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M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information (nos 1206, 2349).
M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles. Elle a commencé la discussion, à l’article 13, de l’amendement n° 261 et des sous-amendements qui s’y rapportent.
M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour un rappel au règlement.
M. Frédéric Dutoit. Monsieur le président, monsieur le ministre de la culture et de la communication, mon rappel au règlement est fondé sur l’article 58 relatif à l’organisation de nos débats.
Hier soir, nous avons commencé l’examen de l’article 13, qui nous conduit à nous prononcer sur le déverrouillage par les consommateurs des fichiers protégés. Nous avons fait part de notre inquiétude quant à l’approche particulièrement restrictive du texte eu égard aux possibilités de contournement. Nous avons déposé des amendements et alerté le ministre et le rapporteur sur le risque d’atteinte à la vie privée de nos concitoyens et j’ai soulevé la question de la compatibilité de telles mesures avec les dispositions de la Charte européenne des droits de l’homme. Mon collègue et ami Patrick Bloche a rappelé que le respect de la vie privée était un principe de valeur constitutionnelle.
Ces interpellations portent sur des questions d’une importance capitale. Il ne s’agit pas seulement ici de défendre les droits des consommateurs, qui sont les grands oubliés du texte, mais les droits les plus essentiels de nos concitoyens.
Aussi, je suis choqué que le Gouvernement et la commission n’aient pas souhaité répondre hier soir à nos questions, se bornant à égrener une litanie d’avis favorables ou défavorables.
Une telle attitude est inacceptable, compte tenu de la gravité du sujet. C’est pourquoi, je demande au ministre et au rapporteur de bien vouloir nous donner leur point de vue sur les questions que nous avons posées hier, faute de quoi je serai obligé de demander une suspension de séance.
M. le président. Monsieur Dutoit, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
Vous n’ignorez pas que le ministre est libre de prendre la parole quand il le souhaite. Si son temps de parole n’est pas limité, il n’est pas obligé de répondre aux interpellations.
M. Frédéric Dutoit. Il ne doit pas refuser le débat !
M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour un rappel au règlement.
M. Patrick Bloche. Comme vous le savez, les groupes de l’opposition et le groupe UDF ont demandé avec insistance la levée de l’urgence sur ce texte. Nous considérons en effet qu’une matière aussi complexe d’un point de vue juridique nécessite deux lectures, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Or notre demande a été refusée. Nous n’avons obtenu, comme compensation si j’ose dire, qu’un vague engagement du ministre de convoquer une commission mixte paritaire si le texte voté en première lecture par le Sénat divergeait par trop de celui de l’Assemblée nationale.
Le ministre s’est également engagé à un débat de fond, à prendre le temps nécessaire pour examiner les sous-amendements et amendements. Voilà pourquoi nous souhaiterions qu’il daigne au moins répondre à nos interrogations, aux inquiétudes que nous nourrissons à l’égard d’un texte qui reste fondamentalement mauvais et qui n’offre toujours pas de garanties réelles pour la protection des libertés publiques, pour le respect de la vie privée qui, comme le rappelait Frédéric Dutoit, sont garantis par notre constitution.
Tard dans la soirée d’hier, nous avons été amenés à défendre des sous-amendements qui n’ont obtenu pour toute réponse que des avis défavorables. Si vous avez rappelé à juste titre, monsieur le président, que le ministre n’est pas tenu de nous répondre, nous souhaiterions à tout le moins qu’il tienne un engagement qu’il a pris devant la représentation nationale.
L’article 13 concerne les mesures techniques de protection, que la loi doit, à notre sens, contrôler le plus strictement possible, pour préserver un acquis essentiel pour nos concitoyens, à savoir le droit à la copie privée, car c’est un élément majeur de démocratisation culturelle puisqu’il permet au plus grand nombre d’avoir accès à la connaissance, au savoir et à la culture. Si nous voulons que la démocratisation culturelle ne soit pas qu’un slogan et qu’elle soit inscrite dans la loi dont nous discutons aujourd’hui, le ministre doit nous expliquer pourquoi il donne un avis défavorable à nos amendements et comment les exceptions pour copie privée que nous souhaitons protéger sont garanties par le texte.
Notre revendication est simple, elle est au cœur d’un débat parlementaire où il s’agit d’échanger des points de vue, même divergents, sur des enjeux majeurs qui concernent toute la société.
M. le président. Les groupes politiques ont la liberté de demander des suspensions de séance, qui sont de droit tant qu’il ne s’agit pas de bloquer la discussion. Toutefois, si nous voulons discuter ce texte dans les meilleures conditions possibles, il faut que chacun fasse des efforts.
Mes chers collègues, je vous signale par ailleurs qu’à dix-sept heures trente nous suspendrons l’examen de ce texte, afin de reprendre celui relatif aux offres publiques d’acquisition. Nous reviendrons au présent projet de loi à vingt et une heures trente.
La parole est à M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, nous travaillons sur ce texte depuis déjà plusieurs jours et plusieurs nuits. Nous avons mis beaucoup de temps avant de tomber d’accord sur les modalités de la discussion, ou tout au moins de trouver les moyens d’avancer.
S’agissant de l’article 13, je n’ai pas le sentiment que le débat ait été occulté et que, tant la commission que le Gouvernement, se soient contentés de réponses sibyllines sans jamais aborder le fond. Le compte rendu analytique et le compte rendu intégral de nos débats en font foi.
Chacun sait que l’amendement n° 261 dont nous allons reprendre la discussion est important. D’aucuns ont eu la possibilité d’intervenir autant qu’ils le souhaitaient, notamment en défendant des sous-amendements eux-mêmes très nombreux.
Il n’aura échappé à personne que tous ces sous-amendements ont pour caractéristique commune de s’intégrer dans un ensemble de propositions avec lesquelles on peut ne pas être d’accord, mais qui sont par essence frappées du sceau de la cohérence. Du reste, notre rapporteur a fait un effort louable de classification en donnant au préalable l’avis de la commission sur chaque catégorie de sous-amendements, afin que sa réponse ne soit pas morcelée. Voilà qui justifie, me semble-t-il, que les débats n’aient pas eu à être prolongés lors de l’examen formel de chacun d’eux. Bien entendu, je ne peux pas m’exprimer au nom du ministre, mais j’ai le sentiment qu’il partage la position de la commission.
Je ne pense pas que quiconque ait la volonté d’éluder les questions. Je suis, au contraire, persuadé de la très grande qualité de nos débats – et il suffit de lire la presse pour s’en convaincre. Ce faisant, je souhaite qu’ils se poursuivent dans le même esprit de sincérité et d’efficacité.
M. le président. La parole est à M. Dominique Richard, pour un rappel au règlement.
M. Dominique Richard. Je rappelle, à ceux qui l’auraient oublié, que nous entamons notre neuvième journée de débat sur ce texte, auquel plus de vingt séances ont déjà été consacrées depuis le mois de décembre. Alors que nous n’en sommes qu’à l’article 13 qui en comprend vingt-neuf, nous avons déjà passé plus de temps que nous n’en prenons habituellement pour deux lectures d’un projet. Il n’est donc pas sérieux de prétendre que les conditions d’un débat approfondi n’ont pas été réunies. Du reste, hier soir le débat s’est déroulé dans le respect des uns et des autres et nous avons avancé. Et c’est ce qu’attend de nouveau le groupe UMP, afin de servir la cause qui nous est commune. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Didier Mathus, pour un rappel au règlement.
M. Didier Mathus. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58.
Après un aller et retour rapide dans ma circonscription, j’ai découvert ce matin que l’acronyme du nom du ministre s’était enrichi d’une lettre : après l’adoption de l’amendement n° 150, c’est désormais RDDVV, c’est-à-dire Renaud Donnedieu de Vabres de Vivendi (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Christian Vanneste, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Ces propos sont vraiment insultants !
M. Dominique Richard. C’est consternant !
Mme Claude Greff. C’est honteux !
M. Michel Piron. Vraiment, cela n’élève pas le débat !
M. Didier Mathus. Cet amendement a été présenté au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique il y a quelques mois par la société Vivendi et repris par d’autres organismes.
M. Michel Piron. C’est lamentable !
M. Didier Mathus. La chargée des relations institutionnelles de la société Vivendi a fait le tour de l’Assemblée pour proposer son amendement, en toute bonne foi. Peut-être faudrait-il suspendre la séance pour vérifier dans les archives s’il est déjà arrivé à l’Assemblée d’adopter, pratiquement sans débat, un amendement servant aussi manifestement les intérêts d’une société privée.
M. Michel Piron. Mais pour qui nous prenez-vous ! C’est indigne !
M. Didier Mathus. Ma carrière de parlementaire est sans doute trop courte, mais je n’en ai pas le souvenir. J’aimerais que les services de l’Assemblée nous fournissent la réponse dans les minutes qui viennent.
M. Yves Jego. Pour qui vous prenez-vous et pour qui nous prenez-vous ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, ma disponibilité pour mener à bien ce débat est totale compte tenu de l’enjeu de société qu’il représente. Je ne répondrai à aucune des attaques personnelles au nom de la liberté d’expression. Il serait bon néanmoins que les présidents de groupe, qui sont parfois prompts à faire la leçon, soient informés des propos tenus par certains.
Sur un sujet très difficile, je souhaite passionnément faire prévaloir l’intérêt général. Il consiste tout simplement à faire naître une offre nouvelle dans le domaine culturel et artistique, dans le respect de la diversité culturelle, des droits des auteurs et des créateurs et de tous ceux qui travaillent dans la filière artistique. Il faut aussi tenir compte de l’impatience des internautes, de celles et ceux qui aspirent à bénéficier de cette offre nouvelle.
Nos débats méritent mieux que la caricature. L’information est si fluide qu’il faut veiller à ne pas propager d’idées fausses. Cela étant, vive la liberté d’expression et que chacun prenne ses responsabilités !
En ce qui concerne les articles 13 et 14 ainsi que les amendements après l’article 14, j’ai veillé à présenter l’architecture globale du texte. Chaque fois que c’est nécessaire, je réponds sur le fond et je ne crois donc pas pouvoir être accusé d’esquiver le débat démocratique. Vous ne parviendrez pas à me faire sortir de ma réserve, même si je dois subir des attaques personnelles qui ne sont pas à l’honneur de ceux qui les portent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Didier Mathus. Nous tenons un nouveau Saint Sébastien !
M. le président. Je demande dorénavant aux orateurs d’être brefs, pour que nous puissions entrer dans le vif du sujet.
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour un rappel au règlement.
M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, je commencerai par exprimer le souhait du groupe UDF de ne pas voir le débat se prolonger demain. Si je suis disponible toute la nuit, demain, en revanche, j’ai des obligations dans ma circonscription.
Le débat a été chaotique, certes, mais la disponibilité du ministre indéniable.
M. Yves Coussain et Mme Claude Greff. Bravo ! Il fallait le dire !
M. Jean Dionis du Séjour. Quant à l’amendement Vivendi, je me sens d’autant plus à l’aise pour en parler que je ne l’ai finalement pas voté. Après avoir entendu les arguments des défenseurs des logiciels libres, je me suis ravisé.
Mais je veux dire au groupe socialiste que sa critique de la méthode suivie est bien hypocrite. Nous ne pouvons nous forger une opinion qu’au contact des socioprofessionnels. Comment faire sinon ? Nous sommes des généralistes et nous n’avons pas la science infuse. Pour la loi relative à la confiance dans l’économie numérique dont j’ai été le rapporteur, nous n’avons pas procédé autrement. S’agissant de l’examen des projets de loi sur la transparence en matière nucléaire ou les déchets nucléaires, qui peut nier recevoir EDF ou Areva ?
Mme Claude Greff. Personne !
M. Jean Dionis du Séjour. C’est à nous de montrer que nous avons une colonne vertébrale et que nous savons faire la part des choses. Sur l’amendement Vivendi, je reconnais avoir changé d’avis, et j’assume. Trêve d’hypocrisie : le procès fait au ministre est parfaitement injuste ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Didier Mathus. Et Bayrou, qu’en pense-t-il ?
M. Jean Dionis du Séjour. Nous nous sommes mis d’accord. Ne me cherchez pas !
Chers collègues socialistes, nous commençons à nous fatiguer du double langage tenu par votre parti qui drague les internautes au Parlement, et les artistes à l’extérieur.
Mme Claude Greff. Il a raison !
M. Patrick Bloche. C’est la même chose à l’UDF !
M. Jean Dionis du Séjour. Au moins l’UDF a-t-elle fait l’effort de se mettre d’accord sur la licence globale ! Ça n’a pas été facile, mais nous avons pris position sur les plates-formes marchandes. Nous avons fait un effort de cohérence politique. Le Parti socialiste serait bien inspiré d’en faire autant et de quitter le registre de la leçon de morale ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mme Claude Greff. Voilà une intervention courageuse !
M. le président. Monsieur Dionis du Séjour, à l’heure où nous sommes, il n’est pas prévu de siéger demain. Comme je ne présiderai pas ce soir, je transmettrai vos souhaits à M. Bur qui décidera, en accord avec le ministre et la commission. Si nous devions siéger demain, la conférence des présidents devrait se réunir au préalable. Sachez que je viens d’avertir les services que j’étais disponible pour assurer la présidence des trois séances. Si vous ne voulez pas travailler demain, tirez-en les conséquences !
La parole est à M. Dominique Richard, pour un rappel au règlement.
M. Dominique Richard. Nous commençons à être excédés de voir M. Mathus se dresser en parangon de vertu. Mais puisqu’il en est ainsi, trouve-t-il normal qu’un député socialiste, de la Nièvre – il se reconnaîtra ! – mette à disposition, pendant qu’il est en séance, de deux lobbies, l’association Que Choisir ? et l’ADAMI, un bureau de l’Assemblée nationale à quelques mètres de l’hémicycle ?
M. Bernard Carayon. Cette question appelle une réponse !
M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur, pour un rappel au règlement.
M. Marc Laffineur. Je souligne d’un mot que le débat nous permet d’aller au fond d’un sujet extrêmement difficile. Les options peuvent être différentes et le ministre s’efforce avec beaucoup de brio de trouver un équilibre. Dans de telles conditions, les insinuations sur l’intégrité de tel ou tel ne grandissent pas nos collègues socialistes. C’est un jeu dangereux. Nous pouvons tous témoigner de l’objectivité, de l’honnêteté intellectuelle et du travail considérable accompli par notre ministre. Le groupe UMP est extrêmement choqué qu’un de nos collègues ait pu tenir pareils propos. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour un rappel au règlement.
Mme Martine Billard. Je me garderai bien d’intervenir dans les échanges entre l’UMP et le Parti socialiste, dont les représentants sont assez grands pour se défendre.
En tant que députée Verte, je souligne tout de même, et c’est le moins que l’on puisse dire, qu’il n’y a pas eu égalité de traitement dans les auditions. Pendant longtemps, les grands absents ont été les représentants du logiciel libre. Heureusement que le vote de décembre, auquel ont d’ailleurs pris part certains collègues de l’UMP, a suspendu le cours du débat ! Cela a au moins permis d’entendre les associations défendant les logiciels libres, même si elles n’ont guère été écoutées, à en juger par l’adoption de l’amendement n° 150. Sinon, une seule partie aurait été consultée sur l’aspect technique et informatique. Or c’est bien ce que nous reprochons. Personne ne peut contester qu’un gros travail ait été accompli sur tous nos bancs et beaucoup de temps consacré à rechercher des informations. Mais force est de constater que, pendant un temps au moins, toutes les parties prenantes n’auront pas été traitées à égalité.
M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour un rappel au règlement.
M. Patrick Bloche. Mon intention, monsieur le président, n’était pas de reprendre la parole car mon souci est de travailler au fond. Mais le Parti socialiste venant d’être mis en cause directement, je souhaiterais, tout simplement et comme il se doit, répondre.
Mme Claude Greff. Voilà qu’il joue l’offensé ! C’est un comble.
M. Patrick Bloche. Les propos de Didier Mathus n’ont fait que traduire une réalité que le débat fait éclater : dans cet hémicycle, les intérêts particuliers supplantent l’intérêt général.
M. Michel Piron. C’est inacceptable ! Torquemada !
M. Patrick Bloche. Or faire la loi, c’est servir l’intérêt général !
M. Michel Piron. Qui vous a dit le contraire ?
M. Patrick Bloche. Il ne s’agit en aucune façon, monsieur Dionis du Séjour, de refuser d’écouter les socioprofessionnels. La nullité de tout mandat impératif et le souci d’intégrité nous commandent de nous forger en conscience notre opinion, guidés par l’intérêt général qui devrait tous nous réunir.
Mme Claude Greff. Nous ne vous avons pas attendu pour le savoir ! Donneur de leçons !
M. Charles Cova. Il devient consensuel, maintenant !
M. Patrick Bloche. Je ne répondrai pas plus avant à M. Dionis du Séjour car, depuis le début du débat, l’UDF a tenu, sur toutes les questions que nous avons traitées, un discours à deux voix, totalement contradictoire : celle du président du parti, M. Bayrou, et la sienne.
M. Jean Dionis du Séjour. Absolument pas !
M. Patrick Bloche. Votre propos est caricatural et votre intervention nous a rappelé que l’UDF n’a aucun discours cohérent sur la question.
Monsieur le ministre, vous vous estimez victime d’attaques personnelles. La victimisation, nous le savons, est au goût du jour dans la sphère médiatico-politique. Mais de quoi parlez-vous ? À aucun moment, nous n’avons mis en cause votre intégrité ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Chers collègues, nous n’avons dirigé aucune attaque personnelle ni contre le ministre, ni contre le rapporteur. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Yves Coussain. Si !
M. Dominique Richard et M. Bernard Carayon. Il n’y a pas cinq minutes !
M. Michel Piron. Assumez donc vos propos !
M. Patrick Bloche. Depuis le 20 décembre dernier, pas un seul député de l’opposition n’a fait référence à une quelconque procédure judiciaire, ancienne ou en cours ! Nous avons laissées ces insinuations en dehors de l’hémicycle. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Nous avons en revanche été conduits à commenter la manière dont le débat actuel est mené : dire que le ministre, qui a pourtant fait preuve de professionnalisme sur le dossier des intermittents, même s’il est aujourd’hui coincé, a fait preuve d’amateurisme sur le droit d’auteur, ne constitue pas une attaque personnelle ! C’est se contenter d’émettre un avis qui est aujourd’hui très largement partagé par l’opinion, bien au-delà de l’hémicycle. Voilà trois semaines que, de nouveau, nous examinons ce texte ! Nous avons commencé à le faire la première fois le 20 décembre et nous sommes le 17 mars ! Je le répète : soutenir que le ministre n’a pas fait preuve de professionnalisme sur le sujet ne constitue pas une attaque personnelle : nous respectons sa personne et sa fonction – je l’ai encore rappelé hier.
M. Bernard Carayon. Dans ces conditions, que votre collègue présente des excuses.
M. Yves Jego. Que votre collègue retire ses propos !
M. Patrick Bloche. Je souhaite que nos débats retrouvent leur sérénité : l’intérêt général et lui seul doit guider les bancs de la majorité comme ceux de l’opposition.
M. Michel Piron. Nous n’avons pas besoin de vous pour le savoir !
M. Patrick Bloche. Didier Mathus n’a fait que réagir au vote, hier soir, de l’amendement n° 150 deuxième rectification, dont nous, députés de l’opposition, estimons en toute objectivité qu’il dessert l’intérêt général. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Michel Piron. Vous n’avez le monopole ni de l’intérêt général ni de sa définition !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
M. Christian Vanneste, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Mes chers collègues, je souhaite faire une mise au point.
Le soupçon qui a été clairement formulé, c’est que des intérêts privés pourraient présider à l’élaboration de la loi. Il faut en mesurer l’extrême gravité car il porte atteinte au respect que nous nous devons.
Tous ensemble, recouvrons notre sérénité en vue de poser autrement le problème.
M. Jean Dionis du Séjour. Exactement !
M. Christian Vanneste, rapporteur. Il est vrai que lorsque le Parlement légifère, les députés s’inspirent des débats de la société civile, et c’est légitime…
M. Jean Dionis du Séjour. Tout à fait !
M. Christian Vanneste, rapporteur. …puisqu’il nous appartient de trouver le chemin étroit de l’intérêt général entre des intérêts particuliers souvent divergents. Du reste, ces débats de la société civile se déroulent au sein d’instances officielles. Ils permettent de lancer des hypothèses ou de proposer des solutions que nous sommes en droit de prendre en compte.
En l’occurrence, les questions que nous traitons aujourd’hui ont fait l’objet d’un débat au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique. Ce n’est donc pas telle ou telle entreprise qui a suggéré de sanctionner les éditeurs de logiciels favorisant le piratage : cette idée est née du débat lui-même ! M. Sirinelli, dans son rapport, explique fort bien comment la commission s’est appuyée, pour arriver à une telle suggestion, sur les jurisprudences américaine et australienne relatives aux affaires « Grokster » et « Kasaa » – le rapport en fait une excellente analyse sur plusieurs pages. Cette idée n’est donc pas le fruit du hasard ! À la page quinze, M. Sirinelli indique clairement que les membres de la commission, qui ne représentent pas les seules entreprises, mais également le monde artistique et les associations familiales ou de consommateurs « s’accordent sur le fait qu’il serait judicieux de pouvoir également agir à l’encontre des éditeurs de logiciels de P2P illicite, plutôt que de poursuivre les internautes devant les tribunaux ». Tel est exactement notre objectif : ne pas considérer que les internautes sont les véritables coupables. N’est-ce pas d’ailleurs ce que vous demandiez à l’origine, alors même que vous nous accusiez de ne leur laisser le choix qu’entre la jungle et la geôle, comme l’a fort bien dit M. le ministre ? Nous avons trouvé un point d’équilibre, qui consiste à punir plus sévèrement ceux qui sont plus coupables. Je le répète : ce n’est pas telle ou telle entreprise, dont je vous prierai, d’ailleurs, de ne pas stigmatiser le nom, qui nous a suggéré d’adopter cette politique du juste milieu ! J’ajouterai qu’il est heureux que la France possède ces entreprises qui réussissent.
M. Patrick Bloche. Et selon vous les logiciels libres ne sont pas à l’origine de start up ?
M. Christian Vanneste, rapporteur. C’est donc bien la commission qui a formulé cette proposition : nous la faisons nôtre et nous en sommes légitimement fiers ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Comme je l’annonçais en début de séance, nous allons poursuivre l’examen des sous-amendements à l’amendement n° 261 du Gouvernement.
La parole est à M. Henri Emmanuelli, pour soutenir le sous-amendement n° 391.
M. Henri Emmanuelli. Monsieur le ministre, vous m’avez fait savoir par le biais de la presse que vous étiez toujours vivant : je n’en ai jamais douté ! Je m’étais simplement contenté de demander votre retrait, comme le font du reste certains journaux. Il ne s’agit pas d’une attaque personnelle. Ce qui est en cause, c’est votre texte. Il m’est d’ailleurs souvent arrivé de m’entendre dire cela : ce n’est pas infamant.
Monsieur Dionis du Séjour, selon vous, personne ne connaît la position du Parti socialiste.
M. Jean Dionis du Séjour. Elle est trouble, en effet.
M. Henri Emmanuelli. Elle serait ambiguë, voire démagogique.
M. Michel Piron. Elle est pour le moins plurielle !
Mme Martine Billard. C’est le cas de tous les groupes !
M. Henri Emmanuelli. Les parlementaires socialistes défendent ici le point de vue du groupe socialiste au nom du Parti socialiste…
M. Jean Dionis du Séjour. Et François Hollande ?
M. Henri Emmanuelli. …même si cela vous dérange !
Étant en charge des états généraux qui préparent le projet, je vous le confirme. Vous feriez mieux de vous préoccuper de l’homogénéité de votre propre famille politique !
M. Jean Dionis du Séjour. Elle est d’accord à 100 % sur le sujet !
M. Henri Emmanuelli. Mardi dernier, M. Bayrou s’est exprimé avec beaucoup de talent et une grande sérénité : je n’ai absolument pas eu le sentiment qu’il soutenait le même point de vue que vous.
Je reconnais certes – nous ne le cachons pas – qu’au début le Parti socialiste a connu un certain flottement sur la question et qu’il a hésité entre le point de vue des auteurs et compositeurs et celui…
Mme Claude Greff. C’est le moins qu’on puisse dire !
Mme Martine Billard. Et vous, en décembre dernier, sur le fameux amendement ? Vous étiez vingt-deux pour et vingt-six contre !
M. Dominique Richard. Nous assumons notre diversité.
M. Henri Emmanuelli. Nous sommes une formation importante et plurielle. Mais lorsque nos parlementaires sont en séance et défendent des points de vue,…
M. Jean Dionis du Séjour. Dites-nous alors la position du Parti socialiste sur la licence globale !
M. Henri Emmanuelli. Monsieur Dionis du Séjour, je n’ai pas à répondre à vos injonctions. Je vous ai écouté, ayez la correction de faire de même. Je vous répondrai sans que vous ayez besoin de m’interrompre. Je connais votre point de vue depuis le début et je sais que vous êtes isolé à l’UDF.
M. Jean Dionis du Séjour. Pas du tout !
M. Henri Emmanuelli. C’est votre affaire !
Mme Claude Greff. N’importe quoi ! Vous deviez défendre le sous-amendement n° 391 !
M. Henri Emmanuelli. Est-ce vous qui présidez, madame ? Monsieur le président, préside-t-elle ?
M. le président. Poursuivez, monsieur Emmanuelli.
M. Henri Emmanuelli. Nous sommes dans un débat politique ! Or M. Dionis du Séjour met en doute la position du Parti socialiste et vous, madame, vous dites : « N’importe quoi » ! J’ai entendu, et je comprends encore le français, tout de même !
M. le président. Monsieur Emmanuelli, ne vous laissez pas interrompre.
Mme Claude Greff. Vos collègues nous insultent !
M. Henri Emmanuelli. Je comprenais le français avant que vous ne soyez là et je le comprendrai encore quand vous ne serez plus là.
M. Charles Cova. Nous sommes ici pour discuter d’un texte !
M. Henri Emmanuelli. Je vous confirme, monsieur le ministre, messieurs les parlementaires, que le Parti socialiste est favorable à une taxation globale dont nous cherchons à déterminer intelligemment les modalités.
M. Jean Dionis du Séjour. Vous êtes donc favorables à la licence globale !
M. Henri Emmanuelli. Le Parti socialiste ne veut en aucun cas qu’on poursuive les internautes et qu’on condamne le téléchargement car, chacun le sait, c’est un facteur de libération, de formation et d’information – je le rappelle pour le cas où vous ne l’auriez pas compris, en dépit des heures si nombreuses passées en séance sur le sujet !
Nous ne sommes évidemment pas opposés à la rémunération des artistes, auteurs, compositeurs et interprètes : à plusieurs reprises, du reste, des parlementaires ici présents vous ont expliqué comment on pouvait établir une rémunération intelligente. Aujourd’hui, notre pays compte 8,9 millions d’internautes et ils seront sous peu 15 millions. Si nous avons su taxer les supports vierges, nous saurons également trouver une assiette permettant de rémunérer correctement les créateurs sans transformer pour autant tous les internautes de ce pays en quasi-délinquants.
Telle est la position du Parti socialiste. C’est celle de M. Mathus, de M. Bloche et de tous ceux qui se battent avec courage depuis des semaines pour la liberté – je les en félicite.
Quant au sous-amendement n° 391, il consiste à garantir l’accès des handicapés au téléchargement. Sa formulation et ses objectifs sont explicites. J’espère que le Gouvernement y sera favorable, car je ne comprendrais pas les raisons qui pourraient le pousser à le rejeter, compte tenu surtout des assurances en la matière qui nous ont été données aussi bien par M. le ministre que par M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Vanneste, rapporteur. Défavorable.
Ce sous-amendement est déjà satisfait par l’amendement gouvernemental. J’ai du reste déjà donné la réponse de la commission sur le sujet lors de la discussion de l’amendement n° 390 et, de façon plus générale, lors de mon intervention liminaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre de la culture et de la communication. Défavorable, pour les mêmes raisons que la commission.
Le sous-amendement n° 391 est déjà satisfait par les amendements nos 272 et 257. L’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle tel qu’il résulte de l’adoption de l’amendement du Gouvernement n° 272 prévoit déjà que les ouvrages imprimés mis à la disposition du public devront être déposés auprès d’organismes désignés par les titulaires des droits et agréés par l’autorité administrative dans un format ouvert, c’est-à-dire un format de données dont les spécifications techniques sont publiques et sans restriction d’accès ni de mise en œuvre pour être rendues accessibles aux organismes précités. Par ailleurs, l’amendement n° 257 de la commission adopté à l’article 9 précise que le collège des médiateurs est chargé des mesures techniques permettant cette exception à laquelle nous sommes tous légitimement attachés.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 391.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux sous-amendements, nos 385 rectifié et 292, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Didier Mathus, pour soutenir le sous-amendement n° 385 rectifié.
M. Didier Mathus. Ce sous-amendement de repli apporte une précision fondamentale qui vise à sauver l’essentiel en matière de logiciel libre. Il prévoit que « les dispositions du présent titre ne permettent pas d’interdire la publication du code source et de la documentation technique d’un logiciel interopérant pour des usages licites avec une mesure technique de protection d’une œuvre. »
Ce sous-amendement tend donc à s’assurer que le logiciel libre ne sera pas impacté par les dispositions prévues pour réprimer le contournement de mesures techniques de protection à des fins de contrefaçon. Il est justifié par la nature juridique du logiciel libre. Un logiciel est en effet dit libre si sa licence d’utilisation donne quatre libertés à ses utilisateurs : celle d’exécuter le logiciel, comme il le souhaite, notamment sans avoir à payer quoi que ce soit ; celle d’étudier son fonctionnement ; celle de le modifier ; celle de le redistribuer. Notre sous-amendement vise donc à protéger le logiciel libre.
Je tiens du reste à souligner que les mesures que la majorité s’apprête à adopter se révéleront vaines du fait que le propre d’un logiciel libre est d’agréger des solutions logicielles émanant d’internautes du monde entier. Un même système de logiciel libre peut être composé d’agrégats qui proviennent de tous les continents, et qui, en tant que tels, sont soumis à des législations très différentes. Monsieur le rapporteur, pouvez-vous nous expliquer comment la police française poursuivra les développeurs de logiciels libres aux quatre coins du monde ?
M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir le sous-amendement n° 292.
Mme Martine Billard. Le sous-amendement n° 292 va dans le même sens. Il propose en effet que « les dispositions du présent article n’interdisent pas la distribution du code source d’un logiciel indépendant interopérant avec une mesure technique ».
Si cette précision n’est pas adoptée, c’est la mort du logiciel libre, puisque l’accès au code source conditionne son existence. Pourquoi, du reste, refuser l’accès au code source d’un logiciel indépendant interopérant avec une mesure technique ? Chacun le sait, ce sont tous les dispositifs imaginés visant à empêcher les copies illégales qui sont contournés. À titre d’exemple, les logiciels qui n’autorisent que des copies de sauvegarde voient leur protection contournée par des informaticiens qui réussissent à effectuer des copies illégales. Il sera donc très difficile d’empêcher le contournement des mesures techniques à venir.
Ce n’est pas en bridant le logiciel libre que vous réaliserez votre objectif puisque ceux qui cassent les protections ne passent pas nécessairement par de tels logiciels. Nous l’avons rappelé au cours du débat : il est malheureusement vrai que des informaticiens ont déjà réussi à pénétrer des réseaux informatiques d’entreprises, même liées à la défense nationale de certains pays – dont les États-Unis.
Les systèmes de protection que certains informaticiens inventent, d’autres informaticiens parviennent à les détruire. Fort de cette réalité, source d’indéniables dangers, j’estime que ce n’est pas, une fois encore, en s’en prenant aux outils qu’on empêchera le contournement des mesures techniques de protection.
Le sens de cet amendement est donc d’assurer l’utilisation du logiciel libre pour l’exercice des exceptions pour copie privée prévue par la loi, voire par des accords signés par la France, sur le contenu desquels nous n’avons jamais réussi à obtenir d’explications de la part de M. le ministre.
Quoi qu’il en soit, il reste fondamental de laisser cette fenêtre ouverte, sans quoi le logiciel libre risque d’être mis à mort.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux sous-amendements ?
M. Christian Vanneste, rapporteur. Avis défavorable, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire hier.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre de la culture et de la communication. Avis défavorable pour ces deux sous-amendements. Je me suis également exprimé sur ce point hier.
Rien dans la rédaction proposée par le Gouvernement n’interdit la publication du code source d’un logiciel indépendant. La lecture d’un DVD sous logiciel libre – Linux ou tout autre système – est parfaitement légale.
C’est extraordinaire ! Nous avons beau garantir le droit à l’exception pour copie privée, vous nous accusez de faire l’inverse. Or, nous rappelons ce principe pour la première fois depuis 1985, à la suite de l’introduction de l’Internet. De même, nous sommes fiers du capital scientifique exceptionnel de jeunes entreprises françaises. Aussi, cette sorte de procès fait au Gouvernement sur la question du logiciel libre, n’a pas lieu d’être.
Je rappelle, pour finir, ce que j’ai dit hier : un code source doit être soumis aux mêmes règles que le logiciel correspondant. Il est notamment nécessaire d’éviter qu’un code source puisse contenir des indications telles qu’un commentaire, par exemple, facilitant une atteinte au droit d’auteur. Voilà les principes positifs qui conduisent le Gouvernement à se prononcer défavorablement sur ces deux sous-amendements.
M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.
M. Frédéric Dutoit. Je soutiendrai pour ma part sans réserve ces sous-amendements, rappelant à l’instar de Mme Boutin, qu’aucune clause de la directive européenne ne fait référence à la diffusion du code source.
Monsieur le ministre, votre hostilité à la diffusion du code source repose sur une analyse erronée selon laquelle cette diffusion constituerait un risque pour la sécurité des mesures techniques. Vous en concluez que l’on devrait la limiter. Toutefois, votre position est antinomique avec la prétention de défendre le logiciel libre et son mode de développement.
En refusant ce sous-amendement, monsieur le ministre, il est une fois de plus manifeste que vos actes ne suivent pas vos paroles, bref, que vous vous acharnez à nous vendre du vent pour ne servir finalement que quelques intérêts particuliers fort éloignés de ceux des auteurs.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 385 rectifié.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 292.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. Christian Paul. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour un rappel au règlement.
M. Christian Paul. Mon rappel au règlement n’est pas fondé sur des considérations personnelles, alors que ce pourrait très bien être le cas, mais sur l’organisation de nos travaux.
En mon absence – ce qui n’est pas un gage d’élégance –, j’ai été mis en cause par M. Dominique Richard au nom du groupe UMP.
M. Dominique Richard. Non ! Et si vous vous reconnaissez, alors c’est un aveu !
M. Christian Paul. J’y vois plus une maladresse incorrigible de notre collègue, genre de maladresse dont il est coutumier depuis le début de ces travaux, qu’une volonté de diffamer qui mériterait éventuellement explication en dehors de l’hémicycle.
M. Charles Cova. Il relance la « guéguerre ».
M. Christian Paul. Je n’en ferai pas une affaire personnelle, monsieur le président. C’est en effet sur le terrain politique qu’il faut se placer pour répondre à l’attitude bien peu élégante de notre collègue.
Avec d’autres députés nous avons accueilli, à plusieurs reprises…
M. Jean Dionis du Séjour. Merci de le reconnaître !
M. Christian Paul. Laissez-moi terminer !
M. le président. Pas d’interruptions, je vous prie !
M. Christian Paul. Nous avons accueilli tous les acteurs de ce débat, en particulier les représentants des dizaines de milliers d’artistes, et les représentants des millions de consommateurs.
Or, monsieur Richard, quel que soit mon respect pour tous les acteurs de ce dossier, je ne mettrai jamais une entreprise multinationale qui tente par tous les moyens dont elle dispose, et ils sont nombreux et puissants, y compris dans les médias, de défendre ses intérêts et ceux de ses actionnaires,…
M. Dominique Richard. Ce n’est pas la question !
M. Christian Paul. …sur le même plan que des sociétés de gestion de droits, représentant des dizaines de milliers d’artistes, ou des associations de consommateurs.
Ces associations se battent d’ailleurs parfois contre les mêmes intérêts. J’espère, à cet égard, que nous examinerons, dans quelques semaines, la proposition de création d’une commission d’enquête parlementaire sur la gestion du service public de l’eau.
M. Charles Cova. Encore une commission !
M. Christian Paul. Et vous pourrez facilement faire le lien avec le sujet qui nous occupe puisque, de nouveau, nous retrouverons de grands groupes…
M. Henri Emmanuelli. Puissamment armés.
M. Christian Paul. …puissamment armés pour certains, comme le dit M. Emmanuelli, face à des associations défendant avec opiniâtreté les intérêts de nos concitoyens…
Mme Claude Greff. Et nous, que faisons-nous d’autre ?
M. Christian Paul. …– je pense notamment à l’UFC-Que Choisir –, qui ne sont pas des groupes d’intérêts économiques mais représentent les consommateurs…
Mme Claude Greff. Le peuple, c’est nous qui le représentons !
M. Christian Paul. Consommateurs qui sont aussi vos électeurs, madame Greff, bien sûr.
Libre à vous d’organiser des débats, certes. Je regrette pour ma part d’autant moins de l’avoir fait que quand le président de l’Assemblée nationale, il y a une quinzaine de jours, a souhaité nous permettre de rencontrer les parties prenantes, certaines comme l’ADAMI n’ont jamais été conviées. Dès lors, pour intéressantes qu’elles furent, ces réunions étaient totalement déséquilibrées dans leur composition. Aussi ne nous situons-nous pas sur le terrain personnel.
M. Charles Cova. Il s’agit d’un bien long rappel au règlement ! On déborde !
M. Christian Paul. Je déplore vraiment, monsieur Richard, votre attitude, et nous nous en expliquerons en dehors de l’hémicycle.
En revanche, sur le terrain politique, organiser des débats aurait été à l’honneur de l’Assemblée nationale,…
M. Charles Cova. Quel baratin !
M. Christian Paul. …au lieu de quoi elle a refusé la constitution d’une mission d’information parlementaire.
Ce refus a conduit le Gouvernement à un fiasco parlementaire sans précédent sous cette législature. Aussi est-il normal que nous puissions organiser des débats publics auxquels inviter nos collègues, afin de contribuer à l’élaboration de notre réflexion. Si vous aviez organisé ce genre de débats plus souvent, monsieur Richard, sans doute auriez-vous dit moins de bêtises au cours de cette discussion.
M. le président. La parole est à M. Dominique Richard, pour un rappel au règlement.
M. Dominique Richard. Je pense qu’il est malsain de passer son temps à stigmatiser…
Mme Claude Greff. Tout à fait !
M. Dominique Richard. …une grande entreprise culturelle française qui, monsieur Paul, n’a pas que des actionnaires, mais offre des milliers d’emplois à nos concitoyens.
Ensuite, nul ne reproche à chaque député qui prépare un débat de rencontrer les uns et les autres, attitude bien naturelle pour nourrir sa réflexion. Libre à chacun d’entre nous, en effet, de se forger sa propre conviction.
Ce que j’ai dénoncé tout à l’heure, sans d’ailleurs nommer personne – mais vous vous êtes reconnu, monsieur Paul –, c’est qu’un bureau de l’Assemblée nationale, à quelques encablures de l’hémicycle, puisse être mis à disposition permanente de certains, sans que des parlementaires y soient présents pendant que nous siégeons. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Didier Mathus. Et la FNAC et Virgin installés dans la salle des conférences, cela ne vous gêne pas ?
Mme Martine Billard. Et il y en a d’autres, de ce côté !
M. Dominique Richard. Le seul conseil que je vous donne est de leur dire, la prochaine fois, d’au moins fermer la porte. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Mme Martine Billard. Avant de donner des leçons, observez ce qui se passe dans vos propres rangs, vous aurez des surprises !
M. le président. Nous reprenons l’examen des sous-amendements à l’amendement n° 261.
La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir le sous-amendement n° 294.
Mme Martine Billard. Revenons à notre discussion. L’article que nous examinons porte sur la sécurité des mesures techniques de protection. Nous devrions, parallèlement, nous préoccuper de la protection des informations qui circulent sur l’Internet.
Ce sous-amendement a donc pour objet de préciser qu’on ne peut autoriser la mise en place de dispositifs matériels ou logiciels qui permettent la surveillance de données émises, traitées ou reçues par les personnes, sans autorisation préalable de l’autorité judiciaire.
Ce me semble un minimum : quand les autorités procèdent à l’écoute de conversations téléphoniques, c’est à la suite d’une autorisation judiciaire. Or, nous nous trouvons quelque peu dans le même cas de figure. D’ailleurs, le sujet est d’importance puisque la CNIL en a déjà été saisie. Aussi m’apparaît-il très important de ne pas permettre une surveillance permanente et continue des échanges de données sur l’Internet indépendamment de toute décision judiciaire.
Nous devons absolument encadrer ces techniques qui se développent. En effet, comment les personnes s’estimant injustement victimes de surveillance vont-elles pouvoir protester si la loi ne précise pas dans quel cadre cette surveillance est exercée ?
Nous reviendrons, certes, sur ces dispositions après l’article 14, lors de l’examen d’un amendement du Gouvernement. Toutefois, alors que nous en sommes à la partie technique, le moment me semble bien choisi pour les introduire dans le texte, ce qui permettrait de lever toutes les ambiguïtés et faciliterait le travail de la CNIL.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Vanneste, rapporteur. Avis défavorable puisque le Conseil constitutionnel d’abord, la CNIL ensuite, veillent à ce que l’autorité judiciaire soit saisie dans ce cas. Du reste, la surveillance de l’Internet est plus précise pour les sites légaux que pour les logiciels pirates vecteurs de spams et de virus préjudiciables aux internautes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre de la culture et de la communication. Je vous l’ai rappelé hier : les dispositions protectrices de la vie privée adoptées en 2004, et modifiant la loi de 1978, sont pleinement applicables.
La CNIL peut notamment contrôler les traitements automatisés de sa propre initiative ou à la demande de consommateurs. Je souhaite préciser par ailleurs que l’amendement n° 273 déposé par M. Bernard Carayon, répond à cette même préoccupation, raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable à ce sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.
M. Jean Dionis du Séjour. Le sous-amendement de Martine Billard – qui fait un excellent travail depuis le début de la discussion –, pose un problème de fond.
Les DRM ont plusieurs fonctions : chiffrement du contenu, transmission de clefs, gestion des droits mais aussi traçabilité. Ainsi, à partir des DRM, on peut savoir où est passé le contenu, ce qui pose le problème du respect de la vie privée. Je crois donc que l’intérêt de l’amendement de Martine Billard est de rappeler l’existence d’un danger potentiel.
Faut-il toutefois traiter une question aussi lourde par le biais d’un amendement ? Je ne pense pas. M. le rapporteur a raison de rappeler qu’elle relève de la compétence de la CNIL et du Conseil constitutionnel. Cela dit, nous ne devons pas nous montrer angéliques quant aux DRM que nous défendons et qui font partie de la directive européenne. Reste en effet à les encadrer, mais pas au moyen d’un simple amendement ; nous devons sur ce point mener un vrai débat afin de pouvoir exercer une vraie surveillance.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 294.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. J’appelle maintenant le sous-amendement n° 379 rectifié.
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le soutenir.
M. Jean Dionis du Séjour. Le premier signataire de ce sous-amendement est M. Bayrou, ce qui me donne l’occasion de répondre à M. Emmanuelli. Ce que celui-ci a eu l’honnêteté intellectuelle de reconnaître pour le Parti socialiste vaut également pour l’UDF : nous avons abordé ce texte avec des sensibilités différentes et ne le nions pas. C’est bien pourquoi nous avons fait le travail que l’on attend d’une famille politique et que, au bout du compte, nous pouvons affirmer aujourd'hui que la position de l’UDF est parfaitement homogène et claire : nous soutenons l’émergence d’un nouveau modèle de plates-formes commerciales et nous nous opposons à la licence globale, nous sommes pour une échelle de sanctions raisonnable, pour le droit à la copie privé, pour la promotion du logiciel libre, mais nous refusons la création du collège de médiateurs et ce qui s’est passé le 21 décembre.
Je remercie Henri Emmanuelli d’avoir, pour son camp, levé l’impression de double langage que nous pouvions avoir, avec au Parlement le groupe socialiste draguant les internautes, et ailleurs le parti draguant les artistes. Il est maintenant établi que le Parti socialiste est pour la licence globale. Eh bien nous, à l’UDF, nous sommes contre, qu’il s’agisse de Bayrou ou de Dionis.
M. Christian Paul. Vous ne boxez pas dans la même catégorie !
M. Jean Dionis du Séjour. Étant le porte-parole de mon groupe sur ce texte, il m’appartient d’apporter cette petite explication, mon cher collègue.
Mme Claude Greff. Bravo !
M. Dominique Richard. C’est en effet une clarification intéressante.
M. Jean Dionis du Séjour. J’en viens maintenant au sous-amendement n° 379 rectifié, que je défendrai en même temps que le sous-amendement suivant, n° 412.
Il s’agit de préciser que les plates-formes marchandes doivent être accessibles non seulement pour les navigateurs commerciaux – ceux que des sociétés élaborent au moyen de technologies DRM maîtrisées dont elles sont propriétaires, comme c’est le cas pour Microsoft –, mais aussi pour les navigateurs issus du logiciel libre, tel le navigateur Mozilla Firefox. Il convient de veiller à l’égalité d’accès aux plates-formes et la nature du navigateur ne doit pas constituer un frein.
Tel est l’objet de ces deux sous-amendements que l’UDF soutient, je le répète, à cent pour cent.
M. le président. Le sous-amendement n° 412 vient donc d’être défendu.
Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements nos 379 rectifié et 412 ?
M. Christian Vanneste. Défavorable, car ils n’ont pas leur place dans ce texte.
La disposition que tend à introduire le premier relève davantage du commerce en ligne que du droit d’auteur. Elle rattache une modification du code de la consommation à un amendement qui tend à insérer de deux nouveaux articles dans le code de la propriété intellectuelle.
La disposition que tend à introduire le second n’a pas plus sa place dans le projet : la question des logiciels libres y est posée sous l’angle de la concurrence, ce qui n’est guère pertinent dans un texte consacré au droit d’auteur.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux sous-amendements ?
M. le ministre de la culture et de la communication. Les amendements à l’article 7, qui permettent la mise en œuvre de l’interopérabilité – avancée considérable que nous avons réalisée ensemble – répondent à l’objectif poursuivi par ces sous-amendements. Cette interopérabilité est l’affaire des fournisseurs de mesures techniques visées notamment par l’amendement n° 253, et non des services de vente en ligne, qui ne sont que des utilisateurs des mesures techniques. De plus, ces sous-amendements tendent à interdire l’utilisation de nouveaux protocoles, ce qui pourrait aboutir à interdire aussi des mises à jour nécessaires à la protection des œuvres et à la sécurité, telles qu’elles existent fréquemment, par exemple, pour les logiciels et les systèmes de cryptage des chaînes de télévision. J’émets donc un avis défavorable aux deux sous-amendements.
M. Jean Dionis du Séjour. Dommage !
M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.
M. Patrick Bloche. Je suis loin d’être convaincu par les réponses du rapporteur et du ministre à M. Dionis du Séjour !
Par ailleurs, nous en arrivons à la fin de la discussion de l’amendement gouvernemental n° 261. Après avoir réexaminé celui-ci en détail, je souhaiterais poser au rapporteur et au ministre une question précise à laquelle j’aimerais obtenir une réponse précise. L’exposé sommaire indique que l’amendement « clarifie les incriminations du contournement des mesures techniques de protection des œuvres et d’atteinte aux informations protégées portées sur les œuvres, en mettant en place un système de réponse pénale graduée » – ce système de réponse que le monde entier nous envie… (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Christian Paul. Et même au-delà !
M. Patrick Bloche. Il est ensuite précisé que trois niveaux de responsabilité pénale sont ainsi distingués, dont un premier correspond à six mois d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende et un deuxième, qui vise les hackers, consiste en une amende de 3 750 euros. C’est le troisième niveau qui me préoccupe : il est indiqué que « le détenteur ou l'utilisateur de logiciels mis au point pour le contournement, qui profite des moyens mis à sa disposition pour s'affranchir des mesures de protection, relèvera d'une contravention de la quatrième classe – 750 euros d'amende –, qui sera créée par un décret en Conseil d'État ».
Il conviendrait d’effectuer un travail complémentaire sur les articles nouveaux, L. 335-3-1 et L. 335-3-2, introduits par cet amendement dans le code de la propriété intellectuelle, afin de préciser que le 2° du II de l’article L. 335-3-1 et le 2° du II de l’article L. 335-3-2 ne sont pas applicables à la détention ou à l’utilisation d’un logiciel mis au point pour le contournement à des fins personnelles. N’avez-vous pas indiqué en effet, monsieur le ministre, que ces dispositions ne s’appliquaient pas au téléchargement ?
En l’état, le troisième point de l’exposé sommaire n’est qu’une déclaration d’intention, car on ne retrouve pas les dispositions qu’il vise dans l’amendement n° 261. Il y a là un réel problème : l’amendement ne distingue pas les niveaux de peines mentionnés dans l’exposé sommaire qui l’accompagne. Une modification est indispensable.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. le ministre de la culture et de la communication. Franchement, nous sommes dans le procès d’intention ! L’exposé sommaire de l’amendement n° 261 est une description exacte de ce que sera le système applicable. Certains des aspects de ce système relèvent de la loi, et singulièrement de la loi pénale, qui est d’interprétation stricte, d’autre relèvent du pouvoir réglementaire, mais je voulais que personne n’en ignore. Voilà pourquoi les catégories de responsabilités sont indiquées. Vous verrez après l’article 14 que ce qui relève de la contravention – les fameux 38 euros pour téléchargement illégal – sera expliqué de la même façon. Cette démarche procède de notre volonté de transparence et de clarté. Nous voulons qu’au terme de ce débat vous ayez eu connaissance de l’intégralité des données, et que ceux qui nous observent sachent exactement quelle est la règle du jeu.
Je refuse toute caricature. Il est partial de ne braquer les projecteurs que sur un élément de la responsabilité, alors que l’objectif que le Gouvernement propose au législateur est, je le répète, la différenciation des responsabilités en fonction des actes incriminés. On ne peut me reprocher d’évoquer dans un exposé sommaire ce qui ne relève pas directement du domaine de la loi : c’est pour votre information que je le fais, et, au-delà, pour que cette information soit transmise.
M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.
Mme Martine Billard. Monsieur le ministre, pourquoi prenez-vous nos questions si mal ? Nous essayons de comprendre : n’y voyez pas reproche de notre part !
J’entends bien que la contravention sera créée par un décret en Conseil d’État, mais je crains que ce système ne finisse par rendre possible une double peine. En effet, l’exposé sommaire indique que « le détenteur ou l’utilisateur de logiciels mis au point pour le contournement, qui profite des moyens mis à sa disposition pour s’affranchir des mesures de protection, relèvera d’une contravention », tandis que le téléchargement, comme nous le verrons après l’article 14, sera aussi passible d’une amende.
M. Didier Mathus. Comme en Chine !
Mme Martine Billard. Si l’internaute télécharge au moyen d’un logiciel mis au point pour le contournement, sera-t-il passible des deux peines ? C’est l’œuvre qui est mise sous surveillance, et non les internautes, ne cessez-vous de nous répondre. Ce n’est pas chercher à vous embêter que d’essayer de comprendre la traduction concrète de tout cela ! Dès lors qu’un projet de loi prévoit des dispositifs de sanction, le législateur se demande comment ces dispositifs seront mis en place, afin de déterminer s’ils sont bien dans l’esprit du texte qu’il va voter et si des recours peuvent s’exercer. Qu’importe si le recours est abusif : le droit au recours existe. Encore faut-il que la sanction apparaisse très clairement au départ !
Tel est le sens de nos questions sur le troisième point de l’exposé sommaire. Pour ma part, je crains que la disposition annoncée ici ne puisse se cumuler avec la sanction que nous allons bientôt discuter et n’ouvre la voie à une double peine.
M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.
M. Patrick Bloche. Mme Billard a fort bien compris quelle est notre préoccupation. Étant donné la rédaction de l’amendement n° 261, pourquoi l’amendement n° 263, deuxième rectification, portant article additionnel après l’article 14, prévoit-il que les dispositions du chapitre IV ne s’appliqueront pas ? Il y a là une vraie contradiction et un risque évident de double peine, que seules des précisions apportées à l’amendement n° 261 pourraient dissiper.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 379 rectifié.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 412.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 261, modifié par les sous-amendements adoptés.
(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 13 est ainsi rédigé et les autres amendements à l’article 13 n’ont plus d’objet.
M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 14.
La parole est à M. Patrick Bloche.
M. Patrick Bloche. Compte tenu du parallélisme entre les articles 13 et 14, je voudrais revenir sur la réponse graduée.
Comme je l’ai dit hier à propos de l’article 13, la réponse graduée procède d’une logique défensive, que la direction de la prévision et le Conseil d’analyse économique ont parfaitement décrite, conduisant à mener une guerre de retardement, avec tranchées et lignes Maginot.
M. Michel Piron. Quelle métaphore !
M. Patrick Bloche. La réponse graduée n’apporte pas de solution à la crise économique de la filière musicale, les ventes de titres réalisées sur les plateformes plafonnant à un niveau très bas et ne compensant pas la chute des revenus tirés de la vente des CD. De plus, la part des ventes allouée aux auteurs par les plateformes de musique en ligne est encore inférieure à celle dont ils bénéficient sur les CD. Il est à noter, d’ailleurs, que le produit des contraventions n’ira pas aux titulaires de droits, mais au budget de l’État.
Comme la première phase de poursuites judiciaires, la réponse graduée vise à contraindre les internautes à se tourner vers les plateformes de musique en ligne commerciales.
M. le ministre de la culture et de la communication. Légales ! Ce n’est pas la même chose !
M. Patrick Bloche. C’est l’objectif avoué que vous visez, monsieur le ministre, vous l’avez dit à plusieurs reprises. Mais c’est un pari qui fait l’impasse sur les limites mêmes des plateformes commerciales : limitation des usages par les DRM ; non-interopérabilité avec les baladeurs – opérabilité dont nous considérons, malgré l’article 7 dont vous vous glorifiez, qu’elle n’est globalement toujours pas assurée – ; étroitesse des catalogues ; ergonomie médiocre ; coût des œuvres élevé, largement aligné sur celui des supports physiques ; absence d’offres forfaitaires en France alors qu’elles existent dans d’autres pays.
La réponse graduée traduit aussi la défiance du Gouvernement vis-à-vis des juges, nous l’avons dit et le répétons. Depuis deux ans, la vague de procès, qui procédait d’une logique d’intimidation des internautes – des procès pour l’exemple ! – tourne au désavantage des titulaires de droits. Les tribunaux tendent à assimiler de plus en plus régulièrement téléchargement et copie privée. Les condamnations portent essentiellement sur les actes à finalité commerciale ou la copie sauvage de logiciels, ce qui exclut la copie privée. D’ailleurs, nous l’avons tous remarqué, les peines prononcées tendent à baisser.
Nous l’avons également dit à plusieurs reprises, la réponse graduée pose des problèmes au regard des libertés publiques. La question de l’identification des infractions n’est pas encore résolue, celle de la preuve non plus. Quant au dispositif des garanties procédurales pour les personnes poursuivies, il aura pour effet de susciter des systèmes de camouflage, qui rendront impossible de savoir ce qui est copié. Il risque aussi de délégitimer le droit d’auteur, auquel nous sommes tous attachés.
Enfin, la réponse graduée pose un dilemme en matière de répression. Le téléchargement étant un phénomène de masse, la répression, pour être dissuasive, doit être massive, frapper des milliers de personnes. Pour que le dispositif permette de poursuivre un grand nombre de personnes, il doit, à l’instar des radars et des amendes automatiques, être automatisé. Mais c’est prendre des libertés avec les libertés publiques. Et si l’on veut les respecter et préserver les droits des personnes, le dispositif sera inefficace, il n’aura pas les effets dissuasifs attendus et des millions d’internautes français continueront à partager des fichiers sans assurer une rémunération supplémentaire à la culture. Violer les libertés publiques ou banaliser, en abaissant à 38 euros le niveau de la sanction pour des actes qui jusqu’à présent exposaient à trois ans de prison et 500 000 euros d’amende, tel est le dilemme auquel vous êtes confronté. Pour 38 euros, les internautes prendront le risque de télécharger et de partager des fichiers, parce que les réseaux peer-to-peer leur offrent une diversité de choix qu’ils ne trouvent ni sur les plateformes commerciales ni chez les disquaires, depuis longtemps.
M. le président. La parole est à M. Christian Paul.
M. Christian Paul. Monsieur le ministre, je ne peux m’empêcher de vous faire une réflexion, que beaucoup d’entre nous, je crois, partagent. Quand nous avons repris le débat il y a quinze jours, nous étions persuadés de pouvoir enfin participer à un grand débat de politique culturelle. Nous pensions qu’était enfin venu le temps de débattre de la manière dont l’Internet allait faciliter l’accès à la culture, des solutions concrètes que vous alliez proposer, qui concilieraient le respect du droit des auteurs et cet objectif de culture pour tous, qui doit être, me semble-t-il, le but de tout ministre de la culture. Or hier, nous avons eu l’impression d’entendre un ministre de l’intérieur bis, mettant en place sa police de l’Internet, et aujourd’hui, plutôt un garde des sceaux bis, égrenant, tel un moderne Beccaria, son échelle des délits et des peines.
M. Jean Dionis du Séjour. Fichtre !
M. Christian Paul. Mais de ministre de la culture, point ! Nous n’en sommes que plus préoccupés par les déclarations du président de l’UMP, M. Sarkozy, qui répète urbi et orbi qu’il mettrait volontiers fin à l’existence d’un ministère de la culture autonome. Il ne dit pas s’il l’expédierait place Vendôme ou place Beauvau. D’ailleurs, il semblerait plutôt que ce soit rue de Grenelle. Dans tous les cas, quelle régression !
M. le ministre de la culture et de la communication. Jack Lang !
M. Christian Paul. Il vous reste quelques heures, monsieur le ministre, pour prouver qu’il existe encore en France un ministère de la culture, et non pas simplement un nouveau rédacteur du code pénal. La lecture de nos débats témoigne du temps que nous avons consacré aux différents sujets : on a beaucoup parlé de business et de répression, mais pas beaucoup de culture !
S’agissant de l’article 14, je souhaiterais savoir comment vous entendez faire constater ces infractions.
M. le ministre de la culture et de la communication. Nous verrons cela après l’article 14 !
M. Christian Paul. Nous n’avons toujours pas compris, tant vos réponses furent évasives, si nous étions dans le modèle du radar automatique ou dans celui de la contredanse pour stationnement interdit.
M. Henri Emmanuelli. L’intervention des CRS sur l’Internet, ce n’est pas encore au point !
M. Jean Dionis du Séjour. Pas si sûr !
M. Christian Paul. S’agit-il d’automatiser ces constats ? À ma connaissance, il n’existe à ce jour aucune base légale pour utiliser un constat automatique des contraventions de téléchargement, ce qui risque de vous causer quelques soucis avec la CNIL, le Conseil constitutionnel et peut-être les associations d’intérêt public qui défendent les intérêts des consommateurs. S’agit-il de procéder à des sortes de prises d’otages auxquelles on assiste depuis un an et demi, qui consistent à sélectionner quelques internautes pour les conduire devant les tribunaux ? Quelle serait la valeur d’un tel constat dès lors qu’il n’existe aucune base légale pour asseoir la force probante d’un constat informatisé des contraventions pour téléchargement ? Comment seraient collectées ces infractions ? Telles sont les questions que pose l’article 14.
M. le président. La parole est à M. Didier Mathus.
M. Didier Mathus. Après l’article 13 relatif aux droits d’auteur, l’article 14, qui s’applique aux droits voisins, est tout aussi emblématique de ce projet de loi que le monde entier nous envie, à entendre le ministre.
M. Christian Paul. Et la galaxie aussi !
M. Didier Mathus. On le comprend puisque, en matière de liberté sur l’Internet, il va situer la France quelque part entre la Chine et l’Ouzbékistan.
M. Bernard Carayon. Très drôle !
M. Christian Paul. La Chine, c’est plus porteur !
M. Dominique Richard. Notez que c’est un pays socialiste !
M. Didier Mathus. D’ailleurs, lors d’un entretien que nous avions eu avec un auteur, celui-ci nous a dit : « On arrive bien à l’interdire en Chine, pourquoi pas chez nous ? » Tel est bien le projet du Gouvernement de généraliser la pénalisation de tous les échanges sur le Net.
Pour resituer le projet de loi dans le mouvement intellectuel des dernières années, il faut revenir sur la révolution numérique. La multiplication des capacités d’échange entre individus sur Internet, avec les plateformes peer-to-peer mais aussi d’autres technologies, a totalement révolutionné les industries de la culture et de l’information. On assiste à une désindustrialisation des échanges culturels, notamment en matière de musique, où les échanges par peer-to-peer offrent une valeur ajoutée en permettant aux adolescents de réaliser leurs compilations personnelles. Ils choisissent eux-mêmes leur diversité culturelle. Elle ne leur est plus imposée d’en haut par un industriel. Je considère cela comme très positif. De même, les blogs et les wikis, dont on a peu parlé mais qui vont prendre une importance considérable, sont en train de révolutionner l’information. Wikipedia, par exemple, et un certain nombre de procédés agrégatifs permettent à chacun de participer, de son ordinateur, à l’élaboration d’une conscience collective et d’une connaissance partagée. Bien sûr, cela remet en cause l’arbre traditionnel de transmission de l’information et de la connaissance détenu jusqu’ici par quelques industriels des contenus, qui décidaient de ce que devaient écouter les gens, et quelques industriels de l’information, qui décidaient de ce qu’ils devaient penser.
Cette révolution, qui met brutalement en cause toutes ces grandes procédures de transmission verticale d’un émetteur vers des récepteurs passifs, entraîne inéluctablement un conflit entre, d’une part, les industriels propriétaires des contenus et des catalogues et, d’autre part, les citoyens internautes qui tentent de faire valoir ce droit nouvellement acquis à l’expression et à la diversité culturelle librement choisie.
La bataille de retardement du Gouvernement, avec le présent projet, ne fait illusion à personne. Elle revient, encore une fois, à vouloir endiguer la mer avec du sable. Toutes les mesures de pénalisation longuement décrites au fil des articles 13 et 14 seront sans effet réel sur la société d’aujourd’hui car tout le monde sait que la pénalisation massive ne fonctionne pas.
Le gouvernement français est celui qui a choisi la transposition la plus répressive, avec la Grèce. Or on s’aperçoit que, même dans les pays qui ont opté pour des adaptations beaucoup plus ouvertes et respectueuses des libertés individuelles, comme le Danemark et le Royaume-Uni, où les poursuites ne sont lancées que contre certains types d’échanges de fichiers effectués à des fins commerciales, les législations sont peu ou pas appliquées. Les tribunaux ne prononcent pas les sentences parce que, encore une fois, on ne peut pas légiférer contre la société.
La tentative du Gouvernement est vouée à l’échec. Vouloir légiférer contre la société ne peut pas aujourd’hui marcher.
On se trouve face à un problème considérable – le même que dans le domaine de l’industrie biogénétique, lorsque certains industriels comme Monsanto essayent d’imposer des gènes propriétaires : …
M. Charles Cova. Blablabla !
M. Didier Mathus. …dans le domaine de la propriété intellectuelle, il y a une telle frénésie d’appropriation, une telle voracité de profits que quelques industriels tentent d’imposer l’idée que tout ce qui circule sur le Net devrait leur appartenir. Cette bataille ne fait que commencer.
Aujourd’hui, le Gouvernement l’emportera sûrement. Il est soutenu par une majorité. Mécaniquement, ce soir ou demain, il arrivera au bout de son calvaire, si j’ose dire. Il aura fait adopter ce projet de loi pour le plus grand bénéfice des industriels des contenus. Mais ce sera une victoire à la Pyrrhus. Il est clair que les aspirations à la liberté et à l’enrichissement culturel seront de toute façon les plus fortes. La volonté de faire de la propriété intellectuelle une espèce de gisement pour actionnaires n’a aucune chance de l’emporter à terme.
La bataille que nous menons sera perdue ce soir ou demain dans cet hémicycle, mais elle sera gagnée dans la société l’an prochain ou dans deux ans.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. le ministre de la culture et de la communication. La liberté d’expression à l’intérieur de l’hémicycle est par définition totale…
M. Christian Paul. Sauf la diffamation !
M. le ministre de la culture et de la communication. …mais, après avoir entendu les orateurs socialistes s’exprimer, je m’aperçois qu’ils ont déjà engagé le débat sur les amendements et sous-amendements après l’article 14. Je rappelle que l’article 14 s’inscrit dans la même logique que l’article 13 puisqu’il est l’extension de celui-ci aux droits voisins.
Je comprends votre impatience de parler du régime des sanctions et de leur effectivité. Pour nous, le vote de celles-ci sera un moment très important dans l’histoire nationale…
M. Patrick Bloche. De l’histoire mondiale, monsieur le ministre !
M. Christian Paul. Et même de la galaxie !
M. le ministre de la culture et de la communication. …car il mettra un terme à la sanction de la prison qu’encourt aujourd’hui l’internaute qui télécharge illégalement.
Vous ne proposez pas d’alternative puisque vous êtes globalement tous pour la licence globale – même s’il existe visiblement une certaine diversité d’opinions au sein de votre parti ; mais, il en existe dans chacune des familles politiques –, c’est en tout cas ce que l’intervention d’Henri Emmanuelli a laissé entendre tout à l’heure, même si François Hollande avait visiblement dit le contraire.
M. Christian Paul. Vous n’êtes pas qualifié pour parler à la place de François Hollande !
M. le ministre de la culture et de la communication. Mais on note une grande diversité de points de vue partout.
Ce que je demande, c’est que les amendements et les sous-amendements à l’article 14, qui s’inscrivent dans le droit fil de ceux de l’article 13, fassent l’objet d’un examen sérieux. De plus, comme le débat sur l’article 14 n’est que la reproduction du précédent, puisqu’il s’agit de l’extension des mesures prévues aux droits voisins, je souhaiterais que l’on puisse en tirer les conclusions.
Vous dites que nous voulons mettre en cause l’internaute et que je n’ai pas de projet culturel.
Je rappelle une fois pour toutes que, sans sécurité juridique, il n’y aura pas d’offre large, riche et diversifiée de contenus culturels français ou européens sur Internet et que, si nous ne faisons rien, la domination extérieure s’étendra encore. Il est un chiffre que vous m’avez souvent entendu citer dans d’autres enceintes : aujourd’hui, 85 % des places de cinéma vendues dans le monde concernent des productions d’Hollywood. Au sein de l’Union européenne, ce chiffre est ramené à 71 %, ce qui est considérable, en tout cas beaucoup trop. Notre objectif est de faire en sorte qu’une offre légale française et européenne, diversifiée, concourant aussi bien au rayonnement d’artistes confirmés qu’au lancement de jeunes artistes, puisse éclore. Pour cela, l’étape que nous demandons au Parlement de voter est essentielle.
Assurer les liens entre les fournisseurs d’accès à Internet, le monde du cinéma et celui de la télévision – dix-huit mois de travail pour parvenir à un accord ! – ou entre les fournisseurs d’accès et le monde de la musique, pour permettre, là aussi, la diversité de l’expression musicale sur Internet, c’est l’objet même de la sécurité juridique.
Enfin, je répondrai, avec une pointe d’humour, sur les liens entre la culture et l’éducation nationale. Vous nous avez reproché à de nombreuses reprises, à moi ou à mon collègue de l’éducation nationale, un manque de liens suffisants en matière d’éducation artistique… Il faudrait choisir votre ligne d’attaque ! Mais, peut-être, assiste-t-on en direct à quelque débat interne au Parti socialiste ? Il me semble, en effet, que l’un de mes éminents prédécesseurs, en l’occurrence Jack Lang,…
M. Christian Paul. Il en avait l’envergure, lui ! Souvenez-vous de la loi de 1985 !
M. Didier Mathus. Elle avait été adoptée à l’unanimité, elle !
M. le ministre de la culture et de la communication. …a été ministre à la fois de la culture et de l’éducation nationale.
Pour le moment, vous avez affaire au ministre de la culture et de la communication, qui assume le mieux qu’il peut cette magnifique fonction.
Avant de lancer la discussion sur l’après article 14 – et, comme je m’y suis engagé, je répondrai à toutes les questions qui me seront posées –, il importe maintenant d’achever l’examen de l’article 14. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli.
M. Henri Emmanuelli. Monsieur le ministre, vous qui représentez le Gouvernement, organe à responsabilité collective, et qui assumez un texte dans des conditions difficiles, pour ne pas dire rocambolesques sur le plan de la procédure, comment se fait-il que votre seule préoccupation semble être de vous intéresser au Parti socialiste ? Lorsqu’on est depuis quatre ans au pouvoir, on devrait d’abord se préoccuper de ce que l’on propose au pays !
Des parlementaires sont rassemblés dans cet hémicycle pour s’exprimer amendement après amendement sur le texte que vous leur présentez. Certains le voteront, d’autres non. D’ailleurs on a une petite idée du résultat du vote final. Voilà ce qui devrait vous intéresser, au lieu d’ironiser.
Il est toujours facile d’ironiser. Moi aussi, si je voulais, je pourrais vous dire qu’il sera aussi difficile d’entraver la liberté des internautes que de passer un string à une baleine ! Mais ce n’est pas le sujet. Ce qui importe, c’est que vous assumiez votre texte au lieu de vous préoccuper des positions du Parti socialiste : elles ont été rappelées tout à l’heure et, croyez-moi, elles sont comprises par tous les internautes.
Ne vous bercez pas d’illusions inutiles. En ce moment, des centaines de milliers de jeunes défilent dans les rues et ils savent parfaitement qui défend quoi. Nous n’avons pas toujours raison. Nous pouvons commettre des erreurs. Nous pouvons aussi rectifier nos positions. Cela arrive à tout le monde et d’ailleurs, cela ne vous est pas interdit, à vous aussi, si vous avez un éclair de conscience d’ici à la fin de l’examen du projet de loi.
Mais, de grâce, finissez-en avec ces histoires. Grâce à une belle innovation de l’UMP, vous avez déjà considéré comme adopté le projet de loi sur le CPE après la discussion des trois premiers articles sur les vingt-deux qu’il comportait.
M. Charles Cova. Le CPE n’a rien à voir avec le débat d’aujourd’hui !
M. Henri Emmanuelli. Aujourd’hui, quand on vous interroge sur le fond et sur des sujets sérieux, vous ne trouvez rien de mieux que de parler du Parti socialiste.
M. Charles Cova. Hors sujet !
M. Henri Emmanuelli. Si le ministre n’avait pas été hors sujet, cher collègue, je n’aurais pas repris la parole et serais parti plus tôt !
M. Charles Cova. Parler pour ne rien dire ne sert pas à grand-chose non plus !
M. Henri Emmanuelli. On verra qui sera là l’an prochain !
M. Charles Cova. Cela ne fait que retarder les débats inutilement, ce dont vous avez le secret !
M. le président. La parole est à M. Dominique Richard.
M. Dominique Richard. L’article 14 est essentiel car il démontre à qui en doutait encore que cette loi est favorable aux internautes : elle leur garantit une offre sécurisée et diversifiée, qui leur permettra de découvrir plus facilement de jeunes créateurs.
En distinguant clairement l’internaute du contrefacteur, le législateur refuse l’amalgame, tout en responsabilisant chacun, et cela dans un seul but : favoriser une offre légale de qualité qui la placera dans une dynamique de succès qui, seul, peut permettre une diminution progressive des coûts.
Aujourd’hui, l’internaute M. Tout-le-Monde, lorsqu’il télécharge illégalement et parfois met à disposition, illégalement, risque la prison et jusqu’à 300 000 euros d’amende. Après le vote de l’amendement n° 263, deuxième rectification, du Gouvernement créant un article additionnel après l’article 14, il ne sera désormais plus passible que d’une simple contravention, et ce de façon essentiellement dissuasive.
Nouveauté notable, l’infraction constatée par un officier de police judiciaire partira de l’œuvre téléchargée illégalement et non de l’internaute, qui ne sera donc pas surveillé sur l’ensemble de ses téléchargements et échanges Internet, ce qui aurait été le cas avec la licence globale optionnelle.
C’est enfin le procureur et lui seul qui pourra demander l’identité de l’internaute au fournisseur d’accès, ce qui garantit totalement le respect des libertés individuelles.
M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.
M. Jean Dionis du Séjour. La remarque du ministre est juste, le débat devrait attendre les articles additionnels après l’article 14, mais, puisque chacun s’est exprimé, je veux donner la position du groupe UDF.
Christian Paul a posé la bonne question du débat.
M. Christian Paul. Avec Patrick Bloche et mes autres collègues du Parti socialiste !
M. Jean Dionis du Séjour. Quel monde culturel voulons-nous dans la société de l’information ? C’est à cette question qu’il faut répondre et le titre du projet est, de ce point de vue, bien choisi.
Le Parti socialiste a choisi la licence globale, c’est-à-dire la fiscalisation – c’est un tropisme chez lui ! –…
M. Christian Paul. Et l’abrogation de cette loi. C’est par là que nous commencerons d’ailleurs !
M. Jean Dionis du Séjour. …et l’absence de sanctions.
Cette position est cohérente, même si elle ne correspond pas toujours aux dépêches AFP concernant le Parti socialiste ni aux prises de position à l’intérieur de celui-ci.
Nous y sommes fortement opposés. Nous trouvons le système injuste dans le prélèvement – nous ne le dirons jamais assez ! –, archaïque dans la répartition et opposé au modèle européen.
Le premier alinéa de l’article 8, relatif aux sanctions et voies de recours, de la directive européenne dispose que « Les États membres prévoient des sanctions et des voies de recours appropriées contre les atteintes aux droits et obligations prévus par la présente directive et prennent toutes les mesures nécessaires pour en garantir l’application. Ces sanctions sont efficaces, proportionnées et dissuasives. »
Dès lors, j’ai une question à poser au Parti socialiste : est-il, oui ou non, d’accord pour transposer la directive européenne ? Ce n’est pas une petite question. Il est important de le savoir.
Nous sommes, nous l’avons dit, pour l’émergence d’un autre mode culturel : nous souhaitons des plates-formes globales marchandes, plus ergonomiques et moins chères, aux catalogues larges, et nous sommes pour la protection, contrôlée, des auteurs, avec des sanctions proportionnées. Ce faisant, nous transposons la directive. Nous assumons cette signature européenne, et vingt-trois pays ont fait de même.
Le Parti socialiste est-il opposé à la transposition de la directive européenne ? S’il ne l’est pas, que fait-il de l’article 8 qui prévoit des sanctions efficaces en cas d’atteintes au droit ?
M. Patrick Bloche. Je demande la parole pour un rappel au règlement, monsieur le président, comme à chaque fois que nous nous trouvons mis en cause.
M. le président. Si vous multipliez les rappels au règlement qui n’en sont pas, la discussion va se poursuivre demain, voire plus tard.
M. Christian Paul. Nous avons pris nos dispositions, monsieur le président !
M. le président. Je veille à ce que chacun puisse s’exprimer, mais les manœuvres de retardement ne sauraient avoir l’accord de la présidence.
Peut-être pouvez-vous défendre votre amendement n° 93, monsieur Bloche.
M. Christian Paul. Je demande la parole pour un rappel au règlement, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Paul, vous vous êtes déjà exprimé sur l’article 14 pendant cinq minutes. Si vous demandez la parole pour un rappel au règlement, il faut qu’il soit fondé. Sinon, défendez l’amendement de suppression n° 93.
M. Christian Paul. Ce sera un « vrai » rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour un rappel au règlement.
M. Christian Paul. Monsieur le président, vous nous avez parlé de « manœuvres de retardement. » Je voudrais, avec tout le respect que je vous dois, vous dire que le projet de loi tout entier est un projet de loi de retardement, car il a pour objectif de maintenir la situation actuelle…
M. Yves Jego. En quoi est-ce un rappel au règlement ?
M. le président. Je vous demande, monsieur Jego, de laisser le président apprécier.
M. Jean-Louis Idiart. On n’est pas aux ordres de Sarko, ici !
M. Christian Paul. Je ne voulais pas évoquer simplement dans ce rappel au règlement le caractère de loi de retardement, que revêt clairement ce texte, mais vous indiquer que nous serions bien inspirés de prendre notre temps pour l’examiner.
Nous savons – et cela se confirme – monsieur le président, ce qui ne manquera évidemment pas d’allonger nos débats, que l’article 7 fera l’objet d’une seconde délibération. Nos collègues de la majorité, considérant qu’ils ont mal écrit la loi, décidé trop vite, aidés par le Gouvernement – à moins que l’incitation n’ait été dans l’autre sens –, réécrivent l’article 7, qu’ils ont défendu mordicus, pensant que le monde entier allait nous envier cette rédaction ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)
Par ailleurs, nos collègues – ceci va dans le même sens, et je rends hommage à M. Carayon, puisque c’est de lui qu’il s’agit – expriment urbi et orbi des remords sur les amendements qu’ils ont votés. Vous avez évoqué, monsieur Carayon, sur un forum public, à quinze heures dix neuf le « détestable amendement Vivendi Universal » !
M. Yves Jego. Ce n’est pas possible : à cette heure-là, il était dans l’hémicycle.
M. Bernard Carayon. J’étais effectivement présent parmi vous !
M. Christian Paul. Cela va intéresser M. le ministre. Cela signifie que l’ordinateur qui émet la signature de M. Carayon n’est peut-être pas toujours utilisé par lui.
M. Bernard Carayon. C’est facile !
M. Christian Vanneste, rapporteur. Vous pratiquez la police de l’Internet ?
M. Christian Paul. Monsieur le rapporteur, c’est public !
Monsieur le ministre, comment va-t-on pouvoir constater les infractions ? J’attends votre réponse !
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 93, visant à supprimer l’article 14.
La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir cet amendement.
M. Patrick Bloche. Nous avons pu nous exprimer sur l’article 14 et dire tout le mal que nous en pensions. Il s’agit d’un article sur les droits voisins, en quelque sorte « parallèle » à l’article 13 qui concernait, lui, le droit d’auteur. Nous avons donc déposé un amendement tendant à sa suppression.
Monsieur le président, vous avez souhaité que l’on ne multiplie pas les rappels au règlement – ce qui a été le cas, jusqu’à présent. Depuis quinze heures, nous n’avons demandé aucune suspension de séance. Cela montre bien que nous nous plaçons non dans une logique d’obstruction,…
M. Yves Jego. Dans une logique de retardement !
M. Patrick Bloche. …mais dans une logique d’examen au fond d’un texte important. Nous sommes donc amenés à prendre un peu de temps, car, l’urgence n’ayant pas été levée, nous ne pourrons pas revoir le texte lors d’une deuxième lecture.
J’ai été étonné des propos tenus par M. Dionis du Séjour. Peut-être devrais-je l’informer que le Gouvernement n’est pas socialiste,…
M. Jean Dionis du Séjour. Je maintiens ce que j’ai dit !
M. Patrick Bloche. …parce que son intervention sur la transposition de la directive visait avant tout le Gouvernement.
Le gouvernement de Lionel Jospin, à qui je souhaite rendre un hommage tout particulier, avait su défendre à Bruxelles, de manière forte, la copie privée, que certains États membres voulaient remettre en cause. La négociation de la directive européenne en tant que telle avait su préserver le bon équilibre – équilibre difficile à atteindre – entre le contrôle des usages des œuvres et la préservation de la copie privée. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
C’est parce que la transposition est mauvaise que cet équilibre a été rompu et que nous sommes amenés à défendre la copie privée, qui est aujourd’hui menacée.
M. Jean Dionis du Séjour. On transpose ou on ne transpose pas ?
M. Patrick Bloche. Monsieur Dionis du Séjour, je suis surpris que, contrairement aux propos tenus par M. Bayrou, vous exprimiez le souhait de transposer, mal s’il le faut, mais de transposer à tout prix. Quelle satisfaction peut-on trouver à écrire une mauvaise loi qui ne sert pas l’intérêt général ?
M. Michel Piron. Encore une fois, vous n’avez pas le monopole de l’intérêt général !
M. Patrick Bloche. Les députés socialistes défendent avant tout l’intérêt général. Notre marque de fabrique est d’être insensible à tout intérêt particulier, que ce soit celui de Vivendi ou, monsieur Dionis du Séjour, celui de Microsoft – je suis désolé d’y faire référence.
M. Jean Dionis du Séjour. Il a une auréole au-dessus de la tête !
M. Jean-Michel Dubernard. Les anneaux de Saturne !
M. Patrick Bloche. Nous revendiquons effectivement notre indépendance à l’égard de puissances économiques comme Microsoft ou Vivendi. Si nous avons une auréole, elle est néanmoins laïque.
M. Jean-Michel Dubernard. Il y a quatre anneaux de Saturne.
M. Patrick Bloche. Monsieur Dubernard, c’est une très bonne référence. Car, si vous aviez entendu le ministre, vous sauriez que nous légiférons sous les yeux du monde entier, pour la galaxie entière.
Nous avons retrouvé dans les propos de M. le ministre, la marque de fabrique des ministres de la culture qui se sont succédé depuis 2002. Je me souviens d’une interview du prédécesseur de M. Donnedieu de Vabres, qui à peine nommé ministre en 2002,…
M. Christian Paul. Comment s’appelait-il déjà ?
M. Patrick Bloche. Je ne m’en souviens plus ! (Sourires.)
…était interrogé par des journalistes d’un hebdomadaire où il y a plus de photos que de texte. Néanmoins, il y avait une petite part d’interview et on lui demandait : « Que voulez-vous qu’il reste de vous, quand vous ne serez plus ministre ? » Il avait répondu très simplement, comme tout ministre de la culture qui se respecte : « Je voudrais qu’on puisse dire : “il y a eu André Malraux, Jack Lang et il y a eu Jean-Jacques Aillagon”. » Je me souviens subitement de son nom ! (Sourires.)
Je crains, monsieur le ministre, que vous ne soyez atteint de ce syndrome, référencé aujourd’hui sous le nom de « syndrome de la rue de Valois » (Sourires), dans un environnement de flatteries et de courtisaneries continuelles.
M. Michel Piron. N’importe quoi !
M. Patrick Bloche. Didier Mathus ou Christian Paul ont évoqué le projet de M. Sarkozy visant à supprimer le ministère de la culture, annoncé lors d’un colloque organisé par l’UMP, et que les acteurs culturels ont, paraît-il, applaudi à tout rompre. Cela signifie que la parole politique est parfois acceptée en fonction des contreparties apportées.
M. Yves Jego. Vous avez beaucoup d’inspiration. Venez donc nous rejoindre aux colloques de l’UMP !
M. Patrick Bloche. Pour toutes ces raisons, et au-delà, monsieur le président, des quelques digressions que vous avez bien voulu me permettre – ce dont j’ai été heureux –, le groupe socialiste maintient son opposition totale à l’article 14 et demande sa suppression.
M. le président. Je suppose que la commission et le Gouvernement ont un avis défavorable.
Je mets aux voix l’amendement n° 93.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 262.
La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.
M. le ministre de la culture et de la communication. L’amendement n° 262 permet d’atteindre le point d’équilibre que le Gouvernement vous propose. C’est la réplique de l’article 13, mais pour les droits voisins.
M. Christian Paul. C’est du copier-coller !
M. le ministre de la culture et de la communication. Il est normal et tout à fait logique que, s’agissant des droits voisins, l’article 14 soit la réplique de ce que nous avons prévu à l’article 13.
Je ne vais donc pas me répéter. Je vous propose ce point d’équilibre. C’est la raison pour laquelle, mesurant votre impatience d’arriver aux amendements portant articles additionnels après l’article 14, je n’ajouterai aucun commentaire, qui ne pourrait que vous lasser.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Vanneste, rapporteur. La commission est évidemment favorable à l’amendement.
Je ferai deux remarques.
Premièrement, si l’on supprimait les articles 13 et 14, on supprimerait tout simplement la transposition de la directive européenne.
M. Jean Dionis du Séjour. Bien sûr !
M. Christian Vanneste, rapporteur. Il ne s’agit donc pas du tout d’une proposition anecdotique. La directive européenne est extrêmement claire, dans son considérant 58 : « Les sanctions prévues sont efficaces, proportionnées et dissuasives » La nouvelle version du texte assure encore mieux cette idée de proportionnalité des sanctions.
Picasso disait qu’il ne fallait jamais négliger une erreur. Une erreur a effectivement été commise au mois de décembre. Je ne dirai pas qui l’a commise. Mais, aujourd’hui, elle a été, ô combien, réparée.
Deuxièmement, on parle beaucoup de la liberté des internautes. C’est très bien ! Mais, comme le disait Jean-Jacques Rousseau,…
M. Christian Paul. Pas vous !
M. Christian Vanneste, rapporteur. …« l’impulsion du seul appétit est esclavage, et l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté ». Pourquoi ? Parce que la liberté commence par le respect de celle d’autrui.
Il ne saurait y avoir liberté des internautes, sans liberté des créateurs. C’est la raison pour laquelle des sanctions doivent exister, lorsque la liberté des uns empiète sur la liberté des autres. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.
M. Patrick Bloche. Je serais très bref, car nous avons déposé quelques sous-amendements.
M. le ministre a prononcé, lors de la présentation de l’amendement n° 262, le terme : « point d’équilibre ». Je ne saurais donc résister à la lecture d’un mail que j’ai reçu aujourd’hui.
M. Christian Paul. Il ne venait pas de M. Carayon ? (Sourires.)
M. Patrick Bloche. En l’occurrence, non !
M. Jean Dionis du Séjour. Il ne défend pas un intérêt particulier ?
M. le président. Je vous rappelle, mes chers collègues, l’article 58, alinéa 6, de notre règlement, qui interdit les interpellations de député à député. Le débat est déjà suffisamment complexe.
M. Christian Paul. Vous avez sans doute rappelé cet article en début de séance !
M. le président. Poursuivez, monsieur Bloche, et veuillez conclure !
M. Patrick Bloche. Je ne peux, ayant entendu M. le ministre parler de « point d’équilibre », résister au plaisir de donner lecture du mail que j’ai reçu ce matin.
« Si on faisait un fichier MP3 des discours du ministre de la culture, en fait il n’en resterait rien. Comme vous le savez, la technologie de compression numérique MP3 repose sur une technique de codage, permettant de diviser par quatre, voire par douze, le poids des fichiers numériques. Cette technique, d’une part, ne retient pas les ultrasons et les infrasons, que l’oreille humaine ne peut pas percevoir. Le ministre de la culture légiférant pour la France, le monde et au-delà – ce sont ses propos –, les fréquences de son discours destiné à l’au-delà ne sont donc pas conservées après codage en MP3. D’autre part, et surtout, la technique du MP3 permet de supprimer les redondances en les codant différemment. (Sourires.) Ainsi, lorsque le ministre répète en boucle… » – c’est pour cela, monsieur le ministre, que je tenais à vous lire ce mail, car, compte tenu de l’humour que chacun vous connaît, je suis sûr que vous apprécierez – « …“point d’équilibre” à 147 reprises dans les débats,… » – 148 maintenant – « …cela se transforme en un seul code : point d’équilibre 147 fois. » (Sourires.)
Rassurez-vous, monsieur le rapporteur : cela fonctionne aussi pour votre désormais célèbre « défavorable » ! (Sourires.)
M. Richard Cazenave. Cela doit fonctionner aussi avec les rappels au règlement ! (Sourires.)
M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 318.
La parole est à M. Bernard Carayon, pour le soutenir.
M. Bernard Carayon. Je retire cet amendement au profit de l’amendement n° 416.
M. le président. Le sous-amendement n° 318 est retiré.
Je suis saisi d’un sous-amendement n° 416.
Vous avez la parole, monsieur Carayon, pour le soutenir.
M. Bernard Carayon. Le législateur se doit d’offrir toutes les garanties sur la sécurité juridique des activités de recherche. C’est pourquoi il convient de préciser, afin de ne pas entraver la mise en commun et l’échange des moyens entre chercheurs, qu’est visée par le présent article la mise à disposition du public de moyens de contournement d’une MTP.
J’en profite, monsieur le président, pour répondre à M. Christian Paul qui prétendait que j’aurais pris – aujourd’hui même à quinze heures dix-neuf sur un blog – une position contraire à celle du ministre. Or il sait pertinemment que je me trouvais dans l’hémicycle à cette heure-là – ou alors c’est lui qui ne s’y trouvait pas – et que je ne peux donc être l’auteur de ces écrits.
Comme il se doutait que j’apporterais un démenti, il est allé jusqu’à dire que ce message avait été envoyé depuis mon bureau. Je suis bien placé pour savoir qu’il n’y a personne dans mon bureau puisque j’ai donné toute liberté à mes collaborateurs cet après-midi afin de leur permettre d’assister à la séance. Cela voudrait-il dire qu’un esprit malin aurait utilisé mon ordinateur ?
Tout cela, monsieur Paul, c’est du pipeau, et ce n’est pas parce que vous prenez un ton patelin pour dire des choses fielleuses que vous êtes crédible ! Je préférerais que vous vous en teniez au projet de loi plutôt que de vous livrer à ce type d’exercice. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 416 ?
M. Christian Vanneste, rapporteur. Avis favorable, par cohérence avec l’amendement n° 415 adopté à l’article précédent.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre de la culture et de la communication. Avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 416.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 319 rectifié.
La parole est à M. Bernard Carayon, pour le soutenir.
M. Bernard Carayon. Il s’agit de s’aligner sur l’article 13 en précisant que les dispositions anti-contournement ne s’appliquent pas aux actes réalisés à des fins d’interopérabilité ou de sécurité informatique, dans les limites des droits prévus par le code de la propriété intellectuelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Vanneste, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre de la culture et de la communication. Même avis que la commission.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 319 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 325.
La parole est à M. Christian Paul, pour le soutenir.
M. Christian Paul. Dans son article 6-3, la directive précise que les mesures techniques justifiant protection juridique ont pour objet…
M. Jean Dionis du Séjour. Heureux de vous entendre citer la directive !
M. Christian Paul. Monsieur Dionis du Séjour, il nous arrive de citer la directive…
M. le président. Monsieur Paul, je vous ai rappelé tout à l’heure que les interpellations n’étaient pas autorisées. Ne tombez pas dans ce piège. Poursuivons notre débat !
M. Christian Paul. Monsieur le président, quand la directive nous paraît avoir un contenu acceptable et fondé, nous n’avons pas de raison de la refuser. C’est uniquement quand elle nous paraît ne pas aller dans le sens de la recherche de l’équilibre entre les droits qu’il nous arrive en effet de la critiquer.
Je disais donc, avant d’être interrompu, que la directive précise dans son article 6-3 que les mesures techniques justifiant une protection juridique ont pour objet de prémunir contre « les actes non autorisés par le titulaire d’un droit » et dans son article 6-4 qu’elles ne doivent pas porter atteinte au bénéfice des limitations ou exceptions légales, notamment de copie privée. Il y a donc lieu d’exclure du nouveau délit de contournement visant à assurer la protection juridique requise par la directive, les actes portant sur des mesures de protection ou informations électroniques appliquées à des œuvres n’étant plus soumises au droit exclusif d’autoriser – celles qui sont dans le domaine public – ainsi que ceux ayant pour seul objet l’exercice des usages licites du consommateur – accès à l’œuvre, copie privée notamment. La légitimité d’un contournement ne trouve donc pas nécessairement sa source dans l’acquisition de droits sur une œuvre et toute référence, réductrice, à une telle acquisition doit être supprimée.
Monsieur Carayon, je vous dois des excuses : je me suis trompé, il est donc normal que j’en informe l’Assemblée. J’ai relu les extraits du forum public qui m’ont été transmis, et j’ai constaté que ce n’était pas à quinze heures dix-neuf, mais à midi que vous avez qualifié l’amendement Vivendi de « détestable », amendement que, du reste, vous avez voté. Je tiens le corps du délit, en toute amitié, à votre disposition.
M. Bernard Carayon. Mais non, pas plus à midi qu’à quinze heures !
M. le président. Mes chers collègues, l’attention de la présidence ayant faibli, j’ai omis de vous indiquer que le sous-amendement n° 325 était tombé en raison du vote du sous-amendement précédent. M. Paul a de ce fait bénéficié d’un temps de parole qui ne lui était pas dû.
M. Bernard Carayon. Monsieur le président, je souhaite répondre à M. Paul.
M. le président. Brièvement, monsieur Carayon, car les réponses aux mises en cause personnelles sont en principe renvoyées à la fin de la séance.
M. Bernard Carayon. Il est pour le moins agaçant, monsieur Paul, d’être obligé de se justifier en donnant son emploi du temps !
À midi, cher collègue, j’étais reçu – en présence de nombreux témoins – par le directeur de l’administration pénitentiaire pour étudier les conditions d’implantation d’un établissement pour mineurs dans ma commune !
J’espère que vous allez cesser de m’interroger sur mon emploi du temps.
M. Christian Paul. Je vous le promets.
M. Bernard Carayon. Et que vous allez renoncer à ces attaques personnelles qui ne vous honorent pas alors que l’on connaît par ailleurs vos qualités intellectuelles.
M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 380.
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le soutenir.
M. Jean Dionis du Séjour. Défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Vanneste, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre de la culture et de la communication. Avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 380.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 386.
La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.
M. Patrick Bloche. Ce sous-amendement vise à s’assurer que le logiciel libre ne sera pas affecté par les dispositions prévues pour réprimer le contournement de mesures techniques de protection à des fins de contrefaçon.
Il est justifié par la nature juridique du logiciel libre. Un logiciel est en effet dit libre si sa licence d’utilisation donne quatre libertés à ses utilisateurs : celle d’exécuter le logiciel, comme il le souhaite, et notamment sans avoir à payer quoi que ce soit ; celle d’étudier son fonctionnement ; celle de le modifier et celle de le redistribuer.
Puisque nous légiférons pour le monde entier, et même au-delà, je souhaite profiter de la défense de ce sous-amendement pour informer notre assemblée de la manière dont on essaie de résoudre les questions qui nous intéressent actuellement, notamment en termes de réponse graduée, dans un pays ami proche de nous, auquel tant de liens nous unissent, c’est-à-dire l’Allemagne.
Comme en France, les tribunaux allemands sont surchargés. Pour alléger leurs charges, les procureurs se sont mis d’accord sur la mise en place d’un filtre : en dessous de cinq cents chansons partagées sur les réseaux, les « P2Pistes » ne sont pas poursuivis par le parquet. Le journal Heise révèle que le procureur public de Karlsruhe a exprimé une recommandation au ministère public sur les poursuites massives contre les utilisateurs de partage de fichiers, ceux que vous voulez continuer à considérer comme des contrevenants.
Christine Hügel a demandé au procureur du parquet de ne pas poursuivre en dessous de cent fichiers téléchargés illicitement ; entre cent un et cinq cents fichiers, une simple audition est préconisée. C’est uniquement au-delà de cinq cents fichiers qu’une perquisition peut être demandée et que des poursuites pénales peuvent être engagées contre les « P2Pistes ».
Les recommandations n’ont pas force de loi, mais, en Allemagne, elles influencent fortement le ministère public, et la tradition veut qu’il s’en inspire.
Il semble que l’Allemagne, pays proche de nous, est capable de proposer des réponses graduées et d’offrir à l’internaute une certaine marge de manœuvre et une certaine liberté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Vanneste, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre de la culture et de la communication. Avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 386.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 396.
La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.
M. Patrick Bloche. Il s’agit d’un sous-amendement de conséquence. Nous l’avions aussi présenté à l’article 13 et il vise à préserver le bénéfice des exceptions énumérées à l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle dont nous avons longuement parlé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Vanneste, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre de la culture et de la communication. Avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 396.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 352.
La parole est à M. Didier Mathus, pour le soutenir.
M. Didier Mathus. Ce sous-amendement met en lumière la faille principale de ce projet de loi qui n’autorise pas les actes réalisés sans but lucratif. Beaucoup de pays ont choisi de transposer la directive en ne s’en prenant qu’au téléchargement à des fins lucratives, à ceux qui en font commerce, qui en tirent un bénéfice, un profit.
Le projet du Gouvernement propose d’attaquer aveuglément l’ensemble des internautes y compris pour copie privée, on l’a bien vu hier. Vous avez en effet refusé d’inscrire dans la loi la possibilité ne serait-ce que d’une seule copie privée, à tel point que M. le rapporteur a dû retirer cet amendement pour botter en touche et confier à un hypothétique collège des médiateurs la mission de définir si zéro copie privée, c’est encore de la copie privée…
M. Christian Vanneste, rapporteur. Collège nullement hypothétique.
M. Didier Mathus. Il aurait été plus sage que la loi définisse un seuil obligatoire et considère que tout ce qui ne relève pas du téléchargement à des fins lucratives peut bénéficier des exceptions pour copie privée.
Vous avez fait des choix inverses. Vous allez punir aveuglément aussi bien les pirates qui dupliquent des centaines de milliers de CD ou de DVD que le lycéen qui télécharge dans sa ville de province pour son usage personnel.
M. Michel Piron. C’est vous qui vous aveuglez !
M. Didier Mathus. Nous proposons de mettre un terme à cette confusion dommageable qui, d’un point de vue républicain, ne sera pas à l’honneur de cette majorité !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Vanneste, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre de la culture et de la communication. Avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 352.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 353.
La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.
M. Patrick Bloche. Certaines mesures techniques de protection peuvent imposer l’envoi d’informations sur les habitudes ou le système de l’utilisateur – œuvres consultées, logiciels installés – autant d’éléments qui sont personnels à l’utilisateur et ne regardent que lui. Si de tels envois sont encore aujourd’hui interdits par la loi Informatique et libertés, il importe cependant de permettre aux utilisateurs d’assurer eux-mêmes la protection de leur vie privée, en attendant une éventuelle intervention a posteriori de la CNIL.
Ce sous-amendement traduit la préoccupation constante du groupe socialiste : la protection de la vie privée des internautes afin de limiter les effets intrusifs du projet de loi dont nous débattons aujourd’hui.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Vanneste, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre de la culture et de la communication. Avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 353.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 354.
La parole est à M. Christian Paul, pour le soutenir.
M. Christian Paul. Ce sous-amendement qui vise à défendre les consommateurs – argument auquel vous serez certainement sensibles, mes chers collègues – est très proche d’un autre sous-amendement déposé à l’article 13. Mais comme l’a souligné le ministre, il y a une continuité entre l’article 13 et l’article 14, ce dernier n’étant que la poursuite de la répression par d’autres moyens.
Les consommateurs sont aujourd’hui confrontés à une multiplication des systèmes de protection auxquels recourent certains éditeurs pour contrôler les usages possibles d’une œuvre. Ces systèmes ne sont pas sans conséquences sur la capacité des consommateurs à lire les copies qu’ils acquièrent légalement sur leurs appareils habituels.
Le présent sous-amendement vise donc à garantir le droit du consommateur à faire toute copie nécessaire au contournement d’une limitation dont il n’a pas été informé lors de l’achat afin d’écouter l’œuvre grâce à l’appareil qu’il pensait légitimement pouvoir utiliser.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Vanneste, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre de la culture et de la communication. L’amendement n° 31 de la commission des lois auquel le Gouvernement est favorable répond à l’objectif de ce sous-amendement, en imposant l’information des consommateurs sur les restrictions d’usage liées à la mise en place des mesures techniques.
Avis défavorable, donc.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 353.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 355.
La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.
M. Patrick Bloche. La réponse du ministre nous interpelle. Comme le rapporteur, il avance l’argument que de telles dispositions sont déjà prévues. Mais les garanties que nous voulons inscrire dans ce texte à travers nos sous-amendements sont d’une autre nature. Nous ne nous contentons pas de simples étiquettes mises sur une boîte, c’est le contenu qui nous intéresse.
M. Christian Paul. Il s’agit d’un problème pénal !
M. Patrick Bloche. Nous espérons donc obtenir une réponse moins superficielle à propos de ce sous-amendement.
Les mesures techniques de protection peuvent poser des exigences incompatibles avec la sécurité des systèmes d’information sur lesquels elles sont exécutées. Certaines envoient ainsi des statistiques d’utilisation d’œuvres, voire des pans entiers de documents édités par leurs rédacteurs. Il est donc essentiel de permettre à leurs utilisateurs de les contourner afin de garantir l’intégrité de leurs systèmes d’information.
C’est une de nos revendications fortes. Dans un esprit de strict contrôle des mesures techniques de protection, nous entendons garantir dans certaines conditions la légalité du contournement.
Ce sous-amendement est d’autant plus justifié que les mesures techniques de protection concernent tous les types d’œuvre, hormis les logiciels. Les documents produits par les outils de traitement de texte sont également concernés par ces dispositions. La société Microsoft fait d’ailleurs déjà de la publicité pour ses DRM, qui permettent de contrôler finement la circulation des textes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Vanneste, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre de la culture et de la communication. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 355.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 373.
La parole est à M. Christian Paul, pour le soutenir.
M. Christian Paul. Nous sommes là depuis des jours et des nuits,…
M. Christian Vanneste, rapporteur. Par la volonté du peuple !
M. Christian Paul. …et nous ne sortirons que quand ce texte aura été repoussé !
Notre sous-amendement est de coordination.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Vanneste, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre de la culture et de la communication. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 373.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 392, qui est de conséquence, et auquel la commission et le Gouvernement sont défavorables.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 392.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 407.
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le soutenir.
M. Jean Dionis du Séjour. Ce sous-amendement, présenté par M. Bayrou, reprend un paragraphe de la directive européenne, selon lequel la mise en œuvre des mesures techniques de protection ne peut aller à l’encontre des bénéficiaires des exceptions au droit d’auteur et de l’exercice du droit à la copie privée.
L’équilibre entre les mesures de protection et le droit à copie privée est délicat à trouver. Nous en avons longuement débattu à l’article 9, à propos du collège des médiateurs, à la création duquel nous nous opposons.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Vanneste, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre de la culture et de la communication. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 407.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 417.
La parole est à M. Bernard Carayon, pour le soutenir.
M. Bernard Carayon. Il s’agit d’un sous-amendement de cohérence avec l’article 13.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Vanneste, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre de la culture et de la communication. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 417.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 397.
La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.
M. Patrick Bloche. Il s’agit d’un sous-amendement de conséquence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Vanneste, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre de la culture et de la communication. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 397.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 393, qui est également un sous-amendement de conséquence, auquel la commission et le Gouvernement sont défavorables.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 393.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de neuf sous-amendements, nos 387, 317 rectifié, 356, 359, 357, 360, 361, 358 et 374, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Christian Paul, pour soutenir le sous-amendement n° 387.
M. Christian Paul. Monsieur le président, il me semble qu’à l’article 13, des sous-amendements similaires ont été appelés séparément. Cela dit, il vous appartient d’organiser nos travaux comme vous l’entendez.
M. le président. Monsieur Paul, la discussion commune n’empêche pas que chaque amendement soit défendu. Simplement, la commission et le Gouvernement donnent leurs avis respectifs sur les amendements dans leur globalité, et ceux-ci sont ensuite mis aux voix un à un.
M. Christian Paul. Soit, mais nous entrons encore une fois dans un domaine d’une grande complexité, pour beaucoup d’entre nous qui n’avons pas une longue formation en informatique.
Ce sous-amendement vise à compléter l’article 14 par le paragraphe suivant : « Les dispositions du présent titre ne permettent pas d’interdire la publication du code source et de la documentation technique d’un logiciel indépendant interopérant pour des usages licites avec une mesure technique de protection d’une œuvre. »
Cette rédaction peut paraître ésotérique, mais elle est d’une grande importance. Elle vise à s’assurer que le logiciel libre ne sera pas affecté par les dispositions prévues pour réprimer le contournement des mesures techniques de protection à des fins de contrefaçon, épée de Damoclès qui pèse sur la tête des développeurs de logiciels libres depuis l’adoption d’un fameux amendement que beaucoup de députés de la majorité considèrent comme détestable en leur for intérieur.
Le sous-amendement se justifie par la nature juridique du logiciel libre. Je rappelle à cette occasion ce qui définit le logiciel libre et ce sera peut-être la première fois au Parlement que l’on prend le temps de comprendre quelle réalité il recouvre. Un logiciel est dit libre si sa licence d’utilisation donne quatre libertés à son utilisateur : celle d’exécuter le logiciel, comme il le souhaite, sans avoir à payer quoi que ce soit, et j’insiste sur ce point ; celle d’étudier le fonctionnement de ce logiciel ; celle de le modifier ; enfin, celle de le redistribuer.
Ces quatre libertés imposent, en pratique, la fourniture du code source du logiciel, en l’absence duquel les développeurs doivent passer par des démarches extrêmement longues et coûteuses, que seuls quelques-uns sont en mesure d’entreprendre.
Ce sous-amendement est très attendu par tous ceux qui ont à cœur que le développement du logiciel libre ne soit pas durablement freiné par des décisions trop hâtives et insuffisamment éclairées.
M. le président. Pour compléter la réponse que j’ai faite tout à l’heure, je précise que la discussion commune permet au moins à chacun de soutenir son amendement. Si nous ne procédions pas de la sorte, certains amendements pourraient ne pas être défendus puisque l’adoption de l’un ferait tomber les autres. En l’occurrence, monsieur Paul, vous voyez que cette procédure vous est plutôt favorable.
La parole est à M. Richard Cazenave, pour soutenir le sous-amendement n° 317 rectifié.
M. Richard Cazenave. Ce sous-amendement reprend celui que nous avons présenté à l’article 13, à propos des actes réalisés à des fins d’interopérabilité ou de sécurité informatique.
M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir le sous-amendement n° 356.
M. Patrick Bloche. Là encore, il s’agit d’un sous-amendement déjà présenté à l’article 13. Il complète l’article 14 par le paragraphe suivant : « Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux actes réalisés à des fins d’interopérabilité ou pour l’usage normal de l’œuvre. Elles ne le sont pas non plus aux actes réalisés afin de contourner une limitation résultant de l’utilisation d’une mesure technique de protection dont le consommateur n’a pas été informé lors de l’acquisition d’une copie d’une œuvre ainsi qu’aux actes réalisés sans but lucratif, à des fins de sécurité informatique ou de protection de la vie privée. »
Ce texte me paraît suffisamment clair et intelligible pour que je n’y revienne pas.
M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir le sous-amendement n° 359.
M. Patrick Bloche. Ce sous-amendement vise à compléter l’article 14 par le paragraphe suivant : « Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux actes réalisés à des fins d’interopérabilité ou pour l’usage normal de l’œuvre. Elles ne le sont pas non plus aux actes réalisés afin de contourner une limitation résultant de l’utilisation d’une mesure technique de protection dont le consommateur n’a pas été informé lors de l’acquisition d’une copie d’une œuvre. »
Toujours dans la même préoccupation d’assurer l’interopérabilité, nous voulons inscrire dans l’article 14 la nécessité de contourner les mesures techniques de protection afin de pouvoir faire un usage normal des œuvres, qui implique non seulement la lecture mais aussi la copie.
M. le président. Je peux considérer, monsieur Bloche, que les mêmes arguments valent pour la défense des amendements nos 357, 360, 361 et 358 ?
M. Patrick Bloche. Oui, monsieur le président.
M. le président. Et qu’en est-il du sous-amendement n° 374 ?
M. Patrick Bloche. Il s’agit d’un amendement de conséquence, qui vise là encore à établir des protections en matière d’interopérabilité, de recherche et de sécurité informatique ainsi que des garanties s’agissant de la vie privée des internautes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces sous-amendements ?
M. Christian Vanneste, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement n° 317 rectifié, dont la rédaction est très précise. Avis défavorable aux sous-amendements nos 387, 356, 359, 357, 360, 361, 358 et 374 qui n’ont pas la même qualité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre de la culture et de la communication. Même avis.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 387.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 317 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les sous-amendements nos 356, 359, 357, 360, 361, 358 et 374 tombent.
Je suis saisi d’un sous-amendement n° 409.
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le soutenir.
M. Jean Dionis du Séjour. J’ai déjà défendu un sous-amendement analogue lors de l’examen de l’article 13. Il en est de même pour le sous-amendement n° 413.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux sous-amendements ?
M. Christian Vanneste, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre de la culture et de la communication. Avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 409.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 413.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 262, modifié par les sous-amendements adoptés.
(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)
M. le président. En conséquence, l’article 14 est ainsi rédigé et les amendements nos 44, 45, 46, 237, 47 et 362 tombent.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif aux offres publiques d’acquisition (nos 2876, 2921).
M. le président. Le lundi 6 mars, l’Assemblée a commencé l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 10.
M. Éric Besson. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Éric Besson, pour un rappel au règlement.
M. Éric Besson. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, mes chers collègues, je tiens à souligner les conditions très difficiles dans lesquelles nous travaillons, car elles sont peu propices à nous permettre de suivre le fil du débat.
Comme vous venez de le rappeler, monsieur le président, nous avons commencé l’examen de ce projet de loi le lundi 6 mars. Qui parmi nous peut avoir, après dix jours d’interruption de ce débat, un souvenir très précis des arguments que nous avons échangés ?
En outre, alors que l’examen du texte était annoncé pour quinze heures, nous le commençons à dix-sept heures quarante-cinq.
Le Gouvernement a beau dire qu’il fait de la lutte contre les OPA l’une des priorités de son action et du patriotisme économique qu’il revendique, les conditions exaspérantes dans lesquelles nous travaillons montrent le peu de crédit qu’on peut accorder à ses déclarations.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.
M. Hervé Novelli, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Je dois vous rappeler, monsieur Besson, certains faits que vous avez tendance à oublier : si la question vous paraissait aussi importante que vous le dites, il eût été préférable que vous et vos amis fussiez présents lors de la première lecture du texte. Or j’ai eu le regret de constater que, après un discours liminaire, vous avez fait acte de désertion (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)…
M. Jean-Louis Idiart. N’importe quoi !
M. Hervé Novelli. …ce qui, en période de patriotisme économique – pour reprendre votre expression – est toujours un mauvais moyen d’aborder le débat.
M. le président. Nous en venons donc à l’examen de l’article 10, sur lequel je suis saisi de plusieurs amendements.
La parole est à M. Éric Besson, pour soutenir l’amendement n° 23.
M. Éric Besson. Avant de présenter cet amendement, je veux revenir brièvement sur les propos du rapporteur. Bien que l’UMP soit assez portée, ces temps-ci, sur la métaphore guerrière – comparant par exemple, à propos du CPE, le Premier ministre à Napoléon au pont d’Arcole – il est choquant d’entendre l’un de ses membres parler de désertion. Nous avons plutôt essayé de montrer, à propos de ce texte, qu’en matière d’OPA, le Gouvernement, loin de lutter pour le patriotisme économique, nous propose plutôt un désarmement unilatéral des entreprises françaises, auquel rien ne l’obligeait.
Ma question est simple, mais le ministre n’y a toujours pas répondu : pourquoi la France, à l’inverse d’autres pays européens, a-t-elle choisi de transcrire la directive sur le mode le plus libéral possible ? Le choix était libre, puisque cette disposition, qui correspond à l’article 9 de la directive et à l’article 10 du projet de loi que nous examinons, était optionnelle. Laisser le choix aux États était d’ailleurs la seule solution pour faire accepter une directive sur laquelle il n’y avait initialement pas de consensus. L’Allemagne, le Luxembourg, la Pologne et, semble-t-il, le Danemark font, à l’heure où nous parlons, le choix inverse.
Pourquoi avez-vous donc fait ce choix ? Selon le rapport de M. Lepetit, sur lequel vous nous dites vous être appuyé, monsieur le ministre, la transcription obligatoire apporterait un bénéfice en termes d’image de la France. Mais quel bénéfice ? On sait en revanche ce que le désarmement unilatéral nous coûterait. Le rapport de M. Lepetit soulignait d’ailleurs avec honnêteté que cet effet d’image avait été contesté au sein même de sa commission lors de ses auditions.
Nous attendons aujourd’hui de vous, monsieur le ministre, que vous nous disiez clairement et simplement pourquoi cette transcription va plus loin que ce que permettait le caractère optionnel de la directive, et pourquoi vous confiez aux seuls actionnaires la totalité des pouvoirs pour déterminer l’avenir des entreprises. Alors que vous n’aviez aucune raison d’obliger les entreprises à se désarmer unilatéralement, pourquoi le faites-vous ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hervé Novelli, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 23.
La raison en est simple : le ministre, qui a confié un travail à la commission Lepetit, a choisi de faire confiance à des experts de la place et a, en toute logique, suivi les recommandations de cette commission. Je cite une phrase de son rapport : « Le groupe de travail juge indispensable que soit instaurée une parfaite égalité des conditions de jeu entre des sociétés de pays différents et recommande à cet effet l’introduction en France de la clause de réciprocité ». En toute logique, donc, l’article 9 de la directive s’appliquera en France de manière obligatoire.
Vous n’avez d’ailleurs pas précisé que cette obligation s’accompagnait d’une contrepartie : la réciprocité, qui permet, suivant les recommandations de la commission, d’assurer la parfaite égalité des conditions de jeu. Avec ce que vous nous proposez, nous donnerions de nos entreprises l’image de mauvaises joueuses, auxquelles il serait permis de ne pas consulter leurs actionnaires, en contradiction avec toute démocratie actionnariale, alors que leurs adversaires s’imposent eux-mêmes cette procédure.
C’est la raison pour laquelle cet amendement a été rejeté par la commission, qui souhaite que l’Assemblée fasse de même.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, pour donner l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur Besson, lors de la première lecture, pour laquelle je ne me souviens plus si vous étiez là, j’ai longuement expliqué pourquoi le Gouvernement avait décidé de procéder à une large consultation : puisqu’il était question des entreprises, il était très important de recueillir leur avis.
Vous avez cependant raison de souligner que nous avions décidé d’appliquer les recommandations du rapport Lepetit. Il restait toutefois à préciser un point débattu lors de la première lecture : comment mieux nourrir la réciprocité évoquée par le rapporteur ? Dans ce débat, certains voulaient permettre aux entreprises de procéder à des augmentations de capital réservées, option à laquelle, comme vous le savez, le Gouvernement n’était guère favorable, car elle pouvait donner trop de pouvoir à un conseil d’administration au détriment de l’ensemble des actionnaires. Nous avions alors indiqué que nous examinerions d’autres solutions : c’est la raison pour laquelle nous présentons, en deuxième lecture, un dispositif qui va compléter cette mesure et, pour reprendre le terme que vous avez employé – et auquel je ne souscris pas pour autant –, réarmer les entreprises face à d’autres qui disposent de cette possibilité.
J’espère donc que vous voterez la proposition visant à permettre aux entreprises de faire appel à des bons de souscription en actions, qui complètera bien le dispositif et ira dans le sens de ce que vous recherchez.
Le Gouvernement propose donc le rejet de votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Éric Besson.
M. Éric Besson. L’humour et l’ironie du ministre ne m’ont pas échappé lorsqu’il s’est demandé si j’étais présent lors de la première lecture du texte, comme il l’a déjà fait à trois reprises voici dix jours. Non, monsieur le ministre, je n’étais pas présent le 15 décembre. Je m’en suis déjà expliqué, mais je tiens à le répéter.
Vous devriez savoir que nous sommes des besogneux. Nous n’avons pas eu l’immense chance de passer directement, comme de grands capitaines d’industrie, d’un grand groupe au ministère de l’économie et des finances.
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Cela vous va bien ! Tout le monde connaît votre parcours dans l’industrie, dont vous n’avez d’ailleurs pas à rougir.
M. Éric Besson. Nous avons des mandats, nous sommes parfois également maires et, le jeudi soir, nous devons rejoindre nos circonscriptions. Excusez-nous, car je comprends que cette préoccupation vous soit étrangère. Nous n’avons pas tous la chance d’accéder à la voie royale qui vous a été offerte. Nous travaillons dans nos circonscriptions.
J’en viens au fond, pour répondre à vos arguments.
En premier lieu, je dois indiquer au rapporteur que c’est par honnêteté que j’ai cité le rapport de M. Lepetit et souligné la nuance. Cependant, quel qu’ait pu être l’avis de ces experts et sans aller jusqu’à être désagréable en indiquant qu’on s’en moque, je tiens à dire que notre responsabilité n’est pas de coller mécaniquement à leurs propos.
Nous avons, en effet, une responsabilité. Partagez-vous, oui ou non, l’idée que la financiarisation excessive du capitalisme et les taux de rentabilité excessifs exigés par les entreprises donnent la primauté à la spéculation sur la logique industrielle et peuvent conduire à la fois à des OPA hostiles et à des comportements de court terme de la part des actionnaires ? Nous avons à en débattre, et nous sommes chargés des intérêts de notre pays.
Malgré la thèse selon laquelle les socialistes seraient archaïques et hermétiques aux règles fondamentales de l’économie de marché, je vais citer un document public du MEDEF, mouvement dont vous ne contestez pas souvent les analyses : « Le Gouvernement français a choisi d’imposer aux sociétés françaises la transposition de l’article 9 de la directive, qui prévoit la compétence de l’assemblée générale pour toute mesure de défense prise en cours d’offre, alors que la directive laisse la possibilité aux États membres de permettre aux seules sociétés qui en font volontairement le choix de se placer sous ce régime. Le MEDEF rappelle donc que ce n’était pas son choix, d’autant moins que, dans le texte initial du Gouvernement, la portée de la clause de réciprocité se révélait extrêmement limitée, tant dans ses possibilités de mise en jeu que dans son contenu. »
Ainsi, à partir de préoccupations distinctes, le MEDEF d’un côté et les députés socialistes de l’autre peuvent parvenir à la même conclusion. Il existe donc des experts qui pensent autrement.
Enfin, monsieur le ministre – mais cela pourrait également s’adresser au rapporteur –, pour ce qui est de l’image, voulez-vous suggérer que l’Allemagne, le Luxembourg, la Pologne et le Danemark, par les choix qu’ils sont en train de faire, donneraient l’image de pays systématiquement fermés ? Pourquoi, par exemple, le Danemark, qui est l’un des pays les plus ouverts à la compétition internationale, n’opère-t-il pas le même choix que nous ? Il semble donc qu’on puisse transposer cette directive sans rendre mécaniquement obligatoire son article 9, devenu l’article 10 de ce projet. En la circonstance, vous défendez mal les intérêts de nos grands groupes menacés par des OPA hostiles.
Je tenais à vous le dire, monsieur le ministre, car nos propos vont figurer au Journal officiel. Lorsque, dans l’avenir, nous serons confrontés à une OPA hostile et que vous nous direz, comme vous l’avez fait à propos de l’OPA sur Arcelor,…
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Arcelor n’est pas un groupe français, mais luxembourgeois !
M. Éric Besson. Très bien, mais il y en aura d’autres ! …nous vous rappellerons alors les propos que vous tenez aujourd’hui dans cet hémicycle sur l’image de la France, et nous vous montrerons concrètement que vous avez vous-même fragilisé la situation des groupes français. Cela figurera au compte rendu intégral de nos débats.
M. le président. La parole est à M. Xavier de Roux.
M. Xavier de Roux. Je serai très bref, mais ce point est important.
L’amendement n° 23 vise en effet à permettre à une société de prévoir dans ses propres statuts des dispositions anti-OPA, c’est-à-dire de boucler son capital de telle sorte qu’elle ne soit plus opéable.
M. Besson, auteur de cet amendement, oublie que l’idée même de la directive transposée est la règle de la réciprocité ; n’est opéable que ce qui peut être opéé. Si donc une société adoptait cette stratégie – je sais que ce point fait en Allemagne l’objet de longues discussions –, elle sortirait du marché. Ainsi, les quarante sociétés du CAC 40 ont toutes dans leur capital des investisseurs internationaux.
La solution retenue est donc la bonne : les mesures de défense sont décidées par les actionnaires dès lors qu’ils savent la société attaquée. En tant que rapporteur de la commission des lois saisie pour avis, j’avais déposé en première lecture un amendement visant à établir un mécanisme d’augmentation de capital réservé. Ce mécanisme n’avait pas été retenu. On nous propose maintenant des bons de souscription. C’est en effet une méthode plus moderne et certainement aussi efficace. Je m’y rallie. Dans le marché tel qu’il est, permettre à une société de bloquer une OPA par des dispositions statutaires préalables n’est pas la bonne solution.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 23.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Éric Besson, pour défendre l’amendement n° 26 rectifié.
M. Éric Besson. Monsieur le président, avant de défendre mon amendement, j’aimerais savoir si vous allez nous proposer une discussion commune sur certains des amendements à l’article 10. Je vous le demande parce que je ne comprends pas bien l’ordre dans lequel nous examinons les amendements.
M. le président. Monsieur Besson, sur l’article 10, seuls les amendements nos 1 et 30 seront soumis à une discussion commune. Les autres seront débattus l’un après l’autre.
M. Éric Besson. J’en reviens à l’amendement qui vient d’être repoussé : on ne peut pas dire qu’il nous faisait sortir de l’économie de marché.
M. Xavier de Roux. Je n’ai jamais dit ça !
M. Éric Besson. Sinon, il faudrait expliquer aux Allemands, aux Luxembourgeois, aux Polonais et aux Danois qu’ils sont en train de sortir de l’économie de marché, et au MEDEF que c’était ce qu’il suggérait.
M. Xavier de Roux. Personne n’a dit ça !
M. Éric Besson. Évitons les caricatures.
On nous dit que tout est lié à la réciprocité, mais, en réalité, le Gouvernement ne s’est soumis à ce principe de réciprocité qu’après avoir longuement hésité et avec beaucoup de parcimonie.
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Pas du tout !
M. Éric Besson. La preuve en est donnée par l’ordonnance du 24 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières, et par le nouvel article L. 225-129-3 du code de commerce qui en est la transcription législative, lequel illustre parfaitement ce double langage. Concernant les augmentations de capital, qui constituent l’un des outils à la disposition de l’exécutif des entreprises pour se défendre contre des OPA hostiles, le Gouvernement avait en effet décidé tout seul, hors de toute transposition de directive, de mettre en place un dispositif en tous points similaire à l’article 9 de cette dernière, sans même que le principe de réciprocité s’applique. La préméditation était donc évidente, monsieur De Roux.
Quant à l’amendement n° 26 rectifié, il vise à éviter que le dispositif proposé par le Gouvernement en matière de BSA soit privé de toute effectivité dans le cadre fixé par la transposition de la directive. Il ne convient pas de rendre obligatoire une validation à chaud – parce qu’on en connaît les risques – d’une autorisation donnée précédemment par l’assemblée générale de la société en matière d’émission de bons. Nous voulons que l’émission de bons de souscription d’actions ne soit pas soumise au cadre qui oblige à revenir devant l’assemblée générale mais qu’elle puisse avoir été décidée dans les dix-huit mois précédents.
Je signale à ceux qui nous donnent des leçons en matière d’économie de marché qu’ils seraient bien fondés de s’inspirer des États-Unis, où les conseils d’administration, dans certains cas, peuvent décider seuls en matière de BSA. Au temple du capitalisme, ils ont, eux, la capacité de défendre leurs intérêts. Mais vous, monsieur le ministre, vous ne voulez pas que nos grands groupes puissent défendre les leurs.
M. Michel Piron. Oh !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hervé Novelli, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. Je saisis la logique de l’ordre d’examen des amendements – même si vous feignez de ne pas la comprendre, monsieur Besson – qui nous conduit à examiner cet amendement juste après l’amendement n° 23 parce que, par ces deux amendements, vous montrez que ce qui vous gêne, c’est de consulter les actionnaires.
M. Michel Piron. Tout à fait !
M. Hervé Novelli, rapporteur. Il est un peu paradoxal que ce soit à chaque fois le groupe socialiste qui vise à conforter les dirigeants au détriment des actionnaires dans le cas d’une offre publique. En l’occurrence, nous sommes dans le cas où une assemblée générale a décidé à froid l’émission de bons de souscription d’actions. Elle aura accordé une délégation aux dirigeants pour mettre en œuvre ces dispositions. En ce cas, la logique de l’article 9 de la directive est la suivante : si l’adversaire applique cet article, il consulte, lui, ses actionnaires en période d’offre ; les délégations sont alors annulées et l’entreprise française doit réunir une assemblée générale pour émettre des BSA. Il y a donc une égalité complète dans les conditions de jeu puisque l’adversaire est soumis aux mêmes procédures.
M. Michel Piron. Tout à fait !
M. Hervé Novelli, rapporteur. En fait nos collègues socialistes veulent faire en sorte que les entreprises françaises soient à armes inégales avec leurs adversaires, qui sont pourtant vertueux. Ce n’est pas notre conception car cela aurait pour conséquence de contourner la démocratie actionnariale.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur Besson, il n’y a pas de honte à avoir travaillé dans une grande entreprise ou dans un grand groupe comme cela a été votre cas. Du reste, je m’étonne que vous ayez l’air d’ignorer que, la plupart du temps, les OPA sont utilisées parce que les entreprises le souhaitent, alors que le groupe Vivendi, dans lequel vous avez travaillé, en a pratiqué énormément parce qu’il estimait que c’était l’intérêt de ses actionnaires, même s’il y a eu ensuite une certaine déconfiture. Vous avez donc compris et appris à ce moment-là que, dans la plupart des cas, une offre publique d’acquisition, c’est tout simplement la possibilité offerte aux actionnaires d’une autre entreprise, de façon amicale, de leur acheter leurs titres. Toutefois lorsque le conseil d’administration pense que l’OPA est hostile, c’est-à-dire qu’elle n’est pas dans l’intérêt de ses mandants et des actionnaires, il faut qu’il puisse se défendre à armes égales. C’est ce principe de réciprocité qui fonde la logique de ce texte et la logique du Gouvernement.
Nous sommes également attachés à la démocratie actionnariale : les entreprises pourront utiliser ce principe de réciprocité tout en respectant la totalité des actionnaires. Vous faisiez référence aux États-Unis, mais vous savez que, généralement, les administrateurs ont à répondre beaucoup plus directement devant les actionnaires si jamais ils outrepassent leurs pouvoirs. Ainsi, les class actions, les actions collectives, sont très utilisées aux États-Unis, alors que le droit français est différent. Nous essayons, par l’application du principe de réciprocité, de retrouver un juste équilibre combinant utilisation de l’OPA et mobilisation des actionnaires, notamment par le biais des assemblées générales, qu’elles soient ordinaires ou extraordinaires ; nous aurons l’occasion d’en reparler. C’est pourquoi nous rejetons votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Éric Besson.
M. Éric Besson. Monsieur le ministre, je suis flatté qu’un homme de votre qualité se soit penché sur mon si modeste parcours.
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Il est connu ! Et la réciproque est vraie !
M. Éric Besson. J’ai effectivement travaillé au sein d’un groupe et j’ai été délégué général de la fondation du groupe que vous avez cité.
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Il n’y a pas de honte !
M. Éric Besson. Je l’assume parfaitement et je le revendique. Je n’ai jamais suggéré que c’était une honte que vous ayez été à la tête d’un certain nombre d’entreprises.
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est vrai !
M. Éric Besson. En revanche j’ai tenu à souligner qu’il est très fréquent que les députés, a fortiori les députés-maires, soient obligés le jeudi soir – comme cela va arriver tout à l’heure à plusieurs d’entre nous – de rentrer dans leur circonscription pour assumer localement leur mandat. Visiblement cela vous échappe parce que vous avez eu le bonheur d’avoir une autre carrière. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Loin de vous en faire grief, je vous en félicite.
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. J’étais élu avant vous !
M. Éric Besson. Vous l’avez été avant moi et vous le serez après moi, monsieur le ministre, c’est certain.
M. Jean-Louis Idiart. Nous verrons ! Et le plus tôt sera le mieux !
M. le président. Mes chers collègues, seul M. Besson a la parole !
M. Éric Besson. Monsieur le rapporteur, vous dites que le groupe socialiste défend les dirigeants d’entreprise. C’est la marque de votre humour bien connu. Je vous rappelle que, sur d’autres textes et dans d’autres circonstances, vous nous avez reproché exactement l’inverse.
M. Hervé Novelli, rapporteur. Ah bon ?
M. Éric Besson. Je me souviens ainsi de nos discussions à fronts renversés sous la précédente législature : lorsque nous préconisions la transparence en matière de rémunération, de stock-options, de cumul des mandats d’administrateur dans les grands groupes, etc., vous nous accusiez de nous en prendre systématiquement aux dirigeants, qui étaient de grandes capitaines d’industrie, et de ne pas avoir compris à quel point nous en avions besoin.
En réalité, les socialistes ne défendent pas les dirigeants mais ils n’ont rien contre eux non plus. Nous défendons les entreprises, nous défendons l’outil de production et nous défendons les salariés et l’emploi. Aujourd’hui, certains de nos grands groupes sont menacés de désindustrialisation et d’OPA hostiles. C’est pourquoi nous sommes préoccupés par leur situation.
En outre, monsieur le rapporteur, vous avez beaucoup utilisé l’adjectif « vertueux » en première lecture, et vous le reprenez ce soir. Mais, selon vous, est-elle vertueuse l’entreprise qui renoncerait à se défendre ? Si la réponse est oui, admettez que c’est une conception très particulière de la vertu. C’est pourtant celle que vous défendez parce que, pour vous, une OPA est systématiquement saine puisqu’elle permet la bonne allocation des ressources dans une économie de marché que vous imaginez pure et parfaite. Néanmoins la réalité du monde n’est pas celle-là, et nous essayons de vous la mettre sous les yeux.
Je termine par le plus important.
Vous prétendez que nous refusons de consulter les actionnaires. Mais non ! Je vous renvoie, encore une fois, à la loi relative aux nouvelles régulations économiques, dans laquelle nous n’avons pas cessé de demander que les actionnaires soient consultés sur des sujets fondamentaux. Nous vous disons simplement que l’évolution du capitalisme financiarisé et la multiplication des OPA hostiles, en cours et à venir, peuvent rendre les actionnaires trop sensibles au court terme. En effet les actionnaires ne sont pas seulement, comme vous le dites en permanence, de petits porteurs. Vous savez très bien que des fonds spéculatifs extrêmement importants, étrangers ou français, sont dans le capital de nos entreprises.
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est vrai.
M. Éric Besson. Cessons d’ailleurs de considérer que, par définition, les fonds de pension à la française seraient différents dans leurs préoccupations de profits, des fonds de pension étrangers, par exemple des fonds américains. À chaud, sur une OPA hostile, les actionnaires petits ou grands peuvent privilégier leur intérêt à court terme au détriment des intérêts à long terme, y compris les leurs et, a fortiori, ceux de l’entreprise, de ses salariés et, accessoirement, de ses dirigeants.
Monsieur le rapporteur, assumez votre libéralisme,…
M. Hervé Novelli, rapporteur. C’est bien la première fois qu’on me dit que je ne l’assume pas !
M. Éric Besson. …mais ne faites pas semblant de croire que nous refuserions ce que vous appelez « la démocratie actionnariale ». Il est vrai que celle-ci, poussée jusqu’au bout, à une époque et à une période très particulière – celle où les actionnaires peuvent avoir une espérance de plus-values fortes à très court terme –, peut biaiser complètement leur regard et mettre en danger nos entreprises. Nous n’avons rien contre les actionnaires, mais il faut protéger l’avenir de nos entreprises.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Hervé Novelli, rapporteur. Monsieur Besson, je veux simplement rectifier une erreur formelle de votre part, dans laquelle je vois une forme d’hommage puisque vous considérez que je suis ici depuis très longtemps : je n’étais pas à l’Assemblée lorsque la loi NRE a été adoptée.
M. Jean-Louis Idiart. Il y a eu une interruption de cinq ans !
M. Xavier de Roux. Un bref intermède !
M. Michel Piron. C’est la précarité !
M. Hervé Novelli, rapporteur. En effet j’ai passé un court séjour à l’extérieur de cet hémicycle. (Sourires.)
M. Jean-Louis Idiart. Votre esprit était là ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Michel Piron.
M. Michel Piron. Je veux faire part de ma surprise sur deux points.
Tout d’abord, la question n’est pas de savoir, comme on l’a dit tout à l’heure, si une OPA est plus ou moins saine, mais si elle est hostile. C’est cela qui détermine la conduite à tenir.
Je ne suis pas moins étonné que l’on fasse a priori aux actionnaires le procès de faire des choix de court terme. C’est un déni de réalité, si l’on en juge par tous les groupes qui se sont construits sur le long terme à partir, si je ne m’abuse, des choix des actionnaires.
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et M. Hervé Novelli, rapporteur. Très bien !
M. le président. Votre intervention, monsieur Piron, me permet de rendre hommage à votre sens du devoir, puisque vous passez votre jour anniversaire dans l’hémicycle, loin de votre circonscription et de votre famille : voilà qui illustre bien les contraintes de la vie parlementaire. (Sourires et applaudissements sur tous les bancs.)
Je mets aux voix l’amendement n° 26 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Éric Besson, pour soutenir l’amendement n° 27.
M. Éric Besson. Je serai bref, monsieur le président, puisque nous avons défendu lundi dernier beaucoup d’amendements qui expriment la même préoccupation : la consultation du comité d’entreprise est légitime pour les mesures qui pourraient permettre à une société de s’opposer à une offre publique qui la vise.
Tel est l’objet de l’amendement n° 27.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hervé Novelli, rapporteur. Défavorable : cet amendement conditionne le vote des assemblées générales d’actionnaires à une consultation préalable du comité d’entreprise en matière de mesures anti-OPA prises à froid : cela changerait l’équilibre de notre code du travail.
M. Jean-Louis Idiart. Certes, et pas dans le sens que vous souhaitez !
M. Hervé Novelli, rapporteur. En outre, ce sont bien les actionnaires qui, in fine, devront décider.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 27.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 1 et 30, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 1.
M. Hervé Novelli, rapporteur. Cet amendement adopté par la commission des finances est au cœur de nos débats, c’est pourquoi je me permettrai de l’exposer un peu longuement.
Le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement permettant aux entreprises d’émettre, en cas d’offre, des BSA, des bons de souscription d’actions, qui seraient destinés à l’ensemble des actionnaires. Le Sénat a, par ailleurs, adopté un sous-amendement de M. Marini, qui a reçu un avis de sagesse positive du Gouvernement et précise que l’assemblée générale des actionnaires statue sur l’émission de bons à la majorité simple.
Je rappelle que le texte initial de l’amendement du Gouvernement prévoyait que seule une assemblée générale extraordinaire pouvait prendre cette décision. Je note donc, monsieur le ministre, une évolution entre l’intention initiale du Gouvernement et le texte aujourd’hui soumis à notre vote.
L’amendement adopté par la commission des finances vise à revenir au texte initial proposé par le Gouvernement. D’abord parce que le texte adopté au Sénat ne qualifie pas la nature de l’assemblée générale concernée. On peut donc imaginer qu’il s’agirait d’une AGO – assemblée générale ordinaire – ou d’une AGE – assemblée générale extraordinaire – qui statuerait, sur cette question, dans les conditions d’une AGO.
L’amendement de la commission des finances présente donc un avantage de clarification et lève les doutes sur l’interprétation de la rédaction du dispositif. Il est aussi – c’est sans doute là le plus important – conforme à l’esprit sur lequel est bâti notre code de commerce.
Dans le cours normal de l’activité de l’entreprise, l’émission de BSA, parce qu’elle influe sur son capital, ne peut être permise que par une assemblée générale extraordinaire.
Confier le soin de statuer à une AGE est aussi plus sûr du point de vue juridique. En effet, dans le cas d’un démembrement d’actions, le droit de vote appartient à l’usufruitier dans les AGO et au nu-propriétaire dans les AGE. Cette dernière forme présente donc davantage de garanties au regard de la préservation du droit de propriété.
J’ajoute que l’article L. 225-96 du code de commerce prévoit que « L’assemblée générale extraordinaire est seule habilitée à modifier les statuts dans toutes leurs dispositions. » Il est donc évident que les modifications touchant au capital sont du ressort de l’AGE.
C’est d’ailleurs ce que prévoit l’article L. 225-129 du même code, qui dispose que « L’assemblée générale extraordinaire est seule compétente pour décider […] une augmentation de capital immédiate ou à terme. »
Au-delà du débat sur la nature même de l’assemblée générale en cause, nous devons réfléchir aux conséquences que le choix entre l’AGO et l’AGE implique au sujet des règles de majorité. Je pense à cet égard que la règle normale au sein d’une AGE – deux tiers des voix des actionnaires présents ou représentés, contre la moitié pour les AGO – protège mieux les intérêts des petits actionnaires. En effet, les principaux actionnaires peuvent plus facilement atteindre 50 % des voix que 66,6 %.
En outre, les règles de quorum sont différentes. Une AGE ne peut délibérer valablement que si le quart des actionnaires est présent en première convocation et le cinquième en seconde convocation. Une AGO, elle, ne le peut qu’avec le cinquième en première convocation ; en seconde convocation – j’attire votre attention sur ce point –, aucun quorum n’est requis.
Permettre l’émission de bons de souscription d’actions par une AGO qui, en seconde convocation, serait autorisée par seulement 50 % des voix des rares actionnaires présents ferait courir un risque, compte tenu de la portée d’une augmentation de capital, à l’équilibre de notre code de commerce.
La commission des finances m’a d’ailleurs suivi sur ce point et souhaite préciser, par cet amendement, que seule une AGE peut statuer sur une augmentation de capital résultant de l’émission de BSA.
M. le président. Mes chers collègues, je vous indique d’ores et déjà que, sur le vote de l’article 10, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. le ministre pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 1 et défendre l’amendement n° 30.
Je rappelle à l’Assemblée que l’adoption de l’un de ces amendements ferait évidemment tomber l’autre.
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour l’exposé de l’amendement de la commission qui a fait progresser les intentions du Gouvernement.
Vous clarifiez en effet la distinction entre assemblée générale ordinaire et assemblée générale extraordinaire. Dès lors que l’émission de BSA peut entraîner une augmentation de capital, il est tout à fait légitime de la faire voter par une AGE plutôt que par une AGO.
Toutefois, il ne faudrait pas que cette préoccupation juridique prenne le pas sur le souci du Gouvernement de se rapprocher de la pratique de pays tels que les États-Unis ; je pense notamment à la clause de réciprocité, qui y est communément utilisée.
L’amendement n° 30 du Gouvernement semble à cet égard un bon compromis et je souhaite le présenter pour clarifier nos débats.
Notre objectif est bien de rendre le dispositif d’émission de BSA à la fois efficace et crédible, afin de le rendre applicable par les entreprises – et je rejoins M. Besson sur ce point – qui s’estimeraient l’objet d’une OPA hostile. C’est pourquoi les conditions de quorum et de majorité requises pour les AGO me semblent mieux adaptées, pour autant qu’elles respectent le bon ordre juridique. C’est pour cette raison que le Gouvernement s’en était remis à la sagesse, d’ailleurs positive, du Sénat.
L’amendement n° 30 préconise que c’est bien l’AGE qui statue en la matière, comme vous venez, monsieur le rapporteur, de le proposer : nous restons ainsi dans le droit commun des augmentations de capital. Mais il propose aussi que la décision d’émettre des BSA soit prise aux conditions de quorum et de majorité simple qui sont celles de l’AGO.
Il s’agirait là d’un bon compromis entre votre préoccupation de conformité au droit et l’objectif d’efficacité du Gouvernement. Aux États-Unis, par exemple, on délègue la décision au conseil d’administration, qui statue à la majorité simple. S’inspirer de telles pratiques afin de trouver un compromis – et M. Carayon propose à l’article 11 un amendement qui va dans le même sens – me semble la meilleure solution.
M. le président. Si je vous ai bien suivi, monsieur le ministre, l’amendement de la commission est bon mais le vôtre est meilleur. (Sourires.)
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Tout à fait, monsieur le président : cela peut arriver ! (Sourires.)
M. le président. En l’occurrence, c’est l’un ou l’autre.
Retirez-vous donc l’amendement de la commission, M. le rapporteur ?
M. Hervé Novelli, rapporteur. Je ne vais pas faire durer le suspense trop longtemps.
Je sais gré au ministre d’avoir bien voulu rétablir l’ordre juridique. Ainsi, nous passerons par une AGE, même si les conditions de celle-ci, en termes de quorum et de majorité, seront celles d’une AGO.
Vous dire que j’en suis pleinement satisfait serait une injure à la vérité, mais le Gouvernement fait un pas important : je retire donc l’amendement de la commission.
M. Bernard Carayon. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 1 est retiré.
La parole est à M. Xavier de Roux.
M. Xavier de Roux. Je remercie la commission d’avoir retiré son amendement, ce qui nous permet de discuter sur celui du Gouvernement.
Le projet de loi prévoit en effet, à l’article 11, un nouvel article, L. 233-33, du code de commerce. Cet article propose que, dans certains cas – notamment lorsque l’initiateur de l’offre est soumis à une réglementation moins contraignante – l’assemblée générale puisse autoriser, pour une période de dix-huit mois, le conseil d’administration à prendre différentes mesures de défense, et notamment à émettre des bons de souscription d’actions à titre définitif.
Or, et c’était la seule difficulté, le projet de loi ne précise pas quelle assemblée doit donner cette autorisation. La question qui se posait était très simple : s’agit-il d’une assemblée générale ordinaire ou d’une assemblée générale extraordinaire ?
Les arguments juridiques du rapporteur sur le rôle d’une assemblée générale extraordinaire étaient certes fondés,…
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est vrai !
M. Xavier de Roux. …mais cette solution avait pour effet de désarmer la société dans le cas – minoritaire – d’une OPA hostile.
Ce qui me choque un peu, d’ailleurs, dans la discussion de ce texte, c’est que l’on mélange deux choses : l’OPA, normale, classique, qui permet une concentration et l’acte hostile, celui du prédateur qui tente de s’emparer, pour des motifs qui peuvent être très variables, d’une société.
M. Besson a estimé que nous désarmions les entreprises françaises. En l’occurrence, je pense que nous les réarmons et que l’utilisation des règles de l’assemblée générale ordinaire est la bonne solution, même si l’on fait effectuer un petit « saute-mouton » au droit, puisque ce sera une assemblée générale extraordinaire qui appliquera les règles de majorité et de quorum d’une assemblée ordinaire.
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Oui, en effet !
M. Xavier de Roux. Cependant, s’agissant d’une arme de défense, il me semble qu’il faut adopter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Éric Besson.
M. Éric Besson. Je fais observer à M. de Roux qu’il est de plus en plus difficile de distinguer, aussi catégoriquement qu’il le fait, ce qu’il appelle une OPA normale – on dit parfois amicale – d’une OPA hostile, selon une expression un peu caricaturale. En réalité, très souvent, il est vraiment difficile de le savoir, et la porosité entre les deux catégories est plus grande qu’on ne l’imagine.
Quant au « saute-mouton » juridique, je le rassure : il existe déjà dans le droit français, notamment à l’article 225-130 du code de commerce dont je lui fais grâce de la lecture. La proposition du Gouvernement n’est donc pas une création juridique ex nihilo.
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. En effet !
M. Éric Besson. Je félicite M. le ministre pour son action pédagogique auprès du rapporteur. Les députés socialistes, en commission des finances, avaient suggéré à ce dernier de retirer son amendement, ce qu’il pouvait très bien faire à ce moment-là. Comme il a le goût de la contradiction, il préfère le faire ici, en séance, alors qu’il n’en a théoriquement pas le droit. Peu importe ! Le ministre a trouvé les arguments pour le convaincre…
M. Hervé Novelli, rapporteur. Il est plus persuasif que vous !
M. Éric Besson. …de consentir à ce qui constitue, à nos yeux, une petite avancée ou, plus exactement, une avancée partielle, puisque le groupe socialiste, lui, souhaitait tout simplement que ce soit l’assemblée générale ordinaire qui se prononce à la majorité simple, toujours avec le même souci de permettre aux dirigeants et aux conseils d’administration des entreprises d’utiliser toutes les armes à leur disposition pour lutter contre les OPA hostiles.
Nous ne voterons pas votre amendement, monsieur le ministre, bien qu’il constitue une avancée, ce qui ne veut pas dire que nous nous opposons aux bons de souscription en actions, dont j’ai dit dans la discussion générale – et je le répète pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté – que nous les considérions comme un élément utile. C’est parce que votre amendement propose que ce soit une assemblée générale extraordinaire, alors que nous désirions une assemblée générale ordinaire, que nous voterons contre.
M. Xavier de Roux. Vous avez tort !
M. Éric Besson. Et l’on voit bien ainsi la cohérence de tout cela avec l’amendement n° 26 rectifié, qui était pour nous un amendement de repli, puisque vous introduisez une exception au cadre dangereux posé par l’article 9 de la directive, dans sa version obligatoire. Nous, nous voulons que les BSA puissent réellement servir. Il ne faudrait donc pas exiger que, s’ils ont été mis en place dans une société, il soit de nouveau nécessaire d’interroger l’assemblée générale si une offre publique vise la société. Cet amendement aurait assuré l’effectivité des bons de souscription d’actions pour une période ferme de dix-huit mois, notamment si une OPA est lancée pendant cette période.
Vous voyez, monsieur le ministre, que nous sommes parfaitement cohérents, de bout en bout. Nous acceptons votre idée de bons de souscription d’actions ; nous n’en faisons pas une digue insubmersible car nous savons qu’elle pourra être contournée. Toutefois elle peut être utile. Elle a fait ses preuves dans d’autres pays, notamment aux États-Unis.
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est vrai !
M. Éric Besson. Nous aurions simplement souhaité que vous acceptiez que ce soit l’assemblée générale ordinaire qui en décide. Nous allons donc voter contre, mais pour cette seule raison.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 30.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Éric Besson, pour soutenir l’amendement n° 24.
M. Éric Besson. Je ne le défendrai pas longuement car il est en cohérence avec tout ce que nous avons déjà dit.
Nous ne voulons pas que le dispositif des BSA soit imposé à chaud, dès lors que l’article 9 a été – malheureusement, selon nous – transcrit de façon que ses dispositions soient obligatoires. Nous pensons qu’un nouveau vote de confirmation de l’assemblée générale, au moment où elle est la moins susceptible de l’accorder, c’est-à-dire au moment où la tentation de la plus-value à très court terme est la plus forte, constitue une erreur pour nos entreprises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hervé Novelli, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement pour les mêmes raisons qu’elle avait émis un avis défavorable sur les amendements nos 23, 26 et 27.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 24.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 10, modifié par l’amendement n° 30, et procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
…………………………………………………………
M. le président. Le scrutin est ouvert.
…………………………………………………………
M. le président. Le scrutin est clos.
Voici le résultat du scrutin :
L’Assemblée nationale a adopté.
M. le président. Sur l’article 11, je suis saisi de deux amendements, nos 4 rectifié et 25, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Bernard Carayon, pour soutenir l’amendement n° 4 rectifié.
M. Bernard Carayon. Il s’agit d’un amendement de clarification.
Je suis heureux que notre collègue, Hervé Novelli, ait rallié la position de bon sens, qui est de privilégier la majorité simple par rapport à la majorité qualifiée. La première donne, en effet, davantage de poids aux petits actionnaires, tandis que la seconde favorise les fonds spéculatifs qui sont si prédateurs et qui poursuivent des intérêts de court terme, ce qui nuit aux stratégies industrielles, lesquelles sont sur le long terme.
Je tiens également à souligner combien le texte que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans une politique volontariste, dont il faut saluer la qualité et qui, loin d’être un protectionnisme ou un nationalisme comme cela a pu être dit – on a même parlé, un temps, de l’érection d’un mur de l’Atlantique ! – est destinée à nous doter des mêmes outils, institutions et méthodes que nos concurrents, y compris les plus libéraux.
On a fait observer la présence de « pilules empoisonnées » dans les dispositifs américains. Je rappelle, au passage, qu’existe depuis trente ans – depuis 1975 – aux États-Unis une institution nommée le Comité pour les investissements étrangers, qui soumet au seul critère de la sécurité nationale, critère sans base légale ni jurisprudence, l’examen des investissements étrangers. En dernier ressort, c’est le Président des États-Unis qui arbitre quant à l’opportunité d’accueillir ou non des investissements étrangers.
Bref, que ce soit aux États-Unis, au Japon – où, d’ailleurs, l’on ne connaît pas d’OPA hostiles – ou dans certaines formes prises par le capitalisme allemand, notamment la protection des entreprises par le biais de fondations, partout, dans toutes les nations libérales, et même dans celles que l’on qualifie parfois d’ultralibérales, il existe des dispositifs de protection des entreprises, car, dans ces nations, on a identifié ce qu’il paraissait fondamental de protéger, voire d’accompagner dans la conquête des marchés mondiaux.
Notre pays, qui fait l’objet de tant de critiques, aujourd’hui, en particulier en Europe, est pourtant celui qui est le plus ouvert aux investissements internationaux, qu’on s’en réjouisse ou qu’on le déplore.
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est vrai !
M. Bernard Carayon. La bourse de Paris, en particulier le CAC 40, accueille 45 % d’investisseurs étrangers – ces fonds de pension dont on a évoqué la nécessité mais aussi les risques – alors que la bourse de Londres n’est ouverte qu’à 20 %, celle de New York qu’à 10 % et celle de Tokyo qu’à 5 %.
Ce texte est aussi à mettre en relation avec les nouveaux outils de politique ou de stratégie industrielle qui ont été développés par le Gouvernement depuis quelque temps : création de l’Agence pour l’innovation industrielle, de l’Agence nationale pour la recherche et des pôles de compétitivité ; regroupement, au sein d’OSEO, de la BDPME et de l’ANVAR. Tout cela va dans le bon sens.
Le groupe socialiste aurait dû voter l’amendement du Gouvernement. Les mauvaises langues pourraient interpréter votre vote négatif comme une dérive ultralibérale, monsieur Besson. Vous vous êtes, en effet, opposés ainsi à un dispositif qui permet de mieux protéger nos entreprises, celles que nous avons décidé de protéger des prédateurs internationaux, qui préfèrent la spéculation financière à la définition de véritables stratégies industrielles.
Monsieur le ministre, ce dispositif juridique, aussi utile soit-il, ne saurait être considéré comme suffisant. Je disais qu’au Japon, il n’y avait, à ma connaissance, jamais eu d’OPA hostile, même en l’absence de tout texte juridique protecteur, du fait de l’existence d’une sorte de solidarité au sein du capitalisme japonais, une solidarité que l’on aimerait trouver chez nos grands chefs d’entreprise et dont l’absence nous incline quelque peu au pessimisme.
Pour conclure, je souligne qu’il me paraît urgent que la France engage, chez nous comme dans le cadre des discussions intra-européennes, un processus d’identification des marchés et des secteurs stratégiques, bien au-delà des secteurs sensibles déjà évoqués, lesquels seraient ainsi protégés au risque de provoquer le courroux de la Commission européenne. Il est urgent que les nations à tradition industrielle d’Europe élaborent des stratégies communes et que l’Union se dote, elle aussi, des mêmes outils que les États-Unis et les nations industrielles émergentes, comme l’Inde, la Chine ou la Russie.
J’ajoute, à l’intention de nos collègues du groupe socialiste, qu’en un domaine où l’on parle tant de guerre économique et où nos entreprises semblent soumises à de très fortes pressions internationales, il faut lutter contre le fatalisme de ce que j’appellerais le « syndrome de Vilvoorde ». Autrement dit, il ne faut pas baisser la garde.
M. le président. La parole est à M. Éric Besson pour défendre l’amendement n° 25.
M. Éric Besson. Cet amendement m’aura permis d’apprécier le sens de la nuance de notre collègue Bernard Carayon. Je lui reconnaissais déjà des qualités, mais il vient d’en dévoiler encore une ! En tout cas, je le remercie de ses propos sur la dérive ultralibérale du parti socialiste. Ils permettront peut-être de contrebalancer ce que l’on entend d’habitude de votre côté de l’hémicycle.
J’avais pris la précaution d’expliquer, comme en atteste le Journal officiel, que nous n’étions pas contre les bons de souscription d’actions, mais que nous souhaitions que ce soit l’assemblée générale ordinaire qui en décide. Je vous donnais environ une heure pour détourner le sens de mes propos, mais il vous aura suffi de quelques secondes !
M. Bernard Carayon. Si vous voulez, je peux recommencer !
M. Éric Besson. Sur le fond, nous sommes toujours dans la même logique avec l’amendement n° 25 : nous souhaitons que ce soit l’assemblée générale ordinaire qui autorise l’émission de bons. À défaut, celle-ci serait soumise à une décision à la majorité des deux tiers, dans le cadre d’une assemblée générale extraordinaire, ce qui implique qu’elle serait peu probable dans la plupart des entreprises françaises, malheureusement opéables pour nombre d’entre elles, puisqu’en moyenne, 40 % à 45 % de leur capital est détenu par des fonds non résidents.
Je le dis d’autant plus volontiers que notre collègue Xavier de Roux a bien montré, il y a quelques instants, les limites des assemblées générales extraordinaires en en soulignant les risques, leurs conditions normales de majorité et de quorum correspondant à la version initiale de l’amendement du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Hervé Novelli, rapporteur. Vous vous en souvenez, monsieur Carayon, l’amendement n° 4 rectifié n’avait pas été accepté par la commission des finances…
M. Bernard Carayon. Hélas !
M. Hervé Novelli, rapporteur. …parce qu’il était incompatible avec l’amendement n° 1 de la commission, que j’ai retiré il y a quelques instants. Il proposait de confirmer à l’article 11 que l’émission des BSA était autorisée par une assemblée générale extraordinaire à la majorité simple.
Compte tenu de l’adoption de l’amendement n° 30 du Gouvernement à l’article 10, je considère à titre personnel que l’adoption de cet amendement – qui peut sembler superfétatoire – apporterait une coordination utile avec le vote précédent.
M. Bernard Carayon. Absolument !
M. Hervé Novelli, rapporteur. J’y suis donc favorable.
En revanche, l’amendement n° 25 du groupe socialiste a été repoussé en commission pour les mêmes raisons que ses autres amendements. Il serait d’ailleurs pour partie satisfait par l’adoption de l’amendement n° 4 rectifié et j’y vois pour ma part une conjonction intéressante des points de vues. Cela étant, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Sans surprise, je suis évidemment favorable à l’amendement de M. Carayon et défavorable à celui de M. Besson.
M. Jean-Louis Idiart. Pourquoi « évidemment » ?
M. Éric Besson. Sans surprise !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 25 tombe.
Je mets aux voix l'article 11, modifié par l'amendement n° 4 rectifié.
(L'article 11, ainsi modifié, est adopté.)
M. le président. Sur l’article 19, je suis saisi de l’amendement n° 2.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
M. Hervé Novelli, rapporteur. Cet amendement, adopté par la commission des finances, vise à suivre l’avis du Gouvernement qui s’était prononcé contre l’adoption d’un amendement du Sénat, en proposant la suppression de l’alinéa 3 de cet article.
Ce dispositif tend à appliquer la clause de réciprocité aux cas où un ou plusieurs initiateurs d’offres visent des sociétés qui ont volontairement décidé d’inclure dans leurs statuts l’inopposabilité ou la suspension de restrictions facultatives au transfert de titres, à l’exercice du droit de vote ou des droits extraordinaires de nomination ou de révocation de certains actionnaires.
Nous avons deux interrogations, l’une d’ordre juridique, l’autre d’ordre pratique.
L’incertitude juridique est liée au sentiment que ce dispositif ne serait pas conforme au droit communautaire si nous le laissions en l’état. Au Sénat, le ministre a indiqué que la Commission européenne n’avait pas encore rendu un avis officiel – demandé par la France – sur l’eurocompatibilité du dispositif. Par contre, de manière informelle et officieuse, cet avis tendrait à considérer que la réciprocité à la carte n’est pas conforme à la lettre de l’article 11 de la directive. Cette incertitude juridique à elle seule fait planer le doute. Il semble donc plus sage de supprimer cet ajout du Sénat.
Au plan pratique, cette réciprocité est de nature à laisser penser aux entreprises qu’elles peuvent décider d’appliquer sans risque les dispositions de l’article 11 de la directive, alors que le Gouvernement ne souhaite pas les encourager dans cette voie. Il a en effet estimé, au Sénat, que les entreprises qui feraient face à un offrant n’appliquant pas l’article 11 pourront supprimer ces dispositions facultatives de leurs statuts.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Pour la clarté des débats, je précise que, s’agissant des amendements précédents, j’ai dit « évidemment favorable » à l’amendement de M. Carayon, car il s’agissait d’un amendement de coordination, et « évidemment défavorable » à celui de M. Besson – dont nous écoutons toujours les propositions avec intérêt – parce que nous nous étions déjà exprimés sur ce sujet.
Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 2, présenté par M. le rapporteur et visant à supprimer la clause de réciprocité. Nous avons déjà eu ce débat en première lecture, mais je vais expliquer à nouveau notre position.
D’abord, il y a un lien logique très fort entre transposition des articles optionnels et faculté de réciprocité. Dans la mesure où les dispositions de l’article 11 n’ont pas été rendues obligatoires, la mise en œuvre de la clause de réciprocité n’est pas nécessaire. Si l’entreprise décide d’appliquer volontairement l’article 11, puis qu’elle le regrette, le plus simple pour elle sera de décider d’arrêter de l’appliquer. Ce sera plus efficace que d’opter dans ces conditions pour la réciprocité.
Ensuite, nous avons des inquiétudes sur la sécurité juridique du dispositif qui a été voté au Sénat, dans la mesure où il crée une notion de réciprocité sélective qui est inconnue de la directive. En mettant hors de cause la réciprocité, ces deux mesures de l’article 11 qui existaient déjà en droit français, le dispositif sénatorial pourrait être considéré comme allant à l’encontre de la directive qui dispose que la clause de réciprocité doit être appliquée à l’article 11 dans son intégralité.
Ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, je m’étais engagé à saisir les services de la Commission européenne à ce sujet mais, malgré de nombreuses relances, nous n’avons pas encore de réponse. Il me semblerait dangereux de prendre des risques et de persévérer dans la voie de l’amendement sénatorial.
Dans ces conditions, à la fois en termes d’opportunité, de conformité juridique et d’incitations données à l’application de l’article 11, votre amendement me semble tout à fait pertinent.
M. le président. La parole est à M. Xavier de Roux.
M. Xavier de Roux. Nous devons absolument supprimer l’alinéa 3 de l’article 19, tout simplement parce que nous n’avons pas le droit de laisser dans nos lois des dispositions strictement incompréhensibles. Nous le disons très souvent et très fort, mais malheureusement, nous en laissons passer beaucoup. Or là, nous avons un exemple type de disposition incompréhensible, donc inapplicable.
M. Michel Piron. Excellente démonstration !
M. Bernard Carayon. C’est clair !
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Très bonne remarque.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Idiart.
M. Jean-Louis Idiart. Je ne voudrais pas m’attirer les foudres de M. Carayon, mais, pour l’anecdote, sachez qu’il n’est jamais étonnant, lorsqu’on passe quelques heures en sa présence, de le voir taper à grands coups et à intervalles réguliers, car il est le maire d’une superbe ville qui s’appelle Lavaur. Or dans le clocher de sa cathédrale, il y a un magnifique automate qui sort régulièrement pour donner de grands coups sur les coches. (Sourires.)
M. Bernard Carayon. Oui, c’est un jacquemart.
M. Xavier de Roux. Reste à savoir qui sont les cloches dans cette affaire ! (Sourires.)
M. Jean-Louis Idiart. Comme ce jacquemart, il a donc conservé l’habitude de sortir de temps en temps pour donner quelques coups !
M. Bernard Carayon. Je vous invite à venir à Lavaur quand vous voulez !
M. Jean-Louis Idiart. L’article 11 de la directive vise à rendre inopposables à l’offrant une période d’offre et, à l’issue d’une offre réussie, toutes les clauses statutaires ou conventionnelles, notamment celles figurant dans les pactes d’actionnaires dont l’objet est de restreindre le transfert des titres de la société visée ou l’exercice des droits de vote. Il tend également à suspendre les droits de vote multiples en période d’offre publique. Il s’agit donc d’une nouvelle illustration de la volonté de limitation des mesures de défense anti-OPA.
Comme l’article 9, l’article 11 de la directive a vu sa transposition rendue opérationnelle et soumise au principe de réciprocité. Cependant, contrairement à l’article 9, le Gouvernement n’a pas choisi, et nous nous en réjouissons, de rendre obligatoire la transposition de l’article 11.
Malheureusement, l’amendement n° 2 du rapporteur, visant à supprimer l’alinéa 3 de l’article 19, vient, en désaccord avec le Sénat, limiter l’effet positif de ce choix. Il propose en effet de ne pas appliquer à une société qui aurait malgré tout choisi de se conformer aux dispositions de l’article 11, le bénéfice du principe de réciprocité. Ainsi, même si elle était attaquée par une société qui a choisi ou n’est pas tenue de s’appliquer les principes retenus par l’article 11 de la directive, la société objet de l’offre ne pourrait pas suspendre l’application de ces principes.
Sont notamment visées les clauses d’agrément qui impliquent qu’un actionnaire qui souhaiterait céder ses actions devra demander, sous peine de nullité de la cession, l’agrément de la société émettrice, les clauses de préemption permettant à un associé d’acquérir par préférence à tout autre les actions ou les parts dont un autre associé voudrait se défaire, et le plafonnement des droits de vote, quel que soit le nombre de titres détenus utilisés par des sociétés, comme on l’a vu pour Danone, Total ou Alcatel.
L’article 11 concerne deux situations. L’une ne pose guère de problème dès lors qu’est visée la période suivant la réussite d’une offre. En revanche, il convient de s’assurer que le désarmement ne se fera pas hors de l’application du principe de réciprocité, ce que venait assurer l’article 19 dans sa rédaction issue du Sénat.
Bien entendu, nous voterons contre l’amendement n° 2.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 19, modifié par l'amendement n° 2.
(L'article 19, ainsi modifié, est adopté.)
M. le président. Cet article, dans le texte adopté par le Sénat, ne fait l’objet d’aucun amendement.
Je le mets aux voix.
(L'article 24 est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement, n° 3, portant article additionnel après l’article 25.
La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.
M. Hervé Novelli, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Le Gouvernement a un avis favorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 3.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je ne suis saisi d’aucune demande d’explication de vote.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(L'ensemble du projet de loi est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, j’informe l’Assemblée que la conférence des présidents est convoquée aujourd’hui, à dix-neuf heures trente.
M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :
Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 1206, relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information :
Rapport, n° 2349, de M. Christian Vanneste, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l'Assemblée nationale,
jean pinchot