Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2005-2006) |
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Nous commençons par une question du groupe des député-e-s communistes et républicains.
M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.
Mme Marie-George Buffet. Monsieur le Premier ministre, depuis de longues semaines, les jeunes et les salariés par millions disent non à la précarité légalisée, non au CPE.
Vous avez tablé sur l’essoufflement de la mobilisation.
Vous avez proposé un pseudo-dialogue sur une loi élaborée sans concertation et déjà adoptée.
Puis, le Président de la République a promulgué la loi en suggérant quelques modifications cosmétiques. Il n’a, et pour cause, convaincu personne.
Aujourd’hui, de nouveau, partout en France, les Français disent : « retrait du CPE ». Leur détermination est intacte. Vous allez devoir les entendre.
Après le CNE imposé par ordonnance, avec la loi dite d’égalité des chances, c’est l’apprentissage à quatorze ans, le travail de nuit des enfants et le CPE. C’est la totale précarité que vous voulez imposer.
Mais les jeunes ne veulent pas vivre à l’essai, les salariés refusent d’être corvéables à merci. Ils vous l’ont dit le 29 mai dernier.
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Cela n’a rien à voir !
Mme Marie-George Buffet. Ils le disent aujourd’hui avec le soutien des salariés et des syndicats européens.
La précarité ne crée pas d’emplois, elle ne crée pas de croissance. Nos concitoyens, la France, ont besoin d’emplois stables et qualifiés. Nous avons déposé le 16 mars des propositions en ce sens. Vous avez refusé d’en discuter.
La République est fondée sur des droits et non sur la loi du plus fort, et encore moins sur vos luttes intestines à visée présidentielle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Les jeunes, les salariés n’accepteront pas d’en être les otages. Ils ne veulent pas d’un CPE modifié qui reste un CPE, ils ne veulent pas d’un sauvetage de votre loi par le groupe UMP.
Monsieur le Premier ministre, ils exigent du Gouvernement, que vous dirigez, le retrait du contrat première embauche. C’est pourquoi je vous demande, en leur nom, de vous saisir de la proposition de loi du groupe communiste et républicain tendant à l’abroger. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Arnaud Montebourg. Ex-Premier ministre !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Madame la députée, vous me permettrez de ne pas me situer sur le terrain de la polémique (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) mais sur celui de l’essentiel.
La priorité, nous en avons tous conscience, c’est de sortir de la crise actuelle. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Elle n’est dans l’intérêt de personne et surtout pas des jeunes qui cherchent un emploi et qui attendent des solutions à leurs difficultés.
Le Président de la République a fixé des objectifs…
M. Jean Glavany. Ah bon ? Lesquels ?
M. le Premier ministre. …pour répondre à leurs inquiétudes et aux attentes qui se sont exprimées.
M. Jean-Pierre Brard. Vous avancez comme les crabes !
M. le Premier ministre. Les deux présidents de groupe, Bernard Accoyer et Josselin de Rohan (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste),…
M. Jean Glavany. Et les autres ?
M. le Premier ministre. …sont chargés de renouer le dialogue avec les organisations syndicales (Protestations sur les bancs du groupe socialiste),…
M. Jean-Marie Le Guen. C’est incroyable !
M. Bernard Roman. À quoi sert le Gouvernement ?
M. Christian Bataille. C’est l’État UMP !
M. le Premier ministre. …en étroite concertation avec le Gouvernement et tout particulièrement avec Jean-Louis Borloo et Gérard Larcher. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Je souhaite que ce soit un dialogue ouvert, pour que l’on parvienne rapidement à trouver de bonnes solutions.
N’oublions pas les enjeux, ni les inquiétudes qui se sont exprimées depuis plusieurs semaines.
Nos compatriotes ne refusent pas la modernité. Ils demandent des sécurités nouvelles mieux adaptées aux réalités du marché du travail.
Nos compatriotes ne refusent pas le risque. Ils veulent avoir les armes nécessaires pour l’affronter. Ils veulent que chacun ait des chances réelles de réussir et de s’élever dans notre société. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Union pour la démocratie française.)
Un député du groupe Union pour la démocratie française. Heureusement qu’il reste des présidents de groupe car il n’y a plus de Premier ministre !
M. le Premier ministre. C’est vrai en particulier des jeunes, qui ont envie de travailler, de réussir et de construire librement leur vie.
Nos compatriotes ne doutent pas de leur pays. Ils ont confiance dans la France. Ils croient dans ses capacités. Ils espèrent en la place qu’elle pourra leur donner.
Alors oui, il faut répondre à ces attentes. Il faut des décisions et des résultats. Des liens plus étroits entre l’université et l’emploi, le Président de la République l’a rappelé, des réponses plus fortes à la précarité, une vraie sécurisation des parcours professionnels, telle est la voie dans laquelle le Gouvernement veut s’engager, fidèle à son objectif de croissance sociale.
Plusieurs députés du groupe socialiste. Sarko ! Sarko !
M. le Premier ministre. Le Gouvernement ne baissera pas les bras. Il ne se ralliera pas à ceux qui entraînent notre pays dans la voie de l’immobilisme.
Ce qu’il faut, madame la députée, c’est aller de l’avant, vers plus d’égalité, plus de justice et plus de dynamisme dans notre pays. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour le groupe de l’UMP.
M. Michel Raison. Ma question s’adresse au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.
L’Europe souffre d’une faible croissance économique. La France, évidemment, n’échappe pas à ces difficultés.
Même si, en 2005, les indices d’amélioration du pouvoir d’achat sont nettement meilleurs en France que chez certains de nos voisins comme les Allemands, les Anglais ou les Italiens, même si l’évolution de la consommation est meilleure chez nous que chez eux, lorsque l’on compare les taux de chômage, nous sommes beaucoup moins bons qu’eux et en particulier pour le chômage des jeunes.
Face à cette situation, l’immobilisme comme le refus de tout pourraient être une solution. C’est d’ailleurs ce que le parti le plus conservateur d’Europe propose dans notre pays.
Vous, au contraire, monsieur le Premier ministre, vous avez lancé avec votre gouvernement une bataille sans merci pour l’emploi. Je n’oublie pas non plus l’acteur principal, l’employeur, qu’on oublie trop souvent, pour qui embaucher un salarié est une fierté et licencier toujours un échec.
Les efforts conjugués du Gouvernement et des entreprises semblent porter leurs fruits. Selon les derniers chiffres publiés, nous avons depuis un an 155 000 chômeurs en moins.
Plusieurs députés du groupe socialiste. Et combien de RMIstes en plus ?
M. Michel Raison. Notre taux de chômage est descendu à 9,6 %. C’est bien sûr encore insatisfaisant.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, me livrer votre analyse sur cette tendance à la baisse ? (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) Pouvez-vous aussi me dire quelle est la part du CNE dans ces améliorations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.
M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Sur les onze derniers mois du gouvernement Jospin, monsieur le député, la tendance était à la hausse. Sur les onze derniers mois, nous avons 155 000 chômeurs en moins et 145 000 créations d’emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. Combien de RMIstes en plus ?
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Pour la première fois dans l’histoire de notre pays, le nombre d’affiliés contributeurs à l’UNEDIC a dépassé les 16 millions.
Cette tendance lourde va continuer. Au mois de février, 28 456 contrats en alternance ont été signés, la moitié en apprentissage …
M. Jean-Marie Le Guen. L’apprentissage à quatorze ans !
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. …la moitié en contrats de professionnalisation.
En ce qui concerne le contrat nouvelles embauches lui-même, plus de 400 000 contrats ont été signés. Une enquête précise faite par un organisme tiers et portant sur 354 contrats et 300 chefs d’entreprise, puisque quelques-uns en ont signé deux, démontre que, dans 27 % des cas, les contrats n’auraient pas du tout été conclus. Dans les autres cas, ils ont pu remplacer des stages, des CDD et peut-être quelques CDI. Ce qui est sûr, c’est que 27 % d’entre eux sont des créations nettes.
Dans cette période difficile et délicate, où le dialogue social est plus que jamais nécessaire…
M. Gérard Bapt. Ça, c’est sûr !
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. …il est certain que la politique qui consiste à lever les freins à l’embauche et à faire confiance à l’alternance et à la formation est la bonne. C’est celle qui est suivie par le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, qui gouverne aujourd’hui en France ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
De nombreux députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Pas vous !
M. Jean-Marc Ayrault. Depuis deux mois, nous avions un gouvernement autoritaire, qui a fait voter le CPE sans écouter ni les partenaires sociaux, ni le Parlement, ni les Français qui ont manifesté.
Depuis vendredi, ce gouvernement n’existe plus. Le Président de la République l’a vitrifié. Il promulgue la loi, mais demande de ne pas l’appliquer, en attendant une nouvelle loi qui corrige les effets de la loi promulguée. Comprenne qui pourra !
La situation devient surréaliste quand nous apprenons samedi que vous êtes dessaisi de la nouvelle loi, qui est confiée aux présidents des groupes UMP du Parlement. Je pourrais me réjouir que le Parlement retrouve ainsi ses droits…
M. Francis Delattre. Faut pas hésiter !
M. Jean-Marc Ayrault. …mais, en réalité, il n’est que le théâtre de la guerre byzantine de succession qui ravage l’exécutif et que vous livrez avec votre ministre de l’intérieur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Cette construction nouvelle tourne à la farce quand le ministre président de l’UMP s’autodésigne Premier ministre virtuel en négociant lui-même avec les dirigeants syndicaux pendant que vous, vous vous rendez au cinéma. Elle vire à la tartuferie quand le Président de la République et le ministre de l’intérieur se contredisent publiquement sur l’avenir du CPE.
Toute logique institutionnelle a disparu. Vous êtes à Matignon, mais vous ne gouvernez plus. Vous détenez l’apparence du pouvoir, mais vous ne l’exercez plus. C’est ce qu’on appelle une crise de régime, avec deux Premiers ministres et un exécutif qui, en pleine tempête, abandonne ses pouvoirs à un parti politique, l’UMP. Voilà la réalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Alors, mesdames, messieurs les députés de l’UMP, c’est à vous que je pose la question ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Cette crise que vous avez provoquée n’a que trop duré ! Ce matin et cet après-midi, des millions de Français, en manifestant encore plus nombreux,…
M. Charles Cova. On verra !
M. Jean-Marc Ayrault. …vous le disent : assez de ces simulacres qui humilient la République ! Retrouvez la raison, abrogez le CPE ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. La question ! La question !
M. Jean-Marc Ayrault. Je termine en posant une question à M. le Premier ministre. Aujourd’hui les Français vous interpellent. Oui, ils se posent vraiment la question : qui gouverne en France ? Que faites-vous à votre banc ? Comment va-t-on sortir de se bourbier, qui dégrade la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
Plusieurs députés du groupe socialiste. Retirez le CPE !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le président Ayrault, pour tout dire, j’attendais mieux de vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. Et nous de vous !
M. le Premier ministre. Monsieur Ayrault, qu’avez-vous proposé tout au long de cette crise ?
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Rien ! Zéro ! Ayrault, zéro !
M. le Premier ministre. Qu’avez-vous vous fait tout au long de ces années ? (« Ayrault, zéro ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Et aujourd’hui, n’y a-t-il pas mieux à faire que de déclencher ces vaines polémiques ?
Je vais vous le dire très franchement et très sereinement : nous ne pouvons pas, nous n’avons pas le droit de baisser les bras et je ne baisserai pas les bras ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Dans la bataille pour l’emploi, nous obtenons des résultats : 150 000 demandeurs d’emplois en moins. Nous allons continuer. La croissance économique commence à redémarrer,…
M. François Hollande. Tout va bien !
M. le Premier ministre. …grâce à la relance de l’investissement public. Vous l’aviez appelée de vos vœux, nous l’avons fait, grâce aux réformes fiscales que ce Gouvernement a mises en œuvre avec son exigence de justice sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Mais la priorité, nous le savons tous, c’est de sortir de la crise actuelle. Le Président a été clair. La loi recevra les améliorations nécessaires.
M. Christian Bataille. Retirez le CPE !
M. le Premier ministre. En pratique, personne ne va s’engager tant que celles-ci n’auront pas été apportées.
Un député du groupe socialiste. C’est illégal !
M. le Premier ministre. Tout cela, monsieur Ayrault, se fait dans le respect de nos institutions (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste) dans lesquelles, faut-il le rappeler, le Président préside, le Gouvernement gouverne, le Parlement légifère…
M. Jean-Marie Le Guen. Et la majorité majore ! (Rires.)
M. le Premier ministre. …et les partis concourent, selon les termes de notre Constitution, à la vie démocratique, qu’ils proposent ou, comme vous le faites, qu’ils s’opposent – même si l’on souhaiterait que vous proposiez davantage. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Bruno Le Roux. Retirez le CPE !
M. le Premier ministre. Chacun, vous le voyez, est dans son rôle.
Ce que nous voulons faire, c’est à la fois répondre aux préoccupations des Français et construire l’avenir de notre pays.
M. Christian Bataille. Alors, retirez le CPE !
M. le Premier ministre. Les Français veulent des réponses au chômage et en particulier au chômage des jeunes.
M. Claude Bartolone. Retirez le CPE !
M. le Premier ministre. Nous les apportons. Ils veulent des perspectives d’avenir, une place pour chacun, des opportunités pour tous. C’est bien le sens des actions que nous menons, en particulier de la loi pour l’égalité des chances. Tout cela ne se construira pas dans le renoncement, ni dans l’immobilisme, mais dans la lucidité, dans le courage et dans la volonté.
Mme Chantal Robin-Rodrigo. Baratin !
M. le Premier ministre. Nous n’en manquons ni au Gouvernement, ni sur les bancs de la majorité. Ce que nous voulons, c’est une victoire contre le chômage, c’est une victoire pour la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe UDF.
M. Nicolas Perruchot. Ma question s’adresse au Premier ministre.
Un député du groupe socialiste. Il n’y en a plus !
M. Nicolas Perruchot. Depuis plusieurs semaines, l’UDF a demandé que la loi instituant le CPE fasse l’objet d’une nouvelle délibération par le Parlement, conformément à l’article 10 de notre Constitution.
M. Lucien Degauchy. Encore !
M. Nicolas Perruchot. Le Président de la République n’a pas retenu cette voie et a décidé de promulguer la loi, c’est-à-dire de la rendre immédiatement applicable, tout en demandant dans la même phrase qu’elle ne soit pas appliquée !
M. Lucien Degauchy. Vous n’avez pas une autre question !
M. Nicolas Perruchot. Dans le même temps, le Gouvernement a été dessaisi de ce dossier du CPE, puisque le Président de la République a confié à un seul groupe de notre assemblée le soin de préparer une nouvelle rédaction de la loi qu’il venait de promulguer. Cette situation juridique inédite a créé une confusion rarement atteinte dans notre pays.
M. Lucien Degauchy. Que propose le groupe UDF ?
M. le président. M. Degauchy, taisez-vous !
M. Nicolas Perruchot. Dans ce contexte, le groupe UDF a une suggestion à vous faire : créons une mission d’information sur le droit du travail, et plus particulièrement sur le CPE, qui comprenne des représentants de chacun des groupes parlementaires, comme il convient de le faire sur un sujet de cette importance. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
Et maintenant deux questions. Que se passe-t-il si un CPE est signé aujourd’hui ?
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Rien !
M. Nicolas Perruchot. La loi s’applique-t-elle ?
La négociation qui va s’ouvrir avec les partenaires sociaux va-t-elle jusqu’à inclure l’abrogation du CPE ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. Lucien Degauchy. C’est Bayrou qui a écrit cela ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.
M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député, la constitution d’une mission d’information parlementaire sur le droit du travail relève du pouvoir d’initiative du président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Je laisse donc à l’excellent président Dubernard le soin d’apprécier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Si une telle mission devait être créée, il serait bon qu’elle réfléchisse au partage entre ce qui relève de la loi et ce qui relève des conventions dans le droit du travail en France.
M. René Couanau. Très bien !
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Vous n’ignorez pas que plus de la moitié de ce droit est d’origine législative, alors que la part conventionnelle est beaucoup plus importante dans nombre de grands pays européens, notamment ceux du Nord dont on nous parle souvent.
M. Jean-Marie Le Guen. Pourquoi ne l’avez vous pas fait pour le CPE ?
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Bref, la création de la mission d’information relevant du président Dubernard, je lui laisse le soin de vous répondre sur ce point.
S’agissant la rédaction de la proposition de loi, j’imagine que les deux présidents de groupe procéderont à une consultation des parlementaires la plus large possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à une délégation de députés lituaniens, conduite par la présidente du groupe d’amitié Lituanie-France. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Frédéric Soulier, pour le groupe de l’UMP.
M. Frédéric Soulier. Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, la politique économique est souvent jugée peu lisible par les Français, dans la mesure où elle est parfois décrite dans un langage technique leur paraissant réservé aux spécialistes. Pour donner aux Français les moyens d’évaluer et d’approuver les politiques économiques, vous avez souhaité mettre en place des indicateurs de progrès de l’économie française afin de rendre l’économie accessible au plus grand nombre.
Ces indicateurs sont des clés de lecture utiles afin que chaque Français soit en mesure d’apprécier les enjeux, mais aussi les défis, de cette nouvelle économie dans laquelle nous vivons et de disposer d’un éclairage plus direct sur la multiplicité de chiffres publiés auquel nous étions habitués. Par ailleurs, vous vous êtes engagé à actualiser très régulièrement ce tableau de bord et à en communiquer les tendances.
Vendredi dernier, l’INSEE a révisé ses chiffres de croissance du quatrième trimestre, en les portant à 0,4 % contre 0,2 % en première estimation. C’est pour notre pays une bonne et encourageante nouvelle.
Monsieur le ministre, vos indicateurs confirment-ils ce bon résultat ? Que traduisent-ils en termes de reprise de l’activité d’une part, d’emploi et de pouvoir d’achat d’autre part ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur « Patriotisme économique » !
M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Et pendant ce temps-là, le Gouvernement travaille, la France travaille, la France progresse, la France avance, la France gagne ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Eh oui, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, je sais que ce discours, vous ne voulez pas l’entendre. C’est pourtant ce que montre l’ensemble des indicateurs français, que j’ai du reste résumé sur ce graphe (M. le ministre montre un graphique sur une feuille. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et que je vais vous faire parvenir. Je crois que vous allez apprendre des choses ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, dont plusieurs membres brandissent à leur tour des feuilles sur lesquelles ils ont dessiné des graphiques.)
Écoutez ! On n’est pas chez les Toutouyoutou ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Les chiffres sont là ! La croissance repart dans un segment de 2 % à 2,5 %, et, je le redis avec force, l’engagement que j’avais pris avec Jean-François Copé au nom de Dominique de Villepin et de l’ensemble du Gouvernement est tenu : nous sommes en dessous de 3 % de déficit en 2005.
Plusieurs députés du groupe socialiste. Non !
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Vous n’y croyez pas ? Pourtant, c’est une réalité. C’est l’engagement qui a été pris, et c’est une très bonne nouvelle pour la France et les Français. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Le Gouvernement tient ses engagements !
Le pouvoir d’achat a augmenté de 2,9 % en 2005, soit la plus forte progression depuis treize ans. Les investissements sont repartis avec une hausse de 7,8 %. C’est une réalité. Je sais que cela ne vous fait pas plaisir, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, il s’agit pourtant de la France, notre pays et le vôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Ghislain Bray, pour le groupe de l’UMP.
M. Ghislain Bray. Ma question, à laquelle j’associe Guy Geoffroy, s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Alors que, les épreuves du baccalauréat doivent normalement avoir lieu dans moins de trois mois, une grande majorité de lycéens et leurs familles s’inquiètent du blocage des lycées.
Plusieurs députés du groupe socialiste. Retirez le CPE !
M. Ghislain Bray. En effet, nous recevons tous dans nos permanences des parents qui ne comprennent plus la situation actuelle (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), qui en ont assez que le droit d’étudier soit à ce point bafoué et que de tels troubles viennent accroître le stress qui accompagne souvent les lycéens à la veille des épreuves de première et de terminale.
De même, nous sommes abreuvés de messages électroniques de jeunes qui souhaitent tout simplement étudier. Actuellement, une minorité se permet de bloquer l’accès aux établissements, d’occuper les salles de cours ; des lycéens sont même l’objet de menaces verbales ou physiques.
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Scandaleux !
M. Ghislain Bray. Il ne s’agit plus dès lors du débat pro ou anti-CPE : la jeunesse est manipulée, et, chacun le sait, le débat est ailleurs et l’on cherche à anticiper les échéances sans le dire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Or il faut avant tout montrer à ces jeunes que la démocratie n’est pas un vain mot, qu’elle impose le respect de la loi (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)…
M. Jean Glavany. Allez dire ça au Président !
M. Ghislain Bray. …et qu’il y a un temps pour tout : un temps pour manifester, un temps pour dialoguer, un temps pour étudier et préparer sa vie professionnelle dans les meilleures conditions.
M. Albert Facon. Que ne vous en êtes-vous soucié plus tôt !
M. Ghislain Bray. Car ne nous y trompons pas : encore une fois, ce sont les plus modestes qui auront à pâtir de cette situation de blocage. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le ministre, il me semble primordial que nos lycéens se sachent écoutés,…
Un député du groupe socialiste. Eux aussi ?
M. Ghislain Bray. …qu’ils n’aient pas l’impression d’être inexistants parce qu’ils ne s’affichent pas dans les rues derrière des banderoles, souvent par crainte de représailles. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Aussi, monsieur le ministre, j’aimerais que vous nous fassiez un point exact de la situation, et que vous nous disiez quelle réponse concrète vous souhaitez apporter aux attentes des lycéens qui doivent pouvoir exercer dans les meilleurs délais leur droit de travailler. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ma préoccupation essentielle, monsieur le député, est que les événements actuels n’empêchent aucun des lycéennes et lycéens de notre pays de passer le baccalauréat dans les meilleures conditions possibles.
Les épreuves du baccalauréat commenceront le 12 juin, l’épreuve de français étant fixé au 13 : il reste donc peu de temps pour préparer dans les meilleures conditions cet examen qui, comme vous le savez, donne accès aux études supérieures.
C’est pourquoi mercredi dernier, au lendemain de la manifestation, j’ai lancé un appel pour que le plus grand nombre possible de lycées soit ouvert. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Cet appel a été entendu, et dès jeudi nous en avons vu l’effet vertueux, qui s’est prolongé vendredi, lundi et aujourd’hui même, avec la réouverture d’une grande partie des établissements.
Voici les chiffres exacts : 155 lycées sont encore bloqués, contre 318 mardi dernier ; 404 lycées sont toujours perturbés, contre 1 054 mardi dernier, sur un total de 4 300 lycées.
M. Christian Bataille. Et zéro la semaine prochaine ?
M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Cela signifie que nous sommes sur le bon chemin : petit à petit, l’ensemble des lycées est en train de rouvrir et de retrouver des conditions normales de fonctionnement. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Albert Facon. C’est la méthode Coué !
M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je fais confiance à l’ensemble de la communauté éducative, aux chefs d’établissements et aux enseignants pour assurer les conditions d’un bon baccalauréat 2006.
La liberté d’opinion et de manifestation est totale dans notre pays.
Mme Chantal Robin-Rodrigo Heureusement !
M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Mais l’obligation d’assiduité et le droit d’accéder aux cours le sont aussi. C’est en assurant leur effectivité que nous rendons le meilleur service à la jeunesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste.
M. Alain Vidalies. Avant de poser ma question à M. le Premier ministre, je vous ferai remarquer, monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, que, de notre position quelque peu éloignée dans l’hémicycle, nous ne sommes pas parvenus à distinguer, sur le graphique que vous nous avez présenté, les courbes de l’augmentation du nombre de RMIstes, de la dette publique ou du nombre de travailleurs précaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.- Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Georges Tron. Rien d’étonnant : vous ne les voyiez déjà pas en 2001 !
M. Alain Vidalies. Une loi virtuelle, à peine promulguée, ne s’applique pas ; un Premier ministre qui ne gouverne plus (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) ; un ministre du travail qui recommande aux entreprises d’ignorer la loi républicaine ; le chef du parti majoritaire qui s’arroge des pouvoirs ignorés par la Constitution : la situation serait pittoresque et presque risible, monsieur le Premier ministre, s’il ne s’agissait de celle de la France, après deux mois d’une crise sociale majeure. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
Cette crise, vous ne la comprenez pas ; les craintes de la jeunesse, vous ne les entendez pas ; les aspirations du monde du travail, vous les ignorez. Les Français, eux, ont vite compris que le CPE n’est pas un outil pour l’emploi, mais une arme de destruction de notre code du travail.
Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Ils ont compris que vous n’aviez rien fait !
M. Alain Vidalies. Ils ont vite compris que le licenciement sans motif, sans entretien préalable, par une simple lettre recommandée, constitue une remise en cause brutale des fondements de notre contrat social.
M. Richard Mallié. Elle est où, la question ?
M. Alain Vidalies. Vous proposez une société de la précarité, là où les Français veulent une société de solidarité.
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Et vous, qu’avez-vous à proposer ?
M. Alain Vidalies. Il parait que c’est l’UMP qui est désormais aux commandes. À la lecture du projet social de son président, qui annonce la libération des embauches et l’exonération des cotisations sociales sur les heures supplémentaires, nous ne sommes guère rassurés : ces propositions s’inscrivent davantage dans la continuité du CNE et du CPE que dans une quelconque rupture.
Le temps n’est plus aux manœuvres. Le temps n’est plus à jouer sur les mots, à remplacer « période d’essai » par « période de consolidation », « motif de licenciement » par « explication verbale ».
M. Jean-Marc Roubaud. La question !
M. Alain Vidalies. Le temps est venu d’écouter enfin l’immense majorité des Français. Le temps n’est plus à gagner de temps. Le temps est venu d’abroger le CPE. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. La loi portant égalité des chances n’est pas une loi virtuelle, monsieur le député. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) D’ores et déjà, nous travaillons – ce matin même, nous y avons consacré une réunion de travail – à assurer la mise en œuvre de l’encadrement des stages, de leur rémunération et de leur prise en compte dans le cursus scolaire. D’ores et déjà, nous préparons les dispositifs qui nous permettront de créer en trois ans 155 000 places de formation en alternance dans les entreprises de plus de 250 salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) D’ores et déjà, nous mettons en place les quinze créations et les vingt extensions de zones franches urbaines. Ces mesures, loin d’être virtuelles, feront de l’égalité des chances une réalité concrète.
J’ajoute que nous préparons le décret qui permettra aux jeunes des zones urbaines sensibles, quel que soit leur niveau de formation, de bénéficier d’un dispositif renforcé de contrat jeune en entreprise.
Voilà à quoi, concrètement, le Gouvernement travaille, afin d’assurer une vraie égalité des chances à l’ensemble des jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Marc Bernier, pour le groupe de l’UMP.
M. Marc Bernier. Monsieur le ministre de la santé et des solidarités, l’opération Sidaction, largement relayée ce week-end par l’ensemble des médias, a recueilli plus de six millions d’euros de promesses de dons, soit près de 40 % de plus que l’année dernière.
Sidaction, qui regroupe associations de chercheurs et de médecins, a pour objectif de collecter des fonds pour venir en aide aux victimes du sida. Ces dons sont consacrés pour moitié aux associations d’aide aux malades et pour moitié à la recherche.
En France, ce sont près de 100 000 personnes qui sont aujourd’hui porteuses du VIH, et 7 000 hommes et femmes découvrent leur séropositivité chaque année. Le combat contre ce véritable fléau exige la mobilisation de tous, pouvoirs publics, équipes médicales et communauté des chercheurs. Plus généralement, il impose à chacun de faire preuve de vigilance et de responsabilité dans ses comportements.
Enrayer la progression de ce virus suppose d’abord une politique active de prévention et d’information, en direction notamment des jeunes. Pouvez-vous aujourd’hui, monsieur le ministre, nous faire part de votre détermination, et de celle du Gouvernement, de lutter contre le sida, et nous indiquer les axes principaux de votre politique de prévention en la matière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Il est vrai, monsieur le député, que l’épidémie est toujours là. Mais, comme nous l’avons constaté ce week-end, la mobilisation contre ce fléau, loin de faiblir, est plus forte que jamais.
Nous savons également que nous avons aussi besoin de faire reculer, au-delà de l’épidémie, un certain nombre d’idées reçues. Trop de Français pensent qu’il existe aujourd’hui un vaccin contre le sida, ce qui n’est, hélas, pas encore le cas. Trop de Français pensent, par exemple, qu’on peut être contaminé en buvant dans le verre d’un séropositif : ce n’est bien évidemment pas le cas. Ces exemples montrent que la mobilisation contre le sida suppose d’abord qu’on puisse parler librement de la réalité du sida et de ses modes de contamination.
Cette lutte passe ensuite par la prévention. Je voudrais souligner à ce propos la mobilisation exceptionnelle de toutes les équipes du Sidaction, mais aussi de toutes les associations qui luttent durant toute l’année contre le sida. Ces collectes de fonds nous permettent de mener une politique efficace de recherche et de soutien aux malades.
Je voudrais encore insister sur la prévention, qui est aujourd’hui le seul moyen d’éviter la contamination. C’est pourquoi nous avons décidé de doubler le nombre des campagnes de prévention, qui passeront de deux à quatre par an, de façon à ce que le message parvienne à l’ensemble des acteurs concernés.
Nous ferons en sorte, avec Gilles de Robien, conformément au souhait exprimé par le Président de la République, qu’il y ait des distributeurs de préservatifs dans tous les lycées, les universités et les grandes écoles dès la rentrée prochaine. Il s’agit d’assurer une plus grande accessibilité au préservatif, dont le prix ne pourra pas excéder vingt centimes d’euro. J’ai bon espoir que nous parviendrons à faire baisser encore son prix, grâce à l’engagement de l’ensemble des professionnels du secteur.
Nous devons également assurer la promotion du préservatif féminin, encore insuffisamment connu, alors qu’il est très souvent le seul moyen pour une femme d’éviter des rapports non protégés.
Il faut pouvoir parler de tout cela : aucun sujet ne doit être tabou en matière de santé publique, notamment en ce qui concerne le sida. Je suis persuadé qu’il n’y a pas de fatalité, et que 2006 sera pour nous, autant que 2005, une année de grande cause nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Depierre, pour le groupe de l’UMP.
M. Bernard Depierre. Monsieur le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, votre ministère a la charge d’organiser, en partenariat avec l’ANPE et le réseau « Information jeunesse », les journées nationales « Jobs d’été ».
Cette opération, qui a commencé la semaine dernière et qui se poursuivra jusqu’à mi-avril, fait se rencontrer, dans le cadre de « salons », les employeurs et les jeunes. Les offres mises à disposition concernent tous les secteurs d’activité et permettent aux jeunes à partir de seize ans de travailler pendant les vacances scolaires d’été. Ce qui constitue souvent la première expérience professionnelle est pour le jeune l’occasion de découvrir le monde du travail et de réfléchir à son avenir professionnel.
Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, quelles sont les dimensions de ces journées « Jobs d’été », et comment un travail saisonnier prépare à l’insertion professionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Vous l’avez dit, monsieur le député, les journées « Jobs d’été » offrent aux jeunes de vraies opportunités. Ainsi, l’offre en matière d’emplois est passée de 20 000 en 2002 à 100 000 cette année, dont 15 000 sont à pourvoir dans d’autres pays européens, venant de 1 500 entreprises.
Ces journées permettent aussi des rencontres entre les jeunes et les entreprises, telle celle qui a eu lieu mardi et mercredi derniers à la Cité des sciences et de l’industrie de la Villette : à cette occasion, 22 000 jeunes sont venus à la rencontre de soixante-dix entreprises.
Interrogés sur leurs motivations, ils m’ont répondu que leur priorité était de se constituer un pécule, ce qu’on comprendra aisément, afin de se payer des vacances, de construire un projet de création d’entreprises, ou encore de financer une partie de leurs études. Mais ils m’ont également dit qu’ils attendaient de cette première expérience professionnelle qu’elle les instruise sur le fonctionnement de l’entreprise, qu’il s’agisse par exemple des entretiens d’embauche ou de la mobilité, s’ils doivent travailler en province ou à l’étranger. En un mot, c’est pour eux l’occasion de connaître la réalité de la vie de l’entreprise, à l’opposé des caricatures qui présentent les employeurs comme des exploiteurs.
Cela va dans le sens des objectifs que nous poursuivons, dans le cadre d’un dialogue entre Gouvernement, Parlement et partenaires sociaux : améliorer l’insertion professionnelle des jeunes dans un contexte de flexibilité de l’emploi.
Il s’agit aussi mettre en adéquation nos systèmes de formation avec la réalité du marché de l’emploi. Ces jeunes se rendent bien compte en effet que les entreprises leur demandent autre chose que les compétences qu’ils ont acquises à l’école, au lycée ou à l’université. L’opération « Jobs d’été » vise à répondre, au moins en partie, aux attentes de ces jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Jean Glavany, pour le groupe socialiste.
M. Jean Glavany. Monsieur le Premier ministre, vous avez dit à l’instant que la priorité était de sortir de la crise. Voilà bien un point sur lequel tous les responsables politiques pourraient être d’accord avec vous. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean-Marc Roubaud. Menteur !
M. Jean Glavany. Oui, la responsabilité politique – et en particulier la vôtre – consiste à sortir notre pays de la crise dans laquelle vous l’avez installé. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Oui, il est urgent de sortir de ce cortège de grèves, de manifestations et de blocages qui ne sont – vous avez encore raison de le dire – l’intérêt de personne.
M. Lucien Degauchy. Qu’est-ce que vous proposez ?
M. Jean Glavany. Cependant, sortir de la crise suppose deux choses : aller vite et établir la clarté.
Il faut, d’abord, aller vite. Notre pays ne peut pas rester dans cette crise encore des semaines, voire un mois. Il faut aller vite et décider dès cette semaine. Les partenaires sociaux y sont prêts et l’opposition est prête à y contribuer. (Très vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mais il faut aussi établir la clarté. Il n’est plus temps de biaiser, de tergiverser, de se contredire, de tricher. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Face à la confusion institutionnelle, juridique et politique, il faut la clarté sociale et politique, la clarté dans la méthode. Vous ne convaincrez pas les partenaires sociaux si vous ne mettez pas au grand jour l’issue que vous proposez.
Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à aller vite et à établir la clarté ? Êtes-vous prêt, enfin, à abroger ce maudit CPE, dont même M. Balladur disait ce matin qu’il était mort ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur Glavany, vous venez de parler de clarté : c’est précisément ce que le Président de la République, garant de nos institutions, a fait dès vendredi soir. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Il a rappelé non seulement que la loi de la République avait été votée, mais aussi que le Conseil constitutionnel s’était prononcé sur ce texte, conforme en tous points aux valeurs de notre République.
Il a également dit qu’il avait entendu l’anxiété de certains de nos concitoyens sur deux points. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) C’est ainsi qu’il a confié aux parlementaires de la majorité – et je salue Bernard Accoyer et Josselin de Rohan, qui ont précisément la mission de conduire ces discussions – d’examiner avec les partenaires sociaux et les syndicats étudiants, sans aucun tabou, les moyens de sortir de cette crise et d’apporter de vraies réponses.
Nous entendons avec beaucoup d’intérêt que l’opposition est prête à y contribuer. (« Abrogation ! » sur les bancs du groupe socialiste.) J’y vois une ouverture tout à fait intéressante et nouvelle. L’important est que tout ce que la France compte de forces vives se mobilise, et cela pour trois raisons : d’abord, pour les jeunes de France, qui depuis vingt ans connaissent le problème du chômage, qui ont demain des examens à passer et qui devront pouvoir les passer en toute sérénité ; ensuite, pour l’ordre public, pour qui les manifestations représentent toujours un danger ; enfin, pour notre économie, afin de restaurer l’image de notre pays.
En effet, monsieur Glavany, si votre proposition est de nous retrouver tous ensemble pour réaliser une ouverture et répondre aux jeunes de notre pays, elle rejoint celle du Président de la République. C’est le travail des parlementaires, et nous pouvons le faire tous ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Claude Greff, pour le groupe de l’UMP.
Mme Claude Greff. Monsieur le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, nous aimons notre jeunesse et nous voulons l’aider.
Plusieurs députés du groupe socialiste. Alors, retirez le CPE !
Mme Claude Greff. L’emploi, et plus particulièrement celui des jeunes, est plus que tout aujourd’hui la priorité du Gouvernement et de notre majorité. En effet, le taux de chômage des jeunes est proche de 20 %, voire deux fois plus élevé dans les quartiers sensibles.
M. Christian Bataille. Comme pour le RMI !
Mme Claude Greff. De nombreuses propositions ont été faites pour pouvoir répondre aux très nombreuses difficultés rencontrées par notre jeunesse. C’est pourquoi, dans la continuité du plan de cohésion sociale et des mesures d’urgence pour l’emploi, le Premier ministre s’est ainsi engagé, fin 2005, à ce que tous les jeunes de moins de vingt-cinq ans habitant dans l’une des 750 zones urbaines sensibles, qu’ils soient ou non inscrits au chômage, puissent être accompagnés et reçus dans les trois prochains mois, et qu’une solution spécifique, sous forme d’une formation, d’un stage ou d’un contrat soit proposée à chaque jeune demandeur. Sous l’autorité des préfets, l’ANPE, les missions locales et les maisons de l’emploi se sont activement engagées dans l’organisation et la coordination de ces entretiens.
Aujourd’hui, monsieur le ministre, pouvez-vous nous informer sur l’évolution de ces entretiens personnalisés pour les jeunes à la recherche d’un travail et sur les résultats déjà obtenus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Patrick Roy. Retirez le CPE !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Madame Greff, dans ces 750 quartiers qui connaissent des difficultés, le rapport de M. Fauroux nous rappelait voici quelques mois que, pour les jeunes de moins de vingt-six ans, le taux de chômage est, pour les garçons, de plus de 38 % et de plus de 41 % pour les jeunes filles. Voilà la réalité.
À la suite des événements d’octobre et de novembre, le Premier ministre, à la Plaine-Saint-Denis, a demandé au Gouvernement de mobiliser les missions locales, auxquelles je tiens à nouveau à rendre un hommage particulier, les 185 agences locales pour l’emploi des quartiers concernés et les maisons de l’emploi, pour recevoir chacun de ces jeunes et d’aller au-delà des fichiers connus de l’Agence nationale pour l’emploi car, comme nous le savons, certains de ces jeunes n’étaient inscrits nulle part.
Nous avons reçu à ce jour plus de 86 000 jeunes, dont plus de 16 000 se sont vu offrir des emplois ou des formations. C’est ainsi que 8 000 contrats CIVIS ont été signés. D’ici à la fin du mois d’avril, nous mettrons en place 50 000 stages de préqualification conduisant à des contrats de professionnalisation dans des entreprises, dans des métiers en situation de tension. Voilà, concrètement, le premier temps de la réponse.
Le second temps est la mise en place de la plate-forme nationale pour les zones urbaines sensibles, avec une charte de la diversité destinée à lutter contre les exclusions. La loi pour l’égalité des chances que nous mettons en œuvre permettra notamment de renforcer les moyens financiers destinés aux jeunes en entreprise.
Nous avons, enfin, consacré 12 millions au placement de 5 000 jeunes diplômés de ces quartiers, qui désespèrent de recevoir jamais une réponse aux candidatures et aux CV qu’ils envoient.
Voilà donc, mesdames et messieurs les députés, comment nous nous battons pour l’égalité des chances et pour les jeunes de ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. Retirez le CPE !
M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin, pour le groupe de l’UMP.
M. Yves Nicolin. Monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, vous menez depuis maintenant près de neuf mois une concertation approfondie avec les professionnels de l’enfance, de nombreux élus et des représentants d’associations pour améliorer notre dispositif de protection de l’enfance, avec l’objectif d’établir un diagnostic précis des dispositifs existants et des mesures dans ce domaine.
Ces travaux vous ont conduit à proposer aujourd’hui une réforme dont l’unique objectif est l’enfant. Vous voulez renforcer l’efficacité du dispositif et du système de protection de l’enfance, et nous sommes très nombreux sur ces bancs à soutenir cette démarche.
Votre réforme s’articule autour de trois axes principaux. D’abord, la prévention, qui doit être renforcée pour anticiper les difficultés possibles. Ensuite, l’amélioration du signalement, avec une coordination renforcée des différents acteurs. Enfin, vous souhaitez diversifier les modes de prise en charge des enfants, afin que chaque famille puisse bénéficier de la solution la plus adaptée à sa situation. On comprendra que ce projet intéresse plusieurs millions de familles.
Pouvez-vous donc nous donner plus de détails concrets sur votre projet et nous indiquer si des moyens nouveaux seront consacrés à ces améliorations. Enfin et surtout, quel calendrier parlementaire prévoyez-vous pour cette importante réforme de la protection de l’enfance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur Nicolin, vous abordez une des plus graves questions de société, qui fait l’unité des Français par-delà toutes les différences et tous les clivages. De nombreux drames – Drancy, Outreau, Angers et, plus récemment, la tragédie terrible du petit Dylan – ont alerté l’opinion publique sur la situation de la protection de l’enfance de notre pays, qui doit être fortement améliorée. Il est plus que temps de le faire.
Il n’est pas normal qu’alors que, sur plus de 5 milliards d’euros que nous consacrons chaque année à la protection de l’enfance, 4 %, seulement soient consacrés à la prévention. Il n’est pas normal de voir des enfants souffrir en silence, en secret, souvent pendant plusieurs années, sans que personne n’intervienne. Il n’est pas normal non plus de ne pas avoir d’autre choix, dans une situation de difficulté, qu’entre le maintien dans la famille, avec les dangers que cela peut comporter, et le placement en établissement, avec les traumatismes qu’il peut causer.
C’est la raison pour laquelle, vous l’avez rappelé, nous avons travaillé durant ces derniers mois avec les départements de France, les professionnels de l’aide sociale à l’enfance et la mission famille réunie par votre assemblée, dont M. Bloche est le président et Mme Pecresse la rapporteure, pour aboutir à un projet de loi qui sera présenté à l’Assemblée nationale dans les prochaines semaines.
Notre objectif est qu’il soit adopté avant la fin de l’année, conformément au souhait du Premier ministre, qui attache une grande importance à cette réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Yves Bur.)
M. le président. La séance est reprise.
M. le président. M. le président de l’Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Paris, le 14 mars 2006
« Monsieur le président,
« Conformément à l’article 45, alinéa 3, de la Constitution, j’ai l’honneur de vous demander de soumettre à l’Assemblée nationale, pour approbation, le texte proposé par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programme pour la recherche.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l’assurance de ma haute considération. »
En conséquence, l’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire (n° 2945).
La parole est à M. le rapporteur de la commission mixte paritaire.
M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche, mes chers collègues, le texte qu’il nous revient aujourd'hui d'approuver – enfin ! – se présente notablement enrichi par ses lectures dans chacune des deux assemblées et par son examen en commission mixte paritaire. Le nombre des articles qu'il comporte a plus que doublé par rapport au projet de loi initial, mais la logique qui a présidé à son élaboration a été préservée : souplesse et liberté restent les maîtres mots d'une réforme que le ministre Gilles de Robien a qualifié de « boîte à outils » mise à la disposition des acteurs de la recherche.
Le Parlement, tout particulièrement notre assemblée, a néanmoins joué son rôle et considérablement amendé le texte. Les débats en commission ont été particulièrement riches et nombre des innovations introduites sont le fruit des discussions qui s'y sont déroulées. À cet égard, je tiens une nouvelle fois à saluer l'esprit qui a présidé à ces débats et qui a permis, au-delà des positions de chacun, expression légitime des sensibilités politiques, de faire considérablement progresser le projet de loi.
Je ne reviendrai pas sur toutes les nouveautés introduites par le Parlement, souhaitant centrer mon intervention sur celles qui font très directement suite au travail réalisé en commission et en commission mixte paritaire. Ces dispositions traduisent pour l'essentiel trois axes majeurs : parfaire la coordination et la cohérence du dispositif de recherche français ; encourager la valorisation des résultats produits par la recherche académique ; favoriser l'intégration de notre dispositif de recherche dans un ensemble plus vaste, européen et international.
Coordination et cohérence : il s’agit de placer l'évaluation au cœur du dispositif d'enseignement supérieur et de recherche français, de doter ce dispositif d'une capacité d'orientation stratégique, de favoriser les coopérations entre les acteurs dans une logique horizontale et verticale pour constituer des masses critiques afin de lutter plus efficacement dans la compétition mondiale. Telles étaient les orientations proposées par le Gouvernement, et que nous partageons sans réserve, monsieur Goulard.
Il nous a toutefois semblé que le dispositif pouvait, devait, encore être renforcé et amélioré. Le Sénat a introduit dans le projet de loi le Haut conseil de la science et de la technologie. L'Assemblée nationale a doté ce conseil, suivant en cela les demandes légitimes de la communauté scientifique, d'une faculté d'auto-saisine et d’une autorisation de publication de ses travaux. L'Assemblée nationale a également précisé les modalités de fonctionnement de l'Agence nationale de la recherche : mise en place d'un contrat d'objectifs et de moyens définissant ses relations avec l'État ; sanctuarisation d'une partie de ses crédits pour le financement de projets « blancs » ; mise en place d'un mécanisme de préciput pour favoriser une meilleure articulation entre l'Agence et les opérateurs de recherche ; transparence dans les processus de sélection des projets.
Toujours dans cette volonté d'assurer une plus grande cohérence de notre dispositif de recherche, l'Assemblée nationale, à l'initiative de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, a souhaité compléter les pôles de recherche et d'enseignement supérieur et les réseaux thématiques de recherche avancée par une nouvelle forme de coopération spécifiquement destinée à encourager le développement de la recherche clinique – je devrais dire « recherche biomédicale », qui est le terme du code de la santé publique –, c’est-à-dire de la recherche chez l’homme. Celle-ci est très importante pour chacun d’entre nous, qu’on le veuille ou non,…
M. Pierre-Louis Fagniez. Il faut le vouloir !
M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. …messieurs les technocrates. Mais elle est trop faible dans notre pays, au moins en termes de publications. C’est la raison pour laquelle les centres thématiques de recherche et de soins ont été mis en place. Ce nouvel outil épouse étroitement la philosophie générale du texte, puisqu'il repose sur le principe du volontariat et propose de replacer l'université au centre du dispositif de recherche.
Enfin, nous avons tous conscience qu'il n'y a pas de recherche de haut niveau sans une évaluation performante. De ce point de vue, la création de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur va dans le bon sens. Pour éviter qu'elle ne se transforme en une gigantesque usine à gaz, l'Assemblée nationale, puis la CMP, ont précisé ses missions. Comme une évaluation n'a de sens que si elle est suivie d'effets, le Parlement a souhaité inscrire noir sur blanc dans le projet de loi que l'État devra tenir compte des résultats de l'évaluation pour déterminer les engagements financiers qu’il prend auprès des établissements d'enseignement supérieur et de recherche.
Second axe fort de ce projet de loi : l'encouragement donné à la valorisation.
Là encore, l'Assemblée nationale a pris acte des avancées proposées par le Gouvernement, mais elle a souhaité aller plus loin. Non pas, comme certains feignent de le croire, pour asservir la recherche aux logiques industrielles : la sanctuarisation d'une partie des crédits de l'ANR pour le financement de projets dits « blancs » prouve au contraire toute l'attention que cette majorité porte aux recherches les plus fondamentales. Dans mon rapport et au cours des débats, je n'ai pas cessé d'affirmer combien j'estimais que seule la recherche libre était source de véritables ruptures scientifiques !
Cependant, on ne peut que constater les difficultés innombrables rencontrées par les chercheurs français pour valoriser les résultats de leurs recherches. Dans ce domaine, la France est isolée par rapport aux autres pays développés, quoi qu’on en dise aujourd’hui ou quoi qu’on vous en dise. Par exemple, si nous nous félicitons tous que le chimiste Yves Chauvin ait obtenu le prix Nobel, on doit déplorer en revanche que les applications de ses travaux aient été réalisées aux États-unis par ses deux co-lauréats américains et non pas en France.
M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Ça, ce n’est pas évident !
M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. C'est fort de ce constat que l'Assemblée nationale, puis la commission mixte paritaire, ont souhaité dynamiser la valorisation de la recherche. La part de capital pouvant être détenue par un chercheur dans une entreprise valorisant ses recherches a ainsi été fortement augmentée et portée à 49 %, ce que souhaitaient certains de nos collègues de l’opposition. Le Parlement a également souhaité que la valorisation devienne explicitement l'un des critères de l'évaluation des recherches menées par les établissements. Il a, enfin, mis en place un dispositif incitant à mieux valoriser les recherches menées par les chercheurs issus des établissements publics sur les crédits de l’ANR. Rassurez-vous, monsieur le ministre, ce dispositif reste extrêmement prudent, et je pense qu’il faudra l’améliorer. De même, il y a une lacune que nous espérons voir rapidement comblée : la simplification du dépôt de brevets qu’apporterait l’application du protocole de Londres, élaboré à l’initiative du gouvernement français il y a quelques années…
M. Alain Claeys. C’est vrai !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Très juste !
M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. …– vous pouvez en témoigner, chers collègues –, et dont nous espérons qu’il sera très bientôt ratifié.
Troisième et dernier grand apport du Parlement au projet de loi : la dimension européenne et internationale que sénateurs et députés, toutes tendances confondues, ont souhaité donner au texte.
Chaque fois que cela était possible, nous nous sommes efforcés de rendre le texte eurocompatible et d'accroître son ouverture internationale. Dans un monde où les moyens à déployer pour prétendre lutter efficacement avec la concurrence étrangère sont de plus en plus importants, je suis en effet convaincu que cette ouverture est non seulement la garantie de l'efficacité mais aussi une condition essentielle pour prétendre à l'excellence. Désormais, grâce au Parlement, les réflexions du Haut conseil de la science et de la technologie ou la politique de l'ANR s'inscriront obligatoirement dans les actions menées au niveau européen. De même, les formes de coopération introduites par la loi s'ouvrent à nos partenaires européens et l'évaluation sollicitera désormais obligatoirement l'expertise de personnalités étrangères.
Il va de soi, monsieur le ministre, qu'il faut aller plus loin en matière d'intégration de la politique scientifique européenne. Cela déborde le cadre strict de la loi, je le sais. Mais je crois pouvoir me faire le porte-parole de nombreux de mes collègues – en plus, pour une fois, sur tous les bancs car ce thème est presque consensuel – en vous demandant une nouvelle fois de faire de la France le fer de lance de la recherche communautaire. La mise en place d'un vivier d'évaluateurs européens – je n’ai pas dit « pool of specialists » – pourrait assez aisément et fort utilement constituer une première étape.
Enfin – mais faut-il le rappeler ? –, toutes ces mesures sont soutenues par un effort financier et humain de l'État sans précédent et encore renforcé par nos débats parlementaires. En témoignent la programmation des moyens en euros constants – à défaut de l'inscription de ce principe dans la loi, le Gouvernement et vous-même, monsieur le ministre, avez été très clairs sur ce point –, la mise en place d'un dispositif de gestion prévisionnelle des postes de la recherche publique et l'indexation de l'allocation de recherche.
Ainsi, je me réjouis que le Parlement – tout particulièrement l'Assemblée nationale et sa commission des affaires culturelles, familiales et sociales – ait pu jouer son rôle d'impulsion pour enrichir le projet de loi présenté par le Gouvernement.
Il y a un mois presque jour pour jour, je déclarais, à cette même tribune, que s'il prenait « en compte les modifications proposées par la commission, le projet de loi irait aussi loin qu'il est possible d'aller » – politiquement s’entend. Fort des ajouts et des précisions apportées par l'Assemblée nationale et la CMP, je suis presque en mesure de retirer le conditionnel !
M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Pourquoi « presque » ?
M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Oui, je crois que le projet de loi offre à la recherche française la possibilité de jouer de nouveau, dans le concert scientifique mondial, un rôle : celui d’un brillant outsider. Nul doute en effet que nos chercheurs, dont l'enthousiasme malgré les vicissitudes passées n'a jamais faibli, sauront se saisir des outils qui sont mis à leur disposition.
Le succès rencontré par les appels d’offres de 1’ANR, l’engouement pour les pôles de compétitivité, les regroupements d’ores et déjà mis en œuvre partout en France par les responsables des universités et des organismes de recherche pour unir leurs efforts démontrent que le projet de loi est attendu et que les chercheurs, afin de pouvoir enfin lutter à armes égales avec leurs partenaires et concurrents étrangers, ne réclament qu’une chose : son adoption.
Sollicitée par les chercheurs, la représentation nationale a pris conscience de l’importance de la recherche pour l’avenir de la communauté nationale tout entière. Démontrons aux chercheurs que, face au principe de précaution, nécessaire, nous savons également promouvoir le principe de progrès.
M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Très bien !
M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Les chercheurs comptent sur nous, ne les décevons pas : adoptons ce projet de loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche.
M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, cette étape, la dernière d’un long processus, est un moment important. Le texte que le Gouvernement, par la voix de Gilles de Robien et la mienne, a eu l’honneur de vous présenter, résulte d’une longue concertation et de travaux approfondis. Au départ, il y a eu un moment agité dans le monde de la recherche, puis s’est ouverte une phase de dialogue qui, grâce à vous, a pu aboutir à un travail législatif de qualité.
Je veux rendre hommage à tous les parlementaires qui ont contribué à l’amélioration, indéniable, de ce projet de loi, ainsi que, si vous me le permettez, à mes deux prédécesseurs, Claudie Haigneré et François d’Aubert, qui ont largement participé à son élaboration.
Il est au moins un point sur lequel nous pouvons nous accorder, au-delà de nos divergences politiques : l’importance considérable du sujet dont nous traitons pour l’avenir de notre pays. Peut-être ces deux années de débats ont-elles d’abord permis à nos compatriotes de mieux comprendre qu’une large part de celui-ci dépendait de nos performances en matière de recherche. Chacun, quelle que soit sa sensibilité politique, a contribué à cette prise de conscience.
Le projet de loi que le Gouvernement vous a présenté touche d’abord, comme son nom l’indique, à la programmation des moyens – financiers, budgétaires, humains – que les lois de finances, année après année, mettront en œuvre pour la recherche. Sur ce plan, le travail parlementaire a permis de préciser que la loi de programmation devait s’entendre en euros constants.
De même, nous avons précisé ensemble la gestion prévisionnelle des effectifs et les volumes de création d’emplois au fil des ans. Tous ceux, notamment les jeunes, dont la recherche est la vocation, savent désormais que de nombreux emplois seront créés dans ce secteur et qu’il est donc un choix d’avenir.
Vous avez rappelé, monsieur le président Dubernard, les grands principes du projet de loi, à commencer par les orientations et les priorités en matière de recherche : ce sont là des points essentiels. Le Sénat, puis l’Assemblée nationale, ont insisté pour que la création du Haut conseil de la science et de la technologie soit inscrite dans la loi. Cette instance aidera les pouvoirs publics à définir les grandes orientations pour la recherche que les différents organismes et universités auront vocation à décliner. Vous avez souhaité, et nous souscrivons sans réserve à cette analyse, que les responsables politiques assument leurs choix et leurs responsabilités dans la conduite de la politique de recherche.
Autre grand principe mis en avant par le projet de loi : la nécessité d’une coopération entre les acteurs de la recherche et de l’enseignement supérieur. C’est là un volet essentiel, comme en témoignent les dispositions relatives aux RTRA – réseaux thématiques de recherche avancée –, aux PRES – pôles de recherche et d’enseignement supérieur – et, à l’initiative de l’Assemblée nationale et notamment du président Dubernard, aux CTRS – centres thématiques de recherche et de soins. Ces derniers permettront, dans le domaine de la recherche médicale, de mieux associer recherche clinique et fondamentale : je partage, monsieur le président Dubernard, votre souci sur ce point.
L’évaluation, quant à elle, est aussi nécessaire – sinon plus – pour la recherche que pour toute politique publique. Les moyens doivent être affectés en fonction des résultats des équipes et de leurs performances. L’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur permettra de généraliser et d’homogénéiser l’évaluation : elle constituera un outil politique de premier ordre pour rendre notre appareil de recherche plus efficace.
Pour ce qui est de la simplification, je ne prétendrai pas que nous soyons au bout du chemin, loin s’en faut. Vous aurez cependant noté avec satisfaction que, depuis le début de cette année, le contrôle financier pour tous les établissements publics de recherche s’exerce non pas a priori mais a posteriori. C’est là une petite révolution dans l’ordre administratif dont il ne faut sous-estimer l’importance.
L’attractivité des carrières des chercheurs a été longuement évoquée au cours de nos débats. Je me félicite que votre assemblée ait approuvé la proposition de M. Birraux, rapporteur pour avis, relative à la reconnaissance du doctorat dans les conventions collectives.
Je sais, monsieur le rapporteur, que la question de la valorisation vous tient à cœur. Depuis quelques mois, nous avons pris des initiatives majeures en ce domaine. Le lancement des instituts Carnot et de leur fédération – même si chacun n’approuve pas ce terme – témoigne de notre volonté de valoriser les organismes de recherche capables d’assurer un transfert de la recherche – y compris la plus fondamentale – vers les entreprises et les diverses activités économiques. Vous avez souligné à juste titre, monsieur le rapporteur, combien était nécessaire, pour tous les organismes de recherche publique, quels qu’ils soient, cette valorisation de leurs travaux au profit du progrès économique et social. Je pense qu’en ce domaine, l’intention du législateur a été largement entendue.
Comment enfin ne pas évoquer la coopération européenne et internationale ? Vous avez à juste titre voulu que notre texte soit « eurocompatible ». Je répète ce que j’ai déjà déclaré à cette tribune : la France est sans doute l’un des pays qui œuvrent le plus activement en faveur d’une Europe de la recherche. Je pense notamment, pour la recherche fondamentale, à la promotion de l’Agence européenne de la recherche, qui, comme notre nouvelle Agence nationale de la recherche, fonctionne selon le principe de l’appel à projets. Je pense aussi au développement des coopérations bilatérales et multilatérales entre pays européens. Chaque jour, nous faisons en sorte que nos chercheurs incorporent la dimension européenne, trouvent leur complémentarité et spécialisent leurs travaux. C’est ainsi que nous accroîtrons nos forces et nos performances.
Oui, la dimension internationale, notamment européenne, est aujourd’hui incontournable. Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, l’échange d’experts européens en matière d’évaluation des projets. Cet exemple illustre bien les enjeux de la coopération et le souci de renforcer notre efficacité.
Vous l’avez compris, mesdames et messieurs les députés, ce texte est important car il touche à un sujet fondamental. Je me félicite que l’examen parlementaire en ait été aussi constructif et qu’il ait permis tant d’améliorations, fût-ce au prix de vifs débats et parfois d’incompréhensions.
Nous partageons tous la passion du progrès. Vous avez bien fait de rappeler, monsieur le rapporteur, qu’au-delà de notre attachement au nécessaire principe de précaution, nous avions confiance dans les capacités de la science et de la recherche à faire progresser nos sociétés. Dans une économie hautement compétitive, il est essentiel que nous visions l’excellence pour notre recherche. Nous le pouvons ; nous possédons des hommes et femmes de science capables de jouer les premiers rôles : notre devoir est de leur en donner les moyens, dans une organisation à la hauteur de nos exigences. La recherche doit en effet profiter à toutes les activités économiques et sociales de notre pays.
C’est donc un texte d’avenir que le Gouvernement, mesdames et messieurs les députés, vous propose d’adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d’irrecevabilité, déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, décidément, l’élaboration puis le vote de ce texte auront battu bien des records de lenteur, y compris dans la phase finale.
Initialement, l’ordre du jour prévoyait un examen de ce texte par l’Assemblée – après que le Sénat s’en fut saisi, ce qui est très inhabituel – le 31 janvier, mais M. de Villepin l’a déprogrammé au profit du projet de loi créant le CPE, intitulé, semble-t-il par antiphrase, « égalité des chances » – il eût fallu ajouter : « et précarité des jeunes » !
Nous avons donc commencé le premier examen de ce texte le 28 février, soit – pardonnez-moi cette boutade – le jour du mardi gras. Votre texte a alors été voté par le seul groupe de l’UMP et par trois députés – sur trente – de l’UDF. Après la réunion de la commission mixte paritaire, vous aviez d’abord retenu, pour son vote final, la date du 23 mars, c’est-à-dire – cela ne s’invente pas – le jour de la mi-carême.
M. Pierre-Louis Fagniez. C’est un texte religieux !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. L’examen du projet de loi a été à nouveau retiré de l’ordre du jour, pour être repoussé au 4 avril C’est d’autant plus regrettable que le choix du jour de la mi-carême, jour des artifices et des fards, des déguisements et des travestissements, eût été parfaitement approprié ! Ce contexte convenait parfaitement à un texte lui aussi déguisé, fausse loi de programme mais vraie provocation envers la communauté scientifique. Tels sont les motifs de cette exception d’irrecevabilité que je défends au nom du groupe socialiste.
Face à l’ampleur du mouvement de protestation des chercheurs, provoqué par les coupes claires du gouvernement Raffarin dans les crédits et emplois de la recherche, le Président de la République a annoncé solennellement, en janvier 2004, une loi de programmation de la recherche et son adoption avant la fin de 2004. Nous sommes en avril 2006 : il aura donc fallu attendre plus de deux ans, soit vingt-sept mois, pour que ce projet de loi, annoncé avec solennité dès janvier 2004, soit enfin soumis au vote final du Parlement.
En fait, le Gouvernement n’a cessé d’accumuler délais et retards dans l’élaboration de ce texte, qui n’était manifestement pas sa priorité, et est allé de report en report, d’ajournement en ajournement, d’atermoiements en atermoiements.
En janvier 2004, le Président de la République évoquait une adoption avant la fin de 2004 : promesse purement verbale, car ce projet de loi n’a été soumis au conseil des ministres que le 23 novembre 2005. Résultat : il ne sera voté qu’aujourd’hui, 4 avril 2006, huit cent dix-sept jours plus tard !
M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Et combien de secondes ? (Sourires.)
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je vous en laisse l’appréciation, monsieur le ministre : l’opposition n’a pas les moyens de les calculer ! (Sourires.)
Le Premier ministre a de surcroît déclaré l’urgence. Ainsi, après que le Gouvernement eut pris tout son temps pour élaborer son texte, les parlementaires ont été sommés de l’examiner à la hâte et de le voter au pas de course.
Ce choix de la procédure d'urgence traduit un manque de considération pour la recherche : elle méritait mieux que cette procédure expéditive, succédant à une longue inertie.
Alain Trautmann, interrogé par Pierre Le Hir dans Le Monde du 17 mars, déclarait : « Le Gouvernement a différé la sortie du projet de loi, sans hésiter à mentir sur les délais et sur ses intentions. Qu'il ait agi par calcul, afin d'épuiser le mouvement, ou par incapacité à gouverner, il a en tout cas réussi à démobiliser partiellement les chercheurs. Aucun mouvement social ne peut garder une intensité élevée pendant deux ans d'affilée. »
Votre texte n'est pas que tardif, il est aussi rétrospectif puisqu'il englobe l'année 2005, déjà achevée depuis trois mois, en inventant un concept nouveau : la planification rétrospective !
Pour le reste, il n'est pas réellement prospectif. Votre texte a beau s’intituler « projet de loi de programme pour la recherche », il n'a de programme que le nom. Parler de loi de programme, comme vous le faites, constitue un abus de langage.
En effet, ce type de loi a pour objet d'inscrire une politique dans la durée en lui affectant des crédits pluriannuels. Certes, les dispositions d'une loi de programme ne sont pas d'application automatique et doivent être reprises par les lois de finances annuelles. Certes, son contenu est moins normatif que celui des autres lois, le Conseil constitutionnel – dont on ne louera jamais assez l’indépendance ! – l'a précisé dans sa décision du 21 avril 2005. Mais il y a là un engagement solennel de l'État sur la politique et les crédits à mettre en œuvre pendant toute une période.
Ainsi la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et celle pour la justice, promulguées à l'été 2002, s'engageaient sur les dépenses à réaliser pendant toute leur durée d'application, à savoir de 2003 à 2007. La communauté scientifique attendait donc, elle aussi, un engagement quinquennal. Or, tel qu’il a été déposé, votre texte n’offrait qu’une programmation tronquée, qui valait seulement pour deux petites années : 2006 dont le budget est d'ores et déjà voté, et 2007, année électorale incitant sans doute aux promesses.
En réalité, l'année 2006 ayant déjà commencé depuis trois mois et quatre jours, et son budget ayant, naturellement, été déjà voté, le texte que vous avez déposé n'est pas une loi de programmation comportant des engagements pluriannuels. C'est simplement une version anticipée du budget 2007 de la recherche, qui est présentée en avril 2006 au lieu de l'être en septembre 2006. Vous devancez l'échéance de très peu. On me concédera que cette anticipation de cinq mois constitue un effort prospectif mineur.
Le Gouvernement refusait de se lier pour la suite et se bornait à un simple affichage, sans effet contraignant. L'attribution des moyens supplémentaires envisagés pour les années 2008 à 2010 n'aurait été décidée qu'« au vu d'un rapport d'étape présenté par le Gouvernement au Parlement avant le 30 septembre 2007 ». Fort heureusement, le Sénat, à l’initiative du président de la commission spéciale, M. Valade, a amendé cette disposition et supprimé cette clause de conditionnalité.
Par ailleurs, cette fausse loi de programme contrevient aux exigences de clarté et d'intelligibilité des lois, posées par le Conseil constitutionnel, et auxquelles celui-ci a reconnu « valeur constitutionnelle ». En effet, cette prétendue loi de programme comporte, le plus souvent, des moyens en trompe-l'œil, de caractère aléatoire ou hétérogène, propres à entretenir une certaine illusion. Ainsi, pour faire impression, le texte additionne pêle-mêle crédits budgétaires de la MIRES, la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur, ressources extrabudgétaires et avantages fiscaux, chacun de ces trois financements représentant un tiers de l’effort supplémentaire annoncé.
Les moyens de l'Agence nationale de la recherche proviennent ainsi du compte d'affectation spéciale alimenté par les recettes de privatisations, et donc par des ressources extrabudgétaires, dont rien ne garantit la pérennité. Il est d’ailleurs paradoxal de financer un secteur déclaré « prioritaire » par de telles ressources, c'est-à-dire par des crédits virtuels. À moins que le Gouvernement ne décide de continuer de céder à vil prix le patrimoine national !
En outre, vous incluez, dans les moyens financiers prévus pour la recherche, ce que vous appelez, abusivement, les « dépenses fiscales », c'est-à-dire le crédit d'impôt recherche et d'autres allégements fiscaux destinés aux entreprises. Bref, l’on mélange volontairement crédits et moindres rentrées fiscales, qui ne peuvent pourtant s'additionner. Inclure celles-ci dans la dépense publique est un pur artifice comptable, qui vise à gonfler la note, pour sembler parvenir à l'effort supplémentaire affiché.
Comme l'a déclaré le sénateur Fourcade, ancien ministre des finances, – vous n’aviez pourtant pas besoin de ses conseils, monsieur le ministre, venant vous-même de la Cour des comptes – « le tableau annexé au projet de loi mélange des crédits et des avantages fiscaux, alors qu'il s'agit de données ne pouvant s'additionner ». De plus, le montant de ces avantages fiscaux – 1,7 milliard d'euros en 2010 – paraît d'une sincérité douteuse : pour être effectivement atteint, il dépend, en effet, de la demande, très hypothétique, des entreprises, qui peuvent solliciter ou non ces avantages, dont on sait qu'ils n'ont qu'un faible effet incitatif sur leur effort de recherche.
La croissance de la recherche privée – laquelle, malheureusement, est traditionnellement faible en France – ne se décrète pas. Comptabiliser à cette hauteur le montant de ces allégements fiscaux procède donc d’une prévision irréaliste, voire d'une surestimation volontaire.
Enfin, cette prétendue loi de programme ne comporte aucune programmation des effectifs de la recherche. Les lois de programmation pour la sécurité intérieure et pour la justice, dont j’ai déjà parlé, comportaient l'engagement de créer, en cinq ans, 13 500 emplois dans la police et la gendarmerie et 10 100 dans la justice et l'administration pénitentiaire. Pourquoi ne pas faire de même pour la recherche ? Celle-ci serait-elle considérée comme moins prioritaire que celles-là ?
En 2001, j'avais, pour ma part, fait adopter un plan de gestion pluriannuelle pour la recherche, qui n’était sans doute pas parfait mais qui avait le mérite d’entamer un processus, notamment d’anticiper les départs à la retraite massifs des années 2006 à 2010 en permettant de faire plus rapidement la place, dans l’appareil public de recherche, aux jeunes chercheurs, et tout spécialement aux jeunes docteurs.
Parallèlement à ce plan pour la recherche et les EPST, établissements publics à caractère scientifique et technologique, mon collègue chargé de l'enseignement supérieur, Jack Lang, avait mis en œuvre un plan analogue qui augmentait le nombre de postes d'enseignants chercheurs et d'ITA dans les universités, au rythme de 1 300 par an. Il y avait là un double effort de programmation des emplois pour renforcer les effectifs de la recherche de 1 500 postes par an.
Mme Haigneré a abandonné – sans doute pas de gaîté de cœur – ce plan pluriannuel de recrutement et supprimé des emplois statutaires au lieu d’en créer. Cette attitude, qui privait les jeunes chercheurs de perspectives d’avenir, a provoqué le mouvement de protestation des scientifiques. Face à ce mouvement, le pouvoir a déclaré, en 2004, se rallier à une programmation pluriannuelle de l'emploi scientifique.
Le 17 mars 2004, le Président de la République adressait une lettre au collectif « Sauvons la recherche », où il déclarait : « La loi d'orientation et de programmation de la recherche [...] planifiera de manière transparente l'évolution chiffrée des effectifs et des crédits de la recherche [...] C'est dans ce cadre, et non au coup par coup, que devra être défini, pour toute la durée d'application de la loi, le niveau de recrutement des chercheurs statutaires des EPST comme des enseignants chercheurs des universités. »
De même, le 28 octobre 2004, à Grenoble, devant les États généraux de la recherche, votre prédécesseur immédiat, M. Fillon, avait déclaré : « Je considère qu'il est absolument nécessaire de mettre en place un véritable plan pluriannuel de l'emploi scientifique. » Une fois de plus, il y aura donc contradiction entre les discours et les actes.
Aujourd'hui, malgré ces engagements pris aux plus hauts niveaux de l'État en 2004, vous vous refusez à une programmation de l'emploi scientifique, pourtant réclamée, à juste titre, par la communauté scientifique.
Vous connaissez, à cet égard, l'appel lancé par les représentants de la communauté scientifique aux parlementaires, en date du 12 décembre dernier, signé par Yannick Vallée, Hélène Langevin, Jacqueline Heinen : « Sans une politique réellement offensive, la France manquera dans quelques années de chercheurs, d'ingénieurs et d'enseignants chercheurs. Il faut, dès à présent tout mettre enœuvre pour attirer les meilleurs de nos étudiants vers les études doctorales. Pour cela, un signal clair doit leur être adressé. Il est essentiel que la loi inclue une programmation sur cinq ans de l'emploi statutaire. »
Au moment où les vocations scientifiques se raréfient, au moment où il faudrait donc renforcer l'attractivité des filières et des carrières scientifiques, votre attitude dilatoire est particulièrement dommageable. Les étudiants et les doctorants ont besoin de savoir s'il y aura des recrutements, à quels moments et quelle sera leur importance.
Cette absence de programmation de l'emploi scientifique constitue un signal très négatif adressé aux étudiants, et surtout aux jeunes docteurs, qu'elle prive de perspectives d'avenir. Faute d'assurances sur les débouchés offerts dans notre pays, ceux-ci risquent fort de continuer à s'expatrier. Ainsi, la France continuera de mettre gracieusement à la disposition d'économies concurrentes des jeunes chercheurs dont elle a assuré et financé la formation. Elle continuera ainsi de subventionner la recherche américaine, britannique ou allemande. Il y a là un gâchis humain et un non-sens économique, qui appauvrissent la collectivité nationale.
La poursuite de ce gâchis est d'autant plus probable que les crédits dévolus à l'Agence nationale de la Recherche vont générer la conclusion de centaines de CDD de dix-huit mois – pas des CPE, puisque M. Borloo semble rétif à l’application de la loi, pourtant promulguée par le Président de la République ! Je me réjouis qu’au moins, on n’envisage pas des CPE pour les chercheurs, car rien, hélas, ne l’interdirait, tant que le texte créant le CPE ne sera pas, comme nous le souhaitons, abrogé !
Comme l'a souligné Alain Trautmann : « On ne fait pas une recherche fondamentale digne de ce nom en dix-huit mois, et ce n'est pas ce type d’emploi précaire qui va retenir en France les jeunes chercheurs brillants. » C'est l'évidence : on ne peut rien bâtir d'important et de durable avec des chercheurs précarisés et des laboratoires paupérisés.
Au total, votre texte s'avère incertain quant aux moyens financiers annoncés, et lacunaire quant à la programmation des emplois.
Plus qu'une loi de programme, ce texte constitue une loi d'affichage, souvent fondée sur des faux-semblants, une de ces lois que condamnait le président du Conseil constitutionnel dans ses vœux au Président de la République, en janvier dernier.
Surtout, vous avez manqué ce rendez-vous avec la jeunesse scientifique de notre pays, comme le disait Jean-Yves Le Déaut dans une précédente intervention, et pris une très grave responsabilité envers les jeunes, là comme ailleurs, en refusant de préparer leur avenir.
Dans le même temps, le gouvernement auquel vous appartenez frappe la jeunesse d'une discrimination négative, avec le CPE. Conformément à cette politique générale de maltraitance de la jeunesse, vous proposez aux jeunes chercheurs, pour l'essentiel, des CDD, des contrats précaires de dix-huit mois, pour les transformer en « intermittents de la recherche » !
Décidément, tous les ministres de ce gouvernement affectionnent la précarité. Pourtant, la précarité existe aussi en politique pour les ministres qui resteraient indifférents et sourds aux attentes populaires. Il est probable que, d'ici à treize mois, les électeurs – avec de bons motifs, explicités – vous licencieront par leur vote. Il vous reste tout de même un avantage par rapport aux jeunes salariés qui seraient recrutés sur des CPE : un long préavis ! Si ce gouvernement en est encore capable, qu'il essaie d'en faire bon usage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Lasbordes, pour une explication de vote, au nom du groupe de l’UMP.
M. Pierre Lasbordes. Paraphrasant M. de Villepin, je vous dirai, monsieur Schwartzenberg : vous nous avez déçus !
Cette loi, tant attendue par l’opposition, aurait très bien pu être débattue au cours de la dernière mandature. Je l’ai réclamée, pour ma part, à plusieurs reprises. Mon appel n’a jamais été entendu, même lorsque vous étiez ministre !
Monsieur Schwartzenberg, vous avez contesté toutes les mesures proposées, en entretenant d’ailleurs la confusion, mélangeant les chiffres et vous référant, systématiquement, à Alain Trautmann qui n’en demandait pas tant !
Vous nous avez rappelé feu votre plan pluriannuel de 2001, dont on a déjà dit qu’il était inférieur au présent texte, en nombre de postes, même si on lui ajoute celui de M. Lang !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. C’est inexact !
M. Pierre Lasbordes. Et vous mettez en avant notre prétendu manque de considération envers les jeunes. Mais qu’avez-vous fait quand vous étiez au gouvernement pour l’allocation de recherche ? Rien !
En réalité, vous continuez d’user d’artifices pour combattre une loi que vous regrettez de ne pas avoir pu présenter. Pour ma part, je considère que nous accomplissons un grand pas et j’invite mes collègues à repousser votre exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.
(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)
M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable, déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Alain Claeys.
M. Alain Claeys. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, chers collègues, ce débat sur la recherche se termine au moment où, partout en France, les jeunes, souvent accompagnés de leurs parents et grands-parents, manifestent leur inquiétude pour l’avenir. Le CPE a été le déclencheur, mais c’est une inquiétude plus profonde que la jeunesse exprime face à l’avenir, en s’interrogeant sur la notion de progrès, sans forcément y trouver du sens. Nous sommes tous, majorité comme opposition, confrontés à cette situation.
C’est dans ce cadre que, depuis deux ans, nous menons ce débat sur la recherche. J’avais d’abord été étonné de voir que le mouvement des chercheurs rencontrait, dans notre pays, un soutien aussi large, une attention aussi grande de la part de nos concitoyens. Mais à la réflexion, ce soutien ne fait que traduire l’espoir que la recherche donne du sens et des perspectives à notre société.
Monsieur le ministre, je crois qu’il aurait fallu approfondir certains préalables. Le problème est de fond, et non d’ordre idéologique. Je ne vous en fais pas grief, car c’est l’ensemble du Gouvernement qui n’a pas mesuré l’importance des enjeux.
En premier lieu, il aurait fallu traiter le fait qu’en France, la jeunesse se détourne des carrières scientifiques. C’est un sujet essentiel, car quelles que soient les mesures prises en aval, si nous ne traitons pas cette question dès le collège et le lycée, la pente descendante que nous déplorons aujourd’hui s’accentuera.
Le deuxième préalable concerne, au bout de la chaîne, les doctorants et les post-doc. Lors du débat parlementaire, nous avons eu raison d’approuver l’amendement relatif aux doctorants et à leur place dans les conventions collectives, mais cette mesure n’est pas suffisante. Aujourd’hui, la France est l’un des pays occidentaux où le nombre de doctorants dans l’économie marchande est le plus faible. Nous devons donc consentir un effort considérable pour aborder de façon positive la question de la recherche privée.
Troisième préalable : le premier cycle, sujet qui est évoqué dans le très précieux rapport de la Cour des comptes. Quel gâchis ! Cette loi aurait dû traiter des moyens et des finalités du premier cycle. Vous m’opposerez qu’on se serait éloigné du domaine de la recherche. Non, car l’évaluation de la réforme LMD – licence master doctorat – est un élément essentiel pour la recherche.
En France, l’écart entre les moyens consacrés par étudiant en classe préparatoire et à l’université est inadmissible et, de ce fait, toutes les orientations sont détournées de leur objectif initial. Les IUT, par exemple, qui devraient être des formations courtes, se transforment en formations longues et les classes préparatoires deviennent un moyen d’intégrer l’université. Nous devons donc engager une réflexion sur l’avenir du premier cycle et sur sa relation avec les classes préparatoires.
Le calendrier parlementaire est fait de telle façon que je mène actuellement, au sein de la MEC – la mission d’évaluation et de contrôle –, avec un collègue de la majorité, un travail sur les universités et leur modernisation. Plus j’y réfléchis, plus j’auditionne, et plus il m’apparaît qu’il ne peut y avoir de réforme profonde de notre système de recherche en France si nous n’abordons pas préalablement la réforme des universités. Et je suis convaincu, ainsi que l’ensemble des présidents d’université, des responsables d’UFR et des organisations syndicales, que le moment est venu d’engager cette réforme. Car – et j’ai bien entendu votre argumentation – il ne pourra pas y avoir de collaboration utile et durable entre les universités et les organismes de recherche si l’on ne donne pas préalablement à celles-ci les moyens de leur modernisation et de leur autonomie – qui est inscrite dans la loi – dans le cadre d’une politique définie par l’État.
Quatrième préalable : les organismes de recherche, sur lesquels votre texte se montre particulièrement ambigu. On ne sait pas ce que vous souhaitez : voulez-vous réduire leur rôle, les restructurer, étrangler le CNRS ? Il y a de la part des chercheurs, qui expriment aujourd’hui leur mécontentement et leur découragement, une véritable inquiétude.
Enfin – dernier préalable –, comme le souligne le président de la Cour des comptes dans la conclusion de son rapport, il n’y aura pas de réforme durable de la recherche et des universités sans moyens. Et, comme l’a montré Roger-Gérard Schwartzenberg, vous nous proposez une fausse loi de programmation qui posera très rapidement des problèmes financiers.
Tels sont, monsieur le ministre, les préalables indispensables à l’élaboration d’une véritable loi sur la recherche. C’est en apportant une réponse à ces questions qu’on peut ensuite construire la superstructure constituée par les différents organismes que vous avez créés. Je crains qu’avec cette loi, vous ne fassiez qu’ajouter de la complexité, alors que nos chercheurs ont besoin de souplesse, multiplier les organismes, alors qu’il faudrait que l’État se montre stratège en fixant des priorités.
Nous avons voté, par exemple, la loi sur la bioéthique il y a un an et demi.
M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Deux ans !
M. Alain Claeys. Nous avons autorisé, dans ce texte, la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Et je suis étonné de voir qu’aucun des appels d’offres de l’Agence nationale pour la recherche pour 2005 et 2006 ne porte sur ce sujet. Je me demande donc, bien que les chercheurs, les responsables publics et la presse aient largement évoqué cette question, si l’État la considère vraiment comme une priorité. Je reviens d’un voyage aux États-Unis où j’ai pu aborder concrètement ce sujet. Aussi, permettez-moi de m’étonner ! J’estime qu’il sera nécessaire d’évaluer le fonctionnement de l’Agence nationale pour la recherche depuis sa création. Je ne mets pas en cause les personnes, mais comme l’Agence nationale pour la recherche a fonctionné avant le vote définitif de la loi, je me permets, monsieur le ministre, de vous suggérer d’engager une réflexion sur le fonctionnement de cette agence. En effet, c’est là que les impulsions doivent être données.
Par ailleurs, malgré une bonne volonté et une totale honnêteté intellectuelle, je n’ai toujours pas bien compris le mécanisme d’évaluation – indispensable à notre recherche – que vous mettez en place. Que va-t-on conserver dans l’évaluation des organismes de recherche ? Comment fera-t-on pour l’université ? Comme beaucoup, je m’interroge.
S’agissant des PRES, nous les avons soutenus et, je le confirme, ils peuvent être une bonne solution pour établir une collaboration entre universités et organismes de recherche. Mais il faut préalablement donner les moyens nécessaires aux premières et définir précisément la place des seconds.
Nous sommes très réservés sur les réseaux thématiques, qui risquent d’aboutir, contrairement à ce que vous souhaitez, à une mise à l’écart des universités.
J’évoquerai pour terminer deux sujets qui, s’ils n’ont pas été au cœur du débat, me semblent importants pour l’avenir : la propriété intellectuelle et l’Europe.
S’agissant de la propriété intellectuelle, je crois que nous devons avancer ensemble sur les accords de Londres. Le thème de la francophonie pour rejeter ces accords ne tient pas la route, et nous avons d’autres moyens pour traiter cette question. Ces accords peuvent donner plus de souplesse et de lisibilité aux brevets, et c’est pour cette raison que je les soutiens.
En revanche, si le brevet est une bonne chose pour diffuser les inventions, il faut veiller à ce qu’il ne crée pas des rentes de situation qui peuvent constituer un blocage pour la recherche et la diffusion. C’est vrai dans le domaine du vivant comme dans celui de l’informatique. Il importe donc que nous y réfléchissions.
S’agissant de l’Europe, certes, il y a eu des avancées. Mais comment expliquer la position française exprimée par le Président de la République sur le budget de l’Union ? Monsieur le ministre, on ne peut pas à la fois affirmer que la recherche est une priorité et qu’il ne faut pas augmenter le budget de l’Union européenne. Il faut financer, et c’est normal, l’entrée des nouveaux membres sans pour autant amputer certains budgets. Tenir un autre discours donne à la France l’image d’un pays qui ne veut pas accorder la priorité à la recherche dans le cadre de l’Europe.
Voilà, monsieur le ministre, quelques remarques sur cette fausse loi de programmation. Un certain nombre d’organismes sont certes créés, mais les moyens continuent de manquer. De plus, vous n’avez pas traité au fond l’existant, c’est-à-dire la situation des universités et des organismes de recherche, le fait que la jeunesse se détourne des carrières scientifiques, le fait que le taux d’échec en premier cycle est élevé ou le fait que les docteurs ne sont pas intégrés par la société à la sortie de l’université. Nous sommes loin du système que nous souhaiterions, où l’État fixerait les priorités et donnerait à nos chercheurs de la souplesse – qu’il ne faut pas confondre avec la précarité.
En France, comme aux États-Unis ou dans tout autre pays, un chercheur engagé dans la recherche fondamentale doit l’être dans la durée. La stabilité et l’évaluation sont essentielles pour qu’un pays puisse garder ses chercheurs auprès de lui. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Pierre Lasbordes, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Pierre Lasbordes. Les quelques minutes dont vous disposiez pour défendre cette question préalable ne vous ont servi, monsieur Claeys, qu’à rappeler, sur un ton d’ailleurs mesuré, vos réserves sur ce texte. Vous n’avez visiblement pas été convaincu par le long débat que nous avons eu. Mais on l’a dit clairement : c’est une loi sur la recherche, pas sur les universités.
Nous ne sommes pas fondamentalement en désaccord avec les préalables que vous avez cités. En revanche, c’est une caricature que de présenter l’ANR comme une source de complexité. Il suffit de songer au succès remporté par cette structure en si peu de temps : elle a pu distribuer des sommes importantes en faveur de projets bien évalués.
Je comprends très bien la déception de l’opposition, mais cela ne justifie pas une question préalable. Je propose de la rejeter.
M. le président. Je mets aux voix la question préalable.
(La question préalable n’est pas adoptée.)
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. Monsieur le président, monsieur le ministre, l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation sont d’une importance stratégique. Une politique efficace d’innovation suppose un bon système de recherche s’appuyant sur la recherche fondamentale. Il faut donc la soutenir résolument, ainsi que la recherche publique et, au lieu de l’opposer à la recherche finalisée, faciliter leur nécessaire complémentarité. Sur ce sujet, il aurait fallu réunir universitaires, chercheurs et politiques afin de trouver un consensus sur les décisions à prendre. Cela n’a malheureusement pas été le cas. Non seulement ce texte ne nous a pas convaincus, monsieur Lasbordes, mais il n’a pas non plus convaincu la communauté scientifique.
M. Frédéric Dutoit. Tout à fait !
M. Jean-Yves Le Déaut. Sauf sous la présidence du général de Gaulle et au début des années Mitterrand, la recherche n’a jamais constitué une priorité pour la France. Or le « pacte pour la recherche » a été une occasion manquée de faire cesser ce bras de fer permanent entre le Gouvernement et le monde de la recherche, de réconcilier enfin la France avec ses chercheurs et ses universitaires, avec qui vous auriez dû engager un dialogue constructif au lieu de rester sur la défensive.
Le pire, dans ce projet de loi, c’est peut-être ses lacunes. On peut comprendre, compte tenu des manifestations qui ont lieu actuellement, que vous n’ayez pas voulu aborder le sujet de l’enseignement supérieur.
M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. C’est un argument de bon sens !
M. Jean-Yves Le Déaut. Ce dernier souffre pourtant d’un problème majeur, lié à son accès. Il est coupé en deux, entre les filières ouvertes, auxquelles on accède librement, et les filières fermées, qui sélectionnent leurs étudiants, comme les STS, les classes préparatoires ou les IUT. Le principal effet pervers de cette logique bicéphale est d’engendrer une concentration de la dépense d’enseignement supérieur sur les filières les mieux encadrées, privant par conséquent de moyens adéquats les filières ouvertes. Les formations qui accueillent le plus grand nombre d’étudiants sont ainsi paupérisées. Le calcul de la dépense moyenne par étudiant souligne cette différence significative : en 2004, elle s’élevait à 6 695 euros dans les universités et à 13 757 euros dans les classes préparatoires aux grandes écoles, soit un écart allant du simple au double. Cette coupure, qui explique en partie les problèmes de débouchés, ne fait que renforcer la reproduction des inégalités sociales d’une génération à l’autre.
Le choix de l’université par les bacheliers se fait par défaut. Nombre d’entre eux choisissent de se tourner vers des filières réputées intéressantes, mais dont les débouchés sont incertains, et où les conditions d’études sont souvent difficiles en raison d’un encadrement qui, faute de moyens, reste insuffisant. C’est peut-être ce qui explique les manifestations que nous voyons depuis deux mois.
Ce texte, tronqué, n’aborde donc pas la question des formations supérieures. La grande misère de nos universités est pourtant la honte de notre pays ! L’enseignement supérieur et la recherche universitaire n’y sont toujours pas considérés comme la base du développement scientifique. Contrairement aux autres pays développés, et même aux pays en voie de développement comme l’Inde, la Chine ou le Brésil, l’université n’est toujours pas suffisamment reconnue ni valorisée. Pour parvenir aux 3 % du PIB consacrés à la recherche, objectif fixé par le Président de la République, il manquera malheureusement – tous les calculs le montrent – 10 milliards d’euros en 2010. Dans deux ans, des pans entiers du CNRS et la plupart des laboratoires universitaires seront en cessation de paiement car les crédits de base vont stagner, voire baisser, alors que les moyens nouveaux, ceux de l’ANR, par exemple, risquent de profiter à une minorité de laboratoires qui s’adapteront vite aux thématiques à la mode.
D’ailleurs, nous avons dû batailler pour que les crédits de la loi de programmation soient présentés en euros constants. Vous avez fini par l’accepter, après arbitrage du Premier ministre, mais cela ne reste qu’une promesse verbale. La proposition du Parti socialiste d’augmenter de 10 % par an le budget de la recherche était, en fait, la seule crédible pour parvenir aux 3 % du PIB.
La création d’une agence de moyens aurait pu favoriser la synergie et la transversalité entre les différents établissements de recherche et entre les différents projets. Mais cette agence accapare l’essentiel des crédits et exerce un quasi-monopole sur les fonds incitatifs au détriment des organismes de recherche. Nous devons donc rester vigilants. Il faut trouver un équilibre entre les crédits ordinaires consacrés aux laboratoires de recherche et aux universités et ceux de l’Agence nationale de la recherche. Vous avez toutefois réservé, comme nous le demandions, une part du financement à des projets « blancs » en recherche fondamentale.
Nous avons été stupéfaits, monsieur le ministre, par votre vision centralisée du pilotage de la recherche. Vous avez par ailleurs déclaré – certes à une heure tardive – que « la communauté scientifique ne peut se prononcer que sur la recherche qui est de son ressort, et non sur les choix de société ». Or les grandes orientations scientifiques d’un pays doivent, à notre sens, découler des avancées de la science, et non dépendre des aléas politiques.
Nous sommes également déçus que le débat, dont vous vantez la richesse, n’ait apporté aucune avancée significative. Les bonnes idées du texte – Haut conseil de la science et de la technologie, pôles de recherche et d’enseignement supérieur – ont été ternies par le flou entretenu sur les modalités de fonctionnement ou par des ajouts qui ont dénaturé l’esprit des états généraux de Grenoble. Ainsi les réseaux thématiques de recherche vont-ils dans le sens de la complexité et de la recentralisation, surtout en région parisienne. En permettant aux pouvoirs politiques de prendre des décisions sur des projets très coûteux, ils sont de nature à déstabiliser les équilibres universitaires locaux en détournant une partie importante des financements propres.
Vous vous obstinez à refuser une programmation de l’emploi scientifique sur cinq ans, que les chercheurs étaient pourtant en droit d’attendre. Vous promettez 3 000 emplois en 2006. Cela compensera à peine les emplois prévus par Lionel Jospin et que vous avez supprimés à votre arrivée au pouvoir en 2002.
M. François Brottes. À peine, en effet !
M. Jean-Yves Le Déaut. Ce n’est donc qu’un simple rattrapage. Nous proposons pour notre part, pour tenir compte des départs à la retraite, de créer 4 500 emplois par an pendant cinq ans.
Nous avons également été consternés par vos atermoiements sur la politique à mener en faveur des jeunes chercheurs et des doctorants. Alors que chacun s’accorde à constater la faible attractivité des métiers de la recherche, le gâchis que constitue la fuite des cerveaux, le manque de reconnaissance dont souffre le doctorat dans le monde du travail, vous avez préféré tergiverser, esquiver plutôt que de répondre à ces questions simples : combien d’allocations de recherche allez-vous attribuer et quel en sera le montant ? La commission, unanime, a demandé qu’elle soit fixée à 1,5 fois le SMIC net, c’est-à-dire environ 1 500 euros, mais vous avez refusé de vous engager clairement sur ce point.
La situation des doctorants, mais aussi des docteurs, qui vaquent d’ATER en emplois précaires, est indigne d’un pays développé. Que penser d’un gouvernement qui demande à Bruxelles, sans d’ailleurs l’obtenir, une baisse de TVA équivalent à 2,5 milliards d’euros, mais qui refuse de consacrer 25 millions d’euros – soit 75 millions d’euros pour les trois années de thèse – à l’amélioration de la rémunération de ses 5 000 doctorants ? C’est une politique suicidaire, car nous allons manquer de cadres scientifiques. Le financement public de la recherche est certes programmé pour passer de 19,8 milliards à 24 milliards d’euros, mais la hausse moyenne n’est que de 4 % par an, ce qui représente une relative stagnation si l’on tient compte de la croissance du PIB et de l’inflation.
M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Je l’ai dit : il s’agit d’euros constants !
M. Jean-Yves Le Déaut. Pour les deux premières années seulement.
M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Après, nous verrons !
M. Jean-Yves Le Déaut. Enfin, l’occultation de la coopération européenne en matière d’enseignement supérieur et de recherche illustre le double discours du Gouvernement. Comment s’étonner que l’Europe prenne du retard dans la maîtrise des technologies clés si la France refuse les propositions anglaises d’augmenter le budget européen et de consacrer 75 milliards d’euros au septième programme cadre pour la recherche et le développement technologique ? Les pays qui s’en sortent le mieux sont pourtant ceux qui investissement massivement dans la recherche, à commencer par la recherche fondamentale. Ils récolteront dans quelques années les fruits de leurs efforts.
Une telle tendance ne peut que s’accentuer. Le pari de l’intelligence conditionne la puissance de demain. Malheureusement, ce texte de loi ne prend pas en compte les grands enjeux scientifiques du XXIe siècle, ne respecte pas les promesses faites par le Président de la république et par le Gouvernement, ne donne pas de véritable souffle à notre système de recherche et oublie les universités.
Réformer un système de recherche aussi complexe que celui de la France n’est pas une entreprise simple. Mais des changements s’imposent si nous souhaitons rester parmi les pays phares en terme d’intelligence et d’attractivité économique.
La science englobe tous les domaines du savoir. Elle conditionne aussi bien le niveau culturel et technologique d’un pays que son rayonnement international.
M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. C’est en effet ce que l’on constate, a contrario, depuis 1981 !
M. Jean-Yves Le Déaut. L’enseignement supérieur, la recherche et le développement technologique représentent pour le groupe socialiste la première priorité pour le présent et l’avenir.
M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Mais pas pour le passé !
M. Jean-Yves Le Déaut. Ils sont au cœur même de notre projet collectif. Les grands rapports de force socio-économiques mondiaux se joueront désormais sur la recherche, la formation, la maîtrise de la propriété intellectuelle, mais aussi sur la capacité à comprendre les évolutions sociales et environnementales et à y apporter des réponses.
Nous approuvons tous l’objectif fixé pour 2010 de consacrer 3 % du PIB à la recherche. Mais qui peut croire que nous allons l’atteindre au rythme que vous avez impulsé avec votre projet de loi ?
À l’occasion d’une telle réforme, nous aurions dû aborder les grandes questions sur l’avenir de la France et sur l’importance de la recherche. Dans une société où le progrès est aujourd’hui contesté, nous aurions dû nous entendre sur la définition du progrès maîtrisé. Nous aurions dû prendre en compte la nécessité d’une coordination européenne de la recherche, ce qui n’a pas été le cas lors de notre discussion. Nous aurions pu, enfin, examiner la question de l’obligation du partage du progrès avec les pays du Sud. Il n’est, en effet, plus possible que les pays développés continuent à s’accaparer la totalité des dividendes du progrès. Ceux qui se rendent dans des pays en voie de développement, comme l’Inde ou la Chine, ou dans des pays peu développés peuvent aujourd’hui en témoigner. Les Indiens s’interrogent sur les raisons pour lesquelles, pour des raisons liées au changement climatique, nous les empêchons d’utiliser un mode d’énergie, donc de bénéficier de notre développement économique auquel elle a pourtant contribué.
Il aurait été également nécessaire de considérer le dialogue entre science et société en nous appuyant sur la diffusion de la culture scientifique et technique.
La convergence simultanée et volontaire des organismes de recherche, des universités et des grandes écoles repose sur une priorité absolue, celle du développement scientifique. Il s’agit là – et nous sommes d’accord sur ce point – d’un préalable incontournable. La science est l’un des fondements de la culture. Le pari sur la recherche, c’est le pari sur l’intelligence, sur l’avenir, sur une France ouverte pour la construction d’une Europe des citoyens, sur une France qui compte dans le monde.
Vous nous proposez une loi de programmation virtuelle, mais la science, dans notre pays, a besoin d’un véritable « plan Marshall». Dans cinq ans, en France, comme en Europe, il pourrait être trop tard. Le texte que vous soumettez à notre vote aujourd’hui est très manifestement insuffisant. Décidément, ce gouvernement est incorrigible. En effet, alors que ce texte sur la recherche aurait pu être fédérateur, il accentue le divorce avec la communauté scientifique, tout comme le projet de loi instituant le CPE promulgué, mais occulté, vous a coupés durablement de la jeunesse de notre pays. Les gouvernements de MM. Raffarin et de Villepin auront été sans doute ceux des rendez-vous manqués avec les jeunes, collégiens, lycéens, apprentis ou étudiants. C’est pourquoi le groupe socialiste ne votera pas ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Frédéric Dutoit. Très bien !
(M. Jean-Luc Warsmann remplace M. Yves Bur au fauteuil de la présidence.)
M. le président. La parole est à M. Gilles Artigues.
M. Gilles Artigues. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, mes chers collègues, nous le savons tous, le développement économique et la qualité de vie des sociétés performantes dépendent de leur niveau culturel et scientifique. Aussi le groupe UDF a-t-il porté une attention toute particulière au débat sur la crise du système français d’enseignement supérieur et de recherche, tant il est vital, pour notre pays, qu’il retrouve son dynamisme dans ce domaine. Je tiens ici à saluer le travail de notre collègue Anne-Marie Comparini qui a tenté d’enrichir ce texte, forte des actions qu’elle a menées en tant que présidente de la région Rhône-Alpes.
M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Qui est Mme Comparini ?
M. Gilles Artigues. Mme Comparini, monsieur le président Dubernard ! Vous devez connaître !
Si le système de formation et de recherche a su répondre à la croissance très rapide de la demande de connaissances de notre pays, il n’a pas pu prendre en compte les révolutions des technologies, la diversification des trajectoires professionnelles, la mutation des relations entre l’État et son environnement et l’unification européenne. Dans ces temps confus, bureaucratiques et inégalitaires, l’État doit revoir d’urgence ses objectifs, simplifier son organisation et, pour préserver sa nature et sa qualité, disposer de moyens croissants et mieux utilisés, tout en restant attentif à ce qui se fait chez nos principaux partenaires européens parce qu’il ne pourra y avoir d’Europe de l’emploi sans Europe du savoir.
Favoriser la recherche n’est pas une mince affaire, monsieur le ministre !
M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Oh non !
M. Gilles Artigues. Cet objectif ambitieux méritait mieux qu’un débat d’urgence, compte tenu de l’ampleur des mutations à accomplir, des clarifications à apporter dans les circuits de commandements internes et dans les compétences. Il réclamait un temps conséquent de discussion, essentiellement entre les deux assemblées, pour préciser le contenu et la mise en œuvre de la stratégie, notamment en raison de la lourdeur et de la complexité des mécanismes proposés. Il supposait aussi un vrai dialogue avec ceux qui auront à les mettre en œuvre. Les efforts sont vains s’ils ne sont pas partagés par tous, surtout lorsque la compétition est telle qu’il faut rassembler toutes ses forces et qu’un tel renversement de perspective est moins naturel en France que dans d’autres pays. Vous auriez pu avoir cette discussion. En effet, la France a pris conscience, il y a deux ans, de l’écart avec nos partenaires européens et les pays émergents. N’oublions pas que tous les acteurs majeurs de l’innovation n’auraient pas manqué.
Aujourd’hui, monsieur le ministre, vous nous présentez un texte définitif peu amendé et dans lequel on retrouve les faiblesses initiales qui fragilisent les chances de réussite. D’abord, ces dispositions et ces structures ne font pas confiance aux acteurs eux-mêmes, ne leur reconnaissent pas une indépendance créative. Pourtant, tous s’accordent à dire qu’il faut utiliser le potentiel de la recherche publique pour créer ou fixer des emplois à haute valeur ajoutée dans une optique plus ouverte à l’innovation industrielle des petites et moyennes entreprises notamment, comme cela se pratique déjà en France et dans d’autres pays. Ensuite, ces dispositions s’empilent sans aboutir à un système cohérent, décentralisé et contractualisé. Là encore, des possibilités d’expérimentations ou d’incitations auraient permis une d’avancer progressivement en se rapprochant en toute liberté. Enfin, ces dispositions n’investissent pas clairement dans les talents. Dans notre pays, les débuts de carrière pénalisent souvent les jeunes. On le constate aussi dans la recherche et l’enseignement où il est primordial de rendre les carrières attractives par des rémunérations dignes de ce nom et de réels développements de parcours. Ce sont ces valeurs qui ont fait défaut à votre texte.
Le malaise actuel des étudiants, si nombreux dans les manifestations contre le contrat première embauche, se nourrit également de l’inquiétude du monde de la recherche. Universitaires, chercheurs, « thésards en colère» – nombreux dans les cortèges – craignent que la stagnation des crédits et des postes dans les organismes de recherche et la montée en puissance rapide de l’Agence nationale pour la recherche ne se traduisent par la création de centaines, voire de milliers de contrats à durée déterminée. Des scientifiques recrutés à bac plus sept ne seront donc pas ce qu’ils deviendront à la fin de leur CDD. Précarité, absence de perspectives claires : la similitude avec le CPE est évidente.
Pour toutes ces raisons, le groupe UDF votera contre le texte de la commission mixte paritaire.
M. Guy Lengagne et M. Jean-Yves Le Déaut. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.
M. Frédéric Dutoit. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les années 1960 et 1980 ont été sans conteste les deux grandes périodes de progression de la recherche en France.
Depuis, la recherche a rétrogradé du quatrième au dixième rang mondial, en termes de dépense nationale de recherche et développement.
C’est dans ce contexte de déclin financier, qu’en 2003, le mouvement des chercheurs s’est mobilisé. Après de brutales réductions de crédits et de postes, il a permis d’alerter l’opinion, de stopper ces réductions, mais aussi d’engager une réflexion sur les réformes à mettre en œuvre pour une relance de ce secteur.
Des réformes sont nécessaires, car les chercheurs consacrent aujourd’hui plus de temps à demander des crédits, leur liberté d’initiative s’amenuise, l’indépendance de la recherche et de l’expertise publiques est menacée. Comme les États généraux de la recherche l’ont souligné en octobre 2004, il convenait de revaloriser tous ces métiers, tant au niveau du déroulement du doctorat que des débouchés et des carrières dans les secteurs public et privé. Il était aussi indispensable de s’engager dans une programmation budgétaire sans précédent.
Ce projet de loi aurait dû répondre à ces inquiétudes et à ces attentes. Au contraire, et nous commençons à en avoir l’habitude, il s’est appliqué à instituer une réforme autoritaire et libérale de la recherche, dont les leviers sont l’Agence nationale de la recherche, les campus de recherche, l’Agence de l’innovation industrielle et les pôles de compétitivité. Certes, la programmation budgétaire insuffisante sera accordée en euros constants. C’était bien la moindre des choses !
M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Vous le reconnaissez, monsieur Dutoit, c’est bien !
M. Frédéric Dutoit. Je reconnais toujours les choses positives, monsieur Dubernard, vous le savez…
M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je le sais, monsieur Dutoit !
M. Frédéric Dutoit. …même lorsque, vous en conviendrez, elles sont vraiment minimes !
Certes, l’allocation de recherche sera légèrement supérieure à un SMIC et demi, mais elle demeure toujours très en deçà des attentes exprimées. Heureusement, l’accord de Londres sur les brevets n’a pas été ratifié à la sauvette.
Aujourd’hui nous constatons que la CMP n’a fait qu’amplifier les mesures les plus libérales et a supprimé les quelques améliorations progressistes apportées par nos débats. Ainsi, la commission a-t-elle supprimé la participation de représentants des étudiants au sein d’une fondation de coopération scientifique dans le pseudo-souci d’assurer une gouvernance efficace, et l’article 3 ter qui limitait le nombre des doctorants par directeur de thèse. À l’article 4 A, elle a souhaité que les évaluations réalisées par l’AERES soient réellement suivies d’effets. À cette fin, l’État en tiendra compte pour déterminer ses engagements financiers envers les établissements, dans le cadre des contrats pluriannuels. C’est un comble ! À l’article 6 B, la CMP a préféré que le rapport du Gouvernement évoque la « coopération » entre les grandes écoles et les universités, plutôt que leur « rapprochement», évitant évidemment de remettre en question l’image de ces hauts lieux de l’élitisme et de la ségrégation sociale en les mêlant à nos pauvres universités !
Nous en sommes désormais convaincus, le Gouvernement, en refusant la programmation de moyens pérennes et conséquents, a clairement choisi son camp : celui de la mise à bas de la recherche publique et de l’enseignement supérieur public au profit d’intérêts privés. Les universités et les jeunes chercheurs sont bel et bien les grands oubliés de ce projet de loi.
Pourtant, le rapport collectif issu de la formidable mobilisation de 2003 avait réussi, en dépit de la diversité des opinions, à dégager, après des centaines de débats à travers la France, un ensemble de propositions concrètes et consensuelles largement appropriées par l’ensemble de la communauté de la recherche et de l’enseignement supérieur.
Pour ne citer que les principales revendications, les activités de recherche dans les universités et les EPST devraient être assurées, conformément à la loi, par des personnels titulaires, seuls en mesure de construire sur le long terme et de transmettre leurs acquis.
Aussi sommes-nous pour l’élimination de tous les contrats à durée déterminée qui se substituent aux emplois statutaires de fonctionnaires – dans la même logique, en fait, que celle du CPE.
La recherche publique devrait être financée par des fonds publics, sous forme de soutien de base aux laboratoires. Pour garantir l’indépendance de la recherche et de l’expertise publiques, il est essentiel que le financement des laboratoires publics ne soit pas dépendant de fonds privés.
Les appels d’offres émanant de l’ANR qui mettent en concurrence les laboratoires dans des conditions pour le moins opaques seront générateurs de pratiques de lobbying malsaines et de gaspillage de temps pour les équipes.
Aussi avons-nous proposé la limitation du budget de l’ANR et l’annulation des PRES proclamés « pôles d’excellence » donnant à certaines universités le rôle d’opérateurs de la recherche et d’agences de moyens.
De même, nous considérons que les personnels ne devraient pas être mis en situation de concurrence au moyen de primes, d’appels d’offres et de dépendance hiérarchique renforcée.
C’est pourtant ce qui est à l’œuvre à travers ce projet de loi, monsieur le ministre. Voter celui-ci reviendrait à accepter la précarité aggravée pour les jeunes chercheurs, à cautionner la concurrence généralisée entre les organismes de recherche, les universités, leurs équipes et leurs personnels, à soutenir le pilotage étatiste de la recherche par les « projets » financés par l’Agence nationale de la recherche.
Cela ferait aussi de nous les complices d’instances nommées et non élues pour la définition des objectifs de la recherche, pour l’évaluation des projets des équipes de personnes et pour les financements.
Enfin, cela impliquerait de fermer les yeux sur la concentration élitiste au bénéfice de quelques pôles dits d’excellence, de quelques créneaux à rentabilité immédiate.
Vous prétendez que « c’est l’État qui choisit les grands thèmes de recherche et décline les priorités » car vous contestez l’idée selon laquelle la détermination des priorités serait du ressort de la communauté scientifique.
Tout cela est d’une gravité sans précédent. Si notre pays est encore – mais pour combien de temps ? – une grande puissance économique et scientifique, c’est parce qu’il a su se doter de structures de recherche de très haut niveau à la fois indépendantes, réactives et responsables.
Votre nouvelle architecture antidémocratique et opportuniste oublie combien, dans ses aboutissements, la recherche scientifique est aléatoire.
Nous ne le répéterons jamais assez : une société qui n’a plus confiance en sa communauté scientifique est une société qui se fige, se replie sur elle-même et régresse. Comment ne pas prendre conscience que les pays qui ne maintiendront pas un outil de recherche d’excellence seront incapables de suivre l’accélération de l’évolution économique associée à la production des connaissances ?
Plus grave encore, ils deviendront rapidement incapables de former les jeunes générations de manière compétitive et subiront d’ici peu les graves conséquences du désinvestissement de la jeunesse pour la recherche. Ils entreront de ce fait dans une dépendance économique difficilement surmontable.
Ce scénario pessimiste va se réaliser avec votre projet de loi, et vous en porterez toute la responsabilité.
Les incantations qui figurent dans l’exposé des motifs, la reprise habile de certains termes des états généraux de la recherche ne nous ont pas trompés, pas plus qu’ils n’ont trompé les chercheurs. Ce projet de loi correspond sans nul doute à une conception de la recherche et de l’enseignement supérieur en totale contradiction avec celle exprimée par la communauté scientifique et l’intérêt de notre nation.
Vous comprendrez donc que nous votions contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Lasbordes.
M. Pierre Lasbordes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes propos seront différents de ceux de mes prédécesseurs…
M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Tant mieux !
M. Pierre Lasbordes. …mais vous n’en serez pas vraiment surpris.
M. Jean-Yves Le Déaut. Vous êtes bien seul !
M. Pierre Lasbordes. Je préfère être seul plutôt qu’en mauvaise compagnie.
Après un débat très riche, précédé d’une longue phase de discussion, de concertation, de débats souvent passionnés avec l’ensemble de la communauté scientifique, nous parvenons aujourd’hui au terme de notre travail législatif.
Celui-ci n’a rien éludé ; toutes les questions ont pu être posées. Et c’est sans réserve que nous pouvons estimer avoir, par ce travail collectif, amélioré et enrichi très sensiblement le texte par rapport au projet initial qui nous a été présenté par le Gouvernement.
Soyons honnêtes, monsieur Le Déaut : jamais de tels moyens humains et financiers n’ont été apportés à notre recherche…
M. François Brottes. C’est bien le moins, avec tout ce que vous lui aviez enlevé précédemment !
M. Pierre Lasbordes. …et les mesures de simplification administrative, dont je regrette que vous n’ayez pas fait état, sont un vrai soulagement pour la communauté scientifique.
La commission mixte paritaire est parvenue à trouver un équilibre entre les deux assemblées, à résorber les divergences tout en conservant intact l’esprit du texte. Je vous rappelle que nous débattons aujourd’hui du texte issu de la CMP et non de l’ensemble du projet de loi – et encore moins du CPE, monsieur Dutoit !
M. Frédéric Dutoit. Il s’agit pourtant de la même logique !
M. Pierre Lasbordes. Pas du tout !
Sans reprendre l’ensemble du texte, déjà détaillé par le président Dubernard et par M. le ministre, j’insisterai seulement sur les mesures et les engagements les plus importants du projet de loi, ainsi que sur les modifications les plus significatives apportées par la commission mixte paritaire.
Ces dernières sont intervenues dès l’article 2, où il est désormais prévu qu’un PRES puisse adopter un statut juridique autre que ceux déclinés dans le texte.
Dans un souci d’efficacité, la commission est parvenue à trouver un compromis entre les positions de l’Assemblée nationale et du Sénat concernant la composition des différentes catégories de représentants au sein du conseil d’administration d’un PRES.
La participation des étudiants qui suivent une formation doctorale au sein d’un PRES a été maintenue alors qu’elle a été supprimée pour la fondation de coopération scientifique.
Enfin, la commission a rétabli la rédaction initiale des mesures concernant les fondations afin que celles-ci puissent être abritées par une fondation existante tout en gardant leur personnalité morale « distincte et liée par convention à la fondation affectataire à laquelle elle peut confier sa gestion ».
Elle a supprimé l’article 3 ter, qui limitait le nombre des doctorants par directeur de thèse.
Consciente qu’une évaluation n’a véritablement de sens qu’à condition d’être suivie d’effets, la commission a souhaité, à l’article 4 A, que les évaluations réalisées par l’Agence de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur permettent à l’État de déterminer ses engagements financiers envers les établissements dans le cadre des contrats pluriannuels.
À l’article 4, la commission mixte paritaire a souhaité inscrire « la contribution au développement de la culture scientifique » comme un critère essentiel de l’évaluation, mais a supprimé l’obligation de rendre publics les noms des évaluateurs, une suppression justifiée afin de garantir une plus grande sérénité dans le processus d’évaluation.
La commission a par ailleurs substitué le terme « accrédité » au profit de « validé » concernant les procédures d’évaluation des personnels des établissements et organismes. Il lui est apparu utile que l’Agence d’évaluation « tienne compte des résultats obtenus dans le domaine de la valorisation de la recherche pour remplir sa mission d’évaluation des établissements ».
Enfin, la commission a estimé, compte tenu de l’alternance en cours de mandature entre l’Assemblée nationale et le Sénat à la présidence de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, que l’Office devait être représenté au sein du conseil d’administration de l’Agence d’évaluation par deux parlementaires, et non plus par son seul président.
À l’article 6 B, la commission a volontiers accepté une modification importante consistant à employer le terme de « coopération » entre les grandes écoles et les universités, plutôt que de « rapprochement », terme qu’avait adopté notre Assemblée suite à un amendement déposé par le groupe socialiste et qui avait suscité une très vive réaction de la communauté scientifique.
À l’article 7, la commission a mis l’accent sur la nécessité d’encourager la valorisation de la recherche réalisée dans les organismes publics. L’auteur d’une invention doit en faire immédiatement la déclaration à la personne publique dont il relève. Cette invention au sens de l’article L. 611-10 du code de la propriété intellectuelle, « susceptible d’un développement économique » donne lieu à « un dépôt en vue de l’acquisition d’un titre de propriété intellectuelle ». L’exploitation de l’invention sera réalisée « de préférence auprès des entreprises employant moins de deux cent cinquante salariés et domiciliées sur le territoire de l’Union européenne ». Enfin, les établissements informeront « l’Agence d’évaluation ainsi que leur ministère de tutelle des titres de propriété industrielle acquis et des conditions de leur exploitation ».
La commission mixte paritaire a souhaité limiter aux créateurs ou dirigeants de jeunes entreprises innovantes le bénéfice des mesures de « congés ou de travail à temps partiel » prévues aux articles 12 à 14, que l’Assemblée nationale avait étendu à l’ensemble des PME.
Telles sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les principales dispositions prises à l’occasion de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de programme.
Des moyens exceptionnels vont être déployés en faveur de la recherche, qu’il s’agisse des moyens financiers – 19,4 milliards d’euros sur la période 2005-2010, une progression sans précédent exprimée en euros constants –, des moyens humains – 3 000 postes créés cette année, un accroissement de 4,5 % de l’emploi scientifique, supérieur aux 3 % du taux de renouvellement, ce qui ne s’était jamais vu par le passé – ou des moyens structurels – en pérennisant l’Agence nationale de la recherche, dont une part importante des crédits sera dédiée à la recherche fondamentale, en instaurant l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur qui prendra en compte de façon cohérente la totalité des missions des chercheurs et des enseignants chercheurs, et en créant les PRES et les RTRA afin de favoriser la synergie entre les acteurs de la recherche au niveau territorial ou sur une thématique donnée.
Nous donnons ainsi à la recherche les outils qui lui permettront d’être au rendez-vous des enjeux du xxie siècle et à la France les moyens d’être au rendez-vous avec son avenir.
Avec une attention toute particulière adressée aux jeunes, en prenant notamment l’engagement qu’au 1er janvier 2007, le montant de l’allocation de recherche, en augmentation constante depuis 2003 – alors que vous et vos amis n’avez rien fait pour les jeunes pendant cinq ans, monsieur Le Déaut – atteindra 1,5 fois le SMIC, en reconnaissant les années de doctorat comme une véritable expérience professionnelle, ou encore en incitant à la reconnaissance du diplôme de docteur à sa juste valeur notamment dans les entreprises, dans le cadre de la réforme LMD, nos filières de formation à la recherche – et par la recherche – retrouveront cette attractivité aux yeux des futurs chercheurs, une attractivité qu’elles n’auraient jamais dû perdre.
Peut-on donc raisonnablement soutenir que ce projet de loi est une occasion manquée ?
Plusieurs députés du groupe socialiste. Oui !
M. Pierre Lasbordes. Seuls le croiront ceux qui ont l’habitude de manquer le train de la modernité ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. François Brottes. Aujourd’hui, ce sont les trains qui nous ont manqué ! (Sourires.)
M. Pierre Lasbordes. Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous parvenons au terme de nos travaux. Ce n’est pas un chapitre de plus qui vient de s’inscrire dans le volume de l’histoire de la recherche. Ce n’est pas un point final, mais deux points, qui ouvrent pour notre recherche et pour la France des perspectives nouvelles riches de succès. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La discussion générale est close.
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
(L’ensemble du projet de loi est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je voudrais d’abord vous remercier de ce vote, ainsi que de votre contribution très active – notamment celle des rapporteurs – et de la qualité des débats. Des avis très différents ont été exprimés, ce qui est bien naturel, mais je pense que nous partageons tous des convictions communes et un intérêt réel pour la recherche.
Je suis certain que nous avons accompli un vrai progrès grâce à ce texte. Grâce à des moyens nouveaux et une organisation plus adaptée au nouveau contexte de la recherche, et non complexifiée comme je l’ai entendu dire, c’est une perspective d’avenir qui s’ouvre à notre recherche, et je m’en réjouis vivement avec la majorité de cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l’adhésion au protocole modifiant la convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes (nos 2154, 2301).
La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, messieurs les députés, le 2 mai 1996, une conférence diplomatique convoquée par l’Organisation maritime internationale a adopté, à Londres, un protocole à la Convention internationale sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes du 19 novembre 1976.
Cette convention a pour objet de faciliter le règlement des litiges en définissant, au niveau international, le patrimoine sur lequel les créanciers de propriétaires de navires pourront se faire indemniser en cas de dommages. La convention institue une limitation de la responsabilité à l’égard des créanciers en mettant en place des fonds constitués sous forme de dépôt de sommes d’argent ou de garanties, et présentés comme la contre-valeur monétaire du navire objet des créances.
La situation du transport maritime ayant évolué depuis 1976, il est apparu nécessaire à l’OMI de négocier un protocole à la convention mère afin de prendre en compte l’intervention de nouveaux instruments internationaux adoptés depuis la conclusion de la convention initiale et de redonner une consistance aux fonds de limitation destinés à indemniser les victimes en opérant une réévaluation des limites fixées en droits de tirages spéciaux.
Le protocole de 1996 modifie les plafonds de limitation de responsabilité par un réaménagement des tranches du barème de calcul, ainsi qu’un relèvement substantiel des montants pour les différentes limites. Afin d’éviter des distorsions trop importantes de traitement, il existe une similitude entre les montants d’indemnisation prévus par la convention de 1976 sur la limitation de responsabilité pour les créances maritimes et ceux fixés par la convention internationale d’Athènes de 1974 sur le transport par mer des passagers et de leurs bagages, à laquelle la France n’est toutefois pas partie.
Une disposition particulière est introduite par le protocole pour permettre aux États qui le souhaitent de fixer des limites plus élevées dans la réglementation nationale.
Le protocole introduit par ailleurs, parmi les créances non soumises à limitation, la créance d’indemnité spéciale due au titre de la convention internationale de 1989 sur l’assistance. Cette indemnité spéciale n’est due que dans l’hypothèse où l’assistant, dont l’intervention a permis d’éviter ou de diminuer un dommage à l’environnement, n’a pu obtenir de la part du propriétaire du navire une rémunération couvrant au moins les frais qu’il a exposés.
Outre la réévaluation des montants d’indemnisation prévus par la convention de 1976, le protocole de 1996 introduit une procédure de révision simplifiée des limites, permettant de s’affranchir de la convocation de conférences diplomatiques.
Il convient de souligner que, depuis l'adoption du protocole de 1996, la convention d'Athènes a fait l'objet d'une profonde modification en 2002, qui la rend plus attractive en garantissant l'accès à une indemnisation rapide. Une proposition de décision du Conseil et du Parlement européens est actuellement en cours de négociation pour autoriser les États membres de l'Union à approuver ce nouvel instrument.
L'intérêt pour la France d'adhérer à ce protocole réside dans le relèvement des seuils de limitation de la responsabilité au profit des créanciers des propriétaires de navires ainsi que dans l'introduction d'un mécanisme simplifié de réévaluation des montants de limitation, permettant d'éviter la convocation périodique de conférences diplomatiques.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, les principales observations qu'appelle le protocole modifiant la convention de 1976 qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires étrangères.
M. Guy Lengagne, rapporteur de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, si vous en êtes d’accord, je ne prendrai pas la parole dans la discussion générale et je ferai les deux observations que je comptais développer dans le cadre de la présente intervention. Ce texte étant consensuel, cela ne devrait pas poser de problème.
M. le président. En effet.
M. Guy Lengagne, rapporteur. Madame la ministre, j’ai présenté ce texte à la commission des affaires étrangères le 10 mai 2005. Or il a pratiquement fallu attendre un an avant son examen dans cet hémicycle. Le Gouvernement est maître de l’ordre du jour, certes. Mais il me semble regrettable, s’agissant d’un texte de cet ordre, que les choses ne soient pas allées plus vite.
Nous sommes donc saisis du projet de loi autorisant l'adhésion au protocole modifiant la convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes.
Le protocole visé par le projet de loi a été adopté dans le cadre de l'Organisation maritime internationale afin de modifier le barème fixant les plafonds d'indemnisation en cas de sinistre d'un navire. Je souhaiterais rappeler brièvement les missions de l'OMI avant de présenter le protocole de 1996.
Créée à l'initiative des Nations unies, l'OMI est la première institution internationale qui ait été chargée d'élaborer des règles visant à améliorer la sécurité en mer. La convention créant cette Organisation internationale a été signée en 1948 et elle est entrée en vigueur en 1959. Entre-temps, la question de la pollution maritime est devenue un sujet de préoccupation majeur pour la communauté internationale. Aussi, l'OMI s'est également saisie de cette question en élaborant plusieurs instruments internationaux dont elle est aujourd'hui dépositaire.
À ce jour, l'OMI, qui est installée à Londres et qui dispose d'un secrétariat composé d'environ 300 fonctionnaires internationaux, a adopté une quarantaine de conventions et de protocoles et plus de 800 recueils de règles. Parmi celles-ci, on peut citer les conventions instituant le FIPOL et la convention dite MARPOL sur la lutte contre les pollutions du milieu marin. L'OMI a également adopté des conventions sur les navires de pêche et sur la formation des gens de mer. Elle n'est en revanche pas compétente sur les questions de droit du travail en mer, qui relèvent de l’OIT, laquelle a d’ailleurs pris récemment un certain nombre de décisions intéressant le monde maritime.
Permettez-moi, madame la ministre, de dire quelques mots sur l’OMI. Au sein de la délégation pour l’Union européenne, mon collègue Didier Quentin et moi-même sommes rapporteurs pour la durée de la législature sur les problèmes de pollution marine. Nous rencontrons régulièrement les responsables de l’OMI et nos interlocuteurs européens. La semaine dernière, nous nous sommes ainsi rendus à Chypre et à Malte. Au sein de l’OMI, chaque pays vaut une voix. Il en résulte que Panama, Malte ou Chypre – encore que cette dernière ait fait des efforts –, par exemple, qui étaient, pour reprendre une expression du Président de la République, des « États voyous », pèsent lourd. Et j’ai la conviction que l’OMI essaie de modérer la législation visant à indemniser les pays victimes de pollution. La France est à cet égard très directement concernée.
Madame la ministre, il est de bon ton en France de critiquer la Commission européenne – je ne suis d’ailleurs pas le dernier à le faire si besoin est. Mais celle-ci avait fait, voilà deux ans, une proposition qui, si elle avait été adoptée, aurait sans doute permis d’éviter le problème du Prestige. Il faut donc pousser l’OMI à bouger. La France doit jouer un rôle en la matière. L’Europe doit même être le fer de lance de la modification de la réglementation préconisée par l’OMI si l’on veut que les choses avancent.
Ainsi, le système de la double coque a d’abord été décidé unilatéralement par les Américains. L’OMI a ensuite été conduite à accepter qu’on oblige tous les navires transportant du pétrole à s’équiper de la sorte. Je souhaite donc que notre pays appuie les initiatives européennes dès lors qu’elles tendent à prévoir des sanctions plus sévères à l’encontre des pollueurs, y compris au niveau pénal. Le principe du pollueur-payeur doit s’appliquer. Mais si nous attendons que l’OMI le décide, cela risque d’être long.
Par ailleurs, si les pays européens sont membres de l’OMI, l’Union européenne ès qualités ne l’est pas. Or il serait bon qu’elle le soit car nous serions ainsi plus forts.
J'en viens au protocole dont l'Assemblée a été saisie. Il modifie la convention du 19 novembre 1976, dont l'objet est de faciliter le règlement des litiges en matière de commerce maritime. Pour ce faire, la convention a apporté une définition internationale du patrimoine sur lequel les créanciers du propriétaire d'un navire impliqué dans un sinistre sont susceptibles de se faire payer.
Auparavant, la loi maritime reconnaissait au propriétaire d'un navire le droit de l'abandonner purement et simplement à ses créanciers. Les nouveaux instruments juridiques internationaux ont institué une limitation de la responsabilité à l'égard des créanciers en mettant en place des fonds constitués de dépôts de contreparties monétaires.
La convention de 1976 fixe les modalités de calcul du fonds de limitation de responsabilité en distinguant trois types de créances : celles pour mort ou lésions corporelles des personnes dont l'activité est liée à celle du navire, celles pour les dommages aux biens ou tout préjudice relatif à l'exploitation du navire, et, enfin, celles pour mort ou lésions corporelles des passagers.
Le texte définit pour chaque type de créance un barème de calcul variant en fonction de la jauge du navire ou du nombre de passagers. La convention exclut du régime de la limitation de responsabilité les cas de faute inexcusable ou intentionnelle du propriétaire du navire.
La convention de 1976 exclut certaines créances de son champ d'application. Il s'agit de celles relevant de régimes particuliers, comme en matière de pollution due aux hydrocarbures – régime FIPOL – ou de dommages nucléaires – convention de 1971. Les créances de ceux qui portent assistance aux navires ou qui sont créanciers au titre d'un contrat de travail à bord relèvent également de régimes particuliers.
Le naufrage du chimiquier italien Ievoli Sun, survenu en octobre 2000, a montré que le système instauré par la convention de 1976 était à bout de souffle : les plafonds en vigueur n'ont en effet pas permis au fonds de limitation de responsabilité d'assurer son rôle d'équivalent monétaire. Le protocole procède à un réaménagement des tranches du barème de calcul en relevant substantiellement les limites existantes. Par ailleurs, le protocole aligne les montants relatifs aux créances pour mort ou pour lésions corporelles sur ceux définis par la convention d'Athènes sur le transport par mer des passagers et de leurs bagages
Le protocole introduit également, parmi les créances non soumises à limitation, les indemnités dues au titre de la convention internationale de 1989 sur l'assistance. Celle-ci prévoit en effet en son article 14, une exception au principe du droit maritime no cure, no pay qui veut qu'un assistant ayant échoué dans son opération de sauvetage ne peut réclamer d'indemnisation. Ceux qui connaissent le monde maritime savent bien que sauver un navire ne relève pas forcément de la philanthropie et que les intérêts en jeu son très importants. Cette exception joue lorsque l'intervention de l'assistant a permis d'éviter ou de diminuer un dommage à l'environnement. L'assistant peut alors obtenir du propriétaire une rémunération couvrant au moins les frais qu'il a engagés dans l'opération de sauvetage. Cette somme peut être majorée de 100 % sur décision de l'autorité judiciaire compétente.
Enfin, le protocole instaure une procédure de révision, simplifiée, afin d'éviter la convocation périodique de conférences internationales pour réviser le montant des plafonds.
Le protocole de 1996 est en vigueur depuis le 13 mai 2004 et il est souhaitable que la France, qui compte – ou devrait compter – parmi les grands pays maritimes du monde et qui joue un rôle pivot au sein de l'Organisation maritime internationale, puisse approuver rapidement cet instrument international de nature à améliorer le régime de la responsabilité des propriétaires de navires. Vous l’aurez compris, chers collègues, cette législation est extrêmement complexe. Et s’agissant par exemple du Prestige, les communes touchées n’ont toujours pas été indemnisées du fait des batailles juridiques qui opposent les uns aux autres.
Sur ma proposition, la commission des affaires étrangères, lors de sa réunion du 10 mai 2005, a adopté le présent projet de loi, à l’unanimité.
M. le président. La parole est à M. Bernard Schreiner, seul orateur inscrit dans la discussion générale.
M. Bernard Schreiner. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi aujourd'hui soumis à notre Assemblée vise un protocole adopté le 2 mai 1996 par l'Organisation maritime internationale. Il s’agit de modifier le barème fixant les plafonds d'indemnisation en cas de sinistre provoqué par un navire, qu’il s’agisse de dommages corporels ou portant sur des biens.
Ainsi que vous l'avez précisé, monsieur le rapporteur, ce protocole n'est entré en application qu'en 2004. Son approbation est donc nécessaire en raison de son impact sur la législation nationale en la matière. Elle est certes tardive. Mais le groupe UMP y est tout à fait favorable.
Nul ne peut contester que la question de la pollution maritime est devenue un sujet de préoccupation majeur pour la communauté internationale. C'est pourquoi l'OMI a élaboré plusieurs instruments internationaux. Plus d'une quarantaine de conventions et de protocoles ont ainsi été adoptés à ce jour, que ce soit dans le domaine de la sécurité maritime ou en matière de prévention de la pollution. Je tiens d’ailleurs à rappeler que M. Guy Lengagne avait présenté un excellent rapport à ce sujet devant l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
Si l’objet de la convention de 1976 était de faciliter le règlement des litiges en matière de commerce maritime, il faut néanmoins reconnaître, mes chers collègues, que la situation du transport maritime a beaucoup évolué depuis lors. Il est donc apparu indispensable de négocier un protocole à cette convention initiale, afin de prendre en compte les instruments internationaux adoptés depuis 1976.
Le projet de loi le souligne très explicitement, il était nécessaire d’introduire un mécanisme simplifié de réévaluation des montants de limitation, afin de pallier les inconvénients de la situation actuelle, et afin d’éviter la convocation régulière de conférences diplomatiques qui engendrent des litiges et des procédures judiciaires interminables.
Dans cette perspective, le protocole de mai 1996 modifie donc la convention de 1976 sur deux points principaux : d’une part, il réévalue le montant des plafonds prévus par la convention de base, dont le niveau était devenu nettement insuffisant et, d’autre part, il allège le mécanisme de réévaluation des barèmes en prévoyant une procédure simplifiée d’amendement du protocole. Tous ces aspects ont été fort bien développés par le rapporteur, je n’y reviens donc pas. Dans ces conditions, mes chers collègues, le groupe UMP approuve sans réserve ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La discussion générale est close.
M. le président. J’appelle maintenant l’article unique du projet de loi dans le texte du Gouvernement.
Je mets aux voix l’article unique.
(L’article unique est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 1, portant article additionnel après l’article unique.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
M. Guy Lengagne, rapporteur. La commission des affaires étrangères avait, à l’unanimité, adopté deux amendements à ma demande. L’amendement n° 1 visait à modifier la législation interne en vue de prendre en compte l’adoption du protocole de 1996. La commission s’est appuyée sur l’étude d’impact annexée au projet de loi, qui recommandait la modification de l’article 61 de la loi du 3 janvier 1967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer.
L’amendement n° 2, adopté par la commission, visait à modifier par coordination le titre du projet de loi.
M. le président. Je considère donc, monsieur le rapporteur, que vous avez présenté également l’amendement n° 2.
Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Le Gouvernement salue le travail de la commission, en particulier du rapporteur, s’agissant d’un texte extrêmement technique. De même, il apprécie la volonté d’améliorer la coordination des textes et d’introduire en droit interne les modifications telles qu’elles résultent de nos engagements internationaux.
Néanmoins, dans la mesure où la convention est d’application directe, elle ne nécessite pas au préalable de modifications du droit interne, puisque le droit international prime sur celui-ci. En conséquence, le Gouvernement considère qu’il serait opportun que le rapporteur dépose une proposition de loi reprenant les termes, au demeurant parfaitement adéquats, de ces deux amendements. Cela correspondrait à la procédure classique, sachant qu’à défaut d’une proposition de loi, un projet de loi est toujours possible.
Enfin, le rapporteur m’autorisera, par souci de précision historique, à rappeler que si l’expression « voyous des mers » est bien celle employée par le Président de la République, celui-ci n’a jamais parlé d’« États voyous ». Cette expression a été utilisée dans le passé par le chef d’État d’un autre pays, et dans un autre contexte !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Guy Lengagne, rapporteur. Je préférerais que ces dispositions fassent l’objet d’un projet de loi plutôt que d’une proposition de loi, dans la mesure où l’examen d’une proposition de loi ne peut avoir lieu que dans le cadre d’une niche parlementaire. Malgré l’intérêt que présentent ces amendements, ils ne sont pas vitaux pour l’avenir de la République. Il me paraîtrait donc plus simple que le Gouvernement, si vous en êtes d’accord, madame la ministre, nous présente un projet de loi. Dans ces conditions, je me sens autorisé par la commission des affaires étrangères à retirer ces deux amendements.
M. le président. Madame la ministre, déposerez-vous un projet de loi ?
Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. J’en prends note !
M. le président. L’amendement n° 1 est retiré.
M. le président. L’amendement n° 2, portant sur le titre du projet de loi, a été retiré.
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.
(L’ensemble du projet de loi est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.
(L’ensemble du projet de loi est adopté.)
M. le président. Je constate que le vote a été acquis à l’unanimité.
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l’approbation du traité sur le droit des marques (nos 2155, 2362).
La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission des affaires étrangères, messieurs les députés, dans le contexte actuel de mondialisation, les entrepreneurs qui désirent obtenir une protection efficace de leurs marques à l’échelon international sont confrontés à un certain nombre de complications, dues à la multiplicité des exigences formelles actuellement en vigueur dans la communauté internationale et à l’absence de concordance des règles de fond exigées par les différents systèmes nationaux de propriété industrielle.
Le traité sur le droit des marques a été négocié, sous l’égide de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle – OMPI – afin de remédier à ces inconvénients. Il a pour but d’harmoniser et de simplifier les procédures administratives nationales en matière de dépôt et d’enregistrement des marques. Il vise à imposer certaines règles fondamentales et à réduire les exigences formelles en les énumérant, souvent de manière exhaustive. Les simplifications portent sur les obstacles majeurs que rencontrent les propriétaires de marques qui cherchent à obtenir à l’échelon international l’enregistrement de ces dernières ou à en maintenir la validité.
L’approbation de ce traité sur le droit des marques n’implique aucune modification des dispositions actuelles, législatives ou réglementaires, du code de la propriété intellectuelle, qui sont pleinement conformes à nos engagements internationaux.
Le traité offre cependant un grand intérêt dans la mesure où il propose à des États ayant des pratiques administratives longues et coûteuses de s’aligner sur les pratiques efficaces, déjà en vigueur dans un grand nombre de pays.
Il en résultera pour les déposants français une plus grande sécurité juridique, un raccourcissement des délais ainsi qu’une réduction des coûts de leurs procédures à l’étranger, susceptibles de favoriser le développement de nos échanges internationaux.
La ratification de ce traité par la France est, par ailleurs, d’autant plus souhaitable que notre pays vient de signer, le 28 mars dernier, le traité révisé sur le droit des marques. Ce nouvel instrument, adopté à l’issue d’une conférence diplomatique qui s’est tenue à Singapour, sous l’égide de l’OMPI, modifie le présent traité de 1994 en poursuivant les efforts de simplification et d’harmonisation des procédures des offices de propriété intellectuelle concernant les marques.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, messieurs les députés, les principales observations qu’appelle le traité sur le droit des marques, adopté à Genève le 27 octobre 1994, qui fait l’objet du projet de loi aujourd’hui proposé à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires étrangères.
M. Jacques Remiller, rapporteur de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le traité sur le droit des marques dont nous sommes saisis, conclu à Genève il y a maintenant plus de dix ans – en 1994 – est en vigueur depuis le 1er août 1996.
Contrairement à sa dénomination, ce traité n’est pas l’instrument qui fixe les grands principes du droit international des marques. Je dirais même qu’il n’en constitue qu’une première étape, puisqu’il se borne à harmoniser et simplifier les procédures administratives nationales.
Modeste, cet objectif n’en est pas moins important, dans la mesure où il propose à des États ayant des pratiques administratives longues et coûteuses de s’aligner sur les pratiques efficaces, déjà en vigueur dans un grand nombre de pays. Il définit à cette fin le maximum exigible d’un déposant qui veut enregistrer une marque dans son pays, tant au niveau de l’enregistrement initial que du renouvellement ou de la modification de cet enregistrement. Les deux principes clés du traité sont donc la protection des entreprises et la simplification des démarches.
On pourrait s’interroger sur la légitimité que peut avoir un traité international dans la détermination de procédures nationales. Cette démarche est liée au caractère fondamentalement international du droit des marques tel qu’il s’est construit depuis la fin du XIXe siècle. Ainsi, les règles relatives à l’enregistrement international des marques furent forgées dès l’arrangement de Madrid, en 1891, arrangement complété par un protocole en 1989. Le système de Madrid permet au déposant d’obtenir la protection de sa marque dans tous les États liés par des conventions sur la propriété intellectuelle en n’effectuant qu’un seul dépôt dans son pays. D’où l’intérêt de définir, en amont, une procédure d’enregistrement nationale simple et efficace.
Un tel système est d’autant plus justifié dans le cadre de la mondialisation économique qui fait des marques, au départ signes distinctifs d’une entreprise, des identifiants au rôle stratégique. Il est en effet économiquement prouvé qu’un produit ou un service de marque est plus rentable et offre un avantage concurrentiel certain. Inutile de préciser qu’avec la concurrence toujours plus vive qui prévaut aujourd’hui, l’importance de ces actifs immatériels que sont les marques ne fait que croître : c’est tout le sens de la lutte contre la contrefaçon engagée par notre pays, contrefaçon qui coûte chaque année à la France 30 000 emplois – 200 000 à l’Union européenne !
Au regard de ces enjeux, il peut paraître étonnant que notre pays n’ait pas encore approuvé le traité sur le droit des marques. Cet état de fait s’explique aisément : l’ordre juridique interne est déjà en conformité avec les prescriptions internationales, notre pays se caractérisant par une législation nationale de longue date très protectrice pour les déposants de marques. En outre, les quelques dispositions du droit français qui n’étaient pas en conformité avec le traité sur le droit des marques ont été modifiées par un décret du 25 février 2004.
En réalité, si l’approbation du traité sur le droit des marques par la France est éminemment souhaitable, ce n’est pas tant pour des raisons juridiques que pour des raisons politiques et diplomatiques. En effet, le traité sur le droit des marques devrait connaître des modifications importantes en 2006, afin que soient notamment prises en compte les évolutions technologiques. Ainsi, c’est sur la question du dépôt électronique des demandes d’enregistrement que devraient avoir lieu les avancées les plus importantes. Plus encore, l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle envisage de faire progresser, sur le fond, les règles relatives au droit international des marques.
Dans ces négociations aux enjeux économiques de premier ordre, il importe que la France puisse faire valoir ses vues. La condition sine qua non en est qu’elle approuve le traité sur le droit des marques, approbation que, sur ma recommandation, la commission des affaires étrangères a donnée lors de sa séance du 8 juin 2005.
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Guy Lengagne.
M. Guy Lengagne. Le groupe socialiste votera ce texte après l’excellente intervention de mon ami Jacques Remiller. Mais pourquoi avons-nous attendu si longtemps pour ratifier ce traité ?
Je voudrais poser une question. La marque Lacoste est abusivement copiée. On sait bien que beaucoup des fausses chemises Lacoste sont fabriquées en Turquie. La Turquie a-t-elle ratifié ce traité ? Je suis membre de la Délégation pour l’Union européenne et j’ai rédigé un rapport sur la Turquie. Il ne s’agit pas de remettre en cause son adhésion à l’Union, mais ce traité ne pourrait-il pas servir à lutter contre ces copies abusives ?
Monsieur le rapporteur, vous indiquez à la page 13 de votre excellent rapport : « En vue de cette révision, il importe que la France puisse faire valoir ses vues dans la négociation internationale qui pourrait débuter à cette fin en 2006. Aussi, malgré une adéquation parfaite du droit national aux stipulations internationales, est-il important que notre pays approuve formellement le traité sur le droit des marques ». Si j’ai bien compris, il nous permet de garder la tête haute dans les négociations.
Vous ajoutez, page 15 de votre rapport : « Dans cette optique, les travaux menés par le comité permanent du droit des marques de l’OMPI ont abouti, lors de sa quatorzième session qui a eu lieu du 18 au 22 mars 2005, à une proposition de traité révisé qui sera soumise pour adoption à une conférence diplomatique du 13 au 31 mars 2006. »
Nous ratifions le 4 avril un texte utile, c’est du moins ce que j’ai compris, et qui a été débattu du 13 au 31 mars ! N’y voyez pas malice de ma part, mais nous avons quelque peu traîné pour venir devant le Parlement, comme d’ailleurs pour le texte précédent !
Je voudrais évoquer un point dont nous avons peu parlé, sauf en commission, me semble-t-il : la publicité sur le web. Nous sommes submergés par des publicités sur Internet, en particulier pour des médicaments dont certains d’entre nous peuvent avoir besoin – j’ai indiqué que je n’étais pas de ceux-là ! (Sourires.) Des tranquillisants sont vendus sur le web via la publicité. Elle permet même d’obtenir des neuroleptiques ou tous autres produits de ce genre sans aucun contrôle médical ! Que peut-on faire pour la combattre ?
« Google et eBay sont les principaux vecteurs de la contrefaçon », a déclaré Marc-Antoine Jamet, secrétaire général du groupe LVMH. Je ne sais pas ce que l’on peut faire pour lutter contre ce phénomène. Il existe des contrefaçons de chemises, de batteries de téléphones portables, de cartouches d’encre pour imprimantes, de pièces détachées pour voitures, ce qui pose un problème de responsabilité dans la mesure où ces pièces ne répondent très certainement pas aux normes de sécurité normale.
Je fais une petite parenthèse sur la tentative de breveter le vivant. Certains pays tentent également de prendre des plantes qu’ils découvrent, de leur donner une marque et, à partir de là, de bénéficier de la protection. Je demande donc à Mme la ministre que le Gouvernement veille à empêcher qu’on s’approprie des plantes que l’on découvre – chaque jour encore, des plantes sont découvertes dans des pays un peu retirés. C’était un peu le même problème s’agissant des OGM.
Monsieur le rapporteur, vous avez tout à fait raison de signaler que la contrefaçon détruit 30 000 emplois par an en France, ce qui est considérable. Le service de la concurrence et des prix, mais surtout les douaniers sont chargés de la lutte contre la contrefaçon. Or j’entends régulièrement dire qu’il faut baisser le nombre de fonctionnaires et, ce matin, j’étais à une manifestation aux côtés de douaniers qui m’ont justement fait part de leur inquiétude face à la diminution du nombre de postes.
Or quand je mets dans la balance, d’un côté, les 30 000 emplois perdus et, de l’autre, le nombre d’emplois de douaniers qu’on aura supprimés, je me dis qu’il vaut mieux laisser les douaniers là où ils sont, leur donner une mission très précise de lutte contre la contrefaçon et, éventuellement, augmenter le nombre de postes. Je crois que, dans le bilan général, nous y gagnerons.
M. le président. La parole est à M. Bernard Schreiner.
M. Bernard Schreiner. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés ce soir à nous prononcer sur un traité portant sur le droit des marques.
Les marques jouent un rôle essentiel dans notre économie de marché, dans l'économie soumise à la concurrence, et il est impératif de les protéger. Il est aussi important, vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, d'harmoniser le droit des marques sur le plan international. C'est l'objet du traité qui est soumis à notre approbation, plus de dix ans après sa signature.
Ce texte, vous l'avez rappelé, constitue une première étape, principalement centrée sur les procédures. En effet, cette branche du droit de la propriété intellectuelle est appelée à connaître d'importantes évolutions dans les prochaines années. La France doit, bien entendu, y être partie prenante et doit approuver ce texte, même si l'ensemble de ses dispositions figure déjà dans notre droit interne.
Je ne reviendrai pas sur le contenu du traité. J'insisterai seulement sur la nécessité d'approuver ce traité en rappelant les conséquences désastreuses que peut avoir la contrefaçon.
En tant que membre du Conseil de l'Europe, j'ai été amené à travailler sur ce sujet et, plus particulièrement, sur la contrefaçon de médicaments, sujet sur lequel notre collègue Marc Laffineur a déposé, l’année dernière, un excellent rapport.
Mes chers collègues, ce n'est pas un sujet anodin, cela a été rappelé. Certes, l'ampleur du marché de la contrefaçon reste mal connue, mais l'Organisation mondiale de la santé estime que 8 à 10 % des médicaments vendus dans le monde sont contrefaits ; ce chiffre atteint 25 %, voire beaucoup plus dans certains pays africains et asiatiques. Le Pakistan et le Nigeria détiendraient un record mondial avec 50 % de contrefaçons.
Dans l'Union européenne, la contrefaçon reste encore relativement rare, mais augmente nettement en Europe orientale et surtout en Russie où elle représenterait de 5 à 10 % des médicaments.
Nous comprenons par conséquent tous les enjeux du traité dont nous parlons aujourd'hui.
Mais c’est dans bien d’autres domaines que les criminels ont développé des réseaux ô combien efficaces de contrefaçons. Activités qui permettent à ces mêmes criminels de faire des bénéfices énormes, que ce soit dans les pièces détachées de voitures ou même d’avions, les jouets non conformes aux standards de sécurité, les produits alimentaires, les matériels électroménagers, les CD, les logiciels, les produits de luxe, et j’en passe.
D’ailleurs, vos collègues, madame la ministre, M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget, et M. François Loos, ministre délégué à l’industrie, ont à juste titre lancé hier une grande campagne d’information sur les contrefaçons dont le marché représenterait pratiquement 10 % du commerce mondial.
Que de tromperies, que de vols aux dépens des consommateurs ! Que de recettes fiscales et sociales non perçues par les États ! Que d’emplois perdus ou détruits ! Le rapporteur l’a parfaitement souligné.
Pour reprendre mon exemple sur les médicaments, les législations pharmaceutiques actuelles ne répondent pas ou répondent très imparfaitement aux défis posés par les contrefaçons dans le monde, qui se développent d'autant plus vite qu'elles dégagent des bénéfices énormes pour les « producteurs », et ceci sans grands investissements. Les produits contrefaits sont généralement inertes ou inefficaces, et peuvent même parfois entraîner des catastrophes.
Ainsi, en 1995, 89 personnes sont mortes à Haïti à la suite de la consommation d'un sirop pour la toux contrefait ; et un faux vaccin contre la méningite, hautement toxique, a fait 2 500 morts au Nigeria. Plus récemment, en Asie du Sud-Est, de faux comprimés contre le paludisme, inefficaces, ont entraîné la mort de nombreuses personnes qui se croyaient, à tort, protégées.
Au-delà d'une approbation sans réserves du traité qui nous est soumis, le groupe UMP souligne la nécessité impérieuse de renforcer la vigilance et de combler le vide juridique face aux évolutions technologiques et commerciales de cette criminalité organisée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La discussion générale est close.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Remiller, rapporteur. Madame la ministre, monsieur le président, mes chers collègues, avec mon collègue Guy Lengagne, cela fait plus de deux mois que nous siégeons à la « commission Outreau ». Nous l’avons quittée il y a quelques instants et allons y retourner dans quelques minutes. Mais je ne regarde jamais si vous portez des chemises Lacoste ou pas, mon cher collègue Lengagne ! (Sourires.)
Vous avez évoqué la Turquie. Je vous précise que la Turquie a ratifié le traité le 1er janvier 2005 et qu’elle fait partie des États où il y a une certaine protection.
Notre commission a étudié en son temps le présent projet de loi. Vous étiez intervenu et aviez posé, cher collègue, les mêmes questions ; je vous avais donné les réponses et le président de la commission vous avait d’ailleurs apporté celles que vous a données aujourd’hui Mme la ministre puisque, si nous avons examiné ce projet en son temps, elle a expliqué tout à l’heure dans son intervention pourquoi le Gouvernement a traîné quelques semaines.
Pour répondre à notre collègue de l’UMP comme à Guy Lengagne sur la contrefaçon, nous sommes tout à fait d’accord. La contrefaçon touche tous les produits possibles et imaginables. Vous avez évoqué les médicaments, mais je pourrais évoquer d’autres produits comme les moteurs d’avion et les vêtements de luxe ! Et tenez-vous bien, lors de la finale de la Coupe de France, deux heures avant le coup d’envoi, les douaniers ont saisi des écharpes du club de Sedan contrefaites qui arrivaient de Belgique ! La contrefaçon se développe, hélas ! dans de multiples aspects de la vie quotidienne, comme le sport.
Je ne suis pas certain que le nombre de douaniers soit en baisse dans notre pays. D’ailleurs, ce ne sont pas les seuls à lutter contre la contrefaçon puisque les services de l’Armée sont également habilités à pratiquer un certain nombre de contrôles. Cela dit, je rends hommage aux douaniers qui luttent contre la contrefaçon car elle supprime nombre d’emplois et est une véritable économie parallèle. Je salue l’action de Jean-François Copé et des autres ministres concernés. Je salue également notre groupe d’études sur la lutte contre la contrefaçon, présidé par le député-maire de Cannes ; nous avons de nombreuses réunions et intervenons très souvent pour faire en sorte que ce phénomène baisse en France et dans l’Union européenne.
Voilà les réponses que je souhaitais apporter comme rapporteur de ce dossier dont je ne pensais pas qu’il allait entraîner une discussion aussi longue.
M. le président. Merci, monsieur le rapporteur, de l’énergie que vous avez mise à défendre la marque du club de football de Sedan ! (Sourires.)
La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. J’appuie les déclarations du rapporteur ; nous avions concerté en partie nos précisions et nos réponses.
J’ai énuméré dans mon intervention les principales raisons pour lesquelles il semblait au Gouvernement qu’il fallait ratifier ce traité. Pour les résumer, je dirai que cela apportera de la sécurité juridique à nos déposants. Je renouvelle donc le vœu du Gouvernement que l’Assemblée nationale veuille bien autoriser cette ratification.
M. le président. J’appelle maintenant l’article unique du projet de loi dans le texte du Gouvernement.
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.
M. le président. L’ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi autorisant l’approbation de la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (n°s 2605, 2875).
Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d’examen simplifiée.
Avant de le mettre aux voix, j’informe l’Assemblée que le Gouvernement m’a fait savoir que, dans l’article unique du projet, il y a lieu de lire : « adoptée à Paris », au lieu de : « signée à Paris ».
Conformément à l’article 107 du Règlement, je mets directement aux voix l’article unique du projet de loi.
(L’article unique du projet de loi est adopté.)
M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.
M. le président. L’ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi autorisant l’approbation d’accords internationaux sur la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire (nos 2785, 2874).
Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d’examen simplifiée.
Conformément à l’article 107 du Règlement, je mets directement aux voix le projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.
M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :
Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 2870, modifiant la loi n° 99-894 du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense :
Rapport, n° 2920, de M. Jean-Louis Léonard au nom de la commission de la défense et des forces armées.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l'Assemblée nationale,
jean pinchot