tendant à la création d'un commission d'enquête
sur les dysfonctionnements de la police nationale,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration,
générale de la République à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉE
par MM. Jacques BRUNHES, Alain BOCQUET, François ASENSI, Gilbert BIESSY, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Mme Marie-George BUFFET, MM. André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Frédéric DUTOIT, Mme Jacqueline FRAYSSE, MM. André GERIN, Pierre GOLDBERG, Maxime GREMETZ, Georges HAGE,
Mmes Muguette JACQUAINT, Janine JAMBU, MM. Jean-Claude LEFORT, François LIBERTI, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXÈS (1)
Députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Depuis plusieurs années, les organisations de défense des droits de l'Homme (Ligue des droits de l'Homme, MRAP, Amnesty International...) dénoncent les violences policières en France. Les pratiques qu'elles incriminent figurent malheureusement au premier plan de l'actualité. Lors de leur audition publique devant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, les accusés innocentés de l'affaire Outreau ont confirmé qu'ils avaient été molestés, injuriés et frappés en garde à vue. Le rapport du commissaire européen aux droits de l'Homme, Alvaro Gil-Robles sur l'état scandaleux des prisons françaises, évoque également des cas de brutalités policières. Enfin les accusations de torture par la police anti-terroriste après les attentats terroristes de 1995 figurent dans un livre récemment publié.
Les faits de violences policières sont confirmées dans les rapports annuels de la Commission Nationale de Déontologie de la sécurité (CNDS), Autorité administrative indépendante, créée par la loi du 6 juin 2000. Cette autorité note une forte augmentation des signalements de violences policières et demande des réformes de structure importantes pour y remédier.
Malgré les conditions restrictives de sa saisine, les cas de violences ou de dysfonctionnements qui lui ont été signalés sont passés de 20 en 2001, à 40 en 2002, à 70 en 2003 et à 97 en 2004. La très grande majorité des saisines concerne des fonctionnaires de la police nationale. Les dossiers traités se réfèrent à un spectre large, allant de passages à tabac aux violences plus légères en passant par des arrestations ou placements en garde à vue arbitraires, des contrôles d'identité arbitraires et abusifs ainsi que des intrusions illégales de gardiens de la paix dans des domiciles privés. La Commission relève aussi des libertés avec les procédures, notamment dans les placements en garde à vue « de confort » la nuit, des interventions inutilement musclées ainsi que les violences lors d'expulsions d'étrangers en situation irrégulière.
Qui plus est, une majorité des cas recensés concerne des personnes dont l'origine réelle ou supposée a été déterminante dans l'attitude des forces de l'ordre, démontrant ainsi l'existence de pratiques discriminatoires. Lors de la publication du rapport de 2003, le Président de la Commission, M. Pierre Truche, l'ancien président de la Cour de cassation, s'était lui-même dit « frappé par la couleur de peau et la fréquence statistique de personnes étrangères et ou ayant des noms à consonance étrangère » parmi les victimes de violences policières. Le rapport de 2004, publié le 18 avril 2005, contient d'ailleurs une étude réalisée à ce sujet sous la direction de Catherine Withol de Wenden, directrice de recherches au CNRS, à partir de 36 dossiers enregistrés entre 2001 et 2004, qui met clairement en évidence cette discrimination. Les portraits-robots des victimes et des auteurs de bavures révèlent d'un côté, des jeunes issus de l'immigration maghrébine et africaine et résidant dans des banlieues défavorisées de la région parisienne ; de l'autre, des policiers âgés en moyenne de 25 ans et rarement originaires de la région où ils interviennent.
Selon la CNDS, le « sentiment d'impunité » de la police est une cause importante des dérives, il « encourage les agents à se délier de leurs devoirs déontologiques envers certaines catégories de la population » qui ne sont pas perçues « indépendamment de leur appartenance supposée à un groupe ciblé comme groupe à risque ».
Le traitement de ces affaires - dont l'enquête est confiée à des policiers - par l'appareil judiciaire qui a tendance à accorder une confiance aveugle aux dires des forces de sécurité, s'avère de surcroît difficile. D'autant plus que « l'esprit de corps conduit des fonctionnaires à se solidariser et à uniformiser leurs dépositions au risque de couvrir les actes illégaux de leurs collègues ». Au point où, note dans ses conclusions, l'étude de la CNDS, « une fracture s'établit, pouvant amener des citoyens à pouvoir douter de vivre dans un État de droit s'ils ne sont pas traités comme tels. »
Ce constat est accablant. La CNDS a identifié pour sa part un certain nombre de facteurs qu'y concourent tels l'organisation des services de police notamment l'absence d'unité de commandement sur le terrain, la carence en personnels gradés lors d'interventions délicates, d'une façon plus générale le problème d'encadrement, l'absence de formation particulièrement dans le domaine des gestes techniques professionnels d'intervention et celui de la gestion psychologique des conflits, insuffisante préparation de l'intervention, manque de clarification auprès des fonctionnaires de police du concept de « culture des résultats »... En d'autres termes, si les violences policières sont le fait des individus, les carences de l'institution y contribuent.
Il appartient à la représentation nationale d'enquêter sur les causes de ces dysfonctionnements et de proposer des mesures conséquentes pour y mettre un terme afin que la Police Nationale retrouve toute sa place comme garant des valeurs de la République et pleinement au service d'un État de droit.
Sous le bénéfice de ces observations, nous vous demandons d'adopter la Proposition de Résolution suivante.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique