réponse est non ! Vous le sauriez si vous aviez assisté à la discussion générale.
M. Alain Néri. Faux !
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. La loi est claire : le juge pourra être saisi en cas de discrimination, qu’elle soit fondée sur l’origine, les opinions, le statut de personne protégée ou la maladie, et cela vous ennuie beaucoup !
M. Alain Vidalies. Cette réponse n’est pas acceptable !
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Vous raisonnez selon des schémas dépassés, qui vous empêchent de comprendre que la période de consolidation est une innovation qui fait progresser le droit social. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Elle n’a rien d’une période d’essai, comme vous voudriez le faire croire, puisqu’elle est assortie d’indemnités et d’un préavis en cas de rupture du contrat de travail. Le CPE offre donc toutes les protections traditionnelles prévues par l’ordre public social. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Philippe Vuilque. Ce n’est pas vrai !
M. le président. Un peu de calme !
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Que cette réponse claire vous dérange, monsieur Vuilque, je peux le comprendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann, pour le groupe UMP.
Mme Marie-Jo Zimmermann. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Depuis plus de dix jours, un groupe familial indien a lancé une OPA sur le groupe Arcelor, leader européen de l’acier.
Bien que l’État ne soit pas actionnaire d’Arcelor, le Gouvernement s’est à juste titre saisi du dossier. Je voudrais donc savoir quelle est votre stratégie pour préserver les intérêts de notre pays et ceux des trois autres pays européens concernés ?
Rappelons qu’Arcelor emploie près de 100 000 personnes en Europe, où le groupe réalise plus de 75 % de son chiffre d’affaires, et qu’il s’agit du champion européen des aciers plats au carbone et des aciers inoxydables, ainsi que d’autres produits à valeur ajoutée technique.
Face à la seule logique financière, qui peut peser lourdement sur Arcelor,…
M. Maxime Gremetz. Très bien !
Mme Marie-Jo Zimmermann. …face aux propositions qui lui sont soumises par Mittal Steel, comment l’État peut-il défendre les intérêts sociaux, économiques et industriels du groupe ?
Cette affaire a suscité de nombreuses réactions dans l’ensemble de l’Europe. Pouvez-vous, monsieur le ministre, faire le point devant l’Assemblée nationale sur les développements et les perspectives de ce dossier, qui est important pour l’industrie de l’acier en France et en Europe, pour l’emploi dans notre pays, en particulier la Lorraine,…
M. Maxime Gremetz. Et la Picardie !
Mme Marie-Jo Zimmermann. …et pour la crédibilité de notre politique économique ? Comment le Gouvernement entend-il parvenir à éviter que cette opération n’atteigne les valeurs économiques, industrielles et sociales de notre pays ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Maxime Gremetz. Bonne question !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
M. Christian Bataille. Matamore !
M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Madame la députée, l’OPA sur Arcelor est un dossier très important pour le Gouvernement et pour la France. L’État français n’est, certes, plus actionnaire d’Arcelor…
M. Henri Emmanuelli. Hélas !
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …depuis la vente de sa dernière participation sous le gouvernement de M. Jospin. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Néanmoins, il reste très impliqué puisqu’il entretient des relations étroites avec Arcelor, qui emploie près de 30 000 salariés sur le territoire national dans quatre pôles de compétitivité. C’est la raison pour laquelle, dès le premier jour, à la demande du Premier ministre,…
M. Christian Bataille. Vous n’avez rien fait !
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …j’ai exprimé, au nom du gouvernement français, nos plus vives préoccupations sur la façon dont cette OPA hostile avait été lancée. J’ai également exigé d’avoir accès à un projet industriel, d’intégration des cultures et de gouvernance. À ce jour,…
M. Christian Bataille. Vous n’avez rien fait !
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …nous ne disposons pas encore de ces éléments.
M. Christian Bataille. Des mots !
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Au-delà des divers effets d’image, la solidarité européenne se manifeste avec force sur ce dossier.
M. Pierre Lellouche. Demandez donc à Thyssen !
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. À New York, où je me trouvais hier pour encourager et féliciter les conseillers du commerce extérieur français – l’année dernière, les ventes françaises ont augmenté de 9 % aux États-Unis –, j’ai également rencontré la communauté des affaires américaines, qui partage totalement la position de la France. Il ne s’agit ni de protectionnisme ni d’interventionnisme, mais tout simplement de respect des règles de bonne gouvernance dans un monde globalisé où la France a toute sa place.
M. Christian Bataille. Vous ne ferez rien !
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Croyez bien que le Gouvernement sera très attentif à disposer de projets industriels concrets, que je ne manquerai pas de commenter. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Branget, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Mme Françoise Branget. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le 13 décembre dernier, vous annonciez une relance de l’éducation prioritaire et la création de collèges « Ambition réussite ».
M. Bernard Roman. Et des suppressions de postes !
Mme Françoise Branget. L’avenir de l’enseignement prioritaire dans notre pays est une question essentielle, qui doit donner corps au principe de l’égalité des chances. À cet égard, le premier devoir de la République, c’est de donner à chaque Français les clés de la liberté que sont la lecture et l’écriture. Il peut paraître surprenant d’avoir à rappeler en 2005 ces principes élémentaires. Cela est pourtant nécessaire au regard de l’urgence : aujourd’hui, 15 % des élèves de sixième ne savent pas bien lire et 30 % à 40 % d’entre eux sont en zone d’éducation prioritaire.
L’éducation prioritaire doit changer, notamment pour les ZEP.
M. Maxime Gremetz. Ah oui !
Mme Françoise Branget. Si l’idée de donner plus à ceux qui ont moins était bonne, force est de reconnaître qu’être classé ZEP engendre un sentiment de relégation et contribue à marquer un échec plutôt qu’à fixer une ambition. Cela doit changer. Monsieur le ministre, votre programme Ambition réussite n’est-il qu’une énième politique de zonage selon les principes qui ont prévalu pendant des années (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste) ou tient-il compte des évolutions de notre société en s’appuyant sur une autre logique ? Pouvez-vous nous dire quels principes ont guidé votre action, nous présenter l’architecture de ce nouveau système et nous donner votre calendrier ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la députée, la première phase de la relance de l’éducation prioritaire sera mise en place à la rentrée 2006. Nous allons changer de logique en nous appuyant sur deux principes oubliés depuis vingt-cinq ans : soutien individualisé plutôt que zone et renforcement des moyens là où se concentrent les difficultés.
M. Bernard Roman. C’est pour cela que vous avez supprimé des postes ?
M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ce matin, j’ai donné la liste des 249 collèges « Ambition réussite » et des écoles avoisinantes qui vont bénéficier, en raison de leur environnement social et de leurs résultats mauvais, de mille professeurs expérimentés supplémentaires et de trois mille assistants pédagogiques, qui interviendront quatre soirs par semaine,…
M. Maxime Gremetz. Comme à Saint-Sauveur !
M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. …dans le cadre de l’étude accompagnée. Chaque collège devra avoir une infirmière – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui – ainsi que des dispositifs d’accueil pour les éléments perturbateurs.
Pour réussir la relance de l’éducation prioritaire, il faut admettre, dans un esprit républicain, que les établissements dont l’environnement social, urbain et scolaire s’est amélioré doivent sortir du dispositif dans les trois prochaines années. Au contraire, j’en ai ramené d’autres, qui n’étaient pas classés éducation prioritaire depuis vingt-cinq ans, dans le dispositif. Ils seront dix-huit dès la rentrée 2006.
Pour la première fois depuis 1982, la logique est inversée : on arrête le saupoudrage, qui n’a rien donné, on augmente les moyens et on en consacre plus là où les difficultés sont les plus importantes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le groupe socialiste.
M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, contrairement à ce que disait M. Borloo, c’est à la jeune femme qui a été licenciée parce qu’elle était enceinte qu’il revient d’apporter la preuve de la faute commise par l’employeur. Cela constitue un renversement complet du droit tel qu’il protégeait les salariés jusqu’ici ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Pierre Cardo. Stupide ! C’est contraire au texte que vous avez voté il y a cinq ans !
M. Gaëtan Gorce. C’est l’intérêt du débat parlementaire que de dissiper les contrevérités. Vous avez souhaité qu’il en soit ainsi s’agissant du CPE et je crains que vous ne soyez exaucé au-delà de vos espérances, monsieur le Premier ministre. Ainsi hier, vos ministres ont admis, en votre absence, que le CPE constituait bien, après le CNE, la deuxième étape vers la généralisation à tous les salariés de tous âges, dans toutes les entreprises, de la période d’essai de deux ans. Voilà une information que le débat parlementaire a permis de faire ressortir !
Mme Chantal Robin-Rodrigo. Et voilà !
M. Gaëtan Gorce. Vos ministres ont également reconnu, encore en votre absence, qu’un même jeune pourra faire plusieurs CPE successifs dans des entreprises différentes et qu’une même entreprise pourra, sur un même emploi, recruter successivement plusieurs jeunes en CPE.
M. Patrick Lemasle. Quelle honte !
M. Gaëtan Gorce. Autant dire que le CPE ne garantira ni l’insertion des jeunes ni la création d’emplois supplémentaires. Voilà une autre information !
Mme Chantal Robin-Rodrigo. Scandaleux !
M. Gaëtan Gorce. Vos ministres ont enfin avoué, toujours en votre absence, que le CPE s’adressait bien à tous les jeunes, qu’ils soient sans qualification ou diplômés. Outre donc qu’il ne garantira pas l’embauche des premiers, puisqu’ils ne bénéficieront d’aucun accompagnement spécifique, il déstabilisera l’embauche des seconds, qui pouvaient espérer un contrat à durée indéterminée. Encore une information ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Mme Chantal Robin-Rodrigo. Scandaleux !
M. Gaëtan Gorce. La vérité sur le CPE est en train d’émerger du débat parlementaire. Je n’ose croire que votre absence de l’hémicycle en serait la cause et que vos ministres auraient trahi, par une excessive franchise, votre pensée. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Richard Mallié. La question !
M. Gaëtan Gorce. Si tel était le cas, vous pourriez envisager d’en changer avant la fin de leur période d’essai, mais il serait dommage de leur imposer la même précarité que celle que vous envisagez pour les jeunes ! (Mêmes mouvements.) Vous devriez plutôt changer de projet de loi pour garantir réellement l’insertion de nos jeunes. (Brouhaha grandissant sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. M. Gorce va poser sa question.
M. Gaëtan Gorce. Monsieur le Premier ministre, préférez-vous changer de loi ou répondre à l’interpellation du poète :…
M. le président. Je vous ai demandé de poser votre question !
M. Gaëtan Gorce. J’allais le faire, monsieur le président.
M. Arnaud Montebourg. On ne peut jamais parler ! (Vives protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Gaëtan Gorce. …« Qu’as-tu fait, ô toi que voilà pleurant sans cesse, dis, qu’as-tu fait, toi que voilà, de ta jeunesse ? » Monsieur le Premier ministre, avec le CPE, que faites-vous de notre jeunesse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. En dépit de votre colère, monsieur Montebourg (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), je fais et ferai respecter le règlement. Je n’ai pas de leçons à recevoir de vous ! (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. (Vives protestations et claquements de pupitres sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député, je n’ai pas entendu votre question, mais c’est probablement parce qu’il n’y en avait pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations et claquements de pupitre sur les bancs du groupe socialiste.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. Dérobade !
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Vos propos manifestent un gigantesque désarroi : par obsession, vous voilà réduits à vous faire les chantres de l’intérim, des stages et des CDD. Quelle évolution sémantique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
À quoi tient ce désarroi ? Tout d’abord, du fait que vous savez pertinemment qu’il vaut mieux avoir un CDI qui se consolide au fil du temps et qui confère des droits – même si le dispositif n’est pas parfait et personne ici n’a prétendu qu’il l’était ni qu’il devait se substituer aux autres formes d’insertion : contrat d’apprentissage, contrat de professionnalisation, CDI traditionnel, voire CDD.
Votre désarroi vient, ensuite, du fait que vous ne comprenez plus le monde qui vous entoure. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.- Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Vous ne comprenez plus les partis socialistes et sociaux-démocrates de l’Europe moderne. Vous ne comprenez même plus la jeunesse.
Il est vrai que vous vous étiez habitués, de CES en CEC, de TUC en emplois-jeunes sans formation, à la précarité. Ce que nous faisons est plus difficile mais nous croyons en une jeunesse conquérante. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Louis Giscard d’Estaing, pour le groupe UMP.
M. Louis Giscard d’Estaing. Monsieur le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer, j’associe à ma question tous les passagers qui devaient décoller d’Orly ou s’y rendre hier matin et qui ont été pénalisés par une grève surprise de certains contrôleurs aériens, lancée sans aucun préavis. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Richard Mallié. C’est un scandale !
M. Louis Giscard d’Estaing. D’ailleurs nous sommes nombreux sur ces bancs à avoir été victimes de cette grève.
Certains vols approchant d’Orly ont dû faire demi-tour pour atterrir sur le lieu d’où ils avaient décollé. Au total, ce sont 322 vols qui ont dû être annulés hier.
M. Richard Mallié. Au prix que ça coûte !
M. Louis Giscard d’Estaing. Monsieur le ministre, du fait de cette grève, des milliers de passagers n’ont pu tenir les engagements qu’ils avaient pris, avec toutes les conséquences que cela comportait pour eux. (« Scandaleux ! » sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Cette véritable « prise en otage »…
M. Maxime Gremetz. Oh !
M. Louis Giscard d’Estaing. …est inadmissible, d’autant que les motivations des grévistes restent floues et semblent n’avoir eu de justifications que locales. D’après ce que j’ai entendu dire, une petite poignée – une dizaine tout au plus – de contrôleurs aériens auraient lancé un mouvement de grève, sans que celui-ci ait d’ailleurs reçu le soutien de la plupart des organisations syndicales.
Bien que n’émanant que de quelques personnes, cette grève surprise a paralysé tout le trafic aérien, entraîné d’importants préjudices économiques et, donc, in fine, pénalisé tous les contribuables français.
M. Maxime Gremetz. À quand la suppression du droit de grève ?
M. Louis Giscard d’Estaing. Quelles mesures immédiates avez-vous prises hier, monsieur le ministre, pour assurer la reprise du trafic dans des conditions normales ?
M. Yves Bur. Et quelles sanctions !
M. Louis Giscard d’Estaing. Quelles conséquences en tirez-vous pour l’information des usagers ? Enfin, quelles mesures comptez-vous prendre à l’avenir pour assurer la continuité du service public du contrôle de la navigation aérienne afin que les usagers des lignes aériennes n’aient plus à subir ce type de situation paralysante, pénalisante et inadmissible ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.
M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, je considère comme vous que ce qui s’est passé hier est parfaitement inacceptable.
M. Richard Mallié. Scandaleux !
M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Les conséquences de cette grève surprise sont hors de proportion avec les enjeux de la discussion qui aurait dû avoir lieu en lieu et place.
Que s’est-il en effet passé ? À la reprise de six heures du matin, une équipe de contrôleurs a utilisé le préavis de grève lancé pour l’ensemble de la fonction publique pour ne pas reprendre le travail, ce qui, soit dit au passage, fait que cette grève n’est pas inégale. Les dispositifs prévus, notamment par la loi de 1984, qui permettent, en cas de préavis de grève des contrôleurs aériens de mettre en place un service garanti, c’est-à-dire, après discussion entre la direction générale de l’aviation civile et les organisations syndicales, d’une part, et les compagnies aériennes, d’autre part, de placer sous astreinte certains personnels et de dresser la liste des vols qui doivent être assurés, n’ont pu jouer hier du fait de la surprise.
M. Yves Bur. Quelles sanctions prendrez-vous ?
M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Il faut donc s’assurer que, à l’avenir, on pourra, en toutes circonstances, mettre en place un service minimal garanti. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé au directeur général de l’aviation civile d’entamer immédiatement des discussions avec les organisations syndicales à ce sujet.
M. Yves Bur et M. Richard Mallié. Quelles sanctions prévoyez-vous ?
M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. J’ajoute que, cette grève ne pouvant être déclarée illégale compte tenu du préavis lancé pour la fonction publique, la sanction sera le non-paiement des jours de grève. Mais celui-ci est une évidence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Maxime Gremetz. Aucun jour de grève n’est payé dans la fonction publique. Ce ne sont pas des profiteurs, eux !
M. le président. La parole est à M. Paul-Henri Cugnenc, pour le groupe UMP.
M. Paul-Henri Cugnenc. Monsieur le ministre de l’agriculture et de la pêche, la viticulture française connaît aujourd’hui la conjoncture économique la plus dramatique des cent dernières années et jamais, depuis 1907, autant de vignerons et leurs familles n’ont à ce point eu l’impression d’être sacrifiés dans une spirale infernale au goût de « fin de vie ». Et, pour la première fois de l’histoire, la majorité des régions viticoles françaises sont concernées par la crise.
En Languedoc-Roussillon, région où le vignoble français est encore le plus étendu, le chiffre d’affaires du vigneron moyen sera en 2006 divisé par deux par rapport à celui de l’année précédente pour la même surface cultivée et des coûts de production identiques.
Notre pays, qui reste encore, en matière de notoriété, de qualité et de production, le premier pays viticole du monde, a également le triste privilège d’être le plus mobilisé et le plus dynamique pour diaboliser le vin, en amalgamant de façon injuste, grossière et bête, la consommation excessive, qu’il faut bien entendu corriger, et la consommation modérée qui mérite d’être encouragée, ses effets bénéfiques ayant été scientifiquement reconnus.
Le Conseil de la modération, que nous réclamons depuis plusieurs mois, a vocation à réunir des spécialistes du monde médical et du monde viticole ainsi que des représentants du Parlement et des pouvoirs publics pour engager un travail constructif qui doit converger vers des objectifs communs, comme l’utilisation exclusive du moût concentré rectifié – MCR – français comme solution alternative à la chaptalisation, ce qui, dès la prochaine campagne, diminuerait la quantité d’alcool produite par notre viticulture.
Il est également indispensable, dans la compétition inégale qui nous est imposée, d’aider structurellement et financièrement notre viticulture.
Quand, monsieur le ministre, le Conseil de la modération sera-t-il mis en place et quelle en sera la composition ? Les aides à la restructuration du vignoble seront-elles maintenues et quel en sera le niveau ? Une possibilité de distillation de crise sera-t-elle ouverte à tous les bassins de production, au prix minimal de trois euros le degré-hectolitre ? Enfin, l’allègement de la taxe sur le foncier non bâti pour toutes les exploitations s’associant à ce processus de distillation participerait à l’assainissement du marché. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.
M. Dominique Bussereau, ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur le député, la crise que vit une grande partie de notre viticulture est connue de nous tous sur ces bancs. Elle n’atteint pas tous les vignobles de France, heureusement, mais frappe en particulier le Languedoc-Roussilon dont vous êtes l’élu et que vous défendez avec ardeur.
Lors du vote de la loi d’orientation agricole, un amendement de la majorité, voté par tous, a permis la mise en place d’un Conseil de la modération qui permettra que s’engage un dialogue entre les représentants de la viticulture, de la médecine et de la communication. Le Premier ministre a souhaité que le décret d’application soit publié dans les meilleurs délais. Il est à la signature des différents ministres concernés et paraîtra incessamment.
M. Jean-Pierre Soisson. Voilà enfin une bonne nouvelle !
M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. S’agissant des aides à la restructuration des vignobles, nous avons modifié le dispositif pour tenir compte des règles européennes. Ces aides sont mises en place en liaison avec les organisations professionnelles.
Quant à la distillation de crise, nous l’avons organisée toute l’année dernière et, malheureusement, pour la première fois, dans les AOC. Si c’est nécessaire – et cela le sera – je demanderai à nouveau à la Commission européenne de pouvoir y recourir cette année.
Enfin, nous avons déjà baissé la taxe sur le foncier non bâti dans la loi d’orientation. S’il en est besoin, nous le ferons dans les zones viticoles.
Conformément au souhait de M. le Premier ministre, nous avons organisé une gestion par bassin avec des coordonnateurs.
Cela étant, régler les difficultés sociales du moment ne suffit pas. Il faut un plan d’avenir pour la belle viticulture française et notamment aider l’exportation. Je suis donc en mesure de vous annoncer que, répondant au souhait de Dominique de Villepin, je vous présenterai ce plan avant la fin du mois de mars. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe socialiste.
M. Joël Giraud. En tant que député de la circonscription la plus proche des sites de montagne des Jeux olympiques d’hiver 2006, qui vont commencer après-demain, j’aimerais que la représentation nationale adresse à tous nos athlètes ses vœux de pleine réussite dans ces jeux. (Applaudissements.)
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre et a trait à la politique nationale de la montagne,
Comme vous le savez, monsieur le Premier ministre, les comités de massif travaillent avec sérieux. Depuis des mois, ils mobilisent les acteurs politiques, associatifs et économiques à l’élaboration des schémas interrégionaux de massif. Les régions, en liaison avec les départements, prennent toute leur part à l’élaboration de ces politiques, qui représentent un enjeu considérable dans un contexte marqué par beaucoup d’interrogations.
Que sont devenus les services publics en zone de montagne où l’on ne calcule pas en kilomètres mais en temps de parcours ?
M. Richard Cazenave. Les socialistes les ont tués !
M. Joël Giraud. Qu’en est-il de la résorption de la fracture numérique ? Aucun massif n’est couvert par la télévision numérique terrestre !
Qu’en est-il des engagements de l’État en matière de logement social ? Il n’apporte aucun financement direct à la création de logements pour les saisonniers, alors qu’ils sont les forces vives des zones de montagne !
Nous ne demandons pas l’aumône mais de la cohérence et de la constance dans les réponses qui nous sont apportées.
Rassurez-vous, monsieur le Premier ministre, je ne vais pas vous demander combien l’État va mettre dans les futures conventions interrégionales de massif que nous allons élaborer, même si les montagnards tout comme les départements et les régions concernés seraient très heureux de le savoir afin de pouvoir bâtir leurs politiques publiques et négocier en toute cohérence les fonds européens nécessaires pour les mener à bien.
Votre politique nous confirme que le loup est dans la bergerie et, dans votre gouvernement, certains ours sortent facilement de leur tanière. Mais ce que nous craignons maintenant, c’est que votre politique de la montagne ne soit en passe d’accoucher d’une souris,
Certes les montagnards prennent acte de votre accord pour l’élaboration d’un code de la montagne. Mais François Brottes, président de l’Association nationale des élus de montagne, et moi-même avons du mal à comprendre si c’est par oubli ou par mépris que vous n’avez pas pris l’initiative de réunir le Conseil national de la montagne que vous présidez. Cela fait bientôt trois ans que cette instance créée par la loi montagne ne s’est pas réunie, puisque sa dernière réunion date d’août 2003. Ce constat se passe de commentaire.
M. Jean-Marc Roubaud. La question !
M. Joël Giraud. Ma question est simple : au moment où nous élaborons les schémas interrégionaux de massif, quand envisagez-vous de réunir l’assemblée plénière du Conseil national de la montagne pour entendre les forces vives de la montagne ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le Conseil national de la montagne est une instance reconnue, efficace et vous savez à quel point, en tant que montagnard, j’y suis attaché.
M. Augustin Bonrepaux. Vous la réunissez quand ?
M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. À la demande du Premier ministre, j’ai fait publier, le 14 décembre dernier, le décret fixant sa nouvelle composition. Toutes les personnes qui doivent y siéger ont été désignées, à l’exception des cinq représentants de l’Assemblée nationale. Mais M. le président de l’Assemblée nationale m’a confirmé qu’il me les proposerait dans quelques jours.
Le Premier ministre le réunira au mois de mars prochain, avec un ordre du jour qui, comme l’a demandé l’assemblée générale de l’ANEM réunie en octobre dernier à Piedicroce en Corse, à laquelle j’assistais sur votre invitation et celle de M. Saddier, portera notamment sur les problèmes d’urbanisme en montagne, les futurs programmes de massif, les plans d’exposition aux risques, l’élaboration du code de la montagne, dans le prolongement de la loi de développement rural, des décrets d’application relatifs aux zones de revitalisation rurale et des pôles d’excellence rurale.
Jamais un Gouvernement n’avait fait autant pour la montagne. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Augustin Bonrepaux. C’est faux ! Où sont les moyens ?
M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Vous avez dit, monsieur Giraud, il y a quelques instants : « Le loup est dans la bergerie. » Mais pour que le loup soit dans la bergerie, il faut que quelqu’un l’y ait mis.
M. Augustin Bonrepaux. Arrêtez !
M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Vous savez que c’est Mme Voynet et le gouvernement de M. Jospin qui ont introduit le loup dans la bergerie. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est notre gouvernement qui a l’honneur de conduire une vraie politique pour la montagne aujourd’hui. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations et huées sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Je vous ai transmis le 1er février, monsieur le ministre, tous les noms des députés devant siéger dans ce conseil. Je pense donc que vous en disposez.
Plusieurs députés du groupe socialiste. Le ministre a menti !
M. le président. La parole est à M. Jean Auclair, pour le groupe UMP.
M. Jean Auclair. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire et concerne la modernisation des services au public, notamment dans les zones rurales.
Vous vous souvenez, mes chers collègues, de la tragi-comédie montée en Creuse par la gauche pour, paraît-il, défendre les services publics. Tragi-comédie accompagnée de prétendues démissions d’élus et de défilés dans les rues, au son de L’Internationale avec force boules de neige –n’est-ce pas madame Royal ?
Aujourd’hui, le rapport de M. Durieux, président de la Conférence nationale des services publics en milieu rural, est connu. Une étude spécifique sur les attentes de la population de la Creuse en matière de services a été lancée. Certains auront à cœur d’en méditer l’édifiant résultat. Les Creusois ont exprimé leurs priorités : premièrement, la santé et les services aux personnes âgées mises à mal par les 35 heures ; deuxièmement, les commerces de proximité ; troisièmement, l’accès aux nouvelles technologies de l’information et de la communication et les transports ; quatrièmement, la formation ; cinquièmement, les services d’accueil de la petite enfance.
Il n’y a pas un mot, monsieur le ministre, sur la fermeture des perceptions, élément déclencheur des manifestations.
M. Maxime Gremetz. C’est vrai ! Il a raison !
M. Jean Auclair. En effet, les agitateurs oublient toujours les usagers, pour ne parler que d’emplois publics.
Il ressort de cette étude que les Creusois, sans doute comme tous les Français, se moquent totalement que le service leur soit apporté par le public ou le privé. Ils ont bien compris qu’en milieu rural, pour faire des économies et assurer un service meilleur et plus large, il convenait d’associer le public et le privé.
M. Maxime Gremetz. Au public les charges, au privé les profits !
M. Jean Auclair. Ne faire aucune proposition, refuser l’adaptation des services revient à tuer les services publics.
Nous, mesdames, messieurs de l’opposition, nous ne porterons pas cette responsabilité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser votre vision de l’avenir des services au public, qui, je n’en doute pas, est une véritable ambition pour ce gouvernement ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Auclair, notre vision des services au public en milieu rural est offensive et moderne. Elle est à l’image de ce qu’est notre vision pour la France.
Elle est résolument tournée vers l’avenir.
M. Maxime Gremetz. Ah !
M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Auclair, vous avez raison de rappeler que nous avons eu le courage, pour la première fois après tant d’années de démantèlement des services publics en milieu rural, d’aborder ce sujet sans tabou.
M. Maxime Gremetz. Vous fermez les services publics en milieu rural !
M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le 2 août dernier, avec Nicolas Sarkozy (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) nous avons envoyé une circulaire à tous les préfets de France pour leur demander de ne plus fermer un seul service public en milieu rural et de ne le fermer que s’il y avait un accord des élus locaux, et d’engager un grand débat de modernisation de ces mêmes services publics en milieu rural.
Comme vous le dites, ce qu’attendent les Français, c’est un service rendu de qualité, ce n’est pas un service public tel qu’on le connaissait il y a soixante ans – ce qui est une vision archaïque des choses. C’est au contraire désormais un service au public modernisé, tel que vous l’avez conçu. Les priorités sont clairement affichées, notamment dans la Creuse : service de proximité pour la formation, l’école, les crèches, les transports, les services de santé. C’est tout cela qu’attendent les Françaises et les Français.
M. Maxime Gremetz. La Creuse est belle !
M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Dans le prolongement du rapport Durieux, le Premier ministre m’a demandé de préparer la rédaction d’une charte à signer avec l’Association des maires de France. De plus, quatorze opérateurs ont également accepté de la signer : SNCF, EDF, La Poste etc, sans oublier l’UNEDIC, la Caisse d’allocations familiales, l’ANPE et bien d’autres administrations.
M. Maxime Gremetz. De quoi vous plaignez-vous alors ?
M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nous arrivons à fixer désormais des règles du jeu, alors que notre pays était à cet égard depuis longtemps dans une jungle totale.
Telle est, monsieur Auclair, notre vision des choses : mutualisation, polyvalence, souci que chacun puisse mettre en commun ses savoir-faire et volonté de tourner résolument notre regard vers l’avenir.
Hier, c’était le démantèlement. Avec nous, c’est désormais la modernité dans la ruralité de France, avec un vrai service au public. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Christian Ménard, pour le groupe UMP.
M. Christian Ménard. Monsieur le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche, les OGM déclenchent les passions. Pour les uns, les techniques aboutissant aux OGM ouvrent d’extraordinaires perspectives pour la connaissance et la compréhension du vivant.
Pour les autres, c’est une possibilité qui vient contrarier l’ordre naturel du vivant. Il est vrai que cette technologie soulève des questions légitimes d’ordre éthique, juridique, environnementale et économique.
Aujourd’hui, le temps est venu de nous décider, car il y a urgence à transposer les textes sur les OGM. La France vient, une fois de plus, d’être rappelée à l’ordre par la Commission européenne, et nous risquons prochainement de très lourdes condamnations financières.
Comme vous le savez, les directives laissent aux États membres la responsabilité et le choix des mesures à prendre pour assurer la sécurité des biens, des personnes et de l’environnement. Avant de les transposer, le Gouvernement a souhaité attendre les conclusions de la mission d’information parlementaire sur les enjeux des essais et de l’utilisation des OGM, mission dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur et qui, au mois d’avril dernier, il y a près d’un an, a formulé un diagnostic et des propositions.
À la lumière de ce travail parlementaire, j’aimerais donc connaître, monsieur le ministre, votre vision des enjeux de ce débat et les intentions du Gouvernement en la matière. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Noël Mamère. Le projet de loi est une mascarade !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche.
M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Monsieur Ménard, vous abordez un sujet qui suscite dans notre pays débat et interrogation, avec des points de vue souvent très passionnels.
De quoi s’agit-il aujourd’hui, après les remarquables travaux de la mission parlementaire, dont vous avez été le rapporteur ? (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Il s’agit en premier lieu de sortir d’un flou juridique, qui est incontestablement préjudiciable.
Il s’agit en deuxième lieu – vous l’avez rappelé – de transposer deux directives de 1998 et de 2001. Il est urgent de le faire et nous le faisons.
Il s’agit enfin et surtout de respecter le principe de précaution, qui fait désormais partie de notre constitution. C’est pourquoi le projet de loi adopté, ce matin en conseil des ministres, prévoit de mettre en place des procédures rigoureuses de déclaration, d’autorisation,…
M. Noël Mamère. Ce n’est pas vrai !
Plusieurs députés du groupe socialiste. C’est faux !
M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. …de suivi, d’évaluation, en toute objectivité scientifique, en toute transparence, de toutes les conséquences des OGM du point de vue de la santé humaine, de l’environnement et des écosystèmes. Il s’agit aussi de mettre en place un accès transparent à toutes les informations, les dossiers, les déclarations, de telle sorte que le débat soit ouvert et possible. C’est ce que nous mettons en place.
Mesdames, messieurs les députés, les OGM et plus largement les biotechnologies ouvrent des perspectives qui peuvent être très prometteuses en matière de fabrication de médicaments, de mise au point de vaccins, d’amélioration d’un certain nombre de cultures.
Il s’agit, devant des innovations comme celles-là, de faire jouer à plein le principe de précaution, de voir quels sont les avantages et les inconvénients, en toute objectivité, en toute sérénité, pour sortir du passionnel, pour entrer dans le rationnel. C’est dans ce cadre que s’inscrit le projet de loi. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi pour l’égalité des chances (nos 2787, 2825).
M. le président. Ce matin, l’Assemblée nationale a poursuivi l’examen des articles s’arrêtant au sous-amendement n° 160 à l’amendement n° 3 rectifié du Gouvernement portant article additionnel après l’article 3.
M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir le sous-amendement n° 160.
M. Alain Vidalies. Le Gouvernement ne s’étant pas clairement exprimé sur ses objectifs, une confusion existe entre le champ d’application du CPE qui relève du droit commun car il a vocation à s’élargir et celui du CDD.
Les emplois saisonniers ont été exclus du champ de conclusion du contrat première embauche, ce qui est parfaitement logique. En revanche, quel est l’intérêt, si ce n’est de semer la confusion, de permettre son utilisation pour les cas de remplacement d’un salarié absent pour cause de maladie ou de formation professionnelle ou de surcroît temporaire d’activité de l’entreprise, qui sont couverts par les contrats à durée déterminée et l’intérim. Il me semble indispensable que le Gouvernement précise les choses et justifie un tel choix sélectif excluant les emplois saisonniers.
M. le président. Je me fais l’interprète de la commission et du Gouvernement pour indiquer qu’ils sont tous deux défavorables à ce sous-amendement.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 160.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 597.
Peut-on considérer qu’il est défendu, monsieur Vidalies ?
M. Alain Vidalies. Non, monsieur le président.
M. le président. Alors, vous avez la parole, pour le soutenir.
M. Alain Vidalies. Notre sous-amendement a le même objet que le précédent, mais tant que le Gouvernement ne nous oppose que le silence, nous continuerons à lui poser nos questions. Nos travaux serviront à l’interprétation de la loi pour les décisions de justice à venir lorsque les tribunaux auront à se prononcer sur les conditions de recours à un CPE. Et ils seront en droit de se poser légitimement la question de savoir pourquoi le législateur a procédé à une telle distinction.
De ce côté-ci de l’hémicycle, nous sommes incapables de comprendre pourquoi vous avez fait ce choix, et ce n’est pas de la mauvaise volonté de notre part. Je crains donc que les juges soient aussi perplexes que nous. J’espère dons une réponse de la part du Gouvernement.
M. le président. La commission est défavorable à ce sous-amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. M. Vidalies vient de laisser entendre qu’une réponse du Gouvernement permettrait d’avancer plus vite dans nos travaux. Je n’hésite donc pas à répéter ce que j’ai dit à Mme Billard ce matin.
Nous n’avons pas souhaité définir des cas de recours au CPE, car je vous rappelle que le CPE est un CDI (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) avec une phase de consolidation qui n’est pas une phase d’essai, de deux années maximum…
Mme Janine Jambu. C’est incroyable d’entendre une telle chose !
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …de laquelle peuvent se déduire les autres types de contrat. Tout cela est parfaitement clair !
Le Gouvernement est donc défavorable au sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour répondre à la commission. M. Vidalies pourra donc se dispenser d’intervenir, car il est très bien représenté !
M. Alain Vidalies. Vous êtes trop bon avec moi, monsieur le président !
M. le président. Ça me perdra ! (Sourires.)
Vous avez la parole, monsieur Brard.
M. Jean-Pierre Brard. On se perd en conjectures !
Le silence du Gouvernement me fait penser à Vercors qui a beaucoup écrit sur le silence. Sauf que son silence était plus profond que le vôtre qui est superficiel et vise à éviter le débat. Vous avez tort, car si j’en juge par une dépêche de l’AFP, une majorité – 54 % – des Français estime que le contrat première embauche est une mauvaise chose pour les salariés et 58 % d’entre eux sont favorables à l’appel à manifester des syndicats et des étudiants.
Malgré votre immense effort de propagande, l’opinion n’est donc pas dupe. À court d’arguments, vous avez choisi de vous réfugier dans un silence que l’on pourrait être tenté d’interpréter selon la vieille formule « qui ne dit mot consent ». C’est-à-dire que vous consentez à notre interprétation. Or à l’évidence, ce n’est pas le cas.
Vous ne pouvez pas rester sourd face au mécontentement qui monte des profondeurs de notre pays. M. Larcher nous dit que le CPE est un CDI.
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Oui !
M. Jean-Pierre Brard. Autant dire un bipède sans les jambes !
M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.
J’espère que vous n’allez pas lire tout le code du travail !
Mme Martine Billard. Il le faut bien, monsieur le président, mais je vais faire un effort.
M. le président. Il y a un précédent à cet égard, madame Billard. M. Fuchs, député socialiste, a été arrêté dans son élan par le président quand il s’était mis à lire le code du travail. Mais je ne vais pas faire de même.
M. Jean Glavany. Il n’y aura de toute manière bientôt plus rien à lire dans le code du travail au rythme où vous le détricotez !
Mme Martine Billard. M. le ministre vient de nous dire que le CPE est un CDI. Or le CDI n’a qu’une période d’essai et pas de période de consolidation. Dans son amendement, à l’alinéa 3, le Gouvernement dit que le CPE peut remplir les conditions de l’article 122-1-1 du code du travail, qui concerne les CDD. Or cet article précise que le CDD, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise – de tels emplois étant pourvus par les CDI.
Il y a là comme une contradiction ! Les CPE, s’ils remplissent les conditions des CDD, ne peuvent être semblables à des CDI. Avouez que c’est particulièrement compliqué. Le Gouvernement ne s’est-il pas trompé ? N’aurait-il pas mieux valu supprimer les CDD et les remplacer par les CPE ou alors réserver les CDD aux plus de vingt-six ans et aux travaux saisonniers ?
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 597.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 598.
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.
M. Alain Vidalies. Plus vous répondez, monsieur le ministre, moins on comprend !
M. le président. Alors accélérons le débat !
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Dans ce cas, je vais arrêter de compliquer votre tâche !
M. Jean-Pierre Brard. Le ministre n’a pas un talent de pédagogue !
M. Alain Vidalies. Soit le CPE peut être utilisé dans tous les cas prévus pour les contrats à durée déterminée, soit il ne peut être utilisé dans aucun cas, ce qui est plus logique car ils n’ont pas le même objectif, soit il ne peut être utilisé que dans certains cas de CDD.
La réponse du ministre correspond plutôt à la troisième hypothèse. Mais sur quoi se fonde la distinction qui est établie ? Sans critère clair, nous allons au-devant de graves difficultés d’interprétation.
Le problème est de savoir si, à ce stade, vous n’avez pas d’ores et déjà décidé de retenir un cadre qui permettra de passer à l’unification des contrats de travail. Mais, même si tel est votre objectif, on comprend mal que vous preniez à ce stade le risque d’une telle confusion.
Je n’interviens pas dans un esprit polémique. Simplement, je ne comprends pas le choix que vous avez fait, et je ne suis pas le seul. Les explications que vous nous donnez vont à l’inverse du texte que vous défendez, monsieur le ministre. Ou il y a une erreur ou alors vous voulez cacher certains de vos véritables objectifs.
M. Jean-Charles Taugourdeau. C’est renversant !
M. le président. La commission et le Gouvernement émettent un avis défavorable.
M. Alain Bocquet. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour un rappel au règlement. Fondé sans doute sur l’article 58, mais sur quel alinéa ?…
M. Alain Bocquet. Le débat est certes très important, mais nous devons siéger jusqu’à dimanche soir, voire jusqu’à lundi. Or, dans quelques minutes, la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire d’Outreau va se réunir pour auditionner le juge Burgaud, ce qui explique peut-être que les bancs de cet hémicycle soient clairsemés. Cet événement, retransmis sur les chaînes de télévision, sera sans doute regardé par près de vingt millions de téléspectateurs. Je crois qu’il serait sage de nous permettre d’y assister en direct, grâce à une suspension de séance.
M. le président. Monsieur Bocquet, je vous ferai parvenir un enregistrement complet de cette audition, qui doit durer au moins jusqu’à vingt et une heures. Nous ne suspendrons pas nos travaux pour cela. Si vous voulez une suspension de séance, elle est de droit, mais pour seulement cinq minutes. Cela vous permettra de prendre vos dispositions pour programmer votre magnétoscope.
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
M. le président. La parole est à M. Jean Glavany, pour un rappel au règlement.
M. Jean Glavany. Je me fonde sur l’article 58, alinéa 2, monsieur le président.
Ce matin, j’ai posé une question au ministre sur un sujet d’actualité, qui montre dans quelles conditions nous travaillons.
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. J’ai déjà répondu ce matin !
M. Jean Glavany. Il y a quelques mois, Jean-Louis Borloo a demandé un rapport sur l’insertion professionnelle des jeunes et les premiers contrats à M. Proglio, président de Veolia, personnalité éminente et très respectable, d’autant moins suspecte aux yeux de la majorité et du Gouvernement que c’est un proche ami du Président de la République. Mais, depuis, nous n’entendons plus parler de ce rapport, comme si le Gouvernement ne voulait pas que ses conclusions soient publiées au moment de nos débats.
Pourtant, nous avons eu vent d’une rumeur, ou plutôt d’une information, selon laquelle les préconisations du rapport iraient exactement à l’inverse du CPE. Elles comporteraient en particulier des propositions en faveur de la mise en place d’un bonus pour les entreprises embauchant en CDI.
Je demandais donc au ministre si ces informations étaient exactes et s’il comptait rendre public ce rapport de façon que la représentation nationale dispose d’un autre éclairage officiel que celui du Gouvernement, qui, on l’a vu, refuse systématiquement de répondre à nos questions sur les conditions de mise en œuvre du CPE.
Je m’étonne encore que le ministre n’ait pas cru bon de me répondre ce matin.
M. le président. M. le ministre m’a fait savoir qu’il vous avait répondu ce matin. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean Glavany. C’est faux !
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Lisez le compte rendu !
M. le président. Nous revenons au sous-amendement n° 598.
La parole est à M. Alain Vidalies.
M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, le rapport dont il est question porte sur le sujet même dont nous traitons. Or vous vous contentez de dire : « il existe, circulez, y a rien à voir ». Mais ce rapport n’est pas votre rapport. Il a été demandé par un ministre de la République et nous voulons en connaître les conclusions. Vous rendez-vous compte des soupçons que vous laissez planer ? Nous ne pouvons que penser que si vous ne voulez pas rendre publics ces travaux, c’est qu’ils vont dans un sens contraire à vos espérances.
Par ailleurs, comme toutes les réponses ne sont pas contenues dans le texte de loi, j’aimerais savoir si le CPE peut être associé à l’un des dispositifs de contrat aidé applicable dans le secteur marchand, visés aux articles L. 322-4-6, L. 322-4-8 et L. 832-2 du code du travail. Je peux me tromper mais, dans le projet de loi relatif au retour à l’emploi, il me semble que vous avez ouvert, par un amendement, la possibilité d’inclure un contrat d’insertion-RMA dans un CDI. Or en qualifiant le CPE de CDI, vous permettez par voie de conséquence de lui voir associer des contrats aidés, ce qui aboutirait à une lecture plus particulière encore de ce dispositif.
Compte tenu de l’accumulation de textes que vous faites voter, je ne trouve pas la réponse à cette question. J’aimerais que vous éclairiez à ce sujet les praticiens et les élus en charge du RMI.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Comme la question porte strictement sur le sous-amendement, j’aimerais y répondre. Les conditions d’application du CIE, précisées par décret, valent aussi pour le CPE.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 598.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 599.
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.
M. Alain Vidalies. Ce sous-amendement aborde une question de fond : une entreprise pourra-t-elle recourir à un CPE après avoir procédé à des licenciements économiques ? Si oui, dans quels délais ? Dans quelle mesure le droit commun s’appliquerait-il ?
L’absence de précisions à ce sujet dans le texte signifie-t-elle que cette possibilité est laissée aux entreprises ? Si oui, cela ajouterait encore aux particularités du CPE.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l’avis de la commission.
M. Laurent Hénart, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Je rappelle qu’il y a dans le code du travail une clause de réembauche d’une année. Si, comme le ministre nous l’a dit, l’ordre public social s’applique au contrat première embauche, cette clause s’appliquera bien évidemment. La jurisprudence est très précise et très stable en la matière : la clause de réembauche vaut à qualification équivalente et dans un cadre d’emploi équivalent.
Elle me paraît plus protectrice que le sous-amendement que vous proposez. C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Avis défavorable : le rapporteur a tout dit.
M. Jean-Pierre Brard. C’est surtout que le ministre n’a pas grand-chose à dire !
M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. Les propos de M. le rapporteur me font réagir.
M. Jean-Pierre Brard. Si l’UDF devient réactive, où va-t-on ?
M. Francis Vercamer. Un jeune en CDI ayant fait l’objet d’un licenciement économique pourrait-il être réembauché en CPE durant cette période d’un an ?
Mme Muguette Jacquaint. Bonne question !
M. Francis Vercamer. Cela poserait alors problème puisqu’il ne s’agirait pas véritablement d’une première embauche.
M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
M. Maxime Gremetz. Nous l’avons dit et répété, mais ce matin, M. le ministre a avoué. Il a dû reconnaître ce que les dispositions de l’amendement du Gouvernement impliquaient pour les personnes en stage. J’ai cité l’exemple d’une femme dont j’ai vu le témoignage à la télévision. Elle travaillait depuis deux ans et s’est vu proposer un CNE : au bout d’un mois, elle a été licenciée !
M. Richard Dell'Agnola. C’est l’assistante de Gremetz !
M. le président. Voilà une remarque bien inutile !
M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, je ne vais pas me laisser interrompre par ce monsieur qui vient juste d’arriver et qui n’a pas encore participé à nos débats.
Nous avons demandé au ministre de se rapporter à la loi relative aux emplois-jeunes car M. Joyandet a prétendu qu’elle prévoyait de les licencier à la fin de leur contrat.
Nous lui avons aussi demandé le rapport sur l’insertion professionnelle des jeunes qu’il ne veut pas nous donner, car il sait que ses conclusions font voler en éclat le CPE.
Je rappelle encore que le ministre, cette fois-ci en y mettant de la bonne volonté, a indiqué qu’il était possible de multiplier les CPE pour faire tourner les jeunes.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 599.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 162.
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir ;
M. Alain Vidalies. Monsieur le rapporteur, à la question précédente que je vous ai posée, vous apportez une réponse qui concerne la personne qui a été licenciée, et vous faites référence à la clause de réembauche. Certes, mais là n’est pas la question. Nous vous demandons s’il est possible pour une entreprise qui a procédé au licenciement économique d’un salarié de plus de vingt-six ans de recruter en CPE une autre personne. Cette précision peut être utile.
Le sous-amendement n° 162 soulève le problème de l’utilisation d’un CPE pour remplacer un salarié suite à un conflit collectif de travail. La réponse devrait logiquement être négative, mais nos travaux doivent servir à l’interprétation de la loi et permettre d’éviter bien des procédures, notamment en raison de l’ambiguïté de la réponse que vous avez faite précédemment et qui sera lue par les juristes a contrario. En effet, ils pourraient conclure qu’à l’exception de la priorité de réembauche dont jouit un salarié licencié, il serait possible de recourir au CPE à l’issue d’un licenciement économique. Si telle est votre idée, vous aggravez encore les conséquences du texte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Laurent Hénart, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Votre sous-amendement, monsieur Vidalies, concerne le droit de grève, qui est constitutionnellement reconnu et auquel il n’est pas question de porter atteinte.
M. Jean-Pierre Brard. Vous n’y pensez pas ?
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Un CPE qui serait rompu pour mettre en échec l’exercice de ce droit constitutionnel reposerait sur des conditions illicites et nous renverrait d’ailleurs à des principes plus généraux évoqués à l’article L. 122-45 du code du travail qui s’applique intégralement.
Monsieur Vidalies, pour en revenir au sous-amendement précédent, je vous précise qu’en cas de réembauche la durée de travail déjà effectuée dans l’entreprise s’imputerait naturellement sur la période de consolidation.
M. Alain Vidalies. Là n’est pas la question !
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 162.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 54.
Monsieur Gremetz, est-ce vous qui le défendez ?
M. Maxime Gremetz. Non, monsieur le président. Comme nous faisons parler les femmes, c’est Mme Jambu qui va le soutenir !
M. le président. Vous leur laissez peu de temps pour s’exprimer car on n’entend que vous !
Vous avez la parole, madame Jambu.
Mme Janine Jambu. Monsieur le ministre, en créant le contrat première embauche, qui permettra aux entreprises de garder de jeunes salariés à l’essai pendant deux ans, le Gouvernement donne en réalité satisfaction à l’une des principales injonctions du MEDEF : élargir la palette des modalités de licenciement sans contrainte, mais surtout ouvrir les perspectives de la génération de l’emploi précaire jetable à tous les salariés.
Nous entendons que ce dispositif facilitera l’embauche des jeunes. Mais pour ces derniers, c’est l’insécurité permanente puisqu’ils pourront quasiment être remerciés du jour au lendemain, sans motif ni recours juridique.
Vous prétendez en outre qu’il s’agit d’aider les moins qualifiés. Mais il s’agit encore d’un leurre puisque le CPE vise tous les jeunes. Votre objectif est bien, profitant du renouvellement de la main-d’œuvre, de poursuivre la destruction du CDI par la marchandisation du travail. C’est donc le contraire de ce que vous venez de dire.
L’Agence nationale pour l’emploi explique que si elle propose, dans la majorité des cas, des emplois durables, ceux-ci sont de plus en plus concurrencés par des emplois précaires. Mais le CDI résiste puisqu’il concerne encore plus de 18 millions de salariés.
Toutefois, c’est encore trop pour vous. En 2004, sur 217 000 reprises d’emploi recensées par l’ANPE, 70 000 ont pris la forme d’un CDI, 75 300 d’un CDD, 36 500 d’un intérim et 34 000 d’une autre forme d’emploi. Si votre objectif était la flexibilité par le CPE, malheureusement tous ces contrats le permettent. Que faut-il comprendre alors ? Que vous n’êtes pas encore assez satisfaits des ravages du CDD et qu’il faut vous attaquer à ceux qui restent en CDI ?
Pour ce faire, vous avez institué le CNE l’été dernier, et aujourd’hui vous proposez le CPE qui va venir perturber, au même titre que le CNE, cette relative stabilité.
Les syndicats ne s’y sont pas trompés : cette mesure est une attaque frontale contre la norme du CDI que vous ne supportez plus, comme le MEDEF, et qui doit devenir l’exception, le contrat hors normes. À l’inverse, nous demandons aux partenaires sociaux de mener chaque année des négociations sur la base de la gestion prévisionnelle des départs à la retraite afin de proposer des emplois stables aux jeunes.
M. Maxime Gremetz. Très bien !
Mme Janine Jambu. Enfin, vous prétendez que ce nouveau contrat permettrait de répondre aux problèmes que pose le code du travail en matière d’embauche. On nous dit en effet que les règles du code du travail freineraient l’embauche parce qu’elles restreignent le droit au licenciement. Pourtant, l’histoire du code du travail montre que ce recueil de textes était destiné à poser de simples protections pour les salariés et les fondements des relations sociales du travail.
Petit à petit, le code du travail s’est complexifié en raison des velléités du patronat, fort bien relayées par les gouvernements libéraux qui ont multiplié les dérogations au droit commun pour en tirer avantage et affaiblir ainsi les droits des salariés. Aujourd’hui, vous enfoncez le clou avec ce nouveau contrat dont l’incertitude règne quant à la période d’essai et aux droits des salariés qui y auront recours.
Toutes ces incertitudes mais aussi ces certitudes sur vos volontés ne nous permettent pas de vous suivre sur ce texte, d’autant que les organisations syndicales représentant les salariés et les étudiants y sont farouchement opposées.
M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables à ce sous-amendement.
La parole est à Mme Martine Billard.
Mme Martine Billard. Je souhaiterais savoir à qui s’adresse le CPE. S’il s’agit de lutter contre le chômage des jeunes, il faudrait commencer par prendre en compte la réalité des faits.
Un rapport intéressant constate une hétérogénéité des situations des jeunes face au chômage et un niveau de chômage corrélé avec celui de la formation. Or, depuis quatre ans, il ne semble pas que ce gouvernement ait eu une quelconque volonté d’adapter les formations à l’évolution du marché du travail.
Les études officielles, y compris celles du ministère du travail, sur l’évolution du marché du travail pour les quinze ans à venir montrent un risque de concentration des emplois dans le secteur tertiaire et de polarisation des emplois avec, d’un côté les cadres, et de l’autre les salariés non qualifiés.
Vous répondez à cela avec le CPE, mais on peut douter qu’il apporte une réponse à cette évolution. En effet, je vous rappelle les propos tenus ici même par l’un de nos collègues : « Le rapporteur est défavorable à toute disposition dénaturant ce contrat de travail : même si l’on ne peut contester les avantages ponctuels de mesures telles celle envisagée par le Sénat d’exclure temporairement les jeunes ouvrant droit au bénéfice de la mesure du calcul des effectifs de l’entreprise ou écouter la proposition du MEDEF d’instituer une période d’essai spécifique, il semble préférable de s’en tenir au droit commun du contrat de travail, d’éviter tout trait stigmatisant une nouvelle fois le travail des jeunes. »
Mes chers collègues, qui est l’auteur de ce superbe texte ? Ce n’est pas un membre de l’opposition, mais Bernard Perrut, rapporteur du projet de loi portant création d’un dispositif de soutien à l’emploi des jeunes en entreprise, examiné en juillet 2002.
M. Jean-Pierre Brard. Il a été exclu depuis !
M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet.
M. Alain Bocquet. Avant de passer au vote sur cet important sous-amendement, je voudrais faire remarquer qu’il n’y a que dix-neuf députés de la majorité en séance, ce qui démontre bien le peu d’intérêt de l’UMP pour le CPE. C’est pourquoi, je demande la vérification du quorum.
M. le président. Cela ne vous permettra pas d’en faire de même ce soir puisque, je vous le rappelle, une seule demande de vérification du quorum est recevable au cours d’un même débat dans le même jour de séance.
Je suis donc saisi, par le président du groupe des député-e-s communistes et républicains, d’une demande, faite en application de l’article 61 du règlement, tendant à vérifier le quorum avant de procéder au vote sur le sous-amendement n° 54.
Je constate que le quorum n’est pas atteint.
Le débat reprendra à dix-huit heures.
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures.)
M. le président. La séance est reprise.
M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour un rappel au règlement.
M. Alain Joyandet. Au nom du groupe UMP, je m’élève une fois de plus contre l’obstruction systématique que pratique l’opposition à coups de suspensions de séance, de vérifications de quorum, d’amendements redondants et d’interventions répétitives. Et ses membres ne sont même pas là à la reprise de la séance !
Je dénonce donc avec insistance, monsieur le président, le blocage de nos institutions qu’organise l’opposition depuis plusieurs jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. J’en prends acte, monsieur Joyandet.
M. le président. Avant la suspension de séance, le vote du sous-amendement n° 54 a été reporté en application de l’article 61 alinéa 3 de notre Règlement. Nous allons maintenant procéder au vote.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 54 qui a reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Nous en venons au sous-amendement n° 206 à l’amendement n° 3 rectifié.
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.
M. Alain Vidalies. Ce sous-amendement a lui aussi pour objectif de cerner le champ d’application du contrat première embauche. Il tend à éviter qu’il soit utilisé pour le travail à temps partiel.
Je vous renvoie à la discussion d’hier sur les taux de chômage comparés et qu’il faudrait étendre aux législations sociales. On emprunte souvent, en la matière, des raccourcis qui nous éloignent de la réalité et nous mènent à des solutions tout à fait contestables. La France, qui est en situation difficile, est souvent mise en regard de ses voisins, notamment la Grande-Bretagne et les Pays-Bas qui présentent un taux de chômage très inférieur au nôtre. Il faut savoir que ces pays ont tout simplement organisé le partage du travail disponible entre les salariés, mais selon une méthode inverse à celle des 35 heures, c’est-à-dire en généralisant le travail à temps partiel. Le taux de salariés à temps partiel en France se situe entre 16 % et 17 % aujourd’hui, contre plus de 25 % en Grande-Bretagne et plus de 35 % aux Pays-Bas où la proportion était montée jusqu’à 43 % ou 44 %.
Si la France avait le même taux de travailleurs à temps partiel que la Grande-Bretagne, elle aurait, sans qu’aucun emploi n’ait été créé, un taux de chômage de trois à quatre points de moins et on pourrait crier au miracle : il y aurait probablement un million de chômeurs de moins dans les statistiques, mais autant de salariés pauvres en plus !
La généralisation du travail à temps partiel dissimule une conception particulière de la société et du travail. Exclure les salariés à temps partiel du champ d’application du CPE serait une bonne mesure.
M. le président. La commission étant défavorable à ce sous-amendement n° 206 et le Gouvernement aussi, je le mets aux voix.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour défendre le sous-amendement n° 207.
M. Alain Vidalies. Le contrat nouvelles embauches va être intégré au code du travail. Il obéit à des règles particulières plus ou moins précises, mais est-il soumis aux dispositions conventionnelles ? C’est une vraie question.
Par exemple qu’en sera-t-il des congés et des avantages particuliers si les dispositions conventionnelles sont plus avantageuses que le droit commun ? La question se justifie d’autant plus que le Gouvernement et la majorité ont remis en cause la hiérarchie des normes avec la loi sur la démocratie sociale. En matière de droit du travail, qui l’emporte désormais de la loi, du règlement ou de la convention collective ?
Notre sous-amendement aura le mérite de permettre au Gouvernement d’apporter des précisions utiles.
M. le président. Le sous-amendement a été rejeté par la commission.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Mesdames, messieurs les députés, le CPE est bien une nouvelle catégorie de contrat de travail à durée indéterminée. En conséquence, les accords collectifs antérieurs au CPE ne peuvent, par construction, contenir des stipulations affectant le contenu du CNE en ce qu’il a de dérogatoire au droit commun, à savoir ses conditions de rupture. Les clauses conventionnelles concernant la rupture des autres contrats de travail ne sont donc pas opposables au CPE. C’est pourquoi le Gouvernement ne peut être favorable à ce sous-amendement. En revanche, les autres dispositions, relatives notamment au temps de travail, au salaire sont naturellement applicables au CPE puisque celui-ci est régi par le droit commun.
M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.
Mme Martine Billard. Je souhaite obtenir une précision, monsieur le ministre.
Nous verrons ultérieurement le cas des femmes enceintes, mais sommes-nous d’accord qu’un salarié titulaire d’un CPE victime d’un accident du travail serait protégé contre une rupture du contrat de travail, comme le prévoit actuellement le code du travail, et que cette garantie ne fait pas partie de celles qui seront fixées par la jurisprudence ?
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. La réponse est oui.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 207.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux sous-amendements, nos 208 et 118, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour défendre le sous-amendement n° 208.
M. Gaëtan Gorce. Nous touchons, avec ce sous-amendement, le point sensible de votre projet, sa véritable raison d’être : le contrat première embauche repose sur l’idée, contestable à nos yeux, qu’il faut réduire les protections du salarié. Le Gouvernement n’a d’ailleurs pas démenti notre analyse.
Un contrat à durée indéterminée, par définition, n’a pas de terme fixé. Dès lors, sa rupture doit être entourée de garanties solides. Si elles disparaissent, le contrat de travail peut être un contrat hybride, mais ce n’est plus un CDI classique.
Dans le cadre de ce dernier, les garanties qui prémunissent le salarié contre une rupture brutale tiennent d’abord à la procédure, en particulier à l’exigence d’un entretien préalable, dans lequel les droits de la défense peuvent s’exercer, et à la communication des motifs. Or le contrat première embauche a pour objet d’y déroger.
Par ailleurs, les motifs doivent avoir une cause « réelle et sérieuse » depuis que, en 1973, on a décidé d’encadrer les conditions du licenciement à la demande des partenaires sociaux.
Faute des garanties prévues, le contrat première embauche n’a de CDI que le nom. Il s’agit en réalité d’un contrat précaire, et nous démontrerons tout à l’heure qu’il offre même moins de garanties qu’un contrat à durée déterminée puisque, sauf le premier mois, il peut être rompu par simple préavis adressé par lettre recommandée, sans qu’aucun motif ne soit communiqué au salarié.
Le déséquilibre par rapport au CDI révèle la précarisation des salariés qui seront recrutés sous cette forme. Nous ne pouvons l’accepter et nous devons dénoncer l’abus de langage qu’il y a à assimiler le CPE au CDI. Notre sous-amendement vise donc à souligner le double langage du Gouvernement.
Par ailleurs, je tiens à exprimer ma surprise, réservant mon indignation pour la soirée à venir, devant les déclarations du ministre des affaires sociales dans l’hémicycle. À mes questions extrêmement précises, il s’en est tiré par une facétie – le sujet ne s’y prête pourtant pas – en nous présentant comme les défenseurs des contrats précaires. Nous lui démontrions seulement que son contrat était au moins aussi précaire qu’eux, sinon plus.
J’ai rappelé que le Gouvernement a reconnu au cours du débat, sinon au cours des séances de questions au Gouvernement, quelques vérités difficiles à admettre : l’extension programmée du CPE à tous les salariés et, surtout, la possibilité pour un jeune d’enchaîner les CPE et pour une entreprise d’embaucher successivement plusieurs jeunes sur un même poste. Force est de reconnaître que, quand le Premier ministre n’est pas là, ses ministres se montrent plus francs et plus sincères. De là à en conclure qu’il exerce un contrôle – je n’ose pas dire une « censure » – sur eux...
Nous persévérerons dans notre ténacité jusqu’à vous faire admettre que le contrat première embauche est moins protecteur qu’un CDI, et même qu’un CDD.
M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour défendre le sous-amendement n° 118.
Mme Martine Billard. L’amendement n° 3 rectifié du Gouvernement propose logiquement de déroger aux articles L. 122-13 à L. 122-14-13 du code du travail qui portent sur les conditions de rupture du CDI.
Cependant il ajoute à cette liste l’article L. 122-14-14, qui ne porte pas sur le même sujet que les précédents, puisqu’il concerne l’obligation pour les chefs d’entreprise de laisser le temps à un autre salarié de défendre un salarié licencié dont il est le conseiller, dans le cadre de l’entretien prévu à l’article L. 122-14.
Or, en commission, il m’a été expliqué que, puisque la rupture d’un CPE n’entrait pas dans le cadre de celle d’un CDI, il convenait également de déroger à ce dernier article, bien qu’il n’ait rien à voir avec les précédents. Rien n’interdira en effet à l’avenir à un salarié, malheureusement en CPE, de devenir conseiller d’un salarié licencié – la liste en est dressée par le représentant de l’État dans le département – et d’être, de ce fait, conduit à défendre un salarié, y compris titulaire d’un CDI, victime d’une procédure de licenciement.
Certes, on peut m’objecter qu’un tel cas a fort peu de chance de se présenter, au motif qu’un salarié en CPE devenant conseiller d’un salarié licencié risquerait de voir son CPE immédiatement rompu de ce seul fait, mais sans doute seriez-vous les premiers à pousser les hauts cris si une telle disposition figurait dans la loi, car ce serait reconnaître d’avance qu’un employeur pourrait licencier un salarié en CPE qui serait conseiller d’un salarié licencié.
Il n’est dès lors pas logique, messieurs les ministres, de prévoir une dérogation à l’article L. 122-14-14. Telle est la raison pour laquelle le sous-amendement n° 118 – lequel est pour ainsi dire un sous-amendement de repli – propose de substituer à la référence : « L. 122-14-14 », la référence : « L.122-14-13 ».
M. le président. La commission est défavorable aux deux sous-amendements ?
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Défavorable.
La fonction de conseiller du salarié est compatible avec un CPE : les articles L. 122-14-15 et suivants lui sont applicables. Néanmoins la procédure de rupture du CPE ne comportant pas d’entretien préalable, l’assistance d’un salarié en CPE par un conseiller du salarié n’a pas d’objet.
Mme Martine Billard. Monsieur le ministre, vous présupposez qu’un conseiller du salarié en CPE ne serait conseiller que d’un salarié en CPE !
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je n’ai jamais dit ça !
M. Jean-Charles Taugourdeau. Mais non !
M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.
Mme Martine Billard. Un conseiller du salarié en CPE aura tout à fait le droit de défendre des salariés en CDI, lesquels ont droit à l’entretien préalable prévu par l’article L. 122-14. Le conseiller du salarié en CPE doit donc lui aussi être protégé par la loi pour le cas où il défendrait un salarié en CDI (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…
M. Jean-Charles Taugourdeau. Pas du tout !
Mme Martine Billard. …ce qui se révélera impossible si la dérogation à l’article L. 122-14-14 est adoptée.
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Mais non, puisqu’il sera alors un salarié protégé !
Mme Martine Billard. Mon sous-amendement vise donc à protéger de son employeur tout salarié en CPE conseiller du salarié.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Vous en fréquentez beaucoup des employeurs ?
Mme Martine Billard. Je connais bien le milieu des PME !
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 208.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 118.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir le sous-amendement n° 119.
Mme Martine Billard. L’article L.122-9-1 du code du travail prévoit une indemnité compensatrice pour le salarié dont le contrat de travail est rompu pour cas de force majeure en raison d’un sinistre. Une telle situation s’est déjà présentée lors de la grande tempête de décembre 1999 ou dans le cas d’inondations ou d’incendies. Si une telle situation se présente de nouveau, les salariés en CDI et les salariés en CPE d’une même entreprise connaîtront une inégalité de traitement : les salariés en CDI auront droit à l’indemnité compensatrice, tandis que les salariés en CPE verront leur contrat de travail rompu du jour au lendemain sans aucune indemnité, en dehors de celle qui est prévue par l’amendement gouvernemental en fonction du temps passé dans l’entreprise.
Messieurs les ministres, il convient de parer à une telle inégalité. Certes, je n’ignore pas que le dispositif à adopter en faveur des salariés en CPE ne pourra pas être le même que celui qui existe pour les salariés en CDI, les articles du code du travail ne le permettant pas, mais il convient de prendre en compte une telle situation d’ici à l’examen du texte au Sénat et de prévoir, pour les salariés en CPE, le versement d’une indemnité dont le montant pourrait être fixé par décret.
En tout état de cause, on ne saurait tolérer qu’il y ait deux catégories de salariés en cas de fermeture d’une entreprise pour sinistre grave.
M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables au sous-amendement n° 119.
Je le mets aux voix.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. Alain Vidalies. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour un rappel au règlement.
M. Alain Vidalies. Je profite de la présence de M. Borloo pour revenir sur une question que nous lui avons posée cet après-midi lors des questions au Gouvernement et qui évoquait un cas d’école reposant sur une situation réelle qui peut concerner demain des dizaines de milliers de salariés. J’en rappelle les termes.
Une salariée d’une supérette, embauchée en CNE, doit subir une intervention chirurgicale et en prévient son employeur. Alors que, pour ne pas perturber l’activité commerciale, l’opération a été reportée à la mi-janvier, c'est-à-dire après la période des fêtes, cette salariée reçoit le 3 janvier une lettre de licenciement ne comportant aucun motif. Ce cas, qui concerne aujourd'hui les CNE, concernera demain de la même façon les salariés en CPE, dont le licenciement n’aura pas non plus à être motivé.
Cet après-midi, monsieur le ministre, vous avez apporté à cette question, qui concerne très concrètement la vie des gens, une réponse fausse sur le plan juridique, en tout cas de nature à induire en erreur les millions de téléspectateurs qui vous regardaient. En effet, ces derniers n’étaient pas nécessairement capables de distinguer la protection d’ordre public de celle découlant de l’application normale du code du travail.
Vous avez recouru à la notion d’ordre public dans le seul but de faire croire que les salariés embauchés en CPE conserveront la protection d’ordre public. Vous faites mine d’oublier – vous le savez fort bien – qu’il reviendra à la personne licenciée pour état de santé d’engager une procédure pour discrimination, mais que cette démarche sera rendue impossible du fait même que la lettre de licenciement ne comportera aucun motif, la charge de la preuve étant de ce fait inversée à son détriment.
Monsieur le ministre, vous devez répondre à cette question car elle peut concerner demain des centaines de milliers de personnes. J’ai eu récemment une conversation téléphonique à ce sujet avec un électeur de ma circonscription, qui pensait qu’un tel licenciement serait nul. En tout état de cause, ce licenciement aura bel et bien eu lieu. C’est pourquoi, monsieur le ministre, si vous voulez bien reconnaître qu’un tel licenciement sera juridiquement nul et que le salarié concerné pourra aller, fort de votre réponse, devant les prud’hommes pour le contester, nous sommes prêts à en prendre acte, puisque, le cas échéant, des procédures pourront être engagées.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Laurent Hénart, rapporteur. Je ferai deux remarques.
Monsieur Vidalies, l’article L. 122-45 du code du travail qui, en son premier alinéa, énonce, y compris en cas de licenciement, les formes de discrimination prohibées – l’état de santé en fait partie –, inverse, en son avant-dernier alinéa, la charge de la preuve. Celui-ci prévoit en effet très explicitement : « En cas de litige relatif à l'application des alinéas précédents, le salarié concerné ou le candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation en entreprise présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse » – donc à l’employeur – « de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. » Le droit positif inverse donc la charge de la preuve.
M. Alain Vidalies. C’est une précision très importante.
M. Laurent Hénart, rapporteur. Je souhaite que le Gouvernement confirme que cette mesure d’ordre public social s’applique bien dans le cadre du contrat première embauche.
Par ailleurs, madame Billard, je tiens à vous remercier d’avoir bien voulu rectifier votre sous-amendement n° 120, la commission ayant jugé pertinent le point que vous aviez soulevé en commission. Il convenait de rappeler qu’en cas d’intérim, ce n’est pas l’entreprise qui est l’employeur, mais bien la société d’intérim qui envoie le salarié en mission.
La commission est donc favorable, au bénéfice de la modification qui y a été apportée, à l’adoption de l’amendement n° 120 rectifié.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi.
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Monsieur Vidalies, je serai précis : on ne peut pas se fonder sur le seul état de santé du salarié pour rompre un CPE.
M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
M. Alain Vidalies. C’est une question importante, mais il semble y avoir une légère différence d’interprétation entre M. le rapporteur et M. le ministre. C’est pourquoi je voudrais, monsieur le ministre, que vous confirmiez l’interprétation du rapporteur, qui fait le lien entre le premier et l’avant-dernier alinéas de l’article, lequel indique qu’en un tel cas la charge de la preuve est inversée.
Confirmez-vous donc que, dans le cas d’un salarié qui se plaindra d’avoir été licencié sans motif, mais en raison de son état de santé, la charge de la preuve sera inversée et qu’il appartiendra bien à l’employeur d’apporter la preuve qu’il ne l’a pas licencié pour cette raison ?
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Oui, monsieur Vidalies. Nous parlons bien d’une même voix.
M. Alain Vidalies. C’est extrêmement intéressant ! Nous pouvons poursuivre le débat.
M. le président. Si j’ai bien compris, le rapporteur a donné par anticipation son avis sur le sous-amendement n° 120 rectifié de Mme Billard, que celle-ci n’avait pas encore défendu.
Voulez-vous néanmoins ajouter quelque chose, madame Billard ?
Mme Martine Billard. Oui, je vous remercie, monsieur le président.
Quand cette disposition figurera dans la loi – la réponse du ministre est précise – il n’y aura pas à s’en remettre à la jurisprudence.
Je regrette seulement, monsieur le ministre, que vous n’ayez pas répondu sur la question de l’indemnité compensatrice en cas de rupture du CPE pour raison de force majeure. Je n’attendais pas de vous une solution immédiate, mais il convient d’apporter une réponse concrète à ce cas de figure, auquel, malheureusement, des salariés seront nécessairement confrontés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 120 rectifié ?
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Favorable.
En ce qui concerne la question de l’indemnisation compensatrice, je tiens à rappeler que le CPE prévoit une indemnité de rupture qui va croissant, (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)…
Mme Martine Billard. Au bout de quatre mois !
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …à la différence des autres types de contrats qui ne prévoient aucune indemnité avant six mois. Elle est de 8 % pour les cinq premiers mois.
Ne confondez pas, madame Billard, l’indemnité de cessation de contrat, qui est due dès l’origine, avec l’indemnité d’allocation chômage forfaitaire, qui porte sur deux mois à partir du quatrième mois.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 120 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je constate qu’il est adopté à l’unanimité.
Cela permettra peut être d’accélérer nos travaux.
La parole est à M. Alain Vidalies, pour défendre le sous-amendement n° 171.
M. Alain Vidalies. Je veux bien que nous accélérions nos travaux, mais dans le respect du règlement. N’oublions pas que nous sommes en train d’élaborer la loi.
Je remercie le Gouvernement pour sa réponse, mais nous nous trouvons néanmoins dans une situation plutôt singulière.
Un employeur pourra, dans le cadre du CPE, adresser une lettre de licenciement sans motif. Vous affirmez toutefois que la protection d’ordre public permettra une inversion de la charge de la preuve. Aussi sommes-nous en train de fabriquer un drôle de salmigondis juridique car cette inversion de la charge de la preuve reviendra à motiver a posteriori le licenciement.
M. Maurice Giro. On voit qu’il n’est pas patron !
M. Alain Vidalies. Nous sommes donc en train de tourner en rond et, en fin de compte, cette absence de réflexion et de négociations qui a présidé à la rédaction de votre texte aboutira à la remise en cause de la très importante évolution de la législation depuis 1973, à la suite, d’ailleurs, de débats fort intéressants au sein de l’Assemblée.
Compte tenu de la réponse du Gouvernement, vous imaginez bien que le conseil qu’on donnera immédiatement à tous les salariés victimes d’un licenciement, justifié ou non, sera de se dire victimes d’une discrimination. Dans ce cas, l’employeur devra expliquer pourquoi il a licencié. Il ne vous reste donc plus qu’à abroger votre texte, inutile puisque fondé sur l’absence de motivation.
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Non !
M. Alain Vidalies. On voit bien comment, à vouloir faire les choses sans aller jusqu’au bout, on va aboutir, dans la pratique, à tromper les entreprises et, en tout cas, à multiplier les contentieux juridiques sans qu’ils soient tous fondés puisque certains licenciements seront justifiés.
Je peux vous assurer, par exemple, qu’aux salariés licenciés qui vont venir consulter mon cabinet d’avocat, on conseillera systématiquement de saisir le conseil de prud’hommes. Les entreprises seront dès lors contraintes de se justifier. Il s’agit d’une vraie difficulté, monsieur le président.
M. le président. Peut-être, monsieur Vidalies, mais veuillez conclure.
M. Alain Vidalies. Je comprends votre impatience, mais pensons aux entreprises et aux salariés qui vont être confrontés à cette situation. Si l’on ne termine pas le débat sur la question dans le seul but de gagner du temps, l’Assemblée sera obligée d’en discuter plus tard, plus longuement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Hénart, rapporteur. Je rappelle à M. Vidalies, qui pense aussi à son cabinet d’avocat et aux nombreuses affaires qui pourront s’y traiter, que le contentieux autour de l’article L. 122-45 est déjà très nourri. Son premier alinéa énumère en effet une liste de discriminations et prévoit une procédure : le salarié qui s’estime victime de discriminations communique l’ensemble des faits qui lui paraissent démontrer cette discrimination ; il appartient ensuite à l’entreprise défenderesse de démontrer que ce sont des faits autres – rationnels – qui justifient la décision de licenciement ; il revient enfin au juge, comme il se doit, de trancher le litige à partir de son intime conviction, y compris en recourant à des moyens d’enquête et d’instruction.
Cet article présente l’avantage d’avoir généré une jurisprudence bien établie qui protège les citoyens et garantit les principes fondamentaux de notre droit. Il est très bon que l’on puisse compter sur lui.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Pour éviter que M. Vidalies, qui est trop fin juriste, ne nous emmène dans des chemins de traverse…
M. Alain Vidalies. Moi ? Jamais !
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …je rappelle que la charge de la preuve est une question qui se pose devant le juge...
M. Alain Vidalies. Oui, bien sûr !
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …et non dans les relations du travail.
De plus, l’article L. 122-45, est d’un usage constant et il y a seulement aménagement – j’insiste sur le mot – de la charge de la preuve, notamment en ce qui concerne l’établissement des faits. Les choses sont donc claires.
M. Alain Vidalies. C’est terrible !
M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. Vous voyez bien, monsieur le ministre, que ce que je dis depuis ce matin sur l’insécurité juridique dans laquelle ce texte placera les entreprises, est fondé. Vous voyez bien que rien que dans cette assemblée nous ne sommes pas d’accord sur l’interprétation des textes.
Imaginez dès lors ce qui arrivera devant le juge, devant le conseil des prud’hommes en termes de jurisprudence ! Je pressens une catastrophe et c’est la raison pour laquelle je vous demande de revenir sur votre texte, au moins pour introduire la motivation du licenciement, afin d’éviter d’énormes problèmes dans la gestion des entreprises et pour limiter la précarité de l’emploi.
M. le président. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal.
Je vous rappelle, puisque l’on m’invite à appliquer le règlement, que, sur chaque amendement, ne peuvent être entendus, outre l’un des auteurs, que le Gouvernement, le président ou le rapporteur de la commission et un orateur d’opinion contraire.
Mme Danièle Hoffman-Rispal. Je souhaite revenir sur le débat qui vient d’avoir lieu.
Lorsqu’il y a inversion de la charge de la preuve…
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Non : aménagement !
Mme Danièle Hoffman-Rispal. …le salarié se défend devant les prud’hommes. Ces derniers vont donc se retrouver complètement embouteillés, alors qu’ils mettent déjà un certain temps pour mener à terme les affaires qui leur sont soumises. Aussi, aujourd’hui, quand un salarié en CDI est licencié pour faute grave…
M. Maurice Giro. Vous présentez un scénario catastrophe !
Mme Danièle Hoffman-Rispal. …– cas dont j’ai eu à connaître lorsque j’exerçais des responsabilités syndicales en entreprise – il a pu s’écouler un an voire deux ans avant qu’on lui donne éventuellement gain de cause aux prud’hommes. Or, pendant cette période, il reste sans emploi et n’a pas droit aux ASSEDIC.
Je crois donc que, comme vient de le souligner M. Vercamer, motiver le licenciement éviterait d’aggraver les contentieux devant les prud’hommes.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 171, rejeté par la commission ainsi que par le Gouvernement.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir le sous-amendement n° 55.
M. Daniel Paul. Avec ce texte, on ne le répétera jamais assez, nous entrons dans une logique implacable de précarisation de l’emploi des jeunes.
M. Alain Néri. Dallas !
M. Daniel Paul. Oui : c’est comme Dallas, c’est « l’univers impitoyable » de Dallas.
M. Jean-Pierre Blazy. Absolument !
M. Daniel Paul. Vous avez essayé beaucoup de choses. Vous nous dites régulièrement que le coût du travail est trop élevé en France et que ce serait la raison pour laquelle les employeurs hésiteraient à embaucher ou à ne pas garder leurs salariés. Votre leitmotiv est donc de faire baisser le coût du travail. Or 23 milliards d’euros d’aides publiques ont été attribués aux entreprises en 2005. Quel bilan sérieux pouvez-vous dresser, vous qui ne cessez de souhaiter une évaluation rigoureuse des politiques publiques ?
Même en supprimant toutes les cotisations patronales – que vous appelez charges patronales – nous ne serions pas encore au niveau de certains pays, y compris européens. Il suffit, pour s’en convaincre, d’observer ce qui se passe sur un certain nombre de chantiers qui emploient des salariés originaires de pays récemment entrés au sein de l’Union européenne. Les syndicats ont dénoncé le fait qu’on leur verse des salaires très bas.
En fait, au-delà des baisses des cotisations patronales et au-delà des modifications du contrat de travail, votre objectif final est de remettre en cause le CDI. On compte déjà 950 000 travailleurs en CDD, 650 000 intérimaires, 3,5 millions d’employés à temps partiel et le CDI, on le sait, malgré les résistances, est rongé par la progression de cette précarité.
Nous proposons en particulier la suppression des alinéas 6 et 14 de l’amendement du Gouvernement de façon à limiter tout ce qui, dans ce texte, accroît la précarité des salariés.
L’alinéa 6 dispose en effet : « La durée des contrats de travail, y compris des missions de travail temporaire, précédemment conclus par le salarié avec l’entreprise dans les deux années précédant la signature du contrat première embauche, ainsi que la durée des stages réalisés au sein de l’entreprise sont pris en compte dans le calcul de la période prévue à l’alinéa précédent. » Autrement dit, ces périodes entrent en compte dans le calcul des deux ans dits d’essai.
Prenons l’exemple d’un jeune qui a travaillé pendant un mois dans une entreprise dans le cadre de l’alternance et qui, ensuite, a obtenu un CPE. Si, au bout d’un an, l’employeur lui dit qu’il ne veut plus de lui et qu’il n’a pas d’explications à lui donner, le jeune en question sera resté au total treize mois dans l’entreprise.
Plus loin, l’alinéa 14 précise : « En cas de rupture du contrat à l’initiative de l’employeur » – celui-là même qui vient de dire qu’il n’a pas d’explications à donner au licencié –, « au cours des deux premières années, il ne peut être conclu de nouveau contrat première embauche entre le même employeur et le même salarié avant que ne soit écoulé un délai de trois mois à compter du jour de la rupture du précédent contrat. »
M. le président. Votre temps est écoulé, monsieur Paul.
M. Daniel Paul. Certes, mais c’est important, monsieur le président, car cela signifie que, quand le jeune est licencié, il est mis fin au CPE pendant trois mois. Si l’employeur se ravise, le reprend et qu’à nouveau il met fin au contrat au bout de trois mois, de nouveau le jeune devra attendre trois mois. Ces périodes successives s’ajoutent-elles ?
M. Maurice Giro. C’est vraiment Dallas !
M. Daniel Paul. Si tel était le cas la période probatoire ne serait plus de deux ans mais de cinq ou dix ans !
M. le président. La commission comme le Gouvernement ne sont pas favorables à ce sous-amendement n° 55.
Je le mets aux voix.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. J’en viens au sous-amendement n° 580.
La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir ce sous-amendement de précision, pour reprendre son exposé sommaire.
M. Alain Vidalies. Le sous-amendement s’inscrit dans la suite de notre discussion de tout à l’heure.
Le Gouvernement a essayé de prendre des précautions pour prévenir la catastrophe annoncée par la possible utilisation de la discrimination pour contester un licenciement devant les prud’hommes. Le licencié devra en effet déposer des éléments de fait. Or, en l’espèce, il suffira de déposer un certificat médical en affirmant qu’on a été licencié parce que malade. L’employeur se retrouvera dès lors au pied du mur puisqu’il sera obligé de motiver le licenciement devant le conseil de prud’hommes. Il n’est donc pas vrai que les entreprises, comme vous avez pu le leur faire croire, seront à l’abri de tout. Beaucoup de difficultés nous attendent.
La proportion de licenciements contestés devant le conseil de prud’hommes n’est aujourd’hui pas très importante. Le salarié, quand on le lui explique, comprend très bien que le motif pour lequel on le licencie est fondé. Il s’agit parfois d’un motif économique et, puisque les comptes sont les comptes, on ne peut rien faire. Ainsi, dès lors qu’on dispose d’une lettre de licenciement motivée on sait pourquoi on a été licencié et, éventuellement, on l’accepte. Du reste, il arrive parfois à mon cabinet d’avocat de recevoir des licenciés souhaitant entamer une procédure et auxquels on répond par la négative car leur licenciement est justifié. La régulation sociale s’effectue par ce biais.
Néanmoins puisque, selon votre texte, on n’obtiendra de motivation qu’après être passé devant les prud’hommes, des procédures vont systématiquement être engagées. En effet, si les employeurs qui, aujourd’hui, motivent les licenciements échappent huit ou neuf fois sur dix à des procédures, ceux qui, grâce à votre système, licencieront sans motif, se retrouveront systématiquement devant les prud’hommes.
L’incohérence de votre texte conduira donc le salarié qui souhaite savoir pourquoi on veut le licencier, à n’avoir d’autre solution que d’aller devant le conseil de prud’hommes, tandis que l’entreprise qui, pour sa part, pensait pouvoir éviter cette démarche y sera confrontée de manière systématique.
Je pense que l’on va ainsi aboutir au résultat inverse de celui souhaité. Tout le monde y perdra : et les salariés qui devront systématiquement aller devant les prud’hommes, et les entreprises qui auront cru à tort que vous aviez inventé un système extraordinaire.
Par conséquent, soit vous corrigez votre texte, soit vous le soutenez tel quel jusqu’au bout et nous nous trouverons alors au cœur d’une incohérence majeure.
M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables à ce sous-amendement n° 580.
Je le mets aux voix.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux sous-amendements, nos 121 et 427, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir le sous-amendement n° 121.
Mme Martine Billard. Ce sous-amendement vise à appeler les choses par leur nom : les deux ans de travail prévus au début du CPE sont bel et bien une période d’essai.
On peut certes inventer un vocabulaire nouveau, mais, pour les salariés comme pour l’entreprise, c’est aller au devant de problèmes. Lors du premier mois du contrat, le jeune peut être licencié immédiatement et sans motif. Pour les cinq mois suivants, un préavis de quinze jours est requis. De six mois à deux ans, ce préavis est d’un mois. C’est une situation très compliquée.
Selon la jurisprudence actuelle, si un chef d’entreprise oublie, le dernier jour de la période d’essai, de préciser que le contrat est rompu, l’embauche est automatique. Supposons donc qu’un chef d’entreprise oublie d’envoyer la lettre de préavis au terme des six mois prévus dans le CPE, c’est-à-dire le premier mois suivi des cinq autres. Que se passera-t-il ? On n’en sait rien : il va falloir recréer une jurisprudence.
Comme M. Vercamer, je vais évoquer à tour de rôle les salariés et les entreprises.
Le Gouvernement affirme qu’en cas de rupture à l’initiative de l’employeur, le salarié est protégé, puisque, une fois passé le premier mois au cours duquel il peut être licencié sans façons, un préavis de quinze jours est requis pour tout licenciement intervenant dans les cinq mois qui suivent, et le salarié reçoit des indemnités. Cependant si le salarié lui-même se détourne de l’entreprise où il a été embauché, il peut légalement déclarer à son patron qu’il ne reviendra pas le lendemain. Tel est en effet le principe de la période d’essai.
Si le chef d’entreprise ne transforme pas le CPE en CDI, il a, pendant deux ans, une épée de Damoclès au-dessus de la tête, puisque le salarié est libre de partir !
Vous me répondrez qu’étant donné le taux de chômage des jeunes, ce risque est nul. Soit, mais ne serait-il pas opportun d’éviter de revoir notre copie dans six mois ou dans deux ans ? La conjoncture pour la main d’œuvre va en effet s’inverser avec les départs en retraite massifs : des tensions apparaîtront sur le marché du travail, à tout le moins dans certains secteurs.
En n’osant pas dire qu’il s’agit d’une période d’essai – pour laquelle s’appliquerait la jurisprudence actuelle –, vous risquez de fragiliser les salariés comme les entreprises. Je désapprouve l’idée d’une période d’essai de deux ans, mais, plutôt que de créer une nouvelle situation jurisprudentielle pour une simple question de vocabulaire, ne serait-il pas plus sérieux de qualifier ainsi ce laps de temps ? Cela éviterait de déstabiliser, une fois de plus, le droit du travail.
M. Jean-Pierre Blazy. Est-ce votre objectif, messieurs les ministres ?
Mme Martine Billard. Depuis 2002, nous avons toujours siégé en session extraordinaire : pour examiner le contrat jeunes en entreprise, la réforme de l’assurance-maladie, celle des retraites et les ordonnances sur le CNE l’été dernier. Devrons-nous examiner ainsi, en juillet prochain, comme l’a déjà laissé entendre le Premier ministre, un projet de loi ou des ordonnances visant à instaurer le contrat de travail unique, avec une période d’essai de deux ans pour tous ?
M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir le sous-amendement n° 427.
M. Francis Vercamer. L’UDF, vous le savez, est contre le CPE. Toutefois si nous pouvons l’améliorer par des sous-amendements de repli, nous le ferons.
La convention n° 158 de l’OIT dispose que les licenciements doivent être motivés. Mais cette motivation n’est pas nécessaire au cours de la période d’essai si celle-ci est « raisonnable ». Or, comme M. Vidalies l’a bien montré, le texte du Gouvernement place le CPE dans une position d’insécurité juridique à cet égard.
Dans ce sous-amendement nous proposons donc de réduire à six mois la durée de cette période d’essai, ou de « consolidation ». Une telle durée permettrait au jeune de se faire une idée plus précise de son emploi et à l’entreprise d’apprécier si le jeune est adapté à cet emploi. On réduirait ainsi les risques juridiques, même si, je le reconnais, ces risques subsistent entre le troisième et le sixième mois, la Cour de cassation ayant jugé que la durée maximale raisonnable était de trois mois.
Par ailleurs, le CPE risque d’être la variable d’ajustement dans les entreprises en difficulté. Le CPE rendant les licenciements plus faciles, les jeunes seront les premiers à subir ces licenciements. Ils seront donc exposés à une discrimination dans l’entreprise.
Le CPE offre-t-il enfin de la flexibilité ? Non, car, au terme des deux ans, il se transforme en un CDI classique.
Ainsi, le CPE ne répond ni à l’objectif de flexibilité, ni aux problèmes des jeunes non qualifiés ou victimes de discriminations. C’est pourquoi je vous invite à juger favorablement ce sous-amendement qui a le mérite de réduire à six mois la période de consolidation.
M. le président. La commission est défavorable à ces deux sous-amendements, ainsi que le Gouvernement.
La parole est à M. Gaëtan Gorce.
M. Gaëtan Gorce. Je ne peux qu’interpréter le silence du Gouvernement et je vais essayer d’y répondre.
M. Christian Paul. Un silence assourdissant !
M. Gaëtan Gorce. On dit qu’il existe une ironie de l’histoire : ne pourrait-on aussi le dire du droit ?
Ce texte, fondé sur l’insécurité juridique des salariés en matière de contrat de travail, risque aussi de fragiliser les entreprises. Nous étions quelques-uns à nous demander pourquoi une grande organisation patronale – qu’il ne sied pas de nommer dans cet hémicycle – était réservée sur le CPE. Nous avons maintenant l’explication : cette organisation a procédé à un examen juridique approfondi du dispositif et en a perçu les dangers.
Nous l’avons déjà observé à propos de la rupture et de ses motifs et cela est également vrai pour la question de la période d’essai.
À cet égard, je veux appeler votre attention, messieurs les ministres, sur votre requalification de la période d’essai en « période de consolidation ». Vous nous affirmez que cette période de deux ans a été validée par le Conseil d’État, lequel en a jugé à partir de l’ordonnance sur le CNE. Mais ce n’est pas le Conseil d’État qui sera concerné par les contentieux portant sur la rupture de la période d’essai ou sur sa dénomination, c’est la Cour de cassation !
M. Alain Vidalies. Et voilà !
M. Gaëtan Gorce. Et que fera la Cour de cassation ? Elle se réfèrera aux articles de la convention de l’OIT qui indiquent que tout licenciement doit être motivé. L’employeur – c’est sur lui, en effet, que les choses vont retomber – fera alors état des dispositions du b du 2° de l’article 2 de ladite convention, aux termes desquels on peut déroger à l’obligation de motifs au cours de la période d’essai, pour autant que celle-ci soit « raisonnable ».
Cependant – c’est là que l’amendement de Mme Billard prend tout son sens – vous rebaptisez la période d’essai en « période de consolidation ». Vous révélez par là même votre inquiétude. Pourquoi en effet n’avoir pas gardé l’expression de « période d’essai de deux ans » employée à cette tribune par M. de Villepin ? (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Pourquoi une telle substitution ?
Vous redoutez sans doute la censure du Conseil constitutionnel, mais vous craignez surtout des contentieux sévères devant la Cour de cassation. Celle-ci n’a en effet jamais considéré qu’une période d’essai de plus de trois mois était acceptable. Concrètement, un employeur qui licencierait un salarié dans les conditions prévues par le CPE au-delà de cette période de deux à trois mois pourrait se voir reprocher son interprétation de la loi. Il serait en quelque sorte condamné à votre place, sur la base des dispositions que vous auriez fait voter.
J’ajoute à l’intention de M. Borloo, qui aime à se référer aux socialistes – et à leurs gouvernements – lorsqu’ils sont à l’étranger, mais beaucoup moins quand ils sont en France (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…
M. Jean-Pierre Blazy. Surtout dans l’hémicycle !
M. Jean-Charles Taugourdeau. Ce ne sont pas les mêmes !
M. Gaëtan Gorce. …que Tony Blair, dont il aime à faire l’éloge, avait mis en place une période d’essai de deux ans, avant de la ramener à un an, considérant que la période de deux ans ne protégeait pas assez les salariés.
M. Christian Paul. Faites donc marche arrière tout de suite !
M. Gaëtan Gorce. Même les travaillistes britanniques sont plus progressistes que vous !
M. Alain Joyandet. Puis-je répondre ?
M. le président. Le règlement indique qu’un seul orateur peut répondre.
M. Alain Joyandet. Oui, un orateur pour et un orateur contre !
M. le président. Non, relisez le règlement !
M. Alain Joyandet. On peut trouver avec le règlement quelques accommodements…
M. le président. Pas du tout ! Le règlement est le règlement, sans accommodements !
M. Alain Joyandet. La majorité s’exprime une fois par heure !
M. le président. Vous ne pouvez pas vous plaindre que les débats s’éternisent et intervenir à chaque fois, alors que vous êtes favorable à l’amendement du Gouvernement !
M. Alain Joyandet. Bien, alors je me rassois !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi.
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Une fois pour toutes je souligne que, alors qu’une période d’essai n’implique ni préavis, ni indemnité, une période de consolidation implique les deux !
La convention n° 158 de l’OIT évoque une qualifying period, définie comme délai raisonnable de consolidation dans l’emploi.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 121.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 427.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour défendre le sous-amendement n° 590.
M. Alain Vidalies. Ce sous-amendement n’est pas dans ma liasse…
M. le président. Vous devriez le connaître par cœur : c’est vous qui l’avez rédigé ! (Sourires.) Il s’agit d’un sous-amendement de précision.
M. Alain Vidalies. La façon dont on nous a distribué ces documents nous complique la tâche, monsieur le président.
M. le président. Si vous vouliez les voir figurer à leur place dans la liasse, monsieur Vidalies, il fallait les déposer à temps. Or vous les avez déposés à toute vitesse et au dernier moment.
M. Christian Paul. C’est la rançon de l’urgence !
M. le président. Ne mettez pas en cause, monsieur Vidalies, les services de l’Assemblée nationale !
M. Yves Bur. C’est de l’obstruction, monsieur le président !
M. Alain Vidalies. Je félicite au contraire les services de l’Assemblée d’avoir fait diligence, mais les difficultés liées au dépôt de nos sous-amendements ont changé leur classement.
Nous sommes au cœur d’une question passionnante. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Richard Mallié. Vous nous passionnez !
M. Yves Bur. Il se passionne lui-même !
M. Alain Vidalies. L’amendement n° 3 rectifié du Gouvernement remet en cause l’obligation de motiver le licenciement.
C’est la première fois, depuis 1973, année au cours de laquelle a été voté le texte qui marquait une évolution dans notre droit, en remettant en cause une jurisprudence établie en 1872, laquelle avait déjà été améliorée en deux temps : en 1928, avec la création du préavis et, en 1958, avec une précision sur le contenu du délai de congé.
Comment la jurisprudence avait-elle interprété les licenciements non motivés ? En laissant subsister une très grande zone d’incertitude juridique, ce qui a entraîné la multiplication des contentieux.
En même temps, les organisations syndicales et les salariés revendiquaient de connaître les motifs des licenciements, car cela leur apparaissait comme un progrès social. Un texte est donc venu en discussion devant notre assemblée en 1973, à l’initiative de M. Edgar Faure, le rapporteur étant M. Bonhomme.
M. le président. Député UDR du Tarn !
M. Alain Vidalies. Effectivement député du Tarn.
M. Gaëtan Gorce. Et le ministre, Georges Gorse !
M. Alain Vidalies. Sans oublier, en effet, – l’histoire peut être terrible (Sourires) – que le ministre s’appelait Georges Gorse !
M. Richard Mallié. Oh la la ! Mais pas Gaëtan !
M. Alain Vidalies. Il y a là un signe !
M. le président. Mieux vaut être futur ministre qu’ancien ! (Sourires.)
Monsieur Vidalies, avez-vous terminé vos explications ?
M. Alain Vidalies. Je vous remercie de vos encouragements, monsieur le président ! (Rires.)
Je veux citer ici un extrait du discours qu’il a prononcé.
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Oh non !
M. Alain Vidalies. Quatre lignes seulement !
« La dignité et la sécurité font partie des aspirations essentielles des hommes. Assurer plus de dignité et plus de sécurité à ceux qui la servent constitue un des objectifs principaux de notre société. » C’est ainsi que M. Georges Gorse justifiait la nécessité de cette importante évolution en 1973.
M. Christian Paul. Qu’ils en prennent de la graine !
M. Alain Vidalies. C’est ce texte, qui n’a jamais été remis en question depuis, sorte de référence commune acceptée par toute la société, par les entreprises comme par les salariés, car c’était un progrès collectif, c’est ce texte, dis-je, que vous vous apprêtez à remettre en cause aujourd’hui.
M. le président. La commission et le Gouvernement sont contre le sous-amendement n° 590.
La parole est à M. Alain Joyandet.
M. Alain Joyandet. Je voudrais, ne serait-ce qu’une fois toutes les deux heures, et en deux minutes, pas plus, répondre à tout ce que nous dit l’opposition, que nous écoutons toujours avec attention, en lui répétant ce qui nous sépare : pour notre part, nous nous attachons à tout faire pour favoriser l’embauche, mais nos collègues, depuis un long moment, ne parlent que de licenciement ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mme Valérie Pecresse. Et le chômage ?
M. Yves Bur. Cela tient à la vision qu’ils ont de l’entreprise !
M. Alain Joyandet. À qui s’adresse ce texte, demandait tout à l’heure Mme Billard. Évidemment pas à ceux qui ont déjà du travail, mais à ceux qui galèrent, à ceux qui sont au chômage, ce qui constitue tout de même la plus grande précarité, à ceux qui sont en intérim ou qui enchaînent des CDD !
M. Claude Gaillard. Très bien !
M. Alain Joyandet. Je suis très impressionné par ce débat juridique, mais il est tout de même très éloigné des attentes de nos concitoyens.
M. Gaëtan Gorce. Pourquoi êtes-vous ici si vous ne voulez pas faire la loi ?
M. Alain Joyandet. Que des salariés doivent, depuis des années, se contenter de missions hebdomadaires fournies par les agences d’intérim ; qu’ils ne sachent que le vendredi soir s’ils reprendront le boulot le lundi matin, même si leur contrat dure déjà depuis trois ou quatre mois, tout cela ne vous pose-t-il pas question ? Le fait qu’on puisse leur dire que l’on ne sait pas quand ils pourront revenir et qu’ils reviendront quand on leur téléphonera ne vous inquiète-t-il pas ! Pourtant cela existe et vous avez été dix ans au pouvoir sans pour autant le rendre illégal ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Charles Taugourdeau. C’est ça la gauche !
M. Alain Joyandet. C’est à ces publics, qui galèrent, que le Gouvernement propose le CPE, parce que, pour tous ces gens-là, ce contrat sera une véritable avancée sociale.
Il faut bien tout de même qu’une fois toutes les deux heures, la majorité puisse vous le rappeler ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 590.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir le sous-amendement n° 591.
M. Alain Vidalies. Il aurait été dommage de se priver de votre intervention, monsieur Joyandet, et de vos applaudissements, mes chers collègues ! En effet, si j’ai bien compris, ce qui vient de déclencher l’enthousiasme contre notre position, c’est que ce magnifique texte est destiné à lutter contre le développement de l’intérim !
Mme Muguette Jacquaint. Voilà !
M. Alain Vidalies. Eh bien, bravo, car, dans le même temps, – il y a exactement quatre jours – a été examiné, au Sénat, en deuxième lecture, un texte qui étendra l’intérim comme personne ne l’avait jamais fait auparavant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) L’intérim qui est aujourd’hui réservé au remplacement d’un salarié absent ou aux cas de surcroît temporaire d’activité, sera possible au seul motif…
M. Yves Bur. Cela fait longtemps que ce n’est plus le cas, et c’était sous votre gouvernement !
M. Richard Mallié. Il n’a rien compris !
M. Alain Vidalies. Ne dites pas n’importe quoi ! Ce que vous venez de dire est totalement faux. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Maurice Giro. Et vous, vous y comprenez quelque chose ?
M. Alain Vidalies. Vous n’y connaissez rien et vous applaudissez n’importe quoi ! C’est extrêmement grave !
Ledit texte a été adopté, en deuxième lecture, au Sénat, vendredi dernier. Je signale, du reste, et j’y reviendrai, que nous avons déposé, ce matin, un recours devant le Conseil constitutionnel car, jamais, l’Assemblée nationale n’en a discuté.
Le plus extraordinaire, dans le débat d’aujourd’hui, est d’entendre le porte-parole de l’UMP nous donner des leçons, et prétendre que le CPE permettra de réduire l’intérim, alors que c’est exactement l’inverse qui se produira ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Les avis de la commission et du Gouvernement sont défavorables.
La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
Mme Muguette Jacquaint. Que ces contrats s’adressent réellement à ces publics, personnellement, je n’y crois pas, mais je suis persuadée qu’ils vont être signés en grand nombre, dans les mois qui viennent puisque, à cause du paby-boom, on va devoir embaucher et que tout le monde le sera en contrat première embauche.
Ce qui est grave, c’est ce que vous venez de déclarer à son propos et par rapport à l’intérim.
Nous, nous ne voulons pas qu’un contrat première embauche – précaire – vienne remplacer l’intérim, lui-même déjà précaire. Or vous venez de confirmer ce que nous répétons depuis des jours, et que les jeunes et les salariés refusent, à savoir que ce contrat première embauche sera encore un contrat de type intérimaire, qui signifiera encore un peu plus de précarité.
D’ailleurs, les agences d’intérim ne s’y trompent pas et elles expriment quelques craintes à ce sujet. Le CPE est bien destiné à remplacer tous ces contrats précaires.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 591.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour défendre le sous-amendement n° 592.
M. Gaëtan Gorce. Je rejoins la légitime réaction de mon collègue, Alain Vidalies. On essaie de nous faire croire que l’on va régler, grâce à ces dispositions, en particulier en instituant le CPE, le problème de la précarité de l’intérim et des CDD. C’est le contraire qui va se produire : le CPE va prendre la place des CDI et, plutôt que de recruter sous ces derniers, on préférera embaucher en CPE. Peut-être le contrat première embauche prendra-t-il la place, pour partie, de certains CDD ou de certaines missions d’intérim mais, puisque vous affirmez que les CDD, notamment, ont une durée moyenne d’un mois, vous pensez bien que les employeurs ne vont pas s’engager pour deux ans.
M. Maurice Giro. Vous n’avez rien compris !
M. Gaëtan Gorce. C’est ce que nous a dit notre rapporteur. Je ne fais, modestement, que le citer.
Si les CDD ont une durée moyenne d’un mois, comme cela nous a été rappelé ce matin, comment croire qu’un employeur leur substituera un CPE avec une période d’essai de deux ans et, surtout – en principe, puisque vous prétendez qu’il s’agit d’un CDI –, pour une durée plus longue ?
Non ! Comme la mauvaise monnaie chasse la bonne, les mauvais contrats vont chasser les bons, et le CPE prendra la place des CDI.
Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !
M. Gaëtan Gorce. Ce que nous dénonçons depuis le début de ce débat, est ce qui va se passer réellement : ceux qui sont aujourd’hui en galère, comme vous dites, en partie du fait de votre politique, et qui sont condamnés, pour le mieux, aux CDD ou à l’intérim, ne bénéficieront pas des CPE parce qu’ils ne rentreront pas dans les catégories concernées ; ils continueront donc à subir la précarité. En revanche, ceux qui pourraient entrer dans le travail en CDI, comme nous l’avons démontré – et c’est le cas de la majorité des jeunes – seront désormais recrutés en CPE. Ils auront donc perdu les garanties attachées au CDI. En effet les « garanties » – nous ne cessons de le démontrer depuis le début de la discussion – dont vous dotez le CPE sont inférieures – et de beaucoup ! – à celles qui caractérisent un CDI, tant en matière de procédure que sur le fond.
Lorsque nous aurons fini cette démonstration, l’équation sera posée : le CPE, c’est moins bien qu’un CDI et c’est pire qu’un CDD. Cela n’améliorera pas la situation des jeunes aux attentes desquels vous prétendez répondre par une mesure générale, qui va, au contraire, précariser la situation du plus grand nombre. Telle est la réalité, et c’est la raison pour laquelle nous présentons des sous-amendements visant à apporter des garanties supplémentaires pour les jeunes.
Dans les pays où on joue sur ce que M. Borloo – qui nous a, de nouveau quitté ! – appelle la « flexi-sécurité », c’est vrai, des assouplissements sont accordés quant à la rupture du contrat de travail, mais les conditions juridiques de sécurité sont meilleures.
M. le président. Je vous remercie de conclure, monsieur Gorce.
M. Gaëtan Gorce. Soit les niveaux et durées d’indemnisation sont plus importants, soit les garanties juridiques en termes de retour à l’emploi, par exemple, sont supérieures. Bref, une vraie sécurité vient en compensation de la flexibilité.
En l’espèce, nous aurons une vraie flexibilité, mais pas de sécurité !
M. Georges Tron. Ce n’est pas vrai !
M. Gaëtan Gorce. M. Joyandet nous a reproché de nous retrancher derrière les textes défendus par ses amis politiques – d’il y a trente ans, il est vrai ! – qui voulaient donner un sens à la notion de gaullisme social. Cette notion a beaucoup perdu en densité depuis lors, mais c’est un comble que des socialistes se réclamant d’un ministre et d’un député gaullistes se fassent aujourd’hui traiter d’archaïques. En effet que défendait mon homonyme – si j’ose dire ! – dans cet hémicycle, si ce n’est la dignité du salarié ? Voilà ce que vous ne comprenez pas !
M. Georges Tron. Maintenant les socialistes se reconnaissent dans le gaullisme !
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Je vous signale, à toutes fins utiles, monsieur Gorce, que M. Borloo est revenu parmi nous !
M. le président. L’avis de la commission et du Gouvernement est défavorable.
La parole est à Mme Martine Billard.
Mme Martine Billard. Il est un fait que nous sommes contraints par la procédure : s’agissant d’un amendement, nous ne pouvons travailler que par sous-amendements. Nous ne pouvons donc pas présenter de propositions, ne pouvant que supprimer ou modifier le texte.
Il y avait deux solutions pour remédier à la précarité des jeunes. On pouvait, et c’est ce que vous faites avec le CPE, établir un système de rotation sur les postes de travail, où les jeunes se succéderont en stages, en CDD, en intérim, en CPE, et ainsi de suite. Souvent, les jeunes critiquent les « stages parkings », ainsi que les CDD sans avenir, et ils ont raison. Or on leur propose des CPE, sans avenir non plus.
Je fais observer, à ce propos, qu’être appelé sur un emploi ou remercié du jour au lendemain, c’est le principe même de l’intérim ; c’est même dans ce but qu’il a été créé : pour des missions très courtes, pas pour des emplois permanents.
On peut aussi, ce serait la deuxième solution, essayer de créer de l’emploi. Encore faut-il le vouloir ! En effet, ainsi que je l’ai souligné à plusieurs reprises, on peut créer de l’emploi car on en a besoin dans le secteur associatif, dans le secteur environnemental ou dans les quartiers en difficultés. Et c’est d’emplois qualifiés qu’il s’agit, d’emplois qui serviront à l’ensemble de la société.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Mais cela ne crée pas de richesses !
Mme Martine Billard. Seulement, il faut choisir : soit on accorde des exonérations aux grandes entreprises quitte à s’étonner, ensuite, qu’il manque de l’argent au budget ; soit on construit une autre politique, une politique sociale, mais vous n’en voulez pas !
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 592.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
Mme Muguette Jacquaint. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour un rappel au règlement.
Mme Muguette Jacquaint. Vous me direz sans doute, monsieur le président, que mon rappel au règlement n’a pas de rapport avec le sujet dont nous discutons mais je viens de recevoir un fax de M. Brard et je profite de la présence de M. Borloo pour attirer son attention sur le problème que soulève la société ICADE, filiale de la Caisse des dépôts qui persévère dans sa volonté d’augmenter les loyers de 100 à 300 euros mensuels dans son patrimoine de logements sociaux. Je sais que cela n’a rien à voir avec l’emploi mais je vous rappelle que nous sommes aussi en train de parler d’égalité des chances.
M. le président. Merci, madame Jacquaint !
Mme Muguette Jacquaint. C’est trop grave ! Tout ça pour être coté en bourse !
Je souhaite, monsieur le ministre, que vous me donniez votre avis sur le comportement de cette société dont les locaux sont actuellement occupés par les locataires.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Maxime Gremetz. Qui connaît bien le sujet !
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. J’ai eu l’occasion de m’entretenir de ce problème avec M. Brard. La position du Gouvernement est très claire : il ne peut pas y avoir de déconventionnement ou de fin de conventionnement sans l’accord du maire. Toute autre hypothèse n’est pas acceptable.
M. Jean-Luc Warsmann. C’est très clair !
M. Maxime Gremetz. Voilà une réponse positive. Maintenant, il faut agir !
M. le président. Je suspends la séance pour cinq minutes.
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à dix-neuf heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
Je suis saisi de trois sous-amendements, nos 593, 209 et 458, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir le sous-amendement n° 458.
M. Francis Vercamer. Ce sous-amendement me permet de revenir sur la motivation du licenciement.
Les différentes interventions sur cette question ont montré que l’absence de motivation pouvait entraîner de nombreux désagréments, tant pour le salarié en l’entraînant dans de longs et coûteux recours que pour l’entreprise qui subira dans le même temps une période d’insécurité juridique.
Il me semble important de revenir sur l’amendement du Gouvernement qui n’est pas conforme à la convention 158 de l’OIT. Celle-ci indique en effet que, dans le cas d’une période d’essai raisonnable, la motivation peut ne pas être exigée. Le Gouvernement, considérant qu’il ne s’agit pas ici d’une période d’essai mais d’une période de consolidation, le licenciement doit être motivé. Une telle disposition serait conforme à la convention 158, document international que la France s’est engagée à respecter en le ratifiant.
Pour répondre à M. Joyandet qui affirme que nous ne pensons qu’à la rupture du contrat, et jamais à l’embauche…
M. Maxime Gremetz. Ce qui est faux !
M. Francis Vercamer. …je vais reprendre la comparaison de M. Borloo : quand on se marie, on prévoit dans le contrat les conditions de la rupture.
M. Maxime Gremetz. C’est un très bon exemple !
M. Jean-Pierre Blazy. En général, ça dure plus de deux ans. (Sourires.)
M. Alain Joyandet. Tout le monde ne fait pas un contrat de mariage !
M. Francis Vercamer. Si les conditions de la rupture du CPE ne sont pas prévues dès le départ, cela créera des conditions de fonctionnement exécrables et ouvrira de nombreuses possibilités de recours.
M. Maxime Gremetz. Mieux vaut être prévoyant !
M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, qui soutiendra peut-être les deux sous-amendements nos 209 et 593 ?
M. Alain Vidalies. Non, je n’en défends qu’un !
Nous n’avons pas encore débattu des conséquences pratiques de l’absence de motivation sur le CV d’un jeune : cela lui rendra en effet plus difficile la recherche d’un nouvel emploi.
Aujourd’hui, un curriculum vitae indique les entreprises dans lesquelles le salarié a travaillé. Lors d’un recrutement, l’employeur demande naturellement au candidat à l’embauche les raisons pour lesquelles il a cessé son activité dans les entreprises qui figurent sur son CV. Ce peut être la fin d’un contrat à durée déterminée ou un licenciement économique, autant de raisons qui ne pèsent pas sur les épaules du salarié et qui expliquent objectivement pourquoi son contrat de travail a cessé. En revanche, avec le CPE, aucune explication ne figurant sur le CV, le futur employeur ne pourra que manifester une suspicion permanente sur les raisons pour lesquelles le jeune n’est pas resté dans cette entreprise – même si ce n’est pas de son fait.
Loin d’apaiser et de simplifier les relations entre employeurs et salariés, votre texte les rendra encore plus complexes : le jeune tentera d’expliquer qu’il a été licencié non parce qu’il travaillait mal, mais parce que l’entreprise n’avait plus besoin de lui, et l’employeur sera contraint de se renseigner par des moyens détournés.
M. le président. Monsieur Gorce, défendez-vous le sous-amendement n° 593 ?
M. Gaëtan Gorce. Il est défendu !
M. le président. Merci de votre bienveillance !
M. Gaëtan Gorce. À votre égard, toujours !
M. le président. La commission et le Gouvernement sont contre ces trois sous-amendements.
La parole est à M. François Brottes.
M. François Brottes. Je comprends que le Gouvernement ne souhaite pas voir les débats se prolonger. Nous en connaissons la raison tactique, mais, après l’argumentation synthétique de notre collègue Alain Vidalies, que n’a même pas relayé Gaëtan Gorce, nous pensions obtenir une réponse au moins concise du Gouvernement. Demander que la motivation de rupture d’un CPE figure sur le CV du salarié afin que celui-ci puisse en faire état dans le cadre de ses contrats à venir nous semble être un sujet suffisamment grave pour retenir l’attention de M. le ministre.
M. Jean-Pierre Brard. Pour M. Larcher, la messe est dite !
M. François Brottes. Certes, nous connaissons les pratiques qui font que, dans cet hémicycle, on attache peu d’importance à ce qui est dit. Malgré tout, monsieur le président, nous ne pouvons pas continuer à travailler de cette façon. M. Larcher doit nous répondre.
Le salarié qui devra justifier d’une rupture de contrat sans pouvoir le faire entretiendra toujours la suspicion. L’employeur se dira qu’il n’a pas fait l’affaire, ou qu’il s’est mal comporté, ou encore qu’il a commis une faute professionnelle. Bref, l’absence de justification fera peser une suspicion insupportable sur le reste de la carrière professionnelle du salarié.
M. Maxime Gremetz. Je demande la parole.
M. le président. Non, j’ai déjà indiqué qu’il n’y aurait qu’un orateur après les auteurs des amendements.
M. Maxime Gremetz. Comment ?
M. le président. C’est le règlement et vous ne pouvez pas y déroger.
M. Maxime Gremetz. Il faudrait pourtant que le ministre réponde.
M. le président. Je lui ferai part de votre message. Ne me faites pas regretter d’avoir accepté de donner la parole à Mme Jacquaint pour un rappel au règlement qui n’en était pas vraiment un.
Mme Muguette Jacquaint. Lui, ce n’est pas moi !
M. le président. Je regrette, mais vous ne m’aurez pas deux fois !
Je mets aux voix le sous-amendement n° 593.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 209.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 458.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. Maxime Gremetz. Rappel au règlement !
M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un rappel au règlement.
M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, j’ai une grande nouvelle (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) à vous annoncer, dont je ne veux pas priver l’Assemblée. (Rires et exclamations sur les mêmes bancs.)
Vous pouvez toujours essayer d’accélérer le rythme de nos travaux : le CPE passera quand il le pourra.
Cela étant, je viens d’entendre M. Bayrou rappeler qu’au Sénat, l’UMP n’avait pas la majorité absolue. Sachant que l’UDF est contre le CPE, ce projet de loi est donc loin d’être définitivement adopté. C’est ce que je souhaitais annoncer à nos collègues. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Richard Mallié. Nous pouvons donc travailler plus vite ici !
M. le président. Je prends acte, monsieur Gremetz, du fait que vous lisez toutes les déclarations de M. Bayrou.
M. Jean Leonetti. M. Gremetz est le nouveau porte-parole de l’UDF !
M. Richard Mallié. Gremetz, UDF, même combat !
M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
M. Gaëtan Gorce. Je souhaite faire un rappel au règlement concernant l’organisation de nos débats, sur le fondement de l’article 58, alinéa 2 de notre règlement.
Le Gouvernement ne répond pas à nos questions.
M. François Brottes. Il s’en fiche ! C’est inacceptable !
M. Gaëtan Gorce. Nous y reviendrons en examinant les sous-amendements suivants, mais il faudrait que le Gouvernement nous explique pourquoi il estime utile de supprimer la mention des motifs dans la lettre de licenciement. Quel raisonnement, quelle logique le conduit à empêcher ainsi le salarié d’en prendre connaissance ? Lorsque nous aurons eu ces explications, le débat aura beaucoup progressé.
M. le président. Nous en revenons aux sous-amendements à l’amendement n° 3 rectifié.
La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir le sous-amendement n° 210.
M. Alain Vidalies. L’absence de motivation lors du licenciement n’est en effet pas sans conséquences lorsque la personne concernée se porte candidat devant un nouvel employeur. Il s’agit peut-être d’une question périphérique, mais elle entraîne, en pratique, une véritable difficulté. Peut-être faudrait-il prendre une mesure de portée générale afin de contourner le problème, en décidant, par exemple, d’interdire toute mention des motifs d’un licenciement dans un curriculum vitae, mais nous ne pouvons pas laisser coexister des contrats de travail prévoyant la motivation d’un licenciement – celle-ci pouvant éventuellement être demandée par un futur employeur – et d’autres l’excluant explicitement, au risque de faire peser une suspicion sur les raisons du renvoi.
Dans le cas contraire, une véritable double peine s’appliquerait alors aux jeunes concernés. Non seulement ils seraient licenciés, mais des soupçons pèseraient sur les causes de leur licenciement, quelle que soit la raison de celui-ci, au moment de proposer leurs services à un nouvel employeur. Ce n’est pas une idée folle, mais la simple conséquence d’un système irréfléchi et inabouti. N’attendez pas que les salariés et les employeurs soient confrontés à son application pour vous en préoccuper !
Par ailleurs, le débat risque d’être difficile si, d’un projet à l’autre, vous vous autorisez à justifier une même politique par des arguments contradictoires. Puisqu’il semble que nous devons passer de longues heures ensemble, nous pouvons nous permettre de reprendre point par point les déclarations que vous avez faites sur le CNE.
M. Bernard Accoyer. Toujours la même chose !
M. Alain Vidalies. Il est intéressant de constater que votre argumentation était alors exactement l’inverse de celle que vous proposez aujourd’hui pour le CPE. Le premier se justifiait, selon vous, par la situation spécifique des petites entreprises, dans lesquelles la relation entre employeur et salariés serait d’une autre nature. L’inquiétude éprouvée par les employeurs devant la complexité des procédures de licenciement constituait selon vous un frein à l’embauche et rendait nécessaire une simplification. Tel était votre raisonnement, …
Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !
M. Alain Vidalies. …dont nous avions toutefois contesté la validité en nous fondant sur certains exemples. Or ce dispositif que vous avez finalement adopté au nom du développement des petites entreprises, vous prétendez aujourd’hui l’étendre à des entreprises de plusieurs dizaines de milliers de salariés.
M. Maxime Gremetz. Absolument ! Des multinationales !
M. Alain Vidalies. Vous devriez choisir une argumentation et vous y tenir, et ne pas varier de la sorte. La vérité, c’est que vous vous dirigez, en procédant par modifications homéopathiques, vers le contrat unique et la destruction du code du travail.
M. le président. Avis négatif de la commission.
La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, pour donner l’avis du Gouvernement. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je suis heureux de vous voir manifester tant de joie au moment où je vais prendre la parole !
M. Maxime Gremetz. Les propos de M. Bayrou ont perturbé le ministre ! Il est moins fringant !
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je répondrai d’abord sur le sous-amendement, bien qu’il ne me semble guère avoir été défendu par M. Vidalies.
La règle qui s’applique en matière de délai de recours est celle du contrat nouvelles embauches, dont le dispositif a été validé par le Conseil d’État : le délai court à partir de la date d’envoi.
S’agissant de la motivation, nous ne suivons pas une logique procédurale, mais une logique d’embauche. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Maxime Gremetz. Vous plaisantez !
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Notre objectif est d’en finir avec la précarité et avec le taux de chômage insupportable dont souffrent les jeunes depuis vingt-cinq ans. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Patrick Ollier. Très bien !
M. Maxime Gremetz. N’importe quoi !
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. C’est pourquoi le contrat première embauche est fondé sur un équilibre…
M. Maxime Gremetz. Oh !
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …entre la souplesse du marché du travail et une sécurisation du salarié. Et c’est cet équilibre que nous devrons évoquer, à plus grande échelle, avec les partenaires sociaux. Il s’agit, en effet, d’un vrai sujet de société : faut-il protéger les salariés ou ne protéger que l’emploi, ce qui conduit à l’exclusion des plus faibles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Quelle admirable vision prospective !
M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
M. Maxime Gremetz. Vous ne pouvez pas tenir de tels propos, monsieur le ministre !
Je ne sais pas s’il vous est arrivé de devoir rechercher du boulot. Cela a été mon cas, puisque l’on m’a mis au chômage.
M. Patrick Ollier. Vous avez surtout mis au chômage vos collaborateurs !
M. Maxime Gremetz. La première chose que l’on demande au candidat est le motif de rupture de son précédent contrat. L’absence de motif fait naître un doute chez l’employeur potentiel, qui voudrait en savoir plus. C’est une première source de discrimination. Il est anormal, contraire au droit, de ne pas motiver un licenciement car on va demander au jeune concerné pourquoi il n’a pas été gardé. Une suspicion va peser sur les causes de son départ.
Par ailleurs, monsieur le ministre, personne ne vous croit lorsque vous affirmez vouloir sécuriser l’emploi. C’est tout le contraire ! La sécurité, elle, provient du code du travail, lequel oblige l’employeur qui se sépare de son employé à motiver sa décision et permet au juge de vérifier si la cause est réelle et sérieuse.
M. Bernard Accoyer. C’est un expert en licenciement qui s’exprime !
M. Jean Leonetti. Il parle en connaissance de cause puisqu’il a licencié ses assistants !
M. Maxime Gremetz. Dans le cas contraire, il peut considérer que le licenciement est abusif, ce qui ouvre la voie à une réintégration. Avec le CPE, ce sera désormais impossible. Comme sécurisation, on peut faire mieux !
M. le président. Merci, monsieur Gremetz !
M. Maxime Gremetz. Autre contradiction : vous affirmez qu’il existe des emplois libres dans certains secteurs souffrant d’une pénurie de main-d’œuvre, la restauration ou le bâtiment, par exemple. Mais comment allez-vous convaincre les jeunes de prendre ces emplois particulièrement pénibles s’ils peuvent être licenciés du jour au lendemain ? Ce n’est pas sérieux !
Ce n’est pas de la sécurisation. Au contraire, vous organisez l’insécurité permanente.
M. le président. La parole à M. le ministre délégué à l’emploi.
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Télérama publie aujourd’hui un article très intéressant de Bernard Perret, …
M. Maxime Gremetz. Télérama, ce n’est pas aussi sérieux que Les Échos !
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …membre du laboratoire de sociologie du changement des institutions, qui insiste justement sur la nécessité de trouver un compromis. En effet, nous protégeons les gens déjà protégés plutôt que d’apporter des réponses à ceux qui souffrent de la précarité et qui, notamment, sont exclus de l’emploi. Tel est l’enjeu de notre travail de sécurisation face à la réalité du marché de l’emploi, un travail qui se traduit par le droit individuel à la formation, par l’accompagnement du demandeur d’emploi, par les contrats de professionnalisation.
M. Maxime Gremetz. Ce n’est pas ainsi que les choses se passent !
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Plutôt que de choisir entre une conception procédurale et une conception laxiste des relations de travail, nous devons inventer ensemble un nouveau compromis social. Le Gouvernement y travaille. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Maxime Gremetz. Il travaille mal !
M. le président. La parole est à M. François Brottes.
M. François Brottes. Merci, monsieur le ministre, de vous exprimer sur cet important sujet. Je prends acte de votre effort d’explication.
Vous évoquez une « logique d’embauche ». C’est bien ce qui nous inspire lorsque nous demandons à ce que soit indiqué le motif de la rupture d’un contrat. En effet, le jeune n’a pas vocation à occuper un seul et unique emploi dans sa vie : il sera amené à le quitter – pas nécessairement de son plein gré – et à se présenter devant un autre employeur. Or tous ceux qui, comme moi, ont eu à pratiquer un recrutement savent que l’on s’intéresse non seulement aux compétences du candidat, mais aussi à l’évolution de son parcours professionnel. L’employeur potentiel ne manquera pas, notamment, de s’interroger sur les conditions de rupture des précédents contrats de travail, car cela peut l’éclairer sur le comportement du candidat au recrutement.
Au nom de la « logique d’embauche », un jeune doit donc savoir quels motifs ont amené la rupture du contrat, et ce pour deux raisons : d’une part cela lui permettra de s’améliorer – comment pourra-t-il bonifier son profil professionnel si on ne lui explique pas pourquoi il ne peut pas rester ? – ; d’autre part cela lui donnera les moyens de s’expliquer devant un recruteur. S’il ne dispose pas des éléments nécessaires, la « logique d’embauche » devient une « logique de débauche ».
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 210.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour défendre le sous-amendement n° 581.
M. Gaëtan Gorce. La défense de ce sous-amendement me permettra de revenir sur l’observation que vient de faire le ministre. Il considère, en effet, que les sécurités procurées au salarié compensent les insécurités qu’on lui fait subir. À supposer naturellement que l’employeur ne soit pas tenté d’exploiter les failles de votre dispositif, passé le délai le plus fragile d’un mois, le salarié pourra éviter de recourir à un CDD et signer un CPE qui aura des inconvénients moindres puisque le salarié pourra effectivement bénéficier d’un préavis, donc d’un certain nombre de protections.
Je suis désolé, monsieur le ministre, de perturber ainsi votre conversation. Je pensais que les membres du Gouvernement pouvaient avoir d’autres occasions de se concerter ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Bernard Accoyer. Quel donneur de leçons !
M. le président. Quand l’un d’entre vous lit le journal, je ne dis rien ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, M. Accoyer, qui ne sait résister à aucune provocation, vient à nouveau de mettre en doute la compétence des députés ici présents, particulièrement la mienne. J’aimerais qu’il s’en explique devant nous ! M. Accoyer est un provocateur spécialisé que nous avons bien connu lorsqu’il était dans l’opposition ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, vous ne pouvez pas accepter cela ! M. Gremetz a été interrompu tout à l’heure dans des conditions scandaleuses !
M. le président. Monsieur Gorce !
M. Gaëtan Gorce. Non, monsieur le président, je ne suis pas d’accord ! Vous avez admis que M. Gremetz soit interrompu par M. Leonetti et par M. Accoyer, faisant référence à des situations qui n’intéressent que M. Gremetz dans les relations qu’il entretient avec ses salariés.
M. le président. Venez-en à votre sous-amendement, monsieur Gorce !
M. Gaëtan Gorce. Maintenant, vous laissez M. Accoyer s’en prendre à des parlementaires…
M. Jean-Pierre Blazy. Absolument !
M. Gaëtan Gorce. …en faisant allusion à leur formation professionnelle et à leur origine sociale ! Et pourquoi pas demain à leur origine ethnique ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Pourquoi ne considérez-vous pas cela comme des discriminations ? Ce comportement est véritablement scandaleux ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean-Pierre Blazy. Très bien !
M. le président. Je vous remercie. Venez-en maintenant à la défense de votre sous-amendement, sauf à ce que je vous rappelle l’article du règlement !
M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, compte tenu de cette attitude, je demande une suspension de séance d’un quart d’heure. Cela permettra à la majorité de retrouver son sang-froid.
M. le président. Eh bien, je vous accorde une minute de suspension de séance ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Maxime Gremetz. Il ne faut pas exagérer !
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-six, est reprise à dix-neuf heures quarante-sept.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous venons d’avoir l’explication de M. Gorce sur le sous-amendement n° 581.
M. Gaëtan Gorce. Non, monsieur le président, je ne l’ai pas défendu. J’ai été interrompu et j’ai demandé une suspension de séance.
M. le président. Monsieur Gorce, ne mettez pas mes nerfs à bout.
M. Gaëtan Gorce. Ne mettez pas non plus les miens à bout !
M. Jean-Pierre Blazy et M. Christian Paul. Un peu de calme !
M. le président. Je reste calme, mais la mauvaise foi a des limites !
M. Gaëtan Gorce. N’employez pas cet argument, monsieur le président.
M. le président. Vous avez la parole, monsieur Gorce, pour défendre ce sous-amendement.
M. Jean-Pierre Blazy. Nous avons le temps jusqu’à dimanche soir, monsieur le président !
M. le président. Lundi, mardi et mercredi aussi !
M. Gaëtan Gorce. Alors que nous essayons de débattre sérieusement, M. Accoyer vient mettre le désordre dans cette discussion.
Le ministre a parlé tout à l’heure de protection et de sécurité. J’essaie simplement d’en mesurer la portée. Selon ses propos, le salarié pourrait bénéficier du droit individuel à la formation, le DIF. J’aimerais tout d’abord que le ministre nous indique si cette question a été évoquée avec les partenaires sociaux, signataires d’un accord interprofessionnel sur le sujet et qui ne prévoit pas cette possibilité.
Par ailleurs, j’ai effectivement cru comprendre que vous alliez abroger le délai d’un an au terme duquel le salarié pourra bénéficier du DIF au prorata du temps passé dans l’entreprise. Cela veut-il dire qu’un salarié qui ne sera resté qu’un mois bénéficiera d’un douzième de vingt heures ? Il semble que ce soit votre explication. Nous pourrons ainsi mesurer la portée de la sécurité que vous accordez aux salariés en matière de formation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Hénart, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Défavorable !
M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.
Mme Martine Billard. L’Assemblée vote des lois, c’est la procédure, mais comment ne pas se préoccuper des conditions d’entrée et, malheureusement, de sortie du nouveau contrat de travail que nous sommes en train de créer ? C’est logique, sauf à être considérés comme irresponsables, à juste titre d’ailleurs, par nos concitoyens. Nous devons tout envisager et ne pas réduire le contenu des lois pour tout laisser à la jurisprudence. J’ai cru comprendre qu’un certain nombre d’entreprises préféreraient d’ailleurs, à raison, savoir à quoi s’en tenir dès le départ plutôt que d’attendre les jurisprudences.
Quant au DIF, je rappelle qu’il ne peut dépasser vingt heures par an, et ce dès que le salarié a passé un mois dans l’entreprise. La première année, cela représente donc un petit peu moins de vingt heures. La formation professionnelle consistant en journées de six heures environ, cela ne représente donc que trois jours par an. Or le DIF s’adresse à des jeunes qui rencontrent des difficultés à entrer dans l’emploi, les plus diplômés n’ayant pas forcément besoin d’une formation immédiate. Pensez-vous vraiment que ce sera grâce à ces seuls trois jours de formation en un an que l’on améliorera la situation de ces jeunes ?
En outre, monsieur le ministre, vous venez de préciser en aparté que ce droit était transférable. Non ! Tel qu’il est rédigé, l’amendement gouvernemental n’autorise pas le transfert du DIF d’une entreprise à l’autre. Il s’agit donc d’un DIF au rabais pour les jeunes de moins de vingt-six ans qui ne pourront l’utiliser que dans le cadre de l’entreprise dans laquelle ils feront leur CPE. Ils en perdront donc le bénéfice s’ils doivent changer d’entreprise. Seul un sous-amendement à cet amendement pourrait permettre un tel transfert, qui existe déjà pour les autres salariés.
M. Maxime Gremetz. Vous n’allez tout de même pas dire, monsieur le ministre, que cela va de soi !
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 581.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour défendre le sous-amendement n° 582.
M. Alain Vidalies. Ce sous-amendement de précision vise à souligner que le « contrat ne peut être rompu en raison du sexe du salarié ». Je suppose que le Gouvernement me répondra que cela va de soi puisque les dispositions d’ordre public l’excluent. Nous nous retrouvons donc dans le schéma précédemment évoqué sur lequel le Gouvernement demeure silencieux depuis le début de cette discussion
Prenons l’exemple d’une jeune femme en CPE licenciée sans motif, puisque l’employeur n’y est pas tenu. La seule manière pour elle de prouver qu’elle a été licenciée parce qu’elle est une femme sera d’aller devant le conseil des prud’hommes qui, en vertu du renversement de la charge de la preuve, demandera à l’employeur les raisons exactes de la rupture du contrat.
Même en cas de licenciement économique, la seule façon d’obtenir le motif de licenciement sera de se rendre devant le conseil des prud’hommes. Cela sera donc parfois absurde. En effet, dans le cas d’un licenciement économique – soit environ un tiers des cas – le salarié aura intérêt à ce que le motif soit indiqué par l’employeur dans sa lettre de licenciement ou lors d’une sorte de jugement d’accord. L’employeur expliquera, par exemple, au conseil des prud’hommes qu’après avoir perdu un marché, il a dû licencier le salarié, ce qui facilitera sa recherche d’emploi. Le futur employeur ne s’interrogera alors pas sur les raisons du licenciement. Votre système est donc définitivement incohérent et sa mise en application posera demain d’immenses difficultés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Hénart, rapporteur. Défavorable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Défavorable. Nous nous sommes déjà maintes fois expliqués !
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 582.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir le sous-amendement n° 583.
M. Alain Vidalies. Le raisonnement est le même et le Gouvernement nous répondra qu’il s’en est déjà expliqué.
Demain, à la lecture de nos débats, ceux qui souhaitent des procédures se réjouiront peut-être, mais d’autres, y compris dans les entreprises, s’inquiéteront beaucoup. Déjà, après le vote du CNE, plusieurs articles de presse ont été écrits, notamment celui d’un professeur de droit qui se demandait, dans Les Échos, s’il ne s’agissait pas finalement d’un mauvais cadeau fait aux entreprises.
Le débat actuel – et c’est ce qui est nouveau – permettra, demain, de sortir des supputations des juristes, des interrogations et des hypothèses. Nous connaissons donc l’interprétation donnée au texte. Les juristes des organisations professionnelles, des entreprises et aussi des salariés auront connaissance de cette situation.
Dans les semaines à venir, des articles qui reprendront nos débats, expliqueront ce qu’il en est. Quand ce texte sera soumis au Sénat, cette question que vous ne voulez pas aborder sur le fond, deviendra probablement, si ce n’est majeure, du moins extrêmement importante. En mettant en place ce système empreint de telles contradictions, vous perturberez en effet non seulement le sort des salariés, mais aussi la vie des entreprises.
M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables à ce sous-amendement.
M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement, monsieur le président !
M. le président. Il y a déjà eu un rappel au règlement monsieur Brard !
M. Jean-Pierre Brard. Mais il sera très bref, monsieur le président !
M. le président. Je vous dirai tout à l’heure quand vous pourrez le faire ! Vous n’êtes pas à cinq minutes près !
M. Jean-Pierre Brard. Non, j’ai toute la nuit devant moi !
M. le président. Alors attendez !
La parole est à M. François Brottes.
M. François Brottes. Nous ne pouvons que nous féliciter de la présence de M. Begag au banc du Gouvernement.
Ce sous-amendement interdit de rompre un contrat en raison de l’origine du salarié.
M. Richard Cazenave. Mais c’est la loi !
M. François Brottes. La lutte contre les discriminations est évoquée dans de nombreux textes et discours. Je profite donc de la présence de M. Azouz Begad (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) pour lui demander son point de vue. Ne pense-t-il pas qu’il serait nécessaire que ce contrat conforte cette absence de discrimination en raison de l’origine du salarié ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Bernard Accoyer. On ne s’adresse pas au ministre comme cela !
M. Jean Leonetti. C’est scandaleux !
M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
Mme Muguette Jacquaint. J’entends dire que cela figure dans la loi. C’est faux puisque le CPE pourra être rompu sans justification. Dès lors, et vous le comprendrez parfaitement, on peut très bien imaginer que le contrat pourra être rompu en raison d’une discrimination quelconque, puisqu’il ne faudra justifier d’aucune raison.
M. François Brottes. Je demande la parole pour un rappel au règlement, monsieur le président !
M. le président. Quand le sous-amendement aura été mis aux voix, je donnerai la parole à deux orateurs pour des rappels au règlement.
La parole est à M. le ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances.
M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances. Je suis choqué par la question de M. Brottes.
M. Alain Joyandet. Il y a de quoi !
M. Jean Leonetti. Absolument !
M. le ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances. Vous me montrez du doigt à cause d’une origine supposée (Dénégations sur les bancs du groupe socialiste) …
M. François Brottes. Mais non !
M. le ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances. …en fonction de laquelle vous me demandez, en tant que ministre, de réagir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur Brottes, la question des discriminations en fonction de l’origine intéresse tous les ministres, tous les députés et tous les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous n’avez pas le droit de me désigner ainsi ! J’attends des excuses de votre part, monsieur ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 583.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Brard. Je profite de la présence de M. Begag dans l’exercice de ses responsabilités ministérielles.
Tout à l’heure, ma collègue Muguette Jacquaint a fait un rappel au règlement, avec votre accord, monsieur le président. Quand on parle d’égalité des chances, les actes valent mieux que les paroles. Des locataires d’un ensemble de logements situés à Montreuil étaient confrontés, du fait de la politique d’une filiale de la Caisse des dépôts – des logements sociaux ayant été déclassés – à des augmentations de loyers…
M. Jean-Luc Warsmann. Nous avons déjà entendu cela et il y a déjà eu une réponse !
M. Jean-Pierre Brard. Attendez la suite, monsieur Warsmann.
M. le président. Poursuivez, monsieur Brard.
M. Jean-Pierre Brard. C’est justement une illustration pédagogique.
M. le président. Mme Jacquaint vous a doublé.
M. Jean-Pierre Brard. C’est la suite !
Les seules batailles perdues sont celles qui ne sont pas menées. Des Montreuillois se sont regroupés, nous venons d’être reçus, et la mesure inique a été rapportée.
M. le président. Très bien !
M. Jean-Pierre Brard. C’est extrêmement important, et je suis très heureux, monsieur le président, que vous vous en félicitiez. Du républicain que vous êtes, cela ne m’étonne pas, puisque vous avez des traditions. Nous nous sommes battus et nous avons gagné. Contre votre politique, on peut donc gagner, messieurs les ministres. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
M. Jean Leonetti. La République, ce n’est pas une tradition ; c’est une réalité vécue !
M. Maxime Gremetz. Et nous allons gagner !
M. le président. La parole est à M. François Brottes.
M. François Brottes. Monsieur le président, la remarque de M. le ministre n’est pas acceptable. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Lorsque je m’adresse au ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances sur un sous-amendement qui porte sur la non discrimination en matière d’origine des salariés, je ne m’adresse en aucun cas à M. Untel ou à un autre mais au ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances.
Qui, en effet, dans ce gouvernement est le mieux à même de répondre à une question sur l’égalité des chances si ce n’est le ministre en charge de cette compétence ? Il n’y a pas d’autre forme de procès à faire sur cette question et sur la manière dont elle a été posée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :
Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 2787, pour l’égalité des chances :
Rapport, n° 2825, de M. Laurent Hénart, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l’Assemblée nationale,
jean pinchot