N° 709 -- ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 mars 2003. AVIS PRÉSENTÉ AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI, MODIFIÉ PAR LE SÉNAT (n° 593), relatif à la bioéthique, PAR MME VALÉRIE PECRESSE, Députée. -- Voir les numéros : Assemblée nationale : 1re lecture (11e législ.) : 3166, 3528 et T.A. 763. 2e lecture : 593. Sénat : 189 (2001-2002), 128 et T.A. 63 (2002-2003). Bioéthique. INTRODUCTION 5 DISCUSSION GÉNÉRALE 8 EXAMEN DES ARTICLES 11 Article 2 (intitulé du chapitre III du titre Ier du livre Ier et art. 16-10 du code civil ; intitulé du titre III du livre Ier de la 1ère partie du code de la santé publique ; intitulé de la section 6 du chapitre VI du titre II du livre II, art. 226-25 et 226-26 du code pénal) : Examen des caractéristiques génétiques d'une personne 11 Article 16-10 du code civil : Conditions de réalisation d'un examen des caractéristiques génétiques d'une personne 13 Article 226-25 du code pénal : Sanction du non-respect des dispositions relatives à la réalisation des examens des caractéristiques génétiques d'une personne 15 Article 3 (art. 16-11 du code civil ; art. L. 1131-1 et L. 1131-3 du code de la santé publique) : Identification d'une personne par ses empreintes génétiques - Conditions de réalisation des examens et identifications génétiques d'une personne 17 Article 16-11 du code civil : Identification d'une personne par ses empreintes génétiques 17 Articles L. 1131-1 et L.1131-3 du code de la santé publique : Exception à l'obligation de consentement - Information en cas de diagnostic d'une anomalie génétique grave - Agrément des personnes habilitées à procéder à la réalisation des examens et identifications 19 Article 12 bis (art. L. 611-17, L. 611-18, L. 611-19 et L. 613-2-1 du code de la propriété intellectuelle) : Non brevetabilité des éléments du corps humain 21 Article L. 611-17 du code de la propriété intellectuelle : Exclusions de brevetabilité 25 Article L. 611-18 du code de la propriété intellectuelle : Conditions de brevetabilité des éléments du corps humain 26 Article L. 611-19 du code de la propriété intellectuelle : Exceptions de non brevetabilité du vivant humain 28 Article L. 613-2-1 du code de la propriété intellectuelle : Régime d'une revendication portant sur une séquence génique 30 Article 12 ter (nouveau) (art. L. 613-15 et L. 613-16 du code de la propriété intellectuelle) : Licences obligatoires de dépendance et licences d'office 30 Article L. 613-15 du code de la propriété intellectuelle : Licences obligatoires de dépendance 30 Article L. 613-16 du code de la propriété intellectuelle : Licences d'office 32 Article 15 (art. 16-4 du code civil) : Interdiction du clonage reproductif 33 Article 18 bis (art. 311-20, 311-21, 313-1, 315, 724-2 à 724-5 et 815 du code civil) : Filiation et droits successoraux de l'enfant né d'un transfert d'embryon réalisé après le décès du père 37 Article 21 (art. 213-1, 213-4, 213-5, 214-1 à 214-4, 215-1 à 215-4, 511-1, 511-1-1, 511-16, 511-17, 511-18, 511-18-1, 511-19, 511-19-1, 511-19-2, 511-22, 511-23, 511-25 et 511-26 du code pénal) : Crimes contre l'espèce humaine - Infractions en matière d'éthique biomédicale 40 Article 214-1 du code pénal : Crime d'eugénisme 43 Article 214-2 du code pénal : Crime de clonage reproductif 44 Article 214-3 du code pénal : Crime d'eugénisme ou de clonage reproductif commis en bande organisée 45 Article 214-4 du code pénal : Association de malfaiteurs en vue de commettre un crime d'eugénisme ou de clonage reproductif 46 Article 215-1 du code pénal : Peines complémentaires encourues par les personnes physiques 46 Article 215-2 du code pénal : Peine complémentaire d'interdiction du territoire français 47 Article 215-3 du code pénal : Responsabilité pénale des personnes morales 47 Article 215-4 du code pénal : Règles de prescription de l'action publique 48 Articles 511-1 et 511-1-1 du code pénal : Délit de clientélisme en matière de clonage reproductif 50 Article 511-16 du code pénal : Coordination 52 Articles 511-17, 511-18, 511-18-1, 511-19, 519-1, 511-19-2, 511-22, 511-23 et 511-25 du code pénal : Sanctions encourues en cas de non-respect de dispositions du code de la santé publique en matière d'embryologie et d'assistance médicale à la procréation 52 Article 511-26 du code pénal : Répression de la tentative de commission des infractions en matière d'éthique médicale 56 Article 21 bis A (art. 511-1-2 du code pénal) : Délit de provocation au clonage - Délit de propagande ou publicité en faveur de l'eugénisme ou du clonage reproductif 56 Article 21 bis B (art. 1er de la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001) : Conditions de mise en oeuvre de la procédure de dissolution civile des groupements à caractère sectaire 57 Article additionnel après l'article 21 bis B (art. 2-17 du code de procédure pénale) : Exercice des droits reconnus à la partie civile par les associations de lutte contre les sectes en ce qui concerne les infractions contre l'espèce humaine 58 AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 59 LISTE DES PERSONNES ENTENDUES 63 MESDAMES, MESSIEURS, En même temps qu'elle légiférait pour la première fois sur l'éthique biomédicale, la représentation nationale adoptait le principe d'une révision des normes qu'elle édictait. En effet, la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal avait prévu, dans son article 21, qu'elle ferait l'objet, après une évaluation de son application par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, d'un nouvel examen par le Parlement, dans un délai maximum de cinq ans après son entrée en vigueur. C'est dans cette démarche que s'inscrit le présent projet de loi qui, déposé le 20 juin 2001 sur le bureau de l'Assemblée nationale par Mme Elisabeth Guigou, alors ministre de l'emploi et de la solidarité, puis adopté en première lecture sous la précédente législature, le 22 janvier 2002, revient aujourd'hui devant notre assemblée pour une deuxième lecture, après avoir été adopté par le Sénat le 30 janvier 2003. Hasard des circonstances, c'est également à cheval sur deux législatures, la IXe et la Xe, que les trois lois dites de « bioéthique » de 1994 (1) avaient été examinées par l'Assemblée nationale. A ce stade de la discussion parlementaire, les deux assemblées ont adopté six articles dans les mêmes termes (art. 11, 12, 23 à 26) et ont entériné la suppression de l'article 1er du projet de loi. En revanche, trente-six articles restent en discussion, le Sénat en ayant supprimé quatre (9, 18 bis, 21 bis et 29) et introduit onze (art. 1er A, 1er B, 1er C, 3 bis, 8 bis, 12 ter, 15 bis, 19 bis, 21 bis A, 21 bis B et 30). Il a, en outre, ajouté un nouveau titre, intitulé « éthique et biomédecine » (art. 1er A à 1er C), précédant les cinq autres titres du projet de loi, respectivement consacrés : aux droits des personnes et à leurs caractéristiques génétiques (art. 1er à 4) ; au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain (art. 5 à 12 ter) ; aux produits de santé (art. 13 et 14) ; à la procréation et à l'embryologie (art. 15 à 22) ; à des dispositions diverses et transitoires (art. 23 à 30). En première lecture, l'Assemblée avait fait le choix de confier l'examen de ce texte à une commission spéciale, présidée par M. Bernard Charles et dont le rapporteur était M. Alain Claeys. Cette commission n'était autre que la mission d'information commune, constituée en mai 2000 afin de préparer la révision des lois de bioéthique et transformée en commission spéciale lors du dépôt du présent projet de loi (2). En deuxième lecture, notre Assemblée a renvoyé ce projet de loi à la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, faisant ainsi le même choix que le Sénat, qui a confié l'examen de ce projet de loi en première lecture à sa commission des Affaires sociales (3). La commission des Lois a souhaité se saisir des dispositions modifiant le code civil, le code pénal et le code de la propriété intellectuelle, figurant dans les articles 2, 3, 12 bis, 12 ter, 15, 18 bis, 21, 21 bis A, ainsi que de l'article 21 bis B qui modifie la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales. Limitée dans son objet, cette saisine se justifie pourtant particulièrement compte tenu des modifications apportées en cours de navette à ce texte. En effet, ne figurant pas dans le projet de loi initial, la question de la brevetabilité du génome humain a fait irruption dans le débat à la suite d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale en première lecture (art. 12 bis), qui prenait le contre-pied de la directive 98/44/CE du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, en fixant, sans nuances, l'interdiction pure et simple de la brevetabilité des éléments du corps humain. S'efforçant, pour reprendre les mots employés par M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, de « trouver une formule qui préserve nos principes tout en constituant une interprétation de la directive, interprétation que nous pourrions ensuite défendre auprès de la Commission européenne » (4), le Sénat a introduit dans le code de la propriété intellectuelle des dispositions propres à garantir le respect du principe de non-patrimonialité du corps humain, tout en autorisant, sous certaines conditions, la brevetabilité des inventions qui constituent l'application particulière d'une fonction d'un gène. Il s'est également attaché à protéger le développement du secteur des biotechnologies contre la multiplication de brevets portant sur les gènes, en modifiant le régime des licences obligatoires de dépendance et des licences d'office (art. 12 ter). Ce dispositif, équilibré, paraît à votre rapporteure désormais compatible avec l'esprit de la directive, même si la rédaction de celle-ci reste plus floue que celle qui vous est proposée. L'objectif de la France demeure, à terme, la renégociation de l'article 5 de la directive, pour le rendre plus explicite et parvenir à un meilleur équilibre entre principes éthiques, développement de la recherche et rentabilité des entreprises de biotechnologies. Autre point majeur apparu en cours de navette : la création d'une nouvelle infraction - le crime contre l'espèce humaine - afin de sanctionner les atteintes les plus graves aux fondements de notre conception de l'homme que sont le clonage reproductif et les pratiques eugéniques tendant à l'organisation de la sélection génétique des personnes. Tout en faisant du clonage reproductif un crime au même titre que le sont déjà les pratiques eugéniques dans notre code pénal (art. 511-1), l'Assemblée nationale n'avait pas particulièrement stigmatisé ces agissements. Entre les lectures de ce texte par les deux assemblées, a cependant été annoncée, par une secte, la naissance d'un bébé, présenté comme étant prétendument le premier être humain obtenu par la technique du clonage. Le texte adopté par le Sénat porte clairement les traces du choc constitué par cette annonce, même prématurée. En frappant le clonage reproductif et l'eugénisme de sanctions exemplaires, à la mesure de la transgression de toutes nos valeurs que représente l'application de ces techniques à l'homme, le projet de loi rapproche ainsi ces agissements des infractions les plus lourdement sanctionnées par notre droit pénal : réclusion criminelle de trente ans et amende de 7,5 millions d'euros, réclusion criminelle à perpétuité lorsque les crimes sont commis en bande organisée ou en cas d'association de malfaiteurs, régime de prescription de l'action publique trentenaire, peines complémentaires très lourdes portant notamment sur le patrimoine des personnes condamnées, etc. En outre, le Sénat a repris, en aggravant les sanctions encourues, le délit dit de « clientélisme » en matière de clonage reproductif, applicable même lorsqu'il est commis à l'étranger par un Français ou une personne résidant habituellement en France, introduit par l'Assemblée nationale en première lecture (art. 21). Enfin, le Sénat a institué des délits de provocation au clonage et de publicité ou de propagande en faveur de l'eugénisme et du clonage reproductif (art. 21 bis A) et ajouté les infractions contre l'espèce humaine à la liste des infractions pour la condamnation desquelles la dissolution d'une secte peut être décidée (art. 21 bis B). Sans ignorer les interrogations que peut susciter le choix d'un tel arsenal répressif - opportunité d'édicter un droit pénal revêtant un caractère émotionnel, caractère insolite de ce crime au regard de nos valeurs judéo-chrétiennes qui font du meurtre le premier des crimes, interrogation sur la dignité reconnue à l'enfant né de ce crime, pertinence du recours à la notion d'espèce humaine qui peut choquer par son emprunt au vocabulaire biologique - , votre rapporteure estime que les dispositions adoptées par le Sénat permettent de solenniser la condamnation que suscitent ces pratiques dans notre société ; elles serviront, en outre, de point d'appui à une condamnation internationale du clonage reproductif, souhaitée par l'Allemagne et la France. S'agissant du clonage reproductif, le Sénat a modifié la définition de celui-ci (art. 15) et clarifié la distinction entre clonage reproductif et clonage thérapeutique, celui-ci constituant un délit puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende (art. 21). De même, l'Assemblée nationale, qui avait introduit en première lecture la faculté du transfert post mortem d'embryons conçus dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation, avait, par coordination, aménagé sur de nombreux points le droit de la filiation et des successions afin de faire à l'enfant né de ce transfert la place qui lui revient (18 bis). Supprimées par le Sénat, qui n'a pas entériné le principe du transfert d'embryon post mortem, ces dispositions entrent également dans le champ de la saisine de la Commission. En tout état de cause et sans entendre limiter l'ampleur des difficultés juridiques que soulèvent ces dispositions, votre rapporteure tient à souligner qu'elles sont secondaires par rapport aux interrogations éthiques que suscite l'ouverture de cette faculté de transfert d'embryon post mortem, sur le principe duquel il appartient à la commission des Affaires culturelles de se prononcer. Enfin, la commission des Lois est également saisie des dispositions renforçant les garanties offertes aux personnes face aux examens de leurs caractéristiques génétiques et à leur identification par leurs empreintes génétiques (art. 2 et 3). Il s'agit dans ce domaine de préserver de fragiles équilibres entre les impératifs de la santé publique et le droit à la sauvegarde de la vie privée. Le projet de loi paraît à la rapporteure remplir cet objectif. Au total, ces dispositions, dans la rédaction que leur a donnée le Sénat, préservent les principes essentiels dégagés par le législateur en 1994, tels que l'intégrité de l'espèce humaine, l'inviolabilité ou la non-patrimonialité du corps humain, qui concourent au respect de la dignité de la personne humaine auquel le Conseil constitutionnel a donné une valeur constitutionnelle (5). La rapporteure a donc proposé à la Commission de donner un avis favorable à l'adoption des articles dont elle était saisie, sous réserve d'amendements de portée technique ou formelle qu'elle lui a soumis et que la Commission a adoptés. * * * Après l'exposé de la rapporteure pour avis, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale. M. Christian Vanneste a exprimé des réserves à l'égard de l'expression de « crime contre l'espèce humaine », jugeant que cette formule occultait la spécificité de l'homme par rapport aux autres espèces, qu'elles soient animales ou végétales, et a suggéré de lui substituer celle de « crime contre la spécificité de l'espèce humaine ». Le président Pascal Clément a insisté sur la responsabilité du législateur, qui doit aussi prendre en compte la nécessité pour un enfant, quelle que soit la façon dont il a été conçu, de trouver sa place dans la société. Il s'est félicité de ce que le projet de loi favorise une prise de conscience internationale sur l'importance d'une action concertée contre d'éventuelles pratiques de clonage reproductif, qu'il a qualifiées de monstrueuses. M. Jean Leonetti, appuyant sur cette question la position de la rapporteure pour avis, a considéré que, quelle que soit l'incrimination retenue à l'encontre du clonage reproductif, l'enfant né d'une telle pratique subira toujours un préjudice lié à sa conception. Il a jugé, dès lors, que l'option proposée était la moins mauvaise car elle favoriserait effectivement la prohibition du clonage reproductif à l'échelle internationale, sans nier pour autant l'humanité de tout être vivant. Il a souligné que la dimension civile du problème pouvait être distinguée de sa qualification pénale et estimé qu'il était possible de faire du clonage reproductif un « crime contre l'espèce humaine » tout en affirmant que tout enfant né a droit à un état civil. M. Patrick Delnatte a souhaité que seuls les parents supportent les conséquences de leurs pratiques condamnables, faisant référence aux difficultés que l'état civil oppose à la reconnaissance de certains enfants, par exemple en cas de conception par l'intermédiaire d'une mère porteuse. M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, a tenu à expliquer les raisons pour lesquelles il jugeait souhaitable de préciser la notion de clonage reproductif par rapport à celle de clonage thérapeutique : méthode tendant à la reproduction à l'identique de toute cellule, le clonage ne révèle une vocation reproductive que lorsqu'un ovule énucléé dans lequel est introduit le noyau d'une cellule est ultérieurement implanté dans l'utérus d'une femme ; seule cette dernière manipulation de l'embryon, à vocation reproductive, et non le clonage thérapeutique qui est utile à la science et au progrès médical, doit être interdite par la loi conformément aux souhaits du Président de la République et aux engagements du ministre de la santé. Estimant qu'il serait préférable, pour la clarté des débats, de parler de « transfert nucléaire» et non de « clonage thérapeutique », il a ajouté que l'état actuel de la technique scientifique ne permettait pas d'envisager la réalisation, dans un futur proche, d'une implantation in utero du produit issu d'un transfert nucléaire. Après avoir déclaré que le transfert nucléaire pourrait être pratiqué, dans l'avenir, sans utiliser d'ovules, ce qui soulèvera beaucoup moins d'interrogations et de difficultés éthiques, il a souligné que l'interdiction par la loi de procéder à certaines manipulations était susceptible d'entraver les progrès de la recherche médicale et de susciter, à ce titre, des oppositions de la part des scientifiques qu'il convenait de prendre en considération. Le président Pascal Clément a souligné qu'en autorisant la recherche sur des embryons surnuméraires, le projet de loi modifiait substantiellement l'esprit de la loi en vigueur qui interdit de telles pratiques et impose, par ailleurs, de détruire les embryons surnuméraires issus de l'assistance médicale à la procréation. M. Pierre-Louis Fagniez a indiqué que le projet de loi permettait le prélèvement cellulaire sur des embryons surnuméraires dès lors qu'il était autorisé par ses concepteurs et qu'il s'effectuait préalablement à leur destruction. Il a souligné qu'un tel prélèvement cellulaire ne porterait nullement atteinte à l'intégrité de l'embryon, pas plus que le prélèvement sanguin parfois pratiqué avant le décès d'une personne. Évoquant ensuite la disposition adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, autorisant le transfert d'un embryon entre six et dix-huit mois après le décès du père, il a noté que ce délai n'était pas adapté au déroulement des différentes étapes psychologiques du processus de deuil. Après avoir approuvé les propos tenus par le président Pascal Clément, M. Jean Leonetti a observé que le projet de loi tendait à adapter les impératifs moraux à la pratique technique des chercheurs en autorisant à l'avenir des manipulations de l'embryon que la loi actuelle proscrit. Observant à son tour le caractère impropre de l'expression de « clonage thérapeutique », puisque la manipulation dont il s'agit concerne une cellule énucléée non implantée dans un utérus, il a également indiqué que la pratique scientifique allait progressivement privilégier les manipulations sur d'autres cellules que l'embryon. Après avoir de nouveau déploré la sujétion de la morale aux impératifs scientifiques, il a exprimé la crainte que le projet de loi soit rapidement rendu obsolète par des évolutions scientifiques et qu'il apparaisse comme une réponse conjoncturelle apportée par le législateur à des problèmes complexes et durables. * * * La commission des Lois s'est saisie des dispositions du projet de loi relatif à la bioéthique modifiant le code civil, le code pénal et le code de la propriété intellectuelle, figurant dans les articles 2, 3, 12 bis, 12 ter, 15, 18 bis, 21, 21 bis A, ainsi que de l'article 21 bis B qui modifie la loi du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales. Sur ces articles, trois ont été introduits par le Sénat lors de l'examen de ce projet de loi en première lecture (art. 12 ter, 21 bis A et 21 bis B). Article 2 _ Les progrès considérables accomplis au cours des dernières années en matière de génétique humaine permettent désormais d'évaluer la susceptibilité d'une personne de développer ou de transmettre à ses enfants certaines pathologies en scrutant ses gènes de prédisposition. Mais si les examens génétiques sont porteurs d'espoirs, en permettant la prévention de certaines maladies d'origine génétique, ils suscitent également des inquiétudes légitimes : crainte d'une dérive eugénique lorsque l'examen porte sur les gènes d'un embryon in utero ou in vitro à l'occasion d'un diagnostic prénatal ou préimplantatoire ; menace d'une nouvelle forme de discrimination sociale si les assureurs ou les employeurs pouvaient y recourir. C'est d'ailleurs pour se prémunir contre ces dernières dérives que l'article 4 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a inscrit dans l'article 16-13 du code civil le principe de non-discrimination d'une personne en raison de ses caractéristiques génétiques. Dès 1994, le législateur a encadré les conditions dans lesquelles il est possible de recueillir des informations sur la composante génétique d'un individu. L'article 5 de la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain a introduit un nouveau chapitre dans le titre premier du livre premier du code civil, consacré à « l'étude génétique des caractéristiques d'une personne et [à] l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques », ces termes se retrouvant dans l'intitulé de la section 6 du chapitre VI du titre II du livre II du code pénal. Parallèlement, l'article 22 de la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal a inséré dans le livre premier du code de la santé publique un titre VI (actuel titre III du livre Ier de la première partie), relatif à la « médecine prédictive et [à l'] identification génétique ». Ces dispositions établissent une distinction entre la technique de l'empreinte génétique, d'une part, qui, portant sur des séquences dites « non codantes » de l'adn d'une personne, permet son identification sans renseigner sur son état de santé (cf. art. 3) et la technique consistant en l'analyse des séquences « codantes » d'ADN d'un individu, d'autre part, qui révèle les caractéristiques biologiques de celui-ci et notamment sa prédisposition à une maladie ou sa faculté de transmettre un gène déficient. C'est à cette dernière technique que renvoient le code civil et le code pénal à travers la terminologie d'« étude génétique des caractéristiques d'une personne » et le code de la santé publique avec les termes de « médecine prédictive ». _ Composé de trois paragraphes modifiant respectivement le code civil, le code de la santé publique ainsi que le code pénal, l'article 2 du projet de loi aujourd'hui soumis à l'examen de l'Assemblée nationale, procède tout d'abord à une harmonisation terminologique. Afin de faire figurer dans ces trois codes les mêmes termes d'« examen des caractéristiques génétiques d'une personne », qui figure actuellement dans l'article L. 1131-1 du code de la santé publique, les 1° et 2° du I de cet article modifient l'intitulé du chapitre III du titre Ier du livre premier du code civil ainsi que la rédaction de son article 16-10 ; le II modifie l'intitulé du titre III du livre Ier de la première partie du code de la santé publique ; enfin, le III modifie l'intitulé de la section 6 du chapitre VI du titre II du livre II du code pénal ainsi que son article 226-26 dans lequel il est actuellement fait mention de « l'étude » des caractéristiques génétiques d'une personne. Lors de l'examen de ce texte en première lecture, le Sénat et l'Assemblée nationale n'ont pas modifié ce choix terminologique. Celui-ci n'est pourtant pas neutre : si la suppression des termes de « médecine prédictive » du code de la santé publique ne semble pas soulever de difficultés, ces termes recouvrant, comme le soulignait M. Alain Claeys, rapporteur de ce projet de loi en première lecture, « des activités plus larges que les seuls examens des caractéristiques génétiques » et ces derniers pouvant, en outre, « être menés pour des motifs différents de ceux de la médecine prédictive » (6), la modification affectant le code civil et le code pénal a des incidences pratiques non négligeables. En effet, alors qu'il est fait mention dans ces deux codes d'« études génétiques », qui supposent une incursion dans les gènes en recourant aux techniques de biologie moléculaire, la notion d'examen des caractéristiques génétiques d'une personne est plus large, puisqu'elle inclut la simple observation des caractères, telle que la couleur des yeux, dont la transmission est héréditaire. C'est pourtant bien le choix de la protection la plus large des personnes à l'égard des investigations d'ordre génétique qui a été fait dans le projet de loi initial. Lors de l'examen de ce texte en première lecture par notre assemblée, M. Bernard Kouchner, alors ministre délégué à la santé, a précisé que le terme d'« examen génétique des caractéristiques d'une personne » ne permettrait pas « de garantir la protection de la personne à l'égard d'une éventuelle utilisation abusive d'informations génétiques obtenues à l'occasion d'investigations médicales diverses non spécifiquement génétiques », alors que « le terme utilisé dans le projet de loi vise à encadrer l'ensemble des examens de caractère génétique » (7). Outre cette modification terminologique, l'article 2 du projet de loi procède à une nouvelle rédaction de l'article 16-10 du code civil et de l'article 226-25 du code pénal. Article 16-10 du code civil Introduit par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain, cet article encadre la réalisation d'études génétiques des caractéristiques d'une personne afin de protéger la personne qui s'y soumet. La protection offerte à la personne est de deux ordres : contre la personne elle-même en limitant les finalités des études génétiques (art. 16-10, 1er al.) ; contre les intrusions des tiers, qui doivent solliciter son consentement préalablement à l'étude (art. 16-10, 2e al.). Le 2° du I de l'article 2 du projet de loi en donne une nouvelle rédaction. _ Les termes d'« examen des caractéristiques génétiques d'une personne » sont substitués aux termes d'« étude génétique des caractéristiques d'une personne » pour les raisons que votre rapporteure a exposées précédemment. _ Les finalités que peuvent légalement poursuivre ces études génétiques sont inchangées : aux termes du premier alinéa de l'article 16-10 du code civil, l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne ne peut ainsi être entrepris qu'à « des fins de recherche scientifique » - c'est-à-dire engagées en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales - ou à « des fins médicales » : ces dernières concernent la santé de la personne mais sont plus larges qu'une finalité strictement « thérapeutique », qui implique diagnostic, soin ou prévention d'une pathologie, alors que, bien souvent, ces examens génétiques ne permettent pas de soigner, mais seulement de connaître telle ou telle caractéristique génétique rendant vraisemblable l'apparition future d'une maladie ou sa transmission à sa descendance et, le cas échéant, d'adopter des mesures préventives. Entreprendre l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne en dehors de ces deux hypothèses est donc interdit : un assureur qui souhaiterait évaluer les risques d'un client de développer telle ou telle pathologie, un employeur qui voudrait évaluer des candidats à l'embauche ou même une personne qui chercherait à connaître les maladies dont son futur conjoint pourrait un jour être atteint s'exposeront donc à être pénalement sanctionnés (cf. art. 226-25). De même, la seule volonté d'une personne de se soumettre à un examen génétique ne suffit pas ; il faut, en outre, que cette étude poursuive une finalité autorisée par la loi. Et l'on relèvera que, afin d'éviter tout usage dévoyé des résultats d'un examen génétique qui aurait été régulièrement fait à des fins médicales ou de recherche scientifique, l'article 226-26 du code pénal punit d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende le fait « de détourner de leurs finalités (...) les informations recueillies sur une personne au moyen de l'examen de ses caractéristiques génétiques ». _ Le deuxième alinéa, relatif au consentement de la personne concernée par l'examen de ses caractéristiques génétiques, est, en revanche, modifié afin de garantir le caractère éclairé du consentement donné et de prévoir sa révocabilité. Tel qu'il résulte de la loi du 29 juillet 1994, l'article 16-10 du code civil précise que « le consentement de la personne doit être recueilli préalablement à la réalisation de l'étude ». Applicable à l'ensemble des interventions concernant une personne, ce principe général est précisé par plusieurs dispositions du code de la santé publique : - lorsque l'examen des caractéristiques d'une personne est effectué à des fins médicales, son article L. 1131-1 impose que le consentement soit recueilli « par écrit » mais prévoit que, « à titre exceptionnel », il peut ne pas l'être dans l'intérêt de la personne et dans le respect de sa confiance (8) ; - pour les examens des caractéristiques génétiques réalisés à des fins de recherche scientifique, les articles L. 1122-1 et L. 1122-2 - auxquels renvoie l'article L. 1131-1 - précisent que le consentement de la personne doit être libre, éclairé - l'intéressé devant avoir été informé sur la recherche engagée et notamment sur son objectif - et exprès, le consentement devant être donné par écrit ou, en cas d'impossibilité, attesté par un tiers ; là encore, une exception au principe du recueil de consentement de la personne est prévue mais plus strictement entendue (9). Plusieurs textes internationaux ont précisé la nature et la portée du consentement de la personne concernée : l'article 5 de la convention sur les droits de l'homme et la biomédecine du Conseil de l'Europe, signée à Oviedo le 4 avril 1997 (10), précise qu'« une intervention dans le domaine de la santé ne peut être effectuée qu'après que la personne concernée y a donné son consentement libre et éclairé », qu'elle « reçoit préalablement une information adéquate quant au but et à la nature de l'intervention ainsi que quant à ses conséquences et ses risques », la personne pouvant à tout moment retirer librement son consentement. Les conditions du consentement sont encore renforcées lorsque la personne se prête à une recherche scientifique, l'article 16 de la convention prévoyant que, dans cette hypothèse, le consentement doit avoir été donné « expressément, spécifiquement et consigné par écrit ». De même, l'article 5 de la déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l'homme adoptée par l'Assemblée générale de l'onu le 10 décembre 1998 précise qu'« une recherche, un traitement ou un diagnostic, portant sur le génome d'un individu » suppose de recueillir « le consentement préalable, libre et éclairé de l'intéressé(e) ». Le deuxième alinéa de l'article 16-10 du code civil a fait l'objet de plusieurs modifications au cours de la discussion parlementaire. Alors que le projet de loi initial s'était limité à préciser que ce consentement devait être recueilli par écrit, par coordination avec les modifications apportées par le projet de loi à l'article L. 1131-1 du code de la santé publique qui ne mentionne plus l'obligation du recueil par écrit de la personne mais renvoie désormais aux dispositions du code civil (cf. II de l'article 3), l'Assemblée nationale a complété le deuxième alinéa de l'article 16-10 du code civil, afin de préciser que ce consentement est « exprès » (c'est-à-dire qu'il vise expressément l'examen), qu'il intervient après que la personne a été « dûment informée de la nature et de la finalité de l'examen », et qu'il « mentionne la finalité de l'examen ». Enfin, le Sénat a prévu la révocabilité, « sans forme et à tout moment » du consentement donné par la personne à la réalisation d'un examen de ses caractéristiques génétiques. Déjà prévu par le code de la santé publique, lorsque les examens sont engagés à des fins de recherche scientifique (11), le principe de révocabilité du consentement n'était, jusqu'à présent, pas inscrit dans le code civil pas plus que dans le code de la santé publique pour les examens à finalités médicales. Mettant notre droit en accord avec les stipulations de la convention d'Oviedo et accroissant sensiblement la protection offerte à la personne concernée, ces différentes modifications méritent d'être approuvées : le recueil écrit du consentement se justifie pleinement par la gravité que peut revêtir un tel examen, notamment s'il révèle une pathologie grave, sans perspective immédiate de soins et de guérison. Les ajouts apportés par l'Assemblée nationale permettent de lever toute ambiguïté sur l'objet du consentement qui ne porte donc pas seulement sur le principe de l'examen envisagé mais également sur sa finalité. Enfin, affirmer la révocabilité du consentement permet de faire de la personne concernée le seul juge de sont intérêt, ce qui est logique compte tenu de la gravité des informations potentielles qui seraient portées à sa connaissance à l'occasion de l'examen. Article 226-25 du code pénal _ L'article 16-10 du code civil ayant strictement défini les conditions auxquelles l'examen des caractéristiques d'une personne serait légal, il était nécessaire de l'assortir de dispositions pénales sanctionnant efficacement le non-respect de ses dispositions. Cependant, l'examen des sanctions pénales aujourd'hui applicables révèle leur grande hétérogénéité, pour ne pas dire leur incohérence, comme le montre le tableau figurant ci-après. Ainsi, le fait d'entreprendre l'étude des caractéristiques génétiques d'une personne à des fins autres que médicales ou de recherche scientifique n'est pas sanctionné en tant que tel, alors que l'article 226-28 du code pénal punit le fait de rechercher à identifier une personne par ses empreintes génétiques en dehors des hypothèses admises par la loi de 15 000 € d'amende et d'un an d'emprisonnement. De même, le code pénal punit de ces mêmes peines le défaut de consentement à une étude génétique entreprise à des fins médicales (art. 226-25) mais ces sanctions sont portées à trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende lorsque le défaut de consentement concerne un examen engagé à des fins de recherche scientifique (12). EXAMEN DES CARACTÉRISTIQUES GÉNÉTIQUES D'UNE PERSONNE SANCTIONS PÉNALES ACTUELLEMENT ENCOURUES
_ Quelles sont les modifications apportées par le projet de loi (art. 2, III, 2°) au dispositif pénal sanctionnant le non-respect des dispositions relatives à l'examen des caractéristiques d'une personne figurant dans l'article 16-10 du code civil ? Comme on l'a vu, l'article 226-25 du code pénal punit d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende le fait de procéder à l'étude des caractéristiques génétiques d'une personne à des fins médicales sans avoir préalablement recueilli son consentement dans les conditions fixées par l'article L. 1131-1 du code de la santé publique. Alors que le projet de loi initial ne procédait qu'à une modification de coordination de cet article pour substituer au terme « étude » le terme « examen » et renvoyer au code civil et non plus au code de la santé publique la définition du consentement de la personne, l'Assemblée nationale a procédé à une nouvelle rédaction de cet article, que le Sénat n'a pas modifiée, sous réserve d'une rectification d'erreur matérielle. Aux termes de la rédaction globale retenue, sont désormais punis d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende le fait de procéder à l'examen des caractéristiques d'une personne à des fins autres que celles prévues dans l'article 16-10 du code civil, ainsi que le fait de ne pas avoir recueilli le consentement de la personne prévu par ce même article. Conformément à l'article 226-30 du code pénal, les personnes morales pourront être déclarées pénalement responsables de cette infraction, ce qui n'est pas neutre, employeurs ou assureurs pouvant être tentés par des examens génétiques illicites. La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 2 sans modification. Article 3 Après examen du projet de loi par le Sénat, cet article comporte trois paragraphes, qui modifient respectivement l'article 16-11 du code civil, ainsi que les articles L. 1131-1 et L. 1131-3 du code de la santé publique. Article 16-11 du code civil _ L'empreinte génétique est souvent présentée comme « une carte d'identité infalsifiable (du moins en l'état actuel) et avec mention du père et de la mère » (13). En effet, le polymorphisme de l'adn a ouvert la voie à l'identification d'une personne à partir d'une quantité infime de sang, de salive, de sperme, de fragments de divers tissus ou d'organes comme la peau ou les racines de cheveux ; en outre, la distribution des séquences de l'adn présentant un caractère transmissible, l'empreinte génétique d'une personne permet d'identifier les père et mère d'un individu. Afin de protéger les individus des menaces que représentent l'identification génétique d'une personne pour la tranquillité des familles ou le respect de la vie privée, l'article 16-11 du code civil, introduit par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain, n'a autorisé l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques que dans trois hypothèses : - à des fins médicales ou de recherche scientifique, le consentement de la personne devant alors être préalablement recueilli ; - dans le cadre de mesures d'enquête ou d'instruction lors d'une procédure judiciaire pénale ; - dans le cadre d'une procédure judiciaire civile (art. 16-11, 2e al.), en exécution d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge saisi d'une action tendant à l'établissement ou à la contestation d'un lien de filiation ou à l'obtention ou à la suppression de subsides, le consentement préalable et exprès de l'intéressé étant alors exigé. C'est sur ce dernier point que se sont concentrées les difficultés d'interprétation de cette disposition du code civil, notamment lorsque la personne susceptible de faire l'objet d'une identification est décédée. En effet, si une interprétation littérale de l'article 16-11 du code civil pouvait conduire à exclure toute identification post mortem, le décès rendant impossible toute expression de volonté de l'intéressé, des juridictions ont cependant admis la réalisation d'expertises sur une personne décédée, alors que celle-ci, soit n'avait pas expressément consenti à cet examen de son vivant (14), soit s'y était même opposée (15). _ Le premier paragraphe de l'article 3 du présent projet de loi procède donc à plusieurs modifications de l'article 16-11 du code civil. - Tout d'abord, le projet de loi (1° de I de l'article 3) s'est attaché à résoudre les difficultés liées à l'identification génétique d'une personne décédée dans le cadre des procédures judiciaires civiles en matière de filiation et de subsides en complétant le deuxième alinéa de l'article 16-11 du code civil. Reprenant la solution préconisée par le Conseil d'État dans son rapport remis en 1999 sur le bilan des lois de 1994 (16), le projet de loi initial précisait que seule l'opposition expressément manifestée de son vivant par une personne à une telle identification faisait obstacle à toute mise en œuvre de celle-ci après son décès. L'Assemblée nationale, suivie par le Sénat, a renversé ce principe : aucune identification d'une personne par ses empreintes génétiques ne pourra être réalisée après sa mort, sauf si la personne a manifesté de son vivant son accord exprès à ce qu'il puisse être procédé à cette identification. Cette solution mérite d'être approuvée : propre à assurer le respect de la volonté de la personne par delà son décès et à assurer la paix des morts, cette disposition permettra sans doute de limiter les identifications post mortem, ce qui peut paraître souhaitable, compte tenu du caractère douloureux, voire traumatisant, pour les proches de la personne concernée que peut revêtir une expertise génétique préalable à l'inhumation ou rendant nécessaire l'exhumation du corps. - Par ailleurs, l'article 3 du projet de loi modifie le dernier alinéa de l'article 16-11 du code civil afin de préciser les modalités du consentement devant être recueilli avant de procéder à l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques à des fins médicales et de recherche scientifique. Alors que le projet de loi initial (2° du I de cet article) se contentait de préciser que ce consentement devrait dorénavant être recueilli par écrit, l'Assemblée nationale a donné (3° du I de cet article) une nouvelle rédaction au dernier alinéa de l'article 16-11 du code civil, afin d'aligner les conditions de consentement requis pour procéder à l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques sur celles requises en matière d'examen des caractéristiques génétiques d'une personne. Le consentement devra ainsi être exprès, écrit, préalable à la réalisation de l'identification ; il devra avoir été recueilli après que la personne aura été dûment informée de la nature et de la finalité de « l'examen » et devra mentionner la finalité de l'identification. Le Sénat n'a pas modifié ces dispositions mais a supprimé le 2° du I, devenu inutile compte tenu de la rédaction globale du dernier alinéa de l'article 16-11 du code civil. Dans un souci de coordination, la Commission a adopté un amendement de la rapporteure pour avis, tendant à préciser que, comme pour les examens des caractéristiques génétiques, le consentement donné par une personne pour procéder à son identification par ses empreintes génétiques à des fins médicales ou de recherche scientifique est révocable sans forme et à tout moment (amendement n° 1). Articles L. 1131-1 et L.1131-3 du code de la santé publique _ L'article L. 1131-1 du code de la santé publique précise certaines dispositions relatives à l'expression du consentement d'une personne qui va faire l'objet d'un examen de ses caractéristiques génétiques ou d'une identification par ses empreintes génétiques. Le deuxième paragraphe de l'article 3 du projet de loi lui donne une nouvelle rédaction. Plutôt que de préciser les différentes conditions auxquelles il peut être procédé à l'examen des caractéristiques d'une personne ou à son identification par ses empreintes génétiques, l'article L. 1131-1 renvoie désormais aux dispositions du chapitre III du titre Ier du code civil (art. 16-10 à 16-13), au titre du code la santé publique consacré aux examens génétiques, à l'identification génétique et à la recherche génétique (art. L. 1131-1 à L. 1132-5), ainsi qu'au titre II du livre I du code de la santé publique qui rassemble les dispositions relatives à la recherche biomédicale en général (art. L. 1121-1 à L. 1126-7) et qui sont applicables aux analyses génétiques - examen des caractéristiques génétiques et identification par empreintes génétiques - effectuées à des fins de recherche scientifique. Le renvoi à ces dernières dispositions, qui figure dans l'actuel article L. 1131-1 du code de la santé publique, a été réintroduit par l'Assemblée nationale et confirmé, sous réserve d'une précision rédactionnelle, par le Sénat. En outre, les hypothèses dans lesquelles le consentement de la personne peut ne pas être recueilli avant de procéder à une analyse génétique à des fins médicales sont restreintes. Dans sa rédaction actuelle, l'article L.1131-1 du code de la santé publique n'ouvre cette dérogation qu' « à titre exceptionnel » et sous réserve que ce soit « dans [l'] intérêt et le respect de [la] confiance » de la personne. Opportunément, le projet de loi s'efforce de mieux cerner le champ de cette dérogation au principe général posé aux articles 16-10 et 16-11 du code civil en précisant que les analyses génétiques peuvent être entreprises à des fins médicales sans son consentement : dans l'intérêt de la personne et s'il est impossible de recueillir son consentement ou, le cas échéant, de consulter une personne de confiance, la famille ou un de ses proches, cette dernière hypothèse ayant été introduite par l'Assemblée nationale en première lecture. Enfin, sur amendement du rapporteur de sa commission des Affaires sociales, sous-amendé par le Gouvernement, le Sénat a complété l'article L. 1131-1 du code de la santé publique afin de tenir compte des effets sur la famille que peuvent avoir certains examens génétiques dès lors que les résultats n'affectent pas seulement la personne concernée mais également sa descendance ou son entourage familial (17). Il est alors précisé que le médecin informe la personne ou son représentant légal de la « nécessité » de prévenir les membres de la famille potentiellement concernés et remet à la personne concernée un document résumant l'information ainsi communiquée. Deux conditions doivent être réunies pour la mise en œuvre de cette procédure : - l'examen a conduit au diagnostic d'une anomalie génétique « grave » ; - des mesures de prévention ou de soins peuvent être proposées. Souhaitable dans son principe, compte tenu des conséquences parfois dramatiques que peut entraîner l'absence d'information au sein d'une famille, cette disposition est de nature à engager la responsabilité civile de la personne qui ne communiquerait pas cette information à sa parentèle alors que le médecin lui en a souligné la « nécessité ». A cet égard, la rapporteure se demande si le terme d'« obligation » n'indiquerait pas plus clairement à la personne les conséquences de son silence sur l'engagement de sa responsabilité ; cela, afin d'éviter que celle-ci, ne se sentant pas légalement tenue d'informer ses proches, ne choisisse, pour des raisons qui lui sont personnelles, de garder le silence, mettant ainsi en danger des membres de sa parentèle. _ Enfin, le Sénat a modifié l'article L. 1131-3 du code de la santé publique afin de préciser les conditions d'agrément des personnes habilitées à procéder à ces examens et identifications (art. 3, III). _ Après que la rapporteure pour avis eut indiqué, en réponse au président Pascal Clément, que la convention du Conseil de l'Europe pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine, signée à Oviedo le 4 avril 1997, comportait des précisions sur le consentement de la personne se prêtant à une recherche, la Commission a adopté deux amendements de la rapporteure pour avis, tendant à compléter l'article 3 par deux paragraphes précisant les sanctions pénales encourues en cas de non-respect des dispositions relatives au consentement de la personne : - le premier tend à compléter l'article 223-8 du code pénal, afin d'éviter toute ambiguïté sur les dispositions pénales applicables si l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne ou son identification par ses empreintes génétiques ne respectent pas les dispositions relatives au recueil du consentement de la personne intéressée lorsque ces analyses sont faites à des fins de recherche scientifique (amendement n° 2) ; - le second donne une nouvelle rédaction à l'article 226-27 du code pénal, afin de sanctionner d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende le fait de rechercher l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques à des fins médicales ou de recherche scientifique, sans avoir recueilli son consentement dans les conditions prévues par l'article 16-11 du code civil (amendement n° 3). La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 3 ainsi modifié. Article 12 bis _ « Conçu comme un contrat entre la société et les inventeurs, le brevet a été investi de la mission de les inciter à communiquer leurs inventions en leur offrant, en échange, une exclusivité temporaire d'exploitation leur permettant de profiter de leur investissement intellectuel et financier. » (18) On rappellera que, pour être brevetable, une invention technique doit être suffisamment décrite pour pouvoir être reproduite par un homme du métier et répondre aux trois critères suivants : - elle doit être considérée comme « nouvelle », c'est-à-dire ne pas être comprise dans l'état de la technique, celui-ci étant constitué par « tout ce qui a été rendu accessible au public, avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description orale ou écrite, un usage ou un autre moyen » (art. L. 611-11 du code de la propriété intellectuelle) ; - elle doit impliquer « une activité inventive », c'est-à-dire que, « pour un homme de métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique » (art. L. 611-14 du code de la propriété intellectuelle) ; - elle doit être « susceptible d'application industrielle » (art. L. 611-10 du code de la propriété intellectuelle). En tout état de cause, le droit des brevets ne s'applique qu'à l'invention, définie comme une solution technique à un problème technique, et non à la découverte, qui met à jour des phénomènes, lois ou objets naturels, auparavant ignorés, et qui n'est pas assimilable à une invention, même lorsqu'elle s'appuie sur des procédés innovants. Les enjeux du débat sur la brevetabilité des gènes Donnant lieu à des milliers de demandes de brevets sur des gènes entiers ou des séquences partielles, le décryptage du génome humain a ouvert un débat sur la « brevetabilité » du matériau génétique humain, revêtant des enjeux éthiques, scientifiques et économiques, considérables et contradictoires. _ Les enjeux économiques sont loin d'être négligeables, le principal argument en faveur de la brevetabilité des gènes étant certainement de cet ordre. En effet, « du fait des coûts importants de la recherche dans le secteur des biosciences et de la quasi-absence de produit sur le marché pour le moment, une part importante de la valorisation des sociétés du secteur repose sur la propriété intellectuelle » (19) : inclus dans l'actif des entreprises de biotechnologies, les brevets leur permettent de lever les fonds nécessaires à leur développement, la rémunération de l'innovation permettant à son tour de nouveaux investissements, de plus en plus importants. Revers de la médaille, la multiplication des brevets et l'ampleur des revendications (20) risquent de renchérir le coût des tests et traitements issus de ces inventions et de grever lourdement les budgets des systèmes de santé si le coût d'acquisition des licences nécessaires à leur développement s'avérait trop élevé. _ Les enjeux scientifiques de la brevetabilité des gènes sont étroitement liés aux espoirs thérapeutiques suscités par le séquençage du génome humain, le libre accès à la connaissance du gène devenant alors un enjeu majeur pour la recherche et le progrès thérapeutique. A ce titre, les brevets sont communément perçus comme un facteur d'innovation car ils permettent la diffusion des inventions tout en protégeant celui qui en est l'auteur. En outre, on relèvera que la multiplication des demandes de brevets sur les gènes ne devrait pas porter préjudice à la recherche fondamentale, l'article L. 613-5 du code de la propriété intellectuelle prévoyant que les droits conférés aux brevets ne s'étendent ni aux actes accomplis dans un cadre privé, ni aux actes accomplis à titre expérimental qui portent sur l'objet de l'invention brevetée. La réalité est plus complexe. En effet, comme le souligne l'inserm(21), « une avancée implique en général la connaissance et l'utilisation de nombreux récepteurs, réactifs, séquences d'ADN,... Quand chacun de ces outils, séquences ou molécules est protégé par un brevet, il faut obtenir une licence d'utilisation de chaque détenteur. Un seul d'entre eux peut, en refusant sa licence ou en exigeant une rétribution trop élevée, bloquer tout un programme ». S'agissant de la recherche fondamentale, il serait envisageable « que les chercheurs académiques se détournent d'un champ couvert par un brevet rendant problématique le transfert de leurs résultats vers l'industrie ». Et l'inserm de faire état d'analyses selon lesquelles « la multiplication de brevets portant sur des données fondamentales ou des outils de recherche pourrait être moins bénéfique qu'on ne le pense pour l'innovation diagnostique et thérapeutique ... et même pour la rentabilité de l'industrie biotechnologique ». _ Enfin, en investissant le terrain de la génétique, la recherche a soulevé le problème de la conciliation entre la logique propre du droit des brevets, qui repose sur la possibilité de commercialiser l'invention, et le principe de non-patrimonialité du corps humain, posé aux articles 16-1 et 16-5 du code civil (22). S'il est évident que la jouissance d'un brevet industriel n'est pas synonyme d'un droit de propriété sur la réalité brevetée, on peut cependant s'accorder sur le fait que considérer les gènes humains comme un produit banal pourrait « fragiliser la règle qui met le corps humain hors commerce » (23). Les réponses offertes par la loi et le droit communautaire _ Sur cette interrogation éthique, le législateur de 1994, rejetant toute commercialisation des éléments ou produits du corps humain en leur état naturel, a tranché : tel qu'il résulte de l'article 7 de la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994, relative au respect du corps humain, l'article L. 611-17 du code de la propriété intellectuelle dispose que « le corps humain, ses éléments et ses produits ainsi que la connaissance de la structure totale ou partielle d'un gène humain ne peuvent, en tant que tels, faire l'objet de brevets ». _ Adoptée après un débat de dix ans au sein du Conseil et du Parlement européen, la directive 98/44/CE du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques tend à fixer un cadre en la matière en définissant les principes et les limites dans lesquels les inventions portant sur une matière biologique, y compris les séquences géniques, peuvent être brevetées. L'objectif est ainsi de concilier droit des brevets et droits fondamentaux, « le droit des brevets [devant] s'exercer dans le respect des principes fondamentaux garantissant la dignité et l'intégrité de l'homme » (considérant 16). Deux de ses dispositions sont particulièrement importantes s'agissant de la question de la brevetabilité du génome : - d'une part, son article 5 - dont la logique interne a maintes fois été contestée et dont il faut admettre le manque de clarté - dispose, dans son paragraphe 1, que la simple découverte d'une séquence ou d'une séquence partielle d'un gène ne peut constituer une invention brevetable, et ce conformément au principe de non brevetabilité d'une découverte ; dans son paragraphe 2, il prévoit toutefois que de telles séquences isolées ou autrement produites par un procédé technique peuvent être brevetées, même si leur structure est identique à celle d'un élément naturel. Ayant vocation à être protégé par brevet, ce type d'invention doit néanmoins respecter les conditions classiques de brevetabilité, le paragraphe 3 précisant que l'application industrielle doit être concrètement exposée dans la demande de brevet ; - d'autre part, l'article 6 interdit certains brevets portant atteinte à l'ordre public et aux bonnes mœurs et énumère de façon non exhaustive certains procédés considérés, à ce titre, comme non brevetables. Cette directive ayant fait l'objet d'un recours en annulation présenté par les Pays-Bas, soutenu par l'Italie et la Norvège, il est intéressant de constater que la Cour de justice des Communautés européennes, dans son arrêt du 9 octobre 2001, a considéré que « s'agissant de la manière vivante d'origine humaine, la directive encadre le droit des brevets de façon suffisamment rigoureuse pour que le corps humain demeure effectivement indisponible et inaliénable et qu'ainsi la dignité humaine soit sauvegardée » (point 77).
L'article L. 611-17 du code de la propriété intellectuelle n'interdisant, ni n'autorisant explicitement de breveter une séquence dès lors qu'elle est isolée, purifiée ou reproduite artificiellement par un procédé technique en vue d'une application industrielle, il devait donc être modifié pour assurer la transposition de la directive communautaire, ainsi que le soulignait le Conseil d'État dans son rapport publié en 1999. Ayant suscité de nombreuses réactions, les dispositions de la directive n'ont à ce jour pas été transposées dans notre droit interne (24). L'échéance fixée par la directive pour sa transposition étant fixée au 30 juillet 2000, la France s'expose donc à faire l'objet d'une procédure en manquement devant la Cour de Justice des Communautés européennes, sans compter les contentieux susceptibles d'être engagés sur ce fondement devant les juridictions nationales. Un projet de loi de transposition (25) a bien été déposé sous la précédente législature sur le bureau du Sénat mais il n'a pas été soumis à la discussion. En tout état de cause, il ne prévoyait qu'une transposition des dispositions de la directive relatives à la protection des inventions reposant sur de la matière biologique d'origine animale ou végétale. Et s'il comportait des dispositions élargissant les conditions d'octroi des licences obligatoires et des licences d'office dans l'intérêt de la santé publique, il ne transposait pas l'article 5 si contesté de la directive. Les solutions retenues par l'Assemblée nationale et le Sénat _ C'est précisément en réaction à cette disposition de la directive du 6 juillet 1998 que l'article 12 bis a été introduit par l'Assemblée nationale. Adopté sur un amendement de M. Roger Meï, il prend le contre-pied des dispositions communautaires en affirmant qu'« un élément isolé du corps humain ou autrement produit par un procédé technique y compris la séquence et la séquence partielle d'un gène, ne peut constituer une invention brevetable ». _ Sur proposition du Gouvernement, le Sénat a donné une nouvelle rédaction à l'article 12 bis : celui-ci modifie l'article L. 611-17 du code de la propriété intellectuelle et y insère trois nouveaux articles, L. 611-18, L. 611-19 et L. 613-2-1, les deux premiers complétant la section III du chapitre I du titre I du livre VI, consacrée aux inventions brevetables, et le dernier s'insérant dans le chapitre III de ce même titre, traitant des droits attachés aux brevets. Comme le soulignait M. Jean-François Mattei devant le Sénat, il s'agit, par ces modifications et ajouts, de « trouver une formule qui préserve nos principes tout en constituant une interprétation de la directive, interprétation que nous pourrions ensuite défendre auprès de la Commission européenne » (26). Comme le résumait le Ministre dans une formule éclairante : « s'agissant de la biotechnologie, si on ne peut pas breveter le « bio », on peut breveter la technologie », le dispositif adopté par le Sénat permettant ainsi que « l'on brevette une méthode, y compris lorsqu'elle inclut un gène, pour autant que ce gène demeure accessible à qui veut y accéder pour mettre au point une autre méthode plus compétitive, plus efficace, et que le brevet de méthode ne permette pas l'appropriation du gène » (27). Cette solution de compromis peut paraître sage, ne serait-ce que parce que la majorité des brevets français sont délivrés par l'Office européen des brevets et que les négociations en vue de la mise en place d'un brevet communautaire progressent. En tout état de cause, votre rapporteure pour avis estime que les modifications apportées par le présent projet de loi au code de la propriété intellectuelle ne sauraient exonérer le Gouvernement français de tout faire pour entamer une renégociation de la directive du 6 juillet 1998 afin d'en lever les ambiguïtés rédactionnelles les plus préjudiciables au respect du principe de non-patrimonialité du corps humain et au développement de la recherche scientifique et des progrès thérapeutiques. On notera d'ailleurs que l'adoption de ces dispositions ne sauraient suffire à épuiser le débat ; la vigilance du Parlement sur ces questions extrêmement délicates est d'ailleurs appelée à être maintenue, le dernier paragraphe de l'article 12 bis prévoyant qu'un rapport d'évaluation des conséquences juridiques, éthiques et de santé publique de l'application de ces nouvelles dispositions du code de la santé publique devra être déposé au Parlement dans un délai de trois ans après la promulgation de la présente loi. Article L. 611-17 du code de la propriété intellectuelle _ Dans sa rédaction actuelle, cet article du code de la propriété intellectuelle exclut de la brevetabilité certaines inventions : - les inventions dont la publication ou la mise en œuvre serait contraire à l'ordre public et aux bonnes mœurs, étant précisé, d'une part, que la mise en œuvre d'une telle invention ne peut être considérée comme telle du seul fait qu'elle est interdite par une disposition législative ou réglementaire et, d'autre part, que « le corps humain, ses éléments et ses produits ainsi que la connaissance de la structure totale ou partielle d'un gène humain ne peuvent, en tant que tels, faire l'objet de brevets » ; - les obtentions végétales relevant du régime spécial organisé au chapitre III du titre II du code de la propriété intellectuelle ; - les races animales et les procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux ou d'animaux, exception faite des procédés microbiologiques et produits obtenus par ces procédés. _ Étrangères à l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à notre examen, les exceptions de non brevetabilité relatives aux obtentions végétales et aux races animales ne sont pas modifiées par le I de l'article 12 bis. En revanche, sont supprimées les dispositions introduites par la loi du 29 juillet 1994, interdisant la brevetabilité du corps humain et de ses éléments, cette question faisant désormais l'objet des articles L. 611-18 et L. 611-19 (cf. infra). Par ailleurs, il est donné une nouvelle rédaction au principe général d'exclusion de brevetabilité de certaines inventions. Reprenant les termes mêmes de l'article 6 de la directive communautaire, il prévoit que sont exclues de la brevetabilité les inventions dont « l'exploitation commerciale » - on retrouve ici la terminologie employée par l'article 27 de l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touche au commerce (ADPIC), annexé à l'accord de l'OMC de 1994 - serait contraire « à l'ordre public et aux bonnes mœurs »(28). Mais y sont ajoutées les inventions dont l'exploitation commerciale serait contraire « à la dignité de la personne humaine ». Il est permis de penser que ce motif de non brevetabilité, bien que ne figurant pas dans l'article 6 de la directive, est conforme à l'esprit de ce texte dont le considérant 38 précise que « les procédés dont l'application porte atteinte à la dignité de la personne humaine [...] doivent, bien évidemment être exclus aussi de la brevetabilité ». Enfin, comme le prévoit déjà actuellement l'article L. 611-17, il est précisé que cette contrariété ne peut résulter du seul fait que cette exploitation est interdite par une disposition législative ou réglementaire. Article L. 611-18 du code de la propriété intellectuelle Introduit par le II de l'article 12 bis du projet de loi, ce nouvel article du code de la propriété intellectuelle reprend l'articulation subtile de l'article 5 de la directive du 6 juillet 1998, en l'explicitant de façon à le rendre compatible avec le principe, dégagé par le législateur, de la non-patrimonialité du corps humain. _ Le premier alinéa du nouvel article L. 611-18 du code de la propriété intellectuelle affirme le principe de non brevetabilité du corps humain et de ses gènes. Il dispose ainsi que ne peuvent constituer des inventions brevetables : - le corps humain, « aux différents stades de sa constitution et de son développement » ; cette précision reprend exactement les termes de l'article 5 de la directive communautaire ; elle permet ainsi d'exclure explicitement du champ de la brevetabilité les cellules germinales, comme le précise le considérant 16 de la directive, ou encore l'embryon, conformément à l'exposé des motifs de la position commune du 26 février 1998 adoptée par le Conseil en vue de l'adoption de la directive 98/44/CE (29) ; - la simple « découverte » d'un de ses éléments, « y compris la séquence ou la séquence partielle du gène », conformément au principe général du droit des brevets qui ne s'applique qu'aux inventions et non aux découvertes. Le premier alinéa de l'article L. 611-18 pérennise ainsi le choix fait en la matière par le législateur de 1994 tout en assurant une transposition exacte du premier paragraphe de l'article 5 de la directive communautaire. Dépositaires de l'identité humaine, les gènes doivent, à ce titre, être préservés. C'est d'ailleurs en ce sens que l'article 1er de la déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l'homme, adoptée par l'Assemblée générale de l'onu le 10 décembre 1998, affirme que « le génome humain sous-tend l'unité fondamentale de tous les membres de la famille humaine, ainsi que la reconnaissance de leur dignité et de leur diversité. Dans un sens symbolique, il est le patrimoine de l'humanité ». Ni le génome humain dans son état naturel, ni des données fondamentales brutes relatives au génome humain ne constituent donc des inventions brevetables, conformément d'ailleurs à l'article 4 de la déclaration précitée, qui prévoit que « le génome humain en son état naturel ne peut donner lieu à des gains pécuniaires ». _ En revanche, le second alinéa de l'article L. 611-18 du code de la propriété intellectuelle précise que « la protection par brevet d'une invention constituant l'application technique d'une fonction d'un élément du corps humain ne couvre cet élément qu'en tant qu'il permet cette application particulière, qui doit être concrètement et précisément exposée dans la demande de brevet ». Un élément du corps humain ne peut donc être inclus dans un brevet qu'à trois conditions cumulatives. Tout d'abord, l'invention brevetée doit constituer l'application technique d'une fonction d'un élément du corps humain. Par comparaison, on rappellera l'interprétation de la directive donnée par la cjce, qui a précisé que « seules peuvent faire l'objet d'une demande de brevet les inventions qui associent un élément naturel à un procédé technique permettant de l'isoler ou de le produire en vue d'une application industrielle » (point 72) et que « à défaut d'une telle application, on aurait en effet, affaire non pas à une invention, mais à la découverte d'une séquence d'ADN qui serait, en tant que telle, non brevetable » (point 74). En outre, l'élément du corps n'est couvert par le brevet qu'« en tant qu'il permet cette application particulière ». A titre de comparaison, on rappellera que la cjce considère que « la protection envisagée par la directive (...) ne s'étend à des données biologiques existant à l'état naturel dans l'être humain que dans la mesure nécessaire à la réalisation et à l'exploitation d'une application industrielle particulière ». Le Sénat a, en outre, précisé que cette « inclusion » dans un brevet n'empêchera pas cette même séquence génique d'être ultérieurement couverte par une autre revendication de brevet, à condition que celle-ci concerne une autre fonctionnalité de ladite séquence (cf. art. L. 613-2-1 du code de la propriété intellectuelle). Enfin, cette application doit être concrètement et précisément exposée dans la demande de brevet, ce qui est conforme au dernier paragraphe de l'article 5 de la directive. A ce titre, on relèvera qu'« une chambre d'opposition de l'office européen des brevets a précisé la notion d'application industrielle pour une séquence génique, en indiquant que l'utilisation potentielle d'une séquence divulguée dans une demande ne doit pas être spéculative, c'est-à-dire qu'elle doit être spécifique, substantielle et crédible » (30). Ainsi modifiées, les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives à la non brevetabilité des éléments du corps humain sont indéniablement plus claires, plus précises et, de fait, plus restrictives, que la directive du 6 juillet 1998. En tout état de cause, il convient de rappeler que, dans un rapport du 7 octobre 2002 sur l'évolution et les implications du droit des brevets dans le domaine de la biotechnologie et du génie génétique (31), la Commission européenne a admis que « la directive laisse une certaine flexibilité quant à l'étendue de la protection à conférer à des inventions portant sur des éléments du corps humain ». Article L. 611-19 du code de la propriété intellectuelle « Afin de donner aux juges et aux offices de brevets nationaux des orientations générales aux fins de l'interprétation de la référence à l'ordre public et aux bonnes mœurs » (32), le paragraphe 2 de l'article 6 de la directive communautaire dresse une liste indicative des inventions exclues de la brevetabilité : les procédés de clonage des êtres humains, les procédés de modification de l'identité génétique de l'être humain, les utilisations d'embryons humains à des fins industrielles et commerciales ; les procédés de modification de l'identité génétique des animaux de nature à provoquer chez eux des souffrances sans utilité médicale substantielle pour l'homme ou l'animal, ainsi que les animaux issus de ces procédés. Sous réserve de cette dernière illustration d'invention non brevetable, qui ne rentre pas dans le champ du présent projet de loi, le nouvel article L. 611-19 du code de la propriété intellectuelle, introduit par le II de l'article 12 bis du projet de loi, reprend cette liste, en lui conservant son caractère indicatif, mais y ajoute « les séquences totales ou partielles d'un gène prises en tant que telles ». Consacrant la non brevetabilité des séquences géniques en tant que telles, cette disposition est conforme au principe de non-patrimonialité du corps humain ainsi qu'aux règles générales du droit des brevets, lequel ne s'applique qu'à des inventions et non à des découvertes. A titre de comparaison, on rappellera que le considérant 23 de la directive communautaire précise qu'« une simple séquence d'ADN sans indication d'une fonction ne contient aucun renseignement technique, qu'elle ne saurait, par conséquent, constituer une invention brevetable ». S'agissant de la non brevetabilité des procédés de clonage des êtres humains, on relèvera que le considérant 41 précise que de tels procédés « peuvent se définir comme tout procédé, y compris les techniques de scission des embryons, ayant pour but de créer un être humain qui aurait la même information nucléaire qu'un autre être humain vivant ou décédé ». _ La Commission a été saisie d'un amendement de la rapporteure pour avis, tendant à donner une nouvelle rédaction aux deux premiers paragraphes de l'article 12 bis du projet de loi, qui modifient l'article L. 611-17 et introduisent les articles L. 611-18 et L. 611-19 dans le code de la propriété intellectuelle. La rapporteure pour avis a précisé que son amendement avait pour objet de poser clairement le principe général de la non brevetabilité des inventions dont l'exploitation commerciale serait contraire à la dignité de la personne humaine, à l'ordre public et aux bonnes mœurs ; de préciser ensuite, dans trois autres articles du code de la propriété intellectuelle, les dispositions relatives à la non brevetabilité, respectivement du corps humain, des espèces animales et des obtentions végétales. Revenant sur les dispositions relatives au corps humain, elle a indiqué que le nouvel article L. 611-18 du code de la propriété intellectuelle, en précisant dans un premier alinéa que le corps humain, aux différents stades de sa constitution et de son développement, ainsi que la simple découverte d'un de ses éléments, y compris la séquence d'un gène, ne peuvent constituer des inventions brevetables, reprenait exactement les dispositions du premier paragraphe de l'article 5 de la directive du 6 juillet 1998. Elle a indiqué que le deuxième alinéa permettait de faire d'autres recherches sur un gène, en prévoyant que la protection par brevet d'une invention constituant l'application technique d'une fonction d'un élément du corps humain ne couvre cet élément qu'en tant qu'il permet cette application particulière, qui doit être concrètement et précisément exposée. Elle a considéré que cette disposition était plus claire que le texte de la directive communautaire. Le président Pascal Clément s'étant interrogé sur la compatibilité de la rédaction proposée ici avec l'interprétation donnée par le cjce de la directive du 6 juillet 1998, la rapporteure pour avis a rappelé la jurisprudence de la Cour sur les conditions de brevetabilité des éléments du corps humain. Faisant observer que la rédaction envisagée pour l'article L. 611-18 visait le brevet d'une invention constituant l'application technique d'« une fonction » d'un élément du corps humain, elle a souligné le projet de loi était plus précis que la directive et ne porterait pas préjudice à la recherche, un gène pouvant avoir plusieurs fonctions. La Commission a adopté l'amendement de la rapporteure pour avis (amendement n° 4). Article L. 613-2-1 du code de la propriété intellectuelle Conformément à l'article L. 613-2 du code de la propriété intellectuelle, « l'étendue de la protection conférée par le brevet est déterminée par la teneur des revendications ». Celles-ci sont donc au cœur du brevet ; plus elles sont larges, plus elles mettent le détenteur du brevet en situation de monopole. S'agissant des séquences géniques, elles risquent, à ce titre, de renchérir le coût des tests et des traitements issus des biotechnologies, leur coût final incluant le coût d'acquisition des licences d'exploitation. Aussi le présent article, introduit dans le code de la propriété intellectuelle par le III de l'article 12 bis, limite-t-il la portée d'une revendication couvrant une séquence génique « à la partie de cette séquence directement liée à la fonction spécifique concrètement proposée dans la description » de l'invention. En outre, son deuxième alinéa précise que les droits créés par la délivrance d'un brevet incluant une séquence génique ne peuvent être invoqués à l'encontre d'une revendication ultérieure portant sur cette même séquence dès lors que celle-ci expose une autre application particulière de cette séquence. Il s'agit ainsi de tenir compte de la multiplicité des fonctions d'un gène. Comme le soulignait M. Jean-François Mattei devant le Sénat, « un gène pourra être breveté s'il fait partie d'une technique, et dans le seul cadre de celle-ci, mais n'importe qui pourra se référer à ce gène pour breveter une autre technique »(33). La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 12 bis ainsi modifié. Article 12 ter (nouveau) Le présent article tend à modifier les dispositions applicables aux licences d'office et aux licences de dépendance afin de favoriser leur mise en oeuvre. Ces dispositions procèdent du souci de limiter les risques de dépendance technologique, de faire prévaloir l'intérêt public, notamment celui de la santé publique, et de corriger les éventuels abus de droits que confère un brevet à son titulaire. En ce sens, elles complètent utilement les modifications apportées au code de la propriété intellectuelle par l'article 12 bis du projet de loi. Article L. 613-15 du code de la propriété intellectuelle Le titulaire d'un brevet peut exploiter lui-même l'invention protégée, vendre le brevet ou conclure avec un tiers un contrat de licence qui l'autorise à exploiter l'invention, l'exploitant rétrocédant alors une partie de ses revenus au titulaire du brevet. Ces licences d'exploitation peuvent, le cas échéant, présenter un caractère d'exclusivité. _ Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 613-15 du code de la propriété intellectuelle tend à régler les différends susceptibles de surgir entre deux titulaires de brevets, dont l'un dépend pour son exploitation de l'accord du titulaire de l'autre brevet. Il dispose ainsi que le propriétaire d'un brevet portant sur le perfectionnement d'une invention déjà brevetée par un tiers ne peut exploiter son invention sans l'autorisation du titulaire du brevet antérieur, lequel titulaire ne peut exploiter le perfectionnement breveté s'il ne dispose pas de l'autorisation du titulaire du brevet de perfectionnement. Le deuxième alinéa précise les modalités d'octroi d'une licence de dépendance au titulaire du brevet de perfectionnement par décision judiciaire. Les conditions sont les suivantes : cette licence est accordée dans l'intérêt public et le ministère public entendu ; la demande doit être présentée dans un délai minimal de trois ans après la délivrance du premier brevet ; l'invention qui fait l'objet du brevet de perfectionnement doit présenter « à l'égard du brevet antérieur un progrès technique et un intérêt économique importants » ; la licence octroyée au titulaire du brevet de perfectionnement est accordée dans la mesure nécessaire à l'exploitation de l'invention qui fait l'objet de ce brevet ; elle ne peut être transmise qu'avec ledit brevet. En contrepartie, le propriétaire du premier brevet obtient, s'il en fait la demande au tribunal de grande instance, la concession d'une licence sur le brevet de perfectionnement. Enfin, il est précisé que ces licences de dépendance obligatoires se voient appliquer les dispositions des articles L. 613-12 et L. 613-14 du code de la propriété intellectuelle : le demandeur doit donc justifier qu'il n'a pu obtenir une licence d'exploitation du brevet en question et qu'il est en état d'exploiter l'invention de manière sérieuse et efficace ; les conditions d'octroi de la licence peuvent être modifiées par décision du tribunal, à la demande du propriétaire ou du titulaire de la licence obligatoire. De même, le tribunal de grande instance peut retirer la licence si son titulaire ne satisfait pas aux conditions auxquelles cette licence a été accordée. _ Donnant une nouvelle rédaction à l'article L. 613-15, l'article 12 ter y apporte les modifications suivantes : - il n'est plus fait référence à la notion de brevet de « perfectionnement » par rapport à une invention déjà brevetée, mais, plus largement, à des brevets dépendants, l'un ne pouvant être exploité sans porter atteinte à un brevet « antérieur », ce qui paraît plus adapté aux brevets couvrant des séquences géniques ; - il supprime l'exigence d'un intérêt public pour l'octroi d'une licence de dépendance, par harmonisation avec l'accord de l'OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce ; - il supprime l'intervention obligatoire du ministère public dans la procédure, afin d'en alléger le déroulement ; - il ne subordonne plus le dépôt de la demande de licence obligatoire de dépendance à l'expiration du délai de trois ans précité. La Commission a adopté un amendement de la rapporteure pour avis, tendant à préciser le principe de l'autorisation mutuelle que doivent s'accorder deux titulaires de brevet dépendants, en dehors de toute procédure judiciaire tendant à l'octroi d'une licence obligatoire de dépendance, la rapporteure pour avis ayant rappelé que ce principe figurait dans la rédaction actuelle de l'article L. 613-15 du code de la propriété intellectuelle (amendement n° 5). Article L. 613-16 du code de la propriété intellectuelle L'article 12 ter du projet de loi modifie les dispositions de l'article L. 613-16 du code la propriété intellectuelle, qui permet aujourd'hui, sur décision de la puissance publique et sous certaines conditions, d'accorder une licence d'exploitation d'un brevet si l'intérêt de la santé publique le justifie. _ Le champ d'application de ces dispositions est élargi: alors que seuls les brevets de médicaments (34) peuvent aujourd'hui être soumis au régime de la licence d'office, seraient également désormais susceptibles d'être concernés par cette procédure les brevets délivrés pour : - un dispositif médical, qu'il soit de diagnostic in vitro (35) ou non, ainsi que les procédés et produits nécessaires à leur obtention, ce qui regroupe tous les instruments, appareils, matières destinés à être utilisés chez l'homme à des fins médicales ou encore, au titre des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, les produits, réactifs, matériaux, instruments destinés à être spécifiquement utilisés in vitro dans l'examen d'échantillons provenant du corps humain, tels que les tests de grossesse ou les lecteurs de glycémie ; - un produit thérapeutique annexe ainsi que son procédé d'obtention, un produit nécessaire à son obtention ou un procédé de fabrication d'un tel produit, tels que les liquides de conservation des organes ; - une méthode de diagnostic ex vivo, telles que les méthodes de diagnostic de prédisposition génétique. _ L'autorité compétente pour placer ces brevets sous régime de la licence d'office demeure le ministre chargé de la propriété industrielle, sur la demande du ministre chargé de la santé publique. Mais il devra désormais - sauf lorsque la licence a pour but de remédier à une pratique déclarée anti-concurrentielle ou en cas d'urgence - chercher préalablement un accord amiable avec le titulaire du brevet, conformément aux dispositions de l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touche au commerce (ADPIC), annexé à l'accord de l'OMC de 1994. _ S'agissant des conditions de fond qui justifient l'application du régime de la licence d'office, le nouvel article L. 613-16 ajoute à l'hypothèse actuellement prévue - mise à la disposition du public en quantité ou qualité insuffisantes ou à des prix anormalement élevés - les deux hypothèses suivantes : - le brevet est exploité dans des conditions contraires à la santé publique ; - l'exploitation du brevet constitue une pratique déclarée anti-concurrentielle par une décision administrative ou juridictionnelle, cette modification étant là encore directement inspirée de l'accord de l'omc précité. _ Le régime de la licence d'office, tel qu'il résulte de l'article L. 613-17 du code de la propriété intellectuelle n'est, quant à lui, pas modifié : les licences d'exploitation du brevet désormais soumis à ce régime sont accordées par arrêté du ministre chargé de la propriété industrielle. Il en fixe les durées et les champs d'application, le montant des redevances étant fixé par accord entre le propriétaire du brevet et le licencié ou, à défaut de cet accord, par le tribunal de grande instance. Ces dispositions devraient permettre de remédier aux difficultés suscitées par la détention de brevets sur des gènes, aux revendications très larges, tels que ceux détenus par la firme Myriad genetics sur les gènes BRCA1 et BRCA2, impliqués dans la prédisposition du cancer du sein (36). La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 12 ter ainsi modifié. Article 15 L'annonce, en février 1997, de la naissance d'une brebis, surnommée « Dolly », clonée par voie de transfert nucléaire par l'équipe de Ian Wilmut de l'Institut Roslin à Edimbourg, a placé la question du clonage reproductif au cœur du débat bioéthique, en suscitant des inquiétudes sur une possible extension de cette technique à l'homme. L'annonce par un mouvement sectaire, en décembre dernier, de la naissance d'un enfant, prénommée Eve, présenté comme étant prétendument le premier être humain obtenu à partir de la technique du clonage n'a fait que renforcer ces craintes, de même que l'intention de poursuivre des recherches en ce sens proclamée par un médecin italien, le docteur Antinori. _ Comme le relève la mission d'information commune préparatoire au projet de loi de révision des lois sur la bioéthique de juillet 1994, le clonage reproductif fait aujourd'hui « l'objet d'une condamnation unanime et sans appel en France et au sein des grandes organisations européennes ou mondiales » : il est à cet égard révélateur que le clonage à des fins de reproduction d'êtres humains, soit, à l'article 11 de la déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l'homme(37), le seul exemple de « pratiques [...] contraires à la dignité humaine ». Dès le 11 mars 1997, l'Organisation mondiale de la santé (oms) a souligné la violation des droits fondamentaux que constituerait l'application de cette technique à des êtres humains, tandis que le Conseil de l'Europe a adopté le 12 janvier 1998 un protocole additionnel à la convention d'Oviedo (38) interdisant le clonage d'êtres humains et stigmatisant l'atteinte à la dignité humaine que constituerait l'application à l'homme de cette technique. Enfin, l'article 3 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 lors du Conseil européen de Nice, prévoit que doit être respectée « l'interdiction du clonage reproductif des êtres humains ». Saisi de cette question par le Président de la République, le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé a remarquablement mis en lumière les enjeux éthiques que revêt la perspective du clonage reproductif d'êtres humains (39). Faisant observer que cette technique alimente des fantasmes de reproduction de soi ou d'un proche, il souligne que l'identité personnelle est irréductible à une simple programmation génétique, avant d'insister sur « les bouleversements inacceptables de la condition humaine » qu'entraînerait le clonage reproductif : atteinte à la valeur symbolique du corps et du visage humains comme support de l'unicité de la personne, réification des individus qui « sauraient qu'ils sont des clones » ; fin de l'indéterminabilité génétique alors que « la grande loterie de l'hérédité » est aujourd'hui une protection contre la volonté parentale ou sociale de prédéterminer les individus ; dislocation de la parenté, « l'individu né d'un clonage [...] étant à la fois le descendant d'un adulte et son jumeau ». Quant aux justifications du clonage, « quelles que soient les finalités alléguées [...], les unes présentables, d'autres au contraire à peine énonçables, elles offrent toutes ce trait commun que, dans leur principe même, elles reviennent à projeter de mettre au monde un ou des êtres humains non comme libres fins en soi mais comme purs moyens au service d'objectifs préalables qui leur seraient, fût-ce en dépit des apparences, foncièrement extérieurs » ; se trouve ainsi stigmatisée la « monstrueuse inhumanité » de prétendues applications médicales, l'illusion de vouloir palier la mort d'un être cher ou encore « l'acharnement procréatique poussé à l'absurde ». Et le comité de conclure qu'au total, le clonage reproductif d'êtres humains « ne peut susciter qu'une condamnation éthique véhémente, catégorique et définitive ». _ A cette condamnation éthique faut-il ajouter aujourd'hui une interdiction légale explicite ? En effet, si les lois de 1994 ne comportent aucune disposition relative à la technique de clonage reproductif, inconcevable à l'époque, les dispositions d'ordre public alors introduites dans le code civil tendent, de fait, à le condamner. Tout d'abord, la dignité de la personne, à laquelle l'article 16 du code civil interdit qu'il soit porté atteinte, implique que la personne « soit traitée par les autres êtres humains comme un être humain » (40). Or, le clonage est contraire à ce principe pour les raisons évoquées plus haut. En outre, il contrevient aux principes inscrits dans l'article 16-4 du code civil qui protège l'intégrité de l'espèce humaine : le clonage aux fins de reproduction d'êtres humains y porte atteinte en en transformant le mode de reproduction ; conduisant à prédéterminer le capital génétique de la personne à naître « sans s'en remettre au hasard de la fusion des gamètes » (41), cette technique est également susceptible de contrevenir à l'interdiction des pratiques eugéniques tendant à l'organisation de la sélection des personnes ; enfin, le clonage reproductif est contraire à l'interdiction posée dans cet article du code civil, de modifier les caractéristiques génétiques d'une personne dans le but de modifier sa descendance puisqu`il suppose d'introduire dans un ovocyte qu'on a privé de matériel nucléaire, le noyau d'une autre cellule, dont le patrimoine génétique sera, lui, reproduit. Pourtant, alors que, s'appuyant sur ces arguments, le Comité consultatif national d'éthique n'avait pas jugé indispensable de modifier notre législation afin d'y interdire expressément la technique du clonage reproductif d'êtres humains, le Conseil d'État, dans son rapport de 1999 en vue de la révision des lois bioéthiques, a préconisé une solution inverse. Prenant l'exemple du recours aux mères porteuses, il a souligné que « les lois du 29 juillet 1994 [avaient] fait le choix d'interdire explicitement les pratiques qu'elles estiment contraires au principe du respect de la personne humaine ». _ S'inscrivant dans le droit fil de ces réflexions, l'article 15 du projet de loi, à l'instar de certaines législations étrangères(42), tend à proscrire explicitement le clonage reproductif dans l'article 16-4 du code civil. Introduit par la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994, l'article 16-4 du code civil est inclus dans le chapitre II (qui traite « du respect du corps humain ») du titre Ier (relatifs aux « droits civils ») du livre Ier (intitulé « des personnes ») du code civil. Il comporte actuellement trois alinéas : le premier interdit toute « atteinte à l'intégrité de l'espèce humaine » ; le deuxième prohibe « toute pratique eugénique tendant à l'organisation de la sélection des personnes » ; le dernier interdit toute modification des gènes dans le but de modifier la descendance de la personne, mais assortit cette disposition d'une exception au profit des manipulations génétiques permettant de prévenir et de traiter les maladies génétiques. L'article 15 du présent projet de loi tend à insérer, après le deuxième alinéa de l'article 16-4, un nouvel alinéa interdisant le clonage reproductif d'êtres humains. Ce choix se justifie dès lors que le clonage, comme l'eugénisme ou les manipulations génétiques sont susceptibles de porter atteinte à l'intégrité de l'espèce humaine, en en limitant la diversité et en modifiant le mode de reproduction et de transmission des gènes. Alors que l'Assemblée nationale avait adopté sans modification l'article 15 du projet de loi, qui inscrit dans l'article 16-4 du code civil l'interdiction de « toute intervention ayant pour but de faire naître un enfant, ou se développer un embryon humain, qui ne seraient pas directement issus des gamètes d'un homme et d'une femme », le Sénat, sur proposition du Gouvernement, a modifié cette rédaction afin d'interdire « toute intervention ayant pour but de faire naître un enfant génétiquement identique à une autre personne humaine vivante ou décédée ». S'agissant, tout d'abord, du critère retenu pour appréhender la technique proscrite, on relèvera que l'Assemblée nationale a souhaité interdire toute intervention qui remettrait en cause le caractère fondamental de la reproduction humaine, à savoir son caractère sexué : elle a donc mis l'accent sur la méthode. A l'inverse, le Sénat a défini le clonage par rapport à son résultat : l'identité génétique entre deux personnes. On relèvera que c'est ce dernier critère qui avait été privilégié par le Conseil d'État dans ses propositions de modification de l'article 16-4 du code civil, afin d'y inscrire une interdiction explicite du clonage reproductif. Ainsi défini, le clonage reproductif sera-t-il efficacement interdit ? En clair, le critère de l'identité génétique est-il scientifiquement pertinent ? Se fondant sur de récents travaux scientifiques démontrant le rôle du milieu de culture dans lequel se développe l'embryon et surtout l'importance du cytoplasme (43) , M. Alain Claeys, rapporteur de ce texte lors de son examen par notre assemblée en première lecture, avait exprimé des réserves sur l'opportunité de fonder la définition du clonage reproductif sur ce critère, en soulignant qu'« il ne peut y avoir d'individus ni de cellules issus d'un transfert de noyau dans un ovule énucléé, qui soient la copie génétique parfaite de la cellule transférée »(44). C'est la raison pour laquelle l'Assemblée nationale avait retenu comme critère de définition les conditions de reproduction. Déterminante, cette objection l'eût certainement été si l'interdiction avait porté sur le résultat : faire naître un enfant qui soit effectivement génétiquement identique à une autre personne. Mais tel n'est pas le cas : ici, c'est avant tout l'intention de poursuivre un tel but qui est interdit. En outre, la définition retenue par le Sénat s'inspire fortement de définitions du clonage reproductif figurant déjà dans des instruments internationaux. En effet, à titre de comparaison, on relèvera que l'article 1er du protocole additionnel à la convention d'Oviedo interdit « toute intervention ayant pour but de créer un être humain génétiquement identique à un autre être humain vivant ou mort », étant précisé qu'est considéré comme « génétiquement identique » un être humain « ayant en commun avec un autre l'ensemble des gènes nucléaires ». Cet effort d'harmonisation paraît particulièrement pertinent dans la perspective de la ratification par la France de cette convention du Conseil de l'Europe et de l'élaboration d'un instrument international sanctionnant le clonage reproductif. Enfin, les modifications apportées par le Sénat clarifient le champ de l'interdiction désormais posée au troisième alinéa de l'article 16-4 du code civil. En effet, en visant non seulement la naissance d'un être humain mais aussi le développement d'un embryon, la rédaction retenue par l'Assemblée nationale permettait, comme le relevait M. Alain Claeys dans son rapport sur le projet de loi relatif à la bioéthique, « d'interdire le clonage qui aurait pour but de créer des clones aux seules fins de constituer des réserves de cellules, voire d'organes en vue d'une greffe ». Bien que figurant dans un chapitre du projet de loi ayant explicitement pour objet « l'interdiction du clonage reproductif », l'interdiction posée à l'article 16-4 du code civil pouvait donc s'appliquer au clonage thérapeutique qui se trouvait exposé, à défaut de précision contraire, aux mêmes sanctions pénales que le clonage reproductif. Refusant de « faire une crime contre l'espèce humaine pour un clonage thérapeutique qui resterait dans une éprouvette » (45) le ministre de la Santé a donc proposé au Sénat, qui l'a suivi, de faire figurer l'interdiction de procéder au clonage à des fins thérapeutiques dans le code de la santé publique (46) et de lui appliquer des sanctions de nature délictuelle (cf. art. 21). Après avoir adopté un amendement rédactionnel de la rapporteure pour avis (amendement n° 6), la Commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 15 ainsi modifié. Article 18 bis _ Par dérogation au principe selon lequel l'homme et la femme recourant à une assistance médicale à la procréation (amp) doivent être vivants, l'Assemblée nationale a autorisé le transfert d'embryon à la suite du décès de l'homme (dernier alinéa de l'article L. 2141-2 du code de la santé publique tel qu'il résultait du 1° du I de l'article 18). Plusieurs conditions encadraient ce transfert d'embryon post mortem : l'homme devait avoir donné par écrit son consentement en ce sens ; le transfert d'embryons ne pouvait être réalisé que durant une période comprise entre six et dix-huit mois suivant le décès ; le mariage ou le remariage de la femme faisait obstacle à la réalisation de ce transfert ; la naissance d'un ou plusieurs enfants à la suite d'un même transfert mettait fin à la possibilité de réaliser un autre transfert ; la femme bénéficiait d'un accompagnement spécialisé ; la liberté de la femme et de l'homme de poursuivre ces démarches était préservée, leur consentement étant révocable à tout moment. Ce choix supposait toutefois d'aménager les dispositions du code civil relatives à la filiation et aux successions afin de faire une place à l'enfant né de ce transfert d'embryon post mortem. Tel est l'objet de l'article 18 bis, introduit par l'Assemblée nationale sur proposition de son rapporteur, puis supprimé par le Sénat, par coordination avec son refus d'inscrire la possibilité du transfert d'embryon post mortem dans le code de la santé publique. L'article 18 bis est constitué de deux paragraphes qui, en matière de filiation, d'une part, et de succession, d'autre part, taillent un régime dérogatoire, indispensable pour que ces enfants trouvent pleinement leur place dans leur famille. _ S'agissant de l'établissement de la filiation paternelle de l'enfant né d'un transfert d'embryon post mortem, l'objectif est ici d'assurer la stabilité de la filiation de l'enfant, que celle-ci soit légitime ou naturelle. Les modifications proposées s'inspirent largement des suggestions faites par le Conseil d'État dans son rapport sur le bilan des lois bioéthiques. Tout d'abord, il s'agit d'éviter toute action en contestation de filiation ou en réclamation d'état. Or, tel ne serait pas le cas si l'article 311-20 du code civil devait s'appliquer. En effet, il prévoit que le consentement donné à une procréation médicalement assistée interdit toute action de cet ordre à moins qu'il ne soit soutenu que l'enfant n'est pas issu d'une amp ou que le consentement a été privé de son effet. Or, l'article 311-20 prévoit précisément que le consentement est privé de son effet en cas de décès de l'époux ou du concubin. L'article 18 bis (1° du I) prévoit donc une exception à la nullité du consentement en cas de décès dès lors que l'enfant est né à la suite d'un transfert d'embryon post mortem. Il s'agit ensuite d'assurer la filiation de l'enfant à l'égard de son père lorsque les parents ne sont pas mariés, l'établissement de la filiation supposant alors une reconnaissance de la part du père à la naissance. Dans le cas d'un transfert d'embryon post mortem, celle-ci serait, par définition, impossible. Aussi, l'article 18 bis (b du 1° du I) introduit dans la section IV du chapitre Ier du titre VII du livre Ier du code civil, intitulée « De la procréation médicalement assistée », un nouvel article 311-21 : aux termes de celui-ci, le consentement donné par un homme à sa concubine en vue de la poursuite de leur projet parental « vaut reconnaissance de l'enfant né du transfert des embryons » si ceux-ci ont été régulièrement conçus dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation. En outre, ce consentement interdit toute action en contestation de filiation ou en réclamation d'état à moins qu'il ne soit soutenu que l'enfant n'est pas issu de la pma ou que le consentement a été révoqué. En cas de filiation légitime, il s'agit de préserver l'application des règles de présomption de paternité dont l'enfant né d'un transfert d'embryon post mortem ne pourrait se prévaloir à défaut de précision contraire. En effet, en application de l'article 312 du code civil, « l'enfant conçu pendant le mariage a pour père le mari ». Toutefois, l'article 315 du code civil prévoit que cette présomption n'est pas applicable à l'enfant « né plus de trois cents jours après la dissolution du mariage ». Or, l'enfant né à la suite d'un transfert post mortem se retrouvera nécessairement dans cette situation, la dérogation ouverte par l'Assemblée nationale permettant d'opérer ce transfert qu'au minimum six mois et au maximum dix-huit mois après le décès. Afin de remédier à cette situation, l'article 18 bis (b du 2° du I), complète l'article 315 du code civil par un alinéa précisant que cette présomption de paternité n'est pas écartée en cas de transfert d'embryon post mortem. Enfin, il est nécessaire de respecter la volonté, exprimée par l'homme à travers son consentement donné à une pma, de donner naissance à un enfant et de le reconnaître. Or tel ne pourrait pas être le cas si une femme déclarait sous son seul nom l'enfant né d'un transfert d'embryon post mortem. En effet, l'article 313-1 du code civil précise que « la présomption de paternité est écartée quand l'enfant, inscrit sans l'indication du mari, n'a de possession d'état qu'à l'égard de la mère », ce qui sera nécessairement le cas compte tenu du décès du père. Afin d'éviter un tel détournement des finalités du transfert d'embryon post mortem, l'article 18 bis (a du 2° du I) modifie l'article 313-1 afin de préciser qu'il n'est pas applicable dans cette hypothèse. _ Deuxième conséquence de l'autorisation du transfert d'embryon post mortem : l'aménagement d'un dispositif propre à assurer à l'enfant le bénéfice des droits successoraux auxquels sa filiation lui donne droit ; à défaut de quoi, il pourrait naître alors que la succession de son père serait déjà liquidée. Le II de l'article 18 bis modifie, dans le titre I du livre III du code civil consacré aux successions, le chapitre Ier, intitulé « De l'ouverture des successions, du titre universel et de la saisine », en le complétant par quatre nouveaux articles. L'article 725 du code civil précise que « pour succéder, il faut exister à l'instant de l'ouverture de la succession ou, ayant déjà été conçu, naître viable » ; il écarte donc de la succession un enfant non conçu. Afin de prendre en compte le cas d'un enfant né d'un transfert d'embryon post mortem, le nouvel article 724-2 du code civil prévoit que, par dérogation, celui-ci est appelé à la succession. Le gel de la succession est organisé, avec maintien en indivision : l'article 724-3 nouveau du code civil prévoit que tout intéressé peut demander au président du tribunal de grande instance de désigner un administrateur chargé de gérer la succession du défunt dès lors qu'un transfert post mortem est susceptible d'être réalisé, c'est-à-dire que le de cujus y a consenti et qu'il reste des embryons à réimplanter. L'administrateur exerce ses fonctions jusqu'à l'expiration du délai fixé dans l'article L. 2141-2 du code de la santé publique pour procéder au transfert des embryons. Comme le relevait le rapporteur de l'Assemblée nationale dans la présentation de ces dispositions, « si la femme développe la grossesse à la fin du délai imparti pour le transfert, la règle d'après laquelle la mère est considérée comme assurant la sauvegarde des intérêts de l'enfant à naître, s'applique, ce qui permet de débloquer la succession ». En outre, la mission de l'administrateur cesse dans trois hypothèses : la femme renonce à son projet ; il ne subsiste plus d'embryons à transférer, toutes les tentatives s'étant soldées par un échec ; le transfert a entraîné une naissance ou une grossesse résulte de la dernière tentative possible, conformément à la disposition du code de la santé publique qui prévoit que la naissance d'un ou plusieurs enfants à la suite d'un même transfert met fin à la possibilité de réaliser un autre transfert, ce qui permet là encore de débloquer la succession. Les articles 724-4 et 724-5 nouveaux du code civil précisent les compétences de l'administrateur : inventaire, actes de conservation et de gestion, pouvoirs de représentation, actes de disposition autorisés par le juge des tutelles ou effectués pour les besoins d'une exploitation normale des biens indivis ou pour la conservation de choses sujettes à dépérissement. Afin de tenir compte de l'institution de cette nouvelle forme d'indivision, deux modifications sont apportées à l'article 815 du code civil, relatif à l'indivision : la première, afin de modifier la disposition selon laquelle « nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement ou convention » et désormais par la loi ; la seconde pour préciser que l'indivision est maintenue de plein droit dès lors que le de cujus a exprimé son consentement à un transfert post mortem et qu'il reste des embryons susceptibles d'en faire l'objet. _ La longueur des développements qui précèdent suffit à montrer l'ampleur des modifications devant être introduites dans notre code civil pour tirer les conséquences de l'introduction de la possibilité de transfert d'embryon post mortem. Sans doute ce constat ne suffit-il pas à justifier à lui seul le refus d'ouvrir cette faculté d'embryon post mortem, sur le principe de laquelle la Commission n'est pas saisie : les véritables interrogations sont d'ordre éthique, en obligeant le législateur à mesurer les enjeux de la mise au monde consciente d'un enfant orphelin de père. Sur ce point, la rapporteure estime que la disposition, introduite par le Sénat, précisant que le couple recourant à une AMP sera informé du fait que le décès de l'un de ses membres met fin au projet parental, permettra peut-être de préparer les couples à l'interdiction du transfert post mortem et d'atténuer la détresse de ces femmes confrontées à la douloureuse alternative - l'« offre légale d'une générosité cornélienne » pour reprendre les termes du doyen Cornu - de vouer l'enfant à naître à la destruction ou de le donner à un autre couple. En outre, on peut se demander si geler la succession dans l'attente de la naissance d'un enfant né à la suite d'un éventuel transfert d'embryon post mortem ne conduit pas indirectement le législateur à prendre une option sur la nature de l'embryon, option qu'il s'est toujours jusqu'à présent refusé à prendre. En tout état de cause, si la commission des Affaires culturelles devait rétablir la possibilité de réaliser un transfert d'embryon post mortem, il conviendrait, afin d'éviter ce risque, de ne pas rétablir les dispositions successorales telles qu'elles ont été adoptées par l'Assemblée nationale mais de prévoir un éventuel rappel de succession si l'enfant issu d'un transfert post mortem venait à naître. La Commission a émis un avis favorable au maintien de la suppression de l'article 18 bis. Article 21 L'article 9 de la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain a institué, dans le livre V du code pénal (« Des autres crimes et délits »), un titre premier relatif aux infractions en matière de santé publique. Consacré aux infractions en matière d'éthique biomédicale, son chapitre Ier comporte quatre sections : les trois premières traitent de la protection de l'espèce humaine (art. 511-1), de la protection du corps humain (art. 511-2 à 511-14) et de la protection de l'embryon humain (art. 511-15 à 511-25) ; la dernière rassemble diverses dispositions relatives aux infractions précédemment définies (art. 511-26 à 511-28). Le présent projet de loi modifie ces dispositions : son article 11, qui figure dans le titre II consacré au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, modifie la section relative à la protection du corps humain, tandis que l'article 21, qui fait partie du titre IV du projet de loi, consacré à la procréation et à l'embryologie, modifie et complète les dispositions relatives à la protection de l'espèce humaine et de l'embryon humain. Si le Sénat a adopté l'article 11 dans la rédaction retenue par l'Assemblée nationale en première lecture, il a, en revanche, modifié l'article 21, en y insérant des dispositions instituant une nouvelle incrimination - le crime contre l'espèce humaine - et en modifiant les dispositions relatives aux infractions en matière d'éthique biomédicale, qui figurent dans le livre V du code pénal. I. - Les crimes contre l'espèce humaine : clonage reproductif et eugénisme (art. 21, I) a) L'institution d'une nouvelle infraction _ Afin d'appuyer l'interdiction du clonage reproductif, désormais expressément posé dans l'article 16-4 du code civil (cf. art. 15), l'article 21 du projet de loi initial donnait une nouvelle rédaction à l'article 511-1 du code pénal - qui punit aujourd'hui la mise en œuvre d'une pratique eugénique tendant à l'organisation de la sélection de personnes de vingt ans de réclusion criminelle - afin d'appliquer la même peine le clonage reproductif. Lors de l'examen de ce texte en première lecture, l'Assemblée nationale a modifié la définition de l'incrimination de clonage reproductif par coordination avec la définition retenue à l'article 16-4 du code civil. En outre, afin de décourager toute tentation de « se faire cloner », elle a inséré, sur proposition de son rapporteur, deux nouveaux articles dans le code pénal : - l'article 511-1-1, qui sanctionne de cinq ans d'emprisonnement toute personne qui accepterait de se prêter à un prélèvement de ses cellules ou gamètes dans le but de réaliser le clonage d'un être humain à des fins de reproduction ; - l'article 511-1-2, qui permet de sanctionner une personne ayant commis ce délit alors même qu'il aurait été commis à l'étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement en France, afin d'éviter que des personnes profitent d'une éventuelle disparité entre les législations nationales en matière de clonage reproductif. _ Afin de marquer avec davantage de force le refus de ces pratiques, le Sénat, sur proposition du Gouvernement, a modifié les dispositions pénales relatives au clonage reproductif et aux pratiques eugéniques, en en faisant des « crimes contre l'espèce humaine ». On relèvera que, lors de l'examen de ce projet de loi en première lecture par notre assemblée, M. Jean-François Mattei, alors député, avait présenté un amendement tendant à faire du clonage reproductif un « crime contre l'humanité de l'homme », frappé d'imprescriptibilité. Symboliquement, les crimes d'eugénisme et de clonage reproductif qui figuraient dans le livre V du code pénal, relatif aux « autres crimes et délits », sont désormais inscrits dans le livre II, consacré aux crimes et délits contre les personnes, dans le même titre que les crimes contre l'humanité et avant le titre traitant des atteintes à la personne humaine. Consacré aujourd'hui aux seuls crimes contre l'humanité, le titre Ier du livre II traitera désormais « des crimes contre l'humanité et contre l'espèce humaine » (1° du I de l'art. 21). Il comportera deux subdivisions : le sous-titre Ier, consacré aux crimes contre l'humanité, au sein duquel est maintenue la distinction actuelle entre le génocide et les autres crimes contre l'humanité (2° et 3° du I de l'art. 21) ; le sous-titre II, relatif aux crimes contre l'espèce humaine et comportant deux chapitres respectivement consacrés à la définition de ces infractions (chapitre Ier, intitulé « des crimes d'eugénisme et de clonage reproductif » et rassemblant les articles 214-1 à 214-4) et aux dispositions qui leur sont propres (chapitre II, intitulé « dispositions communes » et regroupant les articles 215-1 à 215-4). _ Votre rapporteure s'est interrogée longuement sur le choix de cette qualification. Bien que punissant l'eugénisme et le clonage reproductif de vingt ans de réclusion criminelle, la solution retenue par l'Assemblée nationale, consistant à placer ces infractions dans le livre V du code pénal (« autres crimes et délits »), n'est sans doute pas à la mesure de la condamnation dont ces pratiques doivent faire l'objet. Et si ce choix pouvait se justifier tant que le clonage reproductif - au cœur des préoccupations du législateur de 2003 - semblait une perspective lointaine, il ne l'est certainement plus depuis l'annonce de la naissance d'un enfant présenté comme étant prétendument le premier être humain obtenu à partir de la technique du clonage. Dès lors, quelle qualification pénale retenir pour sanctionner ce type d'agissements d'une façon adéquate ? En faire un crime contre l'humanité, au même titre que le génocide et les autres crimes définis dans l'article 212-1 du code pénal (47) ? Cette solution ne semble pas adaptée, le critère déterminant de ces infractions étant l'existence d'un plan concerté à l'encontre d'un groupe de personnes, critère qu'on ne retrouve pas dans le clonage reproductif. En outre, l'imprescriptibilité qui caractérise les crimes contre l'humanité est un symbole fort et il ne paraît pas souhaitable de l'appliquer au clonage reproductif, sous peine de porter atteinte à la hiérarchie des valeurs que traduit notre droit pénal. Par ailleurs, le crime contre l'humanité fait l'objet d'une définition internationale, depuis le procès de Nüremberg et il n'appartient pas à la France d'en modifier unilatéralement le périmètre. Seule une convention internationale pourrait, aux yeux de la rapporteure, considérer la sélection génétique collective et le clonage reproductif comme d'autres sortes de crimes contre l'humanité. Une autre solution consisterait à condamner le clonage reproductif et l'eugénisme en tant qu'atteintes à la personne humaine et à les faire figurer dans le titre II du livre II du code pénal. Si elle présente l'avantage de ne pas créer une nouvelle « catégorie » faisant l'objet d'une protection pénale à côté de « l'humanité » et de « la personne », cette solution ne paraît pas totalement satisfaisante. En effet, le clonage reproductif et l'eugénisme ne sont pas réductibles à une seule atteinte à la personne, mais présentent un caractère « anthropotechnique » qui fait véritablement leur spécificité. Au total, la qualification de crime contre l'espèce humaine paraît donc particulièrement adaptée à la nature des agissements incriminés, qui s'attaquent à tout ce qui fait l'humain, le caractère sexué de sa reproduction comme le hasard de l'hérédité. Le choix de cette qualification reprend la logique de l'article 16-4 du code civil, qui interdit les pratiques eugéniques tendant à l'organisation de la sélection des personnes et, désormais, le clonage reproductif (cf. art. 15), en tant qu'ils portent atteinte à l'intégrité de l'espèce humaine. En outre, la solennité ainsi conférée à la condamnation de ces pratiques permet de souligner leur caractère transgressif mais également d'ouvrir la voie à une condamnation internationale du clonage reproductif, dont l'article 15 bis du projet de loi (48) souligne la nécessité. D'une sévérité exemplaire, ce dispositif pénal aura-t-il des conséquences sur le statut de l'enfant né d'un clonage reproductif ? Cette technique étant désormais un crime contre l'espèce humaine, le risque n'existe-t-il pas de faire peser sur cette personne le poids d'une stigmatisation excessive ? Après examen, votre rapporteure a cependant écarté ces objections : la monstruosité de la technique à l'origine de la naissance ne saurait, en effet, priver l'enfant de la dignité qui doit naturellement lui être reconnue en tant que personne ; et l'on peut, sous certains aspects, rapprocher la situation de cet enfant - à qui sera reconnu le droit d'ester en justice contre les auteurs du clonage (cf. art. 215-4 du code pénal) - de celle de l'enfant né d'un viol incestueux ou de celle de l'enfant d'un criminel contre l'humanité, qui ont tous deux fait leur vie malgré les stigmates de leur passé. b) Les infractions constitutives d'un crime contre l'espèce humaine Aux termes de la rédaction retenue par le Sénat, le sous-titre II du titre I du livre II du code pénal, consacré aux crimes contre l'espèce humaine, comporte un premier chapitre, intitulé « Des crimes d'eugénisme et de clonage reproductif » et rassemblant quatre articles nouveaux : les articles 214-1 à 214-4 du code pénal. Article 214-1 du code pénal Cet article érige en crime contre l'espèce humaine l'incrimination de mise en œuvre de pratiques eugéniques tendant à l'organisation de la sélection des personnes, qui figure actuellement sous l'article 511-1 du code pénal. Par rapport au droit existant et à la rédaction retenue par l'Assemblée nationale, le Sénat, sur proposition de Mme Nicole Borvo, a porté de vingt à trente ans la durée de la réclusion criminelle encourue et introduit, sur amendement du Gouvernement, une peine d'amende de 7,5 millions d'euros d'amende. On relèvera que ces peines sont identiques à celles encourues en cas de commission du crime de clonage reproductif (cf. art. 214-2 du code pénal). La définition de l'infraction est identique à celle retenue dans l'actuel article 511-1 du code pénal : l'incrimination ne concerne donc que « la pratique », c'est-à-dire les applications de la science eugénique ; elle suppose que soit établie l'intention, qui consiste à tenter d'organiser la sélection des personnes et ne prend pas en compte la qualité des auteurs de l'infraction, les personnes morales pouvant voir leur responsabilité pénale engagée, conformément au nouvel article 215-3 du code pénal et comme le prévoyait déjà l'article 511-28 du code pénal. Article 214-2 du code pénal Cet article institue le crime de clonage reproductif. Défini comme « le fait de procéder à une intervention ayant pour but de faire naître un enfant génétiquement identique à une autre personne vivante ou décédée », il est puni de trente ans de réclusion criminelle et de 7,5 millions d'euros d'amende, soit les mêmes peines que celles applicables en cas de crime d'eugénisme. Par rapport à la rédaction retenue par l'Assemblée nationale, on relèvera, outre la qualification du clonage comme crime contre l'espèce humaine : la modification de la définition du clonage reproductif par coordination avec la définition inscrite dans le code civil (cf. art. 15) ; l'introduction d'une peine d'amende très élevée - 7,5 millions d'euros - identique, par exemple, à celle encourue en matière de trafic de stupéfiants (art. 222-34 et suivants du code pénal), le ministre ayant souligné l'intérêt de ce type de sanction en rappelant qu'« au cœur des organisations sectaires, notamment, figure avant tout une préoccupation commerciale » (49); l'augmentation de vingt à trente ans de la durée de la réclusion criminelle, sur proposition de Mme Nicole Borvo, la durée de réclusion ainsi prévue se plaçant dans l'échelle des peines immédiatement en dessous de la réclusion criminelle à perpétuité (art. 131-1 du code pénal). Comme l'Assemblée nationale, le Sénat a donné une qualification criminelle à l'infraction. A ce titre, l'infraction sera punissable même si elle a été commise par un Français hors du territoire de la République (art. 113-6 du code pénal), la tentative sera toujours punissable (art. 121-4 du code pénal) et la complicité incriminée (art. 121-6 et 121-7 du code pénal). A ce titre, pourra ainsi être punie comme auteur de l'infraction la personne qui, par aide ou assistance, aura facilité la préparation ou la consommation du crime (investisseurs, chercheurs, personnes mettant à disposition des locaux, etc.), ainsi que celle qui, par don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir, aura provoqué le crime ou donné des instructions pour le commettre. Cette dernière forme de complicité peut se révéler particulièrement utile pour sanctionner des mouvements sectaires impliqués dans des entreprises de clonage reproductif, la responsabilité du « gourou » pouvant être engagée sur ce fondement. De même, la menace de commettre cette infraction, le fait de ne pas s'opposer à sa commission ou encore de ne pas le dénoncer sera répréhensible, dans les conditions prévues aux articles 222-17, 223-6 et 434-1 du code pénal. S'agissant de l'auteur du crime, on relèvera qu'il s'agira aussi bien d'une personne physique (biologiste, médecin) que morale, le projet de loi introduisant dans le code pénal un article 215-3 permettant de déclarer les personnes morales pénalement responsables des crimes contre l'espèce humaine. En revanche, ne seront pas incriminées les personnes qui, ignorant le but recherché - le clonage d'un être humain à de fins de reproduction - suivraient la grossesse ou mettraient l'enfant au monde. En effet, comme le notait M. Alain Claeys dans son rapport sur le présent projet de loi, « on ne peut exclure l'hypothèse d'une femme qui serait enceinte, à la suite de l'implantation d'un embryon issu d'un clonage ou d'une parthénogenèse réussie à l'étranger, dans un pays qui ne prohibe pas ces techniques, et qui accoucherait en France ». Dans ce cas, il n'est évidemment pas souhaitable qu'ils puissent être poursuivis alors qu'ils ignoreraient les origines de la conception de l'enfant. Article 214-3 du code pénal Cet article aggrave les infractions criminelles précédemment définies lorsqu'elles sont commises en bande organisée : elles sont alors punies de la réclusion criminelle à perpétuité et de 7,5 millions d'euros d'amende Aux termes de l'article 132-71 du code pénal, « constitue une bande organisée [...] tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou plusieurs infractions ». Le choix de cette circonstance aggravante est particulièrement pertinent compte tenu de l'organisation collective qu'implique la mise en œuvre d'un clonage reproductif (financeurs, organisateurs, fournisseurs de cellules et d'ovocytes, porteuses d'embryons clonés,...). En outre, conformément au deuxième alinéa de ce nouvel article 214-3 du code pénal, et comme pour les crimes contre l'humanité, une période de sûreté, durant laquelle le condamné ne peut bénéficier d'aucune mesure de faveur, est prévue de plein droit : sauf indication contraire dans la décision de condamnation, elle est égale à la moitié de la peine ou à dix-huit ans su la réclusion perpétuelle a été prononcée. Conformément au deuxième alinéa de l'article 132-23 du code pénal auquel il est ici expressément renvoyé, la juridiction peut réduire cette peine - voire la supprimer - ou, à l'inverse, l'augmenter jusqu'aux deux tiers de la peine ou, en cas de condamnation à la réclusion perpétuelle, à vingt-deux ans. Article 214-4 du code pénal Destiné à dissuader toute tentative de clonage reproductif ou de pratiques eugéniques tendant à l'organisation de la sélection de personnes, cet article sanctionne, en tant qu'infraction autonome, la participation à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation de l'une de ces deux infractions. Cette infraction est punie des mêmes peines que la commission des crimes d'eugénisme et de clonage reproductif en bande organisée et obéit à un régime similaire s'agissant de la période de sûreté (cf. art. 214-3 du code pénal). Cette disposition est particulièrement importante : à défaut, la participation à une association de malfaiteurs en vue de préparer un crime d'eugénisme ou de clonage reproductif aurait été punie de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende, conformément à l'article 450-1 du code pénal. c) Le régime des crimes contre l'espèce humaine À l'ensemble des infractions criminelles ainsi définies seront appliquées les dispositions communes prévues par les articles 215-1 à 215-4, rassemblées dans le chapitre II du sous-titre II consacré aux crimes contre l'espèce humaine. Article 215-1 du code pénal Cet article précise les peines complémentaires encourues par les personnes physiques s'étant rendues coupables des infractions prévues aux articles 214-1 à 214-4 du code pénal. Par rapport aux peines complémentaires actuellement encourues par une personne physique qui se rendrait coupable du crime de pratiques eugéniques (art. 511-1 du code pénal), telles qu'elles sont définies à l'article 511-27 du code pénal, les peines sont considérablement alourdies (50) ; touchant le patrimoine des personnes condamnées, elles se rapprochent des peines complémentaires encourues en cas de crime contre l'humanité (art. 213-1 du code pénal) : - interdiction des droits civiques, civils et de famille (51), pour une durée maximale de cinq ans ; - interdiction, définitive ou pour une durée maximale de cinq ans, d'exercer une fonction publique ; - interdiction de séjour (52) pour une durée maximale de dix ans ; - confiscation de tout ou partie des biens des personnes condamnées, meubles ou immeubles, divis ou indivis, cette forme de confiscation ne sanctionnant dans notre droit que des infractions d'une exceptionnelle gravité, telles que les crimes contre l'humanité et la référence à la nature des biens et à leur caractère divis ou indivis étant directement inspirée des dispositions relatives au trafic de stupéfiants (art. 222-49 du code pénal) ; - confiscation du matériel qui a servi à commettre l'infraction, si la personne condamnée n'est pas propriétaire du matériel. Article 215-2 du code pénal Cet article ouvre la possibilité de prononcer une peine complémentaire d'interdiction du territoire français à l'encontre de tout étranger s'étant rendu coupable d'un crime contre l'espèce humaine. Selon l'article 131-30 du code pénal, qui en donne une définition générale et rappelle qu'elle ne peut être prononcée que lorsqu'elle est prévue par la loi, l'interdiction du territoire français entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant à l'expiration de sa peine privative de liberté. Conformément aux dispositions générales de l'article 131-30 du code pénal, le nouvel article 215-2 du code pénal précise que cette interdiction peut être définitive ou prononcée pour une durée de dix ans au plus. Alors que l'article 131-10 du code pénal prévoit que le prononcé de cette peine doit faire l'objet d'une motivation spéciale lorsqu'elle est infligée à un étranger se trouvant dans une situation manifestant l'existence d'un rattachement particulier avec la France, le deuxième alinéa du nouvel article 215-2 du code pénal écarte cette obligation de motivation spéciale lorsque l'étranger s'est rendu coupable d'un crime contre l'espèce humaine. Prévue en général pour des crimes et délits d'une particulière gravité (crimes contre l'humanité ; atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation ; terrorisme ; fausse monnaie...), cette dérogation marque une nouvelle fois le souci de sanctionner très lourdement les personnes ayant commis un crime contre l'espèce humaine. Article 215-3 du code pénal A l'instar de l'actuel article 511-28 du code pénal pour les infractions en matière d'éthique biomédicale, cet article précise que les personnes morales peuvent se voir imputer ces infractions criminelles aux conditions générales posées par l'article 121-2 du code pénal, c'est-à-dire dès lors que les infractions ont été commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants. Les peines encourues peuvent, tout d'abord, consister en une amende égale au quintuple de ce qui est prévu pour les personnes physiques, soit un maximum de 37,5 millions d'euros. Sont également susceptibles d'être encourues les peines prévues à l'article 131-39 du code pénal : la dissolution lorsque la personne morale a été créée ou détournée de son objet pour commettre les faits incriminés ; l'interdiction, à titre définitif ou pour cinq ans, d'exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales ; le placement pour cinq ans au plus sous surveillance judiciaire ; la fermeture définitive ou pour cinq ans des établissements ou de l'un ou de plusieurs des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ; l'exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour cinq ans ; l'interdiction de faire appel public à l'épargne à titre définitif ou pour cinq ans ; l'interdiction pour cinq ans d'émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés, ou d'utiliser des cartes de paiement ; la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit ; l'affichage de la décision prononcée ou la diffusion de celle-ci, soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication audiovisuelle. Enfin, une personne morale pénalement responsable de ces infractions encourt également la confiscation de tout ou partie de ses biens, meubles ou immeubles, divis ou indivis. Article 215-4 du code pénal Cet article fixe à trente ans le délai à l'expiration duquel des poursuites ne peuvent plus être engagées à l'encontre de l'auteur des faits. Les crimes contre l'humanité demeurent donc les seuls crimes imprescriptibles, cette règle s'appliquant tant à l'action publique qu'aux peines (art. 213-5 du code pénal). En revanche, le délai de prescription de l'action publique en cas de crime contre l'espèce humaine est trois fois supérieur à celui applicable en matière de crime (art. 7 du code de procédure pénale) et identique à celui applicable à une infraction criminelle en matière de terrorisme (art. 706-25-1 du code de procédure pénale) ou de trafic de stupéfiants (art. 706-31 du code de procédure pénale). Le choix de ce régime de prescription se justifie par le caractère occulte que peuvent revêtir les pratiques incriminées et par la complexité d'affaires susceptibles d'impliquer de multiples acteurs et de présenter un caractère international.
Si le délai de prescription court généralement à compter de la commission des faits ou du dernier acte d'instruction ou de poursuite effectué, le second alinéa du nouvel article 215-4 du code pénal prévoit une règle de computation des délais spécifique en cas de commission de crime de clonage reproductif. Lorsque le clonage a conduit à la naissance d'un enfant, le point de départ du délai de prescription de l'action publique est repoussé à l'âge de la majorité de l'enfant né par clonage. On relèvera qu'une disposition du même ordre figure dans le dernier alinéa de l'article 7 du code de procédure pénale (53). En matière de clonage reproductif, cette règle spécifique de computation des délais se justifie : outre le fait que l'enfant né de cette technique peut fort bien être tenu dans l'ignorance de ses origines durant de nombreuses années, elle permettra de préserver ses droits à agir jusqu'à ce qu'il ait sa pleine capacité de discernement. On notera que cette disposition relative à la computation des délais de prescription de l'action publique en matière de clonage reproductif implique que l'enfant, le clone, soit considéré comme la victime et puisse donc se constituer partie civile. S'agissant de la mise en mouvement de l'action publique, on relèvera que la nature même de l'infraction invite à penser qu'il reviendra par principe au parquet de déclencher les poursuites. Quant aux personnes susceptibles de se constituer partie civile, elles devront justifier d'un préjudice direct et personnel, ce qui pourrait, par exemple, être le cas de la personne dont l'identité génétique aurait été reproduite à son insu. A la lumière de l'actualité récente, il pourrait également être souhaitable d'ouvrir aux associations de lutte contre les sectes la possibilité d'exercer les droits reconnus à la partie civile. Ce droit ne pouvant s'exprimer que pour des infractions limitativement énumérées, votre rapporteure a proposé à la Commission de modifier l'article 2-17 du code de procédure pénale, afin d'inclure dans cette liste les infractions contre l'espèce humaine (cf. article additionnel après l'article 21 bis B). On relèvera que, contrairement aux dispositions relatives aux crimes contre l'humanité, il n'est pas fait mention du délai de prescription des peines, qui court à compter du jour où la condamnation est devenue définitive et qui, une fois écoulé, laisse subsister la condamnation mais empêche de ramener la peine à exécution (art. 133-1 du code pénal). A défaut de précision contraire, le délai de prescription des peines applicable aux crimes contre l'espèce humaine sera celui prévu en matière criminelle, à savoir vingt ans. La Commission a adopté un amendement de la rapporteure pour avis, tendant à prévoir un délai de trente ans pour la prescription des peines prononcées en matière de crime contre l'espèce humaine (amendement n° 7). II. - Les délits en matière d'éthique biomédicale (art. 21, II) L'article 21 du projet de loi initial avait pour objet de définir de nouvelles sanctions pénales ou de compléter certaines dispositions du chapitre Ier du titre Ier du livre V du code pénal, consacré aux « infractions en matière d'éthique biomédicale ». Compte tenu de l'insertion par le Sénat des dispositions relatives aux crimes contre l'espèce humaine, ces modifications et ajouts sont désormais rassemblés dans le paragraphe II de l'article 21 du présent projet de loi. Le crime d'eugénisme figurant désormais dans le livre II du code pénal, les sections du chapitre Ier du titre Ier du livre V du code pénal consacrées à la protection de l'espèce humaine et de l'embryon ne comportent désormais que des infractions délictuelles. Outre les dispositions relatives au délit de clientélisme en matière de clonage reproductif, les dispositions du II de l'article 21 concernent des délits qui sanctionnent le non-respect de règles posées dans le code de la santé publique en matière d'embryologie et d'assistance médicale à la procréation. Articles 511-1 et 511-1-1 du code pénal Ces deux articles procèdent du souci de dissuader toute candidature au clonage d'êtres humains, en instituant un délit de clientélisme en la matière et en prévoyant l'application de la loi française lorsqu'il est commis à l'étranger par un Français ou une personne résidant habituellement en France. Ils reprennent largement des dispositions opportunément introduites par l'Assemblée nationale en première lecture. _ Le 1° du II de l'article 21 du projet de loi donne une nouvelle rédaction à l'article 511-1 du code pénal, qui sanctionne aujourd'hui de vingt ans de réclusion criminelle les pratiques eugéniques tendant à l'organisation et à la sélection des personnes. Sur proposition du Gouvernement, le Sénat a fait de cette infraction un crime contre l'espèce humaine, au même titre que le clonage reproductif et fait figurer sous l'article 511-1 du code pénal le délit de clientélisme en matière de clonage reproductif, introduit par l'Assemblée nationale sur proposition de son rapporteur et qui figurait dans un nouvel article 511-1-1 (54). Toutefois, le Sénat a modifié la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale sur deux points : - d'une part, cette infraction conserve un caractère délictuel mais les sanctions sont alourdies, les peines encourues aux termes de la rédaction retenue par le Sénat étant portées à dix ans d'emprisonnement - soit la peine maximale en matière délictuelle - et 150 000 € d'amende, au lieu d'une peine de cinq ans d'emprisonnement dans le texte voté par l'Assemblée nationale ; - d'autre part, la définition de l'infraction est modifiée par coordination avec la modification de la définition du clonage reproductif (cf. art. 15). Aux termes du présent article, est donc pénalement sanctionné « le fait, pour quiconque, de se prêter à un prélèvement de cellules ou de gamètes, dans le but de faire naître un enfant génétiquement identique à toute autre personnes, vivante ou décédée ». Compte tenu de la nature de l'infraction, celle-ci ne concerne que les personnes physiques, celles qui souhaiteraient être clonées à partir d'une de leurs cellules somatiques, comme les femmes qui, sciemment, fourniraient les ovocytes nécessaires à la réalisation du clonage reproductif. Il s'agit ici de sanctionner les personnes qui pourraient être tentées par l'aventure du clonage reproductif, par exemple pour pallier le décès d'un être cher ou remédier à la stérilité de leur couple, sans les faire incriminer pour complicité de crime contre l'espèce humaine, ce qui les exposerait à des sanctions criminelles. En tout état de cause, il convient de souligner que c'est aux juridictions qu'il reviendra de déterminer si ces personnes physiques, en raison des modalités de leur implication dans l'acte de clonage reproductif, doivent être incriminées en tant que clients, et donc passibles d'une sanction délictuelle, ou en tant que complices et donc s'exposer à des sanctions criminelles. La Commission a adopté deux amendements rédactionnels de la rapporteure pour avis (amendements nos 8 et 9). _ Afin de renforcer le caractère dissuasif du délit de clientélisme en matière de clonage reproductif et d'éviter que des particuliers ne contournent l'interdiction de se prêter à un prélèvement de cellules ou de gamètes en jouant d'éventuelles disparités de sanction de ces agissements entre les pays, l'article 511-1-1 introduit dans le code pénal par le Sénat, sur amendement du Gouvernement (1er bis du II de l'article 21 du projet de loi), tend à assurer la répression de ce délit lorsqu'il est commis à l'étranger par un Français ou une personne résidant habituellement en France. En effet, en l'absence de précision contraire du législateur, l'article 511-1 du code pénal ne serait applicable au délit commis par un Français hors du territoire de la République, que « si les faits sont punis par la législation du pays où ils ont été commis », conformément au principe dit « de la double incrimination », prévu à l'article 113-6 du code pénal. En outre, conformément à l'article 113-8 du code pénal, la poursuite de ce délit serait subordonnée à la requête du ministère public et à une plainte de la victime ou une dénonciation officielle par l'autorité du pays où le fait a été commis. Sous réserve d'une renumérotation de l'article et de la rectification d'une erreur matérielle, ce nouvel article 511-1-1 du code pénal reprend les dispositions introduites par l'Assemblée nationale en première lecture, sur amendement de son rapporteur, sous l'article 511-1-2 du code pénal. S'inspirant du dernier alinéa de l'article 222-22 du code pénal qui étend l'application de la loi pénale française aux agressions sexuelles commises à l'étranger contre un mineur par un Français ou une personne résidant habituellement en France(55), le nouvel article 511-1-1 rend la loi pénale française applicable à tout délit de clientélisme en matière de clonage reproductif commis à l'étranger par un Français ou une personne résidant habituellement sur le territoire français : - même si les faits ne sont pas punis par la législation du pays où il a été commis, par dérogation au deuxième alinéa de l'article 113-6 du code pénal ; - et sans exiger, préalablement à l'engagement des poursuites par le parquet, une plainte de la victime ou une dénonciation officielle des faits par les autorités du pays, les dispositions de l'article 113-8 du code pénal n'étant pas applicables. Article 511-16 du code pénal Les articles L. 2141-4 et L. 2141-5 du code de la santé publique étant renumérotés par le présent projet de loi (2° du I de l'art.18 du projet de loi), le 2° du II de l'article 21 du projet de loi modifie en conséquence les références qui y sont faites dans l'article 511-16 du code pénal. On rappellera que celui-ci punit de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende le fait d'obtenir un embryon humain sans respecter les conditions posées par le code de la santé publique pour l'accueil d'un embryon par un autre couple, accueil qui évite l'arrêt de la conservation des embryons qui n'ont pu répondre au projet parental initial. Articles 511-17, 511-18, 511-18-1, 511-19, 519-1, 511-19-2, 511-22, Ces dispositions sanctionnent le non-respect de dispositions figurant dans le code de la santé publique, sur le fond desquelles il n'appartient pas à la Commission de se prononcer. On relèvera que l'article 511-28 du code pénal prévoit que pour l'ensemble des infractions en matière d'éthique biomédicale, les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dès lors que les infractions ont été commises pour leur compte par leurs organes ou représentants. _ L'article 511-17 du code pénal punit de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende la conception in vitro d'embryons à des fins industrielles ou commerciales ainsi que leur utilisation à ces mêmes fins. Sur proposition du Gouvernement, le Sénat a modifié cet article afin d'étendre ces sanctions au fait de constituer des embryons humains par clonage, à des fins industrielles ou commerciales (2° bis du II de l'article 21 du projet de loi). Il sanctionne ainsi le non-respect de l'article L. 2151-2-1 du code de la santé publique, introduit par le Sénat sur amendement du Gouvernement (art. 19 du projet de loi). _ L'article 511-18 du code pénal punit de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende le fait de procéder à la conception in vitro d'embryons humains à des fins de recherche. Le 2° ter du II de l'article 21 du projet de loi, inséré par le Sénat sur amendement du Gouvernement, le modifie afin de sanctionner également la constitution par clonage d'embryons humains à des fins de recherche. Il sanctionne ainsi le non-respect de l'article L. 2151-2 du code de la santé publique, introduit par le Sénat sur amendement du Gouvernement (art. 19 du projet de loi). _ Inséré par le Sénat sur proposition du Gouvernement, le 2° quater du II de l'article 21 du projet de loi introduit un article 511-18-1 dans le code pénal, punissant de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende le clonage d'embryons humains à des fins thérapeutiques. Il sanctionne ainsi le non-respect de l'interdiction explicite de constituer par clonage un embryon humain à des fins thérapeutiques, introduit par le Sénat dans le code de la santé publique sous l'article L. 2151-2-2 (art. 19, II du projet de loi). Tel que modifié par le Sénat, le projet de loi interdit donc clonages reproductif et thérapeutique mais selon des modalités différentes : seule l'interdiction du clonage reproductif figure dans le code civil, l'interdiction du clonage thérapeutique étant inscrite dans le code de la santé publique ; les sanctions encourues sont différentes, de nature criminelle et d'une particulière gravité en cas de clonage reproductif, seulement délictuelles en cas de clonage thérapeutique. _ L'article 511-19 actuel du code pénal punit de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende le fait de procéder à une étude ou une expérimentation sur un embryon humain en violation des conditions fixées par le code de la santé publique aux articles L. 2141-8 et L. 2141-11. Afin de tenir compte du nouveau dispositif autorisant sous certaines conditions la recherche sur l'embryon, prévu à l'article L. 2151-3 du code de la santé publique (art. 18 du projet de loi), le 3° du II de l'article 21 du projet de loi donne une nouvelle rédaction à l'article 511-19 du code pénal. Aux termes de cette nouvelle rédaction est puni des mêmes peines que celles actuellement prévues dans cet article, le fait de procéder à cette recherche : - sans avoir obtenu l'autorisation exigée pour cette recherche ainsi que le consentement écrit des parents ou alors que l'autorisation est retirée ou suspendue ; - sans se conformer aux prescriptions législatives ou réglementaires ainsi qu'à celle de l'autorisation. On rappellera que l'article L. 2151-3 du code de la santé publique, dans la rédaction que lui a donnée le Sénat, n'autorise la recherche sur les embryons que dans les conditions suivantes : les recherches sont autorisées pour une durée de cinq ans à compter de la publication du décret d'application ; elles doivent être « susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs » et ne doivent pas « pouvoir être poursuivies par une méthode alternative d'efficacité comparable, en l'état des connaissances scientifiques » ; elles ne peuvent être conduites que « sur les embryons conçus in vitro dans la cadre d'une assistance médicale à la procréation qui ne font plus l'objet d'un projet parental » ; le consentement préalable du couple dont ils sont issus, ou du membre survivant du couple, doit être recueilli par écrit et est révocable à tout moment et sans motif ; la recherche n'est ensuite effectuée qu'après un délai de réflexion de trois mois ; les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation ; le protocole de recherche doit avoir été autorisé par l'Agence de la biomédecine, les critères présidant à l'octroi de cette autorisation étant précisés dans l'avant-dernier alinéa de l'article L. 2151-3 du code de la santé publique, l'avis du Conseil d'orientation médical et scientifique étant requis et les ministres de la santé et de la recherche pouvant interdire ou suspendre la réalisation de ce protocole « lorsque la pertinence scientifique n'est pas établie ou lorsque le respect des principes éthiques n'est pas assuré ». Sur proposition de son rapporteur, le Sénat a précisé que le délit institué dans cet article concerne non seulement les recherches mais également les études faites sur l'embryon qui sont aujourd'hui visées par l'article 511-19 du code pénal (56). La Commission a adopté un amendement de la rapporteure pour avis, tendant à sanctionner le fait de procéder à une recherche sur l'embryon humain alors que le consentement du couple dont est issu l'embryon serait révoqué (amendement n° 10). _ Le 4° du II de l'article 21 du projet de loi tend à introduire un nouvel article 511-19-1 dans le code pénal afin de punir le non-respect des conditions posées par l'article L. 1241-5 du code de la santé publique (art. 20 du projet de loi) en matière de prélèvement et utilisation de cellules ou de tissus embryonnaires ou fœtaux issus d'interruptions de grossesse. Sanctionnant initialement le défaut et l'inadéquation de l'information apportée à la femme qui subit l'interruption de grossesse, le fait de procéder au prélèvement malgré l'opposition de la femme, l'absence de transmission des protocoles à l'APEGH (57), le détournement de la finalité du prélèvement, le non-respect de l'interdiction de prélèvement sur une femme mineure ou faisant l'objet d'une protection légale, cet article a été complété par l'Assemblée nationale afin de permettre également de sanctionner le fait de procéder à ces prélèvements alors que le ministre de la recherche aurait interdit ou suspendu la réalisation du protocole. Pour sa part, le Sénat a ramené les peines encourues dans ces hypothèses de quatre à deux ans d'emprisonnement et de 60 000 € à 30 000 € d'amende, rétablissant en cela la rédaction initiale du projet de loi. Lors de la présentation de cet amendement, le rapporteur de la commission des Affaires sociales a estimé que les peines prévues par l'Assemblée nationale étaient excessives compte tenu de la nature du délit et rappelé que, en tout état de cause, elles n'étaient pas conformes à l'échelle des peines fixées par l'article 131-4 du code pénal en matière délictuelle. _ Sur proposition du Gouvernement, le Sénat a introduit un article 511-19-2 dans le code pénal (4° bis du II de l'art. 21 du projet de loi) afin de punir de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende le fait de ne pas respecter les prescriptions de l'article L. 2151-3-2 du code de la santé publique, introduit par le Sénat en première lecture, en matière de conservation et de cession des cellules souches embryonnaires (art. 19 du projet de loi). _ L'article 511-22 du code pénal est modifié par le 5° du II de l'article 21 afin de modifier une référence compte tenu de la nouvelle codification du code de la santé publique et de sanctionner le fait de procéder à des activités d'assistance médicale à la procréation, non seulement sans avoir recueilli l'autorisation exigée - ce que sanctionne l'actuel article 511-22 - mais également sans respecter les prescriptions de cette autorisation. Les peines encourues demeurent fixées à deux ans d'emprisonnement et 30 000 € d'amende. _ L'article 511-23 du code pénal sanctionne la divulgation d'une information permettant l'identification du couple qui renonce à l'embryon et du couple qui l'accueille. Ce délit figurant désormais dans l'article 511-25 du code pénal, le 6° du II de l'article 21 du projet de loi donne une nouvelle rédaction à cet article. Aux termes de celle-ci, est désormais puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende le fait d'introduire des embryons humains ou de les sortir du territoire couvert par le code de la santé publique sans l'autorisation requise pour procéder à ces opérations en application de l'article L. 2141-9 du code de la santé publique. Le Sénat n'a pas modifié cette rédaction sous réserve d'une coordination, afin de viser l'Agence de la biomédecine et non plus le ministère chargé de la santé auquel il a souhaité donner compétence pour délivrer cette autorisation (cf. art. 18 du projet de loi). _ L'article 511-25 du code pénal punit de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende le fait de procéder à un transfert d'embryon vers un autre couple, sans avoir pris connaissance des tests de dépistage des maladies infectieuses, contrairement aux dispositions de sécurité sanitaire prévues dans le code de la santé publique (art. L. 2141-5). Le 7° du II de l'article 21 du projet donne une nouvelle rédaction à cet article afin de sanctionner le non-respect des différentes conditions posées dans l'article L. 2141-5 (renuméroté L. 2141-6 par le projet de loi et complété par le 5° de l'article 18 du projet de loi). L'article 511-25 du code pénal punit ainsi de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende non plus seulement le fait de ne pas avoir pris connaissance des tests de dépistage de maladies infectieuses, mais aussi le fait de ne pas s'être assuré de l'obtention de la décision judiciaire nécessaire pour procéder au transfert, d'avoir divulguer une information nominative permettant l'identification du couple donneur et du couple accueillant (le non-respect de l'anonymat est actuellement sanctionné dans l'article 511-23 du code pénal) ou encore, de n'avoir pas mis en œuvre de la procédure d'accueil de l'embryon par un établissement public ou privé à but non lucratif autorisé à cet effet, comme le prévoit désormais l'article L. 2141-6 tel qu'il résulte du 5° de l'article 18 du projet de loi. Article 511-26 du code pénal La tentative de commission d'un délit n'étant punie des mêmes peines que celui-ci que si la loi le prévoit expressément (art. 121-4 du code pénal), l'article 511-26 du code pénal énumère les délits en matière d'éthique médicale pour lesquels la tentative est punie des mêmes peines. Le 7° du II de l'article 21 modifie cette énumération pour y faire mention des articles 511-16 et 511-19 du code pénal, qui sanctionnent respectivement le fait d'obtenir un embryon humain sans respecter les conditions posées par le code de la santé publique pour l'accueil d'un embryon par un autre couple et de ne pas respecter les conditions posées par le code de la santé publique en matière de recherche sur les embryons. La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 21 ainsi modifié. Article 21 bis A L'actualité récente étant venue montrer l'apologie du clonage reproductif qui peut être faite par certains mouvements sectaires, le présent article, issu d'un amendement de M. Nicolas About, président de la commission des Affaires sociales, introduit un article 511-1-2 dans le code pénal, sanctionnant les délits de provocation au clonage et de propagande ou publicité en faveur du clonage reproductif et de l'eugénisme. Il s'insèrera donc dans la section du code pénal, consacrée à la protection de l'espèce humaine, après les articles 511-1 et 511-1-1, relatifs au délit de clientélisme en matière de clonage reproductif (cf. art. 21). Aux termes du premier alinéa de cet article, est donc puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende le fait de provoquer autrui à commettre le délit prévu à l'article 511-1 du code pénal, c'est-à-dire le délit de clientélisme en matière de clonage reproductif. Conformément à l'article 511-28 du code pénal, les personnes morales pourront être déclarées pénalement responsables de cette infraction. On relèvera que la provocation est sanctionnée ici indépendamment de son résultat et sera sanctionnée si elle est caractérisée par l'un des agissements suivants : don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir. Le deuxième alinéa de cet article punit des mêmes peines la propagande ou la publicité, quel qu'en soit le mode, en faveur de l'eugénisme ou du clonage reproductif, étant précisé que les notions de propagande et de publicité supposent qu'il soit fait éloge de ces techniques. En outre, on relèvera que les délits définis dans le présent article font partie des infractions pour la condamnation répétée desquelles un groupement sectaire peut faire l'objet d'une procédure judiciaire de dissolution (cf. art. 21 bis B). La Commission a adopté un amendement rédactionnel de la rapporteure pour avis (amendement n° 11). Puis la Commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 21 bis A ainsi modifié. Article 21 bis B Le présent article, introduit à l'initiative de M. Nicolas About, modifie l'article 1er de la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales. On rappellera que cet article prévoit une procédure judiciaire de dissolution civile des groupements à caractère sectaire lorsqu'ont été prononcées contre la personne morale elle-même ou ses dirigeants de droit ou de fait, des condamnations pénales pour certaines infractions limitativement énumérées. Le présent article tend donc à inclure dans cette liste les infractions contre l'espèce humaine suivantes : crimes d'eugénisme ; crime de clonage reproductif ; crime d'association de malfaiteur en vue de préparer les crimes d'eugénisme ou de clonage reproductif (art. 214-1 à 214-4 du code pénal, cf. art. 21) ; délit de provocation au clonage reproductif et délit de propagande ou de publicité en faveur de l'eugénisme ou du clonage reproductif (art. 511-1-2 du code pénal, cf. art. 21 bis A [nouveau]). La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 21 bis B sans modification. Article additionnel après l'article 21 bis B La Commission a adopté un amendement de la rapporteure pour avis, tendant à ouvrir aux associations de lutte contre les sectes la possibilité d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions contre l'espèce humaine (amendement n° 12). * * * En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République a émis un avis favorable à l'adoption des articles du projet de loi relatif à la bioéthique (n° 593) dont elle est saisie, modifiés par les amendements figurant ci-après. AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION Article 3 Amendements nos 1, 2 et 3 de la Commission : · Compléter le dernier alinéa du 3° du I de cet article par la phrase suivante : « Il est révocable sans forme et à tout moment. » · Compléter cet article par le paragraphe suivant : « IV. - L'article 223-8 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Les dispositions du présent article ne sont pas applicables à l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne ou à son identification par ses empreintes génétiques effectués à des fins de recherche scientifique. » · Compléter cet article par le paragraphe suivant : « V. - L'article 226-27 du code pénal est ainsi rédigé : « Art. 226-27.- Le fait de procéder à l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques à des fins médicales ou de recherche scientifique sans avoir recueilli son consentement dans les conditions prévues par l'article 16-11 du code civil, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. » Article 12 bis Amendement n° 4 de la Commission : Rédiger ainsi les I et II de cet article : « I. - L'article L. 611-17 est ainsi rédigé : « Art. L. 611-17.- Ne sont pas brevetables les inventions dont l'exploitation commerciale serait contraire à la dignité de la personne humaine, à l'ordre public ou aux bonnes mœurs, cette contrariété ne pouvant résulter du seul fait que cette exploitation est interdite par une disposition législative ou réglementaire. « II. - Après l'article L. 611-17, sont insérés trois articles L. 611-18, L. 611-19 et L. 611-20 ainsi rédigés : « Art. L. 611-18. - Le corps humain, aux différents stades de sa constitution et de son développement, ainsi que la simple découverte d'un de ses éléments, y compris la séquence ou la séquence partielle d'un gène, ne peuvent constituer des inventions brevetables. « La protection par brevet d'une invention constituant l'application technique d'une fonction d'un élément du corps humain ne couvre cet élément qu'en tant qu'il permet cette application particulière, qui doit être concrètement et précisément exposée dans la demande de brevet. « Ne sont notamment pas brevetables : « a) Les procédés de clonage des êtres humains ; « b) les procédés de modification de l'identité génétique de l'être humain ; « c) les utilisations d'embryons humains à des fins industrielles ou commerciales ; « d) les séquences totales ou partielles d'un gène prises en tant que telles. » « Art. L. 611-19. - Les races animales ainsi que les procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux ou d'animaux ne sont pas brevetables. « Cette disposition ne s'applique pas aux procédés microbiologiques et aux produits obtenus par ces procédés. « Art. L. 611-20. - Les obtentions végétales d'un genre ou d'une espèce bénéficiant du régime de protection institué par les dispositions du chapitre III du titre II du présent livre relatives aux obtentions végétales ne sont pas brevetables. » Article 12 ter Amendement n° 5 de la Commission : Au début de cet article, insérer l'alinéa suivant : « Art. L. 613-15. - Le titulaire d'un brevet portant atteinte à un brevet antérieur ne peut exploiter son brevet sans l'autorisation du titulaire du brevet antérieur ; ledit titulaire ne peut exploiter le brevet postérieur sans l'autorisation du titulaire du brevet postérieur. » Article 15 Amendement n° 6 de la Commission : Dans le dernier alinéa de cet article, supprimer le mot : « humaine ». Article 21 Amendement n° 7 de la Commission : Dans le premier alinéa de cet article, substituer aux mots : « se prescrit », les mots : « , ainsi que les peines prononcées, se prescrivent ». (art. 511-1 du code pénal) Amendements nos 8 et 9 de la Commission : · Dans cet article, supprimer les mots : « , pour quiconque, ». · Dans cet article, substituer aux mots : « toute autre personne, », les mots : « une autre personne ». (art. 511-19 du code pénal) Amendement n° 10 de la Commission : Après le mot : « retirée », rédiger ainsi la fin du 1° de cet article : « , suspendue, ou que le consentement est révoqué, ». Article 21 bis A (nouveau) Amendement n° 11 de la Commission : Dans le premier alinéa de cet article, substituer aux mots : « toute autre personne, », les mots : « une autre personne ». Après l'article 21 bis B Amendement n° 12 de la Commission : Insérer l'article suivant : « L'article 2-17 du code de procédure pénale est ainsi modifié : « 1° Après les mots : « en ce qui concerne les infractions », sont insérés les mots : « contre l'espèce humaine, » ; « 2° Après les mots : « aux biens prévues par les articles », sont insérées les références : « 214-1 à 214-4, » ; « 3° Les mots : « et 324-1 à 324-6 » sont remplacés par les mots : « , 324-1 à 324-6 et 511-1-2 ». LISTE DES PERSONNES ENTENDUES (58) - M. Henri ATLAN, ancien chef du service de bioclinique à l'Hôtel-Dieu de Paris. - Mme Simone BATEMAN-NOVAES, sociologue. - M. Étienne-Émile BAULIEU, président de l'académie des sciences. - M. Guy COQ, philosophe. - M. Didier HOUSSIN, directeur général de l'Établissement français des greffes. - M. Henri KREIS, professeur de médecine, chef du service de transplantation de l'hôpital Necker. - M. Bertrand MATHIEU, professeur à l'université de Paris I. - Mme Françoise MOISAND, directrice du département de valorisation et de transferts de technologie de l'INSERM. - M. Didier SICARD, président du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé. - Mme Monette VACQUIN, psychanalyste. N° 0709 - Avis sur le projet de loi relatif à la bioéthique (2ème lecture) (Mme Valérie Pécresse) 1 () - Loi n° 94-548 du 1er juillet 1994 relative au traitement de données nominatives ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; - Loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain ; - Loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal. 2 () Rapport d'information (n° 3208 - XIe législature) : « Réviser les lois bioéthiques : quel encadrement pour une recherche et des pratiques médicales maîtrisées ? ». 3 () Rapport de M. Francis Giraud (n° 128, session ordinaire de 2002-2003), au nom de la commission des Affaires sociales. 4 () Journal officiel, débats parlementaires du Sénat, séance du 28 janvier 2003, p. 329. 5 () Décision du Conseil constitutionnel n° 94 -343/344 DC du 27 juillet 1994 sur la loi relative au respect du corps humain et sur la loi relative au don, à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal. 6 () Rapport (n° 3528-XIe législature) au nom de la commission spéciale sur le projet de loi relatif à la bioéthique. 7 () Journal Officiel, débats parlementaires de l'Assemblée nationale, séance du 16 janvier 2002, p. 581. 8 () L'étendue de cette dérogation est limitée par le présent projet de loi (cf. art. 3). 9 () « En cas de recherches biomédicales à mettre en œuvre dans des situations d'urgence qui ne permettent pas de recueillir le consentement préalable de la personne qui y sera soumise, le protocole présenté à l'avis du comité instauré par l'article L. 1123-1 peut prévoir que le consentement de cette personne ne sera pas recherché et que seul sera sollicité celui des membres de sa famille s'ils sont présents et à défaut, l'avis de la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6.(...) L'intéressé est informé dès que possible et son consentement lui est demandé pour la poursuite éventuelle de cette recherche. » (art. L. 1122-1 du code de la santé publique). 10 () Convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine. 11 () L'article L. 1122-1 du code de la santé publique précise que l'investigateur, ou un médecin qui le représente, informe « la personne dont le consentement est sollicité de son droit [...] de retirer son consentement à tout moment sans encourir aucune responsabilité ». 12 () En effet, conformément au 2e al. de l'art. L. 1131-1 du code de la santé publique, l'étude des caractéristiques génétiques d'une personne à des fins de recherche scientifique est régie par les dispositions du code de la santé publique relatives à la recherche biomédicale, parmi lesquelles l'article L. 1126-1, qui renvoie à l'article 223-8 du code pénal. 13 () D. Fenouillet, respect et protection du corps humain, la génétique humaine ; la personne ; éditions du Juris-classeur. 14 () Cour d'appel d'Aix-en Provence, 8 février 1996. 15 () Cour d'appel de Paris, 6 novembre 1997 (affaire Y. Montand). 16 () « Les lois de bioéthique : cinq ans après » - Conseil d'État, 25 novembre 1999. 17 () Lors de la discussion en séance publique au Sénat, M. Jean-François Mattei a ainsi évoqué le cas de la myopathie décelée chez un enfant mineur et qui est transmise par les femmes, ce qui implique que les sœurs éventuelles de la mère de l'enfant peuvent également être conductrices de ce gène (Journal officiel, débats du Sénat, séance du 29 janvier 2003). 18 () « Les lois de bioéthique : cinq ans après » - Rapport du Conseil d'Etat, 25 novembre 1999. 19 () Rapport d'information (n° 3208 - XIe législature) de la mission d'information commune préparatoire au projet de loi de révision des « lois bioéthiques », p. 255. 20 () Les revendications précisent la portée de la protection demandée lors du dépôt d'une demande de brevet (liste des produits, procédés ou applications à protéger). 21 () « Brevet sur le vivant : enjeux pour la santé », collection Repères de l'INSERM, juillet 2002. 22 () « Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial. » (art. 16-1 du code civil, dernier al. ) et « les conventions ayant pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits sont nulles » (art. 16-5 du code civil). 23 () Avis n° 64 du 8 juin 2000 du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé sur la directive relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques. 24 () La communication de la Commission « sciences du vivant et biotechnologie : une stratégie pour l'Europe - rapport d'avancement et orientations pour l'avenir (COM [2003] 96 final du 5 mars 2003) fait état de six transpositions : Danemark, Finlande, Irlande, Royaume-Uni, Grèce et Espagne. 25 () Projet de loi relatif à la protection des inventions biotechnologiques (n°55 - Sénat - Session ordinaire 2001-2002). 26 () Journal officiel, débats parlementaires du Sénat, séance du 28 janvier 2003, p. 329. 27 () Journal officiel, débats parlementaires du Sénat, séance du 29 janvier 2003, p. 433. 28 () Dans son rapport de 1999 sur le bilan des lois bioéthiques, le Conseil d'Etat cite comme exemples classiques d'inventions contraires aux bonnes mœurs et à l'ordre public la pipe à opium et la lettre piégée. 29 () Journal officiel des Communautés européennes C110, du 8 avril 1998, p. 28, point 20. 30 () Décision de la division d'opposition du 20 juin 2001, ICOS c/ Smith Kline Beecham and Duphar international research, citée dans le rapport de la Commission du 7 octobre 2002, COM(2002) 545 final. 31 () COM (2002) 545 final. 32 () Considérant 38 de la directive 98/44/CE. 33 () Journal officiel, débats parlementaires du Sénat, séance du 28 janvier 2003, p. 329. 34 () L'article L. 613-16 concerne les brevets délivrés pour des médicaments, pour des procédés d'obtention de médicaments, pour des produits nécessaires à l'obtention de ces médicaments ou pour des procédés de fabrication de tels produits. 35 () Les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro sont les produits, réactifs, matériaux, instruments destinés spécifiquement à être utilisés in vitro dans l'examen d'échantillons provenant du corps humain afin de fournir une information sur l'état physiologique ou pathologique de la personne ou sur une anomalie congénitale. 36 () On rappellera, en effet, que cette firme a breveté le premier de ces gènes en 1994, racheté la licence d'exploitation du second d'entre eux en 1998, puis obtenu une dizaine de brevets américains aux revendications très larges sur ces deux gènes. Afin de rentabiliser son investissement, elle entend désormais exercer un monopole sur la commercialisation des tests génétiques sur le monde et menace de poursuites les laboratoires qui travaillent sur les gènes de prédisposition au cancer du sein. 37 () Adoptée par l'assemblée générale de l'ONU le 10 décembre 1998. 38 () Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine du 4 avril 1997. 39 () Avis n° 54, 22 avril 1997. 40 () D. Fenouillet, respect et protection du corps humain, éditions du Juris-classeur, 1997. 41 () Rapport (n° 3528) de M. Alain Claeys au nom de la commission spéciale sur le projet de loi relatif à la bioéthique. 42 () Rapport de M. Alain Claeys au nom de la commission spéciale sur le projet de loi relatif à la bioéthique, p. 152. 43 () Le cytoplasme peut se définir comme la cellule sans son noyau. 44 () cf. rapport précité, p. 153. 45 () Journal Officiel, débats parlementaire du Sénat, séance du 29 janvier 2003, p. 445. 46 () Art. L. 2151-2-2, introduit par l'art. 19 du projet de loi. 47 () « La déportation, la réduction en esclavage ou la pratique massive et systématique d'exécutions sommaires, d'enlèvements de personnes suivis de leur disparition, de la torture ou d'actes inhumains, inspirées par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux et organisées en exécution d'un plan concerté à l'encontre d'un groupe de population civile sont punies de la réclusion criminelle à perpétuité ». 48 () « Dans un délai d'un an à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement déposera devant le Parlement un rapport présentant les initiatives qu'il aura prises auprès des instances appropriées pour élaborer une législation internationale réprimant le clonage reproductif. » 49 () Journal officiel, débats parlementaires du Sénat, 30 janvier 2003, p. 516. 50 () L'article 511-27 du code pénal prévoit une peine complémentaire, pour dix ans au plus, d'interdiction d'exercer l'activité professionnelle ou sociale à l'occasion de laquelle l'infraction sanctionnée à l'article 511-1 a été commise. 51 () Droit de vote; éligibilité ; droit d'exercer une fonction juridictionnelle ou d'être expert devant une juridiction, de représenter ou d'assister une partie devant la justice ; droit de témoigner en justice autrement que pour y faire de simples déclarations ; droit d'être tuteur ou curateur. 52 () « La peine d'interdiction de séjour emporte défense de paraître dans certains lieux déterminés par la juridiction. Elle comporte, en outre, des mesures de surveillance et d'assistance » (art. 131-31 du code pénal). 53 () Cette disposition a été introduite par la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles et à la protection des mineurs, afin de tenir compte de la particularité de ces infractions, qui peuvent être révélées de nombreuses années après la commission des faits. 54 () 1° bis de l'art. 21 dans le texte adopté par l'Assemblée nationale. 55 () Ces dispositions ont été introduites par la loi n° 98-468 du 17 janvier 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles et à la protection des mineurs, afin d'améliorer la répression du « tourisme sexuel ». 56 () Dans son rapport au nom de la commission des Affaires sociales du Sénat sur le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale relatif à la bioéthique (n° 128, session ordinaire 2002-2003), M. Francis Giraud distingue la recherche sur l'embryon « qui, in fine, porte atteinte à son intégrité et l'étude qui ne l'affecte pas » (p. 183). 57 () Agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaine. 58 () Ces auditions ont été conduites par le rapporteur de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales et la rapporteure pour avis de la commission des Lois. © Assemblée nationale |