N° 1639 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 juin 2004. PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à la création d'une commission d'enquête (Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, PRÉSENTÉE par MM. Alain BOCQUET, François ASENSI, Gilbert BIESSY, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Jacques BRUNHES, Mme Marie-George BUFFET, MM. André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Frédéric DUTOIT, Mme Jacqueline FRAYSSE, MM. André GERIN, Pierre GOLDBERG, Maxime GREMETZ, Georges HAGE, Mmes Muguette JACQUAINT, Janine JAMBU, MM. Jean-Claude LEFORT, François LIBERTI, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXÈS (1) Députés. EXPOSÉ DES MOTIFS Mesdames, Messieurs, Située sur le territoire de la commune d'Outreau, département du Pas-de-Calais, l'entreprise dénommée Outreau Technologies depuis le 1er janvier 2004, est un site industriel héritier d'une longue tradition remontant au XIXe siècle. Au fil de cessions, d'acquisitions, de modifications de statut, l'entreprise anciennement Aciéries Paris Outreau puis Fonderie Aciers Outreau puis Manoir Industries Outreau a été la propriété successive de patrons de l'industrie puis de financiers : la banque Lazard liée à des fonds d'investissement européens à partir de 1999. Si elle a compté jusqu'à plus de 4 000 salariés, des plans de licenciements accompagnant ses diverses reventes ont ramené ses effectifs à environ 400 dont 60 en fonderie ; 150 en atelier mécanique ; 60 en parachèvement ; 50 au soudage par étincelage... La principale vague de licenciements, que d'autres suivirent, intervint en 1978 : plus de 1 000 emplois supprimés au moment où Aciéries Paris Outreau devenait Fonderie Aciers Outreau. D'une activité diversifiée dans les années 1980, où l'entreprise fabrique des cœurs d'aiguillage, des turbines hydrauliques, des maillons de chars, travaille pour les cimenteries ou pour le secteur des travaux publics, on est passé avec l'acquisition par la banque Lazard et l'intégration au sein d'un groupe industriel comportant alors, 10 sites en France (5 fonderies et 5 forges) et un site en Belgique, à une activité centrée sur les cœurs d'aiguillage. Mise en situation de dépôt de bilan en 2001, puis filialisée, l'entreprise nordiste et ses personnels ont subi les effets directs ou indirects des décisions appliquées au groupe : licenciements de 400 salariés en 2000 sur les sites de Feignies et de Bourges puis cession de ces deux sites, elle-même suivie en 2002 de la mise en vente des usines de Saint-Brieuc et de Seneffe en Belgique. Les derniers mois ont été marqués à Outreau par une dégradation continue de la situation : - 25 juin 2003 : les salariés apprennent en Comité Central d'Entreprise la mise en vente du site ; - juillet à octobre 2003 : période de réalisation d'audits au bénéfice des repreneurs qui se sont manifestés. Il s'agit de deux clients de l'entreprise : VAE (industriel autrichien) et Balfour- Beatty (industriel anglais) qui exercent l'un et l'autre dans le ferroviaire. Bien évidemment la conduite des audits leur permet de prendre une connaissance exhaustive de l'usine d'Outreau : organisation, méthodes et processus de travail ; santé économique... ; - 17 décembre 2003 : première signature d'un compromis de vente à Paris et suite à cette signature dépôt d'un dossier auprès de la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes) ; - début 2004 : l'entreprise devient Outreau Technologies ; - 15 mars 2004 : les salariés apprennent que le dossier déposé auprès des services de la DGCCRF a été retiré sous le prétexte, avancé par la direction de l'entreprise, que le chiffre d'affaires pris en compte, celui de 2002, était trop élevé ; en réalité, semble-t-il, du fait d'une gestion prévisionnelle des commandes. Un nouveau dossier aurait été ensuite déposé, sur la base du chiffre d'affaires 2003. Depuis, c'est pour les salariés et leurs représentants le black-out complet. L'un des repreneurs Balfour-Beatty se serait retiré pour signer depuis, avec une entreprise espagnole du même secteur industriel, avec l'objectif d'en tripler la production. La question se pose pour les salariés d'Outreau de savoir dans quelle mesure la connaissance acquise, des savoir-faire et productions de leur entreprise, a pu précipiter ce désistement et cet engagement du groupe anglais en Espagne. Le repreneur autrichien VAE, dont les salariés d'Outreau ont cependant découvert qu'il traite en direct avec l'un de leurs propres gros clients, la SNCF, demeurait candidat mais souhaitait que ce soit dans le cadre d'un partenariat VAE 60 % Manoir Industries 40 %, et à 50 % du prix initialement prévu. Là encore il semble que Manoir Industries n'ait pas donné suite. Le chômage partiel instauré dès octobre 2003 est devenu systématique. Les départs en retraite ne sont plus compensés. L'effectif global par divers biais, notamment l'invocation à l'encontre des salariés, de clauses d'inaptitude, continue de baisser. Une décision récente prévoit cependant de rétablir le retour aux 40 heures, la suspension des dispositifs d'ARTT. Les salariés redoutent que ce soit pour boucler les carnets de commande avant liquidation du site. Beaucoup de questions liées à la gestion de l'entreprise, à l'évolution de son statut au sein de Manoir Industries, à ses politiques de production, de recherche de marchés, de formation et de renouvellement des personnels, à la conduite des négociations avec VAE et Balfour-Beatty sont donc posées. Et ces questions portent également directement sur l'insuffisance des informations données au personnel et à ses représentants élus. Elles sont d'autant plus urgentes que les menaces s'accumulent, y compris dans un contexte de crise industrielle et de l'emploi très forte en Nord/Pas-de-Calais où le chômage, largement supérieur à la moyenne nationale déjà élevée puisque autour de 10 %, continue de croître. Mais ces questions sont aussi particulièrement importantes en référence à l'assise qui est celle du groupe industriel Manoir Industries. Un groupe dont le PDG Bernard P. Legrand ne craint pas de présenter « le savoir-faire des femmes et des hommes » le constituant comme l'une des deux clés de sa réussite et de son renom. Ce qui n'empêche pas les licenciements de tomber ! Manoir Industries dont le siège social est à Paris compte aujourd'hui 3 000 salariés, 9 usines et réalise un chiffre d'affaires de 290 millions d'euros dont 50 % à l'exportation. Il a des représentations aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Italie et au Japon ainsi que dans les principales régions industrielles de notre pays. Ses métiers depuis 30 ans sont ceux de la fonderie d'acier, de la forge et de la mécano-soudure lourde. Ses marchés sont ceux de l'aéronautique et du spatial (31 %) du pétrole et de la pétrochimie (18 %), du ferroviaire (12 %), de l'industrie dont l'automobile et les véhicules industriels (10 %) du bâtiment et des travaux publics (10 %), de l'énergie (6 %), de l'armement (5 %), des transports (3 %), du médical (3 %) et de la sidérurgie (2 %). Les 9 usines à raison de 8 en France et d'une en Belgique (Précimétal à Seneffe), sont réparties en 4 fonderies : Outreau, Pître, Saint-Brieuc et Seneffe ; et 5 forges : Bouzonville, Custines, Bar sur Aube, Bologne et Parthenay. Enfin le chiffre d'affaires réalisé au 31 décembre 2003 : 254 millions d'euros, le résultat net enregistré : 4,4 millions d'euros et l'organisation de l'actionnariat du groupe témoignent d'une situation financière et économique qui rend incompréhensibles et injustifiées les difficultés menaçant les salariés de l'usine d'Outreau. Ces fonds d'investissement européens ont en effet la mainmise sur la holding « Groupe Manoir Industries » laquelle détient « Manoir Industries S.A. » elle-même impliquée : - à 100 % dans Outreau Technologies ; - 99,99 % dans Précimétal (Belgique) 165 salariés et chiffre d'affaires de 12 millions d'euros ; - 99,39 % dans les Forges de Bologne elles-mêmes à 99,76 % dans Manoir Parthenay Précision. L'absence de transparence, le caractère partiel et les aspects contradictoires des informations livrées aux salariés d'Outreau Technologies ne sont pas de mise à l'heure d'une désindustrialisation accélérée de nos départements du Pas-de-Calais et du Nord. Il est indispensable que cette situation soit précisée, examinée à l'échelle du groupe, pour que les tous prochains mois ne se traduisent pas par une nouvelle saignée de plusieurs centaines d'emplois directs venant s'ajouter aux problèmes actuels. C'est pourquoi il est nécessaire qu'une commission d'enquête parlementaire soit saisie du dossier et puisse sur les différents aspects économiques, financiers, commerciaux, industriels et sociaux, contribuer à la définition des dispositions et concours qu'appelle la préservation de ces emplois et de cette activité industrielle. Pour favoriser la réalisation de ces objectifs, nous soumettons donc à l'Assemblée nationale la proposition de résolution suivante : PROPOSITION DE RÉSOLUTION Article unique En application des articles 140 et suivants du règlement est créée une commission d'enquête parlementaire de 30 membres chargée d'établir le point de la situation de l'entreprise Outreau Technologies, sise à Outreau dans le Pas-de-Calais ; et de ses liens et relations avec le groupe Manoir Industries tant dans leurs aspects économiques, financiers, commerciaux ou industriels que sociaux. Cette commission d'enquête portera également sur l'inventaire des fonds publics ayant pu bénéficier à l'entreprise et au groupe ; et sur la chronologie et la conduite des pourparlers de cession engagés puis clos avec VAE et Balfour-Beatty. Enfin cette commission d'enquête envisagera les conditions du maintien de l'activité et de l'emploi sur le site d'Outreau Technologies. Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE Prix de vente : 0,75 € En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale --------------- N° 1639 - Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la situation de l'usine Outreau Technologies et du groupe Manoir Industries dont elle est la filiale (M. Alain Bocquet) 1 () Constituant le groupe des député-e-s communistes et républicains. © Assemblée nationale |