N° 2030 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 janvier 2005. PROPOSITION DE LOI portant réforme de l'organisation du temps de travail
dans l'entreprise, (Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.) PRÉSENTÉE par M. Patrick OLLIER, Hervé NOVELLI, Pierre MORANGE
et Jean-Michel DUBERNARD Députés. EXPOSÉ DES MOTIFS Mesdames, Messieurs, En imposant à tous les salariés, indépendamment de leurs priorités personnelles et des situations spécifiques de chaque entreprise, une réduction obligatoire du temps de travail, la précédente majorité a lourdement pénalisé l'économie française et le pouvoir d'achat des salariés. Afin d'évaluer précisément les conséquences économiques et sociales de cette législation, les présidents des commissions des affaires économiques, des affaires sociales et des finances de l'Assemblée nationale ont décidé, le 9 octobre 2003, la création d'une mission d'information commune. Présidée par Patrick Ollier, cette mission d'information, dont le rapporteur était Hervé Novelli, a, au cours de ses six mois de travail, établi que la réduction autoritaire du temps de travail avait entraîné de nombreuses conséquences négatives sur le plan économique et social sans atteindre de résultat significatif sur le plan de l'emploi. La mission a également constaté que bien que la loi du 17 janvier 2003, présentée à l'initiative de François Fillon, ait mis un terme aux effets économiques les plus pervers de la réduction du temps de travail, tout particulièrement en suspendant de facto l'application de la législation sur les 35 heures dans les petites entreprises de vingt salariés au plus, accompagné d'un mécanisme d'unification des SMIC favorable au pouvoir d'achat, elle n'a pu régler tous les problèmes. En conséquence, des propositions d'assouplissements plus importants, animées par le souci général de rétablir la liberté de choix des salariés et des entreprises et d'établir la primauté du droit conventionnel sur le droit réglementaire pour une meilleure démocratie sociale, s'avèrent nécessaires afin de laisser à ceux qui le souhaitent la possibilité de gagner plus en travaillant plus. Sur ces bases, le Premier ministre a engagé le débat et la concertation dont il a chargé Gérard Larcher, Ministre délégué aux Relations du travail, afin que sans changer la durée légale du temps de travail, des espaces de liberté puissent être créés par des dispositions législatives. Il en est ressorti un certain nombre de pistes de réforme auxquelles s'ajoute la contribution de Pierre Morange qui, avec de nombreux autres membres du groupe UMP, ont déposé le 21 juillet 2004, une proposition de loi sur le compte épargne temps. Des assouplissements d'ordre réglementaire ont d'ores et déjà été mis en œuvre par le gouvernement. Il restait à achever la traduction législative d'un certain nombre d'autres aménagements. C'est pourquoi, la présente proposition de loi met à la disposition des salariés et des entreprises de nouveaux outils accessibles par voie d'accord collectif de branche ou d'entreprise. Elle offre aussi des solutions aux entreprises de moins de 20 salariés. Cette proposition de loi rénove et simplifie le compte épargne temps. Elle met en place un régime d'heures choisies pour les salariés volontaires au-delà du contingent légal ou conventionnel. Enfin, compte tenu des contraintes particulières des très petites entreprises, elle proroge pour trois années le régime spécifique de majoration des heures supplémentaires et ouvre à leurs salariés, à titre transitoire, la possibilité de renoncer à une partie des jours de repos accordés au titre de la réduction du temps de travail en contrepartie d'un complément de rémunération. Ces dispositions pragmatiques permettront d'adapter notre législation aux exigences du développement économique, de la spécificité de chaque entreprise, en laissant au salarié la liberté du choix de l'organisation de sa propre vie de travail. L'article 1er rénove et simplifie le régime du compte épargne temps dans le sens d'une plus grande souplesse, tant pour les salariés que pour les employeurs. Il élargit d'abord les possibilités d'alimentation en temps du compte à l'initiative du salarié et laisse dorénavant à l'accord collectif le soin de fixer les limites dans lesquelles ce dispositif peut être utilisé, à deux réserves près : le respect des dispositions légales relatives à la durée maximale hebdomadaire de travail et le respect des dispositions communautaires relatives aux congés annuels. Il élargit par ailleurs les conditions d'utilisation des droits épargnés sur le compte : ceux-ci peuvent être utilisés soit sous forme de congés, soit sous forme de compléments de rémunération, immédiate ou différée, par le biais de dispositifs d'épargne entreprise. Il supprime par ailleurs toute limite dans le temps pour le stockage de ces droits. Ainsi, le compte épargne temps pourra-t-il suivre les salariés tout au long de leur carrière, à condition que les entreprises prennent les dispositions nécessaires pour garantir les droits ainsi constitués au-delà d'un certain montant. L'article 2 institue un régime d'heures choisies accessibles aux salariés volontaires en accord avec l'employeur, dans les conditions et limites définies par voie d'accord collectif de branche ou d'entreprise. Ce régime s'applique au-delà du contingent d'heures supplémentaires. Les heures effectuées à ce titre, bien que n'étant pas soumises au régime des heures supplémentaires, donnent lieu à une majoration de salaire dont il appartiendra à l'accord de fixer le montant. Pour les cadres soumis au forfait annuel en jours, la loi ouvre la possibilité à l'employeur, toujours selon des conditions fixées par accord collectif, de proposer le rachat d'un certain nombre de jours de repos ou de congés. Cette mesure ne concerne que les salariés volontaires. L'article 3 comporte deux mesures ciblées sur les très petites entreprises de 20 salariés au plus. Il leur ouvre un délai supplémentaire de trois ans pour organiser par voie d'accord les règles relatives à la rémunération des heures supplémentaires et maintient durant cette période, à titre transitoire, le régime dérogatoire résultant de la loi du 19 janvier 2000. Par ailleurs, dans l'attente de la négociation d'accords sur le compte épargne temps, il leur ouvre la possibilité, à titre transitoire, de proposer à leurs salariés de racheter une partie des jours de repos accordés au titre de la réduction du temps de travail dans la limite de 10 jours par an, en contrepartie d'une majoration de salaire de 10 %. L'article 4 gage cette proposition de loi. PROPOSITION DE LOI Article 1er L'article L. 227-1 du code du travail est ainsi rédigé : « Art. L. 227-1. - Une convention collective de branche étendue ou un accord d'entreprise peut prévoir la création d'un compte épargne temps au profit des salariés. « Le compte épargne temps permet au salarié d'accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d'une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congé ou de repos non prises. « Peuvent y être affectés, dans les conditions et limites définies par la convention ou l'accord collectif, les éléments suivants : « - à l'initiative du salarié, tout ou partie du congé annuel prévu à l'article L. 223-1 excédant la durée de vingt-quatre jours ouvrables, les heures de repos acquises au titre du repos compensateur prévu au premier alinéa du II de l'article L. 212-5 et à l'article L. 212-5-1 ainsi que les jours de repos et de congés accordés au titre de l'article L. 212-9 et du III de l'article L. 212-15-3 ; « - à l'initiative de l'employeur, les heures effectuées au-delà de la durée collective du travail, lorsque les caractéristiques des variations de l'activité le justifient. « La convention ou l'accord collectif peut prévoir en outre que ces droits peuvent être abondés par l'employeur ou par le salarié, notamment par l'affectation des augmentations ou des compléments du salaire de base ou dans les conditions prévues par l'article L. 444-6. « La convention ou l'accord collectif définit les conditions dans lesquelles les droits affectés sur le compte épargne temps sont utilisés, à l'initiative du salarié, soit pour compléter la rémunération de celui-ci, dans la limite des droits acquis dans l'année, soit pour abonder l'un des plans d'épargne mentionnés aux articles L. 443-1, L. 443-1-1 et L. 443-1-2 ou au financement de prestations de retraite lorsqu'elles revêtent un caractère collectif et obligatoire déterminé dans le cadre d'une des procédures visées à l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale, soit pour indemniser en tout ou partie un congé, notamment dans les conditions prévues aux articles L. 122-28-1, L. 122-32-12 ou L. 122-32-17, une période de formation en dehors du temps de travail, un passage à temps partiel, ou une cessation progressive ou totale d'activité. « La convention ou l'accord collectif précise en outre, le cas échéant, les conditions d'utilisation des droits qui ont été affectés sur le compte épargne temps à l'initiative de l'employeur. « L'accord collectif de travail définit par ailleurs les modalités de gestion du compte. Il précise notamment les conditions dans lesquelles des droits acquis sont transférés ou liquidés lorsque le montant de ceux-ci dépasse un montant défini par décret ou en cas de modification, de rupture du contrat de travail ou de fermeture du compte par le salarié. « Les droits acquis dans le cadre du compte épargne temps sont garantis dans les conditions de l'article L. 143-11-1. « Les dispositions du présent article sont applicables aux salariés définis aux deuxième à quatrième, septième et huitième alinéas de l'article L. 722-20 du code rural ». Article 2 I - Après l'article L. 212-6 du code du travail, il est inséré un article L. 212-6-1 ainsi rédigé : « Art. L. 212-6-1. - Lorsqu'une convention collective de branche étendue ou un accord d'entreprise le prévoit, les salariés qui le souhaitent peuvent, en accord avec leur employeur, effectuer des heures choisies au-delà du contingent d'heures supplémentaires applicable dans l'entreprise ou dans l'établissement en vertu de l'article L. 212-6. « L'accord collectif de travail précise les conditions dans lesquelles ces heures choisies sont effectuées, fixe la majoration de salaire à laquelle elles donnent lieu et, le cas échéant, les contreparties, notamment en terme de repos. Le taux de la majoration ne peut être inférieur au taux applicable pour la rémunération des heures supplémentaires dans l'entreprise ou dans l'établissement en application du deuxième alinéa de l'article L. 212-5. « Les dispositions de l'article L. 212-5-1 et du premier alinéa de l'article L. 212-7 ne sont pas applicables. « Le nombre de ces heures choisies ne peut avoir pour effet de porter la durée maximale hebdomadaire du travail au-delà des limites définies au deuxième alinéa de l'article L. 212-7. » II - Le premier alinéa du III de l'article L. 212-15-3 du code du travail est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Une convention collective de branche étendue ou un accord d'entreprise peut enfin ouvrir la faculté au salarié qui le souhaite, en accord avec le chef d'entreprise, de renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de son salaire. L'accord collectif détermine notamment le montant de cette majoration ainsi que les conditions dans lesquelles les salariés font connaîre leur choix. » III - Dans la deuxième phrase du dernier alinéa du III de l'article L. 212-15-3 du code du travail, après les mots : « sur un compte épargne temps » sont insérés les mots : « ou auxquels le salarié a renoncé dans les conditions prévues au premier alinéa ». Article 3 I - L'article 5 de la loi no 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail est ainsi modifié : A. - A la fin du dernier alinéa du V, le millésime « 2005 » est remplacé par le millésime : « 2008 » ; B. - L'avant-dernière phrase du VIII est complétée par les mots : « , 2006, 2007 et 2008 ». II - Dans l'attente de la convention collective de branche étendue ou de l'accord d'entreprise prévu à l'article L. 227-1 du code du travail, dans les entreprises de vingt salariés au plus, le salarié peut, en accord avec le chef d'entreprise, décider de renoncer à une partie des journées ou demi-journées de repos accordées en application du II de l'article L. 212-9 et du II et du III de l'article L. 212-15-3 du même code au titre de la réduction du temps de travail, dans la limite de dix jours par an. Les heures effectuées à ce titre donnent lieu à une majoration de salaire au moins égale à 10 %. Elles ne s'imputent pas sur le contingent légal ou conventionnel d'heures supplémentaires prévu à l'article L. 212-6 du même code. Ce régime prend fin le 31 décembre 2008. Article 4 I - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle à la taxe visée à l'article 1001 du code général des impôts. II - Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale sont compensées à due concurrence par l'institution d'une contribution additionnelle à la contribution visée à l'article L. 136-7-1 du code de la sécurité sociale. Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118927-8
ISSN : 1240 - 8468 En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21 ---------------- N° 2030 - Proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise (M. Patrick Ollier)
© Assemblée nationale |