N° 772 -- ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 avril 2003. AVIS PRÉSENTÉ AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT (n° 719), de sécurité financière, PAR M. PHILIPPE HOUILLON, Député. -- Voir les numéros : Sénat : 166 rect., 206, 207 et T.A. 92 (2002-2003). Assemblée nationale : 719 et 807. Marchés financiers. INTRODUCTION 7 I. - L'APRÈS-ENRON : UNE CHAÎNE DE SÉCURITÉ FINANCIÈRE ROMPUE 8 A. « LE CAPITALISME SAISI PAR LA CUPIDITÉ » 8 B. LA TENTATION DE LA RÉGLEMENTATION : DES RÉPONSES INTERNATIONALES CONVERGENTES 10 1. La loi Sarbanes-Oxley du 30 juillet 2002 ou la tentative américaine de refondation du capitalisme moderne 11 2. Une « éthique contagieuse » ? 12 C. AGENCES DE NOTATION ET ANALYSTES FINANCIERS : DEUX ANGLES MORTS DE LA RÉGULATION INTERNATIONALE ? 14 1. Les agences de notation : une influence déterminante 14 2. Les analystes financiers : un embryon de réglementation 18 II. - GARANTIR LA FIABILITÉ DE L'INFORMATION FINANCIÈRE : LA RÉFORME DU COMMISSARIAT AUX COMPTES 22 A. UN CHAMP D'INTERVENTION DE PLUS EN PLUS LARGE 22 1. Le contrôle légal des comptes 23 a) Le contenu de cette mission 23 b) Le champ de cette mission 24 2. La surveillance et l'information 25 B. LA FIN DE L'AUTORÉGULATION 27 1. Les prémices d'un statut législatif 27 a) Une ébauche d'organisation 27 b) Un encadrement pénal des dérives 29 c) Des avancées récentes 30 2. La nécessité de renforcer la régulation de la profession 30 III. - GARANTIR LA DISPONIBILITÉ ET LA LISIBILITÉ DE L'INFORMATION FINANCIÈRE : LA TRANSPARENCE ET LA GOUVERNANCE DES ENTREPRISES 32 1. Un débat national et international alimenté par les récents scandales 32 2. La nécessité de règles de transparence adaptées aux spécificités nationales 34 DISCUSSION GÉNÉRALE 36 EXAMEN DES ARTICLES 39 TITRE III - MODERNISATION DU CONTRÔLE LÉGAL DES COMPTES ET TRANSPARENCE 39 Chapitre premier - Du contrôle légal des comptes 39 Article 60 (Chapitre préliminaire [nouveau] du titre deuxième du livre VIII du code de commerce) : Regroupement des articles L. 820-1 à L. 820-7 du code de commerce sous un chapitre préliminaire 39 Article 61 (Chapitre Ier [nouveau] du titre deuxième du livre VIII du code de commerce) : Organisation et contrôle de la profession de commissaire aux comptes 40 Article 62 (Chapitre II [nouveau] du titre deuxième du livre VIII du code de commerce) : Création d'une division regroupant les dispositions relatives au statut des commissaires aux comptes 56 Article 63 (Sections I et II du chapitre II [nouveau] du titre deuxième du livre VIII du code de commerce) : Création de deux divisions regroupant les dispositions relatives à l'inscription et la discipline d'une part, à la déontologie et l'indépendance d'autre part 56 Article 64 (Sous-sections I et II de la section I du chapitre II [nouveau] du titre deuxième du livre VIII du code de commerce) : Inscription et discipline 57 Sous-section I - De l'inscription 57 Sous-section II - De la discipline 60 Article 66 (art. L. 225-228 du code de commerce) : Procédure de désignation des commissaires aux comptes et modification de l'organisation du co-commissariat 78 Article 67 (art. L. 225-234 du code de commerce) : Coordination 80 Article 68 (art. L. 820-3 du code de commerce) : Information sur le montant des honoraires versés aux commissaires aux comptes 81 Article 69 (art. L. 820-1 et L. 820-2 du code de commerce) : Coordinations 82 Article 70 (art. L. 225-224 du code de commerce) : Incompatibilité avec le commissariat aux apports et à la fusion 83 Article 71 : Abrogations 86 Article 72 (art. L. 621-22 du code monétaire et financier) : Relations entre l'autorité des marchés financiers et les commissaires aux comptes des personnes faisant publiquement appel à l'épargne 87 Article 73 : Dispositions transitoires 92 Article 74 : Disposition de conséquence 93 Article 75 : Substitution de références 93 2ème partie du rapport Chapitre II - De la transparence dans les entreprises Chapitre III - Dispositions diverses AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION AMENDEMENT NON ADOPTÉ PAR LA COMMISSION ANNEXE I ANNEXE II ANNEXE III Pourquoi, en France, un projet de loi de sécurité financière ? Ni Enron ni WorldCom, deux faillites nées de malversations flagrantes de leurs dirigeants, n'étaient des entreprises françaises. Il serait pourtant hasardeux de s'en tenir à un raisonnement franco-français, qui voudrait que les scandales de ce type n'arrivent qu'ailleurs et qu'aucun des mécanismes de notre législation ne mérite d'être réexaminé. La tourmente boursière actuelle le rappelle d'ailleurs chaque jour : la confiance dans les mécanismes de marché est rompue et c'est là un phénomène transnational qui se joue des frontières. Le projet de loi soumis à l'examen de notre assemblée ne se veut pas pour autant une loi Sarbanes-Oxley (1) à la française, du nom de la législation très volontariste adoptée par les États-Unis dès le 30 juillet 2002, qui représente la plus importante réforme américaine de Gouvernement des entreprises depuis les années 1930. Dans bien des domaines, en effet, - normes comptables, notamment prise en compte du hors-bilan, existence d'un double commissariat aux comptes dans les sociétés cotées, etc. - la France était largement en avance dans la définition de mécanismes protecteurs des actionnaires et investisseurs. Reste que le système français n'est pas exempt de critiques : la publication régulière de rapports sur le Gouvernement d'entreprise est là, par exemple, pour rappeler que la France a encore des progrès à faire en matière de transparence du fonctionnement des instances dirigeantes des entreprises. Par ailleurs, au-delà du fait que les domaines en cause sont soumis à de perpétuelles évolutions qui appellent un examen régulier de notre législation, le contexte est particulièrement propice à une réflexion nationale. L'éclatement de la bulle technologique pose ainsi à nouveau la question de la protection des actionnaires, sujet auquel il est impossible d'échapper quand se répand parallèlement un actionnariat de masse. Comme le rappelle la commission des opérations de bourse américaine (Securities and Exchange Commission ou sec), « à mesure que de plus en plus d'investisseurs viennent pour la première fois sur les marchés afin d'assurer leur avenir, de payer leur maison et d'envoyer leurs enfants à l'université, nos missions sont plus essentielles que jamais. » (2) Tous les grands pays industrialisés mènent actuellement ce travail d'introspection. L'Allemagne, notamment, réfléchit sur la définition d'un régime de responsabilité efficace des dirigeants sociaux. L'Union européenne a publié, en décembre dernier, un rapport conséquent sur la gouvernance des entreprises. En bref, l'heure est à la restauration de la confiance, fondement du système capitaliste. Le projet de loi de sécurité financière participe de cette entreprise. La saisine pour avis de la commission des Lois ne porte que sur le titre III du projet de loi, relatif à la modernisation du contrôle légal des comptes et à la transparence. Rappelons néanmoins que ce projet contient deux autres volets importants, le premier consacré à l'unification des autorités de contrôle des marchés financiers au sein de la nouvelle autorité des marchés financiers (amf), le second relatif à la réglementation du démarchage et du conseil en investissement, qui comble un vide regrettable. D'aucuns y verront un patchwork, d'autres, de manière contradictoire, regretteront la grande loi sur la sécurité financière. Il ne s'agit, en réalité, que de répondre à la diversité des problèmes qui se posent, sans pour autant pénaliser la place financière française ni introduire, dans la réglementation, de distorsions qui seraient dangereuses pour l'économie ouverte qu'est l'économie française. Rappelons, en effet, que 45 % du capital des entreprises cotées est détenu par des investisseurs étrangers. Par conséquent, ni monument juridique fondateur ni pastiche de la règle de droit américaine, le projet de loi de sécurité financière se veut être la pierre de touche et le socle sur lesquels les acteurs du marché pourront participer à l'œuvre de reconstruction de la confiance. I. - L'APRÈS-ENRON : UNE CHAÎNE DE SÉCURITÉ FINANCIÈRE ROMPUE Enron, WorldCom, Tyco, Global Crossing, Xerox... Autant de noms qui évoquent désormais des dissimulations comptables, des manœuvres financières douteuses des dirigeants ou encore la défaillance des plus grands cabinets d'audit... Et ce ne sont que quelques noms emblématiques, parmi les dizaines qui affleurent chaque jour dans la presse américaine, mais qui, révélant une cassure dans la chaîne de sécurité financière, ont conduit à briser toute la chaîne de confiance. En effet, ces affaires ont fait apparaître de multiples défaillances à tous les niveaux de la chaîne et porté sur devant de la scène des problèmes touchant aussi bien le fonctionnement interne des sociétés que la défaillance des contrôles, internes et externes, ou encore les limites de règles comptables et financières favorisant une comptabilité pour le moins créative... Aujourd'hui, les sujets en débat sont multiples : citons, pêle-mêle, les systèmes de mise en cause de la responsabilité des dirigeants sociaux en cas de faute de gestion, les mirages du Gouvernement d'entreprise, le rôle des commissaires aux comptes, l'influence des analystes financiers et l'insertion des agences de notation dans le système financier, l'efficacité du régulateur boursier... A. « LE CAPITALISME SAISI PAR LA CUPIDITÉ » (3) Le « tsunami de scandales » sur lequel titre, en juillet 2002, le Washington Post, ne se résume pas à l'addition de phénomènes ponctuels. En premier lieu, les entreprises concernées étaient des entités de premier plan, que ce soit en termes de chiffre d'affaires ou de capitalisation boursière, voire représentaient des étalons de référence pour le système : Enron n'était-elle pas considérée comme le modèle en matière de gouvernance, the « best of the best » ainsi que le titrait une analyse financière une semaine avant la faillite... ? En outre, s'il est vrai que, dans le cas d'Enron, il s'agit avant tout d'une escroquerie comme le système capitaliste en a déjà connu, la vague de scandales remet néanmoins en cause le cœur même des règles du jeu. La situation actuelle est, en cela, tout à fait différente de celle de la fin des années 1980 : l'éclatement de la « bulle » avait révélé des délits d'initiés et des schémas de financement dangereux, construits autour de junk bonds ; aujourd'hui, sont en cause « la production et l'utilisation » (4) de l'information financière, en sorte que c'est la fiabilité même de ce « fluide vital du capitalisme » qui est atteinte. La dernière décennie a été marquée par des mutations de grande ampleur : l'arrivée des nouvelles technologies et le rôle croissant des marchés financiers, accentué par la part toujours plus forte des actionnaires individuels dans la vie boursière - en dix ans, le nombre d'ordres passés à la bourse de New York (nyse) a plus que décuplé - ont bouleversé la donne. Dans le même temps toutefois, la chaîne de l'information n'a pas su s'adapter à ces mutations, alors même que les investisseurs se sont plus que jamais appuyés sur elle, faisant confiance à ceux qui l'élaborent (la direction de l'entreprise), à ceux qui la vérifient (les commissaires aux comptes), voire à ceux qui la critiquent (analystes financiers). Dans un marché qui acquiert un rôle toujours plus important - plus encore dans un contexte de révolution technologique -, l'information financière est en effet un rouage essentiel. Dans l'euphorie du moment, seule la face positive de cette évolution a été perçue : soumise à cette pression externe inédite, les entreprises étaient contraintes à une transparence toujours plus forte, favorable aux actionnaires et aux investisseurs. De fait, jamais l'information financière n'a été aussi abondante. En France, la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (nre) témoigne de ce mouvement, en imposant aux entreprises la mise à disposition, voire la diffusion, d'un nombre d'informations toujours plus important. Les États-Unis ont été les plus maximalistes, allant même jusqu'à imposer aux entreprises de rendre publique vis-à-vis de l'ensemble du marché toute information qu'elles communiquaient aux analystes financiers, en vertu de la règle dite du Fair Disclosure imposée par la sec en octobre 2000. Dans un monde où publication signifie mise à disposition de chacun, via Internet, l'enjeu de la fiabilité de l'information délivrée devint plus que jamais crucial. Cette présomption de confiance repose, dans le système économique moderne, sur un élément objectif, les documents comptables, la comptabilité étant, pour reprendre l'expression de Nicolas Véron, le « langage commun du système financier ». Or il ne s'agit pas d'une science exacte, moins que jamais serait-on même tenté de dire, à l'heure où rachats, fusions et changements de périmètre d'une part, recours à des outils de financement toujours plus sophistiqués d'autre part, incitent à ce que d'aucuns ont qualifié de « comptabilité créative »... Le sommet ayant été atteint en la matière par Enron, qui a multiplié les techniques et montages les plus divers pour faire sortir du bilan une masse considérable d'actifs : dans ce cas toutefois, il n'était plus question de créativité, mais bel et bien d'escroquerie. La leçon à tirer du cas Enron est simple : dès lors que la présomption de sincérité, voire de vérité, est remplacée par une présomption de manipulation, c'est tout le système qui est ébranlé. Notons bien que la tentation d'enjoliver les comptes ne procède pas toujours d'intentions frauduleuses : c'est tout un modèle économique, développé pendant le boom technologique des années 1990, qui a placé à un niveau irréaliste la barre des performances attendues des entreprises. L'émergence des nouvelles technologies a ainsi favorisé la spirale haussière, faute de critères d'évaluation satisfaisants des actifs immatériels de la nouvelle économie : ainsi, « lorsqu'une équipe d'informaticiens travaille sur des développements de logiciels, comment tracer la frontière entre ce qui relève d'une démarche d'investissement et ce qui constitue des charges d'exploitation ? (...) C'est en déplaçant abusivement la frontière entre charges et investissements que WorldCom a dopé ses résultats de près de 4 milliards de dollars en 2001. » Par ailleurs, la matière comptable s'est singulièrement complexifiée. Deux systèmes de normes comptables régissent aujourd'hui les entreprises des pays industrialisés : les normes américaines dites « us gaap » (Generally Accepted Accouting Principles ou principes de comptabilité généralement admis), édictées par le Financial Accounting Standards Board aux États-Unis, et les normes dites « internationales » (IAS pour International Accounting Standards), adoptées par l'Union européenne notamment et fixées par l'iasb (International Accounting Standards Board). Certes différents, ces deux systèmes sont confrontés à des difficultés communes pour répondre aux défis de la nouvelle économie. L'une des principales difficultés auxquelles se heurtent les autorités de normalisation comptable porte sur l'évaluation des plans d'option de souscription d'actions (stock options) consentis aux dirigeants par les actionnaires : de fait, l'évaluation de l'avantage procuré par ce mode de rémunération permettant d'acquérir des titres de l'entreprise à des niveaux inférieurs aux cours de bourse est par nature hasardeuse, nul n'étant à même de prévoir le niveau du cours de l'action au moment de l'exercice de l'option. De là à considérer, à l'instar du fasb, que les stock options ne pouvaient pas apparaître dans les comptes, ce qui revenait à les évaluer à zéro, il y avait cependant un excès qui n'est pas étranger à la correction actuelle, eu égard au montant énorme des plans de stock options consentis aux grands dirigeants des entreprises. B. LA TENTATION DE LA RÉGLEMENTATION : DES RÉPONSES INTERNATIONALES CONVERGENTES Enron a sonné le glas de l'autorégulation et, s'il est une certitude dans le paysage aujourd'hui dévasté qu'offre la situation sur les marchés financiers, c'est dans le grand retour des régulations qu'il faut la chercher. Il serait certes illusoire de penser que la restauration de la confiance puisse être décrétée de quelque manière que ce soit, y compris par des lois. À l'inverse néanmoins, quand la confiance, fondement même du système capitaliste, est rompue, l'inaction est inconcevable. La voie est étroite entre ces deux écueils : il convient de placer le curseur au bon endroit entre la tentation d'une sur-réaction réglementaire et la confiance aveugle dans la capacité du système à s'auto-corriger. Par ailleurs, il ne peut s'agir que d'une œuvre collective, c'est-à-dire émanant, d'une part, de tous les acteurs du marché, dont aucun n'a intérêt à l'atonie du système, moins encore à l'heure de l'éclatement de la bulle Internet, mais aussi, d'autre part, de tous les États. Transnationaux, les problèmes financiers appellent certes des réponses internationales, mais celles-ci ne sauraient pallier l'absence d'incitations nationales en faveur de la transparence. 1. La loi Sarbanes-Oxley du 30 juillet 2002 ou la tentative américaine de refondation du capitalisme moderne « Une incroyable effervescence normative s'est emparée du régulateur américain. » (5) De fait, la réponse des États-Unis - il est vrai les premiers concernés par les dérives financières - ne s'est pas faite attendre, même si la lutte qui vit triompher les tenants de la régulation fut particulièrement rude. L'administration Bush a, en effet, présenté au Congrès une réforme en profondeur du droit des sociétés, promulguée le 30 juillet 2002 sous le nom de loi Sarbanes-Oxley. Les nouvelles règles qu'elle prescrit s'applique à tous les émetteurs, américains ou non, dès lors qu'ils choisissent de faire coter leurs titres aux États-Unis. Le Sarbanes-Oxley Act du 30 juillet 2002 L'ensemble des dispositions de la loi Sarbanes-Oxley est regroupé dans onze titres. Titre Ier : Institution, missions et règles de fonctionnement du nouveau pcaob (Public Company Accounting Oversight Board), l'organisme chargé de contrôler les auditeurs (commissaires aux comptes) Titre II : Indépendance des auditeurs Titre III : Responsabilité des dirigeants sociaux Titre IV : Renforcement de la communication financière Titre V : Conflits d'intérêts et analyse financière Titre VI : Ressources et pouvoir de la sec Titre VII : Etudes et rapports (dont rapport sur les agences de notation) Titre VIII : Sanctions de la fraude criminelle en matière commerciale Titre IX : Renforcement des sanctions contre la criminalité en col blanc Titre X : Questions fiscales Titre XI : Sanctions de la fraude commerciale Les sujets traités dans ce que d'aucuns ont vu comme la mise en action du « Corporate America » sont multiples : transparence comptable, réforme de la profession des auditeurs (commissaires au comptes), et notamment mise en place d'un organe de contrôle des auditeurs, le pcaob, nouvelles règles imposées aux avocats d'affaires, règles de communication financière, création de nouveaux délits boursiers et durcissement des sanctions existantes... Tous les maillons de la chaîne d'information financière sont visés dans ce texte. Ainsi, en matière comptable, la loi impose aux dirigeants sociaux et aux directeurs financiers des sociétés cotées de certifier « sous serment » que les rapports financiers annuels soumis à la commission des opérations de bourse américaine sont exacts et complets. Le postulat du vrai dans les formulaires boursiers d'enregistrement s'efface devant une justification du vraisemblable. Il incombe en outre aux certificateurs de mettre en place un système efficace de contrôle et de procédure afin que l'information nécessaire remonte depuis les filiales. À titre d'information, trente-cinq sociétés françaises cotées sur le nyse ou sur le nasdaq (National Association of Securities Dealers by Automated Quotations) sont concernées par cette mesure. La plupart des dispositions votées par le Congrès ne sont cependant pas d'application immédiate et devraient entrer en vigueur au cours du printemps 2003, lorsque des mesures d'application auront été édictées par le régulateur boursier américain. Dans quelle mesure la sévérité extrême qui inspire la loi Sarbanes-Oxley se traduira-t-elle dans les dispositions réglementaires ? La sec est, en effet, soumise à d'énormes pressions de la part des professions visées par le texte. S'agissant, par exemple, des auditeurs, la possibilité de se voir interdire le conseil fiscal représenterait pour eux une mini-révolution ; de même, l'obligation faite aux avocats de « faire connaître » aux autorités les attitudes frauduleuses de leurs clients suscite la fureur de l'association américaine du barreau (American Bar Association). Citons encore les débats âpres qui entourent l'obligation faite aux fonds d'investissement mutuels (mutual funds) de rendre publique la politique de vote des gérants lors des assemblées générales, sur des sujets aussi sensibles que la rémunération des dirigeants d'entreprise. D'ores et déjà, la sec a infléchi certaines prescriptions du législateur. Notamment, la portée extraterritoriale de quelques dispositions énumérées dans la loi Sarbanes-Oxley, dont se sont émus les pays européens ou le Japon, devrait être atténuée. L'heure est certes aux remises en ordre, mais les États-Unis ne tiennent pas pour autant à s'aliéner les grandes entreprises étrangères, qu'elles soient européennes ou japonaises. Or, au mois de janvier 2003, le nyse avait identifié une dizaine de sociétés étrangères en cours de cotation qui avaient changé d'avis après l'intervention de la loi... Reste que certaines règles sont d'ores et déjà en application. Ainsi, jusqu'alors, une société française cotée sur un marché réglementé aux États-Unis n'était, en principe, pas soumise aux mêmes exigences de communication et d'information qu'une société américaine. En effet, à l'exception des déclarations de franchissement de seuil de plus de 5 % du capital d'un émetteur, dont le régime est aligné pour les émetteurs étrangers et américains, les émetteurs étrangers n'étaient pas tenus de communiquer à la sec leur document de référence annuel, pas plus qu'elles n'ont à faire des communications périodiques en fonction d'événements significatifs intervenus au cours de la vie de la société. Désormais, la procédure d'enregistrement électronique Edgar est étendue aux émetteurs étrangers : depuis le l4 novembre 2002, les documents fournis à la sec doivent respecter un format spécifique et être traduits en anglais. Par ailleurs, le nyse a adopté des nouvelles règles de gouvernance, dont pourront être exemptés seulement les émetteurs qui préciseront et décriront en quoi les règles qu'ils suivent diffèrent des exigences américaines en la matière. 2. Une « éthique contagieuse » ? (6) Ne serait-ce qu'en raison de la portée extraterritoriale de la nouvelle réglementation américaine et des effets internationaux de l'éclatement de la bulle, les grands pays industrialisés ne sont pas restés sans réaction et ont été conduits à se positionner par rapport à l'ensemble des problèmes apparus. Hors d'Europe, le Japon a revendiqué son droit à la différence, certaines des plus grandes entreprises japonaises (Canon, par exemple) allant jusqu'à menacer de quitter Wall Street. Pour autant, le Japon n'a pas nié la nécessité d'instaurer des règles de nature à faire revenir la confiance, souhaitant seulement que les spécificités nationales soient prises en compte. C'est notamment l'obligation de créer un comité d'audit composé uniquement d'administrateurs indépendants qui pose problème aux entreprises japonaises, à l'instar de leurs homologues européennes d'ailleurs. De même, l'Europe a tenu à mettre en avant sa différence, sans céder au tout-réglementaire. Ainsi, « en matière de corporate governance et surtout de supervision de la profession de l'audit, l'Europe s'en tient pour l'essentiel à l'observation des débats nord-américains » (7). Faut-il y voir la marque de « l'autosatisfaction sur le registre "cela n'arrivera jamais chez nous" » ? Ce jugement sur le relatif attentisme européen est sans doute sévère : il n'y a pas eu d'affaire Enron en Europe, au sens d'une fraude massive et généralisée. Pour prendre le seul exemple de la France, c'est bien plutôt à une succession de crises d'endettement - certes liées à des décisions de gestion parfois critiquables - qu'on assiste et qui frappent de plein fouet les actionnaires de Vivendi, France Télécom ou Alcatel. En outre, si l'économie et la finance sont mondialisées, les règles de droit qui régissent la vie des affaires ne le sont pas, tant s'en faut : le droit des sociétés reste marqué par de profondes spécificités. Ainsi, « les Européens n'auraient pourtant pas à rougir de leur situation : le modèle allemand, de plus en plus répandu en France, des sociétés à directoire et conseil de surveillance est probablement meilleur en termes de corporate governance que celui de la plupart des entreprises américaines où le président domine le Board par son charisme ». Il est vrai qu'en matière d'encadrement des auditeurs, par exemple, la loi Sarbanes-Oxley tend davantage à mettre les États-Unis au niveau des législations européennes qu'à introduire des innovations majeures. Il en va de même lorsque le législateur américain interdit les prêts aux mandataires sociaux... Mais cette avance ne devrait pas nous conduire à « une complaisance dans l'inaction » (8). L'Union européenne n'est pas restée inactive et a, notamment, émis une recommandation sur le commissariat aux comptes en 2002 ; au Royaume-Uni, l'autorité de marché, la Financial Services Authority (fsa), a pris de nouveaux règlements. En France, de même, la commission des opérations de bourse (cob) et le conseil des marchés financiers (cmf) ont adopté des règlements tant sur le commissariat aux comptes que sur les analystes financiers. Manquait cependant un geste fort : c'est en vertu de ce constat que le Gouvernement présente aujourd'hui ce projet de loi dont le titre dit tout de l'objectif poursuivi. Si la sécurité financière est la ligne de mire du projet, le contenu peut en être résumé en un mot : l'information. Le postulat qui guide, en effet, aussi bien les dispositions sur le commissariat aux comptes que celles sur la transparence, tient à ce constat très simple : il ne peut exister de sécurité financière, et donc de confiance, notamment de la part de nos compatriotes soucieux de faire fructifier leur épargne, que s'il y a information. Jusqu'alors toutefois, le législateur s'est surtout préoccupé de la quantité d'informations disponibles pour les actionnaires et investisseurs ; la loi nre du 15 mai 2001 abonde, par exemple, en documents de toutes sortes à destination des actionnaires. Ce que le projet de loi s'attache à promouvoir, c'est la qualité de l'information. La question est abordée sous deux angles : - comment, tout d'abord, garantir une information fiable du marché ? C'est là qu'intervient la mission de certification du commissaire aux comptes, qui doit, en raison même de ce rôle clé qui est le sien dans cette chaîne de sécurité de l'information financière, être protégé de tout risque de conflits d'intérêts. Tâche sans doute délicate, étant donné qu'il est payé par celui qu'il contrôle, mais préalable obligatoire, comme l'a montré l'exemple américain : chez Enron, l'audit était seulement un produit d'appel, Arthur Andersen se rémunérant sur les activités de conseil... (25 millions de dollars contre 27) ; - comment, ensuite, garantir une information compréhensible et éclairante pour le marché et pour les actionnaires, de façon à leur faire jouer un véritable rôle de contre-pouvoir ? Est posée, en filigrane, la question de la gouvernance des entreprises qui doit être comprise comme la définition des pouvoirs et des contre-pouvoirs dans l'entreprise. Il ne s'agit nullement, par cette référence, de transposer littéralement les théories anglo-saxonnes en la matière, qui ont montré toutes leurs limites avec Enron. C. AGENCES DE NOTATION ET ANALYSTES FINANCIERS : DEUX ANGLES MORTS DE LA RÉGULATION INTERNATIONALE ? S'il faut déplorer la violence de la correction boursière actuelle, il convient toutefois de ne pas en négliger la vertu cathartique. La crise de confiance conduit en effet à mettre sur le devant de la scène des questions jusqu'alors taboues, personne n'osant remettre en cause le rôle de ceux qui étaient les gourous de la finance des années 1990. Tel est le cas, par exemple, des agences de notation et des analystes financiers. Initialement, le projet de loi de sécurité financière ne contenait aucune disposition sur le sujet. Absence éminemment paradoxale, alors même que tous les acteurs économiques ou politiques soulignent leur rôle déterminant dans les mouvements de marché, y compris les plus erratiques ! Le Sénat a introduit quelques dispositions sur le sujet, qui reste cependant très largement une terra incognita. 1. Les agences de notation : une influence déterminante S'il n'était pas exagéré de considérer, jusqu'en 2002, que la question des agences de notation représentait un angle mort de la réflexion et de la réglementation financière internationales et nationales, les scandales qui émaillent l'actualité économique internationale, notamment américaine, depuis deux ans, ont conduit les États-Unis à prendre l'initiative en la matière. Précisons toutefois que la réflexion n'est pas nouvelle : depuis trente ans, les régulateurs boursiers aux États-Unis s'interrogent sur la réglementation des agences de notation. Trois étapes jalonnent cette réflexion : - en 1975, avec la généralisation des notations utilisée dans les ratios de capitaux imposés aux courtiers, la sec décide de donner une forme de reconnaissance à ces agences qui existent depuis près d'un siècle pour certaines. Naît alors le statut de Nationally Recognized Statistical Rating Organizations (nrsros), agrément conçu à l'origine comme une protection pour les fonds de gestion collective puisqu'il s'agit de les autoriser à n'investir que dans des entreprises bien notées par les agences « labellisées » (9). La délivrance de cet agrément répond à quatre critères objectifs : la structure organisationnelle de l'agence de notation, ses ressources financiers, la qualité et l'importance de son équipe, les procédures de notation mises en place et l'existence d'une procédure interne de non-divulgation d'une information privilégiée. Accordé à quatre autres agences, ce statut est cependant resté l'apanage des trois entités précitées, suite aux fusions intervenues dans le secteur, jusqu'à l'agrément récent donné à l'agence canadienne Dominion ; - en 1994, la sec tente de promouvoir un cadre législatif plus approprié aux agences qui se multiplient en soulignant la nécessité d'établir des procédures plus formelles d'accréditation. Cependant, ce projet, sans véritable soutien du Congrès, n'aboutit pas ; - en 1997, à nouveau, la sec propose une définition plus stricte du nrsro. Non seulement elle serait autorisée à les évaluer, mais elle pourrait exiger des conditions (ressources financières, structure organisationnelle et qualification) au fonctionnement des agences. Mais, là encore, le projet n'aboutit pas. Les scandales récents ont changé la donne : il aura fallu la tourmente boursière de l'après-Enron pour que des questions apparemment simples sur les agences de notation soient ouvertement posées. Ainsi, tout au long de 2002, le Congrès et le Sénat ont mené des auditions et réalisé des rapports visant à analyser le rôle des agences dans la faillite d'Enron. Parallèlement, la sec a souligné les risques de conflits d'intérêts, liés notamment à la dépendance des agences de notation vis-à-vis des émetteurs en termes de rémunération et d'activités connexes. Elle s'est plus largement intéressée au rôle et au fonctionnement des agences, à l'information collectée et à son utilisation par l'agence, ainsi qu'aux barrières à l'entrée dans ce secteur très oligopolistique. La loi Sarbanes-Oxley du 30 juillet 2002 a formalisé ce processus d'évaluation lancé, de son propre chef, par la sec : le législateur a souhaité que le régulateur boursier s'interroge que le rôle des agences de notation et leur importance dans le système boursier, les obstacles qu'elles rencontrent dans l'accomplissement de leur rôle, les mesures pouvant améliorer le cheminement de l'information vers le marché en provenance des agences de notation, les barrières à l'entrée sur le marché de la notation financière et les conflits d'intérêts auxquels les agences sont confrontées. rôle et fonctionnement des agences de notation Les agences de notation ont pour mission de donner une opinion à la masse anonyme des investisseurs sur la solvabilité d'un emprunteur pendant la durée de son emprunt. Pour émettre des titres sur le marché afin de se financer, les entreprises sont donc obligées, si elles veulent réussir l'opération, de se faire noter. Ainsi, les agences de notation ont pour rôle à la fois de pallier le déficit d'information des investisseurs et de faciliter l'accès aux marchés pour les émetteurs, et non, selon l'épure, de donner quelque conseil financier que ce soit ou de réaliser des transactions sur le marché. Les agences sont rémunérées par l'entreprise - ou les collectivités publiques - qu'elles notent, selon un barème propre au secteur. Si leurs méthodes, assez peu connues, peuvent varier d'une agence à l'autre, le schéma général est le suivant : - un analyste de l'agence, doté d'une compétence sectorielle particulière, basé ou non en France, étudie l'entreprise du secteur concerné qui souhaite se financer sur le marché. Par exemple, dans l'une des deux plus importantes agences, l'analyste responsable du secteur de l'automobile en Europe est installé en Allemagne. Cette phase se caractérise par un dialogue avec l'émetteur ; - un comité de notation composé d'analystes et de personnels expérimentés se réunit, en France ou à l'étranger (à New York par exemple), pour fixer la note à partir de l'étude réalisée au cours de la première phase ; - la note est publiée, après information de l'émetteur, sans que celui-ci ne dispose d'un recours. Dans certaines agences, la publication de la première notation est laissée au choix de l'émetteur. Certaines agences pratiquent la notation non sollicitée, c'est-à-dire qu'elles notent la solvabilité d'un émetteur sans que ce dernier l'ait demandé, essentiellement pour des raisons de concurrence inter-agences et en réponse à la demande des investisseurs qui souhaitent diversifier les sources d'information sur les entreprises. Conformément à la demande du Congrès américain, la sec a donc publié un rapport à la fin du mois de janvier 2003 portant sur le statut, le rôle et le mode de fonctionnement des agences de notation sur les marchés financiers. Conformément à la procédure de la sec, un second rapport, issu des consultations et réactions suscitées par ce premier rapport, incluant des recommandations, devait être publié à la fin du mois de mars : il semble que le régulateur américain ait pris du retard sur ce calendrier initial. D'ores et déjà toutefois, les contours d'une réforme très probable du statut des nrsros se dessinent dans ce premier rapport. Ainsi, la sec a mis en lumière les problèmes suivants : - s'agissant des procédures d'évaluation existant au sein des agences, sans doute la notation est-elle décidée à la majorité simple et de manière collégiale lorsqu'il s'agit d'un nouvel émetteur ou d'un nouvel instrument, qu'un événement peut avoir une incidence sur la note ou encore en cas de changement de celle-ci. Reste que l'agence de notation n'a pas à vérifier la qualité de l'information diffusée : c'est d'ailleurs la ligne de défense qu'ont adoptée les agences dans l'affaire Enron ; - s'agissant de la diffusion de la notation, les émetteurs, certes informés au préalable d'une modification de leur notation, n'ont que peu de temps à leur disposition pour réagir et fournir éventuellement des documents supplémentaires. En outre, au-delà de la seule notation, les agences mettent régulièrement les émetteurs sous surveillance et diffuse des informations donnant à plus ou, moins long terme les tendances des notations ; - s'agissant du rôle de la notation dans l'accès au financement sur les marchés, la sec met en lumière la pratique courante d'une double notation, une note unique étant interprétée comme une incapacité de l'émetteur à obtenir une note équivalente et donc comme le signe d'une qualité insuffisante de ses actifs. Ajoutons que le rôle des agences est décuplé dans la mesure où les analystes internes aux émetteurs (sell-side) ou aux investisseurs (buy-side) se reposent sur ces notes pour leurs propres analyses. De même, la notation dans les contrats privés est de plus en plus utilisée et peut renforcer les problèmes de liquidité des sociétés en cas de dégradation de la notation d'un émetteur : ce dernier éprouvant des difficultés à se financer, les prêteurs peuvent demander un remboursement des exigibilités. - en matière de conflits d'intérêts, la sec s'interroge sur l'existence de contacts préalables, avant diffusion, entre notateurs et utilisateurs de la notation. Elle se demande également, s'agissant des rémunérations, si le paiement par les émetteurs n'est pas de nature à inciter certaines agences à la tolérance. Elle s'inquiète enfin du développement des services de conseil connexes à la notation, dont le principe est, notamment, de conseiller les entreprises sur l'opportunité de réaliser telle ou telle opération pour améliorer leur propre note. Il est révélateur que, dans son premier rapport du mois de janvier 2003, la sec elle-même reconnaisse n'en être qu'aux balbutiements d'une telle réflexion : « si la Commission a fait des progrès significatifs dans son étude des agences de notation et a identifié une large gamme de questions qui méritent un examen complémentaire, beaucoup reste à faire néanmoins ». Et la sec de reconnaître dans le même temps que « la Commission est consciente que certains des concepts évoqués dans ce rapport sont susceptibles de soulever des questions quant aux limites de l'autorité de la Commission. Nous serons, par conséquent, prudent en examinant ces questions. » Même le régulateur américain, seul à délivrer le « sésame » des agences de notation qui leur permet d'accéder au statut de nrsro, reconnaît son impuissance... De fait, les agences de notation émettant des opinions, jusqu'à quel point le régulateur américain peut-il encadrer leur activité au regard du premier amendement de la Constitution américaine, relatif à la liberté d'expression, sur lequel s'appuie, par exemple, la presse ? Il n'en reste pas moins qu'un véritable mouvement de fronde contre les agences de notation se lève actuellement dans tous les grands pays industrialisés, à la recherche de moyens de contrôle sur celles qui sont accusées de jouer le rôle de « pompiers pyromanes ». Par exemple, l'Allemagne réfléchit également, dans le cadre de l'élaboration d'un projet de loi de restauration de la confiance en matière financière, au renforcement du contrôle sur les analystes et les agences de notation, comme l'a annoncé, à la fin du mois de février 2003, le ministre des finances allemand. Pour en revenir au cadre national, il n'existe pas, en droit français, de dispositions relatives aux agences de notation. Ce contexte explique la très grande prudence de la commission des Finances du Sénat, qui propose sur ce point de désigner l'amf comme l'interlocuteur des autres grands régulateurs mondiaux en la matière et de lui confier le soin d'adapter, le moment venu, les règles internationales à appliquer à ce secteur. Initialement cependant, le Sénat était allé plus loin en proposant de soumettre les agences au contrôle de l'amf, sans préciser cependant par quels moyens... C'est en séance publique que la solution du rapport, très inspiré de la loi Sarbanes-Oxley, a été proposée, sur l'incitation du Gouvernement. Le projet de loi modifié par le Sénat introduit également une disposition obligeant analystes financiers et agences de notation à conserver leurs documents préparatoires pendant une période minimale de trois ans, afin de les tenir à disposition de l'amf. Faut-il aller plus loin ? En réalité, la vraie question est plutôt celle du « peut-on aller plus loin ? » : la dimension internationale de ces questions, et notamment du problème des agences, représente un obstacle certain à une action efficace du législateur français. Le Gouvernement ne se satisfaisant toutefois pas de ce constat d'impuissance, le ministre de l'économie et des finances a proposé que le sujet soit traité au sein du G 8, actuellement sous présidence française. Reste que c'est, en la matière, la toute-puissante sec américaine qui donne le ton : l'édiction de mesures destinées à moraliser les pratiques des agences, du moins à les rendre plus transparentes, devrait intervenir sous peu. Il semble que la sec, seule à même d'attribuer le label qui permet aux agences de notation - il y en a quatre aujourd'hui, dont deux particulièrement puissantes - d'être reconnues par le marché, soit décidée à prendre ce problème à bras-le-corps. Sous les réserves majeures évoquées précédemment... 2. Les analystes financiers : un embryon de réglementation L'analyse financière représente l'autre maillon de la chaîne dont le rôle est aujourd'hui en débat. Que les analystes ne puissent mettre les investisseurs en garde quand ils sont eux-mêmes victimes des manipulations comptables des entreprises peut se comprendre. Ce qui est en cause aujourd'hui, c'est la persistance dont ils ont fait preuve, alors même, par exemple, que les comptes de la quasi-totalité des sociétés Internet étaient caractérisés par des pertes égales à plusieurs fois le chiffre d'affaires du dernier exercice écoulé, à diffuser des prévisions de croissance très optimistes. Sans parler des conseils publics en contradiction flagrante avec les analyses internes, comme l'a révélé la découverte des messages électroniques d'une grande banque américaine... Faut-il, sans aller jusqu'à évoquer ces tromperies volontaires, invoquer le seul comportement moutonnier des analystes ? Sans doute. Reste que la question de l'indépendance des analystes ne se réduit pas à ce constat : dans quelle mesure les analyses émises par les départements de recherche des banques ne sont-elles pas tenues à un devoir d'optimisme, même implicite, dès lors que les établissements qui les emploient financent le développement des mêmes sociétés ? Dans cette perspective, l'interrogation peut même, plus radicalement, porter sur la possibilité pour un analyste financier, d'être indépendant : l'analyse financière n'est-elle pas, à certains égards, une « prime aux schizophrènes » (10) ? Ainsi, comme le rappelle l'auteur de la formule, jusqu'au début des années 1990, il était prouvé que les analystes étaient intentionnellement optimistes dans leurs prévisions de bénéfices. Ils sont devenus plutôt pessimistes, « mais dans les deux cas, c'est pour faire plaisir aux dirigeants. En effet, ces derniers préfèrent aujourd'hui faire ressortir une surprise positive. (...) Les directions financières des firmes cotées sont donc passées maîtresses dans l'art de gérer les surprises de bénéfices. » Et le même auteur de qualifier le « jeu pervers » et « la relation quasi incestueuse entre directions financières et analystes » qu'aurait accentuée la publication des résultats trimestriels, « les premières guidant les seconds en publiant leurs estimations de résultats trimestriels ». De fait, « les vendeurs d'actions (désignés par le terme anglais « sell side ») doivent avoir des histoires à raconter à la centaine d'investisseurs institutionnels (...) Ces conseils généreront des ordres d'achat ou de vente, donc des commissions, sur lesquelles les rémunérations des analystes sont, peu ou prou, indexées. » Selon une enquête récente réalisée par la sec, sur trois cents dirigeants interrogés, un sur cinq admet qu'il n'accorderait pas de mandat à une banque dont le département « Recherche » émettrait des avis trop négatifs sur sa société. Comme le note Bertrand Jacquillat, l'enquête ne dit pas si les quatre autres cinquièmes accorderaient un mandat à la banque pour la faire changer d'avis... Les cas ne sont d'ailleurs pas rares de mise en cause d'analystes par leur banque, ou du moins de pressions exercées sur eux. Déjà, en 1992, Terry Smith démontait le mécanisme des conflits d'intérêts dans son livre Accounting for growth (sous-titre « Comment falsifier les comptes d'une société ») : ce chef analyste des valeurs britanniques dans une banque avait été licencié pour avoir fait des recommandations négatives sur des sociétés clientes du département Corporate Finance de la banque. Pour en revenir à l'affaire Enron, dans la nuit du 21 au 22 août 2001, un analyste d'ubs Paine Webber alerte soixante-treize de ses meilleurs clients pour les inciter à vendre leurs actions Enron ; aux premières heures du jour, l'un des dirigeants d'Enron enjoint à ubs d'y mettre bon ordre ; message reçu : le courtier annule son avis précédent et maintient son conseil d'achat. Ce n'est que très récemment que les régulateurs américains se sont intéressés au problème. Ainsi, il a fallu attendre juin 2001 pour que la sec reconnaisse la possibilité de conflits d'intérêts avec l'activité de banque d'investissement. Son premier état des lieux, réalisé en août 2001, suscita un certain émoi en montrant comment la rémunération des analystes était souvent fonction des recettes du département « opérations » des banques. Le régulateur a donc décidé de renforcer l'éthique de l'analyse et travaille, avec l'association nationale américaine des courtiers et le nyse, à la mise en œuvre de règles de transparence (description des liens financiers existant avec les entreprises analysées) et d'indépendance (interdiction pour les analystes de détenir des actions). Comme dans le cas des agences de notation, le législateur de Sarbanes-Oxley est venu conforter la sec dans sa tâche, en lui enjoignant de prendre des mesures de prévention des conflits d'intérêts au plus tard un an après la promulgation de la loi. La réflexion sur la recherche financière existe également en Grande-Bretagne où la fsa a publié un rapport, au mois de février 2003, sur le thème des analystes financiers. Enfin, le paragraphe 5 de l'article 6 de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché (dite « directive abus de marché ») dispose que « les États membres s'assurent qu'il existe une réglementation appropriée pour garantir que les personnes qui réalisent ou diffusent des travaux de recherche concernant des instruments financiers ou des émetteurs d'instruments financiers ou les personnes qui produisent ou diffusent d'autres informations recommandant ou suggérant une stratégie d'investissement, destinés aux canaux de distribution ou au public, veillent, avec une attention raisonnable, à ce que l'information soit présentée de manière équitable et mentionnent leurs intérêts ou l'existence de conflits d'intérêts en rapport avec les instruments financiers auxquels se rapporte cette information. Ils portent cette réglementation à la connaissance de la Commission. » En France, les analystes financiers ne sont à ce jour régis par aucune norme législative ou réglementaire. Il n'existe actuellement de dispositions les concernant que dans le règlement général du cmf, complété par une décision, depuis le 27 mars 2002. Aux termes du titre II de ce règlement, relatif aux « prestataires de services d'investissement », les personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le compte d'un prestataire habilité doivent être titulaires d'une carte professionnelle lorsqu'elles exercent les fonctions d'analyste financier (article 2-4-1 de l'arrêté du 2 mai 2002). Ce même article définit l'analyste financier comme « toute personne physique ayant pour mission de produire des analyses financières sur les personnes morales émettrices d'instruments financiers négociés sur un marché ou dont l'admission à la négociation est demandée en vue de formuler et généralement diffuser une opinion sur l'évolution prévisible des dites personnes morales et par voie de conséquence l'évolution prévisible du cours de bourse de ces instruments ». La procédure décrite dans ce règlement est la suivante : - la personne physique destinée à être titulaire d'une carte professionnelle remplit au préalable un dossier d'agrément (modèle établi par une décision du cmf) ; - le responsable du contrôle d'investissement - que les prestataires de services d'investissement ont obligation de mettre en place et qui a la charge de contrôler le respect du règlement général du cmf - s'assure que la personne physique « présente l'honorabilité requise » et qu'elle « a satisfait à la procédure mise en place par le prestataire habilité et destinée à vérifier qu'elle a pris connaissance de ses obligations professionnelles ». Ajoutons que le responsable du contrôle peut vérifier, auprès du cmf, l'éventuelle existence de sanctions disciplinaires prises à l'encontre du candidat dans les cinq années écoulées (article 2-4-5) ; - la carte professionnelle correspondant à l'exercice de la fonction d'analyste financier est attribuée par la personne morale sous l'autorité ou pour le compte de laquelle l'analyste agit (article 2-4-7) ; - la personne à laquelle est délivrée la carte en est avisée. Le cmf peut demander communication du dossier d'agrément (article 2-4-8). Dans son titre III qui traite des « règles de bonne conduite applicables aux prestataires habilités », le règlement évoque également les règles de bonne conduite applicables aux prestataires habilités et à toutes les personnes agissant sous son autorité, ces règles constituant pour ceux-ci « une obligation professionnelle » (article 3-1-1, arrêté du 18 décembre 2000). Le règlement envisage également le cas de codes de bonnes conduites élaborés par une association professionnelle : ceux-ci sont soumis au cmf qui en vérifie la compatibilité avec les dispositions du règlement général et peut, après avis de l'association française des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, en recommander l'application à tous les prestataire habilités. La bonne application des règles de bonne conduite est confiée à un responsable de la fonction déontologique, dénommé déontologue, que tout prestataire de services d'investissement a obligation de désigner. Ce dernier a notamment pour charge d'établir un recueil des dispositions déontologiques à respecter, au nombre desquelles le règlement cite expressément les « procédures connues sous le nom de muraille de Chine », dont l'objet est de prévenir la circulation indue d'informations confidentielles. Elles prévoient notamment « l'organisation matérielle conduisant à la séparation des différentes activités susceptibles de générer des conflits d'intérêts dans les locaux du prestataire habilité » (article 3-1-7). C'est au prestataire qu'il convient de mettre en place des obligations spécifiques aux catégories de ses collaborateurs dont il estimera qu'ils exercent « des fonctions sensibles ». Celles-ci sont définies comme « les fonctions liées à l'exercice des services (...) qui exposent leurs titulaires à se trouver en situation de conflit d'intérêts ». Sont expressément visés à ce titre « l'analyse financière et le traitement des informations ». En outre, le règlement interdit aux analystes financiers d'émettre pour leur compte propre des ordres sur instruments financiers s'ils « sont susceptibles de produire une analyse sur l'émetteur de cet instrument financier », interdiction qui s'étend « à l'ensemble des instruments financiers relevant du secteur auquel appartient l'émetteur sur lequel l'analyse est susceptible de porter ». Les conditions d'application des règles édictées par le règlement général du cmf à l'égard des analystes financiers ont été précisées par une décision en date du 27 mars 2002, dont l'évaluation est actuellement en cours (11). C'est dans la lignée de la réflexion internationale et des règles édictées par le cmf que la commission des Finances du Sénat a adopté des amendements incluant les analystes financiers dans la liste des professions dont les conditions d'exercice sont précisées dans le règlement général de l'amf, ce qui revient à confier à l'amf un véritable rôle dans la réglementation (article 8), le contrôle (article 10) et la sanction (article 14) de la profession. La commission des Finances du Sénat a en outre introduit une disposition selon laquelle les dirigeants d'entreprises qui produisent de l'analyse financière doivent s'abstenir de toute action auprès des analystes qui compromettrait l'information du marché. II.- GARANTIR LA FIABILITÉ DE L'INFORMATION FINANCIÈRE : LA RÉFORME DU COMMISSARIAT AUX COMPTES La pertinence et la transparence de l'information financière fournie par les entreprises tout comme le bien-fondé de leurs choix stratégiques reposent largement sur la mise en œuvre d'une chaîne sécuritaire dont les commissaires aux comptes constituent un maillon essentiel. L'amélioration du contrôle légal des comptes, même si les professionnels français n'ont généralement pas démérité (12), s'inscrit donc parmi les moyens de renforcer la crédibilité des entreprises. Leurs interventions contribuent à une meilleure fiabilité des renseignements fournis. Cela bénéficie d'abord aux actionnaires, puisque l'existence d'un contrôleur légal rassure les associés minoritaires, enclins par nature à douter de l'objectivité des comptes sur lesquels ils doivent se prononcer en assemblée générale. La crédibilité accrue dont bénéficient les documents comptables certifiés par un commissaire aux comptes facilite les relations de la société avec ses fournisseurs, clients et banquiers. Les tiers sont mieux à même de recueillir des données plus pertinentes dans les comptes sociaux annuels publiés après certification. Les salariés, et cette question prend une importance particulière dans le contexte actuel, peuvent par le biais du comité d'entreprise être mieux informés sur la situation réelle de l'entreprise. L'action de plus en plus importante des commissaires aux comptes, en quantité comme en qualité, impose de sortir du système d'autorégulation de la profession dans lequel elle se trouve. A. UN CHAMP D'INTERVENTION DE PLUS EN PLUS LARGE Les commissaires aux comptes ne sont plus seulement, depuis longtemps, de simples censeurs des comptes mais aussi des auditeurs plongés au cœur des processus de fonctionnement des entreprises. Leur champ d'intervention n'a cessé de s'élargir. Ils tendent à devenir les certificateurs généraux du bon déroulement des procédures dans les entreprises. Leur signature revêt du sceau de la légalité un nombre croissant d'opérations, menées y compris par des entités qui ne sont pas soumises à l'obligation de certification de leurs comptes, mais qui souhaitent acquérir, par ce biais, une certaine crédibilité. Organe neutre et indépendant appelé à vérifier que les informations d'ordre comptable émises par la société sont dignes de foi, le commissaire aux comptes est aussi chargé de s'assurer que la vie sociale ne se déroule pas dans des conditions irrégulières ou attentatoires à la pérennité de l'entreprise. À ce double titre, le commissaire aux comptes exerce deux types de missions : une mission de certification et de contrôle général des données comptables, une mission de surveillance et d'information. 1. Le contrôle légal des comptes a) Le contenu de cette mission La première mission du commissaire aux comptes porte sur les données comptables. Elle vise à la fois la certification, telle que définie par le premier alinéa de l'article L. 225-235 du code de commerce, et le contrôle permanent de leur véracité, sur le fondement du troisième alinéa de l'article précité. La certification a pour objet de garantir la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes sociaux, autant de qualités propres à donner une image véridique de l'entreprise. La régularité s'apprécie au regard des lois en général et des règles de la technique comptable en particulier, sur le fondement de l'article L. 123-17 du code précité qui dispose que « la présentation des comptes annuels comme des méthodes d'évaluation retenues ne peuvent être modifiées d'un exercice à l'autre. Si des modifications interviennent, elles sont décrites et justifiées dans l'annexe ». La sincérité des comptes est respectée lorsque leur établissement a obéi à la bonne foi et à la loyauté. Les dirigeants doivent avoir procédé à des évaluations correctes et apprécié de manière raisonnable les risques comme les dépréciations. La fidélité englobe les deux notions de régularité et de sincérité : elle traduit l'objectif général qui doit être celui des écritures comptables. Le commissaire aux comptes peut délivrer la certification « en formulant, s'il y a lieu, toutes observations utiles ». Il peut émettre des réserves, en particulier lorsqu'il a rencontré des obstacles dans l'exercice du contrôle, trop mineurs cependant pour justifier un refus de certifier. Cette prérogative est d'autant plus important que les questions que le commissaire est amené à rencontrer deviennent de plus en plus compliquées, qu'il s'agisse de la titrisation d'actifs, des montages « déconsolidants », des résultats qui ont une incidence fiscale décalée dans le temps, des évaluations de provisions, du périmètre de consolidation selon la structure juridique de la filiale ou encore de certaines clauses contractuelles. L'exigence de certification est traditionnellement réservée aux comptes rétrospectifs et se trouve donc écartée pour les comptes prévisionnels, par nature, incertains. Mais, en application du deuxième alinéa de l'article L. 232-3, si le commissaire aux comptes estime que la situation future de la société n'est pas dépeinte avec suffisamment de réalisme, il doit faire part de ses observations dans un rapport spécial, communiqué au comité d'entreprise. Il est donné connaissance de ce rapport à la prochaine assemblée générale. La certification va au-delà des seuls comptes sociaux. Conformément à l'article L. 225-115 du code précité, les commissaires aux comptes doivent certifier exact le montant des rémunérations versées aux cinq ou dix personnes les mieux rémunérées de l'entreprise, dès lors que l'effectif du personnel excède deux cents salariés, ainsi que le montant global des sommes fiscalement déductibles correspondant aux dons et subventions accordés par l'entreprise. La mission de contrôle général de la situation comptable et financière, qui résulte du troisième alinéa de l'article L. 225-235 précité, est une mission permanente, à l'exclusion de toute immixtion dans la gestion. Elle se traduit par la vérification constante de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes sociaux, propres à donner une image fidèle de l'entreprise, et par la vérification des valeurs et écritures comptables de la société. Le commissaire doit aussi s'assurer de la pertinence et de la concordance des comptes annuels avec les informations de nature financière figurant dans le rapport des dirigeants à l'assemblée ou les documents adressés aux associés. Quelle que soit leur taille, se trouvent soumises à l'obligation de nommer un ou plusieurs commissaires aux comptes : les sociétés anonymes (sa) en vertu de l'article L. 225-218 du code de commerce, les sociétés en commandite par actions en application de l'article L. 226-6 et les sociétés par actions simplifiées sur le fondement de l'article L. 227-1. Certaines personnes morales ne doivent faire appel aux services d'un commissaire aux comptes que si l'importance économique du groupement, mesurée à partir de seuils légaux, le justifie. C'est le cas des sociétés en nom collectif, des sociétés en commandite simple et des sociétés à responsabilité limitée (sarl), si elles dépassent, à la clôture de l'exercice, deux des trois indicateurs suivants : 1,5 million d'euros de bilan total, 3 millions d'euros de chiffre d'affaires hors taxes, cinquante salariés en moyenne sur l'année. La société n'est plus tenue à désignation lorsqu'elle n'a pas franchi ces seuils durant les deux exercices qui précédent l'expiration du mandat du commissaire. Toutefois, même en deçà des seuils fixés, en application du troisième alinéa de l'article L. 221-9 du code de commerce, la nomination d'un commissaire peut être demandée en justice par tout associé d'une société de personnes ou par un ou plusieurs associés d'une sarl, sous réserve d'atteindre au moins le dixième du capital. Les groupements d'intérêt économique qui émettent des valeurs mobilières ou qui comptent cent salariés au minimum à la clôture d'un exercice doivent nommer un commissaire aux comptes en vertu de l'article L. 251-12 du code précité. En application de l'article L. 612-1, cette obligation pèse également sur les personnes morales de droit privé non commerçantes ayant une activité économique constituées en sociétés civiles ou en associations, et qui répondent aux critères susvisés de chiffres d'affaires, de bilan et d'effectifs. Enfin, en vertu de l'article 30 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises et selon les mêmes critères, les entreprises nationales et les établissements publics de l'État qui exercent une activité industrielle ou commerciale doivent nommer un commissaire aux comptes. Rien n'empêche les structures qui ne répondent pas aux critères prévus de se doter malgré tout d'un commissaire aux comptes. Des règles spécifiques sont applicables aux comptes consolidés. Toute société commerciale qui contrôle de manière exclusive ou conjointe une ou plusieurs autres entreprises ou qui exerce une influence notable sur celles-ci est tenue d'établir et de publier les comptes du groupe ainsi formé en vertu de l'article L. 233-16 du code de commerce. La société placée à la tête de l'ensemble doit avoir au moins deux commissaires pour certifier la régularité et la sincérité des comptes consolidés et affirmer qu'ils donnent une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat du groupe. Les commissaires aux comptes de la société « consolidante » peuvent voir leur responsabilité engagée en cas d'erreurs imputables aux cabinets qui officient auprès des filiales, si l'image du groupe entier se trouve altérée. Ce risque est amplifié s'ils se bornent à reprendre, sans opérer la moindre contre-enquête, les avis de leurs collègues en fonction dans les sociétés appartenant au groupe. De manière préventive et sans manquer à la nécessaire courtoisie qui s'impose à l'égard de leurs pairs, les commissaires chargés de la certification des comptes consolidés sont invités à coordonner les travaux de révision légale menés dans toutes les filiales, pour aboutir à la plus grande homogénéité possible. 2. La surveillance et l'information Au titre de sa mission de surveillance, le deuxième alinéa de l'article L. 210-8 du code de commerce confie au commissaire aux comptes le soin de s'assurer que la réécriture des statuts nécessitée par un changement de structure ou une opération financière exceptionnelle se fait dans des conditions régulières. Les articles L. 225-26 et 225-73 du code précité imposent au commissaire aux comptes d'une sa de veiller au respect des dispositions régissant les actions que les administrateurs et les membres du conseil de surveillance sont tenus de détenir. Sur cette base, il doit exiger du dirigeant qui n'est pas propriétaire du nombre d'actions requis une régularisation et dénoncer cette irrégularité dans son rapport à l'assemblée générale ordinaire. En application du quatrième alinéa de l'article L. 225-235 du code de commerce, le commissaire aux comptes s'assure que l'égalité est respectée entre associés et vérifie, en particulier, que les parts sociales ou actions d'une même catégorie ouvrent droit à des prérogatives identiques : accès aux assemblées, libre participation aux votes, vocation aux dividendes, etc. Il doit signaler, dans son rapport à l'assemblée, les pratiques qui lui semblent constitutives d'abus de majorité. Dans le cadre de sa mission d'information, les commissaires aux comptes doivent informer non seulement les dirigeants, les associés et les représentants des salariés, mais aussi, en cas de nécessité, les autorités judiciaires. Sur le fondement de l'article L. 225-237, le commissaire aux comptes doit porter le résultat de ses investigations à la connaissance des dirigeants sociaux, dans un document distinct du rapport présenté par le commissaire à l'assemblée qui statue sur les comptes. Le commissaire aux comptes est appelé à dialoguer avec le comité d'audit de l'entreprise, mais aussi avec les auditeurs internes, dans une relation complexe appelée à se développer. Il se doit de lancer une procédure d'alerte sur le fondement de l'article L. 234-1 du code précité, lorsqu'il découvre des faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation. D'abord, le commissaire aux comptes qui observe des faits alarmants doit se contenter d'attirer l'attention de certains dirigeants sociaux et leur demander des éclaircissements. Ces derniers doivent répondre dans les quinze jours. Dans les sociétés autres qu'anonymes, une copie de la correspondance échangée entre le commissaire et les dirigeants est transmise au comité d'entreprise, tandis que le président du tribunal de commerce est informé. Ensuite, dans le cas où les réponses ne sont pas satisfaisantes, le commissaire invite l'organe collégial d'administration ou de surveillance à délibérer sur les faits relevés. Enfin, si la poursuite de l'activité demeure compromise malgré la saisine des organes dirigeants, le commissaire aux comptes établit un rapport spécial qui est présenté à la prochaine assemblée générale et transmis au comité d'entreprise. Par ailleurs, le commissaire aux comptes doit faire rapport à l'assemblée générale ordinaire des associés en application de l'article L. 225-100 du code précité. C'est à cette occasion qu'il prend parti sur la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes. S'ajoutent éventuellement à ce rapport général une série de rapports spéciaux : sur certaines conventions réglementées entre une société et l'un de ses dirigeants ou associés (articles L. 223-19, L. 225-38 et L. 225-86), sur les rémunérations exceptionnelles des dirigeants dans les sa (articles L. 225-46 et L. 225-84), sur les documents comptables prévisionnels des sociétés commerciales de plus de trois cents salariés ou dont le montant net du chiffre d'affaires est égal ou supérieur à 18 millions d'euros (article L. 232-1). De plus, le commissaire aux comptes doit faire rapport aux assemblées générales extraordinaires lorsqu'elles ont pour objet la transformation de la société (articles L. 223-43 et L. 225-244), une augmentation de capital avec renonciation des actionnaires au droit préférentiel de souscription (article L. 225-135), l'émission d'obligations convertibles en actions ou échangeables contre des actions (articles L. 225-161 et L. 225-169), l'émission d'actions avec bons de souscription d'actions (article L. 225-150), la réduction du capital social (article L. 225-204), la création de certificats d'investissement (article L. 228-30), l'émission de valeurs mobilières composées (article L. 228-92), l'émission de bons de souscription autonomes (article L. 228-95), l'octroi aux salariés d'options donnant droit à la souscription d'actions (article L. 225-177) ou la conversion d'actions ordinaires en actions à dividende prioritaire sans droit de vote et inversement (article L. 228-12). En application de l'article L. 432-4 du code du travail, les membres du comité d'entreprise ont droit à l'ensemble des documents transmis annuellement à l'assemblée. Ils ont la possibilité de convoquer le commissaire aux comptes à un entretien. Enfin, sous peine de sanctions pénales, sur le fondement des articles L. 225-240 et L. 820-7 du code de commerce, les commissaires aux comptes doivent révéler au procureur de la République les faits délictueux dont ils surprennent l'existence au cours de l'accomplissement de leur mission. Mais, en cas d'erreur sur la réalité de l'infraction, leur responsabilité est dégagée. Ce devoir de dénonciation est très large puisqu'il ne se limite pas aux seules incriminations applicables aux sociétés commerciales et s'étend aux faits contraires aux lois sociales, fiscales, économiques ou douanières. Certains développements rendent la mission du commissaire éminemment délicate. Par exemple, depuis la loi nre du 15 mai 2001, les sociétés cotées doivent faire figurer, dans leur rapport annuel de gestion sur l'exercice ouvert à compter du 1er janvier 2002, la manière dont elles prennent en compte les « conséquences sociales et environnementales » de leur activité. Le commissaire aux comptes est donc appelé à analyser les indications d'« éco-efficacité » quantitatives en unités physiques. La cob, dans son instruction en date du 11 décembre 2001 relative à l'information que les sociétés ont à fournir sur leur degré d'exposition aux risques de marché, a précisé la manière dont doivent s'apprécier les provisions et garanties pour risques en matière d'environnement. La mission du commissaire aux comptes dans ce domaine s'avère cependant particulièrement complexe. Comment peut-il certifier que des informations hautement techniques, le taux de rejet dans l'air par exemple, sont « manifestement cohérentes » ? Dans ce cadre, le commissaire doit voir son rôle se limiter au contrôle de la qualité des informations et de l'absence d'irrégularités flagrantes. L'accroissement du champ d'intervention des commissaires aux comptes s'accompagne d'une concentration grandissante des mandats d'audit légal parmi les grandes entreprises cotées. Ce qui est vrai dans le monde est vrai en France. Les quatre plus grands cabinets que sont kpmg, Ernst&Young, PricewaterhouseCoopers et Deloitte Touche & Tohmatsu, assurent une grande partie du chiffre d'affaires du secteur, avec 2,6 milliards d'euros en 2002. Au-delà, il faut constater un certain émiettement : une cinquantaine de cabinets totalisent 40 % des honoraires d'audit et d'expertise comptable réalisés par les huit premiers cabinets. C'est à l'aune de cette répartition qu'il convient de juger certains des apports du présent projet de loi. Eu égard à l'importance croissante des missions confiées aux commissaires aux comptes, l'autorégulation ne saurait suffire pour garantir la légitimité et la crédibilité de cette profession. Progressivement, sur le fondement des dispositions du code de commerce relatives aux sa et compte tenu de leur mission d'intérêt public de contrôle légal des comptes confiée aux commissaires aux comptes, le législateur est venu encadrer leur profession. Bien que précisé par la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, cet encadrement est insuffisant sur plusieurs points, en particulier en matière de contrôle. 1. Les prémices d'un statut législatif En vertu de l'article L. 225-218 du code de commerce, issu de l'article 218 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, et de l'article 6 du décret n° 69-810 du 12 août 1969 portant règlement d'administration publique et relatif à l'organisation de la profession et au statut professionnel des commissaires aux comptes de sociétés (13), les fonctions de commissaire aux comptes sont exercées par des personnes physiques ou des sociétés constituées entre elles sous quelque forme que ce soit. Le regroupement peut ainsi s'effectuer au sein de sociétés commerciales ou de sociétés civiles professionnelles ou ordinaires. Les trois quarts du capital des sociétés de commissaires aux comptes et les trois quarts des organes dirigeants doivent être assurés par des professionnels. Comme les personnes physiques, les sociétés de commissaires aux comptes sont inscrites sur une liste après examen d'une commission régionale d'inscription. En conséquence, elles disposent des mêmes droits et sont soumises aux mêmes obligations que les praticiens agissant à titre individuel. Elles sont justiciables du pouvoir disciplinaire reconnu à la chambre régionale de discipline instituée au sein des commissions régionales d'inscription. Le II de l'article L. 225-219 du code de commerce prévoit qu'un décret en Conseil d'État fixe l'organisation de la profession de commissaire aux comptes. Ainsi, le décret du 12 août 1969 précité détermine le mode d'établissement et de révision de la liste, qui relève de la compétence de commissions régionales d'inscription et, en appel, d'une commission nationale d'inscription dont la composition est prévue à l'article L. 225-220 du code précité, ainsi que les conditions d'inscription sur la liste, le régime disciplinaire, qui relève de la compétence de chambres régionales de discipline et, en appel, d'une chambre nationale de discipline. Il fixe également les conditions dans lesquelles les commissaires aux comptes sont groupés dans des organismes professionnels. En application de l'article L. 225-222 du code de commerce et afin de garantir l'indépendance du contrôle légal des comptes, le cumul du statut de commissaire aux comptes avec d'autres qualités ou professions est interdit. Selon la même logique et en vertu des articles L. 223-38 pour les sarl, L. 221-10 pour les sociétés de personnes et L. 225-224 pour les sa, les commissaires aux comptes ne peuvent exercer leurs fonctions auprès d'entités avec lesquelles ils auraient des liens trop étroits, laissant craindre un manque d'impartialité du contrôle. Par conséquent, ces sociétés ne peuvent pas choisir leur commissaire aux comptes parmi les fondateurs, apporteurs en nature, bénéficiaires d'avantages particuliers, administrateurs, membres du directoire ou du conseil de surveillance et ceux des filiales dont elles possèdent plus de la moitié du capital, pas plus que parmi les parents en ligne directe et collatérale et alliés des personnes précédemment visées, jusqu'au quatrième degré inclus ou parmi les administrateurs, les membres du directoire ou du conseil de surveillance des sociétés qui possèdent le dixième de son capital ou, inversement, dont elles possèdent le dixième du capital, ainsi que leurs conjoints. Sont également exclus les personnes et leurs conjoints qui reçoivent de sa part ou de celle de ses dirigeants une rémunération quelconque à raison de fonctions autres que celles de commissaires aux comptes. Dans certains cas, la loi a posé le principe d'une incompatibilité temporaire. En application de l'article L. 225-226 du code précité, la perte de la qualité de dirigeant ou de salarié laisse subsister pendant cinq ans l'interdiction d'être nommé commissaire aux comptes de la société. Pendant le même délai, l'intéressé ne peut pas davantage officier auprès des sociétés possédant plus de 10 % du capital de la société en question, ou dont celle-ci détenait plus de 10 % du capital lors de la cessation des fonctions. Enfin, conformément aux articles L. 245-12 et L. 228-62 du code précité, le commissaire aux comptes d'une société émettant des obligations ou d'une société garantissant le remboursement de l'emprunt ne peut en même temps représenter la masse des obligataires ou se faire élire par celle-ci comme mandataire pour la réunion des assemblées générales de ces sociétés. Cette incompatibilité est étendue aux ascendants, descendants et conjoints. Si aucune disposition législative n'interdit au commissaire aux comptes de détenir des actions des sociétés du groupe dont il contrôle les comptes, le conseil national des commissaires aux comptes, instance dirigeante de la compagnie nationale des commissaires aux comptes, a conseillé, dans une recommandation en date du 12 juillet 1980, de ne pas pratiquer ce qui constitue une indéniable rupture d'égalité entre les associés, le commissaire associé détenant plus d'informations que les autres associés. Par ailleurs, la cob, dans des recommandations adoptées le 6 janvier 1998, a préconisé l'interdiction, pour une société de commissaires aux comptes affiliée à un cabinet international, de vérifier les comptes de sociétés ayant bénéficié des conseils d'une société membre du même réseau, l'existence de liens économiques et financiers entre elles pouvant constituer un manquement à l'indépendance. b) Un encadrement pénal des dérives Au-delà de la sanction des dispositions visées ci-dessus, un certain nombre de dispositions générales concernent les commissaires aux comptes. L'article 226-13 du code pénal s'applique au commissaire aux comptes qui divulgue une information confidentielle en dehors d'un cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. Il encourt un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende. Le commissaire aux comptes est soumis aux règles générales des infractions boursières. En application de l'article L. 465-1 du code monétaire et financier, lorsqu'il contrôle une société émettant des titres négociés sur un marché réglementé, il doit s'abstenir d'exploiter les informations privilégiées qu'il détient sur les perspectives et la situation de l'entreprise. Enfreindre cette règle l'expose au délit d'initié puni de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 1,5 million d'euros. Sur le même fondement, il encourt une peine identique lorsqu'il se rend coupable du délit d'intoxication boursière, consistant à répandre sciemment dans le public de fausses nouvelles sur les perspectives ou la situation d'un émetteur de titres réglementés sur un marché négocié. En application de l'article L. 242-20 du code de commerce, tout commissaire qui, sciemment, aura donné ou confirmé des indications inexactes dans le rapport présenté à l'assemblée générale réunie pour décider de la suppression du droit préférentiel de souscription des actionnaires, est passible d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 18 000 euros. Celui qui omet de signaler les prises de participation significatives par la société dans d'autres entités ayant leur siège social sur le territoire français ou d'indiquer l'identité des personnes ayant pris des participations notables dans la société soumise au contrôle, s'expose à un emprisonnement de deux ans et à une amende de 9 000 euros, conformément aux articles L. 247-1 et L. 247-2 du code précité. La loi nre du 15 mai 2001 a marqué un progrès. Une mesure prophylactique interdit et sanctionne pénalement l'usage du titre de commissaire aux comptes de la part de toute personne qui ne serait pas inscrite sur la liste professionnelle en application de l'article L. 820-5 du code de commerce. Des peines identiques d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende sont encourues en cas d'exercice illégal, par exemple à la suite d'une mesure d'interdiction ou de suspension. L'exercice du commissariat aux comptes dans une société est incompatible avec d'autres activités risquant de compromettre l'indépendance du professionnel désigné pour occuper une telle fonction. Par ailleurs, les sanctions pénales qui frappent le commissaire aux comptes pour les fautes qu'il peut commettre dans l'exercice de sa mission sont harmonisées : non-respect des règles relatives aux incompatibilités, violation du secret professionnel, manquement à l'obligation de révéler les comportements délictueux. Tout commissaire qui, sciemment, donne ou confirme de fausses informations sur la situation de l'entité contrôlée, s'expose à un emprisonnement de cinq ans au maximum et à une amende pouvant atteindre 75 000 euros en application de l'article L. 820-7 du code précité. Par exemple, le commissaire qui s'aperçoit de la surévaluation d'un poste du bilan par inscription de créances fictives et qui n'en a pas fait état dans un rapport qu'il a établi à la demande de l'administrateur judiciaire de la société engage sa responsabilité, de même que celui qui s'est abstenu d'indiquer qu'il avait procédé à sa mission dans des conditions anormales. Selon le même article, le commissaire qui ne respecte pas les dispositions légales concernant la révélation des faits délictueux au procureur de la République commet un délit puni des mêmes peines. Parallèlement ont été harmonisées les sanctions des entraves apportées par les dirigeants ou les tiers à la mission du commissaire aux comptes. Sont passibles d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 75 000 euros, les dirigeants ou toute personne au service de la société qui, sciemment, auront fait obstacle à ses contrôles ou lui auront refusé la communication sur place d'une pièce utile à l'accomplissement de sa mission, en application de l'article L. 820-4 du code précité. Un décret approuve le code de déontologie de la profession en vertu de l'article L. 820-3 du même code. La compagnie nationale des commissaires aux comptes a élaboré un tel code, mais il n'a jamais été approuvé par décret. 2. La nécessité de renforcer la régulation de la profession Le paysage français du commissariat aux comptes est marqué par des spécificités qui ont pu le préserver de scandales aussi retentissants que ceux d'Enron ou de WorldCom. Parmi ces exceptions à la française, on peut citer la légalisation des incompatibilités et de la déontologie, le co-commissariat, la formation professionnelle obligatoire, la révélation des faits délictueux, la discipline et les inscriptions par des commissions composées de personnalités extérieures. Mais, aujourd'hui, le contrôle des commissaires aux comptes est assuré, à titre principal, par la profession elle-même, par le biais de l'examen national d'activité. Limité aux sociétés faisant appel public à l'épargne, il est assuré par le comité d'examen national d'activité (cena), constitué de professionnels auprès de la compagnie nationale des commissaires aux comptes. Sur le fondement d'un programme établi en concertation avec la cob, le contrôle est effectué par des professionnels en exercice, formés en conséquence. Le cena publie un rapport annuel. Il s'agit plus d'un contrôle de qualité que d'un contrôle exercé dans le cadre d'une mission de surveillance. Dans le contexte des scandales financiers qui ont agité les États-Unis, la profession de commissaire aux comptes est apparue comme un élément clef dans la chaîne de l'information financière. Pour renforcer encore la crédibilité de la profession en France face aux soubresauts des événements internationaux et en prévention de glissements éventuels, il est opportun de sortir de l'autorégulation pure et de doter les métiers de l'audit d'une instance de surveillance externe et de les soumettre à des règles plus précises (14). Le projet de loi lui-même contribue à cet infléchissement. Ainsi, en application de l'article 78 du projet qui complète l'article L. 225-235 du code de commerce, les commissaires aux comptes présentent un rapport particulier sur les procédures de contrôle interne quand elles sont mises en œuvre par la société pour l'élaboration et le traitement de l'information comptable et financière. Pour sortir de l'autorégulation, le projet de loi propose un nouveau cadre d'exercice de la profession, fondé sur un partenariat entre, d'une part, les pouvoirs publics incarnés dans un nouvel organe, le Haut conseil du commissariat aux comptes, placé auprès du garde des Sceaux, ministre de la justice, et, d'autre part, la profession représentée par la compagnie nationale des commissaires aux comptes et par les commissions régionales. Il aménage, par ailleurs, la séparation des activités de certification et des prestations offertes par le réseau auquel appartient le commissaire. Même si la séparation des missions d'audit et de conseil est indispensable, il serait irréaliste pour le bon fonctionnement de la chaîne sécuritaire de dresser une muraille infranchissable entre ces deux types de missions. Il est évident que le commissaire aux comptes ne saurait, sans affaiblir son rôle, exercer par exemple une activité de tenue de compte ou de conseiller fiscal permanent de l'entreprise qu'il contrôle. L'exercice d'une certaine activité de conseil peut être toléré dès lors qu'elle est intimement liée à la bonne réalisation de l'audit (formation comptable, élaboration de méthodes de contrôle interne) et que la mission de certification ne constitue pas un produit d'appel pour des missions de conseil. Le projet de loi doit permettre aux commissaires aux comptes de conforter, selon l'expression du professeur Jean Foyer, leur rôle de « conscience juridique et morale de l'entreprise », dans un sens souhaité par de nombreux acteurs (15). Mais, il n'épuise pas le sujet. La crédibilité de la chaîne de l'information financière repose, non seulement sur les contrôleurs, mais aussi sur la qualité intrinsèque des comptes, ce qui impose de suivre avec attention le processus d'harmonisation des normes comptables. III. - GARANTIR LA DISPONIBILITÉ ET LA LISIBILITÉ DE L'INFORMATION FINANCIÈRE : LA TRANSPARENCE ET LA GOUVERNANCE DES ENTREPRISES Le second volet du titre III projet de loi traite de ce qu'il est désormais courant de désigner sous le vocable de gouvernement d'entreprise. Remarquons d'emblée que ces règles sont très ponctuelles, ce qui conforte l'approche des rapports récents publiés en France sur le sujet, qui privilégient l'incitation à l'obligation. Trois champs de la transparence sont abordés, qui concernent : - le fonctionnement des organes dirigeants. À cet égard, le projet de loi s'efforce de lutter contre le formalisme excessif des documents transmis à l'assemblée générale. Le président du conseil d'administration se verra ainsi obligé d'expliquer concrètement le fonctionnement du conseil d'administration et les règles de contrôle interne. La novation introduite par le projet de loi réside dans le rapport qui est confié, sur le même sujet, mais limité à son champ de compétence, au commissaire aux comptes. Le principe qui consiste à faire bénéficier l'actionnaire de regards croisés est tout à fait intéressant ; - l'information à l'égard de l'assemblée générale et du comité d'entreprise, grâce à une information en amont de l'assemblée générale, à une information plus complète de celle-ci et, enfin, à une information plus pertinente ; - les opérations sur titres réalisées par les dirigeants, qui doivent en informer l'amf. 1. Un débat national et international alimenté par les récents scandales Si l'efficacité du contrôle est liée à celle des mécanismes incitatifs mis en place tout au long de la chaîne qui va des directions des entreprises jusqu'aux « faiseurs d'opinion » que sont les analystes, toutefois, c'est au cœur même de l'entreprise que se situe l'enjeu du contrôle, entre les dirigeants et leurs directions financières d'une part, et les conseils d'administration et leurs comités d'audit de l'autre. « Parce que l'information financière a gagné en importance, et que sa préparation n'est pas un processus déterministe, le contrôle de cette préparation est devenu à la fois plus difficile et plus essentiel : c'est l'enjeu de la corporate governance, c'est-à-dire des mécanismes qui encadrent la gestion de l'entreprise et notamment cet acte essentiel que constituent l'élaboration et l'approbation des comptes » (16). Thème rebattu que celui de la gouvernance des entreprises ? Le rapport fondateur, publié au Royaume-Uni sous l'égide de la commission Cadbury (1992), demeure l'étalon de référence pour la plupart des grands pays industrialisés. Depuis, tous les grands pays industrialisés ont, sous une forme ou sous une autre, pris position sur ces questions. Récemment, l'Union européenne a apporté sa pierre au débat sur la gouvernance. Le rapport remis par le groupe d'experts de haut niveau présidé par M. Jaap Winter, à la fin de l'année 2002, aborde tous les thèmes de la gouvernance : publication des rémunérations des directeurs dans le rapport annuel, incitation à permettre aux actionnaires de se prononcer sur les modalités de rémunération des dirigeants de l'entreprise, indépendance des membres du comité d'audit par rapport à la direction, transparence accrue des structures pyramidales qui, en France ou en Italie, concentrent le contrôle aux mains d'un nombre assez restreint d'actionnaires. En France, trois rapports se sont succédé en sept ans, qui témoignent tout à la fois d'une prise de conscience progressive de ce que spécificité ne doit pas signifier retard et d'une volonté des dirigeants français de définir des règles adaptées à la culture entrepreneuriale et au corpus juridique français. Le seul fait, cependant, que, pour la première fois, la voix d'un cercle de réflexion français se fasse entendre sur le sujet, en plus de celle des représentants patronaux, est intéressant : c'est peut-être aujourd'hui seulement que le sujet entre vraiment en débat. Ainsi, le rapport publié par l'Institut Montaigne en mars 2003, Mieux gouverner l'entreprise, apporte un élément de contradiction bienvenu, dans la mesure où la réflexion sur les contre-pouvoirs dans l'entreprise ne saurait, pour la qualité du débat, émaner des seuls pouvoirs... Si ce thème fait florès, c'est avant tout parce qu'au-delà des principes d'organisation différents d'un pays à l'autre, la même question se pose de faire fonctionner le plus efficacement possible le point névralgique de l'entreprise, à savoir le conseil d'administration. C'est en effet à lui que revient la mission clé d'arrêter les comptes et c'est, par un paradoxe qui n'est sans doute qu'apparent au regard du caractère stratégique de son intervention, cet organe qui apparaît généralement comme la maillon faible. Comment faire en sorte qu'il soit à la fois un lieu de critique et de contre-expertise et un organe efficace, ouvert au dialogue avec les dirigeants de l'entreprise ? En filigrane, apparaît toute la réflexion sur l'administrateur indépendant, sujet de débats houleux en France ainsi qu'en témoignent les positions divergentes adoptées, sur ce point, par les rapports du mouvement des entreprises de France (medef) et de l'association française des entreprises privées (afep) d'une part, de l'Institut Montaigne d'autre part. À cet égard, le projet de loi a, fort heureusement, laissé de côté le concept d'administrateur indépendant. Sur ce sujet, le rapporteur n'a recueilli que des avis négatifs, qui se sont exprimés notamment au cours des auditions menées par la mission d'information sur la réforme du droit des sociétés. À titre de précision, rappelons qu'en France, le profil moyen d'un conseil d'administration se présente comme suit (17) : - 40 % de représentants des actionnaires ; - 36 % d'administrateurs indépendants ; - 11 % d'administrateurs dirigeants ; - 7 % de représentants des salariés ; - 5 % d'anciens administrateurs dirigeants. 2. La nécessité de règles de transparence adaptées aux spécificités nationales À n'en pas douter, il existe un effet Enron sur la gouvernance des entreprises : « depuis l'affaire Enron, le comportement des conseils d'administration a changé. Les questions posées au management deviennent plus précises, les possibles conflits d'intérêts sont souvent évoqués, la durée des réunions est plus longue » (18). Il serait cependant excessif que cet effet se traduise par une uniformisation excessive des pratiques et méconnaisse les spécificités nationales. À cet égard, le différend qui a opposé les États-Unis à la plupart des grands pays industrialisés sur la question des comités d'audit est révélateur des dérives pouvant exister en la matière. Le caractère stratégique toujours plus affirmé de l'information financière a conduit à la création de comités d'audit distincts du conseil d'administration, qui ont pour fonction d'examiner les comptes de manière autonome, en lien direct avec la direction financière de l'entreprise, son président et les auditeurs extérieurs. Certes, comme le note Nicolas Véron, rares sont les entreprises où son rôle effectif ne se limite pas à des questions à la direction générale, sans contrôle sur pièces et sans non plus que les remarques qu'il pourra éventuellement formuler se traduisent par une modification des documents comptables. Reste que les règles que la loi Sarbanes-Oxley voulait imposer à toutes les entreprises, même étrangères, cotées aux États-Unis, posaient de sérieux problèmes. Ainsi, les nouvelles règles stipulent que le comité d'audit d'une société soit constitué de membres extérieurs à cette société, qui seront responsables d'engager, rémunérer, superviser et renvoyer les auditeurs externes. Les comités d'audit seront également chargés de résoudre les conflits entre les auditeurs externes et la direction, et auront le pouvoir d'embaucher des avocats ou des conseillers extérieurs à la société. Les membres des comités ne pourront pas accepter d'autres fonctions au sein de la société qu'ils supervisent. Les sociétés étrangères et les petites entreprises y seront assujetties à partir du 31 juillet 2005. Les nuances apportées par la sec, qui, le 1er avril 2003, a adopté les modalités d'application de la loi Sarbanes-Oxley sur ce point, témoignent bien de ce que chacun est conscient qu'il ne saurait exister de code universel de la gouvernance. Alors que la loi retenait le principe général d'une application à l'ensemble des sociétés cotées, tant américaines qu'étrangères, la sec a saisi l'opportunité d'assouplir les règles pour les émetteurs non américains, en reconnaissant l'existence de spécificités nationales. La sec autorise notamment la présence de salariés ou même de représentants de l'Etat au sein des comités d'audit. Elle ouvre aussi la possibilité que les commissaires aux comptes soient désignés selon les règles applicables dans le pays de l'émetteur, et notamment par les actionnaires, alors que la loi Sarbanes-Oxley confie cette tâche au seul comité d'audit. Plus encore, le régulateur américain autorise des « structures alternatives » telles qu'elles pourraient être définies par le droit local, à assumer les fonctions de contrôle de l'audit. Rappelons qu'en France, l'existence d'un comité d'audit n'est à ce jour pas obligatoire, même si elle est fortement recommandée par le rapport Bouton. Sans compter que les attributions qui lui reviennent en pratique n'ont rien à voir avec les dispositions légales américaines. La loi Sarbanes-Oxley prévoit en effet la création d'un comité d'audit indépendant, avec des attributions et des responsabilités larges. Composé en totalité d'administrateurs indépendants, il doit notamment être directement responsable de la nomination, de la rémunération et du contrôle des travaux des commissaires aux comptes. * * * Sans doute le débat sur le fonctionnement interne de l'entreprise ou sur la volatilité du marché n'est-il pas clos. Le projet de loi de sécurité financière apporte néanmoins un socle de nature à faire renaître la confiance sur les marchés. Il évite les deux écueils que seraient le mimétisme naïf d'une part, l'invocation définitive de spécificités nationales d'autre part. En plaçant l'information et la transparence au cœur du système financier, il fournit une réponse aux multiples interrogations que se posent, aujourd'hui, les actionnaires. Ceux-ci se voient d'ailleurs donner, dans le présent projet, les moyens de mieux faire entendre leur voix dans la mise en cause de la responsabilité des dirigeants sociaux, suite à l'assouplissement des règles permettant aux associations d'investisseurs d'ester en justice. Là où le Gouvernement proposait un diptyque « absence d'agrément des associations autorisées à mettre en cause la responsabilité des dirigeants / interdiction de rechercher des mandats », le Sénat a opté pour un maintien de l'agrément, qui est toutefois allégé, mais a levé l'interdiction de recherche de mandats qui existait jusqu'alors dans notre droit. Le Sénat a par ailleurs enrichi le projet sur deux points importants : - le premier concerne la possibilité, pour le directeur général ou le directeur général délégué de représenter la société par actions simplifiée (sas), la jurisprudence ayant attribué un monopole au président ; - le second substitue des injonctions civiles et des nullités à un certain nombre de sanctions pénales prévues par le code de commerce, dans la droite ligne de la loi nre du 15 mai 2001 et du projet de loi d'habilitation adopté par l'Assemblée nationale le 9 avril 2003. C'est donc un texte pragmatique qui nous est proposé, notamment par contraste avec la loi nre du 15 mai 2001 sur laquelle il revient partiellement. La voie était étroite entre une internationalisation des mécanismes financiers qui fragilisent la pertinence de règles nationales et la nécessité de préférer l'incitation à la coercition : le défi est relevé. Après l'exposé du rapporteur pour avis, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale. Après avoir souligné que ce projet de loi était le bienvenu, M. Alain Marsaud en a toutefois déploré le caractère tardif, faisant valoir qu'il aurait été souhaitable que le Gouvernement de l'époque prenne, voici trois ou quatre ans, des initiatives en la matière. Il a regretté qu'il ait fallu attendre les querelles du capitalisme parisien et la ruine de nombreux petits porteurs pour qu'un projet de loi soit enfin déposé, même si l'on peut marquer son scepticisme sur son efficacité, puisqu'il résulte directement d'une réflexion de caractère technocratique. Évoquant le contenu du projet de loi, il a souligné que celui-ci ne comportait aucun remède aux errements de la profession des analystes financiers, lesquels portent, même s'ils ne sont pas les seuls, une grande part de responsabilité dans la ruine des épargnants. Il s'est demandé s'il ne conviendrait pas d'appliquer les dispositions du code pénal concernant l'escroquerie ou celles du code civil relatives à la responsabilité pour faute personnelle aux membres de cette profession. Il a dénoncé le fait que, si certains, travaillant pour leur propre compte, conservent leur indépendance, d'autres sont en revanche salariés par des grandes banques d'affaires qui sont en même temps conseils des entreprises dont les titres sont vendus ou achetés par ces mêmes institutions financières. Citant l'exemple précis de la création d'un grand portail d'accès à l'Internet, valorisé à 20 milliards de dollars par des analystes financiers avant d'être finalement estimé au moment de la cession à moins de 300 millions, il a dénoncé ce mélange des genres typiquement français et regretté qu'aucune action ne soit possible à l'encontre de cette profession qui a entraîné la bourse vers de telles dérives. Regrettant que le projet de loi ne règle pas ces questions, puisqu'il propose essentiellement un contrôle a posteriori, ainsi qu'une réforme du fonctionnement du management et de l'audit, il a estimé nécessaire d'assurer un réel contrôle de la stratégie de l'entreprise, de la mise en œuvre de celle-ci, des comptes, de la nomination des administrateurs et des rémunérations, notamment par la mise en place d'un règlement intérieur du conseil d'administration qui ferait l'objet d'une publication. Il a également jugé souhaitable d'améliorer la représentation des salariés actionnaires qui, en cas d'effondrement du cours de leur société, subissent à la fois une menace pour leur emploi et une perte substantielle de leur épargne, comme ce fut le cas pour France Télécom. Il a souligné la nécessité de professionnaliser ces administrateurs et de les impliquer dans le fonctionnement de l'entreprise, au besoin en les obligeant à investir une part de leurs jetons de présence en actions de celle-ci. Évoquant enfin les procédures comptables, il a jugé nécessaire de faire évoluer les modalités des audits internes et externes afin d'éviter la possibilité de masquer les mauvais résultats de l'entreprise. Ayant rappelé que, dans le cadre de la mission d'information sur la réforme du droit des sociétés, le rapporteur et lui-même avaient travaillé de manière approfondie sur les questions traitées par le titre II du projet, le président Pascal Clément a estimé que, si la période de l'autorégulation était révolue, comme en témoigne l'adoption aux États-Unis de la loi « Sarbanes Oxley », la France disposait en matière de régulation des sociétés et des marchés financiers d'une certaine avance sur les Américains, notamment grâce aux dispositions sur le contrôle des comptes. Il a approuvé la prudence du Gouvernement lors de la rédaction de son projet de loi, soulignant que la loi devait encourager certains comportements, et non tout réglementer dans les détails. Il a indiqué à cet égard qu'il présenterait un amendement renvoyant au règlement intérieur du conseil d'administration le soin de définir les attributions des comités institués au sein de ce conseil. Prolongeant les propos de M. Alain Marsaud sur les analystes financiers, il a regretté la pression exercée par ceux-ci sur les dirigeants des entreprises, citant l'exemple de France Télécom. Il a jugé contestables les conditions dans lesquelles les analystes exercent leurs fonctions au sein des banques d'affaires, puisqu'ils sont les salariés de banques qui sont par ailleurs actionnaires majoritaires de sociétés cotées. S'agissant des agences de notation, il a suggéré qu'une réflexion s'engage en vue de la mise en place d'une agence exerçant son activité à l'échelle européenne, rappelant que l'Europe avait déjà perdu beaucoup de temps dans ce domaine. Après s'être félicité de l'amendement du rapporteur sur les réseaux, il a souligné que le projet de loi n'était qu'une étape et qu'il serait nécessaire de réfléchir sans délai aux futures réformes à mettre en œuvre. Tout en convenant que la sécurité financière supposait la transparence du marché, M. Xavier de Roux a jugé cet objectif fort difficile à atteindre. Il a notamment évoqué l'activité des agences de notation dont les décisions sont prises sur le fondement de critères objectifs, tels que les comptes publiés par les sociétés, mais aussi en considération de paramètres tenus secrets, alors même que leurs décisions peuvent être lourdes de conséquences pour les actionnaires. Il a donc suggéré qu'elles soient obligées de soumettre leurs critères de notations aux autorités de marché. Évoquant ensuite la grande diversité des analystes financiers, certains étant salariés de banques, d'autres exerçant leur profession dans un cadre libéral, il a fait ressortir la difficulté d'une réglementation de leur activité. En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes : - Il n'est pas exact d'affirmer que le projet de loi ne procède qu'à un contrôle a posteriori, la présence permanente des commissaires aux comptes et la mise en place de contrôles externes permettent un contrôle en continu de l'entreprise. - Si les dispositions actuelles qui régissent les analystes financiers et les agences de notation ne sont effectivement pas satisfaisantes, il convient de souligner qu'une réglementation purement nationale serait largement inopérante ; c'est pourquoi il conviendrait de suivre attentivement les initiatives européennes en ce domaine. - Le projet de loi ne constitue qu'une étape, notamment en matière de réglementation de la profession d'analyste financier ; toutefois le Sénat a cherché à approfondir cette question en soumettant les analystes au contrôle de l'autorité des marchés financiers et en adoptant une disposition générale sur l'obligation de fournir une information sincère. TITRE III Chapitre premier Ce chapitre précise l'unité de la profession de commissaire aux comptes, quelle que soit la structure juridique et la taille des cabinets. Certaines mesures sont cependant adaptées à la qualité des sociétés contrôlées, en particulier à celles qui font appel public à l'épargne ou à la générosité publique. La surveillance de la profession est renforcée par le biais de la création d'un Haut conseil du commissariat aux comptes chargé d'une triple mission de contrôle, de réflexion et de discipline. Enfin, ce chapitre précise la séparation des activités d'audit et de conseil. Article 60 Le livre VIII du code de commerce est relatif à quelques professions réglementées. Son titre Ier est consacré aux administrateurs judiciaires, aux mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et aux experts en diagnostic d'entreprise. Son titre II, créé par l'article 113 de la loi nre du 15 mai 2001 précitée, porte sur les commissaires aux comptes. Il réunit les articles L. 820-1 à L. 820-7. Ces articles unifient le régime qui leur applicable, quel que soit le groupement au sein duquel ils sont appelés à travailler. L'article L. 820-3 prévoit qu'un décret approuve le code de déontologie de la profession. Les articles L. 820-4 à L. 820-7 établissent une série de sanctions, d'une part, pour les dirigeants d'une entreprise tenues d'avoir un commissaire aux comptes qui n'en désignent pas un, qui entravent leur travail, et, d'autre part, pour les personnes qui usurpent le titre de commissaire aux comptes et qui en exercent les fonctions illégalement. Est également sanctionné le fait, pour un commissaire aux comptes, de diffuser de fausses informations ou de ne pas révéler à la justice les faits délictueux dont il aurait pu avoir connaissance. Il est précisé, par ailleurs, que les dispositions du code pénal relatives au secret professionnel sont applicables aux commissaires aux comptes. Le présent article place l'ensemble de ces articles sous un chapitre préliminaires intitulé « Dispositions générales ».
La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification. Article 61 La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 3). Article L. 821-1 du code de commerce Placé auprès du ministre de la justice, le Haut conseil du commissariat aux comptes, qui n'a pas la personnalité morale, est appelé à devenir la nouvelle autorité morale de la profession. C'est pourquoi il reçoit mission d'assurer la surveillance, le respect de la déontologie et de l'indépendance des commissaires aux comptes et la définition des bonnes pratiques. Pour exercer ce magistère, il bénéficie d'une série de prérogatives particulières, comme la rédaction adoptée par le Sénat sur la proposition de sa commission des Finances l'a mis en évidence de manière plus claire que cela ne l'était dans le projet de loi initial : - il organise les contrôles périodiques des cabinets ; - il émet un avis sur les normes d'exercice professionnel avant leur homologation par le garde des Sceaux ; - il assure, comme instance d'appel des décisions prises par les commissions régionales d'inscription, l'inscription des commissaires aux comptes ; - il assure, comme instance d'appel des décisions prises par les chambres régionales constituées au sein des commissions régionales d'inscription, la discipline. En outre, le troisième alinéa de l'article L. 822-11 du code monétaire financier, tel que proposé par l'article 65 du présent projet de loi, dispose que le Haut conseil apprécie la séparation entre les missions de contrôle légal des comptes et les missions de conseil.
Cette énumération faite, deux questions se posent : celle du champ exact des compétences du Haut conseil et celle des moyens dont il bénéficiera pour les exercer. La première interrogation porte sur le contenu précis des missions dont ce dernier est chargé. Le projet de loi prévoit qu'il veille à l'indépendance des commissaires aux comptes. Il s'agira d'apprécier si l'indépendance d'un commissaire aux comptes est sujette à caution et donc de rechercher si les tiers peuvent éprouver des appréhensions légitimes sur l'aptitude du praticien à exercer ses fonctions dans des conditions de parfaite neutralité auprès de la société. Quatre types de risques menacent l'indépendance du commissaire : le risque lié à l'intérêt du commissaire, résultant de prises d'intérêt dans la société contrôlée ou plus largement de son intérêt financier dans le développement des honoraires rémunérant la mission de certification et les autres prestations fournies par son cabinet ou les entités de son réseau ; le risque d'auto-révision si l'auditeur est appelé à se prononcer sur une situation que son cabinet ou son réseau auront contribué à créer ; le risque de prise de position s'il se fait l'avocat de la société contrôlée dans un différend ; enfin, le risque de familiarité excessive, résultant soit de relations personnelles ou familiales, soit d'une trop longue relation avec les dirigeants de la société contrôlée. Pour prendre en compte ces risques, le Haut conseil pourra se fonder sur certains principes déterminés d'ores et déjà par la jurisprudence. Par exemple, le fait qu'un commissaire aux comptes s'associe avec le directeur administratif et financier du groupement qu'il est chargé de contrôler, pour créer avec lui un cabinet d'expertise comptable entraîne un doute sérieux sur l'impartialité d'un commissaire aux comptes. Le projet de loi prévoit également de confier au Haut conseil la charge de définir et de promouvoir des bonnes pratiques professionnelles, notion familière dans les métiers de l'audit et dans la vie des affaires, mais qui semble inédite dans notre corpus juridique. Elle est pourtant de plus en plus présente dans tous les domaines du droit. Le droit de la santé publique lui fait évidemment une place de choix : articles L. 1111-2 et L. 1111-9 du code de la santé publique, créés par l'article 11 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, ou encore articles L. 1131-2, L. 1222-1, L. 1251-1 et L. 1261-2 du même code. De nombreux organismes sont chargés expressément par ce même code de définir et de valider des bonnes pratiques, voire de les faire respecter : établissement français du sang, établissement français des greffes, agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, institut national de prévention et d'éducation pour la santé, conseil des professions d'infirmier, masseur-kinésithérapeute, pédicure-podologue, orthophoniste et orthoptiste... La notion de bonnes pratiques irrigue désormais de nombreux secteurs de notre droit. L'article L. 138-9 du code de la sécurité sociale, créé par l'article 76 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, fait référence aux « bonnes pratiques commerciales ». L'article 56 de la loi nre du 15 mai 2001 a introduit, à l'article L. 442-6 du code de commerce, une référence aux « bonnes pratiques et usages commerciaux ». L'article 145 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains a inscrit, dans l'article L. 411-8 du code de la construction et de l'habitation, la nécessité pour les organismes d'habitations à loyer modéré d'assurer le « respect des bonnes pratiques professionnelles » en matière de construction. Dans le même état d'esprit, la loi n° 2001-602 du 9 juillet 2001 d'orientation sur la forêt a multiplié les références à un code de bonnes pratiques sylvicoles. Le conseil supérieur de la mutualité a reçu pour mission, à l'article L. 411-1 du code de la mutualité, de débattre des bonnes pratiques applicables aux activités et au fonctionnement des mutuelles. La multiplication de ces exemples permet d'approcher la réalité que recouvre la notion de bonnes pratiques. De même que le conseil national des barreaux est chargé « de veiller à l'harmonisation des règles et usages de la profession d'avocat », le Haut conseil pourrait légitimement être chargé de définir les bonnes pratiques de la profession de commissaires aux comptes et pourrait, à cette occasion, consacrer des pratiques susceptibles de devenir des références au plan national, mais aussi international. Inversement, par ce processus, le Haut conseil pourrait donner une force particulière à des pratiques consacrées par les organismes internationaux et assurer ainsi un niveau optimal de qualité de l'audit français. La commission des Finances du Sénat a évoqué le caractère casuistique de cette mission. Or, loin de constituer une subtilité complaisante, elle permettra au Haut conseil d'asseoir son autorité morale, bien plus que le fait de pouvoir donner un simple avis sur les normes d'exercice professionnel définies directement par la compagnie nationale des commissaires aux comptes. La consécration des bonnes pratiques par le Haut conseil permet d'assurer la souplesse d'adaptation des règles à l'évolution générale de la profession, tout en fixant un cadre de référence. Elles ont vocation à devenir des normes d'exercice professionnel, selon un schéma qui pourrait être le suivant : La deuxième interrogation porte sur la capacité du Haut conseil à exercer de manière effective ses missions. Il devra compter, à plus d'un titre, sur les moyens des organismes professionnels que sont la compagnie nationale et les compagnies régionales des commissaires aux comptes. Avec le concours de la première, il assurera la surveillance de la profession. Il émettra un avis sur les normes qu'elle définira et la chargera d'effectuer les contrôles périodiques. En outre, il travaillera en étroite relation avec les commissions régionales d'inscription, dans leur formation plénière ou dans leur formation disciplinaire. C'est par ces biais que le Haut conseil gardera une prise sur la réalité de la vie de la profession.
La Commission a adopté deux amendements du rapporteur ayant pour objet de distinguer clairement les missions dévolues au Haut conseil du commissariat aux comptes, des moyens dont il disposera à cette fin (amendements nos 4 et 5). Elle a ensuite adopté un amendement rédactionnel du même auteur prévoyant que le Haut conseil assure d'abord l'inscription des commissions régionales, puis le contrôle de la profession et enfin une fonction disciplinaire (amendement n° 6). Article L. 821-2 du code de commerce Cet article précise les modalités d'élaboration des normes d'exercice professionnel évoquées dans le sixième alinéa de l'article L. 821-1 du code de commerce. Ces normes sont élaborées par les professionnels par le truchement de la compagnie nationale des commissaires aux comptes. Elles sont obligatoirement soumises à l'avis du Haut conseil. Cet avis intervient après que l'amf (titre II du livre VI du code monétaire et financier), la commission bancaire (chapitre III du titre Ier du livre VI) et la commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance (article L. 310-2 et suivants du code des assurances) aient été éventuellement consultées si les normes en question touchent leur domaine d'intervention. Enfin, les normes d'exercice professionnel sont homologuées par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la justice, conformément au sixième alinéa de l'article L. 821-1.
Cette mesure se situe dans la droite ligne de l'article L. 820-3 du code de commerce, introduit par la loi nre du 15 mai 2001. Elle pourrait avoir une incidence substantielle sur la diffusion des normes professionnelles, en transformant une règle issue d'une source de droit propre à un ordre juridique privé en une norme approuvée par l'autorité étatique. Le juge pourra utilement s'y référer pour trancher les litiges qui lui seront soumis. Certains ont décelé dans ce type de mesure « une bonne illustration du chemin que l'administration doit encore parcourir pour réfréner ses pulsions techno-colbertistes et laisser se développer une économie véritablement régulée » (19). C'est oublier un peu vite les enjeux liés à la conduite des missions des commissaires aux comptes et au maintien de l'ordre public des marchés financiers, garantie indispensable de la bonne marche des affaires et de la protection des actionnaires et marque de la symbiose nouvelle entre le fonctionnement interne des entreprises et le marché, phénomène mis en évidence par le professeur Marie-Anne Frison-Roche. Dans le processus d'homologation des normes d'exercice professionnel, le Haut conseil prêtera une main secourable à la main invisible qui transforme la somme des intérêts particuliers en intérêt du marché. Article L. 821-3 du code de commerce Le Haut conseil est composé de douze personnes. Ce sont, en majorité, des personnalités extérieures à la profession de commissaire aux comptes. Le lien avec cette dernière est néanmoins assuré par la présence de trois commissaires aux comptes. Quatre catégories de membres sont distinguées : - un membre de la Cour de cassation, qui assure la présidence du Haut conseil, un second magistrat de l'ordre judiciaire et un magistrat de la Cour des comptes ; - le président de l'amf ou son représentant, un représentant du ministre chargé de l'économie et un professeur des universités spécialisé en matière juridique, économique ou financière ; - trois personnes qualifiées dans les matières économique et financière ; - trois commissaires aux comptes. Dans la définition de cette composition, un certain équilibre a été recherché entre « professionnels » et « non-professionnels », entre représentants de petites entités et membres de grandes structures. Les « professionnels » sont représentés par les trois commissaires aux comptes et par les trois personnes qualifiées dans les matières économique et financière. La représentation des « non-professionnels » est assurée par les magistrats financier et judiciaires, par les représentants de l'amf et du ministère de l'économie ainsi que par le professeur de droit, de sciences économiques ou de gestion. Les grandes entités sont représentées par les deux personnes qualifiées choisies pour leurs compétences dans les domaines des entreprises faisant appel public à l'épargne et par les deux commissaires aux comptes qui ont une expérience des personnes faisant appel public à l'épargne ou à la générosité publique. Les entreprises plus modestes seront représentées par la personne qualifiée spécialisée dans le domaine des petites et moyennes entreprises, des personnes morales de droit privé ayant une activité économique ou des associations, ainsi que par celui des commissaires aux comptes qui n'aura pas eu, a contrario, une expérience dans le contrôle des comptes des personnes faisant appel public à l'épargne. Par homothétie avec le régime applicable au mandat des deux co-commissaires aux comptes dans les sociétés tel que fixé par l'article L. 822-14 du code de commerce, le Sénat a défini la durée de celui des membres du Haut conseil. Il a ainsi fixé à six ans la durée de leur mandat et a précisé que ce mandat était renouvelable. Il a institué, par ailleurs, un renouvellement par moitié de l'instance. Or, il n'est pas précisé comment seront déterminés les membres qui n'auront, à partir de la première constitution du Haut conseil, qu'un mandat de trois ans. Il convient de ne pas laisser au décret le soin de trancher cette contradiction. C'est pourquoi il paraît utile de préciser que la durée du mandat de six ans est une durée maximale et, en aucun cas, une durée fixe, sous peine d'empêcher tout renouvellement par moitié. En outre, il serait souhaitable de limiter le cumul dans le temps des mandats. Un mandat de six ans ne devrait être renouvelable qu'une seule fois. La possibilité d'exercer cette fonction pendant douze ans semble suffisante. Enfin, cet article prévoit que le Haut conseil pourra constituer en son sein des commissions consultatives spécialisées et recourir, dans ce cadre, à des experts. Cette disposition est fondamentale pour l'avenir de l'institution. En effet, c'est sur ce fondement que le Haut conseil pourra développer une analyse autonome de celle de la compagnie nationale et jouer pleinement son rôle de surveillance de la profession. C'est pourquoi il est indispensable que des moyens suffisants lui soient accordés. La mise en œuvre pratique des dispositions de cet article est renvoyée à un décret en Conseil d'État. Après avoir adopté deux amendements d'ordre rédactionnel du rapporteur (amendements nos 7 et 9), la Commission a adopté un amendement du même auteur précisant que l'autorité détentrice du pouvoir de nomination des membres du Haut conseil peut désigner un membre pour un mandat d'une durée qui peut être inférieure à six ans et renouvelable une fois (amendement n° 8). Article L. 821-4 du code de commerce Cet article précise qu'un commissaire du Gouvernement, nommé par le garde des Sceaux, ministre de la justice, sera placé auprès du Haut conseil. Il incarnera l'autorité du garde des Sceaux auprès de qui est placé le Haut conseil en application de l'article L. 821-1. Il ne prendra pas part aux votes et n'aura donc qu'une voix consultative. Il pourra, en revanche, demander une seconde délibération dans des conditions qui seront fixées par décret en Conseil d'État. Lorsque le Haut conseil est amené à siéger en tant qu'instance d'appel des décisions des chambres régionales de discipline, instituées au sein des commissions régionales d'inscription, le commissaire du Gouvernement est écarté. Cette disposition permet d'éviter la confusion entre le juge et la partie. En effet, le garde des Sceaux peut saisir les instances disciplinaires. Il est donc logique que son représentant soit distrait des jugements disciplinaires. Dans une série d'arrêts dont le premier remonte au 16 juillet 1971, Ringeisen, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que les décisions disciplinaires entraient dans le champ des droits et obligations de caractère civil et donc dans celui de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans un arrêt Le Compte contre Belgique en date du 23 juin 1981, elle a appliqué ce principe à une procédure disciplinaire engagée par l'ordre national des médecins belges. Il convient donc d'assurer la séparation désormais consacrée des autorités de poursuite, d'instruction et de jugement. Article L. 821-5 du code de commerce Cet article inscrit explicitement le budget du Haut conseil sur les crédits du ministère de la justice, où il rejoindrait ceux de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et de la commission nationale de l'informatique et des libertés. L'inscription par voie législative des crédits d'une autorité de régulation dans le budget d'un ministère déterminé peut apparaître comme un moyen d'accorder une certaine stabilité à l'institution créée. La consécration d'un tel rattachement peut participer de son indépendance. Ainsi, l'article L. 227-8 du code de l'aviation civile créé par la loi n° 99-588 du 12 juillet 1999 dispose que les crédits nécessaires au fonctionnement de l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires sont inscrits au budget général de l'État sur proposition du ministre chargé de l'aviation civile. Selon le même mode, l'article L. 461-3 du code du commerce précise que les crédits attribués au conseil de la concurrence pour son fonctionnement sont inscrits au budget du ministère chargé de l'économie. En règle générale toutefois, le budget de nombreuses autorités administratives indépendantes est rattaché par voie réglementaire, seules quelques autorités administratives indépendantes bénéficiant d'un rattachement législatif de leurs crédits. Or, le Haut conseil, qui n'a pas la personnalité morale, n'est pas une autorité administrative indépendante. En outre, il est explicitement placé auprès du garde des Sceaux, ministre de la justice. Le rattachement de son budget au ministère de la justice en découle. Enfin, dans le cadre de la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, la notion de budget du ministère de la justice est appelée à disparaître. En résumé, la précision apportée par cet article relève du niveau réglementaire. En conséquence, convient-il de mentionner le rattachement de ses crédits dans la loi au ministère de la justice ? À l'évidence, l'inscription dans la loi de cette disposition réglementaire s'impose plus comme une forme de reconnaissance du rôle du ministère de la justice dans la réglementation de la profession de commissaire aux comptes que comme une nécessité juridique. Aussi le rapporteur, conscient de ce souci de conforter une institution dont la crédibilité reste à construire, n'en proposera-t-il pas la suppression. Il rappelle toutefois que, plus que l'inscription dans la loi du rattachement du budget du Haut conseil à celui du ministère de la justice, c'est le niveau et la pérennité des moyens qui lui seront accordés pour exercer ses missions qui compteront pour déterminer son degré d'indépendance et sa capacité d'influence dans l'encadrement de la profession. Article L. 821-6 du code de commerce Dans l'état du droit, le code de commerce, dans son article L. 225-220, reconnaît seulement que la compagnie nationale des commissaires aux comptes désigne les deux commissaires aux comptes membres de la commission nationale d'inscription qui statue en appel des décisions des commissions régionales d'inscription. L'article 25 du décret du 12 août 1969 précité dispose que « la compagnie nationale des commissaires aux comptes instituée auprès du garde des Sceaux, ministre de la justice, groupe tous les commissaires aux comptes ainsi que toutes les sociétés de commissaires aux comptes inscrits sur la liste ». La reconnaissance de la compagnie nationale par le présent article est fondée sur le même principe que celle du conseil national des barreaux qui, en application de l'article 21-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques tel que modifié par l'article 15 de la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, est un établissement d'utilité publique doté de la personnalité morale. De la même façon, le conseil supérieur du notariat, en vertu de l'article 3 de l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat, a été reconnu d'utilité publique. Comme le conseil national des barreaux représente la profession d'avocat et comme le conseil supérieur du notariat représente les notaires, la compagnie nationale des commissaires aux comptes est chargée d'une mission de représentation auprès des pouvoirs publics. Elle défend l'honneur des membres de la profession, comme le conseil de l'ordre des avocats est chargé d'exercer « la surveillance que l'honneur et l'intérêt de ses membres rendent nécessaire » en vertu de l'article 17 de la loi du 31 décembre 1971 précitée ou comme le conseil de l'ordre des médecins assure « la défense de l'honneur et de l'indépendance de la profession médicale » selon l'article L. 4121-2 du code de la santé publique. L'utilisation de cette expression au profit de la compagnie nationale traduit son statut hybride entre conseil de l'ordre et organisme professionnel. Cette ambiguïté existe déjà dans le droit actuel, puisque le décret du 12 août 1969 précise, dans son article premier, que l'organisation de la profession de commissaire aux comptes, incarnée en particulier par la compagnie nationale, a parmi ses objectifs « la défense de l'honneur et de l'indépendance de ses membres ». Par ailleurs, l'article L. 822-3 du code de commerce, créé par l'article 64 du présent projet de loi, dispose que le serment que le commissaire aux comptes doit prêter porte sur la nécessité de remplir les devoirs de sa profession « avec honneur, probité et indépendance ». Il convient de relever que le conseil national des barreaux est explicitement chargé d'harmoniser les programmes de formation, de coordonner les actions de formation des centres régionaux de formation professionnelle, de déterminer les conditions générales d'obtention des mentions de spécialisation et de répartir le financement de la formation professionnelle. Sans pour autant créer un monopole, cette mission de formation pourrait être explicitement reconnue à la compagnie nationale qui a, d'ores et déjà, une activité importante dans ce domaine.
En application du troisième alinéa du présent article, une compagnie régionale des commissaires aux comptes sera instituée dans chaque ressort de cour d'appel. Mais, pour tenir compte de l'évolution éventuelle de la carte judiciaire, il est prévu que le garde des Sceaux peut opérer des regroupements. Cette opération se fait sur proposition de la compagnie nationale, après consultation des compagnies régionales intéressées. Ces dernières ont la personnalité morale, mais ne sont pas instituées en établissement d'utilité publique comme la compagnie nationale ou comme les conseils régionaux du notariat. En outre, il est précisé que les compagnies nationale et régionales sont financées pour partie par une cotisation annuelle à la charge des commissaires aux comptes. Le décret du 12 août 1969, dans son article 31, reconnaît ce mode de financement en précisant que « sont électeurs et éligibles les personnes physiques membres de la compagnie régionale, à jour de leurs cotisations professionnelles ». Dans son article 38, il prévoit que conseil régional a pour mission de fixer et de recouvrer le montant des cotisations dues par les membres de la compagnie régionale pour couvrir les frais de ladite compagnie, y compris les sommes dues à la compagnie nationale conformément à l'article 60, qui précise que le conseil national établit son budget et en répartit la charge entre les compagnies régionales. Le Conseil d'État, dans son arrêt Guez en date du 23 février 2000, a eu l'occasion d'affirmer que l'article 219 de la loi du 24 juillet 1966 précitée, codifié à l'article L. 225-219 du code de commerce et relatif à l'inscription obligatoire des commissaires aux comptes sur une liste, a pu légalement fonder la possibilité pour la compagnie régionale de recouvrer les cotisations. Mais ce fondement est indirect. Le présent article permet donc de donner une base légale sûre et certaine à ce type de financement. Les conditions d'application des dispositions de cet article sont renvoyées à un décret en Conseil d'État. Article L. 821-7 du code de commerce Le présent article organise, de manière pratique, la surveillance de la profession, assurée conjointement par le Haut conseil et par la compagnie nationale en application du deuxième alinéa de l'article L. 821-1 et du deuxième alinéa de l'article L. 821-6 du code de commerce. Il constitue une véritable novation tant il est vrai qu'aujourd'hui les seuls contrôles organisés l'ont été à l'initiative de la profession. Le code de commerce et le décret du 12 août 1969 ne prévoient rien en la matière. En application du présent article, les commissaires aux comptes peuvent être soumis à des inspections, selon des modalités précisées à l'article L. 821-8, mais aussi à des contrôles périodiques et occasionnels, organisés par l'article L. 821-9. Les modalités des contrôles périodiques sont définies par le Haut conseil. Ils sont aujourd'hui organisés par la compagnie nationale, au travers du comité d'examen national d'activité (cena) et en liaison avec la cob. Les contrôles occasionnels sont décidés par la compagnie nationale ou les compagnies régionales. Avec cet article, comme le montre le tableau ci-dessous, la profession sort de l'autorégulation pour entrer dans un régime de contrôle partiellement assumé par un organe de contrôle extérieur, le Haut conseil, selon un système compliqué.
Article L. 821-8 du code de commerce Cet article définit les modalités des inspections. L'initiative en revient au garde des Sceaux. Mais lorsqu'une société faisant appel public à l'épargne ou un organisme de placements collectifs est en cause, cette initiative est partagée avec l'amf qui peut, également, diligenter une inspection de son propre chef. Les sociétés faisant appel public à l'épargne, défini aux articles L. 411-1 et L. 411-2 du code monétaire et financier issus de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, réunissent toutes les sociétés qui demandent l'admission d'un instrument financier aux négociations sur un marché réglementé ainsi que l'émission ou la cession d'instruments financiers dans le public en ayant recours soit à la publicité, soit au démarchage, soit à des établissements de crédit ou à des prestataires de services d'investissement. Les organismes de placements collectifs, qui sont définis par le chapitre IV du titre Ier du livre II du code monétaire et financier, regroupent les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (sociétés d'investissement à capital variable - sicav - et fonds communs de placement), les fonds communs de créance et les sociétés civiles de placement immobilier. Dans tous les cas, y compris pour ces deux dernières catégories de sociétés et d'organismes de placements collectifs, les inspections peuvent être effectuées avec le concours de la compagnie nationale des commissaires aux comptes et de l'amf. Cette dernière dispose de ses propres enquêteurs et peut faire appel à des experts extérieurs. Ils agissent selon les modalités définies par les articles L. 621-9-1, L. 621-9-2 et L. 621-9-3 du code monétaire et financier, créés par l'article 11 du présent projet de loi. Le Sénat a précisé que les inspections peuvent également être conduites avec le concours de la commission bancaire et de la commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance, qui disposent de leur propre service d'enquête. Lorsque des sociétés faisant appel public à l'épargne et des organismes de placements collectifs sont concernés, l'amf peut s'adjoindre les services de la compagnie nationale. Le Sénat a prévu que cette autorité de régulation peut également recourir au concours des personnes visées par le 2° de l'article L. 621-9-2 (nouveau) du code monétaire et financier : il s'agit des corps de contrôle extérieurs, des commissaires aux comptes et des experts inscrits sur une liste d'experts judiciaires, mais aussi « des personnes ou autorités compétentes ». Dans ce cadre, elle peut faire appel à la commission bancaire et à la commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance. Quand cette inspection aboutit à l'engagement de poursuites disciplinaires devant le Haut conseil du commissariat aux comptes saisi en appel, le président de l'amf ou son représentant ne siège pas dans l'instance disciplinaire, afin de respecter le principe de séparation de l'autorité de poursuite et de l'autorité de jugement. Article L. 821-9 du code de commerce Cet article précise les modalités des contrôles périodiques et occasionnels visés par l'article L. 822-7. Les premiers seront organisés par le Haut conseil, tandis que les seconds seront décidés par la compagnie nationale et les compagnies régionales. Ces contrôles visent l'ensemble des commissaires aux comptes et non, comme c'est le cas dans le régime actuel d'auto-contrôle, les seuls commissaires aux comptes des sociétés faisant appel public à l'épargne. Tous seront effectués par les mêmes organes. La compétence en revient tout d'abord aux compagnies régionales, dont le maillage permet aux contrôles de s'étendre à tous les commissaires aux comptes. Dans leur mission, elles pourront s'adjoindre les compétences de magistrats de l'ordre judiciaire et de magistrats des chambres régionales des comptes. Le Sénat a précisé que cette dernière modalité était facultative. La conduite des contrôles est assurée également par la compagnie nationale, qui pourra bénéficier des services de l'amf, en tant que de besoin et lorsque sont intéressés des commissaires aux comptes des personnes faisant appel public à l'épargne ou des organismes de placements collectifs,. On rappelle que, dans le cas des inspections, c'est l'amf qui peut demander le concours de la compagnie nationale. Des relations similaires à celles qui existent aujourd'hui entre la cob et le cena, émanation de la compagnie nationale, pourront donc se développer. La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur mentionnant le régime général des contrôles (compétence des instances régionales) avant le régime particulier du contrôle des commissaires aux comptes exerçant auprès de personnes faisant appel public à l'épargne (amendement n° 10). Article L. 821-10 du code de commerce Cet article prévoit que le garde des Sceaux, proprio motu ou à la demande du président de l'amf ou du président de la compagnie nationale, peut suspendre provisoirement un commissaire aux comptes, alors même que cette mesure, qui s'apparente à un embryon de mesure disciplinaire, devrait relever des commissions régionales d'inscription constituées en chambres régionales de discipline, conformément à l'article L. 882-6 du code de commerce tel que créé par l'article 64 du présent projet de loi. Cette mesure exceptionnelle est justifiée par l'apparition de faits d'une particulière gravité qui sont de nature à justifier des sanctions pénales ou disciplinaires. Cette suspension doit être prononcée dès l'engagement des poursuites. Elle ne peut donc pas être confiée aux instances ordinaires de discipline, sous peine de constituer un « pré-jugement », qui porterait atteinte aux principes d'un procès équitable tel qu'établi par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette procédure est inédite. Les cas dans lesquels le garde des Sceaux de peut suspendre provisoirement des professionnels sont très rares. En vertu de l'article L. 143-2-1 du code de la sécurité sociale, il peut, lorsqu'il est saisi d'une plainte ou informé de faits de nature à entraîner des poursuites pénales contre un assesseur d'un tribunal du contentieux de l'incapacité, suspendre l'intéressé pour une durée qui ne peut excéder six mois. L'article L. 143-9 de ce même code définit une procédure identique à l'encontre des assesseurs de la cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail. Mais, dans ces deux cas, la procédure est beaucoup moins légère que celle qui est affichée par le présent article : en effet, dans le cas des assesseurs des juridictions de l'incapacité, l'intéressé est appelé par le président du tribunal auquel il appartient pour s'expliquer sur les faits qui lui sont reprochés. Dans le délai d'un mois à dater de la convocation, le procès-verbal de la séance de comparution est adressé par le président au premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle le tribunal a son siège et au procureur général près ladite cour d'appel, qui le transmettent sans délai au garde des Sceaux, ministre de la justice. Mais, les cas d'urgence visés par le présent article imposent une procédure rapide, qui est destinée à empêcher que ne s'envenime une situation qui pourrait avoir des incidences importantes sur la cotation de la société contrôlée par le commissaire aux comptes en cause. Le Sénat a encadré cette procédure par une ébauche de garantie, en prévoyant que le garde des Sceaux peut à tout moment mettre fin à la mesure de sa propre initiative, à la demande de l'intéressé, du président de l'amf ou du président de la compagnie nationale. Il a précisé, en outre, que cette mesure devait prendre fin dès que les actions pénales et les procédures disciplinaires étaient éteintes. Ces garanties sont cependant insuffisantes. La mesure peut être lourde et grevé durablement la réputation du commissaire aux comptes soumis à cette « pré-sanction ». C'est pourquoi il convient de prévoir que l'intéressé puisse être mis en mesure, dès l'engagement des poursuites, de présenter ses observations. De même, faut-il lier la suspension à l'engagement des poursuites ? L'intervention du garde des Sceaux s'inscrit, en effet, davantage dans le cadre de pouvoirs de police et obéit à une logique qui lui est propre. La Commission a donc adopté un amendement du rapporteur prévoyant que la décision du garde des Sceaux de suspendre un professionnel doit être prise après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations, sans référence à l'engagement des poursuites, et précisant que la suspension provisoire cessait de plein droit lorsque aucune poursuite pénale ou disciplinaire n'avait été engagée dans le délai de quatre mois (amendement n° 11). Cet amendement tend à préserver les droits de la défense conformément aux exigences prévues par les dispositions de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Article L. 821-11 du code de commerce Le présent article dispose que les conditions d'application des articles L. 821-7 à L. 821-10 relatifs aux inspections et contrôles qui pèsent sur les commissaires aux comptes font l'objet d'un seul décret en Conseil d'État. Article L. 821-12 du code de commerce La protection des intérêts patrimoniaux de la société constitue le fondement de l'obligation au secret pesant sur le commissaire comme l'a rappelé la chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 14 novembre 1995. En vertu du troisième alinéa de l'article L. 225-240 du code de commerce, les commissaires aux comptes sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes et renseignements dont ils ont pu avoir connaissance à raison de leurs fonctions. L'article 226-13 du code pénal s'applique lorsque le commissaire aux comptes divulgue une information confidentielle en dehors d'un cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. Les peines encourues sont un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende. Dans la pratique, seules doivent être cachées aux tiers les données strictement confidentielles. Le commissaire est tenu au silence envers tous ceux qu'aucun texte ne désigne comme titulaires d'un droit à l'information. En vertu de l'article L. 225-235 du code de commerce, les commissaires aux comptes des entreprises comprises dans la consolidation sont libérés du secret professionnel à l'égard des commissaires aux comptes de la société « consolidante ». Pour les besoins de sa défense, le commissaire aux comptes impliqué dans un procès est libéré du secret professionnel. Il ne peut pas non plus invoquer le secret pour se soustraire à une mesure d'instruction, telle une expertise ordonnée par le juge à la demande d'un groupe d'actionnaires envisageant une action en responsabilité. En application des articles L. 225-240 et L. 820-7 du code de commerce, le commissaire aux comptes est tenu de révéler au procureur de la République les faits délictueux dont il surprend l'existence au cours de l'accomplissement de leur mission, sans que le secret professionnel ne le lui interdise. En vertu de l'article L. 432-4 du code du travail, les membres du comité d'entreprise ont droit à l'ensemble des documents transmis à l'assemblée générale. Pour mieux déchiffrer l'information qui lui est ainsi prodiguée, le comité d'entreprise a la possibilité de convoquer le commissaire aux comptes à un entretien. Sans pouvoir s'abriter derrière le secret professionnel, le commissaire devra fournir toutes explications utiles sur les documents communiqués et sur la situation financière de la société. Le présent article ajoute une exception au secret professionnel auquel est astreint le commissaire aux comptes. Dans le cas des inspections et contrôles visés à l'article L. 821-7, le commissaire est délié du secret professionnel et doit fournir tous les renseignements et documents nécessaires. On retrouve une disposition identique pour les administrateurs judiciaires à l'article L 811-11 du code de commerce (20). L'article L. 621-22 du code monétaire et financier, tel que rédigé par l'article 72 du présent projet de loi, prévoit également que, dans leurs relations avec l'amf, le commissaire aux comptes est délié du secret professionnel. La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié. Article 62 Cet article crée un nouveau chapitre relatif au statut des commissaires aux comptes dans le titre II du livre VIII du code de commerce. Il réunit les articles L. 822-1 à L. 822-16, visés par les articles 64 à 65 du présent projet de loi, en deux sections, la première portant sur l'inscription et la discipline, la seconde sur la déontologie et l'indépendance des commissaires aux comptes. Il aurait été plus satisfaisant de rédiger, dans un seul article, l'ensemble du chapitre II, comme l'article 61 réunit l'ensemble des dispositions du chapitre Ier. La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article. Article 63 Cet article crée au sein du chapitre II (nouveau) du titre II du livre VIII du code de commerce deux sections : la première réunit les articles relatifs à l'inscription et à la discipline (L. 822-1 à L. 822-8 créés par l'article 64 du présent projet de loi), tandis que la seconde réunit les articles concernant déontologie et l'indépendance des commissaires aux comptes (L. 822-9 à L. 822-16 définis par l'article 65). Les articles L. 822-9 et L. 822-10 reprennent des dispositions existantes contenues dans le livre II du code précité (cinq derniers alinéas de l'article L. 225-218 et article L. 225-222). La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification. Article 64 Sous-section I Article L. 822-1 du code de commerce En application du I de l'article L. 225-219 du code de commerce, les commissaires aux comptes doivent être obligatoirement choisis parmi les personnes physiques ou les sociétés figurant sur une liste spécialement établie à cet effet. Le décret du 12 août 1969 précité détermine le mode d'établissement et de révision de cette liste, dressée par une commission régionale dans le ressort de chaque cour d'appel, les conditions d'inscription sur cette liste : être de nationalité française ou ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, être domicilié dans le ressort de la commission qui enregistre et instruit la demande, avoir subi avec succès les épreuves de l'examen d'aptitude aux fonctions de commissaire aux comptes après accomplissement d'un stage professionnel jugé satisfaisant, présenter des garanties de moralité suffisantes. Il fixe également les conditions dans lesquelles les commissaires aux comptes sont groupés dans des organismes professionnels, le régime disciplinaire et les honoraires. Le monopole des commissaires, garanti par l'inscription sur une liste, est protégé par des sanctions pénales. En application de l'article L. 820-5, l'exercice illégal de la profession par des personnes dont le nom n'a jamais figuré sur la liste nationale d'aptitude ou en a été rayé et l'usage illégal du titre par des personnes se proclamant faussement commissaires aux comptes ou insinuant au moyen de formules allusives qu'elles possèdent cette qualité sont passibles d'une peine d'emprisonnement d'un an et d'une amende de 15 000 euros. Le présent article reprend les termes du paragraphe I de l'article L. 225-219, qui est abrogé par l'article 71 du présent projet de loi. Article L. 822-2 du code de commerce Comme le montre le tableau ci-dessous, les modifications de la composition des commissions régionales d'inscription, aujourd'hui définie à l'article L. 225-220 du code de commerce, sont marginales.
C'est le garde des Sceaux, ministre de la justice, qui est compétent pour nommer les membres de la commission régionale. Il est prévu de nommer des suppléants. Le mandat est limité à une durée de trois ans renouvelables. L'actuel article L. 225-221 du code de commerce précise que le commissaire aux comptes, membre de la commission régionale, est proposé par la compagnie. L'article L. 822-3 renvoie les modalités de désignation des membres des commissions régionales à un décret en Conseil d'État. Il est précisé, à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 821-1, que le Haut conseil est chargé d'assurer l'inscription des commissaires aux comptes avec le concours des commissions régionales. En application du dernier alinéa de l'article L. 822-2, les décisions des commissions régionales peuvent donc être contestées devant le Haut conseil, qui, de ce point de vue, prendra la place de la commission nationale d'inscription régie par l'article L. 222-220 du code de commerce. Le tableau ci-dessous permet de comparer la composition de l'actuelle commission nationale avec celle du Haut conseil.
En conséquence de la création de cet article dans le code de commerce, l'article L. 225-220 est abrogé par l'article 71 du présent projet de loi. Article L. 822-3 du code de commerce En application de l'article L. 225-223 du code de commerce, tout commissaire aux comptes doit prêter, devant la cour d'appel dont il relève, et dans le mois de son inscription sur la liste, le serment de remplir les devoirs de sa profession avec honneur et probité et de respecter et de faire respecter les lois. Hormis l'introduction du mot « indépendance », le présent article reprend les termes exacts de l'article L. 225-223 qui, par ailleurs, est abrogé par l'article 71 du projet de loi. On retrouve ce triptyque « honneur, probité et indépendance », dans la prestation de serment des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises qui, en application de l'article 92-1 du décret n° 85-1389 du 27 décembre 1985, prêtent serment devant la cour d'appel dans le ressort de laquelle est situé leur domicile professionnel, en ces termes : « Je jure d'exercer mes fonctions avec honneur, dignité, indépendance et probité, et de me conformer en toute occasion aux lois et règlements de ma profession. » Article L. 822-4 du code de commerce Seules des dispositions de nature réglementaire abordent aujourd'hui la question de la formation des commissaires aux comptes. L'article 5-1 du décret du 12 août 1969 conditionne l'inscription sur la liste au suivi sanctionné par un titre d'un cycle d'études d'une durée minimale de trois ans ou d'une durée équivalente à temps partiel dans une université ou un établissement d'enseignement supérieur ou dans un établissement de même niveau de formation, ainsi qu'à la formation professionnelle requise en plus de ce cycle d'études. Ce même décret, dans son article 28, confie à la compagnie nationale et aux compagnies régionales le soin de contribuer au perfectionnement professionnel de leurs membres ainsi qu'à la formation des candidats aux fonctions de commissaires aux comptes. Aucune disposition de nature législative ne prévoit d'obligation en matière de formation. Or, l'exercice de la certification, qui peut être intermittent, requiert une expérience certaine. L'inscription sur la liste des compagnies régionales ne saurait suffire à garantir les compétences requises sans limitation de temps. En effet, certains professionnels inscrits peuvent ne pas avoir bénéficié de missions de certification pendant une période relativement longue. C'est pourquoi le présent article prévoit qu'une session de formation continue particulière s'impose dès lors qu'une personne inscrite n'a pas effectué de missions de commissaire aux comptes pendant plus de trois ans. Article L. 822-5 du code de commerce Le présent article dispose que les conditions d'application des articles L. 822-1 à L. 822-4 relatifs à l'inscription des commissaires aux comptes font l'objet d'un décret en Conseil d'État. Sous-section II Tout commissaire inscrit sur la liste s'expose à des sanctions disciplinaires s'il accepte, exerce ou conserve sciemment des fonctions dans des conditions irrégulières. Ou bien l'intéressé se savait frappé d'une incompatibilité au sens strict, c'est-à-dire limitée à la société même qui l'a investi, ou bien il n'ignorait pas être sous le coup d'une interdiction l'empêchant d'exercer la profession, temporairement ou définitivement, quelle que soit la personne morale concernée. Dans un cas comme dans l'autre, il aurait dû renoncer à ses fonctions. Article L. 822-6 du code de commerce En application de l'article L. 225-221 du code de commerce, la commission régionale d'inscription est instituée en chambre régionale de discipline pour statuer sur l'action disciplinaire intentée contre un commissaire aux comptes membre d'une compagnie régionale, quel que soit le lieu où les faits reprochés ont été commis. Parallèlement, la commission nationale d'inscription est instituée en chambre nationale de discipline pour statuer sur l'appel des décisions de première instance. Pour garantir l'objectivité de ces formations, n'y siège qu'un seul représentant de la profession, les autres membres étant des magistrats et des personnalités extérieures. De surcroît, il est précisé qu'un magistrat de l'ordre judiciaire appartenant au parquet ou au parquet général exerce les fonctions de ministère public auprès de chaque chambre régionale ou de la chambre nationale de discipline. Ces magistrats sont désignés par le garde des Sceaux, ministre de la justice. Le champ des fautes disciplinaires est large. Le principe de légalité des infractions et des peines ne s'applique pas. En conséquence, les chambres régionales ainsi que la chambre nationale de la discipline disposent d'une grande marge d'appréciation, qui leur permet de sanctionner tous les agissements qui portent atteinte à l'indépendance et à l'honneur de la profession. Une faute civile ou pénale peut servir de fondement à des poursuites disciplinaires. L'ignorance des lois, règlements et devoirs professionnels auxquels les commissaires aux comptes sont assujettis dans l'exercice de leur métier constitue une faute disciplinaire. Nuit en effet à l'image de sa profession le réviseur légal qui s'immisce dans la gestion de l'entreprise soumise à son contrôle, qui accepte une mission portant atteinte à son indépendance, qui certifie sans réserve des comptes alors qu'il n'ignore pas leur maquillage ou encore qui se livre à des actions de propagande publicitaire personnelle. Des peines disciplinaires peuvent être infligées pour stigmatiser des faits contraires à la probité ou à l'honneur. Il peut s'agir de comportements rattachables à la pratique même de la profession, comme le fait de réclamer des honoraires exorbitants. Toutefois, il n'est pas exclu qu'une conduite indigne suivie à l'occasion d'une activité extraprofessionnelle soit sanctionnée. Le présent article conserve aux commissions régionales d'inscription constituées en chambres régionales de discipline la compétence générale de la discipline. En revanche, elle transfert de la chambre nationale de discipline au Haut conseil la charge de l'appel des décisions de première instance. Article L. 822-7 du code de commerce Les articles 88 à 118 du décret du 12 août 1969 précité précisent la procédure applicable à la discipline des commissaires aux comptes. Les plaintes peuvent émaner aussi bien des organes de tutelle que de particuliers victimes d'écarts déontologiques. Elles sont reçues par le parquet ou le conseil de la compagnie régionale intéressée, puis transmises au commissaire du Gouvernement. Celui-ci statue sur l'appréciation des poursuites après instruction du dossier par un syndic élu au sein de l'instance régionale. Dans le mécanisme proposé par le présent article, la saisine directe de la chambre régionale de discipline appartient à quatre catégories de personnes : - le garde des Sceaux, ministre de la justice ; - le procureur de la République ; - le président de la compagnie nationale des commissaires aux comptes ; - le président de la compagnie régionale. Le Haut conseil remplace la chambre nationale de discipline en tant qu'instance d'appel des décisions des chambres régionales. Dans ce cadre, il peut être saisi par les autorités susvisées ainsi que par le commissaire aux comptes qui fait l'objet de la procédure disciplinaire. Est créée, par ailleurs, une procédure de saisine indirecte qui appartient au président de l'amf et à des personnes dont la liste sera déterminée par un décret en Conseil d'État. Pourraient être inclus dans cette liste le président de la commission bancaire, celui de la commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance, voire celui de la chambre régionale des comptes. Cette procédure passe par le procureur général qui, en vertu de l'alinéa premier du présent article, peut saisir directement les instances disciplinaires. Il est utilement précisé que le président de l'amf ne siège pas au Haut conseil, dont il est membre de droit, lorsque celui-ci statue en appel sur une décision disciplinaire rendue par une chambre régionale de discipline. L'article L. 220-221 du code de commerce prévoit qu'un magistrat de l'ordre judiciaire, désigné par le garde des Sceaux et appartenant au parquet ou au parquet général exerce les fonctions de ministère public auprès de chaque chambre régionale ou de la chambre nationale de discipline. En conséquence de l'insertion du présent article et du précédent dans le code de commerce, l'article 71 du présent projet de loi abroge l'article L. 225-221 du code de commerce.
Article L. 822-8 du code de commerce Dans l'état du droit, l'autorité disciplinaire est souveraine pour choisir, parmi les peines prévues par l'article 89 du décret du 12 août 1969, celle qui lui semble la plus adaptée à la gravité de la faute commise. Le respect de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans son article 6, impose néanmoins l'application du principe de proportionnalité, la juridiction disciplinaire se devant désormais d'être équitable, indépendante, publique et contradictoire. Quatre sanctions sont aujourd'hui susceptibles d'être prononcées : l'avertissement, la réprimande, la suspension à temps et la radiation de la liste. L'avertissement et la réprimande permettent d'admonester le commissaire aux comptes sans briser sa carrière. Le chiffre d'affaires du cabinet peut s'en ressentir dès lors que l'autorité disciplinaire peut imposer la publicité de son jugement auprès des sociétés dont l'intéressé contrôle les comptes. La juridiction disciplinaire peut assortir la peine d'une inéligibilité pendant dix ans au plus aux organes régissant la profession. Les autres sanctions sont privatives de droit : la suspension à temps et la radiation privent l'intéressé du droit d'exercer sa profession. La suspension est prononcée pour une durée maximale de cinq ans. Elle peut être générale ou limitée à une catégorie d'entreprises. Elle s'accompagne nécessairement de l'inéligibilité aux organismes professionnels pendant dix ans au plus. La radiation se traduit par l'exclusion du commissaire pour une période indéterminée. En outre, en application de l'article 81 du décret du 12 août 1969, pour des motifs graves, l'honorariat peut être retiré à un commissaire aux comptes. Le présent article remplace cette échelle de sanctions par quatre sanctions : l'avertissement, le blâme, l'interdiction temporaire pour une durée n'excédent pas cinq ans et la radiation de la liste. Cette liste est une reprise mutatis mutandis, avec une modernisation du vocabulaire, de la lettre de l'article 89 du décret du 12 août 1969. On retrouve cette échelle de sanctions dans nombre de professions qui font l'objet d'une inscription sur une liste ou qui sont soumises à un statut ou à autorisation : il en est ainsi, par exemple, des entreprises d'assurance (article L. 310-18-2 du code des assurances), des membres du Conseil d'État (article L. 136-1 du code de justice administrative), des dirigeants de mutuelle (article L. 510-11 du code de la mutualité), des conseils en propriété industrielle (article L. 422-10 du code de la propriété intellectuelle), des experts en automobile (article R. 327-15 du code de la route), des experts fonciers et agricoles (article L. 171-1 du code rural), des praticiens hospitaliers (article 69 du décret n° 84-131 du 24 février 1984), des auditeurs de justice (article 60 du décret n° 72-355 du 4 mai 1972 relatif à l'École nationale de la magistrature), mais surtout des avocats (article 184 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession). Le présent article prévoit également la possibilité de retrait de l'honorariat, sans préciser, comme c'est le cas aujourd'hui, que seul un motif grave peut justifier cette sanction. Il ne précise pas quelles sont les modalités d'attribution de l'honorariat, aujourd'hui fixées à l'article 81 du décret du 12 août 1969. Comme dans le système actuel, l'avertissement et le blâme peuvent être assorties de la sanction complémentaire de l'inéligibilité aux organismes professionnels. En revanche, le présent article transforme en possibilité l'obligation de prononcer cette sanction en complément de la suspension pour une durée maximale de cinq ans. Cette inéligibilité peut être prononcée pour dix ans. Il précise quel est le régime de l'interdiction temporaire en offrant la possibilité d'assortir cette sanction du sursis et en organisant le lien entre suspension et inéligibilité. Cette disposition est calquée sur celle applicable aux avocats en vertu de l'article 184 du décret du 27 novembre 1991 précité, qui précise que « La peine de l'interdiction temporaire peut être assortie du sursis. La suspension de la peine ne s'étend pas aux mesures accessoires (...). Si, dans le délai de cinq ans à compter du prononcé de la peine, l'avocat a commis une infraction ou une faute ayant entraîné le prononcé d'une nouvelle peine disciplinaire, celle-ci entraîne sauf décision motivée l'exécution de la première peine sans confusion avec la seconde. » S'agissant des commissaires aux comptes, le Sénat a substitué à la notion de « mesures accessoires » celle de « sanction complémentaire » en relevant, à juste titre, que l'inéligibilité est prononcée de manière subsidiaire à l'appui de la suspension et ne résulte pas, comme c'est le cas aujourd'hui, de plein droit du prononcer de cette suspension. On peut noter qu'un mouvement identique a été lancé en faveur des greffiers des tribunaux de commerce dans le projet de loi réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires et des conseils en propriété industrielle actuellement en discussion. En effet, l'article 33 de ce projet modifie l'article L. 822-2 du code de commerce et applique aux greffiers des tribunaux de commerce une gradation des peines similaire : avertissement, blâme, interdiction temporaire, destitution ou retrait de l'honorariat. S'y ajoute le rappel à l'ordre. Comme pour les avocats et comme pour les commissaires aux comptes, les peines d'avertissement, de blâme et d'interdiction temporaire peuvent être assorties de la peine complémentaire de l'inéligibilité temporaire au conseil national des greffiers des tribunaux de commerce. La durée maximale de cette peine complémentaire serait de cinq ans pour les peines de rappel à l'ordre, d'avertissement ou de blâme, et de dix ans à compter de la cessation des fonctions pour la peine d'interdiction temporaire. Le dernier alinéa du présent article prévoit, dans un but dissuasif, la possibilité de faire peser la charge financière du contrôle et de l'inspection sur le commissaire qui sera déclaré fautif. La décision est prise par le Haut conseil ou les chambres régionales. Ce mécanisme de report de charge se retrouve dans plusieurs procédures. À titre d'exemple, en application de l'article L. 751-34 du code rural, la juridiction compétente peut mettre à la charge de la victime ou de ses ayants droit tout ou partie des frais et honoraires entraînés par des examens ou expertises prescrits à leur demande lorsque celle-ci est reconnue comme étant manifestement abusive. Selon le même schéma, l'article L. 442-8 du code de la sécurité sociale prévoit que le tribunal des affaires de sécurité sociale peut mettre à la charge de la victime ou de ses ayants droit tout ou partie des honoraires et frais correspondant aux examens et expertises prescrits à leur requête, lorsque leur contestation est reconnue manifestement abusive. Selon un dispositif proche de celui proposé par le présent article, l'article L. 811-12 du code de commerce, tel que modifié par l'article 11 de la loi du 3 janvier 2003 précitée, dispose que, lorsque la chambre nationale de discipline des administrateurs judiciaires prononce une peine disciplinaire, elle peut décider de mettre à la charge de l'administrateur judiciaire tout ou partie des frais occasionnés par la présence d'un commissaire aux comptes ou d'un expert lors des contrôles ou des inspections ayant permis la constatation de ces faits. La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article. Article 65 L'article 65 du projet de loi forme le cœur de la réforme du commissariat aux comptes : s'il est vrai que la présentation d'un projet de loi sur la sécurité financière s'inscrit aussi dans une logique nationale, il n'est pas moins vrai que certaines des dispositions du présent article portent la marque des scandales qui ont touché le commissariat aux comptes outre-atlantique. Ce sont aujourd'hui, au travers de cet article, les grands principes d'une charte de la déontologie des commissaires aux comptes qui sont posés dans la loi. Sur le plan de la technique législative, le présent article est divisé en deux paragraphes : · Le paragraphe I transfère les dispositions qui forment aujourd'hui les deuxième à sixième alinéas de l'article L. 225-218 d'une part, l'article L. 225-222 d'autre part, respectivement vers deux articles nouveaux, L. 822-9 et L. 822-10, dans la nouvelle section relative à la déontologie et à l'indépendance des commissaires aux comptes, créée par l'article 63 du présent projet de loi, au sein du chapitre relatif au statut des commissaires aux comptes dans le titre II du livre VIII du code de commerce. Il s'agit donc d'insérer, à droit constant, ces dispositions du livre II dans la nouvelle architecture du livre VIII de ce code. Le nouvel article L. 822-9 reprend les dispositions de l'article L. 225-218 relatives au régime particulier des sociétés de commissaire aux comptes. Si la loi ne prescrit aucune forme sociale spécifique, elle soumet toutefois les sociétés concernées à des règles précises en matière de détention de capital. Ainsi, il est nécessaire que les trois quarts de leur capital soient détenus par des commissaires aux comptes. Les fonctions de gérant, de président du conseil d'administration ou du directoire, de président du conseil de surveillance et de directeur général sont obligatoirement assurées par des commissaires aux comptes. De même, les trois quarts au moins des membres des organes de gestion, d'administration, de direction ou de surveillance, ainsi que les trois quarts des associés doivent être commissaires aux comptes. La même exigence est posée pour les représentants permanents des sociétés de commissaires aux comptes associés ou actionnaires. La loi prend, par ailleurs, le soin de prévoir que, dans les sociétés de commissaires, les fonctions de commissaire aux comptes sont exercées, au nom de la société, par des commissaires personnes physiques associés, actionnaires ou dirigeants qui ne sont en droit d'appartenir qu'à une seule société. L'article L. 822-9 prévoit enfin que l'admission de tout nouvel associé est subordonnée à un agrément préalable donné soit par l'assemblée générale, soit par le conseil d'administration, le conseil de surveillance ou le gérant, selon les prescriptions statutaires. Le nouvel article L. 822-10 reprend, à droit constant toujours, les dispositions de l'article L. 225-222 relatif aux incompatibilités générales applicables aux commissaires aux comptes. L'exercice du commissariat aux comptes est effectivement incompatible avec n'importe quel acte ou activité de nature à porter atteinte à son indépendance (1°), avec un emploi salarié (2°) - sauf activités d'enseignement ou emploi rémunéré chez un autre commissaire aux comptes ou chez un expert-comptable -, et avec toute activité commerciale accomplie directement ou par personne interposée (3°). · Le paragraphe II crée six articles nouveaux, L. 822-11 à L. 822-16, à la suite de ces deux articles. Les dispositions qu'ils portent soit reprennent des dispositions d'ores et déjà existantes dans le livre II du code de commerce soit instaurent des règles nouvelles, toutes visant au renforcement efficace de l'indépendance des commissaires aux comptes. Article L. 822-11 du code de commerce Emblématique de l'ère post-Enron, ce nouvel article se présente comme un mélange entre des dispositions générales destinées à prévenir les risques de conflits d'intérêts et des dispositions particulières portant sur la question précise de la frontière entre la mission légale de certification des comptes et la prestation commerciale de fourniture de services divers, notamment de conseil. L'article L. 822-11 aborde ainsi successivement : - la question de l'interdiction pour le commissaire aux comptes de prendre, recevoir ou conserver des intérêts auprès de la personne dont il certifie les comptes, de sa filiale ou de sa « mère » (premier alinéa) ; - les règles relatives à la séparation entre l'audit d'une part et le conseil d'autre part (deuxième et troisième alinéas) ; - le problème des liens personnels, financiers ou professionnels incompatibles avec la mission du commissaire aux comptes et le rôle du code de déontologie prévu à l'article L. 822-16 à cet égard (quatrième alinéa). · La rédaction du premier alinéa de l'article L. 822-11 n'est pas sans évoquer le dispositif de l'article 432-12 du code pénal relatif à la prise illégale d'intérêts. De fait, la perspective envisagée dans ce premier alinéa est extrêmement large : il interdit au commissaire aux comptes de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt auprès de la personne - terme qui vise les sociétés commerciales et les associations concernées - dont il est chargé de certifier les comptes, de ses filiales ou d'une personne qui la contrôle. La référence au code pénal éclaire d'ailleurs la signification qu'il faut donner au terme d'« intérêt » : est ici visé tout type d'intérêt, à savoir des intérêts matériels et moraux, même sans rémunération ou contrepartie pécuniaire. À cet égard, cet article est partiellement redondant avec le nouvel article L. 822-10 précité, dont le 1° est, de fait, très général. Il recouvre également l'ensemble des dispositions de l'article L. 225-224, supprimées par le présent projet de loi pour être renvoyées au code de déontologie, qui traitent, en effet, des règles d'incompatibilité entre les fonctions de commissaires aux comptes et différents mandats détenus au sein des sociétés anonymes. L'article L. 225-224 du code de commerce Ne peuvent être commissaires aux comptes d'une société anonyme : 1° Les fondateurs, apporteurs en nature, bénéficiaires d'avantages particuliers, administrateurs ou, le cas échéant, membres du directoire ou du conseil de surveillance de la société ou de ses filiales telles qu'elles sont définies à l'article L. 233-1; 2° Les parents et alliés, jusqu'au quatrième degré inclusivement, des personnes visées au 1°; 3° Les administrateurs, les membres du directoire ou du conseil de surveillance, les conjoints des administrateurs ainsi que, le cas échéant, des membres du directoire ou du conseil de surveillance des sociétés possédant le dixième du capital de la société ou dont celle-ci possède le dixième du capital; 4° Les personnes qui, directement ou indirectement ou par personne interposée, reçoivent de celles qui sont mentionnées au 1° du présent article, de la société ou de toute société à laquelle s'applique le 3° ci-dessus, un salaire ou une rémunération quelconque à raison d'une autre activité que celle de commissaire aux comptes ; cette disposition ne s'applique ni aux activités professionnelles complémentaires effectuées à l'étranger ni aux missions particulières de révision effectuées par le commissaire aux comptes pour le compte de la société dans les sociétés comprises dans la consolidation ou destinées à entrer dans le champ de cette dernière. Les commissaires aux comptes peuvent recevoir des rémunérations de la société pour des missions temporaires, d'objet limité, et entrant dans le cadre de leurs fonctions, dès lors que ces missions leur sont confiées par la société à la demande d'une autorité publique; 5° Les sociétés de commissaires dont l'un des associés, actionnaires ou dirigeants, se trouve dans une des situations prévues aux 1°, 2°, 3° et 4°; 6° Les conjoints des personnes qui, en raison d'une activité autre que celle de commissaire aux comptes, reçoivent soit de la société, soit des administrateurs, des membres du directoire ou du conseil de surveillance, soit des sociétés possédant le dixième du capital de la société ou dont celle-ci possède le dixième du capital, un salaire ou une rémunération en raison de l'exercice d'une activité permanente; 7° Les sociétés de commissaires aux comptes dont soit l'un des dirigeants, soit l'associé ou l'actionnaire exerçant les fonctions de commissaire aux comptes au nom de la société, a son conjoint qui se trouve dans l'une des situations prévues au 6°. L'abrogation de ces dispositions dans le code de commerce et leur renvoi au code de déontologie vise à les actualiser et à les rendre, par la suite, évolutives en tant que de besoin. Sont également visés derrière ce terme général d'intérêt un certain nombre de cas, sur lesquels le code de déontologie élaboré par la profession, en application de l'article L. 820-3 du code de commerce modifié par la loi nre du 15 mai 2001, fournit quelques indications. Citons à cet égard : - l'article 7 de ce code, qui traite des « situations interdites » et reprend les dispositions de l'article L. 225-222 du code de commerce, devenu l'article L. 822-10 nouveau ; - l'article 8 du même code, qui porte sur les « situations présumées de dépendance », par exemple « la tenue, l'élaboration des comptes de l'entité contrôlée » et « toute prestation de nature à mettre le commissaire aux comptes dans la position d'avoir à se prononcer sur des documents, évaluations ou prises de position qu'il aurait contribuer à élaborer ». - ou encore l'article 10 qui évoque les liens personnels, familiaux et financiers : l'intérêt recouvre ainsi « les situations de liens familiaux, personnels et financiers entre le commissaire aux comptes et l'entité contrôlée de nature à faire naître des doutes dans l'esprit des tiers quant à son objectivité et à son impartialité ». · Le deuxième alinéa réaffirme l'interdiction pour un commissaire aux comptes de cumuler les missions d'audit et de conseil auprès de la société qu'il certifie, de ses filiales et de sa « mère », le cas échéant. D'ores et déjà, rappelons-le, le droit français interdit le cumul des fonctions d'audit et de conseil dans une même société : l'article L. 225-224 du code de commerce dispose que ne peut être nommée commissaire aux comptes toute personne percevant, directement ou indirectement, une rémunération de la société dont elle est chargée d'auditionner les comptes « à raison d'une autre activité que celle de commissaire aux comptes ». Toutefois, cette interdiction, posée au détour d'une règle d'incompatibilité, n'a pas toujours été respectée, sans parler de son contournement avec le développement des réseaux. Le projet de loi réaffirme donc fortement la règle : la mission légale de certification des comptes est incompatible avec « tout conseil ou toute autre prestation de services n'entrant pas dans les diligences directement liées à la mission de commissaire aux comptes, telles qu'elles sont définies par les normes d'exercices professionnelles mentionnées au sixième alinéa de l'art. L. 821-1 ». Ce membre de phrase a fait l'objet de clarifications rédactionnelles bienvenues par le Sénat : ainsi, le Sénat a adopté un amendement visant à remplacer l'interdiction « d'une prestation de services, notamment sous forme de conseil, d'avis ou de recommandation » et « d'une prestation de service, notamment sous forme de conseil » par la formule générale selon laquelle « tout conseil ou toute autre prestation de service » n'entrant pas dans les diligences directement liées à la mission de certification, sera interdite. Initialement, les deux rapporteurs de la commission des finances et des lois avaient proposé « toute prestation de services » : il est certainement plus sage, toutefois, de faire apparaître explicitement la notion de conseil. Par cette modification, le Sénat a souhaité poser le principe général dans la loi, sans l'illustrer, faute de pouvoir le faire d'une manière exhaustive. Il a jugé en outre que certains conseils, avis et recommandations restant autorisés lorsqu'ils sont directement liés à la mission, il était préférable de ne pas fausser la compréhension des dispositions du présent article. De fait, le projet de loi autorise explicitement le conseil lié aux diligences de la mission. Le terme générique de conseil ne doit pas tromper : il faut en effet bien distinguer le conseil que le commissaire aux comptes est conduit à prodiguer dans le cadre des diligences produites au titre de la mission d'audit, de l'activité de conseil totalement distincte de la mission. La question est de savoir si, entre l'audit et le conseil, il faut maintenir une zone grise, le conseil d'audit, qui resterait aux mains des auditeurs. En la matière, force est d'admettre que la pratique est allée au-delà de la lettre de la loi. Sous l'égide du comité de déontologie et d'indépendance (cdi) des commissaires aux comptes des sociétés faisant appel public à l'épargne (21), la profession elle-même a, certes, tenté de dessiner les limites de l'exercice : dans un rapport signé par M. Yves Le Portz, avait été ainsi définie une zone grise, sans doute trop large toutefois pour que certains n'en viennent pas à de véritables pratiques contra legem. Si la frontière entre audit et conseil et difficile à déterminer, c'est en raison même de la spécificité de la mission du commissaire aux comptes et de son rôle dans la société contrôlée. En effet, poser le problème de la délimitation entre l'audit et le conseil revient à aborder le sujet des relations entre le commissaire aux comptes et les dirigeants sociaux : le commissaire aux comptes étant, de plus en plus souvent, un « commissaire aux informations » (A. Viandier), c'est-à-dire l'une des personnes les mieux informées sur la société, il est assez naturel d'en faire un conseil, tout en respectant l'interdiction d'immixtion dans les affaires de la société posée à l'article L. 225-235. Plus encore, soulignons-le, dans la mesure où, de manière croissante, le législateur attribue des missions toujours plus nombreuses au commissaire au comptes, constat que vient conforter le présent projet de loi d'ailleurs... Pour s'en tenir à la seule mission de certification, elle requiert de toute évidence un dialogue et une communication régulières entre le commissaire aux comptes et les organes dirigeants de la société. Ainsi, comme le souligne la doctrine (22), le commissaire aux comptes peut, sur la base des communications au conseil d'administration (ou au conseil de surveillance et au directoire), mentionnées à l'article L. 225-237 du code de commerce, communiquer avec les dirigeants sur de nombreux sujets. D'où la position assez fondée de la compagnie nationale des commissaires aux comptes, lorsqu'elle considère qu'il doit faire bénéficier l'entreprise des observations qu'il a pu faire, et même suggérer des améliorations et donner des conseils. À l'évidence, par conséquent, la disposition de ce deuxième alinéa ne résout pas cette question de la zone grise entre audit et conseil : qui peut nier cependant qu'il est, par nature, impossible de légiférer in abstracto sur ce sujet, sauf à prendre une position dogmatique et donc inefficace ? Seule vaut, en la matière, une approche au cas par cas. Telle est d'ailleurs la raison pour laquelle le texte renvoie à la définition donnée en la matière par les normes d'exercice professionnel. · Le troisième alinéa aborde la question des réseaux. Le développement de pratiques peu conformes à l'esprit du législateur de 1966 en matière d'audit et de conseil a été renforcé, dans la décennie écoulée, par le fait que de nombreux cabinets d'avocats ont été absorbés par des cabinets d'audit : les vraies difficultés, en matière d'audit et de conseil sont, en effet, posées par le problème des réseaux multidisciplinaires, que, par définition, le législateur ne pouvait prendre en compte à la fin des années 1960. C'est pourquoi ce troisième alinéa pose, en premier lieu, un principe d'interdiction de tout cumul, au sein d'un même réseau, entre la mission légale de certification des comptes et la fourniture de prestations commerciales, de conseil ou de tout autre service, qui n'est pas directement liée à la mission du commissaire aux comptes. Sur ce point, le Sénat a apporté une précision utile, en disposant que, s'agissant des réseaux, l'appréciation du Haut conseil ne porterait pas, comme le prévoyait le projet de loi initial, sur les diligences directement liées à la certification des comptes - ces diligences étant déjà définies par les normes professionnelles et ne laissant donc pas de place à l'appréciation - mais sur les prestations directement liées à la mission de certification, puisqu'il s'agira en l'occurrence de traiter la question des prestations fournies par des membres du réseau non commissaires aux comptes. Pour tous les commissaires aux comptes, il conviendra donc de se référer aux diligences directement liées à la mission de certification telles que définies par les normes professionnelles. Cette disposition est une réponse directe à l'affaire Enron. Il est avéré que, dans cette entreprise, pour 25 millions de dollars de prestations d'audit, le cabinet Arthur Andersen, aujourd'hui disparu, s'était fait facturer 27 millions de dollars de conseil. Plus largement, une analyse du Wall Street Journal auprès des trente sociétés faisant partie du Dow Jones a montré qu'en 2001, 73 % des 725,7 millions de dollars perçus en 2001 par les firmes d'audit représentaient la contrepartie de services autres que l'audit. D'aucuns ont considéré qu'il ne fallait pas non plus surestimer les pratiques de prestations croisées (cross-over selling) : une étude américaine a montré que la forte croissance des honoraires liées au conseil reçus par les « Big Five » de 1998 à 2000 venait essentiellement d'entreprises qui n'étaient pas clientes pour des prestations d'audit. Reste que, lorsqu'aux États-Unis, la révision des règles américaines sur l'indépendance des auditeurs intervenue en novembre 2000 a rendu obligatoire la publication par les cabinets d'audit des honoraires versés, ainsi qu'aux entités de leur réseau, par les sociétés vérifiées, même la sec a été surprise de l'ampleur des dérives. En effet, pour la plupart des sociétés cotées importantes, les honoraires pour services autres que l'audit étaient très sensiblement supérieurs aux honoraires d'audit, représentant fréquemment deux à trois fois ces honoraires. En France, ni le cdi ni la cob ne disposent de chiffres comparables. La compagnie assure toutefois que les pratiques françaises n'ont, de manière générale, jamais connu les dérives américaines, ne serait-ce que du fait du principe posé par le cdi, limitant le rapport entre l'audit et le conseil à un pour un. Le Sénat a jugé insuffisant le dispositif proposé par le Gouvernement, estimant qu'il ne répondait que partiellement au problème, en n'abordant pas la question des sociétés filiales ou contrôlant la personne certifiée. Il a, par conséquent, également adopté, contre l'avis du Gouvernement, un amendement étendant le principe de séparation de l'audit et du conseil, pour les membres d'un réseau de commissaires aux comptes, aux sociétés mère ou filiales de l'entreprise dont les comptes sont certifiés. En effet, si, dans sa rédaction initiale, le présent article posait un principe d'interdiction pour les prestations de service fournies par le réseau à l'égard de la société dont les comptes sont certifiés, il renvoyait dans des conditions vagues au code de déontologie pour « prendre en compte » les prestations de services fournies par un réseau aux sociétés mère ou filiales de l'entreprise qui fait l'objet de la certification. Or, le Sénat a jugé qu'il était important de raisonner aujourd'hui sur la notion de groupe, la question de la certification des comptes n'étant pertinente, pour les grands groupes, qu'au niveau de la consolidation. Le Gouvernement a fait valoir que cette disposition était inapplicable en pratique. À l'évidence, en effet, elle revêt une dimension extraterritoriale qui en affaiblira singulièrement la portée : il suffira qu'un membre du réseau exerçant dans un autre État européen fournisse du conseil à la filiale d'une entreprise française établie dans un État autre que la France pour que la règle soit contournée. Le rapporteur estime pour sa part qu'il serait préférable d'éviter, comme c'était le cas jusqu'alors, d'afficher un principe rigide dans la loi, dès lors qu'il sera vraisemblablement contourné. Il propose par conséquent, dans l'esprit du projet de loi qui place l'information et la transparence au cœur de la nouvelle gouvernance dans les affaires, de mettre en place un système qui organise la transparence de l'activité des réseaux. Le principe serait le suivant : - en vue de sa désignation, le commissaire aux comptes informe par écrit la personne dont il se propose de certifier les comptes de son affiliation à un réseau, national ou international, qui n'a pas pour activité exclusive le contrôle légal des comptes et dont les membres ont un intérêt économique commun. Le cas échéant, il l'informe également du montant global des honoraires perçus par ce réseau au titre des prestations qui ne sont pas directement liées à la mission du commissaire aux comptes, fournies par ce réseau à une personne contrôlée ou qui contrôle, au sens des I et II de l'article L. 233-3, la personne dont ledit commissaire aux comptes se propose de certifier les comptes. Ces informations figurent dans le projet de résolution mentionné par l'article L. 225-228 du présent code, c'est-à-dire dans le document transmis à l'assemblée générale qui désigne le commissaire aux comptes ; - actualisées chaque année par le commissaire aux comptes, ces informations sont mises à disposition, au siège de la personne dont il certifie les comptes, des associés et actionnaires et, pour les associations, des adhérents et donateurs. Cette proposition se situe dans la ligne de ce que la cob a préconisé, de sa propre initiative, dans son règlement n° 2002-06. Par ailleurs, alors que, pour la première fois dans une loi, est abordée la question délicate des réseaux, il est regrettable qu'aucune définition n'y soit apportée. Rappelons en effet que ce terme recouvre des réalités tout à fait différentes d'une profession à l'autre. Notamment, si le Gouvernement, dans ce projet de loi, propose une conception du réseau qui revient à prohiber uniquement le cumul des activités d'audit et de conseil auprès d'un même client, les avocats, via le conseil national des barreaux, prônaient jusqu'à présent une incompatibilité d'exercice avec les auditeurs. La Commission vous propose par conséquent de qualifier plus précisément la notion de réseau en faisant référence au concept d'intérêt économique commun. Enfin, dans la mesure où la question de la séparation entre l'audit et le conseil forme le cœur de la présente réforme - sans Enron, il est probable qu'il n'y aurait pas d'article L. 822-11 nouveau dans le code de commerce... -, le rapporteur vous propose d'isoler les dispositions actuellement contenues dans les deuxième et troisième alinéas au sein d'un paragraphe spécifique, créé à cette fin. Il s'agirait de regrouper les deuxième et troisième alinéas, relatifs à la séparation entre l'audit et le conseil, ainsi que les alinéas ajoutés, concernant la transparence, dans un paragraphe II au sein de l'article L. 822-11, le paragraphe I regroupant les dispositions générales du premier alinéa et du quatrième alinéa. · Dans un quatrième et dernier alinéa, l'article L. 822-11 nouveau renvoie en effet au code de déontologie le soin de préciser les liens personnels, financiers et professionnels, concomitants ou antérieurs à la mission du commissaire aux comptes, incompatibles avec l'exercice de celle-ci. Le retour à une disposition générale en matière de conflits d'intérêts, qui fait écho à celle du premier alinéa, à la suite de deux alinéas traitant de la question spécifique de l'audit et du conseil, paraît surprenant en l'état actuel du texte. Comme indiqué ci-dessus, le rapporteur vous propose donc de rattacher cet alinéa au premier alinéa relatif à l'interdiction de prise d'intérêt, en sorte que ces deux dispositions formeraient le paragraphe I de l'article L. 822-11, comme il est expliqué ci-dessus. En liaison avec le rétablissement de la possibilité, pour un réseau, de fournir des prestations étrangères à la mission de certification des comptes à la filiale ou à la société qui contrôle la société dont les comptes sont certifiés par un commissaire aux comptes membre de ce réseau, la Commission vous propose, en outre, dans ce quatrième alinéa, de renvoyer au code de déontologie le soin de préciser en particulier les situations dans lesquelles l'indépendance du commissaire aux comptes est affectée, lorsqu'il appartient à un réseau pluridisciplinaire, national ou international, dont les membres ont un intérêt économique commun, par la fourniture de prestations de services à une personne contrôlée ou qui contrôle, au sens des I et II de l'article L. 233-3, la personne dont les comptes sont certifiés par ledit commissaire aux comptes. Après avoir adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 12), la Commission a donc été saisie de quatre amendements du rapporteur : le premier tend à rassembler dans les deux premiers alinéas de l'article L. 822-11 du code de commerce les règles fondamentales relatives à l'indépendance des commissaires aux comptes et à préciser la définition du réseau - en le qualifiant de « réseau disciplinaire, national ou international, dont les membres ont un intérêt économique commun » - précision reprise dans le deuxième amendement ; le troisième amendement tend à supprimer la disposition, introduite par le Sénat, interdisant au commissaire aux comptes d'un réseau de certifier les comptes d'une personne, dès lors qu'un membre du même réseau fournit des prestations de services étrangères à la mission de certification à une personne contrôlée par ou qui contrôle la personne dont les comptes sont certifiés ; le dernier amendement instaure un mécanisme de transparence destiné à informer les différents organes de la société de l'appartenance éventuelle du commissaire aux comptes qui répond à l'appel d'offres ouvert pour la mission de certification à un réseau ou un groupe ayant pour objet l'audit et le conseil ; cette information porte sur le montant des honoraires perçus par le réseau au titre des prestations qu'il fournit à des sociétés filles ou mères et sur les éventuels changements intervenus en la matière au cours de la période d'activité du commissaire aux comptes dans la société. S'agissant de la définition des règles déontologiques applicables aux commissaires aux comptes, M. Xavier de Roux s'est demandé s'il n'était pas contradictoire de poser ces règles dans la loi et, dans le même temps, de renvoyer leur définition au code de déontologie prévu par l'article L. 822-16 du code de commerce. Le président Pascal Clément ayant souhaité savoir si les règles ainsi posées visaient les pratiques dites de « rétro-commissions », le rapporteur a indiqué que de telles déviances n'avaient pas vocation à être mentionnées dans la loi. Puis il a précisé l'économie des modifications qu'il proposait sur les dispositions du code de commerce : rappelant que le droit français interdit aujourd'hui le cumul des fonctions d'audit et de conseil dans une même société sans prendre en compte les réseaux multidisciplinaires, il a indiqué que le projet de loi initial interdisait désormais à un commissaire aux comptes affilié à un réseau de certifier les comptes d'une personne qui bénéficie par ailleurs d'autres prestations de services fournies par ce réseau, mais que le Sénat avait durci le dispositif en interdisant la certification des comptes dès lors que ces prestations sont fournies aux sociétés filles ou mères de la société dont les comptes sont contrôlées. Jugeant que cette modification était difficilement applicable à des sociétés étrangères, il s'est prononcé en faveur de l'adoption d'un dispositif plus réaliste, qui n'interdise pas formellement les activités d'un réseau dans des sociétés filles ou mères d'une société dont les comptes sont contrôlés mais assure une transparence visant à informer les organes de la société de ces différentes activités, étant précisé que cette information serait délivrée préalablement à la désignation du commissaire aux comptes. Le président Pascal Clément ayant souscrit au souci du rapporteur de ne pas élaborer des normes « franco-françaises » qui trouvent en elles-mêmes leurs limites et ayant jugé que le dispositif proposé par le rapporteur était à la fois réaliste et ingénieux, la Commission a adopté les quatre amendements du rapporteur (amendements nos 13, 14, 15 et 16). Articles L. 822-12 et L. 822-13 du code de commerce L'article L. 822-12 traite des incompatibilités successives entre les fonctions de commissaire aux comptes et de dirigeant d'entreprise, qu'il s'agisse de la société certifiée elle-même (premier alinéa), de celle(s) qu'elle contrôle, avec participation au capital supérieure ou égale à 10 % ou de la société qui la contrôle via la détention de 10 % de son capital au moins (second alinéa). Ainsi, les commissaires aux comptes ne peuvent être nommés dirigeants des personnes morales qu'ils contrôlent, moins de cinq années après la cessation de leurs fonctions. L'interdiction est étendue aux associés, actionnaires ou dirigeants d'une société de commissaires aux comptes. Cet article reprend les dispositions du III de l'article L. 221-10 (société en nom collectif), de l'article L. 223-38 (sarl) et du L. 225-225 (sa). L'article L. 822-13 traite, en miroir, du même sujet, mais dans le sens inverse : interdiction est faite aux personnes, dirigeants ou salariés, d'une entreprise d'en devenir commissaire aux comptes dans les cinq ans. Comme dans l'article précédent, l'interdiction est étendue aux sociétés dont cette entreprise détenait au moins 10 % du capital ou qui en détenait au moins 10 % du capital. Ceci vaut pour tous les statuts existant dans une société de commissaires aux comptes : sont ainsi soumis à la présente règle les indépendants et les sociétés de commissaires aux comptes. Cette disposition reprend la règle posée à l'article L. 225-226 du code précité, pour les sa. La lecture comparée des deux articles révèle que l'incompatibilité n'est pas étendue, à l'article L. 822-12, aux salariés de la personne morale. Le rapporteur vous propose d'ajouter cette précision, afin d'éviter le risque de conflits d'intérêts que pourrait susciter, par exemple, la nomination du commissaire aux comptes au poste de directeur financier de la personne morale dont il certifie les comptes. Le président Pascal Clément a approuvé cet amendement qui tend à remédier à une pratique fréquente dans les cabinets d'audit et de conseil. M. Xavier de Roux a souligné, pour sa part, que cet amendement susciterait sans doute de nombreuses réactions dans une profession déjà confrontée à des difficultés de recrutement. La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 17). Article L. 822-14 du code de commerce L'article L. 822-14 concerne l'obligation de rotation des commissaires aux comptes, comme personnes physiques uniquement, tous les six ans. L'introduction de cette disposition est symptomatique de la méthode pragmatique suivie par le Gouvernement dans ce texte : en proposant d'inscrire le principe de rotation des personnes physiques dans le corpus législatif, le projet de loi systématise en effet ce qui s'affirmait déjà comme une pratique de plus en plus étendue et clôt un débat entamé par les acteurs, nationaux - cob et compagnie nationale des commissaires aux comptes - ou européen - Commission européenne - depuis quelques années. Il ne s'agit donc en aucune façon de marquer une quelconque défiance vis-à-vis de la profession ni de légiférer à l'aveugle, en déclinant de façon idéologique les différents instruments d'indépendance des commissaires aux comptes existant dans les systèmes des pays voisins. L'objectif est, au contraire, par l'inscription de cette disposition dans la loi, de souligner la pertinence des recommandations émises par les acteurs eux-mêmes, et de donner corps au principe d'indépendance dont le législateur entend souligner le caractère crucial. Ainsi, en décembre 1997, un groupe de travail commun à la cob et la compagnie sur l'indépendance et l'objectivité des commissaires aux comptes des sociétés faisant appel public à l'épargne avait émis une recommandation en ce sens. Celle-ci s'est traduite par l'adoption, dans le code de déontologie de la profession, en 2000, d'une disposition prévoyant qu'une « rotation des associés en charge du dossier doit être organisée pour les missions afférentes à des entités faisant appel public à l'épargne ». L'intervention des scandales outre-atlantique a conduit la cob à accélérer un processus d'ores et déjà en cours et à placer l'initiative de la profession sous sa surveillance : elle a ainsi annoncé, dans un communiqué du 29 juillet 2002, dans le cadre d'un programme de travail visant à améliorer l'information financière, qu'elle mettrait en œuvre, à compter du 1er septembre 2002, une procédure de contrôle de la rotation des associés signataires des mandats de commissariat aux comptes de sociétés faisant appel public à l'épargne. Cette intervention du régulateur boursier a pu étonner la profession ; elle trouve toutefois son fondement dans deux dispositions du décret du 12 août 1969 précédemment évoqué. En premier lieu, aux termes de l'article 64 - dispositions reprises à l'article 72 du présent projet -, tout commissaire aux comptes qui accepte de voir sa candidature présentée à l'assemblée générale d'une société faisant appel public à l'épargne doit en informer la cob. Cette dernière donne un avis et peut, le cas échéant, émettre des réserves transmises à l'assemblée des actionnaires, à la compagnie nationale et à la compagnie régionale dont dépend l'intéressé au cas où les dirigeants ne tiendraient pas compte des observations formulées. Cette obligation n'est pas que de pure forme, ainsi qu'a tenu à le rappeler le régulateur boursier, en 1993 par exemple, en ajoutant qu'elle s'imposait aux candidatures présentées pour la première fois et pour les renouvellements, sous peine de remise en cause de la validité de la nomination. En second lieu, l'article 67 de ce même décret dispose que les agents de l'organisme boursier peuvent demander aux commissaires aux comptes tous renseignements sur les sociétés qu'ils contrôlent, la cob pouvant également adresser toutes les observations qu'elle jugera utiles. C'est sur cette base réglementaire que la cob a fondé son intervention et appelé les commissaires aux comptes à mettre en œuvre une rotation des personnes physiques à l'issue d'une période maximale de sept exercices. Elle s'inscrit en cela dans la dynamique européenne promue par la Commission qui, par une recommandation du 15 mai 2002, a apporté une contribution importante au débat, confirmant l'attention toujours plus soutenue portée par les autorités communautaires à la question du contrôle légal des comptes, qui s'était traduite, dès 1996, par l'adoption d'un livre vert relatif aux Rôle, statut et responsabilité du contrôleur légal des comptes dans l'Union européenne. Les autorités communautaires proposent ainsi que : - les personnes en charge de la vérification des comptes dans les sociétés « d'intérêt public » - c'est-à-dire les sociétés faisant appel public à l'épargne, selon la terminologie communautaire - soient remplacées tous les sept ans au plus ; - en outre, ces personnes ne puissent certifier à nouveau les comptes de l'entreprise concernée avant un délai de deux ans. Cette dernière disposition n'a été reprise ni par la cob ni par le Gouvernement dans le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis : dans la rédaction actuelle de l'article L. 822-14 nouveau du code de commerce, aucune disposition n'interdit aux commissaires aux comptes d'être désignés pour une nouvelle mission avant un délai minimal, en pratique un an. Faut-il craindre que l'absence d'incompatibilité dans le temps ne conduise à l'émergence d'un « marché des mandats », à des ententes visant à contourner la règle ? Les enseignements à tirer des événements récents, même étrangers, incitent toutefois à penser que, dans une matière dans laquelle l'intervention de la loi est nécessairement limitée, comme l'est la déontologie, toutes les dispositions techniques simples pouvant concourir à son respect, en l'occurrence au renforcement de l'indépendance, doivent être inscrites dans le marbre de la loi. C'est pourquoi la Commission vous propose l'inscription d'un délai de viduité de deux ans dans le présent article (amendement n° 18). Article L. 822-15 du code de commerce L'article L. 822-15 concerne les règles régissant le secret professionnel. Il est à noter que le projet de loi ne revient pas sur les règles de secret professionnel auxquelles le commissaire aux comptes est astreint ni sur les obligations imposées, à son égard, à d'autres professions. Ainsi, aux termes de l'article L. 225-236 du code de commerce, les commissaires aux comptes ont la faculté de « recueillir toutes informations utiles à l'exercice de leur mission auprès des tiers qui ont accompli des opérations pour le compte de la société. Toutefois, ce droit d'information ne peut s'étendre à la communication des pièces, contrats et documents quelconques détenus par des tiers, à moins qu'ils n'y soient autorisés par une décision de justice. Le secret professionnel ne peut être opposé aux commissaires aux comptes sauf par les auxiliaires de justice. » S'agissant des règles de secret professionnel, le projet reprend les dispositions de l'article L. 225-240 du code commerce, qui, tout en astreignant les commissaires aux comptes au secret professionnel, aménage toutefois un régime d'exceptions : - tout d'abord, le commissaire aux comptes doit signaler à la plus prochaine assemblée générale les irrégularités ou inexactitudes qu'il a, le cas échéant, relevé au cours de sa mission ; - par ailleurs, il révèle au procureur de la République tout fait délictueux dont il aura pu avoir connaissance dans l'exercice de sa mission. Le second alinéa du présent article prévoit une troisième exception, qui existe d'ores et déjà dans le droit positif (article L. 225-235 du code de commerce) : ainsi, lorsqu'une personne morale établit des comptes consolidés, les commissaires aux comptes de la personne morale consolidante et les commissaires aux comptes des personnes consolidées sont, les uns à l'égard des autres, libérés du secret professionnel. Ces dispositions s'appliquent également lorsqu'une personne établit des comptes combinés, disposition qui vise des personnes morales (par exemple, les mutuelles) qui, bien que n'étant pas unies par un lien capitalistique, établissent néanmoins des comptes qui s'apparentent à des comptes consolidés. La problématique du secret professionnel doit être reliée à celle de la diversification des missions du commissariat aux comptes. Dès lors que le commissaire aux comptes est non seulement soumis à une obligation de certification et de vérification, voire de communication en cas de découverte d'irrégularités ou d'inexactitudes, mais également à une obligation active de prise en considération du risque même d'irrégularité et d'inexactitude, la question se pose de la manière dont le commissaire aux comptes peut informer de ce risque sans violer le secret professionnel auquel il est astreint. Question dont la controverse récente qui a opposé les commissaires aux comptes aux avocats, sur la question de leur collaboration mutuelle, rappelle le caractère crucial au regard de la problématique de sécurité, aussi bien économique que financière d'ailleurs. En filigrane, c'est toute la question plus large de la création d'une chaîne prudentielle entre les personnes intervenant dans l'environnement de l'entreprise qui est posée. Article L. 822-16 du code de commerce L'article L. 822-16 renvoie à un décret en Conseil d'État pour l'approbation du code de déontologie, qui doit, au préalable, recevoir l'avis du Haut Conseil ainsi que, s'agissant des personnes faisant appel public à l'épargne, celui de l'amf. Il reprend les dispositions de l'actuel article L. 820-3 (réécrit, pour un tout autre objet, par le présent projet de loi), instauré par la loi nre du 15 mai 2001. Cette loi est effectivement à l'origine de l'obligation faite aux commissaires aux comptes de se doter d'un code de déontologie. Le décret d'approbation de ce code n'a cependant jamais été pris. La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 65 du projet de loi ainsi modifié. Article 66 · Le 1° de cet article complète l'article L. 225-228 relatif à la procédure de désignation des commissaires aux comptes par l'assemblée générale : il précise qu'ils sont proposés par un projet de résolution émanant du conseil d'administration ou du conseil de surveillance. Il ajoute, dans le cas des sociétés faisant appel public à l'épargne, que ni le directeur général ni le directeur général délégué ne peuvent prendre part au vote. Le Sénat a adopté, sur proposition conjointe des deux rapporteurs, un amendement visant à préciser que les commissaires aux comptes peuvent être certes proposés à la désignation de l'assemblée générale par un projet de résolution émanant des actionnaires, au même titre que les projets de résolution du conseil d'administration et du conseil de surveillance, mais que ce projet de résolution devait se conformer aux dispositions en vigueur, notamment à l'article L. 225-105 du code de commerce : le projet de résolution ne peut être déposé que par un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital, ou par une association d'actionnaires agréée. Par ailleurs, la commission des Finances du Sénat, soulignant les difficultés liées à la rédaction du dispositif (le président du conseil d'administration n'est pas mentionné, seuls certains directeurs le sont mais ils pouvaient entrer dans la catégorie des administrateurs liés par un contrat de travail à l'entreprise), s'est émue de la distinction, au sein du conseil d'administration, instance collégiale, entre administrateurs, visant à en exclure certains du vote. La Commission estimait que le conseil d'administration devait avoir une responsabilité collégiale, c'est-à-dire répondre en son entier des décisions qu'il prend, et qu'il ne devait pas, à cette fin, être fait de distinction entre les membres du conseil d'administration, dont certains seraient considérés a priori comme suspects. Elle s'appuyait également, dans son raisonnement, sur le fait que le conseil d'administration ne faisait que proposer les commissaires aux comptes à la désignation de l'assemblée générale, qui est souveraine en la matière. Des actionnaires peuvent d'ailleurs, en application du présent article, déposer des projets de résolution selon les formes prévues par les dispositions du code de commerce pour proposer des commissaires aux comptes à la désignation de l'assemblée générale. Elle a donc proposé un amendement de suppression de ces dispositions. Lors de l'examen en séance publique toutefois, le Gouvernement, tout en se déclarant sensible à l'objectif poursuivi - l'unité du conseil d'administration -, a estimé que, si l'argument valait s'agissant des administrateurs salariés, il avait moins de pertinence s'agissant des postes de direction. Une position de synthèse a donc été adoptée, excluant seulement les directeurs généraux et directeurs généraux délégués du vote. · Le 2° de cet article institue le principe de la rotation décalée pour les sociétés astreintes à publier des comptes consolidés, soumises, en vertu du présent article, à l'obligation de désigner un second commissaire aux comptes. Ainsi, le présent article instaure la règle selon laquelle les mandats des commissaires aux comptes ne peuvent coïncider pendant plus de trois ans, pour les sociétés soumises au co-commissariat. Pour appliquer cette règle, il peut être dérogé aux dispositions du code de commerce qui fixe à six exercices le mandat d'un commissaire aux comptes. Le Sénat a adopté, outre un amendement rédactionnel substituant le terme d'« exercices » à celui d'« années », un amendement précisant que les dérogations joueront seulement pour réduire la durée du mandat des commissaires aux comptes. Dans le texte initial en effet, rien n'interdisait de déroger « par le haut » à la règle posée, en instaurant des mandats beaucoup plus longs que six exercices, en contradiction avec l'esprit de la mesure. La rotation des personnes physiques est souhaitable, en ce qu'elle évite tous les risques de collusion sans pour autant fournir aux dirigeants un élément de pression sur les commissaires aux comptes (dans la mesure où la rotation s'applique aux personnes physiques, et non morales). L'indépendance du commissaire aux comptes est préservée d'un côté, et la continuité assurée de l'autre. Si l'objet du co-commissariat est précisément de renforcer le contrôle, en est-il de même pour la nomination décalée ? Ne conduit-elle pas à renforcer les dirigeants sociaux, qui, par définition, ont davantage d'information que le commissaire aux comptes, et à affaiblir a contrario le contrôle ? En bref, ne risque-t-on pas de perdre, par ce procédé, ce qu'on gagne avec le co-commissariat ? Si d'aucuns ont fait valoir qu'une telle mesure risquait d'être contre-productive, en empêchant notamment les commissaires aux comptes de se renforcer mutuellement dans le cadre du co-commissariat, le rapporteur estime, pour sa part, que le renouvellement de l'équipe tous les trois ans représente une garantie tout à fait probante d'indépendance et d'efficacité. Par ailleurs, le Sénat a estimé nécessaire de poser le principe d'un co-commissariat « équilibré » pour les sociétés astreintes à publier des comptes consolidés, à charge pour les normes professionnelles de préciser les conditions dans lesquelles les commissaires aux comptes pourraient se livrer à un examen contradictoire des comptes, avec « des moyens comparables ». Selon le rapport du de la commission des finances, « Il est en effet évident que l'exercice d'un co-commissariat « déséquilibré » ne présenterait pas les garanties que l'on prête volontiers au modèle français de co-commissariat aux comptes ». Et le rapporteur de la commission des finances, M. Philippe Marini, d'évoquer le curieux tandem formé quelquefois par le « cheval de labour et la fragile alouette », dans le cadre d'un co-commissariat de façade. Le Sénat a, par conséquent, souhaité mettre en avant le principe d'égalité et de solidarité des co-commissaires. Le débat posé par le Sénat est intéressant en ce qu'il pose la question du bien-fondé de cette exception française si souvent mise en exergue qu'est le co-commissariat. De fait, bien souvent, la répartition du montant des rémunérations dit tout de la réalité du co-commissariat. Faut-il pour autant s'en remettre à la solution radicale adoptée par le Sénat ? Pour sa part, le Gouvernement a exprimé son désaccord avec cette disposition, arguant tout d'abord de ce que la loi n'avait pas à entrer dans un tel luxe de détails, soulignant ensuite que l'objectif du co-commissariat était que les comptes soient certifiés par deux commissaires, et non que le travail soit fait deux fois. Il a également mis en avant le risque de contentieux qu'ouvrait une telle disposition. Enfin, le garde des Sceaux a rappelé que, sur 900 sociétés cotées qui font appel public à l'épargne, il y avait une cinquantaine de mandats de second commissaire aux comptes pour un autre cabinet que les quatre plus importants cabinets de commissaires aux comptes. Et de poser ouvertement la question de savoir si l'on voulait, par l'amendement adopté, limiter la certification des comptes des entreprises du cac 40 aux quatre gros cabinets d'audit... Le rapporteur estime que l'inquiétude du Sénat n'a pas lieu d'être. En effet, les dispositions relatives au co-commissariat doivent être replacées dans une perspective plus générale, et notamment être lues à la lumière de l'article 68 du présent projet. Celui-ci instaurant une mesure de transparence de la rémunération versée à chacun des deux commissaires intervenant conjointement dans le cadre du co-commissariat, c'est sur la société que portera la responsabilité d'afficher, vis-à-vis du marché, un co-commissariat bancal. À l'instar du dispositif qu'il a proposé s'agissant de la prestation simultanée d'audit à une société et de conseil à une société qui la contrôle ou qu'elle contrôle, dans le cadre d'un réseau multidisciplinaire, la règle de transparence sera bien plus efficace que tous les mécanismes juridiques complexes que le législateur s'efforcerait de définir. C'est pourquoi il vous est proposé de supprimer l'obligation posée par le Sénat en matière de moyens, pour revenir aux dispositions du texte initial. La Commission a adopté un amendement du rapporteur, tendant à éviter l'éviction des petits cabinets de commissaires aux comptes du « co-commissariat » en supprimant la disposition prévoyant que les deux commissaires doivent mettre en œuvre des moyens comparables (amendement n° 19). Puis elle émis un avis favorable à l'adoption de l'article 66 du projet de loi ainsi modifié. Article 67 L'article L. 822-14 a introduit une obligation de rotation au-delà de six ans de mandat pour les commissaires aux comptes exerçant leurs diligences auprès de personnes faisant appel public à l'épargne. Le présent article vise à préciser que, dans ce cas, il est par conséquent dérogé à l'obligation de l'assemblée générale d'entendre le commissaire aux comptes, prévue à l'article L. 225-234 du code de commerce. Celui-ci dispose en effet que le commissaire aux comptes peut demander à être entendu par l'assemblée générale quand cette dernière ne le renouvelle pas à l'expiration de ses fonctions. La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification. Article 68 L'objet de l'article 68 est d'instaurer une publicité de la rémunération versée au commissaire aux comptes d'une personne morale faisant appel public à l'épargne. À cette fin, il propose une nouvelle rédaction de l'article L. 820-3 du code de commerce relatif au code de déontologie, vidé de son contenu suite au transfert de cette disposition vers l'article L. 822-16. Dans son contenu, cette réforme n'est pas sans évoquer les récentes évolutions intervenues dans notre droit en ce sens : ainsi, aux termes de l'article L. 225-102-1 du code de commerce, modifié par la loi nre du 15 mai 2001, les mandataires sociaux sont obligés de faire état des rémunérations et avantages perçus. Il s'agit également ici d'une mesure dont l'objectif ultime est la transparence à l'égard de l'actionnaire, en bref d'une disposition supplémentaire visant à compléter l'information de l'actionnaire - dans le cas des associations, des adhérents et donateurs - et à lui fournir un élément d'appréciation supplémentaire sur l'indépendance réelle du commissaire aux comptes. Publier le montant des honoraires versés aux commissaires aux comptes revient à fournir aux intéressés un critère d'appréciation supplémentaire de l'efficacité avec laquelle les commissaires se sont acquittés de leur mission et de la solidité, voire de la pertinence, de l'information délivrée. Contrairement à ce qui est prévu pour les dirigeants de sociétés, l'information n'a pas à être diffusée erga omnes : c'est l'actionnaire, non le marché des investisseurs, qui doit être le bénéficiaire de l'information. La mise à disposition au siège de la personne contrôlée permet à celui qui veut se donner tous les moyens de juger de la qualité de l'information financière délivrée par cette personne de se forger son opinion. Cette réforme s'inscrit par ailleurs en droite ligne des recommandations européennes : la recommandation de la commission européenne du 16 mai 2002 sur l'indépendance du contrôleur légal des comptes dans l'Union européenne préconise la publicité des honoraires perçus par les commissaires aux comptes. De même, le règlement de la cob n° 2002-06, homologué par un arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et publié au Journal officiel le 20 décembre 2002 prescrit cette obligation aux sociétés dont les titres sont négociés sur le marché. Cette mesure se situe, en quelque sorte, dans ce qui serait un deuxième âge de la gouvernance des entreprises : si, dans un premier temps, la quantité de l'information délivrée a été au cœur de cette notion, c'est aujourd'hui la qualité et la pertinence de l'information que l'on cherche à améliorer. De ce point de vue, la certification du commissaire aux comptes instaure, certes, une présomption de qualité de l'information délivrée mais elle ne répond pas à la question du contrôle exercé sur le contrôleur. Les dispositions contenues dans l'article 78 commenté ci-après se situent exactement dans la même ligne, qui consiste à organiser de manière systématique un contre-pouvoir aux pouvoirs existants. L'intervention d'un tiers, via la publicité, répond à ce souci qualitatif de deux façons : - Elle représente d'abord une garantie de proportionnalité entre travail fourni et rémunération. Ce faisant, elle vient renforcer les dispositions adoptées par la profession dans son code de déontologie qui, dans son article 17, interdit à ses membres d'« accepter un niveau d'honoraires qui risque de compromettre la qualité de ses travaux », toute disproportion pouvant « constituer un élément de nature à traduire une atteinte à son indépendance et à son objectivité ». À cet égard, il pourrait être judicieux de prévoir une information détaillée sur les honoraires, de façon à faire apparaître les honoraires versés dans le cadre de la mission de certification et ceux qui sont liés à des missions directement liées à la certification, par exemple à la nouvelle mission dévolue aux commissaires aux comptes par l'article 78, d'appréciation des procédures de contrôle interne. Cette disposition revêtant un caractère réglementaire, c'est à la profession, dans ses normes professionnelles, voire également dans le code de déontologie prévu à l'article L. 822-16, qu'il reviendra de prévoir une telle ventilation, d'ailleurs préconisée par la recommandation européenne précitée : le législateur l'y encourage vivement et, à défaut, souhaite que le ministre de la justice, chargé d'homologuer ce code par décret, exerce sa vigilance sur ce point. - Elle représente par ailleurs une garantie d'efficacité et de réalité du co-commissariat. La disposition proposée prévoit en effet la publication non du montant global des honoraires, mais du montant versé à chacun des commissaires. Sans doute cette disposition n'empêchera-t-elle pas la perpétuation des pratiques de co-commissariat « cosmétique ». Dès lors toutefois que les bénéficiaires de l'information seront éclairés sur ce point, ils disposeront d'un élément supplémentaire leur permettant de juger de la qualité de la certification et, in fine, de l'information délivrée. La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification. Article 69 L'article L. 820-1 du code de commerce rend applicables aux commissaires aux comptes nommés dans toutes les personnes morales, quelle que soit la nature de la certification prévue dans leur mission, les dispositions prévues par les articles L. 225-218 à L. 225-242 du même code. L'article 69, par coordination avec la renumérotation résultant des modifications introduites par les articles précédents, procède à une substitution de références, en remplaçant la référence à l'article L. 225-218 par celle à l'article L. 225-227, ainsi qu'à l'ajout d'un membre de phrase faisant référence aux dispositions du présent titre, à savoir le titre II du livre VIII, dans lequel désormais figurent des dispositions qui relevaient jusqu'alors du livre II du code de commerce, notamment du titre relatif aux sociétés anonymes. Il procède aux mêmes modifications à l'article L. 820-2 du code, qui interdit à quiconque de se prévaloir du titre de commissaire aux comptes s'il ne remplit pas les conditions visées aux articles L. 225-218 à L. 225-242. La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification. Article 70 Le présent article, adopté sans modification par le Sénat, introduit une incompatibilité spécifique entre commissaire aux comptes et commissaires aux apports et à la fusion : il dispose en effet que les professionnels chargés, au cours des deux derniers exercices, de vérifier les opérations d'apports ou de fusion de la société ou des sociétés que celle-ci contrôle au sens des II et III de l'article L. 233-16, ne peuvent être nommés commissaires aux comptes. Inscrite à l'article L. 225-224 du code de commerce, cette disposition supprime de facto les incompatibilités familiales et professionnelles entre les commissaires aux comptes et les personnes exerçant des responsabilités et fonctions - ou leurs parents et alliés - dans les sociétés anonymes. L'énumération qui en était faite dans le code de commerce est renvoyée au code de déontologie prévu à l'article L. 822-16, en vertu de l'article 65 du présent projet de loi. Cette double incompatibilité vise autant à garantir l'indépendance du commissaire aux comptes que celle des commissaires aux apports et aux fusions, tout aussi essentielle au regard de la mission qui est la leur. · Le commissaire aux apports intervient dans plusieurs cas de figure : En matière d'apport en nature lors de la constitution d'une sa ou d'une sarl, la loi requiert sa nomination : dans la sarl, au-delà de certains seuils spécifiques liés à la valeur de l'apport en nature, l'unanimité des futurs associés est requise ou, à défaut, une ordonnance du président du tribunal de commerce statuant sur requête du futur associé le plus diligent ; seule la procédure judiciaire est prévue pour les sociétés anonymes. Le commissaire aux apports est chargé d'apprécier la valeur des apports en nature et les avantages particuliers (article L. 225-8 du code de commerce). Le rapport est mis à la disposition des actionnaires avant la signature des statuts, qui peuvent, selon les conclusions du rapport, corriger le projet de statut. Le commissaire aux apports intervient également lors de l'acquisition par la société, dans les deux ans qui suivent son immatriculation au registre du commerce, d'un bien appartenant à un actionnaire dont la valeur est au moins égale à un dixième du capital social. Cette disposition, inscrite à l'article L. 225-101 du code de commerce, vise à éviter le contournement des règles relatives à l'apport en nature lors de la constitution de la société. · C'est en 1988 qu'a été créé le commissaire à la fusion, le contrôle des opérations de fusion relevant jusqu'à cette date des commissaires aux comptes et des commissaires aux apports. Aux termes de la loi du 5 janvier 1988, ils « vérifient que les valeurs relatives attribuées aux actions des sociétés participant à l'échange sont pertinentes et que le rapport d'échange est équitable ». Depuis la loi du 11 février 1994, ils sont également chargés d'apprécier « sous leur responsabilité la valeur des apports en nature et les avantages particuliers » (article L. 236-10 du code de commerce). De même que les commissaires aux apports, désignés sur requête des dirigeants sociaux par le président du tribunal de commerce, ils sont choisis parmi les commissaires aux comptes régulièrement inscrits, ainsi que dans la liste d'experts inscrits sur l'une des listes établies à cette fin par les cours et tribunaux. Les commissaires aux apports ou à la fusion jouent par conséquent un rôle important dans l'information des actionnaires. S'agissant, par exemple, du commissaire à la fusion, le rapport qu'il remet aux actionnaires est le seul regard extérieur et indépendant dont ils bénéficient, les autres documents obligatoires étant les documents comptables et le rapport du conseil d'administration qui doit indiquer aux actionnaires les motifs et l'intérêt du projet de fusion (article L. 236-9 du code de commerce). En second lieu, par son contenu même, ce rapport permet aux actionnaires de bénéficier d'un regard critique : il ne s'agit pas d'une simple description de la méthode suivie pour la détermination du rapport d'échange proposé, le commissaire devant apprécier si cette ou ces méthodes sont adéquates en l'espèce et indiquer en outre, le cas échéant, les difficultés particulières d'évaluation qui existent. Jusqu'alors, les seules incompatibilités auxquelles les commissaires à la fusion étaient soumis s'exerçaient à l'égard de la société : l'article L. 236-10 renvoie sur ce point aux mêmes incompatibilités que pour les commissaires aux comptes (article L. 225-224). L'instauration, par le présent article, d'une incompatibilité supplémentaire, avec la fonction de commissaire aux comptes, vient renforcer l'indépendance indispensable à un bon exercice de la fonction de commissaire à la fusion. En effet, le rôle de commissaire à la fusion appelle un regard critique, inhérent même à la mission visée : l'éventuelle perspective d'une désignation prochaine en tant que commissaire aux comptes dans la société concernée ne pourrait qu'émousser sa vigilance critique. Par ailleurs, certes indirectement, cette incompatibilité entre les deux commissariats jouera en faveur d'une meilleure transparence et d'une réduction du risque de conflit d'intérêts qui peut apparaître au sein du conseil d'administration en cas de fusion : en effet, il se peut que certains administrateurs du conseil de la société absorbée soient liés d'une manière ou d'une autre à la société absorbante. Or, contrairement à d'autres, le système français ignore l'interdiction faite à ces administrateurs de prendre part au vote sur le projet de fusion, interdiction qui conduirait de facto à l'impossibilité d'approuver un traité de fusion dans les nombreux cas où les conseils d'administration restent exclusivement composés d'administrateurs liés à l'actionnaire majoritaire. Si, pour parer à ce risque, la pratique voit se développer les attestations d'équité - inspirées du droit anglo-saxon -, il ne peut s'agir que d'un complément, dans notre droit, apporté au rôle du commissaire à la fusion, dont l'intervention sera d'autant plus efficace pour prévenir ou souligner les éventuels conflits d'intérêts existants que les fonctions de commissaire aux comptes et de commissaire à la fusion seront dissociées. De fait, même si, notamment grâce aux apports de ce projet de loi, le commissaire aux comptes est indépendant des administrateurs, un professionnel n'ayant pas de lien préalable avec la société bénéficiera d'une plus grande présomption d'indépendance. La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification. La définition, dans le livre VIII du code de commerce, d'une véritable réglementation de la profession de commissaire aux comptes qui, pour partie, résulte du regroupement de dispositions, jusqu'alors éparpillées dans le titre II du livre II du code de commerce, entraîne l'abrogation des dites dispositions. Tel est l'objet de l'article 71 du projet de loi, qui procède à une série d'abrogations d'articles qui figurent actuellement, pour la plupart, dans la section V du chapitre V du titre II du livre II du code de commerce consacrée au contrôle des sociétés anonymes. Dix articles sont ainsi partiellement ou totalement abrogés : - les II et III des articles L. 221-10 et L. 223-38, qui, de manière exactement similaire à l'article L. 225-224 pour les sociétés anonymes, énumèrent les cas d'incompatibilité entre les fonctions de commissaires aux comptes et un certain nombre de fonctions et mandats exercés au sein d'une société en nom collectif ou d'une société à responsabilité limitée. Rappelons qu'aux termes de l'article 70, l'article L. 225-224 est totalement réécrit, visant désormais une situation d'incompatibilité nouvelle. Les liens personnels ou familiaux entre un commissaire aux comptes et une personne physique sont désormais régis, dans leur principe, par le nouvel article L. 822-11 du code de commerce créé par l'article 65, et, dans leurs détails, par le code de déontologie auquel ce même article renvoie. - l'article L. 225-219, relatif aux règles générales d'organisation de la profession de commissaire aux comptes, désormais définies par les nouveaux articles L. 821-1 (5° et 6° : missions d'inscription sur la liste et d'exercice de la discipline par le Haut conseil du commissariat aux comptes) et L. 822-1 (obligation d'inscription sur la liste) ; - l'article L. 225-220, relatif à la composition des commissions régionales et de la commission nationale d'inscription, précisée par le nouvel article L. 822-2 ; - l'article L. 225-221, relatif aux organes disciplinaires, à la suite de l'insertion d'un article L. 822-6 qui maintient la compétence des commissions régionales d'inscription statuant en chambre de discipline et donne la compétence d'appel au Haut conseil du commissariat aux comptes ; - l'article L. 225-223, relatif à la prestation de serment des commissaires aux comptes, désormais régie par l'article L. 822-3 nouveau ; - les articles L. 225-225 et L. 225-226 (délai de viduité de cinq ans pour exercer des fonctions de direction après avoir accompli une mission de certification au sein d'une entreprise, et réciproquement), ces dispositions étant reprises sous les nouveaux articles L. 822-12 et L. 822-13 ; - la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article L. 225-235, qui pose le principe de levée du secret professionnel entre commissaires aux comptes de sociétés entrant dans le même périmètre de consolidation comptable. Cette abrogation résulte d'un amendement du Sénat, la commission des lois de cette assemblée ayant très justement relevé que ce principe était désormais inscrit, par l'article 65 du projet de loi, dans le nouvel article L. 822-15 du code de commerce ; - le dernier alinéa de l'article L. 225-240, relatif au devoir de secret professionnel des commissaires aux comptes,désormais régi par l'article L. 822-15 précité. La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification. Article 72 Le présent article traite des relations entre les commissaires aux comptes et la nouvelle amf par le présent projet de loi, en remplacement de la cob, du cmf et du conseil de discipline de la gestion financière. · Le 1° de l'article 71 crée tout d'abord une nouvelle section dans le livre VI du code monétaire et financier traitant de l'amf, relative aux relations entre la nouvelle autorité et les commissaires aux comptes. L'article 1er du présent projet de loi, qui se situe en dehors de la saisine de la commission des Lois, a en effet substitué aux trois chapitres qui forment actuellement le titre II du livre VI de ce code, un chapitre unique intitulé « L'autorité des marchés financiers ». Jusqu'alors en effet, au sein de ce livre consacré aux autorités bancaires et financiers, le titre II traitait des autorités de marchés financiers et se divisait en trois chapitres consacrés respectivement à la cob, au cmf et au conseil de discipline de la gestion financière. La fusion des trois institutions rend cette subdivision obsolète. Les sections qui formaient le chapitre Ier relatif à la cob sont toutefois réutilisées dans le chapitre unique, la section I traitant des missions de la nouvelle autorité, la section II de sa composition, la section III de ses règles de fonctionnement et la section IV de ses pouvoirs. Le présent article crée une section V nouvelle intitulée « Relations avec les commissaires aux comptes ». D'ores et déjà, les relations sont nombreuses entre le gardien des marchés financiers et les commissaires aux comptes. Néanmoins, outre des dispositions réglementaires dont l'objet est relativement circonscrit - information de la cob par le commissaire aux comptes qui accepte que sa candidature soit présentée à l'assemblée générale d'une société faisant publiquement appel à l'épargne (23) - et des relations largement informelles entre la compagnie nationale des commissaires aux comptes et la cob, la loi ignore largement ce lien. Il y a là un paradoxe au vu de la conjonction de fait entre la mission d'information des commissaires aux comptes certifiant les comptes de personnes faisant publiquement appel à l'épargne et la mission de transparence de l'information dévolue à l'actuelle gardienne des marchés financiers. Il est vrai qu'en l'état actuel de la législation, la mission du commissaire aux comptes est définie comme une stricte mission de certification : en vertu d'une approche classique - antérieure aux théories de gouvernement d'entreprises -, l'information recueillie par le commissaire au cours de sa mission et le rôle de vigie qu'elle lui confère de fait à l'égard des actionnaires, et plus largement des marchés, est encore trop peu valorisée. Dès lors que le projet de loi érige implicitement le commissaire aux comptes en « commissaire aux informations », pour reprendre l'expression du professeur Alain Viandier, l'affichage explicite et l'organisation des relations entre l'autorité des marchés financiers et les commissaires aux comptes intervenant auprès des personnes faisant publiquement appel à l'épargne est de pure logique. Tant et si bien d'ailleurs que chacun est en droit de s'interroger sur l'architecture réelle des pouvoirs qui se mettra en place dans l'organisation de la profession de commissaires aux comptes. Le projet de loi s'est refusé, à juste titre, à inscrire dans la loi la différence réelle qui existe entre les grands cabinets d'audit pluridisciplinaires - les fameux « Fat Four » sur lesquels les commentateurs et journalistes glosent abondamment depuis l'affaire Enron et la disparition subséquente de celui qui formait le cinquième élément de ce club - et les petits cabinets de commissaires aux comptes. Il n'eût, toutefois, pas été illogique de considérer que les commissaires aux comptes intervenant auprès de personnes faisant appel public à l'épargne - ce qui est majoritairement réservé aux très gros cabinets - relevaient de l'autorité des marchés financiers, eu égard à leur rôle potentiellement déterminant à l'égard des marchés, les autres étant placés sous la vigilance d'un organe ad hoc. Quand la cob publie une recommandation sur la rotation des commissaires aux comptes intervenant auprès des personnes faisant appel public à l'épargne, n'est-on pas, de fait, dans ce cas de figure ? Cas de figure d'ailleurs contesté par une partie de la profession en l'absence de base légale explicite... Le projet de loi a fait un choix différent : au-delà même de la question des moyens de l'amf qu'une telle architecture poserait, elle irait à l'encontre du mouvement international, les États-Unis ayant, par exemple, créé un organe spécifique pour régir la profession des commissaires aux comptes. Le projet de loi met donc avant tout l'accent, non sans raison d'ailleurs, sur les caractéristiques de la profession de commissaire aux comptes, que consacre la création du Haut conseil. Reste que la pratique devra faire émerger un habitus des relations entre l'amf, autorité qui, avant même sa création, bénéficie déjà d'une aura certaine, plus encore dans un contexte de bouleversement des marchés financiers et de perte de confiance, et le Haut conseil qui devra petit à petit asseoir et construire son autorité. Non qu'il faille considérer les deux autorités comme antagoniques : le projet de loi organise d'ailleurs un certain nombre de passerelles entre les deux, ne serait-ce que via la composition du Haut conseil, dont le président de la future amf, ou son représentant, sera membre. Il n'en demeure pas moins que le commissaire aux comptes intervenant auprès des personnes faisant appel public à l'épargne aura, en pratique, deux interlocuteurs, le Haut conseil incidemment, l'amf couramment. Le commissaire aux comptes est aujourd'hui, en effet, l'un des maillons de la chaîne prudentielle de transparence que les autorités de marché s'efforcent de promouvoir. Il est ainsi tout à fait révélateur que la cob, dans un arrêt du 7 mars 2000, ait sanctionné un commissaire aux comptes pour avoir donné de mauvaises informations sur une entreprise, ce qui revient à lui conférer une obligation vis-à-vis des marchés. Dans une telle optique, l'exigence de transparence propre au droit des marchés financiers va bien au-delà du principe d'information du droit classique des sociétés et justifie pleinement l'aménagement des relations entre le régulateur boursier et le commissaire aux comptes. · Tel est, en effet, le constat qui ressort de l'examen de l'article L. 621-22 Le I de l'article L. 621-22 traite des liens entre l'amf et les commissaires aux comptes au stade de leur nomination ou de leur renouvellement. Informée des propositions du conseil d'administration à l'assemblée générale, l'amf est en droit de faire toute observation qu'elle juge souhaitable, observation transmise à l'organe qui désigne le commissaire aux comptes - l'assemblée générale dans les sociétés anonymes - et au commissaire aux comptes lui-même. L'amf se contentera-t-elle d'une réception passive de l'information ou exercera-t-elle un contrôle de fait sur la légalité des projets de la personne morale, notamment au regard des dispositions des articles L. 822-11, L. 822-12 et L. 822-13 relatifs aux situations d'incompatibilité ou de l'article L. 822-14 portant sur l'obligation de rotation sexennale ? Les initiatives dont elle a, jusqu'alors, fait preuve à l'égard de la profession laissent peu de doutes quant à la réponse et c'est d'ailleurs bien pour la conforter dans cette ligne qu'est créée la section V dans le titre II du livre VI du code monétaire et financier. Dans l'hypothèse où elle constate une incompatibilité, par exemple au regard de la séparation relative des missions d'audit et de conseil, s'en remettra-t-elle à l'appréciation du Haut conseil, à la compagnie ou agira-t-elle de son seul fait ? Le présent paragraphe ne l'incite guère à une action concertée avec l'instance chargée du respect de la déontologie, puisque lui est donné le pouvoir de communiquer directement avec les actionnaires. Les dispositions du paragraphe II de l'article L. 621-22 conforte cette analyse : elles autorisent en effet l'amf à demander aux commissaires aux comptes des renseignements sur les personnes qu'ils contrôlent, l'obligation de secret professionnel ne jouant pas dans ce cadre ainsi qu'il est mentionné au paragraphe V de cet article. Notons par ailleurs que, considérée du point de vue du commissaire aux comptes, cette disposition conforte son rôle de point nodal de l'information financière de l'entreprise. Inversement, le commissaire aux comptes est tenu d'informer l'amf de tout fait ou décision entraînant le refus de certification des comptes. Cette procédure d'alerte a fait l'objet de débats nourris au Sénat. Initialement en effet, le projet de loi disposait que le commissaire aux comptes n'informait l'amf que des faits ou décisions entraînant le refus de certifier les comptes. Il s'agissait effectivement d'une démarche strictement informative, qui plaçait l'amf devant le fait accompli. Lors des débats en première lecture au Sénat, le rapporteur de la commission des Finances s'est appuyé sur une double argumentation pour justifier la modification rédactionnelle : - en premier lieu, il a mis en avant le parallélisme des procédures. Ainsi, le régime des commissaires aux comptes pour les entreprises d'investissement tel que défini à l'article L. 621-23 du code monétaire et financier, prévoit qu'ils doivent informer la cob de « tout fait ou décision concernant une société de gestion en portefeuille, dont ils ont eu connaissance dans l'exercice de leur mission, de nature (...) 3° à entraîner l'émission de réserves ou le refus de certification des comptes » ; - en second lieu, il a fait valoir que « Si l'on veut que le devoir d'alerte des commissaires aux comptes puisse s'exercer réellement au profit des marchés, via l'amf, il faut corriger cette rédaction afin que l'information soit donnée avant le refus de certification ». Bien que le Gouvernement eût objecté que « il ne faudrait pas que l'on aboutisse à une confusion des responsabilités. Le commissaire aux comptes ne doit pas saisir l'amf à la première difficulté. L'alerte de l'autorité ne doit se déclencher qu'en cas de non-certification », le Sénat a suivi le rapporteur de sa commission des finances. Non sans justesse : l'examen de l'article L. 621-22 révèle, dans chacune de ses dispositions, un souci constant des rédacteurs du projet de loi de faire de l'amf, non seulement l'interlocuteur « naturel » du commissaire aux comptes intervenant auprès de personnes faisant appel public à l'épargne, mais plus encore une autorité agissante en la matière. Le refus de certifier est une décision grave dans une société dont les titres sont négociés sur le marché, qui ne manquerait pas de réagir dans un tel contexte. Il est, par conséquent, essentiel que l'autorité de régulation des marchés financiers soit prévenue en amont ou au moins que le commissaire aux comptes - même s'il est probable qu'il ne recourra que rarement à cette faculté - dispose de ce moyen de pression dans la situation de rapport de force, voire de blocage, envisagée dans le présent alinéa. Cette précaution se lit en effet comme une arme de dernier recours susceptible de rétablir le dialogue entre le commissaire aux comptes et les dirigeants s'ils sont en situation de rupture, voire entre l'amf, les dirigeants et le commissaire aux comptes si la situation est trop inextricable. Le seul fait que le présent article ne mentionne pas les pouvoirs dévolus à l'amf pour le cas où le commissaire aux comptes userait de cette procédure d'alerte témoigne du rôle dissuasif de la présente disposition. Le III de l'article L. 621-22 autorise les commissaires aux comptes exerçant leur mission de certification auprès de personnes faisant appel public à l'épargne à interroger l'amf sur toute question rencontrée dans l'exercice de leur mission et susceptible d'avoir un effet sur l'information financière de la personne. Cette disposition est, là encore, symptomatique du souhait des rédacteurs du projet de poser l'amf en interlocuteur « naturel » du commissaire aux comptes et se lit en miroir avec le premier alinéa du paragraphe II. Miroir d'ailleurs révélateur puisqu'il est prévu, dans le présent paragraphe, que le commissaire aux comptes peut interroger l'amf sur toute question susceptible d'avoir un effet sur l'information financière de la personne, ce qui valide plus encore la rédaction similaire au II, portant sur les faits ou décision « de nature à... »... Sans doute l'insistance avec laquelle l'article L. 621-22 revient sur ce dialogue entre l'amf et le commissaire aux comptes montre-t-elle que celui-ci ne va pas de soi : de fait, il est largement étranger à la culture professionnelle des commissaires aux comptes, même si cette remarque peut être nuancée. Ce constat valait toutefois dans un cadre d'autorégulation, sur laquelle revient partiellement le présent projet de loi. Le IV du même article prévoit la transmission à l'amf, par le commissaire aux comptes intervenant auprès de personnes faisant appel public à l'épargne, de la copie de l'écrit transmis au président du conseil d'administration ou au directoire, dans le cadre de la procédure d'alerte du commissaire aux comptes relative à une menace sur la continuité de l'exploitation. De même, il transmet les conclusions du rapport à soumettre à la prochaine assemblée générale en cas d'irrégularités et d'inexactitudes relevées. Enfin, le V délie explicitement les commissaires aux comptes de leur obligation de secret professionnel pour l'application des dispositions du présent article. Cette exception très forte apportée à une règle d'or en matière de certification des comptes conforte, s'il en était besoin, les analyses qui précèdent sur le rôle essentiel de l'amf dans la pratique du commissariat aux comptes qui s'exerce auprès des personnes faisant appel public à l'épargne. · Dans un dernier alinéa (3°), l'article 72 rebaptise également les actuels L. 622-11 et L. 622-12 en introduisant leur dispositif sous L. 621-24 et L. 621-25 : en effet, l'article 14 du présent projet remplace les dispositions de ces articles par celles de l'article L. 621-15. Il est donc possible d'utiliser ces « coquilles » pour y insérer les dispositions actuellement inscrites aux articles L. 622-11 et L. 622-12 du code monétaire et financier. L'article L. 622-11 traite des obligations des commissaires aux comptes exécutant leurs diligences auprès de prestataires de services d'investissement ou des intermédiaires habilités régis par les dispositions du règlement général du conseil des marchés financiers. L'article L. 622-12 autorise le conseil des marchés financiers à demander des renseignements sur ces prestataires ou intermédiaires aux commissaires aux comptes, concernant notamment l'application qu'ils font des dispositions du titre III du livre V du code monétaire et financier ou du règlement général du cmf relatives aux règles de bonne conduite ou aux conditions d'exercice des activités de conservation ou d'administration d'instruments financiers. La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 72 sans modification. Article 73 La réforme du commissariat aux comptes portée par le présent projet de loi est de première importance. Aussi faut-il le temps à la profession de se mettre en conformité avec les nouvelles règles, dont certaines représentent un changement important. Tel est l'objet de l'article 73, qui ménage la transition vers un commissariat aux comptes rénové. L'une des dispositions les plus novatrices du projet de loi concerne, comme il a été expliqué précédemment, l'obligation de rotation décalée (article 66). Par définition, la mise en œuvre d'une telle disposition demande du temps : il est impensable que le mandat d'un des deux commissaires cesse du jour ou lendemain. Les entreprises concernées doivent avoir le temps matériel de passer les appels d'offre, de même que les cabinets de commissaires aux comptes doivent s'organiser. C'est pourquoi le paragraphe I prévoit que les règles relatives à la coïncidence des mandats dans le cadre du co-commissariat posées à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 225-228 du code de commerce ne sont applicables qu'aux commissaires aux comptes renouvelés après l'entrée en vigueur de la présente loi. Le II organise la transition de compétences entre la commission nationale d'inscription et la chambre nationale de discipline, d'une part, et le Haut conseil, d'autre part. Les membres de la commission nationale d'inscription des commissaires aux comptes et de la chambre nationale de discipline des commissaires aux comptes sont maintenus en fonction jusqu'à la nomination des membres du Haut conseil du commissariat aux comptes. Jusqu'à cette date, la commission nationale et la chambre nationale exercent les compétences qui leur étaient dévolues avant l'entrée en vigueur de la présente loi. Le Haut conseil du commissariat aux comptes sera saisi de plein droit des dossiers pendants devant la commission nationale d'inscription et la chambre nationale de discipline à compter du jour de la nomination de ses membres. De même, les membres des commissions régionales d'inscription et des chambres régionales de discipline sont maintenus en fonction jusqu'à la nomination des nouveaux membres et statuent jusqu'à cette date. Cette dernière précision a été ajoutée par le Sénat lors de l'examen du projet de loi en première lecture. Dans un même souci de précaution, le III vise à préciser que la présente loi ne peut servir de fondement à la remise en cause des mandats en cours. Enfin, le IV prévoit que les dispositions nouvelles instaurées en matière de notation n'entreront en vigueur que trois ans après la promulgation de la loi. Les commissaires aux comptes qui auront été nommés juste avant la promulgation de la présente loi n'en appliqueront donc les règles, sur ce point, que dans neuf ans. N'y a-t-il pas quelque paradoxe à prévoir un tel délai pour l'application d'une mesure dont la Commission européenne et la commission des opérations de bourse ont souligné, au moins la pertinence, sinon l'urgence ? À l'instar de la commission des finances du Sénat, le rapporteur ne peut donc que s'étonner d'un tel délai, même s'il comprend les nécessaires adaptations que ces nouvelles dispositions entraînent pour les commissaires aux comptes, notamment les petits cabinets. Il juge par conséquent préférable de le réduire à dix-huit mois, d'autant que, largement associés à la gestation de la présente réforme, les commissaires aux comptes auront sans nul doute déjà en partie anticipé celle-ci. La Commission a donc adopté un amendement du rapporteur tendant à ramener de trois ans à dix-huit mois le délai d'entrée en vigueur de l'article L. 822-14 du code de commerce (amendement n° 20). Puis elle a émis un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié. Article 74 L'article 74 tire la conséquence de la création du Haut conseil du commissariat aux comptes en substituant systématiquement cette référence à celles qui mentionnent la commission nationale d'inscription des commissaires aux comptes et la chambre de discipline. La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification. Article 75 Le projet de loi procède à une redistribution des dispositions contenues dans certains articles du livre II du code de commerce, au profit d'articles nouveaux créés au titre II du livre VIII du même code. En conséquence de ces renumérotations d'articles, accompagnées le cas échéant d'abrogations, il convient d'actualiser les références aux articles du livre II, en leur substituant les nouvelles références. La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification. 2ème partie du rapport Chapitre II Si le commissaire aux comptes est le garant de la sincérité de l'information délivrée aux actionnaires, il importe également de mettre en place des mécanismes qui en assurent la bonne circulation d'une part, la pertinence et la clarté d'autre part. Tel est l'objet du chapitre II, qui donne une vision d'ensemble de ce qu'est, dans sa transposition à la France, la notion anglo-saxonne de gouvernance des entreprises Remarquons d'emblée que le petit nombre d'articles portant sur ce sujet, même si ce chapitre a été enrichi par le Sénat (huit articles désormais, pour sept dans le projet de loi initial), renseigne à lui seul sur la vision des pouvoirs publics français en matière de gouvernance d'entreprise : à l'instar des autres grands pays industrialisés et des autres places financières, l'amélioration des méthodes de gouvernance des entreprises est laissée, d'abord et avant toute chose, à l'initiative des acteurs économiques eux-mêmes. C'est d'ailleurs à ce titre que le Gouvernement n'a pas souhaité retenir l'amendement proposé par le rapporteur de la commission des Finances du Sénat, fixant les règles de fonctionnement et les missions du comité des comptes, dès lors que les sociétés décident de se doter d'un tel organe. Sur le fond, le projet de loi décline la thématique de la transparence autour de trois axes, ainsi que l'explique l'exposé des motifs du projet de loi : - transparence du fonctionnement des organes dirigeants, que le projet de loi conçoit comme résultant d'un double processus d'explication pédagogique par le président du conseil d'administration (article 76) et de contrepoids exercé par le commissaire aux comptes (article 78) et, pour les sociétés cotées, par l'amf (article 79) ; - transparence de l'information à l'égard de l'assemblée générale et du comité d'entreprise, qui résulte d'une information en amont de l'assemblée générale (article 77), d'une information plus complète de celle-ci (article 77) et, enfin, d'une information plus pertinente (article 80) ; - transparence des opérations sur titres réalisées par les dirigeants, l'amf jouant un rôle pivot en la matière (article 79). Le projet de loi tente également de répondre à la question délicate de la sanction de l'absence de transparence, et plus généralement de la faute de gestion, en assouplissant notablement les règles permettant aux associations d'investisseurs d'ester en justice. Enfin, le Sénat a introduit une disposition particulière relative à la représentation de la société par actions simplifiée (article 76 bis). Articles additionnels avant l'article 76 La Commission a adopté un amendement du président Pascal Clément, tendant à préciser que le règlement intérieur du conseil d'administration des sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé prévoit la composition et les attributions des comités institués en son sein, le rapporteur et M. Alain Marsaud s'étant déclarés favorables à cet amendement (amendement n° 21). Elle a adopté un autre amendement du même auteur, tendant à porter de vingt à cent jours la période de référence pour la fixation du cours des stock options (amendement n° 22). Le président Pascal Clément ayant indiqué qu'il s'agissait ainsi de faire échec aux comportements ayant pour principal objectif la réalisation de gains importants sur la valeur des options, le rapporteur, tout en approuvant le principe de cet amendement, s'est demandé s'il ne serait pas opportun de ramener la période de référence à soixante jours, suggestion à laquelle l'auteur de l'amendement s'est opposé. Article 76 En dépit de son caractère pléthorique, l'information aujourd'hui communiquée par les dirigeants de l'entreprise vers les actionnaires n'est guère satisfaisante. Le récent rapport de l'Institut Montaigne, Mieux gouverner l'entreprise, ne dit pas autre chose, lorsqu'il souligne le caractère particulièrement lourd et difficile à appréhender de la communication actuelle des dirigeants vers les actionnaires, quand elle est mise en œuvre... D'ores et déjà en effet, la loi fait obligation au conseil d'administration et au conseil de surveillance d'adresser ou de mettre à disposition des actionnaires « les documents nécessaires pour permettre à ceux-ci de se prononcer en connaissance de cause et de porter un jugement informé sur la gestion et la marche des affaires de la société » (article L. 225-108 du code de commerce). Mais il faut bien reconnaître que les multiples documents énumérés dans le décret en Conseil d'État prévu par ce même article, soit ne sont pas toujours communiqués, soit ne le sont pas en temps utile et ne remplissent que faiblement le rôle informatif qui justifie leur transmission. Le rapporteur ne peut que se joindre à la conclusion qu'en tirent les auteurs du rapport, citant le professeur Alain Viandier : « un vote éclairé suppose une information sur les comptes ». Est-ce à dire que la solution à ce qui est, à juste titre, ressenti comme une information insuffisante par les actionnaires - du moins par ceux qui jouent véritablement leur rôle d'actionnaire et utilisent les pouvoirs, de plus en plus nombreux que la loi leur attribue - ne serait pas d'ordre législatif et qu'il faudrait seulement que les parties en présence appliquent de bonne foi les dispositions légales ? Pour le dire autrement, la disposition proposée par le présent article est-elle, au mieux redondante par rapport au droit existant, au pire destinée à être neutralisée par une application peu allante de la part de ceux qu'elle vise ? De fait, les auteurs du rapport précité notent qu'« il s'agit moins de modifier les textes que de veiller à leur application ». La pertinence de cette remarque ne minore en rien l'à-propos de la disposition qui nous est proposée : - le 1° de cet article complète l'article L. 225-37 du code de commerce en imposant au président du conseil d'administration de rendre compte, dans un rapport à l'assemblée générale, des conditions de préparation et d'organisation des travaux du conseil. Le Sénat a très pertinemment modifié la rédaction initiale, qui faisait référence aux méthodes mises en œuvre pour organiser les travaux du conseil et aux procédures de contrôle interne, notions quelque peu abstraites, alors même que cette disposition vise des éléments extrêmement concrets. De même, il a, dans un souci pratique visant à éviter la dispersion de l'information, proposé de diffuser l'information au-delà de la seule assemblée générale, en joignant ce rapport au rapport annuel de gestion. Cet alinéa prévoit également que soient mentionnées dans ce rapport les restrictions que le conseil d'administration apporte, le cas échéant, aux pouvoirs du directeur général : sans doute la rédaction retenue est-elle quelque peu péjorative. Par référence à la terminologie utilisée à l'article L. 225-56 du code de commerce, auquel se réfère d'ailleurs le 1°, peut-être serait-il préférable d'évoquer les « éventuelles limitations » apportées aux pouvoirs du directeur général (amendements nos 23 et 24). - le 2° prévoit des dispositions similaires pour le président du conseil de surveillance. - enfin, le 3° supprime, à l'article L. 225-51, le membre de phrase qui fait du président du conseil d'administration le représentant du conseil, ce dualisme étant dépourvue de toute pertinence au regard de l'unité de cet organe. Requérir du conseil d'administration des éléments d'information portant sur les « conditions de préparation et d'organisation des travaux du conseil » revêt une valeur de mise en garde à l'égard des entreprises concernées : en demandant d'éclairer les actionnaires sur des éléments de fonctionnement très concrets (24), le législateur veut sonner le glas du formalisme excessif de l'information financière et souligner le primat de la qualité et de la pertinence de l'information sur son abondance. Ces dispositions traduisent par conséquent une avancée remarquable de la bonne gouvernance des entreprises dans notre droit. La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié . Article 76 bis (nouveau) Extrêmement limitée jusqu'à une date récente, la jurisprudence sur la sas commence à s'enrichir : si aucun arrêt n'est effectivement intervenu entre la publication de la loi de 1994 et la modification intervenue en juillet 1999, autorisant la sas unipersonnelle, c'est un arrêt de première importance que la Cour de cassation a rendu le 2 juillet 2002, au sujet de la représentation de la sas à l'égard des tiers. L'arrêt de la Cour de cassation est venu lever une incertitude. En effet, l'article L. 227-6 du code de commerce dispose que la sas est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts. Contrairement aux autres formes sociales, cependant, aucune autre disposition législative ne permet explicitement de déroger à cette règle. Ainsi, le code de commerce précise, pour les sociétés duales, que le « président du directoire ou, le cas échéant, le directeur général unique représente la société dans ses rapports avec les tiers. Toutefois, les statuts peuvent habiliter le conseil de surveillance à attribuer le même pouvoir de représentation à un ou plusieurs autres membres du directoire, qui portent alors le titre de directeur général » (article L. 255-66). De même, l'article L. 225-56 du code de commerce ouvre aux sociétés à conseil d'administration une double faculté, en autorisant le directeur général à représenter la société dans ses rapports avec les tiers, mais également les directeurs généraux délégués qui « disposent, à l'égard des tiers, des mêmes pouvoirs que le directeur général ». Forte de cette lecture comparée de la législation sur les formes sociales, la Cour de cassation a donc estimé que le président de la sas disposait d'un monopole de représentation, conformément d'ailleurs à l'opinion dominante de la doctrine. Elle a jugé « qu'il résulte des dispositions de l'article L. 227-6 du code de commerce que la société par actions simplifiée est représentée, à l'égard des tiers, par son seul président » (25). De fait, la lecture de l'article L. 227-6 place le président au cœur du dispositif de représentation de la société, et lui seul, en sorte que la très grande liberté contractuelle sur laquelle repose le fonctionnement de la sas dans la loi même semble, sur ce point, étonnamment restrictive. Aux termes de l'actuelle rédaction du code de commerce, même les statuts ne peuvent retirer au président sa qualité de représentant légal de la sas. Une telle interprétation n'est pas illogique. Outil souple et simple dont témoigne la grande - et peu commune en la matière - économie rédactionnelle des textes législatifs qui la concerne, la sas est aussi, par un paradoxe qui n'est qu'apparent, un outil extrêmement sophistiqué. Le revers de la très grande liberté contractuelle laissée aux parties réside en effet dans l'extrême attention qu'elle requiert de leur part dans la rédaction des statuts et, dans une certaine mesure, dans la relative insécurité juridique qu'elle instaure pour ces parties. Le législateur a pu, dans ces conditions, vouloir limiter cette insécurité à l'égard des tiers en personnalisant à l'extrême la représentation de la sas et en en confiant le monopole au président. Ce dernier émerge par conséquent comme « un point de repère fixe au milieu des multiples formes de direction qui peuvent être imaginées dans la sas » (26). Certains commentateurs s'étaient interrogés sur une possible coprésidence, à défaut d'une possibilité de dérogation statutaire au monopole du président. Les travaux préparatoires ne laissent cependant guère de doutes en la matière, cette solution ayant été explicitement rejetée par le législateur. Au-delà de ces interrogations de la doctrine, la pratique, retenant l'esprit général de la volonté qui avait été celle du législateur en créant la sas, avait pour sa part largement dérogé au monopole de représentation de la sas par son président, notamment sur le fondement de deux opinions du comité de coordination du registre du commerce et des sociétés délibérées le 24 octobre 2000. Ce comité indiquait en effet que le directeur général d'une sas devait figurer sur l'extrait du registre du commerce, non pas en tant que tel, mais en tant que détenant le pouvoir, le cas échéant, de diriger, gérer ou engager à titre habituel la société. De manière générale, le comité indiquait que les personnes investies par les statuts des pouvoirs mentionnés devaient être déclarées dans la demande d'immatriculation de la société. Si l'arrêt de la Cour de cassation a levé les incertitudes, l'interprétation qu'il propose des dispositions législatives paraît bien éloignée de la philosophie générale qui inspire la sas dans le texte et l'esprit des lois qui la fondent. C'est la raison pour laquelle M. Philippe Marini a jugé nécessaire de recevoir sur ce point l'avis du garde des Sceaux, par une question écrite (27). Dans la réponse du ministre de la justice, il est précisé que « la sas peut être dirigée par une ou plusieurs autres personnes dont les modalités de nomination et l'étendue des pouvoirs ne sont pas fixées par la loi. En l'état des textes législatifs et réglementaires, lorsque ces dirigeants sont des associés ou des tiers investis par les statuts du pouvoir de diriger, de gérer ou d'engager à titre habituel la société, ils doivent également être déclarés au rcs et figurer sur l'extrait du registre du commerce et des sociétés, en plus du président, en application de l'article 15 A-10° a du décret du 30 mai 1984. Dans son arrêt du 2 juillet 2002, la Cour relève que le représentant légal de la sas est son président. La lecture de l'arrêt n'autorise pas à déduire de ce constat qu'il n'existe nulle possibilité de délégation de pouvoir statutaire ou conventionnelle dans la sas. Ces délégations doivent être mentionnées au registre du commerce et des sociétés pour être opposables aux tiers. » (28) L'état du débat appelait sans nul doute une clarification législative. C'est aujourd'hui chose faite et il est heureux que le Sénat ait pris l'initiative de recourir à une formulation claire dans la loi, à l'image des dispositions existant dans le code de commerce pour les autres sociétés. Tel est l'objet de l'article additionnel soumis à l'examen de notre Assemblée, qui a pour objet de permettre aux statuts de désigner comme représentant de la société par actions simplifiée une ou plusieurs personnes autres que le président. Il ajoute à cette fin un alinéa à l'article L. 227-6 du code de commerce, disposant que « Les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par le présent article », la nomination de ces personnes restant évidemment soumise aux règles de publicité adéquates. Le présent article rouvre par là même la porte fermée par la Cour de cassation et contribue à revenir à l'esprit des lois fondatrices de la sas qui font des statuts la véritable charte de cette forme sociale en pleine expansion et place la liberté contractuelle au cœur du droit des sociétés. La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification. Article 77 Le présent article se situe au cœur de la problématique du renforcement de l'information à l'égard de l'assemblée générale et du comité d'entreprise. Répétons-le en effet, l'heure n'est plus, aujourd'hui, à la sacralisation de l'information pour elle-même, qui a conduit à des dérives, voire à des résultats contre-productifs ainsi qu'en témoigne, par exemple, le régime des conventions libres et réglementées tel qu'il résulte des modifications apportées par la loi nre du 15 mai 2001, d'ailleurs modifié par l'article 80 du présent projet de loi. Il s'agit désormais de veiller à ce que les actionnaires et intéressés disposent d'une information non seulement fiable, mais également utilisable et compréhensible. Le présent article répond à cette préoccupation de deux manières. · En premier lieu, il modifie l'article L. 225-105 du code de commerce, en imposant la communication à l'ensemble des actionnaires des projets de résolution dont l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée générale est requise par un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital ou par une association d'actionnaires répondant aux conditions fixées à l'article L. 225-120. Cette disposition vise à rendre plus exploitable l'information, d'ailleurs abondante, donnée aux actionnaires en les plaçant plus en amont de la chaîne d'information que le droit positif met peu à peu en place. S'il est certain que la réactivité des actionnaires doit être favorisée de façon à en finir avec ces caricatures de chambres d'enregistrement que sont encore trop souvent les assemblées générales d'actionnaires, il ne faudrait pas que la loi conduise ces derniers à une passivité excessive. La trop grande sollicitude du législateur à son égard ne doit pas se traduire par l'émergence d'un actionnaire assisté et, in fine, déresponsabilisé : si l'actionnaire a certes des droits, nombreux, que la loi détaille amplement, il a également des devoirs, dont il est révélateur de ne pas voir la trace dans les manuels de droit des sociétés qui consacre souvent, a contrario, de larges développements aux droits. Les débats récents sur l'administrateur indépendant, pour ne citer que le plus emblématique d'entre eux, reviennent ni plus ni moins à poser la question de l'administrateur « idéal ». La même question doit être posée s'agissant des actionnaires : même si le sujet n'est sans doute pas à la mode, il n'en est pas moins réel, et il est du devoir du législateur qui, à juste titre, s'attache avec une certaine constance, à garantir et créer des droits susceptibles de permettre à l'actionnaire d'exercer au mieux sa mission de contrôle des dirigeants, d'en appeler à sa vigilance. Sans doute le droit ne connaît-il l'actionnaire que comme une entité homogène, ce qui est très loin d'être le cas dans la réalité, le titulaire de droits de vote important participant véritablement au gouvernement de la société via l'assemblée générale, au contraire du petit actionnaire, simple épargnant n'ayant en vue que la valorisation de ses titres. Reste que si ce dernier continue de rester « de son plein gré à l'écart de la direction des affaires sociales, ne prenant même pas la peine de participer aux assemblées » (29), toutes les dispositions législatives visant à renforcer ses pouvoirs resteront lettre morte. Faut-il pour autant s'en tenir à une mise à disposition des projets de résolution susvisés, dans des conditions fixées par décret comme il est d'ores et déjà mentionné dans l'article L. 225-105 ? La rédaction actuelle, dont le Sénat est à l'origine, fait référence à la « communication » des documents, le projet initial évoquant une diffusion. Une mise à disposition de l'information au siège de l'assemblée marquerait un recul par rapport au droit existant : le souci de responsabilisation de l'actionnaire ne saurait pour autant conduire à réduire ses droits. Certes, la mise à disposition au siège social de l'information occasionnelle est d'ores et déjà pratiquée : à compter du jour de la convocation à l'assemblée générale, l'actionnaire est autorisé à consulter divers documents, en vertu de l'article L. 225-115 du code de commerce, le cas échéant en se faisant assister par un experts : les comptes annuels, les rapports du conseil et du commissaire aux comptes, les projets de résolution autres que ceux visés par l'article L. 225-105, le cas échéant les notices relatives aux candidats aux fonctions d'administrateur et la liste des actionnaires, en vertu de l'article L. 225-116 - tous documents dont il peut demander photocopie. Cette liste n'est pas limitative puisque l'actionnaire peut encore demander le montant global des rémunérations versées aux cinq ou dix personnes les mieux rémunérées ou encore la liste et l'objet des conventions courantes conclues à des conditions normales, etc. En l'occurrence toutefois, elle n'est pas envisageable eu égard au besoin d'information des actionnaires : il s'agit de prévoir une information portable, et non quérable. Dans cette optique, la Commission a adopté un amendement du rapporteur, tendant à préciser que les projets de résolution inscrits à l'ordre du jour de l'assemblée générale sont « portés à la connaissance » des actionnaires et non pas « communiqués », le rapporteur ayant indiqué qu'il s'agissait ainsi de tenir compte des moyens de communication les plus modernes (amendement n° 25). · Le paragraphe II du présent article est particulièrement intéressant au regard de la problématique de l'information. Il prévoit en effet la communication à l'assemblée générale, lorsqu'elle est appelée à délibérer sur ces questions, de l'avis que le comité d'entreprise, appelé à se prononcer en cas de fusion, de cession, de modification importante des structures de production de l'entreprise ainsi que lors de l'acquisition ou de la cession de filiales, rend dans le cadre de la consultation prévue à l'article L. 432-1 du code du travail. La diversification des sources d'information à destination de l'assemblée générale et l'ébauche d'un dialogue entre actionnaires et salariés est riche de promesses : l'une des difficultés actuellement rencontrées par les actionnaires tient au formalisme excessif des documents qui leur sont soumis, qui n'est en définitive que le corollaire du caractère unilatéral de cette information. L'amorce d'une pluralité des regards portés sur l'action des dirigeants contenue dans la présente disposition, et que l'article suivant prévoit également en donnant un rôle nouveau à cet égard au commissaire aux comptes représente à n'en pas douter une voie d'avenir pour faire émerger un actionnaire véritablement engagé dans les affaires de la société, quelle que soit l'importance des droits de vote qu'il détient. La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié. Article 78 Cet article complète l'article L. 225-235 du code de commerce qui traite des missions du commissaire aux comptes : il prévoit que les commissaires aux comptes présentent un rapport exposant leurs observations sur les méthodes et procédures de contrôle interne, quand elles sont en lien avec les informations comptables et financières. Il dispose également que la mission de certification s'accompagne de « toutes les explications utiles à la justification de leurs observations ». Le Sénat propose, comme à l'article 76, de joindre ce rapport au rapport général déjà prévu à l'article L. 225-100 du code de commerce. À certains égards, la disposition introduite dans cet article conduira, en pratique, les commissaires aux comptes à faire un « rapport sur le rapport » : c'est la première partie de la mission de certification qui sera de fait explicitée. Reste à savoir si, dans ce cadre, le commissaire aux comptes présentera une opinion ou une évaluation et si sa responsabilité pourra être engagée à ce titre. Par ailleurs, quelles sont ses obligations si de telles procédures sont inexistantes ? Devra-t-il expliquer qu'il a, au début de sa mission, constaté leur absence et proposer des solutions (on est là au cœur du conseil d'audit) ou devra-t-il établir un rapport de carence, voire considérer qu'en l'absence de telles procédures, un tel rapport n'est pas requis ? Ces questions, légitimes, que se pose, notamment la profession des commissaires aux comptes, relèvent toutefois du débat théorique et méconnaissent l'esprit qui sous-tend cette disposition. De fait, c'est une nouvelle mission qui est donnée au commissaire aux comptes dans cet article, qui s'inscrit par là même dans la tendance structurelle de diversification de la mission des commissaires aux comptes, notamment au titre de son rôle privilégié en matière d'information. Ainsi, l'objectif d'une telle disposition est d'inscrire le commissaire aux comptes au cœur du gouvernement d'entreprise, en l'érigeant comme un contre-pouvoir interne. Telle est en effet la notion clé en matière de gouvernance, que cet équilibre toujours recherché entre des pouvoirs et leurs contre-pouvoirs. Ce rôle de contre-pouvoir s'exerce de deux manières. Le commissaire aux comptes se voit d'abord attribuer un rôle de contrepoids au formalisme souvent excessif de l'information transmise par le conseil d'administration à l'assemblée génale des actionnaires. Tel est le sens de l'obligation qui lui est faite de « donner toutes les explications utiles à la justification de [ses] observations ». Il est, à cet égard, regrettable que cette disposition qui vise à la clarification et à la compréhension de l'information soit formulée de manière si confuse. Le rapporteur vous propose par conséquent de lui substituer la notion de « justifier de ses appréciations », qui fait référence à une notion juridique précise. Par la mise en œuvre d'un rapport sur les procédures de contrôle interne, le commissaire aux comptes est, par ailleurs érigé, en contrepouvoir direct au président du conseil d'administration. Cette disposition doit, en effet, être lue conjointement avec celle de l'article 76 qui oblige le président du conseil d'administration à faire rapport à l'assemblée générale, sur les procédures de contrôle interne notamment. Rappelons que, d'ores et déjà, la jurisprudence estime que, de par sa mission de contrôle permanente, le commissaire aux comptes doit mentionner les risques nés de contrôles internes insuffisants (30). Le projet de loi érige cette règle en obligation : pour comparer avec les règles prévalant en matière bancaire, c'est en quelque sort la règle des quatre yeux qui est ici mise en œuvre à l'égard du conseil d'administration, le rapport du commissaire aux comptes fonctionnant comme une procédure contradictoire permettant une mise en perspective de l'information particulièrement utile pour le conseil d'administration. Certes, par définition, notamment suite au renforcement des règles de prohibition du cumul entre missions d'audit et de conseil, le rapport du commissaire aux comptes sur les procédures de contrôle interne ne pourra s'exercer que sur celles dont ils ont à connaître dans le cadre de la mission de certification. La Commission vous propose par conséquent de substituer à la rédaction actuelle, lourde et peu évocatrice, ce rappel évident. Après avoir adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur (amendements nos 26 et 27), la Commission a été saisie d'un amendement de M. Pierre Morel-A-L'Huissier, tendant à exonérer de l'obligation d'établissement du rapport sur le contrôle interne les petites entreprises dont le bilan, le chiffre d'affaires et les effectifs ne dépassent pas pendant deux exercices successifs les seuils mentionnés à l'article L. 123-16 du code de commerce. Le rapporteur ayant exprimé des réserves sur cet amendement qui conduit à prévoir des règles dérogatoires au profit de certaines entreprises, d'autant moins justifiées que les structures visées n'ont généralement pas le statut de sa, la Commission a rejeté cet amendement puis émis un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié. Article 79 · La publicité des opérations sur titres de la société réalisées par les mandataires sociaux En février 2002, la cob a publié une recommandation (31) relative à la déclaration : - à la société, par les dirigeants des sociétés cotées des opérations effectuées sur les titres de cette société. Sont concernées les sociétés, françaises ou étrangères, dont les titres sont négociés sur un marché réglementé français. Cette recommandation vise, pour les sociétés françaises, les gérants, le président (du conseil d'administration ou le président directeur général), les directeurs généraux, les directeurs généraux délégués, les membres du directoire et les personnes physiques ou morales exerçant les fonctions d'administrateur ou de membre du conseil de surveillance, ainsi que les représentants permanents des personnes morales exerçant ces fonctions. Dans les sociétés étrangères, la recommandation s'applique à toute personne qui exerce des fonctions « équivalentes » ; - par les sociétés à la cob des transactions sur leurs titres déclarées par les mandataires sociaux. La recommandation contient un formulaire type dans lequel figure, sous une forme globalisée et anonyme, le nombre total des mandataires sociaux ayant effectué des opérations au cours du semestre, le nombre total de titres, leur prix moyen pondéré. Cette recommandation de la cob précédait de peu l'adoption de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché (dite « directive abus de marché »), qui contient une disposition similaire. Le texte européen oblige en effet les États membres à faire en sorte que « les personnes exerçant des responsabilités dirigeantes au sein d'un émetteur d'instruments financiers et, le cas échéant, les personnes ayant un lien étroit avec elles, communiquent au moins à l'autorité compétente l'existence des opérations effectuées pour leur compte propre et portant sur des actions dudit émetteur, ou sur des instruments financiers dérivés ou d'autres instruments financiers qui leur sont liés. Les États membres veillent à ce que le public ait aisément accès aux informations, au moins individuelles, concernant ces opérations dès que possible » (article 6, §5). En conformité avec cette disposition, l'article 79 insère un nouvel article dans le code monétaire et financier. Ainsi, l'article L. 621-18-2 nouveau oblige toute personne faisant appel public à l'épargne à communiquer à l'amf et à rendre publics sans délai les acquisitions, cessions, souscriptions ou échanges de leurs titres lorsqu'ils sont réalisés par certaines personnes qui sont ensuite énumérées. Sur proposition du rapporteur de sa commission des Finances, le Sénat a ajouté à cette liste « les transactions réalisées sur les titres de la personne faisant appel public à l'épargne au moyen d'instruments financiers à terme », qui figuraient effectivement dans le champ défini par la cob. Les personnes concernées par cette nouvelle obligation de transparence sont : - les membres du conseil d'administration, du directoire, du conseil de surveillance, le directeur général, le directeur général unique, les directeurs généraux délégués, et le gérant de la personne morale ; - les personnes ayant, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État, des liens personnels avec l'un de ceux mentionnés ci-dessus. Sur ce point, le Sénat a ajouté le qualificatif « étroits », le jugeant plus conforme à la directive européenne précitée. Il faut noter que le champ des mandataires concernés par le présent article est moins large que ne le prévoyait la cob, qui visait tous les administrateurs ou membres du conseil de surveillance. C'est en l'occurrence l'option européenne, limitée aux dirigeants, qui a été retenue. L'article L. 621-18-2 renvoie par ailleurs à deux textes d'application pour sa mise en œuvre. C'est, d'une part, au règlement général de l'amf qu'il reviendra de fixer les modalités et conditions de la communication et de la publication prévues ci-dessus. D'autre part, un décret en Conseil d'État est prévu s'agissant de la définition des modalités d'information de l'assemblée générale des actionnaires sur ces opérations. Le rapporteur souscrit sans réserve à ce nouveau renforcement de la transparence de la vie des entreprises : les mandataires sociaux ont, du fait de leur fonction, accès à des informations privilégiées et « sont tenus, en raison de la connaissance particulière qu'ils ont de la société, de ses projets, de ses résultats, à une stricte vigilance dans leurs opérations sur les titres de la société » (32). Il s'agit ainsi d'éviter, par la publicité, l'opacité de certaines opérations spéculatives. Il s'interroge toutefois sur la clarté rédactionnelle de cet article : la Commission a donc adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 28). Sans doute faut-il encore poursuivre la réflexion sur la rédaction adoptée, qui laisse penser que les titres en cause appartiennent à la société. Aussi la mise en œuvre pratique de cette disposition revêt-elle une importance particulière : le renvoi au règlement général de la future amf incite à s'interroger d'ores et déjà sur l'application effective de l'obligation de communication. La recommandation de la cob distingue trois temps : en premier lieu, « le mandataire social informe la société des opérations qu'il a effectuées, selon une procédure organisée par la société ». Il revient ensuite à la société personne morale de les déclarer au régulateur boursier, « dans un délai maximum de deux mois ». Enfin, la publicité est assurée par un communiqué de l'émetteur diffusé sur la banque de communiqués, via le site internet de la cob. En la matière, la directive européenne prévoit une communication de ces opérations « à l'autorité concernée » par la personne qui les a effectuées, ainsi qu'une obligation de résultat pour les États, à savoir l'information du public « dès que possible ». Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi reprend deux des trois étapes envisagées par la cob : communication de l'information par la personne morale faisant appel public à l'épargne à l'amf et publicité de celle-ci « sans délai », à la charge de la personne morale. Rien n'est dit en revanche des délais qui s'attachent à la première étape de transmission de l'information entre la personne physique et la personne morale - la recommandation de la cob ne prévoit rien non plus à cet égard -, ce qui introduit un léger biais dans la transposition de la directive, dans la mesure où celle-ci prévoit une obligation générale d'information du public « dès que possible ». Au regard de l'esprit qui préside à cette réforme, c'est sans nul doute à compter du fait générateur - la réalité des opérations sur titres - que cette précision doit s'apprécier : il importe donc que le mandataire soumis aux dispositions du présent article informe aussi la société le plus rapidement possible de ses opérations, sans quoi l'ensemble du dispositif serait vidé de sa substance. Il n'appartient certainement pas au législateur d'entrer dans ce luxe de détails au sein même du texte législatif, d'autant moins que cette information est aujourd'hui laissée par l'amf à l'appréciation des sociétés. Il appartiendra en revanche à l'amf, afin que l'esprit de la présente disposition soit pleinement respecté, d'appeler, dans son règlement général, les personnes morales concernées à prévoir une obligation d'information sans délai de la société par les mandataires visés. · Information du marché sur la mise en œuvre de dispositions relatives à la gouvernance par les sociétés cotées L'article 79 insère également un nouvel article L. 621-18-3 dans le code monétaire et financier, qui dispose que les personnes morales faisant appel public à l'épargne rendent publiques les informations relevant des matières mentionnées aux articles L. 225-37 et L. 225-68 du code de commerce - le Sénat a corrigé une erreur de référence dans le projet initial. Sont visées par ce double renvoi les méthodes appliquées pour organiser les travaux du conseil d'administration ou du conseil de surveillance et les procédures de contrôle interne mises en place par la société, dispositions de bonne gouvernance des entreprises introduites par l'article 76 du présent projet de loi, dont le présent article représente un prolongement direct et dont il ne saurait dès lors être dissocié. Cette nouvelle disposition introduite dans le code monétaire et financier se lit par conséquent comme le complément, pour les sociétés cotées, d'une disposition valant pour toutes les sociétés : si l'information prévue dans le cadre de l'article 76 vaut d'abord pour les actionnaires, c'est ici le marché qui est visé. Pour cette raison d'ailleurs, le nouvel article L. 621-18-3 renvoie au règlement général de l'amf la définition des conditions dans lesquelles cette publicité est organisée. Enfin, aux termes de cet article, le régulateur boursier doit établir chaque année un rapport sur la base de ces informations. Au regard des progrès de la bonne gouvernance de nos entreprises, cette nouvelle disposition est de première importance. Elle représente en effet rien moins que l'obligation faite aux sociétés cotées de se positionner par rapport à des pratiques aujourd'hui reconnues par le marché comme témoignant d'une réelle volonté des entreprises de mettre en place, en leur sein, des mécanismes de contre-pouvoirs. La démarche adoptée par le législateur est également très nouvelle : il ne s'agit pas de sanctionner légalement l'absence de mécanismes de régulation internes à l'entreprise, de décréter la vertu. De fait, le législateur se doit de prendre acte des limites de sa toute-puissance en une matière, dans laquelle la véritable sanction est économique : ce nouvel article en témoigne implicitement en prévoyant la publicité erga omnes, c'est-à-dire en pratique à l'ensemble des acteurs du marché, des mesures de gouvernement d'entreprise visées. Une autre voie aurait, de fait, été possible, plus classique, qui inspire d'ailleurs l'élaboration de notre droit des sociétés. En plus de l'information des actionnaires et du marché sur la mise en place de pratiques de gouvernement d'entreprise, le législateur aurait pu intervenir sur le fond et obliger les entreprises à adopter telle ou telle mesure. Telle est, par exemple, la démarche qui a inspiré la proposition, par la commission des Finances du Sénat, de définir l'organisation et les missions du comité des comptes, dès lors qu'une société choisirait d'en mettre en place. Il s'agissait en l'occurrence de poser les règles fondamentales relative à la création, à la composition et aux missions du comité, celles-ci étant fixées à quatre : - examen de toute question relative aux comptes et documents financiers et garantie de pertinence et permanence des méthodes comptables ; - participation à l'élaboration du programme de travail des commissaires aux comptes ; - proposition au conseil d'administration de rémunération, de nomination et de renouvellement éventuel des commissaires aux comptes ; - établissement d'un rapport annuel. Sans doute le dispositif proposé, qui n'a finalement pas été retenu par le Sénat suite au retrait de l'amendement, à la demande du Gouvernement, partait d'un objectif louable : doter le comité des comptes - également appelé comité d'audit - d'une sorte d'« appellation contrôlée », selon les termes du rapporteur de la commission des Finances du Sénat, afin de prévenir le risque de publicité mensongère et d'affichage cosmétique d'un tel comité. Aux yeux du rapporteur cependant, le dispositif proposé par le présent article, joint à celui qui a été introduit à l'article additionnel avant l'article 76, remplit cet objectif : non seulement il organise la publicité des mesures de contrôle interne et des méthodes de travail du conseil d'administration, mais il en prévoit également l'analyse critique. En effet, l'amf ne se contentera pas de prévoir les modalités de publicité en la matière, mais elle se voit doter en outre d'un rôle de vigie de l'évolution de la gouvernance d'entreprise pour les sociétés dont les titres sont échangés sur le marché réglementé national. Qui peut penser, en effet, que le rapport annuel qu'il lui est demandé d'établir sur la base des informations fournies par les sociétés concernées ne sera que le recensement des dispositifs existants ? À travers cette disposition, c'est bien dans un rôle de magistère du gouvernement d'entreprise que le législateur entend consacrer l'amf et c'est là, outre la démarche consistant à donner au marché les instruments de juger de la réalité du gouvernement d'entreprise en France, le second élément innovant dans cet article. Il manque en effet à ce jour un référent fiable et stable de l'évolution réelle du gouvernement d'entreprise. Sans doute les différents rapports publiés sur ce sujet fournissent-ils un indicateur en la matière : en dépit des affirmations de leurs auteurs, le seul fait que trois rapports aient été publiés en sept ans révèle, en creux, les manques et faiblesses persistants. Le regard extérieur, mais informé, de l'amf introduit un nouvel élément dans une équation jusqu'alors tautologique, qui faisait des parties les juges de leur propre action, faute de l'intervention d'un tiers. La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié. Article 80 Le présent article vient modifier la loi nre du 15 mai 2001 sur deux points. En premier lieu, il précise, en le restreignant, le champ des conventions libres soumises à communication aux actionnaires. En second lieu, il modifie le régime des conventions réglementées. Le droit des sociétés français distingue en effet trois types de conventions : les conventions interdites, réglementées ou libres. Ce sont ces deux derniers types qui ont été profondément réformés par la loi nre du 15 mai 2001. · Par définition, les conventions libres, c'est-à-dire celles qui portent sur des opérations courantes et qui sont conclues à des conditions normales - termes dont la jurisprudence a précisé le contenu - n'étaient pas soumises à des procédures particulières par la loi. C'est pourquoi l'obligation posée en la matière par la loi précitée a représenté un changement profond. En effet aux termes du second alinéa de l'article L. 225-39, il est fait obligation à tout co-signataire d'une convention avec la société de la communiquer au président du conseil d'administration, à charge pour ce dernier de communiquer aux membres du conseil d'administration et aux commissaires aux comptes la liste et l'objet de l'ensemble des conventions libres. Un régime similaire a été instauré pour les conventions passées dans le cadre de sociétés à directoire et conseil de surveillance (article L. 225-87 du même code), de même que le commissaire aux comptes de la société par actions simplifiées ou le gérant de la société en commandite simple se voient imposer la même obligation de transmission que le président du conseil d'administration (respectivement articles L. 227-11 et L. 226-10 du code de commerce). La préoccupation était louable mais, à l'instar des craintes exprimées par de nombreux commentateurs, elle s'est révélée comme une « fausse bonne idée » (33), aux effets pervers patents. Non sans humour, certains experts s'étaient demandés si les gérants du groupe Michelin, par exemple, devraient « acquérir, pour leurs véhicules privés ou leurs proches, etc., des pneus concurrents... sauf à devoir établir une fiche communiquée au public pour chaque train de pneus Michelin acquis par eux aux conditions normales ». Et l'auteur de conclure sur les « usines à gaz » qui naîtraient d'une telle disposition. De fait, cette réforme s'est traduite par un surcroît de paperasserie pesant lourdement sur les entreprises, nuisant même à l'objectif initial recherché. Le conseil d'administration se retrouve noyé sous un flot d'informations. Dans sa mise en œuvre pratique, la réforme introduite dans la loi nre est donc un échec : faut-il pour autant revenir sur le principe même qui la fonde, à savoir le renforcement de l'autorité du conseil d'administration et la transparence dont elle est porteuse, élément indispensable à la redistribution souhaitable des pouvoirs et à l'émergence de contre-pouvoirs dans l'entreprise ? Le Sénat a été tenté par ce choix radical, étant insatisfait de la rédaction proposée dans le projet de loi initial pour limiter le champ des conventions courantes couvertes par cette obligation de communication. En effet, le projet du Gouvernement se proposait d'inclure dans ce champ les seules conventions libres qui, « en raison de leur objet ou de leurs implications financières », sont « de faible importance pour l'ensemble des parties ». Comme l'a expliqué le rapporteur pour avis de la commission des Lois, M. Jean-Jacques Hyest, « le critère proposé a plongé vos deux commissions dans la perplexité ! Cette rédaction ne va pas dans le sens de la transparence ni de la sécurité. Une société peut avoir conclu des centaines de conventions courantes. Or, trop d'information tue l'information. Tout en saluant les efforts du Gouvernement, nous estimons qu'il vaut mieux supprimer purement et simplement les dispositions de la loi du 15 mai 2001 en cause. » Face à la réticence du Gouvernement devant la suppression d'une disposition qui, dans son principe et dans le cadre du gouvernement d'entreprise, n'est pas dénuée de pertinence et représente effectivement une mesure de progrès de la transparence, un compromis a toutefois été trouvé en séance publique. Sont désormais visées, dans le projet soumis à notre assemblée, les seules conventions qui « ne sont significatives pour aucune des parties ». Le rapporteur doit avouer que sa perplexité n'est pas moindre que celle de ses collègues sénateurs devant la rédaction initiale du projet. S'en remettre au juge est-il, dans ces conditions, une mesure sage ? Ne nous y trompons pas, en effet, la rédaction proposée ouvre la voie à un contentieux abondant et fait porter une responsabilité sur le président ou le gérant, selon les cas, et, pour les sociétés concernés, sur le commissaire aux comptes, qui deviendront juges, en amont, de la nature exacte de la convention. Le rapporteur est toutefois conduit à reconnaître qu'il n'existe pas de voie médiane conciliant précision juridique et préservation du principe. · Par ailleurs, le Sénat a complété cet article qui, dans le projet de loi soumis par le Gouvernement, visait le seul régime des conventions courantes, par une disposition relative au seuil des conventions réglementées. Aux termes de l'article 111 de la loi nre, s'agissant des conventions conclues entre la société et un actionnaire, l'autorisation préalable du conseil d'administration était requise dès lors que l'actionnaire disposait d'une fraction des droits de vote supérieure à 5 %. Là encore dans un souci pratique et dans une volonté de préserver cette mesure de transparence, le Sénat a relevé ce seuil à 10 %, seuil qui figurait dans le projet de loi initial sur les nouvelles régulations économiques en remplacement du seuil de 20 % fixé dans l'état du droit antérieur, mais que l'assemblée nationale de la précédente législature avait abaissé à 5 %. Par cette modification, le Sénat en revient par conséquent à la position constante qui avait été la sienne lors des débats sur la loi nre. S'il est vrai que le seuil de minorité tend, de plus en plus souvent, à être de 5 % suite à l'intervention de cette loi, notamment, le rapporteur souscrit à l'analyse du Sénat, en ce que le seuil de 10 % ne remet pas en cause l'objectif de transparence et de prévention des conflits d'intérêts recherché par cette disposition de l'article L. 225-38 du code de commerce. La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification. Article 81 Outre une harmonisation terminologique entre le code monétaire et financier d'une part, et le code de commerce d'autre part (paragraphe I), le présent article abroge les dispositions introduites par la loi nre du 15 mai 2001 obligeant l'intermédiaire inscrit à effectuer une déclaration de franchissement de seuils (paragraphe II). · La loi de finances pour 1982 impose l'inscription en compte des valeurs mobilières émises par les sociétés par actions au nom de leur propriétaire, soit auprès de la société émettrice, soit auprès des intermédiaires financiers habilités à tenir des comptes d'instruments financiers. Le code monétaire et financier réglemente par ailleurs les dépositaires centraux d'instruments financiers, qui ont pour mission d'enregistrer dans un compte spécifique l'ensemble des instruments financiers, d'ouvrir des comptes courants aux teneurs de comptes d'instruments financiers et d'assurer le règlement et la livraison des titres. La compensation est, quant à elle, désormais assurée par des chambres de compensation. Il importe dès lors de substituer, à l'article L. 228-2, qui traite de la procédure d'identification des détenteurs de titres au porteur, la référence au « dépositaire central d'instruments financiers » à l'actuelle mention de « l'organisme chargé de la compensation des titres », l'activité visée dans cette article étant celle de règlement et livraison des titres. Ce faisant, le projet de loi harmonise la terminologie du code de commerce et du code monétaire et financier. · En vue d'une meilleure identification de leur actionnariat par les sociétés cotées, et notamment des actionnaires non-résidents, la loi nre du 15 mai 2001 a apporté d'importantes modifications au régime d'identification de ces derniers. La loi reconnaît tout d'abord le droit pour tout intermédiaire d'être inscrit comme actionnaire pour le compte de propriétaires de titres de capital d'une société cotée, dès lors que ces détenteurs n'ont pas leur domicile sur le territoire français au sens de l'article 102 du code civil. Cette inscription peut être faite sous la forme d'un compte collectif ou en plusieurs comptes individuels correspondant chacun à un propriétaire. L'intermédiaire inscrit est tenu, au moment de l'ouverture de son compte, soit auprès de la société émettrice, soit auprès de l'intermédiaire financier habilité teneur de compte, de déclarer sa qualité d'intermédiaire détenant des titres pour le compte d'autrui. En outre, le 3° de l'article 119 de la loi nre du 15 mai 2001 lui fait obligation, en cas de franchissement du seuil de participation, d'informer la société concernée, ainsi que le conseil des marchés financiers, pour l'ensemble des actions de la société au titre desquelles il est inscrit en compte, à l'instar de l'obligation identique à laquelle sont astreintes les personnes physiques et morales en vertu du premier alinéa de l'article L. 233-7 du code de commerce. C'est cette dernière disposition, inscrite au dernier alinéa de l'article L. 233-7 du code de commerce, que le présent article se propose de supprimer. Sa mise en œuvre pratique, loin de répondre, en effet, à l'objectif de transparence qui lui était assigné, est source d'incompréhensions et d'interprétations erronées. En premier lieu, pour peu que l'actionnaire non résident détienne d'autres actions auprès d'autres intermédiaires inscrits, l'information fournie, le cas échéant, par un intermédiaire en cas de franchissement du seuil de participation ne sera que partielle, donc largement inopérante. Le seuil pourra en effet optiquement être franchi par un seul intermédiaire. À l'inverse, dans une seconde configuration, il se peut que l'intermédiaire inscrit détenteur d'un compte collectif déclare le franchissement du seuil de participation, alors même qu'individuellement, les actionnaires pour le compte desquels il est inscrit n'auront pas franchi le seuil. Cette confusion, d'ailleurs aggravée, semble-t-il, par des problèmes techniques rencontrés par les intermédiaires, est d'autant moins satisfaisante que le non-respect des dispositions de ce dernier alinéa de l'article L. 233-7 est lourdement sanctionné : en l'absence de déclaration, l'actionnaire se voit en effet privé de ses droits de vote et du paiement du dividende correspondant. Pour toutes ces raisons, le rapporteur, à l'instar de ses collègues du Sénat, ne peut que se féliciter de l'abrogation de cette disposition. La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification. Article 82 Le présent article traite d'un problème important : la possibilité pour les actionnaires de mettre en cause la responsabilité de la direction de l'entreprise en cas de faute commise dans la gestion. Sur ce sujet, les avis exprimés par les spécialistes frappent par leur prudence, dont le projet de loi porte d'ailleurs la marque. Par exemple, le rapport de l'Institut Montaigne, qui prend pourtant des positions claires sur tous les sujets qu'il aborde, se contente, sur ce point, d'appeler à un approfondissement de la réflexion sur les recours judiciaires ouverts aux actionnaires, estimant que « cette question difficile dépasse les limites de l'exercice conduit dans le cadre du présent rapport et doit faire l'objet d'une réflexion approfondie sous l'égide des autorités de place et des pouvoirs publics ». Le fait que, dans une affaire que l'actualité met sur le devant de la scène et qui concerne une entreprise française de première importance et de dimension internationale, les associations d'actionnaires intentent une action devant une juridiction américaine ne peut laisser le législateur français indifférent. Des esprits cyniques mettront en avant les perspectives financières ouvertes par le recours au système judiciaire américain. Au-delà de ces considérations, somme toute assez fondées au vu des pertes subies par les actionnaires de l'entreprise en question, le rapporteur estime pour sa part que ce cas précis invite à se pencher sur l'ensemble de notre système de mise en jeu de la responsabilité des dirigeants sociaux pour faute de gestion. À ce jour, il existe deux dispositifs de mise en jeu de la responsabilité et d'indemnisation du préjudice subi. En premier lieu, l'actionnaire peut, sur le fondement du régime général défini par l'article 1382 du code civil, demander réparation du préjudice subi devant les juridictions civiles. Hormis une brève allusion à l'article L. 225-252 du code de commerce - « outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement » -, l'action individuelle visant à réparer le préjudice subi personnellement par un associé n'est en effet régie par aucun texte spécifique du droit des sociétés. La jurisprudence a toujours néanmoins admis cette action sur le fondement de la responsabilité du droit commun pour faute. En second lieu, le droit des sociétés prévoit un dispositif spécifique de mise en cause de la responsabilité des dirigeants de la société par la voie de l'action sociale ut singuli. Cette action consiste, pour un ou plusieurs actionnaires, à exercer une action au nom de la société contre les dirigeants : c'est une action qui vise à la réparation du préjudice social et c'est, par conséquent, à la société que sont alloués, le cas échéant, les dommages et intérêts, aux termes de l'article L. 225-252 du code de commerce. Ouverte dans tous les types de sociétés, l'action ut singuli peut être mise en œuvre, soit par l'actionnaire individuel, soit par plusieurs actionnaires groupés, dès lors qu'ils représentent une certaine fraction du capital social (5 % dans les sa, 10 % dans les SARL), soit par une association d'actionnaires répondant à des conditions précises, fixées par l'article L. 225-120 du code de commerce. Les actionnaires membres doivent justifier d'une inscription nominative depuis deux ans au moins et détenir ensemble au moins 5 % des droits de vote, chiffre abaissé progressivement lorsque le capital social est supérieur à 750 000 euros, jusqu'à 1 %, pour les sociétés au capital supérieur à 15 millions d'euros. Ces dispositions du code de commerce sont complétées par les dispositions du code monétaire et financier qui autorise les associations régulièrement déclarées, ayant pour objet statutaire explicite la défense des investisseurs en valeurs mobilières ou en produits financiers, à agir en justice pour des faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de ses membres ou de certains d'entre eux. Ces associations sont autorisées, dès lors qu'elles sont mandatées par au moins deux investisseurs ayant subi des préjudices individuels causés du fait d'une même personne et qui ont une origine commune, à agir en réparation devant toute juridiction au nom de ces investisseurs. Pour ce faire, elles doivent toutefois avoir été agréées à cette fin (article L. 452-1 du code monétaire et financier). Ce sont précisément ces conditions d'agrément que le projet de loi se propose de modifier, afin de faciliter la constitution de ce type d'associations, qui ne connaissent actuellement qu'un faible succès, ce qui est pour le moins paradoxal au regard du développement de l'actionnariat de masse. Le projet initial prévoyait une suppression de l'agrément, remplacé par un mécanisme à deux volets : avait le droit d'ester en justice, si elle était mandatée par au moins deux des investisseurs concernés, toute association répondant soit à des critères de représentativité définis par décret, soit aux critères de détention de droits de vote fixés par l'article L. 225-120 du code de commerce précité. Ce dispositif a fait l'objet de modifications notables au Sénat, qui a souhaité modifier l'équilibre du texte initial soumis par le Gouvernement, sans pour autant affaiblir le principe visé au travers de cette disposition. Là où le Gouvernement proposait un diptyque « absence d'agrément des associations autorisées à mettre en cause la responsabilité des dirigeants / interdiction de rechercher des mandats », le Sénat a opté pour un maintien de l'agrément, qui est toutefois allégé, mais a levé l'interdiction de recherche de mandats qui existait jusqu'alors dans notre droit. Ainsi, dans sa rédaction actuelle, l'article L. 452-1 du code monétaire et financier autorise deux types d'associations à ester en justice au nom d'investisseurs : - les associations agréées, dans des conditions fixées par décret après avis du ministère public et de l'amf, lorsqu'elles justifient de six mois d'existence et, pendant cette même période, d'au moins deux cents membres cotisant individuellement et lorsque leurs dirigeants remplissent des conditions d'honorabilité et de compétence fixées par décret ; - les associations qui répondent aux critères de détention de droits de vote définis par l'article L. 225-120 du code de commerce si elles ont communiqué leurs statuts à l'amf. En contrepoids au maintien de l'agrément, le Sénat a levé l'interdiction, posée à l'article L. 452-2 du code monétaire et financier, pour ces associations de rechercher des mandats par quelque moyen de communication que ce soit. Désormais, lorsqu'une association agréée agit en réparation devant les juridictions civiles ou commerciales, le président du tribunal de grande instance ou le président du tribunal de commerce selon le cas peut, par ordonnance de référé, l'autoriser à solliciter des actionnaires un mandat pour agir en leur nom en ayant recours, à ses frais, aux moyens de publicité mentionnés à l'alinéa précédent. L'économie de ce nouveau dispositif semble au rapporteur tout à fait de nature à permettre à ces associations de jouer un véritable rôle de défense des investisseurs, susceptible de venir pallier la difficulté réelle pour l'actionnaire agissant à titre individuel de faire entendre sa voix. De fait, en plus des difficultés, pour un actionnaire individuel, de faire valoir la réalité de l'existence d'un préjudice propre distinct du préjudice social - sujet abordé à l'article suivant -, même la mise en œuvre de l'action ut singuli ne va pas aujourd'hui de soi pour un actionnaire individuel. Ainsi, certains tribunaux, jusqu'à une date récente, adoptaient une conception extrêmement restrictive de cette action, pourtant par nature peu attractive pour un actionnaire individuel qui, en la déclenchant, et en cas de succès, n'en tire aucun bénéfice personnel, les dommages et intérêts éventuels étant versés au bénéfice de la société. La cour d'appel de Douai a jugé en 1997 (34) que l'action sociale exercée ut singuli par l'actionnaire lésé devenait irrecevable dès lors que la société elle-même, via son représentant légal, avait intenté l'action en responsabilité contre les dirigeants. Fort heureusement, cette « conception particulièrement étriquée de l'action sociale » (35) a été écartée par la Cour de cassation (36), qui a rappelé le caractère concurrent, et non subsidiaire, des prérogatives de l'actionnaire individuel par rapport à la société dans la mise en cause de la responsabilité des dirigeants sociaux. Ce cas pratique illustre cependant à quel point il est difficile pour l'actionnaire, dans notre culture juridique, de faire valoir ses droits propres. De fait, même explicitement reconnue par la Cour de cassation dans cet arrêt de principe, l'existence d'un « droit propre » appartenant à l'actionnaire doit être replacé « dans un contexte jurisprudentiel où la chambre criminelle, en élargissant la voie de l'action sociale exercée individuellement ferme simultanément la voie de la réparation du préjudice individuel », au nom de la seule validité du préjudice social, comme nous le montrerons à l'article suivant. Au total, qu'il s'agisse pour l'actionnaire de mettre en cause la responsabilité des dirigeants fautifs, d'obtenir la réparation du préjudice social, et plus encore du préjudice propre subi individuellement, le système français s'apparente quelque peu à un parcours du combattant. « En France, il est aujourd'hui difficile, en pratique, pour un actionnaire de mettre en cause la responsabilité des organes dirigeants : la demande d'enquête cob (article L. 621- 9 du code monétaire et financier) est peu utilisée en raison de l'absence d'information sur les suites éventuelles données par la cob, la preuve du préjudice subi reste difficile à apporter devant le tribunal de commerce, enfin le coût et la durée des procédures ainsi que la faiblesse des réparations généralement consenties limitent l'utilisation des procédures civiles et alimentent l'inflation des procédures pénales. » (37) Mme Colette Neuville, présidente de l'Association de défense des actionnaires minoritaires (adam), auditionnée par le rapporteur, soulignait, lors d'un colloque organisé le 27 janvier dernier à l'Assemblée nationale, que « Le défaut majeur de notre système est que l'on n'arrive pas à mettre en cause les responsabilités. En droit français, la notion de responsabilité est en principe très étendue, mais en fait, elle est nulle. Lorsqu'on engage une action pénale, cela fait beaucoup de bruit, mais l'instruction est longue, l'intérêt s'émousse jusqu'au procès, et la jurisprudence de la Cour de cassation considère de plus en plus que les fautes sont inséparables des fonctions. En outre, la procédure ne prévoit pas de réparations pour les actionnaires floués. Contrairement aux États-Unis, il n'y a pas en France d'instruction civile. » Le dispositif proposé dans le projet de loi répond en partie à ces constats et devrait permettre aux actionnaires individuels, à condition qu'ils rejoignent des associations d'investisseurs, de faire valoir leur point de vue. La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification. Article additionnel après l'article 82 Faut-il aller plus loin que le dispositif proposé par l'article 82 et résoudre, dans la loi, la question de l'indemnisation du préjudice subi en propre par l'actionnaire, dans le cadre d'une action individuelle ? Ou bien convient-il de laisser le juge, dont on peut penser qu'il sera de plus en plus sollicité en ce sens du fait de l'expansion de l'actionnariat de masse, évoluer petit à petit en ce sens et reconnaître la réalité du préjudice personnel de l'actionnaire ? En filigrane, c'est la question de la class action américaine qui est posée. À ce jour, aucun pays européen n'a fait le choix d'une procédure de recours collectif, hormis la Suède, qui, depuis le 1er janvier 2003, autorise les individus, organisations ou organismes d'État à intenter des actions collectives en justice. De fait, la prudence du projet de loi, que d'aucuns qualifieront de sagesse, trouve sa source dans le contexte dans lequel le débat s'inscrit. Modèle pour certains, contre-modèle pour la plupart, l'exemple américain est, en effet, présent dans tous les esprits. Il a, ainsi, été systématiquement mis en avant par les intervenants devant la mission d'information sur la réforme du droit des sociétés mise en place par la commission des lois, dont le rapporteur est membre. L'omniprésence de la class action américaine n'a rien de surprenant. Comment pourrait-il en être autrement au regard du fonctionnement du système français de mise en cause de la responsabilité des dirigeants sociaux par les actionnaires, dont nous venons de montrer les limites ? La class action américaine n'est sans doute pas le système que d'aucuns se plaisent à caricaturer. Elle a été à l'origine de plusieurs réformes sociales d'envergure : l'arrêt Brown v. Board of Education rendu en 1954 par la Cour suprême des États-Unis, qui met fin au système de ségrégation scolaire, est le fruit d'une class action. la class action aux états-unis Héritière du Bill of Peace anglais qui, dès le XVIIe siècle, permet aux requérants multiples, dès lors qu'ils sont unis par une plainte similaire, de présenter un recours commun, la class action est aujourd'hui régie, en droit américain, par l'article 23 de la Federal Rule of Civil Procedure de 1966. Elle se définit comme une action en justice intentée par une personne physique pour elle-même ainsi que pour les autres membres d'un groupe qu'elle définit elle-même. Cette procédure s'exerce dans six domaines privilégiés : le droit de la consommation, le droit de la concurrence, le droit boursier, la responsabilité des produits, la responsabilité civile et les droits civiques. Ce type d'action est soumis à l'existence de conditions préalables et à une procédure visant à en encadrer l'exercice afin d'éviter les abus. Première étape : la recevabilité préalable de la plainte par le juge. Ce dernier vérifie à ce stade que plusieurs conditions sont remplies : le juge contrôle tout d'abord que la class action est, en l'espèce, l'action la plus adaptée par rapport aux procédures de droit commun. Un des éléments d'appréciation en la matière concerne le nombre de victimes présumées : le groupe doit être nombreux ; il doit exister des questions de droit communes aux membres du groupe. Le juge contrôle également que le représentant est à même de représenter, et de bien représenter le groupe en question : le demandeur qui le représente doit établir qu'il va protéger les intérêts de l'ensemble du groupe et démontrer qu'il est capable de conduire l'action jusqu'à son terme, ou d'avoir des chances de la conduire à son terme. En pratique, le juge s'assure notamment que l'avocat qui porte la class action jouit de qualités professionnelles suffisantes et adaptées à ce type de procédure, dans la mesure où c'est à lui qu'incombe la charge de l'ensemble des frais engagés dans la procédure, dans le cadre d'un pacte de quota-litis. On notera qu'à ce stade, le juge ne se prononce pas sur le fond. Deuxième étape : si le recours est jugé recevable, le juge demande qu'un avis de notification soit envoyé à tous les membres du groupe. En cas d'impossibilité (il arrive souvent que l'ensemble des membres ne soient pas identifiés), il ordonne une notification dans les médias. Toute personne n'ayant pas signifié son refus d'être partie à la class action avant une certaine date est considérée comme acceptant d'être représentée (système de l'opt-out). Troisième étape (facultative) : il arrive souvent que le contentieux ne parvienne pas à terme, la plupart des cas faisant l'objet d'une transaction. Dans cette hypothèse, la transaction devra être approuvée par le tribunal qui fixera les frais et honoraires de l'avocat qui seront perçus sur les dommages et intérêts alloués au groupe. Quatrième étape : le jugement est rendu au fond, après que l'avocat du demandeur aura pu, en vertu de la procédure de « discovery », avoir accès à tous les faits et tous les documents que l'adversaire détient. En cas de reconnaissance de la responsabilité du défendeur, les victimes se partagent le montant de l'indemnisation dont le montant est fixé par le juge. Si la class action présente un caractère démocratique que nul ne peut sérieusement contester, chacun est conscient, toutefois, des dérives dont cette procédure est porteuse. En moyenne, le montant des règlements financiers intervenus en faveur des actionnaires dans le cadre de cette procédure s'est élevé, en 1996, à 8,5 millions de dollars, en 1999, à 12 millions de dollars, en 2000, à 13,7 millions de dollars (hors procès cendent Corporation dont le règlement atteint 3,19 milliards de dollars) et, en 2001, à 16 millions de dollars. Les chiffres parlent d'eux-mêmes et sont d'autant plus frappants que le Congrès américain a pris des mesures législatives pour tenter d'enrayer la dérive, en 1995, à l'évidence sans succès. Les risques de chantage ne sont pas loin, d'autant que l'annonce d'une class action contre une entreprise se traduit par une baisse soudaine et massive du cours de l'action de la société concernée, aggravant d'autant la dévalorisation du capital social. Sans compter que les spécificités procédurales qui la caractérisent, qui sont le gage de son efficacité, supposeraient le bouleversement de tout notre édifice juridique : la procédure de discovery notamment et, plus largement, le rôle reconnu aux cabinets d'avocats sont étrangers à notre système, voire à notre culture juridique. C'est enfin un système coûteux socialement : les frais engagés par les avocats sont énormes, sans compter les frais de justice et ceux mis à la charge des dirigeants fautifs. Le Québec, qui a introduit une procédure de recours collectif, prévoit un financement alternatif, via un fonds public : il est rien moins que certain que la société française soit prête à assumer le coût de ce type de préjudice... Reste que la reconnaissance et l'indemnisation du préjudice subi par l'actionnaire individuel en cas de faute de gestion sont insuffisamment prises en compte aujourd'hui. En pratique, l'action individuelle intentée en réparation du préjudice personnel sur le fondement de l'article 1382 du code civil, auquel se réfère l'article L. 225-252 du code de commerce évoqué à l'article précédent, est soumise à de telles conditions de recevabilité qu'elle est peu attrayante aux yeux de l'actionnaire, dont le patrimoine personnel aura été réduit en conséquence d'une diminution du patrimoine social liée à une faute de gestion de la part des dirigeants de la société. Aux yeux du juge, en effet, une telle action n'est recevable que si l'actionnaire fait état d'un préjudice qui lui soit direct et personnel, c'est-à-dire d'un préjudice propre qui soit distinct du préjudice social. Par exemple, le préjudice personnel est reconnu lorsque le dirigeant détourne de manière sélective les dividendes ou les titres revenant à l'actionnaire ou qu'il interdit à ce dernier l'accès à l'assemblée générale. En revanche, aux yeux du juge, l'actionnaire ne subit pas de préjudice personnel lorsque la faute de gestion porte atteinte au patrimoine social et se répercute arithmétiquement sur la valeur des actions. Dans cette hypothèse, le juge considère en effet que l'actionnaire ne subit pas un préjudice spécial et que le préjudice financier n'est que le corollaire du préjudice subi par la société. C'est pourquoi la Commission a adopté un amendement tendant à modifier la rédaction de l'article L. 225-252 du code de commerce, afin de préciser que l'action en responsabilité civile exercée par l'actionnaire individuel a pour objet de réparer le préjudice propre qu'il a subi en cas de faute de gestion, préjudice distinct du préjudice social éventuellement réparé dans le cadre de l'action ut singuli (amendement n° 29). Lors de l'examen en Commission, le président Pascal Clément a précisé qu'il s'agissait ainsi de permettre d'indemniser d'éventuels « dommages collatéraux » causés à l'actionnaire individuel par la faute de gestion, tout en redoutant que la jurisprudence persiste à considérer qu'il n'existe pas de préjudice distinct du préjudice social. l'indemnisation des actionnaires dans le cadre d'une faute de gestion : La Cour de cassation reconnaît certes le bien-fondé des prérogatives individuelles de contrôle de la gestion, en vue de reconstituer un patrimoine social appauvri par la gestion mais elle se refuse à faire droit aux actions individuelles en réparation du préjudice né de la dépréciation du patrimoine de l'actionnaire. À ses yeux en effet, ce préjudice, dans la mesure où il traduit une dévalorisation du capital consécutive aux infractions reprochées aux dirigeants, est de nature exclusivement social, et non subi par les demandeurs à titre individuel, comme l'a répété récemment la chambre criminelle en se prononçant dans le cadre d'un recours formé contre les juridictions pénales (38). Ce faisant, la chambre criminelle a rejoint la jurisprudence formée de longue date par la chambre commerciale qui, à plusieurs reprises, a estimé que « des fautes de gestion ayant contribué à une dépréciation d'une société (...) n'avaient engendré aucun préjudice à caractère personnel au détriment des actionnaires » (39). S'il est vrai que le préjudice subi par les actionnaires est indirect, il paraît toutefois difficile d'affirmer que ceux-ci, au-delà du préjudice social, ne subissent pas un préjudice qui leur est propre, ne serait-ce que « du seul fait du délai courant entre le jour de la décision dommageable et la réparation du dommage social » (40). Si l'on comprend aisément que l'opportunité de reconnaître un droit d'indemnisation propre aux actionnaires fasse débat, eu égard notamment aux dérives américaines en la matière, la thèse défendue par le juge, selon laquelle ce droit ne saurait être satisfait au motif que le préjudice social ne se double pas d'un préjudice propre pour l'actionnaire, n'est tenable que dans un raisonnement limité au droit des sociétés : dans ce cadre en effet, la société fait écran et le préjudice de l'actionnaire sujet de droit civil ne peut de ce fait être pris en compte. Il n'en reste pas moins qu'au regard du droit général de la responsabilité, outre le préjudice social direct, peut exister un préjudice propre et indirect subi personnellement par l'actionnaire. Pour ne citer qu'un seul cas, l'actionnaire dont le patrimoine personnel aura été amputé de moitié à la suite d'une dévalorisation des actifs de la société dans laquelle il possède des actions, due à une faute du dirigeant, subit un préjudice personnel lorsqu'il est, de ce fait, menacé de saisie sur ses biens propres. Chapitre III Article 83 La loi nre du 15 mai 2001 a ouvert au conseil d'administration, sur délégation de l'assemblée générale, la possibilité de fixer la liste nominative des attributaires de bons de souscription de parts de créateur d'entreprise. Le présent article se propose de l'étendre au directoire, rien ne justifiant cette distorsion fondée sur le mode d'organisation des sociétés, d'autant que, dans ce même article, il est bien spécifié que le prix d'acquisition du titre souscrit en exercice du bon est fixé par l'assemblée générale extraordinaire, sur le rapport du conseil d'administration ou du directoire. L'article 83 procède par conséquent à une modification rédactionnelle à l'article 163 bis G du code général des impôts, afin de réparer cette omission. La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification. Article 84 Cet article vise à étendre les dispositions applicables en matière de cumul des mandats sociaux - articles L. 225-21, L. 225-54-1, L. 225-67, L. 225-77, L. 225-94-1 et L. 225-95-1 du code de commerce - aux dirigeants d'entreprises « têtes de groupe » ayant le statut d'établissement public national, qui détiennent des mandats dans des sociétés commerciales contrôlées par ces établissements publics, au sens de l'article L. 233-16 du code de commerce. Sont ici visés les présidents, directeurs généraux ou directeurs généraux adjoints d'établissements publics tels que edf-gdf, La Poste, Aéroports de Paris, la sncf ou la ratp et de la Caisse des dépôts et consignations, qui bénéficie d'un statut particulier d'« établissement spécial » en vertu du titre X de la loi sur les finances du 28 avril 1816 qui la fonde. Le rapporteur ne peut que se réjouir de cette extension. La législation sur le cumul des mandats sociaux dans les sociétés commerciales, profondément bouleversée par la loi nre du 15 mai 2001, a en effet trouvé un point d'équilibre satisfaisant depuis les assouplissements apportés par la loi du 29 octobre 2002, que le rapporteur eut l'honneur de proposer et de rapporter à l'Assemblée nationale. · La réforme du cumul des mandats sociaux dans la loi nre du 15 mai 2001 : un dispositif complexe, ambigu et lourd La loi nre avait considérablement restreint les possibilités de cumul des mandats sociaux dans un but affiché de responsabilisation accrue des acteurs du monde économique. le cumul des mandats sociaux avant la loi nre du 15 mai 2001 Le principe · S'agissant des mandats de gestion - administrateurs et membres du conseil de surveillance -, le code de commerce autorisait le cumul de huit mandats au sein de sociétés ayant leur siège sur le territoire métropolitain. · S'agissant des mandats de direction - membre du directoire, directeur général unique, directeur général -, le cumul était autorisé dans la limite de deux mandats. Les exceptions · Les mandats d'administrateurs, de membres du directoire ou du conseil de surveillance dans les sociétés dont le capital était détenu à concurrence de 20 % au moins par une autre société dans laquelle est déjà exercé un autre mandat, n'étaient pas décomptés si leur nombre était inférieur où égal à cinq. · S'agissant tout d'abord des mandats de gestion, les articles L. 225-21 et L. 225-77 du code de commerce tels que modifiés par la loi nre du 15 mai 2001, limitaient à cinq le nombre de mandats de gestion autorisés au sein de sociétés ayant leur siège sur le territoire français. L'exception de groupe, applicable aux mandats détenus dans les seules sociétés contrôlées dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé, jouait, sans limitation, pour tous les administrateurs, qu'ils soient ou non représentants permanents d'une personne morale, le législateur partant du constat que de nombreuses sociétés en contrôlent d'autres sans pour autant recourir à la désignation d'un représentant permanent. · S'agissant ensuite des mandats de direction, la loi nre avait choisi une option radicale en prohibant tout cumul de mandat exécutif. De manière similaire au régime applicable aux mandats de gestion, une dérogation fut introduite pour prendre en compte la notion de groupe, définie, comme pour les administrateurs et les membres du conseil de surveillance, par la référence aux sociétés contrôlées, seules les sociétés non cotées bénéficiant, là encore, de cette dérogation verticale. Ainsi, dans cette hypothèse bien délimitée, les mandats de directeur général, de directeur général unique ou de membre du directoire se neutralisaient dans la limite de deux. · En complément de cette approche par fonction, la loi nre avait instauré un plafond global de cinq mandats, toutes natures confondues, de directeur général, de membre du directoire, de directeur général unique, d'administrateur ou de membre du conseil de surveillance, qu'une même personne physique pouvait exercer simultanément. · La loi du 29 octobre 2002 : une application réaliste de la limitation du cumul des mandats sociaux Ambiguës, les dispositions introduites par la loi nre du 15 mai 2001 présentaient également l'inconvénient d'être extrêmement rigides. Notamment, les règles de cumul des mandats qu'elle instaurait ne prenaient en compte à aucun moment la diversité des situations des entreprises. Le même cadre - voire le même carcan - était appliqué aux pme et aux grands groupes multinationaux, contre toute rationalité économique. Non content d'être inadapté, le dispositif était, en outre, pénalisant : les pme risquaient de se trouver privées des compétences d'hommes et de femmes qui, à juste titre, veulent pouvoir diriger deux sociétés juridiquement indépendantes mais économiquement liées dans le cadre d'une stratégie de développement. La loi du 28 octobre 2002 est venue assouplir et clarifier les règles complexes et lourdes instaurées par la loi nre en matière de cumul. Il ne s'agissait nullement, par cette loi, de remettre en cause le principe de limitation du cumul des mandats sociaux, mais de revenir à un dispositif à la fois responsabilisant et efficace. · S'agissant des mandats de gestion, l'article L. 225-21 du code de commerce, qui traite des règles de cumul applicables au mandat d'administrateur (cinq mandats maximum), prévoit un régime dérogatoire applicable aux mandats détenus dans le même groupe, au sens de l'article L. 233-16 du code de commerce, la dérogation étant autorisée tant pour les sociétés contrôlées non cotées que pour les sociétés contrôlées cotées. L'article L. 225-77 du code de commerce prévoit un régime similaire pour les mandats de membre du conseil de surveillance. · S'agissant des mandats de direction, plus particulièrement visés en pratique par l'article 84, l'article L. 225-54-1 du code de commerce, relatif aux règles de cumul applicables au directeur général, prohibe tout cumul, sauf dans deux cas, cumulatifs et non exclusifs l'un de l'autre : - un deuxième mandat peut être exercé dans une société contrôlée au sens de l'article L. 233-16 par la société dont il est directeur général ; - une personne physique exerçant un mandat de directeur général dans une société peut également exercer un mandat de directeur général, de membre du directoire ou de directeur général unique dans une société, dès lors que les titres de celles-ci ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé. L'article L. 225-67 du code de commerce prévoit un régime similaire pour les mandats de membre du directoire. · Par ailleurs, la loi du 28 octobre 2002, sans revenir sur le plafond général instauré par la loi nre à l'article L. 225-94-1 du code de commerce, en a néanmoins précisé les conditions d'application, en disposant clairement que l'exercice de la direction générale par un administrateur devait être décompté pour un seul mandat. · Notons enfin qu'elle n'a pas modifié les dispositions de l'article L. 225-95-1 du même code, dont bénéficieront également les dirigeants d'établissements publics visés par le présent article. Cette disposition ouvre une dérogation aux règles fixées par l'ensemble des articles qui viennent d'être évoqués, en faveur des mandats de représentant permanent d'une société de capital-risque, d'une société financière d'innovation ou d'une société de gestion de fonds commun de placement. La technicité et les compétences spécifiques requises pour l'exercice de ces mandats justifient la dérogation accordée. La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification. Article 84 bis (nouveau) Ce nouvel article a été introduit dans le dispositif du projet de loi par le Sénat, sur proposition du rapporteur de la commission des finances. Il vise à rétablir une disposition de l'article L. 225-94-1 introduite par la loi nre du 15 mai 2001, mais supprimée par la loi du 29 octobre 2002 sur les mandats sociaux. Le rapporteur, suivi par l'Assemblée, avait en effet estimé que le régime des dérogations croisées applicable aux mandats de gestion étant suffisamment clarifié dans les articles traitant respectivement des dérogations apportées à la limitation du cumul des mandats d'administrateur (article L. 225-21 du code de commerce) ou de membre du conseil de surveillance (article L. 225-77), il était inutile de prévoir, pour ces mêmes mandats, une dérogation générale dès lors qu'ils sont exercés dans le périmètre de consolidation. Il semblerait toutefois que cette dernière disposition crée une discrimination au détriment des personnes disposant d'un mandat de membre du directoire, qui, contrairement à celles qui disposent d'un mandat d'administrateur ou de membre du conseil de surveillance, ne bénéficient pas d'une dérogation dans des sociétés non cotées contrôlées au sens de l'article L. 233-16. En précisant que, par dérogation aux dispositions qui forment l'actuel article L. 225-94-1, « ne sont pas pris en compte les mandats d'administrateur ou de membre de conseil de surveillance dans les sociétés qui sont contrôlées, au sens de l'article L. 233-16, par la société dans laquelle est exercé un mandat au titre du premier alinéa, dès lors que les titres des sociétés contrôlées ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé », le Sénat a souhaité rétablir l'équilibre. Le rapporteur se félicite que cette discrimination involontaire puisse être supprimée à l'occasion du présent projet de loi, les conditions d'examen de la proposition de loi qu'il avait déposée sur le cumul des mandats sociaux - qui est aujourd'hui la loi du 29 octobre 2002 -, n'ayant pas permis un fonctionnement normal de la navette entre les deux assemblées. En effet, dans la mesure où les dispositions relatives au cumul des mandats sociaux inscrites dans la loi nre du 15 mai 2001 entraient en application à compter du 17 novembre 2002, il était nécessaire qu'elles soient modifiées avant cette date, et, par conséquent, que la loi portant ces modifications soit elle-même promulguée avant cette date. Le législateur fut par conséquent soumis au délicat arbitrage entre efficacité et perfection. Lui est aujourd'hui fournie l'occasion de concilier sécurité juridique des entreprises et précision formelle : le rapporteur, qui soulignait déjà, à l'occasion de l'examen de la proposition de loi qu'il avait soumise à l'Assemblée sur le cumul des mandats sociaux, que « dans un domaine qui touche au cœur de la création de richesses dans notre pays, il importe de légiférer avec prudence, voire avec parcimonie, et toujours avec réalisme » (41) ne peut que s'en réjouir. La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification. Article 85 Aux termes de l'article L. 233-16 du code de commerce, il est fait obligation aux sociétés commerciales d'établir et de publier des comptes consolidés, dès lors qu'elles contrôlent de manière exclusive ou conjointe une ou plusieurs autres entreprises ou qu'elles exercent une influence notable sur celles-ci. L'article 85 vise à modifier les critères de définition du contrôle exclusif, afin d'étendre l'obligation de consolidation des comptes. D'après les dispositions de du code de commerce, le contrôle exclusif résulte : - soit de la détention directe ou indirecte de la majorité des droits de vote dans une autre entreprise (contrôle de droit) ; - soit de la désignation, pendant deux exercices successifs, de la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance d'une autre entreprise (contrôle de fait) ; - soit du droit d'exercer une influence dominante sur une entreprise en vertu d'un contrat ou de clauses statutaires, lorsque le droit applicable le permet et que la société dominante est actionnaire ou associée de cette entreprise (contrôle contractuel). C'est cette dernière disposition que le présent article, dans son paragraphe I, vient modifier, en supprimant le critère de détention du capital dans la définition de l'influence dominante : désormais, la seule existence d'un contrat ou de clauses statutaires suffiront, le cas échéant, à définir l'influence dominante, quels que soient les liens capitalistiques entre les entreprises concernées. Il est par ailleurs prévu, par un paragraphe II, que cette modification sera applicable à compter du premier exercice ouvert après publication de la loi au Journal officiel. L'abrogation du lien capitalistique dans la définition de l'influence dominante est lourde de conséquences pratiques pour les entreprises qui vont désormais devoir établir des comptes consolidés : à l'instar du rapporteur de la commission des finances du Sénat, le rapporteur n'hésite pas à voir dans cette disposition une petite révolution juridique. Une révolution d'ailleurs indispensable dans l'ère post-Enron : cette faillite retentissante, et les malversations qui y ont conduit, ont ébranlé la confiance des investisseurs dans le document de base de l'information financière, à savoir les comptes annuels de la société. Il s'agit par conséquent, à travers l'extension du périmètre de consolidation, de renforcer la qualité de l'information à destination des investisseurs. De fait, cette réforme fournit aux actionnaires une meilleure appréhension, et donc une meilleure maîtrise des risques existants. Outre le contexte particulier lié aux récents faillites outre-atlantique, l'environnement normatif international favorise également l'évolution de notre droit comptable. Ainsi, il s'agit, par cette modification importante, de transposer par anticipation la modernisation des directives comptables, qui devrait aboutir à la suppression de l'obligation de détention d'une fraction du capital pour la détermination de l'influence dominante, actuellement posée à l'article 1er de la septième directive du conseil du 13 juin 1983 concernant les comptes consolidés de certaines formes de sociétés. L'évolution européenne s'inscrit dans le cadre plus large de l'harmonisation des normes comptables internationales qui entrera en vigueur à compter de 2005. De surcroît, les dispositions du présent article permettent de mettre fin aux divergences de réglementation interne entre les entreprises relevant du comité de la réglementation bancaire et financière et les autres - divergences qui ouvrent de fait la voie à des montages déconsolidants sources de risques pour les investisseurs, qui sont privés d'une information comptable sincère. Tant au regard du contexte international que des risques liés à l'insuffisante harmonisation des règles comptables nationales, un groupe de travail conjoint à la cob et à la commission bancaire avait d'ailleurs recommandé, dès 2002, l'harmonisation des règles existantes, parmi lesquelles figure la suppression de l'obligation de liens capitalistiques. La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification. Article 85 bis (nouveau) Le droit des sociétés français souffre d'un mal chronique, que tout expert s'accorde à diagnostiquer, mais auquel aucun remède n'est apporté : une excessive pénalisation. Cette remarque n'a nullement pour objectif de dédouaner in abstracto les dirigeants d'entreprise, au nom du supposé laxisme législatif que requerrait le caractère délicat de la conduite des affaires économiques et commerciales. Tout au contraire, comme toute liberté, celle d'entreprendre a un corollaire nécessaire : la responsabilité. Le dirigeant d'entreprise doit donc être sanctionné pour toutes les fautes et violations de la loi qu'il peut commettre dans l'exercice de son activité. Reste que ce constat ne saurait à lui seul évincer la nécessaire réflexion sur l'efficacité de la sanction : la pénalisation massive du droit des sociétés répond-elle à son objet, à savoir sanctionner la responsabilité personnelle des dirigeants, de droit ou de fait, soit en vertu d'actes accomplis à l'occasion de la gestion et dans l'intérêt de la société, soit en vertu d'obligations pesant sur la personne morale ? La question n'est pas nouvelle mais elle prend une ampleur toujours plus importante au fur et à mesure que s'accroissent les sanctions pénales, contrepoids quasi-systématique aux obligations posées aux sociétés par le législateur depuis l'intervention de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales. C'est en effet dans cette charte de notre droit des sociétés contemporain qu'il convient de chercher la source de ce qui s'apparente à un réflexe pavlovien : instruit par l'expérience, le législateur de 1966 « a souhaité limiter, autant que possible, le recours aux nullités dans la mesure où celles-ci compromettent la sécurité juridique »... et lui a préféré la sanction pénale. Si la règle pénale s'impose pour sanctionner les actes qui portent atteinte aux intérêts fondamentaux de la société, le recours sans limite dont elle fait l'objet conduit à une véritable dénaturation de celle-ci. Comment qualifier autrement, en effet, la pénalisation d'infractions de pure omission ou de faits de pure négligence ou imprudence, dénués de quelque intention coupable que ce soit ? En outre, il semble, dans ces conditions, difficile de dénoncer le recours excessif au juge pénal par les actionnaires, quand le législateur lui-même semble placer le juge pénal en arbitre privilégié des conflits intervenant en matière de droit des sociétés. Le rapporteur ne peut que souscrire à la conclusion qu'énonçait à cet égard, en 1986, le rapport présenté par M. Philippe Marini, évoquant « un dévoiement du droit pénal », dans la mesure où les incriminations ne sont « pas mises en œuvre pour assurer le respect de l'ordre public mais pour le compte de parties civiles exerçant des pressions à l'occasion d'affaires privées » (42). En bref, c'est aujourd'hui la plus totale confusion qui règne, « confusion entre droit pénal autonome et droit pénal instrumental, d'une part, confusion entre droit pénal accessoire et droit commercial principal, d'autre part » (43). La loi nre du 15 mai 2001 a apporté une première ébauche de réponse au problème. Les articles 122 et 123 de cette loi comportent en effet, introduisent en effet des « dispositions relatives aux injonctions de faire », dont l'esprit s'inscrit en droite ligne des propositions avancées par le rapport Marini précité. Aux « sanctions pénales (...) rarement appliquées car très souvent déraisonnables par leur libellé et leur quantum théorique », sont substituées des injonctions de faire, procédure qui consiste à demander au président du tribunal statuant en référé, soit d'enjoindre sous astreinte aux dirigeants ou à toute autre personne de procéder de telle ou telle manière, soit de désigner un mandataire de justice ad hoc chargé de procéder en lieu et place. La loi nre recourt à ce système pour rendre plus effectif le droit d'accès à toute une série de documents destinés à l'information des actionnaires ou encore pour sanctionner les dirigeants qui manqueraient à l'observation d'un délai légal pour réaliser la libération intégrale du capital social ou manqueraient à leur obligation de déposer au registre du commerce et des sociétés un certain nombre des pièces et d'actes dont ledit dépôts est obligatoire. Fut au total abrogé un nombre non négligeable de sanctions pénales, que le rapporteur détaillera dans un souci pédagogique de montrer que cette question ne saurait être traitée selon les clivages politiques habituels : articles L. 225-119, 2° et 3° de l'article L. 241-4, 1°, 2° et 3° de l'article L. 242-2, 3° de l'article L. 242-3, articles L. 242-14, L. 242-22, L. 243-2, L. 245-1, L. 245-2, L. 245-6, L. 245-7, L. 245-8 et 3° de l'article L. 247-7 du code de commerce. Manquait cependant une approche systématique de la question, la loi nre du 15 mai 2001 ayant même introduit de nouvelles infractions dans d'autres domaines... Cette vision partielle d'un problème important est aujourd'hui révolue, le Gouvernement s'étant d'ores et déjà engagé dans la voie de la modernisation de ce volet de notre droit des sociétés, en lançant le chantier de la simplification administrative et juridique. Ainsi le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de simplification et de codification du droit prévoit-il, en son article 21, de substituer à un certain nombre d'incriminations pénales un mécanisme civil d'injonction de faire qui serait accordé aux actionnaires. Comme le souligne excellemment notre collègue Étienne Blanc dans son rapport, « faut-il vraiment des lois terrifiantes, c'est-à-dire des lois dont nul n'attend que leur extrême sévérité soit mise à exécution ? Tocqueville n'a pas tout à fait tort lorsqu'il relevait dans L'ancien régime et la révolution que les institutions françaises se caractérisent par "une règle rigide, une pratique molle". Dès lors que l'État entend que ses prescriptions aient force obligatoire, il doit en préciser la sanction en cas de non-respect. » Et de citer le vice-président de la commission supérieure de codification, M. Guy Braibant, qui déclarait, à l'occasion de l'examen du projet de code de commerce, qu'« il y avait un nombre incroyable d'infractions et de sanctions, j'avais même dit à cette époque que je ne deviendrais jamais chef d'entreprise de peur d'être mis en examen toutes les cinq minutes » (44). Dans le projet d'habilitation, la « dépénalisation » proposée porte sur les infractions visées aux articles L. 242-7 (défaut de tenue d'un registre des délibérations), L. 242-12 (non-délivrance de renseignements aux actionnaires, par le président d'une société anonyme, en vue de la tenue des assemblées), L. 242-13 (défaut de remise, par les dirigeants sociaux, à tout actionnaire qui en a fait la demande de certains documents tels que formule de procuration, liste des administrateurs en exercice, etc.), L. 242-15 1°, 2° et 3° (absence de tenue de feuille de présence émargée lors de la réunion de l'assemblée des actionnaires, défaut d'annexion à ladite feuille des pouvoirs donnés à chaque mandataire, défaut de constatation des décisions de l'assemblée d'actionnaires par procès-verbal) et L. 245-13 du code de commerce (défaut de constatation des décisions de toute assemblée générale d'obligataires par procès-verbal). Dans le même esprit, le Sénat a introduit un article additionnel dans le présent projet de loi visant à abroger certaines dispositions pénales du code de commerce, pour les remplacer soit par des injonctions de faire, soit par un régime de nullités. Neuf dispositions du code de commerce sont ainsi visées par ce nouvel article : - le 2° de l'article L. 242-9 relatif au fait de participer au vote dans une assemblée d'actionnaires en se présentant faussement comme propriétaire d'actions ou de coupure d'actions, puni d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 9 000 euros. Les faits visés par cet article sont constitutifs d'une infraction de droit commun, d'ores et déjà punie par le code pénal ; - le 1° de l'article L. 242-15, qui punit d'une amende de 3 750 euros le président ou les administrateurs d'une sa qui se rendraient coupables ne pas faire tenir pour toute réunion de l'assemblée des actionnaires, une feuille de présence émargée par les actionnaires présents et les mandataires, certifiée exacte par le bureau de l'assemblée, et contenant les nom, prénom usuel et domicile de chaque actionnaire présent ou représenté et le nombre d'actions dont il est titulaire ainsi que le nombre de voix attaché à ces actions, mais aussi les nom, prénom usuel et domicile de chaque mandataire et le nombre d'actions de ses mandants ainsi que le nombre de voix attaché à ces actions ; - l'article L. 242-11, qui punit d'une amende de 9 000 euros le président ou les administrateurs d'une sa qui se rendraient coupables ne pas convoquer, à toute assemblée, dans le délai légal, les actionnaires titulaires depuis un mois au moins de titres nominatifs, soit par mettre ordinaire, soit si les statuts le prévoient ou si les intéressés en ont fait la demande, par lettre recommandée à leurs frais ; - l'article L. 245-10, qui punit d'un emprisonnement de six mois et d'une amende de 6 000 euros le fait, pour le président, les administrateurs, les directeurs généraux ou les gérants d'une société par actions, d'émettre pour le compte de cette société, des obligations à lots sans autorisation ; - l'article L. 242-16, qui punit d'une amende de 3 750 euros le président de séance ou les membres du bureau de l'assemblée qui ne respectent pas, lors des assemblées d'actionnaires, les dispositions régissant les droits de vote attachés aux actions ; - l'article L. 242-18, qui punit d'une amende de 18 000 euros le fait, pour le président, les administrateurs ou les directeurs généraux d'une société anonyme, lors d'une augmentation de capital : 1° De ne pas faire bénéficier les actionnaires, proportionnellement au montant de leurs actions, d'un droit de préférence à la souscription des actions de numéraire ; 2° De ne pas réserver aux actionnaires le délai prévu par le premier alinéa de l'article L. 225-141, pour l'exercice de leur droit de souscription ; 3° De ne pas attribuer les actions rendues disponibles, faute d'un nombre suffisant de souscriptions à titre préférentiel, aux actionnaires ayant souscrit à titre réductible un nombre d'actions supérieur à celui qu'ils pouvaient souscrire à titre préférentiel, proportionnellement aux droits dont ils disposent, dans les cas où l'assemblée générale l'a expressément décidé ; 4° En cas d'émission antérieure d'obligations avec bons de souscription ou d'obligations convertibles en actions, de ne pas réserver les droits des titulaires de bons de souscription qui exerceraient leur droit de souscription ou les droits des obligataires qui opteraient pour la conversion ; 5° En cas d'émission antérieure d'obligations avec bons de souscription ou d'obligations convertibles en actions, d'amortir le capital, ou de modifier la répartition des bénéfices ou de distribuer des réserves, tant qu'il existe des bons de souscription en cours de validité ou des obligations convertibles, sans avoir pris les mesures nécessaires pour préserver les droits des titulaires ou porteurs de bons de souscription ou, selon le cas, des obligataires qui opteraient pour la conversion ; 6° En cas d'émission antérieure d'obligations échangeables contre des actions, d'amortir le capital ou de modifier la répartition des bénéfices avant que toutes ces obligations aient été échangées ou appelées au remboursement ; - l'article L. 242-19, qui punit d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 75 000 euros le fait d'avoir commis les infractions prévues à l'article L. 242-18, en vue de priver soit les actionnaires ou certains d'entre eux, soit les titulaires ou porteurs de bons de souscription ou d'obligations convertibles ou échangeables, ou certains d'entre eux, d'une part de leurs droits dans le patrimoine de la société ; - les 4° et 5° de l'article L. 247-7, qui punissent d'un emprisonnement d'un mois et d'une amende de 9 000 euros le fait, pour un liquidateur, de ne pas convoquer au moins une fois par an les associés pour leur rendre des comptes annuels, en cas de continuation de l'exploitation sociale et de continuer d'exercer ses fonctions à l'expiration de son mandat, sans en demander le renouvellement ; - l'article L. 245-14, qui punit d'une amende de 18 000 euros le fait : 1° Pour le président, les administrateurs ou les gérants d'une société par actions, d'offrir ou de verser aux représentants de la masse des obligataires une rémunération supérieure à celle qui leur a été allouée par l'assemblée ou par décision de justice ; 2° Pour tout représentant de la masse des obligataires, d'accepter une rémunération supérieure à celle qui lui a été allouée par l'assemblée ou par décision de justice, sans préjudice de la restitution à la société de la somme versée. Lors de l'examen du projet de loi au Sénat, les auteurs de l'amendement ont fait valoir qu'il serait beaucoup plus utile de remplacer ces dispositions pénales par des actions civiles d'injonction de faire ou des nullités - s'agissant de ces dernières, il faut espérer d'ailleurs qu'elles ne seront pas mises en œuvre de manière excessive, sous peine de fragiliser considérablement la sécurité juridique. Les deux systèmes sont effectivement prévus dans le présent article. S'agissant tout d'abord des émissions d'obligations, le projet de loi instaure un régime de nullité : le paragraphe II de l'article 85 bis nouveau modifie ainsi l'article L. 213-6 du code monétaire financier, relatif à la procédure d'émission d'obligations, en le complétant par un alinéa sanctionnant la violation de cette procédure par la nullité, l'action pouvant être exercée indifféremment par le ministère public ou par tout intéressé, sans préjudice de l'action en responsabilité contre les mandataires sociaux. Les délibérations prises en violation des dispositions régissant les droits de vote attachés aux actions sont également sanctionnées par la nullité, au terme d'un nouvel article L. 235-2-1 introduit dans le code de commerce par le chapitre III du présent article. Il en est de même des décisions adoptées en violation des dispositions relatives à l'augmentation en capital des sociétés et la souscription d'actions nouvelles (paragraphe IV). Il est par ailleurs proposé, dans le paragraphe V, de sanctionner l'infraction visée par l'article L. 247-7par une injonction sous astreinte prononcée par un juge statuant en référé. Le projet de loi insère à cette fin un nouvel article Enfin, le paragraphe VI complète l'article L. 228-56 du code de commerce, en sanctionnant par la nullité toute décision accordant au représentant de la masse une rémunération en violation des dispositions de ce même article. Celui-ci précise en effet les modalités de rémunération des représentants de la masse regroupant les porteurs d'obligations ayant des droits identiques : il prévoit qu'elle est fixée par l'assemblée générale ou par le contrat d'émission et, qu'en cas de défaut ou de contestation, c'est à une décision de justice qu'il revient de statuer sur cette rémunération. Si, comme il est rappelé ci-dessus, une approche systématique est préférable afin de régler enfin un problème sur lequel tout le monde s'accorde, la proposition sénatoriale mérite à notre sens d'être retenue. Ce seront d'ores et déjà un nombre non négligeable d'infractions qui recevront une réponse plus adaptée. La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification. Article 86 · À ce jour, la certification des comptes des établissements publics de l'État ayant une activité industrielle et commerciale est régie par des règles spécifiques définies par l'article 30 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement des amiable des difficultés des entreprises. Obligation leur est faite de désigner au moins un commissaire aux comptes et son suppléant s'ils remplissent deux des critères suivants : - nombre de salariés permanents supérieur à 500 ; - montant hors taxe du chiffre d'affaires supérieur à 30 millions d'euros ; - total de bilan supérieur à 15 millions d'euros (45). Le même article précise par ailleurs que ces règles valent également pour les entreprises nationales. Enfin, il définit la procédure de nomination des commissaires aux comptes dans ces organes : ceux-ci sont désignés par le ministre chargé de l'économie, après avis de la commission nationale d'inscription des commissaires aux comptes et de la commission des opérations de bourse, et choisis selon la réglementation territoriale en vigueur. · L'article 86 du projet de loi apporte des modifications substantielles à ces règles en vue d'étendre le champ des établissements soumis à l'obligation de désigner au moins un commissaire aux comptes et un suppléant en distinguant trois cas de figure. En premier lieu, il supprime la référence à l'activité des établissements publics : désormais, tout établissement public national qui n'est pas soumis aux règles de la comptabilité publique, quelle que soit son activité, est tenu de désigner au moins un commissaire aux comptes et un suppléant. Les critères relatifs à l'importance de l'établissement public, ainsi que les seuils qui s'y attachent (définis par un décret en Conseil d'État) sont toutefois maintenus, à une nuance près : au simple critère du montant du chiffre d'affaires est substituée la double référence au chiffre d'affaires, d'une part, aux ressources d'autre part : cette modification résulte de l'inclusion dans le dispositif de l'ensemble des établissements publics, notamment d'établissements publics administratifs dont les activités sont généralement financées, non par des ressources propres, mais par des ressources d'origine budgétaire. L'obligation faite aux établissements publics nationaux non soumis aux règles de la comptabilité publique de faire certifier leurs comptes est renforcée dès lors qu'ils établissent des comptes consolidés en application de l'article 13 modifié de la loi n° 85-11 du 3 janvier 1985 relative aux comptes consolidés de certaines sociétés commerciales et entreprises publiques. Dans ce cas de figure en effet, ils doivent nommer au moins deux commissaires aux comptes et deux suppléants, même s'ils ne répondent pas aux seuils précédemment évoqués en matière de nombre de salariés, de chiffres d'affaires ou de montant de ressources ou enfin de total du bilan. Le critère de consolidation des comptes entraîne également obligation de certification des comptes par au moins deux commissaires aux comptes et deux suppléants pour tous les établissements publics établissant des comptes consolidés en vertu de la loi susvisée. Là encore, les seuils évoqués précédemment ne jouent pas. Les autres établissements publics - établissements publics nationaux soumis aux règles de la comptabilité publique mais n'établissant pas de comptes consolidés, établissements publics nationaux non soumis aux règles de la comptabilité publique et n'établissant pas non plus de comptes consolidés ne répondant qu'à un ou à aucun des critères évoqués précédemment -, se voient enfin ouvrir la faculté de nommer au moins un commissaire aux comptes et un suppléant, de même que les groupements d'intérêt public dont l'État ou un établissement public de l'État est membre.
Ajoutons qu'au-delà de cette extension du champ de l'obligation de désigner au moins un commissaire aux comptes dans les établissements publics, le présent article actualise le champ visé par l'article 30 de la loi du 1er mars 1984. Ce dernier incluait en effet les entreprises nationales dans le champ de l'obligation. Or, ces établissements, désormais dotées du statut de sociétés, sont aujourd'hui régis par les règles du droit commercial applicables en la matière. L'article 86 du projet de loi procède, de même, à une actualisation de la procédure de nomination des commissaires aux comptes : il dispose ainsi que les commissaires aux comptes sont, dans les cas de figure susvisés, nommés, sur proposition des organes dirigeants, par le ministre chargé de l'économie. Lorsque l'établissement fait appel public à l'épargne, cette nomination doit en outre intervenir après avis de l'autorité des marchés financiers, dans des conditions fixées par décret. Le projet de loi initial incluait une dernière disposition dans cet article, supprimée par le Sénat. Il ménageait en effet un délai aux établissements publics soumis aux règles de la comptabilité publique - notamment ceux qui sont soumis à l'obligation nouvelle de certification, c'est-à-dire ceux qui établissent des comptes consolidés -, en les autorisant à souscrire aux obligations requises au plus tard le 1er janvier 2006. La commission des finances du Sénat, à l'origine de cette suppression, a jugé cette disposition redondante, dans la mesure où les établissements publics qui seront obligés de produire des comptes consolidés devront le faire au plus tard le 1er janvier 2006, date de l'entrée en vigueur des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances, en application de l'article 87 du présent projet de loi. La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification. Article 87 De manière similaire à l'article précédent, le présent article du projet de loi se propose d'étendre le champ des établissements publics de l'État soumis à l'obligation d'établir et de publier des comptes consolidés d'une part, d'élaborer un rapport sur la gestion du groupe d'autre part. Sont notamment visés des établissements à caractère scientifique, technique ou de recherches qui ont des participations significatives, comme le commissariat à l'énergie atomique ou des établissements soumis aux règles de la comptabilité publique (Aéroports de Paris, Autoroutes de France, etc.). Dans l'état actuel des textes en effet, seuls entrent dans le champ de cette obligation les établissements publics de l'État ayant une activité industrielle et commerciale et non soumis aux règles de la comptabilité publique, dès lors qu'ils contrôlent une ou plusieurs personnes morales ou qu'ils exercent sur elle(s) une influence notable, au sens de l'article L. 233-16 du code commerce. Aux termes de cette disposition, l'influence notable sur la gestion et la politique financière d'une entreprise est présumée lorsqu'une société dispose, directement ou indirectement, d'une fraction au moins égale au cinquième des droits de vote de l'entreprise. Avec l'intervention du présent projet de loi, sont désormais soumis à l'obligation précitée l'ensemble des établissements publics de l'État, sans considération de leur activité ni des règles comptables auxquelles ils sont assujettis. Une dérogation est toutefois apportée à cette obligation, qui n'est d'ailleurs pas sans rappeler les termes de l'article L. 233-17 du code de commerce, qui vise, de même, à exclure du champ de l'obligation d'établir des comptes consolidés et de publier un rapport sur la gestion de groupe certains sociétés commerciales. Ainsi, l'obligation précitée, définie au premier alinéa de l'article 13 de la loi du 3 janvier 1985 précitée, ne s'applique pas lorsque l'ensemble constitué par l'établissement public et les personnes morales qu'il contrôle ne dépasse pas, pendant deux exercices sur la base des derniers comptes annuels arrêtés, une taille déterminée par référence à deux des trois critères mentionnés à l'article L. 123-16 du code de commerce, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État. Les critères évoqués sont les mêmes que ceux qui sont posés à l'article 86, en l'occurrence le total du bilan, le montant net du chiffre d'affaires et le nombre moyen de salariés permanents. De manière similaire, les modalités réglementaires auxquelles il est renvoyé sont identiques à celles qui prévalent en matière de nomination d'un commissaire aux comptes et qui sont détaillées sous le commentaire de l'article précédent. À l'instar de l'article 86 dans sa rédaction initiale, supprimée pour son caractère redondant par le Sénat, le présent article aménage un délai d'adaptation aux nouvelles dispositions pour les établissements publics soumis aux règles de la comptabilité publique. Ils doivent ainsi se conformer au nouveau dispositif avant le 1er janvier 2006. La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification. Article 87 bis (nouveau) Le Sénat a ajouté un dernier article supplémentaire dans ce chapitre III consacré aux dispositions diverses, relatif à la publicité de la rémunération des dirigeants sociaux. Conformément à l'attitude constante qui fut la sienne lors des laborieux débats qui ont donné naissance à la loi nre du 15 mai 2001, le Sénat a souhaité limiter l'obligation, introduite par l'article 116 de cette loi, de publicité de la rémunération et des avantages de toute nature dont bénéficient les mandataires sociaux aux seules sociétés cotées. Comme l'a expliqué le rapporteur de la commission des finances lors de l'examen du présent projet de loi au Sénat, appelant ses collègues « à un vote de continuité », il s'agit, avec « réalisme » de « corriger une disposition manifestement excessive de la loi nre du 15 mai 2001 ». Le présent article ne vise par conséquent nullement à revenir sur la « véritable révolution culturelle » introduite sur un sujet, reconnaissons-le, tabou dans notre pays, même s'il faut regretter que le législateur français en ait été réduit à intervenir dans ce domaine, faute, de la part, des dirigeants d'entreprise, « d'avoir accepté de se mettre au diapason des pratiques internationales en la matière » (46). De fait, la fin des années 1990 a été marquée par un débat passionné entre les chefs d'entreprise français, l'ouverture toujours plus large de notre économie aux pratiques internationales ne rendant que plus flagrantes les spécificités françaises à cet égard. Au nom de la nécessaire harmonisation des pratiques nationales avec ce qui est devenu aujourd'hui l'usage dans tous les grands pays industrialisés - États-Unis ou Royaume-Uni -, le second rapport établi par M. Marc Viénot, avait d'ailleurs courageusement posé le problème, suscitant des prises de position très divergentes au sein du medef et de l'afep. Ces organismes avaient d'ailleurs, en janvier 2000, annoncé une opération vérité, en incitant les sociétés cotées à publier à l'avenir l'ensemble des revenus de leurs dirigeants. Le président du medef avait même devancé cette recommandation en publiant, le 29 mars 2000, la rémunération annuelle nette qu'il avait perçue en 1999 (y compris les avantages en nature et les jetons de présence), ainsi que les plus-values latentes, nettes d'impôts, qu'il détenait au 31 décembre 1999, par le biais des stock options. Fallait-il toutefois imposer cette obligation à l'ensemble des sociétés, y compris à celles dont les titres ne sont pas cotés ? La réponse à cette question rejoint celle de l'objectif poursuivi à travers l'instauration d'une obligation qui, admettons-le, ne va pas de soi au regard de la psychologie collective qui prévaut, en France, sur ce type de sujet. La publicité des rémunérations représente l'une des mesures les plus symboliques du gouvernement d'entreprise et des règles de transparence qu'il postule. Si l'actionnaire est le premier destinataire de l'information, sa publication dans le rapport annuel, telle qu'elle est prévue par le premier alinéa de l'article L. 225-102-1 du code commerce vise en réalité à en informer le marché. La rationalité d'une telle mesure est en effet d'ordre prioritairement économique : il s'agit de mesurer la pertinence de la rémunération au regard des mérites - ou de l'absence de tout mérite particulier - des dirigeants et des performances de l'entreprise par rapport à ses concurrentes. « Dans l'esprit de la corporate governance et des investisseurs internationaux, ces questions de rémunération des dirigeants (dans les sociétés non contrôlées financièrement par leurs dirigeants) sont à rapprocher étroitement, d'une part, de l'évolution comparée (avec les concurrentes pour tenir compte des cycles économiques) des résultats de l'entreprise sur le moyen terme et, d'autre part, des rémunérations antérieures (dans une autre entreprise) éventuelles des dirigeants concernés à la lumière des rémunérations (réelles et globales) des dirigeants d'entreprises comparables. » (47) Est-ce bien dans cet esprit que le législateur de la loi nre du 15 mai 2001 a adopté l'article L. 225-102-1 ? La référence aux « pratiques abusives » dans les travaux préparatoires incite à en douter. À la lecture de ce type d'expressions, certains commentateurs n'hésitent pas à écrire que la manière dont la disposition était envisagée, sous la législature précédente, avait plus à voir avec « la révélation (dénonciation sur la place publique ?) des profits tirés des stock options que vers l'analyse des mérites » (48). Pour le dire d'un mot, « chasse au gros gibier ou véritable corporate governance », la question des finalités de cette disposition - et de bien d'autres - de la loi nre du 15 mai 2001 mérite d'être posée. Le présent article proposé par le Sénat a, en conséquence, l'immense mérite d'en revenir à une conception saine de la transparence, conforme aux objectifs de la gouvernance d'entreprise - non pas une transparence idéologique, fondée sur la manipulation du ressentiment et la mise en opposition d'une fraction du peuple français contre d'autres, mais une transparence utile et informative. Il est, dans cette optique, tout à fait normal et légitime que les mandataires de sociétés cotées publient, dans le rapport annuel de gestion, la rémunération totale et les avantages de toute nature qui leur ont été versés au cours de l'exercice, y compris des sociétés contrôlées (au sens de l'article L. 233-16 du code de commerce) par une société cotée. Le dévoiement de la pratique des stocks-options plaide amplement pour cette mesure, seule à même de permettre au marché de juger en connaissance de cause du bien-fondé de la stratégie de rémunération de l'entreprise. À l'inverse, les mêmes raisons plaident en faveur d'une exclusion des mandataires de sociétés non cotées du champ de cette obligation : en termes économiques comme de gouvernance d'entreprise, cette publicité est dépourvue de pertinence. Elle n'existe d'ailleurs ni aux États-Unis ni au Royaume-Uni. D'autant que le droit des sociétés français n'est pas muet en ce domaine, puisqu'il prévoit un accès des actionnaires au montant global des rémunérations versées, selon l'effectif de la société, aux dix ou cinq personnes les mieux rémunérées (article L. 225-115 du code de commerce). La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification. * * * La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République a émis un avis favorable à l'adoption des articles du projet de loi (n° 719) dont elle s'est saisie pour avis, modifiés par les amendements qu'elle a adoptés. AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION Article 61 Amendement n° 3 de la Commission : Substituer au premier alinéa de cet article, les deux alinéas suivants : « Le titre II du livre VIII du code de commerce est complété par un chapitre Ier ainsi rédigé : « Chapitre Ier - De l'organisation et du contrôle de la profession ». (Article L. 821-1 du code de commerce) Amendements nos 4, 5 et 6 de la Commission : · Après le mot « comptes », supprimer la fin du troisième alinéa de cet article. · Après le quatrième alinéa de cet article, insérer l'alinéa suivant : « - de définir les bonnes pratiques professionnelles ; » · Rédiger ainsi les cinquième à avant-dernier alinéas de cet article : « - d'émettre un avis sur les normes d'exercice professionnel élaborées par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes avant leur homologation par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la justice ; « - d'assurer l'inscription des commissaires aux comptes avec le concours des commissions régionales mentionnées à l'article L. 822-2 ; « - d'organiser les programmes de contrôles périodiques visés au b) de l'article L. 821-7 ; ». (Article L. 821-3 du code de commerce) Amendements nos 7, 8 et 9 de la Commission : · Dans le 3° de cet article, après le mot : « troisième », insérer les mots « est choisie ». · À la fin de la première phrase du sixième alinéa de cet article, substituer aux mots : « six ans renouvelables », les mots : « une durée maximale de six ans renouvelable une fois ». · Rédiger ainsi les deux derniers alinéas de cet article : « Le Haut conseil constitue des commissions consultatives spécialisées en son sein pour préparer ses décisions et avis. Celles-ci peuvent s'adjoindre, le cas échéant, des experts. « Les conditions de nomination des membres ainsi que les règles de fonctionnement du Haut conseil sont déterminées par décret en Conseil d'État. ». (Article L. 821-9 du code de commerce) Amendement n° 10 de la Commission : Rédiger ainsi cet article : « Art. L. 821-9 - Les contrôles prévus par les b et c de l'article L. 821-7 sont effectués par les compagnies régionales avec, le cas échéant, le concours de magistrats des chambres régionales des comptes ou de l'ordre judiciaire désigné à cet effet. « Lorsque ces contrôles sont relatifs à des commissaires aux comptes de personnes faisant appel public à l'épargne ou d'organismes de placements collectifs, ils sont effectués par la Compagnie nationale avec, le cas échéant, le concours de l'Autorité des marchés financiers. ». (Article L. 821-10 du code de commerce) Amendement n° 11 de la Commission : I. - Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, substituer aux mots : « dès l'engagement des poursuites », les mots : « , après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations, ». II. - En conséquence, après le mot « droit », rédiger ainsi la fin du dernier alinéa de cet article : « lorsqu'aucune poursuite pénale ou disciplinaire n'a été engagée dans le délai de quatre mois. Elle cesse également de plein droit dès que les actions pénale et disciplinaire sont éteintes. ». Article 65 (Article L. 822-11 du code de commerce) Amendements nos 12, 13, 14, 15 et 16 de la Commission : · I. - Rédiger ainsi le début du premier alinéa de cet article : « I. - Le commissaire ... (le reste sans changement) ». II. - En conséquence, rédiger ainsi le début du deuxième alinéa de cet article : « II. - Il est interdit ... (le reste sans changement) ». · I. - Après le premier alinéa de cet article, insérer l'alinéa suivant : « Sans préjudice des dispositions contenues dans le présent livre ou dans le livre II du présent code, le code de déontologie prévu à l'article L. 822-16 définit les liens personnels, financiers et professionnels, concomitants ou antérieurs à la mission du commissaire aux comptes, incompatibles avec l'exercice de celle-ci. Il précise en particulier les situations dans lesquelles l'indépendance du commissaire aux comptes est affectée, lorsqu'il appartient à un réseau pluridisciplinaire, national ou international, dont les membres ont un intérêt économique commun, par la fourniture de prestations de services à une personne contrôlée ou qui contrôle, au sens des I et II de l'article L. 233-3, la personne dont les comptes sont certifiés par ledit commissaire aux comptes. ». II. - En conséquence, supprimer le dernier alinéa de cet article. · Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa de cet article, après le mot : « international », insérer les mots : « , dont les membres ont un intérêt économique commun, ». · Supprimer la dernière phrase de l'avant-dernier alinéa de cet article. · Compléter cet article par les deux alinéas suivants : « En vue de sa désignation, le commissaire aux comptes informe par écrit la personne dont il se propose de certifier les comptes de son affiliation à un réseau, national ou international, qui n'a pas pour activité exclusive le contrôle légal des comptes et dont les membres ont un intérêt économique commun. Le cas échéant, il l'informe également du montant global des honoraires perçus par ce réseau au titre des prestations qui ne sont pas directement liées à la mission du commissaire aux comptes, fournies par ce réseau à une personne contrôlée ou qui contrôle, au sens des I et II de l'article L. 233-3, la personne dont ledit commissaire aux comptes se propose de certifier les comptes. « Ces informations figurent dans le projet de résolution mentionné au premier alinéa de l'article L. 225-228 du présent code. Actualisées chaque année par le commissaire aux comptes, elles sont mises à disposition, au siège de la personne dont il certifie les comptes, des associés et actionnaires et, pour les associations, des adhérents et donateurs. ». (Article L. 822-12 du code de commerce) Amendement n° 17 de la Commission : Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, après le mot : « dirigeants », insérer les mots : « ou salariés ». (Article L. 822-14 du code de commerce) Amendement n° 18 de la Commission : I. - Après le premier alinéa de cet article, insérer l'alinéa suivant : « À l'issue de leur mission de certification auprès d'une personne morale faisant appel public à l'épargne, le commissaire aux comptes, personne physique, ou le membre signataire d'une société de commissaires aux comptes ne peuvent à nouveau certifier les comptes de ladite personne moins de deux années après la cessation de leurs fonctions. ». II. - En conséquence, rédiger ainsi le début du dernier alinéa de cet article : « Ces dispositions sont également applicables... (le reste sans changement) ». Article 66 Amendement n° 19 de la Commission : Dans le dernier alinéa du 2° de cet article, substituer aux mots : « doivent mettre en œuvre des moyens comparables et se livrer », les mots : « se livrent ». Article 73 Amendement n° 20 de la Commission : Dans la première phrase du IV de cet article, substituer aux mots : « trois ans », les mots : « dix-huit mois ». Avant l'article 76 Amendements nos 21 et 22 de la Commission : · Insérer l'article suivant : « Après l'article L. 225-35 du code de commerce, il est inséré un article L. 225-35-1 ainsi rédigé : « Art. L. 225-35-1. - Le conseil d'administration établit son règlement intérieur, qui est tenu à la disposition des actionnaires. Dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, le règlement intérieur précise la composition et les attributions des comités institués au sein du conseil. ». · Insérer l'article suivant : « La dernière phrase du quatrième alinéa de l'article L. 225-177 du code de commerce est ainsi rédigée : « Si les actions de la société sont admises aux négociations sur un marché réglementé le prix de souscription ne peut pas être inférieur à 80 % de la moyenne des cours cotés aux cent séances de bourse précédant ce jour, aucune option ne pouvant être consentie moins de cent séances après le détachement des actions d'un coupon donnant droit à un dividende ou à une augmentation de capital. ». Article 76 Amendements nos 23 et 24 de la Commission : · Dans la dernière phrase du dernier alinéa du 1° de cet article, substituer au mot : « restrictions », les mots : « éventuelles limitations ». · Dans la dernière phrase du dernier alinéa du 1° de cet article, supprimer les mots : « ,le cas échéant, ». Article 77 Amendement n° 25 de la Commission : Dans le 1° de cet article, substituer aux mots : « communiqués aux », les mots : « portés à la connaissance des ». Article 78 Amendements nos 26 et 27 de la Commission : · I. - À la fin du 1° de cet article, substituer aux mots : « Donnant toutes les explications utiles à la justification de leurs observations », les mot « Justifiant de leurs appréciations ». II. - En conséquence, procéder à la même substitution à la fin du 2° de ce même article. · Après la référence : « L. 225-68 », rédiger ainsi la fin du dernier alinéa du 3° de cet article : « et dont ils ont à connaître dans le cadre de la mission de certification définie au premier alinéa. ». Article 79 (Article L. 621-18-2 du code monétaire et financier) Amendement n° 28 de la Commission : Dans le premier alinéa de cet article, substituer au mot : « leurs », le mot : « ses ». Après l'article 82 Amendement n° 29 de la Commission : Insérer l'article suivant : « Le début de la première phrase de l'article L. 225-252 du code de commerce est ainsi rédigé : « Outre l'action en réparation du préjudice propre subi personnellement, distinct du préjudice social, les actionnaires ...(le reste sans changement) ». AMENDEMENT NON ADOPTÉ PAR LA COMMISSION Amendement présenté par M. Pierre Morel-A-l'Huissier : Compléter cet article par l'alinéa suivant : « Les commissaires aux comptes ne sont pas tenus de présenter les observations mentionnées à l'alinéa précédent dès lors que la société, qu'elle soit ou non contrôlée au sens de l'article L. 233-16 du code de commerce, ne dépasse pas pendant deux exercices successifs sur la base des derniers comptes annuels arrêtés une taille déterminée par référence à deux des trois critères mentionnés à l'article L. 123-16. ». le rapport de la sec sur les agences de notation : La sec s'est donné pour mandat, à la fois sur le fondement de la loi Sarbanes-Oxley et de son propre fait, d'apporter des réponses sur plusieurs questions concernant les agences de notation. - S'agissant de la diffusion de l'information, · les agences de notation doivent-elles donner davantage d'informations sur leurs décisions de notation ? · ou bien est-ce aux émetteurs d'améliorer l'information sur leurs notations ? - S'agissant des conflits d'intérêts potentiels, · les agences de notation doivent-elles adopter des procédures spécifiques destinées à gérer les conflits d'intérêts quand l'émetteur commande une notation ? · doivent-elles proscrire tout contact entre analystes des agences et émetteurs ? · doivent-elles adopter des procédures spécifiques destinées à gérer les conflits d'intérêts quand elles fournissent des prestations connexes en matière financière ? - S'agissant de la structure oligopolistique du secteur, · les allégations relatives à l'existence de pratiques anticoncurrentielles sont-elles fondées ? · faut-il formaliser et clarifier la procédure d'agrément nrsro ? · faut-il l'appliquer aux agences sectorielles (quant à la matière ou quant à l'aire géographique considérée) ? - Sur un contrôle en continu de ces agences, · faut-il mettre en place un contrôle continu de ces agences ? · faut-il adopter une réglementation relative aux diligences minimales que les agences doivent mettre en œuvre et à la qualification et à la formation de leurs analystes ? la décision cmf n° 2002-01 relative aux prescriptions applicables Aux termes de cette décision, les prestataires habilités ont obligation de mettre en place la fonction de responsable de l'analyse financière, qui est défini comme « la personne physique sous l'autorité de laquelle la production et la diffusion de l'analyse financière sont placées ». En outre, quand le responsable de l'analyse financière n'est pas habituellement situé en France, le prestataire habilité se dote d'une procédure prévoyant comment ledit responsable exerce sa fonction (article 2). S'agissant de la rémunération des analystes (article 3), la décision dispose que « l'analyste ne perçoit pas de rémunération spécifique distincte pour une opération à laquelle il participe dans le cadre de l'activité du prestataire habilité relative : - à la prise ferme ; - au placement ; - au conseil aux entreprises en matière de structure de capital, de stratégie industrielle et de questions connexes ainsi qu'aux services concernant les fusions et le rachat d'entreprises ». Par ailleurs, la décision instaure, dans l'élaboration de l'analyse, une obligation d'indépendance de l'analyste et de gestion des conflits d'intérêts. Obligation est ainsi faite, par l'article 4, au prestataire de se doter des procédures et des moyens adaptés à la détection des situations éventuelles de conflits d'intérêts impliquant l'analyse financière et à la gestion des franchissements de la « Muraille de Chine » mentionnée à l'article 3-1-6 du règlement général. En application de ces procédures, l'analyste ne peut, sauf accord du responsable de l'analyse financière, échanger des informations avec les collaborateurs qui, pour le compte du prestataire habilité et des autres prestataires du groupe auquel le prestataire habilité appartient, sont en charge de l'activité de placement et prise ferme ou de l'activité de conseil aux entreprises en matière de structure de capital, de stratégie industrielle et de questions connexes ainsi que des services concernant les fusions et le rachat d'entreprises. Lorsque l'analyste a franchi la « Muraille de Chine », il ne retrouve ses fonctions antérieures qu'avec l'accord du déontologue et du responsable de l'analyse financière. Aux termes de l'article 5 de la décision, le document dans lequel est contenu l'analyse doit en outre mettre clairement en valeur les éléments susceptibles de limiter l'indépendance de l'analyste, par exemple les participations stables que le prestataire habilité détient dans le capital de l'entreprise suivie ou que l'entreprise suivie détient dans le capital du prestataire habilité. Il contient également un certain nombre d'avertissements, notamment le fait, lorsqu'il se présente, que le prestataire habilité et la personne morale émettrice sont convenus de la fourniture, par le prestataire, d'un service de production et de diffusion d'analyses financières sur ladite personne morale. Enfin, l'analyste peut communiquer avant publication son étude à l'émetteur ou à son conseil, mais il n'est en aucune façon tenu par leurs observations. Les avertissements prévus à l'article 5 font état de cette communication (article 7). En matière de diffusion de l'analyse, la décision oblige le prestataire habilité à mettre en place une procédure déterminant dans quel ordre et selon quelles modalités les études et recommandations des analystes sont diffusées aux départements internes du prestataire habilité et aux clients extérieurs ainsi qu'aux diverses catégories de clients extérieurs. Il est précisé qu'en tout état de cause, les départements internes du prestataire ne bénéficient d'aucune priorité (article 8). En outre, lorsqu'un analyste suivant régulièrement une personne morale émettrice cesse de communiquer selon la périodicité habituelle adoptée pour cette personne morale, il présente, sauf avis contraire du responsable de l'analyse, les raisons de cette interruption dans un support d'information identique à celui précédemment utilisé pour ses analyses. dans le même esprit, sauf avis contraire du responsable de l'analyse, l'analyste publiant pour la première fois une analyse sur une personne morale émettrice d'un instrument financier, lors de l'introduction en bourse de cet instrument, ne cesse pas de publier sur ladite personne morale pendant une période raisonnable suivant l'introduction. Cette obligation n'est toutefois pas applicable lorsque l'obligation de publication est prise au titre d'un contrat passé avec la personne morale émettrice et que cette dernière choisit de rompre le contrat. Réponse aux questions posées sur les modalités d'application 1. Un prestataire habilité produit des analyses en France, mais la distribution de ces analyses en France est organisée depuis l'étranger. Le prestataire est-il soumis à la décision ? Exemple : la filiale d'un groupe dont le siège est à Londres ou à New York produit des analyses en France. Cette filiale est un prestataire habilité par le cmf. Ce sont des entités du groupe installées à Londres ou à New York qui diffusent ces analyses en France. La décision s'applique intégralement pour toutes les analyses produites par un prestataire habilité et distribuées en France, que cette distribution soit organisée en France même ou mise en œuvre depuis l'étranger. 2. Un prestataire européen intervient en France au titre du libre établissement. Sa succursale produit des analyses en France. Selon les cas, la diffusion des analyses est prise en charge en France ou depuis l'étranger. La succursale est-elle soumise à la décision ? La décision s'applique intégralement à la succursale pour toutes les analyses distribuées en France, quel que soit le mode de prise en charge de cette diffusion. 3. Un prestataire habilité par le cmf intervient à l'étranger au titre du libre établissement. Ce sont les succursales de ce prestataire qui produisent hors de France les analyses. Ces analyses sont distribuées en France. La décision s'applique-t-elle au prestataire et à ses succursales ? Exemple : la succursale à Londres d'un prestataire habilité produit sur place les analyses financières et les diffuse depuis Londres en France. La décision s'applique à partir de son article 5 inclus, que la distribution des analyses en France soit organisée depuis l'étranger ou en France même. En effet, les articles précédant l'article 5 prévoient : - la mise en place de la fonction de responsable de l'analyse financière ; - l'interdiction de lier directement la rémunération de l'analyste au résultat d'opérations éventuelles menées dans le domaine de la banque d'investissement ; - les mesures à prendre en termes de Muraille de Chine. Ces éléments sont relatifs à l'activité de production de l'analyse financière. Cette activité étant développée hors de France, il n'appartient pas au Conseil des marchés financiers de la réglementer. 4. Un prestataire étranger produit des analyses hors de France. Ces analyses sont distribuées en France par une succursale de ce prestataire ou, si ce dernier n'est pas européen, par une entité de son groupe ayant le statut de prestataire habilité en France. La décision s'applique-t-elle ? Exemple : l'analyse est produite à Londres par un prestataire ayant une filiale en France habilitée par le cmf. L'analyse est distribuée par ladite filiale en France. La décision s'applique à partir de son article 5 inclus. 5. La décision s'applique-t-elle quand un prestataire étranger ayant une succursale ou une filiale en France produit les analyses à l'étranger et organise la diffusion de ces analyses depuis l'étranger ? La décision ne s'applique que si l'analyse renvoie à l'entité française succursale ou filiale et elle s'applique alors à partir de son article 5 inclus. À titre d'illustration, il en serait ainsi pour une analyse, produite à Londres et diffusée depuis Londres, sur laquelle il serait indiqué que les destinataires ayant des questions à poser sur l'analyse peuvent contacter à la succursale ou à la filiale à Paris Monsieur X au numéro de téléphone xxxxx. La décision ne s'applique donc pas si l'analyse ne renvoie pas à la succursale ou à la filiale française. Toutefois, le cmf recommande, dans ce cas de figure, d'appliquer la décision à partir de son article 5 inclus. 6. Quand les analyses sont produites hors de France par un prestataire non habilité par le cmf, n'ayant ni succursale ni filiale en France, et distribuées en France depuis l'étranger, la décision s'applique-t-elle ? La décision ne s'applique pas. 7. Pour l'application de l'article 7, peut-on mentionner sur le document d'analyse un avertissement du type : cette analyse a pu être transmise avant publication à la société émettrice ? Les avertissements doivent faire état de la communication effective de l'analyse à l'émetteur ou à son conseil avant la publication en des termes autres qu'une phrase de ce type. En revanche il est admis que figure sur l'analyse une phrase de cette nature : le prestataire a pour habitude de communiquer les analyses qu'il produit à l'émetteur avant publication. 8. Quand le responsable de l'analyse prévu à l'article 2 de la décision est localisé hors de France, est-il titulaire de la carte professionnelle ? Dans ce cas, le responsable de l'analyse n'est pas titulaire de la carte professionnelle, mais les dispositions exigeant une procédure de supervision s'appliquent. rapport bouton pour un meilleur fonctionnement des entreprises cotées synthèse Problématique générale : pourquoi un nouveau rapport sur le gouvernement d'entreprise ? À la suite des deux rapports Viénot (juillet 1995, juillet 1999), la France dispose d'un corps de règles très développé, propice à la transparence et à l'efficacité. En outre, les entreprises françaises sont dans une situation très différente de leurs homologues américaines au sens où, aussi bien pour ce qui concerne les pratiques de management, la législation, notamment fiscale ou de marché, ou encore s'agissant des réglementations professionnelles, le système français protège mieux nos entreprises contre les excès et les errements. Néanmoins, « l'ampleur de la crise de confiance actuelle ne pouvait laisser les entreprises françaises sans réaction ». D'où l'initiative conjointe du medef et de l'afep, en avril 2002, à l'origine du rapport. Faute de temps cependant, le groupe n'a pas examiné les problèmes relatifs au fonctionnement des instances de régulation des marchés financiers ni à la situation des agences de notation financière. Thèse : « Ce qui est en cause est moins la règle que son esprit, moins la norme que les comportements ». L'économie de marché suppose certes des règles et des sanctions mais il est illusoire de penser que la multiplication et l'aggravation des sanctions pénales peuvent constituer une protection efficace. Le risque zéro n'existe pas. Il faut donc trouver les moyens de favoriser un comportement éthique, impératif moral et impératif économique. La question est celle de « l'application loyale et la mise en œuvre de bonne foi des règles du jeu ». Le contenu du rapport : des propositions précises et concrètes visant à montrer que les entreprises françaises sont « des forces de mouvement » et à « éviter que la régulation ne soit élaborée de manière unilatérale par les États-Unis » (49). Le rapport comporte trois parties. · « Première partie : améliorer encore les pratiques du gouvernement d'entreprise » Beaucoup de progrès ont été réalisés avec la mise en œuvre, dans la plupart des grandes entreprises, des recommandations des rapports Viénot. Des améliorations restent néanmoins encore à apporter, afin de favoriser la transparence, maître mot en la matière : transparence entre l'exécutif et le ca, transparence de la gestion vis-à-vis du marché, transparence dans la relation avec les actionnaires. Cette partie traite six points distincts : les trois premiers concernent le conseil d'administration (rôle, fonctionnement, composition et évaluation) ; les trois autres traitent des différents comités (comptes, rémunérations, nominations), le rapport Bouton appelant globalement à une meilleure articulation entre comités et conseil d'administration, les premiers participant intimement du bon fonctionnement du second. Les principales propositions sur ces points sont les suivantes : - inscription dans le règlement intérieur du conseil des modalités de débat sur la stratégie de l'entreprise ; - amélioration de l'information des administrateurs, par la formation et par des contacts directs avec les dirigeants de l'entreprise ; - définition de critères d'indépendance pour l'administrateur ; - élaborer les règles d'une véritable évaluation du ca (notamment évaluation formalisée tous les trois ans, éventuellement par un administrateur externe, aidé par un consultant extérieur) ; - formaliser le fonctionnement du comité des comptes par la mise en place d'un véritable règlement intérieur (idem sur le comité des rémunérations) et définir des règles de composition ; - propositions sur les stock options ; - organiser une procédure de sélection des administrateurs indépendants au sein du comité des nominations. · « Deuxième partie : Conforter l'indépendance des commissaires aux comptes » Le rapport s'en remet aux travaux actuellement menés par la cob et ne fait que quelques recommandations-cadres très générales. · « Troisième partie : Information financière - Normes et pratiques comptables » S'agissant de l'information financière, le rapport insiste sur l'adoption d'une politique de communication très rigoureuse par l'entreprise avec les analystes et les marchés et sur le problème « essentiel » du hors bilan et des risques de l'entreprise, qui s'apparentent actuellement à une « zone de non-droit ». Il présente par conséquent plusieurs recommandations visant à encadrer cette pratique. S'agissant des normes et pratiques comptables, le rapport ne fait pas de recommandations mais émet le vœu que l'harmonisation en cours corresponde autant aux besoins des entreprises qu'aux attentes des marchés. Il s'inquiète toutefois des évolutions internationales actuelles en la matière, qui mettent exagérément l'accent sur le court terme d'une part et qui, en l'absence d'une vision globale et concertée sur les finalités et le contenu des normes, risquent de conduire à l'adoption d'une information complexe, confuse et opaque d'autre part. N° 772 - Rapport pour avis de M. Philippe Houillon surle projet de loi, adopté par le Sénat, de sécurité financière (M. Philippe Houillon) 1 () Act to protect investors by improving the accuracy and reliability of corporate disclosures made pursuant to the securities laws, and for other purposes. 2 () http:/www.sec.gov/about/whatwedo.shtml. 3 () L'expression est de M. Felix Rohatyn, ancien ambassadeur des États-Unis en France. 4 () Nicolas Véron, « Après Enron et WorldCom : information financière et capitalisme », Commentaires, n° 99, automne 2002. 5 () Arnaud Péricard, Les Échos, 16 octobre 2002. 6 () Les Échos, 8 janvier 2003. 7 () Nicolas Véron, art.cit. 8 () Ibid. 9 () Elles sont aujourd'hui au nombre de quatre : Standard and Poor's, Moody's, Fitch et Dominion. 10 () Bertrand Jacquillat, « Les maillons faibles de la gouvernance », Sociétal, n° 37, troisième trimestre 2002. 11 () Voir annexe II. 12 () 250 000 comptes sont certifiés chaque année. Selon les professionnels, les « accidents » arriveraient dans 1 cas sur 10 000. 13 () Modifié par le décret n° 76-1141 du 7 décembre 1976, le décret n° 85-665 du 3 juillet 1985, le décret n° 92-764 du 3 août 1992 et le décret n° 93-9 du 4 janvier 1993. 14 () M. Yves Le Portz, président du comité de déontologie de l'indépendance des commissaires aux comptes des sociétés faisant appel public à l'épargne, a lui-même souligné, à l'occasion du colloque organisé par la cob sur l'information financière, que le contrôle mené par le cena a « l'inconvénient de se présenter encore comme un contrôle "confraternel" et donc de ne pas donner la priorité à l'exercice d'un "robuste scepticisme" comme tout contrôle digne de ce nom ». 15 () Voir par exemple, la deuxième partie du rapport du groupe de travail présidé par M. Daniel Bouton intitulé Pour un meilleur gouvernement des entreprises cotées, septembre 2002. Pour une synthèse de ce rapport, cf. annexe III. 16 () Nicolas Véron, art.cit. 17 () Étude réalisée par Heidrick & Struggles International Inc. en 2001, publiée par Les Échos, 16 octobre 2002. 18 () Bertrand Jacquillat, art. cit. 19 () Claude Champaud et Didier Danet, Revue trimestrielle de droit commercial, janvier-mars 2002, page 102. 20 () Article 9 de la loi n° 2003-7 du 3 janvier 2003 modifiant le livre VIII du code de commerce. 21 () Ce comité, créé en 1999, a, dès sa création, proposé la mise en œuvre immédiate d'un ensemble d'incompatibilités recommandées en 1997 par un groupe de travail commun à la cob et à la compagnie nationale. 22 () N. Mathey, Bulletin Joly Sociétés, novembre 2002. 23 () Article 64 du décret n° 69-810 du 12 août 1969 portant règlement d'administration publique et relatif à l'organisation de la profession et au statut professionnel des commissaires aux comptes. 24 () Le rapport de l'Institut Montaigne donne une liste d'éléments en l'absence desquels la volonté réelle de la société d'améliorer l'efficacité du vote des actionnaires pourra à juste titre être mise en doute : dates des réunions du conseil d'administration, liste des membres présents et nature des documents qui y ont été débattus. 25 () Cour de cassation, chambre commerciale, 2 juillet 2002, OCP Répartition c/ Blanc et autres. 26 () P.-L. Périn, La société par actions simplifiée, Joly éd., 2000, n° 173, cité par Alain Couret, Note sous l'arrêt précité, Bulletin Joly, 2002, n° 8-9. 27 () Question écrite n° 03417 du 24 octobre 2002. 28 () Réponse publiée dans le Journal officiel Questions Sénat du 19 décembre 2002. 29 () Maurice Cozian, Alain Viandier, Florence Deboussy, Droit des sociétés, Litec, 2002. 30 () Cour de cassation, chambre commerciale, 19 octobre 1999. 31 () Recommandation n° 2002-01 publiée dans le Bulletin mensuel de la cob, février 2002, n° 365. 32 () cob, recommandation n° 2002-01. 33 () Jacques Dupichot, « La loi nre et le droit des sociétés »,La Gazette du palais, 29-30 mai 2002. 34 () Cour d'appel de Douai, 29 avril 1997. 35 () Bulletin Joly Sociétés, mai 2001, n° 5, Note Jean-François Barbièri, § 131. 36 () Cour de cassation, chambre criminelle, 12 décembre 2000. 37 () Institut Montaigne, Mieux gouverner l'entreprise, mars 2003. 38 () Cour de cassation, chambre criminelle, 13 décembre 2000. 39 () Bulletin Joly Sociétés, mai 2001, n° 5, Note Jean-François Barbièri, § 126. 40 () D. Schmidt, Les conflits d'intérêts dans la société anonyme, éd. Joly, 1999. 41 () Assemblée nationale, XIIe législature, document n° 233, p. 6. 42 () Rapport au Premier ministre présenté par Philippe Marini, La modernisation du droit des sociétés, La documentation française, 1996. 43 () Ibid. 44 () M. Étienne Blanc, rapporteur au nom de la commission des Lois, Assemblée nationale, XIIe législature, document n° 752, 26 mars 2003. 45 () Ces seuils sont fixés par le décret n° 86-221 du 17 février 1986. 46 () Olivia Dufour, « Nouvelles régulations économiques : vers plus de transparence », Les Petites affiches, 7 juin 2000, n° 113. 47 () Jacques Dupichot, art. cit. 48 () Ibid. 49 () Le rapport admet en effet que l'internationalisation des marchés conduit inéluctablement à une homogénéisation des règles au niveau mondial. © Assemblée nationale |