N° 2238 -- ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 avril 2005. RAPPORT DÉPOSÉ en application de l'article 86, alinéa 8, du Règlement PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES sur la mise en application de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ET PRÉSENTÉ PAR M. Denis JACQUAT, Député. -- INTRODUCTION 5 A. LA LOI DU 21 AOÛT 2003 NÉCESSITE LA PUBLICATION D'UN NOMBRE EXCEPTIONNELLEMENT ÉLEVÉ DE DÉCRETS D'APPLICATION 6 1. Les mesures d'application renvoyées par la loi à des décrets 6 2. Les décrets d'application non prévus par la loi 8 3. Les décrets publiés après déclassement de dispositions législatives par le Conseil constitutionnel 8 B. LE NÉCESSAIRE ÉTALEMENT DANS LE TEMPS DE LA PUBLICATION DES TEXTES D'APPLICATION DE LA LOI 9 1. Les contraintes matérielles auxquelles a été confronté le gouvernement 10 2. L'analyse de la chronologie de publication des décrets 12 3. Des décalages d'entrée en vigueur de certaines parties de la réforme 18 C. LES TEXTES D'APPLICATION MANQUANTS OU INCOMPLETS 20 D. DES DÉCRETS SUPPLÉMENTAIRES POURRAIENT ÊTRE ÉTUDIÉS POUR PARFAIRE CERTAINES MESURES D'APPLICATION 25 1. La retraite anticipée pour carrière longue et pour les assurés handicapés 25 2. La surcote 26 3. La mise en œuvre du rachat des années d'aide familial agricole 27 4. La majoration de la pension pour conjoint à charge 29 5. Les situations passées de cumul emploi-retraite hors plafond dans les professions libérales 29 6. La disparition des seuils d'affiliation à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance d'assurance vieillesse 29 7. La gouvernance et la simplification administrative des régimes de fonctionnaires 30 E. UNE MESURE D'APPLICATION AYANT SOULEVÉ DES DIFFICULTÉS : LA RÉFORME DE LA RÉVERSION 31 TRAVAUX DE LA COMMISSION 41 ANNEXE 1 : TABLEAU RÉCAPITULATIF DE LA PUBLICATION DES TEXTES D'APPLICATION 61 ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 69 La loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites est le fruit d'une réforme législative majeure de l'année 2003. Mais si, comme l'a déclaré le Premier ministre, la réforme des retraites était toute entière dans le vote des dispositions de la loi, la mise en application de ce texte de 116 articles occupant trente-trois pages du Journal officiel de la République nécessitait la publication de nombreuses dispositions réglementaires pour entrer en pleine application : 59 de ces articles renvoient en effet à un ou plusieurs décrets simples ou en Conseil d'Etat pour définir leurs modalités d'application. Au total, au 31 mars 2005, on peut estimer à 86 le nombre de décrets ou arrêtés nécessaires à la mise en œuvre complète des réformes contenues dans la loi ou les textes réglementaires d'application. Il s'agit d'un quantum minimal qui ne comptabilise pas les décrets fixant des taux de cotisation, revalorisant le montant des pensions ou éventuellement modifiant des décrets publiés, qui seront publiés ultérieurement. Afin d'exercer la mission d'évaluation et de contrôle dont est investi le Parlement, notamment pour s'assurer de la publication des textes réglementaires nécessaires à l'application des dispositions législatives votées, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a, en application de l'article 86, alinéa 8, du Règlement de l'Assemblée nationale, décidé de désigner, lors de sa réunion du 16 février 2005, un de ses membres pour présenter un rapport sur la mise en application de la loi du 21 août 2003. Conformément à cette disposition du Règlement issue de la résolution n° 256 adoptée par l'Assemblée nationale le 12 février 2004, « ce rapport fait état des textes réglementaires publiés et des circulaires édictées pour la mise en œuvre de ladite loi, ainsi que de ses dispositions qui n'auraient pas fait l'objet des textes d'application nécessaires. » Le présent rapport dresse donc un bilan quantitatif des textes d'application de la loi du 21 août 2003, commente les conditions de mise en application de la loi et analyse les causes des retards de publication de certains règlements. Le rapporteur a en outre examiné la conformité des textes d'application publiés aux intentions du législateur. Le tableau présentant d'une manière complète les textes d'application publiés au 4 avril 2005 figure en annexe du rapport. Il ressort que soixante-cinq des quatre-vingt-un décrets ou arrêtés nécessaires à l'application de la loi en 2005 et début 2006 sont publiés ; les seize textes manquant sont nécessaires pour l'application complète de onze articles de la loi en 2005 ou 2006. La quasi-totalité de ces textes sera publiée avant le 30 juin 2005. Cinq autres textes seront publiés ultérieurement pour l'application de la loi au-delà de 2006. A. LA LOI DU 21 AOÛT 2003 NÉCESSITE LA PUBLICATION D'UN NOMBRE EXCEPTIONNELLEMENT ÉLEVÉ DE DÉCRETS D'APPLICATION 1. Les mesures d'application renvoyées par la loi à des décrets La loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites comporte 116 articles ; 59 d'entre eux, soit plus de la moitié, renvoient expressément à un ou plusieurs décrets simples ou en Conseil d'Etat la détermination des modalités d'application de tout ou partie de leurs dispositions. Globalement, le gouvernement a estimé à 86 le nombre total de décrets et arrêtés nécessaires à la mise en œuvre complète des réformes contenues dans la loi du 21 août 2003. Ce nombre comprend toutefois les décrets et arrêtés nécessaires à la mise en œuvre de textes réglementaires d'application de la loi. Etat de la publication des textes nécessaires à l'application de la loi du 21 août 2003
Nota : le tableau ne comptabilise pas les arrêtés annuels futurs qui seront publiés (revalorisation des pensions, etc.). Voir le chapitre B du rapport pour le détail du décompte des décrets et arrêtés restant à publier. En deux cas, le gouvernement a considéré que la précision des dispositions votées par le Parlement rendait inutile la publication du décret d'application prévu par la loi. Il s'agit des dispositions suivantes : - article 51 modifiant l'article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite, qui renvoie à un décret la détermination de la règle d'arrondi à l'entier supérieur du nombre de trimestres pris en compte pour le calcul d'une pension de retraite. Mais la règle posée par l'article L. 14 a été jugée suffisamment précise pour ne pas nécessiter la publication d'un décret ; - article 64 modifiant l'article L. 86-1 du code des pensions civiles et militaires de retraite, qui renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les conditions de déclaration par les employeurs publics des cas de cumul d'un revenu d'activité et d'une pension de retraite. La définition par la loi des employeurs autorisés à accorder un tel cumul a été jugée suffisamment précise pour rendre inutile la publication d'un décret. Les ministres chargés de la fonction publique et de l'assurance vieillesse n'ont publié aucune circulaire d'application à destination des administrations. Cependant, sept lettres ministérielles ont été nécessaires jusqu'à présent pour parfaire l'application de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites. Ces lettres visent, pour certaines d'entre elles, à expliciter les décrets d'application et fournir aux organismes de gestion des pensions de retraite les précisions indispensables pour calculer les droits et liquider les pensions conformément à la loi et aux règlements publiés (lettres ministérielles des 25 mars 2003 et 26 novembre 2004 pour l'application notamment des articles 25 et 26 de la loi et le calcul du salaire annuel moyen). La lettre ministérielle du 5 octobre 2004 a, elle, ordonné la suspension de l'application des décrets nos 2004-857 et 2004-858 réformant le régime des pensions de réversion afin d'attribuer provisoirement les pensions de réversion selon le régime antérieur à la loi du 21 août 2003. Les autres lettres tendent à préciser le droit applicable en l'absence des décrets d'application : - la lettre ministérielle du 26 novembre 2004 fournit les éléments de calcul de la majoration du montant du minimum contributif sans distinction des périodes cotisées ou non pour les pensions attribuées à compter du 1er juillet 2005, le décret n° 2003-1279 ayant établi les modalités de calcul pour les pensions attribuées à compter du 1er janvier 2004 (article 26 de la loi) ; - la lettre ministérielle du 25 janvier 2005 indique les modalités de mise en œuvre de la majoration de la durée d'assurance pour enfant handicapé élevé (article 33 de la loi) ; - la lettre ministérielle du 22 mars 2005 définit les modalités de mise en œuvre de la réforme des pensions de réversion à la suite de la suspension des décrets nos 2004-857 et 2004-858 du 24 août 2004 (article 31) ; - la lettre ministérielle du 29 mars 2005 précise les modalités d'application des règles de cumul d'une pension de retraite liquidée antérieurement avant 2004 et d'un revenu d'activité ainsi que la mise en œuvre du seuil de revenus en 2004. Par ailleurs, la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAV) a indiqué au rapporteur, le 7 mars 2005, être en attente de plusieurs lettres ministérielles pour apporter les précisions nécessaires à la correcte application des articles 15, 23 (non-cumul entre pension d'invalidité et retraite anticipée pour longue carrière), 24 (non-cumul entre pension d'invalidité et retraite anticipée des assurés handicapés). 2. Les décrets d'application non prévus par la loi Conformément à l'article 21 de la Constitution, le Premier ministre a la latitude de publier tout décret qu'il juge nécessaire pour définir l'application de dispositions législatives hors délégation expresse votée par le Parlement. Ainsi, par cohérence avec le plafonnement de la majoration de durée d'assurance des assurés poursuivant leur activité au-delà de 65 ans, prévu par l'article 25 de la loi, mais sans renvoi exprès par la loi, le décret n° 2004-144 du 13 février 2004 a arrêté des règles de répartition entre régimes d'assurance vieillesse de cette majoration dans le cas où les assurés ont relevé de plusieurs régimes 1 (article 1er du décret : article R. 174-4-2 du code de la sécurité sociale). Le même décret du 13 février 2004 portant également application de l'article 22 de la loi a, en outre, neutralisé les salaires de très faible montant pour le calcul du salaire annuel moyen et prévu de nouvelles modalités de détermination de ce salaire dans le cas des assurés ayant relevé de plusieurs régimes alignés : ces mesures ne figurent pas dans le texte de la loi du 21 août 2001 en raison de leur caractère réglementaire mais avaient été annoncées dans l'exposé des motifs du projet de loi. De même, le décret n° 2004-1181 du 29 octobre 2004 a précisé la date exacte de début du service de pension des exploitants agricoles cessant leur activité non salariée agricole définitivement (condition pour bénéficier d'une pension) et les éléments de preuve de cette cessation d'activité, pour l'application de l'article 103 de la loi. 3. Les décrets publiés après déclassement de dispositions législatives par le Conseil constitutionnel Le Conseil constitutionnel a été amené, sur la saisine du Premier ministre, à déclasser des dispositions du code rural et de l'ancien code rural en matière de retraite des exploitants agricoles (décision n° 2004-197 L du 10 juin 2004). Un décret d'application non prévu par le texte de l'article 103 adopté par le Parlement a donc été publié. A cette occasion, le Conseil constitutionnel a jugé « qu'il y a lieu de ranger au nombre des principes fondamentaux de la sécurité sociale qui, en tant que tels, relèvent du domaine de la loi, l'existence même des pensions d'invalidité et de vieillesse, ainsi que la nature des conditions exigées pour leur attribution ; que relève notamment de la loi le principe selon lequel la durée de cotisation nécessaire pour obtenir une pension à taux plein dépend de paramètres tels que l'espérance de vie à l'âge à partir duquel la liquidation d'une pension complète peut être demandée ; qu'en revanche, il appartient au pouvoir réglementaire, sans dénaturer lesdites conditions, d'en préciser les éléments quantitatifs tels que l'âge des bénéficiaires et la durée minimale d'assurance ». En conséquence, la détermination par l'article 103 de la loi du 21 août 2003 (article L. 732-39 du code rural) de l'âge (60 ans) à partir duquel une pension de retraite d'exploitant agricole peut être versée sous condition de cessation définitive de ses activités non salariées agricoles ne relève pas du domaine de la loi. Il s'en suit que l'article L. 732-39 a été, depuis cette décision, rectifié afin de supprimer l'indication d'âge minimal et renvoyer à un texte réglementaire la fixation de cet âge. Le décret d'application du premier alinéa de l'article L. 732-39 est en fait celui prévu par l'article L. 732-18 pour fixer l'âge de départ en retraite à 60 ans ; l'application de la loi du 21 août 2003 n'a pas nécessité sa modification. Le Conseil constitutionnel a adopté une seconde décision de déclassement de dispositions à caractère réglementaire figurant dans la loi du 21 août 2003. Il s'agit de la dénomination du « plan d'épargne individuelle pour la retraite » et du « groupement d'épargne individuelle pour la retraite » figurant aux articles 108 et 114 de la loi. Le dispositif de l'article 108 et ces dénominations résultent d'un amendement de rédaction globale du gouvernement adopté par l'Assemblée nationale. Le Conseil constitutionnel a considéré que « ressortit à la compétence du législateur (...) la création d'un plan d'épargne individuelle pour la retraite bénéficiant d'une incitation fiscale et permettant à toute personne physique d'adhérer à un contrat d'assurance conclu entre un groupement chargé de la mise en place et de la surveillance de la gestion de ce plan et une entreprise d'assurance, une institution de prévoyance ou une mutuelle ; qu'en revanche, sous réserve que ne soient pas dénaturées les règles les concernant qui sont du domaine de la loi, le choix de la dénomination de ce plan et de ce groupement relève de la compétence du pouvoir réglementaire ». En conséquence, un décret n° 2004-346 du 21 avril 2004 relatif à la dénomination du plan d'épargne individuelle pour la retraite et du groupement d'épargne individuelle pour la retraite a été publié pour intituler ces instrument et structure « plan d'épargne retraite populaire » et « groupement d'épargne retraite populaire ». B. LE NÉCESSAIRE ÉTALEMENT DANS LE TEMPS DE LA PUBLICATION DES TEXTES D'APPLICATION DE LA LOI Le nombre élevé des textes d'application nécessaires à la mise en œuvre de la réforme des retraites votée par le Parlement imposait un étalement dans le temps de la publication des décrets d'application. Cet étalement dans le temps a eu pour effet de diluer le sens de la réforme d'ensemble dont les objectifs étaient pourtant clairs. Il serait justifié, comme la CNAV en a l'intention, de prévoir une communication institutionnelle à destination des assurés pour rappeler les lignes et le sens de cette réforme, maintenant que la quasi-totalité des décrets d'application a été publiée. Jusqu'à présent, des synthèses et des guides d'utilisation ont été élaborés et diffusés, notamment par mise en ligne sur les sites Internet, pour expliquer les grandes lignes de la réforme. Le ministère des affaires sociales a notamment assuré une très large diffusion du guide gratuit « Ma retraite, mode d'emploi ». Un guide «Retraite des fonctionnaires : guide pratique » a été diffusé parallèlement. Pour la fonction publique, la direction générale de l'administration et de la fonction publique a publié six guides à destination des services et des agents concernés : le guide de la nouvelle réglementation, le guide du rachat des années d'études, le guide du temps partiel dans la fonction publique de l'Etat, le guide de la cessation progressive d'activité, le guide sur l'abaissement de l'âge de la retraite pour cause de carrière longue, le guide de la retraite additionnelle de la fonction publique. Prochainement devrait être publié et mis en ligne un guide sur la validation des services des agents non titulaires. Le ministère des solidarités, de la santé et de la famille a notamment diffusé gratuitement et très largement et « Retraite des fonctionnaires : guide pratique » très largement diffusés D'une manière générale, le rapporteur constate que l'outil Internet a été utilisé pleinement pour répondre aux besoins d'information générale des actifs et des retraités. 1. Les contraintes matérielles auxquelles a été confronté le gouvernement Il convient de rappeler que l'essentiel du travail de rédaction des décrets d'application a été supporté, d'une part, par la sous-direction des retraites et des institutions de la protection sociale complémentaire de la direction de la sécurité sociale du ministère de la santé et, d'autre part, par le bureau des rémunérations, des pensions et du temps de travail de la direction générale de l'administration et de la fonction publique, c'est-à-dire par une quinzaine de fonctionnaires qui ont dû s'y consacrer en sus de leur travail courant (2). Le gouvernement a donc déterminé des priorités pour l'élaboration des décrets d'application. La même direction de la sécurité sociale a dû à partir du mois d'août 2004 mettre en application une autre réforme législative de très grande ampleur : la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, ce qui a ralenti le travail d'élaboration des derniers décrets d'application de la loi portant réforme des retraites. Par ailleurs, l'évolution sensible du contenu de la réforme des retraites entre les orientations exposées par le Premier ministre devant le Conseil économique et social le 3 mars 2003 et le vote définitif de la loi le 24 juillet, suivi de la décision du Conseil constitutionnel du 14 août, notamment du fait de l'accord conclu avec les partenaires sociaux à la mi-mai 2003 et des amendements parlementaires, n'a pas permis au gouvernement d'anticiper le travail d'élaboration des projets de décrets d'application. Ces mêmes partenaires sociaux ont en outre demandé une mise en œuvre rapide au 1er janvier 2004 des grands éléments de la réforme, en particulier le départ anticipé à la retraite (articles 23, 90, 97 et 99 de la loi). Cette accélération de dernière minute a nécessité une mobilisation de moyens importants par les institutions de gestion et les caisses, au premier rang desquelles la CNAV, y compris pour répondre aux demandes de renseignements des assurés tout en procédant à des liquidations provisoires. A ce titre, le rapporteur attire l'attention du gouvernement, comme celle de ses collègues, sur la nécessité de prévoir deux à trois mois de délai entre la publication des décrets et la date d'effet des mesures qu'ils mettent en application lorsque la réforme est de grande ampleur (3). A défaut, les caisses et services de pensions sont conduits à liquider de manière provisoire les dossiers sur la base de l'ancienne réglementation et à les réviser ultérieurement, ce qui est arrivé à de nombreuses reprises pour la mise en œuvre des décrets d'application de la loi du 21 août 2003 (4). En effet, après la publication des décrets, les caisses d'assurance vieillesse et les services gestionnaires des pensions des fonctionnaires doivent modifier leurs systèmes informatiques, élaborer les circulaires et instructions internes à destination de leurs agents, former les personnels, au besoin recruter des personnels d'appoint pour répondre aux demandes nouvelles, concevoir, produire et diffuser les plaquettes d'information à destination des usagers, etc. Ce délai de préparation a souvent manqué. Mais ce défaut, presqu'unani-nement critiqué par les organismes entendus, est relativement habituel en France et n'est pas propre à la mise en œuvre de la réforme des retraites. Toutefois, le rapporteur se félicite de la mobilisation très efficace des agents de la CNAV, qui ont su produire plus de 200 000 attestations de retraites anticipée et liquider 124 000 pensions de retraite anticipée pour longue carrière en 2004. De même l'Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) et l'Association des régimes de retraite complémentaire (ARRCO) ont dû traiter 132 000 dossiers de liquidation supplémentaires (sur un total de 700 000 dossiers de liquidation de pension de retraite complémentaire) en raison des multiples demandes de départ anticipé en retraite, cet avantage intéressant tout particulièrement les assurés représentés au sein de ces deux régimes. La longueur des délais nécessitée pour la publication de ces décrets s'explique enfin par les obligations légales et indispensables de consultation d'organismes multiples et les échanges approfondis entre la direction de la sécurité sociale et les caisses d'assurance vieillesse. De même, la direction générale de l'administration et de la fonction publique a été amenée à saisir les trois conseils supérieurs de la fonction publique des projets de décrets réformant la quotité de travail à temps partiel car le projet de loi dont ils avaient été saisis ne contenait pas les dispositions mises en application par les décrets (article 70). 2. L'analyse de la chronologie de publication des décrets La chronologie de la publication des textes d'application a respecté le calendrier de mise en œuvre de la réforme des retraites votée par le Parlement. Six mois après la publication de la loi, les éléments formant le cœur de la réforme des retraites, à savoir l'allongement de la durée de cotisation, les dispositifs de surcote et de décote, le rachat des années d'études et la redéfinition du minimum contributif, avaient reçu leurs décrets d'application. Dans l'année suivant la publication de la loi, les décrets d'application concernant les aspects essentiels de la réforme avaient été publiés, à l'exception de ceux sur le cumul entre un emploi rémunéré et une pension de retraite, sur la retraite progressive et sur le droit à l'information sur sa situation individuelle. Il convient de souligner que la mise en œuvre de la réforme des retraites s'étale dans le temps sur une période exceptionnellement longue puisque les premières dispositions sont entrées en vigueur le 1er septembre 2003 et que les deux derniers décrets d'application sont attendus pour les années 2011 et 2015. Il était donc justifié d'attendre dix-huit mois pour mettre en œuvre le contrôle parlementaire de l'exécution de la loi du 21 août 2003. Les premiers décrets d'application ont été ceux mettant en œuvre les éléments de la réforme les plus attendus par les assurés, à savoir la retraite anticipée (articles 23, 90, 97 et 99), le minimum contributif (article 26), la majoration de durée d'assurance accordée pour enfants élevés (article 32), le rachat des périodes d'études supérieures et des années incomplètes au titre des cotisations d'assurance vieillesse (article 32, I) et la mensualisation du paiement des pensions de retraite des exploitants agricoles (article 105). Deux de ces décrets ont été publiés d'autant plus rapidement que leurs dispositions ne posaient pas de difficultés ou que les principales demandes des partenaires sociaux ont pu être aisément prises en compte. Il s'agit, d'une part, du décret n° 2003-1280 du 26 décembre 2003 qui met en place la majoration de durée d'assurance au bénéfice des mères de famille (il était en gestation de longue date et le gouvernement a en fait saisi le dépôt du projet de loi portant réforme des retraites pour faire procéder à la modification législative préalablement indispensable) et, d'autre part, du décret n° 2003-1376 du 31 décembre 2003 permettant le rachat des années d'études supérieures ou des années incomplètes pour la cotisation d'assurance. Le contenu de certaines réformes exigeait, par ailleurs, de procéder à la publication des décrets d'application dans des délais courts. Il s'agit tout d'abord de la nouvelle procédure de revalorisation annuelle des pensions de retraite (article 27, arrêté ministériel du 23 décembre 2003). Il en va de même du décret n° 2004-144 du 13 février 2004, qui met en application le cœur même de la réforme des retraites, à savoir le relèvement de 150 à 160 du nombre de trimestres de cotisation d'assurance vieillesse et la mise en place de la décote (article 22) et organise le congé de reclassement (article 36), et du décret n° 2004-156 du 16 février 2004 qui institue la surcote (article 25). Les textes relatifs aux différentes fonctions publiques ont tous été publiés, de manière groupée, en octobre et en décembre 2003 afin que la réforme puisse s'appliquer aux fonctionnaires en 2004 (articles 40 à 76). A la demande de la Caisse nationale retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), le gouvernement a notamment accepté de saisir cette occasion pour refondre en un texte unique l'ensemble des règles de liquidation des droits à pension des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers (décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003). Les textes d'application restants nécessitaient de longues concertations avec les partenaires sociaux et devaient être soumis à des procédures d'avis qui ne permettaient pas de procéder à leur publication dans des délais brefs. Ces motifs expliquent la publication au premier semestre 2004 des textes d'application sur la contribution patronale au Fonds de solidarité vieillesse au titre des régimes chapeaux pour la constitution des droits à pension des salariés achevant leur carrière dans l'entreprise (article 115), la création du plan d'épargne retraite populaire (article 108), la création du plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite (article 109), la réforme du régime d'assurance vieillesse de base des professions libérales (articles 85 à 90) et la modification de l'organisation et du fonctionnement du Conseil d'orientation des retraites (article 6, II). Le changement de gouvernement fin mars 2004 a alors causé un retard dans le processus d'élaboration des décrets d'application suivants que l'on peut estimer à un mois et demi. Cet évènement a été d'autant plus sensible que les titulaires des ministères des affaires sociales et de la fonction publique ainsi que les membres des cabinets ministériels ont complètement changé. Ainsi, le décret sur la possibilité, pour les artisans et commerçants, de cumuler un emploi et une pension de retraite (décret n° 2004-791 du 29 juillet 2004 ; article 15, II de la loi) avait commencé à être contresigné par des ministres ; le changement de gouvernement a conduit à un réexamen de ses dispositions notamment au regard du dispositif préparé pour les salariés du régime général et des régimes affiliés. De même, la publication de l'arrêté du 23 août 2004 relatif au droit à l'information des assurés sur leur situation individuelle au regard de leur droits à retraite (article 10) et les décrets nos 2004-857 et 2004-858 du 24 août 2004 sur les pensions de réversion (articles 31 et 102) a été retardée. Le décret n° 2004-848 du 24 août 2004 relatif à la retraite complémentaire des professions artisanales, industrielles et commerçantes (article 81) a demandé de longs mois de discussions et d'évaluations essentiellement en raison du relèvement du taux de cotisation d'assurance vieillesse lié à la création du régime complémentaire obligatoire demandée par les industriels et les commerçants : le taux de cotisation au régime complémentaire obligatoire de l'ORGANIC a été fixé à 3,5 % pour le premier semestre 2004, 4,5 % pour le second semestre 2004 et a été porté à 6,5 % à partir de 2005 par le décret n° 2005-272 du 23 mars 2005 (5) afin de maintenir l'équilibre de ce régime par répartition provisionnée qui s'autofinance ; le taux de la cotisation au régime complémentaire obligatoire des artisans de la CANCAVA est, lui, passé de 6,7 % à 7 %. Le décret n° 2004-862 du 24 août 2004 a mis en place les règles de rachat des périodes d'aide familial agricole pour la constitution des droits à pension (article 100). La parution au bout d'un an de ce décret a pénalisé certains salariés agricoles qui, bien que souhaitant - et pouvant - partir en retraite avant 60 ans compte tenu de leur longue carrière, ont dû retarder la demande de liquidation de leur pension. La possibilité de rachat est ouverte jusqu'au 31 décembre 2005. A compter de la fin août 2004, un second facteur de retardement dans le processus de publication des décrets d'application de la loi est survenu : la priorité donnée par le gouvernement à la direction de la sécurité sociale pour la mise en œuvre de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie. Les décrets nos 2004-1130 et 2004-1131 du 19 octobre 2004 sur le cumul d'un emploi avec une pension de retraite (article 15, I) ont exigé une longue concertation et leur mise au point s'est heurtée à la complexité de la coordination du dispositif entre tous les régimes de base et complémentaires. La difficulté de la question liée au système français d'assurance vieillesse, qui fait coexister trente-huit régimes différents, a fait que ce nouveau régime de cumul emploi-retraite, dont il était prévu, à l'origine, une application au 1er juillet 2004, n'a pu prendre effet qu'à compter du 1er janvier 2005. Le dispositif s'applique cependant aux services de pension prenant effet à compter du 1er janvier 2004. Ce décalage de six mois ne semble pas avoir causé de préjudices compte tenu du très faible nombre de demandes de cumul enregistrées à ce jour. Les décrets réformant le régime de liquidation des pensions de retraite des avocats (article 97) n'ont pu être publiés qu'au Journal officiel du 30 décembre (décrets nos 2004-1449 et 2004-1457 du 23 décembre 2004) en raison des échanges très approfondis entre la direction de la sécurité sociale et la Caisse nationale des barreaux français (CNBF). Ce délai de seize mois pris pour la publication des décrets d'application a néanmoins été jugé par le président et le directeur de cette caisse, auditionnés par le rapporteur, satisfaisant ; il a été mis à profit pour répondre aux attentes des avocats et bien préparer la mise en œuvre de la réforme. Cette discussion a notamment permis de maintenir la validation des périodes exonérées de cotisation d'assurance vieillesse (longue maladie, grandes interruptions d'activité) qui constitue un avantage particulier du régime spécial des avocats inscrits à un barreau. Dans l'attente de la publication des décrets, la CNBF a liquidé, à titre provisoire, les pensions de base en se fondant sur les principes arrêtés par la loi. Cette politique pragmatique conduit à réexaminer environ un tiers des liquidations de 2004, dans un sens plutôt favorable, depuis la publication des décrets. La CNBF a, en particulier, été confrontée à un afflux de demandes de retraite anticipée : leur nombre est passé de 210 en 2002 et 224 en 2003 à 358 en 2004 et 117 pour les neuf premières semaines de 2005 (1er janvier au 7 mars). Le décret n° 2004-1546 du 30 décembre 2004 définissant le régime fiscal de l'épargne pour la retraite (article 111, II) a été publié à temps pour que la réforme s'applique au 1er janvier 2005. Les textes d'application de l'article 18 recentrant l'aide de l'Etat à la cessation d'activité des travailleurs salariés (CATS) sur les salariés âgés ayant eu des activités pénibles (décret du 27 janvier 2005) n'exigeaient pas d'être publiés dans des délais brefs, le dispositif CATS pouvant être utilisé plus largement antérieurement. Le tableau ci-après présente chronologiquement la publication des mesures de première application des dispositions législatives de réforme. Chronologie de la publication des décrets d'application de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003
3. Des décalages d'entrée en vigueur de certaines parties de la réforme Quelques décrets ont été publiés postérieurement à la date d'entrée en vigueur des mesures de réforme prévues par la loi du 21 août 2003. Ces décrets concernent les mesures suivantes : - la mensualisation du paiement des pensions de retraite des exploitants agricoles entrée en vigueur en 2004 mais qui n'a pas pu être appliquée de ce fait dès le début de l'année (décret du 7 janvier 2004) ; - l'augmentation du nombre de trimestres retenus pour le calcul de la pension dans le régime (durée dite de « proratisation » ; décret n° 2004-144 du 13 février 2004) qui s'applique aux pensions prenant effet à compter du 1er janvier 2004 (6) ; - les régimes de la décote, de la surcote et des majorations de durée d'assurance pour les assurés de plus de 65 ans (décret n° 2004-144 du 13 février 2004) qui s'appliquent aux pensions prenant effet postérieurement au 31 décembre 2003 mais qui ne se sont appliqués pour la première fois qu'aux pensions servies après la publication du décret (7) ; - le nouveau régime des pensions de réversion (décrets du 24 août 2004, modifiés par les décrets du 23 décembre 2004) qui s'applique aux pensions servies à compter du 1er juillet 2004 ; - la création du régime obligatoire d'assurance vieillesse complémentaire pour les industriels et les commerçants (ORGANIC) qui a été fixée par un décret du 24 août 2004 alors que le régime prenait effet au 1er janvier 2004 ; - la possibilité de cumuler un emploi et le bénéfice d'une pension de retraite (décrets du 19 octobre 2004) dont l'application des nouveaux plafonds a dû être reportée aux pensions prenant effet au 1er janvier 2005, ce qui a conduit à prévoir des mesures d'application anticipée adaptées pour les salariés dont le service de pension a débuté en 2004 par lettre ministérielle du 25 mars 2004. Ces quelques retards ont imposé un réexamen des situations individuelles pour les droits servis entre la date d'entrée en vigueur de la réforme et celle de première exécution après publication du décret. C. LES TEXTES D'APPLICATION MANQUANTS OU INCOMPLETS Treize décrets d'application restent à publier au cours de l'année 2005 et deux décrets et un arrêté au premier semestre 2006. Textes d'application manquants au 23 mars 2005 pour l'application de la loi en 2005 et 2006
Source : informations communiquées par la direction de la sécurité sociale et le bureau des rémunérations, des pensions et du temps de travail de la direction générale de l'administration et de la fonction publique Ultérieurement, d'autres décrets sont attendus. Décrets d'application manquants pour l'application de la loi au-delà de 2006
Source : informations communiquées par la direction de la sécurité sociale du ministère de la santé. La CANCAVA et l'ORGANIC se sont inquiétés de l'éventualité de la modification, par décret, du calendrier de relèvement de la durée d'assurance requise pour le bénéfice du taux plein de pension fixé par la loi pour les années 2009 à 2012 et pour les années 2013 à 2020, et de la nécessité de l'intervention de deux décrets (III de l'article 5). Rapidement, les caisses devront en effet répondre aux demandes de leurs assurés tendant à évaluer leur situation individuelle. Au vu du calcul de leurs droits, les assurés peuvent être incités à racheter des années d'assurance. Pour répondre correctement aux demandes, il est donc nécessaire de connaître longtemps à l'avance la durée d'assurance nécessaire pour obtenir une pension à taux plein. Conformément à la loi portant réforme des retraite, les décrets pour les périodes 2013-2016 et 2017-2020, doivent s'appuyer sur une analyse du taux d'activité des personnes de plus de cinquante ans, de la situation financière des régimes de retraite, de la situation de l'emploi et des paramètres de financement des retraites. Le gouvernement dispose de statistiques glissantes régulières en ces domaines. C'est pourquoi la CANCAVA et l'ORGANIC souhaiteraient que les pouvoirs publics précisent, au plus tôt, leur intention en la matière. Plus généralement, une attention particulière devra être apportée à la conciliation de ce relèvement progressif des durées d'assurance requises pour le taux plein de pension et de « proratisation » de la pension et les dispositifs de retraite anticipée. En effet, le relèvement est normalement appliqué pour chaque génération d'assurés, la valeur fixée étant celle applicable l'année des soixante ans. Jusqu'en 2012, ces durées sont fixées par la loi. Mais dès 2008 certains assurés, travailleurs handicapés, nés en 1953, pourront bénéficier d'une retraite anticipée à 55 ans. La durée de proratisation qui leur sera applicable devrait normalement être celle devant être fixée pour 2013 (8), par hypothèse non déterminée avant 2012. Il serait donc indispensable d'anticiper le traitement de ces demandes pour assurer la liquidation des dossiers au cours de l'année 2008. Le décret relatif à la commission de compensation (article 7) est étroitement lié au décret organisant la suppression progressive de la surcompensation entre régimes spéciaux (article 9). Le retard pris pour la publication de ces deux textes s'explique par les problèmes interministériels soulevés par la suppression de la surcompensation et les difficultés d'équilibre financier qu'elle entraîne. Les décrets relatifs au droit à l'information des assurés sur leur situation individuelle au regard de leurs droits à pension de retraite (article 10) se sont révélés, de l'avis unanime des personnes auditionnées, délicats à élaborer en raison de la coordination devant être assurée entre trente-huit régimes d'assurance vieillesse différents et de la définition d'une protection satisfaisante des données individuelles des assurés. La mise en œuvre de ce droit pose des problèmes d'organisation administrative lourds. Les discussions avec les caisses se sont achevées en juin 2004 ; les échanges entre les trente-huit organismes membres du groupement d'intérêt public du droit à l'information des assurés sur les retraites sur les avant-projets ont largement été consensuels. Mais les discussions entre la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et la direction de la sécurité sociale du ministère de la santé se sont ensuite avérées plus longues que prévues. La CNIL a depuis décidé de reporter de plus d'un mois, au 21 avril 2005, l'examen de son avis. Le temps pris pour mettre au point les décrets sur le droit à l'information n'a pas de conséquence puisqu'il est prévu que le droit à l'information sur sa situation individuelle ne prendra effet qu'en juillet 2006, avec une montée en charge jusqu'en 2010. Le groupement d'intérêt public travaille d'ores et déjà à la mise en œuvre du droit à l'information individuelle en s'appuyant sur les projets élaborés par la direction de la sécurité sociale et les remarques de la CNIL. Les décrets sur le droit à l'information sont en outre les textes qui, auront peut-être le plus grand impact sur la gestion courante de la CNAV étant donné la masse des informations qu'ils contraindront à traiter simultanément. En effet, à ce jour, la CNAV ne fournit les situations individuelles globales que pour les assurés d'au moins 58 ans. La charge de travail supplémentaire sera d'autant plus grande que la réforme des retraites incite les assurés à être plus actifs dans l'évaluation de leur situation, ouvre de nouveaux avantages de retraite et modifie les modes de départ en retraite. Les demandes des assurés auprès des caisses d'assurance vieillesse se sont donc multipliées depuis 2003 (9). Le décret mettant en place le répertoire national des retraites et des pensions (article 14) pose des problèmes d'adéquation des moyens administratifs très importants à mettre en œuvre pour la constitution et le fonctionnement de ce répertoire et le bénéfice attendu de la réforme. Les flux d'information en amont de la liquidation des pensions sont considérables ; ils posent des difficultés d'allocation des ressources au sein des administrations et des caisses. Le gouvernement réévalue donc le dispositif envisagé et les arbitrages sont encore en cours. D'une manière générale, le rapporteur constate que les procédures d'échange d'informations pour le calcul des pensions entre les différents régimes d'assurance vieillesse sont difficiles à mettre en place. Des réticences, qui peuvent s'expliquer par les traditions historiques d'autonomie, ont pu exister. La difficulté a été accentuée par les spécificités réglementaires et les modes de travail très différents. En ce sens, il faut saluer l'initiative du service des pensions de l'Etat, de la CNRACL et de la CNAV de mettre en place un groupe de travail commun sur la dématérialisation des échanges d'informations. Les décrets sur la retraite progressive (article 30) sont dans leur phase terminale, les caisses d'assurance vieillesse ayant rendu leurs derniers avis en mars 2005. Le retard pris pour la mise en place de cette réforme est expliqué par un arbitrage entre les différentes priorités assignées par le gouvernement à la direction de la sécurité sociale. Ces décrets étaient bien avancés au printemps dernier, avant le changement de gouvernement puis l'adoption de la loi du 13 août 2004 sur l'assurance maladie. Cependant, la CNAV a indiqué au rapporteur que ses caisses étaient très peu sollicitées sur ce nouveau dispositif voté par le Parlement, ce qui tend à confirmer l'absence de préjudice causé par le retard pris pour mettre en application cette réforme qui n'apparaît pas comme une urgence sociale. Il conviendrait d'ailleurs de mettre en place une communication afin de faire connaître les nouvelles conditions offertes pour partir en retraite. Les mêmes arbitrages entre les priorités gouvernementales expliquent le retard pris pour finaliser les décrets permettant aux salariés du régime général et du régime agricole employés à temps partiel de cotiser pour leur retraite de base sur la base d'un temps plein (article 35). Les décrets, d'une part, définissant les conditions d'intégration dans le corps de fonctionnaires de rattachement, après un an de service, des enseignants qui, sur leur demande et après agrément du ministre ou de leur collectivité de rattachement, ont été détachés dans un emploi administratif et, d'autre part, dressant la liste des corps enseignants bénéficiaires de cette « seconde carrière » et les conditions d'éligibilité (article 77) ont posé des difficultés de traduction normative des principes fixés par la loi. En effet, le dispositif voté était novateur pour les fonctionnaires civils et a nécessité une longue instruction technique. Leur publication devrait intervenir avant le 30 juin 2005. Le décret redéfinissant les contributions patronales aux régimes complémentaires de retraite et aux régimes supplémentaires de retraite et de prévoyance a été retardé en raison des discussions interministérielles et des échanges avec les organismes assureurs plus longs que prévus (article 113). Le décret relatif aux statistiques sur les régimes de retraite d'entreprise (article 114) ne présente pas un caractère d'urgence. Il exige des arbitrages complexes avec les régimes d'assurance en raison des informations nouvelles demandées aux assurances et des conséquences matérielles qu'elles imposent pour les réunir. Du fait que les textes d'application sur les institutions de gestion de retraite supplémentaire (article 116) sont complexes et que la réforme n'entrera en vigueur qu'en 2008, leur publication n'est envisagée que pour le premier semestre 2006. Il a fallu notamment attendre la finalisation de la fusion de la Commission de contrôle des assurance et de la Commission de contrôle des mutuelles et institutions de prévoyance en une Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et institutions de prévoyance, qui résulte de la loi du 1er août 2003 de sécurité financière, puis l'organisation et la mise en place de cette dernière pour engager la mise au point de ces textes d'application. L'article 104 de la loi permet aux conjoints collaborateurs d'exploitation agricole en activité au 1er janvier 1999, ayant opté pour ce statut de conjoint collaborateur et dont la retraite a pris effet après le 31 décembre 2001, de bénéficier des revalorisations de petites retraites agricoles s'ils remplissent les conditions applicables au moment où ils décident de faire jouer l'option (32,5 années d'activité non salariée agricole, ou 27,5 années dont 15 avec le statut de conjoint pour les conjoints monopensionnés) et non celles en vigueur au moment de leur départ en retraite (depuis 2002, 40 ans d'activité tous régimes dont 17,5 ans d'activité non salariée agricole). Le dispositif de l'article 104 ne concerne que les pensions de réversion. Le 5° de l'article 49 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit a complété le dispositif pour les retraites personnelles en autorisant le Gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions nécessaires pour « aligner les conditions de majoration de la pension de retraite servie à titre personnel au conjoint collaborateur du chef d'une exploitation agricole ou d'une entreprise agricole sur celles de leur pension de réversion ». L'article 92 de cette loi précise que l'ordonnance prise en application de l'article 49 devra intervenir dans les neuf mois suivant la publication de la loi, à savoir au plus tard le 9 septembre 2005. En dernier lieu, il convient de rappeler que le paragraphe I de l'article 12 dispose que « dans un délai de trois ans après la publication de la présente loi, les organisations professionnelles et syndicales représentatives au niveau national sont invitées à engager une négociation interprofessionnelle sur la définition et la prise en compte de la pénibilité. » Le Medef a fait savoir en octobre 2004 qu'il était disposer à ouvrir de telles négociations. Une première réunion entre les syndicats s'est tenue le 23 février 2005 ; elle a porté sur le recensement des situations de pénibilité. Mais il faut constater que, tout en restant compatible avec le calendrier fixé par la loi, cette négociation avance à pas très lents. D. DES DÉCRETS SUPPLÉMENTAIRES POURRAIENT ÊTRE ÉTUDIÉS POUR PARFAIRE CERTAINES MESURES D'APPLICATION 1. La retraite anticipée pour carrière longue et pour les assurés handicapés Les articles 23, 24, 90, 97 et 99 ont reçu leurs décrets d'application. La question de l'attribution de certains avantages annexes à la pension aux assurés en retraite anticipée (majoration de durée d'assurance pour enfants prévue à l'article L. 351-12 du code de la sécurité sociale et pour conjoint à charge prévue à l'article L. 351-13) a été réglée, favorablement, par le ministère qui estime, contrairement à la CNAV, qu'il n'est pas nécessaire de prévoir de disposition réglementaire expresse. Au-delà, la question de l'opportunité de l'attribution avant 60 ans de certains avantages non contributifs pourrait être posée. Il s'agit des avantages suivants : - l'allocation supplémentaire de solidarité prévue par l'articles L. 815-1 reste servie, en application de l'article R. 815-2, aux assurés demandeurs âgés d'au moins 65 ans ou d'au moins 60 ans en cas d'inaptitude au travail. Cet âge a été abaissé à moins de 60 ans seulement en cas d'invalidité générale réduisant la capacité de l'assuré d'au moins deux tiers (article R. 815-4) ; - la majoration prévue par l'article L. 814-2 (10) qui permet de porter le montant d'une pension à hauteur du montant de l'allocation aux vieux travailleurs salariés au bénéfice des plus bas revenus reste accordée aux assurés âgés de plus de 65 ans ou de 60 ans en cas d'inaptitude au travail en application de l'article D. 814-2. Le minimum vieillesse, qui est la somme de l'allocation de solidarité L. 815-1 et de la majoration L. 814-2 ne peut donc être accordé aux bénéficiaires d'une retraite anticipée ; - la majoration pour tierce personne (article L. 355-1) : aucune disposition ne fait obstacle à ce qu'elle soit accordée aux bénéficiaires de la retraite anticipée dès lors que l'inaptitude au travail est reconnue. En accord avec le ministère, la CNAV a décidé de servir cette majoration aux assurés partant en retraite anticipée et la demandant à l'appui d'un certificat médical établissant leur inaptitude. Cependant, la CNAV estime qu'il serait préférable qu'une disposition réglementaire expresse confirme cette situation qui résulte de la combinaison des textes actuels puisqu'aucun article du code ne prévoit expressément que la majoration peut être versée dans le cas d'une retraite liquidée avant soixante ans. Il convient en outre de mentionner une incertitude juridique quant à l'impossibilité de cumuler une pension d'invalidité, qui prend fin à l'âge de 60 ans (article L. 341-15) et est à partir de cet âge remplacée (11) par une pension de vieillesse accordée pour inaptitude au travail, et une pension de retraite anticipée. La confirmation de ce non-cumul, au demeurant conforme au simple bon sens, relèverait cependant plutôt de la voie législative. Enfin on peut signaler que la possibilité de cumuler un revenu d'activité et une pension de retraite a été abaissée à 55 ans (article R. 161-11 ; décret n° 2004-1130 du 19 octobre 2004) à compter du 1er janvier 2005. Un avantage potentiel a donc pu exister en 2004 pour certains bénéficiaires d'une retraite anticipée qui ont pu percevoir leur retraite sans devoir cesser leur activité. L'article D. 351-1-4 du code de la sécurité sociale met ainsi en œuvre l'article L. 351-1-2 qui a créé la majoration de pension, dite surcote, au-delà de la limite actuelle des 160 trimestres mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale (article 25 de la loi du 21 août 2003). « Art. 25.- La majoration prévue à l'article L. 351-1-2 est égale à 0,75 % par trimestre. La durée d'assurance mentionnée à cet article est celle accomplie à compter du 1er janvier 2004, après le soixantième anniversaire de l'assuré et excédant la valeur de la limite mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 351-1. « Pour l'application du premier alinéa du présent article, il est retenu au titre de l'année du soixantième anniversaire de l'assuré un nombre de trimestres égal au nombre de trimestres civils entiers suivant celui au cours duquel est survenu cet anniversaire. Dans le cas où la durée d'assurance visée à l'article L. 351-1-2 au titre de cette année est inférieure à quatre trimestres, ce nombre est réduit au prorata (12) et arrondi, s'il y a lieu, soit à l'entier supérieur si la première décimale est égale ou supérieure à 5, soit à l'entier inférieur dans le cas contraire. » L'article D. 351-1-4 énonce donc un principe de proratisation. Mais la règle à appliquer n'a pas été explicitée par le décret dans le cas où l'assuré poursuite son activité au-delà de soixante ans et prend sa retraite au cours de cette même année. Une solution a été proposée par la lettre ministérielle du 25 mars 2005, conduisant à ne pas appliquer de prorata en ce cas, dès lors que la durée validée est arrêtée, en application des dispositions de droit commun, au dernier jour du trimestre précédant celui de la prise d'effet de la pension. Dans l'attente de précisions de niveau réglementaire, la CNAV a estimé ne pas devoir appliquer le prorata, quelle que soit la durée cotisée l'année des soixante ans. Certains régimes alignés appliquent un prorata, d'autres non. Par ailleurs, la CANCAVA et l'ORGANIC ont également fait remarquer que les règles propres au décompte du nombre de trimestres à retenir pour la décote au titre de l'année des soixante ans n'étaient nécessaires que pour le régime général (13), mais non pour les régimes des non-salariés et qu'il serait plus simple de les dispenser d'appliquer ces règles. 3. La mise en œuvre du rachat des années d'aide familial agricole Le rachat des périodes d'aide familial agricole est prévu par l'article 100 de la loi et mis en œuvre par le décret n° 2004-862 du 24 août 2004. La loi a permis de racheter les périodes accomplies dès l'âge de 14 ans. Or la Mutualité sociale agricole a fait remarquer au rapporteur que seuls peuvent racheter dès cet âge les personnes nées un 1er janvier puisque, d'une part, les personnes nées avant 1953 sont soumises à l'obligation scolaire jusqu'à 14 ans révolus et que, d'autre part, sont uniquement rachetables les années où les intéressés étaient présents sur l'exploitation au 1er janvier en tant qu'aide familial. En conséquence les personnes nées un autre jour que le 1er janvier ne peuvent racheter au mieux que les années à partir de celle au cours de laquelle elles ont atteint l'âge de 15 ans. Le ministère souligne toutefois, d'une part, que l'année au cours de laquelle l'intéressé a atteint l'âge de 15 ans comporte entre un (pour ceux nés le 2 janvier) et 364 jours (pour ceux nés le 31 décembre) pendant lesquels il était âgé de moins de 15 ans. D'autre part, il paraît cohérent que les années rachetées soient, comme les années d'affiliation à titre obligatoire dans le régime, des années civiles entières. Par ailleurs, des difficultés subsistent pour certains agriculteurs proches de l'âge de la retraite, qui souhaitent faire valider les périodes pendant lesquelles ils étaient aides familiaux sur l'exploitation de leurs parents tout en poursuivant une formation en alternance, notamment en maison familiale rurale. Cette formation constituant une poursuite de la scolarité, le gouvernement a considéré que les années en cause ne peuvent donner lieu à un rachat d'aide familial mineur. Cependant, sous certaines conditions, ces années de formation en alternance peuvent donner lieu à régularisation au titre d'une formation d'apprenti pour le régime des salariés agricoles. Dans le cas où l'apprenti ne peut indiquer le montant des salaires réellement perçus, les cotisations de régularisation sont calculées sur un salaire forfaitaire fixé par arrêté pour les périodes d'apprentissage d'avant 1972, c'est-à-dire antérieures à l'obligation légale de rémunérer les apprentis en espèces. La Mutualité sociale agricole a attiré l'attention du rapporteur sur le fait que, pour les salariés du régime général, il existe un arrêté spécifique fixant l'assiette forfaitaire applicable aux apprentis, qui est réduite quasiment de moitié par rapport à l'assiette applicable pour une régularisation normale. Un tel arrêté fixant une assiette forfaitaire réduite pour les apprentis du régime agricole n'existe pas mais un engagement du ministère de l'agriculture a été donné pour prendre un tel arrêté, qui n'est toujours pas publié à ce jour (14). 4. La majoration de la pension pour conjoint à charge L'article L. 351-13 du code de la sécurité sociale et son article d'application R. 351-31 prévoient que la pension de retraite d'un assuré est majorée lorsque son conjoint, âgé d'au moins soixante ans ou soixante-cinq ans en cas d'inaptitude au travail, ne bénéficie pas d'un avantage vieillesse ou invalidité, dispose de ressources inférieures au plafond des personnes seules de l'allocation aux vieux travailleurs salariés et est à sa charge. L'article R. 351-32 accorde la majoration intégrale aux assurés totalisant une durée d'assurance d'au moins 150 trimestres ; en cas de durée inférieure, son montant est proratisé par cent-cinquantièmes manquants. Compte tenu de la modification des durées d'assurance pour obtenir une pension de retraite à taux plein, il conviendrait de modifier la règle de proratisation prévue pour la majoration pour conjoint à charge (N/152 pour les assurés nés en 1944, N/154 pour ceux nés en 1945, etc.). 5. Les situations passées de cumul emploi-retraite hors plafond dans les professions libérales Avant la réforme des retraites, cinq des onze caisses affiliées à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) pouvaient liquider une pension de retraite alors que l'assuré conservait une activité professionnelle. La CNAVPL s'est déclarée satisfaite par la réforme car le plafond de ressources retenu est celui de la sécurité sociale ; il est donc relativement élevé et correspond aux besoins des professions libérales. Mais il convient de préserver la situation des retraités dont la pension a été liquidée avant le 1er janvier 2004, qui ont pu poursuivre une activité professionnelle sans conditions de plafond mais dont le cumul conduit aujourd'hui à un dépassement de plafond. L'instruction ministérielle écrite attendue pour préserver la situation de ces quelques retraités, ces cas dérogatoires justifiés par l'historique du régime étant amenés à disparaître progressivement, vient d'être signée : lettre du 29 mars 2005. 6. La disparition des seuils d'affiliation à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance d'assurance vieillesse La Caisse interprofessionnelle de prévoyance d'assurance vieillesse (CIPAV) est affiliée à la CNAVPL. Cette caisse regroupe différentes professions qui ne disposent pas d'une caisse spécifique (15). Elle est devenue, devant la Caisse autonome de retraite des médecins de France, la première caisse des professions libérales en nombre d'adhérents (150 000 sur les 500 000). Avant la réforme des retraites, un seuil de cotisation était appliqué pour l'affiliation à cette caisse. Depuis le 1er janvier 2004, ce seuil a disparu. Dès lors, les cotisations de retraite sont dues dès le premier euro de revenu. Ainsi pour une traduction facturée 200 euros, 17,20 € doivent être acquittés pour l'assurance vieillesse de base (16). La retraite complémentaire est calculée en points et les cotisations sont forfaitaires et appelées par tranches de revenus. Ces cotisations de retraite complémentaire, très basses, pour des activités très accessoires et d'exécution très marginale, sont particulièrement lourds à gérer pour la caisse et génèrent des contentieux de recouvrement. En outre, chaque cotisant, quel que soit le montant de sa cotisation dans l'année, est comptabilisé au titre de la compensation entre régimes, ce qui conduit à porter la charge de compensation acquittée par la CNAVPL à plus de 1500 euros par cotisant. La CIPAV ne remet pas en cause le principe de la généralisation de la couverture de base des professions libérales. Les droits acquis, même minimes au regard de la seule activité libérale, peuvent compléter la durée d'assurance « tous régime » servant de base au calcul du taux de la quasi totalité des retraites de base et de toutes les retraites complémentaires. Elle demande donc le rétablissement du seuil d'affiliation existant antérieurement, à savoir 15 % du plafond de la sécurité sociale (4528,28 € de revenus annuels) pour le régime complémentaire. Le principe en a été accepté par le gouvernement et un arrêté doit intervenir en ce sens. 7. La gouvernance et la simplification administrative des régimes de fonctionnaires Si tous les textes d'application nécessaires à la mise en œuvre de la loi du 21 août 2003 pour les régimes de la fonction publique ont été publiés, il conviendrait d'approfondir la réforme engagée dans trois directions : - l'amélioration de la gouvernance des régimes des agents des collectivités territoriales et des hôpitaux (Caisse nationale retraite des agents des collectivités locales CNRACL) et des agents publics non titulaires (Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités locales IRCANTEC), tous deux gérés par la Caisse des dépôts et consignations. Le gouvernement a saisi le conseil d'administration de la CNRACL d'un projet de réforme de son organisation administrative, des relations avec les tutelles, de la définition des objectifs et des missions, du contrôle des actions, etc. Il a rendu son avis en mars 2005. Le décret devrait être publié au deuxième trimestre 2005. Concernant l'IRCANTEC, un débat a eu lieu en mars 2005 au sein de son conseil d'administration sur les perspectives envisagées par le gouvernement pour améliorer la gouvernance de l'institution et tracer les conditions d'équilibre du régime. Le document sera soumis à l'assemblée générale pour avis ; - l'amélioration du réseau des services de pensions de retraite des agents publics de l'Etat et des collectivités locales qui s'articule sur le service centralisé des pensions de Nantes et les bureaux déconcentrés des ministères et des collectivités. La mission d'évaluation et de contrôle des comptes de la sécurité sociale a engagé une réflexion sur ce sujet ; - la poursuite de la simplification des procédures administratives de gestion. Les décrets du 26 décembre 2003 ont procédé à plusieurs améliorations. La Caisse des dépôts et consignations a notamment présenté pour l'IRCANTEC des propositions concernant l'attribution des points en cas de période de chômage, la gestion des titulaires des fonctions publiques ayant totalisé une durée de service inférieure à quinze ans (qui sont reversés à l'IRCANTEC) et le seuil de liquidation globale en capital des petites pensions (fixé très en-deçà de celui de l'AGIRC-ARRCO). Ces mesures de simplification supplémentaires contribueraient à compenser les quelques complexités nouvelles introduites par la réforme des retraites (décote, surcote). Par ailleurs, l'IRCANTEC souhaite une clarification, par circulaire par exemple, du versement des cotisations touchant les périodes concomitantes à l'IRCANTEC et au régime additionnel de retraite de la fonction publique (RAFP). Concernant le RAFP, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2005 (article 76), il conviendrait de réexaminer l'impossibilité d'investissement dans l'immobilier de l'établissement et son statut fiscal (assujettissement à l'impôt sur les sociétés) qui dérogent par rapport aux établissements publics en charge des retraites (cf. fonds de réserve des retraites). E. UNE MESURE D'APPLICATION AYANT SOULEVÉ DES DIFFICULTÉS : LA RÉFORME DE LA RÉVERSION L'article 31 de la loi du 21 août 2003, pour les assurés relevant du régime général et des régimes alignés, et les articles 96 et 102, pour les professions libérales et pour les non-salariés agricoles, ont réformé le régime de la réversion des pensions de retraite. Ce sont les articles qui ont soulevé les plus grandes difficultés pour la définition des modalités d'application de la loi portant réforme des retraites. Les objectifs de la réforme étaient notamment de simplifier les règles d'attribution des pensions de réversion en substituant un calcul sur le seul respect d'un plafond des ressources complètes du conjoint survivant à un calcul complexe reposant sur la double condition des ressources et du respect d'une limite de cumul entre les pensions de base personnelles du conjoint survivant et ses pensions de réversion (17). Elle permettait également de mieux prendre en compte les droits des éventuels conjoints divorcés remariés (18) et surtout de verser la pension de réversion au conjoint survivant sans attendre qu'il ait atteint l'âge de 55 ans ; cette allocation peut en effet constituer son seul ou principal revenu. La réforme s'est accompagnée de la suppression de l'assurance veuvage qui était servie jusqu'à l'âge d'ouverture du droit à pension de réversion. La loi a ainsi prévu la suppression progressive de la condition d'âge pour le versement des pensions de réversion ; l'article 24 du décret d'application n° 2004-858 du 24 août 2004 a prévu que l'abrogation de cette condition sera complète au 1er janvier 2009, la période transitoire étant utilisée pour abaisser progressivement l'âge d'ouverture du droit à la réversion (voit tableau ci-après). En outre, la loi a supprimé les exigences tenant à la durée de mariage et à l'absence de remariage. Selon le ministère de la santé, 200 000 à 300 000 veuves ou veuves sont susceptibles, à terme, de bénéficier d'une réversion grâce à la suppression de ces conditions. La réforme votée par le Parlement constitue donc une avancée sociale substantielle. Au cours de la période transitoire, les veuves ou veufs ne respectant pas la condition d'âge pourront bénéficier de l'assurance veuvage selon ses anciennes modalités, de même que les bénéficiaires au 1er juillet 2004 de l'assurance veuvage continueront à la percevoir dans les conditions antérieures à la réforme. Les deux décrets d'application nos 2004-857 et 2004-858 du 24 août 2004 publiés au Journal officiel du 25 août 2004 ont cependant soulevé des difficultés et ont été sources de graves inquiétudes parmi les veuves eu égard, d'une part, à leurs dispositions relatives aux ressources du conjoint survivant prises en compte pour le calcul du plafond de ressources au-delà duquel il y a écrêtement du montant de la pension de réversion versée par le régime général et, d'autre part, aux modalités de révision des droits à pension de réversion après la liquidation qui, dès lors, n'était plus définitive. Le conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAV) avait rendu, à l'unanimité, un avis négatif sur les projets de décrets. Les critiques tenaient autant à l'évolution de la nature de la réversion, qui devenant une allocation différentielle tendait à prendre le caractère d'un minimum social, qu'au nouveau traitement des pensions de réversion des régimes complémentaires obligatoires qui laissait penser à une substitution des régimes complémentaires au régime général dans l'allocation des droits et enfin au principe de contrôle du respect du plafond de ressources pendant toute la durée de versement de la pension de réversion (19).Ce nouveau système plongeait dans une grande incertitude les futures veuves ou futurs veufs qui avaient l'intention ou la possibilité de travailler ainsi que, dans une moindre mesure, ceux déjà retraités. L'information alors apportée au grand public a également pu laisser croire que les pensions de réversion en cours de service auraient pu être révisées pour tenir compte de l'évolution des ressources des intéressés (20). Les axes de réforme, à savoir la transformation de la pension de réversion en allocation différentielle, la prise en compte de l'ensemble des ressources du conjoint survivant pour la détermination de ses droits à réversion et le contrôle après liquidation de l'évolution de ses ressources et du respect du plafond, avaient été annoncés par le gouvernement avant et pendant l'adoption du projet de loi portant réforme des retraites. Devant l'Assemblée nationale, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, avait ainsi présenté l'article 22 du projet de loi, devenu l'article 31 de la loi du 21 août 2003 (Débats AN, 25 juin 2003, 1ère séance) : « Le système actuel est hypocrite, complexe, et il n'est pas équitable. « Il comporte deux étapes. Lors de la première étape, on examine les ressources afin d'apprécier l'éligibilité, les avantages personnels de retraite de base du conjoint survivant ne sont pas pris en compte. Ce plafond de ressources est aujourd'hui de 2 080 fois le SMIC horaire, soit 1183 euros mensuels. La retraite de base du conjoint n'étant pas comprise dans ce plafond, la condition de ressources est peu restrictive. Seules les femmes ne disposant pas déjà de plus de 1183 euros (21) de pension, à supposer qu'elles ne disposent d'aucun revenu du patrimoine, sont théoriquement exclues du bénéfice de la pension de réversion du régime de base. Mais, lors de la deuxième étape, celle des limites de cumul entre la pension de droit direct et la pension de réversion, que le conjoint survivant voit réduire du fait de ses avantages personnels de vieillesse, le montant de la pension de réversion tend parfois jusqu'à zéro. Deux limites sont prises en compte : la limite calculée, soit 52 % du cumul des avantages personnels et des avantages du décédé, et la limite forfaitaire, qui s'élève à 73 % de la pension de retraite de base maximale. « La réforme que le Gouvernement vous propose permet de mettre en oeuvre un système plus équitable et infiniment plus simple. « D'abord, l'ensemble des ressources, y compris les avantages personnels de retraite du conjoint survivant, seront prises en compte dans le plafond. « L'étape des limites de cumul est supprimée. Le plafond de ressources qui sera arrêté par voie réglementaire n'est pas encore définitivement fixé. Il ne devrait naturellement pas être fondamentalement différent du plafond actuel - en tout cas il ne lui sera sûrement pas inférieur -, mais nous voulons le fixer en concertation avec les associations de conjoints survivants. Nous voulons notamment, à cette occasion, définir la base ressources, c'est-à-dire l'ensemble des ressources qui seront prises en compte dans ce plafond. (...) « Nous ne changeons pas de philosophie par rapport au régime précédent - la pension de réversion était déjà soumise à des conditions de ressources et à des conditions de cumul -, mais nous mettons en place un dispositif avec disparition des effets de seuil, avec le même traitement pour les mono-réversés et pour les poly-réversés, et en supprimant le risque veuvage, qui, je le rappelle, donnait lieu au versement d'une allocation pendant deux ans, alors que le système proposé par le Gouvernement permet l'ouverture d'un droit tout au long de la vie. « Aujourd'hui, 16 % des veuves perdent leur mari avant cinquante ans, pour reprendre l'exemple qui a été maintes fois cité dans cette discussion. La suppression de la condition d'âge leur sera directement favorable. L'allocation de veuvage était versée deux ans avant cinquante-cinq ans, il n'y a plus désormais de limite de durée. » La traduction réglementaire de la réforme par les décrets du 24 août 2004 plaçait surtout les futures veuves et futurs veufs susceptibles de disposer de pensions de réversion complémentaires élevées dans une situation plus difficile du fait du nouveau mode de calcul du plafond de ressources et de l'absence de liquidation définitive des droits. La discussion s'est concentrée sur l'incorporation des pensions de réversion des régimes complémentaires légalement obligatoires dans les ressources prises en compte pour le calcul du plafond du fait que le nouveau mécanisme conduisait non seulement à réduire leur montant mais pouvait même se traduire par la disparition pure et simple de ces droits. En effet, comme l'indique l'avis du Conseil d'orientation des retraites (COR) du 9 novembre 2004, « la simplification des conditions de calcul de la pension de réversion n'est pas contestée dans son principe même, mais seulement dans ses modalités d'application » (p. 4). Face aux interrogations, y compris des députés, et aux inquiétudes, M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et des affaires sociales, a demandé, le 21 septembre 2004, au COR de lui remettre dans les deux mois une évaluation du dispositif résultant des nouveaux décrets. Dans l'attente, les décrets ont été suspendus par le Premier ministre et les pensions de réversion sont restées calculées selon le dispositif antérieur à la loi du 21 août 2003. Le COR a adopté un avis le 9 novembre 2004. Il a tout d'abord estimé qu'une modification de la loi ne s'imposait pas (« rien ne paraît donc imposer un recours rapide au législateur », p. 4). L'appréciation des décrets d'application ne pouvait pas, en outre, se limiter au seul aspect de l'incorporation des pensions de réversion des régimes complémentaires dans le calcul des ressources car la réforme de la réversion avait un caractère global et était financièrement équilibrée. La prise en compte de l'ensemble des ressources du conjoint survivant était donc le corollaire de la suppression de la limite d'âge et des anciennes conditions de durée de mariage ou d'absence de remariage. Dans cette perspective, trois inflexions ont été proposées : - le montant de la pension de réversion servie à compter de l'âge de départ à la retraite, ou à partir de 60 ans quand il n'existe pas de droits propres à pension de retraite, doit être définitif et non soumis à un contrôle qui placerait les conjoints survivants dans une insécurité financière difficilement supportable ; - le principe de la condition de ressources doit être conservée mais les pensions de réversion des régimes complémentaires légalement obligatoires ainsi que les revenus du patrimoine du conjoint survivant et les revenus issus des contrats de prévoyance doivent être retirés des ressources prises en compte pour apprécier le respect du plafond ; - l'abaissement de la condition d'âge puis sa disparition pourrait se faire à un rythme plus lent afin de compenser financièrement la modification de l'assiette des ressources, la première étape du 1er juillet 2005 ne devant toutefois pas être remise en cause. Par ses décrets nos 2004-1447 et 2004-1451 du 23 décembre 2004, le gouvernement a très largement suivi les propositions du COR. Ont ainsi été réintroduites les exclusions des pensions de réversion complémentaires, de même que des revenus acquis par suite du décès de l'assuré et ceux des biens de la communauté, conformément aux règles en vigueur avant la réforme. Le nouveau dispositif a, en outre, rendu inutile la définition d'une caisse pivot pour la détermination de la réversion entre les différents régimes d'assurance vieillesse concernés. Les tableaux ci-après synthétisent l'évolution du régime de la réversion. Certaines mesures importantes restent cependant à préciser par voie de décret et de circulaire : - l'officialisation du principe selon lequel la mise en œuvre des dispositions applicables au 1er juillet 2006, c'est-à-dire l'intégration dans la base ressources des pensions de réversion servies par les régimes de base, exclues à titre transitoire par le décret d'août 2004, ne touchera pas les droits déjà attribués et ne concernera que les pensions prenant effet à compter de cette date ; - la confirmation d'un calendrier spécifique d'abaissement de l'âge d'ouverture du droit à réversion pour les conjoints survivants des assurés de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) (attente d'une instruction écrite puis d'un décret). La légitimité de cette mesure dérogatoire a été reconnue par M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille, dans une lettre du 5 janvier 2005, qui a annoncé une instruction ministérielle écrite destinée à sécuriser la situation juridique des caisses, suivie d'un décret spécifique pour le premier trimestre 2005. Ces mesures sont rendues indispensables par le fait que la CNAVPL accordait, avant la réforme, des pensions de réversion aux seules personnes âgées d'au moins 65 ans, mais sans conditions de ressources ; - l'amélioration, d'ici au premier semestre 2006, de la coordination entre tous les régimes avant la liquidation des pensions de réversion pour le calcul des ressources et la détermination des écrêtements au-dessus du plafond. Régime juridique des pensions de réversion versées par le régime général et les régimes assimilés
Source : Commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale (mars 2005). Ressources prises en compte pour l'attribution d'une pension de réversion du régime général
(*) La prise en compte des pensions de réversion des régimes complémentaires légalement obligatoires intervenait à compter du 1er juillet 2006. Source : Commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale (mars 2005). I.- Examen de la mise en application de la loi n° 2003-775 En présence de M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, la commission a examiné, au cours de sa réunion du mardi 5 avril 2005, le rapport de M. Denis Jacquat sur la mise en application du titre III (dispositions relatives aux régimes de la fonction publique) de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites. Le président Jean-Michel Dubernard a indiqué que la loi du 21 août 2003 occupe trente-trois pages du Journal officiel, et le rapporteur a dénombré quatre-vingt-six décrets et arrêtés nécessaires à sa mise en application complète. Pour les seules dispositions relatives aux trois fonctions publiques, qui font l'objet du titre III, vingt-trois textes sont nécessaires. Ce sont eux que la commission examine aujourd'hui en présence du ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, avant d'entendre demain le ministre des solidarités, de la santé et de la famille sur le reste de la loi. Les décrets d'application touchant la fonction publique ont certes été publiés dans les délais, mais seulement quelques jours avant la date de mise en application prévue par la loi. Il conviendrait à l'avenir, lorsque le Parlement adoptera une réforme sociale de grande ampleur, de veiller à ce qu'une date de mise en application trop rapprochée ne soit pas retenue. Dans le cas présent, le 1er janvier 2004 avait été choisi pour les éléments principaux de la loi, alors que celle-ci n'avait été définitivement votée que le 24 juillet 2003. Un délai aussi bref pour la mise en œuvre d'une réforme aussi considérable peut causer des difficultés administratives importantes, et notamment obliger les services des pensions à liquider de manière provisoire des dossiers selon l'ancienne législation et à les revoir ultérieurement à la lumière des décrets. Certes, les fonctionnaires qui ont pris leur retraite n'ont pas été pénalisés mais une telle pratique n'est pas satisfaisante. Par ailleurs, si la discussion du projet de loi a provoqué des débats difficiles, l'élaboration des décrets d'application de la réforme dans les fonctions publiques et leur mise en œuvre se sont déroulées sans heurt. C'est le signe que le rapprochement du secteur public et du secteur privé au regard de l'assurance vieillesse a été accepté par les Français et par les agents de la fonction publique. C'est une invitation à poursuivre sur la voie ainsi tracée. Après son exposé, le rapporteur a posé les questions suivantes : - Les deux décrets d'application manquants concernent la mise en œuvre de l'article 77 de la loi. L'un doit définir les conditions d'intégration dans le corps de rattachement, après un an de service, des enseignants qui, sur leur demande et après agrément du ministre ou de leur collectivité de rattachement, ont été détachés dans un emploi administratif. L'autre doit dresser la liste des corps enseignants bénéficiaires de cette « seconde carrière » et les conditions d'éligibilité. Ces décrets ont posé des difficultés pour traduire en normes les principes fixés par la loi. En effet, la possibilité offerte aux enseignants d'avoir une seconde carrière est un dispositif novateur, qui n'existe aujourd'hui que pour les militaires dans des conditions très spécifiques. Il a donc nécessité une longue instruction technique pour mettre en place un tel dispositif au bénéfice de fonctionnaires civils. Il serait donc souhaitable que le ministre puisse donner au Parlement une indication sur la date de publication de ces décrets et des précisions sur l'entrée en vigueur de cette réforme. - Le ministère de la fonction publique est également très impliqué dans la mise en place du droit à l'information de chaque assuré sur sa situation individuelle au regard de ses droits à la retraite. A quel stade en sont les décrets d'application de ce droit défini à l'article 10 de la loi ? Quel sera le calendrier de mise en place de ce droit ? - Il serait bon, par ailleurs, que le Parlement soit informé de l'état des projets de réforme de la gouvernance des régimes vieillesse des agents des collectivités territoriales et des hôpitaux (CNRACL) et des agents publics non titulaires (IRCANTEC), ainsi que des propositions de simplification des procédures administratives de gestion de l'IRCANTEC. - La gestion du régime additionnel de retraite de la fonction publique se heurte à des contraintes liées à l'impossibilité d'investir dans l'immobilier et à l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés, ce qui n'est pas le cas du Fonds de réserve des retraites. Le gouvernement envisage-t-il de modifier ces deux points ? M. Pierre Hellier s'est félicité de l'innovation que constitue l'examen de rapports sur l'application des lois votées par le Parlement, et a souhaité savoir à quelle date serait mis en œuvre le droit à l'information des assurés sur leur situation individuelle au regard de leur retraite, car la demande sociale est très forte, ainsi qu'il a lui-même pu le constater auprès de ses électeurs. M. Georges Colombier a soulevé la question, connexe, des contractuels qui ne bénéficient pas des primes auxquelles ont droit les fonctionnaires titulaires, telle la prime de fin de grade récemment créée, et a souligné que cette inégalité se répercuterait sur les pensions de retraite dans la mesure où celles-ci sont désormais assises sur une partie des primes. Mme Cécile Gallez a évoqué le cas des femmes qui ont élevé, parfois toute leur vie durant, les enfants nés d'une précédente union de leur époux : auront-elles droit aux mêmes bonifications que si elles les avaient elles-mêmes mis au monde ? En réponse aux intervenants, M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction et de la réforme de l'Etat, s'est réjoui de l'innovation que constituent les auditions sur l'application des lois, et a félicité le rapporteur pour la qualité de son travail. L'application de la loi du 21 août 2003 aux agents des trois fonctions publiques a été conduite dans des délais très satisfaisants, et 21 des 23 textes réglementaires sont publiés. Ceux qui étaient nécessaires à l'application des articles dont la date d'effet était le 1er janvier 2004 l'ont été au troisième trimestre 2003. Les autres l'ont été dans des délais compatibles avec le calendrier d'application prévu par la loi. Ce résultat exemplaire doit être largement mis au crédit de la direction de l'administration et de la fonction publique, dont les agents ont travaillé avec beaucoup d'énergie et de dévouement pour préparer ces textes complexes et importants. Cette mobilisation du gouvernement et de l'administration devrait servir d'exemple pour beaucoup de textes de loi qui restent partiellement inapplicables, de long mois après leur publication, faute des dispositions réglementaires essentielles à leur mise en œuvre. La suggestion de prévoir un délai raisonnable entre la publication d'un texte d'application et sa date d'effet est fort bien venue, et l'on ne peut que convenir de la nécessité de permettre aux administrations de se préparer à appliquer un changement de réglementation, car cette précaution de bon sens ne peut que rendre la mise en œuvre des réformes à la fois plus lisible pour les citoyens et moins coûteuse pour les services qui en ont la charge. Un tel délai n'a pas été possible pour la loi du 21 août 2003, pour les raisons que le rapporteur a rappelées, mais il est utile de préciser que, dès l'automne 2003, les services de retraite ont bénéficié de formations avant même la publication des textes, permettant leur mise en œuvre dès le 1er janvier 2004. Le gouvernement est sensible au compliment adressé par le rapporteur aux outils innovants qui ont été utilisés pour diffuser les modalités d'application de la loi. En effet, il a fait l'économie de nombreuses et complexes circulaires et instructions, et choisi de rendre la réforme plus lisible et compréhensible à la fois par les administrations, par les fonctionnaires et par leurs représentants, en rédigeant six - bientôt sept - guides de mise en œuvre. Ces guides, rédigés en collaboration avec les services des retraites, ont été rendus publics et mis en téléchargement libre sur le site www.fonction-publique.retraites.gouv.fr. Leurs rédacteurs ont dû faire preuve, pour être compris par le plus grand nombre, d'une pédagogie qui n'est pas la caractéristique habituelle des circulaires administratives. Les deux derniers décrets d'application restant à publier concernent l'article 77, relatif à la seconde carrière des enseignants. Il s'agit d'une mesure essentielle pour l'ensemble des personnels enseignants, qui sont les fonctionnaires pour lesquels la mobilité est la plus difficile. Aussi le ministre a-t-il souhaité, dès sa prise de fonctions en avril 2004, relancer le travail sur ce dispositif. Lors de l'examen par le Sénat du deuxième projet de loi d'habilitation à simplifier le droit, la procédure de double agrément ministériel a été supprimée à l'initiative du gouvernement, afin de rendre le mécanisme le plus simple possible et de lever les obstacles à la mobilité. Les deux textes d'application, un décret en conseil d'Etat et un décret simple, ont été soumis avant Noël à l'avis des trois conseils supérieurs de la fonction publique, et les ministères de la fonction publique, de l'éducation nationale et de l'agriculture ont cosigné une lettre demandant aux ministères employeurs de déterminer le nombre de postes qu'ils souhaitaient offrir en 2005 à des enseignants, en vue d'une mise en œuvre du dispositif de la seconde carrière dès la rentrée 2005. Les ministères de l'éducation nationale et de l'agriculture sont maintenant chargés de piloter la mise en œuvre opérationnelle du dispositif, de même que le ministère de la défense gère, depuis plusieurs années déjà, des mécanismes similaires pour les militaires. Le ministère de l'éducation nationale a un peu tardé, c'est vrai, à transmettre au Conseil d'Etat les textes examinés par les conseils supérieurs de la fonction publique, mais la haute juridiction devrait se prononcer très prochainement, et les deux décrets être publiés dans les prochaines semaines. Les textes d'application relatifs à la mise en œuvre du droit à l'information sur les retraites, prévu par l'article 10 de la loi, sont actuellement soumis à la CNIL, dont l'avis est attendu pour ce mois d'avril. Ils fixeront au milieu de l'année 2006 la date à laquelle une information sur les retraites devra pouvoir être délivrée aux assurés qui la solliciteront, et au milieu de l'année 2007 celle à partir de laquelle tous les assurés se verront progressivement délivrer une information périodique sur leur retraite. Ce chantier, conduit par le groupement d'intérêt public (GIP) « information sur les retraites » installé en juillet 2004, devrait aboutir, dès cette année à la création d'un outil de simulation inter-régimes, mis à la disposition des Français pour évaluer leur niveau de retraite. Parallèlement, un travail considérable est à faire au sein de l'Etat pour centraliser toutes les informations concernant la carrière des agents, actuellement dispersées entre tous les ministères et rassemblées à la toute fin de la carrière uniquement. A la demande du Premier ministre, ce travail est piloté conjointement par le ministère de la fonction publique et celui des finances, et s'inscrit bien entendu dans le même calendrier que le travail du GIP. Le gouvernement considère comme essentiel que l'Etat soit ponctuel au rendez-vous de la mise en œuvre du droit à l'information sur les retraites et soit exemplaire sur la concrétisation de cet aspect fondamental de la réforme de 2003. S'agissant de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), l'application de la réforme aux fonctionnaires territoriaux et hospitaliers a été réalisée par un décret du 26 décembre 2003 se substituant au décret du 9 septembre 1965. Par ailleurs, une réflexion est actuellement engagée en vue de la refonte du décret du 19 septembre 1947, constitutif de la CNRACL, qui apparaît aujourd'hui largement inadapté. Il y sera notamment question de la gouvernance et de la gestion du régime. Une concertation est en cours avec le président et le conseil d'administration de la caisse, afin de parvenir à un texte qui pourrait être applicable au 1er janvier 2006. S'agissant de l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités locales (IRCANTEC), un arrêté du 26 décembre 2003 a tiré les conséquences de la réforme sur le régime. Une réflexion est par ailleurs en cours au sein du conseil d'administration de l'IRCANTEC, à la demande des ministères de tutelle, sur les perspectives financières du régime, sa gouvernance et sa gestion. Cette réflexion devrait servir de base sur une concertation entre les partenaires sociaux qui s'ouvrira dans les prochaines semaines. S'agissant du régime additionnel de la fonction publique, c'est à juste titre que le rapporteur a soulevé le problème posé par l'impossibilité d'investir dans l'immobilier. A la lumière de l'expérience acquise par le Fonds de réserve des retraites, le Gouvernement a engagé une expertise préalable à une prise de décision sur ce sujet. Quant à la question du maintien de l'assujettissement de ce régime à l'impôt sur les sociétés, elle n'a pas le même degré d'avancement mais peut néanmoins être approfondie. M. Paul-Henri Cugnenc a appelé l'attention du ministre sur la situation particulière des professeurs d'université praticiens hospitaliers, dont la rémunération au titre de leur activité hospitalière semble considérée, pour le calcul des droits à la retraite, comme une simple prime, alors même que cette activité représente largement l'équivalent d'un temps plein. Ce n'est pas acceptable, et les quelque 4 000 personnes concernées demandent que les revenus correspondants fassent l'objet de cotisations et donnent droit, en contrepartie, à une retraite, ainsi qu'il leur avait été promis. M. Georges Colombier a demandé quand serait publié le décret d'application de l'article 136 de la loi de finances rectificative pour 2004, relatif à la possibilité pour les fonctionnaires ayant eu au moins trois enfants de partir à la retraite après quinze ans de services, et quel en serait le contenu. Le ministre a répondu, s'agissant des professeurs d'université praticiens hospitaliers, que la question était principalement du ressort du ministre chargé de la santé, et suggéré à la Commission d'attendre l'audition, prévue le lendemain, de M. Philippe Douste-Blazy, pour obtenir une réponse autorisée. Les bonifications pour enfants sont devenues un casse-tête juridique depuis que la jurisprudence de la Cour de justice européenne est venue remettre en cause le fait qu'elles soient réservées aux femmes fonctionnaires. La solution trouvée par le Gouvernement consiste à soumettre ces bonifications non plus à l'appartenance au sexe féminin, mais à une interruption effective d'activité pendant une durée minimale de deux mois, interruption dont chacun sait qu'elle est davantage le fait des femmes que des hommes, sans être pour autant leur apanage exclusif. Le décret est passé devant le Conseil d'Etat et devrait être publié dans les tout prochains jours. Il réglera le cas des enfants nés avant l'entrée de leur mère dans la fonction publique, ou hors des périodes d'activité. Les cas particuliers, comme celui des enfants nés d'une précédente union du conjoint, ou celui des enfants adoptés, devraient recevoir une solution prochainement. M. Marc Bernier s'est inquiété des conditions mises au rachat par les anciens aides familiaux agricoles des années passées à travailler à l'exploitation de leurs parents : on leur réclame bien souvent des sommes considérables pour racheter les droits à pension correspondant à ces années, et l'injustice est criante par rapport au régime général. M. Daniel Prévost a souligné qu'un certain nombre d'enfants d'agriculteurs se sont trouvés dans ce cas parce que leur père avait été mobilisé en Algérie, et ce pendant trente mois. Mme Cécile Gallez a demandé des éclaircissements sur les conditions du cumul entre emploi et retraite pour les « seniors ». M. Renaud Dutreil a estimé que ces questions, relatives aux régimes des salariés du droit privé, étaient davantage du ressort du ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Le rapporteur a confirmé qu'elles seraient bien posées à M. Philippe Douste-Blazy lors de l'audition du lendemain, et a indiqué qu'elles étaient évoquées aux pages 26 à 28 de son projet de rapport. Le président Jean-Michel Dubernard a remercié le ministre des précisions qu'il a apportées, le rapporteur de son travail d'analyse et les nombreux participants de leur présence. II.- Examen de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 En présence de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille, la commission a examiné, au cours de sa réunion du mercredi 6 avril 2005, le rapport de M. Denis Jacquat sur la mise en application de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites. Le président Jean-Michel Dubernard a rappelé, qu'après avoir entendu hier le ministre de la fonction publique, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales poursuit aujourd'hui avec le ministre des solidarités, de la santé et de la famille son évaluation de la mise en application de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites. Les difficultés survenues avec les décrets d'août 2004 relatifs aux pensions de réversion ne doivent pas occulter le travail considérable accompli par la direction de la sécurité sociale. Conduit dans la concertation, il a recueilli des réactions favorables des organismes gestionnaires de l'assurance vieillesse. L'attachement du gouvernement à répondre aux attentes des différents organismes tout en menant à bien les réformes votées par le Parlement a porté ses fruits. Mais la mise en application de la loi du 21 août 2003 est un travail de longue haleine, puisque la mise en œuvre de la réforme des retraites s'étale sur une période exceptionnellement longue : les premières dispositions sont entrées en vigueur le 1er septembre 2003 et les deux derniers décrets d'application sont attendus pour 2011 et 2015. Il était donc justifié d'attendre dix-huit mois pour mettre en œuvre le contrôle parlementaire de l'exécution de la loi du 21 août 2003. Le rapporteur, Denis Jacquat, va faire le point de la mise en application de chacun des éléments de la réforme. Mais il faudra également tirer des enseignements de la procédure d'élaboration et de publication des décrets qui ont à plusieurs reprises été publiés soit après la date prévue pour la mise en œuvre des dispositions législatives, soit quelques jours avant. Il conviendrait de veiller à ce que, lorsque le Parlement adopte une réforme sociale de grande ampleur, une date de mise en application trop rapprochée ne soit pas retenue. Or, dans le cas présent, le 1er janvier 2004 avait été choisi pour les éléments les plus importants d'une loi définitivement votée le 24 juillet 2003. En matière de retraite - comme d'ailleurs d'assurance maladie ou de droit du travail - après la publication d'un décret, s'engage un long processus de diffusion de mesures d'instruction pour les services, de modification des systèmes informatiques, de formation des personnels administratifs et d'accueil, d'élaboration de supports de communication destinés aux assurés. C'est pourquoi un délai d'au moins deux mois devrait être ménagé entre la publication des décrets les plus importants et la mise en application des mesures. Il appartient autant au Gouvernement qu'au Parlement de veiller, lors du vote de la loi, au choix d'une date de mise en application adaptée. Dans le cas de la réforme des retraites, les organismes de gestion d'assurance vieillesse ont été confrontés à des situations difficiles, contraints d'anticiper des décrets et même de liquider de manière provisoire des dossiers de retraite selon l'ancienne législation en raison de la publication tardive des décrets et de les reprendre a posteriori pour effectuer les corrections devenues nécessaires. Ces difficultés administratives n'ont toutefois pas nui aux situations individuelles des assurés. Certains retraités ont même pu en profiter, puisque le ministre a tenu à ce que les mesures défavorables éventuelles contenues dans les décrets et non déterminées par la loi ne soient pas appliquées de manière rétroactive. Après son exposé, le rapporteur a posé les questions suivantes : - La mise en œuvre de la loi a fait appel à sept « lettres ministérielles » adressées aux organismes de gestion d'assurance vieillesse. Le statut de ces documents est ambigu. Il semble qu'ils visent à expliciter les décrets d'application, à fournir aux organismes de gestion les précisions indispensables pour calculer les droits et liquider les pensions conformément à la loi et aux règlements publiés, mais aussi à préciser le droit applicable en l'absence de décrets. Le ministre peut-il préciser les circonstances qui l'amènent à préparer ces lettres, ainsi que leur statut dans l'ordonnancement juridique ? - Comment seront mises en place les nouvelles modalités de la retraite progressive ? Tous les décrets devraient être publiés d'ici fin juin 2005, à l'exception de ceux sur les institutions de gestion de retraite supplémentaire, qui seront pris au premier semestre 2006. - Le gouvernement ayant décidé de procéder à une évaluation du dispositif du répertoire national des retraites et des pensions, la commission aimerait connaître ses intentions en la matière. - En cas de retraite anticipée pour carrière longue ou pour une personne handicapée, les textes ne prévoient pas que certains avantages non contributifs (allocation supplémentaire de solidarité, majoration pour tierce personne) soient versés avant 60 ans. Une adaptation du code de la sécurité sociale est-elle envisagée ? - Le ministre confirme-t-il par ailleurs l'impossibilité de cumuler une pension d'invalidité et une pension de retraite anticipée ? - Concernant la surcote, la partie réglementaire du code de la sécurité sociale sera-t-elle précisée afin de ne pas appliquer de proratisation pour le calcul des pensions des assurés poursuivant leur activité au-delà de 60 ans mais prenant leur retraite au cours de cette même année, quelle que soit la durée cotisée pendant cette année ? - Pour le rachat des années travaillées en tant qu'aide familial agricole, un arrêté sera-t-il publié pour fixer une assiette spécifique forfaitaire pour les apprentis du régime agricole, comme le demande la Mutualité sociale agricole (MSA) ? - S'agissant de la majoration de pension pour conjoint à charge, faut-il modifier la règle de proratisation, compte tenu de la modification des durées d'assurance, pour obtenir une pension de retraite à taux plein ? - Le gouvernement envisage-t-il de rétablir le seuil d'affiliation à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales dont la disparition semble poser des difficultés de gestion à la principale caisse affiliée, la CIPAV, très hétérogène et qui enregistre souvent des droits très minimes ? - Le ministre peut-il donner à la commission des indications sur le calendrier de publication des textes d'application de la loi du 11 février 2005 concernant l'attribution d'une retraite anticipée à taux plein avec bonification d'un trimestre pour trois cotisés aux personnes handicapées ? M. Georges Colombier a rappelé que l'article 33 de la loi a accordé une majoration d'assurance pouvant aller jusqu'à huit trimestres pour les parents ayant élevé un enfant handicapé. Cette disposition a été évidemment très bien accueillie par les familles d'enfants handicapés. La mise en œuvre de cet article a fait l'objet d'une instruction ministérielle fin janvier 2005 mais, sur le terrain, certaines caisses régionales d'assurance maladie étaient encore dans l'incertitude il y a quelques semaines. Le ministre peut-il indiquer si cette mesure s'applique aujourd'hui correctement et si des instructions complémentaires ont été données aux services ? Par ailleurs, la loi a ouvert, pour la première fois, un droit au départ anticipé à la retraite pour les salariés ayant commencé à travailler très jeunes et ayant eu une longue carrière. Cette mesure de justice sociale sans précédent a déjà rencontré un grand succès et permis à des milliers de salariés de partir à la retraite dès 56 ans. Le ministre dispose-t-il de chiffres à ce propos et peut-il confirmer la pérennité de cette mesure ? Le droit à l'information en matière de retraite a également été inscrit pour la première fois dans cette loi. C'est une avancée très importante, attendue par les Français, qui souhaitent bénéficier le plus tôt possible d'une information détaillée sur leurs droits. Un groupement d'intérêt public (GIP) a été constitué en 2004, mais où en est-on précisément aujourd'hui ? La réussite de la réforme passe par la capacité à maintenir dans l'emploi les salariés de plus de 50 ans, qui en sont trop souvent écartés. L'emploi des seniors fait aussi l'objet de négociations entre les partenaires sociaux. Comment le Gouvernement aborde-t-il ce sujet ? Où en est-on par ailleurs des négociations sur la prise en compte de la pénibilité ? L'article 15 de la loi a prévu un assouplissement des règles de cumul emploi-retraite afin de faciliter la reprise d'un emploi pour les retraités qui le souhaitent. Toutefois le décret d'application paru en 2004 a maintenu un seuil de revenus à ne pas dépasser et a prévu un délai de six mois en cas de reprise d'activité chez son ancien employeur. Pour encourager vraiment le maintien dans l'emploi, un assouplissement supplémentaire ne serait-il pas nécessaire ? Enfin, l'article 24 a prévu la possibilité pour les salariés lourdement handicapés de partir à la retraite avant 60 ans, dès lors qu'ils ont cotisé un nombre suffisant de trimestres. Cette mesure déjà entrée en vigueur s'inscrit pleinement dans l'action du gouvernement en faveur des handicapés. Combien de personnes en bénéficient-elles ? Mme Cécile Gallez a évoqué le cas des femmes qui ont élevé, parfois toute leur vie durant, les enfants nés d'une précédente union de leur époux : auront-elles droit aux mêmes bonifications que si elles les avaient elles-mêmes mis au monde ? Par ailleurs, il est absolument nécessaire de trouver une solution pour le rachat des périodes accomplies en tant qu'aide familial agricole. M. Marc Bernier a souligné également l'importance de ce sujet, en particulier pour ceux qui ont été formés en alternance dans les maisons familiales rurales, d'autant que l'assiette forfaitaire spécifique du régime général pour les apprentis n'existe pas dans le régime agricole. En tant que président du groupe d'études sur les professions libérales, il a par ailleurs demandé si des mesures particulières pouvaient être envisagées pour les personnes dont la pension avait été liquidée avant le 1er janvier 2004 et qui avaient pu poursuivre une activité professionnelle sans condition de plafond jusqu'à l'application de la nouvelle loi. Le cumul de ressources les conduit aujourd'hui à un dépassement de plafond. M. Jean Le Garrec a relevé que l'excellent rapport de Denis Jacquat montre les très importants efforts accomplis par les services du ministère pour publier les décrets d'application. Il a également souligné que le succès du dispositif de retraite anticipée était attendu. S'agissant du rachat de cotisation des aides familiaux agricoles, même si la situation a été améliorée, on a l'impression que c'est le coût de la mesure qui fait hésiter le gouvernement. Quel est le sentiment du ministre à ce propos ? De façon plus générale, il serait intéressant de savoir comment le ministre envisage les suites de cette réforme, dans la mesure où, comme on pouvait s'y attendre, l'allongement de la durée de cotisation se heurte à un raccourcissement de la période de vie active, avec un taux de chômage des moins de 25 ans qui est le plus élevé d'Europe et un taux d'activité des plus de 55 ans qui est le plus faible. Par ailleurs, ne serait-il pas nécessaire de réfléchir à l'unification de certains régimes d'assurance vieillesse, comme par exemple l'ARRCO et l'AGIRC, qui pourraient tous deux fonctionner selon un système à points ? Ne pourrait-on demander au COR une étude sur ces sujets ? M. Alain Néri a insisté à son tour sur les conditions d'existence de ceux qui ont travaillé très jeunes dans de petites exploitations familiales, et souhaité qu'une solution soit trouvée pour le rachat des cotisations des aides familiaux. Il a également demandé où en est la négociation interprofessionnelle sur la pénibilité prévue à l'article 12 ? Le MEDEF ne faisant pas preuve d'un enthousiasme excessif, quelle sera l'attitude du gouvernement si cette négociation échoue ? Enfin, alors que la loi tend à allonger la durée de cotisation, et donc la période d'activité des salariés, on observe que désormais la carrière professionnelle commence souvent après 25 ans et s'achève quand l'entreprise ne veut plus des salariés, c'est-à-dire à 55 ans. On est donc loin des quarante années de cotisation recherchées et, avec le système de décote, la retraite fait de plus en plus peur. N'est-ce pas paradoxal ? Le président Jean-Michel Dubernard a souligné que la présente séance n'est pas destinée à refaire le débat sur les retraites, mais à examiner, en présence du ministre, les conditions d'application de la loi, à partir du rapport de Denis Jacquat. Il s'agit de renforcer le rôle d'évaluation et de contrôle du Parlement, domaine dans lequel la commission des affaires culturelles, familiales et sociales est pionnière puisqu'elle procède aujourd'hui à sa cinquième audition de ce type. M. Philippe Douste-Blazy s'est réjoui de cette occasion de faire, avec la commission, le bilan de l'application de la loi portant réforme des retraites, après avoir fait celui de la réforme de l'assurance maladie, de la loi de santé publique et de la loi de bioéthique. L'Assemblée nationale a pu, grâce à cette nouvelle procédure, évaluer la rapidité avec laquelle le gouvernement prend les textes qui lui incombent, mais aussi les difficultés pratiques de l'action réglementaire et la complexité de l'environnement dans lequel il travaille. Présenter aujourd'hui le bilan de l'application de l'une des plus grandes réformes de cette législature est un honneur car il s'agit d'une réforme que les Français attendaient, que nombre de gouvernements ont ajournée mais que celui-ci a menée, en dépit des obstacles. La tâche était ardue. Par le nombre des textes réglementaires d'application à prendre, tout d'abord - près de 85 décrets ou arrêtés -, mais aussi par la complexité des normes à édicter, en raison du nombre de régimes concernés et de la technicité de la matière. Les retraites sont aussi un sujet particulièrement sensible car toute mesure a un impact direct sur les conditions de vie des citoyens et sur le revenu non seulement des millions de retraités, mais surtout des actifs d'aujourd'hui et de demain. Quand on traite de problèmes aussi délicats, il faut à la fois préserver la justice sociale et chercher à rétablir les équilibres. C'est dans ce contexte que doivent être appréciées la qualité et la rapidité du travail réglementaire, que le rapporteur a soulignées. Il faut en particulier saluer le dévouement des agents du ministère. Ils ont passé le printemps 2003 à rédiger l'avant-projet de loi, puis l'été à suivre la discussion à l'Assemblée. La loi ayant été publiée le 21 août 2003, ils se sont immédiatement mis à rédiger les décrets pour permettre l'application des principales mesures au 1er janvier 2004, tout en continuant à travailler sur d'autres textes importants : financement de la sécurité sociale, assurance maladie, autonomie des personnes âgées et handicapées, habilitation pour simplifier le droit, etc. Tout cela sans préjudice de leurs compétences ordinaires : tutelle des régimes de retraite, présence aux conseils d'administrations, traitement des dossiers courants. Les textes d'application de cette loi requièrent en outre la consultation des partenaires sociaux, et nécessitent chacun la saisine d'une ou de plusieurs caisses nationales. La plupart doivent être examinés par la section sociale du Conseil d'Etat, elle même très sollicitée. Pour tout cela, la sous-direction en charge des retraites à la direction de la sécurité sociale dispose d'une petite dizaine d'agents qui, le rapporteur l'a noté, reçoit à elle seule autant de questions écrites que l'ensemble du ministère de l'intérieur. Ils doivent être remerciés pour leur dévouement. Puis, en réponse aux intervenants, le ministre a apporté les précisions suivantes : - Concernant le statut et le rôle des huit lettres ministérielles évoquées par le rapporteur, d'une manière générale celles-ci répondent à des demandes ou attentes diverses des organismes gestionnaires et visent toutes à assurer l'effectivité et l'efficacité de l'action administrative. Les lettres qui ont accompagné la mise en œuvre de cette réforme ont permis en premier lieu d'anticiper sur la nouvelle réglementation qui imposait aux caisses de modifier de nombreux processus de gestion automatisés, ce qui prend du temps. Les informaticiens, comme les services juridiques et ceux chargés de la liquidation des droits, ne peuvent correctement travailler que lorsque tous les paramètres ont été stabilisés. La lettre peut ainsi les informer, par exemple avant la publication d'un texte est en cours d'examen par le Conseil d'Etat, des paramètres à appliquer. Deuxième objectif de ces lettres : effectuer des transitions souples entre l'ancienne et la nouvelle législation, en particulier quand il n'est pas possible de déterminer une période transitoire par voie réglementaire. Si les décrets d'application interviennent le plus souvent dans le délai fixé par la loi, en revanche toute la chaîne de traitement opérationnelle qui permet l'application effective de la loi n'est pas forcément prête à fonctionner. Une circulaire ou une lettre autorise alors, pendant une période transitoire raisonnable, l'application des dispositions précédemment en vigueur. Elle veille toujours, dans ce cas, à ne pas porter atteinte aux droits des assurés, et prévoit donc que les droits liquidés seront revus si la mesure nouvelle est plus favorable. Tel a notamment été le cas pour la mise en œuvre de la majoration du minimum contributif, de la majoration de durée d'assurance des plus de 65 ans ou de la surcote. Il arrive par ailleurs que les textes ne paraissent clairs qu'aux spécialistes. Les lettres ministérielles servent alors à préciser les choses. C'est particulièrement utile lorsque la loi est assez précise pour ne pas nécessiter, en droit, de décret d'application. Sa mise en œuvre n'en nécessite pas moins des précisions de détail, par exemple pour coordonner l'intervention des multiples régimes de retraite. Ce fut le cas, en particulier, pour la majoration de durée d'assurance des parents d'enfants handicapés. Lorsque deux dispositifs distincts trouvent à s'appliquer simultanément, la lettre ministérielle précise leur articulation. Par exemple, il a fallu préciser que les rachats d'années d'études supérieures devaient être pris en compte dans l'appréciation de la durée « cotisée » de la carrière pour accéder à la retraite anticipée ou pour bénéficier de la surcote. Enfin, la lettre ministérielle peut intervenir à la place du pouvoir réglementaire, de façon exceptionnelle et transitoire car elle ne peut, en droit, se substituer au pouvoir réglementaire. C'est ce qui s'est produit lorsque le ministre a décidé de suspendre l'application des premiers décrets sur la réversion, pour permettre leur révision ultérieure sur la base de l'avis du COR. Les lettres ministérielles n'ont donc pas de statut très clair dans l'ordonnancement juridique. Contrairement à celles qui expriment la doctrine fiscale, elles ne sont pas une source de droit opposable aux assurés. Elles sont néanmoins indispensables pour le fonctionnement interne des organismes. Elles sont l'équivalent d'une « instruction » aux services gestionnaires. M. Jean Le Garrec a souhaité savoir s'il incombe aux préfets d'être le relais de ces lettres et de faire circuler l'information. Après avoir précisé que, du fait de la très grande complexité des matières traitées, ces lettres sont indispensables pour qu'une réforme se déroule sans difficulté majeure pour les assurés et que les caisses, dont les préfets ont la tutelle, sont chargées de leur application, le ministre a poursuivi ses réponses. - En ce qui concerne la retraite progressive, la condition de durée d'assurance pour entrer dans le dispositif sera abaissée de 160 à 132 trimestres à partir du 1er juillet 2005 par un décret, dont le projet, en cours d'examen au Conseil d'Etat, a reçu l'avis favorable des partenaires sociaux, qui examineront ensuite les modalités d'extension aux régimes complémentaires. La loi a modifié sur deux points le projet de répertoire national des retraites institué par la loi du 23 décembre 2000 : sa finalité a été précisée, afin de d'inclure l'appréciation de la situation des retraités au regard des cotisations et contributions sociales, et sa gestion a été confiée à la CNAVTS. Un décret d'application doit préciser la nature des données, les modalités de leur conservation et de leur actualisation, la gestion des échanges entre les différents régimes. Mais sa préparation a mis en évidence que la priorité du gouvernement devait aller à la mise en œuvre du droit à l'information sur la retraite, et le ministre a donc décidé de ralentir momentanément le projet et de confier une mission d'évaluation à un cabinet d'experts. Au vu des résultats, il décidera s'il convient de poursuivre ou de modifier le projet. - S'agissant de la retraite anticipée et des avantages non contributifs, le ministre comprend le souci de réexaminer l'âge de bénéfice du minimum vieillesse. Mais l'abaisser en vue de l'adapter aux âges de bénéfice de la retraite anticipée ne va pas de soi. Le minimum vieillesse est en effet un mécanisme de solidarité qui vise à assurer un revenu minimum aux personnes qui, du fait de leur âge, ne sont plus en mesure de travailler. L'âge minimum pour en bénéficier est de 65 ans, 60 ans en cas d'inaptitude au travail. Avant d'atteindre cet âge, les personnes dont le revenu est trop faible peuvent bénéficier d'autres prestations sociales : RMI, allocation adulte handicapé, allocation de solidarité spécifique pour certains chômeurs, etc. Etendre le bénéfice de l'allocation supplémentaire aux personnes qui bénéficient de la retraite anticipée irait donc à l'encontre de la logique même du minimum vieillesse. Cette extension ne changerait d'ailleurs rien à leur situation, puisque ce sont des assurés qui ont accompli une carrière complète et qui bénéficient d'un niveau de retraite relativement élevé : 765 euros en moyenne pour la seule pension de base, à laquelle s'ajoutent les pensions servies par les régimes complémentaires. Ces revenus sont bien au-dessus des minima sociaux et le code de la sécurité sociale n'a donc pas besoin d'être complété sur ce point. La pension d'invalidité est un revenu de remplacement qui n'a pas vocation à être cumulé avec une pension de retraite, quel que soit l'âge auquel celle-ci est accordée. Le code de la sécurité sociale prévoit la fin de la pension d'invalidité à l'âge d'ouverture du droit à pension de vieillesse au régime général, c'est-à-dire à 60 ans. La pension d'invalidité est alors automatiquement remplacée par une pension de vieillesse liquidée au taux plein. Mais, bien entendu, lorsqu'un assuré titulaire d'une pension d'invalidité choisit de liquider ses droits à pension de vieillesse dans le cadre d'un des dispositifs de retraite anticipée, sa pension d'invalidité est remplacée par une pension de retraite liquidée au titre de l'inaptitude, dans les conditions de droit commun. Dans ce cas, c'est l'assuré qui choisit d'opter pour sa pension ou sa retraite. Le cumul des deux prestations est donc tout à fait impossible. - Sur la surcote, le rapporteur a demandé si une disposition réglementaire viendrait compléter le code de la sécurité sociale pour préciser les modalités de calcul lorsque l'assuré prend sa retraite l'année de ses 60 ans. Il est en effet sans objet, dans ce cas particulier, d'appliquer la proratisation prévue dans le cas général où l'assuré a validé moins de quatre trimestres au cours de l'année. Mais cette question a déjà été réglée par une lettre ministérielle. La solution retenue ne lèse aucun assuré. I1 n'est donc pas indispensable de compléter le code sur ce point. - La question du rachat des années d'apprentissage agricole se distingue de celle du rachat des années d'aide familial agricole, pour lesquelles un barème spécifique a été pris en application de la loi portant réforme des retraites. Les périodes d'apprentissage antérieures à 1972, date de l'obligation légale de rémunérer les apprentis en espèces, peuvent faire l'objet d'un versement de régularisation lorsqu'aucune cotisation n'a été versée par l'employeur. I1 est exact que le barème applicable dans le régime général depuis 2000 n'a pas fait l'objet d'une extension aux apprentis relevant du régime agricole, alors que ceux-ci disposaient d'un barème pouvant être légèrement moins favorable. Bien que cette question relève de l'initiative du ministre chargé de l'agriculture, elle concerne également le régime général puisque le régime des salariés agricoles y est financièrement intégré. Le ministre des solidarités a donc demandé à ses services d'étudier avec soin cette question, pour apporter une solution appropriée. - Le rapporteur a également demandé s'il fallait modifier la règle de proratisation applicable à la majoration pour conjoint à charge, afin de tenir compte du relèvement de la durée d'assurance correspondant à une carrière complète dans le régime général. En effet, en cas de carrière incomplète, cette majoration est toujours proratisée sur la base de 150 trimestres, alors que la durée de la carrière complète dans le régime général est progressivement portée jusqu'à 160 trimestres à partir de 2008. Il faudra donc mettre en cohérence ces dispositions, ce qui nécessitera un décret en Conseil d'Etat. Avant la loi portant réforme des retraites, certaines sections professionnelles de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales disposaient encore d'un seuil d'affiliation, c'est-à-dire d'une limite empêchant l'affiliation des professionnels libéraux ayant de petits revenus. Ce n'était pas cohérent avec l'objectif de la loi de garantir à tous un haut niveau de retraite. Parce qu'il est normal de permettre à chacun d'acquérir des trimestres d'assurance vieillesse pour toute activité rémunérée, le Gouvernement a décidé de mettre un terme à cette situation. Cependant, deux mesures ont été prises pour simplifier la tâche aux caisses de professions libérales concernées : les professionnels qui ont à titre principal une autre activité ne sont pas assujettis à la cotisation minimale, et le gouvernement a autorisé la CIPAV à mettre en place un seuil d'affiliation à son régime complémentaire qui, caractérisé par un barème de cotisations forfaitaires, pesait trop lourdement sur certains petits revenus accessoires. De plus, il n'est pas nécessaire d'y affilier systématiquement tous les professionnels, puisqu'il ne conditionne pas l'acquisition de durées d'assurance. Ces aménagements satisfont d'ailleurs pleinement les gestionnaires de ces régimes. - Pour ce qui est de la date d'application de la mesure de bonification de trimestres au profit des handicapés justifiant des conditions pour accéder à une retraite anticipée, cette mesure a été inscrite dans la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dont les décrets d'application, y compris celui nécessaire à la mise en œuvre de l'article 28, qui doit être soumis à l'avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées, doivent être publiés au plus tard le 12 août prochain. Ce délai sera respecté. - Concernant la majoration de la durée d'assurance des parents d'enfants handicapés, l'article 33 de la loi a amélioré les droits à la retraite des parents, hommes ou femmes, ayant élevé un enfant handicapé avec un taux d'incapacité d'au moins 80 % ouvrant droit à l'allocation d'éducation spéciale et à son complément. Ils bénéficient d'une majoration d'un trimestre par période d'éducation de trente mois, dans la limite de huit trimestres. Cette mesure est entrée en vigueur en même temps que la loi, sans qu'il soit besoin d'un décret. Elle concerne donc toutes les pensions prenant effet à partir de septembre 2003. Les précisions nécessaires à son application ont été apportées aux caisses nationales par une lettre ministérielle du 25 janvier 2005, que la CNAVTS a diffusée auprès des caisses régionales par une circulaire du 23 février 2005. Elle prépare des instructions complémentaires ainsi que l'adaptation du système d'information. Les parents ne seront pas pénalisés par cette mise en œuvre tardive. Ils bénéficieront d'une large information de la part des organismes de retraite, grâce notamment à l'adaptation du formulaire de demande de retraite personnelle. Ceux dont la pension a été liquidée, pourront la refaire liquider, avec rattrapage des sommes non perçues. - Pour ce qui est du rachat des années d'aide familial agricole, l'article 100 de la loi a ouvert une faculté de rachat à partir de 14 ans, puis de 16 ans. Cela permettra aux agriculteurs de compléter leurs droits dans le contexte du relèvement de la durée de la carrière dans l'ensemble des régimes. Le décret d'application est paru en août 2004, et un millier de dossiers ont déjà été réglés. Certains ont jugé le montant réclamé excessif. Mais le tarif proposé tient pleinement compte de la situation des assurés ayant eu une activité agricole. Le coût pour les régimes de retraite des suppléments de pension est également très élevé. C'est ce qu'on appelle le coût actuariellement neutre pour le régime. Pour la première fois, avec le rachat des années d'études supérieures, le véritable coût est connu de tous et le barème est publié au Journal officiel. Pour les aides familiaux agricoles, la loi n'impose pas d'utiliser le barème actuariellement neutre. Aussi, le barème a-t-il été très fortement adapté en faveur des assurés ayant eu une véritable carrière agricole. C'est logique, puisque le rachat effectué dans le régime agricole, au titre des années d'aide familial, vaut non seulement pour la pension agricole, mais également pour le taux de la pension du ou des autres régimes dont a pu relever l'assuré au cours de sa carrière. Aussi, lorsque la carrière agricole est proche d'une carrière complète, le coût demandé est-il très fortement réduit. Il croît ensuite, pour rejoindre le droit commun lorsque la carrière agricole est de courte durée. Le coût est donc élevé pour les salariés ayant effectué l'essentiel de leur carrière hors du régime agricole : le rachat des années d'aide familial, versé à la MSA, servira à améliorer leur pension de salarié ou d'indépendant, à la charge de la CNAVTS, de l'ARRCO, de l'AGIRC ou du régime des indépendants. Le gouvernement comprend que les assurés souhaitent voir validée la plus longue durée au moindre coût mais il est difficile de s'aligner systématiquement sur le barème le moins élevé. - L'article 23 de la loi a ouvert le droit à la retraite anticipée pour longues carrières. Axe majeur de la réforme, cette mesure a fait l'objet du premier décret d'application. Pour le secteur privé, 126 410 retraites anticipées ont été liquidées par la CNAVTS en 2004. Plus de 10 000 s'y ajoutent pour le mois de janvier 2005. C'est dire que les modalités fixées par les textes réglementaires ont été rapidement traduites dans les faits. Cela n'aurait pas été possible sans la mobilisation des personnels des caisses de retraite, auxquels il convient de rendre hommage. Il faut d'ailleurs bien parler « des caisses », au pluriel, car si le régime général est le premier concerné, l'application de la mesure a tout autant impliqué les agents des régimes de retraite des artisans, des commerçants, des professions libérales, des avocats et du régime agricole. Enfin, ce dispositif doit être revu en 2008, afin de tenir notamment compte de l'évolution d'ensemble du système de retraite, qui doit permettre à ce mécanisme de solidarité entre les générations de partager les gains d'espérance de vie entre la vie active et la retraite. - Comme l'a souligné M. Georges Colombier, les règles du cumul emploi-retraite ont fait l'objet, depuis la loi du 21 août 2003, de certaines interrogations. Le rapport Camdessus a notamment préconisé un cumul sans aucune limite. Il serait toutefois prématuré d'envisager de modifier des règles de cumul qui viennent d'entrer en vigueur. Un bilan d'étape sera indispensable. Il ne faudrait pas, par ailleurs, que l'évolution des règles conduise à priver de son intérêt le nouveau dispositif de retraite progressive, qui est une forme de cumul rationnelle, permettant d'assurer une meilleure transition entre emploi et retraite. - Concernant les professions libérales, pour que nul ne soit pris au dépourvu par le changement de législation, il a été demandé aux caisses par instruction ministérielle que les personnes qui ayant déjà commencé à cumuler activité et retraite avant la loi puissent continuer à le faire. - Concernant la majoration de durée d'assurance dans le régime général, elle vaut pour tous les enfants élevés par l'assurée, même si elle n'est pas leur mère. La loi a justement permis de prendre en compte l'arrivée tardive de l'enfant au foyer. - S'agissant de l'information des assurés sur leur retraite, il faut rappeler que l'article 10 de la loi a ouvert un véritable droit des assurés et le gouvernement considère l'application de cette mesure comme une priorité de la réforme, ainsi qu'il l'a déjà dit en installant, le 5 juillet 2004, le GIP Info-Retraite en présence des représentants des 38 régimes de retraite concernés. I1 s'agit d'un projet considérable, impliquant de très nombreux partenaires. Le GIP a commencé ses travaux sans tarder, sur la base des projets de décrets qui lui ont été soumis dès l'été dernier et qui fixent l'objectif ambitieux que chacun ait accès, à partir de mi-2006, à une information précise, claire et complète sur sa carrière. A partir de 2007, chaque génération, en commençant par les plus âgées, devra recevoir une estimation de sa future pension. Ces décrets doivent également être soumis mi-avril à la CNIL, puis au Conseil d'Etat, afin d'être publiés avant l'été. Ces délais n'ont pas retardé les travaux techniques, lourds et complexes, qui doivent encore se poursuivre. Il n'y a pas lieu de douter que l'ensemble des régimes constituant le GIP trouveront ensemble les bonnes solutions pour un échange rapide et fiable de données dans un respect scrupuleux de leur confidentialité. Ces solutions devront faire l'objet de décisions formelles du GIP et de textes réglementaires d'approbation après un nouvel avis de la CNIL, avant la fin de l'année 2005. Cependant, même s'il ne s'agit pas d'une mesure directe d'application de la loi, le droit à l'information connaîtra quand même une première application concrète avant la fin de cette année, avec un outil de simulation de pension « tous régimes » actuellement développé au sein du GIP par les équipes spécialisées des régimes et qui sera accessible à tous sur l'Internet. - La question du maintien dans l'emploi des salariés âgés, fait actuellement l'objet de négociations entre les partenaires sociaux, conformément à la volonté du Parlement. S'il n'appartient pas au ministre de présumer de leur résultat, il a souligné que la loi et les décrets ont créé, du côté des régimes, le cadre le plus favorable possible. En outre, le démarrage tardif dans la vie active est pris en compte par le rachat des années d'études, qui est d'autant moins coûteux qu'il est effectué tôt. - Concernant l'évolution des retraites dans un contexte de chômage persistant, il faut garder à l'esprit que la loi a prévu en 2008 un rendez-vous qui permettra d'actualiser les perspectives démographiques ainsi que l'évolution tendancielle des cotisations, donc des recettes. Cette dernière dépend non seulement de la démographie de la population en âge de travailler mais aussi de la croissance. Il ne faut donc pas dire « on ne tiendra pas », mais plutôt « il faut évaluer les résultats de la réforme et au besoin ajuster les paramètres retenus dans la loi du 21 août 2003 ». Le président Jean-Michel Dubernard a souligné que cette audition illustre la nécessité de faire le point sur l'application des lois et a remercié tous ceux qui ont participé à cet exercice. * La commission a décidé le dépôt du rapport sur la mise en application de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites en vue de sa publication. TABLEAU RÉCAPITULATIF DE LA PUBLICATION LOI n° 2003-775 du 21 AOÛT 2003 PORTANT RÉFORME DES RETRAITES
(CE) : décret en Conseil d'Etat - (S) : décret simple. Sources : Commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale ; Ministère des solidarités, de la santé et de la famille (sous-direction des retraites et des institutions de protection sociale complémentaire de la direction de la sécurité sociale) ; Ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat (bureau des rémunérations, des pensions et du temps de travail de la direction générale de l'administration et de la fonction publique) ; Légifrance ; Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés ; Association générale des institutions de retraite des cadres ; Association des régimes de retraite complémentaire. LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
--------- N° 2238 - Rapport sur la mise en application de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites (M. Denis Jacquat) 1 Cette majoration porte la durée d'assurance jusqu'au niveau de la durée maximale prise en compte par le régime général (durée dite de « proratisation »). La loi prévoit que cette limite sera appréciée « tous régimes confondus » et non comme auparavant « dans le seul régime », ce qui harmonise la situation des assurés ayant relevé de plusieurs régimes avec celle des « mono-pensionnés ». 2 () A titre indicatif, la sous-direction des retraites doit traiter autant de questions écrites des parlementaires que le ministère de l'intérieur en entier. 3 () En Allemagne ou en Grande-Bretagne, il est très fréquent de prévoir un délai d'un an entre la publication d'une loi de grande réforme sociale et son entrée en vigueur. 4 () Les lettres ministérielles adressées aux caisses, notamment la lettre du 25 mars 2004, ont fréquemment autorisé les caisses à procéder à des liquidations sur la base des anciennes règles, voire à maintenir les anciennes règles lorsqu'elles étaient favorables aux assurés. 5 () Par instruction ministérielle, l'ORGANIC avait été autorisée, sans attendre la publication de ce décret, à appeler les cotisations pour 2005 au taux de 6,5 %. 6 () L'allongement de la durée maximale d'assurance prise en compte par le régime et sur laquelle est proratisée la pension en cas de carrière d'une durée inférieure dans le régime (dite « durée de proratisation ») est prévu directement par la loi (article 22), sauf dans le cas des assurés nés à partir de 1948 bénéficiant de la retraite anticipée avant 2008. Le décret reprend les dispositions de la loi et précise la durée applicable aux assurés nés après 1947. 7 () Ce décalage n'a pas cependant pénalisé les assurés : la baisse de la décote a été appliquée avec effet rétroactif au 1er janvier 2004 pour les assurés dont la pension a pris effet au premier trimestre 2004. De même, le bénéfice du non-plafonnement de la majoration de durée d'assurance après 65 ans a été maintenu pour les pluriactifs dont la pension a pris effet avant la publication du décret. S'agissant de la surcote, ce décalage paraît sans incidence, dès lors que l'assuré doit avoir accompli au moins un trimestre après le 31 décembre 2003 pour en bénéficier. 8 () Si le bénéfice du taux plein de pension est acquis aux intéressés quelle que soit la durée de leur carrière, la pension versée par chacun des régimes, en cas de carrière incomplète dans le régime, doit être proratisée sur la même durée que cette requise pour le taux plein de pension. 9 () D'octobre 2001 à septembre 2002, la CNAV a reçu 263 609 appels et en a traité 215 962. D'octobre 2002 à septembre 2003, ces quantités sont respectivement passées à 356 610 et 290 655. D'octobre 2003 à septembre 2004, les quantités ont atteint 665 898 et 442 023. Le temps moyen de communication par appel est lui-même passé de 2 minutes 35 secondes à 2'42'' puis à 3'11''. 10 () L'ordonnance n° 2004-605 du 24 juin 2004 simplifiant le minimum vieillesse a abrogé l'article L. 814-2. Cette abrogation doit entrer en vigueur à la date prévue par le décret d'application, et au plus tard le 1er janvier 2006. 11 () Les pensions d'invalidité sont attribuées par les caisses primaires d'assurance maladie et la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France : la CNAV les informe de la liquidation d'une pension de retraite anticipée. 12 () La lettre ministérielle du 25 mars 2005 précise que le prorata à appliquer au nombre de trimestres postérieurs à celui du soixantième anniversaire sur quatre trimestres est bien le rapport entre le nombre de trimestres validés l'année des soixante ans et quatre trimestres. 13 () Dans le régime général, le report au compte des cotisations versées est annuel ; il n'est donc pas possible de déterminer quel est le trimestre cotisé au cours de l'année, en particulier s'il est postérieur ou antérieur à celui du soixantième anniversaire. En revanche, la validation des périodes d'activité non salariée, artisanale, industrielle ou commerciale, peut être effectuée trimestriellement. 14 () A titre d'exemple (communiqué par la MSA), un assuré né en 1944 souhaitant en 2004 régulariser dans le cadre d'une formation en alternance l'intégralité de l'année 1961 devra verser : - avec le barème actuel, correspondant aux règles de régularisation d'un salarié agricole « standard » qui sont les seules applicables au régime agricole en l'état actuel du droit, 1 851 € de cotisations annuelles de régularisation, ce qui lui ouvrira droit à 139 € de retraite annuelle supplémentaire, éventuellement portés à 176 € s'il peut bénéficier du minimum contributif ; - avec un barème harmonisé sur celui du régime général, 443 € de cotisations annuelles de régularisation, lui ouvrant droit à 65 € de retraite annuelle supplémentaire, éventuellement portés à 176 € s'il peut bénéficier du minimum contributif. 15 () Les statuts de la CIPAV disposent que « sont obligatoirement affiliés à la Caisse les personnes qui exercent, à titre libéral, la profession d'architecte, d'agréé en architecture, d'ingénieur-conseil, de géomètre, d'expert, de conseil (...), de traducteur technique, d'interprète, de métreur, de vérificateur, de dessinateur technique, de dessinateur-projeteur, de maître-d'œuvre, d'économiste du bâtiment, de technicien, notamment les techniciens du bâtiment. « Sont affiliées les personnes salariées exerçant à titre libéral les profession chargées d'enquêtes, secrétaires à domicile, écrivains publics, esthéticiennes, vigiles et assimilés. « Sont affiliées, après délibération du conseil d'administration, les personnes exerçant une activité professionnelle non salariée ne relevant pas d'une autre organisation autonome (...). » 16 () Taux de cotisation de 8,6 % de 0 à 25 663,20 € (85 % du plafond de la sécurité sociale) et taux de 1,6 % pour la tranche de revenu compris entre 25 663,20 et 150 960 € (cinq fois le plafond). 17 () La loi n'ouvrait droit à une pension de réversion qu'aux seuls conjoints survivants dont les ressources personnelles hors pension de réversion étaient inférieures à 2080 fois le SMIC horaire. Pour les conjoints survivants éligibles à la réversion, elle limitait ensuite le cumul d'un avantage personnel de vieillesse ou d'invalidité avec la pension de réversion. La somme de la pension de réversion et des avantages propres du conjoint survivant était comparée à deux limites, la plus favorable étant retenue : soit la limite dite « forfaitaire », égale à 73 % du montant maximum de la pension de vieillesse du régime général de la sécurité sociale, soit la limite dite « calculée » égale à 52 % du total de la pension personnelle et de celle que touchait le conjoint décédé. La loi du 21 août 2003 a substitué à ce double mécanisme un calcul reposant sur un plafond de ressources unique qui a transformé la pension de réversion en « une allocation différentielle révisable » (rapport n° 898 de M. Bernard Accoyer, député, p. 168). 18 () Aucune pension de réversion n'était accordée en cas de remariage. 19 () Les conditions de versement de la pension de réversion peuvent être amenées à évoluer suivant la situation financière du conjoint survivant ou du ménage du conjoint survivant. Chaque année la caisse dont dépend le conjoint survivant aurait dû vérifier que l'allocataire respecte le plafond de ressources. 20 () Les dispositions de l'article 31 de la loi s'appliquent aux pensions de réversion prenant effet postérieurement au 30 juin 2004 ou, pour les pensions de réversion en cours, à compter de la liquidation d'un autre avantage (retraite personnelle ou pension d'invalidité). 21 () Le ministre visait les seules femmes disposant déjà de plus de 1 183 € de pension. 22 () (CE) : décret en Conseil d'Etat - (S) : décret simple. 23 () Des dispositions équivalentes concernant les exploitants agricoles figurent dans les décrets nos 2004-860 et 2004-861 du 24 août 2004 (pas d'article dans la loi du 21 août 2003). 24 () Deux lois sont intervenues pour appliquer le dispositif de retraite anticipée pour longues carrières aux fonctionnaires : - loi n° 2004-1370 du 21 décembre 2004 de financement de la sécurité sociale pour 2005 (article 57) ; - loi de finances pour 2005 n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 (article 119). 25 () Le régime des pensions de retraite des assurés handicapés a également été réformé par l'article 28 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005. Ses décrets d'application devraient être publiés au plus tard en juillet 2005. 26 () Ce décret contient une disposition devant être abrogée relative à la surcotisation sur le traitement à temps plein pour les personnels en CPA |