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M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Nous commençons par une question du groupe socialiste.
M. le président. La parole est à M. André Vallini.
M. André Vallini. Ma question s’adresse à M. le garde des sceaux et est relative à l’amnistie accordée par le Président de la République à M. Guy Drut. En 2002, au nom du groupe socialiste, Bernard Roman avait dénoncé les faveurs présidentielles que la loi d’amnistie rendait possibles en toute discrétion. (« Et Maxime Gremetz ? » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Monsieur le ministre, mesurez-vous l’atteinte que cette décision porte à la morale publique et les dégâts qu’elle provoque dans l’opinion publique ? Je ne sais si, comme l’a dit ce matin M. le président de l’Assemblée nationale, cette affaire est plus grave que le CPE ou l’affaire Clearstream, mais ce que nous savons, c’est qu’il est temps d’en finir avec cette prérogative d’inspiration monarchique, car la République ne saurait s’accommoder du fait du prince ou du bon vouloir du roi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Lucien Degauchy. Vous avez la mémoire courte !
M. André Vallini. Comment pourrait-on exiger l’impunité zéro dans les quartiers si l’on pratique l’impunité totale au sommet de l’État ? (Mêmes mouvements.)
Les Français, de droite comme de gauche, que nous rencontrons dans nos circonscriptions, ne sont même plus révoltés : ils sont découragés. Lorsqu’à la révolte populaire, qui peut être féconde, succède le découragement civique, c’est la démocratie tout entière qui est malade.
Depuis bientôt six mois, la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire d’Outreau s’attache, par un travail sérieux, dénué de tout clivage partisan, à redonner aux Français un peu de confiance en leurs institutions. Nous sommes soucieux maintenant de leur redonner confiance en leur justice. Mais cette justice doit être égale pour tous !
M. Jean Glavany. Très bien !
M. André Vallini. Je crains fort que, d’un trait de plume, le Président de la République ne vienne de réduire tout cela à néant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean Glavany. Ce n’est pas une question facile !
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, votre indignation vertueuse me permet de préciser trois points. D’abord, l’amnistie n’a pas dispensé M. Drut de sa peine : il a payé les 50 000 euros de sanction financière. (« C’est bien le moins ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Je rappelle qu’il avait été condamné à quinze mois avec sursis, mais que ses droits civiques n’avaient pas été suspendus.
Plusieurs députés du groupe socialiste. Pourquoi ?
M. le garde des sceaux. Ensuite, M. Drut a demandé à bénéficier de la loi d’amnistie votée par le Parlement en 2002.
M. François Hollande. Soyez plus précis : qui l’a votée ?
M. le garde des sceaux. Après examen approfondi, il est apparu que si sa condamnation était inscrite dans son casier judiciaire, M. Drut ne pourrait plus siéger en tant que membre du Comité international olympique. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe socialiste.) Alors ? Cela revenait à lui infliger une seconde peine (Protestations sur les mêmes bancs) puisqu’il n’avait pas été prévu dans la première qu’il devait être dispensé de siéger au Comité international olympique.
M. François Hollande. Et alors ? Quelle morale !
M. le garde des sceaux. En conséquence – et en conscience –, j’ai proposé au Président de la République que la France ait la possibilité d’avoir trois membres au CIO au lieu de deux.
Enfin, j’observe que quand le Président de la République a exercé son droit de grâce…
M. François Hollande. Ce n’est pas un droit de grâce !
M. le garde des sceaux. …au profit de M. Gremetz, de M. Bové ou de M. Désir, je n’ai jamais entendu votre indignation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Si j’en avais le pouvoir, je vous décernerais une médaille d’or : celle de l’hypocrisie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gilles Artigues, pour le groupe Union pour la démocratie française.
M. Gilles Artigues. Monsieur le Premier ministre, le groupe UDF souhaite à son tour exprimer son indignation. C’est en effet sur votre proposition que le Président de la République a décidé d’amnistier l’un de nos collègues, condamné à quinze mois de prison avec sursis dans l’affaire des marchés truqués d’Île-de-France. C’est une situation tout à fait exceptionnelle que celle qui a vu le Gouvernement demander au Président de la République d’amnistier, non pas un sportif, mais un député de son propre parti. Après une telle décision, que reste-t-il de l’égalité des citoyens devant la loi ?
M. Jean Glavany. Rien !
M. Gilles Artigues. Que reste-t-il de l’autorité de la justice ?
M. Jean Glavany. Rien !
M. Gilles Artigues. Que reste-t-il des principes républicains élémentaires ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
Monsieur le Premier ministre, ma question est simple et je sais que nombre de nos collègues de l’UMP aimeraient vous la poser s’ils en avaient la liberté (Protestations sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) : êtes-vous conscient des ravages que provoque, pour notre démocratie, une telle décision ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur le député, nous avons trop souvent eu à regretter l’absence de la France au sommet des institutions internationales. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Le sport fait désormais partie des facteurs de rayonnement international de notre pays. Or, aujourd’hui, le CIO compte 114 membres actifs, parmi lesquels trois Français seulement : Jean-Claude Killy, Henri Sérandour et Guy Drut, sachant qu’Henri Sérandour, président du Comité olympique français, qui sera atteint l’année prochaine par la limite d’âge, ne sera pas forcément remplacé par un Français. (« Ce n’est pas la question ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Il nous faut maintenir, et c’est le sens de l’action du Président de la République, notre représentation…
M. Jérôme Lambert. Elle est belle !
M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. …au sein des instances internationales, pour être toujours en capacité de défendre les intérêts de la France et notre modèle d’organisation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il fallait faire un geste. Nous l’avons fait (Protestations sur les mêmes bancs) : en permettant à Guy Drut de rester au Comité international olympique, nous permettons à la France de maintenir son rang au niveau international. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
M. Michel Vaxès. Monsieur le Premier ministre, le 29 mai 2005, une majorité de Françaises et de Français rejetait votre projet de constitution européenne. Un an plus tard, un sondage révèle que cette majorité confirme à 98 % son vote tandis que 10 % de celles et ceux qui avaient voté « oui » le regrettent aujourd’hui. Les oppositions qui s’étaient exprimées alors contre la directive Bolkestein restent d’actualité, et sa réécriture, qui n’en modifie en rien le fond, n’est pas de nature à nous rassurer.
Alors que le rejet de votre politique s’accentue, vous restez obstinément sourd aux attentes de la majorité de nos concitoyens. Pire, vous multipliez depuis un an les décisions qui aggravent les inégalités, amplifient les fléaux de la précarité et de l’exclusion, démantèlent les services publics, remettent en cause le code du travail, saignent l’hôpital public et laissent les marchés financiers dilapider richesses et emplois.
Monsieur le Premier ministre, il y a peu de risques à affirmer que le Gouvernement et sa majorité ont aujourd’hui perdu toute légitimité populaire. Par respect pour la démocratie, pour les millions d’hommes et de femmes qui attendent autre chose du Gouvernement de la France, vous vous seriez honorés, avec le Président de la République, à retourner devant les électrices et les électeurs de ce pays, après dissolution de l’Assemblée nationale. Vous ne l’avez pas fait. Alors une question se pose : pourquoi méprisez-vous à ce point l’opposition citoyenne, largement majoritaire dans ce pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le député, pour vous répondre par l’exemple et en tenant un langage de vérité, je vais vous parler de la proposition de directive services. Hier, nous avons trouvé un accord politique, par consensus, au sein de l’Union européenne.
Je vous dirai tout d’abord qu’il n’y a jamais eu de directive Bolkestein. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Il n’existait qu’une proposition – ce qui n’est pas la même chose –, laquelle n’avait jamais été approuvée, ni par les États ni par le Parlement européen. La vérité, c’est qu’il n’y aura jamais de directive Bolkestein. Du reste, cette personne n’est plus membre de la Commission.
Le texte sur lequel nous avons hier obtenu un accord politique par consensus est totalement différent du texte d’origine. Il a été entièrement remanié – sans votre vote – par le Parlement européen et nous avons pu encore l’améliorer depuis.
M. Maxime Gremetz. Ce sera la directive Colonna !
Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Le principe du pays d’origine a disparu, les services publics et les secteurs sensibles tels que la santé, le social et l’audiovisuel sont préservés, et c’est le droit français du travail qui s’appliquera en France, comme il se doit. Le texte, ainsi débarrassé de tout ce qui était inacceptable, nous permettra de développer le secteur des services, qui représente les trois quarts de nos emplois.
Les enseignements que nous pouvons tirer de la journée d’hier vont au-delà et sont importants, car ils contredisent nombre d’idées fausses sur la France et sur l’Europe. Ce renversement de situation montre la force de la volonté politique,…
M. Maxime Gremetz. Heureusement que nous avons voté contre !
Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. …celle de la France sur ce dossier, depuis le début, en mars 2004. Il montre aussi que la France n’est pas affaiblie et sait gagner des majorités, voire dégager, comme ce fut le cas hier, un consensus. Il montre enfin la force des relations entre la France et l’Allemagne puisque, jusqu’au bout et encore hier, nous nous sommes appuyés mutuellement. Nous avons pu constater également que la démocratie européenne fonctionne, qu’elle est capable de concilier dynamisme économique et fidélité aux valeurs sociales, et qu’elle s’exerce par le rassemblement et non pas les uns contre les autres.
Oui, en ce 30 mai 2006, cette directive est un bon exemple de ce qui est possible. Il fallait, c’est vrai, réorienter les choses. Grâce au Parlement européen, à la Commission européenne,…
M. Maxime Gremetz et M. Jacques Desallangre. Grâce au « non » au référendum !
Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. …et aux encouragements de la représentation nationale, nous l’avons fait ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Guy Teissier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Guy Teissier. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la défense. Sept fils de France, dont trois ces jours derniers, sont morts en Afghanistan. Soldats d’exception, ils accomplissaient, dans le cadre national et dans celui de l’OTAN, avec exemplarité et courage, une mission particulièrement délicate aux côtés de leurs camarades des forces spéciales et de leurs alliés américains. Ils ont droit à la reconnaissance de la République, à l’estime de la nation et à notre considération.
Ces derniers mois, l’Afghanistan connaît des combats très violents, depuis que les talibans ont été chassés de Kaboul en 2001. Les islamistes, qui avaient abandonné la capitale, semblent vouloir mener dans le Sud une nouvelle offensive, soutenus par leurs complices d’Al Qaida. Les batailles rangées, les attaques de convois, d’écoles même, et les attentats suicides se succèdent à un rythme soutenu.
C’est dans ce contexte que les États-Unis ont annoncé le retrait de 2 500 soldats sur les 19 000 qui conduisent les opérations contre les talibans dans le cadre de l’opération « Liberté immuable ». La Force internationale d’assistance à la sécurité de l’OTAN a commencé, quant à elle, à renforcer son dispositif pour compenser cet allégement et étendre sa zone d’activité sur le Sud du pays en quittant Kaboul.
Face à ces évolutions et à la radicalisation de la situation, pouvez-vous, madame la ministre, indiquer à la représentation nationale les mesures prises ou envisagées avec nos alliés pour conforter le processus démocratique et poursuivre la lutte contre le terrorisme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.
Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le président Tessier, hier, à Bayonne, un hommage a été rendu au nom de la nation à l’adjudant Joël Gazeau et au caporal-chef David Poulain, qui ont été tués tous deux la semaine dernière en Afghanistan, et j’ai transmis à leurs familles et à l’ensemble des militaires présents la reconnaissance de la représentation nationale tout entière.
Vous me demandez, monsieur le député, quelle est la situation en Afghanistan.
Du point de vue de la sécurité, elle est contrastée : l’ensemble du pays est à peu près calme tandis que, dans la zone sud-est et à Kaboul, se multiplient les explosions de mines télécommandées et les attaques suicides et s’amplifie un harcèlement des forces de la coalition.
Sur le plan politique, le gouvernement et le parlement afghans sont en place et travaillent à peu près. Pour autant, la lutte contre la drogue suscite de nombreuses réactions dans l’ensemble du pays et l’on sait qu’une bonne partie de l’argent de la drogue alimente les réseaux terroristes.
Le besoin de développement économique et social est grand dans le pays. Il n’existe nulle part sur le territoire et est pourtant une condition de sa stabilisation.
Enfin, la situation psychologique est à surveiller de très près parce qu’une présence militaire de longue durée est difficilement acceptable par quelque peuple que ce soit, même si c’est pour rétablir la situation.
Face à cela, nous avons une double préoccupation.
Nous avons, d’abord, le souci de renforcer les capacités afghanes de sécurité. Pour cela, la France s’est engagée dans la formation de l’armée afghane, en particulier des officiers, qui interviennent d’ailleurs de plus en plus. Nombreux ont été ceux qui ont été tués aux côtés de nos deux militaires des forces spéciales.
Il importe, ensuite, de renforcer l’action de la communauté internationale, notamment pour qu’il y ait de vrais substituts agricoles à la culture du pavot, un vrai développement économique et social, ainsi qu’un développement de l’éducation et de la santé.
Pour réussir à avancer, nous devons mobiliser la communauté internationale sur ces points. C’est ainsi que les sacrifices et la mort de nos militaires n’auront pas été vains. Car, en Afghanistan comme partout ailleurs, nos militaires paient un lourd tribut au maintien de la paix, de la liberté, de la justice et de la sécurité.
Je pense que vous serez tous d’accord pour que nous marquions notre reconnaissance et notre soutien à l’ensemble de nos forces engagées sur les théâtres d’opérations extérieurs au service de la liberté, de la justice et de la paix. (Applaudissements sur les bancs des groupes de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française et sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Guillet, pour le groupe UMP.
M. Jean-Jacques Guillet. Monsieur le ministre des affaires étrangères, pour la deuxième fois en deux ans et demi, l’Indonésie, cinquième pays du monde par sa population, est touchée par une catastrophe naturelle d’une ampleur dramatique. Après l’île de Sumatra, qui a été frappée par le tsunami dans sa province d’Aceh, c’est l’île de Java qui est aujourd’hui touchée, en son cœur historique et culturel de Yogyakarta et dans la région de Solo.
Il y a deux ans et demi, la France avait apporté une aide importante, qui a été particulièrement appréciée tant par la population indonésienne que par le gouvernement avec lequel nous entretenons des relations extrêmement étroites et cordiales.
En tant que président du groupe d’amitié France-Indonésie de l’Assemblée nationale, je voudrais – me faisant l’écho du sentiment général sur tous les bancs de cette assemblée – exprimer toute ma solidarité et toute ma compassion envers les victimes du séisme : on dénombre aujourd’hui 5 400 morts, de nombreux blessés et quelque 200 000 sans abri.
Après l’effort consenti à la suite du tsunami, j’aimerais savoir, monsieur le ministre, comment nous allons manifester notre solidarité avec l’Indonésie et les populations touchées lors des prochains jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, c’est parce que la zone touchée est particulièrement peuplée que l’on déplore 5 400 morts, 20 000 blessés et 200 000 sans abri.
La France a immédiatement fait savoir aux autorités indonésiennes qu’elle était à leur service.
Le jour du séisme, grâce au ministère de la santé – dont je salue les équipes – un avion est parti avec cinq évaluateurs, dont deux médecins du SAMU.
Le lendemain, un C 135 du ministère de la défense a décollé avec du matériel chirurgical d’urgence, des médicaments et quarante personnes à son bord : dix médecins du SAMU, dix infirmières et vingt personnes de la protection civile, grâce au ministère de l’intérieur.
Hier soir, le ministère des affaires étrangères a affrété un avion de quarante tonnes de fret humanitaire et d’appareils d’épuration de l’eau.
Ce soir, trois ou quatre nouvelles équipes chirurgicales partiront, grâce au ministère de la santé, rejoindre à Klaten, à cinquante kilomètres du séisme, les équipes déjà sur place.
Je tiens à souligner la bonne coordination non seulement entre les autorités indonésiennes et les autorités françaises, mais également entre les ministères de l’intérieur, de la défense, de la santé et des affaires étrangères. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bernard, pour le groupe de l’UMP.
M. Jean-Louis Bernard. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, le soutien et le développement de l’apprentissage, filière trop longtemps négligée, représente une voie importante pour l’insertion professionnelle des jeunes alors même que 120 000 d’entre eux sortent du système éducatif sans aucun diplôme. Aujourd’hui, 350 000 personnes sont en apprentissage et, un an après la fin de cette période, 80 % d’entre elles obtiennent un contrat à durée indéterminée. C’est pourquoi, monsieur le ministre, vous avez décidé de développer l’apprentissage junior avec un dispositif prévoyant des stages dès quatorze ans et un contrat dès quinze ans.
M. Alain Vidalies. C’est un scandale !
M. Jean-Louis Bernard. De nombreux jeunes de quatorze ou quinze ans souhaitent s’engager rapidement dans la vie active et la possibilité de faire des stages divers et variés dès l’âge de quatorze ans leur permettra de se sensibiliser à divers métiers et de s’orienter vers l’apprentissage, lequel n’est pas une voie de garage, mais une voie de réussite sociale et professionnelle.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous confirmer que le dispositif de l’apprentissage junior sera bien mis en œuvre dès…
Plusieurs députés du groupe socialiste. Huit ans !
M. Jean-Louis Bernard. …l’année prochaine ? Quels objectifs vous fixez-vous en la matière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Bernard, j’ai une bonne nouvelle : ce ne sont pas 360 000 mais 382 000 jeunes qui sont aujourd’hui en apprentissage, dont plus de 60 000 dans l’enseignement supérieur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Et nous voulons porter ces chiffres respectivement à 500 000 et à 100 000, car c’est une voie d’excellence.
C’est la raison pour laquelle la loi Borloo sur l’égalité des chances, qui a été promulguée le 31 mars 2006, a créé l’apprentissage junior.
Mme Martine David. Merci les régions !
M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ce dispositif a une triple ambition : offrir une formation différente à des jeunes qui le souhaitent, fournir le socle commun de connaissances et de compétences et, enfin, apporter une vraie première qualification professionnelle.
Pour mettre en œuvre ce nouveau dispositif, nous avons déjà édité une brochure d’explication. Un guide pédagogique sera édité dans les prochaines semaines et le décret d’application sera pris avant l’été.
Par ailleurs, nous transférons 20 millions d’euros aux régions pour les aider à assumer cette nouvelle compétence qui leur incombe.
M. Christian Bataille. La marche arrière est enclenchée !
M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Enfin, avec Gérard Larcher et Renaud Dutreil, nous travaillons avec les régions, les chambres consulaires et les branches professionnelles, afin que ce dispositif soit appliqué dès la rentrée prochaine, où 15 000 apprentis juniors au moins sont attendus. Et nous avons l’ambition de doubler ces effectifs à la rentrée de 2007. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Jérôme Lambert. Merci les régions !
M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour le groupe socialiste.
M. Didier Migaud. Monsieur le Premier ministre, dans la loi de 2004 sur l'énergie, le Gouvernement – en l’occurrence M. Sarkozy –, a pris devant les Français l'engagement solennel que l'État ne détiendrait pas moins de 70 % du capital de GDF. Aujourd'hui, cet engagement est passé aux oubliettes. En réalité, depuis le début, vous préparez la privatisation de Gaz de France. L'OPA du groupe italien ENEL n'est qu’un prétexte à une opération à laquelle le ministre de l'économie et des finances, selon ses propres aveux, travaille depuis longtemps.
Vous préparez la soumission de Gaz de France à une logique privilégiant des intérêts privés au détriment de l'intérêt général et refusez de vous engager sur une minorité de blocage. Vous proposez tout au plus un droit de veto, alors même que la Commission européenne s'y oppose.
Pour nous, l'avenir de Gaz de France, comme celui d'EDF, passe par la constitution d'une ou plusieurs entités publiques compatibles avec les règles européennes et garantes de l'accès à l'énergie pour tous – particuliers comme entreprises – au meilleur prix.
Nous pensons qu'une autre solution est possible. Pour cela, vous devez renoncer à votre projet de privatisation.
Nous voyons d’ailleurs déjà, avec EDF, les effets pervers et négatifs de cette dernière. La logique de libéralisation des prix et l'ouverture du capital ont provoqué une flambée des prix de 48 % en un an, la plus forte en Europe. Triste record, dénoncé d’ailleurs par la commission des finances de l’Assemblée nationale à l’unanimité !
Allez-vous respecter l'engagement solennel pris il y a deux ans ? Allez-vous renoncer à votre projet de privatisation de GDF nuisible tout à la fois pour les usagers, l’entreprise elle-même et la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le député, les questions énergétiques sont – et vous le dites implicitement dans votre question – un sujet majeur pour l’avenir de notre pays, de nos compatriotes et de l’Europe.
Dans le monde tel qu’il est aujourd’hui, nous ne pouvons plus les envisager sous le même angle qu’hier : il faut constituer de grands groupes pour pouvoir peser sur l’approvisionnement et sur les tarifs.
M. Jérôme Lambert. Blablabla !
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Cela est d’autant plus vrai lorsqu’une entreprise, comme c'est le cas pour Gaz de France, ne possède aucun gisement.
Dans cette perspective, les deux groupes Suez et Gaz de France travaillent ensemble depuis plusieurs mois – et non le ministre des finances ! – à un rapprochement qu’ils estiment nécessaire pour mieux servir leurs clients et garantir la sécurité d’approvisionnement.
C’est dans ce contexte qu’une entreprise italienne a eu des velléités de lancer une OPA hostile sur Suez. Le Premier ministre a choisi de soutenir le projet entre Gaz de France et Suez.
Il m’a également demandé de mener une très large concertation, notamment avec les syndicats. Plus de trente réunions ont été tenues à Bercy avec l’ensemble des organisations syndicales, pour leur expliquer le projet, écouter leurs objectifs et faire le point sur les questions qu’ils se posaient. Soixante et onze questions nous ont été adressées auxquelles nous avons répondu.
Le temps de la concertation n’est pas encore complètement achevé mais nous avons répondu à l’ensemble des questions.
Le deuxième temps sera celui du débat, (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) et notamment devant la représentation nationale.
M. Christian Bataille. Qui va payer la facture ?
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Car c’est elle qui décidera si, oui ou non, elle veut aller de l’avant. Ce n’est pas le Gouvernement ! Ce débat devra avoir lieu. J’ai travaillé avec l’ensemble de mes équipes pour qu’il soit nourri et pour que les réponses soient apportées.
M. Christian Bataille. Les clients vont payer !
M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est vous qui déciderez ce que vous estimez être nécessaire pour l’avenir de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Richard Dell'Agnola, pour le groupe de l’UMP.
M. Richard Dell'Agnola. Monsieur le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer, en France, aujourd’hui, trois millions de personnes sont des consommateurs occasionnels de cannabis et 300 000 en fument régulièrement.
Ce phénomène, qui s’est banalisé, n’est pas sans danger sur la route. En effet, 27 % des conducteurs âgés de moins de vingt-cinq ans impliqués dans un accident mortel ont fumé un ou plusieurs joints avant de prendre la route. Une récente enquête de la prévention routière sur les stupéfiants et les accidents mortels de la circulation, coordonnée par l’Observatoire français des drogues et toxicomanies, a démontré, après de nombreuses études françaises et étrangères sur ce sujet, que conduire après avoir fumé du cannabis représentait un danger mortel. En France, pas moins de 250 personnes, dont la moitié âgées de moins de vingt-cinq ans, meurent chaque année sur les routes, après avoir fumé du cannabis.
Cette étude épidémiologique a aussi démontré que conduire sous l’effet du cannabis double le risque d’être responsable d’un accident mortel et que la combinaison du cannabis et de l’alcool multiplie ce risque par quinze.
Or, malgré, d’une part, la loi de 2003, qui a créé un nouveau délit de conduite sous l’emprise de drogues, passible de 4 500 euros d’amende et de deux ans d’emprisonnement, et, d’autre part, les bons résultats obtenus en matière de sécurité routière, le nombre d’accidents dus au cannabis ne décroît pas.
Aussi, après tant d’années de banalisation de ce phénomène, un langage vrai doit être tenu sur les risques réels de la consommation de cannabis. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Comment comptez-vous, monsieur le ministre, sensibiliser les conducteurs, notamment les plus jeunes, aux dangers du cannabis au volant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.
M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur Dell'Agnola, vous avez eu raison de rappeler la réalité.
En matière de lutte pour la sécurité routière, nous devons mener une multitude d’actions. La lutte contre l’usage du cannabis alors que l’on conduit est effectivement l’une de ces actions prioritaires. Le cannabis est, comme vous l’avez rappelé, à l’origine de nombreux accidents et a causé environ 230 morts. L’usage du cannabis multiplie au moins par deux le risque d’accident et l’on sait que, bien souvent, il s’accompagne d’une consommation d’alcool. Cela entraîne une baisse de la vigilance et une altération extrêmement importante des réflexes.
Vous avez indiqué un chiffre de 300 000 consommateurs relativement réguliers – c’est une estimation basse. À partir de là, que faut-il faire ?
Premièrement, il faut faire passer un message fort, communiquer sur la réalité du danger. Deuxièmement, il convient d’améliorer le dépistage.
En ce qui concerne la communication, nous venons de lancer une grande campagne par le biais de messages radio, d’affiches, par la mise en place d’un site Internet, d’une plate-forme téléphonique pour sensibiliser en particulier les plus jeunes – mais pas seulement eux –, afin qu’ils connaissent la réalité et aient conscience de ce danger.
Nous devons, par ailleurs, renforcer le dépistage, afin monsieur Dell'Agnola, que la loi dont vous avez pris l’initiative en matière d’aggravation des sanctions soit efficace. En liaison avec le ministre de l’intérieur, nous sommes passés à 21 000 dépistages par an, dont un tiers se sont malheureusement révélés positifs, et nous avons lancé un appel d’offres pour un dépistage salivaire, dont le résultat devrait être connu dans les prochaines semaines. Cela nous permettra d’effectuer un dépistage de masse, beaucoup plus efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, pour le groupe de l’UMP.
M. Luc Chatel. Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et des solidarités.
En France, aujourd’hui, 800 000 personnes vivent avec un cancer et environ 150 000 personnes sont séropositives. Ces Français se battent quotidiennement avec courage contre ces fléaux, avec un réel espoir de guérison. À ceux-ci s’ajoutent les deux millions de Français qui ont été atteints ou sont guéris d’un cancer et que l’on oublie trop souvent.
Toutes ces personnes sont aujourd’hui victimes d’une terrible discrimination, qui s’apparente à une double peine. L’accès au crédit leur est trop souvent refusé. Après avoir été atteints dans leur chair, ils sont atteints dans leur dignité, privés de l’accès à la propriété ou à d’autres biens d’équipements.
Certes, les pouvoirs publics se sont saisis de ce problème avec la signature en 2001 de la convention dite Belorgey entre les banquiers, les assureurs, l’État et les quatorze associations de malades, qui devait faciliter l’accès au crédit des personnes présentant un risque de santé aggravé.
Mais le bilan de l’application de la convention Belorgey laisse un goût amer. En 2004, 9 000 malades ont vu leur demande d’emprunt rejetée, sans aucune justification. On constate de nombreux déficits d’information des usagers et des professionnels eux-mêmes, des défauts de mise en œuvre des dispositifs prévus, des délais de réponse aux demandes de crédit trop longs, des questionnaires inacceptables et un coût souvent insupportable pour les personnes concernées.
Monsieur le ministre, ces malades ou ces anciens malades vous lancent un appel au secours, et je souhaite le relayer aujourd’hui.
Le Président de la République s’est engagé, le 27 avril dernier, à lutter activement contre cet odieux ostracisme. Quelles mesures le Gouvernement va-t-il prendre, dans les prochaines semaines, afin de remédier à cet état de fait ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean Lassalle. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur Chatel, cet appel au secours a été entendu par le Président de la République. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Comme vous l’avez rappelé, il a fixé très clairement, le 27 avril dernier, une feuille de route pour que les choses changent dans notre pays en matière d’accès au crédit et donc à l’assurance, pas seulement pour les personnes malades, mais pour celles qui souffrent d’un handicap. Au total, plus de dix millions de Français connaissent de réelles difficultés pour acquérir un logement, une voiture ou pour monter un projet professionnel.
Nous avons, la semaine dernière, avec Thierry Breton, conformément aux souhaits du Président de la République, rencontré les banquiers, les assureurs, les associations de patients, pour que l’on puisse établir une nouvelle convention, en clair pour que les choses changent.
Cette nouvelle convention doit pouvoir être signée pour le 30 juin. Si tel n’était pas le cas, un projet de loi vous serait soumis – le Premier ministre l’a souhaité – et les parlementaires devront prendre leurs responsabilités. Si la convention aboutit, comme nous l’espérons, un texte de loi sera également déposé pour que l’on ne puisse plus jamais revenir en arrière et que les principes soient consacrés.
La situation que vous évoquez est non seulement difficile à vivre, mais impossible à accepter. Nous devons atteindre plusieurs objectifs : une meilleure information sur cette convention ; un traitement plus rapide des dossiers, afin qu’il y ait moins de surprimes et, si tel doit être le cas, qu’elles ne soient pas hors de portée des patients concernés ; enfin, que l’accès au crédit à la consommation soit facilité.
Nous avons pu constater, en France, de grands progrès médicaux. Les banquiers et les assureurs doivent savoir en tirer les conclusions.
Mais votre question ne concerne pas seulement l’accès au crédit. Elle recouvre également le regard que nous sommes capables de porter sur la maladie et les malades. Changer les choses en matière d’accès au crédit, c’est tout simplement une question de justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean Lassalle. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe socialiste.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.
Cet après-midi, l’Assemblée nationale discutera, en deuxième lecture du projet de loi « Engagement national pour le logement ».
M. Richard Mallié. On en reparlera tout à l’heure !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L'une des dispositions de ce texte suscite les plus vives inquiétudes de la part de ceux qui soutiennent l'objectif de donner un toit à tous.
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Vous n’avez rien fait !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L'article 55 de la loi SRU oblige les communes de plus de 3 500 habitants à compter au moins 20 % de logements sociaux. Tous nos concitoyens connaissent et défendent ce principe, qui permet, au-delà de la réponse aux besoins de logement, de réduire les ghettos urbains. On sait pourtant que de nombreuses communes ne s'y soumettent pas, préférant payer l'amende, d'ailleurs modique, plutôt que de s'engager dans une démarche volontaire de construction de logements sociaux. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
À l'occasion de l'examen en première lecture par l’Assemblée de ce projet de loi, un amendement adopté par votre majorité a assoupli ce quota de 20 % (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), l'objectif étant, bien évidemment, de donner aux maires qui ne veulent pas construire du logement social une échappatoire à cette obligation pourtant élémentaire.
Le silence du Gouvernement à cette occasion a choqué les plus éminents défenseurs du logement social.
M. Richard Mallié. Nous n’avons pas de leçon à recevoir !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce silence contrastait étonnamment avec les déclarations du Président de la République, que je me permets de citer – je ne sais pas si c’est une bonne idée – : « J'appelle tous les représentants des communes à respecter la loi qui leur impose d'avoir 20 % au moins de logements sociaux. » (Plusieurs députés du groupe socialiste brandissent le journal Libération sur lequel on peut lire : “La droite démolit la loi HLM” tandis que plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire agitent leur feuille de séance en guise de carton jaune.)
Alors que 1e Sénat avait réduit 1a portée de cet amendement, la commission des affaires économiques en a proposé le réexamen (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et votre majorité s'apprête à le rétablir dans son inacceptable portée.
Monsieur le ministre, je vous pose une seule question : approuvez-vous l'amendement qui modifie l'article 55 de la loi SRU en réduisant l'obligation faite aux communes d'offrir à leurs habitants des logements sociaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.
M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur Le Bouillonnec, vous avez fait état d’une des dispositions qui permet de développer l’accession sociale à la propriété. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Je comprends que, dans les termes « accession sociale à la propriété », l’expression « accession à la propriété » vous dérange. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
J’observe d’ailleurs que le nombre d’accessions sociales à la propriété sous le gouvernement de M. Jospin s’est effondré au niveau de 80 000 par an. C’était le record historique des vingt-cinq dernières années ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Christian Bataille. C’est faux !
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Dans cette optique, nous avons développé l’accession à la propriété. Nous avons triplé le prêt à taux zéro, atteignant 240 000 par an.
M. Albert Facon. Périssol !
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Nous avons abaissé la TVA à 5,5 % pour l’accession à la propriété des ménages les plus modestes. (« Ce n’est pas vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Michel Lefait. Menteur !
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Mais, puisque vous n’aimez pas l’accession, vous devez adorer la location sociale. Or, le plus grand scandale de ces trente dernières années, c’est d’avoir financé moins de 42 000 logements locatifs sociaux en 2000. (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Qu’avons-nous fait, monsieur Le Bouillonnec ? Nous avons mis en place, sur cinq ans, un plan destiné à tripler le nombre de logements locatifs sociaux.
M. Jean Glavany. Où ?
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Dès la deuxième année – cette année donc –, nous doublons ce chiffre, le portant à 80 000. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Christian Bataille. Menteur !
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Pour financer le budget général, vous avez détourné le 1 % des partenaires sociaux, soit plus de 350 millions d’euros par an. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. – Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je pense donc que vous êtes particulièrement mal placés pour donner des leçons en matière de logement, que ce soit pour l’accession sociale ou pour le locatif social. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, dont plusieurs députés se lèvent et scandent : « Borloo ! Borloo ! » – Rires et « Au revoir Villepin ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Mansour Kamardine, pour le groupe de l’UMP.
M. Mansour Kamardine. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
L'ancien président des Comores, le colonel Azali Assoumani avait promis de rendre le pouvoir démocratique au terme de son mandat. D'aucuns y croyaient : il a tenu parole.
En effet, les Comores viennent d'élire librement et démocratiquement un nouveau président en la personne de M. Ahmed Abdallah Sambi, élu à 58 % des suffrages exprimés. Durant sa campagne, celui-ci avait pris, entre autres, deux engagements qui ont particulièrement fait vibrer le cœur de ses compatriotes : d’une part, mettre un terme à la corruption qui gangrène le développement économique de son pays et, d’autre part, interdire les « kwassa- kwassa de la mort » responsables de drames humains, de tant de victimes, dans le bras de mer qui sépare Anjouan de Mayotte.
C'est dans la ferveur générale que la passation des pouvoirs entre l'ancien président et le nouveau a eu lieu à Beit- Salam à Moroni le 26 mai dernier.
Dans son premier discours officiel, M. Sambi, qui reconnaît dans la France un partenaire privilégié, a réitéré ses engagements sous les acclamations de ses compatriotes. Il a besoin de la France pour construire l'État de droit et il a fait savoir à la délégation française qui a assisté à la cérémonie qu'il avait besoin de magistrats français expérimentés pour l'aider dans sa lutte contre la corruption.
Sur son engagement de lutter efficacement contre les kwassa-kwassa – donc contre l'immigration clandestine vers Mayotte – le nouveau pouvoir comorien aura également besoin du soutien de notre pays dans les domaines de la santé et de l'école.
S'agissant de l'école, sachez que Mayotte héberge actuellement dans ses établissements quelque 12 000 petits clandestins anjouanais, au point de devoir faire l'école en alternance faute de locaux suffisants pour accueillir tout le monde.
Face à ces difficultés, les instituteurs de l'État recrutés à Mayotte sont tout à fait disposés, dans le cadre de la coopération bilatérale et régionale, à participer à l'effort de scolarisation à Anjouan. Cette action aurait le triple mérite de favoriser le développement de la francophonie, d'éviter la perte massive de vies humaines dans les kwassa- kwassa et de conforter, tant du côté français que du côté comorien, la lutte contre l'immigration clandestine.
Monsieur le ministre, compte tenu des nouvelles préoccupations du pouvoir comorien, quelle politique le Gouvernement entend-il mener pour aider les Comores dans leur quête d'un nouvel État de droit ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
Plusieurs députés du groupe socialiste. Non, Borloo, Borloo !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Tout d’abord, permettez-moi, monsieur le député, de féliciter M. Ahmed Sambi qui est devenu le président de l’union comorienne. La transition démocratique entre M. Azali et M. Sambi prouve non seulement la normalisation, mais aussi la stabilisation de la vie politique aux Comores.
Nous souhaitons appuyer le processus de réconciliation nationale en augmentant de 60 % l’aide publique au développement dans les domaines de la santé, de l’agriculture et du soutien au système productif, comme vous le souhaitez, monsieur le député.
Nous souhaitons également mettre en place un système d’aide aux institutions comoriennes, en particulier dans les domaines de l’État de droit, de la justice ainsi que de l’éducation dans le cadre d’un programme européen doté de 15 millions d’euros par an.
M. Jean Glavany. Montrez-nous sur une carte où se trouvent les Comores !
M. le ministre des affaires étrangères. Soyez assuré, monsieur le député, que le Gouvernement français accompagnera, selon votre souhait, le développement de la coopération régionale entre Mayotte et les pays voisins. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. René André, pour le groupe de l’UMP.
M. René André. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée au commerce extérieur.
Je souhaite vous interroger, madame la ministre, sur les négociations de l’organisation mondiale du commerce qui se sont tenues la semaine dernière à Paris et plus particulièrement sur leurs conséquences sur la politique agricole commune.
Au cours de ces négociations, le commissaire européen, M. Peter Mandelson, a assuré que « l’Union européenne était prête à de nouvelles concessions sur l’agriculture ». Vous lui avez immédiatement répondu, madame la ministre, qu’il ne pouvait y avoir de nouvelles propositions sans que de l’autre côté – qui, dans mon esprit, est essentiellement celui des États-unis – il y ait « une contrepartie claire, significative et mesurable ». Votre collègue, M. Bussereau, ministre de l’agriculture, soulignait de son côté que l’Europe n’avait pas à faire de nouvelles concessions en matière agricole.
Malheureusement, M. Mandelson, bien que commissaire européen, apparaît comme un farouche adversaire de la politique agricole commune. À diverses reprises, il a été au-delà du mandat qui lui a été confié par la Commission. Aujourd’hui, il paraît, à nouveau, ignorer vos mises en garde et donne le sentiment d’être prêt à sacrifier la politique agricole commune aux intérêts américains.
Que comptez-vous faire, madame la ministre, non seulement pour défendre les agriculteurs français, mais l’agriculture européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à la ministre déléguée au commerce extérieur.
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Monsieur le député, à entendre votre question, on pourrait croire que la semaine dernière, en marge du sommet de l’OCDE, il se serait passé quelque chose à Paris. Or il ne s’est rien passé !
M. Jean-Pierre Brard. Comme d’habitude !
Mme la ministre déléguée au commerce extérieur. La situation actuelle est limpide. Le jusqu’auboutisme des Américains, qui veulent ouvrir le marché de leurs partenaires et, surtout, inonder de leurs produits l’ensemble des marchés des pays en développement tout en continuant à subventionner considérablement leur agriculture, explique le blocage total des négociations.
Cette position maximaliste est incompatible avec les objectifs du cycle, qui sont des objectifs de développement, dangereuse pour le développement et tout à fait contraire à la politique agricole commune. Tout le monde, dans cette négociation, doit faire un pas. L’Europe en a déjà fait trois ! Elle attend que les autres se mettent en marche. Nous sommes de plus en plus nombreux, au sein de l’organisation mondiale du commerce, à le dire : ce sont les États-unis et non pas l’Europe qui bloquent aujourd’hui les négociations.
Dans ce contexte, les déclarations récentes du commissaire Mandelson auxquelles vous faites référence ont pour objectif essentiel de mettre les États-unis sur la défensive et de prouver que le problème actuel de la négociation n’est pas causé par l’Union européenne, mais bien par les États-unis.
Concernant la marge de manœuvre dont dispose l’Union européenne en matière agricole, la position française, que la Commission européenne connaît parfaitement, est claire. L’Union européenne a déjà fait de nombreuses concessions – trois – qui la placent à la limite du mandat qui lui a été donné par les États membres pour ces négociations. Notre capacité de mouvement est en conséquence infiniment limitée et, en tout état de cause, il serait extrêmement maladroit d’utiliser maintenant cette infime marge de manœuvre, avant que nous n’ayons obtenu quoi que ce soit dans le domaine des produits industriels et dans celui des services. C’est ce que j’indiquerai demain à M. Kamal Nath, ministre du commerce et de l’industrie de l’Inde, afin qu’ensemble nous puissions progresser dans cette direction. L’Inde qui est, comme vous le savez, membre du G 20, a des intérêts très voisins des nôtres dans le domaine agricole et souhaite protéger ses agriculteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Hélène Mignon.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, du projet de loi, adopté par le Sénat, sur l’eau et les milieux aquatiques.
La parole est à Mme Nelly Olin, ministre de l’écologie et du développement durable.
Mme Nelly Olin, ministre de l’écologie et du développement durable. Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je tiens tout d’abord à remercier le président Ollier ainsi que l’ensemble des membres de la commission des affaires économiques pour le travail accompli. Je salue tout particulièrement le travail remarquable de sérieux et d’abnégation de votre rapporteur André Flajolet, qui a permis des avancées significatives sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je ne saurais oublier votre rapporteur pour avis de la commission des finances, Philippe Rouault. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mesdames et messieurs les députés, je voudrais également vous remercier, les uns et les autres, de votre coopération et de vos apports au texte mais aussi d’avoir contribué, par vos interventions dans une discussion sereine et de haute tenue, à donner l’image de femmes et d’hommes politiques attachés à la qualité du débat démocratique.
Le débat que nous avons eu pendant ces quatre jours de travail a été riche et constructif. Le texte a été sensiblement amélioré.
En ce qui concerne la préservation des milieux aquatiques, vous avez conservé l’équilibre entre le respect des objectifs écologiques de la directive cadre sur l’eau et la valorisation énergétique de nos ressources hydrauliques dans la perspective de la lutte contre l’effet de serre.
Vous avez également approuvé les propositions visant à assurer une gestion plus économe et plus collective des prélèvements d’eau.
Par ailleurs, des avancées significatives en matière d’assainissement non collectif ont été faites : vous avez accru les possibilités d’intervention des communes et leur avez offert un large éventail d’actions en fonction de leurs moyens et du contexte dans lequel elles s’inscrivent.
J’ai pris note de votre choix de ne pas créer de taxe nouvelle pour l’assainissement des eaux pluviales. J’appelle toutefois votre attention sur le fait que je suis souvent sollicitée par de nombreux maires à propos du financement des travaux dans ce domaine.
M. François Sauvadet. C’est vrai !
Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Certains n’hésitent pas à imputer ces dépenses sur le prix de l’eau de manière irrégulière, faute de ressources spécifiques. Je crois que, sur ce sujet, le débat n’est pas clos et devra se poursuivre en deuxième lecture.
M. François Sauvadet. Très juste !
Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. En matière de lutte contre les pollutions diffuses par les phytosanitaires, vous avez maintenu le dispositif proposé alors que les taux de redevance avaient été déjà relevés par le Sénat.
S’agissant de la redevance « élevage », votre assemblée s’est engagée dans la voie de la simplification de ses modalités de calcul. Toutefois, le dispositif devra être affiné dans le cadre du groupe de travail annoncé par le président Patrick Ollier, qui réunira les différentes sensibilités politiques autour d’André Flajolet, qui en assurera le pilotage. Cette démarche est pragmatique, et je suivrai de près les travaux du groupe. Je ne doute pas que nous puissions aboutir à un système équitable, incitatif et plus simple.
Vous avez surtout confirmé les orientations de réforme institutionnelle, notamment celle des agences de l’eau. Celles-ci pourront s’appuyer sur un socle juridique plus solide et mettre fin à la situation de non-constitutionnalité des redevances.
J’ai bien noté que la commission des finances aurait souhaité un contrôle encore plus strict du Parlement et du Gouvernement sur les instances de bassin, alors que certains d’entre vous ont plaidé au contraire pour leur donner plus de liberté. Je crois que le dispositif retenu constitue de fait un juste équilibre, respectant à la fois les contraintes constitutionnelles et la nécessaire autonomie des comités de bassin.
Vous avez également relevé le plafond de dépenses des agences et accru le montant consacré à la solidarité avec le monde rural, ce qui répond, il faut le dire, à une demande forte de nombreux acteurs du secteur de l’eau.
En ce qui concerne le rôle du département, vous avez une position divergente de celle du Sénat. Sur ce point, le Gouvernement, comme au Sénat, s’en est remis à votre sagesse. Ce sujet devra faire l’objet d’un compromis entre les deux assemblées.
M. François Sauvadet. Très bien !
Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Enfin, vous avez, à juste titre, complété ce projet de loi par des dispositions concernant le milieu marin et je vous en remercie.
Madame la présidente, permettez-moi de vous remercier, ainsi que vos collègues, pour l’intelligence et la finesse avec lesquelles ces débats ont été menés.
Je ne veux pas oublier les collaborateurs des commissions ainsi que l’ensemble des services de l’Assemblée nationale.
Sachez que je suis fière d’avoir porté ce texte et de le voir adopté par l’Assemblée dans quelques minutes, car j’ai bien conscience qu’il est essentiel pour l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Mme la présidente. Madame la ministre, je vous remercie, au nom de mes collègues, pour ces paroles aimables.
La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.
M. André Flajolet, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « l’eau est le bien commun de la nation ». C’est à ce titre que l’Assemblée nationale a débattu de longues heures, de façon studieuse et sereine : elle a examiné 1 279 amendements pendant vingt-six heures et trente-sept minutes. Parmi eux, 364 ont été adoptés : 160 étaient issus de la commission des affaires économiques, 3 des non-inscrits, 5 du groupe des député-e-s communistes et républicains, 10 du groupe UDF, 11 du groupe socialiste, 142 du groupe de l’UMP et 6 de la commission des finances.
Si ce « bien commun de la nation » n’a pas retenu l’attention des grands médias nationaux, il a fait l’objet de nombreux articles dans la presse spécialisée. Surtout, ce projet de loi a permis à l’Assemblée nationale d’exercer pleinement ses prérogatives et devoirs.
En tant que rapporteur, je tiens à souligner la qualité des relations que j’ai entretenues avec les élus de tous les courants politiques car les sensibilités des uns et des autres ont permis d’enrichir le texte et de l’ouvrir à de nouvelles problématiques, rappelées tout à l’heure par Mme la ministre.
Je tiens à remercier le président Ollier pour son attention et son soutien ainsi que les quatre administrateurs chargés de ce texte pour leur compétence et le dévouement dont ils ont fait preuve, y compris les jours fériés. Mes remerciements vont également à Mme la ministre et à ses collaborateurs avec qui ce fut un plaisir de travailler.
Un travail sérieux et approfondi a permis d’élargir les espaces relevant de la loi. Pour ne citer que quelques thèmes nouveaux, j’évoquerai les eaux de baignade, les bateaux ventouses en mauvais état patrimonial, la définition précise des eaux closes, sur lesquelles un décret en Conseil d’État sera publié.
Malgré tout, notre expertise était restée insuffisante sur la question sensible de la redevance « élevage ». Je me suis engagée à mener une expertise complémentaire et partenariale, en réunissant mardi prochain des élus de toutes tendances, qui ont participé aux débats, et tous les groupes agricoles concernés. Les invitations vous parviendront aujourd’hui même, demain au plus tard.
M. Philippe Rouault, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Très bonne initiative !
M. André Flajolet, rapporteur. En l’état actuel, la redevance « élevage » est incomprise dans son itinéraire administratif, injuste dans ses fondements, illisible et coûteuse dans sa perception. Une note de synthèse et de proposition sera réalisée afin d’aboutir à une proposition qui sera, je l’espère, compréhensible et équilibrée.
« Équilibré » est d’ailleurs le terme qui convient pour qualifier ce texte prometteur, annonciateur de meilleurs résultats et d’une nouvelle gouvernance, texte ouvert à une dimension éducative et à une politique audacieuse et solidaire, dans le cadre des objectifs du millénaire.
Certes, quelques jusqu’auboutistes, vendeurs de mirages, aveuglés par leurs certitudes évolutives, ne sauront que choisir entre regrets éternels et complaintes permanentes. Mais les élus ont fait œuvre utile à travers ce texte : en fondant les redevances en constitutionnalité, en confirmant les agences en tant qu’acteurs explicites et exclusifs de la gouvernance, en les considérant non pas comme des unités de redistribution par catégorie mais bien comme des outils stratégiques de la politique de l’eau du ministère, en affirmant une gouvernance de proximité à travers les SAGE, les EPTB, afin de réduire les conflits d’usage et écrire de façon partenariale les nouveaux usages.
Œuvre utile et indispensable d’abord quand les élus concilient les intérêts de l’hydroélectricité et ceux de la défense des milieux aquatiques, œuvre nécessaire aussi dans l’extension de la lutte contre les eaux usées et la nouvelle organisation de l’assainissement, œuvre salutaire ensuite dans la réaffirmation de notre attachement au devenir des communes rurales et à la place éminente de notre agriculture dans nos efforts de lutte contre les risques naturels et de réduction de l’utilisation des intrants, œuvre de cohérence, enfin, par rapport à la Charte de l’environnement.
Avec 14 milliards prévus pour la durée du plan, nous avons avec les autres collectivités partenaires les moyens de nos ambitions. Ce texte se situe dans la lignée des lois de 1964 et 1992.
Avec la création ciblée et précise de l’ONEMA, avec la confirmation du rôle essentiel du Conseil supérieur de la pêche comme bras armé de la police de l’eau et des plans de reconquête environnementale, avec la création de la Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique ainsi que du Comité national de la pêche professionnelle en eau douce, les outils de la gouvernance sont en place. C’est pourquoi je remercie les uns et les autres d’avoir participé à l’élaboration de ce texte et de la confiance qu’ils voudront bien lui accorder. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean Launay, pour le groupe socialiste.
M. Jean Launay. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, quel contraste entre l’état de la ressource en eau en France et le manque d’ambition du texte ! Face à l’urgence déclarée par de nombreux rapports nationaux et internationaux, le projet de loi présenté par le Gouvernement est très en retrait. Si « notre maison brûle », comme le déclarait Jacques Chirac au sommet de la Terre à Johannesburg le 2 septembre 2002, ce n’est en tout cas pas ce projet de loi sur l’eau qui éteindra l’incendie.
Si nous devons saluer le travail du rapporteur en amont, force est de constater que l’examen de ce texte en commission s’est fait dans des conditions inacceptables. Les réunions de la commission des affaires économiques prévues par les articles 88 et 91 de notre règlement ont été à plusieurs reprises reportées, empêchant tout examen sérieux des amendements déposés dans ce cadre.
Au travail de commission bâclé a succédé un travail improvisé, même en séance, particulièrement sur la question des redevances. J’y reviendrai.
Menée volontairement à un train soutenu, la discussion de ce projet de loi restera dans les précédents de cette maison pour avoir permis de boucler quelques séances l’examen de près de 1 300 amendements.
Faut-il vous rappeler que la loi sur l’eau de 1992, qui a consacré l’eau comme patrimoine commun de la nation, avait permis un vrai débat parlementaire, débouchant ainsi sur un vote à l’unanimité ?
Sur le fond, ce projet de loi est fort contestable.
Les bilans de l’IFEN font régulièrement apparaître une contamination généralisée des eaux par les pesticides, dont la présence est détectée dans 80 % des stations de mesure en rivière et dans 57 % des eaux souterraines. La moitié du territoire national est classée en zone vulnérable.
Pourtant, rien dans ce projet de loi ne permettra réellement d’atteindre en 2015, comme le prévoit la directive-cadre du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique commune dans le domaine de l’eau, le « bon état écologique » sur les trois quarts des masses d’eau. Aujourd’hui, on ne peut raisonnablement envisager d’atteindre cet objectif que sur la moitié.
Que retiendrons-nous de cette loi ?
On peut mettre à votre crédit la sécurité juridique apportée au dispositif des redevances de bassin. Mais nous avons perdu quatre ans car nous avions déjà adopté, en première lecture, en janvier 2002, la constitutionnalisation des redevances.
Une réforme du Conseil supérieur de la pêche par la création de l’ONEMA, mais celle-ci risque de se traduire par une débudgétisation de certaines missions de la direction de l’eau du ministère de l’écologie, lesquelles seraient alors financées par une contribution obligatoire des agences de l’eau.
Un nouveau régime « des eaux closes - eaux libres » qui fait, une nouvelle fois, la part belle aux propriétaires privés et restreint l’exercice populaire du droit de pêche.
M. François Sauvadet. Mais non !
M. Jean Launay. Alors que de nombreux consommateurs se plaignent de la hausse constante du prix de l’eau et du flou entretenu sur sa composition, rien n’est prévu dans ce projet pour améliorer leur information et la transparence du prix de l’eau.
Les deux seules mesures réellement novatrices resteront l’accès aux berges des cours d’eau domaniaux aux marcheurs, grâce à un amendement socialiste permettant l’utilisation non privative de la nature, ainsi que le crédit d’impôt accordé pour l’achat de citernes de récupération des eaux pluviales, amendement socialiste également puisque notre collègue Germinal Peiro est le premier parlementaire à avoir déposé une proposition de loi sur ce sujet.
Pour le reste, le texte consacre l’absence de courage politique du Gouvernement, renforcée par des suspensions de séance interminables du groupe UMP sur la redevance élevage, même après le report de l’examen de l’article 37 avec – suprême artifice – le renvoi à un groupe de travail avant l’examen en deuxième lecture au Sénat.
Au final, votre texte ne s’inscrit nullement dans la perspective du développement durable tel qu’il est désormais inscrit dans notre ensemble constitutionnel. Il ne dégage pas une véritable impulsion pour inscrire notre ressource en eau sur la voie du bon état écologique et ainsi permettre aux générations futures de satisfaire leurs propres besoins.
Madame la ministre, ce texte nous paraît faible si on le compare au projet de loi portant réforme de l’eau qui avait été adopté ici même en première lecture le 10 janvier 2002. Le texte du gouvernement Jospin visait non seulement à transposer dans le droit français la nouvelle directive-cadre du 23 octobre 2000, mais aussi à renforcer la transparence et la solidarité dans le service public de l’eau et de l’assainissement, en vue notamment de garantir le droit de chacun d’accéder à l’eau potable pour satisfaire ses besoins vitaux, à rééquilibrer le financement général de la dépollution de l’eau en faveur du consommateur, à favoriser l’application du principe de « non pollueur - non payeur » en privilégiant la démarche collective par le biais de protocoles de gestion associant les acteurs concernés et, enfin, à soumettre les programmes pluriannuels des agences de l’eau au contrôle du Parlement.
Je suis convaincu qu’il nous faudra remettre ce texte sur le métier pour assurer le bon état écologique de la ressource en 2015 et rééquilibrer le financement de l’eau.
Mme la présidente. Monsieur Launay, il faut conclure.
M. Jean Launay. Je termine, madame la présidente.
Pour cela, nous dégagerons des exigences incontournables pour rappeler que l’eau est un bien de première nécessité. Ces exigences sont de quatre ordres : maîtriser le service public de l’eau et de l’assainissement ; consacrer le droit à l’eau comme un droit fondamental de la personne humaine en instaurant une tarification sociale ; améliorer la transparence et l’information des citoyens sur le prix de l’eau ; rééquilibrer le financement de la dépollution de l’eau sans stigmatiser une catégorie d’utilisateurs mais en rappelant l’effort nécessaire de tous pour préserver l’état de la ressource.
Madame la ministre, malgré notre réelle volonté de contribuer à l’amélioration de ce texte tout au long du débat, pour toutes les raisons évoquées en amont, le groupe socialiste votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe UDF.
M. François Sauvadet. Madame la présidente, nous avons eu, en commission et en séance, un débat très ouvert sur l’eau, sujet qui est sans doute l’un des plus importants pour l’avenir de notre pays et de la planète.
Nous sommes confrontés, en France comme dans beaucoup de pays, à des problèmes de ressource en eau et nous devrons mener une politique de création de ressources nouvelles dans un certain nombre de territoires, comme l’a rappelé Jean Dionis Du Séjour tout au long du débat.
Nous sommes confrontés à des problèmes de gestion de la ressource, avec des conflits d’usage, des intérêts parfois contradictoires entre l’impératif économique, notamment par la production d’énergie, et la préservation des écosystèmes. Nous sommes parvenus, je crois, à un bon équilibre entre ces deux exigences majeures.
Nous rencontrons également des problèmes de qualité des eaux. En la matière, l’objectif fixé est clair : il s’agit de parvenir à un bon état écologique de l’eau à l’horizon 2015, comme d’ailleurs nous y engage la directive européenne que nous devons transposer. Cela implique des moyens nouveaux et une responsabilisation de l’ensemble des acteurs économiques, des usagers et des citoyens.
Le texte auquel nous sommes parvenus dote la France d’outils nouveaux. L’UDF était très engagée sur plusieurs points. D’abord, nous considérons que l’argent prélevé sur l’eau doit rester à l’eau, et je vous remercie, madame la ministre, d’en avoir posé le principe. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Il faut rompre avec cette pratique qui consistait à ponctionner le budget des agences de l’eau pour alimenter celui de l’État, alors que, contrairement à ce que certains prétendaient, nous n’avions pas d’excédents.
Ensuite, comme l’a demandé André Santini, le rôle des agences a été réaffirmé. Là encore, vous nous avez entendus quand nous avons souhaité que l’ensemble des partenaires qui doivent contribuer à la politique de l’eau soient bien présents autour de la table des décisions des conseils d’administration, les élus certes, parce que c’est une responsabilité première des collectivités locales et territoriales, mais aussi les usagers, les industriels et les associations. Je voulais aussi saluer la sécurisation juridique des redevances. Nous avons avancé sur ce point.
S’agissant de l’application du principe pollueur-payeur, nous avons vu apparaître dans cette assemblée des divergences de fond avec les projets qui avaient été déposés sous le gouvernement Jospin dont l’idée était de faire payer tout le monde, sans tenir compte des efforts réalisés pour respecter les règles écologiques et en ouvrant en quelque sorte un droit à polluer dès lors qu’on s’acquitte de la redevance. Nous avons souhaité un système beaucoup plus équilibré, qui vise à poser le principe de réparation en cas de non-respect des règles édictées de protection de l’environnement, et applicable aux industriels, aux particuliers, aux usagers et aux agriculteurs. Dans le même temps, nous avons voulu encourager les bonnes pratiques, et je salue les efforts qui ont été réalisés en matière de gestion des intrants en agriculture. D’ailleurs, madame la ministre, nous avons déposé ensemble un amendement visant à accompagner la formation des jeunes agriculteurs à ces nouvelles pratiques. Je remercie notre rapporteur et le président de la commission pour avoir entendu nos demandes à ce sujet. Les éleveurs en zone de montagne qui ont un taux de chargement à l’hectare tout à fait acceptable et ne sont pas dans une technique productiviste n’auraient pas compris d’être taxés. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Je souhaite que, dans le groupe qui sera constitué, l’on défende cette idée qui a recueilli une quasi-unanimité selon laquelle on ne peut pas taxer ceux qui font des efforts et contribuent, en maintenant une présence, à l’entretien des espaces.
M. Jean-Marc Nudant. Très bien !
M. François Sauvadet. Nous sommes très attachés à ce que les prélèvements qui vont être opérés au profit des agriculteurs qui acceptent d’utiliser les boues d’épuration tiennent compte de la mission de service public qu’ils acceptent d’exercer pour le compte des collectivités.
Mme la présidente. Monsieur Sauvadet, je vous demande de conclure !
M. François Sauvadet. Je conclus, madame la présidente.
Enfin, je veux saluer les efforts qui ont été consentis en direction du monde rural. Vous avez accepté de consacrer un milliard d’euros supplémentaires pour le prochain programme, point auquel le groupe UDF était particulièrement attaché.
Madame la ministre, vous n’avez pas refermé le débat, et vous avez bien fait, sur la préservation des eaux pluviales que demandaient les collectivités locales.
Mme la présidente. Monsieur Sauvadet, ne le rouvrez pas ! (Sourires.)
M. François Sauvadet. Je crois que nous allons pouvoir avancer.
Enfin, nous avons aussi bien avancé pour tout ce qui concerne le respect de l’autonomie et de la liberté des communes dans la répartition entre la part fixe et la part variable de l’eau. De même, nous allons encourager aux économies d’eau.
Pour toutes ces raisons, madame la ministre, et en vous remerciant pour l’écoute dont vous avez fait preuve à l’égard de tous les groupes, et en particulier du groupe UDF, nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mme la présidente. Avant de poursuivre les explications de vote, je vais annoncer le scrutin sur l’ensemble du projet de loi sur l’eau et les milieux aquatiques.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
M. André Chassaigne. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, quatorze ans après le vote, à l’unanimité, de la dernière loi sur l’eau, quatre ans après la première délibération de notre assemblée sur le premier projet de réforme de la politique de l’eau, nous aurions pu nous féliciter que l’ouvrage soit enfin remis sur le métier.
Chacun reconnaît en effet qu’une refonte de notre politique de l’eau est profondément nécessaire. La France doit déjà transposer une directive communautaire prescrivant d’atteindre un bon état écologique des eaux d’ici à 2015. Mais, au-delà de ces contraintes juridiques, il est indéniable que nos instruments de gestion des eaux ne sont, globalement, pas appropriés aux problèmes que nous rencontrons.
Malgré ses nombreux atouts, la politique conduite n’a pu empêcher la forte dégradation de l’état de nos rivières et des nappes phréatiques. Dans combien de cours d’eau la vie animale et végétale confine-t-elle simplement à la survie ? Combien d’ouvrages ont rompu la continuité écologique de nos rivières et privé les poissons de l’accès à leurs zones de frayères ? Combien de cours d’eau sont aujourd’hui morts du fait de pollutions industrielles, urbaines ou agricoles ?
De la même façon, cette politique se montre incapable de maîtriser les conséquences des catastrophes naturelles. Nous savons bien que les dérèglements du climat rendront les épisodes de sécheresse et d’inondations de plus en plus fréquents. Nous savons bien qu’en conséquence les tensions et les conflits d’usage de la ressource en eau deviendront toujours plus vifs. Le problème est déjà là. Et nous ne le réglerons pas en organisant, avec la venue de l’été, le lynchage médiatique des producteurs de maïs, voire des propriétaires de terrains de golf.
Cette politique, enfin, est incapable d'offrir un service public de distribution des eaux et d'assainissement transparent et abordable pour les usagers. Dans les agglomérations, de grandes compagnies internationales ont souvent dépossédé les élus et les citoyens de leur maîtrise, notamment du fait la complexité et de la grande technicité des missions de distribution et d'assainissement. Dans les campagnes, la prolifération de normes européennes stupides renchérit de façon considérable le coût de la distribution et de l'assainissement des eaux, au point même de condamner des petits réseaux de distribution qui n'ont jamais posé de problèmes depuis des générations.
Face à tant de difficultés, quelles sont les réponses que nous offre le projet que l'Assemblée nationale vient d'examiner, un an après le Sénat ? Mes chers collègues, tel le sourcier avec sa baguette, je les cherche encore ! (Sourires.)
Ce projet ne permettra pas de reconquérir, à court et à moyen terme, la qualité écologique de nos cours d'eau. Ainsi, les contraintes indispensables pour assurer une plus grande compatibilité entre l'industrie hydroélectrique et la restauration de la vie dans nos rivières sont réduites à la portion congrue : elles n'auront malheureusement guère de conséquences concrètes, si bien que l'on peut d’ores et déjà annoncer que certains cours d'eau seront sacrifiés.
Sur la question de la réduction des pollutions d'origine agricole, nous avons assisté – abstraction faite de l’adoption de certaines dispositions somme toute mineures – à un véritable bal des tartuffes. Nous avons certes entendu – malheureusement en l'absence du ministre de l'agriculture – de superbes envolées lyriques sur la nécessité de protéger l'agriculture de notre pays. Mais ces belles paroles montaient des bancs qui ont accéléré la crise de notre agriculture, en soutenant inconditionnellement la réforme de la PAC et en votant la loi d'orientation agricole. Les épitaphes étaient belles, mais il ne fallait pas clouer le cercueil ! Résultat : à l’issue de cette première lecture, nous restons dépourvus d’une politique qui permettrait de réduire les pollutions tout en accompagnant les agriculteurs vers des pratiques culturales plus protectrices de l'environnement. C'est bien dommage !
De la même façon, nous ne constatons aucune avancée tangible sur les questions de la gestion quantitative des eaux et des modes de distribution. Nous n'en sommes pas surpris, puisque les problèmes de fond n'ont pas été posés.
Pourtant, l’eau étant une ressource rare et vitale, mes chers collègues, elle doit être gérée collectivement, en fonction non pas de critères financiers, mais du seul intérêt collectif. C'est pourquoi nous avons proposé d'associer les compétences techniques et juridiques de l'État, avec celles des collectivités territoriales et des agences de l'eau, afin d'aller vers une véritable maîtrise publique de la ressource en eau et de nous réapproprier ce bien collectif en en répartissant au mieux les usages. Nous n'avons pas été entendus. L'adoption, entre autres, d'un amendement du rapporteur, présenté comme étant de précision, a au contraire remis en cause l'exercice de la compétence d’assainissement des départements de la région parisienne.
En fait, vous préférez regarder l'eau comme un bien marchand, une ressource qu’il faut exploiter, bref, une source de profit. Ce n’est pas la conception des député-e-s communistes et républicains et c’est pourquoi nous voterons contre le projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Gaillard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Claude Gaillard. Mes chers collègues, le texte que nous allons voter est d’autant plus important qu’il était difficile de modifier notre organisation qui, s’agissant de l’eau, fait référence au niveau européen, et même mondial. D’ailleurs, après les lois de 1964 et 1992, aucun texte n’a pu être adopté et le projet qui nous a été présenté par la majorité précédente n’a été examiné en première lecture qu’en janvier de la dernière année de la législature, si bien que le processus n’a pu aller jusqu’au bout, en dépit de l’état de nécessité. Que l’opposition ne vienne donc pas nous faire la morale aujourd’hui ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
S’agissant de la méthode suivie, je tiens à saluer, madame la ministre, votre écoute attentive tout au long du débat et votre ouverture d’esprit, et je rends également hommage au président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier, qui a géré nos débats dans un esprit d’ouverture et avec intelligence. Je suis donc surpris, compte tenu de la qualité de notre rapporteur au fond, André Flajolet, que l’orateur du groupe socialiste se soit plaint de la façon dont les débats se sont déroulés. Nous n’étions certes pas très nombreux, mais ceux qui étaient présents étaient fortement impliqués, et compétents, et les présidents de séance qui se sont succédé se sont attachés à faire vivre le débat. Je suis donc surpris, pour ne pas dire choqué, de la présentation qui a été faite par l’orateur socialiste.
Sans répéter ce qui a été dit par Mme la ministre et notre rapporteur, je voudrais souligner les avancées remarquables que le texte opère en matière de simplification : ce qui relève respectivement du niveau national et des agences de l’eau est clairement précisé. Bien que nécessaire, cette clarification du paysage est une première !
De plus, le texte met noir sur blanc l’ensemble des solidarités entre le monde urbain et le monde rural, y compris agricole. Il définit aussi clairement l’évolution des bonnes pratiques, ouvrant ainsi la voie du progrès. Il montre le chemin à suivre pour obtenir en 2015 une qualité écologique convenable des masses d’eau – nappes phréatiques et rivières.
Le projet de loi permet des avancées considérables tant sur le plan des comportements que sur celui de la démocratie interne au système.
S’agissant des premiers, les tentatives pour quantifier quelque peu les eaux usées, pour réfléchir à l’utilisation des eaux de pluie – comme l’ont fait certains collègues socialistes et de l’UMP, notamment Françoise Branget et Patrick Beaudoin – traduisent une implication collective.
Cette première lecture aura été l’occasion de progrès notables et réalistes, notamment en matière de pollution diffuse. Dans le texte de Brice Lalonde, ministre en 1992, nous avions pris l’engagement que l’assainissement non collectif serait réglé fin 2015. Or, à l’heure actuelle, 20 % des communes l’ont mis en œuvre. Aujourd’hui, nous nous engageons à modifier nos comportements et à traiter la pollution diffuse. C’est indispensable.
Nous croyons également qu’il faut avancer, en particulier dans la taxation des gros bétails, et la proposition qui a été faite devrait permettre d’aboutir à un équilibre entre les contributions des uns et des autres, et les impératifs économiques.
Je rappelle enfin que les cinquante articles du projet de loi initial sont devenus cent, ce qui prouve la difficulté que nous avons à parvenir à une simplification des textes. Le Parlement la réclame, mais il fait le contraire, le Sénat d’abord, l’Assemblée nationale ensuite.
Néanmoins, le projet aboutit à une organisation nettement plus lisible. C’est pourquoi, grâce à nos efforts conjugués, nous pouvons voter aujourd’hui avec bonne conscience un texte qui défend à la fois les acteurs impliqués et l’environnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je vais donc mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, adopté par le Sénat, sur l'eau et les milieux aquatiques.
Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
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Mme la présidente. Le scrutin est ouvert.
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Mme la présidente. Le scrutin est clos.
Voici le résultat du scrutin :
L'Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mme la présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture, du projet de loi, adopté par le Sénat, portant engagement national pour le logement (nos 3072, 3089).
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.
M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, vous allez examiner en deuxième lecture le projet de loi portant Engagement national pour le logement. Vous le connaissez bien pour l’avoir longuement examiné en première lecture, où il a été largement enrichi. Après son passage au Sénat, le projet de loi comporte 106 articles, dont trente-neuf votés conformes à l’issue de la première lecture ou de la deuxième lecture au Sénat. Ce sont donc les deux tiers du projet de loi – soixante-sept articles – qui sont encore en débat et je m’en réjouis. En effet, si nous n’avons pas demandé l’urgence sur un sujet aussi important et difficile que le logement, c’est que nous pensons qu’une deuxième lecture donne au Parlement le temps d’approfondir le projet de loi et d’y apporter la dernière touche.
Je souhaite revenir quelques instants sur les objectifs du texte, que j’ai déjà eu l’occasion de vous présenter en première lecture.
En raison de la crise du logement, nos concitoyens, notamment les ménages les plus modestes, connaissent des difficultés pour se loger, que ce soit en location ou en accession à la propriété. Le Gouvernement, en vue de répondre à cette situation, a fait des choix ambitieux, qui ont été soumis au Parlement dans le cadre du plan de cohésion sociale, puis, plus directement, dans celui du pacte national pour le logement. Le projet de loi portant Engagement national pour le logement constitue un deuxième volet législatif venant compléter notre action d’ensemble, qui a déjà donné des résultats concrets, qu’il convient désormais d’amplifier.
L’objectif du plan de cohésion sociale – je le rappelle – était de tripler le nombre de logements locatifs sociaux en passant de quelque 40 000 en 2000 à 120 000 en 2005 : les objectifs assignés ont été atteints, puisque 80 200 logements sociaux ont été financés l’an dernier, soit presque deux fois plus qu’en 2000.
Les mesures complémentaires qui vous sont présentées ont pour objectif d’aider à l’exécution de ce programme ambitieux qui, au total, devrait permettre la réalisation de 500 000 logements sociaux entre 2005 et 2009. Plus globalement, la construction de logements a repris son rythme, ce qui était indispensable pour le pays : nous sommes passés en une petite décennie de quelque 300 000 constructions de logements à 420 169 mises en chantier sur les douze derniers mois, un nombre inégalé depuis trente ans. Il convient toutefois de viser encore plus haut si nous voulons rattraper les retards accumulés ces dernières années et répondre aux nouveaux besoins nés de l’évolution de la société et de nos modes de vie : 450 000 à 500 000 nouveaux logements sont chaque année nécessaires. Le nombre de permis de construire accordés ces douze derniers mois – 533 000 – permet de prévoir que nous nous situerons dans cette fourchette à la fin de l’année.
Dans cette perspective, le projet de loi vise à satisfaire quatre grands objectifs : mobiliser la ressource foncière pour la construction de logements, notamment en incitant les maires à ouvrir de nouveaux terrains à l’urbanisation, soutenir l’accession sociale à la propriété, développer l’offre locative à loyers maîtrisés et, enfin, favoriser l’accès de tous à un logement confortable.
Je souhaite, sur ces différents volets, vous rappeler les principaux acquis du texte.
En ce qui concerne son premier objectif, la mobilisation de la ressource foncière, le projet de loi permet tout d’abord, en simplifiant les procédures, d’accélérer la mobilisation des terrains de l’État pour la réalisation de logements. Cette mobilisation est désormais effective. Un inventaire précis a été réalisé et l’identification, ainsi réalisée, des terrains de l’État ou des organismes sous tutelle de l’État permettra la mise en chantier de 30 000 logements dans les trois prochaines années, dont 20 000 dans les quinze mois qui viennent. Une fois le projet de loi adopté, le prix de cession de ces terrains pourra être réduit jusqu’à 35 % de la valeur des domaines à la seule condition qu’ils accueilleront des logements sociaux.
Le texte donne également aux maires de nouveaux outils en matière d’urbanisme et de foncier : la possibilité d’introduire dans les plans locaux d’urbanisme des dispositions incitatives pour le logement social, celle de majorer la taxe sur les terrains constructibles qui restent non bâtis, afin de lutter contre la rétention foncière, ainsi que l’expérimentation pour trois ans de la création par les collectivités locales des sociétés publiques locales d’aménagement, qui pourront réaliser de gré à gré des opérations pour le compte des collectivités actionnaires.
Je note toutefois que la disposition sur le partage de la plus-value des terrains devenus constructibles entre le propriétaire et la collectivité, qui avait été adoptée en première lecture, a été supprimée par le Sénat. Vous aurez à vous prononcer sur le sujet. Le Gouvernement est favorable à cette disposition.
Le développement de l’accession, notamment sociale, à la propriété, qui correspond à une aspiration forte des Français et que le projet de loi entend encourager, constitue le deuxième axe du texte.
Tout d’abord, l’application du taux réduit de TVA à 5,5 % aux opérations neuves d’accession sociale à la propriété situées dans les quartiers qui sont en rénovation urbaine – près de 700 quartiers sont concernés – a été étendue aux abords immédiats de ces quartiers, le Sénat ayant limité cette extension à 500 mètres.
Ensuite, le texte a précisé le mécanisme de dissociation du foncier et du bâti, qui permet d’acquérir une maison tout en louant le terrain dans un premier temps. La réalisation des projets de maisons à 100 000 euros, soutenus par les collectivités locales et proposés par les professionnels, en sera d’autant plus facilitée que le crédit à cinquante ans pour le foncier mis en place à la demande de l’État par la Caisse des dépôts et consignations, notamment dans les zones où la TVA sera à 5,5 %, permettra de les développer.
Enfin, sur proposition du Gouvernement, le principe d’une réforme des Sociétés anonymes de crédit immobilier a été voté en vue d’amplifier leurs missions d’intérêt général et d’augmenter les moyens financiers qu’elles y consacrent. Je rappelle que, suite au débat qui avait eu lieu dans l’hémicycle sur le sujet, une procédure originale d’instauration d’un comité des sages a été adoptée en vue de permettre au crédit immobilier de continuer à remplir sa mission principale dans des conditions de fonds propres suffisants, d’accentuer l’action sociale de l’ensemble du groupe, de permettre l’ancrage territorial des différentes organisations et, enfin, de mettre au point une convention d’opération tendant à construire 20 000 maisons à 100 000 euros dans les quatre prochaines années.
L’article d’habilitation du Gouvernement à procéder par ordonnance, que vous aviez adopté en première lecture, a été voté conforme par le Sénat. Comme nous nous y sommes engagés devant vous, l’ordonnance sera soumise au comité des sages.
Le développement de l’offre de logements locatifs à loyers maîtrisés constitue le troisième objectif majeur de la loi.
Sur ce plan, le conventionnement de logements par l’ANAH avec les bailleurs privés, qui limitera le montant des loyers pratiqués par le bailleur, pourra désormais être fait indépendamment de la réalisation de travaux. Il s’agit là d’une avancée sociale très importante. À ce propos, je tiens à rappeler que, conformément aux engagements du plan de cohésion sociale, les conventionnements ANAH sont passés de quelque 8 000 par an à près de 30 000 en 2005. C’est dire combien la mobilisation de chacun a produit ses effets ! De surcroît, dans le cas des conventionnements sans travaux, le texte prévoit un abattement fiscal de 30 % du montant des recettes pour un niveau de loyers intermédiaire et un abattement de 45 % dans le cas de loyers équivalents à ceux du logement social. Ces abattements pourront être cumulés avec ceux qui ont été adoptés en vue d’inciter à remettre sur le marché des logements actuellement vacants – abattement pendant deux ans de 30 % des revenus des logements vacants remis en location avant le 31 décembre 2007.
En outre, en ce qui concerne le logement social, le texte prévoit le remboursement aux collectivités territoriales dès la première année de l’exonération de TFPB pour les PLUS et les PLA d’insertion – les collectivités territoriales attendaient cette mesure depuis très longtemps. L’article du projet de loi instaurant ce dispositif a été définitivement adopté. Par ailleurs, le taux de TVA réduit dont bénéficie le logement social a été élargi aux structures d’hébergement temporaire et aux hébergements d’urgence.
Enfin, vous le savez, le projet modifie les dispositions existantes d’incitation à l’investissement locatif. D’une part, il centre le dispositif « Robien » sur les agglomérations importantes, en réduisant les loyers plafonds autorisés dans les autres secteurs ; d’autre part, il crée le nouveau dispositif que d’aucuns nomment le « Borloo populaire », qui met en place des avantages fiscaux spécifiques en échange de loyers inférieurs de 30 % à ceux du marché et de plafonds de ressources pour les locataires.
L’ensemble de ces dispositions, s’ajoutant à la loi de programmation pour la cohésion sociale, devrait renforcer fortement l’offre de logements locatifs à loyers maîtrisés, donc accessibles aux ménages à revenus modestes ou moyens.
Le dernier objectif du projet consiste à renforcer l’accès de tous à un logement confortable. Sur ce plan, le texte prévoit de renforcer les mécanismes d’attributions de logements sociaux en faveur des publics prioritaires. Il précise le dispositif de supplément de loyer de solidarité dans le parc social afin de permettre une meilleure adaptation de ce supplément de loyer aux réalités du terrain et d’inciter à plus de mobilité au sein du parc social.
Afin de renforcer la lutte contre l’habitat indigne, il prévoit la ratification de l’ordonnance qui simplifie les procédures et accélère le traitement des situations d’urgence. Pour finir, une dernière mesure prévoit, dans certaines conditions, l’interdiction des coupures d’eau, d’électricité et de gaz, pour les ménages en difficulté pendant la période d’hiver.
M. Jean-Louis Dumont. C’est un droit, l’énergie !
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. En présentant les principales mesures du projet de loi portant engagement national pour le logement, le Gouvernement pense avoir démontré sa volonté d’apporter des réponses pertinentes et fortes aux problèmes qui freinent actuellement la mise en œuvre de sa politique du logement.
Je souhaite que cette seconde lecture à l’Assemblée nationale permette l’amélioration du texte, et que son examen en commission mixte paritaire conduise rapidement à sa mise au point finale et à sa publication.
Les principaux outils seront alors en place et nous devrons tous poursuivre nos efforts – État, collectivités territoriales, acteurs de l’habitat –, pour continuer d’apporter des solutions concrètes aux attentes de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Hamel, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.
M. Gérard Hamel, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, très attendu par les parlementaires depuis 2004, le projet de loi portant engagement national pour le logement a été très considérablement amendé et enrichi au cours de la navette.
Ce texte s’inscrit dans un contexte économique très favorable puisque le secteur de la construction confirme en 2006 les excellents résultats de 2005. Ainsi le 3 mai dernier, l’on recensait 420 169 mises en chantier effectuées au cours des douze derniers mois, soit plus de 12 % d’augmentation par rapport à la période précédente.
Le texte qui vous est soumis s’inscrit aussi dans le cadre d’un programme d’action plus large qui inclut la loi de programmation pour la rénovation urbaine, la loi de cohésion sociale et les mesures réglementaires du pacte national pour le logement. À cet égard, les objectifs définis par le plan de cohésion sociale ont été remplis pour l’année 2005, ce dont je me félicite.
Avant d’aborder le contenu du texte, je souhaite faire quelques remarques d’ordre quantitatif. Comprenant initialement onze articles, le projet en compte aujourd’hui désormais dix fois plus. Trente-cinq des cent dix articles ont été adoptés dans les mêmes termes par les deux assemblées, et quelque soixante-quinze restent en discussion.
Je me félicite de cet enrichissement ; le Parlement et le Gouvernement ont accompli un travail très constructif. En effet, les amendements adoptés, provenant aussi bien de l’Assemblée nationale que du Sénat émanent aussi bien de la majorité que de l’opposition,…
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Moins de l’opposition !
M. Gérard Hamel, rapporteur. …et aussi bien des parlementaires que du Gouvernement.
Venons-en à présent au contenu du texte. Avant de vous présenter les articles examinés par la Commission ainsi que les amendements qu’elle vous propose d’adopter, je souhaite rappeler brièvement les principales modifications apportées au texte au cours de la navette.
En première lecture, le Sénat a surtout mis l’accent sur le droit de l’urbanisme, la lutte contre l’insalubrité, la mixité sociale, et les rapports entre bailleurs et locataires. Il a notamment adopté un certain nombre de propositions issues du rapport d’information sur les facteurs fonciers et immobiliers de la crise du logement, du rapport de M. Philippe Pelletier sur la sécurité juridique des autorisations d’urbanisme, et du rapport du même auteur sur la réforme des baux commerciaux. Enfin, le Sénat a proposé la ratification de l’ordonnance n° 2005-655 du 8 juin 2005, relative au logement et à la construction.
Quant à l’Assemblée nationale, elle a adopté, à l’initiative de la commission, un nombre important d’amendements destinés à favoriser l’accession sociale à la propriété, prévoyant notamment : la possibilité pour les bailleurs d’HLM d’instaurer une décote ou une surcote sur les logements qu’ils vendent ; la mise en place d’un guichet unique dans les mairies ; l’incitation des maires à mener des opérations d’accession sociale ; enfin, la création de SCI de capitalisation d’accession à la propriété.
L’Assemblée nationale a également souhaité simplifier les règles applicables aux opérations d’aménagement, en créant, à l’initiative du président Patrick Ollier,…
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Merci, monsieur le rapporteur.
M. Gérard Hamel, rapporteur. …ainsi que de plusieurs membres de la commission, des sociétés publiques locales d’aménagement.
Par ailleurs, l’Assemblée a adopté des dispositions pour lutter contre la vacance et contre l’indécence des logements, avec la création d’un permis de louer, ainsi qu’un nombre important d’amendements afin de mieux définir les compétences des organismes HLM.
Elle a aussi prévu la possibilité de déroger à la liste des charges récupérables par accord collectif local, affirmé le caractère récupérable des charges liées aux ascenseurs, et simplifié le calcul des charges récupérables en cas de prestation de service par une entreprise. L’Assemblée a également prévu des avantages fiscaux pour le développement des centres d’hébergement d’urgence. Elle a enfin défini le statut de la vente d’immeubles à rénover.
En deuxième lecture, le Sénat a ajouté vingt-six articles au projet de loi en discussion. Les principales modifications apportées concernent la ratification d’ordonnances sur l’urbanisme et sur la lutte contre l’habitat indigne ; le toilettage d’articles, regroupés au sein des chapitres adéquats du projet, ainsi des compétences des bailleurs sociaux, désormais regroupées à l’article 8 ter. Ces modifications concernent également : l’article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi « SRU » ; le problème des logements conventionnés dont la convention arrive à échéance ; le programme national pour la rénovation urbaine, qui est prorogé ; le soutien aux réseaux de chaleur ; le statut des résidences-services ; enfin, les subventions aux aires de grand passage.
Venons-en à présent aux articles L. 302-5 à L. 302-9-2 du code de la construction et de l’habitation. À l’initiative de M. Dominique Braye, le Sénat a prévu la création de commissions départementales, et d’une commission nationale,…
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est une usine à gaz !
M. Gérard Hamel, rapporteur. …chargées de faire la part entre les communes de bonne foi (M. Le Bouillonnec s’esclaffe), désireuses de construire des logements sociaux, mais contraintes dans leur démarche par des obstacles, notamment d’ordre foncier, et les autres communes, qui pourraient se voir appliquer des majorations de leur pénalité. Les commissions départementales, présidées par le préfet, pourraient notamment aider les communes qui ne disposent pas de l’appui technique nécessaire, à remplir leurs obligations.
Le Sénat a également modifié les modalités de calcul du prélèvement auquel sont assujetties les communes ne respectant pas les dispositions de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation : cette pénalité, au lieu d’être uniforme, comme c’est le cas actuellement pour certaines – à hauteur de 152 euros par logement manquant –, serait modulée en fonction du potentiel fiscal des communes.
Enfin, le Sénat a étendu la liste des dépenses pouvant être déduites de ce prélèvement, et modifié la définition du logement social afin que soient pris en compte, dans le cadre de l’article L. 302-5 du code précité, les emplacements des aires d’accueil des gens du voyage.
En ce qui concerne les logements conventionnés dont la convention arrive à échéance, le Sénat a adopté quatre articles additionnels : l’article 8 septies A, prévoyant qu’en fin de conventionnement, les filiales de la Caisse des dépôts et consignations possédant des logements conventionnés dont la convention arrive à échéance, continuent à appliquer à ces logements les mêmes règles de conditions de ressources et de maxima de loyer que sous le régime conventionné, pendant une durée équivalente à celle de la convention.
L’article 8 septies B ensuite, instaure un dispositif d’information des locataires et du maire de la commune d’implantation de ces logements, sur le caractère temporaire de ces conventions. L’article 8 septies C oblige, quant à lui, les bailleurs qui ne renouvellent pas les conventions APL dont font l’objet les logements qu’ils louent, à proposer aux locataires concernés un autre logement conventionné. Enfin, l’article 8 septies F prévoit que les logements déconventionnés restent considérés comme des logements sociaux, cinq ans après la date d’échéance de la convention APL dont ils avaient fait l’objet.
De manière générale, la commission ne souhaite pas introduire d’articles additionnels dans le projet de loi, sauf dans l’hypothèse où il s’agit d’ajouts ayant déjà été mis en discussion au cours de la navette parlementaire.
En matière d’urbanisme, la commission vous propose quatre modifications.
Elle vous propose tout d’abord la suppression de l’article 3 bis, qui instaure une prescription administrative décennale sur les constructions illégales.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet article est une honte !
M. Gérard Hamel, rapporteur. Cet article a été adopté par le Sénat en première lecture, puis supprimé à l’unanimité par l’Assemblée nationale,…
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En effet, nous sommes bien d’accord !
M. François Brottes. Nous nous y étions employés !
M. Gérard Hamel, rapporteur. …et rétabli en seconde lecture par le Sénat.
La commission vous propose également un assouplissement de l’article 4 quinquies, qui prévoit une majoration de la taxe foncière sur les propriétés non bâties sur les terrains constructibles. La commission juge préférable de prévoir que le conseil municipal peut instaurer cette majoration de manière facultative.
Contre mon avis, la commission a aussi adopté un amendement supprimant une disposition du Sénat prévoyant, à l’article 4 quinquies, le plafonnement du produit de la taxe foncière sur les propriétés non bâties perçue sur les terrains constructibles.
Enfin, la commission vous propose le rétablissement de l’article 4 septies, qui prévoyait, avant sa suppression par le Sénat en seconde lecture, un partage de la plus-value réalisée lors de la vente de terrains classés en zone constructible par la commune.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !
M. Gérard Hamel, rapporteur. La commission vous propose cependant de rendre le dispositif facultatif, et soumis à l’appréciation du conseil municipal.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est moins bien !
M. Gérard Hamel, rapporteur. En ce qui concerne les logements foyers, la commission vous propose de rétablir l’article 4 octies du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, puis supprimé par le Sénat.
M. Jean-Pierre Abelin. Très bien !
M. Gérard Hamel, rapporteur. Cet article prévoyait la prise en compte de ces logements dans le calcul de la dotation de solidarité urbaine.
Il vous est également proposé d’améliorer le droit en vigueur s’agissant des logements sociaux vendus par les organismes d’HLM à leurs locataires, en permettant à ces organismes d’assurer sous certaines conditions une fonction de syndic de copropriété, sauf décision contraire de l’assemblée générale des copropriétaires ; mais aussi d’instaurer un mécanisme de garantie des emprunts consentis en faveur des titulaires d’un contrat de travail autre qu’à durée indéterminée.
S’agissant de l’aide au logement, je regrette qu’en application de l’article 40 de la Constitution, un certain nombre de propositions de la commission des affaires économiques aient été déclarées irrecevables.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous sommes bien d’accord !
M. Jean-Pierre Abelin. C’est décourageant !
M. Gérard Hamel, rapporteur. La commission proposait en particulier de revenir sur le seuil de 24 euros en deçà duquel les aides au logement ne sont pas versées aux locataires, et de supprimer le délai de carence d’un mois pour le versement de l’aide personnalisée au logement.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec et plusieurs députés du groupe socialiste. Le Gouvernement doit s’engager à le faire !
M. Gérard Hamel, rapporteur. Elle vous proposait en outre une révision annuelle du barème de cette aide.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà !
M. Gérard Hamel, rapporteur. Dans la mesure où ces propositions ne seront pas examinées sous la forme d’amendements, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous fournissiez des explications à ce sujet.
M. Jean-Louis Dumont. Très bien, monsieur le rapporteur ! Vous posez la question qu’il faut !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà une interpellation forte !
M. Gérard Hamel, rapporteur. Pour ce qui est des modifications apportées par le Sénat à l’article 8 septies, la commission a estimé qu’elles constituaient une adaptation à la fois souhaitable et équilibrée du droit en vigueur, et a par conséquent adopté l’article sans modification.
Elle vous propose en revanche de modifier l’article 8 septies A qui vise les logements conventionnés des filiales de la Caisse des dépôts et consignations, dont la convention APL arrive à échéance,…
M. Jean-Louis Dumont. Il n’y aura bientôt plus de logements conventionnés !
Mme la présidente. Veuillez ne pas interrompre l’orateur s’il vous plaît !
M. Jean-Louis Dumont. Mais c’est un scandale, madame la présidente !
M. Gérard Hamel, rapporteur. …afin de limiter à six ans maximum la durée pendant laquelle les logements déconventionnés par ces filiales demeurent soumis aux mêmes règles d’attribution sous conditions de ressources et de maxima de loyers, que sous le régime conventionné, et afin de limiter le dispositif aux locataires en place.
La commission vous propose également, en matière de relations entre bailleurs et locataires, de rendre possible, à titre dérogatoire localement, une hausse du plafond des surloyers à 35 % des ressources des foyers, et de confirmer la valeur législative donnée par le Sénat à l’interdiction d’un certain nombre de clauses abusives.
Quant aux copropriétés, la commission vous propose de simplifier à nouveau les obligations comptables des plus petites d’entre elles, comme nous l’avions prévu en première lecture.
Enfin, en matière d’énergie, la commission a maintenu le bénéfice du taux réduit de TVA à 5,5 % sur l’abonnement aux réseaux de chaleur, prévu par le Sénat, et je vous propose, ainsi que plusieurs d’entre nous, d’élargir le bénéfice de ce taux réduit à la fourniture de chaleur produite à partir de certaines énergies renouvelable ou de récupération.
Globalement, la philosophie du projet de loi pourrait se résumer ainsi : simplifier, anticiper, inciter. C’est une bonne philosophie et l’équilibre obtenu au fil de la navette est tout à fait satisfaisant. La commission des affaires économiques vous invite donc à adopter le projet de loi ainsi modifié. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.
M. François Brottes. L’auteur de l’amendement scélérat !
M. Jean-Louis Dumont. Nous avons déjà lu la dépêche de l’AFP, monsieur Ollier !
Mme la présidente. Seul M. Ollier a la parole, monsieur Dumont !
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Merci de veiller ainsi au respect du règlement de l’Assemblée, madame la présidente.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, M. le rapporteur vient de présenter avec talent l’ensemble des dispositions qui font de ce texte, après son premier examen à l’Assemblée et au Sénat, un bon texte : un texte efficace qui va sans nul doute, monsieur le ministre, créer une nouvelle dynamique, dans le prolongement la politique que vous avez mise en place avec le plan de cohésion sociale. La majorité ne peut que se réjouir de ce nouveau progrès qu’elle est bien décidée à soutenir.
M. le rapporteur ayant traité l’ensemble des articles dans le détail, je n’y reviendrai pas, me contentant de le remercier pour le travail qu’il a réalisé en commission, avec la majorité comme avec l’opposition. Si nous ne sommes pas toujours parvenus à un accord, du moins avons-nous engagé un certain nombre de débats.
C’est ainsi que je me réjouis de la création des sociétés publiques locales d’aménagement, autour desquelles un consensus a pu être trouvé. Ce travail difficile nous a pris plusieurs mois, et je remercie le ministère de l’intérieur, qui, de concert avec vos services, monsieur le ministre, nous a aidés à rédiger cet amendement.
Cependant, j’insisterai tout particulièrement sur l’accession sociale à la propriété.
M. François Brottes. C’est une obsession !
M. Patrick Ollier, président de la commission. C’est en effet un sujet qui me tient à cœur, comme à vous-même, monsieur le ministre, et à la plupart des membres de la majorité. Notre pays est confronté à un réel problème : la proportion de propriétaires n’y est que de 56 %, alors qu’elle atteint 83 % en Espagne et 72 à 74 % en Angleterre et en Italie. Or il existe une aspiration très forte à la propriété chez les Français, y compris ceux dont les revenus sont modestes. Tout ce que je souhaite, c’est que la majorité trouve les moyens, dans ce texte, de leur permettre de devenir propriétaires comme ceux qui ont la chance de disposer de revenus plus importants.
M. François Brottes. Poudre de perlimpinpin !
M. Patrick Ollier, président de la commission. Nous avons eu un débat sur la manière d’aborder le problème.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est un vrai débat !
M. Patrick Ollier, président de la commission. Oui, monsieur Le Bouillonnec, et je ne suis pas « obsédé » par une solution plus que par une autre. Si j’ai une obsession – puisque je suis sans cesse mis en cause par la presse –…
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce n’est pas par hasard qu’elle a associé votre nom à l’amendement !
Mme la présidente. …c’est de faire en sorte que l’accession sociale – j’insiste sur ce terme – à la propriété puisse trouver sa place dans ce projet, via un dispositif qu’il nous reste à voter.
Lors de la première lecture, nos efforts avaient abouti à une solution qui satisfaisait à peu près tout le monde.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Non !
M. Patrick Ollier, président de la commission. Pour des raisons que l’on connaît, le Sénat est revenu sur cette disposition. Je souhaite, monsieur le ministre, que l’on fasse pièce à ceux qui nous font cette mauvaise querelle. Pour le rapporteur et pour la majorité ici, il ne s’agit nullement de contourner l’article 55 de la loi SRU.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Allons donc !
M. Maxime Bono. C’est pourtant évident !
M. Patrick Ollier, président de la commission. Si l’on nous fait, je le répète, cette mauvaise querelle, c’est soit par mauvaise foi (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste), soit par méconnaissance totale de ce que nous voulons,…
M. François Brottes. Alors, portez le seuil à 25 % !
M. Patrick Ollier, président de la commission. …soit encore – mais je n’ose l’imaginer de votre part, monsieur Brottes – en raison d’une position idéologique. (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
C’est une mauvaise querelle car nous respectons les 20 % prévus à l’article 55 de la loi SRU. Il y a de la mauvaise foi à ne pas reconnaître que, dans ce contingent de 20 %, nous voulons permettre aux Français qui en ont besoin, avec le même niveau de revenus que celui qui leur ouvre la location sociale, d’accéder à la propriété sociale.
M. François Brottes. C’est une illusion !
M. Patrick Ollier, président de la commission. Je ne vois pas pourquoi ce qui est social dans un cas ne le serait plus dans l’autre !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Parce que c’est impossible dans les quartiers denses !
M. Patrick Ollier, président de la commission. Vous aurez tout le temps vous exprimer tout à l’heure, monsieur Le Bouillonnec !
M. Jean-Louis Dumont. Non ! Il n’aura que trente minutes !
M. Patrick Ollier, président de la commission. Ayez la gentillesse de me laisser parler !
Dans le cas du prêt locatif à usage social, le PLUS, le plafond pour l’accès au logement social, pour un couple avec un enfant, est de 30 521 euros en région parisienne hors Paris et de 23 721 euros dans le reste de la France. Dans notre amendement, nous disons que ce plafond qui permet d’accéder au logement en location permet aussi de devenir propriétaire – à condition que la TVA en matière de construction soit de 5,5 %, monsieur le ministre, et que le Gouvernement fasse en sorte que les prêts soient mobilisables à cette fin. On peut par exemple faire une expérimentation en zone ANRU. En tout cas, la commission ne changera pas de point de vue : ce serait renoncer aux valeurs auxquelles elle croit et à sa volonté sociale, qui consiste à permettre aux plus modestes de devenir, s’ils le souhaitent, propriétaires de leur logement.
Enfin, je ne peux accepter l’amalgame que font certains entre le logement d’urgence et le logement social. Je respecte profondément le combat que mènent l’abbé Pierre, une partie du clergé et de nombreuses associations…
M. Jean-Louis Dumont. Laïques aussi !
M. Patrick Ollier, président de la commission. Oui. Ce combat est légitime. Mais en aucun cas on ne peut s’en réclamer pour laisser entendre qu’avec cet amendement nous voulons remettre en cause les efforts que fait le Gouvernement pour le logement d’urgence.
M. François Brottes. C’est pourtant évident !
M. Patrick Ollier, président de la commission. Monsieur le ministre, je vous félicite, car vous allez porter d’environ 95 000 actuellement à 100 000 en 2009 le nombre de places en logement d’urgence pour les personnes isolées et les familles, en y affectant 3 938 000 euros chaque année. La majorité soutient cette réponse aux revendications légitimes des associations. Mais ne mélangeons pas tout. Notre amendement n’a aucun rapport avec ce combat légitime, je le répète, en faveur des logements d’urgence : il s’adresse aux personnes qui peuvent souhaiter acquérir leur logement avec le même niveau de revenu que celui qui leur ouvre l’accès à la location sociale, alors que les gens en situation précaire n’ont de toute façon pas accès au logement social.
Finissons-en avec la mauvaise foi et discutons honnêtement des objectifs que nous voulons atteindre sans faire de procès d’intention. J’attends votre soutien dans cette action, mes chers collègues. C’est l’honneur de la majorité que de combattre pour les valeurs qu’elle défend. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mme la présidente. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste et apparentés une exception d’irrecevabilité, déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour une durée maximale de trente minutes.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le ministre, je me réjouis de vous voir assis à la place où la majorité voulait manifestement vous voir tout à l’heure, pendant les questions aux Gouvernement.
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Venons-en au texte !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je suis heureux d’avoir provoqué cette réaction et reste à votre disposition, si d’aventure vous aviez encore besoin de mes services – mais vous ai-je vraiment rendu service en suscitant ce mouvement en faveur de votre arrivée à Matignon ?
M. François Brottes. D’autant que c’est un logement on ne peut plus provisoire ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, par cette exception d’irrecevabilité, mon groupe politique veut autant souligner le manque d’envergure du projet de loi portant engagement national pour le logement que les motifs d’inconstitutionnalité qu’il comporte. Bien que ces derniers soient réels, le défaut majeur de ce texte reste l’insuffisance des moyens qu’il dégage pour lutter contre la crise du logement.
Au cours des dernières années, celle-ci est devenue, à l’instar du chômage, un véritable problème de société. Tandis que toutes les enquêtes d’opinion montrent que la recherche d’un logement compte désormais parmi les toutes premières préoccupations de nos concitoyens, les rapports annuels de la fondation Abbé Pierre alertent les pouvoirs publics sur la progression du marasme. Le constat et les chiffres de ces rapports sont partagés par tous : si le « non logement » frappe en France moins de 100 000 personnes, le « mal logement », c’est-à-dire l’occupation d’un logement inconfortable, insalubre, surpeuplé ou précaire, atteint plus de 3 millions de ménages modestes. Premières victimes de la pénurie locative, ces ménages n’en sont pourtant pas les seules. Avec l’envolée des coûts de l’immobilier et des loyers, la crise s’est en effet propagée à l’ensemble des classes moyennes. À ce jour, les dépenses liées au logement dépassent souvent 30 % des revenus de la majorité des salariés.
Les causes de cette faillite sont également admises par tous. Le décalage actuel entre l’offre et la demande de logement est essentiellement dû à une sous-estimation, au début des années quatre-vingt-dix, de la progression démographique et du nombre de décohabitations. Trop longtemps minorés, les besoins en logement ont donc brutalement éclaté à l’orée de notre décennie.
M. Michel Piron. Sur ce point, nous sommes d’accord !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si ce diagnostic est aujourd’hui largement partagé sur tous les bancs de notre hémicycle, nous restons par contre, mes chers collègues, tout à fait opposés sur les moyens d’y répondre. Alors que les solutions prescrites par la majorité s’inscrivent dans la logique libérale du laisser-faire,…
M. Michel Piron. Là, nous ne sommes plus d’accord !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …les nôtres réaffirment l’exigence d’une politique volontariste des pouvoirs publics.
Depuis près de quatre ans, les différents gouvernements en place ont tous scrupuleusement obéi aux principes éculés du libéralisme, selon lesquels l’issue de tous les problèmes réside, pour le logement comme pour l’emploi, dans la dérégulation du marché et le désengagement de l’État. La dérégulation du marché immobilier a été inaugurée, dès 2003, par la mise en place du dispositif fiscal dit « de Robien ». À l’inverse du dispositif « Besson » voté par la précédente majorité, le « de Robien » accorde d’abondants avantages fiscaux aux investisseurs immobiliers sans les assortir de contrepartie sociale. En privant ainsi la puissance publique de son principal moyen d’encadrer les loyers du parc privé, il laisse le champ libre à tous les agiotages, au motif que les investissements spéculatifs relanceraient la production de logements et conduiraient à terme, dans cinq ou dix ans, à des baisses des loyers. C’est bien là un choix typiquement libéral, qui repose sur une vieille croyance, remontant au xviiie siècle, selon laquelle une « main invisible » – une sainte Providence, peut-être ? – conduit naturellement le marché sur la voie de la vertu.
En 2004, la loi relative aux responsabilités locales a aggravé le désengagement de l’État par la délégation et le transfert d’importantes compétences aux collectivités locales.
M. Michel Piron. Que ne faut-il pas entendre !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si la décentralisation des pouvoirs n’est pas en elle-même critiquable, celle que met en œuvre la majorité actuelle souffre de deux vices majeurs. D’une part, certains transferts, comme celui du FSL aux départements, n’ont pas été gagés à la hauteur des besoins. D’autre part, les délégations ont été « dispatchées » entre tous les échelons des collectivités territoriales. À la question : « Qui fait quoi en France en matière de logement ? », seuls quelques éminents spécialistes du droit administratif s’y retrouvent. Un tel enchevêtrement des compétences est nuisible à l’efficacité de l’action publique car il entraîne inévitablement un sentiment général de déresponsabilisation.
Or l’horizon vers lequel nous devons tendre, celui de l’opposabilité du droit au logement, suppose au contraire que l’on dégage clairement quelles sont les autorités responsables. Lorsque le Premier ministre déclare que cette grande ambition peut être expérimentée par les collectivités qui le souhaitent, il révèle, au mieux, sa méconnaissance totale des enjeux, ou manifeste, au pire, un indécent cynisme.
Le désengagement de l'État est enfin visible au sein même des projets dont le Gouvernement fait pourtant si souvent la publicité. Qu'il s'agisse du programme national de rénovation urbaine ou du plan de cohésion sociale, dans l'un et l'autre, la part de financement de l'État est en diminution par rapport à celle de ses partenaires.
Désormais, une large partie de la politique du logement repose sur les crédits du 1 % gérés par les syndicats. Un tel dessaisissement n'est pas acceptable car un principe bien connu veut que le payeur finisse toujours par être le décideur. Or, aussi légitime que puissent être les intérêts pris en charge par les partenaires sociaux, ils ne se confondront jamais avec l'intérêt général !
À l'heure où les prochaines échéances électorales se profilent, il est temps de dresser le bilan de la politique conduite par la majorité en place depuis quatre ans. Et ce bilan est sévère, mes chers collègues ! En dépit de tous les bulletins de victoire proclamés régulièrement depuis les perrons des ministères, les credo du libéralisme se sont heurtés, une nouvelle fois, à la résistance des faits. Un seul chiffre suffirait à établir cet échec : depuis 2002, le nombre de demandeurs de logements sociaux, loin d'avoir diminué, a poursuivi sa progression et frise désormais 1 400 000.
Les années 2001 et 2002 devraient vous servir de référence, monsieur le ministre, car on pourrait constater que vous avez fait beaucoup moins en 2003 ! Pas besoin, par conséquent, de nous renvoyer à 2000 ! Si nous devons continuer à discuter, nous le ferons en nous fondant sur les chiffres de vos ministères, mais en utilisant tout ce qu’ils disent ! Et si cette loyauté est respectée, alors notre débat sera dépourvu de toute ambiguïté.
Je le répète, le nombre des demandeurs de logements sociaux atteint, à présent, 1 400 000 : la responsabilité de cette aggravation incombe à l’État. Qu’est-ce qu’une politique d’État qui ne règle pas ce problème ?
Oh, bien sûr, monsieur le ministre, je vous entends déjà répondre que le nombre des mises en chantier a atteint 420 000 en 2005 et qu'il s'agit d'un record inégalé depuis vingt-cinq ans. Oh, bien sûr, je vous entends dire aussi que le nombre de logements sociaux financés en 2005 dépasse 80 000 contre 40 000 en l'an 2000. Ce sont là de vieilles rengaines répétées à satiété et qui rappellent celles jouées par les boîtes à musique ! Et comme celles jouées par les boîtes à musique, monsieur le ministre, l'observateur attentif notera que les vôtres sonnent creux.
Si nul ne conteste l'authenticité des chiffres cités, les commentateurs avertis soulignent, en effet, leur dimension purement statistique. Sur le papier, les courbes repartent bien à la hausse, mais, sur le terrain, les rangs des demandeurs de logement grossissent chaque jour davantage.
La raison de ce paradoxe est aussi simple qu'implacable : l'offre nouvelle de logements ne correspond pas à la demande. Selon les estimations faites par la Fondation Abbé Pierre, qui, n'en déplaise à certains éminents sénateurs de la majorité, n'a jamais été « entourée de dangereux gauchistes », seuls 25 % des 420 000 mises en chantier sont accessibles à 66 % des Français. Les trois quarts des logements lancés par vous, en 2005, sont donc réservés à nos concitoyens les plus aisés.
La majorité paye là son tribut aux dogmes libéraux : aujourd'hui comme hier, pour le logement comme pour l'emploi, la logique naturelle du marché est de chercher le plus fort profit immédiat. Cette logique aveugle néglige toute perspective stratégique et conduit rapidement à l'impasse. Le « de Robien » en fournit, à nouveau, la triste confirmation. En accordant des avantages fiscaux sans contrepartie sociale, ce dispositif a encouragé la spéculation immobilière à court terme.
Résultat de ce malheureux effet d'aubaine : si les investisseurs ont bien relancé la construction de logements, leurs loyers sont tellement élevés qu'ils ne trouvent aucun locataire pour y vivre ! Curieuse politique, monsieur le ministre, que celle qui consiste à bâtir des logements condamnés à rester vides !
Cet échec patent dans le parc privé n'est, hélas ! pas compensé par une réelle amélioration de la situation dans le parc social. On y retrouve, en effet, la même contradiction entre l'offre et la demande. Alors que la construction des logements les plus sociaux – je parle ici des PLAI – ne représente que 5 % des financements accordés en 2005, 50 % des demandeurs de logements sociaux pourraient pourtant y accéder.
La relance de l'offre locative sociale, dont s'enorgueillit le Gouvernement, est donc artificiellement portée par celle des logements intermédiaires – les PLS – dont les loyers sont trop élevés pour 70 % des demandeurs. En quatre ans, la proportion des PLS a doublé au sein des programmations de l'État en raison, essentiellement, du coût modique des PLS pour les caisses du ministère des finances. Ce n'est pas ainsi, monsieur le ministre, que l'on offrira des solutions aux ménages modestes, ceux-là même qui subissent le plus durement les effets de la crise du logement.
Si la politique conduite depuis 2002 est donc bel et bien parvenue à désengager l'État du marché immobilier, elle n'a nullement permis de répondre aux besoins de nos concitoyens. De toute évidence, il appartiendra à une nouvelle majorité – il nous appartiendra – d'incarner l'espoir en affirmant la responsabilité et l'efficacité de la puissance publique. En aucun cas, en effet – comme je vais essayer de le démontrer à présent –, ce projet de loi n'offre les moyens suffisants pour inverser la tendance et restaurer la confiance.
En janvier dernier, lors de son examen par l'Assemblée nationale, en première lecture, j'ai déjà eu l'occasion de souligner combien le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui portait les stigmates d'une genèse longue et laborieuse. Annoncé dès l'automne 2003, il fut successivement baptisé « Propriété pour tous » par M. de Robien, puis, par prudence, « Habitat pour tous » par M. Daubresse, et enfin, « Engagement national pour le logement » par M. Borloo, pour faire plus solennel.
Ces changements de titres entraînèrent, à chaque fois, de sensibles changements de fond. En trois ans, l'objet du texte a flotté, au gré des préférences de chacun des trois ministres. Cette genèse chaotique révèle de façon spectaculaire l'impuissance de la majorité à définir un cap précis en matière de logement. En parfaite cohérence, d’ailleurs, avec les principes libéraux sur la primauté du marché, les gouvernements en place depuis 2002 se sont bornés à prendre le sens du vent pour mieux naviguer à vue. Dans ces conditions, dès l'origine, aucune vraie stratégie, aucune forte ambition ne pouvait animer le projet de loi soumis à notre assemblée.
Lors de l'examen du texte au Parlement, l'impréparation du Gouvernement ne pouvait donc qu'éclater brutalement au grand jour. Comportant seulement onze articles lors de son passage en conseil des ministres, le texte en a compté successivement soixante-trois, puis quatre-vingt-douze et, enfin, cent dix, à la suite des amendements ajoutés lors des différentes lectures !
Mes chers collègues, certes, mon expérience parlementaire est un peu courte, mais je ne sache pas que le nombre d'articles d'un projet de loi ait jamais été décuplé au cours d'une navette législative !
Cette inflation d'amendements ne doit rassurer personne, même ceux qui – comme nous tous dans cet hémicycle – sont attachés à défendre les droits et les pouvoirs du Parlement. En premier lieu, elle soulève de graves motifs d'inconstitutionnalité. Selon les termes de l'article 39 de notre constitution, tout projet de loi doit nécessairement être soumis à l'avis du Conseil d'État au début de la procédure législative. Or, en l'espèce, les conseillers d'État n'auront pu connaître qu'un dixième de l'ensemble du texte. Il y a là un contournement manifeste de leurs prérogatives.
M. Jean-Louis Dumont. Eh oui !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En outre, la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel vient d'encadrer étroitement le recours aux amendements. Dans ses décisions des 19 janvier et 16 mars 2006, il a rappelé que l'article 45 de notre constitution limite les secondes lectures à la discussion des dispositions qui n'ont pas été adoptées en termes identiques. Dans ces conditions, de nombreuses mesures adoptées au Sénat en avril dernier pourraient tomber sous le couperet des neuf sages de la rue Montpensier.
M. Jean-Louis Dumont. Sages ? Il faut le mettre entre guillemets !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais cette inflation législative pose surtout, en second lieu, le problème de la cohérence politique du projet. Au fil des différentes lectures, ce texte est devenu une véritable mosaïque auquel beaucoup de parlementaires ont pu apporter leur touche de couleur. La plupart des amendements portent naturellement les nuances orange et bleu des partis de la majorité ; mais, reconnaissons-le, il y a bien eu aussi quelques – petites – touches roses, rouges et vertes !
Au final, le législateur se retrouve contraint de jongler avec le latin et l'arithmétique pour retrouver le fil de sa volonté à travers les articles 5 bis B, 8 sexies D, 11 AA, les articles avant l’article 11 decies ! J'en passe, des pires et des meilleurs ! Tout cela tisse bien un sympathique manteau d'Arlequin, mais fait naître aussi la crainte que cette logorrhée ne soit, en réalité, qu'un rideau de fumée.
Pour construire davantage de logements, monsieur le ministre, il faut sans doute aménager certains dispositifs juridiques. Mais pour couler une dalle de béton ou pour acheter des terrains vierges, il faut, d'abord et avant tout, davantage de crédits ! Selon nous, la genèse et l'hypertrophie du texte sont les symptômes évidents d'une impuissance, celle de dégager les moyens financiers nécessaires à la résolution de la crise !
M. Gérard Hamel, rapporteur. Ce n’est pas vrai ! Ça, Borloo sait faire !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Au regard de cette inquiétante réalité, les avancées obtenues lors de la deuxième lecture au Sénat paraissent bien modestes. Mais les occasions de se réjouir sont suffisamment rares pour ne pas les apprécier lorsqu'elles s'offrent.
Une part de ces avancées résulte d'abord de l'adoption d'amendements défendus par l'opposition. L'allongement à trente ans de l'exonération de la taxe foncière pour les constructions respectueuses de l'environnement ; l'encadrement de l'exonération de la taxe sur les plus-values lors de la cession d'un bien foncier à une collectivité locale ; l'institution d'un bilan annuel sur l'action des commissions de médiation ; la réduction du plafonnement du surloyer à 25 % ; la limitation des pièces exigibles pour la constitution d'un dossier de location ; la diminution de la TVA pour certains réseaux de chaleur : voilà plusieurs mesures fiscales et techniques qui, si elles ne suffisent pas à régler la crise du logement, permettront d'orienter l'action publique dans la bonne direction.
D'autres dispositions, adoptées à l'initiative de la majorité sénatoriale, paraissent également aller dans le bon sens. La prolongation automatique du conventionnement des logements possédés par des filiales de la Caisse des dépôts pourra protéger, provisoirement – mais ce provisoire est un sacré problème ! –, les locataires et les maires contre les effets les plus brutaux du déconventionnement. De même, l'extension du permis de louer aux logements situés en dehors des zones urbaines sensibles répond, de toute évidence, aux besoins. La plupart des logements insalubres sont, en effet, situés dans le parc privé des centres-villes et non dans celui des ZUS.
Sur le plan budgétaire, un amendement du Gouvernement a permis de rallonger l'enveloppe de l'Agence nationale de rénovation urbaine. Annoncée une première fois en novembre 2005, lors de la crise que l'on sait, présentée une seconde fois à la presse lors du comité interministériel de la ville tenu en mars 2006, cette rallonge porte de 4 à 5 milliards d'euros la participation de l'État au financement de l'ANRU.
Dès l'été 2003 – puisque ce travail est un long travail accompli ensemble –, à l'occasion du vote de la loi sur la rénovation urbaine, le groupe socialiste avait souligné l'insuffisance des crédits accordés par l'État à l'ANRU. Chaque débat budgétaire permit, par la suite, de vérifier cette insuffisance : le taux d'effort consenti par l'Agence pour financer les projets mis en œuvre sur le terrain excédait largement ses capacités budgétaires. Pour tout observateur de bonne foi, ce rythme effréné de dépenses condamnait inéluctablement l'ANRU à vider ses caisses avant l'achèvement du programme national de rénovation urbaine. Si nous ne sommes pas sûrs que cette augmentation d'un milliard suffise à combler le déficit, vous pouvez cependant, monsieur le ministre, compter sur le soutien du groupe socialiste pour voter votre amendement.
En dépit de ces avancées, « le projet de loi, après cette seconde lecture au Sénat, reste en retrait de ce qu'on pouvait attendre », a récemment écrit un éminent responsable de la Fédération des associations pour l'insertion par le logement. En termes moins mesurés, l'appréciation de mon groupe politique rejoint cette analyse. Jusqu'à présent, la navette législative n'a nullement remédié aux graves défauts de ce projet. C'est pourtant à l'aune de ces défauts que se mesure le mieux le décalage entre les besoins et les solutions présentées par le texte.
En premier lieu, la seconde lecture au Sénat n'a permis aucune amélioration sensible des dispositions les plus emblématiques du projet de loi.
Votée à la quasi-unanimité lors de la première lecture, saluée comme une « révolution foncière » par le Gouvernement, la création d'une taxe sur les plus-values réalisées lors de la vente d'un terrain rendu constructible a même été, purement et simplement, supprimée par les sénateurs. Monsieur le rapporteur, vous reprendrez l’offensive et vous aurez notre soutien. Une telle reculade est tout à fait inacceptable car les moyens mis au service des maires bâtisseurs ne sauraient être contrariés par la soif de gains de quelques propriétaires fonciers. Cette suppression ne pouvant donc s'expliquer que par des considérations strictement électorales, j'espère que notre assemblée aura la sagesse de suivre la recommandation de notre rapporteur.
Le sort réservé par le Sénat à la décote sur les terrains vendus aux bailleurs sociaux n'a pas été aussi funeste, mais cette mesure n'a pas fait l'objet des aménagements nécessaires. Son niveau reste très insuffisant au regard de l'envolée des prix de l'immobilier au cours des dernières années. Baisser de 35 % la valeur des biens fonciers de l'État aura pour seul effet de la ramener aux cours établis en 2003. Pour encourager réellement la construction de logements sociaux sur ces terrains, il faudrait donc fixer son montant à 50 %.
Par ailleurs, il est impératif que ce niveau soit défini par la loi elle-même et non par un simple décret. À défaut de toute obligation légale, certaines déclarations de membres du Gouvernement laissent craindre une nouvelle réduction dans les prochains mois, certains ministres ayant demandé à leur administration de potentialiser le patrimoine mis en vente.
Largement médiatisée lors de la présentation du projet de loi en octobre 2005, la « maison à 100 000 euros » reste avant tout un excellent produit de communication. Les moyens juridiques et financiers mis en œuvre dans ce texte ne permettront jamais de descendre le coût d’une maison neuve à 100 000 euros, sauf sur les territoires les plus reculés de notre pays, là où le terrain est très peu cher. Et même dans ce cas, dans la grande majorité des zones immobilières, la réduction du taux de TVA à 5,5 % suffira à peine à couvrir l’acquisition des murs et suspendra le paiement du terrain à l’engagement de nouveaux crédits bancaires.
Alors que l’endettement des ménages atteint des niveaux record dans notre pays, que les banques ont accordé 40 % de prêts immobiliers supplémentaires au cours de l’année passée et que la durée de ces prêts peut atteindre cinquante ans, les promoteurs des « maisons à 100 000 euros » exposent de manière irresponsable les ménages au risque de surendettement.
À l’instar de la « maison à 100 000 euros », le dispositif fiscal dit « Borloo populaire » est souvent présenté comme l’une des mesures phares du projet de loi. Lors de la première lecture du texte à l’Assemblée nationale, le groupe socialiste a eu l’occasion de montrer à quel point ce nouveau dispositif n’avait de populaire que le nom. Vous-même, monsieur le ministre, avez reconnu que cet amortissement ne réduirait les loyers que de 30 % par rapport aux prix du marché parisien. Or, comme, justement, ces prix sont supérieurs de 30 % à ceux de la province, le « Borloo populaire » est condamné à n’avoir aucun effet au-delà des boulevards des Maréchaux de la capitale.
Les apports des sénateurs lors de la deuxième lecture n’ont malheureusement rien changé à la donne. La précision selon laquelle les plafonds de loyer de ce nouvel amortissement devront être inférieurs de 20 % aux plafonds de l’amortissement de Robien n’entraîne par elle-même aucune diminution des loyers. Établis à 17 % au-dessus du niveau des PLI, les loyers attendus du « Borloo populaire » resteront inaccessibles aux ménages modestes et à une large partie de la classe moyenne. Je le répète, ce dispositif n’a de populaire que le nom.
Si la deuxième lecture au Sénat n’a permis aucune amélioration des mesures les plus symboliques du texte, elle n’a pas davantage comblé ses graves lacunes. Au premier rang de celles-ci, l’absence de mesures en faveur de la solvabilisation des locataires est la plus frappante. Depuis plusieurs années, ces derniers sont en effet victimes d’un redoutable « effet de ciseaux ». D’un côté, ils subissent de plein fouet l’augmentation vertigineuse des loyers, estimée à près de 30 % en six ans. De l’autre, ils se heurtent à la stagnation relative de leur pouvoir d’achat, conjuguée à la baisse tendancielle des aides versées par l’État.
Depuis 2002, les gouvernements successifs de la majorité actuelle ont systématiquement négligé les aides personnelles au logement, pourtant versées à plus de 6 millions de locataires. Après avoir revalorisé les APL une seule fois en deux ans et limité leur progression à 1,8 % en septembre 2005, la majorité a voté dans la dernière loi de finances une diminution de 1,38 % des crédits qui leur sont consacrés ! Ces restrictions budgétaires répétées se sont soldées, au bout de quatre ans, par une diminution de 10 % du pouvoir solvabilisateur des APL.
Mme Martine David. Très juste !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ces statistiques sont connues de tous.
La baisse globale de l’enveloppe consacrée aux APL a été aggravée par des mesures d’économies visant des catégories particulières de locataires. Ainsi, le relèvement du seuil de non-versement des APL, de 15 à 24 euros, a-t-il permis, à lui seul, d’exclure près de 200 000 locataires du bénéfice de ces aides. Cette décision scandaleuse a soulevé une telle émotion que le médiateur de la République, ancien ministre du gouvernement Raffarin, a jugé nécessaire d’en alerter personnellement la majorité !
Mme Martine David. C’est vrai !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pourtant, en dépit de ses promesses réitérées, le Gouvernement n’a toujours ni supprimé ni abaissé ce seuil, comme il s’y était engagé.
Cette deuxième lecture devrait nous offrir bientôt une nouvelle démonstration de sa duplicité : alors que nos amendements abrogeant le mois de carence et le seuil de non-versement ont été adoptés en commission des affaires économiques, ils se verront probablement opposer l’article 40 de la Constitution. Monsieur le ministre, vous devriez les reprendre pour les faire adopter, car notre commission était unanime ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
L’effet de ciseaux dont je parlais est désastreux pour les locataires. Pour l’ensemble des ménages, il conduit à une augmentation très sensible de la part des ressources consacrée au paiement des loyers. Le taux d’effort moyen des locataires dépasse désormais 30 % selon nos documents budgétaires et atteint près de 40 % si l’on en croit les calculs faits par la Fondation abbé Pierre. Cette part croissante des dépenses liée aux loyers et aux charges pose des problèmes qui dépassent largement la seule question du logement. En limitant le pouvoir d’achat des ménages, elle pèse lourdement sur la relance de la consommation et, à terme, sur la création d’emplois.
Pour les ménages dont la situation est la plus précaire, ces conséquences peuvent être encore plus dramatiques, car elles conduisent un nombre croissant d’entre eux à la cessation de paiement. Dans son dernier rapport, le Secours catholique a mis en évidence la spirale infernale dans laquelle ces ménages se retrouvent engagés, qui s’achève souvent par une procédure d’expulsion. L’explosion spectaculaire du nombre de contentieux locatifs témoigne de cette réalité et indique que le seuil critique est dépassé.
Face à la précarisation croissante de millions de locataires, l’inertie du Gouvernement est intolérable. La création d’un nouvel indice pour l’indexation des loyers ne suffira pas à garantir une meilleure solvabilisation des ménages, qui suppose d’abord une augmentation sensible du budget affecté aux APL.
À supposer qu’un rééquilibrage des crédits de l’État au profit des aides à la pierre soit nécessaire, il faut, en attendant que la relance de l’offre locative sociale produise ses effets, maintenir à un niveau élevé les aides à la personne, faute de quoi des millions de locataires connaîtront la paupérisation. Le projet de loi ne porte, hélas, nulle trace de cette exigence.
Notre dernier sujet d’inquiétude – et non le moindre – est relatif à la mixité sociale et à l’application de l’article 55 de la loi SRU. Si ce sujet n’était pas aussi grave, les multiples épisodes et rebondissements dont cet article est l’objet depuis plus de six mois apparaîtraient rocambolesques et cocasses. En novembre 2005, suite aux dramatiques poussées de violence dans les quartiers sensibles, les choses semblaient claires. Lors d’une allocution télévisée, le chef de l’État avait solennellement appelé « tous les représentants des communes à respecter la loi qui leur impose d’avoir 20 % au moins de logements sociaux ».
M. Patrick Roy. Même à Neuilly !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il disait avoir « conscience des difficultés », mais ajoutait que « l’on ne sortirait pas de la situation actuelle, si l’on ne mettait pas en cohérence les discours et les actes ».
M. Michel Piron. Vous parlez d’or !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Rien ne pouvait alors laisser prévoir que l’abbé Pierre serait contraint à son tour, quelques mois plus tard, d’appeler ici-même les députés-maires au respect de leurs devoirs.
M. Patrick Roy. Incroyable ! Que fait-on à Neuilly ?
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La surprise et l’indignation ont donc été totales lorsque l’amendement créant l’article 5 bis B, dit « amendement Ollier », a été présenté dans notre hémicycle en janvier dernier. Cet amendement prévoit en effet d’élargir la définition du logement social aux logements acquis en accession sociale à la propriété. En dépit de toutes les protestations d’attachement à la mixité sociale de ses auteurs, l’objectif de cette disposition est clair et n’a trompé aucun de ceux qui œuvrent pour le logement social.
M. Patrick Ollier, président de la commission. Ayez l’honnêteté de préciser qu’elle est assortie d’un plafond de ressources !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Son objectif principal est d’assouplir les contraintes qui pèsent sur les maires en leur permettant d’accueillir dans leur commune des ménages relativement aisés, sur le quota réservé en principe à des ménages plus modestes.
Mme Martine David. C’est vrai !
M. Patrick Ollier, président de la commission. Vous êtes de mauvaise foi, monsieur Le Bouillonnec !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Grâce à l’exceptionnelle mobilisation du secteur associatif – que certains membres du Gouvernement ont honteusement suspectée d’être instrumentalisée –, une frange de la majorité sénatoriale a rallié l’opposition et a voté avec elle la suppression partielle de l’amendement Ollier lors de la seconde lecture du texte au Palais du Luxembourg. Si les logements sociaux vendus restaient bien intégrés dans le parc social, les logements neufs construits en accession sociale en étaient exclus. Est-ce une semi-victoire ?
Mme la présidente. Veuillez conclure !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Aujourd’hui, cela risque, hélas, de devenir une déroute totale. La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a en effet rétabli le 17 mai l’article 5 bis B dans son intégralité. (« Fraternité ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) La fraternité est de notre côté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Christian Ménard. Scandaleux !
M. Michel Piron. Vous n’avez pas le monopole de la fraternité !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je n’en ai pas le monopole, mais je la partage avec les personnes de mon choix !
L’article 55 de la loi SRU a été conçu pour augmenter l’offre locative sociale dans les communes. Dans chaque ville, 20 % de logements doivent être offerts aux personnes les plus en difficulté.
M. Patrick Ollier, président de la commission. Nous sommes d’accord !
M. Patrick Roy. Même à Neuilly ?
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ceux qui peuvent accéder socialement à la propriété ne sont pas exclus du dispositif, mais ils ne doivent simplement pas figurer dans les 20 %.
Mme la présidente. Merci, monsieur Le Bouillonnec !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Au terme de cette intervention, je voudrais souligner que ce texte dissimule la réalité la plus évidente : ce gouvernement et ceux qui l’ont précédé au cours de cette mandature n’ont jamais eu de politique du logement.
M. Bernard Pousset. Et Jospin, il en avait une ?
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ils ont voulu faire du logement une marchandise et un instrument de profit ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Patrick Ollier, président de la commission. Quelle audace ! Avec Jean-Louis Borloo, nous avons construit 84 000 logements, alors que le gouvernement Jospin n’en a réalisé que 40 000 !
M. Patrick Roy. Finalement, y aura-t-il des logements sociaux à Neuilly ?
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je vous demande, mes chers collègues, de voter cette exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt M. le Bouillonnec relire ses notes d’il y a quelques mois : il n’y a rien de nouveau sous le soleil ! Bien entendu, le doublement des logements sociaux ne lui semble pas être un sujet digne d’intérêt, ni l’attribution de 10 milliards supplémentaires au programme de rénovation urbaine, lesquels ne seront pas destinés à construire des fontaines en centre-ville, mais seront consacrés à quelque 500 quartiers, que vous nous avez laissés dans un triste état. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous ne pouvez pas dire cela !
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Par ailleurs, à quel titre, monsieur Le Bouillonnec, doutez-vous de la capacité des partenaires sociaux à gérer le 1 % logement ? Je ne vois pas ce qui peut prospérer à la faveur de cette exception d’irrecevabilité, défendue en termes d’autant plus virulents qu’elle est hasardeuse et ambiguë ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Maxime Bono, pour le groupe socialiste.
M. Maxime Bono. Jean-Yves Le Bouillonnec vient de démonter excellemment les chiffres que M. le ministre nous assène depuis quatre ans. À coup de chiffres peu significatifs, vous tentez, monsieur le ministre, de faire croire à l’opinion publique que le Gouvernement aurait remporté quelque succès grâce à sa politique du logement. En réalité, Jean-Yves Le Bouillonnec a cité ses sources, et les chiffres sont là…
M. Philippe Pemezec. Falsificateur !
M. Maxime Bono. …qui démontrent que la production de logements, en particulier celle de logements sociaux, ne répond en aucun cas aux besoins de la population française.
M. Philippe Pemezec. Mauvaise foi !
M. Maxime Bono. Si les PLS ont prospéré, ce n’est pas le cas des PLUS ni des PLAI. Les indicateurs, en matière de logement social, doivent être simples, lisibles et incontestables.
Jean-Yves Le Bouillonnec a également insisté sur l’importance fondamentale du seuil de 20 % inscrit à l’article 55. Il nous est impossible de laisser édulcorer cette garantie de solidarité en matière de logement. S’agissant de la mixité sociale, les hésitations de la politique gouvernementale confirment que, dans cette loi, pas plus que dans les actions menées jusqu’à présent, aucune politique n’est lisible.
Vous voulez depuis longtemps supprimer l’article 55, mais les émeutes des banlieues,…
M. Philippe Pemezec. C’est vous qui en êtes responsables !
M. Maxime Bono. …les difficultés et les échecs que vous avez connus vous ont rendu la tâche difficile. Aujourd’hui, vous essayez de contourner la difficulté.
Pour toutes ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à vous ranger plutôt à nos propositions et à voter l’exception d’irrecevabilité déposée par le groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l’UMP.
M. Michel Piron. Je serai très bref, madame la présidente : je voudrais simplement dire à M. Le Bouillonnec que sa capacité d’indignation est proportionnelle à la capacité d’inaction de la majorité précédente. (Applaudissement sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mme Martine David. Vous pouvez continuer à ressasser les mêmes mensonges, cela ne changera rien !
M. Serge Blisko. Ne nous parlez pas de vos faux logements sociaux, monsieur Piron !
M. Michel Piron. Cette crise que vous avez si bien décrite, c’est la vôtre ! C’est votre héritage ! C’est vous, et personne d’autre, qui avez construit deux fois moins de logements locatifs en 2000 que nous n’en avons construit l'an dernier. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ces chiffres vous dérangent peut-être, mais ils sont indiscutables. Faites preuve d’objectivité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) De toute évidence, nous ne pouvons pas souscrire à ces propos aussi excessifs qu’insignifiants. (Mêmes mouvements.)
M. Serge Blisko. Imposteurs !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.
(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)
M. Patrick Roy. Et nous ne savons toujours pas ce qui se passe à Neuilly !
Mme la présidente. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour quinze minutes.
M. Jean-Louis Dumont. Ah, madame la présidente, déjà des restrictions ! (Sourires.)
Monsieur le ministre, mesdames et messieurs les députés, il pourrait apparaître paradoxal de monter à cette tribune pour défendre une question préalable, dont l’objet est de faire décider qu’il n’y a pas lieu à délibérer. Mais il est vrai que l’on peut relever, dans ce projet de loi, bien des contradictions. C’est ce à quoi je vais m’employer pendant le peu de temps que la conférence des présidents m’a attribué.
Au préalable, saluons, monsieur le ministre, votre propre « parcours résidentiel ». En début d’après-midi, lorsque vous avez répondu, avec la passion et la conviction qui vous caractérisent, à une question de à M. Le Bouillonnec, l’adhésion manifestée par une grande partie de la majorité a dû vous faire plaisir. Quant à nous, nous l’interprétons comme le signe d’une nouvelle destinée. (Sourires.)
Cependant, si les chiffres que vous répétez à l’envi étaient les bons, si la politique menée correspondait à ce point aux besoins du pays, pourquoi a-t-il fallu quatre ministres du logement pour qu’un texte vienne enfin devant notre assemblée ? Si la crise était si grave à la fin de la précédente législature, et l’échec du précédent gouvernement aussi important que certains orateurs le prétendent, la majorité ne se serait-elle pas empressée, dès 2002, de présenter un projet ou une proposition de loi ? Or ce texte nous est proposé en fin de législature. S’agirait-il d’un projet de convenance, ou de confort ? Quoi qu’il en soit, en le déposant, vous avez réveillé les envies des parlementaires, députés et sénateurs, qui se sont mobilisés dans leurs commissions respectives pour en améliorer le contenu.
Certaines dispositions votées à l'Assemblée nationale ont cependant été refusées par le Sénat, et inversement, ce qui laisse penser que le travail effectué dans les commissions n’était peut-être pas complètement achevé. À cet égard, les dispositions prévoyant d’autoriser le Gouvernement à modifier par ordonnances, en vue de les unifier, les statuts des deux grandes familles d’opérateurs du logement locatif social ou d’accession sociale à la propriété que sont les OPHLM et les OPAC suscitent de nombreuses interrogations.
Par ailleurs, j’observe qu’après trois ans et demi de préparation, ce projet de loi ne s’accompagne d’aucune étude d’impact. Alors que l’application de la LOLF incite les parlementaires à penser en termes d’objectifs à réaliser et d’évaluation des politiques, une telle étude aurait pourtant été intéressante. Peut-être aurait-elle permis de faire la lumière sur certaines affirmations et de clarifier certains points. Quel est le bilan de la production de logements ? Quel est l’état de la demande ? Quelle réponse apporter à la situation du logement, immédiatement comme à plus long terme ?
Nous avons connu, dans le passé, une vraie mobilisation, comme le montrent les statistiques de la Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction – vos propres services, monsieur le ministre –, qui indiquent le nombre de rénovations en profondeur réalisées dans nos logements et dans nos cités. C’était certes insuffisant : j’appartiens à un mouvement qui réclamait beaucoup plus, en particulier au titre de la PALULOS. Il n’en reste pas moins que la solidarité nationale a pu jouer : de nombreuses opérations, menées par des organismes spécialisés, parfois avec l’aide des collectivités territoriales, ont permis à des occupants de programmes sociaux de se maintenir dans des logements réhabilités, sans augmentation de loyer. Ajoutées aux aides à la pierre et aux aides à la personne, ces opérations ont permis d’améliorer la qualité de vie tout en préservant un « reste à vivre » suffisant.
Pourquoi cette étude d’impact n’a-t-elle pas été réalisée ? Cette absence d’évaluation vous permet – c’est de bonne guerre – de choisir vos chiffres, mais, de même, l’opposition peut choisir les siens. Tout à l’heure, le président de la commission a fait référence au logement d’urgence. Lorsqu’il était ministre, un de nos collègues, Pierre-André Périssol, avait été à l’initiative d’une opération portant sur 10 000 logements d’urgence, laquelle avait requis la mobilisation de toutes les ressources du pays. Son successeur, Louis Besson, avait intensifié l’effort en mobilisant les associations. Les organismes HLM, de leur côté, avaient fait leur travail de maîtres d’ouvrage. Pourquoi ces exemples ne sont-ils pas rappelés pour l’information du Parlement ? J’avais donc proposé à la mission d’évaluation et de contrôle de la commission des finances de s’emparer de ces sujets de plus en plus polémiques : financement du logement, montant des aides à la pierre et des aides à la personne, coût exact de la défiscalisation, des aides au logement privé, au logement social de fait. Tout cela aurait mérité une attention plus soutenue.
D’autres contradictions apparaissent dans le texte. Sans doute, cette loi va être votée : votre projet devrait emporter l’adhésion de la majorité, …
M. Patrick Ollier, président de la commission. C’est acquis !
M. Jean-Louis Dumont. …en dépit des abstentions et oppositions. En tout état de cause, il a le mérite de ne pas nous laisser indifférents. D’ailleurs, compte tenu du nombre d’amendements proposés par les députés et les sénateurs, nous sommes fondés à affirmer qu’il est aussi notre œuvre.
M. Patrick Ollier, président de la commission. Vous allez le voter, alors ?
M. Jean-Louis Dumont. Si je défends pourtant la question préalable, c’est parce que l’on peut s’interroger sur l’avenir de ce texte. La loi sera-t-elle promulguée ? Oui, bien sûr, aurait-on tendance à penser. Mais n’a-t-on pas vu récemment une loi promulguée ne pas entrer en application ? Quel sera donc l’avenir des dispositions que nous avons votées, des amendements nous avons proposés, dans la majorité ou dans l’opposition ? Allons-nous oublier les discours tenus dans cet hémicycle, et ceux – souvent excellents – de nos collègues sénateurs qui se sont mobilisés pour faire de ce texte une vraie loi pour le logement ? Nos craintes sont que ce texte, qui n’a pas été bien préparé par le Gouvernement, ne finisse par sombrer, au bout de quelques mois, dans l’indifférence générale. Certes, un discours incantatoire a son utilité pour mobiliser les troupes. Mais l’enjeu est bien plus important.
Monsieur le ministre, lorsque vous avez créé, avec l’ANRU, le guichet unique de financement du renouvellement urbain, j’étais, à ma modeste place de député de l’opposition, de ceux qui avaient apprécié cette capacité à proposer quelque chose de nouveau. Je me suis souvenu du développement social des quartiers, et j’ai salué une opération susceptible de dynamiser un secteur qui en avait bien besoin : au-delà de la PALULOS et de la réhabilitation de logements, on allait – enfin – travailler à l’échelle du quartier.
L’intention, les discours, la mobilisation étaient louables. Mais qu’en est-il aujourd’hui ?
M. Gérard Hamel, rapporteur. C’est une réussite !
M. Jean-Louis Dumont. Vous annoncez que le nombre de quartiers visés est passé de 160 à 700. Mais combien cela fait-il, au final, de conventions signées et appliquées ? Ainsi, en Lorraine, territoire dans lequel je vis, travaille et milite, on nous dit que tel dossier est accepté en réunion technique partenariale, ou bien qu’il a obtenu le feu vert de l’équipement, du préfet de région, bref, du ban et de l’arrière-ban des responsables amenés à donner un avis… Mais l’application est sans cesse reportée, sans doute parce qu’il n’y a plus d’argent disponible. Pendant ce temps, on a déplacé des populations et muré des logements, que l’on se prépare à démolir pour reconstruire un beau quartier, une meilleure ville. Quand ces opérations démarreront-elles ?
M. Gérard Hamel, rapporteur. Cela se fait ! Cela existe !
M. Jean-Louis Dumont. Cela existe, cela se fait pour quelques quartiers dits de « zones urbaines sensibles ». Mais cela ne se fait plus aujourd’hui pour de nombreux dossiers ! Tout est bloqué ! Votre texte comporte des contradictions.
M. Patrick Roy. Eh oui !
M. Jean-Louis Dumont. En effet, un certain nombre d’objectifs y sont décrits, alors que, sur le terrain, tout est bloqué !
M. Patrick Roy. C’est ce que l’on vit sur le terrain !
M. Jean-Louis Dumont. Vous nous avez dit, monsieur le ministre, que c’était un problème de financement et vous avez à nouveau, cette semaine, sollicité le mouvement paritaire – j’insiste sur ce dernier terme –, donc le 1 %. On se tourne aussi vers les régions qui doivent intervenir à hauteur de 25 %. Tout le monde oublie que la part du logement locatif social représente 60 à 70 % d’interventions financières. On s’adresse également à la Caisse des dépôts et consignations, mais cette dernière est sans doute plus préoccupée à déconventionner dans son propre parc qu’à apporter rapidement son concours financier. Six, huit, voire neuf mois sont maintenant nécessaires ! Certes, lorsque vous êtes riche, on vous prête plus facilement ! Si la Caisse des dépôts et consignations mène la même politique que n’importe quelle banque privée et regarde plus son ratio que l’intérêt du logement locatif social, on a tout de même quelques raisons de s’interroger !
Le déconventionnement, cité pour mémoire dans ce texte, monsieur le ministre, signifie des loyers libres et, tout simplement, des ventes là où il y a le plus de pression sur le locatif, là où la demande est la plus forte ! Faut-il rappeler que l’on enregistre dans notre pays 1,3 million de demandes de logements dont, me semble-t-il, près de 400 000 en Ile-de-France ? Et c’est en Ile-de-France que l’on déconventionne ! On nous répond que l’on ne fait aujourd’hui que déconventionner, que l’on verra bien dans dix ans et qu’on a donc le temps de discuter ! Non, monsieur le ministre, cela fait dix ans que le déconventionnement est lancé à la Caisse des dépôts et consignations. Si Jean-Pierre Brard était là, il saurait nous le rappeler. Donc, les premières opérations de déconventionnement ouvrent aujourd’hui une possibilité aux détenteurs !
Puisque nous parlons de propriétaires, à qui appartient le logement locatif social construit avec les aides de l’État ? Appartient-il toujours à la nation ? Dimanche soir, 40 000 logements sont passés d’une grande société HLM de l’Ile-de-France – un groupe bancaire mutualiste, certes – à la Caisse des dépôts et consignations. Quand on sait la politique qui a été annoncée publiquement par les dirigeants des sociétés qui détiennent un patrimoine de plus de 200 000 logements locatifs sociaux conventionnés, voilà un changement fondamental qui prépare des lendemains qui ne chanteront pas pour ces locataires ! Nous examinerons d’ailleurs de nouveau jeudi matin un texte sur la vente à la découpe.
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Dumont.
M. Jean-Louis Dumont. Comme Mme la présidente m’y invite, je terminerai mon propos en évoquant d’un mot l’accession sociale à la propriété.
Vous avez dit tout le mal que vous pensiez du gouvernement de la précédente législature. C’est votre droit. Les opérateurs avaient, à l’époque, convaincu de la nécessité de lancer une accession très sociale à la propriété. Ce mouvement s’appuyait sur une forte mobilisation des collectivités locales, sur une participation de l’État à l’aide à la pierre et sur une contribution de l’accédant à la propriété par sa force de travail, le tout étant accompagné par un opérateur HLM. Cette expérience a été mise à mal dès l’arrivée de la nouvelle majorité, qui a considéré qu’elle ne valait pas la peine d’être poursuivie, la construction de quelques centaines de logements ne la justifiant pas. C’est bien dommage ! Les éminentes personnalités de la majorité qui se sont exprimées sur l’accession sociale à la propriété auraient peut-être pu parvenir à nous convaincre si cette expérience avait été menée jusqu’à son terme.
L’accession sociale à la propriété résulte souvent d’organismes, que je connais bien, qui travaillent dans l’anonymat, et ce depuis de longues années. Leurs objectifs sont multiples : assurer une accession sociale sécurisée et veiller à ce que, si un accident de la vie se produit, il soit toujours possible de louer ou d’acquérir un nouveau logement. Cela mérite d’être souligné. Oui, nous sommes ici un certain nombre à militer en faveur de l’accession à la propriété et particulièrement de l’accession sociale à la propriété.
M. Patrick Ollier, président de la commission. Très bien, monsieur Dumont !
Mme la présidente. Je vous demande de bien vouloir conclure, monsieur Dumont.
M. Jean-Louis Dumont. Les expériences menées dans ce pays, y compris en matière de vente HLM, prouvent qu’on peut agir avec mesure, en tenant compte de la capacité de chacun et également de l’offre locative. Il y a donc des conditions à remplir ; or ce n’est manifestement pas le cas.
Il ne suffit pas de voter un texte pour résoudre des problèmes. Si nous avons pour ambition de parvenir à une efficacité, il faut une volonté politique, quelques moyens et une vraie mobilisation des acteurs. Les moyens financiers existent et les acteurs sont mobilisés, monsieur le ministre. Mais, ce n’est pas le texte qu’ils attendaient, parce qu’ils espéraient qu’on leur fixe des objectifs très clairs accompagnés de bonnes évaluations.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je vous répondrai en deux mots, monsieur Dumont. Il ne suffit pas, dites-vous dans la présentation de cette question préalable, de voter un texte pour résoudre les problèmes, mais il est absolument certain que, si l’on a besoin d’un texte et qu’on ne le vote pas, il n’y a aucune espèce de chance que l’action soit au rendez-vous ! C’est la raison pour laquelle je ne soutiens pas cette question préalable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Patrick Ollier, président de la commission. La commission est du même avis que le Gouvernement !
Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Patrick Roy, pour le groupe socialiste.
M. Patrick Roy. Je voulais répondre à M. Borloo, mais il semblerait que je l’aie fait fuir, puisqu’il vient de s’éclipser ! Je compte donc sur M. Larcher, dont je connais les grandes compétences d’écoute, pour lui rapporter mes propos plus ou moins aimables !
Ce gouvernement est incroyable ! Alors que nous savons tous avec précision, en l’occurrence sur nos bancs, quelle est la situation du pays, ses membres nous répètent à longueur de semaines et encore aujourd’hui que tout va bien, que le chômage baisse, que jamais autant d’emplois n’ont été créés…
M. Jean-Marie Geveaux. C’est vrai !
M. Patrick Roy. …et que le pouvoir d’achat explose. Quant aux logements, on n’en a jamais autant construits, puisque nous atteignons un record jamais atteint depuis vingt-cinq ans ! C’est extraordinaire ! D’ailleurs, je m’inquiète et je me demande si, à vous écouter, on trouvera assez de locataires pour entrer dans ces beaux logements si nombreux ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) La réalité est tout autre ! Nous recevons continuellement dans nos permanences des familles en grande difficulté, qui ne trouvent pas à se loger ou qui louent des logements indignes tout en ne parvenant pas, bien souvent, à payer leur loyer ! Et, depuis quatre ans, la situation s’aggrave.
Je ne reprendrai pas les excellents propos de M. Dumont, mais je me contenterai de répondre au ministre sur trois points particuliers.
J’évoquerai d’abord les grands chantiers ANRU. J’aurais aimé parler à M. Borloo d’une commune de son arrondissement, qui est aussi dans ma circonscription, Douchy-les-Mines, et qui a vu la première opération ANRU dans la région. Il y a eu beaucoup de publicité. Le Gouvernement a dit que c’était formidable et qu’on allait voir ce qu’on allait voir ! On y voit, c’est vrai, de jolies façades rénovées et, même si les travaux ne sont pas terminés, cela paraît prometteur. Toutefois, lorsque l’on demande aux locataires – et c’est bien là l’essentiel –, s’ils ont constaté un changement depuis la rénovation à grand renfort de publicité et grâce à d’importants moyens financiers de leurs logements rénovés, ils nous répondent que rien n’a changé, que c’est même pire : il faut toujours attendre un quart d’heure avant d’obtenir de l’eau chaude, sans parler de bien d’autres dysfonctionnements dont La Voix du Nord se fait aujourd’hui l’écho. Je ne peux pas adhérer au discours triomphaliste du Gouvernement.
Nous n’avons obtenu aucune réponse sur la question de l’APL, dont le montant minimum a été relevé, vous le savez, à 24 euros. Les uns et les autres avons interpellé le Gouvernement, mais il s’est contenté de faire des promesses sans pour autant nous répondre.
J’aurais aussi voulu évoquer le fait que trop de communes dans notre pays, détenues pour la plupart par la majorité, ne se conforment pas à l’obligation des 20 % de logements sociaux, en premier lieu celle de Neuilly qui est dans l’illégalité la plus totale et ne fait aucun effort pour y remédier. Eh bien, la majorité a trouvé la solution : pour que ces communes ne soient plus dans l’illégalité, elle propose de supprimer la loi !
Pour toutes ces raisons, il est évident que le groupe socialiste votera la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l’UMP.
M. Michel Piron. J’ai bien entendu M. Dumont et je dois dire que j’ai apprécié son ton infiniment plus mesuré que celui de M. Roy.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous préférez une opposition mesurée ! C’est mieux pour vous !
M. Michel Piron. Continuez, monsieur Le Bouillonnec, mais vos excès de langage ne servent pas forcément la vérité du sujet !
M. Dumont a bien appréhendé la complexité du sujet. J’ai apprécié également qu’il ait abordé les questions de fond. Je n’en retiendrai que deux exemples.
Vous avez évoqué, monsieur Dumont, la question du bilan des aides budgétaires et fiscales. Le sujet est complexe. Pour avoir entendu un premier prébilan en CNH – et la démonstration était hier d’ailleurs intéressante –, je constate que des aides fiscales ne sont nullement réservées au privé pas plus que les aides budgétaires ne le sont au public, contrairement à ce que certains pourraient croire. Nous aurons probablement l’occasion d’en discuter. À travers les taux de TVA, on peut, en effet, fort bien aider fiscalement des intervenants publics à une hauteur frisant celle des intervenants privés. Donc, le bon usage des outils budgétaires ou fiscaux ne se réduit pas à une distinction manichéenne entre orientation strictement privée ou strictement publique. Il s’agit d’un mixte un peu plus complexe. Je vous remercie toutefois d’avoir évoqué le sujet.
Vous avez, enfin, abordé la question du déconventionnement. Nous aurons l’occasion d’en reparler puisque, le déconventionnement, dans sa brutalité, peut avoir des effets désastreux sur la hausse des loyers. Le projet qui va nous être soumis permet d’en atténuer les effets les plus négatifs, alors que rien n’avait été prévu pour la sortie au-delà de dix ans.
Vous évoquez le temps de la politique, vous dites que la crise est là et que la réalité n’est pas celle que nous décrivons. Nous n’avons jamais prétendu que nous avions résolu cette crise.
M. Pierre Cohen. Elle s’est aggravée !
M. Michel Piron. Nous maintenons, au contraire, que la crise est aujourd’hui le résultat de quelque vingt ans d’impérities.
La politique du logement demande de la durée. Entre le moment où l’on décide de mettre en route une politique et le moment où l’on en voit les résultats, il faut de trois à cinq ans. On commence à voir les premiers résultats des décisions prises il y a plus de trois ans.
Ne nous demandez pas des miracles, on ne sait pas en faire. En tout état de cause, le temps de la politique n’est pas celui de l’immédiat ni celui des médias. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mme la présidente. Je mets aux voix la question préalable.
(La question préalable n’est pas adoptée.)
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Piron.
M. Michel Piron. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué à l’emploi, mes chers collègues, nous abordons la deuxième lecture du projet de loi portant engagement national en faveur du logement. Dans quel contexte ? Dans quelles perspectives ?
Le contexte, c’est toujours celui d’une crise liée à une production demeurée trop longtemps insuffisante. J’ai bien entendu votre critique, monsieur Le Bouillonnec, et je maintiens que c’était hélas votre autocondamnation. Rappelons qu’au cours des deux dernières décennies, la production moyenne annuelle n’a été que de 300 000 logements tandis que celle de logements sociaux tombait à moins de 50 000 et même moins de 40 000 en 2000.
Les perspectives, ce sont celles du plan de cohésion sociale engagé en 2004, grâce à une loi de programmation qui vise à produire dans les cinq ans 500 000 logements sociaux et 200 000 à loyers maîtrisés, tout en encourageant l’accession sociale avec le prêt à taux zéro. On commence à en percevoir les effets, avec 80 000 logements sociaux financés l’an dernier, soit deux fois plus qu’en 2000, 200 000 prêts à taux zéro au lieu de 80 000, et, au cours des douze derniers mois, 420 000 mises en chantier, chiffre inégalé depuis vingt-cinq ans. Tel est le cadre, encourageant, de notre discussion.
Le texte que nous examinons aujourd’hui a été considérablement enrichi au cours des lectures successives puisqu’il ne compte désormais pas moins de 110 articles, alors qu’il n’en comptait que 11 dans la version initiale. Je ne suis pas certain d’ailleurs qu’il faille s’en réjouir. Il reste 75 articles en discussion.
Lors de sa deuxième lecture, le Sénat a ajouté vingt-six nouvelles mesures au projet de loi. Ainsi figurent la prolongation du dispositif d’aide exceptionnelle pour les victimes de la sécheresse de 2003, la modification du financement des aires de grand passage, la définition du statut des résidences-services ou encore l’application du taux réduit de la TVA à 5,5 % aux abonnements aux réseaux de chaleur et à la fourniture d’énergie produite à partir de la biomasse.
Soulignons l’importance de cette dernière disposition, rendue possible par l’adoption de la directive TVA : elle permettra une réduction de la facture d’énergie pour les abonnés de ces réseaux de 45 à 90 euros par an – 20 % des logements et environ 3 millions de famille sont concernés pour un coût estimé à 66 millions d’euros en 2004 et près de 70 millions en 2005 ; elle confirme notre engagement en faveur du développement des énergies renouvelables.
Des ratifications d’ordonnances ont également été insérées dans le projet de loi.
L’ordonnance relative aux permis de construire et aux autorisations d’urbanisme répond à un besoin impératif de simplification des procédures, d’amélioration de la sécurité juridique, et facilite la relance de la construction.
Les régimes d’autorisation existants, au nombre de onze, sont regroupés en trois catégories : le permis de construire, le permis d’aménager et le permis de démolir. La déclaration préalable se substitue, quant à elle, aux quatre régimes en vigueur.
L’ordonnance relative à la lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux vise à assurer une plus grande sécurité des occupants et à permettre une intervention plus rapide des maires en cas de graves dangers.
La prorogation jusqu’en 2013 du programme de rénovation urbaine consacre son succès et concrétise l’engagement du Gouvernement de décembre 2005.
Des mesures ont, par ailleurs, été votées afin d’atténuer les conséquences de la sortie de convention de logements sociaux, notamment en région parisienne.
M. Patrick Ollier, président de la commission. Très bien !
M. Michel Piron. Le déconventionnement peut en effet aboutir bien souvent à une très forte augmentation des loyers, pouvant aller jusqu’à 50 %.
Nous souscrivons à l’obligation d’informer les locataires, mais nous considérons que des dispositions empêchant toute sortie de convention n’inciteraient pas les bailleurs privés à s’engager dans le conventionnement Nous soutiendrons donc les amendements proposés par le rapporteur qui limitent à six ans la durée maximale pour la prolongation des obligations liées au conventionnement et qui concernent uniquement les locataires occupant les lieux.
À côté de ces nouveaux articles, le Sénat a procédé à de nombreuses modifications. Nous sommes réservés sur certaines d’entre elles. Ainsi, le délai de prescription administrative de dix ans pour les constructions illégales a été réintroduit par les sénateurs, alors que nous avions supprimé cet article en première lecture, Nous estimons, en effet, qu’il ne peut y avoir de prime à l’illégalité, en ce domaine comme en d’autres, et nous voterons l’amendement de suppression proposé par la commission.
S’agissant des dispositions fiscales visant à soutenir les maires bâtisseurs, les sénateurs ont assoupli les conditions d’application de la majoration de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les terrains constructibles figurant à l’article 4 quinquies afin de prendre en compte la situation des communes rurales. Le dispositif devient facultatif pour les communes de moins de 3 500 habitants et nécessite une délibération du conseil municipal. Il est d’application obligatoire au-delà du seuil de 3 500 habitants. La condition de seuil de population nous semble source de complications. Nous pourrions donc la simplifier en conditionnant cette majoration pour toutes les communes à une délibération du conseil municipal.
Les sénateurs ont, en outre, supprimé l’article 4 septies instaurant le partage d’une partie de la plus-value entre le propriétaire et la commune qui a pris la décision de rendre le terrain constructible.
Nous avions considéré qu’il s’agissait de mettre à la disposition des élus des outils permettant de mobiliser la ressource foncière. Nous souhaitons maintenir l’article instaurant une taxe forfaitaire, au bénéfice de la commune, sur la cession à titre onéreux de terrains devenus constructibles du simple fait de leur classement. Nous pensons toutefois que son application peut être facultative et conditionnée à une délibération du conseil municipal.
En ce qui concerne les mesures tendant à lutter contre la vacance de logements, les sénateurs ont modifié le dispositif du « permis de louer » inséré en première lecture à l’Assemblée nationale. Ils ont mis en place une expérimentation d’une durée de cinq ans ouverte aux communes volontaires de plus de 50 000 habitants et aux EPCI de plus de 50 000 habitants comprenant une commune de plus de 15 000 habitants. En outre, le périmètre n’est plus limité aux seules zones urbaines sensibles. Un bilan sera présenté à l’issue de cette expérimentation.
La commission des affaires économiques a adopté cet article remanié. Je suis, pour ma part, très, très réservé sur cette mesure, qui n’a pas donné, loin s’en faut, les résultats escomptés, en Belgique par exemple, comme certains rapports très récents viennent de nous le démontrer.
Enfin, la question de la mixité sociale a de nouveau animé les débats de la deuxième lecture.
Conformément à l’engagement du Président de la République, le 21 novembre 2005, ainsi qu’à celui de notre majorité, l’article 55 de la loi SRU est maintenu et le plancher de 20 % de logements locatifs sociaux également. Les sénateurs n’ont fait qu’adapter le dispositif de l’article 55 de la loi SRU afin de prendre en compte la diversité des situations locales.
Outre les modifications relatives au prélèvement et aux engagements triennaux, la création de commissions départementales et d’une commission nationale chargées d’examiner la situation des communes qui n’ont pas respecté leur obligation de réalisation de logements sociaux constitue une innovation majeure. Lorsque l’impossibilité est fondée, en effet, sur des raisons objectives – absence de foncier, multiplication des recours contre les permis de construire, communes situées en zone minière, ou encore communes classées en zone inondable –, cette obligation pourra être aménagée.
Ce dispositif nous semble équilibré et le souci d’impartialité a prévalu pour la détermination de la composition de la Commission nationale, qui sera présidée par un conseiller d’État. Il devrait répondre aux attentes des communes qui, bien qu’ayant la volonté de créer des logements sociaux, éprouvent de vraies difficultés pour atteindre l’objectif de 20 % de logements locatifs sociaux.
Les sénateurs ont également pris en compte dans le quota des 20 % de logements sociaux les logements dont la convention APL est arrivée à expiration pendant une période de cinq ans ainsi que l’accession à la propriété de logements sociaux par leurs locataires.
Notons que ce dispositif s’adresse évidemment aux ménages modestes dont les revenus sont inférieurs ou égaux à ceux retenus pour le logement locatif social. Il répond aux attentes légitimes de nos concitoyens qui aspirent à accéder à la propriété mais n’exonère pas les communes de leurs obligations, au premier rang desquelles figure précisément la mixité sociale.
Ces mesures, et d’autres que je n’ai pu aborder dans le temps qui m’est imparti, devraient permettre un nouvel accroissement de la production de logements. Grâce à votre volonté, monsieur le ministre, grâce à celle du Gouvernement, nous avons enfin commencé à renverser la tendance et à rattraper le retard considérable dont nous avons hérité.
La politique du logement est désormais une priorité clairement affichée et assumée financièrement. C’est d’abord la vôtre. Sachez que c’est aussi la nôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.
M. François Brottes. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Borloo nous a fait tout à l’heure l’apologie de l’accession à la propriété – il n’était pas le seul d’ailleurs –, considérant qu’il s’agissait là d’un rêve qui devait devenir accessible au plus grand nombre.
Je ne conteste pas la satisfaction que cela peut apporter d’avoir sa maison, son appartement,…
M. Patrick Ollier, président de la commission. Et de les léguer à ses enfants !
M. François Brottes. …mais le Gouvernement n’a rien fait pour que ce rêve soit accessible au plus grand nombre.
En effet, ce n’est pas avec des contrats de travail très précaires comme le CNE que cela sera possible, ce contrat nouvelles embauches que connaît bien M. Larcher, frère jumeau du CPE, qui, lui, survit pour le moment et qui, en plus, concerne toutes les classes d’âge. C’est bien le droit à la précarité pour tous, le CNE !
En effet, ce n’est pas non plus avec la forte diminution du pouvoir d’achat que l’on connaît, notamment à cause de la folle augmentation, près de 50 % en un an, du coût de l’énergie – l’essence à la pompe pour aller travailler, le fioul ou le gaz pour se chauffer, l’électricité pour s’éclairer. Cette augmentation n’est pas seulement liée au coût du pétrole comme on veut nous le faire croire, c’est aussi la résultante de votre politique de libéralisation du marché et de la privatisation des entreprises publiques de l’énergie.
En effet, ce n’est pas votre ode à la mobilité, au changement permanent de métier, qui encourage à stabiliser son domicile et à en envisager l’acquisition.
En effet, ce n’est pas l’augmentation forte et constante du nombre de RMIstes qui facilite l’accès aux prêts immobiliers.
Tout cela pour vous dire qu’il est plus urgent et plus important aujourd’hui d’accéder à un toit, à une location digne, qu’à la chimère d’un rêve inaccessible.
M. le président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, avec le fameux amendement Ollier, fait l’apologie d’un plafond de revenus qui, si j’ai bien compris, serait le même pour accéder à la location sociale ou à l’accession sociale.
M. Patrick Ollier, président de la commission. C’est vrai, monsieur Brottes !
M. François Brottes. La question du logement pour les plus modestes, c’est d’abord un problème de toit avant d’être un problème de plafond ! (Rires.)
M. Patrick Ollier, président de la commission. Là, vous êtes au plancher !
M. François Brottes. Créer l’illusion en faisant rêver à l’accession ceux qui sont en situation précaire, fragile ou mobile présente le même danger que le crédit revolving, cette formule qui laisse croire qu’on peut tout acheter sans avoir d’argent sur son compte et qui, au final, amène les familles vers le surendettement ou le suicide. Si vous souhaitez que je vous donne des exemples, j’en connais quelques-uns, mais vous aussi, je sais. C’est très grave de faire croire qu’on a le droit d’acheter, alors qu’on n’a pas les moyens de rembourser.
J’imagine que chacun a bien compris que mon explication visait à démontrer à quel point votre remise en cause de la règle des 20 % de logements sociaux locatifs constitue de la poudre de perlimpinpin pour les futurs acquéreurs sociaux, mais constitue bien un détournement d’objectifs sociaux pour les maires qui veulent échapper à l’impérieuse nécessité de la mixité sociale, à l’impérieuse nécessité de l’accès de tous et partout à un logement digne.
En conclusion, je voudrais évoquer ceux qui, pour le coup, sont souvent le plus éloignés du rêve de l’accession et que les dispositifs en vigueur ont tendance à mépriser : je veux parler des foyers de personnes âgées, des foyers de jeunes travailleurs, des foyers pour handicapés.
Aujourd’hui, les opérations de construction de ces foyers sont « plombées », elles ne peuvent aboutir sans des surcoûts de loyers de 20 %, sans une incidence de 5 à 7 % sur les prix de journée. Ce sont donc les plus démunis, les plus dépendants ou les moins installés dans la société qui doivent payer le prix du financement du rêve d’accession auquel ils ne peuvent nullement prétendre.
Chaque année, les circulaires de programmation évoquent le logement des populations spécifiques. Il faut en effet consacrer une attention particulière aux catégories les plus fragilisées que sont les jeunes travailleurs, les étudiants, les personnes âgées et les personnes handicapées, et je pense que vous êtes d’accord, monsieur le ministre. Pourtant, les dernières circulaires de programmation 2005 et 2006 recommandent de privilégier le PLS pour le financement de ces catégories, le PLUS étant réservé aux logements « ordinaires » du plan de cohésion sociale – c’est la circulaire de programmation 2005 du 17 mars 2005.
De fait, comme je vous le disais, cette interdiction d’accès au financement PLUS, le plus avantageux économiquement, a des conséquences très douloureuses sur le loyer de sortie pratiqué pour le logement de nos compatriotes les plus fragiles. J’ai un exemple dans ma circonscription : le financement d’un foyer pour handicapés en PLS – le préfet m’a confirmé que c’était la règle – plutôt qu’en PLUS entraîne une majoration de loyer de près de 20 %.
Il est donc logique et juste de proposer à nos compatriotes les plus démunis les financements les plus avantageux. Pour cela il convient que le ministère donne des instructions claires pour que certaines catégories sociales ne soient pas oubliées, méprisées, d’autant que la réalisation de ces opérations exige de la part des communes des efforts importants.
Monsieur le ministre, vous prouveriez la sincérité de votre engagement en autorisant le financement de ces opérations de logements en PLUS et non en PLS. Je serai attentif à votre réponse à l’issue de la discussion générale car je connais bon nombre d’auteurs de projets qui l’attendent avec angoisse et impatience. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Abelin.
M. Jean-Pierre Abelin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour l’examen en deuxième lecture du projet de loi portant engagement national pour le logement. Le mot « engagement » souligne sans équivoque la volonté forte qui anime le Gouvernement de sortir notre pays de la crise du logement qu’il connaît depuis de nombreuses années.
Nous saluons les premiers effets positifs des mesures législatives et réglementaires qui ont été adoptées à l’initiative du Gouvernement. Alors que l’on construisait environ 300 000 logements en 2000, le nombre dépasse aujourd’hui la barre des 400 000, soit une augmentation de plus de 30 % – 420 000 sur les douze derniers mois, comme l’a lui-même souligné M. Borloo.
En matière de logement social, nous sommes passés de 42 000 logements construits en 2000 à 80 200 en 2005, même si le logement dit intermédiaire financé en PLS y tient une place non négligeable.
Par un effet concomitant remarquable, auquel, monsieur Larcher, vous devez être sensible, le secteur du bâtiment aura créé à lui seul, au premier trimestre 2006, les trois quarts des emplois nets supplémentaires générés par l’économie française, ce qui témoigne bien de la dynamique que la gauche conteste.
L’ardente obligation que nous avons désormais, c’est d’entretenir dans la durée, notamment grâce à ce projet de loi, la mobilisation de chacun des acteurs de la chaîne du logement, en sachant que si l’un des maillons de la chaîne flanche, c’est l’ensemble du mécanisme qui risque de se bloquer. Nous devons donc veiller aux difficultés ou aux déséquilibres qui peuvent apparaître. Je pense au recentrage que vous avez prévu du dispositif de Robien sur les marchés tendus. Il serait bon de mener une étude complète et transparente, département par département, pour disposer d’une analyse fine et opérationnelle de la situation du marché et du taux d’occupation de ces nouveaux logements. Je pense également à la pression qui commence à se faire sentir sur les taux d’intérêt et qui risque d’exclure des primo-accédants potentiels, surtout après l’augmentation très forte du foncier et de l’immobilier.
Nous percevons également comme vous la nécessité d’aider les communes qui bâtissent. Face à l’ampleur des engagements financiers qui leur sont demandés pour la production de logements locatifs sociaux neufs et au minimum de 25 % exigés des collectivités territoriales par l’ANRU dans les zones non prioritaires, elles commencent à voir la limite de ce qu’elles peuvent investir.
Pour faire référence à l’intervention de M. Dumont, je dirai qu’il est vital de sortir des blocages liés aux négociations avec les régions et qui concernent un certain nombre de dossiers dans les 500 communes supplémentaires qui ne sont pas prioritaires. De même, les organismes HLM, qui apportent de plus en plus de fonds propres, souhaitent le maintien d’un taux d’effort de la part de l’État, soit sous forme de subvention, de réduction des commissions d’emprunt ou de défiscalisation. Je sais, monsieur le ministre, que vous y veillez. La vigilance s’impose d’autant plus que le taux du livret A pourrait repartir à la hausse.
Plus globalement, les collectivités territoriales comme les opérateurs sociaux souhaitent que cet effort soit équitablement réparti et que soit réaffirmé, dans les textes comme dans les faits, que le logement, notamment le logement social, est l’affaire de tous – de toutes les communes comme de tous les opérateurs.
C’est pourquoi, le groupe UDF attend des signes forts sur trois points. D’abord, dans l’application de l’article 55 de la loi SRU. L’amendement Ollier, supprimé par le Sénat et réintroduit par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, qui permet de décompter pendant cinq ans dans les 20 % de logements sociaux les logements neufs dont la construction a été financée, à partir du 1er juillet 2006, au moyen des aides à l’accession…
M. Patrick Ollier, président de la commission. Avec un niveau de revenu équivalent à la location !
M. Jean-Pierre Abelin. …n’est pas acceptable en l’état. D’abord, il ne fixe aucune limite pour les communes, qui pourraient s’exonérer totalement du locatif social et ne faire que de l’accession sociale à la propriété. Ensuite, il laisse à un décret le soin de définir ce qu’est l’accession sociale. Nous n’avons aucune assurance quant au niveau de ressources des familles ciblées.
M. Patrick Ollier, président de la commission. C’est le même niveau que pour les locataires.
M. Jean-Pierre Abelin. Aucune limite n’est précisée en termes de plafond du prix du logement acquis ou de plafond de ressources de l’accédant.
Par ailleurs, si nous sommes très favorables à l’accession sociale à la propriété – comme à l’accession en général –nous avons été sensibles aux mesures votées dans le budget de 2006 telles que l’extension du prêt à taux zéro ou l’application du taux de TVA à 5,5 % dans les ZUS et les périmètres avoisinants –, nous ne pouvons oublier les besoins considérables de logements locatifs sociaux non encore satisfaits, liés en grande partie au défaut de production des années 90 et au début des années 2000. Sous prétexte de favoriser l’accession sociale, n’exonérons pas les communes d’une partie des efforts qu’elles doivent consentir en matière de production de logements locatifs sociaux, lesquels sont essentiels en raison de l’augmentation du prix du foncier, ou alors portons en contrepartie l’obligation au-delà de 20 %.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Excellente proposition !
M. Jean-Pierre Abelin. Monsieur le ministre, ne laissez pas cet amendement occulter les mesures importantes contenues dans votre projet !
Le second signal que nous attendons, c’est un geste du Gouvernement sur les APL. Vous avez fait des efforts globaux réels pour l’aide à la pierre et pour les conditions financières et fiscales de l’acte de construire. II reste que beaucoup de nos concitoyens souffrent des effets de l’augmentation du coût du logement, des loyers mais aussi des charges locatives – chacun a en tête les augmentations du coût du chauffage qui ne sont pas prises en compte dans les APL.
Le groupe UDF a redéposé les trois amendements qu’il avait fait adopter en première lecture avec ceux identiques du rapporteur, et qui visaient à rétablir le paiement de l’APL à ceux qui touchaient mensuellement 24 euros ou moins, à supprimer le délai de carence d’un mois à partir de l’entrée dans le logement et à indexer l’APL.
Je tiens à remercier chaleureusement le rapporteur pour son engagement en commission et pour avoir accepté le principe d’amendements cosignés. Ces amendements ont été déclarés irrecevables aux termes de l’article 40 de la Constitution. Ils expriment pourtant une volonté partagée par tous les bancs de notre assemblée pour qu’il y ait une avancée sur ces sujets.
Vous seul, monsieur le ministre, pouvez, le 1er juillet prochain, tenir compte de ces propositions et des difficultés que rencontrent certains de nos concitoyens.
Nous souhaitons enfin un geste en faveur du logement social en milieu rural ainsi que pour les réseaux de chaleur propre. En tant que président d’un OPAC départemental, je salue les efforts faits sur la rénovation urbaine et les dotations ANRU comme sur le foncier. Il reste que nous avons beaucoup de mal à équilibrer le financement des petites opérations en milieu rural, essentielles à l’aménagement du territoire, sans la participation financière des petites communes qui n’ont pas beaucoup d’argent et les fonds propres des organismes.
Nous rencontrons aussi des difficultés pour développer des logements en accession sociale ou pour réhabiliter l’existant avec les crédits ANAH, aujourd’hui plus ciblés sur l’urbain. Faut-il réviser le zonage ? Faut-il des mesures spécifiques pour les milieux ruraux ? Nous souhaitons que l’étude que vous avez annoncée lors de la discussion budgétaire débouche sur des propositions concrètes.
Une autre exception, qui semble également justifiée, est celle qui a été ouverte par les sénateurs et qui prévoit un taux réduit de TVA pour les réseaux de chaleur provenant de la biomasse. Nous saluons une telle initiative qui s’inscrit dans le sens des efforts gouvernementaux en faveur des énergies propres. Nous souhaitons, comme le rapporteur, que cette ouverture soit étendue à d’autres formes d’énergie renouvelable comme l’énergie photovoltaïque.
Nous vous demandons enfin, monsieur le ministre, comme l’a fait le Conseil d’État, une stabilité législative. Avec le « Borloo populaire » et le « de Robien recentré », nous en sommes à dix-huit dispositifs fiscaux de défiscalisation en vingt-cinq ans. Il faudrait davantage de stabilité et de lisibilité pour les accédants, comme pour les organismes financiers. Il est difficile de se retrouver dans ce fatras de dispositifs nouveaux.
M. Gérard Hamel, rapporteur. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Abelin. Il faut aussi savoir raison garder en matière de normes. À chaque fait divers, la pression médiatique et l’émotion du public conduisent à adopter des textes qui augmentent les contraintes imposées aux constructeurs et donc le coût de la construction, ce qui revient finalement à diminuer le nombre de logements construits.
Je remercie le rapporteur pour ses capacités d’écoute et son esprit constructif. Le ministre en a également fait preuve pendant toute la discussion en première lecture. Nous espérons qu’un certain nombre de nos propositions trouveront chez lui un écho favorable. Quoi qu’il en soit, vous pouvez compter sur l’engagement de notre groupe pour soutenir les mesures qui nous paraîtront aller dans le sens du logement pour tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Mme la présidente. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :
Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 3072, portant engagement national pour le logement :
Rapport, n° 3089, de M. Gérard Hamel, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures dix.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l’Assemblée nationale,
jean pinchot