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M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures.)
M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour un rappel au règlement.
M. Didier Migaud. Mon intervention se fonde sur les articles 58 et 92 de notre règlement.
Député depuis de nombreuses années déjà, j’avoue être surpris par certaines pratiques constitutionnelles, législatives ou encore d’application du règlement des dernières semaines ; pratiques, monsieur le président, qui ne me paraissent pas toujours correspondre à la lettre de la Constitution ni à la lettre de la procédure parlementaire, et je sais combien vous y êtes attaché.
M. Jean-Pierre Brard. On n’est pas le fils de son père pour rien !
M. Didier Migaud. Je souhaite avoir l’avis de la commission des finances sur la recevabilité financière du texte prévu à l’ordre du jour. L’article 92 de notre règlement précise en effet que « les dispositions de l’article 40 de la Constitution peuvent être opposées à tout moment aux propositions, rapports et amendements par le Gouvernement ou par tout député ».
L’article 40 de la Constitution, d’ailleurs, est d’une clarté absolue : « Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques – ce n’est pas le cas ici –, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique. »
Or M. Hénart, rapporteur du texte, a précisé que le coût de cette proposition de loi serait de l’ordre de 150 millions d’euros. Cela constitue donc bien une aggravation de la charge publique, je me dois de le constater même si je regrette profondément que l’article 40 bride l’initiative parlementaire.
M. Éric Raoult. Cette proposition est en faveur des jeunes !
M. Jean-Pierre Soisson. Allez expliquer cela aux syndicats, monsieur Migaud !
M. Didier Migaud. Cette proposition de loi est donc contraire au texte constitutionnel.
Aussi voudrais-je savoir si la jurisprudence de notre assemblée a changé quant à l’application de l’article 40 de la Constitution. Si c’est le cas, monsieur le président, j’en serai très heureux.
M. Antoine Herth. C’est la rue qui a demandé cette proposition !
M. Didier Migaud. Certes, sauf que la rue a demandé non pas le texte que vous proposez, mais le retrait, l’abrogation du CPE.
M. Jean-Pierre Soisson. Vous êtes un procédurier d’humeur !
M. Didier Migaud. Vous aviez d’ailleurs la possibilité de ne soulever aucune difficulté, monsieur le président de la commission des affaires sociales, au regard de l’article 92 de notre règlement et de l’article 40 de la Constitution : il suffisait de nous soumettre une proposition de loi d’abrogation de l’article 8 de la loi sur l’égalité des chances et il n’y avait rien de plus facile. Une autre solution consistait pour le Gouvernement à nous soumettre un projet de loi.
M. Jean-Pierre Brard. Manœuvre d’évitement pour le ministre !
M. Didier Migaud. D’où la question que je pose, monsieur le président : la recevabilité financière de ce texte a-t-elle été examinée par la commission des finances et, si son avis s’est révélé positif, constitue-t-il un changement de jurisprudence ? Autre question : comment ces 150 millions d’euros seront-ils financés ?
M. Jean-Pierre Brard. Par l’augmentation de l’ISF !
M. Didier Migaud. J’ai cru entendre qu’ils seraient ponctionnés dans la mission « Emploi » du ministère du travail. Dès lors, quelles actions prévues par la loi de finances que nous avons adoptée il y a quelques mois maintenant ne seraient pas réalisées ?
Je pose ces quelques questions, monsieur le président, afin que nous soyons totalement informés avant de commencer le débat.
M. Jean-Pierre Brard. C’est un constitutionnaliste averti qui parle !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. J’apprécie l’intervention de notre collègue Migaud, ainsi que l’interpellation de M. Brard. Seulement, si je comprends très bien cette position,…
M. Jean-Pierre Brard. C’est rassurant !
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires sociales. …je précise que ce matin, quand la commission s’est réunie, j’ai informé ses membres du dépôt par le Gouvernement d’un amendement de suppression de l’article 2 de la proposition de loi, indiquant que le Gouvernement entendait prendre en charge la totalité de la dépense résultant de l’article 1er.
M. Didier Migaud. Cela ne change rien !
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires sociales. La commission a adopté l’article 2 sans modification puis l’ensemble de la proposition de loi. En outre, en vertu de l’article 88 du règlement, un amendement du Gouvernement a été examiné qui précise exactement la manière dont la proposition sera financée, à savoir par redéploiement des fonds.
M. Jean-Pierre Brard. Donc la proposition est amputée ! Vous vous croyez au bloc, monsieur Dubernard !
M. Jacques Desallangre. C’est de la chirurgie peu esthétique.
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires sociales. Cette réponse me paraît précise et les règles ont été respectées.
M. le président. Monsieur Migaud, le bureau de la commission des finances n’a pas été saisi car aucun député n’a opposé les dispositions de l’article 40 de la Constitution, en application de l’article 92 du règlement.
M. Didier Migaud. Je le fais à l’instant, monsieur le président !
M. le président. Il n’a pas été saisi, je le répète, car aucun député n’a invoqué l’article 92.
M. Jean-Pierre Brard. Ça, c’est pervers !
M. le président. Non, ce n’est pas pervers, c’est la réalité !
Monsieur Migaud, vous avez donc rappelé les dispositions de l’article 92 du règlement et de l’article 40 de la Constitution. Dois-je considérer qu’il s’agit de votre part d’un simple rappel au règlement, soucieux que vous êtes de l’application…
M. Jean-Pierre Brard. De la Constitution de la Ve République !
M. le président. …du règlement et de la Constitution, – ce que je comprends –, ou dois-je estimer que vous opposez l’article 40 de la Constitution ?
Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’était pour faire du bruit !
M. le président. Vous avez la parole, monsieur Migaud.
M. Didier Migaud. Je souhaite d’abord répondre au président de la commission qu’un amendement du Gouvernement sur l’article 2 ne règle pas le problème de la recevabilité de la proposition de loi.
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires sociales. Si, parce qu’il lève toute incertitude quant à l’éventuelle aggravation d’une charge publique.
M. Didier Migaud. Mais non ! L’amendement concerne l’article 2 ; or, avant d’examiner l’article 2, monsieur le président de la commission, encore faut-il que le texte soit présenté et, en l’occurrence, il n’est pas présentable !
J’ai donc quelque difficulté à comprendre votre raisonnement juridique ; mais si vous nous affirmez que, parce que vous êtes majoritaires, il en est ainsi, je comprendrai tout à fait.
M. Yves Coussain. Venons-en aux jeunes !
M. Didier Migaud. Je demande qu’on vérifie la recevabilité de ce texte parce que – et c’est important – nous souhaitons proposer des amendements dans le cadre de la discussion, lesquels, semble-t-il, se heurteraient à l’article 40 de la Constitution.
M. le président. Donc, monsieur Migaud, vous opposez les dispositions de l’article 40 ?
M. Didier Migaud. Je demande la vérification de la recevabilité de cette proposition de loi.
M. le président. Dès lors, je suis forcé de me tourner vers le règlement puisque vous opposez l’article 40.
M. Didier Migaud. Je demande l’application de l’article 92.
M. le président. Vous réclamez l’application de l’article 92 du règlement : donc vous opposez les dispositions de l’article 40 de la Constitution. Dans ces conditions, je ne peux que me référer au règlement et suspendre la séance afin que le bureau de la commission des finances puisse se réunir pour étudier la recevabilité du texte. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Éric Raoult. Si ce n’est pas de l’obstruction !
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt et une heures dix, est reprise à vingt-deux heures cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, qui arrive à l’instant dans l’hémicycle. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Alain Néri. Il a fini de manger !
M. le président. Je vous en prie, monsieur Néri !
Monsieur le président de la commission des finances, vous avez la parole.
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Nous délibérions, monsieur Néri. Il y a longtemps que j’ai terminé mon repas !
M. Alain Néri. En l’occurrence, c’est votre chapeau que vous mangiez !
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. J’ai réuni le bureau de la commission des finances sans délai pour ne pas retarder le vote de cette proposition de loi.
Celle-ci comporte effectivement des majorations de charges car le CIVIS, qui est étendu, ouvre droit à des aides d’État. En principe, l’article 40 est applicable dès lors qu’il s’agit d’une proposition qui aggrave la dépense publique (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste), ce qui ne peut pas être gagé.
Toutefois, l’intention du Gouvernement telle qu’elle résulte de l’amendement n° 12, déposé après le rapport de M. Hénart, est de prendre en charge la totalité de cette dépense nouvelle pour l’État et pour le régime général.
Mme Muguette Jacquaint. Sur quel budget ces sommes vont-elles être prises ?
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Dès lors que le Gouvernement indique sans aucune équivoque qu’il accepte la charge, le bureau de la commission des finances a considéré que la proposition de loi était recevable.
Il existe de nombreux précédents en ce sens. Par exemple, j’ai apprécié très souplement les amendements à la loi Fillon pour l’avenir de l’école, et ce point n’a pas été désavoué par le Conseil constitutionnel.
Je confirme donc, monsieur le président, que la proposition de loi est recevable, ainsi que l’a considéré le bureau de la commission des finances. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Je prends acte de la décision du bureau de la commission des finances.
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de MM. Bernard Accoyer, Jean-Michel Dubernard et Laurent Hénart sur l’accès des jeunes à la vie active en entreprise (nos 3013, 3016).
La parole est à M. Laurent Hénart, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
M. Laurent Hénart, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, monsieur le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui réunis, dans un moment grave pour le pays, afin d’étudier cette proposition de loi, résultat d’une démarche que je voudrais d’abord expliciter.
Le Président de la République a souhaité que l’article 8 de la loi pour l’égalité des chances, qui est au cœur des manifestations qui se sont déroulées depuis près de deux mois dans le pays, puisse être étudié…
Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. Non : abrogé !
Mme Muguette Jacquaint. Il vous fait mal, ce mot-là !
M. Laurent Hénart, rapporteur. …par le Gouvernement et puisse éventuellement faire l’objet de modifications, y compris substantielles.
Le Premier ministre a souhaité que ce soient les présidents des groupes parlementaires UMP de l’Assemblée nationale et du Sénat, Bernard Accoyer et Josselin de Rohan,…
M. Jean-Claude Lefort. L’État UMP !
M. Laurent Hénart, rapporteur. …qui engagent des consultations auprès des différentes organisations syndicales d’étudiants et de jeunesse qui, au sein de l’intersyndicale, conduisaient les mouvements de manifestation, afin d’étudier une proposition de loi permettant, par la modification de l’article 8, une sortie de crise rapide pour notre pays.
Plusieurs députés du groupe socialiste. « Rapide » ?
M. Laurent Hénart, rapporteur. Je souhaite témoigner, au nom de MM. Accoyer et de Rohan, avec Alain Gournac, rapporteur du projet de loi pour l’égalité des chances au Sénat, de la qualité du travail qui a été accompli avec Jean-Louis Borloo et Gérard Larcher : tous les six, nous avons pu, dès la semaine dernière, rencontrer et consulter pendant de nombreuses heures dix-neuf organisations d’employeurs, de salariés, d’étudiants et de lycéens,…
M. François Brottes. Il était temps !
M. Laurent Hénart, rapporteur. …entendre leur point de vue sur la situation du pays, sur l’article 8 de la loi pour l’égalité des chances et sur la possibilité, par sa modification substantielle, de tourner la page des confrontations en cours et d’ouvrir une démarche nouvelle, toujours au profit de l’insertion professionnelle des jeunes.
Il est apparu clairement aux deux ministres, aux deux sénateurs et aux deux députés que la meilleure solution pour sortir de cette situation était de remplacer l’article 8 par un dispositif consensuel et d’appeler à un dialogue social nourri sur la question de l’insertion professionnelle des jeunes pour celles des dispositions qui demandaient un débat plus long et ne permettaient pas un consensus évident.
La large consultation auprès des dix-neuf organisations a fait ressortir que tout le monde était d’accord pour centrer une action publique immédiate et forte sur les jeunes sortis sans diplôme de notre système éducatif.
M. Jean-Pierre Blazy. Après quatre ans au gouvernement, il était temps !
M. Laurent Hénart, rapporteur. Pour tous, ces jeunes constituaient le public à mettre prioritairement en avant dans l’action publique en faveur de l’emploi des jeunes. Tous ont constaté qu’ils étaient majoritairement victimes du chômage, avec un taux dépassant 40 % et une durée moyenne qui atteint presque les deux ans, très loin au-dessus de la durée moyenne globale pour les 16-25 ans, laquelle s’élève à six mois.
Nous avons entendu les organisations sur les différents dispositifs en cours, notamment sur ceux qui, de leur point de vue, comportaient des effets bénéfiques qu’il fallait amplifier. Nous en avons retiré trois idées fortes qui ont abouti à la proposition de loi qui vous est présentée et qui consiste en un programme de quatre actions immédiates.
La première de ces idées fortes est que l’emploi durable doit avant tout être recherché en entreprise. Actuellement, en effet, la situation de l’emploi des jeunes est d’une grande fragilité : 80 % d’entre eux sont embauchés en CDD ou en intérim, les durées des contrats de travail s’élevant à quelques mois.
Le deuxième constat est celui de la nécessité de développer l’apprentissage en alternance. Tout le monde s’accorde à reconnaître que notre système éducatif souffre de carences importantes dans ce domaine. Or cette formation à la fois théorique et pratique est assurément une voie d’avenir pour notre pays. Il convient donc d’amplifier les efforts pour la développer.
Enfin, contrairement aux pays nordiques ou à l’Allemagne, notre pays ne recourt pas assez à l’accompagnement personnalisé des jeunes. Ce dispositif a pour objet de permettre à un nombre suffisant de conseillers d’accueillir chaque jeune dans de bonnes conditions et de l’accompagner jusque dans l’emploi durable, en mettant en place un parcours personnalisé alliant emploi, formation et – pourquoi pas ? – interventions sur les aspects de la vie quotidienne qui le freinent dans son accès à l’emploi, qu’il s’agisse du logement, de la santé, de la mobilité ou de ses charges de famille.
Partant de ces constats, nous avons rédigé, avec Bernard Accoyer et le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, et en étroite concertation avec Alain Gournac, Josselin de Rohan et les membres du Gouvernement, une proposition de loi qui définit un programme de quatre mesures immédiatement opérationnelles.
La première action consiste à développer et à renforcer le contrat « jeunes en entreprise » qui, depuis sa mise en œuvre, concerne 300 000 jeunes, auxquels il doit permettre d’accéder à un contrat à durée indéterminée et d’entrer ainsi dans un emploi durable. Il est apparu que ce contrat était insuffisamment utilisé au regard du nombre de jeunes que les missions locales et l’ANPE doivent accompagner. Il vous est donc proposé de renforcer les incitations financières, en portant l’aide mensuelle versée à l’employeur de 150 euros à 400 euros la première année puis à 200 euros la deuxième année, et d’accroître le nombre des bénéficiaires de ces contrats.
La deuxième mesure vise à renforcer le soutien de l’État au contrat de professionnalisation, dont je rappelle qu’il est issu de l’accord national sur la formation tout au long de la vie qui a été signé par l’ensemble des partenaires sociaux. Ce contrat – qui combine un trois-quarts temps en entreprise et un quart temps maximum en formation et qui permet d’accéder à une qualification professionnelle – étant insuffisamment utilisé en contrat à durée indéterminée, il vous est proposé de favoriser la conclusion de CDI par une prime de soutien à l’employeur, afin de proposer aux jeunes un parcours cohérent alliant formation et emploi durable.
La troisième mesure concerne les stages professionnalisants intensifs. Ainsi que nous l’avons dit lors des débats sur la loi de cohésion sociale, notre pays vit une situation paradoxale puisqu’il compte près de 2,4 millions de demandeurs d’emploi alors que 300 000 offres d’emploi ne sont pas pourvues. Nous avons donc à la fois plusieurs centaines de milliers de personnes sans emploi et plusieurs centaines de milliers d’emplois sans personne ! Ces métiers en tension qui rencontrent des difficultés de recrutement évidentes peuvent donc permettre aux jeunes d’accéder rapidement à un emploi disponible et stable. Pour cela, ceux-ci doivent bénéficier d’une qualification rapide et adaptée. C’est pourquoi nous souhaitons développer ces stages, qui permettent d’alterner formation professionnelle et formation pré-qualifiante.
Enfin, la quatrième mesure consiste à renforcer l’accompagnement individualisé des jeunes à travers le contrat d’insertion dans la vie sociale, qui a été conçu dans le cadre du plan de cohésion sociale et dont bénéficient actuellement 160 000 jeunes de 16 à 25 ans, soit beaucoup plus que les prévisions du plan, qui estimait leur nombre à 100 000 pour 2005. De nombreux employeurs nous ont indiqué que la présence d’un conseiller établissant un bilan de compétences et un parcours personnalisé vers l’emploi était une bonne chose, mais que les jeunes, notamment ceux qui ne sont pas ou peu qualifiés, ayant ensuite des difficultés pour s’installer dans l’entreprise, il était souhaitable que le tuteur poursuive son travail au cours des premiers mois suivant l’embauche. Il vous est donc proposé d’étendre le bénéfice de cet accompagnement à un plus grand nombre de jeunes et, surtout, de le prolonger durant les premiers mois qui suivent la signature du contrat de travail afin d’éviter, au cours de la période d’essai, des ruptures de contrat fréquentes et souvent dues à une qualification faible ou trop récente.
L’ensemble de ces mesures sont immédiatement opérationnelles et permettront d’engager, dès cet été, des actions vigoureuses en faveur de l’emploi des jeunes. Nous estimons à 150 000 le nombre de jeunes concernés et nous croyons sincèrement que l’adoption de cette proposition de loi, le remplacement de l’article 8 de la loi pour l’égalité des chances,…
M. Jean-Pierre Blazy. Son abrogation !
M. Laurent Hénart, rapporteur. …permettra d’agir vite en faveur d’un public prioritaire défini de manière consensuelle avec les partenaires consultés par les deux députés, les deux sénateurs et les deux ministres. Ce texte a surtout vocation à ouvrir une séquence de négociations sur l’insertion professionnelle des jeunes afin de traiter des questions qui nécessitent une réflexion approfondie, qu’il s’agisse des rapports entre enseignement supérieur et emploi ou de l’emploi des jeunes diplômés, qui reste une question préoccupante.
Le plan d’action entend intervenir sur l’ensemble de ces sujets et faire entrer notre pays dans une phase de construction en commun – avec l’ensemble des organisations syndicales, patronales, étudiantes et lycéennes réformistes – d’un programme plus ambitieux d’insertion professionnelle des jeunes. Cette question, qui reste à l’évidence la priorité du Gouvernement et de la majorité et qui doit également demeurer une priorité nationale, peut faire l’objet d’un dialogue social constructif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission sociales.
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, mes chers collègues, souvenez-vous des émeutes…
M. Jean-Pierre Brard. Dites plutôt des violences !
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. …de novembre dernier. Elles nous ont interpellés et nous les avons tous très mal vécues.
Mme Muguette Jacquaint. Parlez-nous plutôt de l’origine de ces violences !
M. Jean-Michel Dubernard président de la commission. Depuis, la question de l’égalité des chances se pose avec une urgence et une acuité nouvelles. Aussi, deux mois après les événements, le projet de loi pour l’égalité des chances a-t-il été présenté en conseil des ministres afin de répondre au drame des banlieues par toute une série de mesures – lutte contre les discriminations, apprentissage junior,...
M. Alain Néri. L’apprentissage à quatorze ans !
M. Patrick Roy. Et le travail de nuit à quinze ans !
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. …service civil volontaire, contrat de responsabilité parentale – qui sont autant de compléments significatifs de la loi de cohésion sociale.
Par ailleurs, la commission avait adopté des amendements gouvernementaux, dont l’un introduisait dans le texte le contrat première embauche, spécialement destiné à tous ces jeunes non qualifiés que nous avions vus pendant les émeutes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Alain Néri. Il était destiné à tous les jeunes !
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. C’est bien ainsi que nous concevions le CPE, monsieur Néri, et, il y a trois mois, vos collègues socialistes n’étaient pas aussi nombreux à protester en commission, où vous étiez le seul à vous agiter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
En France, le débat sur l’emploi des jeunes est, hélas ! systématiquement miné, biaisé, et il débouche souvent sur des affrontements dans lesquels les points de vue sont déterminés par des stratégies purement politiciennes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Patrick Lemasle. C’est un pyromane !
M. Henri Emmanuelli. Arrêtez-le !
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Le terrain est propice à toutes les caricatures et l’impact émotionnel l’emporte toujours sur le débat sensé.
M. Jacques Desallangre. Vous n’avez donc rien compris !
M. Jean-Pierre Brard. De profundis !
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Quels que soient son contenu et ses orientations, un projet de loi traitant de ce sujet émeut toujours l’opinion étudiante, ballottée entre la crise du système éducatif et celle du marché du travail. Tout le monde a beau convenir qu’il faut bouger, faire quelque chose, rien n’y fait !
Mme Muguette Jacquaint. Vous trouvez que ça n’a pas assez bougé ?
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. L’article 8 a donné lieu à une gigantesque incompréhension chez ceux-là mêmes auxquels il entendait apporter des réponses (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) : les jeunes et, plus particulièrement, ceux d’entre eux qui rencontrent le plus de difficultés pour trouver un emploi.
M. Patrick Roy. Les jeunes ont parfaitement compris de quoi il retournait !
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. À l’issue d’un conflit de plus de deux mois qui s’était radicalisé au fil des semaines, les parlementaires, à la demande conjointe du Président de la République, du Gouvernement et du président de l’UMP, ont pris le parti de renouer le dialogue avec les partenaires sociaux et les représentants des lycéens et des étudiants, et de trouver un scénario de sortie de crise. Nous y sommes et, à ce stade, je veux dire merci et bravo à Bernard Accoyer et à Laurent Hénart notamment, qui ont honoré le Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
L’article 8 de la loi pour l’égalité des chances va être remplacé...
Plusieurs députés du groupe socialiste. Abrogé !
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. …par de nouvelles dispositions en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes les plus en difficulté. Nous allons substituer à un dispositif incompris un dispositif plus ciblé sur les jeunes en grande difficulté, que vous avez laissé tomber depuis des années ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Patrick Roy. C’est de la provocation !
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Mais nous ne sommes pas quittes. Au-delà du CPE, les jeunes ont exprimé une terrible angoisse, un malaise profond face à l’avenir, et la proposition de loi sur l’accès des jeunes à la vie active dans l’entreprise n’épuise pas le sujet. Ne nous y trompons pas, après une crise d’une telle ampleur, chaque formation politique sera sommée d’annoncer à nos concitoyens ce qu’elle entend proposer aux jeunes pour les sortir de l’ornière (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) : l’assistanat, avec un RMI-jeunes à la Aubry ? Un CDI à vie, dont chacun sait qu’il est un pieux mensonge ? L’interdiction de licencier pour toute entreprise qui fait des bénéfices, comme on l’entend ici ou là ?
M. Alain Néri. Oui !
M. Jean-Michel Fourgous. Les 32 heures !
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Un SMIC à 1 500 euros,…
M. Alain Néri. Oui !
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. …dont notre pays n’a pas les moyens et qui augmenterait le chômage ? Chaque formation politique devra se prononcer et ne pourra plus éluder la question essentielle de la solidarité entre les générations. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
L’épreuve que nous venons de traverser nous remémore ce trait culturel français, maintes fois décrit par Michel Crozier : la crise comme moyen privilégié de changement.
M. Jean-Pierre Blazy. Ce n’est pas le moment de disserter !
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Jacques Chaban-Delmas disait, en 1969, que nous ne parvenons pas à accomplir des réformes autrement qu’en faisant semblant de faire des révolutions. Ce travers conditionne largement le cycle de l’action collective dans notre pays. Notre mode de régulation sociale se caractérise par la préférence accordée au conservatisme plutôt qu’à la proposition, de sorte que la prime va toujours à celui qui est contre et que le système justifie l’irresponsabilité. Nous ne pouvons nous y résoudre. Le débat sur la situation du marché du travail et celle des jeunes ne fait que commencer. Nous le réclamons et appelons à une large concertation nationale sur ce sujet.
M. Patrick Roy. Rendez-nous Hénart !
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Pour conclure, je souhaite évoquer le courriel que m’a adressé l’un de nos concitoyens et dont je souhaite vous lire quelques extraits : « Les jeunes ont eu raison à bien des égards : le CPE allongeait considérablement la période d’essai et quelques employeurs indélicats auraient pu abuser des facilités de rupture. Mais ces mêmes employeurs ne les auraient jamais employés en CDI. Les jeunes ont-ils pour autant mené le bon combat ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je m’interroge. Leur problème n’est pas la précarité allongée de telle ou telle période d’essai. Leur problème est triple : la dette de 1 400 milliards d’euros que nous leur laissons (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains),…
M. Jacques Desallangre. La politique libérale que vous menez !
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. …les retraites, qu’ils auront à payer, et l’exportation du travail vers des contrées où le droit du travail est plus souple que dans notre beau pays. Les jeunes veulent des assurances et des certitudes. Je les comprends. »
M. Jean-Pierre Brard. C’est un courriel de Sarkozy, ma parole !
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. « Elles peuvent se décliner de multiples façons, que je n’énumérerai pas, mais dont je donnerai tout de même un exemple. C’est vous, les jeunes, qui serez la France active de demain et aurez alors à prendre en charge l’économie du pays. Il vous faudra travailler, créer des richesses, les partager équitablement et assurer l’avenir de vos enfants. Vous avez peut-être le sentiment d’avoir gagné une bataille, mais quid de la guerre économique ? » Effectivement, n’allons-nous pas tous la perdre, cette guerre économique, car elle n’est pas seulement française, mais mondiale, mes chers collègues ?
En conclusion, je le répète, le CPE qui visait les jeunes sans qualification sera remplacé par ce dispositif d’accès des jeunes à la vie active en entreprise, mais le débat sur la situation des jeunes ne fait que commencer.
M. Jean-Pierre Blazy. Vous n’avez rien compris !
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Nous réclamons ce débat et appelons à une large concertation nationale des partenaires sociaux dans les prochains mois. Les deux crises successives que vient de traverser notre pays, celle des banlieues cet hiver et celle d’aujourd’hui, nous renforcent dans notre sentiment qu’il y a urgence à reprendre le chantier de l’adaptation de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Maxime Gremetz. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Allons, mes chers collègues, n’excitez pas M. Gremetz !
M. Maxime Gremetz. Ça ne me dérange pas, monsieur le président, au contraire !
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il aura fallu presque trois mois au Président de la République, au Gouvernement et à sa majorité UMP pour sortir de leur tour d’ivoire et mettre de côté le si décrié contrat première embauche.
M. Éric Raoult. Et le goulag ?
M. Maxime Gremetz. Par sa force, sa responsabilité et sa détermination, le mouvement populaire qui s’est exprimé douze semaines durant, unissant la jeunesse, le salariat, les chômeurs de toutes générations, a imposé un nouveau recul au libéralisme qui se prétend triomphant. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est une première victoire qui en appelle beaucoup d’autres.
M. Jean-Michel Fourgous. À quel prix ? 7 milliards d'euros ! (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. Allons, monsieur Fourgous, n’interrompez pas M. Gremetz ! Vous savez bien qu’il aura toujours le dernier mot !
M. Maxime Gremetz. Je crois qu’il ne l’a toujours pas compris !
Après le vote du 29 mai, qui consacrait le rejet d’une Constitution généralisant la concurrence sauvage à toute l’Europe, notre peuple a une fois de plus démontré sa clairvoyance et sa soif d’un avenir de progrès social. Il refuse le monde de chômage, de précarité et d’insécurité professionnelle qu’impose le pouvoir de la finance, des grands groupes et des riches nantis.
M. Jean-Michel Fourgous. Vous avez raison, les entreprises et les employeurs sont tous des voyous !
M. Maxime Gremetz. Mais comme on le voit encore ce soir, la majorité UMP, qui monopolise aujourd’hui tous les leviers du pouvoir, refuse d’écouter nos concitoyens, ceux qui n’ont que leur force de leur travail et de création pour essayer d’assurer leur existence et de se projeter dans l’avenir.
M. Jean-Pierre Brard. Ils n’ont que leurs chaînes à perdre, comme le disait Karl Marx !
M. Maxime Gremetz. Après le CNE introduit aux forceps par ordonnance, vous avez voulu faire passer son petit frère en précarité, le CPE, à la va-vite, au moyen du 49-3.
M. Patrick Roy. Tout à fait !
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Non, c’est faux !
M. le président. Allons, mes chers collègues ! Continuez, monsieur Gremetz, ne vous laissez pas déstabiliser !
M. Maxime Gremetz. Je vous remercie de m’encourager face à cette meute déchaînée, monsieur le président !
Lors du débat sur la loi pour l’égalité des chances, il y a deux mois exactement, les députés communistes n’ont pourtant pas manqué d’alerter sur les risques de vouloir imposer brutalement une remise en cause du code du travail qui aboutit à traiter les jeunes en salariés de seconde zone.
M. Patrick Roy. Les socialistes aussi avaient fait cette mise en garde !
M. Maxime Gremetz. Vous avez refoulé le triste précédent du CIP de M. Balladur. Permettez-moi de vous rappeler les propos que je tenais ici même le 11 février dernier au nom de mon groupe :
« La précipitation s’explique par la volonté du Gouvernement d’empêcher que le mouvement social ne s’exprime. Depuis l’annonce de l’introduction du CPE dans le texte, tous les syndicats de salariés, tous les syndicats d’enseignants et toutes les organisations de jeunesse, de l’UNEF à L’UNIL, se sont en effet mobilisés pour faire échec à ce nouveau contrat. »
J’ajoutais : « Je vous le dis très tranquillement : si vous pensez pouvoir passer en force, vous le paierez comptant, et dans un temps pas très éloigné. Je ne suis pas de ceux qui pensent qu’il faudrait attendre 2007 pour régler les problèmes. Non ! C’est maintenant, avec le pays, qu’il faut y parvenir. On en reparlera donc, je vous le promets ! »
Chose promise, chose due : on en a reparlé très largement dans le pays pendant deux mois, y compris au Gouvernement et à l’Assemblée nationale ! Reconnaissez que nous ne nous étions pas trompés !
Votre entêtement à servir aveuglément les intérêts du MEDEF…
M. Jean-Michel Fourgous. Des entreprises !
M. Maxime Gremetz. …vous a entraînés dans cette impasse (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et vous oblige maintenant à battre en retraite. Vous le faites de mauvais gré et cela se voit. Cependant, avez-vous vraiment retenu la leçon ? Si l’on se réfère aux propos que vient de tenir M. Dubernard – « ils ont été manipulés, ils n’ont rien compris, c’est un peuple de veaux », et caetera – force est de constater que non.
M. Jean-Pierre Blazy. C’est lui qui n’a rien compris !
M. Maxime Gremetz. Le texte qui nous est soumis aujourd’hui en catastrophe, préparé en catimini entre l’Élysée et Matignon, et auquel les députés UMP ont apposé une signature toute formelle, sonne bien le glas du CPE. Toutefois, il n’annonce aucun changement de cap, bien au contraire : la nature de votre politique est toujours aussi régressive.
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Proposez donc quelque chose !
M. Maxime Gremetz. Avec ce texte, on continue sur le chemin de la flexibilité, des stages parking, des petits jobs qui se substituent aux emplois stables, des cadeaux au patronat sans conditions ni contrôle. Vous offrez, sur les deniers publics, 300 millions d’euros par an d’aides supplémentaires aux chefs d’entreprise, y compris à ceux des sociétés du CAC 40, dont les profits explosent.
M. Jean-Michel Fourgous. Salopards de chefs d’entreprise !
M. Maxime Gremetz. Une sorte de compensation, sans doute, pour qu’ils fassent leur deuil d’un CPE dont ils espéraient tirer un bénéfice sonnant et trébuchant. En clair, l’article de cette proposition de remplacement ne fait qu’étendre des dispositifs déjà usés. Des dispositifs que M. de Villepin – un homme que vous aimez et que vous devez soutenir, car il en a besoin –, emporté dans sa passion pour le CPE, qualifiait lui-même, il y a encore quelques jours, de « demi-mesures et demi-solutions du passé pour les jeunes ». Voilà comment il qualifiait ce que vous nous proposez aujourd’hui dans votre article de substitution.
M. Guy Teissier. Comment ? On n’a pas bien compris !
M. Maxime Gremetz. Vous n’avez pas compris ? Je vais vous expliquer !
M. le président. Non, ce n’est pas la peine ! Poursuivez, monsieur Gremetz : je donnerai à M. Teissier toutes les explications nécessaires !
M. Maxime Gremetz. M. de Villepin dit que les stages bidon et autres contrats que vous nous proposez aujourd’hui sont de vieilles recettes du passé à l’efficacité douteuse. Vous avez compris, maintenant ?
M. Guy Teissier. Ah oui, je vois !
M. Jean-Michel Fourgous. Quand est-ce qu’on ferme les entreprises ?
M. Maxime Gremetz. Ce sont effectivement de vieilles recettes, servies invariablement depuis vingt ans, alors qu’elles n’ont jamais réussi à résorber le chômage de masse ni à générer le moindre mouvement durable de création d’emplois. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
C’est l’extension des bas salaires et des statuts éphémères, un remodelage du monde du travail qui est du meilleur effet pour les profits des actionnaires…
M. Jean-Michel Fourgous. Salopards d’actionnaires !
M. Maxime Gremetz. …mais qui représente un coût prohibitif pour les finances publiques et les organismes de protection sociale.
Dans le même temps, vous maintenez le CNE…
M. Guy Teissier. 400 000 emplois !
M. Maxime Gremetz. …et les mesures réactionnaires contenues dans d’autres articles de la loi prétendue d’égalité des chances, comme la fin de l’obligation de scolarité à 16 ans ou le travail de nuit pour les apprentis.
M. Jean-Michel Fourgous. Il paraît même qu’on mange les enfants dans les entreprises !
M. Guy Teissier. C’est Germinal !
M. Maxime Gremetz. Le Premier ministre répète sur tous les tons qu’il veut lutter contre le chômage. Mais la première arme contre ce fléau, c’est la relance du pouvoir d’achat par un relèvement des salaires, des minima sociaux et des retraites. C’est en stimulant la consommation des ménages qu’on dynamisera une croissance de l’activité saine, propre à créer des emplois plutôt que de l’épargne spéculative.
M. Jean-Michel Fourgous. Mais non ! C’est l’investissement qu’il faut relancer !
M. Maxime Gremetz. C’est aussi en s’attaquant au problème des restructurations boursières, des licenciements économiques injustifiés, des délocalisations arbitraires, qu’on réduira l’incertitude professionnelle.
La lutte contre le chômage, c’est aussi renoncer aux privatisations pour, au contraire, développer des services publics utiles à la population et pourvoyeurs d’emplois.
M. Jean-Michel Fourgous. Pourquoi n’avez-vous pas créé une entreprise pour mettre à profit toutes vos bonnes recettes, monsieur Gremetz ?
M. Maxime Gremetz. C’est, enfin, créer un véritable dispositif de sécurité d’emploi et de formation. Ce dispositif n’est pas celui que vous proposez. Vous voulez toujours enfermer les jeunes et les salariés demandeurs d’emploi dans des contrats spécifiques, alors que le code du travail en prévoit déjà trop. Toute personne en quête de travail, jeune ou moins jeune, doit avoir le droit à un emploi stable et correctement rémunéré, et jouir des mêmes garanties que les autres salariés.
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Baratin !
M. Maxime Gremetz. Les manifestations l’ont exprimé sans détour, il faut mettre un frein à la discrimination dans l’emploi. Un contrat pour les RMIstes, un contrat pour les allocataires de minima sociaux, un contrat pour les jeunes, un contrat pour les seniors, un contrat pour les chômeurs de longue durée, etc. La législation sociale ne doit pas prévoir en fonction de chaque cas un contrat de travail, le CDI doit demeurer la norme.
C’est pourquoi nous abordons ce débat avec plusieurs propositions. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Premièrement, en cohérence avec les attentes populaires, nous souhaitons que la majorité clarifie sa position en abrogeant purement et simplement le CPE, ainsi que, en toute logique, le contrat nouvelle embauche, qui procède de la même philosophie.
M. Guy Teissier. 400 000 emplois créés, ça, c’est pourtant réaliste !
M. Maxime Gremetz. Rappelons d’ailleurs à propos du CNE que les trois quarts des contrats signés depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance se sont en fait substitués à des embauches en CDI qui auraient dû avoir lieu.
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Et que faites-vous du quart restant ?
M. Maxime Gremetz. Ensuite, puisqu’il nous est demandé de remplacer une disposition mort-née, nous invitons l’Assemblée à adopter trois amendements qui reprennent l’essentiel de trois propositions de loi déposées par le groupe communiste et républicain, mais chaque fois écartées avec mépris par le Gouvernement et l’ensemble des députés UMP.
M. Guy Teissier. Oh ! Comment est-ce possible ?
M. Maxime Gremetz. Il s’agit d’abord de rendre obligatoire dans les entreprises la négociation avec les représentants des salariés et les syndicats de plans de gestion prévisionnelle des départs à la retraite en contrepartie d’embauches. Comme vous le savez, la France entre dans une période de départs à la retraite massifs des générations nées après 1945. Ce mouvement démographique devrait atteindre un rythme annuel moyen de 500 000 départs de l’emploi entre 2005 et 2015, selon une étude conjointe de la DARES et du Commissariat général du Plan. Ce renouvellement de main-d’œuvre est une occasion historique pour consolider les garanties du salariat au lieu de les précariser. Il existe ainsi une occasion de recruter des centaines de milliers de personnes et de réduire significativement le chômage, particulièrement chez les jeunes, tout en régénérant les capacités de travail et d’innovation des entreprises.
Notre deuxième proposition consiste à ouvrir la voie à la requalification en contrat de travail des conventions de stages abusives, celles qui ne servent qu'à masquer une embauche de jeunes, souvent très qualifiés, au rabais. Sur 800 000 stagiaires en France, il y en a en effet des milliers dont l'objectif pédagogique de l'expérience en entreprise est tout bonnement virtuel. Ces situations intolérables doivent cesser et être régularisées.
M. Jean-Michel Fourgous. Avec M. Gremetz, le chômage n’a qu’à bien se tenir !
M. Maxime Gremetz. Enfin, nous proposons d'instaurer un plafond maximum de 5 % d'emplois en CDD ou en intérim autorisé par entreprise.
M. Jean-Michel Fourgous. Ya qu’à !
M. Maxime Gremetz. Ces sont là des mesures concrètes, opératoires et qui ont le mérite de l'efficacité pour apporter de premières réponses à la demande d'emploi, de formation et de sécurité professionnelle qui émerge du mouvement social de ces dernières semaines.
Les jeunes ne pourront pas construire de projet d'avenir s'ils ne se voient offrir que des emplois précaires ne leur permettant pas de vivre dignement. La jeunesse de notre pays attend un véritable plan, élaboré avec les intéressés eux-mêmes, un plan qui traduirait une autre orientation politique pour l'ensemble de notre société, et non un nouveau saupoudrage de mesures éculées qui ne feront qu'aggraver encore leur condition et la colère des chômeurs comme des salariés.
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Le temps de parole de M. Gremetz est écoulé !
M. Maxime Gremetz. Laissez-les hurler, monsieur le président, ils en ont besoin après tout ce qu’ils se sont pris dans la figure ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Monsieur Gremetz, soit vous concluez, soit j’interromps là votre propos !
M. Maxime Gremetz. Je termine, monsieur le président.
Après le gong du 29 mai, après la crise violente des quartiers défavorisés, après ces manifestations gigantesques, ces grèves, ces occupations d'universités, ces mouvements dans les lycées, allez-vous encore une fois rester sourds devant l'urgence de la situation et les exigences que martèle notre peuple ? Si vous restez sourds, je vous promets d’autres crises et je vous rappellerai les propos que vous avez tenus ici. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet.
M. Patrick Roy. Il va retirer le CPE !
M. Alain Joyandet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a quelques semaines nous débattions du projet de loi relatif à l'égalité des chances…
M. Patrick Roy. À l’inégalité des chances !
M. Alain Joyandet. …et à l'instauration d'un nouveau contrat, le contrat première embauche, dont l'objectif était de lutter contre le chômage des jeunes, qui atteint aujourd'hui un niveau que nous ne pouvons accepter.
M. Jean-Pierre Blazy. C’est dur de parler à l’imparfait !
M. Jean-Pierre Brard. M. Joyandet prend un ton de circonstance !
M. Alain Joyandet. Notre majorité a soutenu ce texte,…
M. Alain Néri. Quelle erreur !
M. Alain Joyandet. …a voté ce texte, et nous n'avons aucune raison aujourd’hui de nous en excuser. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Nous ne pourrons pas lutter efficacement contre le chômage si nous n'acceptons pas de remettre à plat les règles qui régissent le ou les contrats de travail. Il faudra le faire dans un contexte apaisé (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et dans une approche globale des problèmes qui conduisent au niveau de chômage que connaît notre pays.
M. Jean-Pierre Brard. Voilà les jeunes prévenus !
M. Alain Joyandet. Cela étant, force est de constater que la contestation qui s'est organisée a conduit à une situation qui nécessitait une décision politique forte.
M. Jean-Pierre Brard. Mea culpa !
M. Alain Joyandet. L'agitation qu'a connue la France, les désordres dans les universités et les lycées, la menace sur la bonne organisation des examens de fin d'année, les manifestations de voie publique mettaient en danger la sécurité des jeunes.
M. Jean-Claude Lefort. C’est vous qui avez créé cette situation !
M. Alain Joyandet. Une issue rapide était indispensable. Il fallait donc trouver le nécessaire compromis pour sortir de cette crise.
Les rencontres et discussions conduites par les présidents de groupes parlementaires des deux assemblées Bernard Accoyer, que je veux saluer et remercier, et Josselin de Rohan, avec les rapporteurs Laurent Hénart et Alain Gournac, ont permis de proposer une solution soutenue par l'ensemble de notre majorité, et peut-être au-delà.
Cette solution semble également recueillir, pour l'heure, un avis plutôt positif des partenaires sociaux et des jeunes.
M. Jean-Pierre Blazy. Pour l’heure !
M. Alain Joyandet. Il s'agit de remplacer…
M. Patrick Roy. D’abroger !
M. Jean-Claude Lefort. Pourquoi refusez-vous de parler d’abrogation ?
M. Alain Joyandet. …l'article 8 de la loi sur l'égalité des chances par de nouvelles dispositions pour accélérer l'entrée des jeunes les plus en difficulté dans les entreprises.
Je sais que vous n’avez eu de cesse de réclamer l’abrogation de l’article 8. C’était l’abrogation, sinon rien. D’ailleurs, nous n’avons rien entendu d’autre.
M. Guy Geoffroy. C’est normal, ils n’ont rien à proposer ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Alain Joyandet. Avec le remplacement de l’article 8, les points de blocage qui ont fait naître de réelles inquiétudes – il ne faut pas le contester – disparaissent et le nouveau texte reste tendu vers le même objectif : combattre le chômage des jeunes les plus en difficulté. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Le Gouvernement et la majorité ont donc toujours le même objectif.
M. Michel Vergnier. Ne dites pas n’importe quoi !
M. Alain Joyandet. Cette décision politique est une décision lucide. C’est non pas une marque de faiblesse mais au contraire un acte courageux qui nous conduit aujourd'hui tout naturellement à soutenir cette proposition.
M. Jean-Pierre Brard. Un acte de contrition, plutôt !
M. Alain Joyandet. Celle-ci représente à nos yeux le nécessaire compromis. C’est d’ailleurs ainsi que l’a qualifiée M. Ayrault, cet après-midi, au cours des questions au Gouvernement.
Ce nouveau texte de remplacement…
M. Jean-Claude Lefort et M. Patrick Roy. D’abrogation !
M. Alain Joyandet. …doit nous permettre d’avoir aujourd'hui un débat constructif sur un sujet qui nous rassemble tous, l'avenir de notre jeunesse.
M. Henri Emmanuelli. Vous ne trompez personne !
M. Alain Joyandet. Les mécanismes qu'il propose reposent sur une sécurisation du parcours professionnel des jeunes, et plus particulièrement des jeunes en difficulté ou sans qualification, pour lesquels le taux de chômage est encore plus important. Il s'inscrit dès lors dans la logique du plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo que nous avons soutenu ici même.
M. Jean-Pierre Brard. Ne l’accablez pas !
M. Alain Joyandet. Il permet de donner davantage d'outils et de sécurité à celles et ceux qui, parmi notre jeunesse, sont les plus éloignés de l’emploi.
Il s'agit, d'une part, de renforcer le dispositif déjà existant du « soutien à l'emploi des jeunes en entreprises » – le SEJE – issu de la loi du 29 août 2002, en facilitant l'insertion professionnelle des jeunes de 16 à 25 ans révolus qui connaissent des difficultés d'insertion et dont le niveau de formation est inférieur à celui d'un diplôme de fin de second cycle de l'enseignement général, technique ou professionnel, ainsi que l'ensemble des jeunes issus des zones urbaines sensibles. Eh oui, mes chers collègues, c’est cette majorité qui a fait le plus pour ces jeunes (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), y compris en matière de lutte contre les discriminations, dispositif que, par ailleurs, vous n’avez pas daigné voter.
M. Patrick Roy. C’est pour ça que vous avez supprimé les emplois-jeunes et le programme TRACE ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Alain Joyandet. Vous avez bien fait d’en parler, mon cher collègue. Vous me donnez ainsi l’occasion de rappeler que vous aviez créé un CDD de cinq ans au terme duquel il n’y avait rien, même pas les indemnités ASSEDIC, que nous avons nous-mêmes dû voter. Où était la sécurité ? S’il y a bien un exploit qu’il ne faut pas revendiquer pour les jeunes, c’est bien celui-là ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Les entreprises sont incitées à recruter ces jeunes en contrat à durée indéterminée…
M. Alain Néri. M. de Villepin a terminé sa période d’essai !
M. Alain Joyandet. …par une aide forfaitaire de l'État supérieure à celle initialement prévue par le SEJE, puisqu’elle devrait être doublée sur deux ans.
Il s'agit, d'autre part, de permettre aux jeunes qui peuvent prétendre à un contrat d'insertion dans la vie professionnelle – CIVIS – ainsi qu’aux jeunes titulaires d'un contrat de professionnalisation en contrat à durée indéterminée de bénéficier de ce nouveau dispositif.
Ces deux contrats sont étoffés pour apporter plus de sécurité et d'accompagnement au jeune, mais vont également bénéficier de l'aide forfaitaire prévue par la proposition de loi.
Les aides ainsi accordées devraient inciter davantage encore les entreprises à recruter des jeunes en difficulté, puisque c’est à ce public-là que nous voulons tout particulièrement nous adresser, et renforcer les trois dispositifs actuellement en vigueur. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je sais que cela vous ennuie, mais 300 000 jeunes ont été recrutés grâce au SEJE et 91 000 jeunes ont signé un contrat de professionnalisation pour le seul mois de février.
M. Jean-Pierre Blazy. Bonimenteur !
M. Alain Joyandet. Parallèlement aux aides apportées, les exonérations de charges patronales existantes ou permises par la loi relative à l'égalité des chance pourront se cumuler, ce qui devrait lever les réticences des entreprises à recruter des jeunes issus des milieux les plus défavorisés ou manquant de qualification ou d'expérience.
M. Alain Néri. Le système ne marchait déjà pas !
M. Jacques Desallangre. Cela se saurait si ça marchait !
M. Alain Joyandet. Voilà l'essentiel des dispositions que vous nous proposez, monsieur le rapporteur. Elles devraient permettre – nous l’espérons en tout cas – le retour au calme tout en accentuant notre action pour l'emploi des jeunes.
M. Jean-Pierre Blazy. Qu’avez-vous fait pendant quatre ans ?
M. Alain Joyandet. Une action qu'il ne faut pas oublier de resituer dans le cadre général de ce qui a été réalisé par le Gouvernement pour lutter contre le chômage. Une action organisée autour de deux volets essentiels : d’une part ce qu’il ne faut pas hésiter à appeler le traitement social du chômage en direction des publics les plus en difficulté pour les aider à revenir vers l’emploi, notamment dans les collectivités publiques ou le monde associatif,…
M. Jean-Pierre Brard. C’est pour ça que vous avez supprimé toutes les subventions dont il bénéficiait !
M. Alain Joyandet. …et, d’autre part, l'ensemble des mesures destinées à favoriser l'emploi dans le secteur marchand.
C'est sur ces deux piliers que vous axez votre action, monsieur le ministre. Bien entendu, notre majorité vous soutient (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), aujourd’hui plus que jamais. Cette action a permis de faire baisser de manière significative le chômage…
M. Jean-Pierre Blazy. C’est faux !
M. Alain Joyandet. …puisque l’on note, en moins d’une année, 155 000 chômeurs de moins. Il y a longtemps qu’on n’avait pas vu cela !
M. Jacques Desallangre. Ils sont au RMI !
M. Alain Néri. Combien de RMIstes en plus ?
M. Patrick Roy. Donnez les chiffres !
M. Alain Néri. Reconnaissez qu’ils ont augmenté de 7 % !
M. Alain Joyandet. Vous me donnez l’occasion de souligner tous ces points. Le CPE n’était qu’un des dispositifs de l’ensemble de cette panoplie pour atteindre ce résultat qui nous conduit à encourager le Gouvernement dans son action.
M. Jean-Pierre Blazy. Les chiffres sont manipulés !
M. Patrick Roy. Le ministre connaît les chiffres du RMI, qu’il nous les donne !
M. Alain Joyandet. Cette action doit donc se poursuivre. Les thèmes qui ont fait débat, qui ont ensuite créé ce blocage dont nous sortons aujourd'hui, devront être forcément redébattus.
En conclusion, mes chers collègues, nous sortons – nous l’espérons – de cette période de difficultés…
M. Henri Emmanuelli. Tête basse !
M. Alain Joyandet. …toujours tendus vers un objectif : vaincre le chômage. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste.)
Chers collègues de l’opposition, ne vous réjouissez pas trop. Il est vrai que vous avez largement profité de toute cette période.
M. Maxime Gremetz. Regardez donc le peuple !
M. Alain Joyandet. Vous demandiez l’abrogation du CPE en souhaitant que cela dure encore car, pendant qu’on parle de ce contrat, on n’évoque pas les divisions au sein du parti socialiste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Mais nous allons bientôt en parler. Le CPE ne sera pas toujours l’arbre qui cache la forêt de vos présidentiables. La fête est finie ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
En tout cas, notre majorité soutient plus que jamais le Gouvernement dans son action. Nous appelons de nos vœux un débat…
M. Jean-Pierre Blazy. Un déballage !
M. Alain Joyandet. …et des mesures pour qu'enfin beaucoup plus de cohérence soit trouvée entre notre système de formation et le monde du travail, que ce soit dans le secteur public ou le secteur privé. Il y a là un problème central.
Nous appelons également de nos vœux une nouvelle période de concertation entre les partenaires sociaux…
M. Alain Néri. Il fallait y penser avant !
M. Alain Joyandet. …pour lever ensemble les blocages de notre système. Ce travail collectif pourrait permettre d'accentuer encore les bons résultats enregistrés ces derniers mois. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Patrick Roy. Vous ne donnez toujours pas les chiffres du RMI !
M. Alain Joyandet. Je ne peux terminer mon propos sans souligner que, dans une période de blocage aigu, la solution est venue du Parlement.
Nos présidents de groupes, nos rapporteurs, autour des ministres MM. Borloo et Larcher, ont fait honneur au Parlement.
M. François Brottes. Mascarade !
M. Jean-Michel Fourgous. C’est cela, la démocratie !
M. Alain Joyandet. L’Union pour un mouvement populaire et son président Nicolas Sarkozy (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) n’ont pas ménagé leur peine…
M. Maxime Gremetz. C’est de la provocation !
M. Jacques Desallangre. Pourquoi n’est-il pas là ce soir ?
M. Alain Joyandet. …et je suis très heureux de cette contribution positive à la résolution de la crise, crise dont tous les gouvernements, de gauche ou de droite, ont eu à connaître un jour.
Le Président de la République et le Premier ministre ont accepté notre proposition et pris les décisions lucides et courageuses qui s’imposaient.
M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes masos !
M. Alain Joyandet. A nous maintenant, chers collègues de la majorité, de clore cette période mouvementée en rassurant ceux qui ont manifesté leur inquiétude et en aidant les plus fragiles,…
M. Maxime Gremetz. Dites-leur : « Je vous ai compris » !
M. Alain Joyandet. …pour lesquels les dispositions que nous allons voter représentent un nouvel espoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Patrick Roy. M. Joyandet ne nous a pas donné les chiffres du RMI !
M. le président. Monsieur Roy, j’accepte les interruptions le mardi après-midi et le mercredi après-midi, mais pas le soir !
La parole est à M. Gaëtan Gorce.
M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il y a aujourd’hui matière à se réjouir et à désespérer.
D’abord les motifs de satisfaction : le CPE sera abrogé à l’issue de ce débat. Sans doute aurait-on pu espérer que le bon sens s’imposât plus vite, que l’évidence s’emparât plus tôt de votre majorité. Certes, il reste encore trop de mesures, dans la loi dite d’égalité des chances, tels l’apprentissage à quatorze ans ou la responsabilité parentale, qui méritent que l’on y revienne, et nous y reviendrons au cours de ce débat. Mais enfin, le sort en est jeté : nous sommes là, vous êtes là pour porter le coup de grâce au CPE.
Le paradoxe est sans doute que, dans ce trop long feuilleton, les partisans de la rupture aient été les premiers à rendre les armes. Plutôt que de rompre des lances, ils ont choisi de rompre leur engagement à l’égard de votre gouvernement. Vous avez maintenant à gérer cette situation politique.
M. Jean-Michel Fourgous. Parlez-nous plutôt du chômage des jeunes !
M. Gaëtan Gorce. Mais ne boudons pas notre plaisir : quel formidable succès !
M. Jean-Louis Léonard. Et les jeunes là-dedans ?
M. Gaëtan Gorce. Pour la première fois, devant la mobilisation des organisations syndicales et de jeunesse, que je salue à cette tribune, votre gouvernement, votre majorité ont été contraints de reculer.
Un député du groupe UMP. Manipulateurs !
M. Gaëtan Gorce. Vous n’aviez pas su ni voulu le faire sur la loi sur les retraites, vous l’aviez refusé sur la loi Fillon, mais vous avez dû vous y résoudre face à la jeunesse de ce pays, jetée dans la rue par l’injustice de votre politique. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Léonard. Combien de jeunes ?
M. Jean-Michel Fourgous. Quel est le coût de l’opération ?
M. Gaëtan Gorce. Contrairement à ce que prétendent certains, vous n’avez pas reculé devant la rue, mais devant le refus de nos concitoyens de s’accommoder de la montée de la précarité et de l’affaiblissement de notre pacte social, refus qui est le fil rouge reliant les crises successives que notre pays a traversées ces quatre dernières années. Toutes les catégories de population, de tous les âges, s’opposent à cette précarité que vous leur présentez comme seule perspective pour la société de demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Michel Fourgous. Nous luttons contre la précarité ! Vous n’avez rien compris !
M. Gaëtan Gorce. J’entends bien, sur vos bancs, ceux qui s’époumonent à opposer la légitimité de la loi à celle de l’opinion. Selon vous, la loi n’admettrait aucune résistance et tout le monde devrait s’effacer devant votre volonté. C’est oublier que, même si vous êtes la majorité, vous n’avez pas reçu mandat du pays pour vous en prendre aux fondements mêmes de notre contrat social. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Rien, dans le vote de 2002, ne pouvait vous autoriser à faire prévaloir votre programme le plus libéral, vos propositions les plus contestables !
M. Jean-Michel Fourgous. Il est beau votre contrat social : 10 % de chômeurs, 1,2 milliard de dette, le record de grèves en Europe, une protection sociale en péril !
M. Gaëtan Gorce. Monsieur Fourgous, si vous pouviez éviter les interruptions qui n’apportent rien au débat !
Il était donc légitime que notre pays vous le rappelle par les moyens restant à sa disposition, et ceci d’autant plus que vous avez oublié d’y mettre les formes. Ne nous dites pas que dans ce pays la réforme serait impossible. Ceux, sur vos bancs, qui se sont présentés comme des réformateurs – les premiers à proposer le retrait du CPE – nous disent : « Jamais nous ne pourrons réformer la France ! » Ce n’est pas la réforme qui est impossible, c’est votre méthode ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Les Français n’acceptent pas qu’on leur impose autoritairement des mesures qu’ils récusent parce qu’elles ne correspondent pas à leur culture politique et sociale.
M. Jean-Louis Léonard. Quelle est votre méthode, à vous ? Ne rien faire !
M. Gaëtan Gorce. Au fond, il y a une sorte de justice dans cette affaire : tel est pris qui croyait prendre !
M. Jean-Michel Fourgous. Parlez-nous plutôt de votre méthode pour imposer les 35 heures !
M. Patrick Roy. La réforme, ce n’est pas la régression !
M. Gaëtan Gorce. Si je puis juger de la pertinence de mes arguments aux réactions qu’ils provoquent, je vois que je vise juste ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
À votre vaine arrogance d’il y a deux mois – souvenons-nous des conditions dans lesquelles s’est déroulé le débat dans cet hémicycle – qui s’est traduite par le recours brutal au 49-3, répond aujourd’hui votre fausse humilité à travers une proposition de loi manifestement rédigée à la hâte, monsieur le rapporteur, mal fagotée, brandie en guise de drapeau blanc.
Vous avez cru pouvoir vous affranchir de la concertation, du débat parlementaire, du respect des formes, et votre brutalité a eu un effet boomerang, en mettant dans la rue, à plusieurs reprises, trois millions de Français.
C’est une victoire, parce que la démonstration est faite que l’engagement citoyen, l’engagement syndical et le bon usage de nos libertés constitutionnelles, à commencer par celle de manifester, peuvent changer la donne et, je l’espère, ouvrir la voie à une alternative.
C’est aussi une victoire de la responsabilité, celle des organisations de jeunesse et des syndicats, qui ont su maîtriser leur indignation et leur force pour les diriger vers la solution raisonnable, l’abrogation, qu’ils ont sans cesse exigée et à laquelle vous avez dû finalement consentir, même si vous vous livrez aujourd’hui à un dérisoire jeu de mots en parlant de « remplacement », de « substitution », pour ne pas dire « abrogation ».
Mais aussi, quel gâchis ! Quel formidable gâchis ! Quel pitoyable gâchis ! Quatre mois perdus, alors que toutes les forces devraient être utilisées pour soutenir notre économie, retrouver la croissance et dynamiser l’emploi ; quatre mois sacrifiés, dans un pays brusquement retourné contre lui-même. Par l’entêtement d’un seul ? Peut-être. Plus sûrement par l’aveuglement de l’UMP tout entière !
M. Alain Néri. Très bien !
M. Gaëtan Gorce. Il serait trop facile, et peut-être injuste, de faire porter sur le Premier ministre seul la responsabilité de cette affaire. Sans doute, en s’obstinant ainsi, s’est-il lourdement trompé de méthode, d’orientation, mais aussi en semblant méconnaître que ce pays récuse l’autoritarisme et demande plus d’attention, de dialogue et de disponibilité.
Mais que dire du Président de la République, incapable, en dépit de sa triste expérience en la matière, de prévenir, et plus encore de résoudre la crise, et qui finit par inventer un imbroglio constitutionnel plutôt que de prendre une décision claire, au moment opportun ?
M. Henri Emmanuelli. C’est abracadabrantesque !
M. Gaëtan Gorce. Que dire de tant de responsables dans cette assemblée, qui n’ont pas su, ou n’ont pas voulu, malgré nos appels, user de leurs prérogatives pour faire respecter le Parlement et s’opposer, comme leurs discours nous le faisaient espérer, au recours absurde, inutile et déplacé au 49-3 ?
M. Patrick Roy. Cela vaut pour Nicolas Sarkozy !
M. Gaëtan Gorce. Que penser d’une majorité qui a voté dans l’enthousiasme, il y a à peine soixante jours, sans le moindre état d’âme apparent, une disposition qu’elle est prête aujourd’hui à rejeter sans l’ombre d’un regret, sans la moindre contrition ?
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Ce n’est pas un rejet, c’est un recadrage !
M. Gaëtan Gorce. Notre collègue Alain Joyandet a ainsi été contraint de tenir à deux mois de distance des discours radicalement opposés… Grandeur et servitude du parti godillot !
Que penser, enfin, du président de l’UMP, par ailleurs ministre de l’intérieur, et donc en principe – en principe seulement – solidaire du Gouvernement, dont la philosophie politique et sociale, certes appliquée par un autre, a échoué ? Qu’est-ce en effet que la rupture revendiquée par M. Sarkozy, sinon la réduction des droits sociaux, la facilité du licenciement, masquée derrière le contrat unique, la souplesse sans contrepartie, la contrainte toujours imposée aux mêmes, sans partage, sans compromis, sans concession ? Comme M. Sarkozy, M. de Villepin voulait s’approprier la rupture, la faire sienne, démontrer à la droite ébaubie qu’il ne se contentait pas de discours et savait agir. On a vu le résultat ! Comme M. Sarkozy, il voulait la rupture avec notre modèle social : il a eu la rupture avec les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Que penser enfin de ce président de l’UMP qui, après avoir déclaré le 2 février sur LCI que le CPE était « la seule solution possible », nous explique aujourd’hui dans Le Figaro qu’il n’y a « pas d’autre solution que son retrait » ? Voilà un beau général, prêt à de belles batailles, et je vous souhaite bonne chance sous un tel commandement !
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Je me demande comment cela se passera à gauche !
M. Gaëtan Gorce. Si j’étais mémorialiste, je dirais que, dans cette affaire du CPE, le prince de la duplicité a prêté le bras au roi de l’entêtement… (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
Un député du groupe UMP. C’est nul !
M. Didier Quentin. Quel talent !
M. Gaëtan Gorce.. Mais ce serait une faute, une erreur d’appréciation de croire que la crise dans laquelle est plongé notre pays serait réglée du seul fait de l’abrogation du CPE. Certes, la crise a été exacerbée par le CPE – au point de vous obliger, pour la première fois depuis 2002, à reculer et à rendre des comptes aux Français –, mais elle vient de plus loin. En apaisant les colères, ne croyez pas que vous en aurez extirpé les racines.
Cette crise est d’abord celle d’une économie que vous n’avez pas su garder sur le chemin de la croissance et de l’emploi. Le chômage, malgré vos émois statistiques, monsieur le ministre, reste si présent dans notre société qu’elle en est comme asséchée, épuisée de ne pouvoir mieux mobiliser ses ressources en matière de travail, d’initiative et d’innovation. Et la jeunesse, naturellement, en est la première victime.
M. Patrick Roy. Les chiffres du RMI explosent !
M. Gaëtan Gorce. C’est aussi une crise d’identité, à laquelle vous ne savez pas répondre et dont nos banlieues ont porté si brutalement témoignage à l’automne dernier. C’est la crise d’une République qui, à cause de vos insuffisances, ne sait plus faire vivre la belle valeur d’égalité, sans cesse contredite par la montée des discriminations. C’est la crise d’une nation bousculée dans ses repères, interrogée dans ses capacités, doutant de son avenir malgré ses ressources et à laquelle vous ne savez proposer que des boucs émissaires.
C’est aussi la crise d’une démocratie épuisée par vos faux-semblants, vos dérobades, vos rivalités, tellement éloignés de l’intérêt général, la crise d’un système dans lequel le chef de l’État, par deux fois sanctionné, en 2004 et en 2005, n’en a tiré nulle conséquence, jetant aux orties la défroque d’une Ve République fondée sur la prééminence du Président de la République, mais surtout sur sa responsabilité politique devant les Français. Lorsqu’un Président de la République ferme ainsi toutes les issues politiques, il ne faut pas s’étonner que la colère se fasse entendre par d’autres moyens, et il faut se réjouir qu’elle l’ait fait à travers des manifestations tranquilles et par la voix d’organisations syndicales et de jeunesse particulièrement responsables.
C’est aussi une crise de génération. La jeunesse veut qu’on lui fasse confiance mais se heurte à des blocages que vous ne faites que renforcer. Nous n’y répondrons pas uniquement par des mesures sociales.
C’est une crise sociale, enfin. Le CPE n’est pas un accident, un dérapage, une sortie de route qu’il serait possible de corriger pour être quitte, mais l’expression claire et assumée de la philosophie sociale et politique de votre majorité et de l’UMP. Certes, en introduisant l’arbitraire dans le licenciement et en choisissant de retirer aux salariés, et d’abord aux plus jeunes, le droit de connaître les motifs de leur éviction, vous êtes allés trop loin. Mais le CPE n’était-il pas le simple prolongement du CNE, qui continue malheureusement de s’appliquer et contre lequel il nous faudra nous battre ? Et le CNE ne venait-il pas après tant de mesures qui, loi après loi depuis 2002, d’urgence en urgence, ont affaibli et parfois supprimé les bases de notre droit du travail et de notre pacte social ?
Le CPE n’était pas un accident, mais la pointe avancée de votre projet, traduisant l’idée que vous vous faites du social dans notre société. Vous ne pourrez pas l’appliquer aujourd’hui parce que la rue s’y est opposée, mais vous n’aurez de cesse d’appliquer demain si vous l’emportez en 2007 !
Votre philosophie sociale, elle se résume de manière simple. Elle consiste à prendre prétexte de nos difficultés économiques et sociales pour en ajouter encore. Contrairement à ce que vous prétendez, le combat n’est pas entre le changement et l’immobilisme – encore que l’immobilisme soit probablement la situation à laquelle votre gouvernement, monsieur le ministre, sera condamné dans les prochains moins. Non, le combat est bien entre deux formes de changement : celui qui consiste à prendre prétexte de la mondialisation pour vouloir réduire les droits sociaux et celui qui, au contraire, veut réconcilier progrès économique et progrès social en ajustant le niveau des protections à celui des risques nouveaux que l’économie fait courir aux salariés comme aux entreprises.
M. René Dosière. Très bien !
M. Gaëtan Gorce. Vous venez aujourd’hui devant nous un peu comme les Bourgeois de Calais. L’humilité, la modestie ont brusquement remplacé l’arrogance et l’omnipotence d’une majorité absolue. Vous nous présentez un texte bricolé, qui n’a d’autre vertu que d’abroger sans le dire l’article 8, source de tant de tensions et de conflits dont il vous faut bien sortir. C’est la raison pour laquelle nous ne nous y opposerons pas. Il est temps d’en finir. La démission eût été plus digne, l’abrogation plus claire, mais enfin, l’important est qu’on en ait fini avec le CPE.
Permettez-moi cependant de souligner, une fois de plus et pour prendre date, les faiblesses de votre démarche.
Le CPE traduisait une erreur de diagnostic : ce n’est pas en abaissant les droits qu’on crée de l’emploi. Il traduisait aussi une erreur d’orientation, puisqu’il s’agissait d’une mesure générale, alors que la situation des jeunes face à l’embauche est aussi variable que leurs niveaux de formation, leur cursus et parfois même le quartier où ils habitent. Il exprimait enfin, et c’est ce que la jeunesse a bien ressenti, une forme de mépris à son égard puisqu’il reposait sur l’idée que les jeunes ne seraient acceptés dans l’entreprise, ne seraient employables qu’au prix de discriminations et d’une précarisation exorbitante.
Vous avez montré en creux le chemin qu’il faut suivre : par l’emploi, rendre confiance à la jeunesse, lui montrer les opportunités qui s’offrent à elle dans une société où le renouvellement des générations doit lui ouvrir toutes grandes les portes de l’entreprise ; lui apporter des droits et des aides universels, calibrés ensuite en fonction des besoins et des potentiels de chaque jeune.
Ce n’est malheureusement pas cette voie que vous avez choisie, une nouvelle fois, dans votre proposition de loi : faute d’ambition, vous vous contentez de recycler des dispositifs qui ont déjà démontré – depuis des mois, voire des années qu’ils sont en place – leur inefficacité. Qu’attendre des contrats jeunes en entreprise qu’ils n’auraient pas déjà donné, eux qui plafonnent aujourd’hui à 118 000 et pour lesquels vous avez inscrit – c’est dire la confiance que vous leur faites – des crédits en diminution de près d’un tiers au budget 2006 ? Qu’attendre des CIVIS qu’ils n’auraient déjà produit, eux qui ont mis des mois à démarrer et qui s’essoufflent déjà faute qu’y soient consacrés les moyens adaptés ?
Non, la jeunesse n’a rien à attendre de vous, de vos contorsions, de vos reniements, de vos fausses rémissions. L’avenir n’est pas à la droite, il n’est pas dans ses jeux de pouvoir, il n’est pas dans ses querelles d’hommes. N’en déplaise à Giraudoux, la guerre des Trois a bien eu lieu. Notre République est prise en otage par l’affrontement de messieurs Chirac, Villepin et Sarkozy. Tous trois forment une sorte de triangle des Bermudes dans lequel notre démocratie s’est perdue.
M. René Dosière. Jolie formule !
M. Gaëtan Gorce. Quel bilan peut-on faire de cette crise ? Un chef de l’État plus déconsidéré que jamais, incapable d’assumer son rôle d’arbitre ; un chef du gouvernement condamné à l’impuissance par son numéro deux, privé des moyens de conduire la politique de la nation ; une majorité divisée, tentée de chercher ailleurs que dans l’exécutif son inspiration – c’est dire pour des gaullistes…– ; une société épuisée par la succession des crises ; une démocratie fragilisée par l’absence de dialogue ; une jeunesse révoltée par l’absence de confiance qu’on lui fait ! Situation qui me fait penser, puisque j’en étais à Giraudoux, aux dernières répliques d’Electre :
« Comment cela s’appelle-t-il, quand le jour se lève, comme aujourd’hui, et que tout est gâché, et que l’air pourtant se respire, dans un coin du jour qui se lève ?
– Cela a un très beau nom, femme Narsès. Cela s’appelle l’aurore. »
C’est d’une autre aurore qu’il nous faut rêver, il faut pour notre jeunesse un autre avenir. Tout reste à reconstruire, mais c’est peut-être au fond la chance qu’il nous faudra saisir, la chance que nous saurons saisir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe UDF.
M. Francis Vercamer. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, quand les dispositions d’une loi censée réunir l’ensemble de nos concitoyens pour plus de justice, de solidarité et d’équité provoquent une telle réaction de rejet de l’opinion, c’est inévitablement un sentiment profond de gâchis qui domine. C’est ce sentiment qui prévaut aujourd’hui.
L’UDF l’a déploré à plusieurs reprises depuis deux mois : on ne peut que regretter la manière dont la loi sur l’égalité des chances a été discutée.
M. Jean-Christophe Lagarde. C’est vrai !
M. Francis Vercamer. Précipitation de l’examen de la loi devant l’Assemblée nationale, urgence déclarée sur le texte, ajout par amendements gouvernementaux de dispositions touchant à des principes essentiels de notre législation du travail, absence de consultation des partenaires sociaux, travail bâclé des commissions qui n’ont pas pu travailler dans des conditions normales, discussions tronquées, utilisation du 49-3… tout cela augurait mal de la suite des événements.
M. Jean-Christophe Lagarde. Exact !
M. Alain Néri. Quel réquisitoire !
M. Francis Vercamer. L’insertion à la hussarde de l’amendement qui instaurait le CPE est venue dénaturer l’ensemble du projet de loi que vous vous apprêtiez à présenter pour répondre aux violences urbaines de l’automne dernier. Il s’est mué en un texte pollué par une mesure plus polémique que pragmatique, et finalement massivement rejetée.
Le CPE a en effet été perçu comme une volonté de consacrer, par la loi, l’instabilité qui semble désormais devoir prévaloir, aux yeux de beaucoup, dans les relations de travail.
Mme Anne-Marie Comparini. Hélas !
M. Francis Vercamer. Ce, alors même que tout notre droit du travail a été élaboré pour protéger le salarié, mais également pour garantir aux parties contractantes, le salarié comme l’employeur, la stabilité et la sécurité de la relation juridique.
De ce fait, cette disposition, à laquelle le groupe UDF s’est d’emblée opposé, a provoqué deux mois de crise sociale, prolongée d’une crise politique qui a pris rapidement tous les aspects d’une crise de régime.
M. Nicolas Perruchot et M. Jean-Christophe Lagarde. Eh oui !
M. Francis Vercamer. Conclusion logique : nous nous retrouvons aujourd’hui pour entériner la disparition de ce dispositif mort-né et son remplacement par un renforcement des dispositifs existants consacrés à l’accompagnement des jeunes en difficulté d’insertion professionnelle.
Tout ça pour ça !
Mme Anne-Marie Comparini. Très bien !
M. Francis Vercamer. Deux millions de personnes dans les rues (« 3 millions ! » sur les bancs du groupe socialiste.), une jeunesse en révolte, une année scolaire ou universitaire menacée, un climat économique en demi-teinte, pour aboutir à ces nouvelles dispositions. Sans oublier qu’un mauvais coup a été porté à la démocratie sociale,…
Mme Anne-Marie Comparini. Très juste !
M. Francis Vercamer. …que la confiance des partenaires sociaux envers l’État est en berne, ce qui risque de ralentir considérablement le rythme déjà chaotique et incertain des réformes de notre droit du travail pourtant nécessaires.
Nous avions mis en garde le Gouvernement contre les risques qu’il y avait à légiférer dans une telle précipitation, en donnant une tel sentiment d’improvisation. Il n’a pas tenu compte de nos avertissements. Il a préféré écouter celles et ceux qui, au sein du groupe majoritaire, le soutenaient pour créer le CPE au mépris des règles élémentaires d’une démocratie responsable et qui allaient parfois être les mêmes, la contestation sociale aidant, à demander un recul sur cette disposition !
M. Jean-Christophe Lagarde. Où sont-ils ?
M. Francis Vercamer. Ici même, comme au Sénat, l’UDF avait proposé, par le biais de ses amendements, de réduire la durée de la période dite de consolidation, et d’introduire l’obligation de motiver le licenciement. Vous avez rejeté nos propositions,…
M. Jean-Christophe Lagarde. Hélas !
M. Francis Vercamer. …reformulées quelques semaines plus tard, mais malheureusement trop tard, par le Président de la République.
Il était temps de réunir les conditions d’un apaisement, de trouver un scénario de sortie de crise, bref il était temps d’abroger le CPE parce que, qu’on le veuille ou non, en dépit de toutes les précautions sémantiques prises par les auteurs de cette proposition de loi, c’est bien d’une abrogation du CPE qu’il s’agit.
Nos débats sur la présente proposition de loi et ceux qui auront lieu dans les semaines qui viennent, les commentaires des différents acteurs de la crise que nous venons de connaître permettront de tirer utilement les leçons des événements de ces derniers mois. Dans l’immédiat, pour notre part, nous en tirons quatre enseignements.
Tout d’abord, la nécessité d’engager une réflexion de fond sur la réforme de nos institutions. Depuis le mois de janvier en effet, nous avons eu droit au panel le plus complet des dérives caricaturales que se permet le pouvoir exécutif aux dépens du législatif.
Mme Anne-Marie Comparini. Exactement !
M. Francis Vercamer. Puis nous avons eu droit à un retour au régime des partis, la sortie de crise relevant du seul groupe UMP.
M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes jaloux !
M. Francis Vercamer. Tout cela a été complété de véritables curiosités juridiques telles que la promulgation non-application, ou encore, avec le texte qui nous est soumis aujourd’hui, la proposition de loi à l’initiative du Gouvernement.
M. Jean-Pierre Blazy. C’est un nouveau genre !
M. Francis Vercamer. Bref, la subtilité juridique semble avoir atteint un degré de finesse qu’on aurait mieux aimé voir employé à la recherche, en amont, d’un accord avec les partenaires sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
Le deuxième enseignement réside dans la nécessité d’engager préalablement à toute réforme un travail profond et patient de pédagogie. La réforme ne se décrète pas. Surtout, elle ne s’improvise pas au gré d’un calendrier politique dont les préoccupations seraient trop étrangères à l’objet même des changements qu’elle entend introduire. Une réforme doit être précédée d’un travail de pédagogie qui est parfois long, c’est vrai. Mais au moins permet-il de poser les enjeux, d’élaborer peu à peu un diagnostic qui, parce qu’il confronte les expériences et les ressentis de chacun, sera d’autant plus solide qu’il sera largement partagé.
M. Jean-Christophe Lagarde. On ne le fait jamais !
M. Francis Vercamer. Dans nos démocraties modernes, nos concitoyens ont accès à une quantité impressionnante d’informations sur les sujets qui les concernent directement. Ils sont donc aussi les premiers à avoir un avis à donner.
M. Jean-Pierre Blazy. Eh oui, cela a été oublié !
M. Francis Vercamer. Prendre le temps de confronter les points de vue pour se mettre d’accord sur un constat est devenu une phase incontournable de l’action de réforme, en particulier quand celle-ci aborde un sujet sensible. Or, dans notre société anxieuse, il y a peu de sujets plus sensibles que la problématique du chômage, en particulier le chômage des jeunes, ou encore la question des évolutions nécessaires du droit du travail pour favoriser l’emploi.
Certes, une multitude d’études très complètes conduites par des experts d’horizons divers existent déjà et font l’objet de débats réguliers. Mais il serait certainement utile de donner à tout ce travail déjà effectué, à toute cette matière première, une cohérence d’ensemble. Il est urgent de poser un diagnostic partagé qui nous fasse sortir du champ des seuls experts, aussi brillants soient-ils, pour nous faire entrer dans le champ de la concertation publique.
Troisième enseignement que nous tirons de la crise du CPE : la nécessité d’associer étroitement les partenaires sociaux à toute réforme de notre législation du travail. Dans le contexte d’anxiété que j’évoquais à l’instant, l’État seul ne peut pas engager une réforme dans ce domaine sans associer les partenaires sociaux.
M. Jean-Pierre Blazy. C’est le contraire qui est fait !
M. Francis Vercamer. Sur certains points, au-delà de la seule consultation, il revient même aux partenaires sociaux de déterminer eux-mêmes, par le biais de la négociation interprofessionnelle, les mesures à engager, mesures auxquelles l’État peut naturellement, si nécessaire, donner ensuite force de loi.
Négliger les partenaires sociaux est une habitude partagée par tous les gouvernements qui se sont succédé. L’exemple des 35 heures imposées par la loi sans négociation préalable reste un précédent fâcheux.
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Vous êtes réaliste !
M. Francis Vercamer. Les pays européens qui ont su adapter leur modèle social sont aussi souvent des pays où le dialogue social est caractérisé par sa vitalité.
M. Jean-Pierre Brard. Des exemples !
M. Francis Vercamer. C’est la raison pour laquelle nous croyons indispensable, à défaut de l’inscrire immédiatement dans la Constitution, de modifier la loi du 4 mai 2004 dans sa partie relative au dialogue social pour inscrire clairement, dans le texte même de la loi, l’obligation de faire précéder toute réforme du droit du travail par une négociation nationale interprofessionnelle.
M. Jean-Christophe Lagarde. Eh oui ! Cet engagement n’a pas été respecté !
M. Francis Vercamer. Tout au moins, il nous faut lancer la réflexion au Parlement sur le sujet. Dans son exposé des motifs, la loi du 4 mai 2004 n’évoque en effet qu’un engagement solennel du Gouvernement en ce domaine, mais on a pu s’apercevoir, avec le CPE, qu’un tel engagement ne suffit pas à garantir une concertation avec les partenaires sociaux.
Enfin, quatrième enseignement, l’emploi des jeunes doit impérativement être facilité, notamment pour ceux qui se trouvent en difficulté d’insertion professionnelle. L’accès des jeunes au marché du travail est en effet chaotique, et il n’a jamais été question pour nous de le contester. L’INSEE établissait notamment, en début d’année, que, entre 2002 et 2004, les jeunes de moins de trente ans connaissaient des périodes de précarité de plus en plus durables.
La précarité est ainsi deux fois plus importante pour les jeunes que pour l’ensemble des actifs. Et la situation ne fait que s’aggraver pour les jeunes dépourvus de formation ou de qualification.
M. Jean-Pierre Blazy. Elle s’aggrave surtout depuis quatre ans !
M. Francis Vercamer. Notons au passage que les premières phrases de l’exposé des motifs de la proposition de loi constituent un véritable réquisitoire contre la politique menée par le Gouvernement en direction des jeunes.
M. Jean-Pierre Blazy. Absolument !
M. Francis Vercamer. « La situation que connaissent aujourd’hui les jeunes n’est pas acceptable. Leur taux de chômage est de 22,2 %, contre 9,6 % pour l’ensemble de la population. »
M. Jean-Pierre Blazy. C’est inacceptable !
M. Francis Vercamer. « Pour les jeunes sans aucune qualification, ce taux atteint 40 %. Même pour ceux qui accèdent à l’emploi, cet accès est souvent heurté et difficile. L’immense majorité d’entre eux n’est embauchée qu’en CDD, en intérim ou en stages. »
M. Jean-Christophe Lagarde. On croirait entendre l’opposition !
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est l’opposition !
M. Jean-Pierre Blazy. Mais non, c’est l’exposé des motifs !
M. Francis Vercamer. Dans la confusion qui caractérise ces derniers jours, un observateur peu attentif pourrait presque s’imaginer lire un texte élaboré par l’opposition.
M. Jean-Pierre Blazy. Absolument !
M. Christian Paul. Quel est ce révolutionnaire ?
M. Francis Vercamer. Les consultations engagées par les auteurs de la proposition de loi ont permis d’identifier les moyens de renforcer l’accompagnement des jeunes en difficulté d’insertion professionnelle.
Le renforcement de l’accompagnement vers l’emploi est une voie que nous préconisons de longue date et qui a notre soutien. Il est dans la lignée des dispositions du plan de cohésion sociale, auquel nous étions favorables. Mais elles ne peuvent à elles seules suffire à favoriser l’emploi des jeunes. On peut aussi imaginer la mise en œuvre d’un contrat emploi-formation dont bénéficieraient celles et ceux qui ont quitté le système scolaire sans qualification.
Mme Anne-Marie Comparini et M. Jean-Christophe Lagarde. Très bien !
M. Francis Vercamer. La partie formation serait prise en charge par l’État, comme cela se fait déjà dans plusieurs pays européens.
Vos dispositions pourraient également être complétées par un véritable plan d’anticipation de la transmission des savoir-faire dans les métiers qui, en raison du vieillissement démographique, vont connaître, dans les prochaines années, des départs en retraite massifs.
Elles doivent également s’inscrire dans une réforme plus globale du droit du travail, menée en concertation avec les partenaires sociaux. Cette réforme doit être équilibrée et permettre à l’entreprise de s’adapter librement pour innover et se mesurer avec les meilleures chances à ses concurrents, tout en garantissant aux salariés la sécurité de leur parcours professionnel.
M. Jean-Pierre Blazy. Quand même !
M. Francis Vercamer. D’une manière générale, nous préconisons notamment un contrat de travail de nouvelle génération, un CDI à droits progressifs qui assure une période d’essai raisonnable et clairement limitée, l’obligation de motivation en cas de rupture du contrat de travail − nous en avons suffisamment parlé lors des débats précédents −, un droit à indemnité se renforçant au fil du temps et, bien sûr, un droit fort à la formation.
M. Jean-Pierre Blazy. Bref, tout le contraire du CPE !
M. Francis Vercamer. Bien évidemment, il reviendrait aux partenaires sociaux de participer pleinement à l’élaboration de cette nouvelle génération de contrats de travail.
La crise provoquée par le CPE a fait perdre un temps précieux pour relever ce défi. Parce que cette proposition de loi répond à l’urgence, qui est de dessiner une voie de sortie de crise, le groupe UDF l’approuvera. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Jean-Pierre Blazy. C’est pas mal !
M. Christian Paul. La chute est un peu faible ! L’élève UDF peut mieux faire !
M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec cette proposition de loi, le groupe UMP demande aujourd’hui le remplacement du contrat première embauche. L’UMP est donc amenée à jouer les pompiers au service du Gouvernement, M. Sarkozy et ses partisans reniant un texte qu’ils avaient pourtant soutenu à bras-le-corps pendant des mois.
M. Jean-Pierre Brard. Les mains de M. Sarkozy sentent l’essence !
Mme Muguette Jacquaint. Mais ne jouons pas sur les mots : ce remplacement est bel et bien l’enterrement du CPE. La démocratie, que le Gouvernement nous a refusée et qu’il a bafouée devant le Parlement, lui a été imposée par la jeunesse et par les salariés. Cette victoire, importante pour la jeunesse, qui s’est battue pendant des semaines pour le rejet du CPE, est également une lutte instructive : elle a montré la force de l’unité et a été soutenue par la grande majorité de la population.
Derrière cette confrontation, deux projets de société s’affrontaient et s’affrontent toujours : l’un implique la précarisation et une certaine paupérisation de la jeunesse ; l’autre est fondé sur la solidarité et l’épanouissement de l’individu. Au-delà du CPE, la jeunesse et les salariés veulent en effet rompre avec un libéralisme qu’on leur impose depuis de nombreuses années.
Or, aujourd’hui, pour remplacer le CPE, le Gouvernement ne propose qu’un renforcement des emplois aidés, et surtout des cadeaux aux entreprises, dont l’effet en faveur de l’emploi est très contestable. Contraint de sauver la face, il propose en fait d’étendre des dispositifs existants.
Pourtant, certains dirigeants de PME disent eux-mêmes que, pour embaucher, ils ont davantage besoin de clients que d’aides de ce type. Et pour que ces entreprises aient des clients, il faut sortir du marasme actuel en relançant la croissance, la consommation des ménages, question directement liée au relèvement des salaires et du pouvoir d’achat. Comment parler de relance économique quand un salarié sur deux gagne moins de 1 300 euros par mois ?
Une nouvelle fois, avec ces aides sans contrepartie et en n’obtenant que de maigres résultats en matière d’emploi, le Gouvernement va encourager ce que nous dénonçons depuis de nombreuses années : la trappe à bas salaires.
Plus grave encore, vous avez renoncé à tout contrôle des fonds publics : dès votre arrivée, à l’automne 2002, c’est cette logique qui vous guidait lorsque vous avez abrogé la loi créant des commissions de contrôle des aides publiques aux entreprises.
Or, par cette proposition de loi, ce sont encore 300 millions d’euros d’aides que le Gouvernement s’apprête à verser chaque année aux entreprises. Il aurait été plus profitable à la jeunesse en recherche d’emploi que cet argent soit utilisé à la mise en place d’un véritable système de sécurité emploi-formation.
Le Gouvernement − ou l’UMP : je ne sais plus à qui m’adresser − prétend par ailleurs que ces emplois aidés doivent profiter prioritairement aux jeunes « en grande difficulté sociale ». Permettez-moi d’en douter, monsieur le ministre : ce texte va bien au-delà en proposant le CIVIS à des jeunes ayant bac + 2. On peut désormais imaginer un ingénieur engagé dans ce dispositif de stage par une entreprise soucieuse de bénéficier de cette aubaine.
Enfin, par cette proposition de loi, le Gouvernement confie encore un peu plus la gestion des CIVIS aux associations telles que les PAIO et les missions locales. Disposeront-elles de moyens supplémentaires pour l’exécution de cette mission ?
Comme l’affirment avec force les organisations syndicales et les représentants des étudiants et lycéens, avec l’abrogation du CPE ne disparaissent pas tous les aspects néfastes de la loi dite « pour l’égalité des chances », comme l’apprentissage à quatorze ans et le travail de nuit des jeunes de moins de quinze ans, au mépris des règlements de l’OIT.
M. le président. Madame Jacquaint, il faudrait conclure.
Mme Muguette Jacquaint. J’en termine, monsieur le président.
Pire encore, le contrat nouvelles embauches est maintenu : il ressemble pourtant en tous points au CPE, dont il a constitué le modèle de référence avec sa période d’essai de deux ans et la possibilité de licencier sans motivation. Or, on peut déjà dresser un premier bilan de l’application du CNE : ce qui était à prévoir − un gigantesque effet de substitution − se vérifie, et deux tiers des embauches en CNE l’auraient été en CDI si le nouveau dispositif n’avait pas été mis en place.
C’est pourquoi mon collègue Maxime Gremetz a rappelé les propositions qui étaient les nôtres et qui ont toujours été refusées par le Gouvernement. On nous reproche parfois de nous répéter : nous y reviendrons autant de fois que le Gouvernement proposera de fausses mesures prétendument destinées à lutter contre le chômage.
Par leur lutte, les jeunes ont refusé avec force cette société libérale qui leur propose de vivre plus mal que leurs aînés. Ils continuent de se mobiliser et entendent bien œuvrer à des propositions alternatives pour changer leur vie et la société. Les députés du groupe communiste et républicain seront à leurs côtés, comme ils l’ont toujours été. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Gilbert Biessy. Le CPE s’avance !
M. Jean-Pierre Brard. M. Mariton est un soldat stoïque et digne d’admiration !
M. le président. Monsieur Brard, restez assis et taisez-vous ! Vous aurez l’occasion de vous exprimer tout à l’heure !
M. Hervé Mariton. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la lecture raisonnable de la situation du moment (Rires sur les bancs du groupe socialiste)…
M. Jean-Pierre Blazy. Quel humour !
M. Christian Paul. Il n’a jamais été aussi drôle !
M. Hervé Mariton. …conduit à la proposition de loi sur l’accès des jeunes à la vie active en entreprise. Cette proposition encourage l’emploi en entreprise, cherche à développer l’alternance, renforce l’accompagnement vers l’emploi. Tout cela est utile et concourt à la bataille pour l’emploi engagée par le gouvernement de Dominique de Villepin et soutenue par…
M. Jean-Pierre Blazy. Mariton !
M. Hervé Mariton. …notre majorité.
La lutte contre le chômage et l’effort pour la croissance sont au cœur de ce que souhaite notre groupe et de ce que met en œuvre le Gouvernement. Depuis un an, nous voyons une amélioration sensible de la situation de l’emploi.
M. Maxime Gremetz. Il a des lunettes à verres grossissants !
M. Hervé Mariton. Des initiatives ont été prises pour encourager l’activité, pour soutenir la demande lorsque c’est nécessaire et aussi bien, de manière équilibrée, pour libérer l’offre.
Chacun ici a présent à l’esprit − et Mme Jacquaint vient de le rappeler − le succès du contrat nouvelles embauches.
Mme Muguette Jacquaint. Ce n’est pas tout à fait ce que j’ai dit !
Mme Jacqueline Fraysse. Il est rigolo !
M. Jean-Pierre Brard. Oui, mais il devrait remettre ses oreilles à l’endroit !
M. Hervé Mariton. N’avez-vous pas dit, chère collègue, que deux tiers des CNE correspondaient peut-être à des emplois qui, de toute façon, auraient été créés ? Chacun vous a bien entendue. Vous reconnaissez donc que l’on doit au CNE le tiers restant. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Cela signifie que, sur 400 000 CNE signés, plus de 100 000 correspondent à de nouveaux emplois créés : pour tous les salariés en contrat nouvelles embauches, et particulièrement pour ceux qui ont ainsi profité d’emplois nouveaux, soit au moins 100 000,...
M. Jean-Pierre Blazy. C’est très controversé ! Il faut compter les départs à la retraite !
M. Hervé Mariton. ...voilà un progrès indéniable que nos propositions ont permis d’apporter.
M. Jean-Pierre Brard. Mariton, c’est sainte Blandine !
M. Hervé Mariton. Au-delà des discours, la lutte contre le chômage a des résultats, dus non pas au hasard, mais simplement, depuis 2002, à notre action cohérente et constante : la mobilisation, particulièrement depuis un an, est là, et les résultats sont au rendez-vous.
M. René Dosière. Bravo Villepin !
M. Jean-Pierre Brard. C’est cela le boulangisme !
M. Hervé Mariton. Et puis est arrivée, heureusement, la loi pour l’égalité des chances. J’ai entendu les critiques exprimées par nos collègues socialistes à son encontre : elles ne nous font pas rougir. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Oui, nous sommes favorables au développement de l’apprentissage.
M. Christian Paul. À dix ans ?
M. Hervé Mariton. La loi pour l’égalité des chances, en favorisant l’apprentissage, permet d’apporter, dans de bonnes conditions, une réponse adaptée à des jeunes qui n’en trouvaient pas jusqu’à présent.
M. Jean-Pierre Blazy. C’est une illusion dangereuse !
M. Hervé Mariton. Oui, nous sommes heureux que cette loi encourage la création de zones franches. Ce texte est un apport positif, et il est dommage que vous n’arriviez pas à le comprendre.
M. Gilbert Biessy. Nous sommes nombreux à ne pas avoir compris !
M. Hervé Mariton. Nous regrettons qu’enfermés dans une critique excessive, visant aussi bien le détail que l’ensemble, vous n’arriviez même pas à voir les vertus de ces dispositions-là.
M. Jean-Pierre Brard. Les Français non plus !
M. Hervé Mariton. Nos compatriotes ne pourront malheureusement pas profiter des bienfaits du CPE (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains),...
M. Jean-Pierre Brard. Profiter ?
M. Jean-Pierre Blazy. C’est du Villepin tout craché !
M. Hervé Mariton. ...mais ils pourront bénéficier du développement de l’apprentissage et des zones franches, et ils sauront que ce n’est pas grâce à vous.
M. Guy Geoffroy. Absolument !
M. Hervé Mariton. La loi instituait, dans le prolongement du contrat nouvelles embauches, le contrat première embauche. Il ne sera pas dit ce soir que l’on n’en aura pas dit aussi du bien. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. René Dosière. C’est pour cela que vous le retirez !
M. Hervé Mariton. Nous croyons suffisamment aux engagements pris pour les expliquer même lorsque les circonstances sont difficiles.
M. Jean-Pierre Blazy. Quelle abnégation !
M. Christian Paul. Le dernier grognard !
M. Jean-Pierre Brard. La garde impériale !
M. Hervé Mariton. Même si, d’évidence, nous n’avons pas su suffisamment convaincre...
M. Jacques Desallangre. La garde meurt mais ne se rend pas !
M. Hervé Mariton. ...ce que l’on appelle, selon une formule trop large, le « mouvement social », ...
M. Jean-Pierre Brard. Vous savez ce que c’est ?...
M. Hervé Mariton. ...il faudrait avoir la rigueur de constater...
M. Alain Néri. Tout ça pour ça !
M. Hervé Mariton. ...que jamais, dans les enquêtes d’opinion, une majorité de l’opinion ne s’est déclarée clairement défavorable au CPE. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Maxime Gremetz. Il est mauvais ! Ultramauvais !
M. Hervé Mariton. Comme je le disais au début de mon propos, il est parfois souhaitable, voire raisonnable de comprendre la situation qui se présente à vous.
M. Maxime Gremetz. Oser dire cela à la tribune !
M. Jean-Pierre Blazy. Après le pont d’Arcole, c’est la Bérézina !
M. Hervé Mariton. Elle ne nous interdit pas de revendiquer ce que nous avons voulu, ni de mesurer l’opinion de nos concitoyens,...
M. Alain Néri. Quel mépris ! Quelle arrogance !
M. Hervé Mariton. …qui ont calmement compris, pour le plus grand nombre, ce que nous voulions faire, même s’ils réalisaient également que la situation matérielle du pays ne le permettait pas.
M. Jean-Christophe Lagarde. Seulement matérielle ?
M. Hervé Mariton. La souplesse apportée au contrat de travail, les droits supplémentaires proposés aux salariés, tout cela n’était pas inutile.
M. Henri Emmanuelli. Il y a du jésuite dans cet homme-là !
M. Jean-Pierre Blazy. Mais ce n’est pas le bon Samaritain !
M. Hervé Mariton. Le débat pour la souplesse et la sécurité au sein du contrat de travail doit être poursuivi. Nous devrons continuer à chercher des réponses nouvelles.
Aujourd’hui, nous n’avons pas réussi – ayons la lucidité de le reconnaître. Cela ne nous dispense pas de notre devoir d’exigence à l’endroit de nos concitoyens, en particulier de ceux qui souffrent du chômage et auxquels on ne s’est peut-être pas suffisamment intéressé ces dernières semaines – pas nous : vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Il faut des réponses nouvelles pour encourager la croissance et l’emploi, pour démontrer à nos concitoyens qu’avec la souplesse associée à la sécurité, et la flexibilité respectueuse de tous, les Français ont tout à gagner : il nous faut démontrer que la flexibilité, ce n’est pas un motif d’angoisse, mais plutôt d’espoir.
Bien des questions, hélas, restent ce soir à l’ordre du jour.
M. Jean-Pierre Blazy. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Hervé Mariton. Il en est une, d’abord, sur le caractère asymétrique de notre démocratie.
M. Christian Paul. Expliquez-nous ça !
M. Hervé Mariton. Lorsqu’un vote est émis par le Parlement, il y en a qui le respectent plus volontiers que d’autres.
M. Christian Paul. Dites-le à Chirac !
M. Henri Emmanuelli. Parlons de la loi Sarkozy sur EDF !
M. Hervé Mariton. La lecture du mouvement social, de l’expression du peuple, n’est manifestement pas la même selon qu’on est à droite ou à gauche.
M. Jean-Pierre Blazy. Quel donneur de leçons !
M. Jean-Christophe Lagarde. Le Parlement représente les Français !
M. Hervé Mariton. À droite, nous avons sans doute – ce qui n’est pas une faiblesse, mais simplement une éthique de la République (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) – davantage de respect que vous pour la loi et l’expression de la souveraineté populaire.
Il est une autre question, toute simple, qui se pose – j’y ai pensé en écoutant attentivement M. Gorce : devant le néant de vos propositions,...
M. Jean-Marc Nudant. Eh oui !
M. Hervé Mariton. ...on serait en droit de vous en demander un peu plus.
M. Maxime Gremetz. J’en ai fait, moi, des propositions !
M. Hervé Mariton. Nous ne sommes pas allés au bout, et c’est dommage, de notre projet.
M. Alain Néri. Vous avez lamentablement échoué !
M. Hervé Mariton. Mais ce soir, notre conscience et notre fierté nous disent que pour nous, au sein du groupe de l’UMP, l’objectif est toujours de travailler pour l’emploi des jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à M. Yves Durand.
M. Yves Durand. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, face à l’obstination de M. Mariton à défendre, dans une sorte de prêche pathétique (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)...
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. On vous a connu plus pathétique !
M. Yves Durand. ...un projet que tout le monde aujourd’hui rejette,...
M. Jean-Pierre Blazy. Un chemin de croix !
M. Yves Durand. ...je dois reconnaître à M. le rapporteur et à M. Joyandet cette remarquable souplesse intellectuelle qui leur permet de soutenir avec une apparente conviction que la majorité est aujourd’hui soudée pour supprimer, par une proposition de loi pirouette, ce qu’ils soutenaient voilà encore quelques jours.
Souvenons-nous, mes chers collègues, de nos débats d’il y a quelques semaines à peine : je vous revois repoussant un à un nos amendements ; je vous entends hurler à l’obstruction alors que nous tentions simplement de faire notre travail de parlementaire...
M. Jean-Jacques Descamps. Travail de sape !
M. Jean-Marc Nudant. De blocage parlementaire !
M. Yves Durand. ...contre un texte qui n’avait rien à voir avec l’égalité des chances ; je vous entends défendre avec la plus grande vigueur le CPE que le Gouvernement s’apprêtait à faire passer en catimini, au début de vacances et après avoir, en plus, déclaré l’urgence ; je vous vois applaudir au coup de force du 49-3...
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Après le vote du CPE !
M. Yves Durand. ...que vous avez tenté de faire passer aux yeux des Français comme un acte de courage, comme s’il fallait confondre la nécessaire autorité de l’État avec le mépris du Parlement et le refus du dialogue social.
Ce soir, je vous vois défendre avec la même vigueur...
M. Patrick Roy. Ils n’en ont pas : ils sont tout mous !
M. Yves Durand. ...la mort de ce que vous considériez il y a quelques jours encore comme la trouvaille de génie qui devait régler le problème du chômage des jeunes.
Quelle image de la politique la pathétique pantalonnade de cette dernière semaine va-t-elle laisser ? Comment redonner confiance en l’action publique quand les plus hautes autorités de l’État se déjugent ?
Pourquoi en est-on arrivé à cet incroyable gâchis ?
M. Lionnel Luca. Quinze ans de gauche !
M. Yves Durand. Parce que vous refusez d’écouter les Français qui, en votant à plus de 80 % contre l’extrême droite en 2002, pensaient que vous en tiendriez compte,...
M. Jean-Paul Charié. Ils n’étaient pas tous de gauche !
M. Yves Durand. ...alors que depuis quatre ans vous n’appliquez que la politique de votre camp, quand ce n’est pas celle d’un clan. Oui, vous refusez d’écouter les Français qui vous sanctionnent par leurs votes, comme ce fut le cas en 2004 lors des élections régionales et cantonales.
De même, vous refusez d’entendre les organisations syndicales lorsqu’elles vous disent unanimement que votre projet est mauvais pour les Français.
Cette nuit, nous enterrons le CPE, ...
M. Alain Néri. De profundis !
M. Yves Durand. ...balayé par un formidable mouvement massif, responsable, uni.
M. Jean-Jacques Descamps. Manipulé !
M. Yves Durand. Considérer que la jeunesse tout entière, aussi nombreuse, aussi responsable, est manipulée, c’est bien la preuve de votre aveuglement et de votre mépris ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Descamps. Ne parlez pas de la jeunesse ! Vous ne la représentez pas !
M. Jean-Pierre Brard. M. Descamps serait-il nostalgique de la sienne ?
M. Yves Durand. Allez-vous enfin comprendre que, au-delà du CPE, c’est toute votre loi pour l’égalité des chances qui est rejetée ? Car ce que les Français rejettent, c’est votre conception même de la société, qui repose, ainsi que vous le démontrez encore par cette proposition de loi, sur la précarité et l’inégalité.
Du CNE au CPE en passant par l’apprentissage à quatorze ans, c’est toujours le même objectif :...
M. Jean-Pierre Blazy. La régression !
M. Yves Durand. ...exclure les plus faibles, ceux qui sont déjà en difficulté !
Oui, mes chers collègues, notre pays doit, et peut, évoluer. Ce n’est pas, contrairement à ce que vous voudriez faire croire, la réforme que les Français rejettent, mais la réforme injuste.
M. Jacques Desallangre et M. Jean-Pierre Blazy. La régression !
M. Yves Durand. Or, si vous reculez sur le CPE, vous persistez sur les autres dispositions, tout aussi funestes, de votre loi pour l’égalité des chances. Comment faire croire par exemple, qu’en retirant un élève en difficulté du collège, on lui permettra d’atteindre le haut niveau de compétences dont il aura besoin pour s’adapter au monde de plus en plus complexe qui l’entoure et pour réussir une véritable insertion professionnelle ? Tous les exemples étrangers que nous avons étudiés montrent que c’est par une haute qualification et par une scolarité poussée le plus loin possible, à égalité pour tous, comme dans les pays scandinaves, que l’on obtient la réussite à la fois scolaire, personnelle et professionnelle.
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Vous ne seriez pas enseignant ?
M. Jean-Jacques Descamps. Enseignant de gauche !
M. Yves Durand. C’est très exactement le chemin inverse que vous êtes en train de faire prendre à notre pays et aux jeunes.
M. Alain Néri. Celui de l’exploitation !
M. Yves Durand. Ce n’est pas la réussite que vous préparez, mais l’échec pour tous !
M. Hervé Mariton et M. Jean-Jacques Descamps. Quelle arrogance !
M. Yves Durand. Non, vous ne nous ferez pas croire qu’un élève déjà en difficulté pourra à la fois acquérir le socle commun et accomplir les tâches d’un apprenti, avec ses horaires, ses contraintes, y compris le travail de nuit et du week-end.
M. Jean-Jacques Descamps. Zola !
M. Yves Durand. Certes, ce dispositif existait déjà, mais sous forme de dérogation, dans des cas exceptionnels, alors que vous le généralisez, institutionnalisant la fin de la scolarité obligatoire jusqu’à seize ans.
M. Patrick Roy. Eh oui !
M. Guy Geoffroy. C'est de la caricature ! Et nulle en plus ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Yves Durand. Cher collègue Geoffroy, vous qui vous targuez, à juste titre, de vous y connaître quelque peu en matière d’éducation, comment pouvez-vous dire cela ?
Ayez au moins le courage, mes chers collègues, d’assumer votre politique éducative depuis quatre ans, de la loi d’orientation pour l’avenir de l’école, rejetée elle aussi par l’ensemble des acteurs, au retour de l’apprentissage dès quatorze ans.
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Quelle mauvaise foi !
M. Yves Durand. Sous couvert de rupture et de pragmatisme, votre politique est, en fin de compte, celle du renoncement : renoncement devant les inégalités, abandon de l’ambition de donner à chaque jeune un haut niveau de qualification, renonciation à lui ouvrir les portes de la culture générale et les joies du savoir.
Comment pouvez-vous prétendre lutter pour l’égalité des chances quand vous faites porter la responsabilité de l’échec scolaire aux élèves eux-mêmes et à leurs parents, comme si les conditions de vie des enfants n’avaient aucune influence sur leur réussite scolaire ?
Comment pouvez-vous prétendre lutter pour l’égalité des chances quand la seule réponse que vous apportez aux parents qui rencontrent des difficultés avec leurs enfants, c’est de leur supprimer les allocations familiales ?
Pendant tout le débat sur ce projet de loi, nous n’avons cessé de vous démontrer que cette disposition était à la fois inutile et dangereuse. Un certain nombre de voix se sont aussi élevées dans votre propre groupe pour dire qu’il s’agissait d’une erreur fondamentale. Vous avez balayé d’un revers de main ces préoccupations et ces critiques.
M. Jean-Jacques Descamps. Quel conservatisme !
M. Yves Durand. Messieurs les ministres, mes chers collègues, avec cette proposition de loi vous pensiez sans doute déminer un terrain que vous aviez vous-même piégé.
M. Hervé Mariton. Quelles sont vos propositions ?
M. Jean-Jacques Descamps. Ils n’en ont pas !
M. Jean-Pierre Blazy. Ne vous inquiétez pas, elles vont venir !
M. Yves Durand. Vous imaginiez probablement tourner la page d’un conflit que vous avez vous-même provoqué. Et votre majorité risque fort de rejeter les amendements qui ont pour but de revenir sur une loi qui, au-delà du CPE lui-même, est rejetée par nos concitoyens. Pourtant, vous avez l’occasion, ce soir ou demain matin, avec nos amendements, et donc nos propositions, de répondre au mouvement de fond qui s’est exprimé dans toutes les générations de notre pays, je dis bien toutes.
Si, comme je le crains, vous manquez une nouvelle fois l’occasion de mesurer la profondeur des aspirations populaires, alors il nous appartiendra, le moment venu, …
M. Jean-Jacques Descamps. En 2020 !
M. Yves Durand. …de bâtir une société solidaire, fondée, elle, sur une véritable égalité des chances, une égalité qui ne soit pas qu’un mot ou un titre de projet de loi mais la réalité quotidienne que chaque Français puisse enfin partager avec les autres.
M. Jean-Jacques Descamps. Quel baratin !
M. Yves Durand. Il nous appartiendra de redonner confiance à une jeunesse que vous considérez trop souvent comme un risque et non comme une chance qu’il faut saisir et un espoir qu’il faut lever.
M. Jean-Jacques Descamps. Quelle démagogie !
M. Yves Durand. Il nous appartiendra enfin, et c’est peut-être le plus important, de redonner un véritable sens à l’action politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Jean-Jacques Descamps. N’importe quoi ! C’est ce qu’on appelle un discours creux !
M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.
Mme Martine Billard. Tout ça pour ça !
II aura donc fallu que les universités et lycées du pays soient bloqués pendant plus de deux mois, que 3 millions de nos concitoyens descendent plusieurs fois de suite dans la rue, pour que le Premier ministre se résigne à admettre que l'institutionnalisation de la précarité des jeunes au travail par le contrat première embauche n'était et ne sera ni acceptable, ni amendable !
Rien ne nous aura été épargné au cours de ces semaines, ni les tentatives de désinformation sur l'ampleur de la mobilisation…
M. Hervé Mariton. Ça, c’est sûr !
Mme Martine Billard. …ni les tentatives d'amalgame entre manifestants et groupes de casseurs, ni une posture incompréhensible du Président de la République, défiant toute doctrine juridique : promulguer une loi en demandant sa non-application, au mépris des principes de l'État de droit. Par son acharnement à maintenir le CPE et sa gestion piteuse des événements, la majorité UMP a aggravé la crise du régime de la Ve République, sans pour autant donner de réponses viables à la crise économique et sociale.
M. Jean-Jacques Descamps. Et vous ?
Mme Martine Billard. Le retrait du CPE que nous consacrons – enfin ! – par la présente proposition de loi est une victoire de l'unité et de la détermination de millions de jeunes et de salariés, des organisations syndicales de lycéens, étudiants et salariés et des partis de gauche.
À vouloir à tout prix sauver la face du Premier ministre, la majorité UMP a préféré prendre le risque de se couvrir de ridicule, même si, depuis quelques jours, on nous explique qu’elle a été constamment unie derrière son ministre, en inventant, après bien d’autres innovations dans la procédure législative, le concept de « niche présidentielle ».
Pour éviter de prononcer le mot « abrogation », qui avait pourtant le mérite de la concision, elle a concocté un article fantoche qui frise la « loi bavarde ». De fait, pour enterrer le dispositif Villepin, vous paraphrasez des dispositions qui existent déjà !
Alors que tout le pays demande l'abrogation pure et simple de l'article 8 de la loi pour l’égalité des chances, qui crée le CPE, la majorité UMP, prisonnière des bisbilles interminables entre le Premier ministre et le chef du parti, a, une nouvelle fois, fait compliqué, en inventant un nouveau dispositif censé garantir un simple remplacement du CPE et permettre l'accès des jeunes en difficulté à l’entreprise. La question est effectivement d'importance. Mais elle mérite mieux que la mascarade d'une proposition de loi composée d’un article écrit à la va-vite.
Quant aux moyens financiers accordés, ce ne sont que des redéploiements venant d'autres dispositifs. Et bien sûr, comme d’habitude, nous ne disposons d’aucune étude d'impact, d’aucun bilan pour nous permettre de légiférer de façon éclairée.
Certes, la situation du chômage est préoccupante. Mais ce n'est pas en aggravant la précarité que le chômage reculera. Même le très libéral groupe de réflexion IFRAP affirmait ce matin que les CNE signés depuis leur mise en oeuvre ne sont venus que se substituer aux CDI et CDD existant auparavant. Quant à la prétendue baisse du chômage, elle est surtout le fait de radiations massives des statistiques de diverses catégories de demandeurs d'emploi et du basculement de nombreuses personnes vers le RMI.
M. Guy Geoffroy. C’est ça…
Mme Martine Billard. Depuis janvier, nous répétons qu'il ne faut pas créer, par le biais d’un nouveau contrat de travail précaire, un dispositif discriminatoire anti-jeunes mais qu’il faut prendre des mesures adaptées aux jeunes non qualifiés qui ont du mal à entrer sur le marché du travail. L'emploi précaire des contrats dits « atypiques » – CDD, intérim, temps partiels imposés, contrats aidés, stages abusifs – a encore progressé en 2005, pour représenter jusqu'à 13,6 % de l'emploi salarié, 17,2 % des actifs occupant un emploi à temps partiel.
Vous parlez beaucoup de la nécessaire flexibilité des emplois, vous promettez régulièrement d'y ajouter la « sécurisation des parcours professionnels », mais nous attendons toujours ce deuxième volet de la flexibilité. Or, s'il faut effectivement développer toutes les filières d'accès à la formation professionnelle, que ce soit pour les jeunes non qualifiés ou tout au long de la vie, la sécurisation des parcours en période de chômage ne peut faire l'économie de garanties substantielles de revenus de remplacement dignes de ce nom. Si je maintiens mon opposition totale au CNE, dont je demande, au nom des députés Verts, l'abrogation au même titre que le CPE, je crois nécessaire de dissuader les entreprises de multiplier les autres emplois précaires et de prévoir une rémunération qui permette d’équilibrer les comptes des fonds d'indemnisation du chômage, Unedic et ASS.
M. Jean-Jacques Descamps. Qui va payer ?
Mme Martine Billard. Nous payons aujourd'hui sur le front du chômage et de la précarité les impasses idéologiques dans lesquelles vous nous avez conduits depuis 2002 : aides sans contrepartie aux entreprises du secteur marchand, quels que soient leur taille et les bénéfices engrangés, les grandes entreprises du CAC 40 recevant les mêmes aides que les très petites entreprises qui aujourd’hui créent plus d’emplois dans notre pays.
M. François Liberti. Eh oui !
Mme Martine Billard. Il y aurait effectivement fort à faire, mais il semble que la majorité ait montré ses limites. Sa période d'essai est parvenue à son terme et les motifs de licenciement existent réellement.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Sans indemnités !
Mme Martine Billard. Cette situation vous servira-t-elle de leçon ? Vous fera-t-elle comprendre que la démocratie n’est pas un vain mot mais que nos concitoyens y sont attachés et qu’il faut commencer d’abord par discuter et négocier avant d’imposer ?
Cette proposition de loi abroge de fait le CPE, j’en prends acte au nom des députés Verts et je m’en félicite. C’est le résultat d’une splendide mobilisation. Mais ne me demandez pas de prendre au sérieux cet énième bricolage législatif que vous nous proposez en lieu et place de la simple abrogation du fameux article 8. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
M. Jean-Pierre Brard. Messieurs les ministres, permettez-moi tout d’abord d’avoir une pensée pour tous ceux grâce auxquels nous sommes réunis ce soir : les jeunes, les salariés, les chômeurs, les retraités, tous ceux qui pâtissent de votre politique depuis quatre ans. Permettez-moi aussi d’avoir un mot de compassion pour ceux qui sont obligés d’être ici ce soir et qui, après avoir défendu avec acharnement le CPE, sont contraints de manger leur chapeau à petites bouchées, comme s’ils dégustaient une délicieuse pâtisserie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Descamps. On pense toujours que c’est une bonne idée !
M. Alain Joyandet. On a un très bon estomac !
M. Jean-Pierre Brard. Je pense à ceux qui suivent nos débats en ce moment, sur Internet ou grâce à la TNT. Ils auront compris, en écoutant M. Mariton, M. Joyandet et quelques autres, que si ces gens-là ont reculé, ils n’ont pas pour autant renoncé à vouloir, avec entêtement et aveuglement, démonter le code du travail.
M. Hugues Martin. Encore heureux !
M. Jean-Jacques Descamps. Ça, c’est vrai, vous avez raison !
M. Jean-Pierre Brard. Notre pays a vécu, durant les trois derniers mois, une accélération de son histoire, une période de confrontation, de débat intense qui a mobilisé largement notre peuple. Cet épisode intervient moins d'un an après le référendum sur le traité constitutionnel européen qui a vu une large victoire du non et un peu plus de dix ans après les grandes grèves de 1995 contre le plan Juppé. Toutes ces périodes fortes ont en commun d'avoir constitué des moments historiques de la mobilisation populaire anti-libérale, laquelle constitue donc à l'évidence une constante de la vie politique et sociale de notre pays. La mondialisation selon le dogme libéral, avec tous ses apôtres à droite, ne passe pas chez nos compatriotes. Il y a là une ligne de force majeure dans notre vie politique, nationale qui s'oppose à la flexibilité et à la précarité, piliers du libéralisme.
M. Hervé Mariton. Vous avez oublié la prospérité !
M. Henri Emmanuelli. Pour qui ?
M. Jean-Pierre Brard. La prospérité, on sait de quel côté elle est, monsieur Mariton : elle grandit chez vous, dans les coffres-forts, pas dans nos banlieues ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
M. Jean Auclair. Démagogue !
M. Jean-Pierre Brard. L'aventure politique du contrat première embauche restera, bien après le terme de la courte existence de ce dernier, comme une illustration poussée jusqu'à la caricature des errements et des ornières où peuvent conduire le dogmatisme et l'idéologie ultralibérale poussés à l'extrême par la course à l’échalote entre les ambitions politiques et les appétits insatiables de M. de Villepin et de M. Sarkozy, qui se disputent le poste d'apôtre le plus zélé du libéralisme.
M. Marc Francina. Vive le communisme, monsieur Brard !
M. Jean-Pierre Brard. Mais ce sont les Français qui payent les pots cassés de leur surenchère.
M. Jean-Pierre Blazy. Eh oui !
M. Jean-Pierre Brard. Car, sur le fond et malgré une posture en apparence conciliante, M. Sarkozy était d'accord avec la philosophie du CPE.
M. Jean-Pierre Blazy. Évidemment !
M. Jean-Pierre Brard. D’ailleurs, le regard malicieux de M. Larcher me fait penser qu’il partage mon analyse.
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Non, je me contente de vous écouter.
M. Jean-Pierre Brard. Lors de la convention sociale de l'UMP, M. Sarkozy ne déclarait-il pas – je rappelle ces saintes paroles pour tous les sarkozystes ici présents : « La question du droit du travail n 'est pas un sujet tabou. Les entreprises veulent pouvoir adapter – adapter l’échine des salariés ! – plus rapidement leurs effectifs aux évolutions de l'économie. Elles hésitent à embaucher pour ne pas être enfermées dans des rigidités et des coûts en cas de baisse d'activité.»
M. Jean-Jacques Descamps. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Brard. Voilà ce qu’a dit votre maître à penser, dont certains d’entre vous ne sont que des clones !
Il est aujourd'hui indispensable pour notre démocratie, même si elle est mal en point et surtout parce qu'elle est mal en point, de faire le bilan de trois mois d'un aveuglement, d'un entêtement dogmatique, d'une tentative de passage en force qui ont conduit notre pays au paroxysme d'une crise sociale, politique et institutionnelle qui restera dans notre histoire. Avec ce projet de contrat première embauche et la façon dont s'est déroulée, car je n'ose pas dire a été gérée, la crise qu'il a déclenchée, sont apparus au grand jour les vices dont sont affectées à la fois nos institutions et les conceptions politiques périmées de la majorité et de ses chefs qui, bien que condamnés politiquement à chaque élection depuis 2002 par le suffrage universel, n'ont rien voulu entendre du verdict exprimé par les citoyens dans les urnes. Le peuple français, ainsi privé de toute reconnaissance de ses expressions politiques, s'est dressé devant une attaque frontale contre sa jeunesse et le modèle social issu de plus d'un siècle de notre histoire nationale.
Le pilotage, à la fois rigide et brouillon, de ce texte restera inscrit dans l'histoire constitutionnelle de notre pays, avec notamment la confusion des pouvoirs et l’invraisemblable pantalonnade juridique d’une loi promulguée mais inapplicable. Je gage, monsieur le président, vous qui êtes sensible à l’esprit de cette Constitution, que vous n’avez pu que frémir.
M. le président. Monsieur Brard, ayez, vous, à l’esprit qu’il faut achever votre propos.
M. Jean-Pierre Brard. J’arrive à ma conclusion, que peut-être vous partagerez avec moi.
Le divorce entre le Gouvernement, sa majorité et notre peuple est maintenant consommé. La confiance a disparu, messieurs les ministres, car vous l’avez tuée. C’est un extraordinaire encouragement au mouvement populaire. Rien n’est inaccessible à notre jeunesse, à notre peuple, dès lors qu’il s’unit pour combattre les injustices insupportables qui caractérisent votre politique, qui mettent en pièces notre modèle social pour enrichir les privilégiés.
M. Maxime Gremetz. Ce sont les peuples qui font l’histoire !
M. Jean-Pierre Brard. Messieurs les ministres, mes collègues de droite, vous êtes battus. Ce succès du mouvement conjugué des jeunes, des salariés, des retraités, des chômeurs en appelle d’autres.
M. Jean-Jacques Descamps. C’est la lutte finale !
M. Marc Francina. C’est surtout la coalition des imbéciles !
M. Jean-Pierre Brard. Il fait renaître l’espérance. Faisons que cette espérance ouvre les chemins d’un avenir fait de justice et de fraternité et redresse le pays que vous avez affaibli et abaissé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Maxime Gremetz. L’avenir appartient à ceux qui luttent !
M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.
M. Daniel Garrigue. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les dispositions que vous nous proposez ce soir dans cette proposition de loi sont intermédiaires entre le traitement social du chômage et son traitement économique.
M. Jean-Pierre Brard. De l’eau tiède, en quelque sorte !
M. Daniel Garrigue. Nous savons que le traitement social est nécessaire, parce que, pour certaines catégories de demandeurs d’emploi qui ont été longtemps éloignés du monde du travail ou qui n’y ont jamais accédé, des passerelles sont indispensables.
M. Jean-Pierre Blazy. Quelle découverte !
M. Daniel Garrigue. Mais nous savons aussi qu’on ne peut faire durablement reculer le chômage que si l’on met en œuvre une vraie politique de traitement économique.
M. Henri Emmanuelli. Cela s’appelle la croissance !
M. Daniel Garrigue. Nous sommes d’accord, monsieur Emmanuelli. Le traitement économique, cela peut prendre deux formes : la forme du libéralisme à l’œuvre dans les pays anglo-saxons, qui est, il faut le dire, assez peu adaptée à nos traditions et à notre culture.
M. Jean-Pierre Brard. Comme une selle à une vache !
M. Daniel Garrigue. Cela peut prendre aussi une autre forme, celle que l’on connaît aujourd’hui dans les pays d’Europe du Nord et dans la plupart des autres pays européens et que l’on appelle la flexi-sécurité.
M. Henri Emmanuelli. Ça coûte cher !
M. Daniel Garrigue. Cela veut dire la recherche d’un équilibre qui, d’un côté, donne aux employeurs suffisamment de souplesse pour qu’ils soient incités à embaucher et qui, de l’autre, assure un accompagnement suffisamment fort aux demandeurs d’emploi ou à ceux qui perdent leur emploi. C’est ce que nous avons voulu faire avec le CPE.
M. Alain Néri. C’est raté !
M. Daniel Garrigue. Et nous n’avons pas à rougir de nous être battus pour le CPE. D’abord parce que c’était effectivement un dispositif de flexi-sécurité (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Blazy. De flexi-insécurité !
M. Daniel Garrigue. Ensuite parce que, au regard de ce qui est proposé aux jeunes aujourd’hui, c'est-à-dire des CDD à très court terme, des stages souvent non rémunérés, de l’intérim, des périodes répétées de chômage, il s’agissait d’un dispositif leur permettant d’obtenir de façon immédiate, alors qu’ils n’y accèdent souvent qu’après de nombreuses années, des droits essentiels : droit à la formation, droit à l’indemnisation, accès au crédit bancaire, accès au logement. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
De plus, le CPE ne s’appliquait que dans les entreprises de plus de vingt salariés, celles où il y a obligatoirement une représentation du personnel et où un jeune qui se serait trouvé en difficulté aurait automatiquement bénéficié de l’aide d’un délégué. C’est là un aspect que vous avez toujours négligé et occulté.
Je voudrais, mesdames et messieurs du parti socialiste, poser une question à ceux et celles d’entre vous qui se réclament encore un peu de la social-démocratie. Nous rencontrons régulièrement des sociaux-démocrates, des parlementaires du SPD allemand, des sociaux-démocrates danois, des socialistes espagnols. Permettez-moi de vous dire que nous avons avec eux un dialogue sérieux et cohérent, et qu’ils ne sont pas du tout opposés à des dispositions du type de celles que nous avons proposées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Henri Emmanuelli. Nous aussi, nous les rencontrons, et ce n’est pas notre sentiment !
M. Daniel Garrigue. Je ne vous parle pas, monsieur Emmanuelli, je parle à ceux d’entre vous qui se réclament de la social-démocratie et qui n’ont pas encore cédé aux pressions de la gauche radicale ! (« Bravo ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Henri Emmanuelli. Vous êtes un fonctionnaire de l’Assemblée et n’avez jamais connu la précarité !
M. Daniel Garrigue. Vous non plus, vous ne savez pas ce que c’est !
M. Henri Emmanuelli. Je viens du privé !
M. Marc Francina. Silence, Emmanuelli, vous n’êtes qu’un marchand de frites !
M. Daniel Garrigue. Que ceux-là me répondent : si demain vous vous retrouviez majoritaires dans notre pays et si vous aviez à engager une politique pour réduire fortement le chômage, quelles mesures prendriez-vous ? Je sais que vous refuseriez comme nous le libéralisme à l’anglo-saxonne, parce que, je le répète, il n’est pas conforme à notre culture. Mais si vous refusez aussi les solutions de flexi-sécurité du type de celles que nous avons voulu mettre en œuvre, j’aimerais savoir quelle serait alors votre marge de manœuvre et ce qu’il vous resterait à faire, sinon à proposer aux jeunes, comme vous l’avez fait dans le passé, de nouveaux TUC, dispositif scandaleux qui était de la précarité organisée ! (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste) Ou bien des CES, qui ne sont rien d’autre que des CDD de quelques mois pour ceux qui sont les plus faibles ! Ou encore des emplois-jeunes, dont la pérennité n’est même plus assurée dans la plupart des municipalités socialistes et communistes de notre pays ! Oui, vous vous débarrassez des emplois-jeunes, et je peux en donner de nombreux exemples ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Alors, je veux bien que vous veniez aujourd’hui combattre les mesures que nous avons voulu mettre en œuvre, mais dites-moi celles que vous seriez prêts à proposer demain, car votre silence est plutôt gênant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Nous voterons bien sûr le dispositif proposé ce soir, mais ce que nous demandons, c’est que soit repris au plus vite l’effort en direction des réformes, pour que nous mettions en œuvre de façon efficace une véritable flexi-sécurité et un parcours sécurisé pour l’ensemble des salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut.
M. Bernard Perrut. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous devons aborder ce texte avec humilité et confiance.
M. Jean-Pierre Brard. C’est le moins que vous puissiez faire !
M. Bernard Perrut. Humilité, car si l’emploi constitue une priorité pour le Gouvernement et notre majorité – les mesures engagées depuis 2002 en témoignent –, aucun de nous ne peut toutefois prétendre décréter l’emploi et exprimer des certitudes pour demain.
Mais confiance également, car les résultats en termes d’emploi sont encourageants et les mesures dont nous discutons renforcent celles qui existent déjà. Nous refusons le fatalisme et voulons lutter contre la précarité. Sans jamais renoncer à nos convictions, nous devrons, avec les partenaires sociaux, nous engager sur des voies nouvelles pour faciliter l’emploi, pour conjuguer souplesse et sécurité dans un droit du travail moderne, qui donne sa chance à chacun.
Au sein de nos quartiers et de nos villages, dans nos missions locales, nous mesurons la fragilité et les attentes des jeunes que nous rencontrons, des jeunes en CDD, en intérim, en stage, des jeunes sans stabilité, des jeunes qui galèrent. Trop d’entre eux ne peuvent aujourd’hui pousser la porte de l’entreprise. Il est donc nécessaire de favoriser leur accès à une première embauche : n’était-ce pas, d’ailleurs, le but du CPE ? D’où la nécessité de renforcer, comme le propose ce texte de loi, les outils existants.
Monsieur le ministre de l’emploi, l’objectif de votre loi de cohésion sociale n’est-il pas d’accompagner 800 000 jeunes vers l’emploi durable ? En 2005, 1 949 conseillers référents ont été embauchés, 51 plateformes de vocations ont été créées par l’ANPE, 61 532 contrats jeunes en entreprise ont été signés ainsi que 122 600 CIVIS, dont 47 % par des jeunes sans diplôme ni qualification.
M. François Liberti. Et ils sont tous dans la rue aujourd’hui !
M. Guy Geoffroy. Taisez-vous ! Y en a marre du marxisme !
M. Bernard Perrut. L’on pourrait aussi ajouter à ce bilan les chiffres de l’apprentissage : 380 000 apprentis en 2005, la valorisation du statut, des contrats d’objectifs avec l’ensemble des régions, l’amélioration de l’information et la simplification des formalités administratives.
L’ANPE, messieurs les ministres, à qui vous aviez donné mission de les rencontrer, a déjà reçu 29 463 jeunes des quartiers sensibles ; plus de 2 000 ont pu être embauchés suite à ces entretiens.
Oui, l’emploi est sur la bonne voie ! (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) 155 000 : c’est le nombre de chômeurs en moins depuis mars 2005,…
M. Alain Néri. Et combien de RMistes en plus ?
M. Bernard Perrut. L’ANPE compte 10 100 demandeurs d’emploi inscrits en moins. Comme le disait très bien Hervé Mariton, c’est au moins 100 000 emplois supplémentaires que nous pouvons aujourd’hui mettre à notre actif grâce au CNE.
M. François Liberti. Vous n’y croyez pas vous-même !
M. Bernard Perrut. Pourtant, c’est vrai, avec un taux de 22 % qui monte à 40 % pour les jeunes sans aucune qualification, le chômage des jeunes demeure trop élevé. C’est pourquoi nous sommes réunis aujourd’hui pour renforcer les outils et les dispositifs permettant de le combattre.
M. François Liberti. Nous sommes réunis pour enterrer le CPE !
M. Bernard Perrut. Nous allons ainsi pouvoir étendre le dispositif de soutien à l’emploi des jeunes en entreprise à l’ensemble des jeunes titulaires d’un CIVIS, ce qui constitue une avancée importante. Nous allons également pouvoir ouvrir l’aide attachée à ce dispositif aux employeurs qui ont des contrats de professionnalisation à durée indéterminée, et développer enfin dans le cadre du CIVIS des formations et un système de tutorat indispensables.
L’accès des jeunes à la vie de l’entreprise est notre objectif. Nous savons que 302 000 dossiers ont été enregistrés dans le cadre de ce dispositif d’accès à l’entreprise. Par ailleurs la proposition de loi parle désormais de qualification professionnelle et non plus simplement d’insertion ; c’est un mot important, et Laurent Hénart y a insisté à juste titre dans son rapport.
M. Guy Geoffroy. Tout à fait !
M. Alain Néri. Des mots, toujours des mots !
M. Bernard Perrut. 160 000 personnes – c’est un chiffre important – bénéficient aujourd’hui du CIVIS, ce contrat d’insertion pour les jeunes de 16 à 25 ans. Le référent qui apparaît dans le texte pour tout titulaire d’un CIVIS va permettre d’établir un parcours d’accès à la vie active : emploi par alternance, formation professionnalisante, actions spécifiques, assistance renforcée à la recherche d’emploi, voire à la création d’entreprise. Nous avons aussi souhaité que l’accompagnement se prolonge pendant une année après l’entrée dans la vie de l’entreprise.
Au-delà de cette proposition de loi, il faut que nous engagions une concertation plus large sur l’insertion des jeunes diplômés, sur la recherche d’une meilleure cohérence entre les formations et l’emploi.
M. François Liberti. Il ne faut pas en parler, il faut le faire !
M. Bernard Perrut. Cela passe par une réflexion dans l’enseignement supérieur et aussi, sur le terrain, autour de l’orientation des jeunes au lycée, des formations ouvertes dans nos établissements qui doivent être plus en lien avec la réalité économique. Nous devons, à mon sens, y réfléchir par bassin d’emploi, dans le cadre aussi des maisons de l’emploi et en réunissant l’ensemble des partenaires.
Comme le président Dubernard, je voudrais pour terminer vous faire part d’un mail que j’ai reçu…
M. Maxime Gremetz. Ce doit être le même !
M. Bernard Perrut. …d’un chef d’entreprise. (« Ah ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
Eh oui, messieurs, il en faut, des chefs d’entreprise !
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Sans entreprises, pas de salariés !
M. Bernard Perrut. J’en citerai une simple phrase : « Pour réussir l’insertion durable d’un jeune, parlons-lui de travail, de parcours, de rigueur, de plaisir, de métier, d’évolution, de respect, d’équité, de réalité, mais surtout pas d’aide, d’assistance ou de différence. »
M. Jacques Desallangre. Pourquoi aidez-vous les patrons, alors ?
M. Bernard Perrut. Je crois que cette proposition de loi a justement pour but de prendre en compte les jeunes dans leur dimension humaine et dans leurs espoirs. Pour cela, nous devons être à leurs côtés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La discussion générale est close.
Je vais à présent donner la parole au ministre, après quoi je lèverai la séance. Nous examinerons demain matin, lors de la prochaine séance, les deux articles de la proposition de loi, qui font l’objet de trente et un amendements. Dans ces conditions, il n’est pas impossible que nous puissions examiner la suite du projet relatif aux déchets radioactifs demain après-midi, après les questions d’actualité. J’en informe ceux d’entre vous qui participent à ce débat et qui pensaient ne pouvoir le reprendre que demain soir.
La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.
M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Mesdames et messieurs les députés, je ne vous surprendrai pas en vous disant que le Gouvernement accueille avec…
M. Jean-Pierre Blazy. Soulagement !
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. …attention, soutien et faveur cette proposition de loi. (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Christian Paul. Spontanée !
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Pour avoir, avec Gérard Larcher, participé à cette démarche innovante (Rires et exclamations sur les mêmes bancs), intéressante, d’une proposition de loi portée, dans la concertation, par les présidents de groupe à l’Assemblée nationale et au Sénat en présence des rapporteurs du projet de loi sur l’égalité des chances ; pour avoir participé avec eux à ces dix-neuf réunions de travail intensives, constructives,…
M. Jean-Pierre Blazy. Quel numéro !
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. …je veux dire, au nom du Gouvernement, que ce travail piloté par Bernard Accoyer (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste),…
M. Maxime Gremetz. Il n’est pas là !
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. …par Josselin de Rohan et par les rapporteurs, est allé à l’essentiel.
M. Alain Néri. Abrogation !
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Il a été proposé aux partenaires sociaux, qui l’ont tous accepté, un débat sur l’insertion professionnelle des jeunes pour aborder des sujets qui ne sont pas simples, par exemple passer de diplômes diplômants à des diplômes qualifiants dans certaines filières.
M. Pierre Cohen. Assumez l’échec !
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Les organisations étudiantes qui ont participé à la concertation ont toutes manifesté leur amour de l’université, ainsi que leur volonté de s’épanouir dans l’entreprise.
M. Pierre Cohen. C’est pitoyable !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Honteux ! C’est le retrait du CPE qu’elles demandaient !
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Mais tous ont bien compris aussi qu’il fallait prendre des mesures immédiates pour les jeunes en grande difficulté. Vous avez utilisé certains qualificatifs, mais cette proposition de loi s’appuie sur des dispositifs qui existent.
Mme Hélène Mignon. Mais qui ne marchent pas !
M. Alain Néri. Ce sont des sables mouvants !
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Pour les jeunes en difficulté, mieux vaut doper des dispositifs qui existent que d’en inventer qui mettront du temps à se mettre en place ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Maxime Gremetz. C’est vrai ! À quoi bon inventer le CPE ?
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Vous parlez de mesurettes, mais il s’agit de contrats de professionnalisation associant formation théorique et formation pratique. L’État apportera une aide à ces contrats mis au point par les partenaires sociaux il y a un an : 78 000 ont déjà été signés et l’on en signe 13 000 par mois actuellement.
M. Jean-Pierre Blazy. Alors pourquoi faire une loi ?
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Doper aujourd’hui ces contrats en les orientant sur les jeunes éloignés de l’emploi qui ont des vrais problèmes de qualification devrait nous permettre de passer à 200 000 contrats de professionnalisation à la fin de l’année selon la maquette budgétaire que nous avons arrêtée.
M. Jean-Pierre Blazy. Quelle confusion !
M. Pierre Cohen. C’est une honte !
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Alors ne dites pas que ce sont des mesurettes !
M. Alain Néri. Arrêtez de vous contorsionner ! Abrogez le CPE !
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Ce sont des dispositifs d’insertion dans l’entreprise avec une formation, voulus par les partenaires sociaux – les organisations de salariés aussi bien que d’entrepreneurs – et qui fonctionnent partout en Europe.
Par ailleurs, il est proposé des formations qualifiantes pour les 150 000 jeunes en très grande difficulté. Nous souhaitons leur offrir 50 000 contrats de préqualification, qui sont financés, au moins autant de SEJE, et des contrats de professionnalisation.
M. Maxime Gremetz. C’est la flexi-précarité !
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. De la concertation à laquelle j’ai participé avec Gérard Larcher, les deux présidents de groupe et les deux rapporteurs, je retire un sentiment de confiance en l’avenir. Je tiens à remercier la commission des affaires sociales, qui a étudié ce texte en urgence.
M. Alain Néri. Ce n’est pas un texte, c’est un extincteur !
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur Hénart, le Gouvernement a lu attentivement votre rapport, établi dans des conditions contraignantes. Il est remarquable. A l’extérieur, on pense peut-être que la voie parlementaire est lente, alors qu’elle est rapide. Je remercie les parlementaires, de l’opposition comme de la majorité, de siéger ce soir et de ne pas faire d’obstruction au débat. Ce qui nous réunit, c’est de souhaiter que le dialogue…
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est une honte de parler de dialogue !
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. …de même que les cours au lycée et à l’université puissent reprendre au plus vite et dans les meilleures conditions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
M. le président. Aujourd’hui, à neuf heures trente, première séance publique :
Suite de la discussion de la proposition de loi, n° 3013, de MM. Bernard Accoyer, Jean-Michel Dubernard et Laurent Hénart sur l’accès des jeunes à la vie active en entreprise :
Rapport, n° 3016, de M. Laurent Hénart, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
À quinze heures, deuxième séance publique :
Questions au Gouvernement ;
Suite de l’ordre du jour de la première séance ;
Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi de programme, n° 2977, relatif à la gestion des matières et des déchets radioactifs :
Rapport, n° 3003, de M. Claude Birraux, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.
À vingt et une heures trente, troisième séance publique :
Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mercredi 12 avril 2006, à zéro heure quarante.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l’Assemblée nationale,
jean pinchot