Document mis en distribution le 28 septembre 2004 N° 1827 -- ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 septembre 2004. RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (N° 1732) portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. PAR M. Pascal CLÉMENT, Député. -- INTRODUCTION 5 I. - L'ÉTAT DES LIEUX DE LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS : UN ARSENAL JURIDIQUE IMPORTANT MAIS PEU APPLIQUÉ 6 A. DES TEXTES ABONDANTS 6 1. Le droit international 6 a) Les Nations unies 6 b) Les organisations européennes 7 2. Le droit français 8 B. L'ABSENCE D'ORGANISME INDÉPENDANT CHARGÉ DE LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS 10 1. Des structures administratives dispersées 10 2. L'absence de suites judiciaires 11 II. - LES PROPOSITIONS DU GOUVERNEMENT : LA CRÉATION D'UNE AUTORITÉ ADMINISTRATIVE INDÉPENDANTE ET LE RENFORCEMENT DE LA LÉGISLATION RELATIVE AUX DISCRIMINATIONS RACIALES 12 A. L'INSTITUTION DE LA HAUTE AUTORITÉ DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS ET POUR L'ÉGALITÉ 12 B. LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE EUROPÉENNE DU 29 JUIN 2000 14 DISCUSSION GÉNÉRALE 15 EXAMEN DES ARTICLES 17 TITRE 1ER - DE LA HAUTE AUTORITÉ DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS ET POUR L'ÉGALITÉ 17 Article premier : Statut et compétence 17 Article 2 : Composition 20 Article 3 : Saisine 22 Article 4 : Recueil d'informations auprès de personnes privées 22 Article 5 : Concours de la puissance publique 24 Article 6 : Médiation 24 Article 7 : Vérifications sur place 25 Article 8 : Mise en demeure et saisine du juge des référés 26 Article 9 : Secret professionnel 27 Article 10 : Recommandations 28 Article 11 : Rapports avec l'autorité judiciaire 29 Article 12 : Présentation d'observations devant les juridictions 30 Article 13 : Information des autorités publiques détentrices du pouvoir disciplinaire 31 Article 14 : Actions de promotion de l'égalité, études et propositions de modification de la législation ou de la réglementation 31 Article 15 : Rapport annuel 32 Article 16 : Budget et comptes 32 TITRE II - MISE EN œUVRE DU PRINCIPE DE L'ÉGALITÉ DE TRAITEMENT ENTRE LES PERSONNES SANS DISTINCTION DE RACE OU D'ORIGINE ETHNIQUE ET PORTANT TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE N° 2000/43 DU 29 JUIN 2000 34 Article 17 : Transposition de la directive n° 2000/43 du 29 juin 2000 34 TITRE III - DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES 35 Article 18 : Entrée en vigueur et dispositions transitoires 35 Article 19 (article 9 de la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations) : Suppression du service d'accueil téléphonique des victimes de discriminations raciales 36 Article 20 : Application outre-mer 37 TABLEAU COMPARATIF 39 ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 45 ANNEXE : Les expériences étrangères 53 La cohésion de notre société repose sur le principe d'égalité qui fonde notre droit. Ce principe trouve sa source dans des valeurs de tolérance qui imposent le respect des origines, de l'identité et des choix de vie de chacun. Souvent cité en exemple, le modèle français d'égalité n'est pas à l'abri de toute critique : nos concitoyens s'estiment encore victimes de discriminations qui, malgré des textes toujours plus nombreux, sont rarement sanctionnées. Par plusieurs accords internationaux, la France s'est engagée à créer un organe indépendant, spécifiquement chargé de lutter contre les discriminations. En l'état actuel du droit, cet engagement n'est pas respecté. À la différence des ressortissants de plusieurs pays européens, nos concitoyens ne peuvent pas défendre leurs droits en faisant appel à une instance capable de les aider devant les pratiques discriminatoires dont ils peuvent être l'objet. Le Président de la République a chargé le Gouvernement de mettre en place une autorité administrative indépendante chargée de combattre toutes les formes de discriminations, et le Premier ministre a confié, en juin 2003, à M. Bernard Stasi une mission de préfiguration de cette nouvelle instance. Le présent projet de loi est issu du rapport que M. Stasi a remis en février dernier. En instituant la Haute autorité de lutte contre les discriminations, il crée, au service de tous, l'instrument de promotion de l'égalité qui nous fait aujourd'hui défaut. I. - L'ÉTAT DES LIEUX DE LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS : UN ARSENAL JURIDIQUE IMPORTANT MAIS PEU APPLIQUÉ Malgré un arsenal juridique très riche, la France ne dispose pas d'un organisme indépendant chargé de lutter contre les discriminations. La lutte contre les discriminations est une préoccupation majeure des organisations internationales. En réaction aux crimes commis lors de la seconde guerre mondiale, l'Organisation des Nations unies a, dès sa création, adopté des conventions prohibant les discriminations. Ainsi, la Charte internationale des droits de l'homme (1948), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966) et celui relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966) prohibent les discriminations fondées sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l'opinion, l'origine nationale ou sociale, la fortune ou la naissance. Ces textes ont été complétés par deux instruments spécifiquement consacrés aux discriminations : la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (1965) et celle sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (1979). Afin de former un corpus juridique cohérent, le principe de non-discrimination a été repris dans d'autres textes. Des conventions ont ainsi été conclues en matière de protection des droits de l'enfant (1989), des travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990) ou des droits et de la dignité des handicapés (2001). En outre, trois conventions de l'Organisation internationale du travail portent sur la discrimination en matière d'emploi et de profession (1958), d'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes (1951) et de réadaptation professionnelle et d'emploi des personnes handicapées (1983). L'Organisation des Nations unies dispose d'institutions spécialement chargées de promouvoir l'égalité. Le Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme est chargé de promouvoir et de protéger les droits de l'homme et de coordonner les activités de l'ONU en ce domaine. Le Centre pour les droits de l'homme, qui relève du secrétariat général de l'ONU, a pour mission d'appliquer la politique proposée par le Haut Commissaire. S'y ajoutent diverses institutions de suivi de l'application des traités : - la Commission des droits de l'homme comprend une sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme, chargée notamment de la lutte contre les discriminations et de la protection des minorités ; - le Comité des droits de l'homme examine les rapports des États sur l'application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il est habilité à traiter les réclamations de particuliers qui peuvent le saisir après épuisement des voies de recours internes. En 1997, il a recommandé à la France de créer un « mécanisme institutionnel pour recevoir et traiter les plaintes relatives aux droits de l'homme incluant toutes formes de discriminations (...) agissant comme médiateur entre les parties et pouvant attribuer des compensations » ; - le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale veille à la mise en œuvre par les États de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Il peut recevoir des plaintes individuelles, après épuisement des voies de recours nationales. En cas de manquement, il établit un rapport qui est soumis à l'État concerné afin que celui-ci remédie à la situation : - pour sa part, le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes veille à l'application par les États de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes dans les domaines économique, social, culturel, civil et politique. b) Les organisations européennes L'action des Nations unies a été relayée par la Communauté européenne et le Conseil de l'Europe. L'article 13 du traité instituant la Communauté européenne habilite le Conseil européen, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, à « prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle ». Par ailleurs, l'article 6 du traité sur l'Union européenne précise que celle-ci respecte les droits fondamentaux garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, laquelle comporte, en son article 14, des stipulations proscrivant les discriminations. D'abord centrée sur la question de l'égalité entre les hommes et les femmes dans le monde du travail, la législation communautaire dérivée des traités a été étendue à d'autres critères de discrimination et à d'autres domaines de la vie économique et sociale. Trois directives intègrent et consolident les principes dégagés par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (1): - la directive n° 2000/78 du 27 novembre 2000 relative à l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ; - la directive n° 6/207/CEE du 9 février 1976, modifiée par la directive n° 2002/73/CE du 23 septembre 2002 relative à l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles et les conditions de travail ; - la directive n° 2000/43/CE du 29 juin 2000 relative à l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique comporte des dispositions similaires. Ces textes couvrent l'ensemble des critères de discrimination énoncés à l'article 13 du traité instituant la Communauté européenne. Ils prévoient un aménagement de la charge de la preuve au profit du plaignant, lorsque sont établis des faits permettant de présumer l'existence d'une discrimination. En outre, ils prescrivent la création d'un ou plusieurs organismes chargés de promouvoir, d'analyser, de surveiller et de soutenir l'égalité de traitement. Ces organismes doivent pouvoir « apporter aux personnes victimes d'une discrimination une aide indépendante pour engager une procédure pour discrimination (...) conduire des études indépendantes (..) publier des rapports indépendants (...) et émettre des recommandations sur toutes les questions liées aux discriminations » (articles 13 de la directive du 29 juin 2000 et 8 bis de la directive du 23 septembre 2002). S'agissant du Conseil de l'Europe, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 prohibe les distinctions fondées sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation au regard des droits et des libertés qu'elle garantit. Le respect de cette convention est assuré par la Cour européenne des droits de l'homme (cedh). Les particuliers ou les organisations non gouvernementales peuvent saisir la Cour dans les six mois qui suivent l'épuisement des voies de recours internes. La jurisprudence de la cedh a exercé une influence notable sur le droit des discriminations. À titre d'exemple, elle a jugé que la différence de traitement prévue par la loi à l'égard des enfants nés hors mariage méconnaissait le droit au respect de la vie familiale (2), ou que la répression pénale de l'homosexualité portait atteinte au droit au respect de la vie privée, garanti de la Convention (3). En droit français, la promotion de l'égalité trouve sa source dans les textes constitutionnels : - les articles 1er et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 pose les principes d'égalité des droits et d'égal accès aux emplois publics ; - le préambule de la Constitution de 1946 proclame que tout être humain possède des droits « sans distinction de race, de religion, ni de croyance » et consacre le principe d'égalité entre les hommes et les femmes ; - l'article 1er de la Constitution de 1958 énonce que la France assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Le Conseil constitutionnel veille au respect par le législateur du principe d'égalité dans l'accès aux droits sociaux. Il a, par exemple, déclaré non conforme à la Constitution l'exclusion des étrangers résidant régulièrement en France du bénéfice de l'allocation supplémentaire du Fonds national de solidarité (4). Afin de sanctionner les pratiques discriminatoires dans l'accès aux biens et aux services, l'emploi ou l'exercice d'une activité économique, ainsi que dans les services publics, le législateur a pris de nombreuses dispositions répressives, en définissant, pour chaque infraction, les critères de discrimination et les comportements répréhensibles. Ainsi, la section première, intitulée « Des discriminations », du chapitre 5 du titre deuxième du livre II du code pénal traite des discriminations dans l'exercice d'une activité économique, l'emploi et la fourniture de biens ou services. L'arsenal pénal en faveur de la lutte contre les discriminations a été enrichi par trois lois récentes : - la loi n° 2003-88 du 3 février 2003 visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe a créé une nouvelle circonstance aggravante pour un certain nombre d'atteintes aux biens ou aux personnes ; - la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 sur la sécurité intérieure prévoit expressément la possibilité de retenir une nouvelle circonstance aggravante lorsqu'un crime ou un délit est commis à raison de l'orientation sexuelle de la victime. Cette circonstance est constituée lorsque l'infraction est précédée, accompagnée ou suivie de propos, écrits, utilisation d'images ou d'objets de toute nature portant atteinte à l'honneur ou à la considération de la victime à raison de son orientation sexuelle vraie ou supposée ; - la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a élargi aux menaces, vol et extorsion la liste des infractions pour lesquelles la circonstance aggravante à caractère raciste ou antisémite peut être retenue. Souvent destinées à transposer la réglementation communautaire en droit interne, des dispositions non pénales rappellent le principe de non-discrimination, et édictent des obligations ou accordent des droits afin d'en assurer le respect : - le chapitre II du titre II du livre premier du code du travail comprend une section VII, intitulée « Des discriminations », et le chapitre III du même code est consacré à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Ces dispositions posent le principe qu'aucun salarié ne peut être écarté d'un recrutement ou d'une formation, être licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, dans sa vie professionnelle à raison de critères qui sont énumérés. Elles interdisent qu'un salarié soit sanctionné, licencié ou fasse l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné de tels agissements ou pour les avoir relatés ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires interdit les distinctions entre hommes et femmes (sauf pour des recrutements distincts et compte tenu d'éventuelles inaptitudes physiques à exercer certaines fonctions). Réserve faite des exceptions liées à l'âge ou aux inaptitudes physiques, elle prohibe, sous menace de sanction disciplinaire, d'opérer une quelconque distinction, directe ou indirecte, entre les fonctionnaires selon des critères discriminatoires. Elle interdit aussi de prendre en considération le fait qu'un fonctionnaire ait témoigné de tels agissements, les ait relatés, ait formulé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire respecter le principe de non-discrimination, pour prendre à son égard une mesure concernant le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ; - la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs interdit de refuser, de façon directe ou indirecte, l'accès au logement locatif principal pour des motifs discriminatoires, et comporte plusieurs dispositions favorables aux victimes de discriminations ou susceptibles d'en être l'objet, notamment l'aménagement de la charge de la preuve lorsque des éléments de fait laissent supposer l'existence d'une discrimination. B. L'ABSENCE D'ORGANISME INDÉPENDANT CHARGÉ DE LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS À la différence de plusieurs de ses voisins européens (cf. la présentation des expériences étrangères figurant en annexe), la France n'a pas constitué d'organisme indépendant, chargé de lutter contre les discriminations. Elle ne se conforme donc pas aux directives européennes du 29 juin 2000 et du 23 septembre 2002 précitées qui font obligation aux États membres de se doter d'un tel organisme. La promotion de l'égalité repose actuellement sur des structures administratives dispersées, et peu de discriminations sont portées devant les juridictions. 1. Des structures administratives dispersées Passant en revue les différentes administrations chargées de lutter contre les discriminations, la mission Stasi conclut que celles-ci « se sont multipliées au fil des ans selon une logique de spécialisation sans préoccupation, du moins jusqu'à récemment, de coordination ou de rationalisation de leurs interventions ». Force en effet est de constater que les services de l'État agissent, en matière de promotion de l'égalité, en ordre dispersé. Pas moins de cinq départements ministériels sont concernés, et, au sein de chacun de ces départements, plusieurs directions ou établissements sont compétents : - l'intégration des populations d'origine étrangère est partagée, au sein du ministère chargé des affaires sociales, entre la direction de la population et des migrations et le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (fasild) qui est établissement public administratif ; - l'égalité vis-à-vis des personnes handicapées dépend de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, du délégué interministériel aux personnes handicapées et de la direction générale de l'action sociale ; - l'égalité dans l'accès aux soins est de la compétence de la direction générale de la santé ; - la direction de la modernisation et de l'action territoriale du ministère de l'intérieur a en charge les commissions départementales d'accès à la citoyenneté, et met en œuvre des plans départementaux de lutte contre les discriminations raciales ; - au sein du ministère de la justice, la lutte contre les discriminations dépend de la direction des affaires civiles et du sceau et de la direction des affaires criminelles et des grâces ; - enfin, le ministère de l'éducation nationale comprend ses propres structures, notamment le médiateur de l'Éducation nationale. En 1999, le Gouvernement a créé, sous la forme d'un groupement d'intérêt public, le Groupe d'études et de lutte contre les discriminations (geld). D'abord chargé d'une mission d'observation des discriminations raciales, le geld a mis en place un service d'accueil téléphonique (le « 114 »). Sous l'autorité des préfets, des commissions départementales d'accès à la citoyenneté (codac) ont été installées, afin d'assurer le traitement et le suivi des cas signalés et d'apporter un soutien aux victimes. La mission Stasi a estimé que les résultats du « 114 » et des codac n'ont pas été à la hauteur des objectifs qui leur avaient été assignés : « la plupart des signalements transmis aux parquets ont abouti à des décisions de classement et l'espoir d'établir au niveau local, grâce aux codac, un partenariat entre les administrations, la justice et les représentants de la société civile pour traiter les réclamations, ne s'est pas concrétisé ». 2. L'absence de suites judiciaires À la différence des ressortissants d'autres pays comme le Royaume Uni, les victimes de discriminations résidant en France privilégient le contentieux pénal. Néanmoins, sauf en matière de discriminations raciales, le juge pénal est rarement saisi. Notamment, le recours à la justice répressive pour des pratiques discriminatoires touchant les handicapés reste exceptionnel. Le juge civil est essentiellement saisi de discriminations sexistes ou syndicales dans le domaine de l'emploi. Notamment, depuis 1987, les chambres sociale ou civile de la Cour de cassation n'ont pris qu'une douzaine de décisions sur des affaires de discriminations raciales. Le contentieux administratif est ancien (5) et limité au droit de la fonction publique, même si la jurisprudence du Conseil d'État a été récemment enrichie par des décisions de principe sur l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes (6) ou sur la remise en cause de la « cristallisation » des pensions des anciens combattants de nationalité étrangère (7). Quelle que soit la juridiction compétente, les recours sont peu fréquents et rarement couronnés de succès. Deux explications peuvent être avancées : - le rapport de forces entre les parties est inégal : comme le note le rapport Stasi, la victime est la plupart du temps une personne physique disposant de ressources modestes, et les auteurs de discriminations peuvent être des bailleurs, des prestataires de services ou des employeurs qui ne sont pas dénués de moyens de pression ou de rétorsion à l'égard du plaignant, en particulier lorsqu'il s'agit d'un salarié. Les entreprises peuvent considérer le procès comme un aléa normal de leur activité, traité dans la durée par leurs services juridiques, alors que la victime agit dans une certaine urgence et s'expose à un risque de représailles, auquel s'ajoute la charge financière des frais de justice ; - le rapport Stasi considère que la difficulté principale à laquelle se heurte la victime repose dans le fait qu'elle ne dispose pas des pièces permettant de prouver la discrimination alléguée, généralement détenues par la personne mise en cause. Certes, la victime peut présenter des demandes de mesures d'instruction au juge civil, mais celles-ci ne sont que rarement satisfaites. Par ailleurs, les parquets sont peu enclins à s'investir dans ce contentieux difficile, tandis que l'expertise juridique des questions de discrimination n'est répandue ni au sein de l'institution judiciaire, ni au sein des corps, notamment de police et de gendarmerie, exerçant des missions de police judiciaire. II. - LES PROPOSITIONS DU GOUVERNEMENT : LA CRÉATION D'UNE AUTORITÉ ADMINISTRATIVE INDÉPENDANTE ET LE RENFORCEMENT DE LA LÉGISLATION RELATIVE AUX DISCRIMINATIONS RACIALES L'essentiel des vingt articles du projet de loi porte sur la création de l'instance indépendante requise par la réglementation communautaire. Ces dispositions sont complétées par la transposition de la directive européenne du 29 juin 2000 qui vient utilement enrichir l'arsenal juridique prévu en matière de discriminations raciales. A. L'INSTITUTION DE LA HAUTE AUTORITÉ DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS ET POUR L'ÉGALITÉ Le titre 1er crée une autorité administrative indépendante chargée d'aider les victimes de discriminations, en fixe la compétence et la composition, et lui donne certains pouvoirs d'investigation. Il précise les rapports que cette nouvelle instance entretiendra avec les juridictions. À la différence du Médiateur de la République ou du Défenseur des enfants, cette nouvelle instance est collégiale, afin d'assurer en son sein le pluralisme des courants de pensée et la pluralité des compétences. Comme le Défenseur des enfants, elle pourra être saisie directement par les victimes, sans passer par les parlementaires. Elle dispose d'une compétence générale, puisqu'elle est habilitée à intervenir pour toute pratique discriminatoire prohibée par un engagement international ou par la loi. Cette nouvelle instance est dotée des moyens d'enquête qui sont, de manière classique, dévolus aux autorités de même nature : elle peut demander des informations à des personnes privées, obliger une autorité publique à lui apporter son concours, procéder à des médiations, faire des recommandations ou transmettre aux autorités publiques détentrices du pouvoir disciplinaire les faits commis par des agents publics. En outre, le projet de loi lui confie une mission générale d'information et d'étude, et la charge de certifier les « bonnes pratiques » professionnelles. Ces dispositions s'inspirent directement des textes régissant les instances chargées de régler des litiges ou d'aider les victimes de pratiques illicites, comme le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants ou la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Néanmoins, trois prérogatives originales complètent les moyens traditionnellement ouverts aux autorités indépendantes : - en premier lieu, la Haute autorité est expressément habilitée à procéder à des enquêtes sur place dans certains locaux, sous réserve de l'accord des personnes intéressées ; - elle pourra également saisir le juge des référés afin d'ordonner que ses demandes d'informations soient suivies d'effet ; - enfin, elle aura la possibilité de présenter à l'audience ses observations. Ces trois prérogatives visent à donner à la nouvelle autorité la capacité de produire auprès des juridictions des éléments de preuve suffisamment étayés. L'obstacle principal auquel se heurtent les victimes de discriminations réside en effet dans l'incapacité à rassembler des preuves permettant d'aller devant le juge avec des chances raisonnables de succès. Toutes ces dispositions devront être utilisées dans le respect de l'indépendance de la justice. Comme toute autorité administrative, la nouvelle instance ne peut pas intervenir dans une procédure judiciaire. Non seulement, en application de l'article 40 du code de procédure pénale, elle a obligation de transmettre au procureur de la République les faits constitutifs d'une infraction pénale, mais elle devra également demander l'accord du juge pour intervenir sur les affaires donnant lieu à une procédure judiciaire. L'indépendance de la Haute autorité est assurée par les dispositions relatives à son budget et à ses comptes. Son président a le pouvoir d'ordonnancer les dépenses et les recettes, et ne sera donc pas placé sous la tutelle budgétaire de son ministère de rattachement. En outre, la nouvelle instance n'est pas soumise au contrôle des dépenses engagées assuré par le ministère chargé des finances. B. LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE EUROPÉENNE DU 29 JUIN 2000 Le titre II ne concerne pas directement la Haute autorité, mais complète l'arsenal juridique en matière de lutte contre les discriminations, en achevant la transposition de la directive n° 2000/43 du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique. Ce texte n'a été transposé que pour une partie de son champ d'application. Il est donc proposé une disposition prévoyant un principe général d'égalité de traitement, applicable dans les domaines visés par la directive, mais non encore couverts par une transposition. Conformément aux prescriptions communautaires, ce principe est assorti d'un aménagement de la charge de la preuve devant les juridictions civiles : la personne qui s'estime victime d'une discrimination raciale devra établir les faits, et non les preuves, qui permettent d'en présumer l'existence, à charge pour la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Après l'exposé du rapporteur, une discussion générale a eu lieu. M. Patrick Bloche a remercié le rapporteur de sa présentation du projet de loi qui s'inscrit dans un contexte plus général, avec l'aggravation récente des sanctions contre les propos discriminatoires, et qui devrait trouver une suite logique dans le projet de loi, attendu depuis un certain temps déjà, destiné à réprimer les propos à caractère sexiste ou homophobe. Tout en déclarant partager les objectifs poursuivis par le projet, il a fait part de ses réserves sur l'avenir d'une Haute autorité qui ne serait dotée d'aucun pouvoir de sanction ou de régulation. Il a ainsi noté que, hormis les trois prérogatives particulières confiées à cet organisme et présentées par le rapporteur, le seul pouvoir dont disposerait la Haute autorité serait de saisir le juge, à charge pour ce dernier d'instruire l'affaire. Rappelant que les victimes de discriminations disposent déjà d'une telle faculté, que ce soit directement ou par le biais d'associations ayant le droit d'ester en justice, il s'est dès lors interrogé sur l'utilité d'un tel organisme, en relevant le contraste qui existait entre les ambitions affichées et le résultat auquel le projet de loi est finalement parvenu. Il a néanmoins fait part de tout l'intérêt qui s'attachait au rôle d'observatoire confié à cette Haute autorité, avec notamment la publication d'un rapport annuel. Il a souhaité que la politique de lutte contre les discriminations soit plus ambitieuse, avec le développement d'un vrai travail sur le terrain, dans le milieu du travail ou les administrations. Il a conclu son propos par deux observations plus techniques : s'agissant de la composition de la Haute autorité, il a regretté son caractère trop institutionnel, à la limite de la caricature, et plaidé pour une véritable participation des associations et des syndicats. Il a convenu qu'il ne fallait pas pour autant tomber dans l'excès inverse qui ferait de la Haute autorité un cénacle militant. Il a également interrogé le rapporteur sur l'appartenance ou non au Parlement des personnalités nommées par les présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale. S'agissant ensuite de l'article 19 du projet de loi, il a regretté que soit supprimé l'article 9 de la loi du 16 novembre 2001 qui instaurait un numéro téléphonique d'urgence pour les victimes de discrimination, numéro dont l'utilité a été soulignée dans le rapport Stasi, même si celui-ci a proposé une évolution du service proposé. Dans l'attente du sort réservé aux amendements qui seront proposés par le groupe socialiste, touchant notamment à la composition de la Haute autorité, il a fait part de l'abstention des commissaires socialistes à ce stade de l'examen du texte. Après avoir précisé que l'article 19 du projet de loi n'entraînerait pas, en pratique, la suppression de la permanence téléphonique existant actuellement qui sera transférée à la Haute autorité, le rapporteur a indiqué que les commissions départementales d'accès à la citoyenneté seront maintenues et auront pour mission de signaler les faits discriminatoires. Loin d'avoir un rôle symbolique, cette autorité pourrait ainsi être submergée de demandes, et M. Bernard Stasi estime à environ quatre-vingts - ce qui paraît au demeurant élevé - le nombre d'agents nécessaires à son fonctionnement. S'agissant de sa composition, le rapporteur a précisé que le Gouvernement avait renoncé à y inclure des représentants du monde associatif en raison de la complexité de la mise en œuvre de telles désignations et il a estimé, pour sa part, que les modalités de composition retenues éviteront que la Haute autorité puisse être considérée comme une institution militante, ce qui porterait atteinte à sa crédibilité. Pour autant, il a souligné que les associations seront naturellement associées à ses travaux. Évoquant ensuite la participation de parlementaires, il a jugé que celle-ci n'était pas interdite par le texte qui ne prévoit d'ailleurs aucun régime d'incompatibilité, mais qu'il n'était pas nécessaire de la rendre systématique, les parlementaires désignés dans certains organismes ne se distinguant pas toujours par une présence assidue. Puis la Commission est passée à l'examen des articles. TITRE 1ER Article premier Cet article institue la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, lui donne le statut d'autorité administrative indépendante et précise sa compétence. La notion d'autorité administrative indépendante n'est pas définie par la loi. Elle résulte d'une construction empirique dont les caractéristiques ont été précisées par la doctrine et la jurisprudence. Il s'agit d'entités de nature administrative, pour la plupart dépourvues de personnalité morale (à l'exception notable de l'Autorité des marchés financiers), habilitées à agir au nom et pour le compte de l'État. Toutefois, leurs règles de composition, d'organisation et de fonctionnement assurent leur indépendance vis-à-vis de l'administration et des pouvoirs publics. Elles sont généralement créées dans les domaines jugés sensibles de l'action administrative et de la vie sociale ou économique. Dans son rapport de 2001, la section des études et du rapport du Conseil d'État a dénombré une trentaine d'autorités indépendantes, chargées de la défense des droits et libertés, de la régulation d'une activité économique ou d'une mission d'évaluation et d'expertise La mission Stasi a considéré que, pour lutter contre les discriminations, le recours à une autorité administrative indépendante s'impose. Cette formule apparaît la plus à même de répondre aux prescriptions communautaires qui font obligation aux États membres de créer un ou plusieurs organismes indépendants, chargés de promouvoir l'égalité de traitement entre toutes les personnes sans discrimination. Une autorité administrative présente en effet une garantie d'impartialité, permet la participation de personnes d'origines et de compétences diverses, et ses règles de fonctionnement offrent une souplesse et une rapidité de réaction. Le Gouvernement propose de recourir à une structure unique. La création de plusieurs autorités spécialisées aurait en effet nui à la cohérence de la lutte contre les discriminations qui doit souvent faire face à des situations de cumul. Conformément aux préconisations de la mission Stasi, la dénomination de l'autorité a été choisie de manière à faire référence, à la fois, à la notion de discrimination et à celle d'égalité. Si la première est couramment utilisée en droit français, la seconde est souvent retenue à l'étranger et présente une charge symbolique forte. La compétence de la Haute autorité est définie de la manière la plus large possible : elle aura à connaître de « toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie ». L'évolution de la société impose en effet ne pas définir un champ de compétence trop précis : comme le note la mission Stasi, des comportements jugés tolérables aujourd'hui pourront ne plus l'être demain. Il appartiendra donc au législateur de faire évoluer le périmètre des compétences de la nouvelle instance, en autorisant la ratification des traités et accords internationaux et en votant la loi. Le tableau ci-dessous retrace les engagements internationaux et les dispositions législatives qui, en l'état actuel du droit, prohibent des discriminations. Le projet de loi reprend les notions de discriminations directes et de discriminations indirectes, définies par le droit communautaire (8). Les directives relatives à la mise en œuvre de l'égalité de traitement entre les personnes ont en effet précisé le concept de discrimination en recourant à ces deux notions qu'elles définissent de la manière suivante : - « une discrimination directe se produit lorsque (...) une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable » ; - « une discrimination indirecte se produit lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes (...) par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires ». PRINCIPAUX ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX OU DISPOSITIONS LÉGISLATIVES INTERNES PROHIBANT DES DISCRIMINATIONS
La Commission a adopté l'article premier sans modification. Cet article fixe la composition de la Haute autorité. La Haute autorité est une instance collégiale, et se distingue ainsi des autres autorités administratives indépendantes chargées d'une mission de médiation (Médiateur de la République et Défenseur des enfants) qui sont personnalisées. Ce choix a pour objectif d'assurer, au sein de cette nouvelle instance, le pluralisme des courants de pensée et la pluralité des compétences. Néanmoins, afin de ne pas instaurer une logique représentative, il est prévu un collège unique de onze membres, sans désignation de personnalités qualifiées représentant les organisations de lutte contre les discriminations. Ce collège unique est en majorité nommé par les pouvoirs publics, puisque le Président de la République, le Président du Sénat, le Président de l'Assemblée nationale et le Premier ministre désignent chacun deux membres (dont le président de l'autorité, nommé par le chef de l'État). Ce lien avec les autorités politiques rapproche la Haute autorité du Conseil supérieur de l'audiovisuel dont les membres sont intégralement nommés par les pouvoirs publics. Cependant, afin de renforcer la légitimité technique de l'institution, le projet de loi prévoit que deux autres membres sont nommés par les représentants des hautes juridictions (vice-président du Conseil d'État et premier président de la Cour de cassation), s'inspirant sur ce point des règles applicables aux instances dont les compétences sont essentiellement de nature juridique (Commission d'accès aux documents administratifs par exemple). En outre, il appartiendra au président du Conseil économique et social de nommer le onzième membre de la Haute autorité. Le projet de loi donne à la Haute autorité la faculté d'associer à ses travaux des personnalités qualifiées, en créant auprès d'elle des organismes consultatifs. Les modalités de création de ces organismes et de désignation de leurs membres seront précisées par voie réglementaire. Le Gouvernement prévoit la création d'un comité consultatif composé de vingt-deux personnes, désignées par le collège sur proposition du président de la Haute autorité, pour une durée de trois ans renouvelable une fois. Ce comité sera appelé à se prononcer sur toute question soumise par le collège. Ses modalités de fonctionnement seront précisées par le règlement intérieur de la Haute autorité. Par ailleurs, bien que la Haute autorité soit collégiale, son président est autorisé à la représenter et à agir en son nom. La composition de la Haute autorité s'écarte, s'agissant de la place réservée aux personnalités qualifiées, des conclusions de la mission Stasi. Celle-ci préconisait que des personnalités qualifiées dans le domaine de la lutte contre les discriminations soient nommées membres à part entière : la nouvelle autorité aurait été composée de sept membres désignés par les pouvoirs publics et les hautes juridictions, et de quatre personnalités qualifiées désignées par ces sept membres. Ce mode de désignation en deux temps n'a pas été retenu par la Gouvernement qui l'a jugé trop complexe et nécessitant des délais incompatibles avec le bon fonctionnement de la nouvelle instance. Le mandat du président et des membres de la Haute autorité est fixé à cinq ans et, bien qu'il soit relativement court (9), il n'est pas renouvelable. Les membres de la Haute autorité, à l'exception de son président, seront renouvelés par moitié tous les trente mois, selon une formule qui s'inspire des règles applicables au Conseil supérieur de l'audiovisuel, à l'Autorité de régulation des télécommunications et à la Commission de régulation de l'électricité. En outre, le mandat de membre de la Haute autorité est irrévocable, et, en cas de vacance, un nouveau membre sera nommé pour la durée du mandat restant à courir. À la différence du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants et des membres du Conseil supérieur de l'audiovisuel ou de la Commission de régulation de l'électricité, les membres de la Haute autorité ne sont soumis à aucune règle d'incompatibilité. Leurs fonctions seront donc cumulables avec un mandat électif, un emploi public ou toute autre activité professionnelle. Les modalités de rémunération des membres de la Haute autorité ne sont pas précisées. Les règles générales applicables aux autorités administratives indépendantes devraient donc jouer : le président de la nouvelle autorité devrait occuper un emploi public et percevoir un traitement, les autres membres bénéficiant d'une indemnité forfaitaire annuelle. Alors qu'en règle générale la loi ne précise pas les moyens mis à disposition des autorités administratives indépendantes, la Haute autorité est explicitement dotée de services qui lui sont propres, placés sous l'autorité de son président. Cette précision répond au souci, exprimé par la mission Stasi, d'assurer l'indépendance de la nouvelle instance. En outre, celle-ci aura la faculté de recruter des agents contractuels, par dérogation avec la règle selon laquelle les emplois permanents de l'État doivent être occupés par des fonctionnaires. Le ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale prévoit de doter la Haute autorité de 80 personnes, agents contractuels et fonctionnaires mis à disposition ou détachés. Par comparaison, le Centre pour l'égalité des chances belge, la Commission pour l'égalité raciale britannique et la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec emploient plus d'une centaine d'agents. La mission Stasi préconisait de doter la Haute autorité de délégués territoriaux, afin de rapprocher celle-ci des victimes de discriminations et de favoriser une collaboration effective entre les acteurs locaux et la justice. Cette préconisation visait à généraliser l'implantation locale de la lutte contre les discriminations, esquissée depuis 2000, en matière de discriminations raciales, par la mise en place des commissions départementales d'accès à la citoyenneté (codac). Ces propositions n'ont pas été reprises par le projet de loi qui, à la différence des dispositions législatives applicables au Médiateur de la République (cf. l'article 6-1 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973), ne dote pas la nouvelle instance de délégués. L'organisation territoriale de la Haute autorité, ainsi que les conditions de désignation, de rémunération et d'intervention des délégués locaux seront fixées par voie réglementaire. Le Gouvernement étudie la création de délégations territoriales, chargées de préparer et de mettre en œuvre les décisions du collège. Ces délégations ne pourront être mise en place que progressivement, à la fois pour des raisons budgétaires et pour évaluer leur mode d'organisation et d'intervention. La Commission a adopté l'article 2 sans modification. Cet article fixe les modalités de saisine de la Haute autorité. Conformément aux préconisations de la mission Stasi, les personnes qui s'estiment victimes d'une discrimination auront la possibilité de saisir directement la Haute autorité. Celle-ci se distingue donc du Médiateur de la République qui ne peut être saisi que le biais des parlementaires. Ce choix répond au souci de ne pas dissuader les victimes de présenter une réclamation. Néanmoins, les conditions de saisine par une victime sont renvoyées à un décret en Conseil d'État. Le Gouvernement se réserve ainsi la possibilité de faire face aux risques d'engorgement, en prévoyant des conditions de recevabilité des saisines et des délais d'enregistrement et de réponse. Le projet de décret prévoit que la saisine se fera par écrit, et que toutes les réclamations seront enregistrées et receveront une réponse, même si elles n'entrent pas dans les compétences de la Haute autorité. En outre, la Haute autorité est habilitée à se saisir elle-même d'une discrimination portée à sa connaissance, sous réserve de l'accord de la victime lorsque celle-ci est identifiée. En revanche, à la différence du Défenseur des enfants qui peut être saisi par des associations reconnues d'utilité publique, les organisations de lutte contre les discriminations ne pourront pas directement saisir la Haute autorité. Le projet de loi étend à la Haute autorité le principe selon lequel une action devant une autorité administrative ne peut pas interférer dans une procédure judiciaire : la saisine de la nouvelle instance ne pourra pas interrompre ni suspendre les délais applicables devant les juridictions. Cette disposition reprend la rédaction prévue pour la Commission nationale de déontologie de la sécurité (cf. l'article 4 de la loi n° 2000-494 du 6 juin 2000). L'ensemble des actions et recours sont visés, qu'ils soient civils, pénaux au administratifs. La Commission a adopté l'article 3 sans modification. Article 4 Cet article charge la Haute autorité de recueillir des informations sur les faits portés à sa connaissance, et lui donne à cet effet la possibilité de réaliser des enquêtes auprès de personnes privées. La réglementation communautaire fait obligation aux États membres de se doter d'un ou plusieurs organismes chargés « d'apporter aux personnes victimes d'une discrimination une aide indépendante pour engager une procédure de discrimination ». Cette aide indépendante passe, en premier lieu, par le recueil d'informations susceptibles de former un dossier. Comme le note la mission Stasi, l'obstacle principal auquel se heurtent les victimes pour faire valoir leurs droits réside dans leur incapacité à rassembler les éléments de preuve permettant d'aller devant le juge avec des chances raisonnables de succès. La Haute autorité est donc chargée de rassembler des éléments d'information sur les faits qui sont portés à sa connaissance lorsqu'elle est saisie d'une discrimination. Une autorité administrative indépendante ne saurait néanmoins être dotée de pouvoirs de police judiciaire. La protection des libertés est constitutionnellement assignée aux deux ordres de juridictions et passe donc par le recours au juge. Ce principe s'applique tout particulièrement en matière de lutte contre les discriminations dans lequel les incriminations pénales sont nombreuses. Le Conseil constitutionnel a, à plusieurs reprises, limité les pouvoirs des autorités indépendantes. Ainsi, il a considéré qu'une telle autorité ne peut être habilitée à édicter des normes dont la portée serait trop étendue (10). Il a également encadré l'exercice d'un pouvoir de sanction administrative qui ne peut être accordé à une autorité administrative indépendante que dans la limite nécessaire à l'accomplissement de sa mission et sous réserve de l'existence de mesures destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garantis (11). Le Conseil d'État considère pour sa part que « l'exercice d'un pouvoir de police administrative générale qui, par essence même, est une prérogative de puissance publique, ne saurait être délégué à une telle autorité (...). En se défaisant de ses compétences au profit d'une telle institution, le Gouvernement renoncerait en effet aux attributs essentiels du pouvoir exécutif et viderait partiellement de son sens le principe de responsabilité politique » (12). Le projet de loi définit les pouvoirs d'investigation de la Haute autorité en tenant compte de la jurisprudence constitutionnelle. Il ne peut diligenter que trois types d'enquête qui sont limitativement énumérées : - elle peut, en premier lieu, demander aux personnes privées mises en cause de s'expliquer sur les faits qui leur sont reprochés ; - elle peut également demander que lui soient communiqués des informations et des documents, quel qu'en soit le support ; - elle peut enfin entendre toute personne dont le concours lui paraît utile. Les pouvoirs d'enquête confiés à la Haute autorité s'inspirent de ceux dont bénéficient les autres instances chargées de promouvoir les droits des victimes de comportements illicites. Ainsi, le Défenseur des enfants peut demander aux personnes physiques ou morales de droit privé n'étant pas investies d'une mission de service public communication de toute pièce ou dossier concernant la réclamation dont il est saisi. Autre exemple : la Commission nationale de déontologie de la sécurité peut demander aux personnes privées exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République et leurs préposés de lui communiquer toutes informations et pièces utiles à l'exercice de sa mission. Elle peut également convoquer les dirigeants des personnes privées exerçant une activité de sécurité et consulter toute personne dont le concours lui paraît utile. Néanmoins, à la différence des dispositions régissant les demandes d'informations auprès des autorités publiques (cf. le commentaire de l'article 5), l'article 4 ne fait pas obligation aux personnes privées sollicitées de déférer à la demande de la Haute autorité. La Commission a adopté l'article 4 sans modification. Article 5 Cet article fait obligation à la puissance publique d'apporter son concours à la Haute autorité. Le premier alinéa contraint les agents publics à déférer aux demandes de la Haute autorité : ceux-ci sont tenus de communiquer tout document ou information demandé et de se rendre aux convocations qui leur sont adressées. Cette disposition s'inspire de l'article 12 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur de la République. La rédaction proposée est cependant plus large : le projet de loi vise non seulement les autorités publiques, mais aussi les organismes, même privés, chargés d'une mission de service public. Le second alinéa prévoit une assistance à la réalisation des enquêtes décidées par la Haute autorité : à la demande de celle-ci, les autorités publiques sont tenues de faire procéder à toute vérification ou enquête par les organismes ou corps de contrôle placés sous leur autorité. La Haute autorité a donc la faculté de faire réaliser des enquêtes par les inspections ministérielles. La Commission a adopté l'article 5 sans modification. Cet article confie à la Haute autorité une mission de médiation. La médiation est une procédure de résolution des différends qui permet à un tiers choisi par les adversaires de proposer une solution qui n'a pas force obligatoire. Elle se distingue de la conciliation qui se limite à rapprocher les parties, afin que celles-ci parviennent à un accord. Le législateur a confié un pouvoir de médiation à plusieurs autorités administratives indépendantes chargées de concourir au règlement de litiges. Ainsi, le Médiateur de la République « fait toutes les recommandations qui lui paraissent de nature à régler les difficultés dont il est saisi et, notamment, recommande à l'organisme mis en cause toute solution permettant de régler en équité la situation de l'auteur de la réclamation » (article 9 de la loi du 3 janvier 1973 précitée). Cette disposition a été étendue au Défenseur des enfants (article 3 de la loi n° 2000-196 du 6 mars 2000). C'est dans le même esprit que le projet de loi confie à la Haute autorité une mission de résolution amiable des différends portés à sa connaissance, par voie de médiation. Conformément au principe de neutralité de la médiation, les constatations et déclarations recueillies au cours d'une médiation ne pourront être ni produites, ni invoquées dans une instance civile ou administrative sans l'accord des intéressés. Cette interdiction ne joue pas en matière pénale, la Haute autorité ayant, conformément à l'article 40 du code de procédure pénale, l'obligation de saisir le procureur de la République des faits portés à sa connaissance qui lui paraissent constitutifs d'un crime ou d'un délit (cf. le commentaire de l'article 11). Le projet de loi ne précise pas les conditions dans lesquelles s'exercera la médiation, et notamment les cas où la Haute autorité procédera elle-même à la médiation. Ces conditions doivent tenir compte du principe de neutralité de la médiation qui interdit à un médiateur d'intervenir devant le juge pour une même affaire : lorsqu'elle exercera elle-même la médiation, la Haute autorité ne pourra révéler au juge la teneur de sa médiation. Les modalités d'exercice de la médiation seront donc fixées par voie réglementaire. Le projet de décret prévoit que la médiation ne pourra être effectuée qu'avec l'accord des parties. Elle sera diligentée soit par un membre de la Haute autorité, soit une personne extérieure. Elle ne pourra excéder une durée de trois mois, renouvelable une fois à la demande du médiateur. Celui-ci convoquera les personnes en cause, et pourra, avec l'accord des parties, entendre les tiers qui y consentent. Il pourra être mis fin à la médiation à tout moment, sur demande d'une partie ou à l'initiative du médiateur. À l'issue de sa mission, celui-ci informera la Haute autorité des résultats de sa médiation. Les constatations du médiateur et les déclarations qu'il aura recueillies ne pourront être ni produites, ni invoquées sans l'accord des parties. La Commission a adopté l'article 6 sans modification. Article 7 Cet article donne à la Haute autorité le pouvoir de procéder à des vérifications sur place. Peu d'autorités administratives indépendantes disposent d'une capacité d'enquêter sur place. Les textes régissant l'intervention des instances chargées d'aider les victimes de comportements illicites ne prévoient pas un tel moyen d'investigation : ni le Médiateur de la République, ni le Défenseur des enfants, ni la Commission nationale de déontologie de la sécurité n'en bénéficient. Ce pouvoir est généralement réservé aux autorités dotées d'un pouvoir de sanction administrative, comme l'Autorité des marchés financiers qui peut demander au président du tribunal de grande instance d'autoriser des enquêteurs à « effectuer des visites en tous lieux ainsi qu'à procéder à la saisie de documents » (article L. 621-12 du code monétaire et financier). Ainsi, bien que la Haute autorité ne soit pas chargée d'une mission de police administrative, ses agents sont autorisés à procéder à des vérifications sur place au cours desquelles ils pourront entendre toute personne susceptible de fournir des informations. Cette prérogative répond au souci de ne pas cantonner la nouvelle instance dans une fonction de consultation et de proposition, en lui donnant des moyens de contrainte effectifs, susceptibles de faire évoluer les comportements. L'efficacité de la lutte contre les discriminations dépend en effet de la capacité à rassembler des éléments de preuve suffisamment étayés pour être produits devant un juge. Néanmoins, le projet de loi encadre l'exercice de ce pouvoir d'investigation sur place. La jurisprudence du Conseil constitutionnel relative aux enquêtes administratives et aux autorités indépendantes exige en effet que les mesures d'investigation et le champ couvert par celle-ci soient déterminés de manière précise. Pour exercer des vérifications sur place, la Haute autorité doit donc respecter trois conditions : - elle doit préalablement adresser un avis aux personnes intéressées et recueillir leur accord ; - elle ne peut enquêter que dans trois catégories de locaux : les locaux administratifs, les lieux, locaux et moyens de transport accessibles au public, et les locaux exclusivement consacrés à un usage professionnel ; - seuls les agents de la Haute autorité sont autorisés à procéder à des vérifications sur place et, en outre, ils doivent préalablement recevoir une habilitation spécifique du procureur général près la cour d'appel de leur domicile. Les conditions et les modalités de cette habilitation sont renvoyées à un décret en Conseil d'État. La Commission a adopté l'article 7 sans modification. Article 8 Cet article donne à la Haute autorité le pouvoir de contraindre de déférer à une de ses demandes. Le dispositif proposé prévoit une procédure en deux temps : - tout d'abord, lorsqu'une de ses demandes n'est pas suivie d'effet, la Haute autorité aura la possibilité de mettre en demeure la personne intéressée de lui répondre dans un délai. Toutes les demandes que, en application du projet de loi, la Haute autorité peut émettre sont susceptibles de faire l'objet d'une mise en demeure, qu'il s'agisse d'une demande d'explications, de communication d'informations et de documents, d'audition ou de concours aux organismes publics de contrôle. La mise en demeure peut s'adresser à toute personne susceptible d'être sollicitée par la Haute autorité, qu'elle soit privée ou publique ; - en cas d'échec de la mise en demeure, le président de la Haute autorité pourra saisir le juge des référés d'une demande motivée « aux fins d'ordonner toute mesure d'instruction que ce dernier juge utile ». Saisi par la Haute autorité, le juge civil aura donc la possibilité d'ordonner aux personnes sollicitées par celle-ci de déférer à sa demande d'explication, d'information ou d'enquête. Tout en étant spécifique à la Haute autorité et limitée aux demandes que celle-ci est autorisée à émettre, cette disposition s'inspire de la mesure, d'application générale, prévue par l'article 145 du nouveau code de procédure civile qui dispose que « s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ». La mission Stasi préconisait une mesure plus coercitive, consistant à faire du refus de déférer aux demandes de la Haute autorité une infraction sanctionnée par le juge pénal, selon un dispositif proche de celui prévu pour la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Le Gouvernement a préféré la procédure du référé. Celle-ci permet en effet au juge civil d'obliger, notamment sous astreinte, les personnes interrogées à répondre aux demandes de la Haute autorité, alors qu'une procédure pénale n'aurait comporté aucune obligation de faire. La Commission a adopté l'article 8 sans modification. Article 9 Cet article lève les poursuites pénales applicables aux personnes qui pourront révéler à la Haute autorité des informations à caractère secret, et soumet au secret professionnel les membres, agents et personnalités qualifiées de la nouvelle instance. En application de l'article 226-13 du code pénal, l'atteinte au secret professionnel constitue une infraction punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Elle est définie comme « la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire ». L'article 226-14 du même code précise que les sanctions ne sont pas applicables dans le cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. Le projet de loi autorise les personnes astreintes au secret professionnel à révéler à la Haute autorité des informations à caractère secret. Aucune poursuite pénale ne pourra donc être engagées à leur encontre. Cette autorisation est limitée aux informations qui entrent dans le champ de compétence de la Haute autorité. En contrepartie, sont astreintes au secret professionnel les personnes qui, par leurs fonctions, sont susceptibles de prendre connaissance des informations transmises à la Haute autorité. Sont visés non seulement les membres et les agents de cette instance, mais aussi les personnalités qualifiées qui siègeront dans les organismes consultatifs que celle-ci pourra créer. Le projet de loi précise néanmoins que le secret professionnel ne peut faire obstacle à la publication des éléments nécessaires à l'établissement des avis, recommandations et rapports que la Haute autorité pourra adopter. La Commission a adopté l'article 9 sans modification. Cet article dote à la Haute autorité d'un pouvoir de recommandation. Il s'agit d'une prérogative classique, ouverte à toutes les instances chargées de lutter contre les comportements illicites. En effet, si les autorités indépendantes ne peuvent intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction, le législateur les autorise à faire des propositions pour qu'il soit mis fin aux faits qu'elles ont à connaître. Ainsi, le Médiateur de la République « a la faculté de faire des recommandations à l'organisme mis en cause » (article 11 de la loi du 3 janvier 1973 précitée). De même, « lorsqu'il apparaît au Défenseur des enfants que les conditions de fonctionnement d'une personne morale de droit public ou de droit privé portent atteinte aux droits de l'enfant, il peut proposer toutes mesures qu'il estime de nature à remédier à cette situation » (article 3 de la loi du 6 mars 2000 précitée). Autre exemple : la Commission nationale de déontologie de la sécurité « adresse aux autorités publiques et aux dirigeants des personnes privées intéressées exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République tout avis ou recommandation visant à remédier aux manquements constatés ou à en prévenir le renouvellement » (article 7 de la loi du 6 juin 2000 précitée). On notera que le projet de loi distingue clairement la médiation de la recommandation (ces deux notions font l'objet d'articles séparés), alors que les textes relatifs aux autres autorités sont moins explicites. Inspirée des dispositions applicables aux autorités actuellement en place, la rédaction proposée définit le pouvoir de recommandation d'une manière très large. Tout fait ou pratique jugé discriminatoire par la Haute autorité est susceptible de faire l'objet d'une recommandation. Celle-ci n'est pas limitée aux faits dont l'instance est saisie. En outre, les personnes destinataires des recommandations n'étant pas précisées, la Haute autorité est habilitée à s'adresser à une personne physique, comme à une personne morale qu'elle soit privée ou publique. Le pouvoir de recommandation est assorti d'un droit de suite : les autorités ou personnes intéressées ont l'obligation de rendre compte, dans un délai fixé par la Haute autorité, de la suite donnée à ses recommandations. La nouvelle instance a en outre la possibilité de rendre publiques ses recommandations. Les conditions de cette publication, et notamment l'ouverture d'un droit de réponse des personnes concernées, sont renvoyées à un décret en Conseil d'État. En revanche, le projet de loi n'a pas repris la proposition, émise par la mission Stasi, de donner à la Haute autorité, en cas d'inexécution d'une décision de justice, le droit d'enjoindre les personnes concernées à se conformer à cette décision, dans un délai et sous menace de publication d'un rapport. En effet, une décision de justice passée en force de chose jugée devant par nature être exécutée après avoir été régulièrement signifiée, confier à la nouvelle autorité le soin d'enjoindre à s'y conformer présentait peu d'intérêt. La Commission a adopté l'article 10 sans modification. Article 11 Cet article précise les rapports entre la Haute autorité et les juridictions, en imposant à celle-ci l'obligation, d'une part, de transmettre au parquet les faits susceptibles de constituer une infraction pénale et, d'autre part, de ne pas empiéter sur une procédure judiciaire. La Haute autorité est tenue de saisir le procureur des faits dont elle a connaissance et qui laissent présumer l'existence d'une infraction pénale. Cette obligation s'inscrit dans le cadre de l'article 40 du code de procédure pénale, qui fait obligation à toute autorité constituée, à tout officier public ou fonctionnaire de saisir le procureur de la République des faits constitutifs d'un crime ou d'un délit dont il a pris connaissance dans l'exercice de ses fonctions. Le procureur est quant à lui tenu d'informer la Haute autorité des suites données aux affaires qui lui ont été ainsi transmises. Des dispositions similaires sont prévues pour les autres autorités administratives indépendantes chargées de lutter contre des faits susceptibles de constituer des infractions pénales, et notamment le Défenseur des enfants et Commission nationale de déontologie de la sécurité. S'ajoute néanmoins pour la Haute autorité l'obligation d'indiquer si elle a utilisé le pouvoir de médiation que lui donne l'article 6 du projet de loi. Le principe de non intervention d'une autorité administrative dans une procédure judiciaire est étendu à la Haute autorité. Pour les faits donnant lieu à enquête pénale, information judicaire ou poursuite judiciaire ou administrative, la nouvelle instance a l'obligation de demander l'accord du juge pour exercer ses pouvoirs d'investigation (demande d'informations, convocation en audition, vérifications sur place, saisine du juge des référés pour refus de déférer à ses demandes de renseignements) ou pour engager une médiation. Ce dispositif est conforme au principe de la séparation des pouvoirs : autorité administrative, la Haute autorité ne peut connaître de faits donnant lieu à une procédure judiciaire. La rédaction proposée s'inspire directement des règles applicables à la Commission nationale de déontologie de sécurité (cf. l'article 8 de la loi du 6 juin 2000 précitée). Cette disposition est protectrice de l'indépendance de la justice. En effet, pour les affaires les plus sensibles donnant lieu à un dépôt de plainte par les victimes ou à une demande d'enquête par le ministère public, la Haute autorité ne pourra pas utiliser ses pouvoirs d'investigation. En outre, l'obligation qui lui est faite de transmettre au procureur les infractions pénales portées à sa connaissance conduira également à son dessaisissement. La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 1) supprimant la référence aux poursuites administratives, lesquelles n'entrent pas dans le champ de compétences de l'autorité judiciaire, puis elle a adopté l'article 11 ainsi modifié. Article 12 En offrant à la Haute autorité la possibilité de présenter ses observations devant les juridictions, cet article donne à cette nouvelle instance un accès à l'audience. Préconisée par la mission Stasi, cette prérogative n'est, en l'état actuel du droit, ouverte à aucune autorité chargée d'une mission d'aide aux victimes de comportements illicites. Le dispositif proposé consiste à ouvrir la possibilité de demander à une juridiction saisie de faits relatifs à des discriminations d'inviter la Haute autorité à présenter des observations. Cette demande peut concerner l'ensemble des juridictions, qu'elles soient civiles, pénales ou administratives. Elle est émise par les parties ou d'office, c'est-à-dire à la seule initiative du juge. Néanmoins, en matière pénale, la Haute autorité a la possibilité de demander elle-même à présenter ses positions, sans l'accord des parties, et, dans ce cas, il est explicitement prévu qu'elle peut développer oralement ses observations à l'audience. Il était en effet important que la Haute autorité puisse demander à être entendue lors d'un procès pénal. En revanche, conformément à l'article 2 du nouveau code procédure civile, la conduite du procès civil appartient aux parties à qui il revient, si elles l'estiment nécessaire, de demander au juge l'intervention de la Haute autorité. L'attribution à une autorité publique d'un pouvoir de présenter des observations devant le juge est exceptionnelle. Elle vise à éclairer le juge en l'aidant à mieux caractériser les situations discriminatoires. Il ne s'agit cependant pas d'une constitution de partie civile. Si certains pays européen ont donné à l'autorité chargée de lutter contre les discriminations le pouvoir de se constituer partie civile (13), une telle prérogative soulèverait en droit français des difficultés juridiques. Le Conseil constitutionnel l'a admis en principe, mais il a jugé que méconnaissait le principe fondamental du respect des droits de la défense le fait qu'une autorité pouvant « exercer, dans l'intérêt général, les poursuites, recueillir des charges et, le cas échéant, prononcer des sanctions dans le cas d'une procédure administrative [se voie] en outre reconnaître, à l'encontre des mêmes personnes et à propos des mêmes faits, s'ils constituent les éléments d'une infraction pénale, le pouvoir d'intervenir et de se constituer partie civile et d'user de tous les droits afférents à cette qualité, sans pour autant justifier d'un intérêt distinct de l'intérêt général »(14). En outre, une constitution de partie civile aurait été incompatible avec la volonté d'encourager la médiation : un médiateur doté du pouvoir d'engager lui-même des poursuites pénales serait juge et partie. La Commission a adopté l'article 12 sans modification. Article 13 Cet article donne à la Haute autorité la possibilité de porter à la connaissance des autorités publiques détentrices du pouvoir disciplinaire les faits discriminatoires commis par des agents publics. Cette procédure est assortie de l'obligation, pour la Haute autorité, d'informer l'agent mis en cause, et, pour l'autorité publique saisie, d'informer la Haute d'autorité des suites données à ses transmissions. L'usage de ce pouvoir d'information offre une possibilité d'action complémentaire des voies traditionnelles. Saisie d'une discrimination, la nouvelle instance, qui n'est pas dotée de pouvoirs de sanction, pourra demander que soit engagée une procédure disciplinaire et saisir concurremment l'autorité judiciaire. Elle est ainsi appelée à jouer un rôle de signalement des affaires dont elle aura eu connaissance. Ce dispositif ne place cependant pas la Haute autorité dans une situation comparable avec celle des instances spécifiquement chargées de traiter les différends entre les administrés et la puissance publique. Le Médiateur de la République dispose d'un pouvoir qui va au-delà de la simple transmission d'informations : il peut engager lui-même la procédure disciplinaire, en lieu et place de l'autorité compétente (cf. l'article 11 de la loi du 3 janvier 1973 précitée). En matière de sécurité, la saisine de l'autorité disciplinaire est une obligation, et non une simple faculté : la Commission nationale de déontologie de la sécurité est tenue de porter sans délai à la connaissance des autorités investies du pouvoir disciplinaire les manquements dont elle est saisie, de la même façon qu'elle est tenue de transmettre au procureur les réclamations qui sont susceptibles de constituer une infraction pénale. La Commission a adopté l'article 13 sans modification. Article 14 Cet article confie à la Haute autorité une mission générale de promotion de l'égalité. Inspirée par des expériences mises en place l'étranger, cette mission vise à favoriser les pratiques égalitaires par des voies non contentieuses, en privilégiant la prévention et le partenariat avec les organisations professionnelles, les entreprises et les administrations. À cet effet, la Haute autorité est chargée de : - mener ou favoriser des actions de communication, d'information ou de formation ; - soutenir l'élaboration et l'adoption, par tout organisme public ou privé, d'engagements en faveur de l'égalité ; - identifier et reconnaître les bonnes pratiques professionnelles selon une procédure de certification susceptible d'élaborer des normes égalitaires, notamment dans la gestion des ressources humaines et dans l'accès aux biens et services. Afin d'améliorer la compréhension des comportements discriminatoires, la Haute autorité est par ailleurs chargée de conduire et de cordonner les études et recherches réalisées dans les domaines relevant de sa compétence. Il appartiendra donc à la nouvelle instance de piloter les travaux des administrations ou organismes compétents (directions du ministère chargé des affaires sociales, Institut national de la statistique et des études économiques, Institut national d'études démographiques, Haut conseil à l'intégration, Observatoire des statistiques de l'immigration et de l'intégration). En outre, le projet de loi confie la Haute autorité une mission de consultation et de proposition auprès des pouvoirs publics. Elle reçoit compétence pour recommander toute modification de la législation ou de la réglementation relatives à la lutte contre les discriminations. Cette faculté, reconnue à de nombreuses autorités administratives indépendantes, vise à permettre à la nouvelle instance de proposer, à la lumière des faits dont elle aura été saisie, de modifier les régimes juridiques en vigueur. En outre, le Gouvernement aura la faculté de solliciter son avis sur tout texte ou question entrant dans ses compétences. La Commission a adopté l'article 14 sans modification. Cet article fait obligation à la Haute autorité de remettre chaque année au Président de la République et au Parlement un rapport d'activité qui est rendu public. Cette obligation s'applique à la plupart des autorités administratives indépendantes actuellement en place. La fonction d'information ainsi reconnue à la Haute autorité doit lui permettre de porter à la connaissance de l'opinion publique les faits les plus graves, en même temps qu'il donne à l'ensemble des intervenants l'occasion de réfléchir sur les comportements discriminatoires. Ce rapport doit également permettre à la nouvelle instance d'asseoir son autorité. La Commission a adopté l'article 15 sans modification. Cet article fixe les règles budgétaires et comptables applicables à la Haute autorité. Comme toute autorité administrative indépendante, la Haute autorité ne dispose pas de la personnalité morale. Son financement sera donc assuré par des crédits ouverts en loi de finances sur le budget général de l'État, au même titre que ceux destinés à une administration de droit commun. Pour 2005, la nouvelle instance devrait disposer d'un budget de 10,9 millions d'euros. Le projet de loi précise l'imputation de ces crédits, en prévoyant un rattachement au budget du ministère chargé des affaires sociales qui regroupe d'ores et déjà les moyens de la politique de lutte contre les discriminations, notamment vis-à-vis des populations étrangères, des femmes ou des handicapés. Cette précision ne fait cependant pas obstacle à ce qu'une loi de finances, seule compétente pour fixer la nomenclature du budget de l'État, décide d'un rattachement différent. Le rattachement des crédits de la Haute autorité devra prendre en compte les règles de présentation du budget de l'État prévues par la loi organique n°2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances. En remplaçant les actuels titres et chapitres par des missions et programmes, celle-ci substitue, à compter du budget 2006, à la spécialisation par nature de dépense en vigueur depuis 1959 une spécialisation par destination de dépense. Les missions identifieront les politiques de l'État, tandis que les programmes formeront des enveloppes globalisées, destinées à mettre en œuvre une des finalités de chacune de ces politiques. Ainsi, s'agissant des crédits du ministère chargé des affaires sociales, le Gouvernement a prévu de créer une mission « Solidarité et intégration » composée de sept programmes (15). Les crédits de la Haute autorité ont vocation à figurer dans cette mission. L'application des nouvelles règles organiques aux autorités administratives indépendantes soulevait des difficultés particulières. Comment en effet assurer l'indépendance financière de ces autorités au sein des futurs programmes qui constitueront des enveloppes fongibles à l'intérieur desquelles les ministres pourront procéder librement à des réaffectations ? Le remplacement des quelque 850 chapitres budgétaires actuels par 150 programmes globalisés interdisait de créer autant de programmes que d'autorités indépendantes. Le Gouvernement a surmonté cette difficulté en prévoyant de réserver à chaque autorité une action (16) bien identifiée dont les crédits pourront être sanctuarisés. Compte tenu de sa compétence générale, la Haute autorité devrait donc constituer une action du programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » de la future mission « Solidarité et intégration ». Les autres dispositions de l'article 16 sont destinées à garantir l'indépendance financière de la Haute autorité. En premier lieu, le président de cette nouvelle instance dispose du pouvoir d'ordonnancer les dépenses et les recettes. Peu d'organismes publics bénéficient d'une telle prérogative qui est réservée à des autorités dotées d'un pouvoir de sanction, comme le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, ou chargée d'une fonction régalienne, comme le Grand chancelier de la Légion d'honneur. Cette disposition permettra au président de la Haute autorité d'utiliser les crédits qui lui seront ouverts en loi de finances, notamment pour diligenter des investigations, sans nécessiter une délégation du ministre chargé des affaires sociales. Ce pouvoir d'ordonnancement ne soustrait néanmoins pas la nouvelle autorité du contrôle de la Cour des comptes, ses dépenses et ses recettes étant payées et recouvrées par un comptable public. En second lieu, les dispositions de la loi du 10 août 1922 relatives au contrôle des dépenses engagées ne sont pas applicables à la Haute autorité. Prévue pour la plupart des autorités administratives indépendantes, cette mesure vise à assurer l'indépendance de la Haute autorité vis-à-vis du ministère chargé des finances qui, par l'intermédiaire des contrôleurs financiers et des contrôleurs d'État, dispose d'un droit de regard sur l'engagement des dépenses publiques. Elle permettra en outre d'alléger le fonctionnement de la nouvelle instance, et de rendre ainsi son action plus rapide et plus efficace. La Commission a adopté l'article 16 sans modification. TITRE II La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 2) rectifiant une erreur matérielle dans l'intitulé du titre II. Article 17 Cet article vise à transposer, dans l'intégralité de son champ d'application, la directive 2000/43/CE du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique. Cette directive a pour objet d'établir un cadre pour lutter contre la discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique, en vue de mettre en oeuvre, dans les États membres, le principe d'égalité de traitement. Elle prohibe la discrimination directe ou indirecte et le harcèlement, et définit son champ d'application de manière à couvrir les discriminations liées à une activité professionnelle salariée ou non salariée, mais aussi celles constatées dans l'accès à la protection sociale, aux avantages sociaux, à l'éducation, aux biens et services et à la fourniture de biens et services. Elle fait obligation aux États membres de prendre des dispositions permettant d'aménager la charge de la preuve. Ce texte a été transposé dans le code du travail et dans les dispositions régissant les droits et obligations des fonctionnaires par la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations. Il a également été transposé dans le champ de l'accès au logement en matière de location (cf. l'article premier de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tel que modifié par la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale). Le projet de loi complète la transposition la directive. Le premier alinéa pose un principe général de droit à égalité de traitement « quelles que soient son origine nationale, son appartenance ou sa non appartenance vraie ou supposée à une ethnie ou à une race ». Cette rédaction reprend celle introduite en 2001 dans le code du travail. Le champ d'application de ce principe est défini par référence aux domaines visés par l'article 3 de la directive, mais non encore couverts par une transposition en droit interne. Conformément à l'article 8 de la directive, le deuxième alinéa aménage la charge de la preuve en prévoyant que la personne qui s'estime victime d'une discrimination doit établir devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence, à charge pour la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Cette disposition ne constitue pas une inversion de la charge, comparable à celles prévues en matière pénale pour le trafic de stupéfiants, la traite des êtres humains ou le proxénétisme, mais un simple aménagement. La partie demanderesse n'est en effet pas déliée de toute obligation, puisque, si elle n'est pas tenue de prouver la discrimination, elle doit établir les faits qui permettent d'en présumer l'existence. En application du principe de la présomption d'innocence, les juridictions pénales ne sont pas soumises à l'aménagement de la charge de la preuve. En outre, la directive autorise les États membres à ne pas aménager la charge de la preuve pour les procédures dans lesquelles la partie demanderesse est dispensée de prouver les faits, l'instruction incombant à la juridiction. Sur le fondement de cette autorisation, l'aménagement prévu ne s'appliquera pas aux juridictions administratives dont la procédure, dirigée exclusivement par le juge, est inquisitoriale. Il se limitera par conséquent aux seules instances civiles. La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 3), de précision rédactionnelle, puis l'article 17 ainsi modifié. TITRE III Article 18 Les conditions d'application des dispositions relatives à la Haute autorité sont renvoyées à un décret en Conseil d'État. Ce décret fixera la durée de mandat des membres nommés lors de la création de la nouvelle instance. En effet, la règle de renouvellement par moitié fixée par l'article 2 impose de prévoir des durées de mandat particulières pour les premiers membres qui seront désignés. S'inspirant des dispositions appliquées à la Commission nationale de déontologie de la sécurité, le Gouvernement prévoit que, par tirage au sort, cinq des premiers membres nommés exerceront un mandat de trente mois au lieu de cinq ans. En outre, le décret pourra adapter les règles de saisine de la Haute autorité pour les six mois qui suivront l'entrée en vigueur de la présente loi. L'objectif de cette disposition est de laisser à la Haute autorité le temps de s'installer. L'intention du Gouvernement n'est pas d'interdire de saisir la nouvelle instance au cours de ses six premiers mois de fonctionnement, mais de lui permettre d'instruire ces saisines à l'expiration d'un délai de six mois. Par ailleurs, les dispositions relatives à la Haute autorité n'entreront en vigueur qu'à compter du premier jour du premier mois suivant la publication de la présente loi. En conséquence, la Haute autorité ne pourra être saisie qu'à compter d'une date précise, ce qui facilitera l'enregistrement des réclamations et la gestion des délais ouverts pour y répondre. En revanche, les autres dispositions du projet de loi, à savoir les articles 18, 19 et 20, sont d'application immédiate. La Commission a adopté l'article 18 sans modification. Article 19 Afin de donner à la Haute autorité pleine compétence en matière de promotion de l'égalité, cet article supprime le dispositif d'aide aux victimes de discriminations raciales prévu par l'article 9 de la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations. Ce dispositif comprend un service d'accueil téléphonique gratuit ayant pour objet de recueillir les appels des personnes estimant avoir été victimes ou témoins de discriminations raciales, et de répondre aux demandes d'information et de conseil. En outre, il prévoit la mise en place dans chaque département, en liaison avec l'autorité judiciaire et les organismes chargés de lutter contre les discriminations, d'une procédure permettant d'assurer le traitement et le suivi des cas signalés. Ce faisant, la loi du 16 novembre 2001 formalisait un dispositif créé par voie réglementaire. En effet, dès janvier 1999, des commissions départementales d'accès à la citoyenneté (CODAC) ont été constituées sous l'autorité du préfet, afin d'impulser des actions destinées à lutter contre les discriminations. Par circulaire du Premier ministre, une « plate-forme nationale d'appel » (le « 114 ») a été mise en place pour recevoir des signalements de faits discriminatoires et transmettre ces signalements aux CODAC. Cette plate-forme a été confiée au Groupe d'étude et de lutte contre les discriminations (GELD), groupement d'intérêt public créé en 1999 et placé sous la tutelle du ministère chargé des affaires sociales. Cette mission d'accueil téléphonique relèvera désormais des compétences dévolues à la Haute autorité. Il convient donc d'abroger l'article 9 de la loi du 16 novembre 2001 précitée. Il appartiendra à la Haute autorité de fixer dans son règlement intérieur les conditions de fonctionnement du service d'information téléphonique qui remplacera le « 114 ». Pour sa part, le Gouvernement prévoit de maintenir les CODAC, tout en les recentrant sur des programmes publics de prévention des discriminations. La Commission a adopté l'article 19 sans modification. Article 20 Cet article assure l'application des dispositions du projet de loi à Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna, dans les Terres australes et antarctiques françaises, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. En effet, si dans les collectivités régies par le principe de l'assimilation législative - celles relevant de l'article 73 de la Constitution ainsi que Saint-Pierre-et-Miquelon -, quelques mesures d'adaptation sont suffisantes, dans les autres collectivités à statut particulier visées à l'article 74 et en Nouvelle-Calédonie, le principe d'adaptation suppose une disposition législative expresse, préalablement à la mise en œuvre des nouvelles règles. La Commission a adopté l'article 20 sans modification. Puis la Commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié. * * * En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République vous demande d'adopter le projet de loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (n° 1732) modifié par les amendements figurant au tableau comparatif ci-après. ___
Directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe Chapitre I. - Dispositions générales Article premier La présente directive a pour objet d'établir un cadre pour lutter contre la discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique, en vue de mettre en oeuvre, dans les États membres, le principe de l'égalité de traitement. Article 2 1. Aux fins de la présente directive, on entend par « principe de l'égalité de traitement », l'absence de toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la race ou l'origine ethnique. 2. Aux fins du paragraphe 1: a) une discrimination directe se produit lorsque, pour des raisons de race ou d'origine ethnique, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable; b) une discrimination indirecte se produit lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes d'une race ou d'une origine ethnique donnée par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires. 3. Le harcèlement est considéré comme une forme de discrimination au sens du paragraphe 1 lorsqu'un comportement indésirable lié à la race ou à l'origine ethnique se manifeste, qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d'une personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. Dans ce contexte, la notion de harcèlement peut être définie conformément aux législations et pratiques nationales des États membres. 4. Tout comportement consistant à enjoindre à quiconque de pratiquer une discrimination à l'encontre de personnes pour des raisons de race ou d'origine ethnique est considéré comme une discrimination au sens du paragraphe 1. Article 3 1. Dans les limites des compétences conférées à la Communauté, la présente directive s'applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne: a) les conditions d'accès à l'emploi aux activités non salariées ou au travail, y compris les critères de sélection et les conditions de recrutement, quelle que soit la branche d'activité et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle, y compris en matière de promotion; b) l'accès à tous les types et à tous les niveaux d'orientation professionnelle, de formation professionnelle, de perfectionnement et de formation de reconversion, y compris l'acquisition d'une expérience pratique; c) les conditions d'emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération; d) l'affiliation à et l'engagement dans une organisation de travailleurs ou d'employeurs ou à toute organisation dont les membres exercent une profession donnée, y compris les avantages procurés par ce type d'organisations; e) la protection sociale, y compris la sécurité sociale et les soins de santé; f) les avantages sociaux; g) l'éducation; h) l'accès aux biens et services et la fourniture de biens et services, à la disposition du public, y compris en matière de logement. 2. La présente directive ne vise pas les différences de traitement fondées sur la nationalité et s'entend sans préjudice des dispositions et conditions relatives à l'admission et au séjour des ressortissants de pays tiers et des personnes apatrides sur le territoire des États membres et de tout traitement lié au statut juridique des ressortissants de pays tiers et personnes apatrides concernés. Article 4 Sans préjudice de l'article 2, paragraphes 1 et 2, les États membres peuvent prévoir qu'une différence de traitement fondée sur une caractéristique liée à la race ou à l'origine ethnique ne constitue pas une discrimination lorsque, en raison de la nature d'une activité professionnelle ou des conditions de son exercice, la caractéristique en cause constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l'objectif soit légitime et que l'exigence soit proportionnée. Article 5 Pour assurer la pleine égalité dans la pratique, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures spécifiques destinées à prévenir ou à compenser des désavantages liés à la race ou à l'origine ethnique. Article 6 1. Les États membres peuvent adopter ou maintenir des dispositions plus favorables à la protection du principe de l'égalité de traitement que celles prévues dans la présente directive. 2. La mise en œuvre de la présente directive ne peut en aucun cas constituer un motif d'abaissement du niveau de protection contre la discrimination déjà accordé par les États membres dans les domaines régis par la présente directive. Chapitre II. - Voies de recours et application du droit Article 7 1. Les États membres veillent à ce que des procédures judiciaires et/ou administratives, y compris, lorsqu'ils l'estiment approprié, des procédures de conciliation, visant à faire respecter les obligations découlant de la présente directive soient accessibles à toutes les personnes qui s'estiment lésées par le non-respect à leur égard du principe de l'égalité de traitement, même après que les relations dans lesquelles la discrimination est présumée s'être produite se sont terminées. 2. Les États membres veillent à ce que les associations, les organisations ou les personnes morales qui ont, conformément aux critères fixés par leur législation nationale, un intérêt légitime à assurer que les dispositions de la présente directive sont respectées puissent, pour le compte ou à l'appui du plaignant, avec son approbation, engager toute procédure judiciaire et/ou administrative prévue pour faire respecter les obligations découlant de la présente directive. 3. Les paragraphes 1 et 2 sont sans préjudice des règles nationales relatives aux délais impartis pour former un recours en ce qui concerne le principe de l'égalité de traitement. Article 8 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires, conformément à leur système judiciaire, afin que, dès lors qu'une personne s'estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l'égalité de traitement et établit, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'égalité de traitement. 2. Le paragraphe 1 ne fait pas obstacle à l'adoption par les États membres de règles de la preuve plus favorables aux plaignants. 3. Le paragraphe 1 ne s'applique pas aux procédures pénales. 4. Les paragraphes 1, 2 et 3 s'appliquent également à toute procédure engagée conformément à l'article 7, paragraphe 2. 5. Les États membres peuvent ne pas appliquer le paragraphe 1 aux procédures dans lesquelles l'instruction des faits incombe à la juridiction ou à l'instance compétente. Article 9 Les États membres introduisent dans leur système juridique interne les mesures nécessaires pour protéger les personnes contre tout traitement ou toute conséquence défavorable en réaction à une plainte ou à une action en justice visant à faire respecter le principe de l'égalité de traitement. Article 10 Les États membres veillent à ce que les dispositions adoptées en application de la présente directive ainsi que celles qui sont déjà en vigueur dans ce domaine soient portées à la connaissance des personnes concernées par tous moyens appropriés et sur l'ensemble de leur territoire. Article 11 1. Conformément à leurs traditions et pratiques nationales, les États membres prennent les mesures appropriées afin de favoriser le dialogue entre les partenaires sociaux en vue de promouvoir l'égalité de traitement, y compris par la surveillance des pratiques sur le lieu de travail, par des conventions collectives, des codes de conduite, et par la recherche ou l'échange d'expériences et de bonnes pratiques. 2. Dans le respect de leurs traditions et pratiques nationales, les États membres encouragent les partenaires sociaux, sans préjudice de leur autonomie, à conclure, au niveau approprié, des accords établissant des règles de non-discrimination dans les domaines visés à l'article 3 qui relèvent du champ d'application des négociations collectives. Ces accords respectent les exigences minimales fixées par la présente directive et par les mesures nationales de transposition. Article 12 Les États membres encouragent le dialogue avec les organisations non gouvernementales concernées qui ont, conformément aux pratiques et législations nationales, un intérêt légitime à contribuer à la lutte contre la discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique, en vue de promouvoir le principe de l'égalité de traitement. Chapitre III. - Organismes de promotion de l'égalité de traitement Article 13 1. Les États membres désignent un ou plusieurs organismes chargés de promouvoir l'égalité de traitement entre toutes les personnes sans discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique. Ils peuvent faire partie d'organes chargés de défendre à l'échelon national les droits de l'homme ou de protéger les droits des personnes. 2. Les États membres font en sorte que ces organismes aient pour compétence: - sans préjudice des droits des victimes et des associations, organisations et autres personnes morales visées à l'article 7, paragraphe 2, d'apporter aux personnes victimes d'une discrimination une aide indépendante pour engager une procédure pour discrimination, - de conduire des études indépendantes concernant les discriminations, - de publier des rapports indépendants et d'émettre des recommandations sur toutes les questions liées à ces discriminations. Chapitre IV. - Dispositions finales Article 14 Les États membres prennent les mesures nécessaires afin que: a) soient supprimées les dispositions législatives, réglementaires et administratives contraires au principe de l'égalité de traitement; b) soient ou puissent être déclarées nulles et non avenues ou soient modifiées les dispositions contraires au principe de l'égalité de traitement qui figurent dans les contrats ou les conventions collectives, dans les règlements intérieurs des entreprises ainsi que dans les règles régissant les associations à but lucratif ou non lucratif, les professions indépendantes et les organisations de travailleurs et d'employeurs. Article 15 Les États membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions nationales adoptées en application de la présente directive et prennent toute mesure nécessaire pour assurer l'application de celles-ci. Les sanctions ainsi prévues, qui peuvent comprendre le versement d'indemnités à la victime, doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. Les États membres notifient ces dispositions à la Commission au plus tard le 19 juillet 2003 et toute modification ultérieure les concernant dans les meilleurs délais. Article 16 Les États membres adoptent les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 19 juillet 2003 ou peuvent confier aux partenaires sociaux, à leur demande conjointe, la mise en oeuvre de la présente directive, pour ce qui est des dispositions relevant des accords collectifs. Dans ce cas, ils s'assurent que, au plus tard le 19 juillet 2003, les partenaires sociaux ont mis en place les dispositions nécessaires par voie d'accord, les États membres concernés devant prendre toute disposition nécessaire leur permettant d'être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par la présente directive. Ils en informent immédiatement la Commission. Lorsque les États membres adoptent lesdites dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres. Article 17 1. Les États membres communiquent à la Commission, au plus tard le 19 juillet 2005 et ensuite tous les cinq ans, toutes les informations nécessaires à l'établissement par la Commission d'un rapport au Parlement européen et au Conseil sur l'application de la présente directive. 2. Le rapport de la Commission prend en considération, comme il convient, l'opinion de l'Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes ainsi que le point de vue des partenaires sociaux et des organisations non gouvernementales concernées. Conformément au principe de la prise en compte systématique de la question de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, ce rapport fournit, entre autres, une évaluation de l'impact que les mesures prises ont sur les hommes et les femmes. À la lumière des informations reçues, ce rapport inclut, si nécessaire, des propositions visant à réviser et à actualiser la présente directive. Article 18 La présente directive entre en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes. Article 19 Les États membres sont destinataires de la présente directive. Code pénal Art. 226-13. - La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle des dépenses engagées Art. 1er. - Il est institué dans chaque ministère un service de comptabilité et de contrôle des dépenses engagées. Un même contrôleur des dépenses engagées peut être chargé du contrôle de plusieurs ministères. La répartition des contrôles entre les contrôleurs est faite par le ministre de l'économie et des finances dans la limite des crédits ouverts annuellement par la loi de finances. L'organisation de chaque contrôle, en ce qui concerne la répartition et la désignation du personnel d'exécution, les locaux et le matériel de bureau, est arrêtée par le ministre de l'économie et des finances, après accord avec les ministres intéressés. Art. 2. - Les contrôleurs des dépenses engagées sont nommés par décrets contresignés par le ministre de l'économie et des finances et placés sous la seule autorité de ce ministre. Ils sont choisis exclusivement parmi les fonctionnaires appartenant aux cadres des administrations dépendant de ce ministre. A titre transitoire, pendant une période maximum de cinq ans à partir du 1er janvier 1922, ils pourront l'être également parmi les agents retraités ayant appartenu à ces cadres. Ils ne peuvent être chargés d'aucune fonction en dehors de leur service de contrôle. Art. 3. - La comptabilité des dépenses engagées est tenue suivant les règles et dans la forme déterminées par un décret portant règlement d'administration publique rendu sur la proposition du ministre de l'économie et des finances. Les résultats de cette comptabilité sont fournis chaque mois au ministre de l'économie et des finances et aux ministres intéressés ainsi qu'aux commissions financières des deux Chambres. Cette communication est accompagnée d'un relevé explicatif appuyé de tous renseignements utiles, des suppléments et des annulations de crédits que l'état des engagements pourrait motiver au cours de l'exercice. Il est distribué aux Chambres le 30 avril de chaque année, une situation des dépenses engagées au 31 décembre de l'année expirée. Art. 4. - Les contrôleurs des dépenses engagées donnent, au point de vue financier, leur avis motivé sur les projets de lois, de décrets, d'arrêtés, contrats, mesures ou décisions soumis au contreseing ou à l'avis du ministre de l'économie et des finances, ainsi que sur les propositions budgétaires et les demandes de crédits additionnels de toute nature des départements ministériels auxquels ils sont attachés. Ils reçoivent, à cet effet, communication de tous documents ou renseignements utiles. Ces avis sont transmis au ministre de l'économie et des finances en même temps que les projets, propositions ou demandes auxquels ils se rapportent. Art. 5. - Tous autres décrets, arrêtés, contrats, mesures ou décisions émanant d'un ministre ou d'un fonctionnaire de l'administration centrale et ayant pour effet d'engager une dépense sont soumis au visa préalable du contrôleur des dépenses engagées. Le contrôleur les examine au point de vue de l'imputation de la dépense, de la disponibilité des crédits, de l'exactitude de l'évaluation, de l'application des dispositions d'ordre financier des lois et règlements, de l'exécution du budget en conformité du vote des Chambres et des conséquences que les mesures proposées peuvent entraîner pour les finances publiques. À cet effet, il reçoit communication de toutes les pièces justificatives des engagements de dépenses. Si les mesures proposées lui paraissent entachées d'irrégularité, le contrôleur refuse son visa. En cas de désaccord persistant, il en réfère au ministre de l'économie et des finances. Il ne peut être passé outre au refus du visa du contrôleur que sur avis conforme du ministre de l'économie et des finances. Les ministres et administrateurs seront personnellement et civilement responsables des décisions prises sciemment à l'encontre de cette disposition. Art. 6. - Aucune ordonnance de délégation de crédits ne peut être présentée à la signature du ministre ordonnateur qu'après avoir été soumise au visa du contrôleur des dépenses engagées. Les ordonnances non revêtues du visa du contrôleur sont nulles et sans valeur pour les comptables du Trésor. Certaines ordonnances de paiement, définies pour chaque ministère par un arrêté du ministre chargé du budget, sont soumises, en raison de la nature des dépenses en cause ou de leur montant particulièrement élevé, au visa préalable du contrôle financier. Le contrôleur s'assure notamment que les ordonnances soumises à son visa se rapportent soit à des engagements de dépenses déjà visés par lui, soit à des états de prévisions de dépenses dont il a préalablement pris charge dans ses écritures, et se maintiennent à la fois dans la limite de ces engagements ou états de prévisions et dans celle des crédits. Il reçoit communication de toutes les pièces justificatives des dépenses, ainsi que des états de liquidation et des demandes d'ordonnancement. Si les ordonnances lui paraissent entachées d'irrégularités, le contrôle les vise avec observations. En aucun cas, il ne pourra être procédé au paiement des ordonnances visées avec observations qu'après autorisation du ministre de l'économie et des finances. Les ministres ordonnateurs seront personnellement et civilement responsables des décisions prises sciemment à l'encontre des prescriptions du présent article. Les ordonnances de délégation qui seront soumises au contrôleur des dépenses engagées devront être accompagnées de toutes justifications ; elles comporteront notamment l'indication précise de l'objet de la délégation ainsi que le compte d'emploi des crédits précédemment délégués au même ordonnateur secondaire. Art. 7. - Chaque année, les contrôleurs des dépenses engagées établissent un rapport d'ensemble relatif au budget du dernier exercice écoulé, exposant les résultats de leurs opérations et les propositions qu'ils ont à présenter. Ces rapports sont dressés par chapitre budgétaire et par ligne de recettes. Ils sont, ainsi que les suites données aux observations et propositions qui y sont formulées, communiqués par les contrôleurs des dépenses engagées au ministre de l'économie et des finances et aux ministres intéressés et, par l'intermédiaire du ministre de l'économie et des finances, à la Cour des comptes et aux commissions financières des deux Chambres. Art. 8. - La présente loi est applicable aux établissements publics de l'État pourvus de l'autonomie financière dans les conditions qui seront déterminées par des instructions arrêtées par le ministre de l'économie et des finances, après accord avec les ministres dont ces établissements relèvent. Art. 9. - Il est interdit, à peine de forfaiture, aux ministres et secrétaires d'État et à tous autres fonctionnaires publics, de prendre sciemment et en violation des formalités prescrites par les articles 5 et 6 de la présente loi, des mesures ayant pour objet d'engager des dépenses dépassant les crédits ouverts ou qui ne résulteraient pas de l'application des lois. Les ministres et secrétaires d'État et tous autres fonctionnaires publics seront civilement responsables des décisions prises sciemment à l'encontre des dispositions ci-dessus. Néanmoins si, en cours d'exercice, le Gouvernement juge indispensable et urgent, pour des nécessités extérieures ou pour des nécessités de défense nationale ou de sécurité intérieure, d'engager des dépenses au-delà et en dehors des crédits ouverts, il le pourra par délibération spéciale du conseil des ministres, mais sous réserve de présenter immédiatement une demande d'ouverture de crédit devant les chambres appelées à régulariser l'initiative du Gouvernement ou à refuser l'autorisation. Art. 10. - Sont et demeurent abrogés les articles 59 de la loi du 26 décembre 1890, 52 de la loi du 28 décembre 1895, 78 de la loi du 30 mars 1902, 53 de la loi du 31 mars 1903, 39 de la loi du 26 décembre 1908, 147 à 149 de la loi du 13 juillet 1911, 12 de la loi du 31 mars 1917, 7 de la loi du 30 juin 1919, 37 de la loi du 12 août 1919, 40 à 42 de la loi du 30 avril 1921. Loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations Art. 9. - Un service d'accueil téléphonique gratuit est créé par l'État. Il concourt à la mission de prévention et de lutte contre les discriminations raciales. Ce service a pour objet de recueillir les appels des personnes estimant avoir été victimes ou témoins de discriminations raciales. Il répond aux demandes d'information et de conseil, recueille les cas de discriminations signalés ainsi que les coordonnées des personnes morales désignées comme ayant pu commettre un acte discriminatoire. Le secret professionnel est applicable aux agents du service d'accueil téléphonique et à toutes les personnes qui, au niveau local, sont chargées de traiter les signalements transmis par ce service dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. Dans chaque département est mis en place, en liaison avec l'autorité judiciaire et les organismes et services ayant pour mission ou pour objet de concourir à la lutte contre les discriminations, un dispositif permettant d'assurer le traitement et le suivi des cas signalés et d'apporter un soutien aux victimes, selon des modalités garantissant la confidentialité des informations. Un décret en Conseil d'État précise les modalités de transmission des informations entre les échelons national et départemental ainsi que les conditions d'organisation et de fonctionnement du dispositif départemental. L'affichage des coordonnées du service d'accueil téléphonique est obligatoire dans tous les établissements mentionnés à l'article L. 200-1 du code du travail ainsi que dans les administrations de l'État, les collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif. LES EXPÉRIENCES ÉTRANGÈRES (17) LE ROYAUME-UNI Trois organismes publics ont été créés, spécialisés par critère de discrimination. La Commission pour l'égalité des chances (Equal Opportunities Commission : EOC), créée en 1975, est compétente pour les seules discriminations entre les hommes et les femmes. La Commission pour l'égalité raciale (Commission for Racial Equality : CRE), instituée en 1976, a, comme son nom l'indique, pour mission de combattre les discriminations raciales. Enfin, on citera la Commission pour les droits de la personne handicapée (Disability Rights Commission : DRC), qui a été créée en 1999. Quoique dirigées par un collège de membres désignés par le Gouvernement, rattachées à l'administration et financées sur fonds publics, ces instances fonctionnent en pratique de manière indépendante, comme le montrent les enquêtes menées ces dernières années au sein de l'armée, de la police, des prisons et d'autres administrations publiques par la Commission pour l'égalité raciale. Le gouvernement britannique a décidé, en novembre 2003, le regroupement, d'ici 2006, des trois organismes en un seul. On se limitera ici à présenter la Commission pour l'égalité raciale (CRE), qui est la plus importante des trois commissions et présente des caractéristiques générales similaires aux deux autres, avec lesquelles elle travaille d'ailleurs en étroite collaboration. La CRE connaît de toutes les discriminations raciales, directes comme indirectes, que ce soit en matière d'emploi, de formation, de logement, d'éducation, et, de manière générale, d'accès aux biens et services, y compris ceux fournis par les personnes publiques. Placée auprès du ministère de l'intérieur (home office), elle est composée de huit à quinze membres nommés pour cinq ans, qui sont des personnalités qualifiées issues de la société civile et sont désignées par le ministre de l'Intérieur. Si le président est nommé à temps plein, d'autres n'exercent leurs fonctions qu'à temps partiel. Une majorité des membres est traditionnellement issue des « minorités visibles ». La commission se réunit une fois par mois. Elle est assistée d'un service qui est organisé en comités spécialisés par fonction ou zone géographique, au nombre d'une dizaine. Son action est relayée localement par ses six délégations régionales, qui ont la faculté d'enregistrer les réclamations, ainsi que par des « conseils pour l'égalité », qu'elle finance, mais qui ne dépendent pas d'elle et qui sont chargés d'une mission d'information et d'orientation des victimes. La commission a pour missions de lutter contre les discriminations, de promouvoir l'égalité des chances et de veiller à la bonne application de la loi. Elle formule, en premier lieu, des recommandations pour améliorer la législation et assurer le respect du principe de non-discrimination. Le rapport Belorgey de 1999 cite comme exemplaire l'abrogation, en 1980, à la suite d'une proposition de la commission, de la section 4 du Vagrancy Ac de 1824 qui permettait à la police d'arrêter tout individu donnant l'impression qu'il était sur le point de commettre un méfait dans un lieu public qui, selon la façon dont il était appliqué, pouvait parfois être assimilé à un « délit de sale gueule ». Plus récemment (2003), la commission a présenté diverses propositions en ce qui concerne les conditions de détention des enfants des demandeurs d'asile ou les pratiques discriminatoires en matière de fouilles par les policiers. En second lieu, la CRE conduit des actions d'observation, de recueil et de diffusion des connaissances, ainsi que de sensibilisation de l'opinion publique. Elle publie un rapport annuel, participe à la mise en œuvre de formations pour les personnes concernées par la lutte contre les discriminations et organise, dans le cadre des orientations préalablement définies par elle, des campagnes de communication. En troisième lieu, elle apporte une aide indépendante aux personnes qui s'estiment victimes de discrimination, selon une procédure de saisine directe, soit auprès des bureaux régionaux, soit auprès de la structure centrale (saisine par téléphone, internet ou courrier). Cette aide prend la forme d'actions d'information, de conseil et de médiation. Elle a la faculté de saisir la justice et de soutenir devant les tribunaux certains plaignants, dont les dossiers sont choisis en fonction d'un programme d'action et de critères de sélection préalablement définis par la commission. Le nombre de réclamations dont elle est saisie varie, selon les années, de 1000 à 2000. En 2002, elle a reçu environ 1300 demandes d'information et de conseil (dont environ 500 pour le seul domaine de l'emploi) et a apporté son soutien, complet ou partiel, dans quelque 200 dossiers. Elle a suivi 73 affaires devant les tribunaux, 75 autres dossiers ayant connu une issue favorable avant même la saisine de la justice. En quatrième lieu, lorsque des indices suffisants permettent de présumer l'existence de discriminations, la commission mène des enquêtes à son initiative dans les administrations et les entreprises. Elle peut leur demander de lui fournir toute information ou tout document. En cas de refus, elle dispose de la faculté de demander au juge civil d'adresser des injonctions à l'auteur présumé de discrimination. Ses interventions peuvent déboucher sur des avis de mise en conformité, qui fixent un délai pour prendre les mesures correctrices nécessaires. En cas d'échec, la commission peut saisir le juge civil. Trois grandes enquêtes ont été menées en 2002. La première, qui concernait un des services de l'État, The Crown Prosecution service (correspondant à notre ministère public), a mis en évidence des pratiques de discrimination raciale. La commission a émis un certain nombre de recommandations, suivies de la mise en place par le service concerné d'un programme de mesures correctrices. La deuxième a concerné l'entreprise Ford Motor Company et a eu pour objet d'apprécier si les termes de l'accord conclu l'année précédente avec la CRE avaient été respectés. Cette enquête de « suivi » a débouché sur un nouvel engagement de l'entreprise. La dernière enquête a porté sur l'administration pénitentiaire (Her Majesty's Prison Service) et a donné lieu à un rapport de non-conformité. Enfin, au titre de sa mission de promotion de l'égalité de traitement, qui est fondée sur une logique de partenariat, la CRE propose des programmes d'action, de formation et de sensibilisation et élabore des guides de pratiques égalitaires. Ces derniers sont adoptés par secteur d'activité, en concertation avec les différents protagonistes. La commission incite les entreprises et les administrations à s'engager dans un processus volontaire de mise en conformité avec les « standards » prescrits par ces guides, au moyen de programmes destinés à supprimer les pratiques discriminatoires. Le contrôle de leur mise en oeuvre est assuré par son service d'audit et de conseil. Ces programmes deviennent obligatoires dès lors que l'entreprise ou l'administration a fait l'objet d'un avis de non-conformité. Dotée d'un budget d'environ 30 millions d'euros pour l'année 2002, elle emploie une centaine de personnes, auxquelles, outre le recours ponctuel à des avocats, il convient d'ajouter quelque 200 agents des délégations régionales. LA BELGIQUE Le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme (CECLR) a été créé par une loi du 15 février 1993. Cet organisme, qui est constitué en la forme d'un service public autonome, est actuellement rattaché au ministre de la Fonction publique, de l'Intégration sociale et de la Politique des grandes villes, qui est également chargé de la promotion de l'égalité. Il est dirigé par un conseil d'administration de vingt et une personnes nommées pour six ans sur un mandat irrévocable par les gouvernements régionaux et le Conseil des ministres. Initialement chargé des seules discriminations fondées sur la race, l'origine ethnique ou nationale, sa compétence a été étendue à d'autres critères de discriminations en vertu d'une loi du 25 février 2003 (notamment la religion, les convictions, la santé, le handicap, l'âge et l'orientation sexuelle). Il connaît des discriminations directes, comme indirectes, dans des domaines très divers énumérés dans la loi. En revanche, cette compétence ne s'étend pas aux discriminations hommes/femmes, qui relèvent d'un autre organisme, l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes, avec lequel il collabore étroitement. Outre ses missions de promotion de l'égalité des chances et de lutte contre les discriminations, le centre est notamment chargé de l'observation des politiques d'intégration, de la défense des droits des étrangers, de la lutte contre la pauvreté, la précarité et l'exclusion sociale ainsi que de la traite des êtres humains. Le CECLR exerce d'abord une fonction consultative et de recommandation auprès des pouvoirs publics, afin notamment d'améliorer la législation en vigueur. Il remet chaque année un rapport au Parlement. Il assure ensuite des fonctions de communication, d'observation, d'étude et de formation. Enfin, il est chargé d'apporter un soutien aux victimes, qui peuvent le saisir directement. L'aide peut prendre la forme de conseils ou d'une médiation informelle. Il ne dispose pas de pouvoirs d'enquête contraignants. Il a la faculté de saisir la justice, y compris par la voie du référé. Il peut se constituer partie civile sur décision de son conseil d'administration, soit en accord avec les victimes, soit même de sa propre initiative. Enfin, il soutient les organismes qui fournissent une assistance juridique aux victimes et entretient des relations étroites avec de nombreuses institutions publiques (police, armée, éducation...) et associations. En 2002, il a enregistré plus de 1300 réclamations (dont 148 relatives à l'emploi, 185 aux services publics et 101 à l'action des forces de l'ordre). Une centaine de dossiers ont été orientés vers une autre institution. La victime a bénéficié d'un soutien dans un peu moins de la moitié des cas. 432 dossiers ont fait l'objet d'une médiation, 75 ont donné lieu à une plainte simple et 26 à constitution de partie civile. Son budget était en 2003 de 8 millions d'euros. Il emploie une centaine d'agents et dispose de dix-huit permanences d'accueil décentralisées. Ces moyens sont importants, mais tiennent compte de la diversité de ses attributions. LE CANADA (QUÉBEC) Créée par la Charte des droits et libertés de la personne du 27 juillet 1975, qui a valeur supralégislative, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec a pour mission de veiller, par toutes mesures appropriées, au respect des principes énoncés dans la charte et au respect des droits des enfants. Les commissaires, au nombre de quinze, sont nommés par l'Assemblée nationale, à la majorité des deux tiers des voix, sur proposition du Premier ministre. Il s'agit de personnalités qualifiées (universitaires, juristes, syndicalistes, représentants de minorités...). La commission est notamment chargée de garantir à toute personne le plein exercice de ses droits et libertés et de lutter contre toutes distinctions, exclusions ou préférences fondées sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge (sauf dans la mesure prévue par la loi), la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale et le handicap. Son champ de compétence, qui s'étend aux libertés publiques et aux droits de la personne, est donc extrêmement large. Ses actions sont très diversifiées. Elle élabore des programmes d'information et d'éducation destinés à faire comprendre et accepter les dispositions de la charte, elle réalise des études ou les encourage, elle exerce un rôle d'observatoire et de service statistique, enfin elle adresse des recommandations ou des avis au Gouvernement et aux autres acteurs, publics et privés, de la politique de lutte contre les discriminations et est consultée sur les projets de textes (en 2002, elle a ainsi été amenée à examiner 134 projets de lois). Elle élabore également des programmes d'accès à l'égalité, destinés à mettre en conformité les pratiques de gestion des ressources humaines avec le droit en vigueur. Ces programmes, dont elle suit l'exécution, sont obligatoires pour les administrations. Une partie importante de son activité est consacrée à sa mission de renseignement, de traitement des réclamations et d'enquête. Pour obtenir réparation, les victimes peuvent saisir soit le juge civil de droit commun, soit la commission. Lorsqu'elle est saisie, cette dernière s'efforce, par la médiation, de parvenir à un règlement entre les parties. En cas d'échec, ses services procèdent à une enquête. Au terme de son instruction, la commission peut saisir le Tribunal des droits de la personne, qui est une formation spécialisée de la Cour du Québec, dont les décisions peuvent être contestées par la voie de l'appel. La saisine de la commission est un préalable à celle de ce tribunal. Lorsqu'elle rejette la demande, le plaignant ne dispose plus de recours. Quelques chiffres permettent d'illustrer cette activité. En 2002, sur près de 51 000 saisines, 17 000 demandes relevaient du champ d'application de la charte, 1200 dossiers ont donné lieu à enquête, dont un quart a été réglé par voie de médiation. Le délai de traitement des dossiers est de trois ans en moyenne, ce qui traduit un certain engorgement du dispositif. La commission mène également des enquêtes de sa propre initiative. À ce titre, elle peut demander la communication de documents, procéder à des auditions de témoins et à des investigations sur place. La commission dispose d'un effectif total de 165 personnes, de onze bureaux régionaux et d'un budget de l'ordre de neuf millions d'euros. Ces chiffres doivent être doublement relativisés en les rapportant à la fois au champ de compétence très large de la commission et à la population du Québec (sept millions d'habitants). L'IRLANDE Instituée en 1999, l'Autorité pour l'égalité (Equality Authority) est un organisme indépendant dont le collège de direction est composé de douze personnalités qualifiées, nommées pour quatre ans par le ministre de la Justice. Elle a pour missions de promouvoir et de défendre l'égalité de traitement dans tous les secteurs de la société et de lutter contre toutes les formes de discriminations, directes comme indirectes (neuf critères, similaires à ceux mentionnés dans les directives communautaires). Elle publie un rapport annuel. L'Autorité pour l'égalité est notamment chargée d'apporter une aide aux personnes qui s'estiment victimes de discrimination, grâce à des actions de conseil ou d'assistance juridique. En cas d'échec des démarches de bons offices effectuées entre le plaignant et l'auteur présumé de discrimination, elle peut saisir le tribunal pour l'égalité ou les juridictions de droit commun. Les services de l'autorité emploient une cinquantaine de personnes. En 2002, elle a reçu 38 650 demandes téléphoniques d'information et examiné 1284 plaintes, dont 489 concernaient l'emploi et 795 l'accès aux services (éducation, logement, services publics). Sur les 1284 dossiers dont elle a été saisie, 501 ont donné lieu à médiation, décision judiciaire, prise en charge par un avocat ou un syndicat et 302 ont fait l'objet d'une procédure d'investigation approfondie. Enfin, 481 dossiers ont fait l'objet de recours qui étaient encore pendants devant les juridictions à la fin de l'année 2002. LES PAYS-BAS Créée en 1994, la Commission pour l'égalité de traitement (Commissie Gelijke Behandeling) est composée de neuf membres permanents et de neuf suppléants, nommés pour six ans par le ministre de la Justice. Compétente pour connaître de l'ensemble des discriminations, directes comme indirectes, elle est chargée de veiller à l'application de la législation sur l'égalité de traitement et de promouvoir l'égalité des chances, mais surtout d'apporter une assistance, sur leur saisine directe, aux personnes qui s'estiment victimes de discriminations. Elle présente un rapport annuel. La Commission ne peut saisir la justice de cas individuels ; en revanche, elle peut de sa propre initiative mener des enquêtes et saisir la justice lorsqu'il existe dans un secteur donné une présomption de discriminations persistantes. Après enquête et audition contradictoire des parties, elle statue sur l'existence de la discrimination alléguée et formule des recommandations. En 2002, elle a reçu 304 réclamations qui s'ajoutent à un stock de 227 affaires non encore traitées. Elle a pris 204 décisions, dont 72 reconnaissaient une violation de la loi sur l'égalité de traitement. Par ailleurs, 86 dossiers ont été rejetés comme irrecevables et 80 réclamations ont été retirées. Elle dispose d'une soixantaine d'agents, en majorité à profil juridique, et d'un budget de l'ordre de 3,5 millions d'euros. LA SUÈDE Le dispositif suédois présente quelques spécificités. Il repose, en effet, sur cinq ombudsmän compétents respectivement pour la discrimination ethnique, l'égalité des chances, les droits des enfants, les personnes handicapées et l'orientation sexuelle. La fonction d'ombudsman, qui présente des similitudes avec celle de Médiateur de la République, remonte au début du XIXe siècle. L'ombudsman était initialement chargé de veiller au respect des lois par les juges et les fonctionnaires. Dans le cadre de la transposition des directives communautaires, les fonctions de ces ombudsmän pourraient être prochainement fusionnées. Institué en 1986 et compétent pour les discriminations ethniques, l'Ombudsmannen mot Etnisk Diskriminering est indépendant et nommé par le Gouvernement pour une durée de six ans. Il est notamment chargé de proposer les mesures destinées à combattre les discriminations fondées sur la race, la couleur, l'origine ethnique ou la religion. Il exerce également une mission d'information et de diffusion des connaissances (rapport annuel, formation, communication). Il apporte une aide aux victimes, qui le saisissent directement, en leur proposant une orientation, des conseils juridiques, une médiation, voire, à leur demande, une saisine de la justice en cas d'échec de la médiation. Il peut aussi représenter la victime devant le juge, lorsque sont en cause des discriminations sur le lieu de travail, sous réserve que l'intéressé ne le soit pas déjà par son syndicat ou son organisation professionnelle. Son budget annuel est de l'ordre de 1,3 millions d'euros et il dispose d'un service d'une quinzaine de personnes, pour la plupart juristes. ----------- N° 1827 - Rapport sur le projet de loi portant création de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (M. Pascal Clément) 1 () On citera par exemple, parmi de nombreuses décisions de la CJCE, l'arrêt de principe du 13 mai 1986, Bilka-Kaufhaus GMBH c/Karine Weber von Hartz, relatif à l'exclusion d'un régime de pensions d'employés à temps partiel d'un grand magasin, en majorité de sexe féminin. 2 () Arrêts Marckx c/ Belgique du 13 juin 1979 et Inze c/Autriche du 28 octobre 1987. 3 () Arrêt Dudgeon c/ Royaume-Uni et Irlande du Nord du 22 octobre 1981. 4 () Décision n° 89-269 DC du 22 janvier 1990. 5 () Cf. notamment, sur l'égalité des sexes : 3 juillet 1936, Demoiselle Bobard ; ou sur les opinions politiques : Assemblée, 28 mai 1954, Barel. 6 () Cf. : 29 juillet 2002, M. Griesmar, et 5 juin 2002, M. Choukroun. 7 () Cf. : Section, 30 novembre 2001, ministre de la Défense et ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie c/Diop. 8 () Cf. notamment l'article 2 de la directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique. 9 () En règle générale, et notamment pour Conseil supérieur de l'audiovisuel, l'Autorité de régulation des télécommunications ou la Commission de régulation de l'électricité, lorsqu'ils ne sont pas renouvelables, les mandats des membres d'autorité administrative indépendante sont de six ans. 10 () Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 relative au Conseil supérieur de l'audiovisuel. 11 () Décision n° 89-260 DC du 28 juillet 1989 relative à la Commission des opérations de bourse. 12 () Étude du Conseil d'État « Réflexions sur les autorités administratives indépendantes », 2001. 13 () C'est notamment le cas du Centre pour l'égalité des chances belge. 14 () Décision n° 89-260 DC du 28 juillet 1989 relative à la Commission des opérations de bourse. 15 () Politiques en faveur de l'inclusion sociale, Accueil des étrangers et intégration, Actions en faveur des familles vulnérables, Handicap et dépendance, Protection maladie complémentaire, Égalité entre les hommes et les femmes, Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales. 16 () L'action constitue un troisième niveau de nomenclature, situé au-dessous du programme. 17 () Cette annexe est extraite du rapport de M. Bernard Stasi au Premier ministre : Vers la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, La Documentation française,p 2004. © Assemblée nationale |