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N° 2613

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 octobre 2005.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à la création d'une commission d'enquête
sur l'
activité des sociétés françaises
de
distribution de l'eau à l'étranger
et sur les conséquences économiques,
sociales et environnementales,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Noël MAMÈRE, Mme Martine BILLARD

et M. yves COCHET

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les entreprises françaises d'exploitation, de traitement et de distribution de l'eau, notamment Veolia et Suez jouent un rôle croissant dans les rapports entre la France et les autres nations, ainsi que dans le domaine majeur de la distribution de l'eau et de son traitement.

Présentes dans de nombreux pays (Bolivie, Argentine, Chili, Uruguay, Ghana...), elles assurent une présence multiforme de la France dans les domaines économique et financier. Elles entretiennent des rapports au plus haut niveau, avec des dirigeants de ces pays et interfèrent directement dans la politique d'aide publique au développement menée par la France et la communauté internationale. Elles distribuent de l'eau à plus de 300 millions de personnes dans 130 pays, chiffre en croissante augmentation sur un marché évalué à 1 000 milliards de dollars par la Banque mondiale. Le secteur privé de l'eau couvre au total 8 % de la population mondiale et son objectif est d'atteindre 25 % correspondant à la presque-totalité de la population solvable. Les revenus annuels des multinationales dépassent déjà d'un tiers ceux du secteur pharmaceutique. En 2004, Suez, a réalisé un profit de 1,8 milliard d'euros pour un chiffre d'affaires de 40,7 milliards d'euros. Pourtant cette politique a un coût. Dans de nombreux pays, ces multinationales sont contestées par les populations. Des mouvements sociaux en Bolivie, en Argentine, au Ghana, en Uruguay, au Chili refusent les hausses continuelles des tarifs de l'eau tout comme les pratiques contractuelles de ces sociétés qui placent le profit avant le droit d'accès à l'eau. Elles coupent la distribution à des usagers qui ne sont pas en mesure de payer. Elles prennent des mesures de rétorsion en cas de rupture des contrats et refusent d'étendre les services aux populations les plus pauvres. C'est ainsi que Suez a dû se retirer d'Atlanta aux USA et d'Argentine. Suez est aussi en passe de le faire en Bolivie et est mis en procès par des centaines de familles au Chili. Veolia s'implante en Chine où elle signe des contrats de concession sur la base de tours de tables léonins financés par la Banque Mondiale comme le montre le livre d'Yves Stefanovitch, l'Empire de l'eau.

Le rapport d'information n° 1859 « Pétrole et éthique » et des recommandations du 13 octobre 1999 de la Mission d'enquête parlementaire sur l'activité des entreprises pétrolières françaises à l'étranger présentée au nom de la Commission des Affaires étrangères, avait déjà mis en lumière les pratiques douteuses des entreprises du secteur des hydrocarbures. Cette Mission avait notamment souhaité que le Parlement puisse être informé de décisions accordant des aides et des garanties publiques à des projets d'exploitation. Les règles de conditionnalité lui paraissaient insuffisantes. Elle souhaitait l'établissement de codes de conduites propres aux entreprises environnementales ainsi que la création d'un observatoire de l'application des normes sociales et environnementales par les entreprises chargées de promouvoir ces normes et d'assurer leur respect. Dans le cas de la production et de la distribution de l'eau, nous nous retrouvons dans le même cas de figure. L'Etat doit être conscient que la détérioration de l'image des compagnies de distribution d'eau françaises rejaillit immanquablement sur l'image de la France. Nous ne voudrions pas que la France exporte les pratiques qui en France ont valu à des responsables politiques et à ces sociétés d'être condamnés par la justice en raison de faits délictueux avérés comme à Grenoble. L'eau en France comme dans le reste du monde n'est pas une marchandise mais une ressource rare et un bien commun qui ne devrait pas faire l'objet d'un commerce et être privatisé.

Les questions qui se posent sont nombreuses et graves : quelle est donc l'action réelle de Suez, Veolia ou Saur ? Ces entreprises agissent-elles conformément aux missions de services publiques qu'elles prétendent remplir en France dans leur politique vis-à-vis des collectivités locales ? Que deviennent les aides accordées par la Banque mondiale et les institutions financières internationales dans le cadre du partenariat public privé de ces entreprises ? Cette situation aura-t-elle des répercussions sur les rapports entre la France et les pays concernés ?

Il est donc nécessaire de faire un bilan des actions de Veolia, de Suez et de la Saur dans les zones où elles interviennent et de leurs conséquences sur les rapports de la France avec ces Etats ainsi que sur l'image de notre pays dans ces parties du monde. Cet état des lieux de la situation devra notamment préciser le montant des aides à ces entreprises accordé par les institutions financières internationales dans le cadre de l'aide publique au développement.

Sous le bénéfice de ces observations, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs, d'adopter la proposition de résolution suivante.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

En application des articles 140 et suivants du Règlement, est créée une commission d'enquête parlementaire de vingt-cinq membres relative au rôle des sociétés françaises de l'eau à l'étranger, au bilan de leur action et à ses conséquences sur les rapports de la France avec les Etats concernés ainsi que sur l'image de notre pays dans le monde. La commission fera notamment le point sur la nature des contrats instaurés entre ces entreprises et les autorités des pays concernés, l'utilisation des fonds publics des institutions financières internationales et le respect des normes sociales et environnementales.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-119483-2
ISSN : 1240 - 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 2613 - Proposition de résolution visant à la création d'une commission d'enquête sur l'activité des sociétés françaises de distribution de l'eau à l'étranger et sur les conséquences économiques, sociales et environnementales (M. Noël Mamère)


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