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Mme la présidente. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures.)
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. Philippe Vuilque et de plusieurs de ses collègues, tendant à la création d’une commission d’enquête relative à l’influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs (nos 3107, 3179).
La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
M. Georges Fenech, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Madame la présidente, mes chers collègues, la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête relative à l’influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs, dont nous sommes saisis aujourd’hui, a été cosignée par 129 parlementaires siégeant sur l’ensemble des bancs de cette assemblée. Dès lors, la commission des lois a considéré qu’il importait d’examiner cette proposition consensuelle avec la plus extrême attention.
Comme c’est son rôle, la commission a d’abord vérifié la recevabilité de la proposition de résolution au regard de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du règlement de l’Assemblée nationale, qui définissent les conditions de recevabilité des propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête.
Ces textes prévoient d’abord que la proposition de résolution doit déterminer avec précision soit les faits pouvant donner lieu à enquête, soit les services publics ou les entreprises nationales dont la commission d’enquête doit examiner la gestion. La proposition de résolution répond à ces exigences puisqu’elle évoque des pratiques précises, à savoir l’attention portée par certaines sectes aux mineurs, notamment ses conséquences sur la santé physique et mentale de ceux-ci.
La seconde exigence correspond au respect du principe de séparation des pouvoirs législatif et judiciaire, qui interdit à l’Assemblée nationale d’enquêter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. À cet égard, la lettre de M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, au président de l’Assemblée nationale nous rassure tout à fait. En effet, si cette lettre nous signale « qu’un certain nombre de personnes liées à des mouvements à caractère sectaire font l’objet de poursuites judiciaires devant diverses juridictions », c’est pour préciser immédiatement après que « toutefois, compte tenu du caractère très général des termes de cette proposition, l’existence de ces procédures ne [lui] paraît pas faire obstacle à son adoption ».
La commission des lois ayant estimé que la création d’une commission d’enquête sur la santé physique et mentale des mineurs ne posait aucun problème de recevabilité, il lui restait à s’interroger sur la question principale, c’est-à-dire l’opportunité de créer une troisième commission d’enquête parlementaire sur les sectes en onze ans. À l’unanimité des membres ayant pris part au vote, la commission des lois a répondu oui.
En premier lieu, il nous a semblé qu’il était utile, pour une fois, de créer une telle commission d’enquête dans un contexte dépassionné, et non pas suite à un quelconque fait divers. En effet, si l’actualité des sectes est peut-être moins spectaculaire qu’il y a quelques années, cela ne signifie en aucun cas qu’elles perdent du terrain ou qu’elles aient renoncé à faire du prosélytisme.
Chaque année, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires – la Miviludes – publie un rapport, et elle a montré la persistance du phénomène, notamment par le biais du développement de microstructures plus difficiles à cerner que les grandes organisations bien connues.
Plus précisément, le rapport pour 2005 de la Miviludes démontre que les enfants sont une cible de choix pour les mouvements sectaires. Il mentionne : « à l’évidence, l’enfant est au cœur des préoccupations des dirigeants sectaires : il représente l’avenir, le développement potentiel du groupe, il est malléable et sans défense, on croit pouvoir le formater ».
Certes, il existe au sein du ministère de l’éducation nationale une cellule de prévention du phénomène sectaire qui exerce de nombreux contrôles, y compris dans les établissements hors contrat et auprès des enfants qui reçoivent un enseignement à domicile. Cependant, ces contrôles ne semblent pas suffisants puisque la Miviludes cite des sectes ayant mis en place des établissements d’enseignement aux pratiques critiquables, telles que l’absence de titres du personnel d’encadrement ou le non-enseignement de certaines matières.
Par ailleurs, le même rapport dresse un inventaire de l’ensemble des moyens utilisés par les sectes pour approcher les enfants. On y trouve par exemple l’enseignement par correspondance, dont le ministère de l’éducation nationale juge le contrôle impossible ; le secteur du soutien scolaire, qui est totalement libre ; les centres de loisirs et de vacances en France mais parfois aussi à l’étranger ; l’utilisation du réseau Internet.
On le voit, les moyens d’embrigadement potentiels des mineurs sont très nombreux. Généralement anodins en apparence, ils n’entraînent pas de méfiance de leur part ni de celle de leurs parents. C’est pourquoi il semble indispensable de mener une réflexion approfondie sur ces structures en contact avec les enfants, dont les pratiques peuvent avoir de très graves conséquences sur leur santé physique et mentale.
En effet, au-delà de la manipulation exercée sur des enfants, qui n’ont pas encore acquis de capacités de discernement propres, il est malheureusement avéré que certains groupes sectaires exercent des mauvais traitements, voire des violences physiques, en vertu de prétendus principes éducatifs.
Le rôle d’une commission d’enquête devrait donc être tout d’abord d’étudier les conséquences pour l’enfant de l’appartenance à une secte, généralement par l’intermédiaire de ses parents. Si la liberté religieuse est un droit de l’homme fondamental, il est toutefois nécessaire de tenir compte de la situation particulière des mineurs et il faut s’assurer qu’ils peuvent continuer d’exercer leur libre arbitre dans un environnement sectaire, qu’ils n’ont pas eux-mêmes choisi. On estime environ à 20 000 le nombre d’enfants présents dans les sectes en France,
Mais la commission d’enquête devrait aussi s’intéresser aux nombreux moyens insidieux utilisés par les sectes, souvent en se dissimulant, pour approcher des enfants en qui elles voient de futurs adeptes ou des vecteurs de propagande en direction de leurs parents. La recherche d’une influence en direction de la jeunesse n’est en aucun cas un fantasme, mais une réalité très inquiétante. Il est indispensable de protéger les mineurs d’agissements répréhensibles qui peuvent aller jusqu’à provoquer la mort et de permettre un développement harmonieux de leur personnalité.
Afin de faire toute la lumière sur cette question, l’outil de la commission d’enquête parlementaire semble tout à fait adapté. Certes, la Miviludes fait un travail remarquable, mais elle ne peut, ni ne veut, se substituer à la représentation nationale.
Dans le passé, la commission d’enquête s’est révélée un outil très utile dans la lutte contre les dérives sectaires. En 1995, la commission d’enquête sur les sectes, présidée par M. Alain Gest, et dont M. Jacques Guyard était le rapporteur, a publié un rapport qui a beaucoup fait pour la connaissance du phénomène sectaire. De même, en 1999, la commission d’enquête sur la situation patrimoniale et fiscale des sectes, ainsi que sur leurs activités économiques et leurs relations avec les milieux économiques et financiers, présidée par M. Jacques Guyard et dont M. Jean-Pierre Brard était le rapporteur, a plus particulièrement insisté sur le poids économique et financier de ces mouvements, notamment dans les secteurs de l’éducation, de la formation professionnelle ou de la santé. C’est également aux initiatives parlementaires convergentes de notre ancienne collègue Catherine Picard et du sénateur Nicolas About que nous devons l’adoption de la loi du 12 juin 2001, tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales. Cette loi a créé pour la première fois un délit d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse.
S’il est un domaine où les travaux parlementaires ont permis de réelles avancées, c’est donc bien celui de la lutte contre les sectes. Compte tenu de la sensibilité du sujet au regard des libertés publiques, notamment de la liberté religieuse, la lutte contre les sectes doit reposer à la fois sur une légitimité incontestable, celle du suffrage universel, et sur une exigence sinon d’unanimité, du moins d’esprit non partisan.
Les travaux parlementaires menés dans ce domaine ont toujours su concilier ces deux impératifs, permettant ainsi de donner efficacité et légitimité démocratique à la lutte contre les dérives sectaires. Les débats de la commission des lois ont montré une volonté quasi unanime de continuer la réflexion sur les dérives sectaires dans un cadre apaisé et non partisan, eu égard notamment à l’importance des questions qu’il nous faudra aborder. C’est pourquoi, mes chers collègues la commission vous recommande d’adopter la proposition de résolution qui nous est présentée aujourd’hui. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Philippe Vuilque, pour le groupe socialiste.
M. Philippe Vuilque. Madame la présidente, mes chers collègues, l’ordre du jour de notre assemblée a été quelque peu bousculé pour nous permettre d’examiner ce matin la proposition de résolution visant à créer une commission d’enquête relative à l’influence des mouvements à caractère sectaires et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs. Je remercie particulièrement les présidents des groupes parlementaires, le président de la commission des lois, M. Philippe Houillon, qui nous fait le plaisir d’être présent parmi nous et dont le rôle a été essentiel, et, bien entendu, le président de l’Assemblée, M. Jean Louis Debré, qui nous a permis d’inscrire cette proposition à l’ordre du jour.
Cette proposition émane de l’ensemble des membres du groupe d’études sur les sectes de notre assemblée, groupe que j’ai l’honneur de présider. Elle a été signée par 129 de nos collègues, toutes tendances politiques confondues, ce qui est assez rare pour mériter d’être signalé. Le groupe d’études a toujours fonctionné d’une manière unanime : c’est ce qui fait sa force et sa crédibilité. Notre assemblée a joué et joue un rôle moteur dans la mise en œuvre d’une politique déterminée de lutte contre les dérives sectaires.
La situation reste aujourd’hui préoccupante. C’est pourquoi nous ne devons pas renoncer à la lutte contre les dérives sectaires au motif fallacieux que cela porterait atteinte à la liberté de conscience et aux libertés religieuses. Notre République laïque nous commande de ne jamais juger du contenu des croyances, de n’en interdire aucune, mais de n’en labelliser aucune. Néanmoins, nous ne devons pas laisser le champ libre à ceux qui méprisent les fondements du pacte républicain et ses lois.
Dans la lutte contre les dérives sectaires, un engagement prime sur tous les autres : la nécessité de protéger les enfants et les mineurs de l’emprise sectaire. Aujourd’hui, en effet, plusieurs dizaines de milliers d’enfants sont en danger. Nous avons eu connaissance de témoignages poignants et dramatiques, de cas d’enfants humiliés, violés, maltraités, marqués dans leur chair, mais aussi traumatisés par leur passage au sein d’un groupe sectaire. Ce sont des victimes détruites, des enfances saccagées, des familles déchirées à jamais. Nous ne pouvions, nous ne pouvons rester indifférents : notre devoir est d’agir.
Les enfants sont en effet une cible de choix pour les mouvements sectaires. La Miviludes, dont je tiens à saluer le travail, fait le même constat que nous sur ce sujet sensible et consacre un chapitre important de son dernier rapport à l’indispensable protection des mineurs contre l’emprise sectaire. Je l’ai dit, plusieurs dizaines de milliers d’enfants sont concernés.
L’enfant évoluant dans un environnement sectaire est menacé à deux titres : en tant que mineur et adepte. Son statut de mineur le place de fait dans un état de vulnérabilité face aux actes délictueux commis à son égard. De plus, le groupe sectaire totalitaire prive l’individu, notamment par le biais de la manipulation mentale, de son libre arbitre et de sa capacité à penser et agir par lui-même pour le placer en état de sujétion. Devenu objet, l’enfant ne possède plus de droits mais uniquement des devoirs. Il doit tenir un rôle, remplir une mission auprès du groupe et du leader, dans la logique d’une obéissance absolue.
L’enfant peut être manipulé tout petit, voire avant sa naissance comme au sein de la Fraternité Blanche Universelle. Les enfants ont un second père : le maître qui optimise l’énergie et le karma des fœtus. Cela prêterait à rire si ce n’était pas dramatique. D’autres groupes veillent à la naissance des tout-petits, telle la Soka Gakkai où l’attachement aux parents devient une attitude négative et égoïste. Pour le fondateur du mouvement, « l’idéal est d’élever les enfants pour qu’ils chérissent l’organisation ». On invente des recettes miracles pour les régimes des bébés. L’ineffable Ron Hubbard, fondateur de la scientologie, considère l’allaitement maternel comme néfaste et il préconise de le remplacer par des biberons faits avec de l’eau d’orge, du lait pasteurisé et du sirop de sucre. J’en passe et des meilleures.
Cette énumération illustre les dégâts de ce genre d’imbécillités et prouve que l’enfant est au centre des préoccupations des dirigeants sectaires, aux yeux desquels il représente l’avenir, le développement potentiel du groupe. Il est malléable, influençable, sans défense. « Je ferai de vous des esclaves heureux » disait le même Ron Hubbard. Les conséquences de l’appartenance à une secte sont bien évidemment importantes et dramatiques pour l’enfant.
Ce qui frappe d’abord, c’est l’intense souffrance de ces jeunes enfants soumis à des maltraitances affectives, physiques et psychologiques, à des ruptures familiales terribles. L’aliénation des parents soumis au gourou transforme l’image des parents, coupe le lien affectif et provoque des drames.
Dans tous les groupes sectaires, les enfants vivent l’enfermement et l’isolement. L’éducation y est formatée ou interrompue, le conformisme s’impose et, dans la plupart des cas, c’est la maturation psychologique qui est atteinte.
De récentes décisions de justice ont révélé l’acuité du problème.
Ainsi, entre autres jugements, la cour administrative d’appel de Douai a, le 3 mai 2001, rejeté l’appel de parents témoins de Jéhovah pour un refus d’agrément en vue d’une adoption, la cour d’assise de l’Essonne a, le 4 juillet 2003, condamné à quinze ans de réclusion criminelle pour viol, viol aggravé et corruption de mineurs le gourou fondateur de l’instinctothérapie et la cour d’assises du Finistère a récemment condamné les parents du petit Kéryvan, adeptes de la kinésiologie, à cinq ans d’emprisonnement pour privation de soins et d’aliments ayant entraîné la mort. Toutefois, pour quelques décisions de justice, combien de pratiques non sanctionnées, de drames et de souffrances ?
Notre devoir est de nous en occuper, tout simplement, et le meilleur moyen demeure la création d’une commission d’enquête, qui est un outil très utile dans la lutte contre les dérives sectaires. Celle de 1995, qui a permis d’analyser et de mettre en lumière les pratiques illégales des sectes, a eu un grand retentissement et celle de 1999, à laquelle j’ai eu l’honneur de participer, a permis de faire la lumière sur les situations patrimoniale, fiscale et économique des sectes. Cette commission d’enquête a, du reste, été utilement complétée par l’adoption de la loi du 12 juin 2001, dite « About-Picard », tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires, comme l’a rappelé notre rapporteur.
Les travaux parlementaires ont donc permis de réelles avancées. Nous pouvons aujourd’hui les compléter dans la sérénité sur un sujet ô combien sensible.
Cette commission d’enquête, qui est attendue par la Miviludes et par toutes les associations de lutte contre les dérives sectaires, est redoutée par les organisations sectaires.
Notre objectif n’est pas de créer une commission d’enquête pour le plaisir, mais d’être utiles et efficaces : à cette fin, il convient de mettre en lumière, à partir d’un constat, les pratiques odieuses des sectes et de faire œuvre pédagogique. Nous pourrons ainsi aboutir à des propositions pragmatiques et concrètes afin de mieux lutter contre l’embrigadement des enfants par les sectes.
Comme l’a récemment montré la commission Outreau, une commission d’enquête conduite dans un esprit non partisan est à l’honneur du Parlement. Je vous demande donc d’adopter à l’unanimité cette proposition de résolution. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jardé, pour le groupe UDF.
M. Olivier Jardé. Madame la présidente, mes chers collègues, même si les sectes aujourd’hui, apparemment du moins, défraient moins la chronique, leur développement en France reste préoccupant. Des hommes et des femmes, parfois des enfants, sont touchés au cœur de leur dignité, quand ils ne sont pas atteints dans leur intégrité physique ou morale.
Dans son rapport de 2005, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires a notamment souligné la vulnérabilité des enfants et la nécessité de protéger les mineurs contre les sectes. Elle a également insisté sur la manipulation des enfants par les sectes, lesquelles utilisent la cellule familiale comme relais pour propager leurs doctrines et sont généralement responsables de déséquilibres familiaux perturbant l’enfance, pilier de chaque être. Il appartient à l’État d’intervenir en vue de contenir l’influence sectaire. Certains dispositifs existent déjà, notamment la cellule de prévention du phénomène sectaire au sein du ministère de l’éducation nationale, qui est chargée de contrôler l’éducation scolaire des enfants. Malheureusement, cela ne suffit pas.
Dans cette lutte contre les sectes, notre assemblée a toujours joué un rôle précurseur, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. Le groupe UDF y a grandement contribué : mes collègues Francis Hillemeyer, Rudy Salles et François Sauvadet participent ainsi activement au groupe d’étude parlementaire sur les sectes, qui constitue comme un observatoire de vigilance permanent et représente une véritable force de proposition, et c’est à la suite du travail du sénateur Nicolas About et de notre ancienne collègue Catherine Picard que la loi du 12 juin 2001 a été adoptée, créant pour la première fois un délit d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse. À l’heure où l’UDF propose de dépasser le traditionnel clivage entre la droite et la gauche, je me réjouis de l’état d’esprit non partisan qui anime notre volonté de lutter contre les dérives sectaires.
Aujourd’hui encore, en proposant la création d’une commission d’enquête relative à l’influence des mouvements à caractère sectaire, adoptée à l’unanimité lors de son examen devant la commission des lois, c’est l’Assemblée nationale qui fait avancer les choses.
S’il est impossible de définir juridiquement une secte, il est en revanche possible de reconnaître un groupement sectaire à ses comportements : l’embrigadement des enfants et les atteintes à leur intégrité physique constituent des critères sûrs. Aussi cette commission d’enquête se fixe-t-elle un double objectif : d’une part, l’étude des conséquences pour l’enfant de l’appartenance à une secte, d’autre part, l’analyse des moyens insidieux, notamment les centres de loisirs, l’enseignement par correspondance ou Internet, que les sectes utilisent pour approcher des enfants, en vue d’en faire de futurs adeptes ou des vecteurs de propagande auprès de leurs parents.
C’est pourquoi, bien qu’aucune action, en la matière, ne puisse être définitive ni suffire à résoudre un problème aussi grave – on ne peut malheureusement espérer un grand soir des sectes, permettant de régler la question une fois pour toutes –, du moins avons-nous le sentiment d’avancer, même si c’est à petits pas. C’est dans le cadre d’un tel constat, mais avec la satisfaction de voir la France progresser dans la lutte contre les sectes par-delà les clivages politiques, que le groupe UDF votera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi, pour commencer, de citer le rapport d’activité pour 2005 de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires – la Miviludes –, qui est directement rattachée au Premier ministre. Son président a tout récemment écrit dans l’introduction : « Pendant les dix années écoulées, le gouvernement français a considéré de son devoir de garantir la sûreté des citoyens en faisant preuve d’une grande vigilance, en alertant le public sur les risques sectaires et en luttant contre les agissements délictueux.
« L’Observatoire interministériel des sectes en 1996, la Mission interministérielle de lutte contre les sectes en 1998 et, depuis le 28 novembre 2002, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires ont eu pour fonction d’analyser le phénomène, d’en suivre les évolutions et de fournir au Gouvernement ainsi qu’au Parlement toutes informations nécessaires afin que soient assurés la protection des personnes, le libre exercice des libertés individuelles et la défense de la dignité des êtres humains, dans le plus strict respect de la liberté de conscience et de pensée.
« Le Parlement s’est montré extrêmement attentif à ces questions, et cela de manière très consensuelle. Le vif intérêt manifesté en ce domaine par la représentation nationale a toujours constitué, pour les gouvernements successifs, à la fois un encouragement en même temps qu’un signe fort de la légitimité de son action contre les dérives sectaires et les atteintes inacceptables aux droits de l’homme qu’elles induisent. »
Ce propos confirme le fait que le phénomène sectaire interpelle les pouvoirs publics au plus haut niveau. Aucune société civile ne peut en effet tolérer des transgressions permanentes des lois qui la régissent.
Quand des mouvements usurpant le discours religieux utilisent la liberté en vue de faire progresser l’obscurantisme et, partant, de bafouer les libertés, ils quittent le terrain des idées et des croyances pour entrer dans la sphère du politique et du juridique. C’est le cas, trop souvent, des groupements sectaires qui, de surcroît, exploitent aujourd’hui à leur profit les vides de notre société, l’absence de lisibilité, l’effondrement des grands systèmes idéologiques, la peur de l’avenir et la difficulté de comprendre ce qui nous arrive sur les plans individuel et collectif. Non seulement ces groupes menacent l’ordre public lorsqu’ils se radicalisent, mais, plus encore, du fait de leurs agissements au quotidien et loin des médias, combien de personnes abusées et spoliées, de couples brisés, de parents accablés, de vies mises en danger ?
Souvenez-vous de ce petit garçon, victime de privation de soins, mort au service des urgences d’Avallon, dans l’Yonne, en août 1999 : six membres de l’association Joie et Loisirs ont été condamnés en mars dernier par la vingtième chambre de la cour d’appel de Paris pour privation de soins ou d’aliments sur des mineurs. Selon l’arrêt, le régime imposé aux membres de l’association n’était composé que de fruits, de fromages, de produits laitiers et d’eau. Un mode d’alimentation qui, aux dires des experts, est « désastreux pour la croissance, le développement mental et la santé » des enfants. Au moment de la découverte des faits, les enfants souffraient, selon les cas, d’anémie, de retard de croissance et de carences en vitamines ou en fer, voire de début de rachitisme.
Le 7 octobre 2005, la cour d’assises de la Gironde a, quant à elle, condamné un ex-adepte des Témoins de Jéhovah à la peine de douze ans de réclusion criminelle pour viols sur mineur de quinze ans par ascendant légitime. Les Témoins de Jéhovah avaient jugé le coupable en le traduisant devant leur conseil des anciens, tout en se gardant bien de saisir la « justice des hommes » – c’est leur formule –, c’est-à-dire la justice de la République. Notre devoir de législateur est de doter la justice des moyens nécessaires pour mettre fin à ces pratiques criminelles intolérables dans notre État de droit.
Autres cas : la condamnation, fin 2001, à douze ans de réclusion criminelle, d’un couple de parents adeptes de l’Ordre apostolique Tabitha’s Place pour avoir volontairement privé d’aliments et de soins leurs enfants, au point de compromettre la santé de leur fils, âgé de moins de 15 ans, ou celle, encore, sur les mêmes chefs d’accusation, de deux parents kinésiologues, qui ont dû répondre devant la justice, en 2004 et 2005, de la mort de leur enfant de dix-neuf mois. Leur procès, qui a permis de révéler les dommages provoqués par l’application stricte de préceptes alimentaires aberrants dans le cas d’une femme allaitant son enfant âgé de quelques mois seulement, a été l’occasion de soulever publiquement, devant l’opinion et dans les médias, la question de la dangerosité potentielle de la mouvance kinésiologue.
Témoins de Jéhovah, Ordre apostolique Tabitha’s Place, Joie et Loisirs, ou Kinésiologie : ce sont là des organisations criminelles qui n’hésitent pas à solliciter nos concitoyens. Aussi cette commission d’enquête nous permettra-t-elle d’actualiser les informations collectées en 1995 et 1999, comme nous en avions formulé le souhait il y a un an, à l’occasion de la parution de la circulaire du Premier ministre adressée aux ministres et aux préfets et relative aux principes et aux modalités de l’action en matière de lutte contre les dérives sectaires.
N’en déplaise à ceux qui espéraient une régression de la politique française de lutte contre les sectes, un an plus tard, l’Assemblée confirme son engagement pour la défense des libertés individuelles et collectives et se donne les moyens de rappeler les règles de la République.
Ce qui importe aujourd’hui, c’est de renforcer notre vigilance contre toutes les formes de dérive sectaire de nature à mettre en cause les libertés individuelles et collectives et de nature à porter atteinte à l’intégrité psychique ou physique – souvent les deux –, des personnes et, en particulier dans le cas qui nous occupe, des mineurs.
Ainsi, lorsque l’enfant ou le jeune est soumis à des parents sous emprise, qui peut le protéger, si ce n’est l’État et ses lois ? Lorsqu’un enfant est abusé, maltraité, affamé, mis sous emprise morale et psychologique, qui peut le sauver, si ce n’est la justice de la République ? Lorsqu’un enfant connaît une éducation défaillante, intellectuellement, physiquement ou affectivement, comment espérer qu’il puisse devenir un citoyen libre ? Comment préserver son autonomie, sa capacité d’apprendre, et la joie de vivre à laquelle il a droit ? Comment donc nous, législateurs, ne serions-nous pas choqués et révoltés, comment ne réagirions-nous pas ?
Il nous appartient d’examiner objectivement et sereinement la situation, de prendre le temps d’établir un véritable état des lieux des conséquences de l’influence des sectes sur la santé physique et mentale des mineurs, d’étudier enfin les moyens dont disposent les acteurs concernés pour combattre, prévenir, mais aussi sanctionner ce type de dérives.
Cette réflexion doit nous conduire, si nécessaire, à une adaptation de la politique mise en œuvre pour lutter contre les pratiques répréhensibles des organisations sectaires. En effet, ne sous-estimons pas la capacité de ces dernières à s’adapter, à faire pression, comme le montre cette lettre que j’ai sous les yeux, adressée au président de l’Assemblée par la convention des associations et particuliers pour la liberté de conscience qui, sous ce nom ronflant, n’est rien qu’une émanation de la scientologie. Cette association n’est qu’une sorte de syndicat des sectes.
M. Georges Fenech, rapporteur. Il est bon de le souligner !
M. Jean-Pierre Brard. Cette lettre témoigne des méthodes que ces organisations criminelles utilisent. Je souhaite à cet égard saluer le rôle que vous avez joué, le président de l’Assemblée nationale et vous-même, monsieur le président de la commission des lois, pour que nous nous réunissions ce matin et prenions la décision de constituer cette commission d’enquête.
Après tout, il n’est pas si fréquent, dans cette assemblée, que nous soyons tous d’accord ; mais dès lors qu’il s’agit de la défense des libertés individuelles et collectives, qui renvoient aux principes fondateurs de notre État, je crois qu’il est tout à l’honneur du Parlement de se rassembler sur un sujet aussi important que la protection de nos enfants.
Les parlementaires ont toujours su créer les conditions pour que ces grands principes qui fondent notre État ne soient pas des sujets de discorde et d’affrontements politiciens.
M. Olivier Jardé. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Brard. Ainsi notre collègue Decocq a soutenu Mme Charline Delporte dans son combat magnifique contre les pressions, les manipulations de cette organisation dangereuse : les Témoins de Jéhovah. Ce consensus prévaut aujourd’hui encore, plus de dix ans après l’adoption, à l’unanimité, du rapport de décembre 1995 sur les sectes en France.
Les pressions internationales – d’outre-Atlantique, il faut le dire –, ne peuvent faire oublier à certains, y compris dans l’appareil d’État, que ce sont les valeurs et fondements de notre République qui sont en jeu. Il est du devoir de l’État de protéger les plus vulnérables. Notre travail permettra de réaffirmer et de faire partager la position française en matière de vigilance et de lutte contre les sectes, en l’éclairant de notre analyse pour mieux protéger les mineurs. (Applaudissements sur tous les bancs.)
M. Georges Fenech, rapporteur. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Guy Geoffroy. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis ce matin dans cet hémicycle pour un vote que nous espérons unanime – unanimité dont nous sommes sûrs, au fond – sur cette importante proposition de résolution visant à créer une commission d’enquête relative aux dérives sectaires et plus particulièrement à leurs conséquences extrêmement graves, néfastes pour nos enfants.
« Réveillez-vous ! » nous disent ces groupes, sans doute pour mieux endormir notre vigilance.
M. Jean-Pierre Brard. Très bien !
M. Guy Geoffroy. Ils savent depuis longtemps que tout bon pédagogue se doit de répéter inlassablement pour que les choses finissent par entrer. Or, malheureusement, elles finissent trop souvent par entrer. Nous vivons en effet dans une société incertaine où tout va trop vite, où les repères ont tendance à disparaître, où, enfin, dans toutes les couches de la population, les individus, quelles que soient leurs origines et quel que soit leur niveau culturel, s’interrogent sur eux-mêmes, sur leur vie professionnelle, sur leur famille, leur vie de couple et leurs enfants.
On sait que l’incertitude concernant l’avenir de nos enfants est plus grande que celle que connaissaient nos parents à notre sujet. On sait que l’incertitude professionnelle est aujourd’hui une donnée de la vie des jeunes adultes et de ceux, plus avancés, qui pensaient se trouver en sécurité et qui ne peuvent que constater, potentiellement à leurs dépens, la progression de la précarité. On sait enfin que, malgré notre volonté de croire en l’avenir, nous ne savons pas toujours le déchiffrer.
Bref, il y a plus que jamais un besoin de croire, de se repérer et de faire appel aux valeurs fondamentales sur lesquelles nous nous reposons à la fois dans notre vie personnelle et dans notre vie collective. Parmi ces valeurs, deux connaissent un heureux regain : la religion et la famille.
Les religions constituent parfois un refuge mais aussi une espérance. Aussi, lors de la discussion du projet de loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, avons-nous décidé – et notre collègue Jean-Pierre Brard était, avec d’autres, à l’origine de cette initiative –, que la République laïque, plutôt que de leur cacher les réalités religieuses, devait au contraire ouvrir les élèves à une claire connaissance des religions, attribuant de la sorte à ces dernières leur juste place. Nous signifions par là que nous avons conscience de la nécessité pour chacun de croire, pourquoi pas en dehors des chemins de la République, mais sans contredire la vérité de la République.
Ensuite, si nous parlons de la famille, c’est en voyant tous ces enfants perdus, tous ces enfants dont on dit qu’ils étaient prédestinés à la délinquance, alors qu’ils sont les premières victimes de cette dérive. Or les familles ne savent plus très bien comment s’organiser face à une vie quotidienne de plus en plus harassante et devant l’incertitude de l’avenir dont j’ai déjà parlé.
Ces deux valeurs, parmi d’autres, nous viennent spontanément à l’esprit quand nous cherchons notre chemin pour demain. Ceux qui font profession, dans leur folie et dans leur calcul froid, de monter des organisations pour prétendument nous aider, ont su comment profiter de notre faiblesse.
On dira que les adultes sont responsables de leur faiblesse, même si la réalité n’est pas aussi simple. Nous ne pouvons cependant pas rester indifférents et nous avons le devoir d’intervenir lorsque ce sont nos enfants – c’est-à-dire des êtres en devenir – qui sont concernés. Certes, notre préoccupation ne date pas d’aujourd’hui, les orateurs précédents l’ont rappelé. Le travail fouillé réalisé par notre pays à propos des sectes et de leurs dérives est ancien et a déjà donné de bons résultats. Un arsenal juridique existe, et on peut regretter qu’il ne soit pas suffisamment utilisé. Devons-nous dès lors nous demander pourquoi créer cette commission d’enquête et pourquoi nous préoccuper davantage qu’auparavant de cette question alors que des dispositifs existent et qu’on peut constater une réelle prise de conscience dans le pays ?
Je crois que le grand mérite de cette proposition de résolution qui réunit tous les bancs de l’Assemblée est justement de nous permettre de poursuivre le combat contre ce qui est sournois et qui agit sans relâche sur les esprits fragiles. Il s’agit aussi de faire un point d’étape dans cette lutte. Enfin, cette commission, à laquelle le groupe UMP participera sans réserve, devra remobiliser les esprits. En effet, de nombreux sujets viennent encombrer nos esprits, au point que l’on pourrait considérer que moins parler des sectes signifierait que le fléau tendrait à régresser. Or il n’en est rien, parce que nous ne combattons pas à armes égales, tant il est vrai que les sectes savent trouver de nouveaux ressorts pour agir et qu’il nous faut les connaître pour mieux lutter contre elles.
La commission d’enquête constitue un outil efficace et ce n’est pas vous, monsieur le président de la commission des lois, rapporteur de la commission d’enquête sur l’affaire dite d’Outreau, qui allez me contredire. Nous sommes ici un certain nombre de membres de ladite commission qui avons pu mesurer combien cet outil était efficace pour peu que nous voulions vraiment aller au fond des choses et assumer réellement nos responsabilités.
Nous avons pu vérifier combien nos concitoyens appréciaient non pas un consensus mou, de convenance, mais, au contraire, que ces commissions soient animées d’une volonté forte qui dépasse nos différences, montrant que la représentation nationale dans son ensemble est capable de relever les défis de l’analyse, de la proposition et, espérons-le, de la mise en œuvre.
C’est donc dans la volonté de ne pas relâcher le combat, d’actualiser et d’analyser nos connaissances, de promouvoir des propositions à même de protéger plus efficacement nos enfants, que la création de cette commission d’enquête est proposée.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, pour toutes les raisons évoquées par chacun des représentants des groupes, il est nécessaire de créer cette commission d’enquête à laquelle je souhaite, comme tous les membres du groupe UMP, la même ardeur au travail, la même efficacité et le même prolongement que la commission Outreau, qui a achevé ses travaux le 6 juin dernier. Le groupe UMP ne dérogera pas au devoir de voter la présente proposition de résolution. (Applaudissements sur tous les bancs.)
M. Georges Fenech, rapporteur. Très bien !
M. Christian Decocq. Ça, c’est un orateur !
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine David, pour le groupe socialiste.
Mme Martine David. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, depuis de nombreuses années déjà, l’Assemblée s’est emparée avec courage et détermination de la question des sectes. Ainsi, la loi About-Picard du 12 juin 2001, déjà mentionnée, avait constitué l’aboutissement législatif d’une série de travaux parlementaires.
Dans une optique de prévention des atteintes aux droits de l’homme, nous avions notamment créé le délit d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse. Parallèlement à notre action, les gouvernements successifs ont mis en place une veille permanente sur cette question par le biais, d’abord, de l’observatoire interministériel des sectes, puis de la MILS et aujourd’hui de la Miviludes, qui réalise un remarquable travail.
Cette double vigilance parlementaire et gouvernementale a donné des résultats tangibles en matière de prévention et de lutte contre les dérives sectaires. Cependant, malgré cette surveillance et l’arsenal juridique mis en place pour limiter leurs nuisances, les sectes n’ont pas renoncé au prosélytisme. Pis, leurs menées se sont adaptées au contexte : elles ont multiplié leurs moyens d’action, modifié parfois leur apparence ou leur nom, diversifié leurs cibles. De fait, les enfants et les adolescents sont devenus un public très exposé à ces agissements.
Il est de notre responsabilité d’enquêter sur les moyens d’embrigadements des mineurs afin de proposer des réponses concrètes, car l’emprise sectaire peut s’avérer ravageuse pour le développement des enfants.
Une des pistes les plus intéressantes pour la protection des jeunes est le renforcement du contrôle de l’obligation scolaire. En effet, si la loi du 18 décembre 1998 a permis de faire disparaître la plupart des écoles présentant un caractère sectaire, différents mouvements utilisent encore le biais de l’enseignement à distance ou d’un pseudo-soutien scolaire pour distiller leurs thèses et soumettre de jeunes adeptes. Jamais la formation ne doit restreindre l’épanouissement des enfants : aussi est-il pertinent d’assurer un contrôle renforcé des établissements délivrant un enseignement à distance et des officines intervenant dans la galaxie du soutien scolaire et de l’aide aux devoirs.
Une autre piste est sans nul doute le développement de la prévention. Les sectes s’attaquent d’autant plus facilement aux individus qu’elles avancent masquées. Il faut donc renforcer la publicité et rendre aisément accessible la liste des organisations présumées sectaires. De même, on ne peut laisser certains mouvements se livrer à une propagande sans contrainte. Comme l’a souligné Jean-Pierre Brard, nous devrons examiner la situation des maires confrontés à des rassemblements de très grande ampleur, comme celui qu’organisent les Témoins de Jéhovah dans trois semaines à Lens. Le stade de cette ville étant une enceinte privée, le maire est privé de moyens d’action efficaces pour empêcher cette vaste campagne. Or les conséquences de telles manifestations sont toujours très graves pour les mineurs vulnérables.
Il nous appartiendra également de réfléchir aux moyens d’action de parents divorcés qui peinent à obtenir la garde de leurs enfants alors que ceux-ci risquent d’être soumis à l’emprise d’une secte. L’actualité nous a malheureusement apporté des exemples de tels cas.
Les orateurs qui m’ont précédée ayant largement évoqué ce sujet, je ne reviendrai pas sur la nécessité d’étudier la diversité des situations vécues par les enfants et les adolescents embrigadés. Des modes de réadaptation à une vie en dehors du milieu sectaire doivent être proposés à ceux qui ont subi les plus graves traumatismes. Les conséquences physiques et psychologiques d’un assujettissement sont graves, durables, et nécessitent une attention toute particulière. La démonstration en a été faite, notamment, lors de la journée organisée dans ma commune par le groupe d’études de l’Assemblée nationale il y a trois mois. Nous avons fait là un bon travail de préparation pour notre future réflexion au sein de la commission d’enquête.
La liste que je viens de dresser ne saurait être exhaustive. Mais les éléments que j’ai évoqués attestent la nécessité de créer cette commission d’enquête afin de mieux assurer la protection des mineurs face à l’influence néfaste des mouvements à caractère sectaire.
Je tiens à remercier à mon tour le président de la commission des lois.
M. Philippe Houillon, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Eh bien, je ne regrette pas d’être venu !
Mme Martine David. Tout arrive, monsieur le président ! Réjouissez-vous ! (Sourires.)
M. Serge Blisko. Oui, profitez-en !
M. Jean-Pierre Brard. C’est en effet une première !
M. Jacques Remiller. Vous oubliez la commission Outreau, monsieur Brard !
Mme Martine David. Je salue les efforts de plusieurs de nos collègues pour arracher la création de cette commission d’enquête, et remercie tout particulièrement Philippe Vuilque, président de notre groupe d’études, qui n’a pas ménagé sa peine pour emporter la conviction. Aujourd’hui, nous sommes tous d’accord pour créer cette commission. Le groupe socialiste approuve totalement cette nouvelle initiative parlementaire. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Mme la présidente. J’appelle maintenant l’article unique de la proposition de résolution dans le texte de la commission.
Je ne suis saisie d’aucune explication de vote.
Je mets aux voix l’article unique de la proposition de résolution.
(L’article unique de la proposition de résolution est adopté.)
Mme la présidente. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Mme la présidente. Les candidatures à la commission d’enquête qui vient d’être créée devront être transmises avant ce soir à dix-huit heures, la réunion constitutive ayant lieu demain à neuf heures trente.
Mme la présidente. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
Questions au Gouvernement ;
Discussion du projet de loi, n° 3134, de modernisation de la fonction publique :
Rapport, n° 3173, de M. Jacques-Alain Bénisti, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
À vingt et une heures trente, troisième séance publique :
Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix heures cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l’Assemblée nationale,
jean pinchot