N° 1288 (rectifié) ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 décembre 2003. PROPOSITION DE RÉSOLUTION tendant à la création d'une commission d'enquête
sur l'utilisation du chlordécone et des autres pesticides
dans l'agriculture martiniquaise et guadeloupéenne
et ses conséquences sur les sols, la ressource en eau
ainsi que les productions animales et végétales
en Martinique et en Guadeloupe, (Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.) PRÉSENTÉE par M. Philippe EDMOND-MARIETTE, Mme Gabrielle LOUIS-CARABIN, MM. Joël BEAUGENDRE, Eric JALTON, Alfred MARIE-JEANNE, Alfred ALMONT et Louis-Joseph MANSCOUR Députés. EXPOSÉ DES MOTIFS Mesdames, Messieurs, Le quotidien Libération en octobre 2002 révélait l'incinération à Dunkerque d'une tonne et demie de patates douces contaminées au chlordécone ce qui a suscité bien des remous dans le monde agricole et dans les services de l'Etat. Ce que l'on oublie souvent de préciser c'est que les patates douces incriminées avaient été contrôlées depuis la Martinique et que pendant que l'on détruisait ce stock à Dunkerque, on a mis sur le marché martiniquais des patates douces mais aussi des dachines, ignames, toloman, oignons pays, poireaux, et autres légumes qui, issus des mêmes sols contaminés, contenaient ce chlordécone. Une situation intolérable pour laquelle ni le principe de précaution, ni le principe de prévention n'ont été appliqués. Le dernier rapport de l'IFEN (Institut Français de l'Environnement) qui se base sur des analyses effectuées en 2000 et 2001 et 2002 confirme la présence d'insecticides comme le chlordécone dans les eaux martiniquaises et guadeloupéennes, parfois à des teneurs importantes (plusieurs microgrammes par litre), alors qu'elles sont interdites depuis 1993 et 1987. Des fongicides (bitertanol) et des herbicides (bromacil, triazines) sont également présents. Pourtant, les autorités de Martinique et de la Guadeloupe ont souvent été interpelées par les risques graves de pollution liée à l'utilisation des pesticides organochlorés en agriculture et leur présence régulière dans l'eau des rivières à des valeurs dépassant les seuils réglementaires. Ces rejets diffus mais permanents de produits phytosanitaires ont entraîné des contaminations des sols et des rivières à des doses telles que la source Gradis (Basse Pointe) a dû être fermée. Concernant le chlordécone, sa seule présence dans la ressource aurait dû déclencher un renforcement des contrôles sanitaires et la mise en place des dispositifs préventifs. Or, depuis 1976, les conséquences catastrophiques tant humaines qu'environnementales du chlordécone étaient connues à tel point que sa fabrication a été interdite aux Etats-Unis à l'issue d'une contamination des ouvriers d'une usine de Virginie : troubles neurologiques, problèmes de fertilité, environnement contaminé, contamination des eaux et de milliers de poissons. L'usine a été fermée depuis 26 ans, mais les stigmates de cette exposition au chlordécone persistent toujours dans cette région. Il va falloir expliquer comment la vente et donc l'utilisation du chlordécone ont pu être autorisées de 1981 à 1993 en Martinique et en Guadeloupe alors que l'on connaissait déjà le degré de toxicité et la persistance de ce produit dont nous risquons d'avoir à subir pendant de longues années encore les conséquences de l'usage prolongé de cet insecticide organochloré parmi les plus persistants. Nous sommes là en face d'un réel problème potentiel de santé publique puisque ce pesticide persistant et bio-accumulable est un véritable poison classé potentiellement cancérigène que les scientifiques ont identifié comme un perturbateur endocrinien. En attendant les réponses que l'évaluation de risque pourra apporter à la population nous devons nous préparer à faire face à une éventuelle calamité agricole d'un nouveau genre. Dans l'hypothèse, plus que probable, de résultats révélant la présence à de fortes doses de ce pesticide dans les sols, il sera impossible de vendre pendant des années sur les marchés des légumes issus de sols contaminés sans transiger avec la réglementation et prendre alors des risques pour la santé des consommateurs. Se posera alors le problème de l'indemnisation des petits agriculteurs maraîchers qui, compte tenu du manque à gagner, connaîtront des difficultés financières. Et l'agriculture risque de n'être pas la seule filière de production touchée puisque les récentes analyses ont révélé également la contamination par le chlordécone d'organismes aquatiques, d'eau douce et de mer. Compte tenu de cette situation, Mesdames et Messieurs, nous demandons que soit diligentée une commission d'enquête parlementaire dont les missions sont définies par l'article qui suit : PROPOSITION DE RÉSOLUTION Article unique En application des articles 140 et suivants du règlement de l'Assemblée nationale, il est créé une commission d'enquête de trente membres chargée : - d'examiner le degré de pollution des sols et des rivières de Martinique et Guadeloupe par les pesticides et plus particulièrement par le chlordécone ; - de mesurer les conséquences de cette pollution sur les produits maraîchers, l'agriculture, la pêche et l'aquaculture martiniquaise et guadeloupéenne ; - de faire la lumière sur l'autorisation de vente de ce pesticide en Martinique et en Guadeloupe alors qu'il a été retiré de la fabrication à partir de 1976 aux Etats-Unis, en raison des dangers qu'il représentait ; - d'examiner les conditions d'application d'une démarche d'analyse des sols telle qu'elle est pratiquée pour les installations classées au titre de la protection de l'environnement (I.C.P.E.) ainsi qu'un dispositif de compensation pour les producteurs que sont les agriculteurs, les aquaculteurs et les pêcheurs. Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118445-4
ISSN : 1240 - 8468
En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21 N° 1288 - Proposition de résolution de M. Philippe Edmond-Mariette tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'utilisation du chlordécone et des autres pesticides dans l'agriculture martiniquaise et guadeloupéenne et ses conséquences sur les sols, la ressource en eau ainsi que les productions animales et végétales en Martinique et en Guadeloupe
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