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M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Brard. Mon intervention concernant directement le déroulement de la séance, elle entre parfaitement dans le cadre de l’article 58 de notre règlement.
Le droit d’amendement est un droit fondamental des parlementaires qui leur permet de peser sur la fabrication de la loi. Or, monsieur le président, vous avez fait disparaître l’un de mes amendements. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Cela m’étonne de vous, qui protégez toujours les droits de l’opposition.
Cet amendement était ainsi rédigé : « L’article 8 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances est karchérisé ». (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Ce n’est pas français !
M. Jean-Pierre Brard. Alors que cet amendement avait été examiné par la commission des affaires sociales – je parle sous le contrôle de M. Hénart et de M. Dubernard – vous avez jugé sa rédaction inacceptable, sous prétexte qu’on ne trouvait pas le verbe « karchériser » dans le dictionnaire Larousse.
Je vous répondrai d’abord, monsieur le président, que le Larousse n’est pas un document officiel : il ne dit pas la loi en matière de linguistique ; il n’a pas même une autorité académique.
Deuxièmement, le fait précède le droit. Ce n’est pas moi qui ai employé le premier ce mot qui est teuton, mais, et cela n’a rien d’étonnant, un homme politique qui a déclaré à New York qu’il se sentait étranger dans son propre pays.
Je ne vous apprendrai pas, monsieur le président, qui pratiquez parfois cet art, que l’humour est souvent plus efficace que les litanies ennuyeuses du formalisme juridique. J’ai trouvé, pour ma part, un dictionnaire qui définissait « karchériser » de la façon suivante : « nettoyer en profondeur », c’est-à-dire enlever ce qui n’est pas propre – le CPE en l’occurrence.
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. C'est de la réclame ! Cela suffit !
M. le président. Concluez, monsieur Brard.
M. Jean-Pierre Brard. Je termine, monsieur le président.
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. C’est Bricorama !
M. Jean-Pierre Brard. Pas du tout. Ce terme, qui trahissait un profond mépris pour les jeunes des quartiers populaires, a constitué une véritable agression…
M. Éric Raoult. La société en question est implantée en Seine-Saint-Denis !
M. Jean-Pierre Brard …contre des jeunes, monsieur Raoult, qui sont déjà humiliés quotidiennement, perpétuellement rabaissés dans leur personne et dans leur vie familiale.
Le ministre d’État, dont on connaît les qualités de provocateur, ne va pas jusqu’à assumer ses opinions passées. Je vous rappelle les déclarations enthousiastes des sarkozystes de cette assemblée…
M. le président. Je vous remercie, monsieur Brard…
M. Jean-Pierre Brard …en faveur du CPE.
M. le président. Monsieur Brard.
M. Jean-Pierre Brard. Vous me permettrez de vous dire pour finir, monsieur le président, que vous avez tort de priver l’Assemblée de l’apport du ministre d’État au renouvellement de notre langue, un ministre d’État qui est l’ami de Mme Bettencourt et de Tom Cruise !
M. le président. Il est vrai, monsieur Brard, que j’ai refusé votre amendement. Mais sachez que j’ai l’intention de soumettre à l’Académie française, d’une part la question de savoir si ce mot est français, et d’autre part votre candidature ! (Sourires.)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de MM. Bernard Accoyer, Jean-Michel Dubernard et Laurent Hénart sur l’accès des jeunes à la vie active en entreprise (nos 3013, 3016).
M. le président. Nous abordons l’examen des articles.
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 16 portant article additionnel avant l’article 1er.
La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.
Mme Martine Billard. Cet amendement vise à renforcer le mode de financement du fonds de solidarité créé par la loi du 4 novembre 1982, qui indemnise les salariés en fin de contrat précaire, notamment de « contrat nouvelles embauches ». Initialement destiné à assurer le versement de l’allocation solidarité spécifique, il a été chargé par la suite d’assumer la charge de la prime forfaitaire de retour à l’emploi et de la prime mensuelle.
Si ses missions se sont donc considérablement étendues, les moyens n’ont pas suivi. De ce fait, le bénéfice de l’ASS ne cesse de se restreindre : il est arrivé que des bénéficiaires voient leur allocation réduite de moitié faute de disposer de façon stable d’une adresse postale où recevoir les convocations de l’ANPE, ce qui est précisément une des conséquences de la précarité. Cette réduction des revenus de nombreux salariés privés d’emploi tombe bien, puisque ce fonds n’est pas abondé autant qu’il le faudrait.
Cet amendement vise également à dissuader les entreprises d’abuser des contrats précaires. Nous ne contestons pas la nécessité de recourir à des contrats à durée déterminée dans des cas bien particuliers et prévus par le code du travail, par exemple pour remplacer une salariée en congé maternité ou un salarié en congé parental. Mais la multiplication des contrats précaires à laquelle nous assistons aujourd’hui excède largement ces besoins, et le code du travail n’est pas toujours respecté.
C’est pour ces raisons que cet amendement vise à augmenter la contribution des entreprises qui ont recours à l’emploi précaire. Il ne s’agit pas de justifier le développement de ces contrats précaires : il s’agit au contraire d’en détourner les entreprises, tout en assurant aux salariés frappés par cette précarité un revenu leur permettant de vivre, de se loger, de se nourrir et de se soigner.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 16.
M. Laurent Hénart, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Comme vous le savez, madame Billard, le chef de l’État a exprimé le souhait que le financement de l’assurance chômage et de la protection sociale en général fasse l’objet d’une réflexion en concertation avec les partenaires sociaux. Il s’agit notamment de tenir compte de la durée des emplois proposés.
Étant donné que des concertations sont d’ores et déjà en cours – je pense, monsieur le ministre délégué à l’emploi, que vous le confirmerez – il ne me paraît pas opportun d’interférer dans ces débats. La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, pour donner l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je rappelle, après M. le rapporteur, la réflexion lancée par le Président de la République au mois de janvier, notamment sur la question de la valeur ajoutée.
Plusieurs députés du groupe socialiste. Quel rapport ?
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Cette réflexion se poursuit, non seulement au sein du pôle de cohésion sociale mais également au ministère des finances. Il s’agit notamment de favoriser le développement de l’emploi.
La refondation du régime d’assurance chômage, souhaitée par les partenaires sociaux, est un autre débat. Je voudrais souligner que c’est à eux qu’il appartient de définir les modalités de fonctionnement de ce régime ; nous avons d’ailleurs étendu l’accord qu’ils ont conclu. Or ils ont exprimé la volonté de s’attaquer cette année aux filières du régime d’assurance chômage, notamment en ce qui concerne la nature des contrats de travail et du niveau de cotisation.
Il faut laisser aux partenaires sociaux le soin de réfléchir sur cette question, avant d’y concourir à notre tour. Nous sommes donc défavorables à cet amendement pour des raisons de fond, liées à la nécessité du dialogue social.
M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.
M. Gérard Bapt. Je veux exprimer le grand intérêt du groupe socialiste à l’endroit de votre amendement, madame Billard. Il pose en effet un problème de fond concernant les allocataires sociaux en recherche d’emploi.
C’est pourquoi, monsieur le rapporteur et monsieur le ministre, nous ne comprenons pas que vous nous renvoyiez à des débats d’une nature totalement différente, tels que la négociation avec les partenaires sociaux sur l’avenir de l’assurance chômage, ou la réflexion sur une nouvelle redistribution de la valeur ajoutée au travers d’une réforme des cotisations patronales – ce dernier débat vise, si j’ai bien compris, à favoriser à la fois l’emploi et l’attractivité du territoire : il s’agit donc de compétitivité, et absolument pas d’action sociale.
Voilà pourquoi nous soutenons l’amendement de Mme Billard.
M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.
Mme Martine Billard. Je me réjouis d’entendre aujourd’hui dans cet hémicycle qu’il faut privilégier la négociation avec les partenaires sociaux. Si on l’avait fait à propos du CPE, nous ne serions pas en train de siéger, un mercredi matin, pour le supprimer. Je suis évidemment tout à fait favorable à la négociation et j’attends les propositions que ne manquera pas de formuler l’ensemble des confédérations syndicales et des organisations patronales.
Je vous ferai simplement remarquer que votre point de vue revient à interdire toute discussion à l’opposition : lorsque nous nous contentons de contester ce que vous proposez, vous nous reprochez notre absence de propositions ; mais lorsque nous formulons des propositions, vous refusez de les étudier sous prétexte qu’il faut attendre la négociation des partenaires sociaux.
Les cinq amendements que j’ai déposés ne reprennent pas d’ailleurs l’ensemble des solutions pour lutter contre la précarité contenues dans la proposition de loi déposée par les trois députés Verts : nous espérons pouvoir défendre l’ensemble de nos propositions dans le cadre précisément d’un grand débat citoyen consacré à cette question, avec notamment les partenaires sociaux.
J’ai pensé cependant que la proposition de loi que nous examinons ce matin, qui ne propose rien d’autre qu’une nouvelle augmentation des aides aux entreprises, était l’occasion de défendre une solution inverse, qui sanctionne le recours abusif aux contrats précaires.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 31 et 7, pouvant être soumis à une discussion commune.
Sur le vote de l'amendement n° 31, je suis saisi par le groupe Union pour la démocratie française d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n° 31.
M. Francis Vercamer. Vous remarquerez, monsieur le président, que j’ai demandé un scrutin public avant de défendre mon amendement, de façon à ne pas freiner inutilement nos débats.
M. Jean-Pierre Brard. Erreur de jeunesse !
M. Francis Vercamer. Il s’agit d’un amendement important. On se souvient en effet de la façon dont le CPE avait été introduit, sans aucun dialogue social préalable, par voie d’amendement que la commission avait à peine examiné puisqu’elle avait déjà commencé ses travaux quand il est arrivé. On a vu le résultat : des mois de manifestations et au final une crispation de l’ensemble de la vie sociale française.
C’est pourquoi je propose d’inscrire dans la loi l’obligation de saisir les partenaires sociaux avant toute réforme législative du code du travail.
Je rappelle que M. Fillon – qui est, je le rappelle, un cadre dirigeant de l’UMP –…
M. Jean-Pierre Brard. C’en est un inspirateur !
M. Francis Vercamer. … écrivait dans le « préambule » du titre II du projet de loi sur la formation professionnelle tout au long de la vie et le dialogue social : « Sans affecter les responsabilités du Gouvernement et du Parlement, telles qu’elles sont définies par la Constitution, la présente loi doit être l’occasion tout à la fois d’affirmer et de montrer l’application concrète du principe, déjà institué au sein de l’Union européenne, selon lequel toute réforme substantielle modifiant l’équilibre des relations sociales doit être précédée d’une concertation effective avec les partenaires sociaux et, le cas échéant, d’une négociation entre ceux-ci. À cet égard, le Gouvernement prend l’engagement solennel…
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour la démocratie française et du groupe socialiste. Eh oui !
M. Francis Vercamer. …de renvoyer à la négociation nationale interprofessionnelle toute réforme de nature législative relative au droit du travail. » L’amendement que je propose ne fait que traduire cet engagement.
On m’objectera qu’il est de nature constitutionnelle, mais avant d’inscrire un jour cette disposition dans la Constitution, nous pouvons déjà le faire aujourd’hui dans la loi. Ce matin en effet M. Chérèque a déclaré que M. de Villepin, qu’il avait appelé pour lui reprocher de ne pas avoir respecté le préambule de la loi, lui avait répondu qu’il n’était pas obligé de le faire, puisqu’il ne s’agissait précisément que du préambule, et non de la loi.
M. Gérard Bapt. Quelle manipulation !
Plusieurs députés du groupe socialiste. Scandaleux !
M. Patrick Ollier. M. Vercamer pratique des écoutes téléphoniques ?
M. Francis Vercamer. C’est une raison de plus pour inscrire cette concertation dans la loi.
M. Hénart a beau dire qu’une loi peut le supprimer ce qu’une autre loi a créé, qui osera supprimer un amendement exigeant le dialogue social avant toute réforme du code du travail ?
M. le président. L’avis de la commission et du Gouvernement est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour soutenir l’amendement n° 7.
M. Gaëtan Gorce. Cet amendement, qui a le même objet que le précédent, nous donne l’occasion de rappeler quelques principes et d’indiquer l’état d’esprit dans lequel le groupe socialiste aborde ce débat.
Si les dispositions figurant dans cet amendement avaient été respectées, peut-être n’en serions-nous pas là.
M. Alain Néri. Sûrement !
M. Gaëtan Gorce. Si le Gouvernement avait appliqué la règle qu’il s’était lui-même fixée d’une concertation préalable, sans doute aurait-on évité les deux mois de crise sociale, de manifestations et de paralysie relative du pays que nous avons connus. Il faut rappeler sans cesse que la démocratie sociale et l’intervention dans les domaines relatifs au droit du travail relèvent notamment – et peut-être avant tout – des partenaires sociaux, et cela d’autant plus que vous vous y êtes engagés dans l’exposé des motifs d’une loi sur le dialogue social.
On a perdu beaucoup de temps. Après le gâchis de ces deux mois, il faut maintenant trouver une issue. Elle était évidente depuis le début : le retrait. C’est, après l’imbroglio juridique dans lequel s’est engagé le Président de la République en abrogeant une loi qu’il venait de promulguer, ce que doit permettre la proposition de loi que nous examinons. Pour autant, nous n’en approuvons pas le dispositif : une abrogation pure et simple de l’article 8 aurait été plus claire et suffisante.
Vous avez souhaité lui ajouter des dispositions sur lesquelles nous présenterons quelques amendements, et ignorer d’autres questions, comme le CNE. Nous ne nous opposerons pas à l’adoption de ce texte – et nous n’avons d’ailleurs pas déposé de motions de procédure –, mais nous ne pouvons pas approuver pour autant ses trop nombreuses insuffisances et ses faiblesses, à commencer par l’absence de la concertation qui aurait dû commander l’action des pouvoirs publics.
M. le président. L'avis de la commission et du Gouvernement est défavorable.
Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je vais donc mettre aux voix l’amendement n° 31.
Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
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M. le président. Le scrutin est ouvert.
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M. le président. Le scrutin est clos.
Voici le résultat du scrutin :
L’Assemblée nationale n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 7.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 2 rectifié.
La parole est à M. Christian Paul, pour le soutenir.
M. Christian Paul. Parmi les articles totalement scandaleux du texte abusivement baptisé « loi pour l’égalité des chances », il est une disposition que nous souhaitons voir abroger à l’occasion de ce débat, c’est celle qui élargit l’autorisation du travail de nuit pour les jeunes apprentis de moins de dix-huit ans. Cette disposition, que nous avons vigoureusement contestée dès la première lecture du texte, institutionnalise en quelque sorte le travail de nuit pour les mineurs et s’applique aux apprentis dès l’âge de quinze ans, puisque le travail de nuit des mineurs est lié à la mise en place de l’apprentissage précoce que vous avez voulu.
Cette régression a été dénoncée, comme l’ont été le CPE et cette faute éducative et politique qu’est l’apprentissage dès quatorze ans. Par cet amendement, le groupe socialiste vous demande solennellement, chers collègues de la majorité, à l’occasion de la session de rattrapage supplémentaire qui vous est offerte, d’abroger cet article qui autorise le travail de nuit pour les jeunes apprentis et se situe dans le droit fil des mesures que vous avez prises, monsieur le ministre, quelques mois avant le débat sur ce texte, par un décret dont vous êtes, cosignataire et qui étend à certaines professions le travail de nuit.
Vous avez aujourd’hui l’occasion de remédier à cette régression. Je vous demande de le faire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Hénart, rapporteur. Je vais prendre quelques minutes pour répondre, car la question du travail de nuit est importante et illustre la manière dont travaille parfois le groupe socialiste dans les débats parlementaires.
M. Christian Paul. Vous donnez encore des leçons ? C’est scandaleux !
M. le président. Monsieur Paul, je vous en prie !
M. Laurent Hénart, rapporteur. Tout le monde souhaite que le travail de nuit des mineurs soit encadré.
M. Christian Paul. Cette arrogance était peut-être tolérable lors de l’examen de la loi, mais aujourd’hui, elle n’est plus de mise !
M. le président. Monsieur Paul, évitez les provocations, je vous prie. Vous l’avez bien dit : l’heure n’est pas aux leçons.
M. le rapporteur a la parole, et lui seul.
M. Laurent Hénart, rapporteur. Le sujet est assez important pour qu’on me permette de m’exprimer !
Pour ce qui est de la chronologie, je rappelle que le travail de nuit a été encadré dans deux secteurs dans les années 1970 : en 1973 pour le spectacle, la restauration et l’hôtellerie, puis en 1979 pour la boulangerie. Par la suite, les gouvernements ont légiféré sur le travail de nuit en 1990, puis par ordonnance – je dis bien par ordonnance –…
M. Jean-Pierre Brard. Comme Villepin !
M. Laurent Hénart, rapporteur …en 2001. (« Ah » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Laurent Hénart, rapporteur. À chaque fois, monsieur Paul, votre majorité, qui tenait la plume, n’a rien modifié de l’économie du droit. 2001, ce n’est pas le xixe siècle, ce n’est pas Zola :…
M. Guy Geoffroy. C’est Jospin !
M. Laurent Hénart, rapporteur …c’était il y a un peu plus de quatre ans !
Aujourd’hui, après la réforme de 2005 dont le décret d’application a été pris en janvier, le droit applicable est le suivant. D’abord, le travail de nuit est interdit pour tous les mineurs de moins de seize ans, à la seule exception du secteur du spectacle – exception que vous aviez vous-mêmes validée dans l’ordonnance de 2001 et qui est demandée par les professionnels de ce secteur.
En deuxième lieu, les décrets prévus, qui encadrent l’application concrète du travail de nuit, ont été publiés. Il est essentiel de le rappeler, car l’ordonnance de 2001, si elle posait, comme la loi de 2005, des principes généraux, renvoyait à des décrets qui n’ont jamais été pris par votre majorité.
M. Christian Paul. Et pour cause !
M. Laurent Hénart, rapporteur. Cela signifie que la situation de métiers comme l’hôtellerie et la restauration demeurait dans un vide juridique complet. Ici, les décrets sont très précis. Ils dressent d’abord la liste des métiers. Ensuite, ils interdisent le travail de nuit complet pour les mineurs âgés de seize à dix-huit ans. Seuls sont possibles des empiétements d’une heure et demie à deux heures sur le temps de nuit, comme de vingt-deux heures à vingt-trois heures trente dans l’hôtellerie et la restauration ou de quatre à six heures du matin la boulangerie. Une troisième mesure, que vous n’avez jamais voulu envisager, évite les abus en interdisant le travail de nuit d’un apprenti mineur de seize à dix-huit ans sans la présence effective de son maître d’apprentissage. Je rappelle en outre que ce travail de nuit est soumis à l’appréciation individuelle de l’inspection du travail et au contrôle de celle-ci – ce que vous vous êtes bien gardé de dire.
Enfin, rien dans la loi sur l’égalité des chances ne modifie le travail de nuit des mineurs. Vos amendements sur cette question ont eu pour seul but de déplacer le débat en faisant croire que c’était le cas et d’attraire dans la loi pour l’égalité des chances le débat que vous auriez dû conduire dans la loi du 26 juillet 2005.
Si vous voulez jouer à ce jeu, monsieur Paul, je conclurai en vous citant un extrait de l’article 1er de l’ordonnance de 2001 signée de M. Jospin et de Mme Guigou : « Ces dispositions » – si protectrices à vous en croire ! – « ne font pas obstacle à ce que ces mineurs, lorsqu’ils ont plus de quatorze ans, se livrent à des travaux adaptés à leur âge pendant leurs vacances scolaires ». Faut-il donc aller jusqu’à dire que Lionel Jospin a instauré par ordonnances le travail des mineurs de quatorze ans ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean-Pierre Brard. Voilà une éloquence digne de la place Stanislas !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Même avis que la commission.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.
Mme Catherine Génisson. Je ne puis cautionner la réponse de notre rapporteur. Le travail de nuit est un sujet grave et délicat qui a fait l’objet non d’une ordonnance, mais bien d’un texte de loi : la loi du 9 mai 2001, qui a donné lieu à bien des débats sur tous les bancs de cette assemblée.
M. Maxime Gremetz. Nous avons voté contre !
Mme Catherine Génisson. Auparavant, la réglementation du travail de nuit n’existait pas et l’on se fondait en la matière sur les us et coutumes.
La loi du 9 mai 2001 a introduit dans le code du travail une réglementation du travail de nuit, prévoyant des mesures très protectrices qui se voulaient dissuasives du recours au travail de nuit. Ne dites donc pas, monsieur le rapporteur, que le travail de nuit a été institué par voie d’ordonnances en 2001 : ce n’est pas vrai.
Mme Martine David. Ils n’ont toujours pas compris !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 1 et 14, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour soutenir l’amendement n° 1.
M. Gaëtan Gorce. Le rejet de l’amendement n° 2 rectifié – comme d’ailleurs celui de l’amendement précédent – montre bien que le Gouvernement n’opère dans cette affaire qu’un repli tactique et que, s’il est contraint de renoncer au CPE sous la pression de l’opinion publique, des syndicats et de la jeunesse, il n’a malheureusement pas l’intention de changer d’orientations et de politique. Avec le texte que nous examinons aujourd’hui, il cherche encore à confirmer les orientations que refusent les partenaires sociaux et la majorité de nos concitoyens.
Nous allons donner au Gouvernement une nouvelle occasion de mettre sa pratique en accord avec les revendications fortement exprimées par nos concitoyens, à propos cette fois du CNE.
Vous avez décidé, dans des conditions qui vous honorent sans doute, compte tenu de la manière employée, d’abroger le CPE. Ce dernier était, au fond, le frère jumeau du contrat nouvelles embauches, le CNE, adopté au moyen de l’ordonnance présentée par le Premier ministre lors de son entrée en fonctions et qui comporte exactement les mêmes caractéristiques. Ce que les Français ont rejeté avec le CPE, ce n’est pas seulement une forme de contrat, mais l’arbitraire d’un licenciement dont on n’avait pas à connaître les motifs et qui pouvait intervenir sans délai. Or, c’est précisément ce qui caractérise le CNE : un licenciement dont les motifs n’ont pas à être communiqués et qui n’appelle aucune justification, susceptible d’intervenir dans des délais que ne maîtrisent pas les salariés concernés.
Le CNE comporte donc exactement les mêmes atteintes au code du travail, au droit du travail, au droit du contrat de travail à durée indéterminée, que le CPE. Si vous avez compris le message qui vous a été adressé à travers le CPE, vous devez alors aussi en tirer les conséquences pour le contrat nouvelles embauches. Sinon, cela veut dire que vous n’opérez qu’un repli tactique, que vous cherchez simplement à trouver une voie pour une retraite en bon ordre, mais que vous n’avez pas l’intention de changer votre orientation alors que c’est celle-ci qui est condamnée.
Vous allez me dire que de nombreux CNE ont été signés depuis la fin de l’année dernière – ils s’appliquent, je le rappelle, seulement aux entreprises de moins de vingt salariés – ; mais l’effet de substitution par rapport aux autres types de contrats, notamment au CDI classique, est patent. L’effet net sur la création d’emplois est impossible aujourd’hui à estimer de manière sérieuse, en tout cas pas suffisamment pour justifier de telles dérogations. Si vous avez effectivement décidé de retirer ou d’abroger le CPE, vous devez accepter le retrait du CNE, pour autant, naturellement, comme le prévoit notre amendement, qu’il soit prévu une sécurisation juridique pour les salariés concernés par les contrats déjà signés, qui devront être requalifiés sous le contrôle des partenaires sociaux. Ce que nous demandons, c’est que vous soyez totalement cohérent, monsieur le ministre : puisque les CPE ne pourront plus s’appliquer aux jeunes de seize à vingt-cinq ans dans les entreprises de plus de vingt salariés, ils ne doivent pas non plus continuer à s’appliquer, comme ce serait le cas si le CNE était maintenu, aux jeunes dans les entreprises de moins de vingt salariés.
M. René Dosière. Très bien !
M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 1, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l’amendement no 14.
Mme Martine Billard. Cet amendement vise, comme le précédent, à abroger l’ordonnance qui a créé les CNE. C’est vrai qu’il y a une philosophie commune entre le CNE et le CPE. D’ailleurs, que demandait le MEDEF ? Il réclamait l’extension du CNE aux entreprises de plus de vingt salariés. C’est bien pourquoi il était réticent à l’égard du CPE et qu’il ne l’a jamais tellement défendu : il trouvait que la méthode n’était pas habile et qu’elle était en train de plomber la stratégie visant à étendre le CNE à l’ensemble des entreprises. Parce qu’en fait, derrière tout cela, il s’agit pour lui de casser le CDI. L’idée sous-jacente est qu’en flexibilisant totalement le travail, en supprimant la motivation du licenciement, il serait plus facile de créer de l’emploi. Or c’est exactement le contraire, parce que l’on fait ainsi tourner les salariés sur le même emploi, mais sans créer d’emplois en plus.
Nous ne disposons toujours pas du bilan du CNE. Il faut rappeler tout de même que, dans l’ordonnance, il était prévu un bilan au bout de six mois d’application de ce dispositif. Or nous en sommes à plus de six mois. Mais il est très difficile d’en faire un étant donné que le nombre de CNE créés n’a aucun intérêt puisque nous ne savons pas combien il y a de CDI et de CDD en moins. Le chiffre intéressant à connaître serait celui des emplois créés en plus.
M. Guy Geoffroy. 150 000 !
Mme Martine Billard. Non, pour l’instant il y en a eu très peu : 30 000 à 40 000, selon le Gouvernement. Et il faudra voir si ce sont des emplois durables.
Aujourd’hui, vous êtes obligés de reculer sur le CPE à cause de l’immense mobilisation dans le pays, mais nous savons bien qu’en fait votre rêve est de reprendre l’offensive dès que ce sera possible pour étendre les dispositions prévues dans le CNE à l’ensemble des entreprises. Et c’est bien ce que les salariés refusent parce que, tout simplement, tout être humain a envie de pouvoir construire sa vie,…
M. Lionnel Luca. Bla-bla !
Mme Martine Billard. …avec un minimum de perspectives devant lui. Proposer aux salariés de ne jamais savoir si, dans un mois, ils auront encore un emploi ; proposer aux salariés de pouvoir être jetés sans savoir pourquoi : est-ce parce qu’ils ne sont pas en état de remplir la tâche qui leur a été confiée ou parce qu’ils ont demandé le paiement des heures supplémentaires qu’ils avaient effectuées, ou encore parce qu’ils sont venus faire leur course, un jour de repos, dans le supermarché où ils étaient employés et que le patron a trouvé qu’ils étaient mal habillés et les a licenciés, comme c’est arrivé à un salarié (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire); tout cela ouvre-t-il des perspectives ? Eh oui, chers collègues, le cas que je viens de citer passe devant les prud’hommes. Ce n’est pas inventé. Il faut donc, dans la foulée de l’arrêt du CPE, arrêter le CNE.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 1 et 14 ?
M. Laurent Hénart, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson. ( Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Chers collègues, chacun a le droit de s’exprimer !
M. Jean-Pierre Brard. Ça va élever le débat !
M. le président. Monsieur Brard, vous n’êtes pas encore à l’Académie française !
Monsieur Soisson, vous avez la parole.
M. Jean-Pierre Soisson. Mes chers collègues, le Parti socialiste est en train de pratiquer la tactique du grignotage. Les socialistes veulent supprimer le contrat nouvelles embauches après le contrat première embauche. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous avons sans doute dû reculer sur le CPE, mais n’ayons pas honte de la politique sociale que nous conduisons depuis plusieurs années. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – « Si, honte à vous ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Elle porte ses fruits ! Nous sommes derrière le Gouvernement, rassemblés pour la poursuivre, et il n’est pas question de se laisser happer par ce détricotage dans lequel le parti socialiste voudrait nous entraîner ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
M. Maxime Gremetz. Félicitations à M. Soisson : il dit tout haut ce que vous, ses collègues de l’UMP, pensez tout bas. Il a au moins ce mérite. C’est clair et précis : il dit que la politique du Gouvernement est excellente (« Oui ! » plusieurs sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), comme la rue l’a évidemment montré.
Nous demandons depuis le début le retrait du CNE. Je rappelle que ce dispositif a été institué par ordonnance, en plein mois d’août. Et, comme par hasard, il nous préparait au CPE ! Le Gouvernement s’est dit qu’il avait fait passer le CNE discrètement, en plein été, qu’il n’y avait pas eu trop de réactions, et cela l’a encouragé à aller vers le CPE.
M. Claude Goasguen. Mais une ordonnance relève du législatif !
M. Maxime Gremetz. Le CNE, c’est quoi ? C’est le cœur même du CPE ; c’est la même philosophie, à savoir la remise en cause des contrats qui doivent être la norme, c’est-à-dire les contrats à durée indéterminée. Vous ne voulez plus voir le contrat à durée indéterminée dans le code du travail. Le CNE, c’est un contrat spécial, spécifique, qui ne prévoit évidemment pas une lettre de licenciement si on fume – j’ai vu que le Gouvernement avait reculé à propos du tabac, et il a bien fait –,…
Mme Martine Billard. Ah non ! Il n’a pas bien fait !
M. Maxime Gremetz. …mais si on fait grève, si on exprime un tant soit peu des revendications, c’est la lettre de licenciement dès le lendemain, sans motivation et sans possibilité de contestation. Le CNE est donc bien le cœur même du CPE, et c’est pourquoi il est tout à fait logique que nous demandions son retrait. Et on va y arriver !
M. Jacques Le Guen. Non ! Non !
M. le président. Monsieur Le Guen, conservez votre calme. Ce n’est pas bon de s’énerver dès le matin. (Sourires.)
La parole est à M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. Le groupe UDF est évidemment sensible à ces amendements. J’avais souligné, lors du débat sur le CPE, que l’instabilité juridique de ce contrat de travail était contraire au droit international.
M. Maxime Gremetz. Voilà !
M. Francis Vercamer. Le CNE est bâti sur le même dispositif : pas de motivation pour le licenciement, une période d’essai plus longue que ce qu’accepte la Cour de cassation. Il a donc la même caractéristique que le CPE en matière juridique. Forcément, nous nous posons donc des questions à son sujet. Néanmoins, avant de s’exprimer davantage sur l’intérêt économique et social du CNE en matière d’emploi, nous aimerions disposer du rapport promis par le Gouvernement. Il est vrai que les prud’hommes ont tranché : ils ont déjà indiqué, à plusieurs reprises, que le CNE était contraire au droit international, et, malheureusement, les entreprises qui avaient licencié après les avoir signés ont été condamnées puisqu’elles n’avaient pas motivé les licenciements. Certes, une entreprise n’embauche pas pour licencier. Les entreprises, pour la plupart, embauchent des gens parce qu’elles en ont besoin. Il n’y aura donc pas une contestation devant les prud’hommes pour chaque CNE signé.
Entre le CPE et le CNE, il y a des différences. Le CPE était discriminatoire : il visait une tranche de population, c’est-à-dire les jeunes de moins de vingt-six ans,…
M. Claude Goasguen. Le fait d’être jeune est-il discriminant ?
M. Francis Vercamer. …alors que le CNE, lui, touche toute la population,…
M. Maxime Gremetz. C’est encore pire !
M. Francis Vercamer. …mais concerne seulement les très petites entreprises. Je rappelle d’ailleurs que, dans le droit du travail, les entreprises de moins de dix salariés n’ont pas les mêmes contraintes que les autres puisque le CDI y est beaucoup moins protecteur.
Le groupe UDF va s’abstenir sur ces deux amendements (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe socialiste),…
M. Jean-Pierre Soisson. C’est une honte !
M. Jacques Le Guen. Guignol !
M. le président. Je vous en prie, monsieur Le Guen !
M. Francis Vercamer. …car il attend encore les chiffres et le rapport promis par le Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.
M. Jean-Marc Ayrault. Je souhaiterais interroger le Gouvernement, puisqu’il s’est contenté d’émettre un avis défavorable, sans argumenter. Mais l’intervention de M. Soisson est fort intéressante, et je le remercie de sa franchise.
M. Christian Paul. Oui ! Très bien !
M. Jean-Marc Ayrault. Hier soir, dans la discussion générale, nous avons entendu le point de vue de l’UMP sur le fond. Et je crains que, malgré ces trois mois de conflit qui vont vous conduire, vous l’UMP, à défaire ce que vous avez fait, assumé et défendu pendant trois mois, c’est-à-dire à décider la mort du CPE, le paysage ne soit pas pour autant dégagé pour permettre un vrai débat, une vraie négociation avec les partenaires sociaux.
J’en doute d’abord parce que, il y a quelques instants, vous avez refusé d’inscrire dans la loi, mesdames, messieurs les députés de la majorité, monsieur le ministre, ce que vous aviez inscrit dans l’exposé des motifs de votre loi sur le dialogue social en 2004, et que vous demandent les organisations syndicales, que nous avons rencontrées nous aussi jeudi : « […] le Gouvernement […] saisira officiellement les partenaires sociaux, avant l’élaboration de tout projet de loi portant réforme du droit du travail, afin de savoir s’ils souhaitent engager un processus de négociation sur le sujet évoqué par le Gouvernement. » Notre amendement visait précisément à prendre en compte dans un article de loi, pour que cela soit effectivement opposable, ce que le Gouvernement écrivait dans l’exposé des motifs de la loi du 4 mai 2004. Vous l’avez refusé. Permettez-moi donc de douter de votre sincérité.
M. Maxime Gremetz. Moi, je n’ai pas de doute !
M. Jean-Marc Ayrault. Je crains que les problèmes ne soient encore devant nous.
Sur le CNE, je rappelle d’abord que le Premier ministre, décidant par ordonnance, s’était engagé, avant toute évolution, avant toute extension, avant toute modification supplémentaire, à procéder à une évaluation. Ma question est simple, nous l’avions déjà posée lors du débat sur le CPE : quand aurons-nous cette évaluation impartiale, contradictoire, pour savoir exactement de quoi on parle ? Les chiffres que vous annoncez n’ont jamais été vérifiés par qui que ce soit. Ce sont des éléments de propagande. Si on veut faire avancer dans notre pays la confiance, il faut des évaluations contradictoires et incontestables, qui seront intégrées dans le débat, et nous verrons bien ce qui en sortira.
Ensuite, je tiens à dire que le CNE, s’il est maintenu tel quel, fait peser une fragilité permanente sur les salariés puisqu’on pourrait continuer pendant deux ans à licencier sans motif. C’est une des principales causes de la contestation contre le CPE. Je ne vois donc pas pourquoi cette contestation s’arrêterait d’un seul coup.
M. Gérard Bapt. Bien sûr !
M. Jean-Marc Ayrault. Qui demande la modification du CNE ? D’abord, ce sont les salariés eux-mêmes qui, victimes d’un licenciement dans le cadre d’un CNE, ont engagé des procédures devant les prud’hommes. Le nombre de ces procédures est déjà considérable et il ne va cesser de croître. Par ailleurs, des recours ont été engagés devant les instances internationales pour contester la mise en place de cette disposition, qui n’est pas conforme aux engagements internationaux de la France dans le cadre de l’Organisation internationale du travail. Nous verrons bien quel sera le résultat de ces contentieux. En tout cas, ils existent. Mais je pense aussi à la fragilisation des chefs d’entreprise. Même si certains d’entre eux peuvent y voir un effet d’aubaine, ils sont nombreux à être gênés par cette fragilisation permanente des conditions d’embauche et des contrats de travail.
Méditez bien cela et ne vous faites pas toujours les porte-parole des entreprises ! Nous sommes, nous aussi, capables de les comprendre. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) N’oubliez pas que beaucoup de chefs d’entreprise préfèrent embaucher en CDI.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Ayrault.
M. Jean-Marc Ayrault. J’en termine, monsieur le président. Quelle sera, monsieur le ministre, votre réponse, non à l’opposition – puisque, comme on le constate depuis plusieurs mois, vous n’êtes guère disposé à lui répondre –, mais aux organisations syndicales auxquelles vous avez promis un dialogue ?
M. le président. Merci, monsieur Ayrault.
M. Jean-Marc Ayrault. Toutes les organisations syndicales, de la CFDT avec les déclarations de François Chérèque publiées ce matin dans le journal Libération, en passant par FO avec Jean-Claude Mailly il y a quelques jours, la CGT ou encore la CFTC, vous demandent de discuter du CNE, puisqu’il est similaire au CPE. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je rappelle que l’ordonnance relative au CNE prévoit une évaluation d’ici au 31 décembre 2008.
M. Gérard Bapt. À la « Saint-Glinglin » !
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Évitez les références aux fêtes votives et patronales : nous sommes dans une République laïque !
M. Christian Paul. Aux calendes grecques !
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je rappelle aussi que le Gouvernement a mis en place, en liaison avec l’ACOSS, une évaluation du CNE qui indique, notamment, la proportion de signatures de ce contrat de travail par rapport aux autres, ainsi que la situation des salariés après six mois. Le moment venu, nous en informerons bien sûr la représentation nationale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Jérôme Lambert. C’est quand, « le moment venu » ?
M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 1.
Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
…………………………………………………………
M. le président. Le scrutin est ouvert.
…………………………………………………………
M. le président. Le scrutin est clos.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 139
Nombre de suffrages exprimés 135
Majorité absolue 68
Pour l’adoption 50
Contre 85
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 14.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 13, 28 et 23 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l’amendement n° 13.
Mme Martine Billard. Cet amendement vise à abroger les articles 2 et 3 de la loi pour l’égalité des chances autorisant l’apprentissage à partir de 14 ans.
Ces deux articles apportent en effet un mauvaise réponse au vrai problème des jeunes qui, ayant perdu le goût de l’étude, désertent les établissement scolaires. Les envoyer directement au boulot, comme la loi le préconise, n’est pas une solution.
M. Lionnel Luca. On ne les envoie pas à la mine, quand même !
Mme Martine Billard. À cet âge-là, les jeunes ne sont en général pas assez mûrs, comme le disent les artisans eux-mêmes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Par ailleurs, la société et ses besoins sont toujours plus complexes. Changer d’emploi, voire de métier, est de plus en plus fréquent : il importe, pour faire face à cette évolution, d’être le mieux armé possible.
Il faut ainsi développer des dispositifs différents, comme « l’école de la deuxième chance », susceptibles de redonner à ces jeunes de l’espoir, de la confiance et le goût de l’étude, de leur offrir d’autres perspectives que celle de déserter l’école et de traîner dans les rues, comme certains le font.
Ce n’est certes pas en cassant l’obligation de scolarité jusqu’à 16 ans, ni en répétant à ces jeunes qu’ils sont des incapables…
M. Jean Auclair. Eux-mêmes en ont marre de l’école !
Mme Martine Billard. …que l’on pourra les motiver, en faire de bons artisans ou de bons salariés pour des métiers dont notre pays a besoin.
M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour soutenir l’amendement n° 28.
M. Christian Paul. Nous considérons que l’apprentissage à 14 ans est à enterrer, au même titre que le CPE, au cimetière des idées fausses. Comme nous l’avons dit lors de l’examen du projet de loi abusivement intitulé « pour l’égalité des chances », cette mesure repose sur trois erreurs fondamentales, qui motivent notre demande d’abrogation de l’article 2.
Une erreur éducative, d’abord. Faire migrer toute une génération vers l’apprentissage précoce, c’est briser une évolution séculaire ininterrompue, qui tendait à élever le niveau de formation initiale des jeunes de notre pays. (« Ce n’est pas vrai ! » sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Vous remettez en cause la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans et vous n’avez convaincu personne quant à la possibilité pour un jeune de revenir vers le collège en cas d’échec dans l’apprentissage précoce.
En définitive, vous dévalorisez l’apprentissage : alors qu’il était, grâce à l’alternance, une voie de plus en plus choisie, vous en faites une voie subie, une manière de thérapie contre l’échec scolaire. Vous demandez de surcroît aux enfants les plus en difficulté de choisir leur orientation professionnelle plus tôt que les autres.
M. Jean Auclair. Ce sont eux qui le veulent !
M. Christian Paul. Deuxièmement, cet article 2 est discriminatoire. Vous le savez bien, l’accès à l’apprentissage n’est pas égal pour tous et l’entrée dans les entreprises est sélective. La couleur de la peau, le quartier d’origine (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) peuvent être pénalisants pour l’accès à l’apprentissage aussi et tous les territoires n’offrent pas les mêmes possibilités d’accueil en ce domaine.
M. Claude Goasguen. C’est un procès d’intention permanent !
M. Christian Paul. Ce n’est donc pas ainsi que vous réglerez la crise dans les quartiers.
Enfin, fidèle à son refus du dialogue social, le Gouvernement prend une fois encore une décision unilatérale : ni les régions, qui doivent financer ses choix, ni les entreprises ne souhaitaient en effet une telle orientation.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons solennellement l’abrogation de l’article 2 de la loi pour l’égalité des chances.
M. Claude Goasguen. L’argumentation est bien faible !
M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour soutenir l’amendement n° 23 rectifié.
M. Jacques Desallangre. Notre groupe souhaite abroger les dispositions créant l’apprentissage junior et ayant pour effet de légaliser le travail de nuit avant l’âge de 16 ans.
Par cet amendement nous voulons ainsi rappeler que le CPE est loin d’être la seule disposition controversée de la loi pour l’égalité des chances. L’une d’entre elles concerne l’apprentissage élégamment appelé « junior ». Même si cette disposition est passée au second plan des débats, il ne faudrait pas oublier qu’elle fait l’unanimité contre elle. Ainsi, tous les syndicats, sans exception, dénoncent une remise en cause de la scolarité obligatoire et y voient l’éviction précoce des élèves en difficulté. Ils jugent ce recul historique inacceptable.
Du côté des artisans et des petites entreprises, l’avis est le même. Les uns et les autres ne voient rien de bon à envoyer en apprentissage forcé des jeunes de 14 ans. Le président de la fédération nationale de la coiffure a ainsi déclaré, je cite, qu’« avant 16 ans, les jeunes manquent encore souvent de maturité et de discipline ».
Si l’apprentissage junior cristallise autant de mécontentements, c’est qu’il constitue un double symbole.
D’abord, le symbole du renoncement de l’État à réformer notre système scolaire et à lui donner les moyens de fonctionner. Un programme d’action de grande envergure, doté de 6 milliards d’euros cumulés pour les années 2006 et 2007, eût pourtant été envisageable, à condition de réviser la dernière loi de finances. Mais il aurait fallu pour cela renoncer aux dispositions fiscales les plus injustes, pour redéployer des moyens en faveur de la lutte contre l’exclusion. Ce n’est pas le choix que le Gouvernement et la majorité ont fait.
L’apprentissage junior symbolise aussi, avec la légalisation du travail de nuit avant l’âge de 16 ans, un réel recul des droits économiques et sociaux. Interrogés sur ce sujet le 2 février dernier par plusieurs députés de l’opposition, le Gouvernement et le rapporteur n’avaient pas nié cette triste évidence.
Nous souhaitons donc profiter de l’examen de la proposition de loi pour demander l’abrogation de ce dispositif extrêmement nocif. Faire sortir de l’école des jeunes à un âge, 14 ans, où ils maîtrisent rarement toutes les conséquences de leur orientation, ce n’est pas les préparer convenablement à une vie tant citoyenne que professionnelle ; c’est au contraire sacrifier leurs chances et les condamner.
M. le président. Merci, monsieur Desallangre.
M. Jacques Desallangre. Vous avez déclaré, monsieur le rapporteur, que la question était importante. Allez-vous donc rester arc-bouté sur cette décision rétrograde ? Si oui, il vous faudra en assumer les conséquences. En fait, vous ne renoncez pas à détruire les dispositions du code du travail protectrices des salariés, comme en témoigne la sortie de M. Soisson, qui a trahi les véritables convictions de la majorité. J’en crains les conséquences pour notre pays, notamment si elles devaient se traduire sur le plan politique.
M. Maxime Gremetz. Très bien !
M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 23 rectifié, je suis saisi par le groupe communiste d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?
M. Laurent Hénart, rapporteur. Je veux d’abord rappeler que l’apprentissage constitue une séquence de formation. Les apprentis préparent des diplômes contrôlés et agréés par l’éducation nationale, identiques à ceux préparés par la voie académique. Le taux de succès à ces diplômes – CAP, BEP, bac, BTS, licence ou master – est d’ailleurs le même par la voie de l’apprentissage que par la voie académique.
Mme Martine David. Allez au fait, on a compris !
M. Laurent Hénart, rapporteur. Je veux rappeler ces vérités, car ce n’est pas ce que vous laissez entendre !
En outre, l’entrée dans l’emploi des jeunes apprentis est plus facile, puisque neuf sur dix trouvent un débouché.
Quant à la loi pour l’égalité des chances, elle propose deux choses en matière d’apprentissage. La première concerne le maintien des limites d’âge légales antérieures : 16 ans en droit commun ; 15 ans à titre dérogatoire.
M. Maxime Gremetz. Et la retraite à 60 ans !
M. Laurent Hénart, rapporteur. L’exposé sommaire de l’amendement socialiste est d’ailleurs très précis sur ce point, puisqu’il évoque le « pré-apprentissage » – et non l’apprentissage – à 14 ans. Je souhaiterais que le même souci d’honnêteté prévale dans les déclarations publiques de l’opposition. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Christian Paul. Arrêtez de couper les cheveux en quatre !
M. Laurent Hénart, rapporteur. Plutôt que de caricaturer les contrats d’apprentissage, cette voie de formation en alternance qui porte ses fruits et pour laquelle notre pays a du retard, il faudrait se pencher sur leur taux de rupture, deux fois plus élevé, par exemple, que chez nos voisins allemands.
Le défaut du système français tel qu’il s’est construit depuis vingt ans, c’est que les contrats sont signés sans que les futurs apprentis aient une réelle connaissance du métier. Lorsque ce dernier ne convient pas au jeune qui le découvre dans les premiers mois du contrat, la rupture est inévitable.
L’apprentissage junior, quant à lui, permet au jeune de préparer l’apprentissage par une découverte des différents métiers, et ainsi d’envisager son orientation en connaissance de cause.
M. Christian Paul. Tout va donc pour le mieux, à vous entendre !
M. Laurent Hénart, rapporteur. Pour conclure, je veux rappeler trois choses.
Premièrement, dans le cadre de l’apprentissage junior, le retour vers le système éducatif général est garanti jusqu’au bout. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Christian Paul. Cette garantie ne veut rien dire, vous le savez bien !
M. Laurent Hénart, rapporteur. Deuxièmement, l’apprentissage junior se déroule dans le cadre d’un projet pédagogique personnalisé, donc d’un suivi par l’éducation nationale, qui est conduit jusqu’aux seize ans de l’intéressé. Là où réside le progrès, c’est que lorsque l’apprentissage commence à quinze ans, le suivi de l’équipe pédagogique se fait jusqu’à seize ans,…
Mme Martine David et M. Christian Paul. Avec quels moyens ?
M. Laurent Hénart, rapporteur. …si bien que, contrairement au système antérieur, l’obligation de scolarité est mieux assurée, ou en tout cas le suivi scolaire jusqu’à seize ans.
M. Maxime Gremetz. Baratin !
M. Laurent Hénart, rapporteur. La troisième observation est importante, puisqu’elle porte sur les moyens, que vous évoquiez à l’instant.
Mme Martine David. C’est important, en effet !
M. Laurent Hénart, rapporteur. Vous vous demandiez si les régions, qui ont la compétence de l’apprentissage, avaient bien intégré ce développement du pré-apprentissage. Je rappelle que la loi de cohésion sociale prévoit la discussion et la signature, entre l’État et les régions, de conventions d’objectifs et de moyens, financées par un fonds d’environ 250 millions d’euros, en 2006. Il s’agit, en clair, de fournir des ressources aux régions sur des objectifs conjointement discutés.
Mme Martine David. C’est faux : ils ne sont pas discutés conjointement !
M. Laurent Hénart, rapporteur. Toutes les régions de France ont signé ces conventions. Elles peuvent éventuellement les dénoncer si elles veulent se passer des moyens de l’État ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Alain Néri. Ils ne sont pas importants !
M. Laurent Hénart, rapporteur. En tout état de cause, deux régions sur trois ont signé aussi des actions en matière de préapprentissage ; celle qui est la plus ambitieuse en la matière est d’ailleurs celle de Poitou-Charentes, qui consacre plus d’un tiers des crédits à l’orientation professionnelle à partir de quatorze ans.
M. le président. Je vous remercie de conclure, monsieur le rapporteur.
M. Laurent Hénart, rapporteur. Sur la base de ces éléments, il nous est apparu que ces trois amendements devaient être repoussés.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. L’article 115-1 du code du travail rappelle que la formation par alternance et l’apprentissage concourent aux objectifs éducatifs de la nation. Par ailleurs, j’informe l’Assemblée nationale qu’un guide de la formation d’apprenti junior sera mis, dans les semaines à venir, à la disposition de chacun des recteurs. Il fixera, notamment, un vrai temps éducatif, fondé sur une pédagogie innovante, pour la découverte des métiers. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
À titre indicatif, ce guide, établi par les experts de l’éducation nationale, en liaison avec ceux du ministère du travail et les branches professionnelles, proposera de fixer entre huit et seize semaines la durée annuelle des stages en entreprises, qui devront être effectués au moins dans deux entreprises pour permettre de découvrir au minimum deux métiers pendant ce parcours d’initiation aux métiers.
Avis défavorable aux trois amendements.
M. le président. La parole est à M. Lionnel Luca.
M. Lionnel Luca. Je suis toujours désolé de constater que nos collègues socialistes restent campés sur des postures idéologiques du XIXe siècle. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)
Mme Martine David. La parole est d’or !
M. Lionnel Luca. Quand ils parlent de l’apprentissage, on se croirait encore au temps de Zola ! Mais je leur rappelle que c’est Jack Lang qui a créé cette ouverture, précisément dans des classes destinées à des élèves, de quatorze à seize ans, désœuvrés, et n’ayant plus de goût pour les études. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Ces classes, initialement expérimentales, ont été validées et elles se développent, parce que ça marche ! Même les enseignants qui étaient sceptiques au départ l’admettent. La loi sur l’égalité des chances ne visait qu’à favoriser encore le développement de cette action.
Et l’apprentissage, ce n’est pas la mine, monsieur Gremetz !
M. Maxime Gremetz. Un peu de respect ! Ôtez la main de votre poche !
M. Lionnel Luca. Monsieur Gremetz, quand vous aurez des choses à me dire, faites-le au-dehors, et d’homme à homme !
M. le président. Calmez-vous, mes chers collègues !
La parole est à M. Guy Geoffroy.
M. Guy Geoffroy. Nous sommes tous d’accord pour considérer que le débat qui s’engage sur cette question peut avoir une dimension politique. Mais je voudrais vous en proposer également une vision pragmatique.
Nous sommes nombreux, sur tous ces bancs, à connaître concrètement la situation de jeunes en difficulté, qu’ils soient au collège ou déjà en seconde, ou encore au lycée professionnel. Je m’adresse, en toute franchise, à mes collègues de l’opposition. Qui d’entre nous n’a pas entendu, en conseil de classe, des enseignants, mettant de côté leur éventuelle appartenance syndicale ou politique, déclarer que, dans l’intérêt de ces enfants, il fallait trouver une solution, qui leur permette de découvrir, par la connaissance des métiers et le passage en entreprise, ce que pourrait être, demain, leur avenir, car il faut qu’ils aient un projet ?
M. Maxime Gremetz. Ce n’est pas de ça que je parle !
M. Guy Geoffroy. Il ne s’agissait pas, pour eux, de mettre à bas les grands principes, comme celui de la scolarité obligatoire jusqu’à seize ans, mais bien, à titre dérogatoire, et dans l’intérêt des enfants, de trouver des solutions qui leur soient profitables.
M. Maxime Gremetz. Le travail de nuit !
M. Guy Geoffroy. Voilà de quoi nous parlons, et de rien d’autre. Je voudrais que nos concitoyens, en nous entendant, le sachent bien, au-delà de la caricature qu’en dressent nos collègues de l’opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Dans la loi, sur laquelle ces amendements nous proposent de revenir, figure un terme important : celui de respect. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Or, le jeune est respecté, quand on lui propose un projet qui lui convient et quand il lui est possible de reprendre sa scolarité, s’il comprend, après être passé en entreprise, qu’il vaut mieux approfondir ses connaissances. Ce respect, nous n’avons pas le droit de le galvauder.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Guy Geoffroy. Voilà pourquoi il faut refuser d’aller dans le sens de la facilité et de la démagogie, comme on nous invite à le faire avec ces amendements ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Je ne comprends pas l’attitude de nos collègues de l’opposition car dans ce que nous proposons, il n’y a rien d’obligatoire.
M. Alain Néri. Vous n’avez pas non plus compris les jeunes pendant deux mois ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean-Charles Taugourdeau. Le CNE, dont parlait tout à l’heure le président Ayrault, n’est pas obligatoire.
Ce que nous proposons, c’est une palette de dispositions pour sortir de cette précarité et pour résister à la concurrence des pays voisins qui, eux, se donnent de la souplesse.
Ce que vous voulez, vous, mes chers collègues de l’opposition, c’est le statu quo !
M. Maxime Gremetz. Pas du tout ! (« Mais si ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean-Charles Taugourdeau. Or le statu quo est défavorable au salarié : quand il est en période d’essai, il n’a aucune chance, s’il fait la moindre erreur, d’être gardé dans l’entreprise.
M. Christian Paul. Quel aveu ! C’est pour cela que vous prévoyez une période d’essai de deux ans !
M. Jean-Charles Taugourdeau. Nous voulions donner un peu de délai.
Votre position témoigne soit de votre mauvaise foi, soit de votre méconnaissance du monde du travail !
Mme Martine Billard. C’est vous qui ne connaissez rien à la période d’essai !
M. Jean-Charles Taugourdeau. La vraie précarité, on peut la combattre, d’abord, en adoptant, s’agissant de la main-d’œuvre, une certaine préférence communautaire.
Mais qui a cassé la construction européenne, l’année dernière ? (« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. L’UDF avait voté les articles 2 et 3 de la loi sur l’égalité des chances. Par conséquent, nous nous prononcerons, bien évidemment, contre ces amendements. Mais je voudrais fournir une explication à nos amis de l’opposition. (« Amis ? » sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)
Je suis libre et je dis simplement ce que j’ai envie de dire !
L’alternance est certainement une des meilleures idées que nous ayons eues, ces derniers temps. En effet, elle offre à la fois un socle de connaissances générales, la découverte de l’entreprise et l’apprentissage d’un métier.
Certes, on peut se demander si le jeune est aussi mature à quatorze ou quinze ans qu’à seize. Mais lorsque le droit de vote est passé de vingt et un à dix-huit ans, n’étaient-ce pas les mêmes qui estimaient les jeunes de dix-huit ans trop immatures pour voter ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Aujourd’hui, un jeune peut être mature à quatorze ans ! Et nous pouvons lui fournir ainsi un moyen supplémentaire de réussir dans la vie. Mieux vaut, parfois, bénéficier d’une formation en alternance que de végéter dans un cycle d’enseignement général ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à M. Yves Durand.
M. Yves Durand. Monsieur le rapporteur, vous répondez à notre amendement avec toute une série de mesures et d’informations techniques que vous maîtrisez parfaitement. Mais le problème de l’apprentissage n’est pas là.
Je fais appel à votre bon sens. La réalité, c’est qu’on va proposer – puisqu’il s’agit de volontariat, mais d’un volontariat bien illusoire ! – à un élève en difficulté – et à ses parents – de sortir du collège pour s’engager dans une voie professionnelle dès quatorze ans ! Vous prétendez que ce n’est pas grave car il existe une possibilité de revenir au collège, donc de poursuivre le cursus normal. Mais vous savez bien que ça aussi, c’est totalement illusoire ! En effet, comment demander à un élève, déjà en difficulté dans son apprentissage du socle commun de connaissances, de faire l’effort supplémentaire du travail de préapprentissage puis d’apprentissage ? Vous savez très bien, au fond de vous-même, que c’est une entourloupe : cet élève, une fois sorti – physiquement – de son collège, de sa classe, bref de l’encadrement scolaire, n’y retournera plus jamais ! C’est ainsi que cela se passera. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
En réalité, sans même l’assumer, vous mettez fin à la scolarité obligatoire jusqu’à seize ans pour les plus fragiles. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il s’agit donc d’une sélection par l’échec !
M. le président. Terminez, monsieur Durand.
M. Yves Durand. Contrairement à ce que vous affirmez, nous ne sommes pas contre l’apprentissage ni contre l’alternance.
M. Lionnel Luca. Vous êtes contre tout !
M. Yves Durand. Nous sommes pour un apprentissage et une alternance qui soient une véritable voie d’excellence, et non pas de relégation après un échec, comme celle que vous créez avec votre loi prétendument sur l’égalité des chances !
M. le président. La parole est à M. Alain Néri.
M. Alain Néri. Nous abordons un sujet particulièrement important. L’égalité des chances est un leurre, car si elle existait, nous n’aurions pas besoin de travailler à l’égalisation des chances. Ce que tout le monde reconnaît, en revanche, c’est l’égalité des droits ; il faut donc faire en sorte que tout le monde ait le même droit à l’éducation. Or, par votre proposition, vous signifiez que certains n’en bénéficieraient pas, les plus fragiles, ceux qui sont issus des milieux les plus modestes, car on sait bien que la durée de la scolarisation est liée à l’origine sociale. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Lionnel Luca. C’est vous qui le dites !
M. Alain Néri. L’influence du milieu est fondamentale ; c’est aux jeunes issus des milieux les plus défavorisés qu’il faut accorder le plus d’intérêt. Et vous n’avez pas, monsieur Geoffroy, le monopole de l’intérêt des enfants et des étudiants. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Guy Geoffroy. Vous êtes ringards ! L’archaïsme est de votre côté !
M. Alain Néri. C’est justement parce que certains élèves sont en difficulté et qu’ils n’ont pas acquis un socle de connaissances indispensables pour l’apprentissage d’un métier qu’il faut renforcer l’action en leur faveur. En mettant ces jeunes, les plus fragiles, en situation d’apprentissage, vous allez les obliger à faire deux journées en une, une journée de travail chez le patron et une autre pour poursuivre leurs études. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est intolérable ! Avec votre proposition, nous sommes en train de revenir un siècle en arrière, en rétablissant le travail des enfants ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous voterons donc pour le retrait de cette mesure injuste et antisociale ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. C’est Zola !
M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Compte tenu de notre expérience, monsieur Geoffroy, permettez-moi de vous rappeler ce que nous avons vécu pendant vingt ans en tant que chefs d’établissement. Nous avons tenté de ramener dans les lycées et les collèges des élèves en rupture avec le système scolaire. Nous avons notamment créé des filières d’accueil qui n’ont pas fonctionné, ce qui montre que, dès lors qu’un jeune est sorti du système scolaire pour entrer en apprentissage, il n’y reviendra plus. (« Si ! » sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Votre approche est en décalage avec la réalité du monde du travail. Il y a trente, quarante ou cinquante ans, on pouvait concevoir qu’un élève parte en apprentissage avec un socle de connaissances insuffisant. Aujourd’hui, compte tenu de la révolution des techniques et de la nécessité d’évoluer tout au long de la vie professionnelle, ce n’est plus possible. Votre proposition, indiscutablement passéiste, a d’ailleurs fait la preuve qu’elle était vouée à l’échec. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 23 rectifié.
Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
…………………………………………………………
M. le président. Le scrutin est ouvert.
…………………………………………………………
M. le président. Le scrutin est clos.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 147
Nombre de suffrages exprimés 147
Majorité absolue 74
Pour l’adoption 50
Contre 97
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
Je suis saisi d'un amendement n° 4.
La parole est à M. Yves Durand, pour le soutenir.
M. Yves Durand. Il s’agit de revenir sur un des scandales de ces dernières années, dénoncé entre autres par le mouvement « Génération précaire » : la situation des stagiaires. Ceux-ci considéraient à juste titre que les stages n’étaient que des emplois déguisés permettant à trop de chefs d’entreprise d’utiliser des stagiaires pour occuper des emplois réels, sans rapport avec l’objectif même du stage, qui est la formation, et donc l’insertion dans la vie professionnelle.
Vous avez vous-même dû reconnaître, après de nombreuses interpellations émanant de ce mouvement, de l’ensemble des syndicats, et de l’opposition dans cet hémicycle, l’existence du scandale, et vous avez assez timidement fait une moitié du chemin, en apportant quelques réponses, que nous jugeons insuffisantes. Aussi, nous vous demandons d’aller jusqu’au bout et d’assurer une véritable sécurité aux stagiaires. C’est pourquoi notre amendement n° 4 propose que les stages d’une durée supérieure à un mois fassent l’objet d’une rémunération, qui ne peut être inférieure à 50 % du salaire conventionnel de référence et à 80 % après trois mois. Enfin, nous préconisons l’interdiction de remplacer un stage par un autre, méthode qui a pour effet de provoquer une cascade de stages au lieu d’aboutir à un véritable emploi.
Je souhaite que l’ensemble de l’Assemblée vote cet amendement de justice et de bon sens.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Laurent Hénart, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet.
M. Alain Joyandet. Je vous remercie, monsieur le président, de me donner la parole quand je ne la demande pas, alors que vous ne me la donnez pas quand je la demande ! (Sourires.) Je le dis avec beaucoup d’amitié, car il y a une certaine cohérence dans votre attitude !
Tous les amendements que nous venons d’examiner traitent du problème dont nous avons parlé hier lors de la discussion générale : le manque de cohérence entre le système de formation – dans lequel j’inclus le système éducatif – et le monde du travail, qu’il soit privé ou public. Nous en sommes tous d’accord, on forme des étudiants dans des filières qui, de toute évidence, n’offrent aucun débouché. Certaines comptent dix fois plus d’étudiants que de postes à la sortie de la formation. Le problème est identique dans le cadre de l’apprentissage. Dans les années soixante-dix, il y avait plus de 100 000 jeunes de quatorze à seize ans dans les filières en alternance, mais le taux de chômage chez les jeunes n’était pas le même qu’aujourd’hui.
Le groupe UMP ne prétend pas détenir la solution « miracle », mais je constate avec tristesse que, si nous sommes tous d’accord pour dire qu’il y a trop de chômage chez les jeunes et qu’il y a un manque de cohérence entre le système de formation et le monde du travail, vous êtes systématiquement contre nos propositions. La position du groupe socialiste est facile : vous reconnaissez que le système ne fonctionne pas, mais cela ne vous empêche pas de conclure qu’il ne faut rien faire ! Depuis une heure, vous ne faites que des propositions qui tendent à supprimer les nôtres ! (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Nous n’avons pas envie de retourner 100 ans en arrière.
Mme Martine David. C’est pourtant ce que vous faites !
M. Alain Joyandet. Je tire deux conclusions de vos réactions.
M. Maxime Gremetz. L’heure des conclusions n’a pas encore sonné !
M. Alain Joyandet. D’abord, à chaque fois que nous proposons des solutions nouvelles, vous êtes contre. Ensuite, il serait bon de suivre l’exemple du président du Sénat, qui a proposé à tous les sénateurs de faire des stages en entreprise. Ce serait très profitable à l’Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. Monsieur Joyandet, j’ai donc eu raison de vous donner la parole ! Mais je vous signale que nous n’avons pas attendu le Sénat pour que les députés fassent des stages.
La parole est à M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. Nous découvrons des amendements intéressants, proches de ceux que nous avons déposés lors de la discussion du projet de loi sur l’égalité des chances, mais que nous n’avons pas eu le temps d’examiner. Je ferai simplement remarquer à mes amis socialistes – j’ai également des amis de l’autre côté de cet hémicycle ! – qu’ils se conduisent exactement comme ils le reprochaient au Gouvernement : ils déposent en séance des amendements d’une page qu’il est difficile de lire attentivement en séance. Il aurait fallu pouvoir en débattre en commission et éventuellement en sous-amender certains. Nous nous abstiendrons donc.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
M. Jean-Pierre Brard. J’avais pensé hier soir que M. Joyandet était guéri. En réalité, il ne s’agissait que d’une période de rémission, car il vient de faire une rechute : vous voulez vraiment nous faire retourner 100 ans en arrière. J’ignore de quelle maladie est atteint M. Joyandet, mais, pour tenter de comprendre sa pensée, je vais lui rappeler ce qu’il a dit au Premier ministre il y a deux mois – M. Larcher s’en souvient certainement : « Depuis plus de huit mois, le chômage baisse incontestablement dans notre pays. »
M. Alain Joyandet. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Brard. « Mais nous devons aller plus loin et plus vite en faveur de l’emploi des jeunes. Ceux-ci éprouvent en effet des difficultés à trouver un stage professionnel…
M. le président. Monsieur Brard, je vous rappelle que M. Joyandet n’est pas l’objet du débat !
M. Jean-Pierre Brard. Sans doute, monsieur le président, mais il en est un élément qui a contribué à la crise !
Il poursuivait : « Il faut débloquer la situation. Les jeunes surfent pendant plusieurs années de CDD en CDD. Après le succès du CNE, vous avez décidé, monsieur le Premier ministre, de vous attaquer au chômage des jeunes, ce fléau qui mine nos sociétés. » Voyez l’intérêt de la suite, qui prouve que M. Joyandet est un sarkoziste qui ne s’assume pas : « En cohérence avec les réflexions menées par l’UMP, vous proposez ainsi le contrat première embauche, qui rejoint sur de très nombreux points nos suggestions. Grâce à cette nouvelle politique, nous devrions enfin rejoindre les pays dont le chômage structurel s’établit à 5 %, voire moins. »
M. le président. Merci, monsieur Brard !
M. Jean-Pierre Brard. M. Joyandet et ceux qui, comme lui, font allégeance au président de l’UMP, ont été les suppôts déterminés du CPE (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) : ils doivent s’assumer !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 5.
La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le soutenir.
M. Gaëtan Gorce. Cet amendement se situe dans le prolongement du précédent, puisqu’il propose de supprimer le recours aux stages lorsqu’ils ne sont pas inscrits dans un parcours scolaire, universitaire ou professionnel. Il répond à une demande des organisations de jeunes et des syndicats, mais à l’évidence, le débat n’est pas possible ce matin : on voit bien que la proposition de loi qui nous est présentée a été totalement improvisée. Nous avons besoin d’un vrai débat sur l’insertion professionnelle des jeunes. Nous ne l’avons pas eu il y a deux mois parce qu’il a été interrompu par le 49-3 et nous ne l’aurons pas aujourd’hui parce que les dispositions qui nous sont présentées n’ont pour objet que de remplir l’article 8 par des mesures de bricolage, certainement pas de définir une autre politique. Il aurait été plus clair d’abroger le CPE.
Le CPE n’a pas été un accident. Il est lié à une politique sociale qui vise à réduire les droits, en particulier des salariés et des jeunes. C’est ainsi que le Gouvernement a refusé de s’amender sur l’apprentissage à quatorze ans et sur le CNE. Il faut donc que nous restions vigilants.
En revanche, le retrait du CPE, lui, est un accident, provoqué par les manifestations et la mobilisation de l’opinion, et le débat sur la politique de l’emploi des jeunes reste à faire. Nous y veillerons, avec les syndicats et les organisations de jeunes, mais manifestement sans le Gouvernement, qui se contente de gérer au plus pressé.
M. le président. L'avis de la commission et du Gouvernement est défavorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 5.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 3, 17 et 24 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 3 et 17 sont identiques.
La parole est à Mme Elisabeth Guigou, pour soutenir l’amendement n° 3.
Mme Élisabeth Guigou. Cet amendement aborde les articles 48 et 49 de la loi sur l’égalité des chances, qui instaurent un contrat de responsabilité parentale. Sur ce sujet essentiel, nous partageons les mêmes préoccupations : l’augmentation de l’absentéisme et des violences scolaires, la crise de l’autorité parentale, qui atteint beaucoup de familles…
M. Jean Leonetti. Quelle en est la cause ?
Mme Élisabeth Guigou. Les enfants ont besoin, pour grandir et devenir des êtres sociaux, d’être non seulement aimés, mais éduqués, c’est-à-dire d’apprendre les règles de la vie sociale et de se voir opposer des interdits et des limites en même temps que de développer leur autonomie.
Ces deux articles répondent-ils à nos préoccupations communes et permettent-ils de restaurer l’autorité parentale ? Nous savons que le sujet est difficile, car même dans les familles favorisées, qui paraissent tout avoir, il n’est pas si facile que cela d’élever des enfants. Vous proposez, en cas de difficultés – que vous définissez : absentéisme scolaire, trouble à l’ordre dans les établissements – que le président du conseil général établisse un contrat fixant des règles et des obligations avec les familles déficientes. Si le contrat n’est pas respecté, il pourrait suspendre les allocations familiales.
Quelles sont les raisons de notre opposition ? D’abord se pose, comme pour beaucoup de vos autres textes, un problème de méthode. Aucune concertation n’a eu lieu avec les institutions qui doivent mettre en œuvre le contrat de responsabilité parentale, qu’il s’agisse des présidents de conseils généraux, des travailleurs sociaux ou des caisses d’allocations familiales. On retrouve là une des carences fondamentales de votre méthode de gouvernement.
Un problème de fond, ensuite, car la mesure part d’une erreur d’analyse. Il n’existe que très peu de cas avérés de négligence, et la législation en vigueur permet déjà de les traiter. La justice peut ainsi suspendre le versement des allocations familiales, ou imposer des amendes allant jusqu’à 750 euros, ce qui représente beaucoup pour des familles vivant du RMI ou du SMIC. Les moyens existent donc.
Avec votre dispositif, on risque de stigmatiser des familles qui, en réalité, sont dépassées. En Seine-Saint-Denis, nous en voyons beaucoup, notamment de ces mères seules qui partent à quatre heures du matin pour venir faire le ménage dans le centre de Paris, y compris ici même. Leurs conditions de vie, leur isolement ne leur permettent pas, en effet, de suivre la scolarité de leurs enfants. Ces familles, il faut les aider, et nos propositions vont dans ce sens : rétablir les travaux personnels encadrés, poursuivre le plan pour des internats éducatifs mis en place par Lionel Jospin (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), revenir sur votre décision de réduire les subventions apportées aux associations, créer des maisons de parents…
M. Richard Mallié. Les promesses, c’est facile !
Mme Élisabeth Guigou. Le problème est en effet de remobiliser les parents et non de les sanctionner.
M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l’amendement n° 17.
Mme Martine Billard. Je ne ferai que compléter l’intervention de Mme Guigou, dans laquelle je me retrouve largement.
Des enfants difficiles, il y en a, c’est indéniable. Mais ce qui me choque, c’est d’en conclure que leurs familles sont déficientes. Qui peut en juger ? Si un jeune tombe dans la drogue ou se met à voler, peut-on dire que sa famille en est systématiquement responsable ? Il me semble totalement abusif de porter un tel jugement. Le fait qu’un enfant se drogue ne dépend pas du milieu social ; cela arrive à des enfants « de bonne famille ». Je suis donc en total désaccord avec la philosophie qui sous-tend cette mesure.
En outre, comment peut-on penser que des parents – ou, dans le cas d’un parent isolé, un père, ou une mère – pourraient sciemment laisser leurs enfants dériver et plonger dans la délinquance ? Aucun adulte ne peut vouloir cela ! Cette façon de voir est absurde !
Enfin, il reviendrait aux élus, maires ou présidents de conseil général, de rétablir l’autorité. Quelle curieuse conception vous en avez ! Les élus ne sont pas des shérifs !
M. Maurice Giro. Bref, personne n’est responsable !
Mme Martine Billard. Tout cela n’a qu’un but électoraliste. Face à la montée de la violence des jeunes, et alors que l’opinion publique réclame des réponses, vous privilégiez l’effet d’annonce à l’élaboration patiente et collective de mesures efficaces. Vous préférez transformer les élus en shérifs et vous en prendre aux allocations familiales. Mais à terme, vous ne ferez qu’accroître les difficultés des familles concernées.
C’est bien l’ensemble du dispositif qui est absurde, et c’est pourquoi je demande sa suppression.
M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour défendre l’amendement n° 24 rectifié.
M. André Chassaigne. Le dispositif relatif à la responsabilité parentale fait partie de ces nombreuses mesures inacceptables de la loi sur l’égalité des chances que le débat sur le CPE a occultées. Le problème des jeunes à l’abandon, en grande difficulté sociale et scolaire, et qui connaissent parfois des troubles du comportement, est partout constaté. Votre solution pourrait faire illusion : avec de grands moulinets, vous affirmez que ce sont les familles qui n’assument pas leurs responsabilités, que les pères et les mères négligent leurs devoirs. Vous mettez ainsi au ban de la société des familles qui ont déjà le plus grand mal à s’en sortir. En prévoyant des amendes ou la suppression des prestations sociales, vous ajoutez les difficultés aux difficultés, le malheur au malheur.
Chacun sait pourtant que nos établissements scolaires auraient besoin de travailleurs sociaux, voire d’éducateurs spécialisés, c’est-à-dire d’une réponse appropriée, tenant compte des difficultés rencontrées par les personnes concernées. Ce qu’il faut, c’est un parcours personnalisé, une aide effective. Or vous ne proposez qu’un système de sanction. Vous agissez au nom d’une « bonne morale », mais votre dispositif est immoral ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Mme Marylise Lebranchu. Très bien !
M. le président. La commission est défavorable à ces amendements.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Défavorable : ces amendements sont hors sujet.
M. le président. La parole est à M. Alain Néri.
M. Alain Néri. C’est vraiment une proposition inique que de vouloir retirer les allocations familiales aux familles en difficulté.
Chacun le sait bien, les difficultés scolaires sont très souvent liées aux difficultés socio-économiques et culturelles. Retirer des moyens matériels à des familles qui en ont déjà fort peu n’est pas le meilleur moyen de restaurer leur autorité parentale ni de les aider à suivre la scolarité de leurs enfants. À partir du moment où les difficultés matérielles engendrent souvent les problèmes scolaires ou de comportement, il convient au contraire de renforcer l’aide apportée aux foyers concernés, que ce soit sous la forme d’un soutien matériel ou d’un accompagnement social.
Je souhaite, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous poser deux questions simples concernant l’application de cette mesure, dans le cas où, par malheur, elle serait maintenue. Je note au passage, monsieur le ministre, que vous n’avez pas fait preuve d’excès de bravoure en confiant aux présidents de conseils généraux le soin de la mettre en œuvre à votre place. Lorsque l’on prend une décision, il faut avoir le courage de l’assumer et ne pas passer la patate chaude au voisin.
M. Ghislain Bray. Comme pour l’APA !
M. Jean Leonetti. Avez-vous fait autre chose avec l’APA ?
M. Alain Néri. Premièrement, si, dans une famille comportant plusieurs enfants, un seul d’entre eux pose des difficultés, allez-vous suspendre le versement de la totalité des allocations familiales, et pénaliser ainsi les autres, même s’ils suivent une scolarité normale et ne posent aucun problème ? Auriez-vous la volonté de rétablir le principe de responsabilité collective d’une faute ? Cela ne me semblerait pas conforme à la Constitution.
Deuxième question : si l’enfant qui pose des problèmes est un enfant unique, comment appliquer la suspension des allocations familiales puisqu’un foyer avec un seul enfant ne les perçoit pas ?
On le voit, votre proposition est non seulement injuste, mais impossible à mettre en œuvre si nous voulons garantir un traitement équitable de tous les enfants. Elle est en outre antisociale, car elle ne peut que renforcer la ségrégation. J’espère que vous reconnaîtrez votre erreur, monsieur le ministre, et que vous renoncerez à ce dispositif plus rapidement que vous ne l’avez fait pour le CPE.
M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 3 et 17.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 24 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. François Liberti. Ce n’est pas bien !
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 6.
La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le soutenir.
Mme Martine David. Le Gouvernement n’a pas répondu aux questions posées !
M. Gaëtan Gorce. Le groupe socialiste tient à rappeler un certain nombre de principes. D’abord, nous n’en serions pas là si la concertation sociale avait fonctionné. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je comprends que vous soyez gênés par ce rappel, mais ce n’est que le bon sens. Ensuite, il aurait été plus clair d’abroger purement et simplement l’article 8. Ce débat présente certes un intérêt, mais il est loin d’être complet, car sauf sur la question qui vient d’être abordée, nous n’abordons pas véritablement le fond. Par ailleurs, demeurent dans la loi relative à l’égalité des chances une série de dispositions inacceptables. Nous n’obtiendrons pas leur abrogation aujourd’hui, c’est évident, mais nous prenons date, qu’il s’agisse du CNE, …
M. Jean-Pierre Grand. Vous voulez renvoyer 400 000 personnes à l’ANPE !
M. Gaëtan Gorce. …de l’apprentissage à quatorze ans ou du contrat de responsabilité parentale. Tels sont les messages que le groupe socialiste souhaitait faire passer à l’occasion de ce débat.
M. le président. Il s’agit d’un amendement pour le moins curieux : il ne relève pas du domaine législatif, ni même réglementaire. C’est une injonction.
Mme Marylise Lebranchu. Plutôt une supplique !
M. le président. La commission est défavorable à l’amendement ; le Gouvernement également.
Je mets aux voix l’amendement n° 6.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 30.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour le soutenir.
M. Francis Vercamer. L’amendement n° 31, que nous avons vainement tenté de faire adopter tout à l’heure, tendait à rendre obligatoire la négociation interprofessionnelle avant toute réforme du droit du travail. Respecter ce principe permettrait d’éviter que le Parlement ne soit contraint de modifier ce qui a été adopté à la hussarde une première fois.
L’amendement n° 30 est de repli. Il demande au Gouvernement de déposer un rapport relatif à la mise en place d’une négociation nationale interprofessionnelle avant toute réforme de nature législative relative au droit du travail.
M. le président. Je rappelle que 150 rapports destinés à l’Assemblée nationale sont en cours d’élaboration. Si cela continue, nous allons devoir embaucher du personnel supplémentaire pour les traiter.
La commission est défavorable à l’amendement ; le Gouvernement également.
La parole est à M. Jean Ueberschlag.
M. Jean Ueberschlag. Nous évoquons beaucoup aujourd’hui les négociations, le dialogue social et les accord nationaux interprofessionnels, mais j’ai souvenance que, sous une précédente législature, des lois ont été votées sans aucune concertation, comme celle sur les 35 heures. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je mets au défi l’opposition actuelle, et notamment le Parti socialiste, de prouver que la négociation sociale avait à l’époque abouti ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il n’en est rien ! Vous êtes, en conséquence, mal placés pour nous donner aujourd’hui des leçons dans ce domaine ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
De plus, si le dialogue social est indispensable, il ne règle pas tous les problèmes.
M. Jean-Pierre Brard. C’est pour cela que vous en faites l’économie !
M. Jean Ueberschlag. Ainsi, l’accord national interprofessionnel de 2003, instaurant le droit individuel à la formation, ne concernait-il que les bénéficiaires d’un contrat à durée indéterminée, occultant totalement les contrats à durée déterminée. C’est l’honneur de l’actuelle majorité que d’avoir étendu ce droit aux titulaires de CDD.
M. Serge Janquin. Vous corrigez certes vos erreurs !
M. Jean Ueberschlag. À l’époque, vous ne vous préoccupiez pas beaucoup de celles et ceux en situation de précarité. Arrêtez donc, de grâce, de nous donner des leçons dans ce domaine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables à cet amendement.
Je mets aux voix l'amendement n° 30.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 15.
La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.
Mme Martine Billard. Vous nous expliquez, monsieur Ueberschlag, que, puisque vos prédécesseurs ont mal fait, vous auriez le droit de faire aussi mal à votre tour. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Et ce sont les mêmes qui considèrent qu’un contrat de responsabilité parentale est nécessaire. Quel exemple ! Je pense, quant à moi, qu’il faut toujours essayer de faire mieux !
Mon amendement vise à moduler le montant des cotisations sociales des entreprises, ou, le cas échéant, le niveau de leurs exonérations, en fonction de leur proportion d’emplois précaires. Il n’y a effectivement aucune raison que les entreprises vertueuses et respectueuses, qui embauchent leurs salariés en CDI et les rémunèrent correctement – ce qui ne peut que leur être favorable puisque leurs employés n’ont qu’une envie : y demeurer et progresser – paient autant que celles qui, pour accroître leurs bénéfices, profitent de la précarité. Les politiques d’exonérations conduites depuis quatre ans ne sont pas ciblées : toutes les entreprises reçoivent les mêmes aides, les très petites, les petites et moyennes comme les très grandes. Vous traitez de la même façon celles qui ne peuvent ou ne veulent pas délocaliser et celles qui utilisent les aides pour s’installer, par la suite, à l’étranger. Il faut donc en finir avec cette politique indifférenciée. C’est ce que défendent aujourd’hui les Verts et qu’ils défendront s’ils font partie d’une majorité. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Eh oui, nous sommes cohérents ! Le ciblage doit être très clair. Arrêtons de favoriser l’emploi précaire, à temps partiel, chez Virgin, McDonald's, Pizza Hut, dans la grande distribution au lieu d’aider davantage les petits commerçants, les artisans et les petites entreprises qui créent des emplois et auxquels vous ne proposez comme seule solution pour survivre que de presser le citron en pénalisant les salariés. Nous proposons, quant à nous, d’aider ces entreprises pour que leurs salariés puissent vivre correctement.
M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables à cet amendement.
Je mets aux voix l'amendement n° 15.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures vingt, est reprise à onze heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
M. le président. Sur l’article 1er, plusieurs orateurs sont inscrits.
La parole est à M. Philippe Edmond-Mariette.
M. Philippe Edmond-Mariette. Nul ne peut contester l'urgence sociétale à prendre à bras-le-corps la problématique de l'emploi. En effet, le chômage est une des principales machines à produire inégalités et exclusion, à créer des discriminations entre les générations et les classes d'âge, entre les citoyens, selon qu'ils soient actifs d’origine étrangère, blancs, noirs, habitants des banlieues ou des quartiers sensibles.
Aujourd’hui avec la mort du CPE, nous assistons à une agonie de nos institutions et des règles de la Ve République. Le débat d’aujourd’hui a, en fait, un seul mérite : celui de marquer le terme de l’article 8 de la loi pour l’égalité des chances. Ce faisant, le Gouvernement mesure mieux aujourd'hui l'adage selon lequel « le chemin de l'enfer est pavé de bonnes intentions ».
M. Jean-Pierre Brard. Même pas !
M. Philippe Edmond-Mariette. Je pensais que le débat aurait permis d’enrichir, en les complétant, certaines dispositions. Quelle n’a pas été ma surprise de constater que mon amendement a subi le couperet de l’article 40, alors qu’hier soir, la confusion était telle que le président de la commission des finances a dû se rendre dans l’hémicycle pour expliquer que la proposition de loi était recevable, le Gouvernement s’étant engagé à déposer un amendement prenant en compte la totalité de la dépense.
Je lis dans l’introduction du rapporteur que le taux de chômage des jeunes en France est aujourd’hui de 22,2 %, contre 9,6 % pour l’ensemble de la population, et qu’il atteint même 40 % pour les jeunes sans aucune qualification. C’est inacceptable, mais, outre-mer, monsieur le rapporteur, il est de 65 % pour les jeunes de quatorze à vingt-cinq ans. Or, dans les projets Borloo, il n’a jamais été question d’y étendre les ZUS. Mon amendement consistait justement à étendre le dispositif des ZUS à l’ensemble des régions ultramarines, compte tenu des difficultés que connaissent ces populations.
J’ai le sentiment d’un éternel recommencement. En 1993, le gouvernement de M. Balladur avait tenté le CIP et, aussitôt le CIP retiré, avait lancé une large consultation des jeunes à partir d’un questionnaire dépouillé et analysé par un comité. Quelques mesures avaient été arrêtées mais, depuis, on n’a jamais abordé véritablement la question de fond du traitement du chômage, particulièrement pour les jeunes non qualifiés, non diplômés et en situation d’exclusion. Pour ces derniers, le seul espoir peut être résumé par la formule suivante : « cachons-nous pour être choisis ». Je veux parler du CV anonyme, je note au passage qu’aucune sanction n’a été prévue dans le texte créant la HALDE ni dans celui relatif à l’égalité des chances. Et bien malin celui qui pourra nous dire quels objectifs seront remis en cause dans le cadre du redéploiement des crédits du ministère de l’emploi !
De plus, monsieur le ministre, il convient peut-être de poser le problème du statut social du jeune pour lui permettre d’être responsable, autonome, qualifié, et inciter les entreprises à conclure des CDI progressifs.
Outre-mer, ni la loi Perben de juillet 1994, ni la loi d’orientation de décembre 2000, ni la loi Girardin de 2003 n’ont permis de juguler le chômage. Si l’on renforce les contrats aidés, pourquoi ne pourraient-ils pas s’appliquer dans ces régions particulièrement défavorisées ?
Avec les manifestations contre le CPE, c’est le vaste cri d’une jeunesse angoissée pour son avenir qui s’est exprimé, qui nous a renvoyé l’écho des crépitements des braises des émeutes de novembre 2005. C’est le cri d’une jeunesse tellement désespérée qu’elle fait de son corps le dernier bouclier de son défi à notre société, exposant sa propre vie, car c’est l’ultime bien qu’elle possède, marchandisant ainsi la vie humaine.
C’est cette jeunesse anxieuse dont le destin doit être le véritable enjeu de nos débats, dans un pays inquiet qui nous observe et nous juge. L’État ne peut plus différer ses responsabilités car attendre, c’est blesser encore davantage la République, qui vient de vaciller sur son socle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.
M. Michel Liebgott. Les débats que nous avons depuis hier soir sont très édifiants. Nous avions cru comprendre que le CPE était retiré. Il l’est effectivement et nous allons voter en ce sens. Pour autant, nous avons bien compris en écoutant certains collègues que, sorti par la fenêtre, il risquait de revenir par la grande porte dans un an. Le Premier ministre ne l’avait en effet lancé que pour essayer de prendre de vitesse le président de l’UMP, qui, lui, essaiera de faire revenir par la grande porte un CPE modernisé, s’inspirant très largement du CNE.
S’agissant du CNE, des instructions ont été données par le garde des sceaux aux procureurs, ce qui, soit dit en passant, constitue une ingérence assez curieuse, précisant que les conseils de prud’hommes ne pourront sanctionner les employeurs qu’en cas de volonté de nuire au salarié, de légèreté blâmable ou d’abus dans l’exercice du droit de résiliation. En clair, on le sait, le CNE dispense l’employeur de motiver la rupture du contrat par une raison réelle et sérieuse.
Nul n’est donc dupe. On sait très bien que le CNE se transformera un jour en contrat unique, le président de l’UMP l’a d’ailleurs rappelé hier dans Le Figaro. Le contrat unique, c’est la disparition annoncée des CDI et des CDD pour mettre en place un nouveau dispositif. Il n’y aura plus besoin de CPE. Nous allons l’abroger, mais, en réalité, il reviendra pour les entreprises de plus de vingt salariés par le biais du contrat unique. Ne soyons donc pas dupes de la situation.
Vous vouliez agir vite, on l’a bien compris. Pour prendre de vitesse le président de l’UMP, le Premier ministre et son gouvernement ont réussi à plomber la France pendant deux mois, à plomber à la fois le fonctionnement de l’enseignement et l’ensemble de l’économie française. Le coût n’a pas été chiffré, mais ça vaudrait la peine d’y regarder de plus près.
On comprend d’ailleurs avec le recul pourquoi il n’y a pas eu de concertation. Les partenaires sociaux, vous les connaissez un petit peu, vous lisez leurs écrits, vous nous écoutez également et nous, nous les avions rencontrés. En fait, il ne s’agissait pas de gagner du temps, il s’agissait tout simplement d’éviter le dialogue parce que vous saviez d’ores et déjà qu’il y aurait forcément un refus de l’ensemble des organisations syndicales et que, pire encore, vous seriez en position d’échec avant même de présenter le texte à l’Assemblée nationale.
Votre seul projet, en réalité, c’est la flexibilité. Hier soir, surtout tard dans la nuit, lorsque, peut-être, plus grand monde ne nous écoute, des orateurs de la majorité se sont exprimés de façon très claire. Ce que vous souhaitez, nous l’avons vu récemment sur d’autres textes, c’est la multiplication des travailleurs pauvres, qui cumuleront minima sociaux et petits salaires. C’est la demande formulée par le patronat, que lui, vous écoutez, contrairement aux syndicats.
Nous savons parfaitement que, dans une société en mouvement, il faut bouger. Nous ne sommes pas partisans de l’immobilisme. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Alain Gest. Cela reste à prouver !
M. Michel Liebgott. Cela dit, dans une société équilibrée, il faut un dialogue entre les élus et les partenaires sociaux. Sinon, la société civile se sent en rupture avec la société politique, et c’est le début de la pagaille, de l’anarchie, de la chienlit, comme le disait le général de Gaulle.
Nous croyons également que l’économie fonctionne lorsque la croissance est relancée. Nous sommes plutôt partisans d’une relance par la demande plutôt que par l’offre. Ce n’est pas du tout votre façon de voir les choses.
Par ailleurs, aucune contrepartie ne sera demandée aux entreprises en échange des aides qu’elles vont recevoir, même pas pour la formation. Pour les CIVIS non plus, on ne leur demande aucun effort pour qualifier les jeunes. Or on sait très bien qu’on trouve du travail si l’on est qualifié, et qu’on en retrouve après un échec si l’on est encore plus qualifié.
M. le président. La parole est à M. Simon Renucci.
M. Simon Renucci. Monsieur le ministre, votre gouvernement et votre majorité consentent à la seule issue possible de cette crise : la disparition du CPE. C’est la seule finalité de ce texte, on l’a bien compris.
On peut regretter la lenteur et la confusion qui ont prévalu avant cette décision, mais c’est néanmoins une victoire pour les étudiants, les salariés et leurs organisations syndicales. Il faut rendre hommage à leur esprit d’unité et à leur sens des responsabilités, qui leur ont permis d’obtenir gain de cause.
L’élément majeur positif du texte, c’est l’abrogation de cette disposition.
En choisissant un dispositif ciblé sur les jeunes non qualifiés, vous validez une partie de l’analyse que nous faisions il y a plusieurs semaines lorsque nous vous reprochions de généraliser la précarité à tous les jeunes sans apporter de solutions appropriées à ceux qui sont le plus en difficulté.
Les mécanismes proposés, qui s’appuient sur le CIVIS et le dispositif de soutien à l’emploi des jeunes en entreprise, ne constituent cependant qu’un simple aménagement de l’existant. C’est dans une direction beaucoup plus offensive qu’il faudrait s’engager, en renforçant massivement les moyens destinés à l’accueil et à l’accompagnement des jeunes, en les sécurisant à tous égards et en faisant clairement le choix de replacer le CDI au centre d’un dispositif d’insertion durable des jeunes dans l’entreprise. C’est le sens des propositions qui seront défendues par le groupe socialiste le 16 mai prochain.
Le temps est venu de retenir comme enseignement qu’aucune modification du code du travail ne pourra dorénavant être imposée sans négociation préalable avec les partenaires sociaux et tous les intéressés. Il y a là une question cruciale pour l’avenir, celle de la réforme, de sa conduite, de son sens et de sa légitimité.
Oui, nous pouvons, nous devons réformer, à condition de mener une concertation authentique, de respecter le principe de justice et d’offrir une perspective audacieuse et solidaire. Pour nous, une réforme, c’est avant tout un contrat de confiance.
Il y a un grave problème de gouvernance, comme on a pu le constater. Ce n’est pas se dessaisir du pouvoir politique que de pratiquer la concertation, la démocratie véritable dans le domaine social, d’associer les citoyens et leurs représentants à la prise de décision.
Il y a ensuite un problème de principe. Je ne crois pas à la réforme sans justice ni équité. Avant de proposer des réformes de plus en plus soumises à la contrainte financière, il faut dire quel est le sens véritable et le but recherché en matière de politique sociale. Dans notre pays, le principe d’égalité a valeur de symbole et d’idéal et demeure une aspiration profonde. Nous devons donc avoir le souci constant, singulièrement lorsque l’on appelle à l’effort national, de répartir de façon équitable ledit effort. Comment justifier, en effet, qu’en temps de difficulté, l’effort doive être supporté par le plus faible quand d’autres en sont dispensés et voient même leur niveau de vie augmenter ? Ce n’est donc ni la réforme ni l’effort que les Français rejettent mais bien une certaine caricature de la politique libérale, qui ne correspond pas plus aujourd’hui qu’hier à notre pays.
Enfin, il faut donner une direction. La fonction centrale du politique, c’est de mettre en scène l’avenir et d’indiquer le chemin car, voyez-vous, mes chers collègues, il est très difficile de réformer une société et d’entraîner un peuple lorsque l’on n’a que des efforts à lui imposer et pas de perspective volontariste à lui offrir. C’est bien la leçon des dernières semaines.
Ce texte a un mérite, celui d’abroger le CPE, mais il n’offre toujours pas de perspective crédible. C’est à quoi, avec mes collègues socialistes et bien d’autres, nous allons nous employer, pour vous proposer une alternative digne de notre pays et de notre jeunesse, qui aspire à un changement profond et à un acte de confiance à son égard.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
Mme Jacqueline Fraysse. Encore une fois, permettez-moi d’insister sur la satisfaction du groupe des député-e-s communistes et républicains : l’enterrement du CPE constitue incontestablement une grande victoire à l’actif des lycéens, des étudiants, des salariés et de leurs organisations syndicales. Cependant, cette satisfaction ne signifie pas que l’article 1er de la présente proposition de loi soit exempt de tout reproche. En effet, il s’agit ni plus ni moins d’élargir les mesures existantes en matière d’emplois aidés.
Je tiens tout d’abord à préciser que la légère baisse du taux de chômage observée ces derniers mois ne saurait être mise en relation avec les multiples contrats aidés créés depuis 2002 – CJS, CIVIS, CAE, contrat d’avenir… Elle est essentiellement liée aux radiations de demandeurs d’emplois – une employée de l’ANPE vient d’écrire sur ce sujet un ouvrage intéressant – et à l’effet des premiers départs à la retraite de la génération du baby-boom. Aussi l’impact sur l’emploi de ces contrats aidés ne va pas de soi ; il semble donc inconcevable d’accepter un élargissement des dispositifs existants en l’absence d’un bilan sérieux et contradictoire. Que savons-nous des effets de substitution ou des effets d’aubaine qu’ils sont susceptibles d’entraîner ? En l’absence de réponse précise, est-il responsable de donner un blanc-seing à cet article 1er dont le coût pour les finances publiques s’élèvera à la bagatelle de 300 millions d’euros en année pleine ?
Dès cette année, 150 millions d’euros vont être dégagés par redéploiement de crédits, nous dit-on. Le Gouvernement doit donc indiquer précisément à la représentation nationale quels programmes seront déshabillés pour financer ces nouvelles mesures. Accorder 300 millions d’euros annuels, sans contrepartie ni contrôle, sans garantie de résultats en termes de lutte contre le chômage, ce n’est pas rien !
Ces sommes viennent s’ajouter aux 70 milliards d’euros de cadeaux offerts au patronat, toutes mesures confondues, depuis le début de la législature : 70 milliards d’euros en quatre ans pour 65 000 emplois créés en 2005, dont 70 % sont précaires !
Assurément, un bilan s’impose avant d’oser aller plus loin, d’autant que les 300 millions d’euros annuels seront accordés sans discrimination. Aussi bien les grands groupes du CAC 40 aux profits insolents que les PME en difficulté auront droit à ces aides.
Est-il acceptable, mes chers collègues, que Total, pour ne prendre qu’un seul exemple, avec ses 12 milliards d’euros de profit et ses 20 % de dividendes supplémentaires versés aux actionnaires en 2005 puisse y prétendre ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) Le scandale du CPE en cache décidément bien d’autres et vous n’avez pas honte de formuler une telle proposition ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Outre son inadaptation et son coût, cet article rend désormais accessible le bénéfice du CIVIS, auparavant réservé aux jeunes ayant un niveau universitaire inférieur à « bac + 2 », à tous les jeunes sans condition de diplôme. Dans le même temps, le titulaire d’un CIVIS peut être admis au bénéfice d’un contrat « jeunes en entreprise ». Bref, le texte proposé s’éloigne considérablement de l’objectif martelé depuis des semaines, et auquel était censé répondre le défunt CPE : cibler les publics les moins qualifiés et le plus en difficulté.
Remplacer la référence à un niveau de formation inférieur à « bac + 2 » par une formule aussi flou que « rencontrant des difficultés particulières d’insertion sociale et professionnelle » ne peut que nous laisser perplexes. Désormais, un jeune ingénieur ou un titulaire d’un master en période de chômage pourra à présent obtenir un CIVIS ou au contrat « jeunes en entreprise ». Il s’agit là d’une extension manifestement abusive de la portée de ces dispositifs.
Nous ne saurions donc approuver cet article, sur lequel nous avons déposé des amendements visant à suggérer des propositions beaucoup ambitieuses en faveur de l’emploi des jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. Nous en venons aux amendements.
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, je demande la parole.
M. le président. Mme Fraysse s’est exprimée au nom du groupe des députés communistes et républicains. Vous pourrez intervenir sur les amendements. Je vous remercie de votre compréhension.
M. Jean-Pierre Brard. Je vous le revaudrai, monsieur le président !
M. le président. Monsieur Brard, quand on postule à l’Académie française… (Sourires.)
Je suis saisi de sept amendements, n°s 19, 18, 25, 26, 20, 21, 22 pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour les soutenir.
M. Jean-Claude Sandrier. Au cours des manifestations de ces dernières semaines, une nouvelle revendication s’est fait jour à laquelle vous semblez vouloir faire la sourde oreille, je veux bien sûr parler de la contestation grandissante du grand frère du CPE, le contrat nouvelles embauches.
Cette revendication est légitime et logique car ce contrat présente exactement les mêmes caractéristiques et les mêmes dangers que le CPE. Il permet en particulier à l’employeur de licencier sans motif et sans respecter la procédure de droit commun. Ce contrat nouvelles embauches constitue une tromperie, pour les employeurs comme pour les salariés : aux premiers, le Gouvernement fait croire qu’ils ne risquent pas de se retrouver devant les prud’hommes, ce qui est faux ; quant aux seconds, il leur revient maintenant de prouver la raison de leur licenciement devant le juge.
Mais le contrat nouvelles embauches n’est pas seulement une machine à contentieux, il est en outre contraire à notre code du travail et à la charte sociale européenne qui interdit de jeter un salarié sans motif : « Tous les travailleurs ont droit à une protection en cas de licenciement » précise encore la Convention internationale du travail.
Le CNE constitue à l’évidence la marque d’un manque de respect à l’égard des salariés ; il constitue même une atteinte à la liberté individuelle. Son abrogation est une exigence. C’est une marque élémentaire de reconnaissance de la dignité du travail. Vous n’avez de cesse de brandir la fameuse valeur « travail » alors que dans le même temps vous vous acharnez à dévaloriser ce dernier, notamment en le précarisant, en favorisant le revenu du capital aux dépens des revenus du travail. Il est plus que temps d’en finir avec à une conception des relations de travail plus proche du XIXe siècle que du XXIe. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. Sur le vote des amendements nos 19 et 18, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
J’ai déjà fait preuve de gentillesse et de clémence à votre égard en acceptant certains de vos amendements car « retirer » et « supprimer », n’ont pas ici plus de valeur juridique que « karchériser ». Seul « abroger » convient.
Mais vous pourrez répondre à la commission et au Gouvernement.
L’avis de la commission est défavorable sur les amendements n°s 19, 18, 25, 26, 20, 21, 22.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Avis identique.
M. le président. La parole est à M. François Liberti.
M. François Liberti. Nous proposons l’abrogation du CPE, dont la finalité était l’instauration d’un contrat unique de l’école à la retraite, avec liberté de licencier pour les employeurs et précarité tout au long de la vie.
L’objectif que vise cet amendement est limpide. Il s’agit de lever un tabou ridicule – mais lourd des ambiguïtés cultivées ces dernières semaines, et encore dans ce texte, par la majorité – celui du mot « abrogation ». Vous vous êtes obstinément refusés à le prononcer pour des motifs de susceptibilité et d’atermoiements du chef de la majorité. Cette situation sans précédent est indigne du principe de responsabilité dont vous aimez tant vous réclamer.
Comment ne pas voir en effet dans le choix de substituer à l’article créant le CPE un dispositif rédigé à la hâte, dans l’improvisation la plus totale, une opération de bricolage politique ? Nous pourrions en sourire si le sujet n’était pas aussi grave. Comment accepter dans ce contexte qu’un bricolage tienne lieu de porte de sortie, au motif qu’on ne veut pas prononcer le mot « abrogation » ?
Il est choquant que le dispositif qui nous est soumis n’ait fait l’objet d’aucune concertation, alors que vous prônez le dialogue. Ni les partenaires sociaux, ni les parlementaires n’ont été d’une quelconque manière associés à l’élaboration de ce dispositif. Cela en souligne certes le caractère purement décoratif, mais cela témoigne surtout, de manière plus inquiétante, le mépris dans lequel votre majorité tient nos institutions et les organes de délibération démocratique.
Vous considérez de façon désormais systématique que la représentation nationale se limite aux députés de l’UMP, comme si nous vivions sous un régime de parti unique ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) De surcroît, vous considérez que toute contestation de ce mode de fonctionnement est une atteinte à la démocratie. C’est un comble ! Mais lorsque l’on dirige un pays, comme d’autres autrefois la mairie de Paris, en le considérant comme sa chose, il faut évidemment s’attendre à provoquer l’indignation de nos concitoyens ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Avec cet amendement, nous vous offrons l’occasion de vous rattraper, de prendre enfin vos responsabilités, de cesser de jouer avec les mots et de confisquer l’expression démocratique. Nous vous demandons de voter purement et simplement l’abrogation du CPE. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, je m’étonne que l’homme cultivé et raffiné que vous êtes ne connaisse pas la différence entre retrait, suppression et abrogation. Mais il est vrai que l’heure avance et que nous ne pouvons pas passer trop de temps en débat sémantique, même si le sujet le mérite.
Revenons-en, j’allais dire, au projet du Gouvernement. Lapsus ! Le reste n’est que chicayas au sein de l’UMP !
La suppression du CPE a été, durant trois mois, sous différents vocables, l’objet commun du large mouvement social regroupant l’ensemble des organisations syndicales de travailleurs et les principales organisations étudiantes et lycéennes. Les interventions de nos collègues de l’UMP – dont la plus brillante a été, ce matin, celle de M. Soisson, après celles hier de M. Garrigue et de notre bon collègue, Hervé « Samariton » – montrent qu’ils ne renoncent à rien ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Vous prenez acte du rapport de force et du magistral coup de pied aux fesses que vous avez reçu, mais vous n’avez rien compris.
M. Jean Leonetti. Quelle arrogance !
M. Jean-Pierre Brard. Pourtant, vous avez eu le temps de réfléchir depuis le début de cette extraordinaire confrontation sociale. D’ailleurs, vous auriez dû en voir les signes avant-coureurs.
Vous avez fait adopter le CNE à l’esbroufe, par voie d’ordonnance, l’été dernier. Maintenant, vous affabulez. Vous racontez que ce contrat aurait créé 400 000 emplois. Mais je vous renvoie aux statistiques de l’INSEE, consultables par tous ceux qui ont l’esprit curieux : elles fixent la création nette d’emplois entre 10 000 à 20 000. Le reste correspond à des emplois que vous avez déclassés : des CDI requalifiés en CNE. Voilà la réalité !
M. Patrick Ollier. C’est faux !
M. Jean-Pierre Brard. Les chiffres que vous citez sans cesse ne valident pas votre politique, mais attestent au contraire de votre acharnement à démonter le code du travail.
M. Robert Lamy. C’est faux !
M. Jean-Pierre Brard. Vint ensuite le CPE. Évidemment, vous auriez pu choisir une autre méthode que d’imposer à nos collègues de l’UMP la souffrance extraordinaire de siéger aujourd’hui dans l’hémicycle.
M. Maxime Gremetz. C’est un plaisir !
M. Jean-Pierre Brard. Oui, pour nous ! Mais pour les épargner, eux, il aurait suffi que le Président de la République demandât une deuxième délibération, voie qu’il n’a pas choisie.
Comme l’a rappelé à l’instant François Liberti, il a opté pour une drôle de procédure, inusitée dans nos institutions, en chargeant les présidents des groupes UMP du Sénat et de l’Assemblée nationale de chercher une solution alternative et de consulter à cet effet les partenaires sociaux. En réalité, il s’agissait non de procéder à une consultation, mais de donner le change à l’opinion, le Gouvernement ne voulant pas d’une abrogation qui aurait acté la défaite politique considérable qu’il a subie.
Comme le disait François Liberti, il a usé d’une pratique qui avait cours dans les pays de l’Est avant 1990 : celle du parti unique. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Robert Lamy. Vous êtes expert en la matière !
Plusieurs députés de l’UMP. Stalinien !
M. Jean-Pierre Brard. Vous revendiquez ce statut ! D’ailleurs, ce matin, depuis qu’il est arrivé dans l’hémicycle, M. Accoyer est plongé, tel le Sphinx, dans le silence et la méditation.
M. Jean Leonetti. La méditation vous ferait du bien, à vous !
M. Jean-Pierre Brard. Il a expliqué lui-même aux journalistes qu’il n’avait aucune expérience de la négociation. Mais il n’a pas eu à forcer son talent puisque, de négociation, il n’y a point eu. Il a simplement fallu procéder à un habillage de la capitulation. Voilà ce à quoi M. Accoyer, avec son collègue M. de Rohan, a contribué.
M. le président. Merci, monsieur Brard.
M. Jean-Pierre Brard. J’ai quasiment fini, monsieur le président. Mais, pour clore notre débat à propos du Larousse, que j’avais cité en référence, j’avoue que j’ai commis une erreur. (« Une de plus ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je pensais en effet y avoir trouvé la définition du néologisme que j’ai utilisé. Chacun sait que chaque homme politique rêve d’entrer dans l’histoire. Peut-être est-ce d’ailleurs votre cas.
M. Jean Leonetti. C’est déjà fait !
M. Jean-Pierre Brard. La meilleure façon d’y parvenir n’est-elle pas de faire de son patronyme un nom commun ou un verbe ? Le terme « karchériser » serait pour M. Sarkozy un moyen d’entrer dans l’histoire sinon par lui-même, du moins par délégation. Mais il est d’autres noms que l’on a plus de difficultés à banaliser. Si je pense à vous, monsieur le président ou à Michel Debré, quel mot faudrait-il utiliser ? Debréyer ? Et pour vous, monsieur Larcher ? Larchériser ?
M. François Lamy. Cela suffit ! Arrêtez de vous prendre pour un intellectuel !
M. Jean-Pierre Brard. La définition de « karchériser » vient de M. Sarkozy lui-même : nettoyer au Kärcher, nettoyer en profondeur. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean-Michel Dubernard , président de la commission. Cela suffit !
M. le président. Monsieur Brard, vous avez assez « brarisé » ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Brard. Mon nom est beaucoup plus difficile à néologiser que le vôtre, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.
M. Michel Liebgott. Si nous nous apprêtons à remporter une bataille (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), la guerre n’est pas gagnée pour autant, loin s’en faut.
Je veux m’adresser aux jeunes qui nous liront ou qui nous écoutent encore. Certains d’entre eux se demandent s’ils doivent poursuivre le combat contre le CNE. Je leur rappelle que, si le CPE est supprimé, le CNE s’adresse aussi aux jeunes et que, en réalité, on pourra le leur appliquer tranquillement. Ils étaient déjà les spécialistes des stages, de l’intérim et des contrats à durée déterminée. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean Leonetti. C’est vrai !
M. Michel Liebgott. Ils deviendront, n’en doutons pas, les spécialistes des contrats nouvelles embauches. Ainsi, à travers le CNE, le CPE va continuer à s’appliquer, sauf dans les très grandes entreprises. Mais celles-ci n’ont aucune difficulté à pratiquer massivement les licenciements collectifs chaque fois qu’elles veulent ou à gérer leurs ressources humaines en faisant partir des gens par des mesures frappant une tranche d’âge, pour embaucher tranquillement des jeunes.
Si vous acceptez de remplacer le CPE – puisque vous ne l’abrogez pas –, c’est bien parce que vous savez au fond que le CNE va continuer de s’appliquer et que les jeunes en seront les premières victimes.
Enfin, je rappelle non plus aux jeunes mais à tous les élus locaux de notre pays la catastrophe que représentent les emplois précaires…
M. Jacques Le Guen. Les emplois-jeunes !
M. Michel Liebgott. …dans les marchés publics que nous passons avec de grandes entreprises qui sous-traitent. Je viens d’une région industrielle où, pendant de très nombreuses années, la sidérurgie a travaillé avec des gens qualifiés en contrat à durée indéterminée. Non seulement ceux-ci disposaient d’une qualification initiale, mais ils en acquéraient une de manière permanente au fil des années. Croyez-moi : depuis que les grandes entreprises font appel, pour la sous-traitance, à de petites entreprises jouant de tous les petits contrats comme elles vont jouer du CNE, le travail n’est plus à la hauteur. On fait encore de la quantité, mais plus de la qualité. Notre pays va perdre beaucoup. Le démantèlement du droit du travail qu’organise le Gouvernement est le commencement d’une dégradation permanente non seulement des conditions de travail mais de la qualité de ce travail. Nous le paierons au prix fort dans quelques années.
M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Maxime Gremetz. Si les députés de la majorité étaient plus responsables, le débat durerait moins longtemps ! Mais ils n’écoutent pas nos propositions. Pourtant, étant donné qu’ils n’ont rien d’autre à faire que d’attendre le vote, ils devraient écouter davantage et se montrer plus sages et plus modestes.
M. Jean Leonetti. Patron voyou ! Licencieur abusif !
M. Maxime Gremetz. Sur le fond, nous nous reverrons encore, comme je vous l’ai dit. Mais je veux rappeler les propositions que nous venons de faire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Si nos collègues préfèrent poursuivre le débat cet après-midi, cela ne pose aucun problème, monsieur le président !
M. le président. Non ! Continuez, monsieur Gremetz. Je vous écoute.
M. Maxime Gremetz. Je rappelle donc que les amendements du groupe des député-e-s communistes et républicains, qui viennent d’être brillamment défendus, visent l’abrogation du CNE ou du CPE. Pour ces amendements, j’ai demandé un scrutin public.
Les trois autres amendements, nos 25, 26 et 20, ne peuvent, à mon sens, être soumis à une discussion commune, puisqu’ils contiennent des propositions de nature différente.
M. le président. Vous savez que des amendements soumis à une discussion commune sont votés séparément.
M. Maxime Gremetz. Oui.
M. le président. Les trois autres amendements dont vous parlez visent non seulement à supprimer des dispositions, mais à les remplacer par d’autres. Je considère par conséquent qu’ils peuvent être soumis à une discussion commune. Mais, si vous avez quelque chose à dire à ce sujet, faites-le tout de suite.
M. Maxime Gremetz. Je propose que nous passions au vote des deux amendements sur lesquels nous avons demandé un scrutin public.
M. le président. Monsieur Gremetz, vous n’êtes pas encore président de l’Assemblée nationale !
M. Maxime Gremetz. Non, mais je souhaite que les choses soient bien claires. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. J’espère en tout cas que, lorsque vous serez président de l’Assemblée nationale, vous laisserez parler tout le monde.
La parole est à Mme Marylise Lebranchu. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mme Marylise Lebranchu. Ne protestez pas, mes chers collègues, ce sera ma seule intervention dans ce débat. Vous me permettrez cependant une remarque : l’expression « patron voyou », que je viens d’entendre, que je n’ai jamais utilisée personnellement,…
M. Maxime Gremetz. Moi, je l’ai utilisée !
Mme Marylise Lebranchu. …a été inventée par le Président de la République actuel. Peut-être fallait-il remettre les choses à leur place. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Ce débat, qui nous réunit après le conflit que chacun connaît, donne une image extrêmement négative de notre pays. (« C’est vrai ! » sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Nous disons en effet à la jeunesse que la seule solution que nous avons trouvée pour éviter qu’elle ne croie plus en ce qu’elle fait, sachant que sa vie sera forcément plus difficile que celle des générations précédentes, c’est de lui offrir des contrats précaires. Nous lui disons aussi que la seule façon d’éviter que des enfants sortent de l’école sans qualification est de baisser l’âge de la scolarité obligatoire (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), alors même que nous pourrions travailler ensemble, avec les organisations patronales – lesquelles, il faut le savoir, acceptent mal votre proposition – pour créer une école obligatoire jusqu’à seize ans qui permette aux enfants de sortir avec une qualification et d’avoir envie de créer.
Nous donnons une image défaitiste et négative de notre pays. Certains enfants ont des ennuis dans leur famille. Or nous donnons l’impression qu’il n’y a pour eux aucune solution. C’est du moins ce que fait la majorité, permettez-moi de le dire. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Robert Lamy. Vous n’avez pas honte ?
Mme Marylise Lebranchu. Je n’ai jamais dit que j’étais parfaite. Jamais on ne m’a entendu dire cela ! Si nous avons été battus en 2002, j’en conviens, c’est que nous avons failli, je n’ai jamais prétendu le contraire.
Mais, lorsque, pour répondre aux difficultés très graves qu’éprouvent certains enfants, on ne trouve pour toute solution que de sanctionner les familles, c’est vraiment que l’on n’a rien trouvé d’autre, ce qui est défaitiste et humiliant.
M. Jean-Marc Roubaud. C’est faux !
Mme Marylise Lebranchu. Voilà ce que je tenais à dire. Vos propositions montrent une France qui confirme à ses jeunes que beaucoup de choses vont mal et qu’ils vivront plus mal que leurs parents, alors que je suis convaincue que l’inverse pourrait être vrai. Notre jeunesse est conquérante et victorieuse. Si on avait eu autre chose à lui proposer, elle croirait sans doute davantage en nous et en la politique.
C’est pourquoi je suis si déçue que le Gouvernement donne ce matin une image aussi défaitiste de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Jean Leonetti. C’est vous qui la donnez !
M. le président. Une précision, madame Lebranchu : c’est en réponse à un journaliste qui lui disait qu’il existait des patrons voyous que le Président de la République a répondu : « Certes, il y a des patrons voyous, mais… » L’expression a donc d’abord été employée par un journaliste.
M. Maxime Gremetz. Il faut légiférer à ce sujet !
M. le président. Quoi qu’il en soit, il n’y a pas de député voyou.
La parole est à M. Alain Néri.
M. Alain Néri. Une fois de plus, le Gouvernement a manqué une occasion. Il avait lamentablement échoué à l’écrit de son examen, puisque la réponse à son passage en force au Parlement a été un mouvement social d’une ampleur jamais égalée, qui l’a conduit à la situation que nous connaissons.
Tout cela pour rien, car nous sommes en présence d’une proposition de loi qui n’est qu’un habillage de son recul. Elle n’apporte rien, en effet, et tente seulement de sauver les apparences.
Monsieur le président, vous avez dit à M. Brard qu’il avait sa place à l’Académie française. Je pense qu’il y aura d’autres postulants, car le Gouvernement utilise toutes les richesses de notre langue pour essayer de sauver la face du Premier ministre, tout en assurant la promotion du ministre de l’intérieur.
Telle n’est pas la question qui se pose aujourd’hui. Les Français, en particulier la jeunesse, sont préoccupés par leur avenir. Ils ont bien compris que vous leur offrez davantage de précarité alors que, pour satisfaire leur aspiration à s’installer dans la vie et à construire des projets, ils ont besoin d’emplois qui leur permettent d’accéder à un logement, de fonder une famille, de se réaliser dans leur vie professionnelle et familiale.
Monsieur le ministre, aujourd’hui, vous avez la chance de pouvoir être admis à l’oral de contrôle que vous passez devant la représentation nationale. Alors, parlez clair, écoutez la jeunesse qui vous demande de tenir, pour une fois, un langage compréhensible par tous : annoncez que vous êtes pour l’abrogation du CPE !
M. le président. Nous allons maintenant procéder aux scrutins qui ont été annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je vais d’abord mettre aux voix l'amendement n° 19.
Le scrutin est ouvert.
…………………………………………………………
M. le président. Le scrutin est clos.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 159
Nombre de suffrages exprimés 159
Majorité absolue 80
Pour l’adoption 37
Contre 122
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
Je vais maintenant mettre aux voix l'amendement n° 18.
Le scrutin est ouvert.
…………………………………………………………
M. le président. Le scrutin est clos.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 165
Nombre de suffrages exprimés 165
Majorité absolue 83
Pour l’adoption 36
Contre 129
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 25.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 20…
Mme Muguette Jacquaint. Il n’a pas été défendu !
M. le président. Si, il a été défendu. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Comme j’ai une faiblesse à votre égard, madame Jacquaint, je vous donne la parole pour soutenir l’amendement n° 20 (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)…
Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le président, je ne vous demande pas d’avoir une faiblesse à mon égard (Sourires)…
M. le président. Je dois vous dire que je m’en veux !
Mme Muguette Jacquaint. …mais de laisser la représentation nationale s’exprimer.
Le mot « abrogation » étant tabou pour le Gouvernement, vous avez choisi de remplacer le CPE par d’autres dispositions mais, au final, vous ne proposez qu’un renforcement des mesures existantes relatives aux emplois aidés. Or nous avons exprimé à maintes reprises nos doutes sur l’efficacité de ce dispositif très onéreux qui ne débouche pas nécessairement, loin de là, sur des emplois stables.
Quitte à remplacer le CPE, pourquoi ne pas choisir une voie novatrice, susceptible de sécuriser le développement de l’emploi tout en apportant une réponse efficace aux difficultés d’insertion professionnelle des jeunes ? C’est ce que nous vous proposons par cet amendement qui vise à définir strictement les cas dans lesquels une convention de stage peut être conclue et à instaurer un mécanisme de requalification des stages abusifs en contrats de travail à durée indéterminée, sur le modèle de celui qui est actuellement prévu par le code du travail pour requalifier les CDD en CDI. Il s’agit de favoriser les bonnes pratiques en matière de stages et d’encourager ainsi la transmission des savoir-faire que ceux-ci permettent d’assurer.
J’ajoute que, dans les douze mois suivant la publication de la loi et après consultation des partenaires sociaux, le Gouvernement devrait présenter au Parlement un projet de loi étendant ces dispositions à la fonction publique. En outre, il devrait engager, dans les six mois suivant la publication de la loi, une véritable négociation avec les partenaires sociaux en vue de la conclusion d’un accord national interprofessionnel sur l’élaboration d’une charte d’accueil des stagiaires comportant un plan d’accueil annuel obligatoire des stagiaires dans l’entreprise.
Notre proposition remplacerait utilement le CPE et son adoption offrirait au Gouvernement une occasion de faire preuve de volontarisme en matière d’insertion professionnelle des jeunes.
M. Maxime Gremetz. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour soutenir l’amendement n° 21.
M. Jacques Desallangre. Cet amendement, qui vise à modifier le dispositif destiné à remplacer le CPE, a trait à la gestion prévisionnelle des départs à la retraite. Son dépôt se justifie par notre opposition à l’extension des contrats aidés financés sur les deniers publics sans contrepartie ni contrôle.
Personne n’ignore que, dans les dix années à venir, le nombre de postes à pourvoir augmentera nettement avec le départ à la retraite de la génération du baby-boom : 500 000 départs annuels sont ainsi prévus d’ici à 2015. Cet important mouvement démographique est une chance pour la lutte contre le chômage en France. Dans un tel contexte, il y aurait, selon nous, bien mieux à faire que d’accorder 300 millions d’euros annuels supplémentaires aux entreprises, car de telles méthodes ont déjà été expérimentées et n’ont jamais fait baisser le chômage.
Les départs à la retraite ne s’accompagnent pas toujours d’embauches, ainsi que l’illustrent la récente décision d’EDF de ne remplacer qu’un départ à la retraite sur quatre dans les deux années à venir et celle de France Télécom de supprimer 17 000 emplois. Les entreprises sont nombreuses à user de ces pratiques pour procéder à des restructurations et accroître toujours plus leurs gains de productivité. En outre, elles risquent de profiter de ces remplacements pour précariser encore un peu plus l’emploi, en remplaçant les CDI par des contrats de travail atypiques tels que le CNE.
L’enjeu est bien de consolider le contrat à durée indéterminée en profitant de ces nombreux départs à la retraite. Le présent amendement vise donc à créer un mécanisme de gestion prévisionnelle des départs à la retraite contre embauches. Le dispositif repose sur deux principes : premièrement, une incitation à examiner les conditions de possibilité de cette gestion prévisionnelle dans le cadre de la négociation annuelle d’entreprise ; deuxièmement, une obligation pour l’employeur de communiquer au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel le nombre de salariés en droit de demander le bénéfice de leur départ à la retraite, ainsi que de présenter un plan de gestion prévisionnelle des départs à la retraite contre embauches, plan soumis à la négociation et à l’accord majoritaire.
Ce double mécanisme est conforme à l’intérêt des entreprises, dans la mesure où il assure le renouvellement de la main-d’œuvre dans un débat contradictoire, constructif, par la négociation. Il est, dans le respect du dialogue social, un jalon dans la mise en œuvre progressive d’un dispositif d’emploi et de formation tout au long de la vie. Il est enfin conforme à l’intérêt des salariés, puisqu’il assure le développement de l’emploi stable en prévoyant que les embauches seront réalisées sous CDI – à l’exclusion, naturellement, des CNE –, une attention particulière étant portée aux moins de 26 ans.
Ce mécanisme est assorti de sanctions en cas d’inexécution afin d’en assurer l’effectivité. Je pense en particulier à la création d’une forme nouvelle de contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés en cas de non-établissement de l’accord prévu, dont le taux serait fixé à 10 % et qui serait due par les entreprises ne respectant pas l’obligation de conclure un plan de gestion prévisionnelle des départs à la retraite contre embauches. L’obligation ainsi définie porte sur la signature de l’accord majoritaire, quel qu’en soit le contenu.
Au total, le dispositif proposé est réaliste et apporte à un défi aujourd’hui bien identifié une réponse novatrice et conforme aux principes fondamentaux du code du travail, bref une réponse dont l’esprit est exactement contraire à celui qui a inspiré le CNE et le CPE.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Biessy, pour soutenir l’amendement n° 22.
M. Gilbert Biessy. Cet amendement a pour objet d’encadrer le recours aux contrats à durée déterminée afin d’en limiter les abus. Le groupe des député-e-s communistes et républicains vous soumet en effet une troisième proposition novatrice, qui vise à remplacer le CPE, non pas par un énième gadget coûteux et inefficace, mais par une action innovante permettant d’encadrer strictement le recours à l’emploi précaire.
Le 24 janvier dernier, monsieur le ministre, vous déclariez que la pire des précarités est le chômage, inaugurant ainsi un registre argumentaire qui sera martelé par le Gouvernement et sa majorité pendant plus de deux mois : mieux vaut la précarité, même institutionnalisée par le CNE ou le CPE, que le chômage. La bataille pour l’emploi pouvait ainsi se résumer de la façon suivante : « Nous vous offrons la peste pour mieux vous prémunir contre le choléra. »
Or nous sommes convaincus qu’il est possible de lutter à la fois contre la précarité et contre le chômage. Actuellement, les contrats à durée déterminée et l’intérim représentent près de 10 % de l’emploi total. L’amendement que nous vous soumettons envisage, tout d’abord, un plafonnement du nombre des travailleurs précaires par rapport à l’effectif de l’entreprise, plafonnement qui pourrait, sous certaines conditions, être atteint de façon progressive. Nous souhaitons ensuite limiter les cas de recours aux CDD et à l’intérim, car si ceux-ci sont légitimes pour remplacer un salarié malade ou dont le contrat de travail est suspendu, il n’est pas acceptable que la législation encourage la précarité en permettant de remplacer par un CDD ou un intérimaire un salarié en CDI dont le poste est supprimé ou n’a pas encore été créé.
La présente proposition n’est évidemment pas à prendre ou à laisser : elle est perfectible et mérite d’être discutée avec les partenaires sociaux. Mais elle vaut assurément mieux que le triste replâtrage auquel procède l’actuel dispositif de remplacement du CPE.
M. Maxime Gremetz. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 8.
La parole est à M. Michel Liebgott, pour le soutenir.
M. Michel Liebgott. Mme Lebranchu nous a expliqué que la génération prochaine va devoir payer le prix des erreurs du passé, et pas seulement en termes d’endettement. Aujourd’hui, de plus en plus de jeunes, en particulier ceux issus des familles les plus défavorisées, sont obligés de prendre des petits boulots s’ils veulent poursuivre leurs études. À défaut, ils entrent dans un cycle de précarité dont ils auront beaucoup de mal à ressortir, l’inactivité provoquant, comme on le sait, des dégâts sur le plan matériel, mais aussi sur le plan psychologique.
C’est pourquoi nous sommes choqués qu’un texte qui prétend justement remédier à la précarité – notamment des plus défavorisés – ne parte pas du principe du temps complet. L’amendement n° 8 vise donc à supprimer la mention du temps partiel qui figure à l’alinéa 3 de l’article 1er. On sait que les jeunes font aujourd’hui de longues études, qu’ils auront des carrières courtes, quelquefois pas vraiment reconnues, avec une succession de contrats différents et n’auront que de faibles droits à la retraite, ce qui les obligera à repousser au maximum le moment de leur départ en retraite.
C’est dire si nous préparons une génération sacrifiée. Inutile d’en rajouter, a fortiori avec un texte de loi censé protéger les jeunes ! Les chiffres sont accablants : aujourd’hui, 60 à 80 % des emplois proposés aux jeunes sont en intérim à temps partiel. Et cela ne risque pas de s’arranger, bien au contraire, si la loi ne concourt pas à faire en sorte que les jeunes puissent accéder à des contrats à durée indéterminée à temps complet. 150 000 jeunes de 15 à 29 ans occupent un emploi à temps partiel d’une durée inférieure à 15 heures. Imaginez le salaire qu’ils perçoivent ! Et la situation des 428 000 jeunes qui travaillent moins de 30 heures n’est guère plus enviable. Puisque l’on a parlé de stages en entreprise pour les députés, je propose qu’ils ne les accomplissent pas dans de hautes fonctions, mais dans les postes à temps partiel réservés à ces jeunes, avec le salaire correspondant. Là, on comprendrait peut-être l’erreur commise aujourd’hui, consistant à plonger toute une génération dans la précarité.
M. le président. L’avis de la commission et du Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 8.
Je le mets aux voix.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 29.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour le soutenir.
M. Francis Vercamer. Cet amendement vise à ce que l’entreprise rembourse l’aide qu’elle a perçue pour l’emploi d’un jeune en cas de rupture du contrat pendant la période d’aide. Il paraîtrait en effet curieux qu’une entreprise puisse conserver les aides destinées à favoriser l’insertion professionnelle en cas de licenciement.
On m’a répondu que cet amendement était satisfait par l’article D.322-10-3 du code du travail, mais celui-ci prévoit que le licenciement pour motif économique ne donne pas lieu à remboursement. Or, une délocalisation entraîne des licenciements pour motif économique, ce qui, à mon sens, ne doit pas donner le droit à l’entreprise de conserver les aides.
M. Jacques Desallangre. Très bien !
M. le président. L’avis de la commission et du Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 29.
Je le mets aux voix.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 9.
La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le soutenir.
M. Gaëtan Gorce. Le Gouvernement, pour essayer de cicatriser la plaie ouverte par l’abrogation du CPE, n’a rien trouvé de mieux que de raviver d’anciens dispositifs qui n’ont jusqu’à présent pas démontré leur efficacité, à l’exemple du contrat « jeunes en entreprise ». On nous a fait voter la création des contrats jeunes lors d’une session extraordinaire en 2002, pour remplacer les emplois jeunes. L’écart entre les deux dispositifs est frappant, pas seulement quant à leur nature, mais aussi quant à leur effet en termes d’emploi. Le Gouvernement porte la responsabilité de la faiblesse de ces dispositifs, que l’on nous propose pourtant aujourd’hui de renforcer ! Le principal défaut du CIVIS est de ne prévoir aucune formation en contrepartie des moyens mobilisés par l’État, qui vont d’ailleurs être renforcés. Mais si le Gouvernement ne précise pas où il va prendre les quelques millions d’euros que cela va coûter, c’est qu’il va procéder par redéploiement : on va en fait supprimer certaines aides à l’emploi pour en financer d’autres ! Tout cela n’est pas sérieux. Notre amendement vise donc à rappeler que l’aide de l’État doit donner lieu à une contrepartie en termes de formation ou d’adaptation au poste de travail.
M. le président. L’avis de la commission et du Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 9.
Je le mets aux voix.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 11.
La parole est à M. Bertho Audifax, pour le soutenir.
M. Bertho Audifax. Les élus d’outre-mer rappellent bien souvent les chiffres du chômage des jeunes dans leurs régions. Ces jeunes ne pourront bénéficier des formations professionnalisantes offertes par le nouveau dispositif sans aides à la mobilité. L’amendement n° 11 propose donc qu’ils puissent être aidés par l’Agence nationale pour l’insertion et la promotion des travailleurs d’outre-mer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Hénart, rapporteur. Comme je l’ai déjà indiqué à M. Audifax en commission, l’intervention de l’ANT dans le cadre des nouveaux dispositifs me paraît d’ordre réglementaire. J’ai interrogé le ministre sur ce point et je lui laisse le soin de vous faire connaître la position du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Après avoir étudié cette question avec le ministre de l’outre-mer, je prends l’engagement au nom du Gouvernement d’inscrire cette disposition dans un texte réglementaire. Je souhaite par conséquent le retrait de cet engagement, ou plutôt de cet amendement. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Maxime Gremetz. C’est un lapsus révélateur !
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je voudrais profiter de l’occasion qui m’est donnée pour rappeler que les périmètres des zones urbaines sensibles sont également définis au niveau réglementaire. Jean-Louis Borloo est à la disposition des élus d’outre-mer pour étudier avec eux la fixation de ces périmètres.
M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Audifax ?
M. Bertho Audifax. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 11 est retiré.
Je suis saisi d’un amendement n° 32.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour le soutenir.
M. Francis Vercamer. L’amendement n° 32 vise à modifier la rédaction de l’alinéa 18 de l’article 1er, qui indique que l’accompagnement des jeunes « peut se poursuivre pendant un an ». Afin d’éviter l’incertitude induite par le verbe « pouvoir », il me semble plus approprié d’écrire que « sur demande du salarié, l’accompagnement se poursuit dans un délai maximum d’un an. » Avec cette rédaction, le salarié a l’assurance de pouvoir bénéficier d’un accompagnement s’il le souhaite.
M. le président. L’avis de la commission et du Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 32.
Je le mets aux voix.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 10 portant article additionnel après l’article 1er.
La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le soutenir.
M. Gaëtan Gorce. Vous aviez prévu de mettre en place le CNE, d’en évaluer les résultats et de passer ensuite éventuellement à l’étape suivante. C’était en soi de bonne logique, même si nous combattons l’esprit de ces dispositions. L’amendement n° 10 demande donc l’évaluation de l’ensemble des dispositifs mis en place pour l’emploi des jeunes.
Malheureusement, je ne me fais guère d’illusions quant au fait que le Gouvernement puisse accepter cette demande : ce qui nous est proposé ne vise pas à améliorer la situation, mais simplement à tenter de sauver les apparences.
M. Jean-Pierre Soisson. Une évaluation tous les six mois, ce n’est pas raisonnable !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Hénart, rapporteur. Défavorable, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Défavorable, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 12 du Gouvernement, visant à supprimer l’article 2.
La parole est à M. le ministre, pour le soutenir. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Alain Néri. Ça ne va pas être facile à expliquer !
M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Le bureau de la commission des finances n’a pas jugé recevable la requête de M. Migaud portant sur l’irrecevabilité de cette proposition de loi au titre de l’article 40 de la Constitution. C’est en effet l’intention explicite du Gouvernement que de prendre à sa charge les dépenses induites par les dispositifs en faveur des jeunes en difficulté que cette proposition met en place. La solution retenue privilégiait l’utilisation des 397 millions d’euros de reports déjà octroyés sur la mission travail, alors que la dépense prévue est de 150 millions d’euros, principalement pour l’adaptation et le renforcement du contrat « jeunes en entreprise ». Les 150 000 jeunes les plus éloignés de l’emploi constituent en effet notre priorité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Hénart, rapporteur. Favorable, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.
M. Didier Migaud. Je ne suis pas du tout convaincu par l’argumentation juridique de la commission des finances : nous sommes en présence d’un véritable « objet juridique non identifié ».
Le ministre propose de supprimer l’article 2 censé gager l’aggravation de la dépense publique induite par le texte. La proposition de loi ne comportera donc plus qu’un article unique qui aggrave la charge publique sans prévoir aucune compensation. Notre position s’en trouve renforcée.
Le ministre nous a aussi expliqué que son dispositif coûterait 150 millions, financés par redéploiement. Cela veut dire qu’il n’y a pas un centime nouveau pour le programme « Accès et retour à l’emploi », mais qu’il y a 150 millions de moins quelque part ! Paradoxalement, la proposition de loi va aboutir à ce qu’il y ait 150 millions d’euros de moins consacrés à l’emploi dans la loi de finances. Bravo ! Vous faites vraiment n’importe quoi !
M. Borloo nous a fait une démonstration éclatante hier soir, qui valait une séance de cinéma. Il nous a expliqué qu’il fallait « doper les mécanismes existants »,…
M. Jean-Marc Roubaud. Vous, vous préférez anesthésier l’emploi !
M. Didier Migaud. …notamment le dispositif intitulé « Soutien à l’emploi des jeunes en entreprise ». Mais c’est le dispositif dont vous avez réduit les crédits de 36 % en loi de finances initiale pour 2006. De qui se moque-t-on ?
Donc, en fait, ces 150 millions d’euros ne sont que le rétablissement des crédits pour 2005. Tout çà pour ça ! Nous comprenons qu’il fallait trouver une porte de sortie et que ce texte est un habillage. Nous savons aussi que le ridicule ne tue plus depuis longtemps. Mais il y a tout de même des bornes à ne pas dépasser ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.
M. Jean-Marc Ayrault. Si elle n’était pas lourde de conséquences, la situation serait comique car lorsque M. Borloo parle de dopant, on pense à un sketch de Coluche !
Mais je comprends que tout cela soit une souffrance pour vous, Gérard Larcher. C’est d’abord une souffrance politique car nous avons là la démonstration que la solution qui a été trouvée pour abroger le CPE était totalement artificielle. Trois mois après ce conflit qui n’a que trop duré, vous n’avez pas eu le courage politique de prendre une disposition très simple et qui vous aurait évité cette situation ridicule, disposition que nous réclamions depuis le début de la crise, l’abrogation du CPE. Les choses auraient été plus claires. Didier Migaud vient de démontrer, en tout état de cause, que l’emploi des jeunes ne bénéficierait pas d’un centime de plus. C’est dramatique. On se moque vraiment d’eux !
Cela étant, nous vous laisserons supprimer le CPE par cette méthode car nous souhaitons que l’issue positive du mouvement sociale se concrétise en cette fin de matinée du 12 avril 2006. Mais, si nous étions cruels, nous déposerions un recours au Conseil constitutionnel…
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Chiche !
M. Jean-Marc Ayrault. …et la loi serait abrogée !
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Faites donc !
M. Jean-Marc Ayrault. Soyez cependant rassurés, mesdames et messieurs de la majorité, nous ne le ferons pas car nous souhaitons que vous alliez jusqu’au bout et que vous assumiez, ici, publiquement, l’abrogation du CPE. La page sera ainsi tournée. Une nouvelle va s’ouvrir et je suis sûr que ce n’est pas vous qui l’écrirez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.
Mme Martine Billard. Monsieur le ministre, vous vous êtes trompé d’abrogation : c’est l’article 8 de la loi relative à l’égalité des chances et non pas l’article 2 de cette proposition qu’il fallait abroger ! On explique à la représentation nationale qu’il va y avoir redéploiement de crédits. Et celle-ci doit, comme d’habitude, faire confiance, encore que cela soit difficile pour l’opposition. Où vont donc être prélevés ces 150 millions d’euros ? Peut-être nous proposerons-nous, dans quelques mois, de nouveaux dispositifs pour remplacer les crédits qui auront été supprimés ailleurs.
Cela ne nous étonnerait pas compte tenu de la grande capacité d’innovation juridique qui s’est manifestée tout au long des six derniers mois. Certes, et c’est très positif, les cours de droit vont s’en trouver enrichis. Rappelons, lors de l’examen du texte sur les droits d’auteur, la suppression d’un article en partie amendé puis son rétablissement avant que le Gouvernement n’appelle à voter contre ! Puis il y a eu cette loi promulguée mais qui ne devait pas s’appliquer. Et maintenant, nous avons une proposition de loi financée par un redéploiement de crédits dont on ignore tout ! Nous pouvons, à coup sûr, vous décerner le prix de l’enrichissement des futurs cours de droit.
Mais il aurait été plus simple et plus rapide d’abroger l’article 8 de la loi relative à l’égalité des chances. Cela aurait évité tout ce cinéma. Vous n’auriez pas eu à faire croire que vous prenez de nouvelles mesures. Notons au passage que certaines entreprises vont cependant y gagner puisqu’elles bénéficieront d’aides supplémentaires, encore une fois non ciblées. Comme nous sommes attachés à la suppression du CPE, nous sommes obligés d’accepter cette mascarade qui aura duré deux mois. Le seul enjeu était finalement de savoir qui, de Villepin ou de Sarkozy, sortirait gagnant.
M. Jean-Marc Roubaud. La mascarade, c’est à gauche qu’elle a lieu !
Mme Martine Billard. Sur les bancs de l’opposition, nous espérons qu’ils perdront tous les deux. Ce sont les lycéens, les étudiants et les salariés qui se sont mobilisés tout au long des dernières semaines qui sortent gagnants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 est supprimé.
M. le président. Nous en venons aux explications de vote.
La parole est d’abord à M. Maxime Gremetz.
M. Maxime Gremetz. Ce qui restera de ce débat sur le CPE, c’est la formidable victoire du mouvement populaire que nous avons ressentie jusque dans cette enceinte. Il aura donc fallu deux mois de mobilisation pour vous vous décidiez, sous la contrainte, à abroger – sans le dire – un dispositif dont la jeunesse ne voulait pas. Il faut tirer de cet épisode une leçon générale : nul pouvoir ne peut désormais considérer que le fait de disposer d’une majorité confortable l’autorise à faire n’importe quoi n’importe comment. Une telle approche relève du passé. Les citoyens ont montré qu’ils étaient capables de dire non et de faire connaître leurs exigences. Et nous ne sommes qu’au début de cette évolution.
Pour sortir de la crise, vous prétendez aujourd’hui nous présenter un élément de substitution au CPE. Oui, il ne faut pas abandonner la lutte contre le chômage des jeunes. Mais, vous vous contentez de proposer des stages et autres mesures en vigueur depuis vingt ans déjà et dont le Premier ministre dénonçait récemment encore l’inefficacité. Ces propositions passéistes ont toujours échoué. La jeunesse de notre pays mérite mieux que cela !
En outre, vous avez repoussé tous nos amendements qu’il s’agisse de revenir sur le CNE, sur l’affreuse réintroduction de l’apprentissage à quatorze ans, sur le travail de nuit dès quinze ans, sur la pénalisation des familles prétendument déficientes ou sur la limitation de l’utilisation des CDD. Bref, contraints de céder et d’abroger le CPE, vous ne renoncez pas à prendre des mesures tendant à aggraver la précarité et le chômage. Votre objectif n’a pas changé : procurer au patronat des salariés taillables et corvéables à merci !
Bien entendu, nous voterons contre cette proposition, en saluant une nouvelle fois la grande victoire des jeunes et des salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Gaëtan Gorce.
M. Gaëtan Gorce. Nous arrivons donc au terme d’un processus douloureux pour le pays, pour les institutions et pour le dialogue social. Vous avez forcé les jeunes, les salariés et les partenaires sociaux à se mobiliser pour faire obstacle à un texte qui ne leur avait pas été soumis et qui ne correspondait pas à ce qu’ils souhaitaient. La démarche est également douloureuse pour la majorité, qui est conduite aujourd’hui à revenir sur son vote récent. La sagesse s’est finalement imposée et c’est tant mieux.
À l’évidence, cependant, il eût été plus simple de proposer l’abrogation de l’article 8 relative à l’égalité des chances. Nous aurions alors voté avec vous des deux mains, confirmant ainsi notre opposition au CPE. Malheureusement, vous avez voulu en rajouter via le CIVIS et le CJE. Didier Migaud a démontré que vos propositions étaient, au mieux, insignifiantes et, de toute façon, impropres à améliorer l’insertion des jeunes. Elles ne visent en fait qu’à sauver les apparences. Mais comme nous ne partageons pas ce souci, nous voterons contre ces mesures qui n’apporteront rien aux jeunes.
M. Jean Leonetti. Merci ! Vous nous rendez service !
M. Gaëtan Gorce. Elles confirment au contraire vos erreurs. Si nous nous réjouissons que vous ayez enfin décidé d’abroger de fait le CPE, nous ne pouvons vous donner quitus sur vos propositions inefficaces et dont Didier Migaud a montré qu’elles n’étaient même pas financées.
À vous en croire, l’objectif était de mobiliser de nouveaux moyens au profit des jeunes demandeurs d’emploi les moins qualifiés, relevant des niveaux VI et V bis. Or voici ce que montrent les chiffres de la DARES : entre le 1er janvier 2005 et le 1er janvier 2006, le nombre de jeunes en difficulté bénéficiant des dispositifs aidés est passé de 127 600 à 125 948, baissant ainsi de plus d’un millier. Est-ce là votre façon de traiter votre « priorité » ? Comment croire à votre discours alors que, depuis 2002, 165 000 emplois aidés pour les jeunes ont été supprimés ?
Le retrait du CPE n’est d’ailleurs que tactique car vous avez refusé d’introduire dans la loi le dialogue social préalable à toute initiative législative, pourtant revendiqué dans la loi Fillon. Vous avez également refusé de revenir sur l’apprentissage à quatorze ans et, plus grave encore, sur le CNE, frère jumeau du CPE qui frappera aussi les jeunes dans les entreprises de moins de vingt salariés.
Voilà toutes les raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas vous accompagner dans ce vote, même si nous applaudissons au succès du mouvement social et de l’opposition qui s’est exprimée contre le CPE. Nous vous laissons déguster seuls le plaisir de voter l’abrogation d’une disposition…
M. Jean Leonetti. Merci !
M. Gaëtan Gorce. …à laquelle, voilà deux semaines encore, vous étiez encore si attachés. Nous savourons, quant à nous, le plaisir de savoir que nous étions en phase avec le pays et que nous le serons demain. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous voulons adresser aux jeunes un message de confiance et d’espoir, en rupture totale avec la défiance et le mépris qui ont caractérisé votre politique. Vous ne serez pas capables d’en changer. Mais nous vous aiderons à le faire et les Français aussi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. Nous avons assisté ces derniers mois à une caricature de nos institutions : la promulgation d’une loi non appliquée, un groupe politique déposant une proposition de loi pour réformer un projet de loi qu’il avait pourtant soutenu… Et tout cela pourquoi ? Parce que le Gouvernement et le groupe UMP ont été sourds à toutes nos alertes, notamment sur la durée de la période d’essai, dite de consolidation, et sur la motivation du licenciement. Le Président de la République s’est aperçu trop tard de la situation, et nous avons vu le résultat !
Plusieurs députés du groupe UMP. Où est Bayrou !
M. Francis Vercamer. Pourtant, il y avait des précédents. Souvenez-vous : un scénario analogue avait accompagné la réforme de l’allocation de solidarité spécifique. Nous avions alerté le Gouvernement sans être suivis. Quatre mois plus tard, le Président de la République avait dû revenir sur les dispositions prises. L’Histoire se répète donc, sans que malheureusement le groupe majoritaire en tire les leçons.
La crise que nous avons vécue est à la fois sociale et politique, mais c’est aussi une crise de régime. La crise sociale est peut-être terminée, mais je doute qu’il en soit de même pour la crise de régime, car ce qui s’est passé pourrait donner des idées à d’autres sur de prochains projets de loi.
Aujourd’hui encore, nous avons proposé des amendements, portant notamment sur le dialogue social. Celui visant à ce que toute réforme du code du travail fasse l’objet d’une discussion préalable avec les partenaires sociaux aurait dû recueillir l’accord de tous, puisqu’il ne faisait que reprendre l’exposé des motifs de la loi Fillon. Or, même celui-là, vous l’avez rejeté, restant sourds à nos appels.
M. Maxime Gremetz. Que faites-vous dans la majorité ?
Plusieurs députés du groupe UMP. Où est Bayrou ?
M. Francis Vercamer. S’agissant de la proposition de loi, qui s’inscrit dans la ligne de la loi de cohésion sociale, que nous avions votée, nous la soutiendrons (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)…
M. Jean-Pierre Brard. Supplétifs de l’UMP !
M. Francis Vercamer. …tout en sachant qu’elle ne suffira pas pour relever les défis de demain, avec le départ en retraite de 600 000 à 700 000 salariés par an dans les dix prochaines années et 300 000 offres d’emploi non pourvues. Je demande au Gouvernement de réagir rapidement, car nous ne ferons pas face aux besoins de demain uniquement par l’immigration choisie.
Mme Anne-Marie Comparini. Très bien !
M. le président. La parole est M. Alain Joyandet.
M. Alain Joyandet. Je voudrais, au nom de mon groupe, rendre hommage à l’ensemble des participants du groupe de négociation qui a permis d’élaborer cette proposition de loi.
M. Jérôme Lambert. Il se rend hommage à lui-même !
M. Alain Joyandet. Je salue le travail accompli ces jours derniers.
M. Jean-Pierre Brard. Vous avez mangé votre chapeau !
M. le président. Monsieur Brard !
Poursuivez, monsieur Joyandet !
M. Alain Joyandet. Si « M. Braillard » voulait bien cesser de m’interrompre, je poursuivrais…
La gauche voulait l’humiliation. Les partenaires sociaux, eux, et je tiens à rendre hommage aux syndicats de salariés comme aux organisations de jeunesse, ont accepté le compromis, ce qui traduit un tout autre comportement ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Le compromis qui nous est proposé consiste à remplacer l’article 8 de la loi par les dispositions qui vont être adoptées et qui comportent trois avantages. Tout d’abord, ce compromis va susciter l’apaisement que nous souhaitions tous…
M. Maxime Gremetz. Ce n’est pas sûr !
M. Alain Joyandet. …et dont notre pays avait besoin, en particulier la jeunesse ; ensuite, il nous permet de ne renoncer en rien à notre priorité (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) qu’est la lutte contre le chômage des jeunes.
M. François Hollande. Arrêtez !
M. Alain Joyandet. En cela, le Gouvernement peut être assuré de notre entier soutien. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Jean-Pierre Brard. Ils ne renoncent pas !
M. Alain Joyandet. Enfin, ce compromis va permettre d’engager des discussions et des négociations avec les partenaires sociaux pour aborder d’une manière globale le problème du chômage, des jeunes en particulier.
M. Jean-Pierre Blazy. Vous avez eu quatre ans pour le faire !
M. Alain Joyandet. Le CPE n’était que l’un des outils de la panoplie mise en place par le Gouvernement pour lutter contre le chômage.
M. Bernard Derosier. Il est mort !
M. Maxime Gremetz. Nous assistons à un enterrement de première classe !
M. Jean-Pierre Brard. Requiem !
M. Alain Joyandet. Permettez-moi de vous rappeler que 260 000 jeunes ont déjà obtenu un CDI par le biais du contrat jeunes en entreprise, que 170 000 jeunes sont en CIVIS et que l’on compte aujourd’hui 155 000 chômeurs de moins sur les listes de l’ANPE et des ASSEDIC ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Jacques Desallangre. C’est la méthode Coué !
M. Alain Joyandet. Nous allons donc poursuivre notre travail.
M. Jean-Pierre Brard. Un dernier clou sur le cercueil !
M. Alain Joyandet. Mon explication de vote devant être la plus objective possible, je tiens à dire à tous ceux qui, dans notre groupe, regrettent que nous n’ayons pas tenu jusqu’au bout, que cette proposition de loi ne constitue pas un renoncement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), mais un acte de courage, empreint de lucidité. Nous n’avons pensé qu’à l’intérêt général et à l’avenir de la jeunesse de notre pays. (Mêmes mouvements.) Nous laissons l’opposition mettre de l’huile sur le feu, mais elle doit en convenir, la position du Gouvernement et de la majorité, dans la droite ligne des recommandations du Président de la République, aura été courageuse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Jérôme Lambert. Vous auriez dû y penser avant !
M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je vais donc mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
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M. le président. Le scrutin est ouvert.
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M. le président. Le scrutin est clos.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 245
Nombre de suffrages exprimés 244
Majorité absolue 123
Pour l’adoption 151
Contre 93
L'Assemblée nationale a adopté.
M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
Questions au Gouvernement ;
Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi de programme, n° 2977, relatif à la gestion des matières et des déchets radioactifs :
Rapport, n° 3003, de M. Claude Birraux, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.
A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l'Assemblée nationale,
jean pinchot