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N° 2153

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 mars 2005.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d'une commission d'enquête
sur les
capacités et les résultats financiers du groupe Total,
sur l'
utilisation de ces ressources, sur sa politique
industrielle
et sur ses pratiques en matière d'emploi,
de
salaires et d'aménagement du territoire,
ainsi que sur ses
responsabilités sociale et environnementale,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Alain BOCQUET, François ASENSI, Gilbert BIESSY, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Jacques BRUNHES, Mme Marie-George BUFFET, MM. André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Frédéric DUTOIT, Mme Jacqueline FRAYSSE, MM. André GERIN, Pierre GOLDBERG, Maxime GREMETZ, Georges HAGE,
Mmes Muguette JACQUAINT, Janine JAMBU, MM. Jean-Claude LEFORT, François LIBERTI, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER, Michel VAXÈS (1)

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La société Total, quatrième groupe pétrolier mondial, affiche en 2004 les bénéfices les plus importants jamais réalisés par une entreprise d'origine française, avec un résultat net de 9 milliards d'euros, en hausse de 23 % par rapport à 2003. Cette performance s'inscrit dans un contexte de flambée des profits de la plupart des grandes firmes, tout particulièrement des multinationales du secteur des hydrocarbures. L'américain Exxon Mobil détient la palme avec 25,3 milliards de dollars. Ces richesses colossales ont été obtenues notamment en prélevant le surplus de valeur créée par le travail, les compétences et les qualités créatives de milliers de salariés. Parfois même, elles ont été dégagées au prix d'une exploitation inhumaine des populations de pays pauvres, comme en témoigne les accusations d'utilisation de main d'œuvre forcée en Birmanie. Ces profits ont été également accumulés grâce aux tarifs très élevés de l'énergie (essence, gaz, fuel, électricité) supportés par des millions de consommateurs.

Et cependant, l'essentiel des bénéfices va être capté par les seuls actionnaires via des hausses du dividende reversé, mais aussi par de nouvelles opérations de rachat d'actions sensées soutenir et propulser le cours du titre en bourse. En Grande-Bretagne, British Petroleum a promis de distribuer 23 milliards de dollars à ses actionnaires entre 2005 et 2006, soit l'équivalent du PNB de la Bulgarie. Total va adopter la même orientation et servir aux détenteurs de son capital - des fonds collectifs anglo-saxons pour près de la moitié -, environ la moitié du résultat net, soit 4,5 milliards d'euros. Déjà, en 2004 la rémunération des actionnaires a connu une hausse de 15 %, une progression nettement supérieure à celle des salaires accordés au personnel de l'entreprise. En outre, Total dépense régulièrement depuis quatre ans 10 millions par jour en rachat d'actions, mais ne consacrera qu'un seul milliard supplémentaire à ses investissements en 2005.

Pendant que la finance gonfle la finance, le groupe mène une politique d'emploi mortifère pour les territoires. Total a annoncé en ce début d'année la suppression de près de 600 emplois dans sa filiale chimique, Arkema, dont environ 400 à l'usine de Saint-Auban dans les Alpes-de-Haute-Provence. Les régions Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-d'Azur sont concernées. Avec les sous-traitants, ce sont près de 3 000 emplois qui vont disparaître. L'opération s'inscrit dans une perspective de désengagement industriel. Il s'agit de restructurer Arkema en réduisant fortement sa masse salariale pour espérer, à terme, la céder en bourse en 2006.

Dans ce mouvement, Total abandonne également l'un des sites historiques de Elf, le bassin de Lacq en Aquitaine. Depuis 2000, sa branche Atofina n'a investi localement que 48 millions d'euros quand dans le même temps le groupe aura dépensé 16 milliards d'euros en bourse uniquement pour racheter 16 % de son propre capital. Total tourne le dos au Béarn après avoir exploité les richesses de son sol. Il refuse de s'engager pour assurer la pérennité et l'essor des infrastructures de recherche-développement en pétrochimie. Il ne s'implique pas dans le soutien financier à la revitalisation, la reconversion et l'expansion d'un bassin qui compte près de 10 000 emplois.

Enfin, Total cherche à se dédouaner des conséquences néfastes de ses activités sur l'environnement, comme dans l'affaire du naufrage de l'Erika où, cinq ans après la catastrophe écologique, les victimes et les collectivités attendent toujours des indemnisations à la hauteur des dégâts provoqués. On pourrait aussi évoquer le cas d'AZF Toulouse.

Dans ses déclarations, le PDG de Total prétend pourtant inscrire son groupe dans une démarche de développement durable, comme on peut le lire dans l'avant-propos au Rapport sociétal et environnemental 2003 : « La société civile attend des entreprises, en particulier des plus grandes d'entre elles, non seulement qu'elles gèrent les impacts environnementaux de leurs activités et qu'elles contrôlent les risques industriels, mais encore qu'elles anticipent et maîtrisent les conséquences sociales et sociétales, directes et indirectes, de leurs activités, partout où elles opèrent. Concrètement cela implique pour Total un dialogue accru avec une grande variété d'interlocuteurs, et, au-delà du dialogue et du discours, une adaptation de nos pratiques, de notre organisation interne, de nos modes de décision et de nos systèmes de management à ces nouvelles évolutions. ».

C'est pourquoi, au regard des profits faramineux amassés par le groupe pétrolier et des engagements citoyens qu'il affiche, les députés communistes et républicains estiment urgent et nécessaire de faire la lumière sur les capacités financières de Total, sur l'utilisation de ces ressources, sur sa politique industrielle, sur ses pratiques en matière d'emploi, de salaires et d'aménagement du territoire, ainsi que sur ses responsabilités sociale et environnementale.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

En application des articles 140 et suivants du Règlement, est créée une commission d'enquête de trente membres chargée d'investiguer sur les capacités et les résultats financiers du groupe Total, sur l'utilisation de ces ressources, sur sa politique industrielle et sur ses pratiques en matière d'emploi, de salaires et d'aménagement du territoire, ainsi que sur ses responsabilités sociale et environnementale.

________________

N° 2153 - Proposition de résolution : création d'une commission d'enquête sur le groupe Total

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-119041-1
ISSN : 1240 - 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

1 () Constitutant le groupe des député-e-s communistes et républicains.


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