Document mis en distribution le 22 novembre 2004 N° 1923 -- ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 novembre 2004. RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (N° 1881) DE M. RENÉ DOSIÈRE, tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics en Polynésie française et la gestion des services publics relevant de la Polynésie française, PAR M. René DOSIÈRE, Député. -- INTRODUCTION 5 I. - LES CONDITIONS DE RECEVABILITÉ DE LA CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE SONT RÉUNIES 6 II. - SEULE UNE COMMISSION D'ENQUÊTE SERAIT EN MESURE DE FAIRE LE POINT SUR L'UTILISATION DES FONDS PUBLICS ET LA GESTION DES SERVICES PUBLICS DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE 8 A. IL EST LÉGITIME DE POUVOIR FAIRE TOUTE LA LUMIÈRE SUR L'UTILISATION DES FONDS PUBLICS ET LA GESTION DES SERVICES PUBLICS DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE 8 B. LES CONTRÔLES EXISTANTS SONT INSUFFISANTS 10 1. La situation particulière de la chambre territoriale des comptes, quand elle a existé, n'a pas permis d'assurer un contrôle véritable des comptes et de la gestion en Polynésie française 10 2. Les faiblesses du contrôle administratif et juridictionnel en Polynésie française 14 EXAMEN EN COMMISSION 16 ANNEXE 1 : rapport d'observations définitives de la chambre territoriale des comptes sur la délégation de la Polynésie française à Paris 21 ANNEXE 2 : lettre du garde des Sceaux du 10 novembre 2004 31 MESDAMES, MESSIEURS, Les membres du groupe socialiste et apparentés ont déposé le 25 octobre 2004 une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics en Polynésie française et la gestion des services publics relevant de la Polynésie française, renvoyée à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. La crise institutionnelle que connaît actuellement la Polynésie française a en effet été manifestement accélérée par la décision prise par le président élu suite aux élections du 23 mai 2004, M. Oscar Temaru, de commander un audit sur la gestion de son prédécesseur, M. Gaston Flosse. La campagne électorale de mai 2004 a révélé un mécontentement croissant de la population et des élus polynésiens concernant la gestion de M. Flosse, qui explique en grande partie le large rassemblement formé autour de M. Temaru, qui dépasse de très loin la seule mouvance indépendantiste. Dans ce contexte, il semble indispensable de pouvoir faire le point sur la réalité des critiques portées contre la gestion de la Polynésie française, notamment en ce qui concerne l'utilisation des fonds publics par cette dernière. La création d'une commission d'enquête le permettrait : votre Rapporteur vous exposera que cela est tout d'abord juridiquement possible, mais que cela est également souhaitable, compte tenu du caractère insuffisant des procédures de contrôle existantes. I. - LES CONDITIONS DE RECEVABILITÉ DE LA CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE SONT RÉUNIES La recevabilité des propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête s'apprécie au regard des dispositions de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du Règlement de l'Assemblée nationale. Tout d'abord, il est important de préciser que les dispositions relatives aux commissions d'enquête s'appliquent de plein droit en Polynésie française, nonobstant le statut d'autonomie dont elle dispose. En effet, l'article 7 de la loi organique du 27 mars 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française précise que sont notamment applicables de plein droit en Polynésie française les dispositions législatives et réglementaires relatives à « la composition, l'organisation, le fonctionnement et les attributions des pouvoirs publics constitutionnels de la République » : l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est donc applicable en Polynésie française. La première exigence posée par les textes applicable est de déterminer avec précision, dans la proposition de résolution, soit les faits pouvant donner lieu à enquête, soit les services publics ou les entreprises nationales dont la commission d'enquête doit examiner la gestion. La proposition de résolution déposée par le groupe socialiste répond parfaitement à ces exigences puisqu'elle évoque des faits précis, à savoir l'utilisation des fonds publics en Polynésie française, et le contrôle de la gestion de services publics, ceux relevant de la collectivité d'outre-mer de Polynésie française. La seconde exigence concerne la mise en œuvre du principe de séparation des pouvoirs législatif et judiciaire qui interdit à l'Assemblée nationale d'enquêter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. Par lettre du 10 novembre 2004 reproduite en annexe, M. Dominique Perben, garde des Sceaux, ministre de la justice, a fait savoir à M. Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale, que trois informations judiciaires avaient été ouvertes au tribunal de grande instance de Papeete courant 2000 concernant d'éventuels emplois fictifs auprès du gouvernement de la Polynésie française, portant sur les chefs de prise illégale d'intérêt et de détournement de fonds publics. Ces procédures judiciaires en cours sont en rapport avec l'objet de la commission d'enquête mais leur existence ne suffit pas à faire obstacle à sa création. En effet, l'objet de la proposition de résolution dépasse de beaucoup la seule question spécifique des emplois fictifs de la présidence de Polynésie qui ne constitue qu'une partie limitée des investigations souhaitées. La commission d'enquête qu'il vous est proposé de créer concerne en effet l'ensemble des fonds publics destinés à la Polynésie française et des services publics relevant de la Polynésie française, au-delà des seules responsabilités individuelles de ses dirigeants. Les organismes et institutions concernées - Les institutions de la Polynésie française (gouvernement, assemblée, conseil économique et social) ; - Les ministères du gouvernement de Polynésie française ; - Les établissements publics administratifs sous la tutelle d'un ministère (par exemple le Centre de formation professionnelle des adultes, l'Office polynésien pour l'habitat ou la Délégation à l'environnement) ; - Les établissements publics industriels et commerciaux relevant de la Polynésie française (comme le port autonome de Papeete) ; - Les organismes recevant des fonds publics de la Polynésie française quel que soit leur statut (gie, sem, délégataires de service public...), comme le gie Tahiti Tourisme ou la sem Tahiti nui Rava'ai ; - Les communes de Polynésie française et leurs établissements publics ; - Les organismes de sécurité sociale, et notamment la Caisse de prévoyance sociale. Par conséquent, refuser la création de la commission d'enquête au motif de ces instructions judiciaires constituerait une manœuvre dilatoire dépourvue de tout fondement. En effet, selon une pratique constante depuis 1971, il a été admis que l'existence de poursuites judiciaires n'était pas, à elle seule, un obstacle à la création d'une commission d'enquête, mais constituait un élément à prendre en compte pour limiter ses pouvoirs d'investigation « dans la mesure de l'étendue des faits dont est saisie, pour sa part, l'autorité judiciaire » (1). De fait, l'Assemblée nationale a créé certaines de ses commissions d'enquête les plus célèbres en dépit de l'existence de poursuites judiciaires : on peut citer par exemple la commission d'enquête sur l'Amoco-Cadiz en 1979, sur le service d'action civique (sac) en 1982, sur les événements de novembre et décembre 1986 (dont le président était Pascal Clément), sur la transmission du sida en 1992, sur le Crédit Lyonnais en 1994, sur l'utilisation des fonds publics en Corse en 1998, sur les forces de sécurité en Corse en 1999... Le dernier exemple a été la création, le 18 mars 2003, d'une commission d'enquête sur les causes économiques et financières de la disparition d'Air Lib. Les faits signalés par le garde des Sceaux nous obligent simplement à veiller à ce que la commission d'enquête ne porte pas sur ces éléments, en l'occurrence la question des emplois fictifs de la présidence du gouvernement et de l'assemblée territoriale. La proposition de résolution qui est soumise à votre examen remplit donc parfaitement les conditions de recevabilité. II. - SEULE UNE COMMISSION D'ENQUÊTE SERAIT EN MESURE DE FAIRE LE POINT SUR L'UTILISATION DES FONDS PUBLICS ET LA GESTION DES SERVICES PUBLICS DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE A. IL EST LÉGITIME DE POUVOIR FAIRE TOUTE LA LUMIÈRE SUR L'UTILISATION DES FONDS PUBLICS ET LA GESTION DES SERVICES PUBLICS DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE · Le budget de la collectivité de Polynésie française pour 2004 s'élève à environ 1,2 milliard d'euros. Son financement est assuré à la fois par l'impôt et par des dotations en provenance du budget de l'État. Les citoyens sont donc en droit de connaître précisément la façon dont ses sommes sont utilisées. Tout d'abord, les résidents polynésiens s'acquittent des différents impôts du système fiscal polynésien, la fiscalité n'étant pas une compétence de l'État. À ce titre, les recettes fiscales reçues par la Polynésie française s'élèvent en 2004 à 843 millions d'euros. En outre, une partie importante du budget de la Polynésie française provient de transferts de l'État et, à ce titre, intéresse l'ensemble de la communauté nationale. En 2003, les subventions de l'État ont atteint 62,5 millions d'euros pour la section de fonctionnement, soit 7 % des recettes de fonctionnement, et 244 millions d'euros pour la section d'investissement, soit 59 % des recettes d'investissement. Au total, 23 % des recettes du budget de la Polynésie française ont été issus, en 2003, de transferts en provenance de l'État. Les communes de Polynésie française bénéficient également des transferts de la part de l'État : en 2004, 51 millions d'euros au titre de la dotation globale de fonctionnement, 7,9 millions au titre du fonds intercommunal de péréquation et 1,25 million d'euros de subventions d'équipement. PRINCIPAUX CHIFFRES SUR LES FONDS PUBLICS EN POLYNÉSIE FRANÇAISE
Compte tenu de l'importance de ces sommes, le respect des principes constitutionnels, et notamment de l'article XIV de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, exige que des mécanismes de contrôle permettent aux citoyens de « suivre l'emploi » de la contribution publique. Une commission d'enquête pourrait permettre de le faire, tout en évaluant l'efficacité des mécanismes de contrôle actuels. · Par ailleurs, la problématique du contrôle des finances publiques comporte une dimension particulière s'agissant de la Polynésie française : si le contrôle des fonds publics en général est un objectif à réaliser sur tout le territoire national, il semble en effet encore plus nécessaire en Polynésie française dans la mesure où cette collectivité a la particularité de recevoir chaque année une subvention spécifique : la dotation globale de développement économique (dgde). Pour compenser les pertes économiques et financières consécutives à l'arrêt des essais nucléaires en Polynésie, l'État a mis en place, en 1996, un fonds de reconversion de l'économie de la Polynésie française d'un montant de 150,92 millions d'euros (en valeur 1996) et pour une durée de dix ans. Une convention du 25 juillet 1996 indiquait que la Polynésie devait définir un plan stratégique de développement, soumis à l'approbation de l'État qui conservait donc un droit de regard sur l'affectation et le paiement de ces dépenses. Les décisions étaient prises de façon paritaire entre l'État et le territoire de la Polynésie. Or, depuis 2003, ce dispositif a été modifié. Le fonds de reconversion a disparu et à été remplacé par une dotation globale de développement économique (dgde) qui constitue désormais une subvention d'investissement de l'État vers le budget de la Polynésie française. Désormais l'utilisation de cette somme est laissée à l'initiative exclusive du président de la Polynésie, dans les domaines suivants : aide aux entreprises, aide aux investissements des communes et de leurs groupements, grands projets d'équipements publics, logement social. Ainsi, la Polynésie française décide seule de l'emploi de ces fonds, sans aucun contrôle de l'utilité ni même de la légalité de ces projets. L'assemblée de Polynésie elle-même ne peut pas exercer de contrôle puisque, d'après l'article 5 de la convention du 4 octobre 2002 signée entre le premier ministre et le président du gouvernement de la Polynésie française, c'est le gouvernement qui établit un programme quinquennal des investissements dont le financement doit être assuré par la dgde. Compte tenu de l'importance des sommes concernées (151 millions d'euros en 2005) et de leur libre utilisation par le gouvernement de Polynésie française, elles devraient logiquement faire l'objet de contrôles stricts et indépendants. Tel n'est pas le cas aujourd'hui, les contrôles existant semblant plus formels que substantiels : il est en effet prévu que chaque projet achevé doit faire l'objet d'un dossier comprenant de nombreuses pièces justificatives (documents de passation des marchés, factures...), qui est ensuite transmis au Haut-commissaire et à la chambre territoriale des comptes. Or, la chambre territoriale des comptes, interrogée par votre rapporteur, indique qu'aucun dossier concernant les opérations financées par la dgde ne lui a été transmis à ce jour. Quant au Comité de suivi État-Territoire, qui est chargé au plan administratif de suivre l'utilisation de ces fonds, il ne s'est encore jamais réuni. Sans remettre en cause la justification d'une compensation financière pour compenser l'arrêt des essais nucléaires en Polynésie, il est néanmoins indispensable de s'assurer de la bonne utilisation de ces fonds publics issus du budget de l'État et versés à la Polynésie française sans contrepartie réelle en termes de contrôle. Ainsi, la mise en œuvre de procédures de contrôles incontestables semble une contrepartie naturelle de l'importance des fonds publics affectés à la Polynésie française. Pourtant, il faut au moins s'interroger sur l'efficacité des contrôles auxquels la collectivité de Polynésie a été soumise ces dernières années. B. LES CONTRÔLES EXISTANTS SONT INSUFFISANTS 1. La situation particulière de la chambre territoriale des comptes (quand elle a existé) n'a pas permis d'assurer un contrôle véritable des comptes et de la gestion en Polynésie française Le contrôle de l'utilisation des fonds publics et de la gestion des services publics par la Polynésie française est incontestablement une mission importante de la chambre territoriale des comptes de Polynésie française. Cependant, votre rapporteur estime que l'existence du contrôle assuré par la chambre territoriale pourrait utilement être complété par celui qu'exercerait une éventuelle commission d'enquête. Alors que la Polynésie se voit dotée, en 1984, de son premier statut d'autonomie - application, en quelque sorte, de la décentralisation de 1982 en métropole -, il n'est pas créé de chambre territoriale des comptes. Il faudra attendre la loi du 12 juillet 1990 pour rendre compétente, à partir de la gestion 1991 (dont les pièces comptables ne sont disponibles que dans l'année 1992), une chambre territoriale des comptes tout à fait originale, puisque commune avec celle de Nouvelle-Calédonie, installée à Nouméa quelques mois auparavant. Cette double appartenance faisait bon marché de l'éloignement, tant géographique (plus de 5 000 km, huit heures d'avion avec franchissement de la ligne de changement de date) que politique et culturel, de deux territoires aussi différents que peuvent l'être la Polynésie et la Calédonie. Dans ces conditions, le contrôle des comptes et de la gestion des collectivités de Polynésie a été, pour le moins, ponctuel. Les missions de contrôle étaient courtes - une ou deux semaines au plus - et les magistrats, faute d'être immergés dans le contexte local, étaient privés de sources d'information indispensables et de la connaissance du terrain. Paradoxe supplémentaire, si la loi du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie prévoit, à l'initiative de votre rapporteur, le renforcement des missions de la chambre territoriale des comptes en Calédonie (contrepartie évidente de l'autonomie accrue accordée par le texte), la disposition retenue, faute de mesures transitoires, met fin à la compétence des magistrats financiers en Polynésie. Du jour au lendemain les contrôles en cours ont été interrompus brutalement et les rapports déposés n'ont pu faire l'objet d'un délibéré collégial. Il faudra attendre la nomination d'une nouvelle équipe de contrôle (dans le courant de l'année 2000) pour que les contrôles financiers reprennent. C'est seulement en février 2002 que la chambre territoriale des comptes pourra fonctionner avec l'ensemble de son personnel, dans des locaux adaptés. Ainsi, alors que la Polynésie se voyait dotée de compétences et de moyens financiers accrus, au rythme des statuts successifs (1984, 1990, 1996), aucun contrôle financier n'était exercé sur les dépenses publiques (2). La ctc de Polynésie française est donc une institution récente, qui n'a pu développer son activité de contrôle de gestion dans de bonnes conditions que depuis environ trois ans. De plus, son effectif est réduit - trois magistrats - alors que la charge de travail potentielle est particulièrement lourde puisqu'elle couvre des domaines plus larges que ceux des chambres régionales, dans la mesure où les compétences de la Polynésie française sont plus étendues que celles d'une collectivité locale de droit commun. Cette situation rend d'autant plus nécessaire et indispensable le travail d'une commission d'enquête parlementaire qui pourra, utilement, formuler des propositions permettant de respecter l'autonomie de la collectivité polynésienne. · Le large degré d'autonomie conféré à la Polynésie française depuis le statut de 1984 aurait dû conduire à mettre en place des procédures de contrôle renforcées. Or, paradoxalement, les moyens juridiques de la chambre territoriale des comptes ont toujours été plus réduits que celles des chambres régionales des comptes (crc). En effet, pour répondre au développement de la décentralisation, le législateur a mis en place au cours des années de nouvelles procédures de contrôle qui ne s'appliquaient pas, en raison de la règle de la spécialité, en Polynésie française. Les lois organique et ordinaire du 27 février 2004 ont permis d'aligner les compétences et moyens d'action de la ctc sur ceux dont bénéficient les crc, mais cela signifie donc, a contrario, que la gestion du territoire et des communes de Polynésie française a fait l'objet, jusqu'à cette date, d'un contrôle tout à fait insuffisant, notamment pour ce qui concerne le domaine des délégations de services publics. D'une manière générale, le législateur n'est pas assez attentif aux conséquences résultant du principe de spécialité, selon lequel un texte législatif n'est applicable en Polynésie que sur mention expresse. Par exemple, s'agissant de la lutte contre la corruption dans les transactions internationales, la France a ratifié la convention ocde de 1997 et adapté en conséquence sa législation pénale. En application de cette convention, l'article 39-2 bis du code général des impôts interdit la déductibilité des pots de vin versés à des agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales. Mais cet article ne s'applique pas aux territoires d'outre-mer. Seules les assemblées territoriales de ces collectivités pourraient transposer cette interdiction aux territoires concernés. Or, la Polynésie française s'est bien gardée de le faire comme l'a relevé l'ocde dans son évaluation de l'application de la convention en janvier 2004. · Ainsi, les contrôles exercés par la Chambre territoriale des comptes ne permettent pas d'avoir une vision exhaustive et complète de la gestion de la Polynésie française depuis que celle-ci a acquis un degré important d'autonomie. Une commission d'enquête parlementaire serait donc particulièrement utile pour faire le point sur la gestion passée de la Polynésie française. Les premiers rapports établis par la chambre territoriale démontrent en effet l'existence de dysfonctionnements graves de certains organismes (délégation de la Polynésie à Paris, gie Tahiti Tourisme, direction de la santé, ministère de l'habitat social). Ces rapports permettent en effet de mettre en lumière des pratiques de gestion pour le moins douteuses. Tel est le cas par exemple de la « politique de contrats à durée déterminée » de la délégation de la Polynésie française à Paris. La ctc remarque que « certains contrats correspondent plus à des contrats de circonstance qu'à des besoins réels de la délégation ». Elle cite alors un certain nombre d'exemples montrant bien que ces contrats sont généralement destinés à des personnes proches des autorités de la Polynésie française afin de leur permettre de disposer d'un revenu lors d'un séjour prolongé en métropole. Le cas de l'épouse du président de la commission permanente de l'assemblée territoriale de l'époque est particulièrement éclairant : elle a été recrutée en qualité d'adjoint au chef du département « investissement », fonction peu en rapport avec sa qualité d'adjointe de santé, pour une période d'un mois, correspondant à la période d'hospitalisation de son fils à Paris. De plus, répondant à une observation de la chambre qui s'étonnait du caractère élevé du salaire de cette personne, le directeur de la délégation a reconnu lui-même qu'il avait été fixé « en fonction de la courte durée de son séjour, puisque [l'intéressée] ne pouvait en aucun cas louer un appartement ». Cet aveu est révélateur d'une gestion peu soucieuse des deniers publics (3). le temps des copains À la suite de sa défaite aux élections législatives de 1997, l'ancien ministre de l'Outre-mer, M. Jean-Jacques de Peretti a été recruté par la délégation de Polynésie à Paris pour « assurer la promotion et la mise en valeur de la Polynésie française et la perception de son image » (convention de prestations de service, conclue pour six mois du 25 janvier au 24 juillet 2000, pour une rémunération de 36 588 euros (HT). Le 10 octobre 2001, M. de Peretti est recruté en qualité de chef du département Investissement de la délégation et de conseiller du président de la Polynésie pour les affaires économiques en métropole, pour une durée de un an. Son traitement mensuel net s'élève à 4 908 euros. Le lendemain, 11 octobre 2001, une convention de prestations de service est signée avec l'intéressé « pour un projet complet d'investissement en faveur de la réalisations d'une base de pêche hauturière et d'une installation de pisciculture des thonidés sur l'atoll et dans le lagon de Hao ». La rémunération - de 53 357 euros (HT) - sera payable en une seule fois, à la remise du dossier qui devra intervenir au plus tard le... 30 septembre 2001 (soit avant la signature de la convention !). La note d'honoraire a été émise le 30 octobre 2001, mais réglée par mandat en date du 2 décembre 2002, car le rapport n'avait pas été remis à la date prévue. Il convient de remarquer que durant l'année 2002, M. de Peretti a donc perçu une double rémunération, en tant que salarié de la délégation et comme consultant. À noter que, début 2001, une étude portant sur le même sujet a été réalisée par une autre société pour un montant de 124 000 euros. Le 9 octobre 2002, une nouvelle convention de services est signée. Elle a un objet multiple : « mission de conseil auprès du président en métropole », « poursuivre la recherche d'investissement pour l'atoll de Hao » ainsi que « initiatives et recherches d'investissement... développement touristique... promotion de la perle... » Conclue pour un an, à partir du 1er octobre 2002, et tacitement renouvelable pour une nouvelle période d'un an (ce qui en met le terme au 30 septembre 2004), cette convention prévoit une rémunération de 7 623 euros mensuels (soit au total 183 000 euros). Le rapport de la chambre territoriale des comptes consacré à la délégation signale que M. de Peretti dispose d'un bureau au sein de la délégation. Le chef de la délégation a affirmé que les fonctions électives de M. de Peretti, maire de Sarlat, président d'une communauté de communes, conseiller régional et membre de la commission permanente du conseil régional, par ailleurs candidat aux élections législatives de 2002 n'avaient pas entravé sa mission, y compris lorsqu'il était employé à temps complet d'octobre 2001 à septembre 2002. En juin 2003, M. de Peretti a précisé que le dossier Hao (reconversion des installations militaires en complexe de pêche et d'aquaculture) était en phase terminale. En août 2004, le projet est présenté au nouveau gouvernement, en présence de professionnels de la pêche et du professeur Doumenge. Le nombre d'opposants et les arguments développés ont fait apparaître les faiblesses de l'opération à laquelle le gouvernement n'a donc pas donné suite. En conséquence, le contrat de M. de Peretti n'a pas été renouvelé par le gouvernement de M. Temaru. (Sources : Rapport d'expert au président de la Polynésie française suite à sa lettre de mission du 1er juillet 2004 ; rapport d'observations définitives de la chambre territoriale des comptes en date du 13 avril 2004, adressé le 2 août 2004 au gouvernement polynésien ; lettre du président du gouvernement à votre rapporteur en date du 21 octobre 2004.) Malheureusement, les quelques rapports d'ores et déjà rendus publics par la ctc montrent que les exemples de gaspillage et de mauvaise gestion sont nombreux. Parmi tant d'autres, se distingue notamment l'exemple de l'acquisition d'un incinérateur de déchets hospitaliers par la direction de la santé du territoire pour le centre hospitalier de Mamao. L'acquisition de cet équipement avait été considérée comme prioritaire en 1994 et inscrite dans le cadre du contrat de développement 1994/1998. À ce titre, après de premières difficultés (décision de subvention de l'équipement à 100 % en 1997 devenue caduque du fait de l'absence d'exécution), l'État confirmait sa décision de financer l'incinérateur à 100 % en 1999 pour un montant de 967 000 euros. La moitié de la subvention a été versée en avril 2000, suite à la livraison de l'incinérateur en mars 2000, mais celui-ci n'a jamais été utilisé et est aujourd'hui laissé à l'abandon, sans entretien ! Ainsi, les exemples de mauvaise utilisation de l'argent public concernent même des investissements directement financés par l'État, et celui-ci serait juridiquement en droit de demander le remboursement des sommes versées. En dépit de son manque de moyens et de l'insuffisance de ses compétences, qui ne lui permettent pas de contrôler régulièrement l'ensemble des organismes dont elle a la charge, la chambre territoriale des comptes a pourtant pu révéler l'existence de très importants dysfonctionnements dans la gestion de la Polynésie française. La création d'une commission d'enquête ne remettrait donc nullement en cause cette institution, mais viendrait au contraire conforter son action. 2. Les faiblesses du contrôle administratif et juridictionnel en Polynésie française En matière de gestion publique, le contrôle administratif, et notamment le contrôle de légalité exercé par le Préfet, peut permettre d'éviter certains abus. En effet, dans ce domaine les dispositions législatives et réglementaires ont également pour objet de permettre la protection des deniers publics. Or, en Polynésie française, comme cela était le cas en matière de contrôle financier, le contrôle administratif et juridictionnel est très en retrait par rapport au droit commun. · Tout d'abord, il faut préciser que de nombreux actes ne font l'objet d'aucune transmission au Haut-commissaire de la République : - soit qu'ils ne sont pas soumis à l'obligation de transmission tels ceux concernant les marchés publics et la fonction publique territoriale. Or, comme on peut le lire dans une note des services du Haut-commissariat « ces actes non soumis à l'obligation de transmission sont pourtant, notamment en matière d'intervention économique, particulièrement importants. Le Haut-commissaire ne peut exercer de contrôle sur ces actes que dans la mesure où il peut, dans les délais en avoir connaissance » ; - soit qu'ils ne sont pas transmis au Haut-commissariat en dépit de l'existence d'une telle obligation. Cette situation n'est nullement théorique puisque, d'après le Haut-commissariat, « l'augmentation significative ces dernières années du nombre de déférés tient essentiellement aux contentieux liés au défaut de transmission par le territoire des documents nécessaires au contrôle de légalité des actes transmis ». Le nouveau statut de la Polynésie française ne va faire que renforcer cette difficulté. En effet, il prévoit que les actes des autorités polynésiennes sont désormais exécutoires de plein droit, avant même leur transmission au Haut-commissaire. Certes ce principe est assorti d'exceptions (pour les actes de caractère réglementaire du président de la Polynésie française par exemple), mais il n'en demeure pas moins que cette procédure est totalement dérogatoire au droit commun des collectivités locales, et devrait donc faire l'objet d'une évaluation afin de vérifier qu'elle ne remet pas en cause l'effectivité du contrôle administratif par le représentant de l'État. On peut craindre notamment que certains actes ne fassent l'objet d'une absence totale de transmission, dans la mesure où celle-ci ne conditionne plus leur caractère exécutoire. · Par ailleurs, même lorsqu'il obtient la transmission d'actes par la Polynésie française, il n'est pas sûr que les pouvoirs du Haut-commissaire lui ont permis ces dernières années d'exercer un contrôle efficace. Depuis la loi du 2 mars 1982, un préfet peut assortir un recours exercé devant le tribunal administratif d'une demande de suspension de l'acte attaqué. De plus, depuis la loi du 30 juin 2000, dans les domaines très sensibles que constituent l'urbanisme, les marchés et délégations de service public, la suspension est de droit. Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi organique du 27 février 2004, ces dispositions ne s'appliquaient pas en Polynésie française, obérant largement l'effectivité du contrôle administratif exercé par le Haut-commissaire de la République. Par ailleurs, dans une société moderne, le contrôle de l'action publique repose également sur les citoyens, qui doivent avoir les moyens juridiques de l'exercer. Ainsi, le code général des collectivités locales (cgct) (4) permet à toute personne physique ou morale lésée par un acte d'une collectivité territoriale de demander au préfet de mettre en œuvre la procédure de suspension. Cette dernière n'étant pas applicable en Polynésie, les administrés se voyaient donc privés d'un moyen d'assurer l'effectivité de leur droit au recours. L'article 173 de la loi organique du 27 février 2004 a mis fin à cette situation anormale, en alignant la procédure applicable en Polynésie française sur celles prévues dans le cgct. Il apparaît ainsi qu'en Polynésie les contrôles administratifs et financiers de l'État sur la dépense publique ont été inexistants ou insuffisants selon les époques. Les dispositions des lois organique et statutaire du 27 février 2004 sont trop récentes pour avoir donné lieu à une application réelle. Soyons clairs : depuis vingt ans, en Polynésie, la liberté accrue de dépenser des sommes de plus en plus importantes s'est accompagnée d'une diminution des procédures de contrôle sur la dépense publique. Seule une commission d'enquête serait donc en mesure de faire le point sur la gestion des deniers publics pendant cette période et de faire des propositions constructives pour améliorer les procédures de contrôle administratif, juridictionnel et financier en Polynésie. * * * La Polynésie française s'est vu reconnaître un statut d'autonomie renforcé par le nouveau statut de février 2004, lequel faisait suite aux statuts de 1984 et de 1996 qui lui avaient déjà accordé un large degré d'autonomie. Mais le législateur n'a pas suffisamment pris en compte les nécessaires contreparties à mettre en place en terme de contrôle. En effet, dans tout système démocratique, l'attribution de compétences nouvelles s'accompagne toujours de la mise en place de contre-pouvoirs et de procédures de contrôle. Or, et c'est encore une particularité de la Polynésie française, il n'existe pas de contre-pouvoirs au niveau des communes qui sont démunies de recettes fiscales (et sont donc dépendantes des subventions discrétionnaires du gouvernement local), démunies d'un statut du personnel communal, mais toujours soumises aux procédures de tutelle antérieures à la loi de 1982. On citera, sur ce point, un ancien haut-commissaire, Paul Roncière, qui, au moment de départ, déclarait : « Certains reprochent que les dotations de l'État à la Polynésie sont détournées pour des objectifs de nature politique, voire clientéliste. Ces appréciations ne sont pas totalement infondées. Mais le contrôle financier de l'État ne lui permet pas de vérifier l'opportunité de l'usage qui est fait de ces fonds. Le plus inquiétant, ajoute-t-il, c'est que l'essentiel des moyens soit géré par une seule collectivité, le Territoire ; si les communes étaient davantage associées à la gestion et au développement, on ne parlerait plus de monopole d'emploi. Est-il normal qu'un programme de logements sociaux soit réalisé dans une commune sans que le maire y soit associé ? Que certaines mesures pour l'emploi privilégient tel ou tel secteur, au détriment des autres ? » Insuffisance des contrôles et absence de contre-pouvoirs justifient encore davantage qu'une Commission d'enquête parlementaire puisse remplir cette mission essentielle de contrôle qui n'a pu être accomplie par les procédures de droit commun. Au-delà de ce constat du passé, elle devra par ailleurs s'attacher à faire des propositions de mise en place de nouvelles procédures de contrôle adaptées au caractère autonome de la Polynésie française. * * * La Commission a examiné la proposition de résolution au cours de sa séance du mercredi 17 novembre 2004. Après l'exposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale. Après avoir rappelé qu'aucune majorité ne s'était nettement dégagée à l'issue des élections à l'assemblée territoriale et que, par le passé, des changements de majorité avaient déjà eu lieu en cours de mandature, le président Pascal Clément a estimé que la proposition de création d'une commission d'enquête se heurtait à deux graves objections juridiques. La première est tirée de la lettre du garde des Sceaux du 10 novembre 2004, signalant l'existence de trois informations judiciaires ouvertes courant 2000. Dans la mesure où les investigations se poursuivent, une interférence entre les procédures judiciaires en cours et les travaux de la commission d'enquête est inévitable, ce qui exclut, par exemple, de pouvoir enquêter sur d'éventuels emplois fictifs auprès du gouvernement de la Polynésie française et ôte ainsi une large part de son intérêt à une commission d'enquête. La seconde objection provient de la coïncidence entre la proposition de résolution et l'annulation par le Conseil d'État des élections territoriales dans la circonscription des Îles du Vent. Au moment où auront lieu de nouvelles élections, au moins partielles mais portant sur l'ensemble des sièges des Îles du Vent, soit 37 sièges sur un total de 57 à l'assemblée de Polynésie, il semble peu opportun de créer une commission d'enquête dont le déroulement risque d'influencer le résultat du vote, surtout en cas de fuites d'information avant même la publication du rapport. Rappelant que la proposition de résolution avait été déposée avant la décision du Conseil d'État, le président Pascal Clément a en conséquence invité M. René Dosière à la retirer. Puis il a souhaité souligner l'effectivité des contrôles administratifs et financiers en Polynésie en précisant que la chambre territoriale des comptes avait publié des rapports d'observations définitives sur la délégation de la Polynésie à Paris, le gie Tahiti Tourisme, la direction de la santé, le ministère de l'habitat social. En outre, 68 % des décisions juridictionnelles du tribunal administratif de Papeete en 2004 ont concerné le territoire de la Polynésie lui-même - le reste des décisions étant relatif aux communes - et ce pourcentage est d'autant plus significatif qu'il a concerné 793 affaires contentieuses. Enfin, les déférés préfectoraux qui étaient de 6 en 1999 sont passés à 36 en 2000, 85 en 2001, 62 en 2002. Ces différents chiffres prouvent que le contrôle est réel et la création d'une commission d'enquête, juridiquement très contestable, ne paraît dès lors pas justifiée. M. Christian Paul a jugé judicieux de reprendre, dans le cas polynésien, le titre de la commission d'enquête relative à l'utilisation des fonds publics et à la gestion des services publics en Corse, qui avait été créée après l'assassinat du préfet Érignac et qui avait pu être menée à bien sans interférer avec les très nombreuses procédures judiciaires signalées à l'époque par le garde des Sceaux. Fort de cet exemple, il a rejeté l'argument selon lequel les deux procédures signalées à l'occasion de l'examen de la présente proposition de résolution constitueraient un obstacle sérieux aux investigations du Parlement alors que la question des emplois fictifs ne concerne sans doute qu'une part limitée des phénomènes susceptibles d'être examinés, voire de faire l'objet, par une commission d'enquête, de l'application de l'article 40 du code de procédure pénale. Il a en outre observé que, sauf à considérer que le Parlement doit subordonner son activité de contrôle à la tenue d'élections locales, l'organisation d'un scrutin en Polynésie ne saurait pas non plus interdire la création d'une commission d'enquête, rien n'empêchant d'ailleurs cette dernière de rendre ses conclusions après les résultats. Faisant état de son expérience ministérielle à la tête du ministère de l'Outre-mer, il a souligné le caractère historiquement difficile des relations entre le représentant de l'État et le gouvernement de la Polynésie, qui n'a jamais permis d'exercer le contrôle de légalité dans des conditions optimales. Il a considéré que cet état de fait devait encourager l'Assemblée nationale à conforter la position du haut-commissariat. Enfin, il a estimé que les très nombreux éléments qui avaient été relevés tant par le président Oscar Temaru que par différents organismes, tels que la chambre territoriale des comptes, mais aussi, au fil des années, par les rapporteurs spéciaux et pour avis successifs du budget de l'outre-mer, interdisaient de renoncer à la création d'une commission d'enquête sous peine de cautionner les actions passées et de conférer à leurs auteurs une impunité indéfendable. M. Arnaud Montebourg a jugé la question suffisamment grave et sérieuse et les soupçons pesant sur une utilisation irrégulière des fonds publics suffisamment forts pour justifier l'intervention de l'Assemblée nationale et pour rejeter toute argutie juridique tendant à la repousser. Il a ajouté que de nombreux précédents avaient montré que les procédures judiciaires mentionnées par le garde des Sceaux sur le fondement de l'article 141 du Règlement permettaient de définir a contrario le champ des investigations d'une commission d'enquête et non de les interdire. Il a jugé normal que l'Assemblée puisse intervenir dans l'intérêt du contribuable et selon une procédure contradictoire et pluraliste, dès lors que le garde des Sceaux n'incitait pas lui-même le parquet à engager des procédures sur certaines affaires - alors même qu'il en aurait la possibilité et n'hésitait pas à en user par ailleurs - et que le contrôle de plus d'un milliard d'euros de financement public était en jeu. Constatant qu'à l'exception du président de la Commission, aucun député de la majorité ne souhaitait s'exprimer sur la proposition de résolution, il a souhaité connaître la position officielle du groupe ump. M. Bernard Derosier a observé que, par le passé et contrairement au cas d'espèce, le garde des Sceaux avait eu l'occasion d'énoncer plus clairement les difficultés qui résulteraient de la création d'une commission d'enquête eu égard au nombre ou au caractère délicat de procédures judiciaires en cours. Regrettant également que, parmi les membres de la majorité, seul le président Pascal Clément se soit exprimé, il a estimé que les arguments avancés n'étaient guère convaincants. Le président Pascal Clément a regretté l'outrance de certains propos et a maintenu que des raisons tenant à l'existence de procédures judiciaires substantielles et tirées de la tenue d'un scrutin prochain empêchaient que soit créée une commission d'enquête. En réponse aux intervenants, M. René Dosière, rapporteur, a apporté les précisions suivantes : - la totalité de l'effort budgétaire de l'État en Polynésie française dépasse un milliard d'euros, cette somme comprenant l'ensemble des dépenses effectuées par l'État sur le territoire de cette collectivité, y compris, par exemple, les salaires des fonctionnaires. Une partie de cet effort, notamment les 150 millions d'euros de la dotation globale de développement économique, sert à financer le budget de la Polynésie française, lequel dépasse 1,2 milliard d'euros et est également alimenté par le produit de la fiscalité polynésienne dont la totalité revient à la Polynésie ; - l'ouverture de procédures judiciaires sur d'éventuels emplois fictifs du gouvernement de la Polynésie française n'empêche nullement la création d'une commission d'enquête, selon une pratique parlementaire constante. La seule obligation est que la commission d'enquête s'interdise de mener des investigations sur les faits donnant directement lieu à une procédure judiciaire ; c'est, par exemple, ce qui a été fait lors de la récente commission d'enquête sur Air Lib, créée en dépit de l'ouverture d'informations judiciaires sur la gestion de cette compagnie ; - les travaux d'une commission d'enquête n'interféreraient pas avec la tenue d'élections d'ici trois mois dans la mesure où elle ne rendrait son rapport que dans six mois et pourrait décider l'application du secret. À cet égard, il n'est pas admissible de présupposer que des fuites pourraient être organisées : il existe d'ailleurs des sanctions pénales pour réprimer de tels agissements. Enfin, la pratique récente a démontré que le secret des travaux d'une commission d'enquête pouvait être préservé ; - une commission d'enquête aurait enfin un rôle particulièrement utile de proposition pour améliorer des procédures de contrôle qui sont manifestement insuffisantes en Polynésie française. Puis, contrairement aux conclusions du rapporteur, la Commission a rejeté la proposition de résolution de M. René Dosière tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics en Polynésie française et la gestion des services publics relevant de la Polynésie française (n°1881). CHAMBRE TERRITORIALE DES COMPTES DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE RAPPORT D'OBSERVATIONS DÉFINTIVES Délégation de la Polynésie française à Paris Examen de la gestion Dans le cadre de son programme, la chambre territoriale des comptes de Polynésie française a examiné la gestion de la délégation de la Polynésie française à Paris, en application des dispositions des articles LO. 272-2 et LO. 272-12 du code des juridictions financières. L'entretien préalable prévu par l'article L. 272-45 du code des juridictions financières a eu lieu le 27 juin et le 3 novembre avec l'ordonnateur. Lors de sa séance du 4 novembre 2003, la chambre a formulé des observations provisoires qui ont été adressés le 26 janvier 2004 au président de la Polynésie française. Sa réponse est parvenue au greffe de la chambre le 23 février 2004. Lors de sa séance du 13 avril 2004, la chambre a arrêté les observations définitives suivantes. Ce rapport qui formule certaines critiques sur le fonctionnement de la délégation, dresse surtout un constat des missions qui lui sont dévolues et des moyens mis en œuvre pour les assumer. Ce rapport qui formule certaines critiques sur le fonctionnement de la délégation, dresse surtout un constat des missions qui lui sont dévolues et des moyens mis en œuvre pour les assumer. I) LES STATUTS ET L'ORGANISATION DE LA DÉLÉGATION 1.1. Le statut juridique de la Délégation de la Polynésie française La délégation de la Polynésie française a été créée dès 1971 mais n'a été érigée en « service territoriale » que par la délibération n° 85.1064 AT du 16 juillet 1985. Selon l'article 2 de ladite délibération, le service de la délégation de la Polynésie française a pour mission d'assurer une représentation du territoire à Paris dans la limite des compétences économiques, sociales, administratives et financières qui lui sont fixées. L'arrêté n° 748 CM du 29 juillet 1985 modifié portant organisation du service a défini les attributions. D'une façon générale, il s'agit de promouvoir la Polynésie française (recherche des investisseurs et promotion des productions locales) notamment par une communication active et d'apporter une assistance et une logistique aux polynésiens vivant en métropole (les étudiants et les personnes en soins plus particulièrement) ou en mission. De façon ponctuelle, le service peut être chargé par le président du gouvernement, à la demande de tout membre du gouvernement, d'une mission relative aux attributions qui s'exerce sur le sol métropolitain (arrêté CM 986 du 12 novembre 1993) et dans l'ensemble des États constituant la communauté européenne (arrêté n° 28 CM du 12 janvier 1999). 1.2. L'organisation statutaire L'article 1er de l'arrêté du 29 juillet 1985 précité précise que pour l'exécution des missions confiées à la délégation de la Polynésie française à Paris, le délégué, chef du service, est assisté d'un adjoint, d'un secrétaire général et de chefs de départements. Monsieur Alain FERNBACH est depuis octobre 1997 le chef du service de la délégation. Le chef du service de la délégation peut recevoir du président ou des ministres toute délégation de signature lui permettant d'agir au nom de la Polynésie française. L'arrêté n° 28 CM du 12 janvier 1999 a modifié la structure du service qui comprend sous l'autorité du chef de service, outre le secrétariat général, sept départements (dont l'antenne de Bruxelles) et le hall d'accueil grand public « maison de Tahiti » dont le fonctionnement est confié au GIE Tahiti Tourisme. Un récent arrêté du 23 février 2004 a supprimé le département « antenne de Bruxelles ». Celle-ci est désormais rattachée au service des relations internationales de la Polynésie française. Les différents départements sont les suivants : « investissements et développement », « communication et relations avec la presse », « éducation » (relation avec les étudiants et leurs associations, bourses), « affaires sociales », « vie associative et culturelle », « missions ». Le secrétariat général regroupe les services administratifs et de gestion. En fait, les missions ont été recentrées sur le développement économique et la communication. L'organigramme actuel est le reflet de cette situation, ainsi le département affaires sociales n'existe pas en tant que tel, puisque cette mission est assurée par l'antenne CPS (caisse de prévoyance sociale) hébergée dans les locaux de la délégation. Dans la réponse précitée du 23 février 2004, il est cependant précisé que toutes les missions dévolues sont assumées, certains agents pouvant être affectés à deux départements en fonction du volume des tâches même si cette répartition n'est pas formalisée sur l'organigramme. Le département « missions » est notamment sous la responsabilité directe du chef de la délégation avec l'assistance de son secrétariat particulier et du secrétaire général. Par ailleurs la réponse souligne également le rôle de la délégation dans le suivi de l'ensemble des dossiers préparés par les différents ministères de la Polynésie française, voire des organismes tels que le chambre de commence, d'industrie, des services et des métiers et enfin dans le suivi ou l'organisation de grandes manifestations nationales, telles le Salon de l'Agriculture et la Foire de Paris, ou provinciales ? II) LES MISSIONS 2.1. La promotion de la Polynésie 2.1.1. Le département investissement Le service est chargé en liaison avec les organisations professionnelles et les chambres consulaires de développer les contacts entre les milieux d'affaires locaux et nationaux en vue de promouvoir les investissements productifs privés en Polynésie, en fonction des priorités de développement que se fixe le territoire. Par ailleurs il facilite la recherche de débouchés commerciaux en métropole pour les produits locaux (article 5 de l'arrêté du 29 juillet 1985 modifié). Comme l'indique le rapport d'activité, l'ensemble des demandes de renseignements formulées par des investisseurs susceptibles de s'implanter sur le territoire sont en général traitées par téléphone dans une première approche, puis par entretien. Une aide est apportée pour la constitution des dossiers de défiscalisation. Une action à long terme est menée pour inciter les sociétés d'investissement spécialisées dans la défiscalisation et les institutionnels de l'investissement, les compagnies d'assurances et les fonds de pensions à augmenter leurs participations pour le développement de la Polynésie française. Les missions du département investissements sont assurées par des consultants, prestataires de service, Monsieur Marcel LAURENT et Monsieur Jean-Jacques de PERETTI. Bénéficiaire d'un premier contrat à compter du 1er septembre 2000, puis employé par Air Tahiti Nui, fin 2001, à la demande du président du gouvernement, Monsieur Marcel LAURENT a signé un second contrat pour une durée d'un an à compter du 6 septembre 2002, rémunération forfaitaire de 715 991 F.CFP HT par mois). Un rapport d'activité est produit chaque mois rendant compte des diverses démarches et de l'état d'avancement des dossiers. Dans les faits, Monsieur Marcel LAURENT a un bureau au sein de la délégation et assure à temps complet les missions de chef du département « investissements » qui demeure vacant dans l'organigramme (pour la bonne forme, le siège social de la société de Monsieur Marcel Laurent est domicilié dans une société regroupant des sièges sociaux). Monsieur Jean-Jacques de PERETTI (ancien ministre de l'outre-mer et maire de Sarlat) a d'abord été recruté comme consultant par une convention d'une durée de six mois à compter du 25 janvier 2000. Ensuite, il fut salarié de la délégation par arrêté du président du gouvernement du 10 octobre 2001, en qualité de chef du département « investissements » et de conseiller du président du gouvernement pour les affaires économiques en métropole (rémunération totale de 586 000 F.CFP) Enfin, un contrat de prestations de services a été signé le 1er octobre 2002 (honoraires mensuels de 909 666 F. CFP HT). Les missions essentielles sont « la recherche d'investisseurs pour l'atoll de Hao, et la recherche d'investissements propres à promouvoir le développement touristique de la Polynésie française et assurer la promotion de la perle de Tahiti ». Monsieur Jean-Jacques de Peretti dispose également d'un bureau au sein de la délégation. Le chef de la délégation a affirmé que les fonctions électives de Monsieur Jean-Jacques de Peretti, maire de Sarlat, président d'une communauté de communes, conseiller régional et membre de la commission permanente dudit conseil et candidat aux élections législatives de 2002 n'ont pas entravé sa mission, y compris lorsqu'il était employé à temps complet d'octobre 2001 à septembre2002. Lors d'un entretien avec le rapporteur le 23 juin 2003, Monsieur Jean-Jacques de Peretti a précisé que le dossier Hao (reconversion des installations militaires en complexe de pêche et d'aquaculture) était en phase terminale. 2.1.2. Le département communication Le département communication est chargé de promouvoir l'image et l'identité de la Polynésie française en Europe. Monsieur Hellias, journaliste, a été recruté pour cette mission. Il ne s'agit pas uniquement d'information mais de communication et de promotion (le site Internet créé en 2001 connaît une fréquentation soutenue avec 70 000 interrogations par mois). Il est le contact de la presse métropolitaine et il est présent à chaque événement dont il assure la couverture pour le compte de l'agence de presse en Polynésie. Le chef de la délégation, ancien journaliste de TF1 et du Figaro, a d'ailleurs précisé qu'il rencontre préalablement tous les journalistes (y compris ceux qui sont en contact avec le GIE Tahiti Tourisme) qui souhaitent se rendre en Polynésie. Il supervise tous les contacts avec les journalistes de la presse nationale et européenne. 2.1.3. L'antenne de Bruxelles Créée en 1994, cette antenne a pour objet d'informer le gouvernement des décisions communautaires, d'apporter une assistance aux organismes territoriaux dans leurs démarches auprès de la communauté, et de réaliser des actions d'information sur la Polynésie française. Les moyens pour assurer ce lobbying sont limités puisqu'une seule personne est en poste à Bruxelles. Depuis février 2004, l'antenne ne dépend plus de la délégation à Paris. 2.1.4. Les relations avec Air Tahiti Nui et le GIE Tahiti Tourisme Comme le précise enfin le chef de la délégation, « une des missions de la délégation de la Polynésie française est de veiller à l'image du « fenua » en métropole et en Europe, de participer à toutes les opérations de promotion et d'aider toutes les structures du Territoire dans leurs démarches auprès des administrations et des ministères et de leur apporter une aide permanente dans toutes les actions que ces structures mènent en métropole et en Europe ». Ainsi il existe une collaboration naturelle, bien que non formalisée, entre la délégation et l'antenne du GIE Tahiti Tourisme et celle d'Air Tahiti Nui (toutes deux hébergées dans l'immeuble de la délégation). Le délégué, « deux fois par mois, organise avec le responsable d'Air Tahiti Nui Paris et le responsable du GIE tourisme, une réunion de coordination sur toutes les affaires où la Délégation et ces deux structures ont des intérêts communs ». 2.2. L'aide aux polynésiens en France Selon l'arrêté du 12 janvier 1999, ces missions doivent être assurées par trois départements : éducation, affaires sociales et vie associative et culturelle. L'assistance aux étudiants polynésiens relève du service éducation (1,5 agent) qui est en relation constante avec les quelques 180 étudiants boursiers sur un total approximatif de 500 étudiants polynésiens en métropole (estimation faite grâce aux contacts pris avec les associations). Le montant des bourses est de 426,86 euros (51 000 F.CFP) pour les 1er et 2ème cycles et de 494,24 euros (59 000 F. CPF) pour le 3ème cycle. Le service s'occupe également des voyages vacances et des rapatriements. Il supervise également la gestion par les associations des foyers des étudiants qui ont été acquis à Paris, Bordeaux, Toulouse, Montpellier et Aix en Provence (en prévision Nice et Lyon). Les liens avec les associations étudiantes sont constants. L'accueil et le suivi des malades sont assurés par l'antenne CPS. Quatre visiteuses médicales assument cette mission (700 évacuations sanitaires en moyenne par an). La mission d'information du public est assurée par le GIE Tahiti Tourisme. Il est cependant à préciser que le hall d'accueil est essentiellement occupé par une agence d'Air Tahiti Nui. Une salle en sous-sol permet de présenter des expositions (tous les deux mois environ) et des cours hebdomadaires de tahitien et de danse y sont dispensés. Le département vie associative et culturelle, prévu par l'arrêté du 12 janvier 1999 n'a pas de personnel et la mission de coordination de l'activité des associations des polynésiens présentes en France (hormis les associations estudiantines), inscrite dans l'arrêté de 1985, n'est pas assurée. 2.3. La logistique apportée au gouvernement de la Polynésie française Les tâches de gestion administrative, d'entretien de la délégation et de la logistique mobilisent près de la moitié des effectifs. Le secrétariat général et ses services assurent l'engagement et le mandatement de toutes les dépenses ; le paiement est assuré par le payeur du territoire, toutes les données étant transmises par une ligne informatique spécialisée. Le bureau « missions » a pour objet d'organiser les programmes de travail (prise de rendez-vous, réservations...) et d'assurer la logistique (notamment le transport) des membres du gouvernement ou des membres de leur cabinet en mission à Paris. Chaque année, le service organise une journée en province pour la délégation des maires de Polynésie française venus en congrès à Paris (Airbus à Toulouse en 2001, filière pêche en Bretagne en 2002). III) LES MOYENS MIS EN ŒUVRE 3.1. Les ressources humaines 3.1.1. L'effectif et le statut Vingt huit personnes étaient rémunérées en juin 2003, alors que le rapport d'activité au 31 décembre 2002 indiquait 36 postes budgétaires. Certains agents sont en fait en suspension de contrat (équivalent de la disponibilité) ou en détachement (personnes employées parfois à la présidence ou à l'assemblée territoriale de Polynésie française) et sur ces emplois vacants sont recrutés des personnes sous contrats à durée déterminée. Une délibération n° 98-122 APF du 6 août 1998 (modifiée par la délibération n° 99.146 APF du 26 août 1999) a défini le statut des agents en poste à la délégation de la Polynésie française et dans ses antennes décentralisées. Le personnel comprend des fonctionnaires de l'État ou du territoire en position de détachement, de mise à disposition ou en disponibilité, d'agents non fonctionnaires de l'administration (ANFA) et d'agents recrutés pour une durée déterminée ou indéterminée. Les agents sont essentiellement des personnes ayant des attaches avec la Polynésie. Ces agents bénéficient d'un cadre statutaire (quatre catégories avec un échelonnement indiciaire, l'indice 200 à 852). La valeur du point d'indice est fixée par arrêté en conseil des ministres (la valeur du point est égale à 701 F.CFP ou 5,87 euros à compter du 1er janvier 2002) A la rémunération s'ajoutent les indemnités et autres accessoires prévus par la réglementation applicable aux agents des collectivités territoriales de métropole en service à Paris, notamment en matière de résidence, transport et supplément familial et les indemnités prévus par l'article 15 de la délibération : - indemnité d'habillement (chauffeurs : 457,35 euros/an), indemnité mensuelle de sujétion spéciale pour horaires irréguliers (83,85 euros/mois), indemnité pour usage professionnel de véhicule personnel (228,67 euros/mois), indemnité de frais de déplacement (76,22 euros/jour en métropole et 150,84 en Polynésie), indemnité pour travaux supplémentaires (228,67 euros/mois), prime de responsabilité (533,47 euros/mois), indemnité forfaitaire au bénéfice des agents en fonction au sein de la délégation de la Polynésie française (533,57 euros/mois pour le délégué et son adjoint et 381,12 euros/mois pour les autres agents). Le cadre statutaire des personnels a également prévu une commission paritaire consultative pour les avancements notamment. Au-delà des dispositions du statut, la gestion des personnels garde un caractère « sui generis » particulièrement en ce qui concerne les contrats à durée déterminée. 3.1.2. Les contrats à durée déterminée Certains contrats correspondent plus à des contrats de circonstance qu'à des besoins réels de la délégation. Plusieurs exemples ont été relevés sur la période la plus récente. Ainsi l'épouse du président de la commission permanente de l'assemblée territoriale en fonction à cette époque, a été recrutée en qualité d'adjoint au chef du département « investissement » pour la période du 26 septembre au 31 octobre 2001 par arrêté du président du gouvernement en date du 10 octobre 2001 (salaire net d'octobre : 420 000 F.CFP). Le délégué a précisé que l'intéressé « a travaillé à la Délégation durant son séjour en métropole. Elle prenait son service de 8 heures à 16 heures afin de pouvoir visiter son fils hospitalisé en fin de journée. La courte durée de son contrat n'a pas permis de lui confier des tâches précises mais elle a su avec efficacité remplacer du personnel en congés ou en récupération. Quant au salaire, il a été fixé en fonction de la courte durée de son séjour, puisque [l'intéressée] ne pouvait en aucun cas louer un appartement ». Cet agent occupait jusqu'en septembre 2001 un poste d'adjointe de santé dans la fonction publique du territoire avec un salaire net de 280 000 F.CFP, peu en rapport avec la qualification du contrat de la délégation. Après un court séjour à la délégation, elle a été recrutée sur un emploi de cabinet de la présidence du gouvernement. Le recrutement d'un autre agent pour une durée d'un an à compter du 1er novembre 2001 correspond à la même logique (salaire net : 160 000 F.CFP). Il s'agissait d'une personne qui devait s'occuper d'un enfant malade. Selon le délégué, le séjour ayant été plus long, des tâches plus régulières ont pu lui être confiées. Autre exemple, un agent de bureau a été recruté pour une durée de six mois à compter du 1er février 2002 (salaire net 237 000 F.CFP). Les précisions suivantes ont été données : il s'agissait en fait d'une « élève-pilote professionnelle, [qui] a assisté le Délégué dans tous les contacts avec AIRBUS-INDUSTRIE, la D.G.A.C et le Ministère des Transports pour tous les documents que nous devions fournir à la Présidence et à Air Tahiti Nui en vue de l'autorisation de l'ouverture de la ligne Paris-Papeete ». L'intéressée était en fait en formation de pilote pendant toute cette période (congé sans solde de son employeur Air Tahiti) et la qualification portée sur son contrat à la délégation (agent administratif à temps complet) ne correspondait pas à sa situation réelle. Enfin, deux autres agents ont été recrutés du 15 octobre 2002 au 15 juin 2003 pour une rémunération mensuelle de 116 000 F.CFP en qualité d'agent technique. Le délégué a précisé que : « étudiantes en maîtrise de biologie et des sciences de l'environnement, étudiantes non boursières, elles ont secondé le Délégué dans tous les dossiers de l'environnement que nous confiait le Territoire suite aux décisions du gouvernement territorial de faire de l'environnement une priorité ». La qualification portée sur leur contrat ne correspond pas à la situation réelle de ces deux étudiantes qui accomplissaient une année de stage. Dans la réponse du 23 février 2004 aux observations provisoires, il est mentionné qu' « en fait, ces recrutements étaient effectués en fonction de la disponibilité de postes budgétaires vacants en raison de la brièveté des contrats ». 3.1.4 La masse salariale L'évolution de la masse salariale est la suivante :
La baisse constatée en 2000 s'explique par la diminution du nombre des salariés du département investissements et leur remplacement par des contrats de prestations de service. Néanmoins, on constate une augmentation régulière de la masse salariale sur la période considérée, ce qui s'explique par le niveau des rémunérations et le régime indemnitaire dont bénéficient les agents de la délégation. Le coût moyen mensuel d'un agent est en effet de l'ordre de 360 000 F.CFP, salaire brut hors charges sociales patronales. La majorité des salaires nets se situe entre 200 000 F.CFP et 400 000 F.CFP, alors que la catégorie D1 (la plus élevée) ne représente qu'un peu moins de 25 % de l'effectif. 3.2 Le budget de la délégation 3.2.1 Les dépenses d'investissement Ces dépenses concernent les aménagements et la réhabilitation complète de l'immeuble abritant la délégation située au 28 boulevard Saint-Germain dans un bâtiment de sept étages acquis en 1988, les acquisition de matériel (notamment informatique suite à l'installation du nouveau système de gestion financière), les achats de véhicules et les dépenses concernant l'entretien des foyers des étudiants. Le compte administratif du territoire ne permet pas de connaître de façon directe les dépenses effectuées par la délégation. En effet, les acquisitions concernant le matériel de bureau, informatique et de transport sont effectuées sur des lignes budgétaires collectives dénommées par exemple « matériel de transport tous services ». C'est grâce à l'examen des dépenses regroupées sous la rubrique centre de travail 701 « délégation de la Polynésie française » que l'on peut suivre les dépenses d'équipement :
3.2.2 L'évolution des dépenses de fonctionnement Les crédits de la délégation figurent dans le budget du territoire au sous-chapitre 941-04. Les dépenses réalisées (hors masse salariale) ont augmenté de façon constante depuis 1998.
Le budget 2003 prévoit 81 millions de dépenses. Les dépenses nécessaires au fonctionnement de l'antenne de Bruxelles (hors salaires) sont de l'ordre de 12 millions F.CFP. La hausse très sensible de l'année 2000 résulte essentiellement des contrats passés avec les consultants pour promouvoir le développement économique et de l'augmentation de crédits de réception, à l'occasion du millénaire. Sur la période concernée, les postes de dépenses qui ont le plus progressé sont les locations (de matériels essentiellement), les services extérieurs (le recours aux consultants), les frais de télécommunications et les frais de réception. Ces deux derniers postes sont, comme le précise la réponse à la lettre d'observations provisoires, « tributaires du calendrier ave le Gouvernement central et des opérations de promotion décidées par le Gouvernement de la Polynésie française ». 3.2.3 Les crédits subdélégués de la présidence En sus des sommes susvisées, des crédits de la présidence du Gouvernement sont subdélégués pour couvrir les dépenses occasionnées par les déplacements du Président du Gouvernement à Paris. 6,2 millions F.CFP ont ainsi été délégués en 2003. Les frais de télécommunications en représentent presque la moitié. 3.3 Le coût de certains services Au-delà de l'approche budgétaire globale, trois postes de dépenses font l'objet d'une étude plus précise, pour mieux en déterminer le coût : les missions, les frais de représentation et les frais de télécommunications. - Les missions : Le parc automobile affecté aux déplacements des membres du Gouvernement en mission à Paris est important. On dénombre en juin 2003, sept véhicules : un véhicule utilitaire (service entretien), trois Renault Safrane et une Laguna pour les personnalités en mission (dont une limousine rallongée acquise en 2000 pour le président du Gouvernement pour un coût de plus de neuf millions F.CFP) et une Mercedes 350 limousine pour le président du Gouvernement acquise en novembre 2002 (neuf millions de F. CFP). Toutes ces voitures sont équipées de téléphone. Enfin, une Renault Grand Espace sert aux déplacements du groupe. Pour garer ces différents véhicules, sept emplacements sont loués dans le parc souterrain qui se trouve en face de l'immeuble. Cinq chauffeurs sont prioritairement à la disposition des personnes en mission en métropole. Leur temps de travail, qui déborde en période de mission les horaires habituels, fait l'objet d'un décompte hebdomadaire par le délégué lui-même qui fixe les jours de récupération. En période creuse, les chauffeurs assurent des tâches d'entretien. La mise à disposition des chauffeurs auprès des responsables du territoire, sans contrainte de temps, entraîne d'importantes périodes de récupération. Le planning de travail des chauffeurs est très évolutif et leur charge de travail demeure difficilement appréciable. Dans certains cas, les cinq chauffeurs ne suffisent pas et il est fait appel à une société pour la mise à disposition de chauffeurs, notamment lors du congrès des maires de France. Il n'existe pas de comptabilité analytique mais le secrétariat général a réalisé, lors du contrôle, un tableau de synthèse récapitulant l'ensemble des dépenses relatives au département missions incluant salaires, parkings, assurances, carburant, recours à des sociétés. Le coût global est de l'ordre de vingt millions F.CFP par an. - les frais de réception L'évolution des frais de réception est retracée dans le tableau ci-dessous. Ces frais dépassent dix millions F.CFP en 2002.
Les dépenses sont justifiées, conformément à l'arrêté n° 151 cm du 27 janvier 1998, par un certificat administratif qui, sans mentionner les convives, indique l'objet de la dépense, sa destination et atteste qu'elle a été faite dans l'intérêt du territoire. - les frais de télécommunications Le budget 2003 de la délégation prévoit pour l'année une somme de 15 000 000 F.CFP au chapitre 94.104 (dpf) et de 3 855 131 C.CFP au chapitre 933.01 (crédits subdélégués de la présidence) soit un total de près de 19 000 000 F.CFP pour les frais de téléphone. La dépense pour l'année 2002 avait été de 14 millions F.CFP. Pour la délégation, il s'agit du réseau téléphonique du bâtiment de la délégation et des téléphones des voitures et des portables des chauffeurs. Les dépenses de l'antenne de Bruxelles sont également imputées sur le même sous-chapitre (de l'ordre de 1,2 million F.CFP). Sur le budget de la présidence sont imputées les dépenses téléphoniques du bureau du président du Gouvernement dans le bâtiment dans le bâtiment de la délégation et celles de son domicile parisien (sur la base de l'arrêté cm n° 207 cm du 28 février 1991 portant réglementation de la prise en charge par le budget du territoire des frais d'installation, d'entretien et d'abonnement de postes téléphoniques ainsi que les taxes de communications), des postes téléphoniques des deux véhicules qu'ils utilisent et de deux portables pour les agents de sécurité. À ce titre, les dépenses payées en 2002 ont été de 4,2 millions F.CFP. L'examen de ces différents postes de dépenses a permis de préciser le coût et les moyens mis à disposition de la délégation pour la représentation du territoire en métropole. En définitive, le budget global de la délégation a été en 2002 de 280 millions F.CFP, décomposé en investissement pour 37 millions, salaires pour 174 millions (avec les charges salariales) et 69 millions pour le fonctionnement. ----------- N°1923 : Rapport sur la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics en Polynésie française (M. René DOSIÈRE) 1 () Avis du garde des sceaux reproduit dans le rapport n°2290 de M. François Le Douarec du 10 avril 1972 au nom de la commission d'enquête sur le fonctionnement des sociétés civiles de placement immobilier. 2 () Jusqu'à 1990, le contrôle financier en Polynésie française relevait directement de la Cour des comptes dont la compétence était plus théorique que réelle. 3 () Voire la lettre d'observations de la chambre territoriale des comptes en annexe. 4 () Art L. 2131-8 pour les communes, art. L 3132-3 pour les départements et art. L. 4142-3 pour les régions. © Assemblée nationale |