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(La séance est ouverte à quinze heures.)
Lors du comité central d’entreprise extraordinaire qui s’est tenu à Toulouse voici quelques jours, le président d’Airbus France a informé les représentants du personnel du nouveau calendrier de l’A380 et leur a annoncé le lancement d’un programme d’économies baptisé « Power 8 ». Cette réunion est très loin d’avoir levé les interrogations et les inquiétudes des salariés quant à l’avenir des sites industriels d’Airbus, notamment de ceux de Méaulte et de Nantes.
Si le président Jean-Marc Thomas les a partiellement rassurés hier en leur écrivant que la fermeture des établissements n’était pas à l’ordre du jour et ne faisait pas partie des réflexions en cours, aucun démenti n’a, en revanche, été apporté à une potentielle externalisation de sites. « Externalisation », vous le savez, est le mot pudique que l’on emploie pour évoquer des ventes d’actifs, des pertes de savoir-faire et de probables réductions d’effectifs.
Monsieur le ministre, l’État français est actionnaire à hauteur de 15 % d’EADS et a toujours soutenu l’industrie aéronautique française. Ma question sera donc claire et simple : quelles actions allez-vous entreprendre pour obtenir de la direction d’Airbus un engagement clair sur la pérennité de ces sites industriels au sein même de l’entité Airbus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur certains bancs du groupe socialiste.)
Revenons plus précisément sur votre question – et sans doute aurai-je encore l’occasion de le faire tout à l’heure, car plusieurs d’entre vous, je crois, souhaitent encore m’interroger à ce sujet. Ces questions sont légitimes et j’y répondrai.
Je me suis entretenu tout à l’heure avec M. Louis Gallois, qui est aujourd’hui à Toulouse, pour lui demander quelles étaient précisément ses intentions, notamment à propos des sites de la Somme. Pour ces sites comme pour l’ensemble des autres, il m’a indiqué très clairement qu’il était hors de question de prendre quelque décision que ce soit avant d’engager une phase de discussions approfondies avec l’ensemble des parties prenantes. Pour ce qui est des élus, M. Gallois m’a informé qu’il avait demandé un rendez-vous avec M. de Robien, qui est parmi nous et peut le confirmer. Ce rendez-vous, auquel doivent participer le président du conseil général et celui du conseil régional, aura lieu dans les prochains jours.
Par ailleurs, l’ensemble des salariés et des sous-traitants seront également consultés, afin que l’on puisse prendre les décisions qui s’imposent. Ces décisions seront articulées autour du plan « Énergie 8 », que vous avez évoqué, et qui a été approuvé à l’unanimité par le conseil d’administration d’EADS.
M. Gallois, qui est depuis hier soir à la fois coprésident d’EADS et président-directeur général d’Airbus, tient désormais toutes les commandes en main. C’est ce que souhaitait depuis longtemps le gouvernement français : une chaîne de commandement unifiée devrait permettre de mettre en œuvre les programmes qui conviennent.
Le programme qui a été présenté est sérieux. Nous le soutenons et nous avons confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
L’essentiel de vos allègements fiscaux a bénéficié aux 10 % de Français les plus riches : vos 400 millions d’euros de cadeaux sur l’impôt sur la fortune correspondent aux besoins de financement des hôpitaux.
De plus, 5 milliards de recettes supplémentaires ont été dégagés cette année. Pour cela, les ménages ont accru leur endettement et puisé dans leur épargne. En fait, c’est par l’appauvrissement d’une majorité de nos concitoyens que vous voulez renflouer une partie de la dette aggravée par vos cadeaux aux plus riches. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Toute votre politique budgétaire se résume en un transfert des revenus du travail vers les rentiers et le capital. Vous prétendez désendetter l’État, mais vous ne dites jamais que l’endettement net de la France est inférieur à celui des pays de la zone euro et de tous les pays de l’OCDE. Vous ne parlez jamais de la masse considérable de ressources fiscales que vous ne voulez pas toucher : profits, dividendes, stock-options, plus-values boursières. Pourquoi cacher que les cadeaux fiscaux et exonérations de charges consentis depuis vingt ans, soit 450 milliards d’euros, qui d’ailleurs, selon la Cour des Comptes, n’ont pratiquement servi à rien pour l’emploi et le pouvoir d’achat, représentent la moitié de la dette publique ? Pourquoi ignorer que les actifs financiers en France représentent trois fois le PIB et que, taxés à 1 %, ils rapporteraient 35 milliards d’euros ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Si l’on examine ce budget dans le détail, on constate qu’il est d’abord au service de l’emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous augmentons en effet de 3 % – et M. Borloo s’en réjouit –…
Nous agissons aussi, bien sûr, pour la croissance. C’est ainsi que nous avons réformé la taxe professionnelle et accordé un gel de l’impôt sur les sociétés pour les entreprises en croissance.
Surtout, ce budget est au service du pouvoir d’achat des familles modestes. Vous semblez oublier, monsieur Sandrier, que, dans le budget que nous présentons avec Thierry Breton, la prime pour l’emploi augmente tellement qu’elle représente un treizième mois pour ceux qui touchent le SMIC. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Vous semblez oublier aussi que, dans la réforme fiscale que nous présentons, la baisse de l’impôt sur le revenu profitera pour 80 % à ceux qui gagnent moins de 3 500 euros par mois.
Cette réforme de l’impôt sur le revenu fait d’ailleurs des émules, puisque le gouvernement italien met actuellement en œuvre des mesures pratiquement identiques. Or savez-vous qui est le ministre du budget en Italie ? Un ancien membre du parti communiste !
Allons, monsieur Sandrier, franchissez les Alpes ! Inspirez-vous de ce qui se fait de mieux à l’étranger, puis revenez nous aider à redresser la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
L’état de dégradation industrielle de l’A380, découvert brutalement, témoigne à la fois d’erreurs dans la chaîne de production et de carences dans la chaîne du management.
Dans l’urgence, un nouveau PDG, M. Streiff, a été désigné pour remettre le programme en ordre de marche. Considérant qu’il n’aurait pas les moyens de mener à bien son plan de sauvegarde, il a décidé de jeter l’éponge. L’arrivée de M. Gallois, qui bénéficie d’un important crédit de confiance dans l’ensemble du monde aéronautique, apparaît cependant très rassurante. Mais, pour réussir sa mission, il devra être soutenu, car le challenge est de taille : 6 milliards d’euros à rattraper, soit plus de la moitié du coût de développement estimé du futur A350, essentiel pour l’avenir de notre industrie, qui pourrait ainsi être retardé, sinon même remis en cause.
L’État français actionnaire d’EADS, doit, à l’instar de l’État allemand, apporter à Airbus un soutien politique sans faille. Il est primordial aussi qu’il lui apporte les aides financières nécessaires par des moyens autorisés tels que des avances remboursables et un soutien à la recherche et au développement.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser la position et les intentions du Gouvernement sur le dossier particulièrement délicat d’Airbus, qui concerne, comme cela a déjà été dit, Toulouse et tous les sites de production d’Airbus France, ainsi que toutes les entreprises sous-traitantes ?
Nous veillerons à garantir la compétitivité des sites, mais aussi à adopter un rythme acceptable et accepté par tous et à maintenir un équilibre. Airbus est en effet une formidable entreprise européenne, qui est notre bien commun, au-delà de tout clivage entre droite et gauche. C’est une entreprise dont, Français et Européens, nous sommes tous fiers.
Il faut donc nous rassembler autour de la cause de cette entreprise, comme l’ont fait son management et son conseil d’administration en proposant de mettre en place la direction unique que nous attendions depuis longtemps pour permettre à Airbus et EADS de rester la première entreprise mondiale dans le domaine de l’aéronautique.
Je le répète : aucune décision brutale ne sera prise et tout sera fait en concertation. Contrairement à ce que vous avez écrit, monsieur Ayrault, l’État ne s’abrite pas derrière le pacte d’actionnaires, mais il doit le respecter. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
L’État n’est pas actionnaire d’EADS, et encore moins d’Airbus : il est actionnaire de la SOGEAD, laquelle est actionnaire d’EADS, elle-même actionnaire d’Airbus. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) C’est ce qu’ont voulu M. Strauss-Kahn, qui a lancé ce processus, et M. Fabius, qui l’a ratifié. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je ne les critique pas, mesdames, messieurs les députés : c’est une réalité. Nous gérons cet héritage dans l’intérêt de l’entreprise, dans l’intérêt de la France et dans l’intérêt de l’Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Monsieur le Premier ministre, nous n’accepterons la fermeture ou la vente d’aucun site. Nous n’acceptons pas non plus les discours de certains dirigeants d’Airbus qui tentent d’expliquer que l’avenir de ce grand projet européen est d’être construit en zone dollar, et non dans la zone euro.
Je le répète : tous les salariés sont inquiets, et leur inquiétude est d’autant plus compréhensible que cette annonce arrive quelques mois après le préjudice provoqué par la vente d’actions et l’affaire des stock-options de M. Forgeard, dirigeant que votre gouvernement avait nommé.
Monsieur le Premier ministre, votre responsabilité est engagée. L’État français, actionnaire de l’entreprise, va-t-il refuser ces délocalisations incompatibles avec le projet européen que représente Airbus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Cela dit, dans cet environnement contraint, nous avons assumé toutes nos responsabilités. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Nous souhaitions depuis longtemps – votre majorité aussi du reste, je m’en souviens – avoir une ligne de management unique. Celle-ci a enfin été acceptée. C’est une très bonne nouvelle pour l’entreprise, pour ses salariés et pour ses clients. Un plan de réorganisation industrielle existe désormais. Il a été adopté à l’unanimité.
Dès hier, les États-Unis ont demandé la réunion du Conseil de sécurité et proposé l'adoption de sanctions contre Pyongyang, notamment un embargo sur les livraisons d'armes, le gel d'avoirs financiers ou encore une inspection des navires se dirigeant vers les ports nord-coréens. Ce projet de résolution doit être examiné par les cinq membres du Conseil de sécurité et le Japon aujourd'hui même.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous faire part de votre analyse sur cet événement majeur, nous dire quelles en sont les conséquences prévisibles dans le monde, notamment dans la région, et enfin nous préciser, dans ce nouveau contexte, quelles vont être les initiatives de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
Je rappelle qu’au mois de juillet dernier, à la suite de tirs de missiles nord-coréens, le Conseil de sécurité, sous présidence française, a voté la résolution 1695 qui impose à la Corée du Nord de suspendre toutes ses activités balistiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le ministre, le réchauffement de la planète et la nécessité de limiter les rejets de gaz à effet de serre ainsi que la raréfaction et l’augmentation des coûts des énergies fossiles nous imposent une modification profonde de nos pratiques énergétiques. Parmi les réponses à apporter, les biocarburants sont apparus comme une solution qui, de surcroît, donne un nouveau débouché à l’agriculture.
C’est pourquoi, dès septembre 2004, Jean-Pierre Raffarin a lancé la première étape d’un plan biocarburants, qui prévoyait une production supplémentaire de 800 000 tonnes de biocarburants d’ici à 2007 et le lancement d’appels d’offres pour la construction de nouvelles usines.
Dans un second temps, l’actuel gouvernement a amplifié ce plan biocarburants en fixant un programme ambitieux puisqu’il avance à 2008, au lieu de 2010, l’objectif d’incorporation de 5,75 % de biocarburants dans les carburants fossiles, pour atteindre 7 % en 2010 et 10 % en 2015. Le Parlement a ensuite transcrit ce plan national dans la loi d’orientation agricole. Au total, les quantités de biocarburants défiscalisables vont être multipliées par cinq entre 2005 et 2013.
Vous venez, monsieur le ministre, de donner une nouvelle impulsion, particulièrement ambitieuse, sur la base d’un rapport d’Alain Prost, en soutenant le développement de l’E85, c’est-à-dire un carburant contenant 85 % d’éthanol. Hier, vous avez même inauguré, avec Dominique Bussereau et M. Desmarest, le patron de Total, la première pompe à biocarburant E85 à Paris.
En ce qui concerne l’E85, Dominique Bussereau et moi-même avons confié à Alain Prost, il y a quelques mois, une mission pour fédérer l’ensemble des acteurs, que ce soient les groupes pétroliers, les agriculteurs ou les constructeurs automobiles. M. Prost nous a remis les conclusions de sa mission. Le Premier ministre a pris la décision d’en reprendre les recommandations, à savoir : premièrement, faire en sorte que la filière démarre tout de suite ; deuxièmement, parvenir à ce que d’ici moins d’un an, c’est-à-dire au mois de juin ou au plus tard en septembre 2007, les constructeurs automobiles, en particulier les constructeurs français, mettent à disposition du grand public des véhicules flex – ils existent déjà ; troisièmement, que, d’ici à la fin de l’année prochaine, plus de 500 pompes proposant du bioéthanol soient disponibles sur l’ensemble du territoire national. Sur ces 500 pompes, le groupe Total s’est engagé à en fournir 250 sur son réseau, le reste l’étant par d’autres producteurs. Enfin, Renault nous a garanti qu’à l’horizon 2009 la moitié de ses véhicules à essence seraient flex. Oui, on peut dire que l’ère de l’énergie renouvelable, du bioéthanol, est arrivée.
En ce qui concerne les prix, le Premier ministre a décidé que la part des taxes que l’État percevrait sur la partie biocarburant, c’est-à-dire 85 %, serait réduite à zéro, ce qui permet d’assurer, toutes choses égales par ailleurs, un prix de 80 centimes d’euro par litre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
Monsieur le ministre du budget, vous qui êtes le porte-parole du Gouvernement, vous qui avez écrit un livre sur la langue de bois,…
Faisons d’abord une petite comparaison – rien de tel pour se rassurer –…
Quant aux impôts, monsieur Migaud, ceux de l’État vont baisser. Mais, je le reconnais, il reste le problème des impôts des régions, qui ont explosé. (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ce n’est pas ma faute : c’est plutôt vous que cela concerne !
Une phrase prononcée par Lionel Jospin à la tribune de cette assemblée, alors qu’il présentait le budget pour 2002, résume tout : « J’ai laissé légèrement dériver les comptes publics. » Quelle belle formule : « légèrement » !
L’audit réalisé par M. Bonnet et M. Nasse lorsque le nouveau gouvernement est arrivé aux affaires a révélé qu’entre les 35 heures, l’APA ou encore la CMU, les dépenses de l’État avaient été sous-estimées de 15 milliards ! (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Vous vous inquiétez de la dette, mais à l’époque, seulement un tiers de la cagnotte fiscale avait été consacré au désendettement, alors que nous y affectons, avec Thierry Breton, la totalité.
Je vous laisse méditer ce propos : il prouve qu’en matière d’arrogance, vous n’êtes pas les derniers ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Journaliste de talent et de conviction, elle a payé au prix de sa vie le courage de ses engagements au service des droits de l’homme. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la réaction officielle russe a été lente et réservée dans une circonstance aussi tragique. Il est vrai que, dans ses articles, cette correspondante de guerre n’hésitait pas à s’élever contre certaines dérives du pouvoir russe, notamment en ce qui concerne la guerre en Tchétchénie et la corruption des fonctionnaires.
La France, qui peut légitimement s’honorer de porter face au monde une tradition de défense des droits de l’homme, se doit de faire part de son émotion et de sa colère. Cette émotion et cette colère, monsieur le Premier ministre, ne doivent pas s’émousser : depuis 1992, 42 journalistes sont morts en Russie. Nous avons entendu votre réaction immédiate à ce drame.
Nous souhaitons que les autorités russes fassent toute la lumière, et le plus rapidement possible, sur cette assassinat, et que leurs auteurs en répondent devant la justice. Une enquête a été lancée. Elle doit aller jusqu’au bout. L’OSCE et le Conseil de l’Europe, dont la mission en matière de liberté de la presse et de défense des droits de l’homme est essentielle, apporteront bien sûr toute leur contribution. Je veux le dire clairement devant les représentants de la démocratie : la liberté de la presse ne se discute pas, ne se négocie pas. Elle est une condition fondamentale de la liberté publique, que la France contribuera à défendre partout, et auprès de tous ses interlocuteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
La réforme devrait comporter deux étapes. La première concernera, à partir du 1er février prochain, une interdiction générale, notamment pour les entreprises, qui doivent désormais, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation de 2005, protéger leurs salariés du tabagisme passif. Un an plus tard, les cafés-tabacs, bars, restaurants, hôtels et discothèques devront à leur tour se conformer à cette interdiction. Il est normal de leur laisser un temps d’adaptation et de prévoir pour ces établissements des mesures d’accompagnement.
Mais il importe aussi, monsieur le ministre, d'engager une politique plus active pour aider les fumeurs et soutenir leur bonne volonté. Pourriez vous à cet égard nous détailler les mesures d'information, de prévention et de soins que vous envisagez ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Au-delà de l’interdiction de fumer dans les lieux publics, nous avons voulu mettre en place une politique de santé publique ambitieuse, afin d’aider les fumeurs à s’arrêter. Plusieurs directions ont ainsi été retenues.
En premier lieu, pour ce qui concerne les substituts nicotiniques – patchs, gommes ou médicaments –, l’État prendra en charge un forfait de 50 euros, correspondant au tiers du coût d’un traitement de trois mois. Le nombre de personnes ayant recours à ce traitement devrait ainsi passer de 600 000 à 1,2 million.
Par ailleurs, certains fumeurs ont besoin d’un soutien plus important. Arrêter de fumer est particulièrement difficile, aussi le nombre de consultations de tabacologie dans les établissements de santé passera-t-il de 500 à 1 000, ce qui permettra également de doubler le nombre de fumeurs pouvant en bénéficier.
Nous doublerons aussi le montant des subventions versées aux associations qui agissent contre les effets du tabagisme depuis des années. Elles pourront ainsi relayer notre action, sensibiliser et informer.
Nous accompagnerons bien sûr les différentes étapes de l’interdiction. Dès le 15 novembre, une campagne sur les effets du tabagisme passif – qui tue encore 6 000 personnes par an dans notre pays, soit plus de 13 personnes par jour – sera lancée. D’autres campagnes d’information et de sensibilisation suivront à partir du 1er janvier et du 1er février 2007.
Outre l’interdiction, le Gouvernement souhaite donc susciter un mouvement de société comparable à ce qui a été réalisé en matière de sécurité routière : sauver des vies, tel est le défi que nous devons relever. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Oui, la dette a lourdement augmenté depuis que vous gouvernez la France : en pourcentage de la richesse nationale de 10 % et en volume de 170 milliards d'euros !
Non, les impôts ne baissent pas, et les régions auxquelles vous transférez les charges, mais pas les recettes, n’y sont pas pour grand-chose. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Certes, l'impôt sur le revenu, lui, baisse, mais de manière injuste, puisque 10 % des Français vont bénéficier de 63 % de la baisse de 2007.
Oui, le nombre de RMIstes a augmenté de 300 000 depuis votre arrivée au pouvoir.
Dans un instant, M. Copé va encore esquiver et me répondre que nos chiffres sont faux, alors qu'ils émanent, je le répète, de son propre ministère. Je lui pose donc une nouvelle fois la question : le Gouvernement est-il prêt à accepter qu'un audit indépendant sur les finances publiques et les comptes sociaux soit réalisé non pas après les élections mais avant, pour que le grand débat de 2007 s'ouvre sur des chiffres incontestables et incontestés ? Acceptez-vous cet exercice de vérité et de démocratie ?
Je voudrais premièrement rappeler que nous appliquons, comme l’exige la loi, la LOLF, rien que la LOLF, toute la LOLF, c'est-à-dire la constitution budgétaire, telle qu’elle a été adoptée à l’unanimité par votre assemblée.
En second lieu, je confirme que la dépense de l’État baisse, et je vous le démontrerai tout au long de la discussion budgétaire.
Troisièmement, vous réclamez un audit, monsieur Besson. C’est une bonne idée, mais M. Jospin, en 2001, n’avait pas, me semble-t-il, jugé utile de réaliser un audit de son bilan et de sa gestion. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Pour ce qui nous concerne, je vous invite à regarder d’un peu plus près ce que nous faisons : depuis un an, une centaine d’audits ont été lancés sur la gestion de l’État. Chacun peut les consulter sur internet et voir ainsi que nous avons tenu nos engagements.
Lors de sa conférence mensuelle la semaine dernière, le Premier ministre a pris un engagement fort en proposant aux Français un pacte national pour l'environnement. Vous le savez tous, mes chers collègues, le changement climatique constitue la plus grande menace du XXIe siècle. Il est donc nécessaire d'agir et d'agir vite. Nous avons chacune et chacun une responsabilité vis-à-vis des générations futures, comme l'a rappelé la mission d'information sur l'effet de serre à laquelle j'ai participé, mission présidée et rapportée par nos collègues Jean-Yves Le Déaut et Nathalie Kosciusko-Morizet. Demain soir, Al Gore, ancien vice-président des États-Unis, nous le dira certainement lors de la projection du film Une vérité qui dérange, et je remercie le président Debré de nous associer à sa rencontre.
Suivant les objectifs du plan Climat de 2004 et de la loi d'orientation pour l'énergie de 2005, et au-delà des mesures existantes ou de celles décidées récemment pour les biocarburants, le Premier ministre a annoncé un certain nombre de décisions concernant notamment le logement et la création d'un livret de développement durable.
Je souhaiterais, madame la ministre, que vous apportiez à la représentation nationale des informations complémentaires sur les différentes mesures que le Gouvernement compte mettre en place et je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
La France respecte aujourd’hui les engagements que lui impose le protocole de Kyoto et a accompli ces derniers mois de grands progrès en matière d’énergies renouvelables. Le Gouvernement souhaite néanmoins aller plus loin, comme l’a annoncé le Premier ministre. Nos efforts doivent notamment porter sur la réduction des émissions de CO2 dans les domaines du logement et du transport.
Il faut pour cela mobiliser chaque Français et lui permettre d’effectuer dans de bonnes conditions des travaux d’amélioration énergétique de son logement. Le CODEVI, vous l’avez dit, devient un livret de développement durable ; le plafond en sera relevé au 1er janvier 2007 passant de 4 500 euros à 6 000 euros. Cela permettra de financer des prêts écologiques aux particuliers, à hauteur de dix milliards d’euros, montant considérable qui devrait permettre des avancées significatives.
Il nous faut aussi être exemplaires dans le domaine du logement social. C’est pourquoi la Caisse des dépôts et consignations accordera un prêt bonifié aux logements sociaux dont la construction répondra à des normes de très haute qualité environnementale.
Ces mesures vont permettre de quadrupler le nombre de logements écologiques pour atteindre 20 % du nombre total de logements. Outre que c’est une bonne chose pour l’environnement, cela a aussi l’avantage pour les ménages modestes de faire diminuer sensiblement la facture énergétique.
En matière de transport, nous privilégions les solutions d’avenir en misant sur les biocarburants, la recherche et les aides au transport collectif.
J’ajoute que, comme cela a été annoncé, nous serons extrêmement vigilants quant à l’exemplarité des pratiques agricoles et aux normes de pollution locale de l’air, car nous avons à cœur de respecter les contraintes environnementales.
Enfin, nous allons lancer une concertation sur la mise en place d’une taxe sur l’utilisation du charbon, encore considéré comme une énergie non propre.
La réussite de ce plan et de ces actions passe par une modification de notre comportement au quotidien, et c’est ensemble que nous devons réussir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Je souhaite aborder de nouveau la question de l’interdiction de fumer dans tous les établissements publics et voudrais attirer l’attention du Gouvernement sur les inquiétudes légitimes des buralistes. Elles sont particulièrement vives chez les buralistes gérants de bars, profession déjà malmenée par la hausse brutale du prix du tabac, en particulier dans les départements frontaliers, malgré un contrat d’avenir qui a été utile mais arrive à son terme.
M. le premier ministre a chargé l’un d’entre nous, Richard Mallié d’une mission qu’il mène en ce moment même dans les Pyrénées-Orientales avec la profession pour aboutir à des propositions concrètes.
Je souhaiterais donc que vous puissiez nous indiquer comment le Gouvernement compte apaiser les inquiétudes d’une profession d’autant plus respectable qu’elle est également un agent collecteur d’impôts pour le compte de l’État. Cette profession a aujourd’hui le sentiment d’être la cible d’une politique de santé publique au demeurant nécessaire.
Il est tout à fait légitime que nous soutenions les buralistes, car le contrat qui nous lie à eux n’est pas seulement un contrat de gérance, c’est aussi un contrat moral !
La mission que conduit Richard Mallié avec talent va nous aider, Renaud Dutreil et moi-même, à redéfinir ce que sera le prochain contrat d’avenir. Cela étant, je tiens à rappeler que le Gouvernement a tenu ses engagements. Les 150 millions d’euros prévus pour accompagner les buralistes en difficulté ont été versés. Nous allons travailler à améliorer encore ces mesures d’accompagnement, en particulier pour les buralistes frontaliers.
Nous voulons, d’autre part, développer la diversification des activités. Nombre de buralistes remplissent des missions de service public, et ce qui fonctionne aujourd’hui pour La Poste pourra demain être envisagé pour les réseaux bancaires. Je teste en ce moment avec eux un nouveau dispositif de dématérialisation des amendes, et l’on peut encore imaginer d’autres activités.
Nous réfléchissons également à la rémunération de l’activité liée au tabac dans toutes ses composantes et luttons dans le même temps contre la contrebande. Nous avons détruit ce matin même d’importants stocks de cigarettes de contrebande. La lutte contre cette forme d’économie souterraine est aussi importante pour les services des douanes que la lutte contre le trafic de drogue ou contre les contrefaçons.
Tous ces sujets seront abordés avec le président de la confédération, M. Le Pape, que je vois régulièrement et que je rencontrerai de nouveau en fin de semaine.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Maurice Leroy.)
Jeudi soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 212 portant article additionnel après l’article 20.
Le Président de la République ayant annoncé ces principes – que nous approuvons –, nous ne comprendrions pas que le Gouvernement ne passe pas immédiatement à l’acte. Certes, nous souhaitions aller beaucoup plus loin, s’agissant notamment de la représentativité et de la validité des accords, mais cette approche est consensuelle, au moins sur la nécessité d’un temps de dialogue. Le Gouvernement irait à l’encontre des vœux du Président de la République s’il n’écartait pas dès maintenant de notre débat les dispositions qui n’ont pas été préalablement soumises aux partenaires sociaux. Le Président de la République a donné une orientation, en indiquant le message à adresser aux partenaires sociaux et à l’ensemble des Français. La presse se faisant largement l’écho de cette modification importante de nos pratiques, il serait pour le moins curieux qu’ici, dans le temple de la démocratie, nous ignorions totalement cette proposition jusqu’à ce que la loi soit modifiée. Si la parole publique a un sens, ce serait, me semble-t-il faire bien peu de cas, au plus haut niveau, de celle du Président de la République.
À ce stade, il appartient au Gouvernement de nous dire quelles conséquences il entend tirer des engagements du Président de la République, lesquels, même s’ils ne correspondent pas à notre vision de la démocratie sociale, peuvent emporter sur ce point l’adhésion de l’ensemble de l’Assemblée.
D’abord, j’ai rarement entendu un député socialiste s’appuyer sur la parole du Président de la République pour étayer ses propos. Saint Paul a suivi d’autres chemins, et ses révélations étaient autrement plus puissantes, monsieur Vidalies !
Ensuite, si vous aviez mieux écouté nos débats, vous sauriez que, durant la longue période de concertation que le Gouvernement a menée avant de proposer ce texte, le Conseil économique et social était entré en lice. Vous sauriez également que le rapport que nous avons rédigé avec François Cornut-Gentille fait largement écho aux travaux du Conseil économique et social, notamment au rapport Teissier, rédigé il y a vingt ans. On peut donc affirmer aujourd’hui que les travaux du Conseil économique et social ont été largement examinés avant d’élaborer ce texte.
À sa place et dans son rôle, le Président de la République a annoncé des mesures que nos collègues de l’opposition, manifestement, estiment satisfaisantes. Et ils ont raison, puisqu’elles le sont ! Nous les attendions depuis longtemps et, si elles arrivent tardivement, c’est parce que nous avons mis du temps à arriver à ce consensus. Il faut donc s’interroger sur les causes de ce retard, sans lequel ces idées auraient été exprimées bien plus tôt. Un projet de loi va donc être élaboré – je parle sous le contrôle du ministre – et sera examiné par nos commissions. Nous aurons donc l’occasion d’en reparler.
S’agissant du texte qui nous occupe aujourd’hui, je rappelle qu’il traite de la participation et que la commission a pris des décisions fortes en supprimant plusieurs articles dans les titres III et IV. Dans ces conditions, j’estime que nous pouvons poursuivre nos travaux en toute sérénité, et je salue une fois de plus l’initiative du Président de la République.
La parole est à M. Gilles Carrez, pour le soutenir.
En pratique, il s’agit de faciliter le rapprochement entre les caisses d’épargne et les banques populaires, via la création, par les organes centraux que sont la Caisse nationale des caisses d’épargne et la fédération des banques populaires, d’une structure détenue conjointement et à parité, qui s’appellera Natixis.
Le Gouvernement a levé le gage : il est donc prêt à faire des concessions. Celles-ci se multiplient en faveur de la droite, mais, de notre côté, nous ne voyons rien venir ! Après une vive discussion, j’ai cru comprendre qu’il fallait contenter tout le monde. Alors, un coup pour faire plaisir aux libéraux, le suivant pour contenter les gaullistes : le Gouvernement lève le gage et trouvera les moyens de payer. C’est un choix que vous avez fait au nom de l’unité apparente de l’UMP et des intérêts de quelques privilégiés, sur le dos de la majorité de nos concitoyens ! Mais personne ne s’étonnera de cette tentative de régler à l’amiable les graves dissensions internes de la majorité.
Nous voterons, je le répète, contre ces amendements.
(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, pour le soutenir.
Sous ces strictes conditions, les salariés investissent bien in fine sur des titres de capital ou donnant accès au capital de leur société ou d’une société qui lui est liée.
(L'amendement est adopté.)
(L'article 21 est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour les défendre.
Certes, un salarié qui participe est supposé être informé. Mais l’information n’est possible que s’il y a eu préalablement formation. Le juriste Alain Supiot a finement analysé cette réalité : « Contrairement aux idées reçues de la société de l’information et de la communication, informer et consulter ne consiste pas à transmettre un signal d’un émetteur vers un récepteur. Cela consiste plutôt, selon la formule aujourd’hui consacrée par le droit communautaire, à nouer un dialogue social, ce qui implique l’existence d’une langue commune. » La montée des droits d’information et de consultation du comité d’entreprise s’est donc accompagnée d’une progression parallèle des droits à la formation et à l’expertise. Pourquoi, dès lors, laisser l’épargne financière à l’écart de ce double mouvement ?
Il est vrai qu’un certain nombre d’entreprises expérimentent déjà le lien quotidien entre formation et information. L’audition de responsables de la société BioMérieux nous a ainsi permis de mesurer l’importance d’une communication permanente, à la fois écrite et orale, entre la direction générale, les partenaires sociaux et les salariés. Mme Comparini, que je vois opiner du chef, sera sans doute d’accord pour juger exemplaire l’action de cette entreprise lyonnaise.
Il faut favoriser de telles expériences, en particulier dans les plus petites entreprises, qui ne disposent pas toujours des moyens nécessaires. L’amendement n° 130, deuxième rectification, que nous examinerons dans un instant, institue un crédit d’impôt à cette fin. L’amendement n° 131 va dans le même sens en intégrant à la formation professionnelle générale les actions de formation relative à l’intéressement, à la participation et aux plans d’épargne salariale. Les salariés pourront notamment être formés à l’épargne salariale et à l’actionnariat salarié dans le cadre du droit individuel à la formation, le DIF.
Ces deux amendements ont une portée stratégique, car ils doivent confirmer ce que nous avons construit depuis une semaine en matière de participation : élection au suffrage universel des représentants des actionnaires salariés, création du dividende du travail, développement de la participation dans les petites entreprises, ouverture de perspectives dans la fonction publique.
J’avais déposé un amendement similaire lors de l’examen du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l’économie, mais le Gouvernement n’avait alors pas jugé nécessaire de l’adopter, et avait renvoyé son examen à plus tard, ce qui m’avait laissé amer. Je connais les réticences de certaines administrations – pas nécessairement la vôtre, monsieur le ministre – à l’égard de cette disposition, mais, aujourd’hui, nous sommes déterminés, M. Dubernard et moi, à faire appel à la majorité pour que les salariés puissent enfin accéder, dans le cadre de la formation professionnelle, à une formation sur la participation et l’actionnariat salarié. Les avancées que nous avons réalisées la semaine dernière n’auraient en effet aucun sens si nous ne votions pas ces amendements.
Dans ce contexte, on ne peut que s’interroger sur ce que vous souhaitez réellement. Vous prétendez vouloir que l’ensemble des salariés actionnaires bénéficient d’une formation sur l’intéressement, la participation et les plans d’épargne salariale. Mais si elle est assurée dans le cadre du DIF, cela signifie que seuls les salariés ayant fait une demande de formation spécifique pourront y accéder. Dès lors, votre grande ambition est réduite à néant. Pour que tous les salariés actionnaires se forment à ces questions, il faut que les chefs d’entreprise prennent leurs responsabilités et assurent, par exemple, une heure de formation par an – ce n’est pas cela qui risque de faire couler une PME. Mais vous ne pouvez pas, pour atteindre votre objectif, détourner un système de formation professionnelle dont nous savons à quel point il reste insuffisant, compte tenu du grand nombre de départs en retraite liés au papy boom et du défi que représente la concurrence internationale. Vingt heures, cumulables sur cinq ans, ce n’est pas grand-chose. Il serait abusif de détourner une partie de ce temps au profit de la formation sur la participation.
Pourtant, cette proposition est tout bonnement incroyable. Nous parlons des petites et moyennes entreprises, celles qui favorisent le moins la formation professionnelle, celles qui ont bien du mal, les chiffres le montrent, à permettre l’exercice du DIF. Nombreux sont d’ailleurs les salariés à qui on refuse une formation professionnelle. Avez-vous bien lu l’amendement ? Il a pour objet d’intégrer aux actions de formation entrant dans le champ d’application des dispositions relatives à la formation professionnelle – c'est-à-dire dans les vingt heures dont nous avons parlé –, les actions de formation à l’intéressement, à la participation et aux plans d’épargne salariale.
Tout le monde s’accorde pour dire qu’un droit à la formation de vingt heures est loin d’être suffisant. Dans ce domaine, nous connaissons un retard considérable. Et vous voulez consacrer une part de ce temps à l’épargne salariale ! Formidable, au moment où l’on parle tant de mieux produire pour répondre aux défis de la compétitivité !
On comprend bien qu’ainsi, ce ne sont pas les entreprises qui paieront, mais l’État et les salariés. Tout cela pour discuter d’actions bloquées ! (M. Godfrain proteste.) Monsieur Godfrain, vous êtes auteur d’un rapport sur le sujet, mais moi, j’ai une expérience personnelle de ce dont vous parlez. Je n’oppose pas l’un à l’autre, les deux sont nécessaires. Mais j’ai été actionnaire de l’entreprise dans laquelle je travaillais, et je peux vous expliquer comment les choses se passent : à la fin du mois, on m’annonçait qu’aucune prime d’intéressement ne serait versée parce que les résultats n’étaient pas bons. À quoi bon suivre une formation si c’est pour entendre cela ? Vous faites un superbe cadeau aux entreprises ! Comme l’a dit Mme Billard, il s’agit d’un détournement, le détournement du droit individuel à la formation, pour lequel nous nous sommes tant battus.
Si encore il était prévu une formation à la gestion de l’entreprise, on pourrait comprendre.
Monsieur le ministre, vous faites fausse route. N’écoutez pas les deux rapporteurs : ils savent donner des leçons de gaullisme, mais ils sont très mauvais lorsqu’il s’agit d’appliquer concrètement les notions de participation et de gestion par les employeurs, les salariés, les comités d’entreprise et les organisations syndicales. J’élève une vigoureuse protestation devant ce détournement de la loi.
Nous arrivons maintenant à l’examen de cet amendement. Le droit individuel à la formation a été instauré – c’est un cas trop rare dans notre législation –, à la suite d’un accord interprofessionnel signé par toutes les organisations patronales et syndicales.
Nous avons également remarqué votre manque d’enthousiasme, monsieur le ministre.
Dernière remarque : la formation entre dans le processus de production pour l’améliorer et renforcer la compétitivité. Vous voulez en exclure la participation. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Or elle fait partie d’un tout. Le salarié a parfaitement le droit d’être informé sur ce tout.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
La seconde chose, c’est l’article L. 930-1 du code du travail relatif aux droits collectifs des salariés en matière de formation, aux termes duquel le chef d’entreprise et les partenaires sociaux négocient un plan de formation d’entreprise. Suite aux propositions de M. Godfrain, nous souhaitons introduire, par ces amendements, un élément supplémentaire de choix : chaque salarié pourra, comme il l’entend, être formé à l’actionnariat salarié, à la participation, et donc à la gestion de l’entreprise.
Je ne voudrais pas, chers collègues, que l’on se querelle…
Deux lectures de cet amendement s’opposent totalement. Selon l’opposition, nous voudrions détruire le droit à la formation individuelle.
Nous proposons un droit d’accès à tous les savoirs, techniques et intellectuels, y compris la connaissance de l’entreprise. C’est un bond qualitatif. Je comprends que vous ne le souhaitiez pas, monsieur Gremetz, puisqu’il va remettre en cause les comportements d’un certain nombre de groupes intermédiaires.
Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je mets aux voix les amendements identiques, nos 131 et 11.
Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
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Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 35
Nombre de suffrages exprimés 35
Majorité absolue 18
Pour l’adoption 30
Contre 5
L'Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. le ministre.
Premièrement, vous avez raison, madame Billard, l’utilisation du DIF, on le constate généralement, même si ce n’est pas vrai partout, a été surtout satisfaisante pour ceux qui étaient déjà habitués à la formation professionnelle. Les partenaires s’en inquiètent. Il faudra donc mener un travail supplémentaire. Je n’en conclus pas pour autant que les salariés français ne doivent pas être formés à la gestion des sociétés et aux fonctions d’administrateur !
Deuxième remarque, si les présidents des deux commissions en sont d’accord, je propose que l’on introduise, lors de la lecture de ce texte au Sénat, la « gestion d’entreprise » dans la définition de la formation professionnelle.
Enfin, je répondrai à l’inquiétude de M. Gremetz. Il est inexact d’affirmer que ce temps sera pris sur les vingt heures du DIF et que cela représente moins d’heures, puisque cela n’entre pas dans le champ d’application de l’article L. 900-2 du code du travail. En effet, il ne s’agit pas d’une formation d’ordre général, mais d’une formation professionnelle. En tout état de cause, nous respecterons la liberté de choix du salarié et du chef d’entreprise.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour les soutenir.
Il convient d’insister sur la méthode qui favorisera la formation dans le domaine de l’actionnariat salarié et de la participation.
Ces amendements instituent un crédit d’impôt. Je sais que cette formule peut susciter quelques réticences, mais je rappelle que nous y avons recouru, la semaine dernière, pour résoudre une difficulté. Nous pouvons adopter cette solution ici. Il s’agit de faire un effort important pour que progresse, dans les PME de moins de 250 salariés, la connaissance de la participation, de l’actionnariat salarié et de l’intéressement. M. Breton m’avait demandé de discuter à ce niveau du texte de cet amendement pour favoriser la participation et donner un moyen supplémentaire aux PME. Nous avons en effet décidé la semaine dernière d’élargir le principe : offrons maintenant aux PME les moyens de faire de l’information, de la pédagogie et de la formation.
Vous avez dit, messieurs les rapporteurs, à propos des amendements précédents, que le temps de cette formation ne s’imputait pas sur les vingt heures du droit individuel à la formation et que cela concernait surtout les petites entreprises. Vous citez ce que vous voulez du code du travail, mais savez-vous à partir de combien de salariés les entreprises sont obligées de présenter un plan de formation ? Vous savez très bien que les petites entreprises n’ont pas à en présenter. Si l’on a institué le droit individuel à la formation, c’est précisément parce qu’il y avait des plans de formation dans les grandes entreprises et pas dans les petites. Je m’en souviens, j’ai été à l’époque, avec Nicole Péry, l’un des promoteurs de cette mesure. Dans les petites entreprises, c’est donc bien sur les vingt heures que ce temps sera pris. Par ailleurs, regardez toutes les études, ce sont les gens les plus qualifiés qui profitent des formations, jamais les salariés situés à un bas niveau.
Vous permettez que l’on prenne sur les vingt heures, donc sur de l’argent public, pour discuter de l’actionnariat, et, en plus, on va donner des sous aux entreprises alors que ce sont elles qui devraient payer. Les petites entreprises, dites-vous, seront ainsi incitées à offrir à leurs salariés des actions de formation sur la vie économique et les dispositifs d’épargne salariale afin de renforcer la connaissance et l’attractivité de ces derniers. Vous êtes extraordinaires ! C’est dans ces entreprises qu’il y a le moins de formation, et, en mettant le seuil à 250 salariés, vous incluez des filiales de grands groupes. Franchement, c’est un cadeau royal que vous leur faites, et dont ne profiteront pas du tout les salariés.
Quant au code du travail, monsieur Ollier, il change beaucoup effectivement, mais je lis toutes les jurisprudences. Vos experts, souvent, sont en retard d’une jurisprudence, de plusieurs parfois, et vous dites des choses totalement dépassées. N’essayez pas de paraître plus que vous n’êtes. Vous êtes un excellent député, un excellent président.
Quant à cet amendement, je voterai contre. Les Verts ne sont pas contre les aides aux entreprises, mais seulement si elles sont ciblées en fonction de leur comportement par rapport à l’environnement ou de leur comportement social.
En l’occurrence, le seul critère pour recevoir une aide, c’est d’être une petite ou moyenne entreprise, sans autre contrainte. Or un grand nombre de moyennes entreprises sont des filiales de grands groupes, y compris étrangers. Beaucoup d’entre eux organisent ce qu’on appelle la délocalisation fiscale, c’est-à-dire qu’ils se débrouillent pour transférer leurs sièges sociaux à l’étranger. C’est le cas, par exemple, pour toute la branche des détergents. Palmolive, Colgate, Henkel, ou L’Oréal, qui ne fait pas vraiment de détergents mais qui est dans la branche chimie, ont tous délocalisé leur siège social en Suisse et structuré leur groupe de manière à ne plus payer d’impôt sur les bénéfices en France. De nombreuses entreprises considèrent cela avec beaucoup d’intérêt et sont en train de suivre le même chemin.
Ces groupes ne paient donc déjà plus d’impôt, et on va en plus leur donner un crédit d’impôt pour la formation sur l’actionnariat. Il ne faut tout de même pas abuser !
Quant à cet amendement, il crée une niche fiscale, mais quelqu’un a-t-il évalué le coût d’une telle mesure ? Alors qu’il y a la LOLF et toute une série de dispositions qui, selon l’expression d’un ministre, exigent des chiffrages à l’euro près, on nous présente un amendement qui crée une niche fiscale sans aucune évaluation. La mesure coûtera-t-elle 1, 3, 10, 20 millions d’euros ou plus ? Quel est son champ d’application ? On n’en sait rien. J’ai l’impression qu’on est dans l’approximation la plus absolue.
J’attends votre réponse avec gourmandise, monsieur le ministre. Ce texte, en effet, on le connaît. Il est sorti par la porte, il rentre par la fenêtre. Il avait été proposé dans la loi sur la modernisation de l’économie et, il n’y a même pas un an, vous vous y êtes opposé. J’ai sous les yeux les arguments pour lesquels il fallait le retirer. J’aimerais savoir pourquoi vous êtes pour aujourd’hui.
Bref, combien coûte cette niche fiscale, car on ne peut pas se prononcer sans le savoir ? Et pourquoi le Gouvernement a-t-il abandonné les arguments en sens inverse qu’il avait donnés dans cet hémicycle ? J’attends avec intérêt votre réponse.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
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Je mets aux voix les amendements nos 130 deuxième rectification et 10 deuxième rectification, le Gouvernement ayant levé le gage.
Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
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Voici le résultat du scrutin :
L’Assemblée nationale a adopté.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante.)
La parole est à Mme la ministre.
Le chiffrage de ce nouveau crédit d’impôt est relativement difficile à évaluer parce qu’il s’agit d’une mesure à caractère incitatif. On ne peut prévoir avec précision combien de petites et moyennes entreprises souhaiteront engager les actions de formation professionnelle ouvrant droit à cet avantage.
Cela étant, cette mesure tombe sous l’effet de deux plafonds cumulatifs. Le premier est celui institué par l’article général dans lequel s’inscrit l’article 244 quater P, à savoir un plafond de 5 000 euros par période de vingt-quatre mois. Le second est d’origine communautaire : toute aide publique aux petites et moyennes entreprises est plafonnée, sur une période de trois ans, à 100 000 euros. C’est sous ce double plafond que les dépenses de formation sont éligibles au crédit d’impôt qui s’applique aux petites et moyennes entreprises.
En l’état actuel des calculs, la mesure coûterait environ 5 millions d’euros par année civile fiscale, mais il s’agit, je le répète, d’une estimation, compte tenu du caractère incitatif de la mesure.
En ce qui concerne le périmètre, la question de savoir si les petites et moyennes entreprises appartenant à des grands groupes, fussent-ils étrangers, pourraient bénéficier du crédit d’impôt a donné lieu à des commentaires. Je souligne à ce sujet que le deuxième alinéa de l’article 244 quater P fait expressément référence à l’annexe I au règlement n° 70/2001 de la Commission du 12 janvier 2001, concernant l’application des articles 87 et 88 du traité instituant la Communauté européenne relatifs aux aides d’État, annexe qui définit très précisément la petite et moyenne entreprise au sens communautaire. Dès lors que la PME appartient à un groupe, on intègre l’ensemble des salariés dudit groupe pour déterminer si, oui ou non, le seuil de 250 est atteint. Il ne s’agit donc pas d’une mesure qui bénéficierait à de très vastes groupes possédant des petites et moyennes entreprises.
« Le coût de cette mesure reste incertain. Suivant les renseignements transmis à votre rapporteur général par le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, ce coût, en effet, n’a pu être évalué avec précision. Une estimation l’a chiffré à 10 millions d’euros environ. […] Cependant, outre que ce coût serait sensiblement plus élevé si la mesure devait rencontrer un certain « succès » auprès des entreprises concernées, cette estimation, faute des éléments statistiques adéquats, a été réalisée en l’absence de deux données pourtant capitales : d’une part, le nombre d’heures aujourd’hui financées par les PME pour la formation de leur personnel aux dispositifs d’épargne salariale ; d’autre part, parmi les PEE mis en place, la proportion de plans dont les sommes sont affectées au moins en partie à l’acquisition de FCPE. »
Voilà les conditions dans lesquelles on délibère : une niche fiscale dont on évalue aujourd’hui le coût à 5 millions d’euros, était chiffrée il y a quelques mois à 10 millions d’euros. Et il n’y aurait rien à redire au débat, dont la rigueur serait parfaite ! Nos concitoyens apprécieront.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 129.
(Ces amendements sont adoptés.)
La parole est à M. Jacques Desallangre, pour soutenir l’amendement n° 73.
Il fait suite notamment au scandale Métaleurop. Le 17 janvier 2003, ce groupe industriel décidait brusquement « de ne pas octroyer de nouveaux financements à sa filiale Métaleurop-Nord de Noyelles-Godault » dans le Pas-de-Calais, signant ainsi l'arrêt de mort de ce site de production de zinc : 830 salariés ont été jetés à la rue, sans compter ceux dont l’emploi était indirectement lié à cette entreprise. Aujourd’hui encore l'État et les collectivités territoriales supportent les conséquences sociales, sanitaires et environnementales de ce désastre.
La réintroduction en bourse, le 6 février dernier, du titre Métaleurop, dont la cotation connaissait un bond de 622 % dès le premier jour, puis de 35 % le jour suivant, a provoqué l'émotion et la colère des salariés licenciés et de toute la population du Nord–Pas-de-Calais : une fois digérée une liquidation soldée sur le dos des travailleurs et de la collectivité, les affaires ont repris de plus belle pour les actionnaires de la maison mère !
Ce cas n’est malheureusement pas isolé : il témoigne d'une pratique de gestion devenue presque ordinaire pour les grandes entreprises, qui externalisent leurs restructurations vers leurs filiales ou leurs sous-traitants, et leur imposent, par une domination financière et commerciale anormale, des suppressions d'activités et d'emplois. Nombre d'équipementiers du secteur automobile souffrent actuellement de telles relations prédatrices.
Vous nous parlez de partage des fruits de la croissance avec les salariés, de réconciliation du travail et du capital : tout cela n'est que miroir aux alouettes sans une véritable responsabilisation sociale des entreprises. Il faut étendre cette responsabilité au-delà des frontières formelles de la société anonyme pour prendre en compte la réalité des liens de production, de travail, de financement et d'échanges entre unités économiques. Le droit doit être adapté à l’évolution des pratiques fuyantes des employeurs, notamment à l’externalisation de leurs relations avec la main-d'œuvre.
L'affaire Métaleurop est éclairante en la matière. M. François Fillon, ministre des affaires sociales au moment des faits, n'affirmait-il pas qu' « il n’est pas acceptable qu'une entreprise se permette de décider de fermer une de ses filiales sans en assumer les conséquences sociales et environnementales » ? Je ne saurais mieux dire.
Dans sa décision du 16 décembre 2004, la cour d'appel de Douai avait constaté, sur la base d'un rapport d'expertise, « une confusion entre les patrimoines des sociétés Métaleurop-Nord et Métaleurop SA » et ordonné « l'extension à la SA Métaleurop de la procédure collective ouverte à l'encontre de la SA Métaleurop-Nord. » Les juges ont estimé que la filiale « se trouvait dans une situation de dépendance décisionnelle et financière particulièrement marquée » et que ses relations avec Métaleurop SA étaient devenues « anormales ».
Cet arrêt, qui constitue une avancée vers la responsabilisation des sociétés mères vis-à-vis des entités qui lui sont subordonnées, a hélas ! été invalidé par la Cour de cassation le 19 avril 2005, au motif qu’il manquait de base légale. En effet, le code de commerce ne définit pas la confusion de patrimoines, état qui justifie l'extension à la maison mère d'une procédure ouverte contre une filiale ou un sous-traitant. Notre amendement a pour objet de combler cette lacune en donnant un prolongement législatif à l'arrêt de la cour d'appel de Douai, qui introduit la notion de « dépendance décisionnelle et financière particulièrement marquée ».
Je m’oppose cependant à votre proposition pour deux raisons.
Premièrement, elle est étrangère à l’objet du projet de loi, puisqu’elle vise à modifier une disposition relevant du droit des procédures dites de sauvegarde, c’est-à-dire du droit des faillites et du code de commerce. La démarche va donc à l’encontre du recentrage souhaité.
Mon deuxième motif d’opposition porte sur le fond : cette proposition étend de façon considérable une disposition déjà en vigueur. L’article L.621-2 du code de commerce prévoit en effet que la procédure collective peut être étendue à d’autres personnes juridiques que l’entreprise en cessation de paiement s’il apparaît qu’il y a confusion des patrimoines ou création de personne morale fictive : il s’agit de sanctionner l’insolvabilité organisée, voire franchement malhonnête, d’entrepreneurs en difficulté qui protègent leurs actifs sains en les mettant au nom de leur conjoint ou d’une société fictive. Ce que l’amendement propose va infiniment plus loin : il s’agirait, sur la base d’un critère incertain, celui de « dépendance décisionnelle et financière particulièrement marquée »…
(L'amendement n'est pas adopté.)
L’amendement n° 74 tend à insérer dans le code de procédure pénale un nouvel article ainsi rédigé : « Tout comité d’entreprise ou de groupe, ou à défaut tout représentant du personnel, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les abus de biens sociaux ayant entraîné la liquidation judiciaire de l’entreprise et des suppressions d’emplois. »
Cette disposition s’inspire elle aussi d’un cas réel, sur lequel nous avons attiré l'attention du Gouvernement par diverses correspondances. II s'agit de la situation des salariés de l'entreprise NOSOCOBA sise à Bar-le-Duc.
En 1993, cette société, qui s'appelait à l'époque SOCOBA, déposait le bilan et était rachetée pour le franc symbolique par M. Patrice Bouygues. Celui-ci avait, dans la perspective de ce rachat et de la sauvegarde de l'activité, bénéficié d'environ 1,5 million de francs d'aides publiques destinées à lui permettre de racheter les locaux à tarif préférentiel à la ville de Bar-le-Duc, par le biais d'une société civile immobilière dont sa femme détenait toutes les parts. Les deux époux se retrouvaient ainsi propriétaires de ces bâtiments en centre ville.
En 2002, de nouvelles difficultés financières apparaissant, M. Bouygues revendait la société au Groupe ITTAM dirigé par M. Arnaud Bazin. Malgré ces difficultés financières et le coût prohibitif de la location des locaux à la SCI détenue par les époux Bouygues, M. Bazin portait, en accord avec le personnel, un vrai projet industriel, susceptible de redresser l'entreprise et de lui éviter la liquidation judiciaire. Toutefois, du fait de la brièveté excessive de la période d'observation et de l'absence des soutiens financiers nécessaires au maintien de l'activité, la liquidation était prononcée, mettant en péril une centaine d'emplois.
Entre-temps, une enquête avait été menée sur l'activité financière de M. Bouygues. Celui-ci, une fois prononcée la liquidation de l’entreprise, dont le contexte trahissait une certaine complaisance du tribunal de commerce à son égard, réalisa une juteuse opération immobilière en vendant les bâtiments de l'usine. L’instruction ayant fait apparaître le détournement à son profit de certaines ressources de l'entreprise et le caractère programmé de la faillite, il a été mis en examen pour abus de bien sociaux.
Les salariés, dont 98 ont été licenciés, sont les principales victimes, et ce pour deux raisons. Premièrement, la liquidation judiciaire est considérée a priori comme un motif incontestable de licenciement économique. Deuxièmement, sur le plan pénal, en cas d'abus de biens sociaux, ni le comité d'entreprise, ni les organisations syndicales, ni les salariés ne peuvent se constituer partie civile pour faire valoir leurs droits et prétendre à réparation du préjudice.
Face à cette situation particulière, madame la ministre, le statu quo n’est pas envisageable : les pouvoirs publics ne peuvent abandonner ces salariés à leur sort, alors que ce sont bien des malversations financières, reconnues par le qualificatif « d'abus de biens sociaux », qui ont entraîné la liquidation judiciaire et les licenciements qui en sont la conséquence.
Le législateur doit donc se saisir de cette question et donner les moyens aux salariés de faire valoir leurs droits. C'est le sens de cet amendement, qui ouvre aux salariés et à leurs représentants la possibilité de se constituer partie civile afin d'obtenir réparation pour le préjudice subi : en l’espèce il est capital, puisqu’il s’agit de la perte de leur emploi.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Lutter contre les licenciements abusifs et infondés suppose de responsabiliser davantage les chefs d'entreprise et de rendre la sanction dissuasive. En l'état actuel du droit, et sauf de rares exceptions, comme en cas de licenciement d'une salariée enceinte, le code du travail ne prévoit pas la nullité des licenciements dépourvus de cause réelle et sérieuse. Une condamnation de l'employeur ouvre droit, le plus souvent, à réparation mais n’annule pas la suppression d'emplois.
Depuis plusieurs années, la Cour de cassation tente de combler cette lacune en consacrant la sanction de nullité pour généraliser le droit à réintégration ou, à tout le moins, garantir une indemnisation forfaitaire élevée.
Si l'on veut que la justification du licenciement par l'employeur ne soit pas une simple formalité, il faut lui donner de la consistance. Notre proposition aurait pour effet positif de réguler le recours intempestif au licenciement pour motif personnel. En effet, on constate malheureusement aujourd'hui que ces derniers masquent bien souvent un marchandage individuel visant à échapper aux dispositions plus protectrices du licenciement économique. Une étude de la DARES indique que cette forme de rupture du contrat de travail a – comme c’est étrange – augmenté de 26 % entre 1998 et 2001, alors que la conjoncture était pourtant réputée favorable. Parmi les explications les plus crédibles de cette poussée soudaine, la DARES pointe « une logique d'évitement des plans sociaux, le licenciement pour motif personnel étant l'un des moyens de réduire ou de recomposer la main-d'œuvre dans le cadre des restructurations ».
Je me permets enfin de vous rappeler, monsieur le ministre, au moment où nous examinons une réforme de la participation et de l'actionnariat salarié, les propos de Georges Gorse, l’un de vos prédécesseurs au ministère du travail. Défendant dans ce même hémicycle le texte qui devait devenir la loi du 13 juillet 1973, celle-là même qui instaura l'obligation de cause réelle et sérieuse en cas de licenciement, il déclarait : « Comment veut-on que le salarié accepte de se considérer comme participant et de se comporter comme tel si, alors qu’on lui promet un intéressement aux bénéfices et qu’on le fait même accéder au titre d'actionnaire, il a conscience d'être à chaque instant à la merci d'une décision unilatérale incontrôlée ou incontrôlable ? »
Nous vous invitons, en reprenant cet amendement, à vous inscrire dans le sillon tracé par un ministre clairvoyant. Depuis 1973, l'insécurité sociale et le chômage se sont accrus. L'heure nous semble venue de consolider le garde-fou institué à l'époque.
Le licenciement nul correspond aux cas les plus graves, celui d’un salarié protégé, d’une femme enceinte, d’un licenciement discriminatoire. Il est nécessaire, me semble-t-il, de garder en l’occurrence un régime de sanctions différent et aggravé.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le soutenir.
Ce droit nouveau conféré aux représentants du personnel et au comité d'entreprise leur permettrait en effet de s'opposer aux licenciements et de faire annuler ceux dont le motif économique est injustifiable et donc contestable.
Les licenciements dépourvus de motif économique au sens de la loi, tels ceux visant exclusivement à valoriser la capitalisation boursière, ne doivent pas avoir lieu. Afin que les représentants du personnel et le comité d'entreprise puissent s'y opposer efficacement, la loi doit leur conférer un véritable pouvoir de contrôle et de contestation.
Le présent amendement ne tend pas à aboutir à une interdiction des licenciements, mais à créer les conditions d'une véritable concertation. Si la motivation invoquée par l'employeur n'est pas conforme à la loi, les délégués du personnel et le comité d'entreprise pourront s'opposer aux licenciements jusqu'à ce que le juge se prononce sur leur justification. Dans l'hypothèse où ce dernier constaterait à son tour l'irrégularité des motifs de licenciement, il pourrait confirmer l'opposition et annuler toutes décisions contraires.
Le droit d'opposition est en outre un instrument efficace pour promouvoir les projets économiques proposés par les représentants du personnel comme alternative aux licenciements. Il s'agit d'encourager la gestion citoyenne et la création d'entreprises également citoyennes.
Vous vous placez, monsieur Desallangre, dans une logique de conflit et de recours systématique à la justice, avec pour seul résultat de suspendre une mesure pendant le temps d’un procès, c’est-à-dire quelques jours ou quelques semaines. Les salariés n’ont rien à y gagner.
Si un jugement avait pu intervenir rapidement, avant que l’irréparable ne soit commis, peut-être auraient-ils encore aujourd’hui un travail qu’en tout état de cause ils méritaient de conserver après trente ans de fidélité à l’entreprise.
(L'amendement n'est pas adopté.)
« Il est inséré, après l'article L. 432-5 du code du travail, un article L. 432-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 432-5-1. – Lorsque l'employeur d'une entreprise sous-traitante a connaissance d'une décision d'une entreprise donneuse d'ordre dont il estime qu'elle engendre des difficultés économiques de nature à la contraindre à procéder à un licenciement collectif, il en informe et réunit immédiatement les représentants du personnel.
« Sur la demande de cet employeur, le comité d'entreprise de l'entreprise donneuse d'ordre est convoqué sans délai par l'employeur de cette dernière et se trouve élargi aux membres du comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel de l'entreprise sous-traitante avec voix délibérative.
« Il en est de même, sur la demande des représentants du personnel de l'entreprise sous-traitante, lorsque ceux-ci ont connaissance d'une décision telle que visée au premier alinéa du présent article.
« Le comité ainsi élargi, coprésidé par les deux employeurs ou leurs représentants, dispose des prérogatives prévues par les articles L. 434-6 et L. 321-1 du code du travail.
« La réunion des deux entreprises constitue le champ d'appréciation du motif économique et de l'effort de reclassement au sens de l'article L. 321-1.
« Le refus, par l'employeur de l'entreprise donneuse d'ordre, de convoquer le comité d'entreprise sur la demande de l'employeur ou des représentants du personnel de l'entreprise sous-traitante est sanctionné par les dispositions de l'article L. 483-1 du code du travail.
« Lorsque l'employeur de l'entreprise sous-traitante n'a pas fait usage de la procédure prévue par le présent article, la décision de l'entreprise donneuse d'ordre ne peut être invoquée, directement ou indirectement, comme motif de licenciement par l'entreprise sous-traitante. »
À l’heure actuelle, 66 % des salariés travaillent dans une très petite entreprise ou dans une PME, mais, pour reprendre les conclusions d’un économiste, cette déconcentration économique masque en réalité un renforcement de la concentration financière, qui profite notamment aux groupes multinationaux. Aujourd’hui, un salarié sur deux travaille dans une entreprise contrôlée par un groupe, et la part des PME contrôlées par un groupe représente 42 % de l’ensemble des salariés des PME. Le recours massif à la sous-traitance, qui permet à de grandes entreprises ou à des groupes d'externaliser des activités tout en conservant tout leur pouvoir de décision, sinon de négociation, donne ainsi à ces grandes firmes, au-delà des gains escomptés en matière de flexibilité et d’abaissement des coûts salariaux, la possibilité d’externaliser aussi très souvent les suppressions d’emplois. Le passage en sous-traitance leur permet en effet de s’exonérer de nombre de règles du code du travail et, plus particulièrement, de leurs obligations en matière de licenciement économique, qu'il s'agisse de la justification du licenciement ou des conséquences de celui-ci en termes d'indemnité ou de reclassement.
Les licenciements économiques prononcés dans ces conditions par les sociétés sous-traitantes échappent à tout contrôle réel du motif, le champ d’appréciation étant limité à l’entreprise sous-traitante. En outre, ils ne permettent pas la mise en œuvre de procédures d’information et de consultation valables et limitent la recherche de solutions de reclassement efficaces, les capacités du sous-traitant étant le plus souvent réduites en ce domaine.
Le dispositif que nous proposons ouvre la possibilité aux dirigeants de l’entreprise sous-traitante, comme aux représentants du personnel de cette dernière, de recourir à un cadre d’appréciation et de débat commun, qui responsabilise l’entreprise dominante. En clair, le comité d’entreprise de la firme donneuse d’ordres devrait être saisi de tout projet de nature à affecter l’emploi dans l’entreprise sous-traitante et qui résulterait d’une décision de la première. Ce comité d’entreprise se verrait alors adjoindre avec voix délibérative les représentants élus de l’entreprise sous-traitante. Le comité ainsi élargi examinerait non seulement les fondements économiques du projet, mais également un projet de plan social élaboré conjointement par les directions de deux entreprises. Il disposerait, en cas d’insuffisance de celui-ci, des mêmes attributions qu’un comité d’entreprise « classique ».
Cette procédure s’inscrit dans l’avènement progressif dans notre droit de la notion d’unité économique et sociale. À l’origine, le législateur l’a introduite dans l’article L.431-1 du code du travail pour établir un lien entre des structures pourtant juridiquement distinctes afin de permettre la mise en place d'institutions représentatives du personnel communes. Admettez qu’il serait malvenu de ne pas reconnaître sa pertinence pour traiter du sujet de préoccupation numéro un des salariés, à savoir l’emploi et les restructurations. C’est pourquoi nous défendons cet amendement sans avoir l’impression de proposer une usine à gaz : on a vu des textes plus compliqués être adoptés et celui-ci défend les intérêts des salariés. Le code du travail n’est-il pas fait pour cela ?
Le terme « usine à gaz » que j’ai employé est peut-être exagéré, mais cet amendement n’en poserait pas moins de graves problèmes juridiques, ne serait-ce que pour apprécier le champ d’application de la procédure : qu’est-ce qu’un sous-traitant ? tout fournisseur peut-il invoquer cette disposition ?
Il me semble en outre, et j’en suis un peu surpris, que l’amendement va à l’encontre de la volonté de renforcer le rôle des comités d’entreprise. Si les salariés doivent être mis au fait de données économiques sensibles ou d’options stratégiques de l’entreprise, encore faut-il que celle-ci puisse attendre d’eux un minimum de discrétion dans l’usage fait de ces informations. Comment satisfaire cette exigence en réunissant les instances de deux entreprises aux intérêts le plus souvent divergents ?
(L'amendement n'est pas adopté.)
Si nous la demandons c'est parce que nous avons fait, comme des milliers d’autres, le même constat : alors que l’on nous avait promis avec ce nouveau contrat de vraies créations d'emplois, force est de constater qu'il n'en est rien. Plutôt que de libérer l'emploi, il a multiplié les contentieux. Ce contrat de travail dérogatoire ne pouvait fonctionner pour une raison essentielle, que le MEDEF avait d'ailleurs lui-même soulignée : l’insécurité juridique qu'il pouvait provoquer pour les employeurs. Aujourd'hui, qu'en est-il ?
On observe déjà la perversion du dispositif : selon une étude, 35 % des CNE signés l'ont été par des salariés déjà présents dans l'entreprise sous une autre forme d'emploi. Or 71 % des entreprises ayant signé des CNE avouent qu’elles auraient embauché de toute façon, et dans 40 % des cas en CDI. Vous leur offrez la belle occasion d'attendre deux ans, et cela, hélas, dans la plus complète insécurité pour le salarié.
Une étude du ministère de l'emploi publiée à la mi-juin précise même que 90 % des CNE se sont substitués à des CDI ou à des CDD et que, a contrario, seulement 10 % des 440 000 CNE signés constituent de vraies créations d'emplois. L'INSEE révèle quant à elle que 30 % de ces contrats étaient rompus six mois après leur création.
En d'autres termes, le CNE, comme nous l'avions dénoncé à l'époque, est venu se substituer à des contrats de travail plus stables, dans un contexte où la part des contrats précaires ne cesse de croître.
À cela s'ajoute l'instabilité juridique que confirment les nombreux recours dont j’ai déjà parlé. Cela vous gêne d’ailleurs puisque vous usez d'un abus de pouvoir pour faire dessaisir la juridiction d'appel des demandes afin de renvoyer le jugement au tribunal administratif. Une nouvelle fois, on assiste à une mise en pièces de la séparation des pouvoirs.
Le CNE est mis à mal par plusieurs décisions judiciaires, dont celle rendue le 28 avril dernier par le conseil de prud'hommes de Longjumeau, qui a déclaré le dispositif contraire à la convention 158 de l'Organisation internationale du travail. À l’occasion du jugement de cette même affaire devant la cour d'appel de Paris, le 22 septembre, le Gouvernement a utilisé une procédure extraordinaire, le déclinatoire de compétence, déposé par le préfet de l'Essonne. Au moyen de ce que nous ne pouvons qu’appeler une escroquerie juridique, vous avez ainsi tenté d'empêcher la cour de se prononcer sur les droits des salariés en CNE licenciés sans motivation.
Déjà, en mars dernier, le garde des sceaux avait ordonné aux procureurs d’intervenir systématiquement dans les procès concernant le CNE et de faire appel de toute décision favorable aux travailleurs. Cette nouvelle intrusion du pouvoir politique dans le débat judiciaire n’est pas tolérable. Après une longue série d’atteintes au droit du travail portées par ordonnances, décrets estivaux, amendements parlementaires votés à la sauvette, le Gouvernement entend sinon interdire, du moins contrarier le contrôle des juges.
L’exposé de ces faits concrets, précis, me semble suffisant pour motiver notre demande d’abrogation du CNE.
En outre, je pourrais citer d’autres chiffres que ceux que vous avez donnés et qui ont aussi du sens. Ainsi, il y aurait eu, selon des études fouillées du ministère de l’emploi, 440 000 embauches liées au CNE entre août 2005 et mars 2006.
On peut se battre sur les chiffres mais je ne crois pas que ce soit le lieu de rouvrir le débat sur le CNE qui, je le répète, a été adopté à titre expérimental.
Suite à la décision du conseil des prud’hommes de Longjumeau retenant que le CNE était contraire aux engagements internationaux de la France, en l’occurrence à la convention 158 de l’OIT, pour la définition de la période d’essai, celle-ci étant beaucoup trop longue même si elle a été rebaptisée autrement, le parquet général, qui, lui, ne peut guère faire autre chose que de défendre l’évidence du droit, a bien évidemment soutenu devant la cour d’appel que cette appréciation relevait du juge judiciaire. Le Gouvernement, lui, a soutenu sans aucune nuance que, le CNE trouvant son origine dans une ordonnance, seul le juge administratif était compétent. Personne, pas même ceux qui l’écrivent, ne croit un instant à cette argumentation qui n’a de valeur que pour attaquer l’ordonnance elle-même, non pour attaquer la mise en œuvre de cette ordonnance. S’agissant de dispositions qui relèvent du droit du travail, c’est bien le juge naturel du contrat de travail qui est compétent.
Tout cela n’a qu’un objectif : permettre au préfet, après la décision de la cour d’appel, de recourir à un déclinatoire de compétences, c'est-à-dire de saisir le Tribunal des conflits, même si l’on sait très bien ce qu’il va dire. Le Gouvernement, en réalité, a usé d’une méthode dilatoire, l’objectif n’étant pas de connaître la décision du Tribunal des conflits, mais simplement de gagner du temps compte tenu du délai nécessaire à l’instruction du dossier.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jacques Desallangre, pour défendre l’amendement n° 75.
Comme le précise le rapport, l'objet de cet article « vise à donner un cadre juridique clair aux prêts de main-d'œuvre opérés dans le cadre des pôles de compétitivité ». Ainsi, alors que la jurisprudence a opté pour une interprétation assez extensive de ces dispositions pour protéger les travailleurs et que des abus ont été constatés et sanctionnés – on recense aujourd'hui entre 150 et 200 condamnations par an liées au délit de marchandage, contre 123 en 2001 par exemple, et l’on se souvient notamment d’une affaire qui a touché la grande distribution – le Gouvernement propose de déroger temporairement au droit commun.
Cette attitude s’inscrit dans la suite logique – elle est de la même veine – de l'ensemble des dispositions déjà adoptées par votre majorité, la plupart du temps en catimini, comme le portage salarial ou le travail à temps partagé, toutes formes d'emplois qui morcellent et fragilisent le salariat, ses droits et ses protections.
Prenons l'exemple du portage. Le principe est le suivant : l'entreprise achète une compétence, la société de portage lui fournit un salarié « porté » et ce dernier reçoit de la société de portage une rémunération correspondant à la mission qu'il effectue pour l'entreprise. La relation, tant qu'elle fonctionne, semble satisfaire tous les acteurs. Ce n'est plus le cas lorsque intervient une rupture de contrat. L'entreprise n'a plus besoin du salarié, qui se retrouve au chômage. Quel est alors son statut ? L'UNEDIC se montre aujourd'hui extrêmement ferme : les portés n'entrent pas dans le régime d'indemnisation de l'UNEDIC. Or l'essor du portage multiplie le nombre de ces situations difficiles. En fait, les salariés portés sont dans un vide juridique. En travaillant pour une entreprise tout en étant payé par une autre, le salarié est-il subordonné et, si oui, à qui ?
La question peut se poser dans le cas présent : vous ne précisez même pas qui a le pouvoir de subordination et qui est le responsable contractuel en cas de conflit.
La logique est identique avec les entreprises dites de « travail à temps partagé », dont l'activité consiste à « mettre à disposition d'entreprises clientes du personnel qualifié qu'elles ne peuvent recruter elles-mêmes à raison de leur taille ou de leurs moyens ». Comme pour l'intérim, il s'agit d'une relation triangulaire entre un salarié, une entreprise de fourniture de main-d'œuvre et une entreprise utilisatrice. « Un contrat est signé, pour chaque mise à disposition individuelle de salarié, entre l'entreprise de travail à temps partagé et l'entreprise cliente », indique le texte. « Ce contrat précise le contenu et la durée estimée de la mission », la qualification professionnelle, les caractéristiques du poste de travail, la rémunération. L'adjectif « estimée » signifie qu'il n'y a pas de terme précis à la mission. Un ouvrier ou un ingénieur peut être envoyé pour cinq semaines, cinq mois, ou plus, chez un patron qui pourra adapter la durée de la mission en fonction de ses besoins. À la fin de la mission, le salarié revient donc dans l'entreprise de travail à temps partagé, à laquelle il est lié par un CDI qui ne lui offre aucune protection réelle. Si cette entreprise n'a pas d'autre mission à lui confier, c’est pour elle un motif valable pour le licencier pour cause économique. Quitte à le reprendre quelques semaines plus tard si besoin est.
Toutes ces formes dégradées de l'emploi nuisent au statut du salarié et aux garanties dont les salariés devraient bénéficier. Pour ces raisons, nous proposons la suppression de l’article 22.
L’intitulé du chapitre Ier est curieusement présenté comme devant favoriser la sécurité des parcours professionnels. Il est pour le moins paradoxal que nous examinions ces articles le jour même, cela a été souligné par Alain Vidalies, où le Président de la République, à grand tapage médiatique, propose d'établir de nouvelles règles en matière sociale, et notamment l'obligation de concertation avec les partenaires sociaux chaque fois que le Gouvernement ou le Parlement examinera un projet de réforme relatif au droit du travail, ce qui est vraiment le cœur de ce chapitre et de ce titre. La concertation dont vous vous targuez, et que le Président Chirac appelle de ses vœux, n'a visiblement pas concerné le titre III. Vous ne pouvez pas en effet considérer que des réunions bilatérales, tenues plus ou moins en catimini et qui n'ont fait apparaître aucun consensus sur ce texte, puissent être conformes à la règle qui vient d'être proposée.
En réalité, vous avez agi avec précipitation pour satisfaire les groupes de pression, désireux de contourner le code du travail ou de se soustraire à certaines de ses obligations. Vous voulez encore davantage fluidifier et flexibiliser le marché du travail avec de nouveaux outils, sous couvert de sécurisation. Et cela au moment où se développent les emplois précaires. Ainsi, nous venons d'apprendre, aujourd’hui même, que l'emploi intérimaire a progressé de 5,6 % en France au cours du deuxième trimestre 2006, soit la plus forte hausse depuis six ans, et même de 8,6 % en un an, avec un rebond dans tous les secteurs.
Les mesures du titre III sont d'une telle brutalité et traduisent une telle improvisation que les rapporteurs des commissions ont eux-mêmes écarté plusieurs articles, soit pour des raisons de forme, soit pour des raisons d'opportunité électorale.
L'article 22 illustre votre volonté de substituer la précarité à la sécurité. Il propose en effet la mise en place d'un dispositif temporaire expérimental permettant aux entités de droit public et de droit privé d'un pôle de compétitivité de procéder à des prêts de personnels par dérogation aux interdictions de prêts de main-d'œuvre à but lucratif.
Le délit de marchandage est aujourd'hui réprimé, à juste titre et de façon constante, par la jurisprudence. Or cet article vise inopportunément à légaliser ce délit en élargissant le champ du prêt de main-d’œuvre alors qu'il est actuellement réservé aux entreprises de travail temporaire. Sous couvert d'expérimentation, permettre ce type d'arrangement, c’est ouvrir la porte à tous les abus. Il s'agit là d'un nouveau pas vers la fluidification de la circulation des salariés. Aujourd'hui réservé aux pôles de compétitivité à titre expérimental, pourquoi, par la suite, ce prêt ne serait-il pas généralisé à l'ensemble du marché du travail ?
Certains pôles de compétitivité rassemblent des dizaines de milliers de salariés, un grand nombre de personnes pourraient donc déjà être concernées par cette mesure, quelle que soit leur fonction. Quels sont les droits de ces salariés ? Quelles garanties leur proposez-vous ? Aucune.
Le prêt serait régi par une simple convention passée entre deux entreprises. Le salarié garderait le même contrat de travail alors qu'il changerait d'entreprise et que ses missions et ses conditions de travail pourraient être considérablement modifiées. L'information des organisations représentatives des salariés sur la convention, le retour du salarié dans son emploi d'origine à la fin du prêt et la conservation par ce dernier des droits et garanties rattachés à son contrat de travail initial pendant la durée du prêt ne sont pas prévus. De surcroît, le salarié mis à disposition ne serait pas pris en compte pour le calcul des effectifs de l'entreprise d'accueil. Autant dire que ses droits fondamentaux – droits électoraux, droits à la sécurité et à l'hygiène – seraient bafoués. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce point notamment lors de la discussion de l'article 32, qui vise justement à entériner ce mode de décompte des effectifs.
Tous ces éléments démontrent qu’il faut supprimer l’article 22.
Actuellement, seules les entreprises de travail temporaire sont autorisées à faire du placement de main-d’œuvre. L’article 22 ouvre cette possibilité à toutes les entreprises sans distinction. Je peux concevoir sans a priori que, pour certains emplois très qualifiés, dans les pôles de compétitivité, le prêt de main-d’œuvre puisse être utile. Mais l’article ne précise rien : les entreprises peuvent faire du placement de salariés, dans le cadre d’un pôle de compétitivité, sur l’ensemble des emplois, du moins qualifié au plus qualifié. Pourquoi ce besoin d’ouverture pour tous les emplois ?
Ensuite, l’employeur de départ devra conclure une convention avec l’entreprise à la disposition de laquelle sera mis le salarié, mais il n’y a aucune obligation de porter cette convention à la connaissance des organismes de dialogue social dans les deux entreprises – comité d’entreprise ou délégués du personnel selon la taille de l’entreprise – ou même du salarié concerné. Des accords pourront donc intervenir sans que les salariés, les délégués du personnel et les comités d’entreprise soient au courant, ce qui pose un problème. Nous avons l’impression que le dialogue social, objet de la fameuse loi dont nous avons débattu, n’existe plus dans les pôles de compétitivité !
Le dispositif contourne aussi l’obligation d’information sur les postes disponibles, auxquels des salariés de l’entreprise d’accueil auraient pu postuler. Et que se passe-t-il ensuite dans l’entreprise d’où part le salarié ? Peut-elle réembaucher sur le poste libéré, et sous quelles conditions ? S’agira-t-il d’un emploi en CDD, en CDI ou d’un intérim ? Le texte n’en dit mot.
Comment penser que l’inspection du travail pourra contrôler ces prêts de main-d’œuvre alors que la faiblesse de ses effectifs l’empêche de contrôler l’existant ? Je viens ainsi de recevoir une jeune femme, ingénieur, licenciée par France Télécom au terme de huit années de contrats à durée déterminée successifs, qui n’a pas osé demander aux prud’hommes la requalification de ces CDD en CDI, et qui est maintenant au chômage. Alors que l’État est incapable de faire respecter les textes relatifs aux CDD, le Gouvernement invente un dispositif qui introduit davantage de flexibilité dans les contrats de travail !
La mesure vise aussi les fonctionnaires. Comment garantir, pour ce qui les concerne, le respect de l’alinéa 15 selon lequel : « pendant la durée de la mise à disposition, le salarié à droit au maintien de sa rémunération. Celle-ci ne peut être inférieure à celle que percevrait, dans l’entreprise utilisatrice, un salarié embauché directement par celle-ci, de qualification équivalente, de même ancienneté et occupant un poste similaire. » ? Comment le calcul se fera-t-il ? Nous savons tous qu’à niveau de qualification égal, les salaires sont nettement plus élevés dans le secteur privé que dans la fonction publique.
Enfin, comment seront comptabilisés, au regard de la LOLF, les postes de fonctionnaires ainsi transférés dans le secteur privé ?
Pour écarter ces risques et garantir le respect des droits des salariés, l’article 22 propose un cadre législatif spécifique pour la mise à disposition – je préfère cette expression à celle de prêt de main-d’œuvre que je trouve trop méprisante – de salariés à l’intérieur des pôles de compétitivité. Il s’agit d’apporter de la sécurité juridique, et tous ceux qui ont lancé des pôles admettent que c’est une nécessité. La commission a donc adopté cet article, mais je rappelle que le dispositif est proposé à titre expérimental, qu’il sera évalué en 2009 au plus tard et qu’il est limité aux pôles de compétitivité.
Je souligne enfin que de nombreuses précautions ont été prises pour garantir les droits des salariés et que la commission, à l’initiative du groupe socialiste, vous proposera de préciser certains points, notamment pour ce qui concerne les conditions de réintégration du salarié dans son entité d’origine à la fin de sa mise à disposition.
Voilà pourquoi la commission a repoussé les trois amendements de suppression.
Quant à la concertation, elle a eu lieu, et je ne peux laisser évoquer ici de simples réunions bilatérales tenues « en catimini » – c’est très injurieux à l’égard de ceux qui l’ont menée. De plus, la Commission nationale de la négociation collective s’est prononcée à ce sujet le 20 octobre 2005, après quoi le dispositif a été validé au terme d’ultimes consultations.
Je ne doute pas de la bonne foi des parlementaires qui se posent des questions à ce sujet, mais je suis convaincu que le dispositif mérite d’être expérimenté.
Vous ne pourrez pas me dire que je ne connais pas les pôles de compétitivité. Je suis du reste tout à fait d’accord avec la philosophie qui a été exposée par M. le rapporteur et M. le ministre.
Pour avoir été à l’origine, à Grenoble ou à Lyon, des structures que vous appelez aujourd’hui les pôles de compétitivité, je comprends la philosophie de cet article. Je suis par ailleurs consciente de la nécessité de la mobilité, ayant défendu ici même il y a quelques mois, lors de l’examen de la loi sur la recherche, plusieurs amendements, d’ailleurs rejetés par le Gouvernement, qui visaient à faciliter le passage des chercheurs du secteur public au secteur privé. C’est dire si je connais l’économie du savoir dans laquelle nous sommes entrés et la nécessité de maintenir au plus haut niveau les talents de notre pays.
Mais j’ai relu l’article 22 du projet de loi et l’exposé sommaire de l’amendement n° 239. M. Charzat et M. Vidalies ne comprennent pas – ils ne seront pas les seuls – qu’il s’agit d’introduire une expérimentation dans le contexte spécifique des pôles de compétitivité et des synergies entre la recherche et l’entreprise. Ce ne sont pas les milliers de salariés d’Arkema, à Lyon, qui sont visés par ce texte mais, au sein du pôle de compétitivité, ceux du programme spécifique « nouveaux moteurs » ou « nouveaux matériaux ».
Je l’affirme honnêtement et sans idéologie : mon groupe est satisfait des amendements de suppression proposés par le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Il les votera, ainsi que les amendements en discussion, qui relèvent de la même démarche. En matière de droit du travail, il faut bien réfléchir, surtout dans les secteurs qui relèvent d’une certaine modernité.
Deuxièmement, le projet de loi n’évoque absolument pas les pôles de compétitivité ; il conserve une portée générale. On ne peut donc pas tenter d’expérimentation dans ces conditions.
Troisièmement, vous prétendez que la négociation a eu lieu. Mais vous savez qu’elle s’est achevée très récemment et que les organisations syndicales, que nous avons consultées, ne sont pas très favorables à cet article. On constate de leur part beaucoup d’hésitations, qui tiennent, comme l’ont démontré Mme Billard et M. Charzat, à la manière dont le texte est écrit. Il dispose ainsi que l’employeur qui entend mettre un salarié à la disposition d’une entreprise doit lui adresser une lettre recommandée. Une telle procédure exclut toute discussion préalable.
On peut admettre le principe d’une synergie de compétences, mais pour quelques personnes et dans des domaines particulièrement pointus. Or je rappelle que votre texte a une portée générale. Il y est question des « salariés ». De qui s’agit-il ? La possibilité d’une synergie de compétences doit être soigneusement débattue avec les organisations syndicales et les entreprises. Ensuite, il faudra rechercher un support juridique adapté, que vous n’avez pas trouvé.
La procédure que vous prévoyez consiste à informer le salarié par lettre recommandée en lui laissant une quinzaine de jours pour répondre, faute de quoi il sera réputé refuser la proposition. Autant dire qu’il s’agit d’une mesure totalement coercitive, et non pas, ce qui pourrait paraître légitime, d’un acte volontaire. Mme Billard l’a fait remarquer : on peut très bien imaginer que l’on fasse jouer, dans un pôle de compétences, des synergies limitées. Mais l’exercice s’avère extrêmement complexe. Il faut en discuter avec les entreprises et définir les compétences concernées et les transferts à opérer.
Pour ma part, j’ai le sentiment que, même si telle n’était pas votre intention, vous nous proposez un texte rédigé à la va-vite, sans réflexion suffisante ni garantie juridique, au risque de devoir recommencer le travail, avec tous les risques que cela comporte. La sagesse serait que le Gouvernement renonce à ces dispositions imprécises et mal écrites. Qu’il accepte de les remettre sur la table et d’en rediscuter avec les organisations syndicales ! Dans les pôles de compétitivité qui se mettent actuellement en place, qu’il interroge les entreprises mères et les petites entreprises sur leur conception du transfert et de la synergie de compétences ! Il pourra alors nous proposer un texte un tant soit peu construit, au lieu de cette rédaction hâtive qui remet fondamentalement en cause le droit du travail sur la question du statut et de la protection des salariés, et va finalement à l’encontre même de ce qu’il recherche. Quelle occasion manquée ! De grâce, monsieur le ministre, reprenez votre copie, retravaillez-la et nous en rediscuterons calmement.
La lettre recommandée dont vous avez parlé vient simplement à titre de preuve, puisque la mise à disposition est d’abord un contrat, une convention entre l’employeur et l’employé. Faute de réponse, c’est-à-dire si celui-ci ne manifeste pas sa volonté, il sera réputé avoir refusé cette proposition.
Deuxièmement, pour la création d’équipes multidisciplinaires, notre droit du travail pose une véritable difficulté. Le très ancien délit de marchandage, qui a été interprété par les cours et les tribunaux depuis fort longtemps et dont le champ d’application s’est trouvé parfois singulièrement élargi, crée en effet une insécurité juridique considérable, dès lors qu’on fait travailler des équipes ensemble. D’ailleurs, si ce délit n’avait pas existé, l’article 22 eût été inutile.
C’est un constat : il fallait contourner la difficulté, sans rien modifier par ailleurs au droit du travail. Du reste, quelle levée de boucliers n’eût-on pas observé sur les bancs de l’opposition si quelqu’un avait touché au délit de marchandage tel qu’il existe !
Le texte précise clairement les conditions de mise à disposition et la part de responsabilité du salarié, dont la volonté doit être exprimée. Je ne vois rien de scandaleux à cela. Certes, à mon sens, l’article 22 entre un peu trop dans les détails. Mais peut-on le lui reprocher, quand on connaît la précision qu’exige le droit du travail ? Quoi qu’il en soit, je juge ces dispositions nécessaires et pertinentes.
Le raisonnement de nos collègues de l’opposition tiendrait si nous connaissions une croissance économique qui permette de conserver en l’état les conditions du droit du travail.
À Boulogne-sur-Mer comme ailleurs, on s’est rendu compte de la nécessité de créer, pour les pôles de compétitivité, un cadre pluridisciplinaire. Le mot de « mise à disposition » convient pour rassembler les compétences dans le réseau évoqué par le ministre.
Cette ville connaît un taux de chômage révoltant. Pour y remédier, il faut des mesures nouvelles, adaptées à notre nouveau siècle. Nous sommes dans cet hémicycle pour faire évoluer le droit en fonction des besoins et des impératifs de l’économie et de la compétition internationale. Cela vaut aussi pour le droit du travail, et ce dans l’intérêt même des salariés, qui seront, sans cette évolution, condamnés au chômage.
C’est ce qui fait l’utilité de notre débat. Nous avons tous la même volonté : servir la cause des travailleurs en leur assurant un emploi dans un contexte de croissance économique. Or, dans ce domaine, les performances réalisées par la France en 2006 sont insuffisantes, comparées à celles des vingt-quatre autres pays de l’Union européenne. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Je mets donc aux voix par un seul vote les amendements de suppression nos 75, 239 et 268.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. Dominique Tian, pour le soutenir.
La fraude, que je dénonce, expose à des procès, qui se sont multipliés ces dernières années. Le travail à temps partagé supprime ce risque juridique : il n’y a plus ni motifs de recours, ni limitation dans le temps des missions, ni primes de précarité, ni délit de marchandage. L’objectif est d’éviter d’embaucher et de faire des économies, puisque ces salariés ne bénéficient pas des avantages de leurs collègues de l’entreprise utilisatrice et sont souvent couverts par une convention collective moins favorable. Telles sont les raisons qui me conduisent à voter contre cet amendement.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Michel Charzat, pour le soutenir.
Par ailleurs, lors de l’audition de représentants de la CGC, il avait été dit que ce dispositif ne devait concerner au départ que les chercheurs. Or, tel qu’il est défini à l’article 22, il peut conduire, sous couvert d’expérimentation, à tout type d’arrangement et concerner tous les salariés, quelle que soit leur fonction dans l’entreprise.
Aussi souhaiterais-je que le Gouvernement nous dise quelle est sa véritable intention lorsqu’il préconise une expérimentation jusqu’en 2010 : celle-ci doit-elle se dérouler au sein des pôles de compétitivité avant d’être évaluée et éventuellement pérennisée ou pourrait-elle être étendue au-delà des pôles de compétitivité ?
Monsieur Charzat – et je réponds également à M. Le Garrec –, cette mesure n’a pas et n’aura pas de portée générale, ni même territoriale : elle ne concerne pas les entreprises d’un territoire donné. Il s’agit bien de permettre la mise en synergie des compétences dans le cadre d’un pôle de compétitivité. Le concept est donc extrêmement précis, contrairement à celui de projet partagé.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Michel Charzat, pour le soutenir.
Nous considérons qu’une durée maximale doit être fixée pour la mise à disposition, afin d’éviter que la situation particulière dans laquelle se trouve le salarié ne s’éternise, au détriment du salarié lui-même, qui ne sera plus tout à fait considéré comme un salarié à part entière dans son entreprise d’origine, sans être complètement intégré dans l’entreprise d’accueil. La limitation dans le temps de la mise à disposition permettra notamment au salarié de réintégrer son entreprise d’origine dans les conditions les moins difficiles possible. Sinon, sa réintégration peut devenir problématique. Que se passera-t-il, par exemple, si, entre-temps, l’entreprise d’origine a changé de statut juridique ? C’est un point sur lequel je reviendrai dans quelques instants.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Dominique Tian, pour le soutenir.
(L'amendement est adopté.)
Il s’agit d’un amendement de précision.
Le Gouvernement y est favorable.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Michel Charzat, pour le soutenir.
Il convient de souligner que la convention de mise à disposition conclue entre deux entreprises ou établissements n’est pas transmise au service public de l’emploi et qu’aucune déclaration n’est faite auprès des services de sécurité sociale et de l’UNEDIC. En revanche, les entreprises de travail temporaire ou à temps partagé ont l’obligation de signer un contrat de mise à disposition. Les entreprises de travail temporaire sont tenues, au-delà de la déclaration d’activité transmise à l’autorité administrative compétente, de communiquer à l’UNEDIC et à la direction départementale du travail le relevé des contrats de travail conclus, tandis que les entreprises de travail à temps partagé, créées par la loi Dutreil du 2 août 2005, sont tenues de pouvoir justifier à tout moment d’une garantie financière assurant au moins le paiement des salaires et des cotisations sociales. Soucieux de préciser et d’encadrer le dispositif, nous vous demandons d’adopter cet amendement, qui nous paraît aller de soi.
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'amendement est adopté.)
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Michel Charzat, pour le soutenir.
Nous souhaitons également que le salarié mis à disposition ne soit plus exclu du décompte des effectifs de l’entreprise d’accueil. Il n’est pas tolérable qu’un salarié dont la mise à disposition peut durer plusieurs mois, voire plusieurs années, ne soit pas pris en compte dans l’effectif des salariés de l’entreprise qui l’emploie, alors qu’il sera soumis aux mêmes conditions d’exécution du travail, aux mêmes conditions de durée et d’organisation horaire, de repos, de congés payés, ainsi que d’hygiène et de sécurité.
Par ailleurs, nous proposons que les institutions représentatives du personnel de l’entreprise d’origine et de l’entreprise d’accueil du salarié, telles que le comité d’entreprise et les délégués du personnel, soient informées de la mise à disposition. Il me semble que cette précision va de soi.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Michel Charzat, pour le soutenir.
La notion d’emploi équivalent existe déjà en droit du travail, notamment en matière d’obligation de reclassement en cas de licenciement économique, et la jurisprudence l’a déjà largement précisée. La notion d’emploi similaire est, elle, beaucoup plus vague et encore peu cernée par la jurisprudence. Je vous propose par conséquent d’adopter l’amendement n° 244 qui, par une rédaction plus appropriée, assure une plus grande sécurité professionnelle au salarié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
On peut toujours discuter des mots et de leur signification, mais ne perdez pas de vue que nous débattons d’un problème nouveau, qui ne peut par conséquent être réglé avec des mots anciens. Il y a une réelle différence entre le mot « similaire » et le mot « équivalent », le premier étant beaucoup plus proche, par le sens, de la notion d’activité, que le second, teinté d’une connotation plutôt économique ou statutaire. Le mot « similaire », plus restrictif, m’apparaît donc plus approprié. Je suis prêt à en débattre avec vous hors séance…
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Michel Charzat.
J’en profite pour demander au Gouvernement de préciser son interprétation de l’article 22 dans l’hypothèse où la situation juridique de l’entreprise se trouverait modifiée par l’effet d’une vente, d’une fusion, d’une transformation du fonds ou d’une mise en société. L’article L. 122-12 du code du travail pose le principe, en son deuxième alinéa, que « les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. » Considérez-vous comme nous, monsieur le ministre, que cette disposition s’applique pleinement au salarié qui arrive au terme de sa mise à disposition, en cas de modification de la situation juridique de l’entreprise d’origine ?
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 137.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Michel Charzat.
(Ces amendements sont adoptés.)
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement de précision ?
(L'amendement est adopté.)
(L'article 22, ainsi modifié, est adopté.)
Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, nos 3175, 3337, pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié :
Rapport, n° 3339, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,
Avis, n° 3334, de M. Patrick Ollier, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,
Avis, n° 3340, de M. Alain Joyandet, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan ;
Éventuellement, discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 2972, relatif à la fonction publique territoriale :
Rapport, n° 3342, de M. Michel Piron, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton