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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 22 juin 2006

252e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures trente.)

débat d’orientation budgétaire
et débat sur les orientations
des finances sociales pour 2007

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion commune sur le débat d’orientation budgétaire pour 2007 et le débat sur les orientations des finances sociales pour 2007.

Ce matin, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, mes chers collègues, conformément à la volonté exprimée par le législateur organique, ce débat d'orientation budgétaire intervient au lendemain de l'adoption de la loi de règlement du budget 2005 qui permet ainsi d'éclairer pleinement les orientations souhaitables pour le budget de la nation.

La loi de règlement a mis en évidence, une fois de plus, malgré la maîtrise de la dépense et le strict respect de l'autorisation parlementaire, malgré la règle de progression de zéro en volume de la dépense, la montée de la dette qui passe de 1 067 milliards d'euros à 1 138 milliards d'euros représentant ainsi 66,8 % du PIB. Comme l’a souligné la Cour des comptes, en vingt ans, la seule dette budgétaire aura été multipliée par cinq !

La loi de règlement a également montré que, si le déficit a été réduit, il n’est consacré que pour 30 milliards d'euros à des dépenses d'investissement, le solde correspondant à des dépenses de fonctionnement couvertes par emprunt.

La loi de règlement a encore fait apparaître que la dépense de fonctionnement était principalement alimentée par la dépense de personnel correspondant aux traitements des fonctionnaires actifs et retraités, qui continue de s'accroître malgré une première réduction des effectifs. Entre le début des années 1990 et celui des années 2000, la part des dépenses de personnel est passée de 36% à 40 % du budget.

La loi de règlement a enfin souligné la faiblesse structurelle, chronique et, je le redis, monsieur le ministre, dramatique des budgets d'investissement civil.

Ces constats s'imposent à nous. Ces constats exigent de nous de ne pas céder à la facilité, de ne pas modifier le cap en matière de maîtrise de la dépense. Mais ils exigent aussi d'aller plus loin car, au regard des tendances lourdes auxquelles nous sommes confrontées, les mesures prises jusqu’à ce jour n'ont pas permis d'inverser toutes les tendances et de s’inscrire définitivement dans un cycle budgétaire vertueux.

Or, cette inversion de tendance est indispensable par exemple pour la dette, dont l'effet boule-de-neige peut être amplifié par la politique de relèvement des taux d'intérêt suivie par la Banque centrale européenne, qui, malheureusement, s’intéresse beaucoup à l’inflation et si peu à la croissance, à la différence de la Réserve fédérale américaine, la FED.

Chaque relèvement des taux d'intérêt se traduit par plusieurs centaines de millions d'euros de dépenses supplémentaires sans aucun bénéfice pour la collectivité publique. À ce sujet, le tableau figurant en page 21 du rapport du rapporteur général – de grande qualité, comme d’habitude –…

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Merci !

M. Michel Bouvard. …sur le coût simulé pour l'ensemble des administrations publiques d'une hausse de 1 % à 2 % des taux d'intérêt est un véritable révélateur d'urgence puisque 100 points de base coûtent 1 milliard d'euros dès la première année.

Dans ce contexte, monsieur le ministre, nous ne pouvons que souscrire aux orientations proposées, qui répondent à des demandes formulées par la majorité de la commission des finances.

Le passage d'une progression de la dépense limitée à l'inflation à une absence totale de croissance de la dépense zéro en valeur au lieu de zéro en volume constitue donc bien une avancée indéniable puisqu'il s'agit là du moyen de limiter les recours à l'endettement pour financer ce fonctionnement. La diminution des emplois publics répond aussi à cette obligation de mettre un terme à la spirale de la progression continue en pourcentage de la dépense de ce poste au détriment de l'investissement.

Si l'on tient compte de l'effet mécanique des dépenses de pensions, qui s'accroîtront de 5 % en moyenne au cours des trois prochaines années par l'arrivée de nouveaux retraités contre 4,7 % pour la période 2002-2006, on constate que la stabilisation de la dépense « fonctionnaires » dans le budget de l'État passe inévitablement par une réduction des effectifs.

La réduction de 15 032 équivalents temps plein travaillés s'inscrit dans cette logique. J'observe que celle-ci n'est d'ailleurs pas aveugle puisque le chiffre de 15 032 est le résultat d'un solde entre 19 039 postes non renouvelés et 4 007 postes créés dans les secteurs prioritaires comme la sécurité ou la justice.

Au sein même de chaque ministère, et je veux m'en réjouir, des modulations interviennent. Ainsi, au sein du ministère de l’éducation nationale, les priorités accompagnent l'évolution des besoins : hausse des effectifs enseignants dans le primaire pour accompagner la remontée démographique des jeunes classes d'âges, diminution dans le secondaire où les effectifs scolaires ont fortement chuté, forte progression dans le supérieur pour remédier au taux de sous-encadrement de nos universités sur lequel chacun s'accorde. Le rapport que nous avons récemment rendu avec mon collègue Alain Claeys pour le compte de la MEC a d’ailleurs permis de prendre à nouveau la mesure ce besoin.

Cette réduction des effectifs, pour importante qu'elle paraisse, n'empêchera pas cependant une progression en valeur absolue de ce poste de 1,6 milliard d'euros en raison des mécaniques de revalorisation, de promotion et des mesures catégorielles – plus 700 millions d’euros pour les rémunérations, plus 450 millions d’euros au titre des mesures catégorielles et du GVT. Cette réduction des effectifs peut d'ailleurs être absorbée si l'on considère l'évolution globale des effectifs – plus 9 % pour l'éducation nationale, dans un contexte de diminution des élèves.

Monsieur le ministre, notre soutien à cette diminution des effectifs est assorti de cinq recommandations fortes qui méritent votre attention.

Première recommandation : la réduction des effectifs doit faire participer aussi bien les administrations déconcentrées, qui ont souvent le sentiment d’être les seules mises à contribution, que les administrations centrales. C’est indispensable car ce sentiment est grandement partagé par nos concitoyens et les élus, même si cela ne correspond pas forcément à la réalité. Il faudra le démontrer.

Deuxième recommandation : il faut rechercher ces réductions dans les réformes de structures. L’exemple de la réforme de la redevance TV, cité ce matin par le président de la commission des finances et qui a permis de réduire de 1 000 emplois les effectifs du ministère des finances sans altérer la qualité du service public, doit nous y inciter. Au-delà des audits que vous avez engagés, monsieur le ministre, l'esprit qui avait présidé à la mise en place des SMR doit continuer de prévaloir.

Troisième recommandation : il faut veiller à la suppression effective des services de l'État en charge de compétences transférées aux collectivités territoriales au titre de la décentralisation. L'évolution des effectifs de la fonction publique d'État, qui a continué de s'accroître, passant de 2 329 200 à 2 543 400 équivalents temps plein entre 1992 et 2003, alors que, sur la même période, la fonction publique territoriale passait de 1 201 700 à 1 522 100, pose question. Le rapport de l'Observatoire de l'emploi public 2004-2005 qui vient de nous être remis est d’ailleurs particulièrement révélateur à ce sujet.

II est d'autant plus indispensable de veiller à cette suppression des services correspondant à des tâches transférées qu'à des tâches de production succèdent souvent des tâches de contrôle a priori, contraires au principe de responsabilité des collectivités territoriales, voire des missions de production de nouvelles normes ou de règlements, qui ne font qu’ajouter à la complexité et aux coûts.

Quatrième recommandation : il faut clarifier la connaissance des emplois parmi les opérateurs. La première raison en est simple. Comme le souligne l’Observatoire de l’emploi public, plusieurs ministères, et notamment ceux dont les effectifs sont les plus réduits, ont fréquemment recours en effet aux opérateurs pour se doter des emplois nécessaires à la mise en œuvre de leur politique, et ceux-ci sont financés par les subventions accordées à ces opérateurs. Cela avait été souligné par la Cour des comptes, voilà quelques années, pour le ministère de la culture, dont les effectifs ne diminuaient de ce fait qu'optiquement.

Nous devons donc veiller à mieux connaître les ressources publiques des opérateurs, les taxes qui leur sont affectées et les subventions ou emplois parapublics et publics dont ils bénéficient. Je rappelle pour mémoire les termes du rapport de la Cour des comptes sur la loi de règlement en la matière : « Les ministères n'ont qu'une connaissance très lacunaire des effectifs des opérateurs qui leur sont rattachés. » Quand on connaît le code de langage de la Cour, même sous la présidence de Philippe Séguin, cela revient en fait à dire qu’on ne sait rien du tout à ce sujet !

L’estimation des effectifs du programme « Recherche » dans le domaine des risques et des pollutions se situe ainsi dans une fourchette comprise entre 1 557 et 1 624 équivalents temps plein travaillés, tandis que ceux de la mission « Écologie et développement durable » seraient compris entre 2 212 et 6 922 équivalents temps plein travaillés – excusez du peu !

Cela doit nous inciter à renforcer notre contrôle dans la logique des plafonds d’autorisation d’emploi institué par la LOLF. Sur ce point, l'amendement de la MILOLF adopté hier soir, avec votre soutien, monsieur le ministre, nous aidera à aller de l’avant.

Cinquième recommandation : la réduction des effectifs dans certains ministères ne doit pas tuer la rationalisation des emplois au niveau des services déconcentrés dont la fongibilité asymétrique prévue par la LOLF permet la mise en œuvre, en facilitant des réaffectations de moyens ou des redéploiements de postes.

À ce sujet, je voudrais me faire l’interprète des interlocuteurs que nous avons rencontrés sur le terrain dans le cadre des travaux de la mission d’information sur la LOLF, qui craignent que des emplois laissés vacants au niveau local, dans le cadre de la gestion déconcentrée d’un budget opérationnel de programme, pour permettre plus tard la création d’emplois correspondant à des besoins non satisfaits, ne soient considérés par l’administration des finances comme des emplois vacants, parce qu’inutiles, et n’aboutissent à la suppression des moyens nécessaires aux recrutements destinés à assurer les redéploiements.

Je voudrais achever cette intervention en évoquant les investissements. Voilà plus de dix ans que je plaide, budget après budget, pour un retour de l’État dans les investissements.

Notre pays a besoin d’investissements pour préparer l’avenir. Dans les domaines des infrastructures, de la recherche, de la formation – avec l’université –, des équipements de santé ou de l’environnement, les investissements conditionnent l’avenir. Ils sont un élément fort de l’attractivité du territoire, de la qualité de vie de nos concitoyens et des créations d’emplois.

Ce retour de l’État vers l’investissement ne sera possible que par la maîtrise des dépenses de fonctionnement, l’investissement, notamment civil, ayant trop longtemps servi de variable d’ajustement du budget, aussi bien dans la loi de finances initiale que lors de son exécution. Ce retour de l’État vers l’investissement doit intervenir à un moment où la mise en place d’une nouvelle programmation du budget européen pour la période 2007-2013 exigera la mobilisation de contreparties nationales pour accéder à ces fonds. Il en est ainsi du programme du RTE comme de l’ensemble des politiques de cohésion.

Vous avez, monsieur le ministre, confirmé cette priorité à l’investissement, et je m’en réjouis. Les moyens affectés témoignent de cette réorientation, qui fait toutefois appel à la mise en place d’opérateurs publics – l’Agence de financement des infrastructures de transport, déjà ancienne, l’Agence d’innovation industrielle, ou encore l’Agence de la recherche dans le secteur recherche et développement.

Les masses de crédits gérés par ces agences, qui se chiffrent en milliards d’euros, nécessitent là aussi une totale transparence entre dépenses budgétaires, recettes affectées et dépenses financées par des réalisations d’actifs de l’État, donc un contrôle accru du Parlement.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances. Tout à fait !

M. Michel Bouvard. La mise en œuvre des contrats de projet pour la période 2007-2013, qui constitue l’autre volet de cette politique d’investissement public, devra elle aussi favoriser la réalisation d’investissements structurants, dans le cadre d’un partenariat renoué entre l’État et les collectivités territoriales, incité par le ministre d’État en charge de l’aménagement du territoire. Je souhaite à ce sujet rappeler que ce partenariat suppose aussi l’achèvement, dans de bonnes conditions, des opérations en cours de l’actuel contrat de plan. La mise en œuvre de la loi organique sur les lois de finances ayant révélé des stocks d’autorisations d’engagement – anciennement autorisations de programme – délivrées depuis de nombreuses années sous deux majorités différentes, il convient de faire en sorte que les crédits de paiement puissent progressivement permettre de solder le stock.

Monsieur le ministre, après avoir, comme mes prédécesseurs, salué l’approche globalisée de la dépense publique, autorisée par la mise en place de nouveaux outils parlementaires, et de la concertation organisée entre les différents acteurs par la conférence des finances publiques, je vous confirme mon soutien à ces orientations budgétaires, qui répondent aux problèmes mis en évidence par la loi de règlement, à nos obligations européennes, mais encore plus aux responsabilités qui sont les nôtres devant le pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Je vous remercie.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, après l’examen du projet de loi de règlement pour 2005, le Parlement se saisit aujourd’hui des perspectives pour 2007 et des orientations du Gouvernement en matière de finances publiques. Mais vous avez ajouté à l’ordre du jour le projet socialiste, monsieur le ministre,…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. De façon à éclairer l’opinion !

M. Didier Migaud. …ce qui traduit un manque de confiance dans votre politique. En effet, si le projet socialiste est au centre du débat sur les orientations budgétaires pour 2007, c’est que l’alternance est à la fois possible et souhaitable, et je vous en remercie !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ce n’est pas cela, la méthode Coué ?

M. Didier Migaud. Il s’agit, conformément aux dispositions de la loi organique relative aux lois de finances, du second temps fort du débat budgétaire préalable à l’examen du projet de loi de finances.

Le projet de loi de règlement pour 2005 nous a permis de constater la dégradation persistante de nos comptes publics. L’amélioration optique du solde budgétaire n’a été obtenue qu’après de nombreuses acrobaties comptables, contestables et contestées. Le solde public n’a été amélioré que grâce à la soulte versée par les industries électriques et gazières. La dette publique a augmenté de 2,4 points de PIB et la dépense publique a accéléré, augmentant de 4,1 %, contre 3,8 % en 2004.

Pour 2007, le Gouvernement amplifie les baisses d’impôts et prétend réduire le poids de la dette publique exclusivement par le biais d’une action sur la dépense, qui s’exprime notamment par une diminution du nombre de fonctionnaires.

On le voit : plus que le souci de maîtrise des comptes, c’est le dogmatisme, l’idéologie qui guide les choix du Gouvernement. Mais, à ce stade du débat, il nous appartient de nous prononcer sur la crédibilité de vos prévisions. Dans un second temps, j’aborderai le nouveau cadrage macro-économique dont la France et les Français ont besoin pour retrouver le chemin de l’emploi et de la croissance.

Les premières données de l’exécution du budget 2006 ne sont pas satisfaisantes. Et malgré les titres de la presse, qu’a lue avec beaucoup d’autosatisfaction le ministre de l’économie et des finances, je vous rappelle humblement que ces résultats ne seraient que la fourchette basse que vous aviez prévue lors de l’élaboration de votre projet de loi de finances initiale. J’ai quelque difficulté à comprendre une telle autosatisfaction, dans la mesure où la prévision la moins optimiste a quelque chance de se réaliser…

On sait bien que, après avoir baissé pour la première fois de 1,4 point entre 1999 et 2001, la dette publique a explosé de plus de 10 points de PIB en seulement quatre années de gestion par l’actuelle majorité. En 2006, la dette publique continue d’augmenter : en fin d’année, selon la Commission européenne, elle sera proche de 67 %.

M. Breton a bien entrepris une opération de communication, en tentant de faire croire qu’il allait réduire le poids de la dette de deux points de PIB dès 2006. Que ne l’a-t-il pas fait plus tôt ! Les rachats auxquels a procédé l’Agence France Trésor, que nous avions mise en place pour justement optimiser la charge de la dette, ne constituent pas un désendettement pérenne. Le fond du problème demeure. J’observe d’ailleurs avec regret, monsieur le ministre, que dans votre rapport sur l’évolution de l’économie nationale et les orientations des finances publiques, qui reprend les missions, les programmes, les objectifs et les indicateurs, l’objectif de réduction de la dette ne figure pas parmi les objectifs du programme « Charge de la dette et trésorerie de l’État » dans le cadre de la mission « Engagements financiers de l’État ». Je comprends, dans ces conditions, pourquoi il n’y a pas d’action plus volontariste de la part du Gouvernement s’agissant de notre dette publique…

Plus sérieusement, la Cour des comptes relève que le budget 2006 contient un déficit prévisionnel encore élevé, que les dépenses continuent d’augmenter et qu’il est l’occasion d’une sollicitation presque outrancière des recettes non fiscales.

Selon la Cour des comptes, le montant cumulé d’un versement de France Télécom et de divers prélèvements non reconductibles représente en 2006 l’équivalent d’une amélioration ponctuelle de 0,4 ou 0,5 point de PIB du déficit.

Concernant la sécurité sociale, la Cour déplore la croissance soutenue des versements aux cliniques privées, qui font craindre un dépassement important des objectifs.

La Cour des comptes, conformément à un souhait de Laurent Fabius et de moi-même, remet désormais un rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, qui s’apparente de plus en plus à un audit annuel des finances publiques. Il faut s’en réjouir.

Examinant les prévisions du Gouvernement pour les années 2007 à 2009, la Cour estime qu’elles sont optimistes et que, en conséquence, le scénario de réduction de la dette publique est « insuffisamment étayé ».

On ne peut en effet que constater que les programmes pluriannuels produits par le Gouvernement repoussent toujours plus loin dans le futur le rétablissement des comptes publics. À la fin 2002, le Gouvernement avait promis, dans le cadre du programme de stabilité transmis à Bruxelles, une réduction du déficit public autour de 1 % pour 2006.

M. Gérard Bapt. Il était bon de le rappeler !

M. Didier Migaud. Aujourd’hui, la réalisation de cet objectif n’est plus envisagée avant 2009. Quelle meilleure démonstration de vos échecs répétés !

Si vous teniez vraiment, monsieur le ministre délégué au budget, à abandonner la langue de bois – et vous avez beaucoup écrit à ce sujet –…

M. Hervé Novelli. Avec succès !

M. Didier Migaud. …vous pourriez peut-être présenter au Parlement une analyse objective des raisons qui ont conduit à cet échec et à l’insuffisance des résultats par rapport à des objectifs que vous aviez pourtant vous-même fixés.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous êtes envieux !

M. Didier Migaud. Mais vous préférez parler des lendemains qui chantent et accuser vos prédécesseurs,…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous m’avez mal lu !

M. Didier Migaud. …au mépris de la réalité des chiffres et en utilisant cette langue de bois que, malheureusement, vous n’avez pas abandonnée.

La Cour vous concède à cet égard la continuité – certains parleraient d’entêtement – de votre politique et de vos prévisions. Il semble même que plus les résultats de cette politique attestent de son échec, plus celle-ci est accentuée ! Si l’erreur est humaine, chacun sait pourtant que persévérer est diabolique ! (Sourires.)

Comme la Cour des comptes, la Commission européenne est sceptique sur les prévisions de croissance qui sous-tendent les scénarios de désendettement présentés par le Gouvernement. Pour la Commission, la croissance ne sera que de 1,9 % en 2006 et de 2 % en 2007, soit un chiffre très en deçà du potentiel de croissance de notre pays et du scénario pourtant qualifié de « prudent » par le Gouvernement.

La Commission, qui sait ce que l’amélioration optique obtenue en 2005 doit aux recettes exceptionnelles, estime que le déficit public atteindra 3 % en 2006 et 3,1 % en 2007. Elle prévoit également la poursuite de l’alourdissement de la dette publique, qui atteindra 67 %. De ce fait, la Commission, dans une note « confidentielle » – c’est-à-dire qui peut, en fait, être publiée par la presse – suggère de maintenir la France sous la surveillance de la procédure du déficit excessif tant que l’amélioration envisagée par le Gouvernement ne sera ni optique ni conjoncturelle, mais réelle.

Les prévisions du Gouvernement sont donc unanimement contestées en ce qui concerne la possibilité d’atteindre les objectifs fixés.

Mais l’on est également en droit de se poser la question de savoir si les politiques que le Gouvernement entend mener sont fondées pour atteindre ces objectifs en matière de finances publiques. Vous vous référez très souvent aux recommandations du rapport de la commission présidée par Michel Pébereau. Si ces recommandations ne sont pas une bible, le Gouvernement prétend souvent s’y référer. Or, il ne respecte pas deux des trois préconisations qui nous permettraient de revenir à l’équilibre de nos finances. En effet, la seconde préconisation vise à « ne pas diminuer le niveau global des prélèvements obligatoires pendant la phase de retour à l’équilibre »…

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !

M. Didier Migaud. …et la troisième à « affecter intégralement les recettes exceptionnelles au désendettement, sous réserve des dotations au fonds de réserve des retraites ». Or, ce n’est pas du tout ce que vous faites !

Certes, le taux des prélèvements obligatoires n’a pas diminué et a même fortement augmenté en 2005. Mais ce n’est pas faute d’essayer ! En multipliant les coûteuses largesses fiscales ciblées vers les plus aisés, le Gouvernement s’est privé de précieuses recettes fiscales qui auraient permis de conserver la maîtrise de nos comptes, ce qui rend improbable un rétablissement de notre situation budgétaire. En programmant 6 milliards d’euros de baisses d’impôts supplémentaires en 2007, et en continuant à promettre de nouvelles baisses que la situation de nos finances publiques ne permet pas, la majorité actuelle fait preuve de démagogie et d’irresponsabilité.

Quant au fonds de réserve des retraites, je ne reviens pas sur tout ce que nous avons dit pour le déplorer lors de l’examen de l’exécution du budget 2005 : le Gouvernement a négligé ce fonds et ne l’a pas abondé comme il aurait dû le faire.

Prévisions irréalistes, politique erronée, perspectives sombres, mais aussi situation sociale très dégradée, voire explosive... La situation économique et sociale est telle qu’elle nécessite à coup sûr un changement de cap. Sans même évoquer le délitement total de nos institutions, à propos duquel le Président de la République porte une lourde responsabilité, et le discrédit du pouvoir, l’aspiration au changement chez nos compatriotes est très forte.

Mais changer tel ou tel ne suffira pas à satisfaire cette soif de changement. Il faudra, à partir de 2007, mettre en œuvre une autre politique, dont la priorité sera de redonner l’espoir aux Français. Pour cela, le cadrage macro-économique et la politique budgétaire et fiscale devront être profondément rénovés.

Dès 2007, la France a besoin d’une politique salariale volontariste pour augmenter le pouvoir d’achat et stimuler la croissance. Depuis quatre ans, en effet, notre pays souffre d’une stagnation du pouvoir d’achat qui empêche l’économie de sortir de sa morosité et d’un déséquilibre du partage de la valeur ajoutée, qui s’opère au bénéfice des détenteurs du capital et au détriment des salariés et de l’investissement.

Pour améliorer le pouvoir d’achat, il n’existe que deux moyens : redistribuer ou augmenter les salaires. La redistribution ne peut s’effectuer sans progressivité des prélèvements, d’où le caractère révoltant des largesses fiscales accordées depuis 2002 aux foyers les plus aisés. La redistribution passe par une revalorisation significative de certaines allocations. Mais sans action volontariste sur les salaires, la redistribution, nécessaire en ce qu’elle corrige partiellement les inégalités, ne peut à elle seule relancer la croissance.

Pour agir sur le niveau des salaires, il faut donc relever significativement et durablement le SMIC. C’est cette mesure claire et volontariste qui figure dans le projet des socialistes : « porter le SMIC à au moins 1 500 euros bruts d’ici à 2012 ».

Inévitablement, l'UMP, le patronat et les « commentateurs avisés » ont déchaîné leurs critiques contre une mesure jugée archaïque, coûteuse, démagogique ou irresponsable. D'autres, plus subtils, ont dédaigné cette mesure en tentant d'expliquer qu'elle n'allait, en réalité, entraîner qu'une faible augmentation de pouvoir d'achat.

C'est inexact : porter le SMIC à 1 500 euros représenterait près de 20 % d'augmentation d'ici à 2012. Cela reviendrait à augmenter le SMIC de 3,4 % par an, un rythme supérieur de 25 % à la moyenne des augmentations intervenues depuis vingt-cinq ans, de 2,7 % par an. Cette proposition est donc ambitieuse et volontariste – plus volontariste que celle que vous vous apprêtez à prendre avec 2,5 % d’augmentation du SMIC au 1er juillet –, mais elle reste tout à fait réaliste et crédible en matière de coût budgétaire et de compétitivité de notre économie.

Ambitieuse, car l'actuelle majorité a multiplié les mesures d'indexation automatique qui la déchargent de ses responsabilités politiques : l'épargne réglementée, mais aussi le niveau des retraites évoluent mécaniquement. Si l’on n'y fait rien, le SMIC, au terme du processus de convergence prévu, fera de même dans des modalités très défavorables aux salariés.

Il faut refuser que l'évolution du salaire minimum puisse ne plus résulter d'une décision politique et soit techniquement bridée. Il faut, au contraire, pouvoir décider que la hausse sera supérieure à l'obligation légale de revalorisation et donc davantage en faveur du pouvoir d'achat des Français.

M. Gérard Bapt. Très bien !

M. Didier Migaud. En outre, l'indice des prix qui sert de référence au SMIC, discrètement modifié par votre majorité au détriment des salariés, doit être révisé pour mieux tenir compte de la structure de consommation des salariés, pour qui les charges de logement et d'énergie augmentent dangereusement.

Il faut revenir aux objectifs du SMIC à sa création, à savoir défendre et augmenter le pouvoir d'achat de près de 2,4 millions de salariés pour lesquels le salaire minimum est la référence. Et, au-delà, de tous les salariés, car une hausse de 5 % du SMIC entraîne mécaniquement une augmentation moyenne de 1 % des autres salaires.

Pour accroître la diffusion des augmentations de salaires et éviter l'écrasement des bas salaires au niveau du SMIC, nous proposons la tenue, chaque année, d’une conférence nationale tripartite État - organisations syndicales - organisations patronales pour renégocier les conventions collectives, afin que tous les minima conventionnels des branches atteignent enfin le SMIC. Pour dépasser les éventuelles réticences patronales, il devra être envisagé de conditionner tout ou partie des allégements de cotisations sociales à cette renégociation.

J'insiste sur ce point car, les études le confirment, la suppression par la majorité des contreparties en termes d'emploi et la très forte augmentation des exonérations de cotisations sociales depuis 2002 ont transformé beaucoup d'exonérations de cotisations sociales en pur effet d'aubaine, sans impact positif sur l'emploi – et je sais que le président Pierre Méhaignerie partage, pour partie au moins, ce sentiment.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Une petite partie.

M. Didier Migaud. En outre, le bilan de la négociation collective dressé par le Gouvernement confirme le tassement, dans les grilles conventionnelles, de l'échelle des salaires.

Pour remédier à cela et diffuser l'augmentation du SMIC à tous les niveaux de salaires, la conditionnalité des exonérations sociales à une renégociation des grilles salariales est impérative.

Mais, diront les plus sceptiques, ce qui était possible hier ne l'est plus du fait de la mondialisation : la France est en situation de concurrence – j’en conviens – et nos entreprises ne peuvent supporter une augmentation du coût de la main-d'œuvre.

En réalité, la main-d'œuvre française est compétitive, bien formée et figure parmi les plus productives du monde.

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !

M. Didier Migaud. Au nombre des critères de compétitivité de la France, l'Agence française pour les investissements internationaux distingue les infrastructures, la productivité de la main-d'œuvre et les coûts salariaux. Ce sont nos points forts, grâce à l'amélioration de la production permise par la réduction du temps de travail et en raison du fait que l'on consacre plus de 21 milliards d'euros par an à alléger les cotisations sociales sur les bas salaires !

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui ! Notre point faible, c’est le Gouvernement !

M. Didier Migaud. Vous avez raison, mon cher collègue !

Toutes les études, de la Banque de France à Bercy en passant par l'Organisation de coopération et de développement économiques, OCDE, démontrent la compétitivité de la France, qui se retrouve dans la santé financière d’un certain nombre d’entreprises de notre pays.

N'en déplaise à une UMP qui ne cesse de culpabiliser les salariés, la France possède la deuxième meilleure productivité au monde,…

M. Claude Gaillard. C’est faux !

M. Didier Migaud. …et le coût horaire du travail ouvrier y est inférieur à celui des États-Unis, ainsi qu'à la moyenne de l'Union européenne avant son élargissement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Mais si !

M. Hervé Novelli. Arrêtez ! On travaille moins en France que partout ailleurs !

M. Didier Migaud. Certes, le coût de la main-d'œuvre en Roumanie ou en Chine, par exemple, est beaucoup moins élevé,…

M. Hervé Novelli. Cela n’a rien à voir !

M. Didier Migaud. …mais celui-ci ne peut s'analyser en dehors de la productivité, pour laquelle la France est très bien placée. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Quand cela ne vous arrange pas, cela n’a toujours strictement « rien à voir », monsieur Novelli !

M. Jean-Pierre Brard. On peut parler de la productivité des députés UMP !

M. Didier Migaud. D'autre part, les écarts de coût sont tels avec ces pays que ce n'est pas l'augmentation du SMIC – ni sa baisse ! – qui y changera quoi que ce soit. En réalité, le dumping social, qui concerne tous les salariés, y compris les mieux formés, est aussi une question qui se pose au niveau européen. Seule l'Union pourrait empêcher la concurrence sociale et fiscale de se développer autant qu’elle le fait, en son sein comme à ses frontières, au détriment de l’ensemble des salariés. Ce n'est donc pas en comprimant les salaires que l'on réglera ce problème.

Reste la question du coût pour le budget de l'État, à travers l'effet sur ses propres salariés et sur les allégements de cotisations notamment, de cette augmentation du SMIC.

Il n'est bien sûr pas question de faire comme l'actuelle majorité, qui multiplie les largesses fiscales à destination des plus aisés en creusant les déficits publics et la dette :…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Mais vivez avec votre temps !

M. Didier Migaud. …le projet socialiste, n’en déplaise à M. Copé, sera financé et respectueux de la nécessaire maîtrise des finances publiques. Les recettes générées par une croissance plus forte et les réformes fiscales pourront être affectées en partie au financement du coût, pour l'État, d'une augmentation du SMIC.

Quelle meilleure démonstration de la validité de nos affirmations respectives que celle basée sur la réalité des chiffres. Et nous aimerions que le ministre se réfère davantage à la réalité des chiffres et aux comparaisons dans le domaine qui est le sien. L'économie a créé, entre 1997 et 2002, 2 millions d’emplois, ce qui, parallèlement à une forte augmentation du pouvoir d'achat, s'était traduit par une hausse très importante de la masse salariale totale dans notre pays. Malheureusement, depuis 2002, cette masse salariale globale stagne.

Porter le SMIC à au moins 1 500 euros bruts d'ici à 2012 nous paraît donc crédible,…

M. Michel Bouvard. Ah bon !

M. Didier Migaud. …mais est surtout nécessaire pour remettre la France sur la voie de la croissance et de l'emploi, redonner de la valeur au travail…

M. Hervé Novelli. Vous avez dit l’inverse tout à l’heure !

M. Didier Migaud. …et redonner aux Français le goût du présent et la confiance dans l'avenir. Telle est l'ambition des socialistes.

Le rapport de la commission Pébereau sur la dette publique a permis de rétablir une certaine vérité des chiffres, trop longtemps tordus par vous-mêmes, actuelle majorité. Depuis sa publication, les informations chiffrées diffusées dans les médias permettent de mettre en évidence l'explosion de la dette publique depuis 2002 et font mieux ressortir les évolutions intervenues lors de la précédente législature.

La dynamique actuelle de la dette est insoutenable – j’en conviens ! – avec une progression de plus de 2 points de PIB par an depuis quatre ans.

Cette situation est préoccupante. Toutefois, ce n'est pas en créant une psychose ou en se plaçant sur un registre moral qu'on trouvera mieux les moyens d'y faire face. Contrairement aux affirmations du Gouvernement, la dynamique de l'endettement n'a pas été linéaire. Des politiques économiques ont pu permettre, au cours de ces vingt dernières années, de maîtriser davantage, voire de réduire, notamment entre 1997 et 2001, la part de cet endettement dans la richesse nationale. Cette dynamique n'est donc pas inéluctable. Elle est réversible, à condition d'adopter une démarche rigoureuse et responsable, que vous ne reprenez pas.

Pour commencer, il faut accepter le fait qu'il n'y a pas de lien objectif entre niveau de la dépense ou des recettes et poids de la dette. Des pays dont le niveau de dépense publique est très faible, comme les États-Unis, connaissent un endettement considérable – et vous le savez, monsieur le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Cela n’a rien à voir !

M. Didier Migaud. Cela n’a toujours « rien à voir » quand cela ne correspond pas à vos schémas !

D'autres pays, dont les dépenses et les prélèvements obligatoires sont supérieurs à la France, sont en situation d'équilibre ou d'excédent budgétaire.

Surtout, on constate qu'en France, depuis vingt ans, le poids de la dépense publique est resté stable dans le PIB, alors que le poids de la dette s'est accru de 40 points. En revanche, la progression des dépenses fiscales – les fameuses « niches » – est très forte : selon le Conseil des impôts, en vingt ans, le coût des quinze premières dépenses fiscales a doublé. Selon la Cour des comptes, inquiète de la progression des dépenses fiscales, alors que les dépenses budgétaires se sont accrues de 6 milliards d’euros en 2005, les dépenses fiscales ont progressé de 3 milliards d’euros. Et le Gouvernement prévoit de doubler ce chiffre en 2006 ! Le montant des dépenses fiscales équivaut désormais au produit de l'impôt sur le revenu. Cette progression est d'autant plus inquiétante que, comme le souligne la Cour des comptes et malgré les prescriptions de la loi organique relative aux lois de finances, les dépenses fiscales ne sont pas suffisamment présentées, estimées et évaluées.

Si la dette s'est creusée, c'est en raison de l'écart entre recettes et dépenses, essentiellement durant les périodes de faible croissance et de faibles rentrées fiscales. Comme nous avons essayé de le démontrer durant le débat sur l'exécution 2005, c'est le taux de couverture des dépenses par les recettes – trop faible depuis 2002 – qui permet d'expliquer l'endettement.

Le fantasme d'une dette cachée doit en outre être écarté sans complaisance. L'esprit de responsabilité qui nous anime impose d'affronter simultanément deux sujets majeurs, mais distincts.

Celui de la dette stricto sensu, définie avec rigueur au niveau communautaire par Eurostat. Cet agrégat est précisément chiffré. La dette pèse 66,8 % du PIB en 2005, et c’est déjà très lourd !

Celui, d'autre part, des engagements financiers de long terme auxquels notre pays devra faire face. Ces engagements sont pour l'essentiel liés aux conséquences du vieillissement démographique.

Les socialistes sont conscients des enjeux liés au financement des dépenses d'avenir : en créant le Fonds de réserve pour les retraites et en publiant en annexe des lois de finances une évaluation du montant de ces engagements, nous avons permis au pays de se mettre en situation de faire face à ces engagements. Malheureusement, l'actuelle majorité a négligé le FRR et ne l'a pas suffisamment abondé.

Le montant des engagements futurs dépend d'un ensemble de variables sur lesquelles l'action publique peut et doit avoir un effet :…

M. Philippe Auberger. N’importe quoi !

M. Didier Migaud. …l'ampleur du choc démographique, le niveau des prestations, le montant de ressources affectées, le taux d'emploi et le niveau du chômage, le progrès technologique, la croissance économique. Faire face à ces engagements nécessite d'adopter, dès aujourd'hui, une stratégie globale.

La maîtrise et la réduction de la dette publique peuvent et même doivent sûrement faire partie de cette stratégie si l'on décide de consacrer dès aujourd'hui une part du PIB au financement, à terme, de ces engagements. Une réduction anticipée de la dette permettrait ainsi de retrouver des marges d'endettement au plus fort des tensions.

Aussi solennisés soient-ils, les « engagements » pris par l'actuel gouvernement ne sont pas crédibles. Pris à la veille d'une échéance électorale, ils n'engagent que ceux qui veulent bien y croire. Qu'on aurait aimé entendre ces propos rigoureux, en 2002, dans la bouche du candidat Chirac qui promettait des baisses d'impôts à tour de bras ! À l’époque, le chiffrage du programme de l’UMP était aussi très significatif !

C'est dès le début de la législature qu'il faudra s'engager et mettre en œuvre une politique de retour à la maîtrise de nos comptes,…

M. Philippe Auberger. Ah oui ? Avec le programme socialiste !

M. Didier Migaud. …destinée à redonner des marges de manœuvre à l'action politique et à préparer notre pays à faire face aux engagements futurs dans de bonnes conditions.

Voici quelques orientations qu'un gouvernement responsable et soucieux de préparer l'avenir en défendant notre modèle social devrait suivre.

En premier lieu : retrouver une politique économique permettant de relever le potentiel de croissance et de réduire le taux de chômage. Vous vous félicitez de la baisse du chômage, mais nous aussi ! Nous nous réjouissons des mesures favorables pour notre pays. Encore faut-il que cette baisse corresponde à une réalité sur le terrain et non pas à un effet des statistiques. Vous vous réjouissez de revenir – à peine ! – au niveau du chômage d’avril 2002 ! Quatre ans après ! Cela signifie que le chômage avait augmenté ! Avec votre politique, nous avons perdu quatre années dans la bataille de l’emploi !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Mais la croissance n’est pas isolée en France !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Qu’avez-vous fait des 3 % de croissance par an ?

M. Didier Migaud. Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le ministre du budget, nous avons fait plus de 3 % de croissance pendant trois années de suite !

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l’équilibre général de la loi de financement de la sécurité sociale. Qu’est-ce que vous en avez fait ?

M. Hervé Novelli. Et les dépenses !

M. Didier Migaud. Ce débat est intéressant et peut-être pourrons-nous le poursuivre bien au-delà de ce débat dans notre hémicycle. Vous mettez toujours en avant l’argument suivant : « Vous aviez plus de croissance que nous parce que la croissance mondiale était plus forte. » Mais non ! La croissance mondiale pendant cette législature aura été plus forte que sous la législature précédente !

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui ! Grâce aux Chinois !

M. Philippe Auberger. Mais pas la croissance européenne !

M. Didier Migaud. Aujourd’hui, la croissance mondiale est très élevée ! La croissance moyenne de l’Union européenne est plus élevée… (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jérôme Lambert. C’est à cause de l’euro !

M. le président. Chers collègues !

M. Didier Migaud. Nous sommes en deçà de la moyenne de la zone euro, et vous le savez.

En deuxième lieu : réduire rapidement et sensiblement le poids de la dette dans le PIB, en se fixant comme objectif le retour durable à l'équilibre du solde primaire – dont vous ne parlez jamais car cela vous arrange ! Pour notre part, nous étions parvenus à l’équilibre du solde primaire ! Depuis 2002, vous ne l’avez jamais obtenu et jamais respecté certains des critères de Maastricht, monsieur le ministre du budget.

Je vous ferai d’ailleurs observer que, quel que soit le sentiment que l’on peut avoir sur ces critères, ils avaient toujours été respectés sous la législature précédente. Ce n’est plus le cas depuis 2002.

En troisième lieu, il faut respecter le programme initial de dotation du Fonds de réserve des retraites, qui prévoyait de lui affecter 160 milliards d’euros à l’horizon 2020, soit avec les dividendes des entreprises publiques, s’ils peuvent lui être affectés, soit avec de nouvelles ressources.

M. Philippe Auberger. Ça, c’était le programme de Jospin, pas le nôtre !

M. Didier Migaud. Il convient enfin de réformer la fiscalité, à prélèvements constants, pour plus d’efficacité économique et de justice sociale, en donnant davantage de progressivité à notre fiscalité directe, notamment en rapprochant, puis en fusionnant la CSG et l’IRPP.

Ces orientations sont volontaristes et crédibles.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Plus volontaristes que crédibles !

M. Didier Migaud. Elles permettront de retrouver le chemin de la croissance et de l’emploi. Ainsi, le financement des propositions du projet socialiste sera assuré dans le respect des contraintes de nos finances publiques, comme nous l’avons toujours fait dans le passé.

Mardi, dans cet hémicycle, M. le ministre Copé a tenu à nous livrer son chiffrage du projet socialiste, qui était au centre des débats. Le résultat auquel il est parvenu est totalement farfelu.

M. Philippe Auberger. Et celui de Dominique Strauss-Kahn ?

M. Michel Bouvard. Faisons-le chiffrer par la Cour des comptes !

M. Didier Migaud. Je maintiens les estimations réalistes fournies par le parti socialiste, autour de 2 à 3 points de PIB.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances. Acceptez que la Cour des comptes le chiffre !

M. Didier Migaud. Il est étonnant qu’un Gouvernement qui a augmenté la dette publique de 10 points de PIB engage une telle polémique.

M. Gérard Bapt. C’est vrai !

M. Didier Migaud. Vous prétendez que le projet du parti socialiste coûtera 2, 3, voire 4 points de PIB, alors que, en quatre ans, vous avez fait exploser la dette publique. Il est bon de garder à l’esprit ces ordres de grandeur. Nous attendons le projet de l’UMP, s’il y en a un, et de pouvoir chiffrer son coût.

M. Jean-Pierre Brard. Il y a bel et bien un projet : c’est d’élever la statue en pied de Nicolas III !

M. Didier Migaud. Nous connaissons déjà votre bilan et votre héritage : une législature de perdue pour la France. La grande majorité de nos concitoyens en est d’accord : pas un indicateur n’est plus favorable aujourd’hui qu’en avril 2002.

M. Michel Bouvard. Si, le chômage diminue ! À l’époque, il augmentait.

M. Didier Migaud. C’est la triste réalité, qu’il conviendra de modifier. Seule une majorité nouvelle sera en mesure de le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Je tenais à intervenir aussitôt après l’intervention de Didier Migaud, pour faire une mise au point sur une question qui revient en permanence dans les débats, celle du taux de croissance. Vous ne pouvez pas juger du taux de croissance sur une période de trois ans.

M. Didier Migaud. Mais je suis prêt à prendre une période de cinq ans !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Il est préférable de le faire sur les vingt dernières années, au cours desquelles il vous est arrivé d’être au pouvoir.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est plus de l’analyse, c’est de l’archéologie ! (Rires.)

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Dominique Strauss-Kahn disait que, ce qui différencie un pays qui réussit d’un pays qui échoue, c’est un demi-point de croissance en plus ou en moins.

M. Gérard Bapt. Et voilà ! La démonstration est faite !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Jusque dans les années quatre-vingt, la France affichait un demi-point de croissance de plus que la moyenne des pays de l’OCDE. Depuis cette période, elle a un demi-point de croissance de moins. Cela représente 1,5 million d’emplois et 15 % de différentiel de pouvoir d’achat.

M. Didier Migaud. Comparez sur les dix dernières années !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Or tous les experts et toutes les études internationales ont montré que, dans les causes de l’affaiblissement de la croissance en France, trois éléments ont joué : certaines réformes idéologiques, qui n’ont pas aidé,…

M. Gérard Bapt. Les vôtres !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. …les 35 heures et, pendant vingt ans, la croissance des dépenses publiques.

M. Gérard Bapt. Et qu’avez-vous fait ?

M. Didier Migaud. Plus encore aujourd’hui !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Quand on parle de croissance, il faut considérer les analyses admises par tout le monde au niveau international : vous êtes pour une grande part à l’origine des causes de l’affaiblissement de la croissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Pierre Méhaignerie est terrible : il a des obsessions. Pour lui, les 35 heures font partie des sept péchés capitaux !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le budget de l’État pour 2007 sera une extraordinaire duperie et s’inscrit pleinement dans la continuité des quatre budgets précédents qui ont été extrêmement négatifs pour nos concitoyens.

La précarité de l’emploi a explosé. Il y a quelques années, les associations caritatives disaient ne recevoir que des chômeurs et des marginaux : aujourd’hui, elles accueillent de plus en plus souvent des personnes qui travaillent, mais à temps partiel, et qui perçoivent des revenus ne leur permettant pas de satisfaire aux exigences les plus élémentaires de la vie en société. Pour des millions de Français, il est de plus en plus coûteux de se soigner et beaucoup reculent devant des soins pourtant nécessaires. Loyers, gaz, fuel, essence, services divers augmentent dans des proportions telles que deux Français sur trois affirment que leur pouvoir d’achat a baissé. En même temps, leur endettement a de nouveau augmenté et leur épargne est en baisse de 7,6 %.

De l’autre côté de la barrière, depuis 2003, les profits du CAC 40 ne cessent de battre des records : le dernier en date, en 2005, se traduit par 30 % d’augmentation. Les Bernard, Zacharias, Forgeard et tant d’autres s’en donnent à cœur joie avec leurs stock-options, alors même que, cette année, ils vont bénéficier, grâce à vous, d’une nouvelle exonération d’impôt sur la fortune au titre de leurs actions.

D’un côté, la France et des millions de Français s’appauvrissent ; de l’autre, quelques privilégiés et quelques actionnaires de grosses sociétés capitalistes s’en mettent honteusement plein les poches. Et dans le même temps, vous appelez les premiers, au nom d’une dette que vous avez vous-même fabriquée, à se serrer la ceinture.

Plus les recettes du néolibéralisme économique s’imposent, avec marchandisation de tous les secteurs, dérégulation, précarisation de la vie, et plus les inégalités s’accroissent, plus les humbles − mais également une bonne partie des couches moyennes − souffrent.

Non, monsieur le ministre, ce n’est pas du catastrophisme, c’est simplement la réalité de la France d’aujourd’hui, où 7 millions de personnes, dont 2 millions d’enfants, vivent en dessous du seuil de pauvreté. Cela ne vous donne aucun droit de traiter ceux qui les défendent de « gens du passé ».

Pour faire passer la cure d’austérité, vous criez haro sur la dette, mais, en réalité, celle-ci est due aux cadeaux fiscaux faits aux plus aisés, et vous n’avez cessé de l’entretenir. C’est d’ailleurs le rapport de la Cour des comptes qui est le plus sévère avec vos choix politiques, parlant « d’une situation de déficit excessif depuis 2002, d’un endettement en augmentation rapide, d’une dette des administrations publiques en hausse de 10 points en quatre ans ». En réalité, vous êtes l’incendiaire qui crie au feu !

Cette dette est le fruit de votre politique, de vos choix, de vos décisions. Et vous l’utilisez pour demander aux uns des sacrifices pendant que vous vous apprêtez à faire aux autres de nouveaux cadeaux fiscaux dans le budget 2007. Ce choix est non seulement injuste, mais profondément négatif pour l’économie et l’emploi. La Cour des comptes ne s’y est pas trompée lorsqu’elle a demandé de « revoir les mesures d’exonération de cotisations sociales censées favoriser l’emploi », et je rappelle que, dans un rapport précédent, cette éminente institution avait fustigé de telles exonérations « aux résultats incertains sur l’emploi ».

À cause de ces exonérations, ce sont 20 milliards d’euros qui manquent cette année à la politique publique. En douze ans, cela représente un total de 175 milliards d’euros. Mais, plus encore, les diverses mesures de restrictions fiscales ont profondément grevé le budget de l’État, le privant de ressources indispensables. Pour ne prendre que l’exemple de l’impôt sur les sociétés, depuis dix ans, une étude des comptes de la nation permet de constater que les réformes successives de baisse du taux de l’impôt sur les sociétés ont eu comme impact financier une perte cumulée de 138 milliards d’euros en euros constants. Cette somme représente 12 à 13 % de l’encours de la dette publique actuelle et trois années de déficit budgétaire.

Pour faire des cadeaux aux plus riches, vous avez donc soustrait des milliards d’euros au budget de la nation, sans résultat convaincant en termes d’emploi, de rémunération et de services pour nos concitoyens.

Au total, le Gouvernement prépare un budget d’austérité pour l’année prochaine, un budget de régression sociale et de poursuite des attaques contre les services publics. Mais dois-je rappeler que, ce qui coûte cher au pays, ce sont ces actionnaires qui demandent un rendement de leurs actions de 15 % ? Dois-je rappeler que, ce qui coûte cher aux entreprises, ce ne sont pas les cotisations sociales, qui, d’après l’INSEE, se montent à 130 milliards d’euros, alors que les charges financières représentent 190 milliards d’euros ? Dois-je rappeler que, dans notre pays, les actifs financiers représentent deux à trois fois le produit intérieur brut − ils ont augmenté de 107 % en dix ans − et que 80 % de ces actifs ne sont pas investis dans la production ? Vous cherchez de l’argent : en voilà, qui pourrait permettre au budget de la nation d’impulser une politique d’investissement et d’emploi.

En réduisant les ressources, en supprimant des moyens essentiels pour l’avenir de notre pays, en réduisant à nouveau l’investissement public − alors même que la Cour des comptes a souligné « la faible part consacrée à l’investissement public, seulement 6,3 % en 2005 », ce qui est ridicule et ne peut réellement impulser la croissance −, c’est l’atonie de la croissance que vous organisez : 15 000 emplois en moins annoncés pour 2007, claironnez-vous, ce qui fait de l’État le premier destructeur d’emplois en France. Mais que représentent ces 15 000 suppressions ? C’est l’équivalent de 10 % de l’ensemble des cadeaux fiscaux pour les plus riches, qui s’élèvent à 6 milliards d’euros par le biais de la baisse de l’impôt sur les plus hautes tanches de l’impôt sur le revenu, le bouclier fiscal, la réforme fiscale sur la taxe professionnelle. C’est donc bien un choix idéologique.

Le plus inquiétant est de constater que les diverses secousses − c’est un euphémisme − qui ont dernièrement traversé le pays et, en particulier, la jeunesse ne trouvent aucune réponse en matière budgétaire. Au contraire, vous diminuez toutes les dépenses qui concernent le développement des talents et des territoires, que ce soit l’enseignement, la solidarité, le sport et la jeunesse, la ville et le logement, le soutien aux collectivités, le travail et l’emploi. Tout ce qui fait la richesse du pays est attaqué. En fait, les seuls postes qui augmentent sont ceux qui visent à maintenir le couvercle sur la marmite sociale en ébullition, c’est-à-dire la police, la gendarmerie, la justice.

Non contents de réduire l’investissement de l’État, vous voulez réduire celui des collectivités locales, qui tire pourtant la croissance. Ainsi, une des premières conséquences des cadeaux fiscaux aux plus riches aura été de placer l’État dans l’impossibilité d’honorer ses engagements vis-à-vis des collectivités territoriales et de déplacer l’effort fiscal vers les collectivités, ce qui est inadmissible et injuste.

D’ailleurs, les annonces faites en direction des collectivités locales − la DGF minorée, le non-respect de la compensation à l’euro près, notamment pour le RMI − comme les injonctions qui méprisent les choix des électeurs locaux sont de plus en plus mal acceptées par les élus.

À l’instar de la Cour des comptes, qui dénonce « un défaut de vision » de la gestion gouvernementale, les députés du groupe communiste et républicain sont persuadés qu’il est urgent d’afficher une véritable ambition économique et sociale par le truchement du budget de la nation.

La question fondamentale est d’inverser la logique qui, depuis trente ans, a consisté à privilégier le capital plutôt que le travail. Comme l’a écrit fort justement Patrick Artus, que vous adorez : « La déformation du partage capital/travail en faveur du capital participe bien du piège à croissance faible qui, dans nos pays, paralyse la croissance. »

Il est aujourd’hui impérieux de relancer à la fois le pouvoir d’achat, et donc la consommation − avec, immédiatement, un SMIC à 1 500 euros par mois −, et l’investissement public et privé, plutôt que l’investissement spéculatif et financier.

Il est urgent de construire une autre logique fondée sur trois grands principes : mettre en œuvre une réforme fiscale plus juste ; mettre en place un plan de sécurisation de l’emploi et de relance du pouvoir d’achat pour assurer des recettes à la fois sociales et fiscales ; mettre en place un plan de relance de l’investissement et des interventions publics, notamment dans l’éducation, la recherche, le logement, la santé, la formation, les infrastructures, l’industrie, tout ce qui contribue à renforcer les capacités humaines, qui, seules − faut-il le rappeler ? −, sont créatrices de richesse.

Bien sûr, pour cela, il est indispensable de dégager de nouvelles marges de manœuvre. Je les cite rapidement, mais la liste n’est pas exhaustive et nous aurons l’occasion de les développer lors du débat budgétaire : mettre en œuvre un prélèvement sur les profits des groupes pétroliers ; taxer les plus-values boursières ; revenir sur les divers cadeaux fiscaux et conditionner les exonérations de cotisations sociales à la création d’emplois et de richesses ; mettre en œuvre une taxation des actifs financiers à 0,5 %, afin de relancer l’investissement public. Ces quelques mesures permettraient de dégager 50 à 60 milliards d’euros pour la solidarité, le dynamisme, l’emploi, la croissance, dont notre pays a besoin.

Une autre logique est possible, en rupture avec la chasse au rendement à court terme du capital qui tue l’investissement et l’emploi. Mais vos orientations budgétaires pour 2007 ne peuvent rien apporter de bon à la France et à la très grande majorité des Français.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à la famille, mes chers collègues, Charles-Amédée de Courson, fidèle à lui-même, s’étant brillamment exprimé sur la loi de finances et sur la loi de financement de la sécurité sociale, je consacrerai exclusivement mon intervention à la branche famille. Je tiens d’ailleurs à remercier ici publiquement mon collègue, ainsi que notre président de groupe, Hervé Morin, d’avoir généreusement accepté, dans le temps de parole limité qui nous a été imparti, de me laisser dix minutes pour traiter du seul et important sujet que représente la famille et auquel le groupe UDF est si attaché.

Je commencerai par me réjouir de l’organisation de ce débat d’orientation budgétaire, auquel est associée pour la première fois la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. C’est un réel progrès. Rappelons-nous qu’il n’y a pas si longtemps, nous tous n’avions même pas l’occasion de débattre des comptes de la sécurité sociale ! Cette approche globale doit donc être poursuivie, car c’est l’assurance d’une plus grande transparence.

Mais revenons à la famille. Au sein d’un déficit général de la sécurité sociale ramené à 10,3 milliards d’euros, montant qui reste toutefois très élevé, la branche famille se distingue tristement, son déficit passant de 0,4 milliard d’euros en 2003 et 2004 à 1,3 milliard d’euros en 2005 et, selon les estimations, à 1,5 milliard en 2006. Une telle progression pourrait faire notre bonheur si elle correspondait à une augmentation massive de la natalité. Mais ce n'est, hélas, pas le cas.

Vous nous présentez presque ce déficit, monsieur le ministre délégué à la famille, comme la traduction directe du succès de vos initiatives.

S’agissant de la PAJE, dont la réussite vous revient, votre enthousiasme est légitime. Au lieu des 200 000 familles bénéficiaires prévues, ce sont en effet plus de 250 000 familles qui percevront cette heureuse allocation, dont le coût net pour 2006 se monterait à 1,43 milliard d'euros.

De même, le déficit de la branche famille pourrait se justifier par l'augmentation des dépenses d'action sociale, qui progressent de 4,7 % en 2006 après 4,4 % en 2005, le taux de croissance des seules aides à la petite enfance se situant entre 8 et 10 %.

Si l’on se limitait à une lecture simpliste des résultats, ces deux succès seraient tout à fait recevables. Malheureusement, le niveau auquel ce déficit se situe n’a jamais été atteint depuis plus de dix ans – je n'aurai pas la cruauté de rappeler que la branche famille est même restée longtemps excédentaire. En outre, ce déficit, arrêté, je le répète, à 1,3 milliard pour 2005 et estimé à 1,5 milliard pour 2006, ne se justifie pas que par des prestations nouvelles, mais, en grande partie, par de lamentables et injustes transferts de charges, qui ne sont même pas compensés par quelques recettes nouvelles. Je prendrai trois exemples, et, d’abord, celui du financement scandaleux du FSV.

Depuis l'instauration par un gouvernement socialiste de cette ponction, non seulement les gouvernements qui se sont succédé depuis 2002 ne l'ont pas supprimée, mais ils l'ont augmentée progressivement pour la sanctuariser à hauteur de 60 %. Loi de financement de la sécurité sociale après loi de finances, nous ne manquons jamais, mon collègue Jean-Luc Préel et moi-même, de rappeler les uns et les autres à leurs engagements. Nous regrettons amèrement de n'avoir toujours pas été entendus à ce jour. Fidèles à notre combat, nous le poursuivrons lors de la présentation du projet de loi de finances à l'automne.

En tout cas, le hold-up continue à progresser : de 1,875 milliard en 2003, il est passé à 1,965 en 2004 et à 2,087 en 2005, devant s’établir à 2,189 en 2006, soit largement plus que le déficit total de la branche famille.

De même, la nouvelle répartition entre l'État et la CNAF de la prise en charge de l'aide personnalisée au logement a représenté, en 2005, une ponction nouvelle sur la branche famille à hauteur de 270 millions d'euros.

Enfin, dernier exemple, il faut ajouter à cette triste liste des transferts la gestion par les caisses d'allocations familiales des prestations des fonctionnaires de l’État pour un coût de 56 millions d’euros en 2005.

Franchement, quelle légitimité et, surtout, quelle lisibilité y a-t-il à créer quelques recettes nouvelles, comme la taxation sur les vieux PEL, si, parallèlement, on multiplie les transferts injustifiés de charges ? L'UDF rappelle son très vif attachement à une plus grande lisibilité des comptes publics et à l'impérieuse nécessité de respecter l'autonomie des différentes branches de la sécurité sociale.

De même, monsieur le ministre délégué à la famille, je ne peux passer sous silence mon regret et mon inquiétude concernant l'aide accordée aux enfants de trois à six ans.

Lors de l'instauration de la PAJE en 2004, cette prestation s’est réduite aux seuls enfants nés ou adoptés à compter du 1er janvier 2004, les autres bénéficiant des anciennes prestations, nettement moins favorables, jusqu'au maximum de leurs six ans en 2009. Cette seule décision va permettre une économie de 430 millions d’euros entre 2007 et 2009 sur le dos des familles exclues de la PAJE, ce qui ne peut que les faire rager.

Encore plus inquiétant, j'entends dire que la déduction fiscale de 25 % pour les frais de garde de ces mêmes enfants de trois à six ans serait supprimée. Pourquoi cette tranche d'âge devrait-elle être sacrifiée ?

Nous nous en sommes déjà expliqués en commission des affaires sociales, mais je tiens, monsieur le ministre délégué à la famille, à rappeler ici la vive inquiétude de nombreux maires de France à propos des nouveaux critères de financement du plan crèche. Pourquoi pénaliser les maires et les départements les plus dynamiques en matière d'investissement dans les crèches publiques ? Pourquoi ne pas intégrer dans les nouveaux critères le taux d'emploi féminin des communes ? Comment comptez-vous rattraper tous les dossiers gelés au premier semestre ?

Confirmez moi qu'il n'y a aucune intention de soulager quelque trésorerie et qu'au contraire les services mettront les bouchées doubles pour rattraper le retard.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Je vous le confirme !

M. Michel Vergnier. Quel courage !

M. Philippe Auberger. Voilà ce qui s’appelle du service direct à la personne !

M. Pierre-Christophe Baguet. Je vous remercie, monsieur le ministre délégué, mais, même si je reconnais que vos objectifs sont bons et que le retard à combler est important, je ne vois pas comment le plan crèche 2005-2008, qui nécessite, d'après la CNAF, un financement en augmentation de 12 % par an, pourra être tenu avec un financement plafonné à 7,5 %.

M. Gérard Bapt. Bonne question.

M. Pierre-Christophe Baguet. Vous connaissez les attentes très fortes des familles en la matière.

Enfin, toujours dans le registre des interrogations et des inquiétudes, qu'en est-il du déficit cumulé du FSV…

M. Michel Vergnier. Que le ministre confirme aussi !

M. Pierre-Christophe Baguet. ...estimé à 5 milliards d'euros en 2006 ? Quel risque courent les familles ? La ponction sur la branche famille va-t-elle encore s'accroître ?

Une politique familiale est forcément complexe, mais il n’en faut pas moins la définir sur des bases simples : elle doit être indépendante de toute politique sociale ; l'argent public destiné aux familles doit ne bénéficier qu’à elles ;...

M. Hervé Novelli. C’est vrai.

M. Pierre-Christophe Baguet. ...enfin, une politique familiale doit savoir s'adapter aux évolutions des familles.

M. Hervé Novelli. Tout à fait.

M. Pierre-Christophe Baguet. Plusieurs actions engagées par le Gouvernement sont positives, qu’il s’agisse de l'allégement des droits de succession pour les familles modestes,...

M. Hervé Novelli. C’est vrai.

M. Pierre-Christophe Baguet. ...du relèvement du plafond de réduction d'impôt pour les emplois à domicile – grâce à un amendement UDF –,...

M. Philippe Auberger. Tout arrive ! (Sourires.)

M. Pierre-Christophe Baguet. ...de la protection des mineurs s’agissant sur Internet, ou encore de la possibilité offerte à certaines familles de bénéficier du complément de libre choix d'activité à compter du 1er juillet prochain, d’un montant de 750 euros par mois, pour un coût annuel estimé à 140 millions d'euros en année pleine – mesure malheureusement limitée aux familles d’au moins trois enfants.

Je soulignerai également le thème de la prochaine conférence de la famille, qui portera sur la solidarité entre les générations – thème néanmoins révélateur des difficultés rencontrées par les familles les plus démunies – et, enfin, l'allocation de présence parentale, entrée en application le 1er avril dernier et estimée sur le site du Gouvernement à 21 millions d'euros pour 2006, mais à 80 millions d’euros en année pleine, décalage qui me laisse perplexe. Est-ce à dire, monsieur le ministre délégué à la famille, que la mise en place de cette allocation sera très longue ?

M. Jérôme Lambert. Il vous le confirme !

M. Pierre-Christophe Baguet. En revanche, l'UDF conteste le projet d'un livret d'épargne de 150 euros pour les nourrissons. Outre que le coût d’un tel gadget est estimé à 120 millions d’euros, est-il bien raisonnable, pour disposer de 270 euros à dix-huit ans, d'alourdir encore un peu plus la dette de nos enfants qui naissent déjà avec une charge de 18 000 euros sur leur tête ?

D'autres mesures, qui répondraient réellement aux attentes des familles, mériteraient en revanche d'être appliquées. Je citerai, à cet égard, la prolongation de la carte « familles nombreuses » généraliste jusqu'à vingt et un ans et l'extension de son bénéfice pour chacun des enfants jusqu’à vingt et un ans, quel que soit son rang, ainsi que l'augmentation de l'API pour tenir compte du nombre toujours croissant des familles monoparentales, sans oublier – sujet toujours très cher à l'UDF – le libre choix de l'utilisation du congé parental d'éducation jusqu'aux seize ans de l'enfant. Nous avions présenté, avec mes collègues Anne-Marie Comparini et Francis Vercamer, un amendement sur ce dernier point au cours de l’examen du projet de loi relatif à l’égalité salariale entre les hommes et les femmes. Cet amendement, qui avait été adopté en commission, a été rejeté en séance à la demande du Gouvernement de l’époque.

Ces deux dernières mesures seraient pourtant de nature à permettre aux familles de s'adapter au mieux aux évolutions de notre société. Dois-je rappeler, tristement, que le taux de suicide de nos adolescents est l’un des plus élevés d'Europe ?

Pour résumer, je ne partage pas tout à fait votre optimisme quant à l’avenir de la branche famille, avec, d’un côté, des recettes qui restent majoritairement aléatoires ou ponctuelles, telle celle portant sur les vieux PEL, de l’autre, des prélèvements injustifiés qui non seulement sont pérennisés, mais risquent fort d’être augmentés, sans oublier des économies qui s’éteindront bientôt – je pense à celle de 430 millions d’euros réalisée sur le dos de ces enfants de trois à six ans et qui prendra fin en 2009. En outre, il nous faut tenir compte des besoins nécessaires à l’épanouissement des familles.

En conclusion, monsieur le ministre délégué à la famille, on ne peut réduire une politique familiale à la seule natalité. Si la France peut se féliciter du taux de 1,9 enfant par femme – l’un des meilleurs d'Europe –, l'objectif à atteindre reste de 2,1. Aussi convient-il de rassurer encore plus les familles et de faire en sorte qu'un couple avec enfant ne vive pas moins bien qu'un couple sans enfant.

Mais augmenter, d'un côté, les aides ponctuelles pour, de l'autre, accroître les prélèvements obligatoires et creuser ainsi la dette du pays, ne me semble pas relever d'une bonne politique lisible et compréhensible par tous nos concitoyens.

M. Charles de Courson. Très bien !

M. Pierre-Christophe Baguet. L’exercice est difficile, et je vous remercie de vos efforts personnels. Mais le groupe UDF forme le vœu que les lois de finances à venir tiennent davantage compte de cette réalité,...

M. Jérôme Lambert. Nous y veillerons !

M. Pierre-Christophe Baguet. ...comme il espère être davantage entendu.

Je regrette, monsieur le ministre délégué à la famille, de ne pouvoir écouter votre réponse, car je dois impérativement assister dans quelques instants, aux côtés du ministre de la culture et de la communication, à la remise d’une décoration en son ministère, mais je lirai vos propos avec attention. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli.

M. Hervé Novelli. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à la famille, mes chers collègues, le débat d’orientation budgétaire qui nous est proposé aujourd'hui est le bienvenu. Il est bon que nous puissions régulièrement prendre le temps de considérer le passé, le présent et les perspectives. Mais ce débat doit se garder d'osciller entre deux dangers également néfastes.

Le premier serait de céder à un rituel, chaque année, au cours duquel le Gouvernement, quel qu’il soit,...

M. Philippe Auberger. Il y en a des bons et des moins bons…

M. Hervé Novelli. C’est vrai.

...se satisferait de ses résultats ou tenterait d'en masquer les insuffisances, sa majorité lui emboîtant le pas tandis que l'opposition l'accuserait de tous les maux.

Le second danger serait de négliger le présent pour se projeter dans un avenir radieux,...

M. Jean-Pierre Brard. Ah ! Les lendemains qui chantent !

M. Hervé Novelli. ...lequel n'aurait aucune chance de se produire faute de réalisme ou de principes d'action trop souvent démentis par les faits.

M. Didier Migaud. Ça, c’est pour le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État qui fait son retour dans l’hémicycle !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Tous les conseils sont les bienvenus !

M. Jean-Pierre Brard. À condition de ne pas être autiste !

M. Hervé Novelli. Je suis heureux, monsieur le ministre délégué au budget, de vous saluer. Ainsi qu’on vous le fera savoir, je n’ai fait jusqu’à présent que dénoncer les deux dangers qui guettent le type de débat qui nous occupe aujourd’hui.

M. Didier Migaud. En résumé, monsieur le ministre, vous êtes, selon M. Novelli, d’un optimisme béat !

M. Hervé Novelli. Il convient, pour éviter ces deux dangers, de répondre très simplement à une série de questions.

Où en sont les finances publiques ? Force est de reconnaître que la situation…

M. Augustin Bonrepaux. N’est pas brillante.

M. Hervé Novelli. ...n'est pas bonne. La France affiche depuis près d'un quart de siècle un déficit récurrent, lequel nourrit un endettement toujours plus important.

M. Didier Migaud. Eh oui !

M. Hervé Novelli. Ce déficit résulte, pour une large part, de notre incapacité à diminuer le niveau de nos dépenses publiques.

M. Didier Migaud. Pas seulement !

M. Hervé Novelli. Vous avez tous en tête quelques chiffres qui traduisent sa dégradation régulière. L’incapacité de l'enrayer est attestée par le déficit qu’enregistre depuis plus d'un quart de siècle le budget de l'État – il se situe depuis quelques années autour, bon an, mal an, de 45 milliards d'euros, la progression de l'endettement étant aujourd'hui à hauteur de près de 66 % du PIB.

Après avoir répondu à cette première question, il faut nous poser une deuxième question et tenter d'y répondre avec la même sincérité : y aurait-il une loi d'airain,…

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Voilà qui réveille des souvenirs !

M. Hervé Novelli. …pour reprendre un propos d’un auteur disparu mais pas trop regretté…

M. Jean-Pierre Brard. Disparu, mais toujours présent à nos esprits !

M. Hervé Novelli. Y aurait-il donc une loi d’airain qui, partout dans le monde, pousserait à l'augmentation inéluctable du niveau des dépenses publiques et de sa part dans le PIB, sorte de fatalité comme il en existe dans différents domaines ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances. Non !

M. Hervé Novelli. La réponse est non.

Selon une étude de la Banque centrale européenne – citée par la Cour des comptes – qui s'est livrée à une observation des réformes mises en œuvre autour de nous, plusieurs pays ont diminué ce niveau des dépenses dans la production nationale : de 15 points pour l'Irlande et la Nouvelle-Zélande, entre 10 et 12 points pour le Canada, les Pays-Bas, la Belgique, la Finlande et la Suède. Ces pays ont su réduire leurs dépenses en engageant le désendettement. Ces pays ont su aussi réduire les transferts et les subventions.

M. Charles de Courson. Pendant ce temps, nous, nous les augmentions !

M. Hervé Novelli. Après avoir répondu à ces deux premières questions, il nous faut également répondre à une troisième question : nous donnons-nous les moyens de parvenir dans les années qui viennent à un rééquilibrage de nos finances publiques, moyens qui nous ont fait défaut depuis tant d'années ?

Le programme pluriannuel 2007-2009 se fixe des objectifs de redressement ambitieux avec des prévisions de dépenses qui rompent avec les évolutions passées. Nous ne pouvons qu'y souscrire, monsieur le ministre. Mais, pour atteindre ces objectifs, nous ne pourrons échapper à quelques options fondamentales qu'il nous faut approfondir.

À ce propos, je voudrais maintenant m'adresser spécifiquement à vous, monsieur Copé, en tant que ministre de la réforme de l'État. Et d'abord, pour vous remercier. En effet, vous engagez vraiment à la fois la réflexion et l'action sur l'efficience de l'État et sa productivité.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Et voilà !

M. Hervé Novelli. C’est très important. Pour la première fois, on dépasse les mots et on engage vraiment des actions sur la productivité et sur l’efficience.

Aujourd’hui, l'allocation des moyens par rapport aux objectifs est « sous revue », comme on dit, c'est-à-dire observée, étudiée, contrôlée, et ceci par deux méthodes : l’application de la LOLF d’abord, les audits de performances ensuite.

Cela m’amène à formuler quelques remarques.

Le rapport de notre excellent collègue Michel Bouvard sur l'application de la LOLF indique que les choses vont dans la bonne direction, mais qu’elles prennent du retard et que les conséquences qui devront être tirées des enseignements de la LOLF ne prendront effet que dans quelques années – je pense notamment à l’évolution des effectifs.

Bravo, monsieur le ministre, pour la création du site « Forum de la performance » et des audits qui le sous-tendent. Toutefois, je regrette que ces audits soient souvent axés sur la gestion des programmes. Il manque, mais peut-être me démentirez-vous, une remise en cause du bloc des dépenses principales, que l'on s'efforce souvent seulement de limiter.

Cela m’amène à ma réflexion principale : une baisse durable de la dépense publique ne pourra être obtenue, c’est ma conviction profonde, que par une reconfiguration du périmètre de l’État, et non par l’unique recherche de son efficacité. Nous devons définir les missions principales, incontournables par rapport à celles qu'il nous faut déléguer ou supprimer.

C’est, je crois, à partir de cette réflexion sur le périmètre de l’État que nous pourrons engager et fonder une véritable baisse de la dépense publique. Si nous nous contentons de fixer des normes comptables – moins 5, moins 1, moins 10 – nous ne résoudrons pas le problème. C’est à partir d’une réflexion sur les missions de l’État que nous pourrons, je crois, parvenir à une maîtrise durable de la dépense publique.

Redéfinir le périmètre de l’État, c’est un vaste programme qui reste à écrire. Le plus tôt sera le mieux et je souhaite que 2007 et les échéances présidentielles puissent le permettre.

M. Michel Vergnier. Sans doute !

M. Didier Migaud. Comptez sur nous ! (Sourires.)

M. Hervé Novelli. Cette nouvelle orientation devra bien sûr s'accompagner d'un engagement national de désendettement, lequel ne peut être rendu crédible que s’il s’accompagne d’une reconfiguration de l’État. Les relations avec les collectivités locales et la poursuite de la réforme de nos systèmes collectifs de prévoyance et d'assurance sont des compléments indispensables à cette remise en ordre.

Messieurs les ministres, je vous suis reconnaissant de clarifier les enjeux, le poids du passé et les responsabilités politiques dans ce poids du passé.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je vais le faire !

M. Hervé Novelli. Je ne reviendrai pas sur ce qui a été écrit dans les différents rapports qui se sont succédé, y compris le rapport Pébereau. Je citerai un seul chiffre pour situer les responsabilités, dont le président Méhaignerie a bien voulu parler tout à l’heure : 15 milliards d’euros dans le budget de l’État sont liés à l’application des 35 heures.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances. C’est incontestable !

M. Hervé Novelli. Et 15 milliards d’euros, c’est un point de PIB. Il faut garder ce chiffre présent à l’esprit pour fixer les responsabilités et les attribuer correctement.

Mais notre crédibilité à mettre en œuvre des objectifs auxquels tout le monde doit souscrire ne peut s'appuyer que sur une baisse durable de la dépense publique. Les engagements que vous prenez dans ces orientations budgétaires pour 2007, messieurs les ministres, en matière de dépenses et d’effectifs de l’État, contribueront, je l’espère, à conforter la confiance dont nous avons impérativement besoin pour rejoindre le camp des nations qui ont réussi, et elles sont nombreuses, à relever les défis auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Jean-Pierre Brard. Un grand moment !

M. Philippe Auberger. Là, on va tomber bien bas !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Après la stimulation, la simulation !

M. Michel Vergnier. Enfin la vérité !

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre, les orientations que vous annoncez pour l'engagement national de désendettement sont bien insuffisantes.

Nous pouvons être d'accord sur le constat que la dette est excessive et qu'il faut la réduire. Il convient cependant de rappeler que cette dette représentait 56,2 % du PIB en 2001 et 66,6 % quatre ans après. Or ce n'est que maintenant que vous pensez à la réduire à partir de 2007. Une augmentation de la dette de 10 % en quatre ans, c’est un record.

M. Didier Migaud. Eh oui !

M. Augustin Bonrepaux. En cinq ans, le précédent gouvernement avait réduit le taux de chômage de 4 points et avait même réduit la part de la dette dans le produit intérieur brut.

Au cours de l'année 2005, vous avez mis en place la mission Pébereau mais, dès que le rapport a été connu, vous avez fait exactement l'inverse de ce qu'il préconisait. Alors qu’il appelait, fort logiquement, à « ne pas diminuer le niveau global des prélèvements obligatoires pendant la phase de retour à l'équilibre » et que la Cour des comptes fait les mêmes recommandations, vous vous montrez sourds à ces conseils de prudence et vous poursuivez pour 2007 dans la voie des baisses d'impôt sur le revenu, du bouclier fiscal et des crédits d’impôt pour garde d'enfant. Ce sont ainsi 4 300 millions d’euros qui sont dilapidés en pure perte, pour reprendre l'expression du président de la commission des finances.

Ces pertes de recettes, qui se répercuteront les années suivantes, ne peuvent qu'aggraver le déficit avec des effets plus qu'hasardeux sur la croissance et l'emploi. De plus, certaines de ces dépenses fiscales comme le crédit d'impôt pour garde d'enfant ont été augmentées chaque année sans justification depuis 2002, avec des effets d'aubaine et des cadeaux fiscaux exorbitants accordés aux plus aisés.

En poursuivant obstinément dans cette voie, vous faites porter tout l'effort du redressement sur les plus défavorisés et les collectivités locales. Au plus grand nombre, vous demandez des efforts considérables dans tous les domaines : augmentation des charges et des cotisations sociales et réduction des services publics.

Du fait de la diminution des crédits de l’État, la plupart des services publics n'ont plus les moyens de fonctionner correctement. La tarification à l'activité appliquée sans discernement conduit les petits hôpitaux de proximité à l'asphyxie financière.

M. Michel Vergnier. Tout à fait !

M. Augustin Bonrepaux. Les services traditionnels n'ont plus de fiabilité : le courrier connaît des retards de près d'une semaine, les trains ne sont plus à l'heure car le réseau ne permet plus de circuler à une vitesse normale et la SNCF n'a plus les moyens d'assurer l'information et l'accueil.

Quant au réseau de France Télécom, il ne permet même plus aux services de sécurité, de santé, de secours et d'incendie d'être convenablement informés et d'intervenir dans les meilleurs délais. Avec la fermeture de classes maternelles et la suppression de postes d'enseignant, le tableau est complet.

Vous paraissez ignorer, monsieur le ministre, cette réalité des territoires les plus en difficulté, dont vous allez aggraver encore la situation par vos orientations toujours plus inégalitaires.

Mais il y a plus grave : c'est tout l'avenir que vous compromettez puisque vos coupes budgétaires portent surtout sur l'investissement.

L'investissement public a diminué et ne représente plus en 2005 que 6 % des dépenses publiques, et vous allez le réduire encore.

Les contrats de plan sont en panne, comme le confirme la Cour des comptes dans son rapport de février, et ce n'est pas en quelques mois, même si vous voulez en donner l’illusion, que se rattrapera le retard accumulé depuis quatre ans.

Il n'y a plus de crédits pour l’aménagement du territoire, pas même pour les projets créateurs d'emplois. Un exemple éloquent : les crédits affectés aux monuments historiques en Midi-Pyrénées ont été divisés par dix et ne représentent même par le tiers de ceux qui sont gaspillés pour l'introduction de l’ours.

M. Jean-Pierre Brard. Il fallait s’attendre à voir l’ours pointer le bout de son museau ! (Sourires.)

M. Augustin Bonrepaux. Dans le même temps où vous avez transféré la charge des routes aux départements, vous avez amputé les crédits de la dotation globale d’équipement d'une centaine de millions et vous osez parler dans vos indicateurs d’une évolution du volume des investissements des départements soutenus par la DGE comparée à l’évolution de la formation brute de capital fixe. Vous voulez attribuer les investissements des départements à votre action alors que la part de la DGE devient dérisoire. En réalité, vous obligez les collectivités locales à augmenter leurs impôts pour corriger vos erreurs. Pourtant, les collectivités locales ne sont nullement responsables du déficit. Quand elles empruntent, c’est uniquement pour investir.

Pendant que vous vendez les actifs et que vous procédez, comme l’explique l’INSEE, à une destruction de valeur de notre patrimoine national, ce sont les collectivités locales qui soutiennent la croissance et l'emploi et qui accroissent la valeur de notre patrimoine par leurs investissements, puisque leurs investissements représentent 69,4 % des investissements publics.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, une seule conclusion s’impose : il est temps que notre pays change de politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Cela a le mérite de la clarté !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Et ça, ce n’est pas de la méthode Coué peut-être ? Ce n’est pas encore cette année que nous vendrons une carte de l’UMP à M. Bonrepaux !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, un véritable débat sur les orientations budgétaires suppose de réfléchir aux choix stratégiques pour la société française, par exemple au type de croissance souhaité ou à la place du travail dans notre société. En effet, le budget et les finances publiques sont des instruments qui devraient être orientés et formatés pour servir ces objectifs.

Malheureusement, ce type de débat sur les objectifs sociétaux est largement absent depuis quatre ans, et remplacé par l'affichage de mesures souvent commandées par l'actualité et suscitant des lois de circonstance orientées par des considérations idéologiques. Le contrat « première embauche », censé répondre à la crise des banlieues, et la fusion GDF-Suez, face aux projets d'ENEL, en sont deux exemples récents.

Cette prédominance du court terme dans la politique gouvernementale n'exclut pas l'existence de quelques axes majeurs que votre politique porte, la vôtre en particulier, monsieur Copé, vous qui êtes l’un des idéologues du régime – enfin, de ce qu’il en reste, parce que c’est comme dans les régimes de bananes un peu passés, les bananes ne sont pas toutes consommables. Et cette politique a des conséquences qui risquent de s’inscrire dans la durée.

La réalité est singulièrement différente de celle que vous affichez. Que dit M. Breton, qui délivre sa sainte parole par ailleurs, ce qui est fort fâcheux ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Cette remarque est désobligeante à mon égard. Je pensais que ma présence vous réjouissait.

M. Jean-Pierre Brard. Elle n’est pas désobligeante à votre égard parce que, je vais vous le dire, vous êtes beaucoup plus habile que lui, donc plus redoutable au fond.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. De quoi vous plaignez-vous alors ? Vous devriez être content !

M. Jean-Pierre Brard. Je constate simplement que M. Breton fuit la confrontation.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Non, il me fait confiance.

M. Jean-Pierre Brard. Il nous a dit ce matin que ses orientations budgétaires avaient un caractère « historique », « exceptionnel », « essentiel » – je cite ses propres adjectifs –, avec de bons résultats pour le premier trimestre, une « excellente dynamique » qui justifie sa confiance. À l’en croire, il faudrait baigner dans la béatitude. M. Breton plane sur son nuage duveteux !

Vous êtes, vous, à Meaux, plus prêt du réel, à la différence de Thierry Breton, qui ne franchit que rarement le boulevard périphérique. Vous êtes plus habile, car vous avez l’habitude de rencontrer les électeurs et, ce qui n’a jamais non plus été le cas du ministre de l’économie, vous vous êtes soumis à leur verdict à plusieurs reprises.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances. Avec un grand bonheur !

M. Jean-Pierre Brard. Vous préférez donc parler de « contexte inédit », d’« outils nouveaux ». Il faut l’avoir entendu pour le croire, mais vous n’avez qu’une obsession : rendre un meilleur service public au Français. Ceux qui, comme moi, sont plutôt des adeptes de saint Thomas et qui croient ce qu’ils touchent plutôt que ce qu’ils entendent, savent bien que cela n’est que discours de tribune.

Quatre ministres nous ont assommés ce matin avec des discours inégalement intéressants, parmi lesquels le vôtre était certainement le plus habile.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous n’étiez pas obligé de venir !

M. Jean-Pierre Brard. Vous nous avez dit entre autres que vous aviez prévu, dans la loi de finances pour 2007, d’augmenter les crédits de la gendarmerie et de la police nationale.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous êtes contre la sécurité ?

M. Jean-Pierre Brard. Parlons-en ! Parlons de l’efficacité du service public que vous recherchez ! Votre ami – encore faudrait-il que vous confessiez un jour s’il l’est vraiment –, Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur, est, lui, paraît-il, obsédé non par la qualité du service public, mais par la sécurité. Mais, sous son règne, la délinquance est repartie à la hausse, et une ville comme Montreuil a vu ses effectifs de fonctionnaires de police diminuer de 20 %.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Mais non !

M. Jean-Pierre Brard. Mais si ! Vous connaissez peut-être la situation de Meaux, mais vous me permettrez de penser que je connais celle de ma ville. Votre gouvernement a détruit la police de proximité et le rapport privilégié qui s’était peu à peu établi entre les fonctionnaires de police et les citoyens. Et vous voudriez, après cela, nous faire croire que votre première préoccupation est de rendre un meilleur service public aux Français ! Ce n’est pas la réalité.

Ce qu’il faudrait, c’est renforcer la cohésion de notre société par une meilleure intégration des populations des quartiers d’habitat social, notamment les populations issues de l’immigration. Cet objectif hautement stratégique a pourtant été complètement délaissé depuis 2002, mais il est vrai que le ministre que je citais préfère faire usage du Kärcher. Vous avez réduit silencieusement, mais d’une façon drastique, les subventions destinées aux associations qui agissaient dans ces quartiers au quotidien, avec discrétion mais efficacité, en accomplissant un travail remarquable.

La vague de révolte de novembre dernier a remis brutalement dans l'actualité la situation de crise sociale à laquelle sont confrontés ces quartiers. Alors, dans l'urgence et la précipitation, une partie de ces subventions a été rétablie, mais le mal était fait : le lien social difficilement tissé par ces associations avait été détruit. Reconstruire ce qu’avec cynisme vous avez laissé se déliter sera très difficile, et les difficultés seront les mêmes à Meaux qu’à Montreuil.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Non : c’est tenu, à Meaux !

M. Jean-Pierre Brard. Sans doute parce que l’aiglon voit la situation de haut !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je vous ai envoyé les douaniers !

M. Jean-Pierre Brard. Ne mélangez pas les genres ! Mais, puisque vous en parlez, pourquoi ne donnez-vous pas, vous qui promettez des créations de postes, davantage de moyens aux douaniers et aux services compétents de votre ministère pour combattre la fraude et éradiquer la mafia russe qui achète villas et propriétés somptueuses dans l’arrière-pays niçois ? Pour cela, il faudrait non pas renforcer les compétences, déjà grandes, de ces services, mais leur donner des moyens. Comment voulez-vous combattre la petite délinquance quand vous laissez prospérer une mafia perverse ?

Je suis donc très content d’accueillir à Montreuil les douanes nationales, parce que c’est un grand service de l’État. J’espère simplement que vous allouerez aux douaniers les moyens leur permettant de donner toute la mesure de leur talent et de leurs compétences.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Enfin un mot gentil !

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez fait des économies budgétaires qui coûtent très cher à notre pays ! Vous n’avez pas d’ambition pour le pays ni pour notre peuple. La réflexion sur les objectifs qui ont vocation à commander les orientations budgétaires est handicapée par l'inadaptation des principaux outils statistiques aux réalités et aux besoins de notre époque.

La Cour des comptes, sous la houlette de son premier président, Philippe Séguin, évoque cette question dans son Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques. Ce dernier souligne, à propos de notre système de comptabilité nationale, qu’ « il ne comprend pas les passifs implicites ; il ignore bon nombre d'actifs ayant une utilité sociale, mais qui ne sont pas valorisés faute d'une valeur marchande de référence ; peu d'actifs incorporels sont recensés ; enfin, il se fonde sur une notion d'actif restrictive, excluant la plus grande partie du capital immatériel » – et la Cour détaille : « éducation, recherche, santé ». Autant dire, messieurs les ministres, que l'on passe à côté d'éléments essentiels.

Dans ce domaine, on voit donc que nous travaillons en quelque sorte à l'aveugle.

S'agissant du produit intérieur brut et de son mode de calcul, c'est pire encore puisque nous touchons là au contresens !

En effet, le PIB, qui est aujourd'hui une boussole économique et financière, est un « indicateur d'un monde infini », comme le définissent Jean-Marc Jancovici, ingénieur-conseil, et Alain Grandjean, économiste, dans leur ouvrage Le plein, s'il vous plaît. Je cite leur diagnostic à ce sujet : « Nous pouvons dire que les instruments qui nous permettent de scruter la bonne santé des sociétés humaines, à savoir la comptabilité et la comptabilité nationale, après avoir longtemps été “vrais”, sont devenus “faux”. Ils sont incapables de tenir compte de dégâts futurs, et donc incapables d'intégrer une évaluation sensée des dommages que nous subirons demain du fait de nos actes d'aujourd'hui. Cela n'est pas propre à la France : tous les pays industrialisés ont adopté le même indicateur (le PIB) pour en faire l'étalon-or de l'état du monde. [...] Ne comptant que ce que nous gagnons aujourd'hui, sans prendre en compte ce que nous devrons demain, le culte du PIB nous fait prendre nos désirs pour des réalités. De ce fait, les conséquences économiques de notre aveuglement actuel risquent d'être bien plus douloureuses que prévu. L'évolution en cours, si rien de sérieux n'est fait, a toutes les chances de conduire à des crises économiques majeures aux conséquences sociales et politiques franchement désagréables, qui au passage enverront valser le PIB dans les poubelles de l'histoire économique. »

Ce type de réflexion n'est pas vraiment nouveau, mais ces problèmes deviennent de plus en plus aigus avec le temps, et nous ne pourrons pas continuer bien longtemps à regarder ailleurs pendant que la maison brûle, selon la formule célèbre du Président de la République.

Il est d'ailleurs instructif de constater que l'opinion ressent le caractère abstrait et décalé du PIB par rapport à l’évolution réelle de ses conditions de vie, ainsi que le montre la stabilité, en France, entre 1973 et 2003, de l'indice de satisfaction de vie, conçu par l'université Erasmus de Rotterdam, tandis que le PIB augmentait de plus de 70 %.

Pour en revenir à la gestion gouvernementale, la politique conduite depuis 2002 n'est cependant pas dépourvue d'objectifs, même s'ils sont autant que possible dissimulés ou maquillés, car peu avouables devant nos concitoyens. Dans la maîtrise de l’illusion, vous êtes un maître, monsieur Copé, et nous avons eu l'occasion de dénoncer tous ces subterfuges au fil des débats parlementaires : réduction du rôle et des moyens de l'État, démolition de la protection sociale – en particulier dans le domaine des retraites et de la santé –, dégradation des services publics, maximisation des profits, cadeaux fiscaux pour les ménages les plus aisés et pour les grandes entreprises, alourdissement des prélèvements obligatoires pesant sur les foyers modestes, répression accrue contre l'action syndicale et les mouvements sociaux, démantèlement des réformes sociales mises en place durant la précédente législature, marchandisation de la culture.

Les cadeaux ainsi consentis aux privilégiés ont évidemment un coût pour les finances publiques. Pour assurer les fins de mois, le Gouvernement a liquidé de nombreux actifs du secteur public et privatise tout ce qui peut l'être : autoroutes, aéroports, EDF, pour ne citer que quelques exemples récents. Or il faudra bien, monsieur le ministre, réintégrer tout ce que vous avez bradé au cœur du patrimoine de la nation.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nationaliser !

M. Jean-Pierre Brard. Mais qui vient de proposer de nationaliser Suez ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je n’ai rien entendu de tel !

M. Jean-Pierre Brard. Lisez donc les gazettes ! Vous découvrirez que Nicolas Sarkozy, dont Pierre Méhaignerie est un proche, tout comme Hervé Novelli, a eu cette idée parce qu’à un moment donné le réel s’impose à tous. Mais, comme vous êtes un idéologue, vous poursuivez vos objectifs sans tenir compte du réel.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Et c’est un post-communiste qui me dit cela !

M. Jean-Pierre Brard. Tout à l’heure, Hervé Novelli faisait appel à la mémoire d’un grand intellectuel qui a marqué l’histoire du XIXe et du XXe siècles et dont les analyses économiques continuent d’inspirer les grands esprits d’aujourd’hui. Comme il le disait, « la preuve du pudding, c’est qu’on le mange ». Et, de ce point de vue, monsieur Copé, le réel est là. Il faudra que la nation se réapproprie ce que vous avez bazardé ! Avec quel argent, demandiez-vous tout à l’heure ? Mais en augmentant les impôts, bien sûr !

M. Michel Bouvard. Enfin un discours de vérité !

M. Jean-Pierre Brard. Il faut prendre l’argent quelque part. Vous avez parlé des couches moyennes, mais la conception que vous en avez n’est pas la nôtre. Il s’agit pour vous de Mme Bettencourt, de Bernard Arnault, de Gérard Mulliez, de François Pinault, de Serge Dassault, de Jean-Louis Dumas ou de Robert Halley. Et encore certains « pauvres » ne figurent-ils pas dans cette liste ; je vais vous donner quelques noms au hasard…

M. le président. Rapidement, parce qu’il vous faut conclure, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Il y a M. Forgeard et M. Lagardère, à qui vous avez fait des cadeaux et qui, avec cet argent, celui du capital de nos entreprises, jouent au Monopoly. C’est à cela qu’il faut mettre un terme.

Il faut que le travail soit mieux rémunéré, que l’impôt joue à nouveau son rôle et qu’il redevienne progressif, ce que vous avez largement altéré. Il y a de l’argent dans le pays ! Il y a de l’argent qui permettrait de soutenir des politiques rendant l’espérance à notre peuple, mais encore faut-il en avoir le courage politique ! Cela dit, monsieur Copé, puisque vous avez participé au programme « Alternance 2002 », vous savez que vous avez parfaitement atteint votre objectif, à savoir remplir les coffres-forts des privilégiés en plumant les plus modestes, en prenant dans leurs poches leurs quelques sous. Il est vrai que les pauvres sont les plus nombreux et, en les tondant comme vous l’avez fait, vous avez fini par ramasser des sommes relativement importantes qui ont alimenté la spéculation contre l’intérêt national.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances. M. Brard se renouvelle !

M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2007 qui nous est annoncé poursuit trois objectifs principaux : diminuer l’endettement public – le ratio de la dette publique par rapport au PIB serait ramené de 66,6 % en 2005 à 64,2 % en 2007 – ; réduire le niveau du déficit public, actuellement de 2,9 % du PIB, pour le ramener à 2,6 % en 2007 ; enfin, ralentir sensiblement la progression des dépenses publiques de l’État, puisque celles-ci progresseraient de un point moins vite que l’inflation en 2007, ce qui ramènerait la progression en valeur à 0,8 %.

Ces objectifs, certains d’entre nous les réclamaient depuis plusieurs années. Nous ne pouvons donc que les approuver entièrement. Le rapport commandé par le Gouvernement au groupe de travail présidé par M. Michel Pébereau a bien mis en évidence les dangers d’une progression trop rapide de la dette publique au regard tant des marges de manœuvre du budget que de la charge infligée aux générations futures. Un retour aussi rapide que possible – le Gouvernement l’annonce pour 2009 ou 2010, en fonction du rythme de croissance – au-dessous de la cote d’alerte de 60 % du PIB est donc indispensable.

Par ailleurs, nous devons féliciter le Gouvernement de maintenir les grandes orientations en ce qui concerne les dépenses privilégiées par rapport à celles des quatre années précédentes et de garder ainsi le cap s’agissant des dépenses publiques de cette législature en confirmant l’effort qui est fait pour la sécurité, la justice, la recherche, l’enseignement supérieur et l’aide au développement.

En bref, le projet de budget prévu garde le cap et marque les infléchissements nécessaires. En cela, il constitue un contraste aveuglant avec le programme du parti socialiste, qui nous annonce des dépenses à tout-va. Peu importe d’ailleurs que le chiffrage de ces dépenses soit de 50 milliards, comme le prétend M. Strauss-Kahn, ou de 110 milliards, comme le dit le ministre du budget. Ce qui est marquant, c’est que l’on annonce au minimum un doublement, voire un triplement du déficit budgétaire ! Est-ce vraiment le moment compte tenu de la situation des finances publiques, de l’évolution de la conjoncture et de la difficulté à dépasser le cap de 2 % de croissance ? On avance maintenant une hypothèse à 3 %, mais c’était déjà celle de M. Jospin il y a quatre ans, et l’on a vu ce qu’il en est advenu !

M. Jean-Pierre Brard. Ce matin, c’était celle de Thierry Breton !

M. Philippe Auberger. Ce projet de budget pour 2007 marque ainsi une différence très nette avec ce que nous propose le parti socialiste. Il se caractérise par la clarté des choix budgétaires, ce qui est souhaitable sur le plan politique. Néanmoins, certains points méritent d’être approfondis et certaines notions doivent être affinées.

La première notion qui apparaît dans le rapport que vous nous avez transmis, monsieur le ministre, est celle de déficit stabilisant : quel est le niveau des déficits en dessous duquel l’on arrive à stabiliser le poids de la dette publique par rapport au PIB ? C’est une notion importante dans la situation actuelle, puisque chacun a conscience qu’il faut d’abord stabiliser la dette avant de pouvoir la faire baisser, notamment avant qu’elle soit en dessous de 60 % du PIB. Cela dit, dans un rapport de l’année dernière, le Sénat, sous la plume de Paul Girod, indique que ce déficit stabilisant est à 2,4 % alors que le premier président de la Cour des comptes l’a évalué à 1,7 % la semaine dernière.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances. Il n’a pas les mêmes hypothèses, c’est tout !

M. Philippe Auberger. Justement, il faut s’entendre sur les hypothèses, la méthode de calcul, et disposer de notions comparables, sinon nous ne pourrons pas discuter. Le choix doit être clair et démocratique. Le ministre de l’économie, quant à lui, interrogé par mes soins sur ce point, établissait ce déficit à 2,5 % alors que le rapport qu’il nous avait distribué sous forme ronéotypée le même jour le fixait à 1,9 %, chiffre passé à 2 % dans la version imprimée qui nous a été distribuée il y a deux jours.

M. Michel Bouvard et M. Charles de Courson. C’est vrai !

M. Philippe Auberger. De 2,4 %, nous sommes ainsi passés à 1,7 %, à 2,5 % et à 1,9 %, pour finir à 2 % ! Monsieur le ministre délégué au budget, il faut, pour la présentation du projet de budget de 2007, que vous nous présentiez, dans le rapport économique et financier, une notion cohérente et claire, une méthode de calcul indiscutable et des valeurs qui ne soient pas discutables !

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur de la commission des affaires cultuelles, pour les recettes et l’équilibre général de la loi de financement de la sécurité sociale. Ça, c’est vrai !

M. Jean-Pierre Brard. Absolument !

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances. L’important, c’est que cela soit inférieur à 3 % !

M. Philippe Auberger. C’est en tout cas un élément qui nous manque et nous ne pouvons donc pas bien discuter.

Cela dit, je voudrais attirer votre attention sur trois autres points.

D’abord, même si le ratio de la dette publique par rapport au PIB revient en dessous de 60 %, ce qui est souhaitable, ce chiffre est arbitraire.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. C’est vrai !

M. Philippe Auberger. Notre objectif doit être, à court terme, de faire en sorte que l’endettement public serve à financer les investissements publics civils du budget de l’État et rien d’autre !

M. Michel Bouvard et M. Charles de Courson. Très bien !

M. Philippe Auberger. De ce fait, aucune dépense de fonctionnement ne sera financée par la dette publique. C’est une règle qui est appliquée partout, notamment dans les collectivités locales, et elle doit s’imposer. Nous avions d’ailleurs demandé à nos collègues socialistes, quand ils étaient dans la majorité, d’inscrire cette règle d’or dans la LOLF.

M. Charles de Courson. C’était un amendement « de Courson », qui a été repoussé !

M. Philippe Auberger. Malheureusement, cette demande a été repoussée. C’est un tort. Il faut affirmer une bonne fois pour toutes que les dépenses de fonctionnement ne sont pas des instruments d’action conjoncturelle. Les seuls éléments d’action conjoncturelle, ce sont les dépenses d’investissement.

M. Charles de Courson. Très bien !

M. Philippe Auberger. Ensuite, le rapport de la Cour des comptes a justement indiqué que les dépenses fiscales étaient de plus en plus importantes et amputaient nos recettes fiscales de façon très sensible – de l’ordre de 20 %. Il faut donc absolument parvenir à les maîtriser. Dans le cadre du groupe de travail qui préparait la LOLF, j’avais à l’époque demandé à M. Fabius de préciser dans la loi organique que toute dépense fiscale devait figurer dans une loi de finances et qu’il n’était pas question de distribuer les dépenses fiscales dans tous les projets de loi. Malheureusement, on assiste au contraire à leur prolifération. Pas plus tard que la semaine dernière, en lisant l’un de mes quotidiens habituels, j’ai constaté, monsieur le ministre délégué au budget, que le Sénat avait créé une nouvelle dépense fiscale pour l’aide aux pays en voie de développement dans la loi sur l’immigration. Je ne conteste pas le bien-fondé d’une telle dépense, dont je ne connais d’ailleurs pas tous les termes puisque nous n’avons pas encore le rapport de la commission mixte paritaire, mais j’estime qu’elle n’a pas sa place dans une loi sur l’immigration.

De plus, ces dépenses fiscales ne sont jamais correctement évaluées au départ et, si l’on n’y prend garde, elles sont créées pour une période indéfinie. Je propose donc que l’on applique deux règles simples, monsieur le ministre : d’abord, qu’aucune dépense fiscale ne soit créée si sa durée n’est pas limitée à cinq ans ;…

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Absolument !

M. Philippe Auberger. …ensuite, qu’il ait été procédé à au moins deux évaluations successives a posteriori de ses effets et de son coût si l’on veut instituer à nouveau une telle dépense au bout de cinq ans.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Tout à fait !

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur de la commission des affaires cultuelles, pour les recettes et l’équilibre général de la loi de financement de la sécurité sociale. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances. Il faut aussi que la durée d’application soit inscrite en loi de finances !

M. Michel Bouvard. Uniquement en loi de finances !

M. Philippe Auberger. Naturellement, je maintiens la demande, que j’avais faite dès 1998, de les inscrire de préférence en loi de finances.

M. Michel Bouvard. Évidemment !

M. Philippe Auberger. Ma dernière remarque concerne les prélèvements sur recettes, qui ont parfois été décriés par la Cour des comptes, mais qui sont conformes à notre droit budgétaire. C’est incontestable. Il y a néanmoins une dérive dans ce domaine, qu’il s’agisse des dotations pour les collectivités locales, des transferts vers la protection sociale ou du prélèvement européen. Ces prélèvements sur recettes progressent plus vite que la dépense publique elle-même, ce qui est extrêmement préoccupant. Les choix que nous faisons en matière de dépenses publiques sont donc amputés, en quelque sorte, du fait d’une progression trop rapide de ces prélèvements, dont il faut limiter l’évolution et qu’il faut afficher avec beaucoup plus de clarté.

En conclusion, avec la réduction du déficit, de l’endettement et un ralentissement très net des dépenses publiques, le projet de budget de 2007 est volontariste. Par ailleurs, il est courageux, car nous courions deux périls : l’immobilisme – pourquoi bouger les choses en année électorale ? – ou la démagogie et la débauche de la dépense, travers dans lesquels certains collègues de l’opposition sont facilement tombés.

M. Gérard Bapt. Mais non !

M. Philippe Auberger. Ce bon budget, qui sera le dernier de la législature, s’annonce offensif et, surtout, politique au sens plein du terme. Nous le voterons donc avec enthousiasme le moment venu. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Merci !

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, dernier orateur inscrit.

M. Gérard Bapt. Quel contraste, messieurs les ministres, entre vos discours, que nous avons longuement écoutés ce matin,…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Et les vôtres ?

M. Gérard Bapt. Monsieur le ministre délégué au budget, moi, je ne dispose que de cinq minutes ; ne m’interrompez pas.

Quelle différence, disais-je, entre vos discours et la lecture du rapport de la Cour des comptes, petit livre non pas rouge, mais rouge et bleu !

Pour parler des comptes sociaux, puisque M. Migaud a déjà évoqué le problème des déficits et des dettes, et que M. Le Guen s’est attardé sur ceux de la sécurité sociale, sur lesquels il vous a posé plusieurs questions, je me contenterai, monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, de vous interroger sur vos orientations en matière de budget et de gestion pour l’année qui vient.

Quel état des lieux ! J’entendais ce matin votre discours satisfait concernant les bonnes tendances, la pente que nous suivions, la réduction des déficits ainsi que les résultats satisfaisants.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Il faut savoir être objectif !

M. Gérard Bapt. Moi, je regarde la prévision réactualisée des comptes du régime général pour l’année 2006, tels qu’ils ressortent de la commission des comptes de la sécurité sociale, qui vient de se réunir. Les trois principales branches du régime général se retrouvent désormais profondément dans le rouge.

La première mauvaise nouvelle vient de l’assurance maladie, dont le déficit, contrairement à ce que vous avez prétendu, ressort à 6,3 milliards d’euros au lieu des 6,1 attendus. Les services du ministère de la santé s’attendaient à une bonne surprise due à des recettes meilleures que prévues, du fait d’une légère augmentation de la masse salariale et d’un bonus conséquent constitué par les prélèvements sociaux sur les plans d’épargne logement de plus de dix ans. Mais cet avantage a été noyé dans la masse des économies programmées et non réalisées.

À titre d’exemple, je vous ai entendu vous réjouir ce matin, vous ou M. Bertrand, d’une amélioration, au cours des deux derniers mois, imputable à la baisse du prix des génériques. Mais la comparaison portait sur les chiffres de la fin de l’année dernière ou du début de l’année 2006, où la baisse des prix attendue d’un transfert vers les génériques d’un certain nombre de molécules avait été retardée, puisque les pharmaciens écoulaient en début d’année leurs stocks de boîtes dont les vignettes affichaient l’ancien prix. Autant dire que la décélération actuelle n’est pas due à une maîtrise médicalisée, même si le transfert vers les génériques est en soi une bonne chose.

Le dérapage s’explique aussi largement par la branche vieillesse, qui creuse son déficit, avec un solde négatif de 2,2 milliards d’euros, contre une estimation initiale de 1,4 milliard. L’assurance vieillesse voit également la première classe d’âge du papy boom, celle de 1946, arriver à la retraite. Les liquidations seront donc très nombreuses cette année et l’an prochain. Et ce n’est qu’un début. Dans son supplément économique, Le Figaro, pour citer un journal qui doit faire autorité auprès de vous, indique que la gestion des finances publiques promet de donner du fil à retordre au Trésor dans les prochaines années. Selon l’agence de notation Standard and Poor’s, les obligations de l’État français auront perdu leur prestigieuse notation triple A dès 2020 et risquent même de dégringoler par la suite.

La branche famille voit également ses comptes se dégrader, à 1,5 milliard d’euros au lieu de 1,2 inscrit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Hier soir, au Sénat, vous avez fait voter un projet concernant la protection de l’enfance, sûrement bienvenu, mais que vous allez financer une fois de plus par transfert vers la sécurité sociale, alors que la protection de l’enfance correspond à un engagement de l’État.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Non : ce sont les départements qui la paieront.

M. Gérard Bapt. La branche accidents du travail est la seule qui reste en rapport avec les prévisions. Le déficit du fonds de solidarité vieillesse n’atteindra que 1,3 milliard d’euros. Au total, donc, avec son solde négatif de 10,3 milliards prévu en 2006, le régime général fait à peine un peu mieux que les années précédentes. Voilà donc quatre ans que le déficit du régime général est stagnant. Ce chiffre est bien entendu à comparer avec le déficit de l’ensemble des administrations de sécurité sociale, masqué par le transfert de la soulte des IEG, mais qui, hors soulte, est resté supérieur à 10 milliards d’euros en 2005, soit 0,7 % du produit intérieur brut.

J’aimerais vous poser trois questions.

Tout d’abord, aux termes du dernier PLFSS, la CADES peut reprendre 6,7 milliards de déficit du régime général en 2006. Or le déficit sera supérieur à 11 milliards d’euros. Comment allez-vous traiter les 4 à 5 milliards de déficit supplémentaires ? Allez-vous les transférer ? J’ajoute que l’augmentation de la CRDS, décidée par votre majorité, imposera un prélèvement supplémentaire.

Ma deuxième question porte sur la réponse que vous allez donner à la CNAM, qui, en vous proposant pour 2007 une évolution nationale de l’ONDAM historiquement basse, à 2,4 % seulement, vous demande néanmoins près de 2 milliards de recettes nouvelles. Quel est, monsieur le ministre, votre orientation à cet égard ?

Qu’en est-il, enfin, de vos orientations concernant la poursuite de la réforme hospitalière ? Après le rapport de l’IGAS, qui a réclamé un moratoire de la réforme de la T2A, c’est la Cour des comptes qui a récemment crié « casse-cou » devant la MECSS en rendant son rapport. Ne croyez-vous pas qu’il faille aujourd’hui non seulement un moratoire à cette réforme, mais aussi un gel de la fongibilité entre le secteur public et le secteur hospitalier privé ? L’inverse conduirait en effet à des déséquilibres extrêmement graves, qui iraient à l’encontre de l’objectif d’amélioration de la qualité des soins et de la réduction des inégalités territoriales que vous affichez.

Je vous remercie de bien vouloir répondre à ces trois questions précises. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les députés, je remercie chacun des orateurs qui se sont succédé à cette tribune pour la qualité de leurs interventions, qui nous ont permis d’avoir, pour la première fois dans cet hémicycle, un débat embrassant l’ensemble des enjeux de nos comptes publics, qu’ils soient sociaux ou budgétaires.

Les finances sociales sont sur la voie du redressement, en particulier pour l’assurance maladie, comme l’a souligné M. Fagniez, que je remercie.

Vous m’avez interrogé sur deux points, monsieur le rapporteur.

Le premier concerne la réforme du financement de la sécurité sociale. Elle se prépare en deux temps. Après une phase d’expertise au niveau des administrations, qui s’est terminée au mois de mai, nous en sommes maintenant à la phase de concertation, que nous avons confiée au Conseil d’orientation pour l’emploi et au Conseil d’analyse économique. Naturellement, la représentation nationale est associée à ces réflexions, ainsi que les partenaires sociaux, l’Assemblée nationale étant représentée par M. Alain Joyandet et M. Jean Le Garrec. Il appartiendra au Parlement, le moment venu, de se prononcer sur le projet de réforme.

Le second point concerne l’information sur les finances sociales. Nous en avons discuté, il y a deux jours, à la conférence sur les finances publiques. À compter du début 2007, nous publierons trimestriellement des informations sur les dépenses de chaque branche. Il nous faut en effet un petit délai pour préparer ce dispositif.

Le président Dubernard a signalé le redressement des comptes. Nous partageons son souci de sauvegarder ce pilier essentiel de notre pacte collectif qu’est la sécurité sociale. Je tiens également à souligner combien nous sommes sensibles, dans notre action, aux travaux de la MECSS et à la qualité des rapports qu’elle a rendus, notamment de celui de M. Jean-Pierre Door sur la gestion des caisses de sécurité sociale. La convention d’objectifs et de gestion avec la Caisse nationale d’assurance maladie s’inspirera directement de vos recommandations.

M. Dubernard a également évoqué, comme M. Carrez, le problème de la compensation et des relations financières entre l’État et la sécurité sociale. Je vous confirme que le Gouvernement sera attentif au respect de la compensation intégrale des exonérations de charges. Si M. Carrez a paru estimer que le budget de l’État ne sera pas en mesure de faire évoluer ces dotations de compensation pour qu’elles respectent le principe fixé par la loi depuis 1994, je lui rappelle que la sécurité sociale est encore moins en situation de prendre à sa charge la politique de l’emploi, qui est naturellement à celle de l’État. C’est pourquoi il importe tant que la compensation soit garantie à l’euro près dans les années à venir, comme le souhaite Jean-Pierre Door, et comme nous l’avons inscrit récemment dans les textes.

Monsieur le président de la commission des finances, vous avez souligné, comme M. Mariton, l’importance des marges de productivité existantes, ainsi que la nécessité de procéder à des simplifications de nos dispositifs. Dans le domaine des finances sociales, ces préoccupations nous animent très directement. Je souligne les efforts que nous demandons aux caisses de sécurité sociale dans le domaine de la mutualisation et de la rationalisation, tout en veillant à l’amélioration de la qualité du service public. Tel est le but que nous poursuivons à travers la négociation et la mise en œuvre des conventions d’objectifs et de gestion.

J’indique, pour répondre à M. Pierre-Christophe Baguet, que le financement de 10 % des majorations de pension pour les parents de plus de trois enfants, qui incombe en partie à la Caisse nationale des allocations familiales, lui revient naturellement, puisqu’il s’agit d’un élément très important de notre politique familiale. Pour ce qui est de la prestation d’accueil du jeune enfant, nous avons pris pour 2006 des mesures de bonne gestion, qui ne privent aucune famille des prestations dont elle bénéficie actuellement. Ces mesures étaient nécessaires, compte tenu de la situation des finances de la branche famille.

Enfin, s’agissant des nouveaux critères de financement du plan crèches, je veux là aussi clarifier les choses. Les nouveaux critères ont été prévus pour maîtriser l’évolution de nos dépenses, tout en accélérant le plan de construction de places en crèche, priorité de notre politique.

À M. Gérard Bapt, qui a cité le rapport de la commission des comptes, je rappellerai simplement quelques chiffres. Alors que l’objectif de dépenses atteignait le taux de 7,2 % en 2002 et de 6,2 % en 2003, nous avons ramené cette progression à 4,9 % en 2004, à 3,9 % en 2005 et nous serons à 2,5 % en 2006. Or à quoi imputer les déficits, sinon à l’envolée des dépenses ? Celle-ci a eu lieu entre 1997 et 2002. Nous y avons mis fin en créant les conditions d’un retour à l’équilibre, ce qui doit être naturellement notre objectif, si nous voulons préserver, en France, un haut niveau de protection sociale. Telle est justement l’ambition du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, au terme de ce débat très intéressant sur nos orientations budgétaires, je souhaite apporter quelques commentaires et répondre aux orateurs qui se sont exprimés tout au long de la journée.

Commençons par vous, monsieur le président de la commission des finances, que je veux sincèrement remercier.

Je sais combien, pour vous comme pour moi, les mots ont un sens. Vous avez qualifié nos orientations budgétaires de « solides » et de « sérieuses ». Venant de la part du président Pierre Méhaignerie, ce n’est pas rien. Le fait que nos orientations budgétaires soient ainsi qualifiées par vous est pour moi une puissante motivation. Tout l’été, pendant que nous préparerons le budget, je conserverai en tête l’idée que vous avez jugé notre travail préliminaire « solide » et « sérieux ».

M. Jean-Pierre Brard. C’est l’extase !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Cela veut dire, en clair, que nous avons élaboré une feuille de route très largement axée sur la maîtrise de la dépense. Gageons que, pendant les années qui viennent, nous aurons à cœur, les uns et les autres, de travailler sur ce thème. D’où vient, en effet, cette dette dont on nous parle tant et pourquoi est-elle si importante ? Elle tient à l’accumulation des déficits, que souhaitent combattre non seulement la majorité, mais aussi la majorité un peu élargie, en fonction des jours…

M. Charles de Courson. Appelons-les « les indépendants » !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Si vous voulez. Ce qui nous rejoint, à l’évidence, c’est qu’il n’est pas question pour nous d’augmenter, mais de baisser les impôts ou les prélèvements obligatoires. C’est donc bien sur la dépense publique qu’il nous faudra travailler.

J’ajoute, monsieur le président de la commission des finances, que ce que vous avez indiqué à propos des finances locales est essentiel. C’est un des nombreux points de vue que nous partageons. Il faut faire un travail de pédagogie. J’appelle d’ailleurs votre attention sur le fait – vous le savez, d’ailleurs – que, dans le cadre de la quatrième vague d’audits que j’ai lancée cette semaine, une étude portera spécifiquement sur les exonérations et les dégrèvements de fiscalité locale. C’est un sujet sur lequel nous travaillons tous deux depuis longtemps. J’entends bien tenir compte des suggestions que le Parlement voudra bien me faire dans tous ces domaines.

Monsieur le rapporteur général, je vous remercie d’avoir, vous aussi, souligné les efforts que nous avons consentis pour dépenser moins tout en dépensant mieux. Je suis très sensible à vos encouragements et je vous remercie pour la remarquable coopération qui nous a permis, depuis maintenant dix-huit mois, d’accomplir des progrès très significatifs dans l’amélioration de la gestion publique. Je souhaite que, lors de la discussion budgétaire, nous allions aussi loin que possible dans ce domaine.

S’agissant des recettes, vous avez rappelé l’importante réforme fiscale que nous avons entreprise ensemble à la fin de l’année dernière. Je vous confirme que les éventuelles nouvelles mesures fiscales seront financées par redéploiements. Ainsi, la lettre plafond pour 2007 que le Premier ministre a envoyée il y a quelques jours à Jean-Louis Borloo intègre le plan d’aide décidé en faveur du secteur de l’hôtellerie, des cafés et restaurants. Ce plan est entièrement budgété et ne doit donc susciter aucune inquiétude. Sachez que je suis particulièrement vigilant sur ce point.

En ce qui concerne les collectivités locales, nous entendons reconduire le contrat de croissance en 2007, mais nous souhaitons engager une réflexion globale, notamment sur la maîtrise de la dépense.

Je regrette que M. Le Guen soit absent, car j’aurais bien voulu répondre aux contrevérités qu’il a énoncées avec l’esprit de nuance qui le caractérise. M. Migaud lui transmettra certainement le message, qui lui est également destiné, car il a dit la même chose que M. Le Guen.

M. Jean-Pierre Brard. Cela prouve l’unité de la pensée au parti socialiste !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est plus inquiétant quant à leur capacité à lire les statistiques !

Vous prétendez en effet, monsieur Migaud, que, entre 2002 et 2005, la croissance française n’a jamais dépassé celle de la zone euro. Or elle s’élève à 1,4 % en moyenne, contre 1,2 % pour la zone euro. En 2002, elle a été de 1,2 % pour la France, contre 0,9 % pour l’eurozone ; en 2003, de 0,8 %, contre 0,7 % ; en 2004, de 2,3 %, contre 2 % et, en 2005, de 1,2 %, contre 1,3 %. Nous « collons » donc à la zone euro, quand nous ne la dépassons pas lorsque les circonstances le permettent.

Monsieur Mariton, je vous remercie pour le soutien que vous avez apporté aux orientations budgétaires que nous vous avons présentées. Vous avez rappelé l’exigence de qualité du service public que nous devons aux Français. Telle est précisément la logique des audits, que vous suivez de près. Ceux-ci visent à radiographier la qualité des différents processus d’action publique. Mais j’insiste sur le fait qu’ils ne sont pas seulement une photographie figée de la situation : ils s’accompagnent toujours de nombreuses préconisations concrètes et opérationnelles, grâce auxquelles nous pouvons enclencher la baisse effective de la dépense publique. Je précise d’ailleurs que ces audits sont diffusés en ligne, donc accessibles au grand public, ce qui est un élément de motivation important pour chacun. Ils sont évidemment à la disposition des parlementaires – et je souhaite qu’ils en fassent le meilleur usage –, des journalistes et des ministres, qui ont vocation à rendre des comptes sur la manière dont ils les utiliseront.

Vous avez cité l’exemple très intéressant de la Finlande. Je suis convaincu que nous devons emprunter aux autres leurs meilleures pratiques. Ce sera sans doute une des clés de la modernisation des méthodes de gouvernement. Nous sommes beaucoup trop obsédés par ce que nous faisons et ce qu’ont fait nos prédécesseurs. Certes, il n’est pas inutile de rappeler que l’héritage est catastrophique – en ce qui nous concerne, c’était vrai –,…

M. Didier Migaud. Vous l’avez beaucoup aggravé !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …mais il ne suffit pas d’être bon en histoire : il faut être également compétent en géographie et en économie. Encore une fois, il est indispensable d’étudier ce qui se fait ailleurs, et le Forum de la performance, que j’ai ouvert au début de l’année, y contribue.

Monsieur de Courson, vos propos étaient fort intéressants, mais il est important que nous en débattions car nous divergeons sur certains points.

Tout d’abord, je partage évidemment votre souhait de retenir des hypothèses de croissance prudentes, la prudence étant généralement de bon aloi en la matière. Nous avons retenu une fourchette de 2 à 2,5 % pour 2007 et le scénario de référence se situe à 2,25 % pour 2008-2010, soit la moyenne des dix dernières années. Ces hypothèses de croissance sont donc tout à fait convenables.

En revanche, je ne suis pas d’accord avec vous en ce qui concerne la compétitivité de notre économie. La note de conjoncture de l’INSEE indique que nous regagnons des parts de marché et que les exportations devraient progresser de 7,4 %. J’ajoute – car vous ne l’avez pas évoqué – que la compétitivité se mesure aussi à travers le poids des investissements étrangers en France. Or leur montant a doublé, passant de 20 milliards d’euros en 2004 à 40 milliards en 2005.

M. François Rochebloine. Dans quelles régions ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Peut-être un peu dans la vôtre, mais pas seulement.

M. François Rochebloine. Pas beaucoup !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous avez également évoqué, ainsi que MM. Carrez, Mariton et Auberger, le sujet complexe du solde stabilisant – terme affreusement technocratique : il faudra en trouver un autre –, estimant qu’il doit être proche de zéro. Mais vous parlez en fait du solde primaire stabilisant, alors que mon objectif est d’atteindre le niveau de déficit qui stabilise le ratio de dette en intégrant – et c’est pourquoi il ne s’agit pas d’un solde primaire – la charge des intérêts. Nous ne travaillons donc pas sur le même indicateur. Selon le taux de croissance,…

M. Philippe Auberger. Et le taux d’intérêt.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …qui varie d’une année sur l’autre, vous n’aurez pas les mêmes exigences en matière de solde stabilisant. Cela dit, mesdames, messieurs les députés, je suis tout à fait prêt à travailler avec vous sur cette question qui, bien que technique, est très intéressante et peut être fort utile lorsque l’on souhaite améliorer le désendettement.

S’agissant de la baisse du chômage, vous estimez qu’elle est artificielle. Là, vous êtes vraiment injuste ! Si nous arrivons, comme je l’espère, à 9 % en fin d’année, cela signifie que 200 000 emplois auront été créés, dont 170 000 dans le secteur privé, marchand ou non marchand, et associatif. J’ajoute – et c’est très important – que 40 000 des 80 000 emplois créés dans le secteur marchand l’ont été grâce au CNE. L’efficacité de ce dispositif est donc évidente, et rien ne serait pire que de remettre en cause cet élément de « flex-sécurité », innovation majeure dans le marché du travail. Je sais que le parti socialiste veut en faire son cheval de bataille : voilà une raison de plus pour faire en sorte que la gauche ne revienne pas au pouvoir l’année prochaine !

Enfin, vous avez mis en doute la réalité de la stabilité en volume des dépenses de l’État, au motif qu’une série de retraitements rendraient notre outil de mesure inadapté. Vous estimez, tout d’abord, qu’il faudrait intégrer les dépenses fiscales. Je ne suis pas d’accord…

M. Charles de Courson. Vous dites l’inverse dans votre rapport !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Non. On ne peut pas confondre dépenses fiscales et dépenses budgétaires. La dépense fiscale est par définition incluse dans le produit des impôts et l’impact des mesures fiscales est forcément évaluatif.

M. Charles de Courson. Reportez-vous à la page 45 !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous souhaitez également prendre en compte les fonds de concours. Or le caractère volatil de ces dépenses et leur financement par des contributions versées par des personnes extérieures justifient de ne pas les comptabiliser.

M. Charles de Courson. Y compris l’AFIFT ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Oui, d’une certaine manière.

S’agissant des dégrèvements sur les impôts locaux, on ne peut inclure, là non plus, dans la progression des dépenses de l’État, des éléments qui sont hors de son contrôle et qui dépendent principalement de l’évolution des bases de la fiscalité locale. On ne peut pas davantage prendre en compte les prélèvements sur recettes : le débat est très ancien, mais on ne peut pas compter en dépenses ce qui est traité juridiquement comme une moindre recette. Quant aux opérations sur les comptes spéciaux, les dotations aux établissements ou entreprises publics ne peuvent s’analyser que comme des dépenses, a fortiori pérennes.

Je ne partage donc pas du tout votre avis, selon lequel les dépenses de l’État auraient progressé de 4,8 %.

Monsieur Bouvard, vous avez très justement rappelé la démarche que nous avons engagée en matière d’effectifs. Je vous suis d’autant plus reconnaissant de la soutenir dans son principe que c’est une décision toujours difficile à prendre, en cohérence avec les valeurs que la majorité défend. Notre approche s’appuie cependant sur l’observation des faits, notamment démographiques, et sur le résultat des audits. Cette démarche doit être soutenue par des réformes de structures. Il serait tout à fait irréaliste de considérer qu’elle est idéologique, car tous les outils démontrent que les choix en matière de non-remplacement de départs à la retraite ou d’accroissement des effectifs sont liés à des réformes de structure et à la modernisation de l’État, la déclaration de l’impôt sur le revenu sur Internet en étant un bon exemple.

Par ailleurs, je vous rejoins entièrement lorsque vous estimez qu’il faut tirer les conséquences de la décentralisation. Notre audit transversal sur les conséquences de la décentralisation sur les effectifs de l’État doit être mené à son terme, et il le sera. Enfin, vous avez évoqué la nécessité de clarifier la connaissance des emplois des opérateurs. C’est en effet un travail que nous devrons mener ensemble, grâce à la LOLF, et je serai heureux d’avoir votre concours dans le cadre de la MILOLF.

Monsieur Migaud, vous nous avez expliqué que nous pratiquions la méthode Coué. Il faut croire que l’élève a trouvé son maître.

M. Jean-Pierre Brard. Vous voulez dire que Copé dépasse Coué ? (Sourires.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il vous a peut-être échappé que les derniers chiffres de l’INSEE confortent la fourchette de croissance retenue par le Gouvernement, entre 2 et 2,5 %, ce qui prouve que nous avons agi avec sagesse.

S’agissant des finances publiques, nous avons fait la démonstration de notre crédibilité,…

M. Didier Migaud. Ah bon ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …puisque tous nos engagements ont été tenus – Eurostat l’a d’ailleurs confirmé. On ne peut pas balayer d’un revers de main les travaux d’Eurostat au seul motif qu’ils confortent les résultats du Gouvernement. Cela pourrait vous discréditer à l’avenir.

Plutôt que de casser le thermomètre, ayez donc le courage de regarder les choses en face et réjouissez-vous, tout simplement, que le Gouvernement ait tenu ses engagements en maintenant le déficit public à moins de 3 %. C’est un bon résultat pour la France et c’est la seule chose qui devrait vous préoccuper, quels que soient vos sentiments à l’égard du Gouvernement.

M. Jean-Pierre Brard. Citez donc toutes les statistiques Eurostat, au lieu de sélectionner celles qui vous arrangent !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En ce qui concerne les choix de politique économique, je ne regrette pas d’avoir fait quelques remarques au sujet du coût du projet du parti socialiste. Et si je l’ai fait modestement, ce n’est pas parce que vous n’avez pas terminé vos arbitrages, comme l’un des orateurs socialistes l’a affirmé – entre parenthèses, je trouve extraordinaire que vous puissiez parler d’un projet alors que vous vous interrogez encore à son sujet et que, visiblement pris de remords, vous n’en avez pas validé les arbitrages, repoussant les chiffrages à plus tard. Non, si la contribution que je suis heureux d’avoir apportée à votre projet est restée modeste, c’est parce que je suis conscient d’être bien en dessous de la réalité. Ainsi, je n’ai pas encore pris en compte le coût des propositions du parti communiste, que vous allez bien devoir avaler, et dont Jean-Pierre Brard nous a donné un aperçu avec l’immense talent qu’on lui connaît – un talent d’idéologue, hélas inversement proportionnel à sa créativité…

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur de la commission des affaires culturelles, pour les recettes et l’équilibre général de la loi de financement de la sécurité sociale. Il ne se renouvelle pas beaucoup !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …à moins de considérer que les idées datant d’il y a cinquante ou cent ans sont encore valables, ce que je ne crois pas !

M. Jean-Pierre Brard. La loi de la valeur reste la loi de la valeur !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Et s’il est passionné d’histoire et de politique, on le sent nettement moins attiré par la géographie et l’économie…

M. Jean-Pierre Brard. Qu’est-ce que la géographie vient faire là-dedans ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …car il ne cite plus aucun exemple étranger : ni Moscou, ni Cuba, ni la Chine, des endroits où les choses ont pourtant beaucoup évolué.

Il a en revanche parlé de la Côte d’Azur de manière fort désobligeante en affirmant que les douaniers n’en font pas assez dans cette région. C’est oublier un peu vite que les douaniers français accomplissent un travail tout à fait exceptionnel dans la lutte contre la contrefaçon et contre le blanchiment.

M. Jean-Pierre Brard. C’est ce que j’ai dit !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Personnellement, je suis très engagé dans ce domaine et j’ai d’ailleurs fixé à mes douaniers des objectifs quantitatifs, ce qui ne s’était jamais fait auparavant. Puisque le siège de la direction générale des douanes va s’installer prochainement à Montreuil dans le cadre du grand programme de modernisation de la politique immobilière de l’État, j’aurais préféré que M. Brard se montre plus aimable à l’égard des douaniers, en ayant par exemple un mot d’accueil à leur intention, que je me serais fait un plaisir de leur transmettre.

M. Jean-Pierre Brard. Ne vous en faites pas pour mon hospitalité !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous ne l’avez pas fait, monsieur Brard, et je le regrette beaucoup.

M. Jean-Pierre Brard. Moi, je regrette que l’on ne fasse rien contre la mafia russe !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Pour en revenir au programme du parti socialiste – j’espère que vous ne m’en voudrez pas de cette digression, monsieur Migaud, mais, puisque vous allez devoir travailler avec vos amis communistes et peut-être même avec les apparentés, je souhaite avoir aidé à introduire le débat entre vous –, je persiste à dire que 115 milliards d'euros, c’est tout de même très cher.

Le plus beau de tout, c’est que, tout en proposant la réactivation des emplois-jeunes, la généralisation des 35 heures et la renationalisation d’EDF – ce faisant, vous oubliez d’ailleurs toutes les nationalisations que M. Brard va exiger et dont le coût sera loin d’être négligeable –,…

M. Philippe Auberger. Cela a un parfum de restauration !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …le seul point sur lequel les socialistes se montrent radins, c’est le SMIC. Le parti socialiste nous annonce en effet un SMIC à 1 500 euros en 2012, ce qui situe sa progression à peine au coût de l’inflation.

M. Didier Migaud. Ce n’est pas vrai du tout !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Comme toujours avec les socialistes, c’est tout pour l’État, rien pour les salariés modestes !

M. Didier Migaud. On verra bien ce que vous allez faire en juillet !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il était grand temps que cela fût dit. Et je crains d’avoir fait une estimation un peu juste, monsieur Migaud, mais je ne voulais pas que l’on puisse me reprocher d’en avoir fait trop.

M. Jean-Pierre Brard. Et les recettes ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Si je m’en remets à vos formules, on devrait faire payer les riches pour assumer toutes ces dépenses. Le seul problème, c’est qu’avec tout ce qui a été fait ces dernières années, il n’y en a plus assez, de riches : ils se sont délocalisés ! C’est pourquoi, en créant le bouclier fiscal, nous espérons bien à la fois aider les gens modestes, à qui cette mesure doit profiter à 95 %, mais aussi adresser un signal à ceux qui payent actuellement leurs impôts à l’étranger et à qui la perspective d’un retour de la gauche au pouvoir ne donne aucune envie de revenir en France.

M. Jean-Pierre Brard. On n’a pas la même idée de la modestie !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je vous remercie, monsieur Novelli, d’avoir rappelé notre esprit de responsabilité et notre volontarisme politique. La réforme de l’État, c’est bien une affaire de volonté, en effet, et alors qu’il en est question depuis des années, nous essayons enfin de la traduire en actes, ce que nous avons commencé à faire en rapprochant le ministère du budget et le ministère de la réforme de l’État et en créant, à partir de quatre directions d’administration centrale, une seule direction de mission, la direction générale de la modernisation de l’État. Je précise, car c’est un aspect auquel vous êtes aussi sensible que moi, monsieur Novelli, que nous l’avons fait à emplois constants, en regroupant l’ensemble des directions et délégations qui, jusqu’à présent, travaillaient de manière dispersée.

La réforme de l’État telle qu’elle est conduite aujourd’hui, c’est la maîtrise de la dépense publique, la recherche de gains de productivité, l’administration électronique, mais aussi la simplification législative. Je vais présenter dans quelques jours en conseil des ministres une nouvelle loi de simplification qui viendra s’ajouter aux dispositifs déjà mis en place. Ainsi, nous avons supprimé cent cinquante commissions devenues inutiles – non que nous considérions qu’elles le soient toutes, évidemment. La durée de vie des commissions sera désormais de cinq ans à compter de leur création, et il faudra obligatoirement un nouveau décret, et non plus un simple arrêté, pour les renouveler si nécessaire. Nous instituons aussi une évaluation systématique et la généralisation de l’utilisation de moyens modernes de communication afin de réaliser des gains de productivité.

Mais vous avez raison, il faut aller plus loin. Il faut que nous déterminions ce que doit être le périmètre de l’État dans les années qui viennent. Ce sera un élément majeur de la réflexion pour le projet politique de 2007 et je souhaite pouvoir y travailler avec vous, monsieur Novelli, car je vous sais créatif et innovant – contrairement à M. Brard, qui se contente d’être habile et talentueux.

Il faut définir de façon courageuse ce que doivent être les missions de l’État moderne dans tous les domaines : que doit-il faire lui-même, que doit-il déléguer à d’autres acteurs publics, ou encore à d’autres entités ? C’est ainsi que nous parviendrons à déterminer la meilleure dépense publique au service des Français. J’ai, comme vous, beaucoup d’idées sur la question…

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas rassurant !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Pas pour vous, sans doute !

M. Jean-Pierre Brard. Non, pour les Français !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Si vous voulez revenir à l’époque du congrès de Tours, libre à vous ! Pour notre part, nous préférons nous projeter dans les années 2000, où des chantiers passionnants nous attendent.

M. Jean-Pierre Brard. Ce sera du Kubrick, en pire !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous pourriez dire que ce sera Cuba en mieux ! (Rires.)

M. Jean-Pierre Brard. Fidel doit hanter vos nuits !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est vous qui m’y faites penser, monsieur Brard !

Monsieur Auberger, je vous remercie pour votre intervention, comme toujours de très grande qualité.

M. Jean-Pierre Brard. On n’a pas parlé des caisses d’épargne ! C’est dommage !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ce n’était pas le sujet du jour.

Ce qu’a dit M. Auberger sur la notion de solde stabilisant m’a paru particulièrement intéressant. Je voudrais vraiment que l’on profite du prochain débat budgétaire de l’automne pour continuer de travailler sur cette notion, qui pourrait utilement étayer notre réflexion sur le désendettement : quel est le solde qui permettrait de briser l’effet « boule de neige » de la dette ? Jusqu’à présent, on s’est uniquement attaché à diminuer le déficit – ce qui n’est déjà pas si mal, j’en conviens.

M. Charles de Courson. Les critères de Maastricht sont trop laxistes !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est un autre sujet. En tout cas, ce seuil est très lié à d’autres indicateurs, comme les taux d’intérêt et le taux de croissance en valeur. Je serai très heureux d’en débattre avec vous de façon approfondie dans la perspective du budget de 2007, monsieur Auberger.

De même, je suis tout à fait d’accord pour limiter à cinq ans les dépenses fiscales et pour ne les reconduire que si l’évaluation est probante. Le Gouvernement tout entier y travaille, et les dépenses fiscales sont l’un des chapitres que nous abordons régulièrement dans les réunions d’économies structurelles que nous tenons, comme cela se fait au Canada, en vue d’obtenir des gains de productivité. Je sais que la commission des finances est attachée à cette question essentielle, et si la commission des affaires sociales veut se joindre à notre réflexion, elle sera la bienvenue, monsieur le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances. À l’euro près !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. À l’euro près et au fonctionnaire près, comme il se doit. Je me réjouis de constater que nous commençons à marcher du même pas dans ces domaines. Cela me donne l’illusion d’être indispensable !

Je vous remercie, mesdames et messieurs les députés, de votre présence et surtout de la qualité de vos propos. Ce débat tout à fait passionnant augure bien de ce qui nous attend à l’automne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Le débat d’orientation budgétaire et le débat sur les orientations des finances sociales pour 2007 sont clos.

modification
de l’ordre du jour prioritaire

M. le président. M. le président de l’Assemblée nationale a reçu de M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement la lettre suivante :

« Paris, le 22 juin 2006

« Monsieur le président,

« J’ai l’honneur de vous informer qu’en application de l’article 48 de la Constitution et de l’article 50, alinéa 2, du règlement de l’Assemblée nationale, le Gouvernement modifie l’ordre du jour de l’Assemblée nationale comme suit :

« Mardi 27 juin, l’après-midi après les questions au Gouvernement :

« – Projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l’adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne ;

« Mardi 27 juin, le soir :

« – Proposition de loi relative à la fixation des rendements des vins à appellation d’origine contrôlée pour la campagne 2006-2007 ;

« Mercredi 28 juin, l’après-midi après les questions au Gouvernement et le soir :

« – Projet de loi de modernisation de la fonction publique d’État.

« Je vous prie d’agréer, monsieur le président, l’expression de mes sentiments les meilleurs. »

L’ordre du jour prioritaire est ainsi modifié.

Ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Mardi 27 juin 2006, à neuf heures trente, première séance publique :

Questions orales sans débat.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Discussion du projet de loi, n° 3110, autorisant la ratification du traité relatif à l’adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne :

Rapport, n° 3171, de M. Hervé de Charette, au nom de la commission des affaires étrangères.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Discussion de la proposition de loi, n° 3172, de M. Antoine Herth relative à la fixation des rendements des vins à appellation d’origine contrôlée pour la campagne 2006-2007 :

Rapport, n° 3181, de M. Antoine Herth, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures dix.)