Document mis en distribution le 16 avril 2004 N° 1536 -- ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 avril 2004. RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI, ADOPTÉE PAR LE SÉNAT (N° 1422), actualisant le tableau de répartition des sièges de sénateurs et certaines modalités de l'organisation de l'élection des sénateurs. PAR M. Jacques-Alain BÉNISTI, Député. -- Voir les numéros : Sénat : 156, 196 et T.A. 61 (2003-2004). Assemblée nationale : 1422. INTRODUCTION 5 DISCUSSION GÉNÉRALE 7 EXAMEN DES ARTICLES 9 TITRE PREMIER - DISPOSITIONS ACTUALISANT LE TABLEAU DE RÉPARTITION DES SIÈGES DE SÉNATEURS 9 Article premier (tableau n° 5 annexé au code électoral) : Répartition des sièges de sénateurs entre les séries 9 TITRE II - DISPOSITIONS ACTUALISANT CERTAINES MODALITÉS DE L'ORGANISATION DE L'ÉLECTION DES SÉNATEURS 11 Article 2 (art. L. 281 du code électoral) : Vote par procuration des électeurs sénatoriaux dépourvus de suppléant 12 Article 3 (art. L. 283 du code électoral) : Allongement du délai de désignation des délégués des conseils municipaux et de leurs suppléants 12 Article 4 (art. L. 284 du code électoral) : Désignation des délégués dans les communes de moins de 9 000 habitants 14 Article 5 (art. L. 285 du code électoral) : Suppression d'une référence obsolète 14 Article 6 (art. L. 286 du code électoral) : Désignation des suppléants des délégués dans les communes de moins de 3 500 habitants 15 Article 7 (art. L. 287 du code électoral) : Remplacement des délégués de droit des conseils consultatifs des communes associées 15 Article 8 (art. L. 300 du code électoral) : Interdiction du retrait unilatéral de candidature d'un membre d'une liste 16 Article 9 (art. L. 313 et L. 314 du code électoral) : Vote au moyen de machines à voter 16 Article 10 (art. L. 314-1 du code électoral) : Établissement de la liste d'émargement 17 Article 11 (art. L. 318 et L. 447 du code électoral) : Montant de l'amende infligée aux électeurs n'ayant pas pris part au scrutin 18 Article 12 (L. 334-15, L. 335-15-1 et L. 334-16 du code électoral) : Dispositions relatives à la représentation sénatoriale de Mayotte 18 Article 13 (art. L. 439 du code électoral) : Application outre-mer des dispositions pénales de droit commun 19 TABLEAU COMPARATIF 21 La présente proposition de loi est le préalable à la fois modeste et nécessaire de l'élection sénatoriale prévue le 26 septembre prochain. Son objet est double : - tirer les dernières conséquences de la réforme de juillet 2003 sur le tableau de répartition des sièges de sénateurs entre les séries (titre Ier) ; - procéder à diverses actualisations de nature technique des dispositions du code électoral organisant l'élection sénatoriale (titre II). Ce second aspect implique notamment que les délégués élus par certains conseils municipaux pour faire partie du collège électoral soient désormais choisis avant l'été. Cela confère un certain caractère d'urgence à la présente proposition de loi. * * * La réforme du 30 juillet 2003, issue de la volonté du Sénat (1), a eu pour objet d'en améliorer la représentativité. Une réflexion était en effet conduite au sein de l'institution sénatoriale dans le prolongement de la précédente réforme, en date du 10 juillet 2000, étendant l'application du scrutin de liste proportionnel et mettant en œuvre la parité. En dépit de sa portée politique, cette première réforme, inscrite dans la loi ordinaire, n'avait pu être que partielle. En effet, l'article 25 de la Constitution réserve à une loi organique la fixation du nombre des membres des assemblées. Comme, par ailleurs, en vertu de l'avant-dernier alinéa de l'article 46 de la Constitution, les lois relatives au Sénat doivent être votées dans les mêmes termes par les deux assemblées, une augmentation du nombre des sénateurs ne peut être adoptée qu'avec le consentement du Sénat. Or, la majorité sénatoriale n'aurait pas accepté une actualisation à effectif constant de la carte de répartition départementale des sièges. Néanmoins, la loi de 2000, même si elle ne pouvait traiter la question de fond de la représentativité du Sénat, a eu pour effet de mettre en lumière l'urgence d'une réforme en ce sens. Il convient de rappeler que c'est en 1976 qu'avaient été précédemment fixés le nombre et la répartition des sièges de sénateurs. Les résultats des recensements de 1982, 1990 et 1999 n'avaient pas été pris en compte depuis lors. Prenant acte de cette situation, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2000-431 DC du 6 juillet 2000, a adressé au législateur, sinon une injonction, du moins une ferme invitation à adopter des mesures de correction. Il a considéré que « les dispositions combinées de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et des articles 3 et 4 de la Constitution imposent au législateur de modifier la répartition par département des sièges de sénateurs pour tenir compte des évolutions de la population des collectivités locales dont le Sénat assure la représentation (2). Le Conseil a réitéré cette invitation dans une décision « Marini-Hauchemaille » du 20 septembre 2001, qui statuait sur des requêtes mettant en cause le tableau de répartition des sénateurs applicable au dernier renouvellement en date. En d'autres termes, même si l'article 24 de la Constitution dispose que le Sénat assure la représentation des collectivités locales de la République, le respect de l'égalité du suffrage suppose que la répartition des sénateurs se fonde sur « des bases essentiellement démographiques ». Cette formule est celle qui s'applique, on le sait, à l'élection des députés (3). Sagement, le Sénat a décidé de prendre lui-même l'initiative d'une réforme qui ne pouvait être différée sans menacer d'annulation le renouvellement de 2004. La réforme adoptée à cet effet en juillet 2003 conjugue plusieurs aspects : - la réduction de neuf ans à six ans de la durée du mandat sénatorial (article L.O. 275 du code électoral) ; - corrélativement, le renouvellement du Sénat, non plus par tiers, mais par moitié (article L.O. 276 du même code) tout en maintenant le rythme triennal des renouvellements partiels ; - l'abaissement de 35 ans à 30 ans de l'âge d'éligibilité au Sénat (article L.O. 296 du même code) ; - l'augmentation progressive jusqu'en 2010 du nombre de sièges de sénateurs (articles L.O. 274 pour les sénateurs élus dans les départements, L.O. 334-15, L.O. 438-1, L.O. 438-2 et L.O. 438-3 pour les sénateurs élus dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie), destinée à accompagner la nouvelle répartition géographique tenant compte des évolutions démographiques ; - l'élection des sénateurs au scrutin majoritaire dans les départements comptant jusqu'à trois sénateurs, au lieu du seuil de deux sénateurs qui résultait de la réforme du 6 juillet 2000 (articles L. 294 et L. 295 du code électoral). Cette réforme de l'institution sénatoriale revêt une grande portée, à trois points de vue. · Sur le plan historique, si le principe d'une élection pour six ans avec un renouvellement par moitié tous les trois ans n'est pas sans précédent, puisqu'il s'appliquait au Conseil de la République sous la IVe République, on rappellera toutefois que la tradition du renouvellement par tiers tous les trois ans remontait à 1875. · Numériquement, le Sénat va passer d'un effectif de 321 sénateurs aujourd'hui à 346 en 2010. Cette augmentation n'est pas seulement le reflet d'un ajustement aux évolutions démographiques. En effet, comme en 1976, la loi n'a pas supprimé de sièges dans les départements dont la population a baissé. Elle aurait dû le faire, sur la base des résultats du recensement de 1999, en supprimant un siège sur deux dans la Creuse et trois sièges sur douze à Paris. Telle était la position de votre commission des Lois. Son analyse a été jugée légitime par le Conseil constitutionnel, qui a relevé « qu'en conservant aux départements de la Creuse et de Paris leur représentation antérieure, le législateur a apporté une dérogation au mode de calcul qu'il avait lui-même retenu ». Mais il a considéré « que, toutefois, pour regrettable qu'elle soit, cette dérogation, qui intéresse quatre sièges, ne porte pas au principe d'égalité devant le suffrage une atteinte telle qu'elle entacherait d'inconstitutionnalité la loi déférée » (4). · Le dispositif transitoire retenu assure le passage « en douceur » des mandats de neuf ans aux mandats de six ans. Il s'étend sur une assez longue période. C'est seulement en 2010 que le Sénat parviendra à son nouvel effectif, et ce n'est qu'à partir de 2013 qu'il ne sera plus composé que de sénateurs élus pour six ans. En effet, la moitié des élus de septembre prochain le seront encore pour neuf ans. Ils ont été désignés par tirage au sort le 1er octobre 2003. En conclusion, le rapporteur a proposé à la Commission d'adopter la proposition de loi dans le texte du Sénat. Après son exposé, M. Bernard Derosier, estimant que ce n'était faire injure à personne que de qualifier le Sénat d'assemblée conservatrice, a fait valoir que ce texte ne comportait aucun bouleversement. Il a simplement regretté le déséquilibre entre les deux assemblées du Parlement, l'une reflétant l'état réel de l'opinion, l'autre faisant obstacle aux avancées politiques, sauf à recourir au référendum. Tout en exprimant le regret que ce texte ne soit pas plus ambitieux, il a indiqué ne pas avoir disposé du temps nécessaire pour élaborer des amendements, en raison notamment de la récente actualité électorale, dont la portée politique lui a paru autrement plus importante pour l'avenir du pays. * * * TITRE PREMIER Article premier L'article premier, comme prévu par le II de l'article 2 de la loi n° 2003-697 du 30 juillet 2003 (5), fixe la liste des départements composant les séries lors de chaque renouvellement triennal du Sénat de 2004 à 2010. C'est, au vrai, un article de ratification et de constatation. En effet, si la réforme du 30 juillet 2003 a posé les principes et la quasi-totalité des modalités de la transition de trois à deux séries, l'affectation des sièges à l'une ou l'autre des nouvelles séries ne pouvait être inscrite dans la loi qu'après le tirage au sort opéré par le bureau du Sénat le 1er octobre dernier. Pour plus de clarté, le présent article, dans sa rédaction adoptée par le Sénat le 10 février dernier, présente les trois versions successives du tableau n° 5 annexé à l'article L.O. 278 du code électoral, fixant la répartition des sièges entre les séries à l'issue des renouvellements de 2004 (trois séries), 2007 (trois séries) et 2010 (deux séries). Actuellement, les départements ainsi que les collectivités d'outre-mer sont répartis en trois séries en vue de chaque renouvellement triennal : - série A : Ain à Indre plus le Territoire de Belfort, la Guyane, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna ; - série B : Indre-et-Loire à Pyrénées-Orientales, plus la Réunion et la Nouvelle-Calédonie ; - série C : Bas-Rhin à Yonne et Essonne à Yvelines, plus Guadeloupe, Martinique, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon. En complément de chacune de ces séries, quatre sénateurs représentant les Français établis hors de France sont élus par le Conseil supérieur des Français de l'étranger. La transition est programmée selon les modalités ci-après, qui résultent de la loi organique du 30 juillet 2003. 1. La série C, renouvelable en septembre 2004, est scindée en deux sections comportant approximativement le même nombre de sièges, créations comprises : l'une constituée par les départements du Bas-Rhin à l'Yonne, non comprise la Seine-et-Marne (61 sièges), l'autre regroupant tous les départements de la région Île-de-France, ceux des Antilles, ainsi que Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon (62 sièges). L'une de ces fractions sera élue pour six ans en 2004. À compter de 2010, elle sera regroupée avec la série B pour former la nouvelle « série 1 ». L'autre fraction de la série C sera élue pour neuf ans en 2004. À compter de 2013, elle sera regroupée avec la série A pour former la nouvelle « série 2 ». Ainsi, dans le cadre de ce dispositif transitoire, en 2004, la moitié environ des sénateurs sera encore élue pour neuf ans : une transition plus rapide aurait exigé que certains sénateurs soient élus pour trois ans. 2. En 2007, également à titre de mesure transitoire, la série A sera élue pour six ans. Il s'agira du dernier renouvellement par tiers. 3. En 2010 commencera le régime permanent : la série 1 sera alors élue pour six ans. La série 2 sera élue pour six ans en 2013 et ainsi de suite. Le 1er octobre dernier, lors de la séance publique ouvrant la session parlementaire, le tirage au sort a permis de fixer la durée du mandat des sénateurs des sections de la série C. Les sénateurs élus dans les vingt départements du Bas-Rhin à l'Yonne, hors la Seine-et-Marne, seront les derniers à bénéficier d'une durée de mandat de neuf ans. Ceux élus dans les départements de l'Île-de-France, à la Guadeloupe et à la Martinique, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon seront en revanche élus pour six ans dès le renouvellement partiel du 26 septembre 2004. Le présent article en tire les conséquences et actualise le tableau n° 5 en tenant compte des sièges supplémentaires prévus en 2003. La future série 1 sera composée de l'ancienne série B et des sièges des sénateurs de l'ancienne série C élus dans les départements de l'Île-de-France, des Antilles, ainsi qu'à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Elle comprendra 170 sièges en 2010. La future série 2 sera composée de l'ancienne série A et des sièges des sénateurs élus dans les départements du Bas-Rhin à l'Yonne sauf la Seine-et-Marne, soit 176 sièges à compter de 2013. Enfin, à titre dérogatoire, ce n'est qu'à l'issue de ce renouvellement partiel de 2004 que le bureau du Sénat fixera par tirage au sort à six ans la durée du mandat de deux des quatre sénateurs concernés et à neuf ans celle des deux autres. Ils ne peuvent en effet être distingués que nominativement, n'étant pas rattachés à une circonscription territoriale. La Commission a adopté l'article premier sans modification. TITRE II Le titre II de la présente proposition de loi, sans procéder à une modernisation complète du livre deuxième du code électoral, intitulé « Élections des sénateurs des départements », lui apporte quelques mises à jour et améliorations techniques, complétées par des dispositions finales d'actualisation et de coordination. Il convient de rappeler que, conformément à l'article L. 280 du code électoral, les sénateurs sont élus, dans chaque département, au suffrage universel indirect par un collège électoral constitué : - des députés du département ; - des conseillers régionaux de la section départementale correspondante, - des conseillers généraux du département ; - des délégués des conseils municipaux ou des suppléants de ces délégués. S'agissant de cette dernière catégorie, de loin la plus nombreuse, leurs règles de désignation sont prévues aux articles L. 283 à L. 293 du même code. Le nombre des délégués des conseils municipaux dépend de l'effectif du conseil municipal, lui-même fonction de la population de la commune. Trois « strates » sont distinguées, dont les bornes se situent à 9 000 et à 30 000 habitants. Dans les communes de moins de 9 000 habitants, le nombre des délégués est inférieur à l'effectif des conseils municipaux et s'échelonne entre un et 15 délégués. Ces communes, qui rassemblent un peu moins de la moitié de la population, désignent les deux tiers des délégués des conseils municipaux. Dans les communes de 9 000 à 30 000 habitants, tous les conseillers municipaux sont délégués de droit de leur conseil municipal au collège électoral sénatorial, soit 29 à 39 délégués par commune, pour un effectif total représentant plus de 16 % des délégués des communes. Dans les communes de plus de 30 000 habitants, les conseillers sont délégués de droit, et les conseils municipaux élisent en outre des délégués supplémentaires, à raison de 1 pour 1 000 habitants en sus de 30 000. Ces quelque 250 communes, fortes de 32 % de la population, désignent environ 17 % des délégués des communes. Article 2 Cet article tend à autoriser, au sein du collège électoral sénatorial, le vote par procuration des députés, des conseillers régionaux, des conseillers à l'Assemblée de Corse et des conseillers généraux. Ce dispositif de bon sens est justifié à un triple titre : - le vote aux élections sénatoriales est obligatoire, sous peine des amendes prévues aux articles L. 318 et L. 447, que l'article 11 de la présente proposition de loi propose de réévaluer ; - en cas d'empêchement, les délégués des conseils municipaux disposent, eux, de suppléants élus en même temps qu'eux (selon les modalités prévues aux articles 288 et 289 du code électoral). Curieusement, le vote par procuration est possible pour élire ces délégués eux-mêmes et leurs suppléants ; - le vote par procuration est déjà admis pour l'élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France, ainsi que, à titre exceptionnel, pour celle des sénateurs de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna, au bénéfice des députés, membres des assemblées de province, de l'assemblée de la Polynésie française et de l'assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna absents le jour de l'élection sénatoriale. Dans l'esprit général d'assouplissement du vote par procuration, le présent article étend cette faculté à des catégories d'électeurs dépourvus de suppléant, en cas d'empêchement majeur, sur demande écrite et au profit d'un membre du collège sénatorial ne disposant pas d'une autre procuration. Même si un encadrement aussi strict n'avait pas été prévu, il est probable cette faculté serait en tout état de cause peu utilisée, s'agissant d'élus généralement très soucieux d'être présents en personne lors du scrutin. La Commission a adopté cet article sans modification.
Afin d'harmoniser la durée de la campagne électorale avec la date de désignation des délégués des conseils municipaux, le présent article anticipe cette désignation. Ces délégués seraient désignés au moins six semaines avant l'élection sénatoriale, au lieu de trois. Sont concernées les communes de moins de 9 000 habitants, dont les délégués sont moins nombreux que les conseillers municipaux, ainsi que les communes de plus de 30 000 habitants, qui désignent des délégués supplémentaires. · Il convient de rappeler que les sénateurs sont élus avant l'ouverture de la session ordinaire d'octobre, en pratique le dernier dimanche de septembre. En 2004, le renouvellement partiel est ainsi fixé au dimanche 26 septembre. L'article L. 283 du code électoral précise qu'un intervalle de trois semaines au moins doit séparer l'élection des délégués des conseils municipaux (et de leurs suppléants) de celle des sénateurs. Mais la commission des Lois du Sénat a proposé de doubler ce délai, en faisant valoir que, depuis la modification de l'article L. 306 par la loi du 10 juillet 2000, « les réunions électorales pour l'élection des sénateurs peuvent être tenues au cours des six semaines qui précèdent le jour du scrutin ». Il lui a paru regrettable que les délégués des petites communes soient, de ce fait, tenus à l'écart des réunions durant trois semaines sur six. Rappelons qu'il faut justifier de sa qualité de « grand électeur » pour pouvoir assister à ces réunions. De plus, les intéressés sont fort nombreux : à eux seuls, les délégués des communes de moins de 9 000 habitants représentent quelque 90 000 personnes pour toute la France, soit les deux tiers des délégués des communes. Sont également concernés les délégués supplémentaires des communes de plus de 30 000 habitants (à raison d'un pour 1 000 habitants en sus de 30 000). Il paraît pleinement justifié de leur ouvrir l'accès aux premières réunions électorales, au même titre qu'aux députés, conseillers généraux, conseillers régionaux, conseillers à l'Assemblée de Corse, ainsi qu'aux conseillers municipaux des communes de 9 000 habitants et plus, qui sont de droit électeurs sénatoriaux. · Le délai d'élection des délégués serait donc mis en cohérence avec la durée de six semaines des réunions électorales. Cette modification du « compte à rebours » des opérations préparatoires à l'élection a toutefois des conséquences pratiques qu'il convient d'identifier. Elle suppose en réalité une désignation des délégués dès les mois de juin ou de juillet, comme le reconnaît le sénateur Patrice Gélard, rapporteur du Sénat : des élections en août se heurteraient en effet à des obstacles pratiques. Le décret de convocation des « grands électeurs », qui fixe la date d'élection des délégués, est donc prévisible dès mai ou juin. Par ailleurs, le tableau des électeurs sénatoriaux sera établi beaucoup plus tôt, pour les besoins de la campagne électorale : sans doute avant la mi-juillet. Or les divers événements susceptibles de modifier le collège des électeurs sénatoriaux (décès, démissions, empêchements graves) en seront d'autant plus nombreux. Par conséquent, le jour du scrutin, les risques de discordance seront plus grands que jamais entre la liste d'émargement et les personnes prenant effectivement part au vote : électeurs, suppléants, mandataires munis de procuration. Cette situation impose une vigilance particulière pour conjurer les risques contentieux. Le corps électoral sénatorial étant peu nombreux, les écarts de voix peuvent être minimes. Or, le Conseil constitutionnel a récemment mis en oeuvre une jurisprudence rigoureuse, en annulant une élection sénatoriale partielle acquise à une voix de majorité, au motif d'un contrôle insuffisant exercé par le bureau sur la validité de la présence ou du remplacement des délégués autorisés à participer au scrutin (n° 2002-2809, 19 décembre 2002 - Sénat, Haute-Saône, M. Yves Krattinger). Afin de limiter les risques de contestation, il est donc important que les responsables des bureaux de vote et les « grands électeurs » soient appelés à un strict respect du formalisme de l'élection. Le rappel du considérant unique de la décision précitée pourra utilement être soumis à leur réflexion : « Considérant que M. Krattinger soutient, sans être contredit, que plusieurs délégués suppléants qui n'étaient pas inscrits sur la liste d'émargement ont été admis à voter en remplacement des délégués de conseils municipaux, sans présenter de justificatifs attestant l'empêchement de ceux-ci ; qu'en l'absence d'annexion au procès-verbal de documents permettant au juge de l'élection d'exercer son contrôle, et compte tenu de l'écart d'une seule voix séparant, au second tour de scrutin, le nombre de suffrages recueillis par M. Krattinger de ceux recueillis par le candidat déclaré élu, il y a lieu d'annuler les opérations électorales contestées ». La Commission a adopté cet article sans modification.
Cet article a pour objet de mettre l'article L. 284 du code électoral en accord avec la pratique usuelle en précisant que, dans les communes de moins de 9 000 habitants, les délégués des conseils municipaux aux élections sénatoriales sont élus en leur sein. Cette précision est pleinement conforme avec la vocation du collège électoral sénatorial qui est d'assurer la représentation des collectivités territoriales de la République. À cet effet, le Conseil constitutionnel a jugé dans sa décision n° 2000-431 DC du 6 juillet 2000 que le collège électoral doit être « l'émanation de ces collectivités » (6). La Commission a adopté cet article sans modification. Article 5 L'article L. 285 du code électoral comporte encore une référence aux « communes de la Seine », qui n'a plus lieu d'être depuis le 1er janvier 1968, date d'entrée en application du décret du 25 février 1965 pris pour l'application de la loi n° 64-707 du 10 juillet 1964 portant réorganisation de la région parisienne. La suppression de cette mention confirmerait l'application du droit commun pour la désignation des délégués des communes de plus de 9 000 habitants de la « petite couronne ». La Commission a adopté cet article sans modification. Article 6 Cet article complète l'article L. 286 du code électoral en vue de permettre, dans les communes de moins de 3 500 habitants, l'élection des suppléants des délégués des conseils municipaux parmi les électeurs inscrits sur les listes électorales de la commune lorsque le nombre de délégués et de leurs suppléants est supérieur au nombre des conseillers municipaux. Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 286 du code électoral dispose : « le nombre de suppléants est de trois quand le nombre de titulaires est égal ou inférieur à cinq » (ce qui concerne les communes de moins de 2 500 habitants). « Il est augmenté d'un par cinq délégués titulaires ou fraction de cinq ». Il pose en outre le principe de l'élection des suppléants au sein du conseil municipal des communes de moins de 3 500 habitants, alors même que cette obligation ne s'applique pas à l'élection des délégués. Le présent article 6 propose un assouplissement de cette règle applicable aux plus petites communes. Il prévoit que, lorsque le nombre de délégués du conseil municipal et de leurs suppléants est supérieur au nombre des conseillers municipaux, les suppléants peuvent être élus parmi les électeurs inscrits sur les listes électorales de la commune. Cette dérogation limitée à la désignation des suppléants respecte l'exigence figurant dans la décision n° 2000-431 dc du 6 juillet 2000 du Conseil constitutionnel : celui-ci avait considéré qu'il résultait des dispositions de l'article 24 de la constitution que « le Sénat doit, dans la mesure où il assure la représentation des collectivités territoriales de la République, être élu par un corps électoral qui est lui-même l'émanation de ces collectivités ; que, par suite, ce corps électoral doit être essentiellement composé des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ... ». La Commission a adopté cet article sans modification. Article 7 Cet article étend aux membres du conseil consultatif d'une commune associée le mode de remplacement actuellement prévu au cas où un « grand électeur » serait par ailleurs délégué de droit comme conseiller municipal. Il remédie ainsi, à juste titre, à une situation de vide juridique. La Commission a adopté cet article sans modification. Article 8 Le présent article modifie l'article L. 300 du code électoral afin d'empêcher le retrait unilatéral d'un membre d'une liste de candidats, avant l'expiration du délai de dépôt des déclarations de candidatures pour les élections sénatoriales se déroulant à la représentation proportionnelle. Sont donc concernés les départements où sont élus quatre sénateurs ou plus. Actuellement, ce retrait peut entraîner celui de la totalité de la liste : s'il intervient à la dernière minute, il peut mettre les autres candidats dans l'impossibilité matérielle de redéposer une liste complète. Le dispositif proposé est destiné à éviter les manœuvres de certains colistiers. Il est inspiré d'une proposition de loi du sénateur Jean-Louis Masson (7), qui prévoit l'obligation d'une déclaration collective de la liste par son mandataire. Il conditionne à un accord unanime des membres de la liste tout changement de composition de celle-ci avant la date limite de dépôt des candidatures. La Commission a adopté cet article sans modification. Article 9 Cet article modifie les articles L. 313 et L. 314 du code électoral pour préciser désormais les modalités du vote électronique au moyen de machines à voter lors des élections sénatoriales. Il ouvrirait une simple faculté pour les départements intéressés, parmi ceux où l'élection a lieu à la représentation proportionnelle : l'usage de ces machines est incompatible avec la possibilité de « panachage » des listes de candidats au scrutin majoritaire. Désormais, l'article L. 313 préciserait que dans les départements concernés, des machines à voter agréées dans les conditions fixées à l'article 57-1 du code électoral pourraient être utilisées. Cet article prévoit que les machines à voter doivent : « - comporter un dispositif qui soustrait l'électeur aux regards pendant le vote ; - permettre plusieurs élections de type différent le même jour (...) ; - permettre l'enregistrement d'un vote blanc ; - ne pas permettre l'enregistrement de plus d'un seul suffrage par électeur et par scrutin ; - totaliser le nombre de votants sur un compteur qui peut être lu pendant les opérations de vote ; - totaliser les suffrages obtenus par chaque liste ou chaque candidat ainsi que les votes blancs, sur des compteurs qui ne peuvent être lus qu'après la clôture du scrutin ; - ne pouvoir être utilisée qu'à l'aide de deux clefs différentes, de telle manière que, pendant la durée du scrutin, l'une reste entre les mains du président du bureau de vote et l'autre entre les mains de l'assesseur tiré au sort parmi l'ensemble des assesseurs. » Dans les bureaux de vote concernés, le vote électronique serait entièrement substitué au vote avec bulletins traditionnels : les deux systèmes sont exclusifs l'un de l'autre dans un même bureau. La Commission a adopté cet article sans modification. Article 10 Cet article modifie l'article L. 314-1 du code électoral pour établir la liste d'émargement à partir d'une copie de la liste des électeurs du département et non plus du tableau des électeurs sénatoriaux. · Le tableau, établi par ordre alphabétique, peut être communiqué à qui en fait la demande et être l'objet d'un recours de la part des membres du collège sénatorial du département, devant le tribunal administratif, dans un délai de trois jours suivant sa publication. En cas d'annulation de noms, le maire doit pourvoir aux vacances résultant de la décision. Par ailleurs, postérieurement à l'établissement du tableau, le remplacement des délégués des conseils municipaux peut être rendu nécessaire par suite de maladie, d'empêchement grave ou de décès. Toutefois, le tableau des électeurs sénatoriaux n'est pas modifié en conséquence avant le scrutin. La liste d'émargement(8) risque donc de ne pas être à jour. Cette absence d'actualisation du tableau des électeurs sénatoriaux est porteuse de difficultés pratiques et surtout de risques contentieux, accrus par l'allongement du délai résultant de l'article 3. · Simultanément, quatre jours au plus tard avant le scrutin, le préfet établit, par ordre alphabétique, une liste des électeurs du département comprenant les députés, les conseillers régionaux, les conseilleurs généraux, les délégués des conseils municipaux et leurs suppléants. Cette liste tient compte des remplacements éventuels et comporte les noms des seules personnes devant participer au scrutin : ainsi, les noms des délégués titulaires qui ont demandé à être suppléés n'y figurent pas, tout comme ceux des suppléants qui n'ont pas été amenés à remplacer des titulaires. La liste des électeurs sénatoriaux constituerait ainsi, pour les membres du bureau de vote, un document pertinent et plus actualisé que le tableau des électeurs sénatoriaux. Le présent article tend donc à opérer la substitution. Bien entendu, cette modification bienvenue ne remettrait pas en cause le droit au recours ouvert aux membres du collège électoral sénatorial à l'encontre du tableau. La Commission a adopté cet article sans modification. Article 11 Cet article tend à modifier les articles L. 318 et L. 447 du code électoral en vue de fixer à 100 euros ou 12 110 francs cfp le montant de l'amende infligée aux électeurs n'ayant pas pris part au scrutin. Le Sénat étant élu au suffrage universel indirect afin de participer à l'exercice de la souveraineté et d'assurer son rôle constitutionnel de représentant des collectivités territoriales, les membres du collège électoral sénatorial ont le devoir d'élire les sénateurs. Les électeurs sénatoriaux bénéficient d'indemnités à ce titre (9). La Commission a adopté cet article sans modification. Article 12 Le présent article prévoit les dispositions de coordination avec les dispositions de l'article 8 de la loi organique du 30 juillet 2003, qui a prévu que Mayotte, dont la population a dépassé 160 000 habitants, sera représenté par deux sénateurs à compter du renouvellement partiel de 2004. La Commission a adopté cet article sans modification. Article 13 Cet article insère à l'article L. 439 du code électoral un renvoi au titre VI du livre II du même code, afin de rendre applicables les dispositions pénales de droit commun aux sénateurs de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et des îles Wallis-et-Futuna. L'article L. 439 actuel du code électoral est issu de l'ordonnance n° 2000-350 du 19 avril 2000 portant actualisation et adaptation du droit électoral applicable outre-mer. Modifié par la loi du 10 juillet 2000, il rend applicables par renvoi les dispositions du titre III et des chapitres Ier à VII du titre IV du livre II du code électoral relatif à l'élection des sénateurs (excepté l'article L. 301), ainsi que les articles L. 385 et L. 387 du même code à l'élection des sénateurs de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et des îles Wallis-et-Futuna. Toutefois, la codification de 2000 a omis d'étendre à l'élection de ces sénateurs les dispositions pénales de droit commun, inscrites à l'article L. 327 qui prévoit l'application aux élections sénatoriales des articles L. 106 à L. 110 et L. 113 à L. 117 du même code. Ces dispositions ont pour objet de protéger la sincérité et le secret du vote, et de sanctionner les atteintes à la législation sur le financement des campagnes électorales. Leur application s'impose et ne nécessite pas de dispositions spécifiques d'adaptation. La Commission a adopté cet article sans modification. * * * La Commission a ensuite adopté l'ensemble de la proposition de loi dans le texte du Sénat. * * * En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République vous demande d'adopter sans modification la proposition de loi (n° 1422) actualisant le tableau de répartition des sièges des sénateurs et certaines modalités de l'organisation de l'élection des sénateurs. ___
------------- N° 1536 - Rapport sur la proposition de loi actualisant le tableau de répartition des sièges des sénateurs et les modalités de l'organisation de l'élection des sénateurs (Sénat, 1ère lecture) (M. Jacques-Alain Bénisti) 1 () Loi organique n° 2003-696 du 30 juillet 2003 portant réforme de la durée du mandat et de l'âge d'éligibilité des sénateurs ainsi que de la composition du Sénat ; loi n° 2003-697 du 30 juillet 2003 portant réforme de l'élection des sénateurs. Ces deux lois procédaient de deux propositions de lois dont le président du Sénat était le premier signataire. Elles ont été adoptées en termes conformes par l'Assemblée nationale en première lecture, suivant son usage traditionnel de retenue d'une assemblée à l'égard des textes propres à l'autre assemblée. 2 () Décision n° 2000-431 DC du 6 juillet 2000, considérant 10. 3 () Décision du Conseil constitutionnel n° 86-218 DC du 18 novembre 1986 sur la loi relative à la délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés. 4 () Décision n° 2003-475 DC du 24 juillet 2003 sur la loi portant réforme de l'élection des sénateurs, considérant 7. 5 () Les trois premiers paragraphes de cet article 2 sont ainsi rédigés : « I. - La série 1 est composée des sièges de l'ancienne série B et des sièges des sénateurs de l'ancienne série C dont la durée du mandat a été fixée pour le renouvellement partiel de 2004 à six ans. La série 2 est composée des sièges de l'ancienne série A et des sièges des sénateurs de l'ancienne série C dont la durée du mandat a été fixée pour le renouvellement partiel de 2004 à neuf ans. II. - Une loi votée avant le renouvellement partiel de 2004 mettra à jour le tableau n° 5 annexé au code électoral à la suite du découpage des séries 1 et 2 par tirage au sort. III. - Les dispositions du I entreront en vigueur à compter du renouvellement partiel de 2010. » 6 () Décision n° 2000-431 DC sur la loi relative à l'élection des sénateurs, considérant 5. 7 () Proposition de loi n° 394 (2001-2002) relative aux modalités de retrait des listes de candidats aux élections sénatoriales. 8 () Cette liste est divisée par le préfet, au plus tard la veille du scrutin, en suivant l'ordre alphabétique, en sections de vote comprenant au moins cent électeurs. En principe, lors du scrutin, une salle est mise à disposition de chaque section. Par ailleurs, la liste d'émargement constate le vote de chaque électeur, dont la signature est apposée à l'encre en face de son nom 9 () Les électeurs ayant pris part au scrutin bénéficient d'une indemnité représentative de frais (environ 12,50 euros en 2001 pour les départements de métropole) et du remboursement de leurs frais de transport, à l'occasion de leur déplacement au chef-lieu de département. En sont exclus, d'une part, les électeurs de droit, qui perçoivent une indemnité annuelle liée à leur mandat, d'autre part, les électeurs ayant leur domicile au chef-lieu du département. © Assemblée nationale |