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M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures quarante.)
M. le président. L’ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la révision de la convention internationale pour la protection des obtentions végétales.
Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d’examen simplifiée.
Conformément à l’article 107 du règlement, je mets directement aux voix l’article unique du projet de loi.
(L’article unique du projet de loi est adopté.)
M. le président. L’ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure.
Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d’examen simplifiée.
Conformément à l’article 107 du Règlement, je mets directement aux voix l’article unique du projet de loi.
(L’article unique du projet de loi est adopté.)
M. le président. L’ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation du protocole portant modification de la convention relative aux transports internationaux ferroviaires du 9 mai 1980 (ensemble une annexe).
Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d’examen simplifiée.
Conformément à l’article 107 du règlement, je mets directement aux voix l’article unique du projet de loi.
(L’article unique du projet de loi est adopté.)
M. le président. L’ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure.
Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d’examen simplifiée.
Conformément à l’article 107 du règlement, je mets directement aux voix l’article unique du projet de loi.
(L’article unique du projet de loi est adopté.)
M. le président. L’ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l’acte de Genève de l’arrangement de La Haye concernant l’enregistrement international des dessins et modèles industriels.
Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d’examen simplifiée.
Conformément à l’article 107 du règlement, je mets directement aux voix l’article unique du projet de loi.
(L’article unique du projet de loi est adopté.)
M. le président. L’ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi autorisant l’approbation du protocole n° 14 à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, amendant le système de contrôle de la convention.
Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d’examen simplifiée.
Conformément à l’article 107 du règlement, je mets directement aux voix l’article unique du projet de loi.
(L’article unique du projet de loi est adopté.)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la réalisation de la section entre Balbigny et La Tour-de-Salvagny de l’autoroute A 89.
Je rappelle que ce texte fait l’objet d’une procédure d’examen simplifiée.
La parole est à M. Jean Proriol, suppléant M. Robert Lamy, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.
M. Jean Proriol, suppléant de M. Robert Lamy, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer, mes chers collègues, la proposition de loi qui est soumise à notre vote a pour objet de permettre de parachever la grande liaison autoroutière entre Bordeaux et Lyon qu’est l’A 89.
Le rapporteur, Robert Lamy, député-maire de Tarare, que je remplace, m’a prié de rappeler qu’il s’agit d’une grande liaison transversale entre la façade Atlantique et le sud de la France via Lyon, ainsi qu’entre l’ouest et l’est de l’Europe, Italie et Suisse notamment. Cette transversale avait été décidée à la fin des années 1970, dans le cadre du plan « Massif central I ».
La société ASF est aujourd’hui concessionnaire de la liaison Bordeaux-Saint-Étienne, qui comprend la section de l’A 89, Bordeaux-Clermont-Ferrand – grâce à laquelle, selon un article du journal La Montagne, « les volcans tutoient maintenant l’Océan » (Sourires.) – et l’A 72 Clermont-Ferrand–Saint-Étienne qui la prolonge.
Mais à l’heure actuelle, l’A 89, après Clermont-Ferrand, s’arrête à hauteur de la commune de Balbigny, dans le département de la Loire, obligeant les véhicules qui souhaitent rallier Lyon à un détour par le sud : il faut aller jusqu’à Saint-Étienne pour rallier l’A 47 entre Saint-Étienne et Lyon, autoroute gratuite, très chargée et très fatiguée.
Mme Liliane Vaginay. Et très dangereuse !
M. Jean Proriol, rapporteur suppléant. Elle est effectivement très dangereuse. On en propose le doublement par la future A 47.
Pourtant, dès 1988, par une lettre datée du 7 mars pour être précis, le. ministre alors en charge de l’équipement avait annoncé à Autoroutes du sud de la France, ASF, sa décision de lui confier la concession de la section Balbigny–La Tour-de-Salvagny, laquelle s’inscrivait dans le schéma directeur routier national de 1988. Cette section d’un peu plus de cinquante kilomètres constituera donc un raccourci significatif, d’où le nom de « barreau », qui lui a été donné. On estime qu’elle permettra un gain de plus de trente minutes et d’une quarantaine de kilomètres.
En accord avec la société, cette section avait été intégrée en février 1992 dans la concession d’ASF en tant que section à réaliser, les conditions techniques et financières devant être fixées ultérieurement par avenant.
On peut, comme l’a fait M. Lamy, rapporteur en titre, se demander ce qui a bien pu se passer pour que cette section n’ait toujours pas été réalisée dix-huit ans plus tard.
Il y eut une première occasion manquée du fait de la conjonction d’obstacles techniques et juridiques. Le projet s’est heurté en effet à des difficultés techniques importantes. L’enquête publique, menée du 9 juin au 12 juillet 1997, a en particulier mis en évidence de lourdes contraintes environnementales. En outre certaines dispositions ont dû être réexaminées afin d’intégrer les conséquences du projet de contournement autoroutier de Lyon, qui a fait l’objet de débats d’opportunité à cette époque. L’avant-projet technique comprend en effet sept échangeurs, sept viaducs, trois tunnels, d’une longueur cumulée de cinq ou six kilomètres.
Au surplus la mise en œuvre de cette section a coïncidé avec d’importantes évolutions du droit communautaire, qui ont entravé le déroulement normal du projet. En effet ce tronçon devait être réalisé et financé selon la pratique, alors en vigueur, dite de l’adossement. Celle-ci consistait à financer la construction de nouvelles sections autoroutières par la perception d’un péage, par une société concessionnaire, sur des sections existantes plus rentables, voire déjà amorties, d’un réseau exploité par cette même société. Au lieu d’attribuer de nouvelles concessions pour chaque nouvelle autoroute ou section d’autoroutes, l’État modifiait par avenant la liste des sections dont une société assurait l’exploitation en vertu des stipulations d’un cahier des charges approuvé par décret.
Or la directive européenne n° 89/440 du 18 juillet 1989, dite directive « Travaux », a constitué une novation importante en imposant à l’État des règles précises de publicité pour les appels à candidature à l’attribution de nouvelles concessions. L’article 11 de cette directive dispose notamment que « les pouvoirs adjudicateurs désireux d’avoir recours à la concession de travaux publics font connaître leur intention au moyen d’un avis ». Applicable à compter du 22 juillet 1990, elle a été transposée en droit interne en 1991 et 1992, et modifiée par la directive du 14 juin 1993.
À partir de 1995, la Commission européenne s’est interrogée sur la validité de l’attribution du tronçon Balbigny-La Tour-de-Salvagny à ASF, dans la mesure où celle-ci ne s’était pas inscrite dans ce nouveau cadre juridique.
Le gouvernement français fit valoir à l’époque que cette attribution remontait à 1988, et que la directive n’étant entrée en vigueur qu’en 1990, elle n’avait pas à s’appliquer de manière rétroactive.
Le décret n° 94-149 du 21 février 1994 aménageait d’ailleurs un régime transitoire, dispensant des obligations communautaires les concessions dont le titulaire aurait été « pressenti » avant le 22 juillet 1990 par lettre des ministres concernés, à condition qu’ils aient engagé des travaux préliminaires.
La Commission se rendit alors à cet argument, sous la réserve que tous les dossiers ouverts avant l’entrée en vigueur de la directive, sous « l’ancien régime » des marchés publics, devaient être conclus avant la fin de l’année 1997. Cela ne fut hélas ! pas possible pour le tronçon qui nous préoccupe, compte tenu des difficultés techniques que j’ai mentionnées. Ce projet fut donc retiré du contrat de la société par décret du 29 décembre 1997.
Ainsi que le rappelle M. Lamy, une seconde opportunité s’est alors présentée grâce à un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 5 octobre 2000. La CJCE a eu à connaître d’un cas comparable à celui du barreau de Balbigny à l’occasion d’un recours en manquement de la Commission européenne exercé contre la France, au sujet des conditions d’attribution du métro de l’agglomération rennaise à la société Matra. Le recours à une procédure négociée sans mise en concurrence préalable était en effet contesté par la Commission, au motif qu’elle méconnaissait les dispositions de la directive « Travaux ».
Considérant que les négociations entre le concédant et la société concessionnaire avaient été engagées avant la date d’expiration du délai de transposition de la directive en question, la Cour, dans cet arrêt du 5 octobre 2000, dit « Val de Rennes », avait estimé que l’attribution du marché après cette date pouvait à bon droit se dérouler conformément aux règles en vigueur précédemment.
Cette hypothèque juridique levée, le projet fut donc relancé. Le Gouvernement a alors entrepris la rédaction d’un avenant à la convention passée avec ASF afin de lui confier la réalisation de ce tronçon. Mais l’approbation de cet avenant devait être encore retardée par une mise en demeure de la Commission européenne adressée à la France en octobre 2004, Commission qui avait été saisie par une association estimant que la France ne respectait les obligations découlant de la directive « Travaux ».
La Commission fut finalement convaincue par les arguments du gouvernement français, dont je tiens à saluer l’opiniâtreté, notamment des ministres qui ont été successivement en charge de l’équipement, puisque, comme vous le savez, monsieur Perben, la plainte fut finalement classée sans suite en juillet 2005.
Nous étions donc à deux doigts de la publication du décret approuvant le onzième avenant à la convention de 1992 entre l’État et ASF, permettant enfin le lancement des travaux.
Mais en France les choses ne sont jamais aussi simples, surtout en matière de routes ou d’autoroutes ! Il se trouve que le Conseil d’État a émis un avis défavorable à ce projet de décret, s’écartant en cela de l’analyse que la Commission européenne elle-même avait développée. En France, il faut au moins dix ans d’études administratives, juridiques, voire techniques, alors qu’en général les travaux en eux-mêmes ne demandent pas plus de deux ans.
En d’autres termes, on ne saurait exclure que le Conseil d’État, saisi d’un éventuel recours en annulation contre le futur décret, puisse désormais annuler l’acte en question, alors que la gardienne des traités communautaires elle-même, la Commission européenne, n’y a rien trouvé à redire. On ne peut pas prendre un tel risque.
Imaginons que le Gouvernement, à la suite de cet avis du Conseil d’État, renonce à la procédure initiée dès 1988 et à l’adossement du barreau de Balbigny à la convention de concession entre l’État et ASF. La procédure de droit commun conforme aux obligations communautaires en vigueur s’appliquerait donc. Celle-ci comporte deux phases distinctes : une phase d’appel à candidatures, au cours de laquelle sont examinées les références des candidats ; une phase d’analyse des offres par l’administration et une commission d’examen chargée de donner son avis au ministre en charge de l’équipement.
Outre le fait que cette solution retarderait de plusieurs années encore la construction de ce tronçon, elle ferait peser sur ce projet une double incertitude juridique. La première concerne la stabilité des relations contractuelles entre l’État et ASF, celle-ci pouvant s’estimer en droit d’invoquer le respect des engagements pris sur le fondement, tant de la lettre de 1988 que des stipulations de la convention de concession de 1992, et partant réclamer la compensation du préjudice subi du fait du non-respect par l’État de ses obligations contractuelles. La seconde concerne la possibilité même de recourir à un contrat de concession pour attribuer la construction et l’exploitation du barreau de Balbigny.
Dès lors, le risque de requalification du contrat en marché public ne doit pas être négligé. L’obligation de décaissement immédiat et en une seule fois du coût de la construction que cela impliquerait est proprement inenvisageable. L’intervention de la loi est donc indispensable.
Elle est en outre légitime, ce projet présentant un caractère d’intérêt général incontestable. Comme M. Lamy m’a demandé de le souligner, ce tronçon de moins de soixante kilomètres constitue un enjeu national, puisqu’il permettra de parachever l’A 89. Le rapport d’audit sur les grands projets d’infrastructures du conseil général des Ponts et chaussées et de l’inspection générale des finances considère d’ailleurs que « la priorité doit être accordée à l’achèvement du réseau national structurant », et qu’à ce titre, parmi les trois séries d’opérations considérées comme prioritaires, figure « la réalisation du barreau manquant entre Lyon et Balbigny, pour assurer la continuité de cet itinéraire est-ouest d’intérêt européen passant par le centre de la France ».
Il s’agit également d’un enjeu régional, puisque l’objectif est également de valoriser la région lyonnaise et ses liaisons avec les autres pôles régionaux. II s’agit enfin d’un enjeu local, car cette autoroute assurera l’aménagement de l’ouest de Lyon, le désenclavement du nord du département de la Loire et la déviation de Tarare et de l’Arbresles.
M. Yves Cochet. C’est un vieux truc qui n’a jamais marché !
M. Jean Proriol, rapporteur suppléant. Bien entendu M. Lamy n’ignore pas que l’articulation de ce projet avec la problématique plus générale du contournement de Lyon suscite des interrogations. Je crois que nous avons aujourd’hui l’opportunité de dissiper ces inquiétudes. Le rapporteur souhaite ainsi s’assurer, monsieur le ministre, que la liaison entre l’A 89 et l’A 6, ainsi qu’entre l’A 89 et l’A 46, s’effectuera en concertation avec les élus locaux. Je ne doute pas que vous pourrez nous donner toutes assurances à ce sujet.
Je me permets d’ajouter, en tant qu’élu auvergnat…
M. André Chassaigne. Belle référence !
M. Jean Proriol, rapporteur suppléant.… pratiquant régulièrement l’A 72 entre Clermont et Saint-Étienne, que l’Auvergne, et plus particulièrement le Puy-de-Dôme et Clermont-Ferrand, sa capitale, attendent avec impatience le débouché de l’A 89 sur l’agglomération lyonnaise et plus généralement la région Rhône-Alpes. Cela assurera aussi le désenclavement du nord du département de la Loire, dont la région roannaise, que nous n’avons pas encore évoquée, bien qu’elle soit très concernée par cet itinéraire – M. Nicolin en parlerait mieux que moi.
Dès lors notre intervention doit être prompte.
Le Sénat a apporté quelques améliorations rédactionnelles qui permettent d’aboutir à un texte satisfaisant. C’est pourquoi la commission des affaires économiques a adopté cette proposition de loi sans modification, et nous vous demandons de faire de même, afin que le vote conforme de notre assemblée permette le lancement du projet dans les meilleurs délais.
Je terminerai cette intervention trop longue et trop juridique – même si le texte le justifie – par une note plus détendue, que j’emprunte à une publicité pour l’A 89.
M. Yves Cochet. Je redoute le pire !
M. Jean Proriol, rapporteur suppléant. Restez assis, monsieur Cochet, et écoutez bien : « Il n’y a pas que les liens du mariage pour unir un Limousin à une Auvergnate : il y a aussi l’A 89 ». Dans deux ou trois ans, l’A 89 offrira un autre choix : un Auvergnat pourra aussi s’unir plus facilement à une Lyonnaise. La démographie et l’économie de l’Auvergne ne peuvent qu’y gagner. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.
M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, comme vient de le rappeler M. Proriol, la réalisation de la section Balbigny–La Tour-de-Salvagny est indispensable si l’on veut que l’autoroute A 89 permette enfin la pleine réalisation d’une vraie diagonale entre Bordeaux et l’agglomération lyonnaise. De telles liaisons, tant routières que ferroviaires, sont rares. Il n’existe en effet aujourd’hui qu’une seule liaison Est-Ouest de cette nature, au demeurant non achevée malgré diverses mobilisations : la route Centre Europe Atlantique entre Royan et Saintes à l’ouest et le secteur de la Saône-et-Loire, avec Chalon et Mâcon, à l’est.
L’autoroute A 89 est un projet ancien, qui a connu bien des vicissitudes – au point qu’un journal régional soulignait récemment que les habitants des régions concernées n’y croient plus. L’aboutissement de ce projet doit beaucoup, comme l’a souligné à l’instant un représentant de l’Auvergne, à l’opiniâtreté de grands élus auvergnats, et je tiens à saluer spécialement à cet égard l’action du président Giscard d’Estaing et du président Chirac,…
M. Yves Cochet. Quelles références !
M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. …en particulier pour ce qui concerne la traversée de l’Auvergne et du Limousin.
M. Jérôme Lambert. C’est l’autoroute des présidents !
M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Après les récentes inaugurations auxquelles j’ai assisté, notamment dans le Puy-de-Dôme et en Corrèze, en compagnie d’ailleurs de nombreux élus siégeant sur tous les bancs de votre assemblée, il ne reste que quelques kilomètres d’autoroute à achever près de Brive pour assurer la continuité entre Bordeaux et Clermont-Ferrand. La section terminale de ce projet, entre Balbigny et La Tour-de-Salvagny, qui évitera notamment de traverser l’agglomération de Saint-Étienne et permettra d’atteindre commodément l’autoroute A 46, est l’élément qui nous manque.
Pour répondre aux interrogations dont M. Proriol s’est fait l’écho, il est indispensable, au-delà de La Tour-de-Salvagny, de travailler au raccordement de l’A 89, qui fait l’objet de notre débat d’aujourd’hui, à l’A 6, puis à l’A 46 Nord. En attendant l’enquête publique qui sera lancée à l’été 2007, il nous faut mener les discussions nécessaires, en particulier avec les élus locaux, pour bien définir le tracé de ces deux compléments et faire en sorte qu’ils soient à la fois efficaces et le plus respectueux de l’environnement naturel et de l’habitat existant. Il importe que ces deux compléments soient réalisés en même temps que l’A 89 entre La Tour-de-Salvagny et Balbigny, afin que les travaux puissent être achevés simultanément, au plus tard en 2012. Il n’y a donc pas de temps à perdre.
Comme l’a rappelé le rapporteur, le projet remonte à 1987, ce qui a permis au Gouvernement d’estimer qu’il était antérieur à la directive de 1990. Ce n’est d’ailleurs pas le seul cas de ce genre : plusieurs autres sections d’autoroute qui étaient dans la même situation ont pu être incorporées par voie d’avenant à des contrats de concession, comme l’A 66 entre Toulouse et Pamiers, l’A 87 entre Angers et la Roche-sur-Yon ou la section de l’A 51 de Grenoble au col du Fau.
Compte tenu de cette antériorité, il me paraît judicieux d’aller de l’avant. Il vous revient donc de dire, compte tenu de tous ces éléments et de l’intérêt majeur de cette opération, s’il vous apparaît opportun que la loi approuve un avenant qui permettra d’achever une autoroute décidée il y a dix-huit ans, mettant ainsi un terme à des années d’hésitation.
Le Gouvernement, pour sa part, y est très favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le développement de l’Auvergne a longtemps été entravé par son enclavement et son éloignement des grands axes de circulation. D’énormes progrès ont certes été réalisés ces dernières années, mais certains nuages noirs continuent de s’accrocher aux sommets de nos magnifiques volcans – même si, comme le disait M. Proriol, ils tutoient l’océan. (Sourires.) Il faut toujours louvoyer pour atteindre la vallée du Rhône : louvoiement routier, ferroviaire et, on le voit aujourd’hui, juridique. Ainsi, il est plus rapide d’aller de Clermont-Ferrand à Lyon en mobylette qu’en train et l’autoroute A 89 devant relier Balbigny à La Tour-de-Salvagny, près de Lyon, doit permettre d’éviter cet incroyable détour par Saint-Étienne. On pourrait encore citer, à propos d’enclavement, les difficultés économiques de l’aéroport de Clermont-Ferrand, que connaît bien Odile Saugues, ou l’abandon de la rénovation de la ligne ferroviaire de Béziers à Neussargues.
Voilà une bonne vingtaine d’années que les Auvergnats et leurs élus, unanimes semble-t-il, revendiquent la construction de ce barreau autoroutier. J’ai moi-même, depuis mon élection à l’Assemblée nationale en 2002, interpellé à deux reprises le Gouvernement pour lui demander de débloquer enfin cette délicate question.
Le mérite de cette proposition de loi est qu’elle permettra enfin d’avancer sur ce dossier, mais cette avancée ne doit pas pour autant nous aveugler et nous empêcher de nous interroger sur les raisons qui ont pu expliquer le blocage de ce dossier et qui rendent aujourd’hui possible son déblocage brutal.
Je tiens ici à rappeler que c’est bien l’intégrisme libéral de la Commission européenne qui seul explique le retard pris par ce projet. Alors que ce dossier, comme l’a rappelé M. Proriol, était réglé en 1990, c’est la Commission qui, de son propre chef, a voulu imposer aux États une application rétroactive de la directive « travaux » de 1992 – portant, je le rappelle, sur le droit des marchés publics. Convenez que cette rétroactivité contrevenait aux règles juridiques les plus élémentaires. La Commission a révélé par ce biais qu’elle n’hésitait pas à instrumentaliser le droit, pourvu que cette instrumentalisation serve ses desseins de mise en concurrence généralisée de toutes les activités humaines. Une fois n’est pas coutume : c’est la Cour de justice de Luxembourg qui a dû freiner le fanatisme des commissaires bruxellois !
Après vingt ans de procédures, la plupart de ces blocages juridiques ont été enfin levés.
Cette proposition de loi est en fait un habile barreau législatif permettant de contourner la dernière entrave mise par le Conseil d’État à la signature de l’avenant à la concession donnée par l’État aux Autoroutes du Sud de la France. Ainsi, la construction de ce tronçon autoroutier sera désormais possible.
Mes chers collègues, les principes mêmes de la démocratie autorisent la représentation nationale à voter une loi de validation d’un décret annulé par une décision du Conseil d’État : c’est une simple conséquence de la souveraineté de notre peuple que nous sommes censés incarner. Comme le disait fort bien Édouard Herriot, qui fut, avant bien d’autres, mais fort longtemps maire de Lyon, « le régime parlementaire, c’est le contrôle de la technique par le bon sens ».
Il n’est jamais anodin, même au nom du bon sens, d’invalider un arrêt de la haute juridiction. Si nous devons prendre cette décision, la moindre des choses serait de connaître les motifs sur lesquels le Conseil d’État s’est fondé pour rejeter cet avenant. Ce sont là, monsieur le rapporteur, des précisions que vous avez omises. Ses considérants étaient-ils de pure forme ou reposaient-ils sur des motifs plus profonds, par exemple sur le délimité du tracé de ce futur tronçon autoroutier ? Il est assez cavalier de demander à l’Assemblée nationale de se prononcer ainsi à l’aveugle.
Enfin, nous ne pouvons pas séparer le vote de cette proposition de loi du contexte de la privatisation des autoroutes françaises et du bradage du patrimoine national à de grandes multinationales françaises ou étrangères.
Si le dépôt de cette proposition de loi est une réplique à l’arrêt du Conseil d’État rendu en ce début d’année, il répond aussi et surtout à la volonté du Gouvernement d’accélérer la cession des Autoroutes du Sud de la France au groupe Vinci. La question de l’intégration de la concession du tronçon de Balbigny à La Tour-de-Salvagny dans le paquet qui sera cédé à Vinci semble en effet compliquer les négociations de vente entre Bercy et cette florissante multinationale.
M. Jacques Remiller. Ça n’a rien à voir !
M. André Chassaigne. À l’euro près, pour reprendre une expression consacrée en ces murs, Vinci serait prêt, semble-t-il, à débourser un euro de plus par action des Autoroutes du Sud de la France si cette société devait obtenir l’exploitation du tronçon Lyon-Balbigny. Il y a donc tout de même un certain lien.
Devant ces marchandages, on comprend que le Gouvernement cherche à accélérer les choses, afin évidemment d’éviter de relancer le débat sur la valorisation des autoroutes. Alors que Vinci propose au Gouvernement un prix de 50 ou 51 euros par action d’ASF, une étude de l’école de commerce EDHEC évalue la valeur de cette action à 64 euros. C’est bien pour cacher à l’opinion que vous bradez le patrimoine national au profit de vos amis que vous souhaitez faire voter en urgence cette proposition de loi.
Au vu de toutes ces remarques et compte tenu de l’opposition radicale de mon groupe parlementaire à la privatisation des autoroutes, nous nous sommes bien sûr interrogés sur la pertinence de voter cette proposition de loi. Mais enfin,... le désenclavement de l’Auvergne et de ma bonne ville de Thiers mérite bien,…
M. Jean Proriol, rapporteur. Une messe ?
M. André Chassaigne. …– une fois n’est pas coutume – une entorse aux grands principes. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean Proriol, rapporteur. Quelles contorsions !
M. le président. La parole est à Mme Liliane Vaginay.
Mme Liliane Vaginay. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’histoire de l’A 89 entre Balbigny et La Tour-de-Salvagny n’a pas été un long fleuve tranquille. Il faudrait des heures pour rappeler dans les détails les vicissitudes politiques et juridiques qu’a connues ce maillon autoroutier d’à peine plus de cinquante-trois kilomètres. Dans son intervention, M. le rapporteur vous en a retracé les grandes lignes.
Près de dix-huit ans après l’inscription de l’A 89 Bordeaux-Lyon au schéma directeur routier national, il appartient à la représentation nationale de clore ce dossier. La loi que nous nous apprêtons à voter aujourd’hui va permettre d’assurer juridiquement la réalisation de la dernière étape de ce projet présentant un intérêt national et européen. Ce projet permettra la valorisation de la région lyonnaise en améliorant notamment sa liaison avec les autres pôles européens et régionaux, particulièrement avec Clermont-Ferrand, et contribuera au désenclavement du nord du département de la Loire, ce dont je suis profondément satisfaite.
Tout d’abord, je me réjouis pour notre pays et pour le renforcement de notre territoire européen. Ce dernier tronçon marquera en effet l’achèvement tant attendu de la transversale est-ouest reliant l’Est de la France mais aussi l’Allemagne, l’Italie et la Suisse à notre côte atlantique et, au-delà, à la péninsule ibérique.
Je me réjouis également pour le bassin de vie qui est le mien, celui de Roanne et ses 150 000 habitants. Comme vous le savez, cette région a énormément souffert et souffre toujours de la disparition de quelques-uns de ses fleurons du textile et de l’habillement, touchés par la concurrence des pays à bas salaires et sans protection sociale.
Mme Odile Saugues. C’est le libéralisme !
Mme Liliane Vaginay. Le Roannais a également subi de plein fouet la baisse des commandes militaires qui faisaient de l’ex-arsenal de Roanne l’un des piliers de notre défense nationale. La région roannaise aurait pu se résigner, se replier, se décourager, mais ce n’est certainement pas le tempérament de ses habitants. Elle a tout au contraire relevé la tête, faisant preuve d’imagination, d’opiniâtreté et de courage ; elle a mis en place des nouvelles filières, notamment une filière agro-alimentaire de tout premier plan, et tissé des liens universitaires avec Lyon et Saint-Étienne afin de garder ses jeunes ; elle a développé son économie tertiaire en se donnant les moyens d’accueillir l’un des plus grands centres d’appel de France. Tout cela ne s’est pas fait dans la facilité. Savez-vous, chers collègues, que Roanne est encore à ce jour la seule ville moyenne de Rhône-Alpes à ne pas être reliée à sa métropole d’équilibre par une autoroute ?
M. Jérôme Lambert. C’est pareil dans d’autres régions !
M. Yves Cochet. En Bretagne !
M. le président. Mes chers collègues, ne faisons pas dans le particularisme local ou régional. Je vous rappelle que nous sommes à l’Assemblée nationale.
Madame Vaginay, veuillez poursuivre.
Mme Liliane Vaginay. Elle ne peut espérer y être reliée par le réseau ferré, dont la ligne non électrifiée date du XIXe siècle, ni par la ligne aérienne d’Andrézieux-Bouthéon, distante de quatre-vingts kilomètres et dont les liaisons journalières se réduisent régulièrement.
N’est-il pas grand temps, chers collègues, de refermer les cicatrices de l’histoire et de donner à ce territoire le coup de pouce qu’il mérite ?
J’ai noté, avec grande satisfaction, l’engagement pris par M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer d’inscrire au programme budgétaire pour 2006 la continuité de la liaison rapide entre Roanne et l’autoroute A 89, dont le premier tronçon est en cours d’achèvement. Il nous revient maintenant d’acter la réalisation de ladite autoroute pour que le maillon jusqu’alors faible devienne le maillon fort de notre aménagement du territoire. Cet équipement va également permettre de désenclaver les cantons nord du département du Rhône, notamment ceux de Tarare, d’Amplepuis et de Thizy. L’arrivée de l’autoroute va considérablement renforcer leur attractivité, à la fois sur le plan économique et sur le plan humain. Elle va également permettre le contournement routier des villes de Tarare et de l’Arbresle traversées par la route nationale 7, et de ce fait, quotidiennement, par des centaines de poids lourds.
Cette proposition de loi est parfaitement légitime : elle n’a pas été déposée pour faire plaisir aux élus de notre petite région ; elle ne relève pas d’un choix politicien mais est avant tout destinée à sortir de la galère toute une région.
C’est pour toutes ces raisons que je vous demande, chers collègues, d’apporter votre soutien à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à Mme Odile Saugues.
Mme Odile Saugues. Monsieur le ministre, mes chers collègues, allons-nous, dans l’affaire dite du « barreau de Balbigny », apercevoir enfin le bout du tunnel, certes virtuel, mais qui a mis en stand-by, pendant pratiquement dix-huit ans, l’achèvement de l’autoroute A 89 jusqu’à Lyon ? Tout a joué contre la construction de ce barreau, chacun se repassant le mistigri. Si l’accord fut bien donné en 1988 par le ministre de l’équipement à Autoroutes du Sud de la France, concessionnaire de l’autre partie déjà construite, le barreau manquant fut victime, après un certain nombre d’aléas techniques qui l’avaient retardé – et dont je ne referai pas l’historique –, de la directive européenne « Travaux ». Celle-ci, abattant son couperet en juillet 1990, fut transposée en droit français en 1991 et 1992.
Ce barreau terminal de l’A 89 présente une importance indéniable puisqu’il permettra enfin la continuité de la transversale ouest-est, à laquelle il ne manque plus que quelques kilomètres autour de Brive, et situera Clermont-Ferrand à moins de deux heures de Lyon. Quand on connaît la mauvaise qualité de la liaison ferroviaire Clermont-Ferrand-Lyon, on comprend l’impatience, justifiée, des Clermontois. J’avais d’ailleurs interpellé M. de Robien, alors ministre des transports, sur l’achèvement de l’autoroute A 89 dans sa partie Balbigny-La Tour-de-Salvagny lors de la discussion du budget des transports pour 2004, lui disant toute l’importance de cette réalisation pour la vie économique de Clermont-Ferrand, mais aussi notre grande inquiétude quant au financement, compte tenu de l’interdiction de l’adossement par Bruxelles et de la privatisation des autoroutes qui asséchait, contre la volonté du ministre de l’époque, le financement des infrastructures. II aura fallu dix-huit ans pour venir à bout de ce problème récurrent, cela grâce à l’initiative parlementaire, le Conseil d’État ayant remis en cause l’accord donné par Bruxelles.
Tous les acteurs économiques, qu’ils soient Auvergnats ou Rhônalpins, Clermontois ou Lyonnais, sont en attente.
Pour le bassin roannais, cette liaison représente un véritable désenclavement. Cette meilleure desserte devrait lui apporter une dimension économique d’importance. Le désengorgement de Saint-Étienne est aussi un élément fort à prendre en compte.
Les derniers conseils interministériels d’aménagement et de compétitivité du territoire n’ont guère favorisé l’Auvergne sur le plan des infrastructures, monsieur le ministre, particulièrement en matière de liaisons ferroviaires. Et je veux souligner la lenteur qui préside à l’évolution de la ligne SNCF Clermont-Ferrand-Paris, dont je rappelle que le temps habituel de parcours est de trois heures trente. Nous avons là aussi assisté à un tour de passe-passe en ce qui concerne le financement inscrit au contrat de plan État-région. S’agissant des liaisons routières transversales, leurs améliorations urgentes sont remises en cause par le transfert aux départements des routes nationales, laissant les conseils généraux face à des choix difficiles car non financés. Quant aux liaisons aériennes, le déclin actuel du hub de Clermont-Ferrand, inexorable si l’on considère le choix par Air France privatisée de Saint-Exupéry comme plate-forme régionale, laisse les acteurs économiques de Clermont-Ferrand dans l’inquiétude.
M. André Chassaigne. Très juste !
Mme Odile Saugues. La construction du barreau de Balbigny a certes suscité des protestations dans le paysage lyonnais. Vous devez donc veiller, monsieur le ministre, à ce que le raccordement de ce tronçon aux autoroutes A 6 et A 46 se fasse dans la concertation avec les riverains, dans un respect maximum de l’environnement et de l’intérêt du plus grand nombre.
Monsieur le ministre, dix-huit ans, c’est long pour construire soixante kilomètres ! Le législateur est donc fondé à intervenir, même si nous pouvons nous interroger sur les motivations du Conseil d’État, que nous aurions bien aimé connaître. Aussi ne bouderai-je pas mon plaisir et, au nom du groupe socialiste, je vous accorderai mon vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini.
Mme Anne-Marie Comparini. Monsieur le Ministre, mes chers collègues, nul ne conteste l’utilité du maillon A 89 puisqu’il doit permettre de réaliser une transversale est-ouest, attendue depuis vingt ans, pour assurer le désenclavement et le développement du Nord de la Loire et du Rhône, et encore moins que tout autre l’ancienne présidente de la région Rhône-Alpes que je suis. J’ai, à plusieurs reprises – en 2001, en 2002, en 2003 –, fait voter des rapports qui, premièrement, insistaient sur le règlement rapide de ce dossier d’infrastructure si important pour le nord de la région et pour la croissance de ses échanges économiques avec le reste de la France et avec nos principaux partenaires européens – Allemagne, Italie et Suisse – ; qui, deuxièmement, soulignaient la nécessité, avant de lancer l’opération, d’articuler au mieux l’A 89 avec les autoroutes A 6, A 7 et surtout A 46 – vous l’avez dit tout à l’heure, monsieur le ministre – ; qui, enfin, demandaient la mise en cohérence de ce maillon avec les politiques régionales, notamment avec la desserte ferroviaire des bassins de l’ouest lyonnais.
Cinq ans plus tard, si je me réfère à ce que j’ai connu et vécu, je constate que, sans avoir de réelles réponses sur ces questions, vous nous proposez un texte de loi qui vise à régler la feuille de route du concessionnaire, l’avenant avec ASF, alors que ce dossier est manifestement incomplet : cette voie autoroutière n’a toujours pas de tracé dans sa globalité – certains l’on dit. Censée contourner l’agglomération lyonnaise, elle s’arrête aux portes de Lyon, qui souffre déjà d’un engorgement automobile massif, ce qui lui donne une bien mauvaise image aux yeux de tous les automobilistes européens. Destinée à ouvrir tous les territoires sur l’est, elle n’est pas raccordée à l’A 46.
Le moins que l’on puisse dire est que ce dossier important pour nous tous est traité légèrement. Certes, vous nous dites que cette proposition lèvera une ambiguïté juridique. Mais à quel prix ! Vous nous proposez une loi pour passer outre l’avis du Conseil d’état qui est défavorable à votre projet de décret. Reconnaissons-le, ce n’est pas une mince affaire : le Conseil est une haute autorité garante de la légalité des textes. Et on ne peut s’asseoir ainsi sur ses décisions ! D’ailleurs, lorsqu’il demande le retour du Clemenceau, le Chef d’État ordonne dans les minutes qui suivent son rapatriement. Y aurait-t-il deux poids, deux mesures ?
M. Jean-Michel Dubernard. Ça n’a rien à voir !
Mme Anne-Marie Comparini. Autre fait aggravant : en retenant cette méthode, vous contrevenez à la constitution de 1958 puisque votre texte ne relève pas du domaine législatif mais de l’ordre réglementaire. Là encore, nous sommes loin des observations pertinentes faites par le président de notre assemblée lors des vœux au chef de l’État. N’exprimait-il pas sa réprobation de voir la Chambre des députés se transformer en chambre d’enregistrement de textes réglementaires ?
Enfin, au moment où nos concitoyens se plaignent d’un État qui impose des règles fermes, il est de mauvais augure de voir ce même État s’affranchir de celles qui s’imposent à lui. Bref, comme il est dit dans les Évangiles : « Faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais. » !
II aurait été plus sage d’utiliser l’avis du Conseil d’État pour mener à bien les réunions de travail que vous-même, monsieur Perben, venez de lancer.
Vous êtes d’ailleurs, monsieur le ministre, l’un des rares, avec Bernard Bosson, à vouloir étudier, en coopération avec les exécutifs locaux, tous les aspects de cette grande infrastructure. Ces réunions sont à mes yeux les seules susceptibles de déterminer un tracé complet, sa cohérence avec les autres infrastructures et son calendrier de réalisation. Elles répondent à un souhait de démocratie participative. Malheureusement, ce souci de dialogue est aujourd’hui menacé par un empressement dont je n’ose penser – sans vouloir suivre M. Chassaigne sur ce point – qu’il serait imposé par la vente des autoroutes au prix fort.
Mme Odile Saugues. Un « empressement » ! Vous avez une drôle de notion du temps !
Mme Anne-Marie Comparini. Vous comprendrez dès lors que, pour toutes ces raisons qui ont à voir avec la vie démocratique bien comprise de notre pays, le groupe UDF ne participe pas au vote de cette proposition de loi. (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean-Michel Dubernard. Quel courage !
Mme Anne-Marie Comparini. Le courage, cher collègue, je l’ai eu ! Vous n’étiez pas présent dans cet hémicycle lorsque j’ai évoqué les trois rapports successifs que, trois années de suite, j’ai fait voter au conseil régional et qui sont restés sans réponse. Ils allaient pourtant dans le même sens que ce que M. Perben – qui n’était pas ministre à l’époque – a déclaré tout à l’heure.
Le groupe UDF ne participera donc pas au vote, à l’exception de mes deux collègues ligériens, MM. Artigues et Rochebloine.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Je remercie les intervenants d’avoir évoqué les différents aspects de ce dossier relatif à l’aménagement du territoire. En la matière, il existe à mon sens deux impératifs principaux.
D’une part, celui d’achever la liaison qui, comme chacun peut le constater par son expérience personnelle, fait défaut entre le grand Sud-Ouest et le Centre-Est de la France, entre le Limousin, l’Auvergne et la région Rhône-Alpes.
D’autre part, je suis comme Mmes Comparini et Vaginay attaché à rendre cohérente la relation entre l’agglomération lyonnaise et l’ouest de la région Rhône-Alpes. C’est là un point très important car, faute d’une bonne liaison avec le cœur de la région Rhône-Alpes, le département de la Loire souffre d’un déficit de développement et de croissance. Je pense que cette proposition de loi apportera, avec d’autres dispositions, des éléments de réponse.
Il est bien sûr indispensable, comme l’a notamment rappelé Mme Comparini, de réaliser l’ensemble de la liaison, de Balbigny à La Tour de Salvagny. Mais j’ai aussi commencé à envisager, avec des élus locaux, la manière de la prolonger jusqu’aux autoroutes A 6 et A 46 : si chacun y met du sien, nous pourrons définir un tracé pour ces deux tronçons complémentaires et les achever en même temps que l’autoroute A 89 – la simultanéité étant essentielle à l’intérêt de ces réalisations.
Celles-ci seraient un plus pour l’aménagement du territoire, aussi bien pour les régions du centre de la France que pour la grande région lyonnaise.
M. le président. La discussion générale est close.
M. le président. En application de l’article 106, alinéa 3, du règlement, j’appelle maintenant, dans le texte du Sénat, l’article unique de la proposition de loi.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 1, 2 et 3, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour soutenir les amendements nos 1 et 2.
M. Christophe Guilloteau. Il est logique que le Parlement se saisisse d’un dossier relatif aux routes et aux autoroutes. Mais la méthode utilisée l’est-elle ? J’en suis moins sûr.
Je voudrais m’exprimer au nom des 1 500 élus qui constituent l’association ALCALY, des associations de défense – notamment celle de la sauvegarde des coteaux du Lyonnais –, des communes de Dardilly et des cantons de Vaugneray qui, dans ma circonscription, sont directement touchés par cette structure autoroutière.
Je connais très bien ce dossier, sur lequel j’ai travaillé pendant de nombreuses années, alors que j’étais en poste à la mairie de Tarare. À l’époque, il était piloté par Alain Mayoud, Jean Besson et Jean Auroux. Je puis témoigner que, sous la pression des uns et des autres, cette section a connu jusqu’à douze projets de tracé !
Nous devons aujourd’hui nous prononcer sur le tracé entre Balbigny et La Tour de Salvagny, qui est selon moi le plus mauvais de tous. Il eût été plus logique de retenir le projet qui prévoyait une arrivée à Anse, au nord de Villefranche-sur-Saône, au niveau de l’intersection entre les autoroutes A 6 et A 46.
Il est indispensable de relier l’ouest à l’est de la France. Je rappelle d’ailleurs que le projet initial prévoyait une liaison entre Lisbonne – et non Bordeaux – et Genève. Cela a bien changé au fil des ans !
Mme Odile Saugues. Ça a bien rétréci !
M. Christophe Guilloteau. Le tracé qui prévoit une liaison jusqu’à La Tour de Salvagny n’est à mon avis pas cohérent. Il sera très difficile – même si M. le ministre s’est montré rassurant sur ce point –, dans le secteur délimité de cette commune, de rattacher une telle structure autoroutière à l’autoroute A 46, indispensable pour assurer la liaison jusqu’à Genève.
Il me semble que l’on envisage cette structure autoroutière comme s’il s’agissait de relier Tombouctou et Bamako ! (Murmures sur quelques bancs.)
Mme Odile Saugues. Les Lyonnais vont être ravis de cette comparaison !
M. Christophe Guilloteau. Un tel projet n’a pas beaucoup de sens. Lorsque notre rapporteur insiste sur son importance pour les couples qui se seraient formés avec les mariages entre Limousins, Auvergnats et Lyonnais, je doute que la dot soit acceptée par les gens de ma circonscription !
C’est pourquoi, avec mon collègue Jacques Remiller, j’ai déposé ces deux amendements qui proposent la jonction de l’A 89 au niveau de Villefranche-sur-Saône, comme c’était prévu dans le projet initial de ce réseau autoroutier structurant pour la France et pour l’Europe.
M. le président. La parole est à M. Gilles Artigues, pour soutenir l’amendement n° 3.
M. Gilles Artigues. Cet amendement est rédactionnel et je le retire. Je profite cependant de cette intervention pour présenter, dans le respect de la procédure d’examen simplifié, mon point de vue d’élu stéphanois. J’y associe mon collègue François Rochebloine, retenu par une réunion.
On ne peut qu’être scandalisé par la lenteur des procédures dans notre pays : attendre vingt ans pour avancer dans la réalisation de ce tronçon autoroutier nous pénalise incontestablement dans la compétition économique, notamment avec les pays émergents.
La liaison transversale Bordeaux-Genève obéit à un intérêt national et il serait un peu injuste de la réduire à sa dimension locale.
Mme Odile Saugues. Tout à fait !
M. Gilles Artigues. Comme l’a rappelé Mme Vaginay, le département de la Loire, sinistré par l’effondrement progressif, au cours de ces dernières années, de pans entiers de son industrie, a bien besoin de ce tronçon autoroutier, de même qu’il attend avec impatience la sécurisation de l’A 47 entre Saint-Étienne et Lyon et la réalisation de l’autoroute A 45.
Nous sommes des élus responsables et nous comprenons l’inquiétude des Lyonnais, mais il ne faudrait pas que l’intérêt des uns apparaisse toujours contradictoire à celui des autres : les projets pour Lyon ne doivent pas retarder ceux qui sont prévus pour Saint-Étienne. Votre souci de considérer la question dans sa globalité, monsieur le ministre, va à cet égard dans le bon sens. Les départements du Rhône et de la Loire doivent marcher main dans la main, comme nous y invitent nos chefs d’entreprise.
Mon collègue François Rochebloine et moi-même prenons acte de la décision du groupe UDF de ne pas participer au vote, mais pour notre part, nous voterons sans états d’âme et même avec enthousiasme en faveur cette proposition de loi.
M. le président. L’amendement n° 3 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 1 et 2 ?
M. Jean Proriol, rapporteur suppléant. Un mot sur le fait que cette proposition de loi contournerait une décision de justice. Elle serait en ce cas illégitime, mais nous n’en sommes pas là ! À ce jour, aucune décision ayant autorité de la chose jugée n’a été rendue. Le Conseil d’État, consulté par le Gouvernement comme c’est l’usage pour ce genre d’acte réglementaire, n’a rendu qu’un avis sur un projet de décret.
Nous ne sommes nullement engagés, avec le présent texte, dans une procédure de validation législative – laquelle contreviendrait au reste à la Constitution et à la Convention européenne des droits de l’homme. Je le répète une dernière fois, le législateur intervient afin d’assurer la sécurité juridique d’un projet dont chacun s’accorde à reconnaître l’intérêt général – même si, pour certains, l’abstention est un refuge opportun – et il n’empiète en rien sur l’indépendance et les prérogatives de la haute juridiction.
Pour ce qui concerne les amendement, je remercie d’abord M. Artigues d’avoir prévenu ma demande en retirant le sien. J’apprécie aussi, en tant qu’Auvergnat, cette solidarité ligérienne dans le vote personnel de MM. Artigues et Rochebloine.
Quant à vos deux amendements, monsieur Guilloteau, ils n’entrent pas dans l’objet du texte dont nous débattons : celui-ci ne vise pas à choisir un tracé plutôt qu’un autre. Vous avez comme moi interpellé M. le ministre sur les problèmes urbains et environnementaux que poserait la liaison autoroutière dans le Grand Lyon. Je suis sûr que M. le ministre sera attentif à vos deux amendements, mais comme il l’a indiqué, le choix ne semble pas s’être porté sur Villefranche-sur-Saône – même si je ne veux pas m’avancer sur ce terrain qui n’est pas encore balisé.
Vos deux amendements, monsieur Guilloteau, n’ont pas été examinés par la commission. Néanmoins, pour les raisons que je viens d’avancer, j’émets à titre personnel un avis défavorable. Laissons les études techniques aller à leur terme pour dégager les meilleures solutions possibles dans cette région qui vous est chère.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Le Gouvernement est défavorable aux deux amendements, pour les raisons que j’ai déjà indiquées. Mais je voudrais répondre à M. Guilloteau sur quelques points.
En matière de grands aménagements, il faut travailler dans l’ordre et de manière constructive. On ne peut pas sans cesse revenir en arrière et remettre en cause ce qui a été acté.
Le tracé entre Balbigny et la Tour-de-Salvagny a été déclaré d’utilité publique. La procédure d’enquête publique, qui est longue, précise, qui permet la concertation et l’expression des oppositions, puis aboutit à un rapport du commissaire enquêteur et, enfin, à une décision, a bien été menée. Revenir dessus, ce serait renvoyer le projet aux calendes grecques !
En revanche, pour le tronçon à partir de la Tour-de-Salvagny en direction de l’A 6 et de l’A 46, il n’y a pas eu déclaration d’utilité publique. J’ai déjà dit que je souhaitais que l’enquête fût lancée à l’été 2007. D’ici là, il nous faut mener la concertation, discuter, entendre les points de vue des uns et des autres ; il faut également conduire les études techniques et financières nécessaires. Après quoi, s’engagera l’enquête d’utilité publique, qui aboutira à l’arrêté d’un tracé, lequel sera suivi de la mise en concession des deux barreaux complémentaires.
C’est ainsi, je crois, qu’il faut envisager les choses. Sinon nous n’avancerions jamais. D’ailleurs, on parle depuis dix-huit ans de ce dossier qui, pour des raisons diverses, n’a pas abouti !
Par conséquent, discutons de ce qui reste ouvert à la discussion, parce que cela n’a pas encore été tranché, sans revenir sur des décisions qui ont été prises en conformité avec la législation et la réglementation, ainsi que les règles du débat public.
Pour cette raison, je suis hostile aux deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Christophe Guilloteau.
M. Christophe Guilloteau. M. Artigues a évoqué une question qui m’intéresse aussi, celle de l’A 45. Je vois bien que nous nous acheminons vers une « politique de l’entonnoir » et que, dans quelques années, on nous présentera un paquet complet, comprenant l’A 89, l’A 45 et le contournement ouest de Lyon, qui nous préoccupe tous les deux.
Cela étant, les propos de M. le ministre m’ont rassuré. Depuis que Dominique Perben est ministre des transports, et peut-être parce qu’il est élu lyonnais, la direction régionale des routes a enfin entamé le dialogue. Je tiens à le remercier publiquement d’en avoir pris l’initiative, ainsi que d’avoir rencontré les élus locaux. Et je lui sais gré d’avoir accepté de venir encore dans ma circonscription dans quelques jours. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Je n’en demeure pas moins en complet désaccord avec le projet car il ne mène nulle part !
M. André Chassaigne. C’est donc ainsi que les choses se font ? Comme dans une République bananière !
M. Christian Paul. Venez donc aussi en Bourgogne, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.
M. Yves Cochet. Mon point de vue est un peu différent de ceux exprimés jusqu’à présent. Je ne suis pas élu de ces régions – Auvergne, Limousin, Rhône-Alpes – mais je pense que le fait que nombre des acteurs concernés par le projet, y compris un commissaire européen, en soient originaires ne garantit pas forcément l’objectivité de la décision, s’agissant d’un enjeu national et même international, puisque l’on nous parle d’un équipement structurant à l’échelle européenne.
Je présenterai d’abord une observation sur la forme. J’ai entre les mains la lettre – mais il y en a bien d’autres ! –d’une association de « sauvegarde des coteaux du Lyonnais » qui exprime l’irritation, pour ne pas dire la révolte de citoyens et d’élus devant cette proposition sénatoriale, qui permet de réaliser un tronçon en contournant la procédure normale. Comme s’il suffisait de modifier la loi pour rendre possible une action que le Conseil d’État a jugée illégale dans un avis !
Ne serait-ce que pour cette raison de forme, il conviendrait de repousser cette proposition de loi.
Mais il y a aussi des raisons de fond. Le rapporteur a déclaré, à plusieurs reprises, qu’il fallait « achever le réseau national structurant d’autoroutes » et que le projet avait « un caractère d’intérêt général incontestable », sous-entendant qu’il recueillait une approbation unanime, non seulement sur ces bancs, mais quasiment de tous les citoyens de France !
Il n’en est rien, monsieur Proriol. Le ministre le sait bien, lui aussi, des élus, des citoyens et des militants, et pas seulement écologistes, s’opposent à un projet qui s’inscrit dans un cadre plus global, puisqu’il concerne aussi le contournement ouest de Lyon et le doublement de l’autoroute à partir de Saint-Étienne. Je m’abstiendrai, faute de temps, de rappeler leurs arguments, mais je répète qu’ils contestent, justement, que l’intérêt de ce projet soit « incontestable ».
On nous parle d’aménagement du territoire qui serait « structurant ». Mais s’il l’est, c’est au détriment des espaces ruraux et en aggravant l’engorgement urbain encore. Il suffit, pour s’en convaincre, de se souvenir de l’évolution de la France depuis cinquante ans et de relire les études de la DATAR : dans beaucoup de régions, c’est bien ce qui s’est produit. Sans jouer sur les mots, on peut même affirmer qu’une infrastructure à caractère autoroutier est plutôt « déstructurante » pour le tissu rural. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Par ailleurs, la France est censée diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre, d’ici 2050. L’ancien Premier ministre, M. Raffarin s’y était engagé et sans doute le gouvernement de M. de Villepin continuera dans la même voie, avec le plan Climat. Mais depuis des dizaines d’années, on nous rabâche qu’il faut terminer des tronçons d’autoroutes, encore et toujours ! Or, un nouveau tronçon d’autoroute, c’est encore plus de camions et de voitures ! Est-ce ainsi qu’on atteindra l’objectif international de réduction des gaz à effet de serre ? C’est bien dans le domaine des transports que doit porter l’effort.
Quant aux émissions polluantes, elles doivent être contenues d’ici à 2012, selon le protocole de Kyoto. Hélas, si le Président de la République est coutumier des trémolos écologistes quand il est hors de France, le Gouvernement mène une politique qui aboutira à l’inverse.
Pour ces raisons, tant de forme que de fond, je voterai contre cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Odile Saugues.
Mme Odile Saugues. Adopter la présente proposition de loi, c’est la sagesse, tout simplement, car c’est prolonger par l’action une réflexion déjà ancienne. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Pas plus que M. Cochet, je ne suis partisan du « tout-camion », chacun le sait. Mais nous devons garder une cohérence à notre action.
S’agissant des amendements, s’ils étaient adoptés, nous, députés, deviendrions ceux qui ont choisi le lieu où doit arriver l’autoroute. Pourquoi nous impliquer dans des choix techniques ? Et, surtout, est-il admissible de « shunter » ainsi le débat citoyen ?
Je l’ai dit dans mon intervention, et M. le ministre nous l’a bien laissé entendre, il est question d’un débat sur le terrain. Nous avons tous été destinataires de courriers exprimant les inquiétudes de certains. Je les comprends, mais les députés ne sauraient codifier l’insertion de l’autoroute dans un lieu plutôt que dans un autre. Je crois beaucoup à la concertation mais je ne pense pas que la somme des intérêts particuliers fasse l’intérêt collectif. Il faudra que la sagesse prévale, et que soit menée la concertation la plus large possible.
En tout cas, le groupe socialiste ne votera pas ces deux amendements.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article unique de la proposition de loi.
M. Christophe Guilloteau. Jacques Remiller et moi-même ne participerons pas au vote, monsieur le président !
(L’article unique de la proposition de loi est adopté.)
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures cinquante-cinq, est reprise à onze heures cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative aux obtentions végétales (nos 2869, 2878).
La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.
M. Jean-Pierre Nicolas, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’agriculture et de la pêche, mes chers collègues, dès 1961, un dispositif de protection des droits de propriété intellectuelle des obtenteurs de variétés végétales nouvelles était mis en place à l'initiative de la France, dans le cadre de l'UPOV - l'Union internationale pour la protection des obtentions végétales.
Aujourd'hui, les principaux pays producteurs de semences et de plants dans le monde font partie de l'UPOV. En adhérant à cette organisation, chaque État s'engage à mettre en œuvre un système national de protection reposant sur la délivrance de certificats d'obtentions végétales, les COV. Depuis sa création, le système des COV n'a cessé de se développer et de se préciser, notamment à l'occasion des diverses révisions de la convention internationale pour la protection des obtentions végétales, dont la dernière a eu lieu en 1991.
La supériorité des certificats d’obtention dans le domaine végétal par rapport aux brevets n’est plus à démontrer. En effet, le COV ne privatise pas l’usage des variétés végétales nouvelles mais, au contraire, autorise l’accès des autres obtenteurs à ces variétés dans un but de recherche. Il permet également la libre utilisation des semences dans un cadre privé « amateur » et laisse aux agriculteurs la faculté d’avoir recours aux semences de ferme, moyennant une rémunération équitable de l’obtenteur.
M. André Chassaigne. La précision est d’importance !
M. Jean-Pierre Nicolas, rapporteur. La Communauté européenne, avant même de devenir membre à part entière de l’UPOV en juillet 2005, a mis en œuvre un système de protection des obtentions végétales, fondé sur les principes élaborés dans le cadre de la convention de 1991 et valable sur l’ensemble du territoire de la Communauté. Pour toutes les entreprises semencières qui créent de nouvelles variétés, le système des COV communautaires représente donc l’avenir. En comparaison, le système des COV français apparaît d'autant plus obsolète qu'il n'a pas intégré les modifications apportées par la révision de la convention internationale pour la protection des obtentions végétales de 1991 et ne s'est pas aligné sur les dispositions adoptées au niveau communautaire à partir de 1994.
C'est cette mise à niveau que poursuivent les deux projets de loi examinés en ce moment par l'Assemblée nationale et le Sénat, le premier visant à autoriser la ratification de la révision de la convention de 1991 et le second à modifier en conséquence le code de la propriété intellectuelle et le code rural.
Longtemps différé en raison du débat sur l'utilisation des semences fermières, l'examen de ces deux textes, déposés dès décembre 1996, a enfin pu être engagé. Le Sénat a adopté le projet de loi autorisant la ratification de la convention UPOV de 1991 le 17 janvier 2006 et l'Assemblée a fait de même ce matin. Quant au projet de loi relatif aux obtentions végétales et modifiant le code de la propriété intellectuelle et le code rural, il a été adopté en première lecture au Sénat le 2 février 2006 et devrait être examiné par notre assemblée d'ici à la fin du mois de mars. Son objectif est de mettre en conformité notre système de protection des variétés végétales nouvelles avec les dernières dispositions prévues par l'UPOV et de l'aligner sur le régime communautaire. Il permettra ainsi de renforcer la sécurité juridique ainsi que la situation économique de nos entreprises dans ce secteur. Celles-ci subissent en effet des désavantages compétitifs du fait de la protection moindre dont elles bénéficient par rapport à leurs concurrentes directes au niveau européen.
Malheureusement, certaines dispositions de ce projet de loi risquent de manquer leur cible en raison de l'examen tardif du texte par l’Assemblée. Je pense ici en particulier aux articles 9 et 17 du projet de loi qui prévoient, d'une part, d'augmenter la durée des COV délivrés en France pour les aligner sur la durée des COV communautaires et, d'autre part, de prolonger les COV en cours de cinq années. En effet, alors que la durée de protection de droit commun est en France de vingt ans, elle est de vingt-cinq ans au niveau communautaire. Par ailleurs, pour les espèces nécessitant des temps de mise au point plus longs, comme les arbres, la vigne ou les pommes de terre, la durée de protection est de vingt-cinq ans en France, contre trente ans dans le régime communautaire. Ce sont ces cinq années « perdues » qu'il convient de restituer à nos entreprises.
Mais, de nombreux certificats d'obtention végétale sont désormais sur le point de tomber dans le domaine public, comme, par exemple, ceux de la pomme de terre Charlotte ou de la Mona Lisa.
M. Christian Paul. Ah ! La Mona Lisa !
M. Jean-Pierre Nicolas, rapporteur. À quelques semaines près, les entreprises obtentrices de ces variétés ne pourraient donc pas bénéficier des dispositions plus favorables contenues dans le projet de loi.
M. André Chassaigne. Et alors ?
M. Jean-Pierre Nicolas, rapporteur. C'est pour répondre à cette situation d'urgence que les sénateurs Jean Bizet et Brigitte Bout ont déposé la proposition de loi n° 2869 qui vous est soumise aujourd'hui, mes chers collègues, après avoir été adoptée au Sénat le 8 février dernier et approuvée hier par la commission des affaires économiques de notre assemblée.
Cette proposition de loi, si nous l'adoptons – comme je le souhaite – permettra dès sa publication aux obtenteurs de COV en vigueur de bénéficier d'une protection supplémentaire d'une durée de cinq ans. L'adoption d'une telle disposition n'est que justice, pour des entreprises qui constituent le fleuron de notre secteur agronomique et consacrent près de 10 % de leur chiffre d'affaires à la recherche. La mise au point d'une nouvelle variété végétale nécessite en effet près de dix ans d'investissements pour un coût moyen de 100 millions d'euros.
L'article unique de la proposition de loi, dont les dispositions reprennent le texte exact des articles 9 et 17 du projet de loi relatif aux obtentions végétales, a été modifié en séance au Sénat par un amendement de Mme Bout afin que son application ne soit pas suspendue à la publication d'un décret d'application. Sa portée n'a cependant pas varié.
C'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir apporter votre soutien à ce texte. Nous devons tous ici être conscients de l'importance des intérêts en jeu pour les entreprises françaises du secteur semences et plants. À titre personnel, je suis également persuadé de la nécessité de régler d'urgence la question de la durée de nos certificats d'obtention végétale et j'estime que la proposition de loi ainsi modifiée et adoptée par le Sénat constitue une solution de sagesse, voire de bon sens. Je vous demande de l'adopter conforme afin que le texte puisse être promulgué dans les meilleurs délais et entrer en vigueur avant la date d'expiration des premiers COV concernés. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Christian Paul.
M. Christian Paul. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs, Mona Lisa méritait mieux qu’une mauvaise loi !
M. Philippe Rouault. Caricature !
M. Christian Paul. Un peu partout dans le monde, en agriculture comme dans beaucoup d'autres domaines, l'on assiste à un durcissement des règles relatives à la propriété intellectuelle. En 2005, le Parlement européen a refusé la directive sur les brevets logiciels et, en décembre de la même année, ici même, le Gouvernement a dû faire marche arrière sur la loi relative aux droits d'auteur à l'âge numérique.
L'Assemblée nationale est saisie aujourd’hui par les parlementaires de l’UMP d'une proposition de loi forte d'un article unique qui vise à allonger la durée de protection pour les productions végétales de vingt à vingt-cinq ans et de vingt-cinq à trente ans selon les variétés.
Le ministre, expert en agriculture, mais aussi en bande dessinée, partagera certainement mon point de vue : cette loi « Mona Lisa », du nom de l’une des pommes de terre à protéger, …
M. Philippe Rouault. Vous oubliez la Charlotte !
M. Christian Paul. …rappelle les lois « Walt Disney » par lesquelles les États-unis diffèrent sans cesse la date fatidique qui verra Mickey tomber dans le domaine public.
Là comme ailleurs, on peine à trouver un équilibre, une solution équitable entre les intérêts et les droits en présence – en l’occurrence ceux des semenciers, qui perçoivent une rente, et ceux des agriculteurs, qui acquittent une redevance.
Pour autant, il est désormais possible à tout obtenteur de bénéficier de certificats d’obtentions végétales européens, même sur le sol français. La proposition de loi ne vise donc pas véritablement le droit à venir, mais cherche à modifier les règles applicables aux obtentions végétales délivrées avant son éventuelle entrée en vigueur, si elle est votée.
Le fond est donc discutable. Quant à la méthode, elle est clairement condamnable.
Cette loi de circonstance vise à préserver – d’ailleurs maladroitement – une seule catégorie d’intérêt.
Je cite le sénateur Jean Bizet : « Certaines variétés végétales voient leur certificat d’obtention végétale arriver à échéance très prochainement ; le 6 mars pour le blé tendre Galaxie ou l’orge Flika, et le 6 avril pour la – désormais fameuse – pomme de terre Mona Lisa. Si les nouvelles dispositions n’entraient pas en vigueur d’ici là, les obtenteurs possédant ces variétés perdraient une partie de leurs protections, comme cela a déjà été le cas pour l’INRA […] depuis août. Le montant total de la perte pour la recherche publique s’élève à 600 000 euros ».
Ainsi, l’allongement de la durée des certificats d’obtentions végétales est présenté comme un facteur essentiel du financement de la recherche, qui est mise en avant pour démontrer l’absolue nécessité d’allonger les durées de protection des droits d’usage. Autrement dit, les utilisateurs de semence n’ont pas versé – pour des semences sous protection depuis 1981 ! – un montant de redevance suffisant pour faire avancer la recherche. Quand on sait dans quelle mesure la recherche française s’est appauvrie depuis 2002, l’argument a de quoi faire sourire !
L’enjeu opposerait donc les droits des inventeurs et ceux des agriculteurs utilisateurs. Mais devant ce que le sénateur Bizet présente comme l’incapacité des gouvernements à protéger la recherche, fait-on un bon usage de la fenêtre d’initiative parlementaire en inscrivant à l’ordre du jour de notre assemblée un texte qui attend depuis 1996 sur le bureau du Sénat ?
Il existe là un véritable problème. Est-il possible d’utiliser la loi pour proroger un droit, à quelques jours de son terme, que les obtenteurs connaissait pourtant parfaitement ? Il faut en effet remarquer que les agriculteurs qui ont adopté ces semences peuvent l’avoir fait dans la perspective d’une libération de ce droit en 2006, afin de développer ensuite les semences de ferme.
Les agriculteurs sont donc clairement lésés, puisque le contrat qui les liait à des entreprises privées, selon des modalités connues par les deux parties, voit aujourd’hui son économie modifiée par le législateur. Par le fait du prince, ils se retrouvent enchaînés cinq années supplémentaires aux entreprises semencières, et celles-ci vont bénéficier de redevances non prévues initialement.
Une telle proposition de loi apparaît d’autant plus étonnante que désormais, les certificats d’obtentions végétales ne sont plus français, mais européens. Il ne s’agit donc que de protéger un peu plus des certificats français.
L’enchaînement des agriculteurs à l’industrie chimique et aux inventeurs en biotechnologie se trouve ainsi renforcé. Avec les certificats d’obtentions allongés, les possibilités de développer des semences de ferme s’amoindrissent ; non seulement l’agriculteur reste contraint par contrat, mais ses coûts de production ne pourront que croître.
En réalité, il semblerait plus exact de penser que l’allongement de la durée de protection permettra aux semenciers, par le jeu d’un renouvellement fréquent des variétés et du développement de semences dites « Terminator », d’interdire le développement des semences de ferme. Au final, il n’y aurait plus d’agriculteurs libres de droits à l’égard des grands groupes semenciers, lesquels obtiendraient ainsi une situation de rente à durée illimitée. Quelle pourrait être la politique de sécurité alimentaire d’un État ayant ainsi laissé les clefs de l’alimentation à ces groupes et à eux seuls ?
Cette proposition de loi est discutée au moment même où le Gouvernement présente un texte sur les organismes génétiquement modifiés, qui n’ont pas pour seul objectif de nourrir la planète, mais bien, aussi, de permettre à des groupes de taille mondiale d’imposer leurs semences protégées par des droits d’utilisation et de conquérir des droits de propriété sur des gènes.
M. François Guillaume. Oh ! Quel argument !
M. Christian Paul. Petit à petit, un système biotechnologique se met en place qui conduit à déposséder totalement les agriculteurs et les nations.
M. Jean-Marc Roubaud. C’est faux !
M. Philippe Rouault. Cela prouve votre méconnaissance du dossier !
M. Christian Paul. Dans une telle perspective, les députés socialistes ne peuvent que rejeter cette proposition de loi, d’autant plus qu’elle n’est pas discutée dans des conditions sérieuses – le ministre, comme beaucoup d’entre nous, doit partir dans vingt minutes –, …
M. Philippe Rouault. Il est là, le ministre ! C’est vous qui n’êtes pas sérieux !
M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. J’ai tout mon temps !
M. Christian Paul. …alors même qu’elle engage les agriculteurs et notre agriculture dans une voie très dangereuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Yves Cochet. Très bien !
M. François Guillaume. C’est vous qui vous préparez à partir !
M. Christian Paul. Bien sûr, mes chers collègues, ce débat est complètement improvisé ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon.
M. Jérôme Bignon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui est à la fois brève, simple et de bon sens. En allongeant de cinq ans la durée de protection dont bénéficient nos variétés végétales au titre des certificats d’obtention végétale, elle permet d’aligner notre droit sur la réglementation communautaire, et fait disparaître une inégalité de traitement actuellement préjudiciable à la compétitivité de nos entreprises semencières et, plus largement, de l’agriculture française.
Notre rapporteur Jean-Pierre Nicolas a parfaitement exposé l’objet de cette proposition de loi et les raisons qui nous conduisent à l’adopter sans délais, …
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. M. Paul s’enfuit !
M. Jérôme Bignon. …d’autant que le débat semble tout à coup privé d’adversaires. (Sourires.)
M. André Chassaigne. C’est ce que nous allons voir !
M. Jérôme Bignon. Je me félicite, pour ma part, que nos collègues sénateurs aient pris l’initiative de déposer ce texte et remercie le Gouvernement d’avoir accepté son inscription à l’ordre du jour de nos travaux. Il va sans dire que nous comptons, monsieur le ministre, sur une promulgation rapide – elle dépend, certes, du Président de la République, mais je suis sûr que la proposition de loi sera sur son bureau dans les meilleurs délais. En effet, la protection de certaines de nos variétés végétales particulièrement performantes arrive à échéance très prochainement, en mars, en avril ou en décembre 2006.
Derrière sa brièveté et son apparente simplicité, le texte recouvre en fait des enjeux fondamentaux, en termes d’activité économique, de capacité de recherche et d’innovation et de maintien de notre position de référence mondiale en matière de sélection végétale.
Le certificat d’obtention végétale est en effet un dispositif original de protection de la propriété intellectuelle, dont la France a été le promoteur, et qui permet d’assurer l’amélioration génétique des espèces végétales, de maintenir la biodiversité et de financer la recherche.
M. Jean-Marc Roubaud. Très bien !
M. Jérôme Bignon. L’alignement des durées de protection françaises sur celles dont bénéficient actuellement les COV communautaires permettra de donner à nos entreprises de sélection végétale les mêmes moyens que ceux dont disposent nos voisins et concurrents européens. Cet aspect mérite d’être souligné quand on sait que la création d’une nouvelle variété nécessite souvent des années – des dizaines d’années, parfois – de travaux de sélection et plus de 100 millions d’euros d’investissement.
M. Jérôme Lambert. Des centaines d’années, peut-être !
M. Jérôme Bignon. S’agissant de la pomme de terre, c’est le cas : elle est arrivée en France vers 1600, et depuis, on travaille inlassablement à améliorer la qualité de l’espèce.
M. Jérôme Lambert. Il faut donc verser des royalties à la famille Parmentier !
M. Philippe Rouault. Nous ne remercierons jamais assez Parmentier !
M. Jérôme Bignon. Merci de le saluer : il est né à Montdidier, dans mon département. Merci également de penser aux semencier picards, qui travaillent par exemple à l’amélioration de la graine de lin oléagineux afin d’en accroître les qualités olfactives, siccatives et colorantes, afin de lui permettre d’être compétitif dans l’imprimerie ou dans la peinture. Certaines entreprises, que je connais bien puisqu’elles sont situées dans ma circonscription, engagent ainsi des millions d’euros. Elles participent de cette façon – notamment dans le cadre du pôle de compétitivité que le Gouvernement a mis en place sur le développement de la filière non alimentaire de l’agriculture – au développement économique, à la création d’emplois et au rayonnement de la France.
Pour toutes ces raisons, en tant que représentant de l’UMP et comme député de la Somme, je m’associerai évidemment à une adoption rapide du texte qui nous est soumis. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous débattons en cette fin de matinée ne fera pas l’honneur de cette assemblée. Elle nous a été pourtant présentée en termes forts élégants par son rapporteur.
Le Gouvernement nous a fait approuver ce matin – sans débat, malgré l’importance de la question – la ratification de la convention de 1991 de l’Union pour la protection des obtentions végétales, l’UPOV, qui vise à adapter le statut juridique des certificats d’obtention végétale en limitant, notamment, le droit d’usage des semences fermières par les agriculteurs. L’objectif de cette convention est bien d’obliger les agriculteurs à s’acquitter d’une taxe permanente destinée aux obtenteurs des variétés qu’ils cultivent. Nous avons voté contre, n’approuvant pas cette limitation du droit d’usage des semences des paysans. Nous souhaiterions plutôt que, dans le cadre de ces négociations internationales, la France porte la voix d’une agriculture paysanne et familiale, libérée de la tutelle de l’industrie semencière, que cette dernière soit nationale et reposant sur les certificats d’obtention végétale, ou bien américaine et fondée sur les brevets, voire, souvent, sur les organismes génétiquement modifiés.
M. Yves Cochet. Eh oui !
M. André Chassaigne. Les atours de ces industries sont bien différents, mais leur dangerosité économique est souvent voisine.
Évidemment, nous n’avons pas pu dénier au Gouvernement le droit de ratifier cette convention. Mais voilà que celui-ci fait ressortir du fonds d’un tiroir un vieux projet de loi datant de 1996, qui introduit en droit interne les principes de la convention de l’UPOV de 1991. L’objectif est de réduire l’usage des semences fermières en France en créant une sorte de droit à semer. Au nom de la rémunération des obtenteurs, ce texte va généraliser le principe des « cotisations volontaires obligatoires » apparu en 2001 pour les cultivateurs de blé tendre.
M. Philippe Rouault. Pas pour les petits agriculteurs !
M. André Chassaigne. Il est ainsi prévu qu’un décret en Conseil d’État donne la liste des espèces concernées et la constitution d’une commission chargée d’évaluer le montant de ce nouveau « droit à semer ».
M. Jean-Marc Roubaud. C’est normal !
M. André Chassaigne. Là encore, nous rejetterons en bloc un projet qui remet en cause le droit des paysans à travailler.
M. Jean-Marc Roubaud. C’est une caricature !
M. André Chassaigne. Nous nous opposerons à cette privatisation du vivant.
M. Yves Cochet. Excellent !
M. André Chassaigne. Mais, une fois de plus, nous ne pouvons pas contester la mise à l’ordre du jour de ce projet de loi.
La situation est tout autre pour la proposition de loi de nos collègues sénateurs Bizet et Bout. Ces derniers se sont contentés d’extraire l’article 9 du projet de loi de M. Vasseur, qui prévoyait le rallongement de cinq ans de la protection de variétés bénéficiant aujourd’hui d’un certificat d’obtention végétale, lorsqu’il est devenu évident que ce texte, en débat au Parlement, ne serait pas promulgué avant le 6 mars prochain. Le calendrier parlementaire, en effet, n’est pas indéfiniment extensible.
L’article fut donc transformé par nos deux collègues en proposition de loi, afin d’être voté en urgence. Pourquoi le 6 mars ? Simplement parce que deux espèces de blé et d’orge tomberont dans le domaine public à cette date. Deux espèces de pommes de terre, la fameuse Charlotte, mais aussi la ravissante Mona Lisa, seront dans la même situation le 6 avril. Nos collègues sénateurs ont donc eu recours à une procédure législative expresse afin de s’assurer de la bonne effectivité juridique de ces dispositions avant une date que je n’oserai qualifier de fatidique : avec un seul article, les risques de navette sont en effet bien limités.
Ainsi, nos quatre variétés ne tomberont pas dans le domaine public au printemps 2006, mais en 2011 !
Ces variétés de pommes de terre ou de céréales ont pourtant été découvertes voici plus de vingt ans. Leurs certificats d'obtention végétale ont par conséquent rapporté de substantielles sommes à leurs obtenteurs. Les recherches effectuées pour découvrir ces variétés ont été évidemment amorties depuis un grand nombre d'années. Le rallongement de leur protection ne vise donc qu'à accorder une rente supplémentaire à ces obtenteurs…
M. Jean-Marc Roubaud. Mais non !
M. André Chassaigne. …au détriment des paysans et des jardiniers du dimanche. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Chacun sait que le prix des variétés achetées varie selon l’existence ou non d’une protection. Cette rente se monte tout de même à 670 000 euros par an pour la délicate Charlotte !
M. Philippe Rouault. Cela fait combien à la tonne ?
M. André Chassaigne. Elle sera, en outre, probablement plus importante encore lorsque seront généralisées les cotisations volontaires obligatoires proposées dans le projet de loi qui sera bientôt soumis à notre assemblée.
Nous aurions naturellement rejeté cet article s'il avait été débattu dans le cadre normal du projet de loi Vasseur. Rien ne justifie, en effet, la distribution de rentes de situation à ces obtenteurs. Néanmoins, tout en refusant un dispositif prévoyant le rallongement de la protection de ces variétés jusqu'à trente ans, ce qui revient à augmenter d'au moins 20 % les revenus des obtenteurs, nous n'aurions pas contesté son caractère général.
Nous sommes toutefois désormais face à un texte de circonstance. Il est destiné uniquement à garantir les revenus des propriétaires de ces quatre variétés dont la protection arrive à échéance. (Protestations sur les bancs de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean-Marc Roubaud. C’est faux !
M. Philippe Rouault. Et ceux des chercheurs ?
M. André Chassaigne. Vous avez été beaucoup moins attentifs aux chercheurs de l’INRA, lors du passage de l’institut dans le domaine public. Vous avez alors fait preuve de beaucoup moins de rapidité ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean-Pierre Nicolas, rapporteur. L’INRA en bénéficiera !
M. Jérôme Bignon. N’y a-t-il donc pas de producteurs de semences en Auvergne ?
M. le président. Mes chers collègues, M. Chassaigne a seul la parole !
M. Jean-Marc Roubaud. Il nous interpelle, monsieur le président !
M. le président. Vous n’êtes pas obligés de répondre !
M. André Chassaigne. Le Gouvernement est complice de ce détournement de l'esprit de la loi à des fins particulières en acceptant l'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée de cette proposition de loi. Je le dis avec solennité, monsieur le ministre, chers collègues : cela est absolument scandaleux ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Jérôme Bignon. Mais non !
M. Philippe Rouault. Vous intervenez à des fins partisanes !
M. Jean Proriol, vice-président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Il ne croit pas ce qu’il dit !
M. Jérôme Bignon. C’est une insulte à nos collègues sénateurs !
M. André Chassaigne. Je suis bien sûr intimement persuadé que les sénateurs cosignataires de cette proposition de loi n'ont pas d'intérêt dans les sociétés propriétaires de ces variétés et je suis bien entendu convaincu que ces obtenteurs, pleins de pudeur, n'auront pas l'outrecuidance de remercier leurs anges gardiens sénateurs !
M. Jean-Marc Roubaud. Il a la patate !
M. André Chassaigne. En faisant adopter cette proposition de loi, ces sénateurs se rendraient-ils coupables d'un trafic d'influence absolument indigne du Parlement d'un pays aimant se considérer comme démocratique ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Bien sûr que non, direz-vous !
M. Jean Proriol, vice-président de la commission. Vos propos dépassent votre pensée !
M. André Chassaigne. Non, monsieur Proriol ! Je suis scandalisé que l’on débatte de cette proposition de loi aujourd’hui. Cela ne fait pas honneur à notre République.
M. Jean Proriol, vice-président de la commission. La discussion fait partie de la démocratie !
M. Philippe Rouault. La démocratie ? Il ne connaît pas !
M. André Chassaigne. Nous n'avons jamais lu de manuel de droit constitutionnel expliquant que la loi servait à aider ses amis.
M. Philippe Rouault. Révisez plutôt vos manuels d’agronomie !
M. Jean-Pierre Nicolas, rapporteur. Il y a dix ans que cette mesure aurait dû être prise !
M. André Chassaigne. À moins que certains, gonflés de nostalgie, n'aient appris leur droit sous les palmiers de républiques bananières.
Mes chers collègues, j'aurai honte pour tous ceux d'entre vous qui se montreront complices de ce forfait ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Aucun argument, sinon une crampe morale, ne peut justifier le vote de ce texte.
Je ne doute pas de votre honnêteté (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et de votre attachement sincère au principe du rallongement général de la durée de protection des variétés protégées par un certificat d'obtention végétale.
Je m'adresse donc à vous, chers collègues, pour vous demander de manifester cette honnêteté par un geste simple : rejetez cette proposition de loi. Vous aurez tout loisir de voter l'article 9 du projet de loi Vasseur, lorsqu'il nous sera soumis, le 7 mars prochain, même si nous nous affronterons alors sur une base plus politique. Il en va de l'honneur de notre assemblée.
Monsieur le président, je demande naturellement un scrutin public sur le vote de ce texte bien trop important pour rester anonyme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Yves Cochet. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Viollet.
M. Jean-Claude Viollet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question de la protection des obtentions végétales est effectivement de toute première importance pour l'avenir de notre agriculture, par ses enjeux pour les agriculteurs et les obtenteurs, mais aussi pour nous tous, s'agissant de notre sécurité alimentaire et, au-delà, de l'influence de la France, premier producteur de semences en Europe et troisième exportateur mondial. Ce faisant, la conciliation des intérêts des agriculteurs et de ceux des obtenteurs reste pour nous l’un des objectifs à atteindre pour permettre de protéger les créateurs de nouvelles espèces ou variétés et de maintenir le financement de la recherche, sans pour autant porter atteinte aux droits des agriculteurs, soucieux de conserver leur indépendance face à l'industrie chimique et aux inventeurs en biotechnologie.
Si la France, à l'origine de la convention internationale pour la protection des obtentions végétales de 1961, a tardé à ratifier l'acte de révision de 1991 – qui précise et étend la portée de la protection reconnue au titre des certificats d'obtention végétale, affirme la primauté des certificats d'obtention végétale sur les brevets et légitime, en l'encadrant, l'utilisation des semences de ferme – force est de constater que c'est précisément ce dernier aspect qui est, jusque-là, resté le principal point d'achoppement dans ce processus.
Nos agriculteurs revendiquent, selon nous à bon droit, que l’on garantisse le devenir de cette pratique ancestrale des semences de ferme permettant à un cultivateur d'utiliser une partie de sa récolte pour ensemencer la prochaine campagne.
M. André Chassaigne. Très bien !
M. Jean-Claude Viollet. Or la convention de 1961 ainsi modifiée laisse, dans ce domaine, aux États le soin de déterminer – par la négociation interprofessionnelle ou par la réglementation – le montant des droits que les agriculteurs utilisant des semences de ferme doivent verser aux obtenteurs.
S’agissant de la négociation interprofessionnelle, un seul accord est jusque-là intervenu, le 26 juin 2001, dans la filière du blé tendre. Jean Glavany, alors ministre de l'agriculture, voulait ainsi démontrer que le système de « l’exception de l’agriculteur » était viable. Il convient aujourd’hui, devant les difficultés persistantes, d'avancer encore afin d'apporter toutes les garanties nécessaires à nos agriculteurs.
C'est avec cette volonté clairement affirmée que nous venons de voter en faveur de la ratification de la révision de 1991 de la convention internationale pour la protection des obtentions végétales de 1961 et que nous entendons nous investir pleinement dans le débat sur le projet de loi relatif aux obtentions végétales et modifiant le code de la propriété intellectuelle et le code rural, qui sera prochainement soumis à l’Assemblée. Nous espérons qu’il donnera lieu en commission comme dans l’hémicycle à un travail approfondi, nourri de toutes les auditions nécessaires.
M. André Chassaigne. Très bien !
M. Jean-Claude Viollet. Ce texte pourra ainsi, au final, être partagé par l'ensemble des parties en cause. Cela permettra de régler les difficultés présentes en apaisant, une fois pour toutes, les inquiétudes de nos agriculteurs qui craignent que leur droit à utiliser les semences de ferme soit sacrifié au seul profit des entreprises semencières. Nous ne pouvons aujourd’hui que partager ces craintes, alors que nous est soumise cette proposition de loi, d'origine sénatoriale, qui ne vise, par son article unique, qu'à prolonger la durée de protection des obtentions végétales de vingt à vingt-cinq ans pour certaines variétés et de vingt-cinq à trente ans pour d'autres.
En effet, cette proposition de prolonger la durée des certifications d'obtention végétale de certaines variétés arrivant prochainement à expiration, censée assurer à l'obtenteur un retour sur son investissement de recherche et permettre ainsi la poursuite de celle-ci, met directement en conflit les intérêts des inventeurs et les droits des agriculteurs utilisateurs de ces semences qui s’estiment, à juste titre selon nous, lésés. Reconnaissons qu’il est difficile de ne pas y voir une simple volonté de renforcer la rentabilité financière, car les variétés de pommes de terre Mona Lisa et Charlotte, auront évidemment été rentabilisées après vingt ans de protection. Les génériques en matière de santé, monsieur le ministre, sont d’ailleurs possibles au bout de ce délai.
En outre, cette proposition pose un problème de droit puisqu’en prorogeant arbitrairement, par un texte de pure convenance, sans concertation aucune des parties aux différents contrats, la durée des certificats d'obtention végétale, le législateur s'arrogerait le droit de lier pour cinq années supplémentaires les agriculteurs à des entreprises semencières qui percevraient ainsi des redevances non prévues initialement. Non seulement seuls les intérêts de certains obtenteurs sont contentés, mais la possibilité pour les agriculteurs concernés de développer des semences de ferme et de diminuer leurs coûts de production se trouvera durablement réduite, le contrat initial étant unilatéralement modifié.
Cette proposition est d'autant plus étonnante que, désormais, en vertu du règlement communautaire du 27 juillet 1994, les certificats d'obtention végétale ne sont plus français, mais européens : elle vise donc seulement à protéger un peu plus les certificats français, alors que le certificat européen permet de garantir les délais recherchés. Le règlement communautaire du 27 juillet 1994 prévoit d’ailleurs que le montant des droits à verser aux obtenteurs doit être déterminé par des accords, ce qui n'est bien entendu pas le but poursuivi par cette proposition qui vise davantage à garantir une rente aux obtenteurs.
M. André Chassaigne. Très bien !
M. Jean-Claude Viollet. Enfin, on ne peut ignorer que l'allongement de la durée de protection pourrait permettre aux semenciers, par le jeu d'un renouvellement fréquent des variétés et du développement de semences « Terminator » – oui, je le dis à nouveau – d'interdire purement et simplement le développement de semences de ferme. Cela risquerait, à terme, de remettre en cause la politique de sécurité alimentaire des États qui auraient ainsi donné les clefs de leur alimentation à certains groupes. Nous devons méditer ce risque alors que nous débattrons bientôt d'un projet de loi sur les OGM qui, avec l'objectif affiché de mieux nourrir la planète, servira aussi, si nous n’y prenons garde, à des groupes mondiaux à imposer leurs semences protégées par des droits d'utilisation et à conquérir des droits de propriété sur des gènes.
M. Gabriel Biancheri. Cela n’a rien à voir !
M. Jean-Claude Viollet. Ce système biotechnologique pourrait, petit à petit, priver les nations de leurs droits inaliénables, à notre sens, à la sécurité alimentaire.
Voilà pourquoi nous souhaitons que ne soient éludées, sur ce sujet, aucune des questions posées. Nous devons rechercher, en concertation avec tous les acteurs concernés, les meilleures solutions pour la protection des intérêts respectifs des agriculteurs et des obtenteurs et de la sécurité alimentaire des États. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Yves Cochet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert.
M. Jérôme Lambert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant-hier encore, l'ordre du jour de notre assemblée nous appelait à débattre ce matin, en procédure simplifiée, d’une proposition de loi, adoptée tout récemment dans une grande indifférence par le Sénat, sur l'allongement de la durée de protection des obtentions végétales de vingt à vingt-cinq ans ou de vingt-cinq à trente ans, selon les variétés concernées.
Hier, nous apprenions la modification de l’ordre du jour, et l'examen ce matin de la convention de l'Union pour la protection des obtentions végétales, dite convention UPOV, que nous venons d’adopter sans débat, dans le cadre d’une procédure simplifiée. C'est donc manifestement dans une précipitation certaine que nous sommes amenés à travailler sur ces questions et j'approuve la décision politique de Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste, qui a demandé et obtenu, comme c’est la règle, le retour à la procédure ordinaire pour l'examen de cette proposition de loi, refusant la mascarade d'une adoption, dans la quasi-indifférence, d'un texte qui concerne les pratiques agricoles et la plupart des agriculteurs de notre pays.
Il est manifeste que, à la faveur de l'examen de ce texte, la majorité entend camper sur ses positions dogmatiques en faveur de pratiques agricoles de plus en plus orientées vers l'économie libérale et protectrice des intérêts des puissants : les firmes industrielles de l’agroalimentaire.
Permettez-nous, en nous opposant à votre politique et aux dispositions contenues dans ce texte, de promouvoir une autre politique agricole, fondée sur une agriculture soucieuse d’un développement harmonieux et respectueux des intérêts des producteurs et de leur environnement, qui est aussi le nôtre.
La proposition que nous examinons ce matin comporte un seul article, qui vise à allonger de cinq ans la durée de protection des semences. Si cette disposition arrive devant le Parlement avec une telle urgence, c’est tout simplement que prendra fin, au début du mois de mars, la protection de certaines variétés, qui a déjà duré vingt ou vingt-cinq ans, et parce que l’industrie agroalimentaire, qui sait se faire entendre de nos dirigeants actuels, a souhaité prolonger en catimini sa protection privilégiée pendant cinq années supplémentaires, au détriment de l’intérêt des agriculteurs.
Nous comprenons l’empressement de la majorité à prolonger au-delà du raisonnable et des règles préalablement établies les privilèges et les profits de certains industriels de l’agroalimentaire.
L’argumentation des tenants de la poursuite des redevances pour les obtenteurs repose en partie sur les difficultés de financement de la recherche, mais le financement de la recherche des variétés concernées n’a-t-il pas été largement assuré au cours de ces vingt ou vingt-cinq dernières années ? Et toutes les variétés nouvelles créées depuis lors n’apportent-elles pas des financements pour la recherche actuelle et pour celle des années à venir sans qu’il soit besoin de continuer à établir de véritables rentes de situation assises sur des productions qui ont déjà largement rentabilisé le coût de leurs recherches et de leurs développements ?
Pour la recherche médicale, comme Jean-Claude Viollet vient de le rappeler, la durée de protection des brevets, dans des domaines où la recherche est excessivement coûteuse, est limitée à vingt ans. Ce sera trente ans pour la pomme de terre.
C’est bien de rentabilité financière dont il est question maintenant, sous couvert d’une perspective de recherche qui sert de mauvais alibi.
Derrière tout cela, c’est la dépendance des agriculteurs à l’industrie agroalimentaire et chimique qui se fait de plus en plus prégnante. Si la durée des certificats d’obtention est prolongée, il sera très difficile de développer les semences de ferme, pratique tout à fait concevable et profitable pour les agriculteurs, y compris dans le cadre d’une agriculture moderne, respectueuse de l’environnement et génératrice de profit pour le producteur lui-même.
Avec la loi sur les OGM qui va bientôt venir en discussion devant notre assemblée, c’est tout un ensemble de réglementations qui se renforce, enfermant un peu plus l’agriculture dans un mode de production très contrôlé, directement aux mains des grands groupes multinationaux. Pourtant, la production agricole devrait être considérée comme une production certes à finalité économique, mais répondant d’abord à des impératifs d’un autre ordre.
Il y a d’abord l’approvisionnement nutritionnel. Il s’agit en effet non pas de produire des gadgets, mais d’assurer la survie alimentaire de l’humanité. Cet impératif devrait toujours être du ressort d’entités politiques reconnues, la nation ou l’Europe en ce qui nous concerne, et ne pas être dévolu seulement à des intérêts financiers.
L’agriculture garantit aussi notre indépendance politique. Une société humaine qui n’est pas en mesure d’assurer indépendamment sa subsistance est aux mains de ses fournisseurs de moyens ou de denrées. Elle perd son indépendance politique, même si elle a les moyens financiers d’acheter ce qui lui manque, et se retrouve tributaire d’autres intérêts. Assurer l’indépendance nutritionnelle, c’est donc garantir notre indépendance politique, celle de notre nation et celle de l’Europe. Le monde de l’industrie et de la finance ne voit pas son intérêt de la même manière, et nous ne pouvons souscrire à son mode de pensée sans mettre en péril nos intérêts vitaux.
Au moins pour ces deux raisons, qui font de l’agriculture une activité humaine singulière et vitale, nous devons prendre garde à assurer à chaque producteur un maximum d’autonomie vis-à-vis des puissances multinationales financières et industrielles.
La proposition qui nous est présentée aujourd’hui, même si elle n’est qu’une petite partie de la question posée, concourt à cette évolution préoccupante vers une mainmise des facteurs de production agricole entre les mains d’intérêts qui dépassent de loin ceux des producteurs et de la communauté humaine, nationale et européenne, que nous représentons aujourd’hui dans cet hémicycle.
C’est pourquoi je souhaite que nous n’adoptions pas ce matin ces mesures exorbitantes du droit commun des brevets ou de la réglementation qui nous sont proposées à la sauvette.
Il faut que le monde agricole puisse s’en saisir et en débattre et que nous en discutions dans le cadre d’un projet de loi général, comme cela était prévu. Nous verrons bien alors si ce que vous nous proposez va dans le bon sens. Pour ma part, je ne le pense vraiment pas, et les circonstances de cet examen ne font que renforcer mon appréhension.
Je souhaite, pour finir, que l’agriculture ne soit jamais confisquée aux agriculteurs eux-mêmes. Ce projet va malheureusement dans la mauvaise direction. C’est pourquoi nous devons nous y opposer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Yves Cochet. Très bien !
M. le président. La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.
M. Dominique Bussereau, ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, cette proposition de loi ne mérite pas, je crois, de tels excès d’indignité. Déposée par deux sénateurs, Mme Brigitte Bout et M. Jean Bizet, elle a été adoptée par le Sénat le 8 février dernier, le groupe socialiste, je le signale au passage, monsieur Paul - mais il nous a déjà quittés - monsieur Viollet, monsieur Lambert, n’ayant pas voté contre. Vous devriez peut-être avoir des positions un peu cohérentes !
M. Jérôme Lambert. Le vote a eu lieu à la sauvette !
M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Votre groupe était représenté par un sénateur d’un grand département agricole, qui dirige un pôle de compétitivité et connaît bien le sujet. Il faudrait donc que vous en parliez un peu avec vos collègues du Sénat.
Pour des raisons de calendrier parlementaire, le projet de loi relatif aux obtentions végétales que nous discuterons prochainement, le 8 mars, ne pouvait être adopté avant le 6 mars prochain, date à laquelle arrivent à échéance les droits de certaines obtentions végétales. Aussi, vos collègues sénateurs ont-ils pris l’initiative de déposer cette proposition de loi. Elle ne reprend que les dispositions relatives à la prorogation pour cinq années supplémentaires de la durée de protection des obtentions végétales. Sont concernées les variétés à inscrire et celles qui sont déjà inscrites.
Proroger les droits de ces obtenteurs est une nécessité d’ordre économique. J’ajoute que, comme cela a été très bien dit tout à l’heure par M. Bignon, ne pas le faire dès maintenant serait porter un rude coup à l’innovation.
M. André Chassaigne. Il faut en faire la démonstration !
M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. En conséquence, je me permets de vous rappeler très rapidement les enjeux du projet de loi et son articulation avec la proposition de loi d’origine sénatoriale, laquelle ne concerne que la question de la prorogation pour cinq ans de la durée de protection des obtentions, extraite du projet de loi pour des raisons d’échéance.
Le projet de loi relatif à la protection des obtentions végétales inscrit en droit français les éléments induits par la ratification de la convention de l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales que vous avez adoptée ce matin. Il porte modification du code rural et du code de la propriété intellectuelle. Ses conséquences sont très concrètes pour le monde agricole, en matière de recherche, d’efficacité économique et d’emplois. Il offre en outre un cadre juridique équilibré. Il donne, en effet, un cadre légal à la pratique des semences de ferme.
La France occupe une place de premier rang dans ce secteur et il faut encourager le développement de nouvelles semences pour maintenir notre haut niveau de compétitivité et l’emploi dans la filière.
Ce texte protège donc et incite à l’innovation en agriculture grâce à la définition du certificat d’obtention végétale de l’UPOV. Contrairement à la formule du brevet, que défendent les Anglo-saxons - et peut-être le parti communiste ? - celle du certificat n’implique pas l’autorisation de l’obtenteur pour la mise au point de nouvelles variétés ou pour les actes accomplis à titre expérimental.
En autorisant des semences de ferme, le projet de loi permettra aux exploitants de ressemer une partie de leurs récoltes, y compris pour les variétés protégées. Dans le respect de la propriété intellectuelle, peut être mis en place un dispositif de financement de la recherche et du développement de nouvelles variétés dans le cadre d’une démarche interprofessionnelle, à l’image de ce qui a été fait pour le blé tendre, à la satisfaction de tous, depuis 2001.
M. André Chassaigne. Il faut d’abord donner plus d’argent à l’INRA !
M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. J’ajoute que les petits exploitants ne sont pas soumis à l’obligation de cotiser.
En fait nous souhaitons pérenniser notre modèle, qui est l’origine de la réussite de notre filière. Je vous donne quelques chiffres pour l’illustrer : la profession semencière représente plus d’une centaine d’établissements de recherche obtenteurs, 300 établissements de recherche, 30 000 agriculteurs multiplicateurs de semences et plus de 2 000 distributeurs. On est loin des 200 familles évoquées par M. Chassaigne. En 2004, le groupement national des industries semencières a recensé la création de 606 variétés de semences : 344 en grandes cultures et 262 en variétés potagères. Ainsi, monsieur Cochet, la sélection végétale contribue également au développement de la biodiversité, à laquelle vous êtes légitimement attaché.
M. Yves Cochet. Pas avec les OGM !
M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Il y en a beaucoup moins aujourd’hui qu’à l’époque où vous étiez ministre de l’environnement, vous le savez.
Lors de mes déplacements, notamment en Auvergne, il y a deux semaines, j’ai constaté combien il était important de donner à nos entreprises de sélection végétale les mêmes moyens que ceux dont disposent leurs concurrents à l’étranger. C’est toute la filière qui est concernée, de la recherche à la transformation agroalimentaire, en passant naturellement par la production agricole.
La sélection végétale est un enjeu en termes d’activité économique et d’emplois : le chiffre d’affaires de la filière s’élève à 1 940 millions d’euros, dont 618 millions d’euros à l’exportation. Notre pays est le troisième exportateur de semences mondial, le premier européen. Au total, 7 000 emplois sont concernés.
Ce projet de loi, vous aurez à l’examiner prochainement car, comme M. Viollet et M. Lambert, je tiens à ce qu’il poursuive dans des délais raisonnables son parcours législatif et soit promulgué avant la fin de la session parlementaire.
Pour ces motifs et pour les raisons de délai évoquées plus haut, qui engagent l’avenir de notre filière végétale et un pan de notre recherche, je vous soumets cette proposition de loi, qui reprend une partie seulement du projet de loi relatif aux obtentions végétales. Je souhaite que votre assemblée puisse l’adopter à la suite du Sénat.
Alors que soixante États, dont la France et l’Union européenne en tant que telle, sont membres de l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales, trente-six d’entre eux ont ratifié la convention de 1991. La France le fera à son tour prochainement, après votre vote sur la loi de ratification, si vous le souhaitez.
La proposition de loi qui vous est soumise et que M. Nicolas a décrite très précisément permet de satisfaire à la contrainte de temps pour protéger nos entreprises de sélection végétale, qui doivent disposer des mêmes moyens que leurs concurrentes.
L’innovation est l’une des clés de la compétitivité de nos filières agricoles comme du respect de l’environnement, et elle contribue à la biodiversité. C’est pourquoi je ne doute pas que, comme votre rapporteur, vous serez attachés à donner à ce secteur de notre économie et, plus largement, à la ferme France, au moment où va s’ouvrir le salon de l’agriculture, les moyens de poursuivre sa croissance.
Je vous remercie par avance de votre vote favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. J’appelle maintenant l’article unique de la proposition de loi dans le texte du Sénat.
Sur cet article unique, je suis saisi de plusieurs amendements.
La parole est à M. Jean-Claude Viollet, pour défendre l’amendement n° 4.
M. Jean-Claude Viollet. En proposant une prorogation légale des droits d’obtention végétale, le Sénat modifie une situation de droit et un équilibre entre obtenteurs et agriculteurs utilisateurs de semences.
L’argumentation qui s’appuie sur sune nécessaire adaptation du droit français au droit européen ne saurait être sérieusement retenue. Les obtenteurs peuvent en effet opter pour le certificat européen ; j’en ai parlé dans mon intervention générale.
Il s’agit donc bien d’assurer aux semenciers une rente de situation qui ne se justifie pas. C’est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de ces trois alinéas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Nicolas, rapporteur. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission mais, à titre personnel, j’y suis défavorable car l’adopter signifierait maintenir les durées actuelles, ce qui ne rendrait pas service à nos entreprises et irait à l’encontre des dispositions de la proposition de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Également défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert.
M. Jérôme Lambert. Selon vous, monsieur le ministre, il serait utile pour la recherche de prolonger la rente de situation – ce n’est bien sûr pas l’expression que vous employez – des obtenteurs. Moi, je trouve au contraire que cela ne les incite pas du tout à innover. Tant qu’ils seront assurés de recevoir beaucoup d’argent pour des variétés qui ont déjà vingt-cinq ou trente ans, pourquoi faire des efforts pour avancer ?
Un tel argument n’est pas recevable, et je crois qu’il faut voter l’amendement qu’a présenté Jean-Claude Viollet.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l’amendement n° 1
M. Yves Cochet. En prolongeant de cinq ans la durée de validité du COV avant qu’une variété ne tombe dans le domaine public, l’alinéa 2 de cet article est tout à fait symptomatique de l’objectif du texte, qui est de défendre la rente de situation des semenciers.
Au moment où tous les laboratoires rivalisent d’ingéniosité pour mettre au point de nouvelles variétés, où toutes les firmes rivalisent de performances, de marketing, de publicité et de conseils à domicile pour que les agriculteurs se laissent séduire par des produits sans cesse vantés pour leur meilleure adéquation aux attentes industrielles, culturelles et alimentaires du moment, il paraît particulièrement illogique de vouloir prolonger de cinq ans les droits à indemnité.
En fait, le Gouvernement ne cherche-t-il pas à développer une double stratégie en faveur des semenciers : vouloir la nouvelle pomme de terre et l’argent de la vieille pomme de terre ? (Sourires.) Cette exigence n’a rien de légitime, comme vient de le dire M. Lambert.
Qui peut croire que les investissements réalisés sur des variétés aussi répandues que la Mona Lisa et la Charlotte n’ont pas été rentabilisés au bout de vingt ans de protection ? Il me semble qu’on confond la juste rémunération avec le renforcement injustifié de la position hégémonique − en tout cas monopolistique − du secteur semencier. Cependant, la France ne doit pas perdre de vue les intérêts économiques des agriculteurs et nous considérons qu’il ne faut pas surprotéger les obtenteurs. Dans un contexte de forte compétition mondiale, les semences fermières constituent un avantage et non un handicap.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Nicolas, rapporteur. Cet amendement a été rejeté par la commission, qui est convaincue du bien-fondé de l’allongement des COV. Il s’agit non pas de protéger des rentes de situation, mais, au contraire, de permettre à notre recherche de disposer des mêmes moyens que ses concurrents européens.
M. le président. Le Gouvernement est du même avis.
La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Je m’associe bien entendu aux propos d’Yves Cochet.
J’ai écouté attentivement M. le ministre et le rapporteur et j’ai pu constater, comme tout un chacun, qu’ils étaient particulièrement vagues et discrets sur l’identité des obtenteurs concernés par ce texte. Au-delà de leurs déclarations sur une future loi, qui n’est pas celle dont nous débattons aujourd’hui, ils ont occulté qu’il s’agissait d’un texte de circonstance répondant à l’intérêt particulier de quatre obtenteurs.
Qui sont-ils ? Pratiquent-ils véritablement une recherche intensive ? M. le ministre ou M. le rapporteur sont-ils capables de nous communiquer les résultats des recherches que ces obtenteurs ont développées depuis vingt ans avec l’argent qu’ils ont tiré des COV ?
Le premier obtenteur, pour le blé tendre Galaxie, s’appelle R2N. Peut-être pourra-t-on nous en dire davantage sur son compte. Puisqu’il s’agit d’un texte de circonstance, entrons dans le détail des circonstances : quelles recherches a développées cet obtenteur ?
Le second obtenteur, pour l’orge Flika, s’appelle Florimond Desprez Veuve & Fils. Là aussi, monsieur le ministre, dans la mesure où il s’agit d’un texte de circonstance, il serait intéressant que vous entriez dans le détail : quelles recherches ont été développées grâce aux royalties qui ont été perçues ?
M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Vous devriez le savoir, monsieur Chassaigne, si vous vous intéressez à l’agriculture !
M. André Chassaigne. Le troisième exemple est celui de la Charlotte, une pomme de terre bien connue de tous. L’obtenteur est Germicopa. Pouvez-vous nous dire quelles recherches il a développées depuis vingt ans, quelles sont les nouvelles variétés de pommes de terre qu’on lui doit ?
M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Je croyais que vous aimiez les coopératives, monsieur Chassaigne : c’en est une !
M. André Chassaigne. Enfin, je citerai un dernier cas, qui me laisse plus interrogatif : celui de la superbe Mona Lisa.
M. François Guillaume. C’est un chef-d’œuvre !
M. André Chassaigne. Nous avons eu un mal fou à trouver quel en était l’obtenteur. Pour seule réponse à nos questions, on nous a dit : « non communiqué à ce jour » ou « établissement radié ». Nous avons finalement découvert que l’obtenteur est hollandais. Vos discours sur l’intérêt de la France peuvent ainsi se heurter à quelques vérités.
M. Yves Cochet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur Chassaigne, vous devriez lire vos dossiers avant de venir en séance. L’affaire du Hollandais dont vous avez parlé est exploitée par une société française. La deuxième société que vous avez citée est l’une des plus importantes de France en termes d’emplois. La troisième est une coopérative agricole. J’avais cru comprendre que la formation politique à laquelle vous appartenez était attachée à la coopérative agricole. Les membres de celle-ci apprécieront. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. André Chassaigne. Vous ne répondez pas à mes questions sur la recherche !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Yves Cochet, pour défendre l’amendement n° 2.
M. Yves Cochet. Cet amendement est défendu.
M. le président. La commission et le Gouvernement ont un avis défavorable.
Je mets aux voix l’amendement n° 2.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Viollet, pour soutenir l’amendement n° 5.
M. Jean-Claude Viollet. Nous proposons de supprimer, dans l’alinéa 3 de l’article unique, la référence aux pommes de terre.
On nous explique qu’il s’agit d’appliquer la convention de l’UPOV de 1991. Or nous avons, ce matin même, approuvé cette convention, dont l’article 19 dispose que, « pour les arbres et la vigne, cette durée ne peut être inférieure à vingt-cinq années », mais ne cite pas les pommes de terre. Par souci de cohérence avec la convention de l’UPOV révisée en 1991, nous proposons de supprimer la référence à ces espèces.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Nicolas, rapporteur. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission. À titre personnel, j’y suis défavorable.
L’amendement fait référence à la convention UPOV, alors que la proposition de loi vise à adapter le droit français au droit communautaire, lequel fixe bel et bien des durées de protection de trente ans pour les arbres, la vigne et les pommes de terre.
M. le président. Même avis du Gouvernement.
Je mets aux voix l’amendement n° 5.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert, pour défendre l’amendement n° 6.
M. Jérôme Lambert. Cet amendement vise à supprimer une partie de l’alinéa 3 de l’article. Adopter le texte en l’état et porter à trente ans la protection pour les variétés hybrides que les semenciers visent à rendre impropres à la semence de ferme, cela revient à aider ces derniers à capter l’entièreté du contrôle des semences pour le futur. Les agriculteurs perdraient ainsi tout véritable droit à développer des semences de ferme et le marché serait totalement aux mains d’entreprises de semences maîtresses des cultures. C’est l’indépendance même des agriculteurs qui serait touchée.
En perspective, le développement de la protection des droits des obtenteurs, tel qu’il est engagé par le présent texte, conduirait à s’interroger sur la future indépendance alimentaire des États à l’égard des groupes développant ces produits.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Nicolas, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement. À titre personnel, j’y suis défavorable, car la liste des espèces visées à l’alinéa 3 est une simple reprise du droit existant. Il n’y a pas lieu d’évoquer l’exclusion de telle ou telle espèce dans le cadre de cette proposition de loi.
M. le président. Même avis du Gouvernement.
Je mets aux voix l’amendement n° 6.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Viollet, pour soutenir l’amendement n° 7.
M. Jean-Claude Viollet. Dans le même état d’esprit que les amendements précédents, il s’agit de revenir de trente à vingt-cinq ans, toujours par cohérence avec la convention internationale de 1991 que nous avons ratifiée ce matin, et afin de préserver l’équilibre entre l’intérêt des obtenteurs et les droits des agriculteurs. Cette protection a été jugée suffisante au plan international, et nous pourrions donc la retenir dans notre pays.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Nicolas, rapporteur. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission. À titre personnel, j’y suis défavorable, pour des raisons déjà évoquées : il propose le maintien du droit existant.
M. le président. Même avis du Gouvernement.
Je mets aux voix l’amendement n° 7.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 3 et 8.
La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l’amendement n° 3.
M. Yves Cochet. Cet amendement est défendu.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert, pour défendre l’amendement n° 8.
M. Jérôme Lambert. L’alinéa 4 que nous proposons de supprimer revient à assurer la rétroactivité de la loi. Ni dans son titre ni dans son exposé des motifs, ce texte n’est présenté comme un texte d’adaptation au droit communautaire : il vise, en fait, à accorder rétroactivement des droits qui n’existent pas aujourd’hui. Nous voulons éviter ce grave manquement aux principes généraux de notre droit.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Nicolas, rapporteur. Le second de ces deux amendements, qui s’opposent à la prolongation des COV en cours, notamment pour certaines variétés de pommes de terre, n’a pas été examiné par la commission, mais elle avait rejeté le premier. Il me semble qu’ils relèvent d’une méconnaissance du secteur de l’obtention végétale, de celui de la pomme de terre en particulier, où les royalties sont aujourd’hui nettement insuffisantes pour financer la recherche. Or nous sommes tous attachés à la qualité de notre recherche, notamment agroalimentaire.
M. Jérôme Lambert. Mais quelle recherche ?
M. André Chassaigne. La recherche ? Ils n’en font pas !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques?
M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Même avis que la commission.
M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 3 et 8.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Viollet, pour soutenir l’amendement n° 9.
M. Jean-Claude Viollet. Il s’agit de reparler du contrat initial. Lors du dépôt des certificats d’obtention végétal, un engagement réciproque avait été pris, tendant à préserver tant les intérêts des obtenteurs que les droits des agriculteurs. Or les intérêts des obtenteurs avaient une date d’échéance. Leur prolongation vient remettre en cause le contrat de façon unilatéral en s’attaquant aux droits des agriculteurs. C’est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de cet alinéa.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Nicolas, rapporteur. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission. À titre personnel, j’y suis défavorable, car ce texte doit entrer en vigueur dans les meilleurs délais, ce que garantissent les dispositions de l’article 5.
M. le président. Même avis du Gouvernement.
Je mets aux voix l’amendement n° 9.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article unique.
(L’article unique est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 10, tendant à introduire un article additionnel après l’article unique.
La parole est à M. Jean-Claude Viollet, pour le soutenir.
M. Jean-Claude Viollet. A plusieurs reprises, nous avons rappelé que les petites exploitations sont dispensées du paiement des redevances. Cet amendement n’a d’autre ambition que de préciser en dessous de quelle superficie, en dessous de quels revenus on peut considérer, aujourd’hui, qu’une exploitation est petite. Je pense notamment aux exploitations d’agriculture biologique qui se heurtent aujourd’hui à cette difficulté, mais qui en connaîtront bien d’autres, notamment lorsque, avec la mise en place des cultures d’organismes génétiquement modifiés, elles devront engager des frais pour apporter la preuve que leurs cultures sont exemptes d’OGM.
Nous aurons l’occasion de débattre à nouveau de ces questions lors du prochain examen de la loi sur les OGM. En tout état de cause, il serait utile, pour notre assemblée et ceux qui suivent nos débats, de préciser ce qu’est réellement une petite exploitation.
M. le président. Mes chers collègues, je vous informe que, sur le vote de l'amendement n° 10, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le rapporteur, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement.
M. Jean-Pierre Nicolas, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement. À titre personnel, je donne un avis défavorable.
Un projet de loi relatif aux obtentions végétales, adopté en première lecture au Sénat, sera débattu prochainement par notre assemblée. C’est dans ce cadre que l’on pourra véritablement débattre du problème soulevé, car il n’est pas question de sacrifier les intérêts des petits agriculteurs.
M. Jérôme Bignon. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Même avis.
M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 10.
Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
…………………………………………………………
M. le président. Le scrutin est ouvert.
…………………………………………………………
M. le président. Le scrutin est clos.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 45
Nombre de suffrages exprimés 45
Majorité absolue 23
Pour l’adoption 15
Contre 30
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
M. le président. Sur le vote de l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
…………………………………………………………….
M. le président. Je n’ai pas été saisi de demande d’explication de vote.
En conséquence, nous allons procéder au scrutin sur l’ensemble de la proposition de loi.
Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
…………………………………………………………
M. le président. Le scrutin est ouvert.
…………………………………………………………
M. le président. Le scrutin est clos.
Voici le résultat du scrutin :
L'Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes :
Rapport, n° 2807, de M. Édouard Courtial.
Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour le retour à l’emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux :
Rapport, n° 2843, de M. Laurent Wauquiez.
À vingt et une heures trente, troisième séance publique :
Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.
La séance est levée.
(La séance est levée à douze heures vingt.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l'Assemblée nationale,
jean pinchot