Version PDF
Retour vers le dossier législatif

Document mis

en distribution

le 6 décembre 2004

graphique

N° 1965

--

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er décembre 2004.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI, MODIFIÉ PAR LE SÉNAT (N° 1952), portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

PAR M. Pascal CLÉMENT,

Député.

--

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1re lecture : 1732, 1827 et T.A. 327.

2e lecture : 1952.

Sénat : 1re lecture : 9, 65 et T.A. 30 (2004-2005).

INTRODUCTION 7

I. - LA CRÉATION DE LA HAUTE AUTORITÉ DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS ET POUR L'ÉGALITÉ 8

A. UNE RÉPONSE À L'INSUFFISANCE DU DISPOSITIF DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS 8

B. LES PRÉCISIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE 10

C. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR LE SÉNAT 11

II. - LA TRANSPOSITION DU DROIT COMMUNAUTAIRE RELATIF AUX DISCRIMINATIONS 13

A. LE DROIT À ÉGALITÉ DE TRAITEMENT ET L'AMÉNAGEMENT DE LA CHARGE DE LA PREUVE PRÉVUS PAR LA DIRECTIVE EUROPÉENNE DU 29 JUIN 2000 13

B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE 14

C. LES PROPOSITIONS DU SÉNAT 14

III. - LE RENFORCEMENT DE LA LUTTE CONTRE LES PROPOS DISCRIMINATOIRES À CARACTÈRE SEXISTE OU HOMOPHOBE 15

A.  DES DISPOSITIONS QUI PARACHÈVENT L'ACTION ENGAGÉE PAR LE GOUVERNEMENT EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LE SEXISME ET L'HOMOPHOBIE 15

1. Une première étape : la création de la circonstance aggravante d'homophobie dans le code pénal et l'extension de son champ d'application 15

2. La seconde étape : l'incrimination des propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe 17

B.  DES DISPOSITIONS QUI RÉPRIMENT LES PROPOS SEXISTES OU HOMOPHOBES TOUT EN PRENANT EN CONSIDÉRATION CERTAINES OBSERVATIONS ÉMANANT DE LA SOCIÉTÉ CIVILE 19

DISCUSSION GÉNÉRALE 21

EXAMEN DES ARTICLES 27

TITRE PREMIER - DE LA HAUTE AUTORITÉ DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS ET POUR L'ÉGALITÉ 27

Avant l'article premier 27

Article 2 :  Composition 27

Article 2 bis :  Déport des membres du collège en cas de conflit d'intérêt 29

Article 3 :  Saisine 30

Article 3 bis :  Délégués territoriaux 30

Article 4 :  Recueil d'informations auprès de personnes privées 31

Article 5 :  Concours des autorités publiques 31

Article 6 :  Médiation 32

Article 7 :  Vérifications sur place 33

Article 8 :  Mise en demeure et saisine du juge des référés 33

Article 9 :  Secret professionnel 34

Article 10 :  Recommandations 35

Article 11 :  Relations avec l'autorité judiciaire 36

Article 13 :  Information des autorités publiques détentrices du pouvoir disciplinaire 37

Article 14 :  Actions de promotion de l'égalité et rôle consultatif 37

Article 15 :  Rapport annuel 38

Article 16 :  Budget et comptes 38

Après l'article 16 39

TITRE II - MISE EN œUVRE DU PRINCIPE DE L'ÉGALITÉ DE TRAITEMENT ENTRE LES PERSONNES ET PORTANT TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE N° 2000/43 DU 29 JUIN 2000 39

Article 17 :  Transposition de la directive n°2000/43/CE du 29 juin 2000 39

TITRE II BIS - RENFORCEMENT DE LA LUTTE CONTRE LES PROPOS DISCRIMINATOIRES À CARACTÈRE SEXISTE OU HOMOPHOBE 41

Article 17 bis (nouveau) (article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) :  Provocation à la discrimination, à la violence ou à la haine
à raison du sexe ou de l'orientation sexuelle des personnes 41

Article 17 ter (nouveau) (articles 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) :  Aggravation des sanctions en matière de diffamation et d'injures publiques à raison du sexe ou de l'orientation sexuelle des personnes 55

Article 17 quater (nouveau) (articles 24, 32, 33, 48-4 et 48-5 [nouveaux] et 63 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) :  Mise en en mouvement de l'action publique - droit pour les associations de défense de se constituer partie civile - affichage ou diffusion des décisions - aggravation des peines en cas de récidive 59

TITRE III - DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES 65

Article 18 :  Entrée en vigueur et dispositions transitoires 65

Article 19 (article 9 de la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations) :  Service d'accueil téléphonique des victimes de discriminations 65

TABLEAU COMPARATIF 67

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 81

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 85

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR MME BRIGITTE BARÈGES, RAPPORTEURE DU PROJET DE LOI RELATIF À LA LUTTE CONTRE LES PROPOS DISCRIMINATOIRES À CARACTÈRE SEXISTE OU HOMOPHOBE (N° 1700) 89

MESDAMES, MESSIEURS,

L'Assemblée nationale est appelée à examiner en seconde lecture le projet de loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité qu'elle avait examiné en première lecture en octobre dernier.

Ce projet est né du souhait exprimé à Troyes par le Président de la République le 14 octobre 2002 qu' « au-delà même de celles dont peuvent être victimes les personnes d'origine étrangère (...) une autorité indépendante soit créée pour lutter contre toutes les formes de discriminations qu'elles proviennent du racisme, de l'intolérance religieuse, du sexisme ou de l'homophobie ».

Il répond à la nécessité d'améliorer notre dispositif de lutte contre les discriminations : malgré un arsenal juridique très riche, les atteintes au principe d'égalité de traitement sont rarement sanctionnées, les victimes de discriminations ne disposant pas d'une instance capable de les aider à faire valoir leurs droits.

Ce projet de loi permet en outre à la France de remplir ses engagements internationaux, et notamment les directives communautaires qui prévoient la désignation par les États membres d'organismes chargés de promouvoir le droit à égalité de traitement.

Le projet du Gouvernement a été très sensiblement enrichi au cours des deux premières lectures. Le pluralisme et l'impartialité des membres de la Haute autorité ont été renforcés. Les pouvoirs d'investigation de la nouvelle instance ont été précisés et assortis de garanties de procédure. Le champ de la transposition des règles communautaire relatives aux discriminations a été élargi. En outre, le Gouvernement a complété le projet par un volet pénal renforçant la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe.

Le texte qui nous est soumis aujourd'hui crée l'instrument de promotion de l'égalité qui nous fait aujourd'hui défaut et complète utilement notre arsenal juridique. Il s'inscrit parfaitement dans le programme que le Gouvernement a mis en œuvre pour lutter contre les discriminations, notamment à travers le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ou le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale.

I. - LA CRÉATION DE LA HAUTE AUTORITÉ DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS ET POUR L'ÉGALITÉ

Afin de mieux sanctionner les discriminations et de répondre à une obligation communautaire, le projet de loi crée une instance indépendante chargée de lutter contre les discriminations et de promouvoir l'égalité.

A. UNE RÉPONSE À L'INSUFFISANCE DU DISPOSITIF DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS

Souvent cité en exemple, le modèle français d'égalité n'est pas à l'abri de toute critique : nos concitoyens s'estiment encore victimes de discriminations qui, malgré des textes toujours plus nombreux, sont rarement sanctionnées.

Les recours sont en effet peu fréquents et rarement couronnés de succès. Sauf en matière de discriminations raciales, le juge pénal n'est pas souvent saisi. Notamment, il est exceptionnel que la justice répressive soit saisie des pratiques discriminatoires touchant les handicapés. Au civil, le contentieux porte essentiellement sur des discriminations sexistes ou syndicales dans le domaine de l'emploi. Ainsi, depuis 1987, les chambres sociale et civile de la Cour de cassation n'ont pris qu'une douzaine de décisions sur des affaires de discriminations raciales. Quant au contentieux administratif, il est ancien et limité au droit de la fonction publique, même si la jurisprudence du Conseil d'État a été récemment enrichie par des décisions de principe sur l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes ou sur la remise en cause de la « cristallisation » des pensions des anciens combattants de nationalité étrangère.

Le rapport de forces entre les victimes et les auteurs de discrimination est souvent inégal. Les victimes sont, dans la plupart des cas, des personnes physiques disposant de ressources modestes. Elles doivent faire face à des pratiques discriminatoires qui peuvent être commises par des personnes morales, et notamment des bailleurs, des prestataires de services ou des employeurs qui ne sont pas dénués de moyens de pression ou de rétorsion. Une entreprise peut considérer le procès comme un aléa normal de son activité, là où la victime s'expose à un risque de représailles et doit supporter des frais de justice.

Les victimes rencontrent d'importantes difficultés à rassembler des pièces permettant de prouver la discrimination alléguée. Ces pièces sont en effet généralement détenues par la personne mise en cause. Les demandes de mesures d'instruction adressées au juge civil sont rarement satisfaites, et les parquets sont peu enclins à s'investir dans un contentieux difficile dans lequel l'expertise juridique reste rare.

En outre, plusieurs directives communautaires prescrivent la création d'un ou plusieurs organismes chargés de promouvoir, d'analyser, de surveiller et de soutenir l'égalité de traitement. Ces organismes doivent pouvoir « apporter aux personnes victimes d'une discrimination une aide indépendante pour engager une procédure pour discrimination (...) conduire des études indépendantes (..) publier des rapports indépendants (...) et émettre des recommandations sur toutes les questions liées aux discriminations » (articles 13 de la directive du 29 juin 2000 et 8 bis de la directive du 23 septembre 2002).

Plusieurs pays européens disposent de l'organisme requis par la réglementation communautaire. La France ne s'est, pour le moment, pas conformée à cette obligation. Nos concitoyens ne peuvent donc pas défendre leurs droits en faisant appel à une instance capable de les aider devant les pratiques discriminatoires dont ils font l'objet.

Le Président de la République a donc demandé au Gouvernement de mettre en place une autorité administrative indépendante chargée de combattre toutes les formes de discriminations. Le Premier ministre a confié, en juin 2003, à M. Bernard Stasi une mission de préfiguration de cette nouvelle instance. Le projet de loi est issu du rapport que M. Stasi a remis en février dernier.

Le titre 1er crée une autorité administrative indépendante chargée d'aider les victimes de discriminations, en fixe la compétence et la composition, et lui donne certains pouvoirs d'investigation. Il précise les rapports que cette nouvelle instance entretiendra avec les juridictions.

À la différence du Médiateur de la République ou du Défenseur des enfants, cette nouvelle instance est collégiale, afin d'assurer en son sein le pluralisme des courants de pensée et la pluralité des compétences.

Comme le Défenseur des enfants, elle pourra être saisie directement par les victimes, sans passer obligatoirement par les parlementaires.

Elle dispose d'une compétence générale, puisqu'elle est habilitée à intervenir pour toute pratique discriminatoire prohibée par un engagement international ou par la loi.

Cette nouvelle instance est dotée des moyens d'enquête qui sont, de manière classique, dévolus aux autorités de même nature : elle peut demander des informations à des personnes privées, obliger une autorité publique à lui apporter son concours, procéder à des médiations, faire des recommandations ou transmettre aux autorités publiques détentrices du pouvoir disciplinaire les faits commis par des agents publics.

En outre, le projet de loi lui confie une mission générale d'information et d'étude, et la charge de certifier les « bonnes pratiques » professionnelles.

Ces dispositions s'inspirent directement des textes régissant les instances chargées de régler des litiges ou d'aider les victimes de pratiques illicites, comme le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants ou la Commission nationale de déontologie de la sécurité.

Néanmoins, trois prérogatives originales complètent les moyens traditionnellement ouverts aux autorités indépendantes :

-  en premier lieu, la Haute autorité est expressément habilitée à procéder à des enquêtes sur place dans certains locaux, sous réserve de l'accord des personnes intéressées ;

-  elle pourra également saisir le juge des référés afin d'ordonner que ses demandes d'informations soient suivies d'effet ;

-  enfin, elle aura la possibilité de présenter à l'audience ses observations.

Ces trois prérogatives visent à donner à la nouvelle autorité la capacité de produire auprès des juridictions des éléments de preuve suffisamment étayés. L'obstacle principal auquel se heurtent les victimes de discriminations réside en effet dans l'incapacité à rassembler des preuves permettant d'aller devant le juge avec des chances raisonnables de succès.

Toutes ces dispositions devront être utilisées dans le respect de l'indépendance de la justice. Comme toute autorité administrative, la nouvelle instance ne pourra pas intervenir dans une procédure judiciaire. Non seulement, en application de l'article 40 du code de procédure pénale, elle aura obligation de transmettre au procureur de la République les faits constitutifs d'une infraction pénale, mais elle devra également demander l'accord du juge pour intervenir sur les affaires donnant lieu à une procédure judiciaire.

L'indépendance de la Haute autorité est assurée par les dispositions relatives à son budget et à ses comptes. Son président a le pouvoir d'ordonnancer les dépenses et les recettes, et ne sera donc pas placé sous la tutelle budgétaire de son ministère de rattachement. En outre, la nouvelle instance n'est pas soumise au contrôle des dépenses engagées assuré par le ministère chargé des finances.

B. LES PRÉCISIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications à la composition et aux règles de fonctionnement de la Haute autorité.

Elle a, en premier lieu, soumis la composition de la Haute autorité à une obligation de parité : chargés de désigner huit des onze membres de la Haute autorité, le Président de la République, le Président du Sénat, le Président de l'Assemblée nationale et le Premier ministre nommeraient chacun un homme et une femme.

L'Assemblée nationale a, d'autre part, rendu obligatoire la création, auprès de la Haute autorité, d'un organe consultatif. La composition de cet organe a également été précisée, afin d'assurer en son sein la pluralité des compétences des courants de pensée : les personnes qualifiées appelées à y siéger seront choisies parmi les représentants des associations, des syndicats, des organisations professionnelles et les personnes ayant une activité dans le domaine d'actions de la Haute autorité.

La place de la médiation par rapport à l'action en justice a été précisée. La résolution amiable des conflits par le recours à la médiation est désormais une faculté, afin que la nouvelle instance puisse, au cas par cas, arbitrer entre médiation préalable et saisine directe du juge. En outre, il est explicitement prévu que la Haute autorité pourra procéder elle-même à la médiation ou la confier à un tiers.

La mission de reconnaissance des bonnes pratiques en matière d'égalité de traitement a été étendue : la Haute autorité pourra identifier et reconnaître toute bonne pratique en matière d'égalité des chances et de traitement, et non plus seulement en matière professionnelle.

Les conditions du transfert du personnel du Groupement d'étude et de lutte contre les discriminations ont été précisées : les personnels employés par ce groupement d'intérêt public, dont les missions d'observation et de signalement entreront dans les compétences de la Haute autorité, pourront bénéficier de contrats de droit public avec celle-ci.

Enfin, l'Assemblée nationale a substitué à la suppression initialement prévue du service téléphonique « 114 » le maintien d'un service d'accueil téléphonique gratuit recueillant les appels des personnes s'estimant victimes de discriminations. Ce service sera chargé de les informer et de les conseiller, en leur précisant notamment les conditions de saisine de la Haute autorité.

C. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR LE SÉNAT

Le Sénat a modifié le texte adopté par l'Assemblée nationale sur plusieurs points.

Il a, tout d'abord, modifié les exigences requises pour la nomination des membres de la Haute autorité, en remplaçant le dispositif paritaire prévu par l'Assemblée nationale pour les nominations incombant aux pouvoirs publics par la simple obligation de respecter « une représentation équilibrée entre les hommes et les femmes ». Cette modification permet de répondre aux risques d'inconstitutionnalité que le rapporteur avait soulevés lors de l'examen en première lecture, le texte adopté par l'Assemblée nationale ne paraissant pas entièrement satisfaisant au regard de la jurisprudence constitutionnelle.

En outre, les pouvoirs publics chargés de nommer les membres de la Haute autorité seraient soumis à l'obligation de respecter « le pluralisme ». Cette disposition vise à assurer la pluridisciplinarité et l'expression de sensibilités différentes, notamment dans l'hypothèse où des parlementaires seraient désignés. Elle s'inspire du principe de pluralisme des courants d'idées et d'opinions, consacré par le Conseil constitutionnel en matière électorale ou de liberté de communication. Son application à une autorité administrative indépendante constituerait une innovation.

Par ailleurs, l'exercice des fonctions de membre de la Haute autorité serait soumis à conditions. Le Sénat a en effet prévu un régime de déport des membres de la Haute autorité : ceux-ci ne pourraient prendre part aux délibérations et aux investigations concernant un organisme au sein duquel ils détiennent ou ont détenu un intérêt ou un mandat, ou s'ils y exercent ou y ont exercé des fonctions.

Les sénateurs ont prévu que les victimes de discriminations pourront saisir la Haute autorité par l'intermédiaire d'un député, d'un sénateur ou d'un représentant français au Parlement européen. Il a également ouvert la saisine de la nouvelle instance aux associations : les associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans et se proposant, par leurs statuts, de combattre les discriminations ou d'assister les personnes qui en sont victimes, pourraient saisir la Haute autorité conjointement avec la victime.

Des garanties de procédure pour les personnes entendues par la Haute autorité ont été introduites. Afin d'assurer le respect du principe du contradictoire, les personnes entendues par la Haute autorité pourraient se faire assister du conseil de leur choix, et un procès-verbal contradictoire de leur audition leur serait remis. En outre, les avocats seraient exclus du champ d'application de la levée des sanctions pénales liées à la révélation du secret professionnel.

Les pouvoirs de la Haute autorité ont été précisés. Ainsi, le concours apporté par les autorités publiques serait renforcé : celles-ci auraient l'obligation de communiquer toutes informations ou pièces utiles. En revanche, les corps de contrôle ministériels n'auraient plus l'obligation de procéder aux enquêtes demandées par la Haute autorité. Par ailleurs, les membres de la Haute autorité seraient autorisés à participer eux-mêmes à des vérifications sur place, et, en cas de refus de la personne intéressée d'accéder à une demande de vérification, le président de la nouvelle autorité aurait la possibilité de saisir le juge des référés. La Haute autorité pourrait en outre, lorsque les personnes intéressées ne répondent pas ou répondent de manière insuffisante à ses recommandations, établir un rapport spécial publié au Journal officiel. Enfin, le Sénat a prévu de rendre automatique la saisine par la Haute autorité des autorités publiques investies du pouvoir disciplinaire.

Le Sénat a également renforcé le rôle consultatif de la Haute autorité. Le Gouvernement serait obligé de consulter celle-ci sur tout projet de loi relatif à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l'égalité. Le Premier ministre pourrait en outre demander à la nouvelle instance de contribuer à la préparation et à la définition de la position française dans les négociations internationales portant sur la lutte contre les discriminations.

Enfin, les sénateurs ont précisé l'organisation territoriale des moyens mis à disposition de la Haute autorité, en prévoyant l'institution de délégués territoriaux, et supprimé la gratuité du service d'accueil téléphonique des victimes. Cette suppression est justifiée par les contraintes financières qui pèsent sur le budget de la Haute autorité, et par l'incidence qu'aurait la gratuité sur le nombre d'appels.

II. - LA TRANSPOSITION DU DROIT COMMUNAUTAIRE RELATIF AUX DISCRIMINATIONS

A. LE DROIT À ÉGALITÉ DE TRAITEMENT ET L'AMÉNAGEMENT DE LA CHARGE DE LA PREUVE PRÉVUS PAR LA DIRECTIVE EUROPÉENNE DU 29 JUIN 2000

L'article 13 du traité instituant la Communauté européenne habilite le Conseil européen, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, à « prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle ». Par ailleurs, l'article 6 du traité sur l'Union européenne précise que celle-ci respecte les droits fondamentaux garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, laquelle comporte, en son article 14, des stipulations proscrivant les discriminations.

D'abord centrée sur la question de l'égalité entre les hommes et les femmes dans le monde du travail, la législation communautaire dérivée des traités a été étendue à d'autres critères de discrimination et à d'autres domaines de la vie économique et sociale.

Trois directives intègrent et consolident les principes dégagés par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (1):

-  la directive n° 2000/78 du 27 novembre 2000 relative à l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;

-  la directive n° 6/207/CEE du 9 février 1976, modifiée par la directive n° 2002/73/CE du 23 septembre 2002 relative à l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles et les conditions de travail ;

-  la directive n° 2000/43/CE du 29 juin 2000 relative à l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique comporte des dispositions similaires.

Ces textes couvrent l'ensemble des critères de discrimination énoncés à l'article 13 du traité instituant la Communauté européenne. Ils prévoient un aménagement de la charge de la preuve au profit du plaignant, lorsque sont établis des faits permettant de présumer l'existence d'une discrimination.

Plusieurs directives européennes relatives à la promotion de l'égalité ont été transposées au cours de la précédente législature. Néanmoins, cette transposition est, en l'état actuel du droit, inachevée.

Le titre II du projet de loi complète l'arsenal juridique en matière de lutte contre les discriminations, en achevant la transposition de la directive n° 2000/43 du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique. Ce texte n'a été transposé que pour une partie de son champ d'application. Il est donc proposé une disposition prévoyant un principe général d'égalité de traitement, applicable dans les domaines visés par la directive, mais non encore couverts par une transposition.

Conformément aux prescriptions communautaires, ce principe est assorti d'un aménagement de la charge de la preuve : la personne qui s'estime victime d'une discrimination raciale devra établir les faits, et non les preuves, qui permettent d'en présumer l'existence, à charge pour la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a complété le champ de la transposition, en instituant un droit à égalité de traitement en matière d'affiliation à une organisation syndicale ou professionnelle. Cette matière est en effet explicitement visée par la directive du 29 juin 2000.

En outre, afin d'interdire toute disparité de traitement entre le secteur public et le secteur privé, l'Assemblée nationale a rendu l'aménagement de la charge de la preuve applicable devant les juridictions administratives. Les victimes de discriminations imputables à une personne publique et relevant des compétences des juridictions administratives pourront ainsi bénéficier de l'aménagement de la charge de la preuve.

C. LES PROPOSITIONS DU SÉNAT

Le Sénat propose d'aller au-delà de la transposition de la directive du 29 juin 2000, en étendant le droit à un traitement égal et l'aménagement de la charge de la preuve à toutes les discriminations. À cet effet, le texte adopté par le Sénat reprend la liste des critères de discrimination, insérée dans le code du travail par la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations. Seraient notamment visées les discriminations en raison des opinions politiques, des mœurs, de l'orientation sexuelle, de l'apparence physique, de l'état de santé ou du handicap.

III. - LE RENFORCEMENT DE LA LUTTE CONTRE LES PROPOS DISCRIMINATOIRES À CARACTÈRE SEXISTE OU HOMOPHOBE

Introduits à l'initiative du Gouvernement, les articles 17 bis à 17 quater du projet de loi reprennent, dans leur majeure partie, les dispositions du projet de loi relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe, déposé à l'Assemblée nationale le 23 juin 2004 (n° 1700).

Comme l'a indiqué en séance publique M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois du Sénat, « il n'est jamais agréable pour le Parlement de voir arriver ainsi des dispositions importantes mais on ne peut demander la concertation et en refuser les conséquences [...] Différer indéfiniment des dispositions attendues serait déshonorant pour le Sénat »(2).

Votre rapporteur souscrit d'autant plus à ces observations que la commission des lois de notre assemblée avait désigné, dès le 20 juillet 2004, notre collègue Brigitte Barèges comme rapporteure de ce projet de loi et que celle-ci a, depuis lors, mené près de 25 auditions de juristes, de membres d'associations de défense des droits des homosexuels ou des droits des femmes, de représentants des entreprises de presse, de journalistes et même d'humoristes. Votre rapporteur tenait, ici, à saluer publiquement cet important travail préparatoire.

A. DES DISPOSITIONS QUI PARACHÈVENT L'ACTION ENGAGÉE PAR LE GOUVERNEMENT EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LE SEXISME ET L'HOMOPHOBIE

1. Une première étape : la création de la circonstance aggravante d'homophobie dans le code pénal et l'extension de son champ d'application

Désireux de compléter l'arsenal répressif en matière de lutte contre les discriminations, le Gouvernement a récemment fait adopter par le Parlement plusieurs dispositions qui complètent notre droit positif.

· Il s'agit, en premier lieu, de la création d'une nouvelle « circonstance aggravante » définie à l'article 132-77 du code pénal(3) ayant pour effet d'accroître la peine encourue lorsque certaines infractions sont précédées, accompagnées ou suivies de propos, écrits ou utilisation d'images ou d'objet, ou d'actes de toute nature portant atteinte à la victime, ou à un groupe de personnes dont elle fait partie, à raison de « leur orientation sexuelle vraie ou supposée ».

Comme l'indique le premier alinéa de l'article 132-77, l'aggravation des peines « doit être prévue par la loi », c'est-à-dire figurer expressément dans le dispositif définissant et réprimant le crime ou le délit.

En conséquence, la loi du 18 mars 2003 a énuméré les infractions pour lesquelles les peines sont aggravées si les faits sont commis à raison de l'homosexualité de la victime. Il s'agit exclusivement des atteintes aux personnes suivantes :

- le meurtre, passible de la réclusion criminelle à perpétuité s'il est commis à raison de l'orientation sexuelle de la victime, au lieu de 30 ans dans les autres cas (article 221-4 du code pénal) ;

- les actes de torture et de barbarie prévus à l'article 222-3 du code pénal (20 ans d'emprisonnement encourus au lieu de 15 ans) ;

- les violences ayant entraîné la mort sans l'intention de la donner prévues à l'article 222-8 du même code (20 ans d'emprisonnement au lieu de 15 ans) ;

- les violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente (article 222-10), passibles d'une peine de 15 ans d'emprisonnement au lieu de 10 ans ;

- les violences ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, prévues à l'article 222-12, passibles d'une peine de 5 ans d'emprisonnement au lieu de 3 ans ;

- les violences ayant entraîné une incapacité totale de travail de moins de huit jours réprimées par l'article 222-13 (3 ans d'emprisonnement au lieu d'une contravention de la 5e classe) ;

- le viol, passible de la réclusion criminelle à perpétuité au lieu de 15 années d'emprisonnement (article 222-24) ;

- les agressions sexuelles, passibles d'une peine de 10 ans d'emprisonnement au lieu de 7 ans (article 222-30) ;

- les menaces enfin, qui, selon leur gravité, sont désormais passibles d'une peine allant de 2 ans à 7 ans d'emprisonnement, au lieu d'être réprimées d'une peine allant de 6 mois à 3 ans d'emprisonnement (articles 222-18-1 du code pénal). (4)

On le voit, l'aggravation des peines encourues par les auteurs d'infractions fondées sur l'orientation sexuelle de la victime introduite par la loi du 18 mars 2003 ne concerne, quasi exclusivement, que les atteintes aux personnes, donc à l'exclusion des infractions commises contre leurs biens, ce qui n'était pas satisfaisant.

· C'est pourquoi, en second lieu, la loi du 9 mars 2004, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, a élargi le champ d'application de la circonstance aggravante tenant à l'orientation sexuelle de la victime à certaines infractions contre les biens.

Les infractions concernées sont le vol qui, lorsqu'il est commis à l'encontre d'une personne à raison de son orientation sexuelle, est passible d'une peine de cinq ans d'emprisonnement au lieu de trois (article 311-4 du code pénal) ainsi que les extorsions de fonds, passibles d'une peine de 10 ans d'emprisonnement au lieu de 7 ans en l'absence de circonstance aggravante (article 312-2 du même code).

2. La seconde étape : l'incrimination des propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe

On le voit, si notre droit pénal comprend désormais de nombreuses dispositions sanctionnant les actes perpétrés à l'encontre des personnes, ou de leurs biens, en raison de leur orientation sexuelle, en revanche, les propos appelant à la haine ou à la violence contre ces mêmes personnes et pour ces mêmes raisons ne sont pas spécifiquement sanctionnés.

Or, nul ne saurait contester le lien existant entre les propos appelant à la discrimination, à la violence ou à la haine à l'encontre d'une catégorie de personnes et les actes qui sont effectivement commis contre elles.

Certes, le régime général existant en matière de diffamation et d'injure a vocation à s'appliquer aux propos homophobes ou sexistes, qu'il s'agisse de la diffamation ou de l'injure « publique » envers un particulier, délits prévus et réprimés aux articles 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881, ou de celle « non publique » punie par les articles R. 621-1 et R. 621-2 du code pénal.

En outre, certains propos homophobes ou sexistes peuvent être qualifiés de provocation à commettre un crime ou un délit. Si la provocation a été suivie d'effet, ou simplement d'une tentative de crime ou de délit, l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881 la sanctionne des mêmes peines que le crime ou le délit principal commis, quel qu'il soit. En revanche, si la provocation n'a pas été suivie d'effet, elle pourra toutefois être sanctionnée suivant les dispositions de l'article 24 de la loi précitée, à condition qu'elle se rapporte à certains crimes et délits limitativement énumérés, telles que les atteintes volontaires à la vie, à l'intégrité de la personne, ou les agressions sexuelles.

Toutefois, il apparaît qu'en l'état de notre droit, la provocation à la haine, à la discrimination ou à la violence à raison de l'orientation sexuelle d'une personne ou d'un groupe de personnes n'est pas pénalement sanctionnée, à la différence de celle fondée sur l'origine ethnique, raciale, nationale, ou religieuse. Ainsi, lorsque des propos ou écrits homophobes mettent en cause la communauté homosexuelle dans son ensemble, aucune infraction pénale n'est constituée.

La pénalisation des propos discriminatoires se heurte donc à un obstacle juridique puisque la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 30 janvier 2001 (5a considéré que les propos homophobes ne peuvent être sanctionnés sur le fondement de l'article 24 huitième alinéa de la loi du 29 juillet 1881, relatif à la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale, ethnique ou religieuse. En conséquence, les constitutions de partie civile des associations de défense des droits des homosexuelles sont irrecevables.

De même des messages profondément sexistes, donnant de la femme une image particulièrement négative et pouvant susciter un sentiment de rejet ou de mépris dans la population, ne tombent actuellement pas sous le coup de la loi pénale. Seuls les messages pornographiques peuvent être réprimés en application des dispositions de l'article 227-24 du code pénal, à la condition toutefois qu'ils soient susceptibles d'être vus ou perçus par des mineurs.

Enfin, les diffamations et injures à caractère homophobe ou sexiste ne font pas l'objet de mesures d'aggravation de peine, à la différence de ce qui existe pour les diffamations ou injures à caractère racial, xénophobe, ou antisémite.

Ces lacunes en matière de lutte contre l'homophobie peuvent apparaître d'autant moins admissibles lorsque le regard se porte au-delà de nos frontières. En effet, l'analyse des législations étrangères révèle qu'en Belgique, au Danemark, en Espagne, aux Pays-Bas et en Suède, il existe des dispositions pénales sanctionnant les propos homophobes.

De surcroît, avec le traité d'Amsterdam, l'Union Européenne s'est dotée d'une compétence en matière de lutte contre les discriminations. Désormais, selon l'article 13 du traité instituant la Communauté européenne, « le conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la commission et après consultation du Parlement européen, peut prendre les mesures nécessaires en vue de combattre, toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle ».

La prohibition de la discrimination fondée sur le sexe ou l'orientation sexuelle des personnes se retrouve d'ailleurs à l'article II-21 du traité établissant une constitution pour l'Europe.

Dès lors, compte tenu des imperfections de notre droit, des obligations qui découlent de notre appartenance à l'Union européenne et fort des expériences menées chez un certain nombre de nos partenaires, le Gouvernement était fondé à présenter des dispositions réprimant les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe.

Tel était l'objet du projet de loi relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe (n° 1700) dont les dispositions sont reprises dans le présent projet de loi et qu'il convient maintenant de présenter.

B. DES DISPOSITIONS QUI RÉPRIMENT LES PROPOS SEXISTES OU HOMOPHOBES TOUT EN PRENANT EN CONSIDÉRATION CERTAINES OBSERVATIONS ÉMANANT DE LA SOCIÉTÉ CIVILE

Les articles 17 bis à 17 quater ont un triple objet :

ils répriment d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ceux qui auront publiquement provoqué à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle ou qui auront provoqué, à l'égard de ces mêmes personnes, aux discriminations illicites et réprimées par le code pénal (articles 225-2 et 432-7).

À cette fin, l'article 17 bis, complète l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881. Il convient de souligner que les quantums proposés sont identiques à ceux applicables aux provocations à la discrimination, à la haine ou à la violence à raison de la race, de la religion ou de l'ethnie d'une personne ou d'un groupe de personnes. Ce faisant, il s'agit de permettre de réprimer les débordements verbaux ou écrits les plus violents qui ne sont plus acceptables dans une démocratie moderne qui se doit d'être respectueuse de la dignité de tous ;

- ils aggravent les peines encourues par les auteurs d'une diffamation ou d'une injure publique envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle. Les auteurs de tels propos diffamatoires encourront désormais une peine d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende, au lieu des 12 000 euros d'amende actuellement prévus. Pour leur part, les auteurs de propos injurieux sexistes ou homophobes seront passibles d'une peine de six mois d'emprisonnement et de 22 500 euros d'amende au lieu des 12 000 euros d'amende prévus par le droit en vigueur.

Là encore, les quantums retenus sont identiques à ceux applicables aux diffamations ou injures publiques à caractère racial, religieux ou ethnique. L'article 17 ter, modifie les articles 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 à ces fins ;

-  ils alignent les règles de mise en mouvement de l'action publique pour les délits de presse de nature sexiste ou homophobe sur celles existantes en matière de racisme ou d'antisémitisme. En conséquence, le ministère public pourra déclencher d'office une poursuite dans le cas d'une diffamation ou d'une injure sexiste ou homophobe, même sans plainte préalable de la victime. En outre, les associations de lutte contre les discriminations pourront se constituer partie civile pour l'ensemble des nouvelles infractions de sexisme ou d'homophobie. Elles pourront ainsi mettre en mouvement l'action publique en cas d'inertie de la part du parquet lorsque la partie lésée n'a pas le pouvoir d'exercer les poursuites, comme dans le cas des délits de provocation à la haine, à la violence ou à la discrimination à raison du sexe ou de l'orientation sexuelle. Cependant, si l'infraction concerne une personne en particulier, son accord préalable sera requis avant le déclenchement de la poursuite.

De la même façon, l'article 17 quater prévoit pour ces délits la possibilité pour le tribunal de décider de peines complémentaires (telles que l'affichage ou la diffusion) ainsi que des règles d'aggravation de la peine en cas de récidive identiques à celles qui sont prévues en matière de lutte contre le racisme et la xénophobie.

On le sait, ces dispositions ont provoqué de nombreuses réactions depuis leur présentation au Conseil des ministres, tantôt favorables, tantôt hostiles, souvent passionnées. La dernière en date, et non des moindres, émane de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (cncdh) qui, dans son avis du 18 novembre 2004, se prononce, en premier lieu, pour le retrait du projet de loi relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe. Si le Gouvernement n'a pas suivi cette première invite - et il a bien fait compte tenu des insuffisances juridiques soulignées plus haut, mais également des attentes d'un grand nombre d'hommes et de femmes qui ne supportent plus d'être diffamées, insultées ou vilipendées simplement parce qu'elles sont nées d'un certain sexe ou qu'elles sont homosexuelles - il a, en revanche, pris en considération certaines des suggestions présentées par la cncdh.

En effet, la Commission envisageant néanmoins l'hypothèse de l'examen de ces dispositions par le Parlement a, en second lieu, suggéré de mieux définir la notion de provocation à la discrimination à raison du sexe ou de l'orientation sexuelle d'une personne ou d'un groupe de personnes dont l'imprécision était à l'origine de la majeure partie des critiques adressées à ce texte. Ainsi, « par cohérence avec les dispositions législatives en vigueur », la cncdh a proposé « de retenir un champ des motifs identique » à celui du code pénal, ce que le texte adopté par le Sénat a fait en se référant, au sein de l'article 17 bis, aux articles 225-2 et 432-7 du code pénal.

Par ailleurs, la Commission a estimé « inopportune l'inégalité implicitement induite » par les articles 2 et 3 du projet de loi n° 1700. En effet, ces derniers aggravaient les peines en matière de diffamation et d'injure publiques envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur « orientation sexuelle », mais nullement à raison de leur « sexe ».

Ce choix était effectivement difficilement compréhensible, car il impliquait, qu'au regard de la loi, diffamer ou insulter une femme à raison de son sexe était moins grave que de diffamer ou d'insulter un homosexuel à raison de son orientation sexuelle. Là encore, le Gouvernement a entendu ces remarques, ainsi que celles émanant des associations de défense des droits des femmes, puisque le texte de l'article 17 ter adopté par le Sénat sanctionne désormais de façon égale les diffamations ou insultes publiques à caractère sexiste ou homophobe.

Enfin, de nombreuses critiques avaient été portées, notamment de la part des représentants des entreprises de presse, sur la proposition de porter la prescription à un an pour les délits de presse à caractère sexiste ou xénophobe, comme c'est le cas, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, pour la répression des propos à caractère raciste, xénophobe ou négationniste. La prescription de droit commun de trois mois en matière de délits de presse est considérée comme une garantie de la liberté d'expression, le Gouvernement a donc préféré renoncer à prolonger la durée de prescription s'agissant des délits de presse à caractère sexiste ou xénophobe, comme il l'avait envisagé dans le projet de loi n° 1700.

*

* *

Après l'exposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

M. Claude Goasguen a tout d'abord regretté que le Parlement cautionne, encore une fois, la création d'une autorité administrative indépendante dont la multiplication remet en cause l'autorité de la loi, en soulignant que ce type d'organismes avait tendance à se substituer de plus en plus au législateur alors qu'ils ne disposent d'aucune légitimité issue du suffrage universel et en rappelant que l'actualité récente, s'agissant du csa, avait démontré leurs insuffisances.

Concernant l'ajout au Sénat, par des amendements gouvernementaux, des dispositions issues du projet de loi relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe, il a jugé qu'il s'agissait d'un procédé très critiquable, nuisant à la qualité du travail parlementaire et qu'il était donc indispensable qu'un débat réel ait lieu sur cette question à l'Assemblée nationale car les dispositions envisagées remettent gravement en cause les fondements même de nos principes juridiques.

Considérant que si la rédaction de l'article 17 bis, qui fait référence explicitement aux seules discriminations interdites par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal, constituait un progrès par rapport au projet initial, il a en revanche estimé que l'incrimination spécifique de l'injure et de la diffamation à caractère sexiste ou homophobe, prévue par l'article 17 ter, n'était pas acceptable. Il a exposé qu'elle revient à priver le juge de toute marge de manœuvre dans la qualification de l'injure et de la diffamation alors que, selon une tradition qui remonte au droit romain, c'est à lui d'apprécier la réalité de l'infraction. Précisant qu'il est en effet probable que la jurisprudence en matière de racisme sera étendue aux nouveaux délits envisagés, il a rappelé que la cour d'appel de Paris, par un arrêt de la 11e chambre du 18 septembre 1995, comme la Cour de cassation, par un arrêt du 16 mars 2004, avaient jugé que la preuve des faits diffamatoires n'est pas admise en matière de diffamation raciale. Il a craint dès lors que l'assimilation du dispositif de l'article 17 ter à celui de l'article 32 de la loi de 1881 conduise à une forme dangereuse d'automaticité de la peine.

M. Claude Goasguen a ensuite estimé qu'il serait judicieux de prendre en compte les critiques exprimées par la Commission nationale consultative des droits de l'homme (cncdh) sur l'incrimination aggravée de la diffamation et de l'injure, notamment son rappel l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme stipulant que la liberté d'expression vaut aussi pour les informations ou idées « qui heurtent, choquent ou inquiètent ». Concluant son intervention, il a considéré qu'une telle atteinte à la liberté d'expression rendra bientôt nécessaire l'adoption d'un un « code des injures » afin de savoir si tel ou tel propos est acceptable !

M. Patrick Bloche a considéré que le rapporteur avait eu raison de rappeler que la pénalisation de certains propos à caractère sexiste ou homophobe ne constituait en rien une révolution juridique mais permettait simplement, sans minimiser cet important progrès, de compléter la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, grande loi de la République qui tout à la fois garantit la liberté de la presse et permet d'en sanctionner les abus.

Rappelant que le groupe socialiste s'était abstenu en première lecture car il estimait que le texte ne permettait pas à la Haute autorité de lutter efficacement contre les discriminations, notamment du fait de l'absence de pouvoir réel de régulation, il a précisé que, compte tenu des améliorations apportées par le Sénat sur la Haute autorité et de l'intégration dans ce projet de loi des dispositions de lutte contre les propos homophobes et sexistes, il pourrait s'acheminer vers un vote positif en deuxième lecture, puisque le texte reprend désormais une partie importante des dispositions de la proposition de loi du groupe socialiste discutée le 27 novembre 2003, même s'il serait souhaitable d'étendre le dispositif à toutes les discriminations interdites par les articles 225-1 et 432-7 du code pénal.

Puis, soulignant que la simple mise à niveau législative des sanctions contre les propos discriminatoires, telle que prévue par le projet de loi qui opère par renvoi à la liste des discriminations énumérées dans le code pénal, ne peut être considérée comme attentatoire à la liberté de la presse, il a rappelé que les propos négationnistes ou racistes étaient déjà passible de peines d'emprisonnement et que ceux qui s'opposent à toute peine privative de liberté en matière de délit de presse devraient alors prendre l'initiative de réformer en ce sens la loi de 1881.

Répondant aux observations de M. Claude Goasguen, M. Patrick Bloche a par ailleurs considéré qu'il était paradoxal de critiquer l'existence d'organismes indépendants comme la Haute autorité et, dans le même temps, d'invoquer l'avis de la cncdh pour dissuader les élus du suffrage universel de sanctionner les abus à la liberté d'expression. Il a enfin estimé que l'expression de « propos discriminatoires » n'était pas vague car, encadrée par la jurisprudence, elle ne relève en aucune façon du délit d'opinion et dire ainsi son opposition au mariage homosexuel ne saurait être considéré par exemple comme une injure ou une diffamation.

M. Michel Piron s'est enquis de la portée de l'article 2 du projet dans sa rédaction issue des travaux du Sénat, en ce qui concerne l'exigence de pluralisme dans la composition de la Haute autorité et s'est étonné de l'ajout d'une telle exigence qui incite à une discrimination des opinions dans un texte qui entend les condamner toutes. Il a ensuite fait part de ses doutes sur la pertinence de la nouvelle rédaction de l'article 17 qui prétend énumérer l'ensemble des discriminations prohibées.

Après avoir regretté la méthode cavalière suivie au Sénat pour insérer par amendement le contenu d'un projet de loi et déploré qu'une sorte de terrorisme intellectuel tende à condamner, sans les entendre, tous ceux qui s'opposent aux nouvelles dispositions, M. Jean-Paul Garraud a tenu à préciser que sa propre opposition était exempte de tout jugement de valeur sur l'homosexualité.

Rappelant que la majorité actuelle avait développé un arsenal juridique important en faveur de la communauté homosexuelle, notamment en améliorant le pacs et en faisant de l'homophobie une circonstance aggravante de certains délits, il s'est tout d'abord interrogé sur la nécessité de légiférer alors qu'il n'existe pas de vide juridique - lequel ne manquerait pas d'être souligné par la Cour de cassation dans son rapport annuel - et il a précisé que les propos portant atteinte à l'honneur et à la considération d'une personne peuvent déjà être sanctionnés. Il a ajouté que, si l'article 17 bis faisait référence à des infractions bien définies, l'article 17 ter réprimait la diffamation et l'injure, qui sont des notions dont la portée a été délimitée par la jurisprudence. Par ailleurs, il s'est étonné que le Parlement rétablisse des peines d'emprisonnement en matière de délit de presse, après les avoir supprimées pour être en conformité avec le droit européen.

Il a ensuite souligné que ce texte inutile était également dangereux en portant atteinte à la liberté d'expression et à la liberté de la presse, et exprimé sa crainte d'une multiplication des procédures initiées par des associations, qui risque d'entraîner une sorte d'autocensure des journalistes. Il a rappelé que le projet avait ainsi suscité l'hostilité des fédérations de presse de même, d'ailleurs, que celle de personnalités connues pour leur combat en faveur du pacs. Enfin, il a regretté que des droits soient octroyés à des communautés, en contradiction avec l'universalité des droits de l'homme et la jurisprudence du Conseil constitutionnel, récemment rappelée par la décision sur le traité établissement une Constitution pour l'Europe, et il a contesté qu'un parallèle puisse être établi avec la législation contre le racisme qui répond à une exigence constitutionnelle.

Soulignant les fortes réserves que le projet de loi sur l'homophobie avait suscitées, y compris dans la majorité, M. Jean-Pierre Soisson s'est félicité que le Gouvernement ait finalement renoncé à des dispositions potentiellement dangereuses pour les libertés publiques, afin de procéder à une réforme prudente tout en respectant les principes généraux du droit.

Après avoir regretté que la pénalisation plutôt que de l'éducation constitue la solution ultime pour modifier les comportements, Mme Valérie Pecresse a souligné que le vote de la loi sur le racisme et l'antisémitisme, en isolant les communautés, avait rendu plus difficile la défense de l'universalisme des valeurs et conduisait naturellement à accorder à toute catégorie qui le demande une protection spécifique. Elle a cependant exprimé sa satisfaction devant l'amélioration du texte, qui fait référence à des notions juridiquement bien définies, ne porte pas d'atteinte frontale à la liberté de la presse et met au même rang le sexisme et l'homophobie. Elle a précisé que, dans sa rédaction issue de l'amendement du Gouvernement, l'article 17 bis ne réprimait que les discriminations à l'embauche ou pour l'accès aux biens et services, et qu'il serait toujours possible de se déclarer opposé, comme cela est son cas, au mariage homosexuel ou à l'adoption par des couples homosexuels.

Mme Brigitte Barèges a exposé que le projet de loi ne créait pas de nouveaux délits, mais alignait les sanctions réprimant la diffamation ou l'injure contre les femmes et les homosexuels sur celles prévues pour les propos de même nature à caractère raciste et antisémite. Soulignant que le texte protégeait les personnes et non les communautés, elle a considéré que d'éventuelles poursuites ne déboucheraient pas nécessairement sur des condamnations. Elle a ensuite déclaré que, si les fédérations de presse avaient pu se montrer inquiètes, tel n'était pas le cas des syndicats de journalistes, globalement satisfaits par le texte, et précisé que le retour au délai de prescription de droit commun en matière de presse rassurait la profession. Rappelant que l'intégration par voie d'amendement des dispositions relatives à l'homophobie et au sexisme dans le projet sur la Haute autorité permettrait le vote d'un texte définitif avant la fin de l'année, conformément aux engagements du Gouvernement, elle a conclu que le texte issu des travaux du Sénat était équilibré, évitait les dérives et répondait à une forte attente de l'opinion.

Après avoir souhaité que soient évités les propos disproportionnés, qu'ils soient excessifs ou qu'ils résultent d'une analyse trop hâtive, M. Guy Geoffroy a estimé que si le projet de loi soumis à l'Assemblée nationale regroupait désormais, compte tenu des amendements adoptés par le Sénat, deux réponses distinctes au problème de la discrimination, ces dernières n'étaient cependant pas étrangères l'une à l'autre et répondaient toutes les deux à des engagements pris par le chef de l'État. S'agissant plus précisément des articles additionnels adoptés par le Sénat, il a considéré que l'article 17 bis, dans sa rédaction issue de l'amendement du Gouvernement, apparaissait maintenant incontestable dans son principe et que l'article 17 ter apportait une solution au problème posé par l'impunité inadmissible des propos homophobes ou sexistes dirigés contre un groupe de personnes. Il a, dès lors, indiqué que le nouveau titre II bis constituait une mise à niveau adéquate du dispositif pénal en matière de propos discriminatoires et qu'il voterait le texte sans réticence.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

-  contrairement à d'autres autorités administratives indépendantes, la Haute autorité ne disposera pas de pouvoirs de sanction, ni de pouvoir normatif. Conformément aux prescriptions communautaires, elle vise simplement à aider les plus faibles à faire valoir leurs droits ;

-  il est vrai que l'avis de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (cncdh) appelant au « retrait » du projet de loi réprimant les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe a provoqué une certaine émotion. Toutefois, consciente des engagements pris par le chef de l'État et le Premier ministre, la commission a proposé, par pragmatisme, certaines modifications dans l'hypothèse où le Gouvernement viendrait à inscrire ce texte à l'ordre du jour du Parlement. Fort des suggestions de la cncdh, et des nombreuses observations qui ont été faites par ailleurs sur ce projet de loi, le Gouvernement a opportunément décidé d'en préciser certaines des dispositions, notamment en matière de provocation à la discrimination à raison du sexe ou de l'orientation sexuelle, en prévoyant que les propos publics ne pourront être incriminés que s'ils provoquent à la commission d'un fait illégal pénalement réprimé et prévu par les articles 225-2 et 432-4 du code pénal. Ce faisant, la liberté d'expression et de débat est davantage assurée tout en permettant la répression des propos et écrits sexistes ou homophobes les plus excessifs car attentatoires à la dignité des personnes ;

-  l'introduction de telles dispositions par voie d'amendement au Sénat peut, certes, être critiqué, mais nul ne saurait prétendre que le projet de loi tendant à la création d'une haute autorité de lutte contre les discriminations est dépourvu de tout lien avec la lutte contre l'homophobie et le sexisme ;

-  l'article 17 ter, relatif à la diffamation et l'injure publiques à caractère homophobe ou sexiste, ne crée pas une nouvelle incrimination mais aggrave les sanctions d'ores et déjà encourues par les auteurs de telles déclarations. En effet, la diffamation et l'injure publiques, respectivement définies aux articles 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881, sont punies d'une peine d'amende de 12 000 euros lorsqu'elles ne sont accompagnées d'aucune circonstance aggravante. En revanche, lorsque la diffamation ou l'injure publiques sont commises à raison de la race ou de la religion de la personne, les peines encourues sont alors respectivement portées à un an d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende et à six mois d'emprisonnement et 22 500 euros d'amende. Il est donc inexact d'affirmer que la loi de 1881 sur la liberté de la presse ne prévoit aucune peine d'emprisonnement et ceux qui s'opposent, par principe, à de telles peines devraient être conduits à proposer, par cohérence, la suppression des dispositions en vigueur en matière d'antisémitisme et de racisme, ce qui n'est fort heureusement envisagé par personne ;

-  le souhait du Gouvernement d'aligner les quantums encourus en matière de sexisme ou d'homophobie sur ceux applicables aux diffamations ou injures à caractère raciste ou antisémite s'explique par sa volonté d'obtenir des changements dans le comportement des personnes grâce à la crainte de la répression et la menace de peines accrues. Cet effet pédagogique et dissuasif a déjà produit d'incontestables effets positifs par le passé, en matière de sécurité routière par exemple, et il pourrait en être de même en matière de propos homophobes ou sexistes. Toutefois, l'analyse de la jurisprudence et l'examen de la pratique judiciaire démontrent que les peines d'emprisonnement actuellement prévues par la loi de 1881 ne sont quasiment jamais prononcées en matière de propos racistes ou antisémites. Tel devrait donc être le cas à l'avenir en matière de propos sexistes ou homophobes ;

-  la notion de propos homophobes ou sexistes, que chacun d'entre nous utilise par commodité de langage, n'est pas celle à laquelle se réfère le projet de loi et ne souffre donc d'aucune imprécision. En effet, les articles 17 bis et 17 ter se réfèrent aux provocations, diffamations ou injures « publiques » au sens de l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881 qui énumère les différents supports de cette publicité à l'instar des « cris, discours, écrits, imprimés, images, affiches ou autres moyens de communication audiovisuelle » ;

-  l'objet des dispositions du projet renforçant la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe est de garantir le respect de celles et ceux qui, depuis des siècles, sont victimes de discriminations car considérés comme « inégaux » par la majorité de la population. A ce titre, il devrait recevoir l'assentiment d'une grande partie des représentants du peuple français nonobstant leur appartenance politique.

Après avoir rejeté l'exception d'irrecevabilité n° 1 et la question préalable n° 1 de Mme Christine Boutin, la Commission est passée à l'examen des articles.

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE PREMIER

DE LA HAUTE AUTORITÉ DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS
ET POUR L'ÉGALITÉ

Avant l'article premier

La Commission a rejeté un amendement de M. Patrick Bloche fixant les objectifs de la politique de lutte contre les discriminations et prévoyant la réalisation, tous les cinq ans, d'un bilan de cette politique.

Article 2

Composition

Cet article crée la Haute autorité sous la forme d'une instance collégiale de onze membres, sans prévoir la désignation de personnalités qualifiées représentant les organisations de lutte contre les discriminations. Ce collège unique est en majorité nommé par les pouvoirs publics, puisque le Président de la République, le Président du Sénat, le Président de l'Assemblée nationale et le Premier ministre désignent chacun deux membres (dont le président de l'autorité, nommé par le chef de l'État). Deux autres membres sont nommés par les représentants des hautes juridictions (vice-président du Conseil d'État et premier président de la Cour de cassation). Par ailleurs, la Haute autorité associe à ses travaux des personnalités qualifiées, à travers un organisme consultatif placé à ses côtés.

Le mandat du président et des membres de la Haute autorité est fixé à cinq ans et n'est pas renouvelable. Les membres de la Haute autorité, à l'exception de son président, seront renouvelés par moitié tous les trente mois. En outre, le mandat de membre de la Haute autorité est irrévocable, et, en cas de vacance, un nouveau membre sera nommé pour la durée du mandat restant à courir.

Les membres de la Haute autorité ne sont soumis à aucune règle d'incompatibilité. Leurs fonctions seront donc cumulables avec un mandat électif, un emploi public ou toute autre activité professionnelle.

La Haute autorité est explicitement dotée de services qui lui sont propres, placés sous l'autorité de son président. En outre, elle aura la faculté de recruter des agents contractuels, par dérogation avec la règle selon laquelle les emplois permanents de l'État doivent être occupés par des fonctionnaires.

L'Assemblée nationale a modifié cet article sur deux points :

-  elle a, en premier lieu, soumis les nominations incombant aux pouvoirs publics à un principe de parité, en prévoyant que le Président de la République, le Président du sénat, le Président de l'Assemblée nationale et le Premier ministre nomment chacun un homme et une femme ;

-  elle a, en outre, rendu obligatoire la création de l'organe consultatif placé auprès de la Haute autorité, et précisé la composition de cet organe. Les personnes siégeant au sein du comité consultatif seront choisies parmi les représentants des associations, des syndicats, des organisations professionnelles et des personnes ayant une activité dans le domaine de compétence de la Haute autorité. Cette précision vise à assurer la pluralité de courants de pensée au sein de la nouvelle instance.

À l'initiative de sa commission des Lois et sur avis favorable du Gouvernement, le Sénat propose de remplacer le dispositif paritaire prévu par l'Assemblée nationale par l'obligation de respecter « une représentation équilibrée entre les hommes et les femmes ». Cette modification permet de répondre aux risques d'inconstitutionnalité que le rapporteur à l'Assemblée nationale a soulevés lors de l'examen en première lecture. En effet, l'article 3, dernier alinéa, de la Constitution dispose que « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives », champ dont ne relève pas la qualité de membre de la Haute autorité. En revanche, le législateur peut prévoir que des nominations à des fonctions non électives concourent au respect de l'équilibre des sexes. Statuant sur les articles 134 et 137 de la loi de modernisation sociale relatifs à la « représentation équilibrée entre les femmes et les hommes » au sein des jurys chargés de prononcer la validation des acquis de l'expérience, le Conseil constitutionnel a estimé que ces articles « ne sauraient avoir pour effet de faire prévaloir, lors de la constitution de ces jurys, la considération du genre sur celle des compétences, des aptitudes et des qualifications ». (6)

En outre, le Sénat a soumis les nominations des huit membres de la Haute autorité désignés par les pouvoirs publics à une seconde exigence : ces nominations devront se faire dans le respect du « pluralisme ». Cette exigence s'inspire du principe de pluralisme des courants d'idées et d'opinions, consacré, en matière électorale et de liberté de communication, comme « un fondement de la démocratie » par le Conseil constitutionnel (7). L'application de ce principe à une autorité administrative indépendante constitue une innovation que le Sénat justifie au motif qu'« elle paraît de nature à répondre aux attentes des associations de lutte contre les discriminations, et correspondre à des exigences inhérentes au domaine spécifique d'intervention de la haute autorité, qui traitera du principe fondamental d'égalité ». Notamment, « dans l'hypothèse où des parlementaires seraient désignés pour faire partie de ce collège, ils devraient l'être de façon à assurer l'expression de sensibilités différentes ».

Enfin à l'initiative de M. Alex Türk, le Sénat a donné au président de la Haute autorité voix prépondérante en cas de partage égal des voix.

La Commission a rejeté un amendement de M. Patrick Bloche modifiant la composition de la Haute autorité, afin d'y faire siéger des représentants des associations de lutte contre les discriminations.

Elle a également rejeté un amendement de M. Philippe Vuilque prévoyant que le Président de la République, le Premier ministre et les présidents des deux assemblées nomment chacun à la Haute autorité un homme et une femme, le rapporteur ayant considéré qu'une telle obligation de parité n'est pas conforme à la Constitution.

En réponse à une question M. Michel Piron, le rapporteur s'est déclaré favorable à l'obligation de pluralisme introduite par le Sénat, en considérant que, compte tenu de son objet, la Haute autorité doit représenter des sensibilités différentes. Il a néanmoins jugé qu'il serait inopportun d'étendre cette obligation de pluralisme aux autres autorités administratives indépendantes.

La Commission a rejeté un amendement de M. Patrick Bloche soumettant les délibérations de la Haute autorité à une obligation de publicité, le rapporteur s'étant déclaré défavorable à toute disposition qui porterait atteinte à la confidentialité des dossiers soumis à la nouvelle instance.

La Commission a adopté l'article 2 sans modification.

Article 2 bis

Déport des membres du collège en cas de conflit d'intérêt

Adopté par le Sénat à l'initiative de sa commission des Lois et sur avis favorable du Gouvernement, cet article soumet les membres de la Haute autorité à un régime de déport.

Aucun membre de la Haute autorité ne pourra participer à une délibération ou à des investigations relatives à un organisme au sein duquel il détient un intérêt, direct ou indirect, un mandat ou exerce des fonctions. Cette interdiction sera étendue aux fonctions ou participations intervenues au cours des trois années précédant la délibération ou les investigations en cause.

Inspiré des dispositions applicables à la Commission nationale de l'informatique et des libertés, ce régime de déport vise à éviter tout conflit d'intérêt dans le fonctionnement de la nouvelle instance. Son effectivité sera assurée par l'obligation, pour les membres de la Haute autorité, d'informer son président des intérêts et mandats qu'ils détiennent ou viennent à détenir et des fonctions qu'ils exercent ou viennent à exercer. Les autres membres du collège pourront accéder à ces informations, et le président prendra, le cas échéant, les mesures appropriées pour assurer le respect de ces dispositions.

La Commission a adopté l'article 2 bis sans modification.

Article 3

Saisine

Cet article fixe les modalités de saisine de la Haute autorité.

Les personnes qui s'estiment victimes d'une discrimination auront la possibilité de saisir directement la Haute autorité, les conditions de cette saisine étant renvoyées à un décret en Conseil d'État. En outre, la Haute autorité est habilitée à se saisir elle-même d'une discrimination portée à sa connaissance, sous réserve de l'accord de la victime lorsque celle-ci est identifiée.

Le projet de loi étend à la Haute autorité le principe selon lequel une action devant une autorité administrative ne peut pas interférer dans une procédure judiciaire : la saisine de la nouvelle instance ne pourra pas interrompre ni suspendre les délais applicables devant les juridictions.

Tout en maintenant le principe d'une saisine directe, le Sénat a prévu, à l'initiative de M. Aymeri de Montesquiou et sur avis favorable du Gouvernement, que la victime pourra saisir la Haute autorité par l'intermédiaire d'un député, d'un sénateur ou d'un représentant français au Parlement européen. En outre, il a ouvert la saisine de la Haute autorité aux associations : les associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans et se proposant, par leurs statuts, de combattre les discriminations ou d'assister les personnes qui en sont victimes, pourront saisir la nouvelle instance conjointement avec la victime. Adoptée sur avis favorable du Gouvernement, cette disposition a pour objectif de donner accès à la Haute autorité « aux personnes qui ne disposeraient pas objectivement des capacités de saisir [celle-ci] sans l'appui d'un tiers » et « d'assurer un rôle effectif aux associations ».

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 6) soumettant la saisine de la Haute autorité par une association à l'accord de la victime.

La Commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 3 bis

Délégués territoriaux

Adopté par le Sénat à l'initiative de Mme Assassi et sur avis favorable du Gouvernement, cet article précise que la Haute autorité dispose, sur l'ensemble du territoire, de délégués territoriaux chargés d'apporter aux victimes les informations et l'assistance nécessaires au traitement des réclamations.

Inspirée des délégués du Médiateur de la République, cette précision reprend une disposition que le Gouvernement prévoyait d'introduire par décret.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 7) supprimant cet article au motif que l'organisation territoriale de la Haute autorité ne relève pas de la loi.

Article 4

Recueil d'informations auprès de personnes privées

Cet article charge la Haute autorité de recueillir des informations sur les faits portés à sa connaissance, et lui donne à cet effet la possibilité de réaliser des enquêtes auprès de personnes privées.

Le projet de loi prévoit trois types d'enquête, limitativement énumérés :

- la Haute autorité peut, en premier lieu, demander aux personnes privées mises en cause de s'expliquer sur les faits qui leur sont reprochés ;

- elle peut également demander que lui soient communiqués des informations et des documents, quel qu'en soit le support ;

- elle peut enfin entendre toute personne dont le concours lui paraît utile.

Le Sénat a précisé qu'une demande d'explication peut s'adresser à toute personne de droit privé, qu'il s'agisse d'une personne morale ou d'une personne physique. Il a en outre introduit des garanties de procédure en faveur des personnes interrogées par la Haute autorité : celles-ci pourront se faire assister du conseil de leur choix et un procès-verbal de leur audition leur sera remis.

La Commission a rejeté un amendement de M. Patrick Bloche permettant à la Haute autorité de demander des explications à des personnes publiques, le rapporteur ayant précisé que cet amendement est satisfait par l'article 5 du projet de loi.

La Commission a adopté l'article 4 sans modification.

Article 5

Concours des autorités publiques

Cet article fait obligation aux autorités publiques d'apporter leur concours à la Haute autorité.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale soumet les agents des autorités publiques et des organismes chargés d'une mission de service public de répondre à toute demande de la Haute autorité. En outre, à la demande de celle-ci, les autorités publiques sont tenues de faire procéder à toute vérification ou enquête par les organismes ou corps de contrôle placés sous leur autorité.

À l'initiative de sa commission des Lois et sur avis favorable du Gouvernement, le Sénat a apporté trois modifications :

- les concours des autorités publiques sont précisés : sur demande motivée de la Haute autorité, celles-ci doivent communiquer toutes informations et pièces utiles à l'exercice de la mission de la nouvelle instance ;

- l'obligation, pour les organismes et corps de contrôle, de procéder aux vérifications ou enquêtes demandées par le Haute autorité est remplacée par la possibilité pour celle-ci de demander aux ministres de saisir les corps de contrôle placés sous leur autorité ;

- enfin, les agents publics mis en cause par la Haute autorité bénéficient des garanties introduites par le Sénat à l'article 4 en faveur des représentants des personnes privées (possibilité de se faire assister du conseil de son choix et remise d'un procès-verbal de l'audition).

La Commission a adopté l'article 5 sans modification.

Article 6

Médiation

Cet article confie à la Haute autorité une mission de médiation : elle pourra favoriser la résolution des différends en proposant une solution qui n'a pas force obligatoire. Les constatations et déclarations recueillies au cours d'une médiation ne pourront être ni produites, ni invoquées dans une instance civile ou administrative sans l'accord des intéressés.

En première lecture, l'Assemblée nationale a rendu la médiation facultative, afin que la Haute autorité puisse arbitrer entre la résolution amiable des conflits et la saisine directe du juge. En outre, il a été explicitement précisé que la médiation pourra être faite par la Haute autorité elle-même ou par un tiers désigné par elle.

À l'initiative de Mme Alima Boumédiene-Thiery et sur avis favorable du Gouvernement, le Sénat a souhaité que le présent article précise la mission d'assistance confiée à la Haute autorité : celle-ci sera chargée d'aider la victime à constituer son dossier et à identifier les procédures adaptées à son cas.

La Commission a adopté l'article 6 sans modification.

Article 7

Vérifications sur place

Cet article autorise la Haute autorité à procéder à des vérifications sur place sous réserve de respecter trois conditions :

- elle doit préalablement adresser un avis aux personnes intéressées et recueillir leur accord ;

- elle ne peut enquêter que dans trois catégories de locaux : les locaux administratifs, les lieux, locaux et moyens de transport accessibles au public, et les locaux exclusivement consacrés à un usage professionnel ;

- les agents de la Haute autorité autorisés à procéder à des vérifications sur place doivent recevoir une habilitation spécifique du procureur général près la cour d'appel de leur domicile. Les conditions et les modalités de cette habilitation sont renvoyées à un décret en Conseil d'État.

Le Sénat a modifié cet article afin de préciser que ces pouvoirs de vérifications sur place peuvent être exercés directement par les membres de la Haute autorité.

En outre, à l'initiative de M. Alex Türk et sur avis défavorable du Gouvernement, les sénateurs ont donné au président de la Haute autorité la possibilité, en cas de refus par la personne intéressée d'accéder à une demande de vérifications sur place émise par la nouvelle instance, de saisir le juge des référés afin que celui-ci autorise ces vérifications.

Le rapporteur a présenté un amendement supprimant cette procédure de référé. Il a considéré que, compte tenu du fait que le pouvoir de vérification sur place donné à la Haute autorité reste soumis à l'accord des personnes intéressées, il est paradoxal de prévoir une procédure de référé qui, en pratique, doterait la nouvelle instance un quasi-pouvoir de police judiciaire.

La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 8) et l'article 7 ainsi modifié.

Article 8

Mise en demeure et saisine du juge des référés

Cet article donne à la Haute autorité le pouvoir de contraindre de déférer à une de ses demandes.

Lorsqu'une de ses demandes n'est pas suivie d'effet, la Haute autorité aura la possibilité de mettre en demeure la personne intéressée de lui répondre dans un délai. En cas d'échec de la mise en demeure, le président de la Haute autorité pourra saisir le juge des référés d'une demande motivée « aux fins d'ordonner toute mesure d'instruction que ce dernier juge utile ». Saisi par la Haute autorité, le juge civil aura donc la possibilité d'ordonner aux personnes sollicitées par celle-ci de déférer à sa demande d'explication, d'information ou d'enquête.

Tout en étant spécifique à la Haute autorité et limitée aux demandes que celle-ci est autorisée à émettre, cette disposition s'inspire de la mesure, d'application générale, prévue par l'article 145 du nouveau code de procédure civile qui dispose que « s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».

À l'initiative de M. Alex Türk et sur avis favorable du Gouvernement, le Sénat a précisé le champ d'application des procédures de mise en demeure et de référé : celles-ci ne joueront que pour les demandes émises par la Haute autorité en application des articles 4 et 5 de la présente loi, à savoir les demandes d'explications, de communication d'informations et de documents, d'audition ou d'enquête. En outre, le Sénat a précisé la rédaction du dernier alinéa, afin que la saisie du juge des référés puisse intervenir dans tous les cas où la mise en demeure n'est pas suivie d'effet.

La Commission a adopté l'article 8 sans modification.

Article 9

Secret professionnel

Cet article lève les poursuites pénales applicables aux personnes qui pourront révéler à la Haute autorité des informations à caractère secret, et soumet au secret professionnel les membres, agents et personnalités qualifiées de la nouvelle instance.

En application de l'article 226-13 du code pénal, l'atteinte au secret professionnel constitue une infraction punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Elle est définie comme « la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire ». L'article 226-14 du même code précise que les sanctions ne sont pas applicables dans le cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret.

Le projet de loi autorise les personnes astreintes au secret professionnel à révéler à la Haute autorité des informations à caractère secret. Aucune poursuite pénale ne pourra donc être engagée à leur encontre. Cette autorisation est limitée aux informations qui entrent dans le champ de compétence de la Haute autorité.

En contrepartie, sont astreintes au secret professionnel les personnes qui, par leurs fonctions, sont susceptibles de prendre connaissance des informations transmises à la Haute autorité. Sont visés non seulement les membres et les agents de cette instance, mais aussi les personnalités qualifiées qui siègeront au sein du comité consultatif que la nouvelle instance associera à ses travaux.

À l'initiative de M. Henri de Richemont et sur avis favorable du Gouvernement, le Sénat a soustrait de l'application du présent article les informations couvertes par le secret de la profession d'avocat. Celles-ci sont définies par référence à l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques qui prévoit que « les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention "officielle", les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ». En conséquence, la divulgation à la Haute autorité des informations couvertes par le secret professionnel des avocats restera susceptible de faire l'objet de poursuites pénales. Cette modification est justifiée par le fait que le secret professionnel de l'avocat est d'ordre public.

La Commission a adopté l'article 9 sans modification.

Article 10

Recommandations

Cet article autorise la Haute autorité à faire des recommandations pour qu'il soit mis fin aux faits qu'elle aura à connaître. Ce pouvoir de recommandation est défini d'une manière très large : tout fait ou pratique jugé discriminatoire par la Haute autorité est susceptible de faire l'objet d'une recommandation. Celle-ci n'est pas limitée aux faits dont l'instance est saisie. En outre, les personnes destinataires des recommandations n'étant pas précisées, la Haute autorité est habilitée à s'adresser à une personne physique, comme à une personne morale qu'elle soit privée ou publique. Le pouvoir de recommandation est en outre assorti d'un droit de suite : les autorités ou personnes intéressées ont l'obligation de rendre compte, dans un délai fixé par la Haute autorité, de la suite donnée à ses recommandations. La nouvelle instance a en outre la possibilité de rendre publiques ses recommandations.

À l'initiative de sa commission des Lois et sur avis favorable du Gouvernement, le Sénat a complété le dispositif en prévoyant, en cas d'absence de suite aux recommandations de la Haute autorité, la publication au Journal officiel d'un rapport spécial établi par cette instance.

La Commission a adopté l'article 10 sans modification.

Article 11

Relations avec l'autorité judiciaire

Cet article précise les relations entre la Haute autorité et les juridictions, en imposant à celle-ci l'obligation, d'une part, de transmettre au parquet les faits susceptibles de constituer une infraction pénale et, d'autre part, de ne pas empiéter sur une procédure judiciaire.

La Haute autorité est tenue de saisir le procureur des faits dont elle a connaissance et qui laissent présumer l'existence d'une infraction pénale. Cette disposition vise à appliquer à la nouvelle instance de l'obligation faite, par l'article 40 du code de procédure pénale, à toute autorité constituée, à tout officier public ou fonctionnaire de saisir le procureur de la République des faits constitutifs d'un crime ou d'un délit dont il a pris connaissance dans l'exercice de ses fonctions. Le procureur est quant à lui tenu d'informer la Haute autorité des suites données aux affaires qui lui ont été ainsi transmises. La Haute autorité a en outre l'obligation d'indiquer si elle a utilisé le pouvoir de médiation que lui donne l'article 6 du projet de loi.

Le principe de non intervention d'une autorité administrative dans une procédure judiciaire est étendu à la Haute autorité. Pour les faits donnant lieu à enquête pénale, information judicaire ou poursuite judiciaire ou administrative, la nouvelle instance a l'obligation de demander l'accord du juge pour exercer ses pouvoirs d'investigation (demande d'informations, convocation en audition, vérifications sur place, saisine du juge des référés pour refus de déférer à ses demandes de renseignements) ou pour engager une médiation. Ce dispositif est conforme au principe de la séparation des pouvoirs : autorité administrative, la Haute autorité ne peut connaître de faits donnant lieu à une procédure judiciaire.

L'Assemblée nationale a modifié la rédaction du projet de loi initial, afin de supprimer la référence aux poursuites administratives, lesquelles n'entrent pas dans le champ de compétences de l'autorité judiciaire.

Le Sénat a précisé que l'obligation d'informer le procureur de la République de l'existence d'une procédure de médiation par la Haute autorité jouera dès qu'une telle procédure a été initiée, c'est-à-dire avant qu'elle soit achevée. Cette précision vise à laisser au procureur de la République la possibilité d'exercer ses compétences en matière de médiation. L'article 41-1 du code de procédure pénale dispose en effet que ce dernier, « s'il lui apparaît qu'une telle mesure est susceptible d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des faits » peut, directement ou par l'intermédiaire d'un officier de police judiciaire, d'un délégué ou d'un médiateur du procureur de la République, « faire procéder, avec l'accord des parties, à une mission de médiation entre l'auteur des faits et la victime ».

La Commission a adopté l'article 11 sans modification.

Article 13

Information des autorités publiques détentrices du pouvoir disciplinaire

Dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, cet article donne à la Haute autorité la possibilité de porter à la connaissance des autorités publiques détentrices du pouvoir disciplinaire les faits discriminatoires commis par des agents publics. Cette procédure est assortie de l'obligation, pour la Haute autorité, d'informer l'agent mis en cause, et, pour l'autorité publique saisie, d'informer la Haute d'autorité des suites données à ses transmissions.

À l'initiative de sa commission des Lois et sur avis favorable du Gouvernement, le Sénat a rendu la saisine de l'autorité disciplinaire obligatoire.

La Commission a adopté l'article 13 sans modification.

Article 14

Actions de promotion de l'égalité et rôle consultatif

Cet article charge la Haute autorité de :

- mener ou favoriser des actions de communication, d'information ou de formation ;

- soutenir l'élaboration et l'adoption, par tout organisme public ou privé, d'engagements en faveur de l'égalité ;

- identifier et reconnaître les bonnes pratiques professionnelles selon une procédure de certification susceptible d'élaborer des normes égalitaires, notamment dans la gestion des ressources humaines et dans l'accès aux biens et services.

Afin d'améliorer la compréhension des comportements discriminatoires, la Haute autorité est par ailleurs chargée de conduire et de cordonner les études et recherches réalisées dans les domaines relevant de sa compétence.

En outre, la Haute autorité se voit confiée une mission de consultation et de proposition auprès des pouvoirs publics. Elle reçoit compétence pour recommander toute modification de la législation ou de la réglementation relatives à la lutte contre les discriminations. Le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit que le Gouvernement aura la faculté de solliciter son avis sur tout texte ou question entrant dans ses compétences.

Le Sénat a modifié cet article afin de donner explicitement à la Haute autorité une mission de promotion - et non plus de simple identification - des pratiques non discriminatoires. En outre, il fait obligation au Gouvernement de soumettre à l'avis de la Haute autorité tout projet de loi relatif à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l'égalité.

Par ailleurs, les sénateurs ont complété cet article par un alinéa organisant une participation de la Haute autorité aux négociations internationales dans le domaine de la lutte contre les discriminations et à la représentation de la France dans les organisations internationales compétentes en la matière. Cette participation se fera à l'initiative du Premier ministre. S'agissant des négociations internationales, elle se limitera à une contribution à la préparation et à la définition de la position française. Inspirées des règles applicables à la Commission nationale de l'informatique et des libertés, ces dispositions visent à « prendre en compte l'influence du droit international et de l'action communautaire sur les objectifs et les méthodes de lutte contre les discriminations ».

La Commission a rejeté un amendement de M. Patrick Bloche donnant au Gouvernement la possibilité de consulter la Haute autorité sur le recours à l'anonymat des curriculum vitae, le rapporteur ayant estimé cette précision inutile.

La Commission a adopté l'article 14 sans modification.

Article 15

Rapport annuel

Cet article fait obligation à la Haute autorité de remettre chaque année au Président de la République et au Parlement un rapport d'activité qui est rendu public.

À l'initiative de M. Alex Türk et sur avis favorable du Gouvernement, le Sénat a modifié cet article afin de rendre le Premier ministre destinataire de ce rapport annuel de la Haute autorité.

Après avoir rejeté un amendement rédactionnel de M. Patrick Bloche, la Commission a adopté cet article sans modification.

Article 16

Budget et comptes

Cet article fixe les règles budgétaires et comptables applicables à la Haute autorité. Celle-ci sera financée par des crédits ouverts en loi de finances sur le budget du ministère chargé des affaires sociales. Le président de la nouvelle instance disposera du pouvoir d'ordonnancer les dépenses et les recettes qui seront soumises au contrôle de la Cour des comptes. En outre, les dispositions de la loi du 10 août 1922 relatives au contrôle des dépenses engagées ne sont pas applicables à la Haute autorité.

À l'initiative de M. Alex Türk et sur avis favorable du Gouvernement, le Sénat a apporté à cet article une modification de portée rédactionnelle, visant à définir le contrôle de la Cour des comptes sur la Haute autorité dans les mêmes termes que ceux prévus pour les autres autorités administratives indépendantes.

La Commission a adopté l'article 16 sans modification.

Après l'article 16

La Commission a examiné un amendement de M. Patrick Bloche visant à prohiber les discriminations fondées sur l'identité de genre dont peuvent être victimes les personnes transsexuelles.

Le rapporteur a fait observer que la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes a étendu la notion de discriminations sexuelles à celles qui trouvent leur origine dans la conversion sexuelle. Il a donc estimé que les dispositions prohibant la discrimination sexuelle pourraient être appliquées au cas des personnes transsexuelles, et considéré par conséquent cet amendement inutile.

La Commission a rejeté cet amendement.

TITRE II

MISE EN œUVRE DU PRINCIPE DE L'ÉGALITÉ DE TRAITEMENT ENTRE LES PERSONNES ET PORTANT TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE N° 2000/43 DU 29 JUIN 2000

Par cohérence avec l'extension, prévue à l'article 17, du principe d'égalité de traitement à l'ensemble des discriminations, le Sénat a modifié l'intitulé du titre II de manière à lui donner une portée générale, et non plus limitée aux seules discriminations fondées sur l'origine ethnique.

Article 17

Transposition de la directive n°2000/43/CE du 29 juin 2000

Cet article vise à achever la transposition de la directive 2000/43/CE du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique.

Cette directive a pour objet d'établir un cadre pour lutter contre la discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique, en vue de mettre en oeuvre, dans les États membres, le principe d'égalité de traitement. Elle prohibe la discrimination directe ou indirecte et le harcèlement, et définit son champ d'application de manière à couvrir les discriminations liées à une activité professionnelle salariée ou non salariée, mais aussi celles constatées dans l'accès à la protection sociale, aux avantages sociaux, à l'éducation, aux biens et services et à la fourniture de biens et services. Elle fait obligation aux États membres de prendre des dispositions permettant d'aménager la charge de la preuve.

Ce texte a été transposé dans le code du travail et dans les dispositions régissant les droits et obligations des fonctionnaires par la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations. Il a également été transposé dans le champ de l'accès au logement en matière de location (cf. l'article premier de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tel que modifié par la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale).

Dans la rédaction initiale du projet de loi, le premier alinéa du présent article a posé un principe général de droit à égalité de traitement « quelles que soient son origine nationale, son appartenance ou sa non appartenance vraie ou supposée à une ethnie ou à une race ». Le champ d'application de ce principe est défini par référence aux domaines visés par l'article 3 de la directive, mais non encore couverts par une transposition en droit interne.

Conformément à l'article 8 de la directive, le deuxième alinéa a aménagé la charge de la preuve en prévoyant que la personne qui s'estime victime d'une discrimination doit établir devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence, à charge pour la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. En application du principe de la présomption d'innocence, les juridictions pénales n'ont pas été soumises à l'aménagement de la charge de la preuve. En outre, le projet de loi prévoyait que l'aménagement ne s'appliquerait pas aux juridictions administratives au motif que, dans l'ordre administratif, l'instruction incombe à la juridiction.

L'Assemblée nationale a modifié cet article sur deux points :

-  elle a rendu le droit à égalité de traitement applicable en matière d'affiliation à une organisation syndicale ou professionnelle. Explicitement visé par la directive, ce champ d'application n'est en effet, en l'état actuel du droit interne, pas encore transposé ;

-  elle a étendu l'aménagement de la charge de la preuve aux juridictions administratives. Cette extension vise à interdire toute disparité de traitement entre le secteur public et le secteur public, et à éviter que les personnes de droit public ne soient dispensées de l'obligation de prouver que les faits qui leur sont imputés ne sont pas discriminatoires.

Le Sénat propose d'aller au-delà de la simple transposition de la directive du 29 juin 2000, en étendant le droit à égalité de traitement et l'aménagement de la charge de la preuve à tous les types de discriminations, et non plus aux seuls critères visés par la directive, à savoir l'origine nationale et l'appartenance à une ethnie ou une race.

À cette fin, les sénateurs ont repris la liste des critères de discrimination prévue par l'article L. 122-45 du code du travail, issu de la loi du 16 novembre 2001 précitée. Ainsi, pour l'accès à la protection sociale, à l'éducation, aux biens et services, à une organisation syndicale ou professionnelle et à l'emploi, le droit à égalité de traitement et l'aménagement de la charge de la preuve qui lui est lié s'appliqueront pour l'ensemble des discriminations prohibées par le code du travail.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 9) limitant le principe d'égalité de traitement et l'aménagement de la charge de la preuve aux discriminations fondées sur la race ou l'origine ethnique. Le rapporteur a, en effet, considéré que le Sénat, en élargissant l'article 17 à l'ensemble des critères de discrimination, était allé au-delà de la transposition de la directive, sans résoudre les difficultés juridiques que ne manquerait pas de soulever une application aussi large.

En conséquence, deux amendements de M. Patrick Bloche tendant à élargir l'aménagement de la charge de la preuve ont été déclarés sans objet.

La Commission a ensuite adopté l'article 17 ainsi modifié.

TITRE II BIS

RENFORCEMENT DE LA LUTTE CONTRE LES PROPOS DISCRIMINATOIRES À CARACTÈRE SEXISTE OU HOMOPHOBE

Article 17 bis (nouveau)

(article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse)


Provocation à la discrimination, à la violence ou à la haine
à raison du sexe ou de l'orientation sexuelle des personnes

Parce qu'il incite autrui à commettre une infraction, le provocateur représente une dangerosité sociale particulière justifiant qu'une réponse pénale soit apportée à ses agissements. À cette fin, l'article 121-7 du code pénal fait, sous certaines conditions, du provocateur un complice encourant donc les mêmes peines que l'auteur de l'infraction(8).

Toutefois, pour que la provocation soit qualifiée de complicité, il faut que la personne ait « par don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir » provoqué à une infraction ou « donné des instructions pour la commettre ». Par ailleurs, il est nécessaire que la personne provoquée ait suivi les invites du provocateur et qu'il y ait eu, à tout le moins, un commencement d'exécution de l'infraction qui caractérise la tentative pénalement punissable. À cet égard, rappelons que la tentative est constituée dès lors que « manifestée par un commencement d'exécution, elle n'a été suspendue ou manquée son effet qu'en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur » comme le précise l'article 121-5 du même code.

On le voit, la complicité au sens pénal trouve donc à s'appliquer au provocateur qui incite, en privé, autrui à commettre une infraction dès lors que celle-ci connaît un début d'exécution. Or, la dangerosité sociale du provocateur n'est-elle pas substantiellement accrue lorsque ce dernier a recours aux moyens, toujours plus performants, de communication ? Doit-on attendre que la provocation publique, par voie de presse ou sur Internet par exemple, soit suivie de la commission d'une infraction pour la réprimer ? En somme, quelles sont les limites de la liberté d'expression qu'une société démocratique peut légitimement établir ? En France, il revient à la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse de procéder à ce difficile exercice. À cette fin, les articles 23 et 24 de la loi établissent un régime juridique spécifique modulant les sanctions encourues selon les conséquences attachées à la provocation publique.

Ainsi, lorsque la provocation publique (9) a « été suivie d'effet », son auteur sera puni comme complice du crime ou du délit commis comme le prévoit le premier alinéa de l'article 23. Il en sera de même lorsque la provocation n'aura été suivie que d'une « tentative » de crime, et non de délit, comme le précise le second alinéa du même article. Comme l'explique le professeur Emmanuel Dreyer, « même si l'hypothèse est d'école, cette non prise en compte de la tentative provoquée d'un délit apparaît regrettable, car, plus que jamais, le comportement final qui détermine la sanction échappe à l'auteur de la provocation »(10). Par ailleurs, il peut advenir qu'un fait constitutif de la provocation réprimée par l'article 23 relève également de la complicité au sens de l'article 121-7 du code pénal, par exemple si des dons ou promesses ont incité le provoqué à mettre en œuvre les directives du provocateur. Dans cette hypothèse, il importe de déterminer le texte sur le fondement duquel seront engagées les poursuites. À cette question, qui fait l'objet de controverses doctrinales, la Cour de cassation a répondu que, dès lors que le législateur a prévu un cas spécial de complicité, il a manifesté sa volonté qu'il soit appliqué lorsque les conditions sont réunies, la loi générale ne pouvant implicitement déroger à une loi spéciale(11).

Enfin, aux termes de la jurisprudence de la Cour de cassation, l'incrimination de provocation suivie d'effet exige que ladite provocation soit « directe », « c'est-à-dire qu'il y ait une relation incontestable entre le fait de la provocation et les crimes ou délits auxquels elle se rattache par un lien étroit »(12). Cette exigence est déterminante au regard de l'équilibre entre la protection de la liberté d'expression et la préservation de l'ordre public puisqu'elle signifie, notamment, qu'il ne saurait y avoir provocation à la commission d'un acte demeurant indéterminé ni même lorsque l'acte réalisé ne correspond pas à celui préconisé par le provocateur.

Il est vrai que la distinction entre les provocations suivies d'effet ou non peut sembler curieuse puisqu'elle conduit au prononcé de sanctions pénales différentes alors même que l'attitude du provocateur est identique, le comportement du provoqué, donc d'une tierce personne, étant le seul à varier. Pour autant, les provocations publiques à la haine ou à la violence dépourvues d'effet sont-elles donc toutes impunies ? Tel n'est pas le choix du législateur français.

1. Les hypothèses permettant la répression des provocations publiques non suivies d'effet sont complétées par la référence aux propos sexistes ou homophobes

a) La loi de 1881 prévoit, de façon limitative, la répression des provocations dépourvues d'effet

Désireuse de réprimer certaines provocations publiques particulièrement graves mais dépourvues d'effet, sans toutefois porter une atteinte excessive à la liberté d'expression, la loi a prévu d'incriminer celles des provocations qui tendent à la commission d'infractions limitativement énumérées par l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881. Ces infractions relèvent, tout d'abord, des catégories suivantes :

les infractions contre les personnes. Il s'agit des atteintes volontaires à la vie, à l'intégrité de la personne ainsi que des agressions sexuelles définies par le livre II du code pénal. Il convient de remarquer que les apologues de ces infractions relèvent également du champ de la répression des provocations non suivies d'effet comme le précise le 5e alinéa de l'article 24 ;

les infractions contre les biens. Il s'agit des vols, des extorsions et des destructions et dégradations volontaires dangereuses pour les personnes définis par le livre III du code pénal. Comme toujours, cette énumération soulève certaines interrogations : pourquoi avoir exclu du champ d'incrimination la provocation à l'escroquerie ou à l'abus de confiance qui ne sont pas moins graves que les précédentes ?

les infractions portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation et prévues par le titre 1er du livre IV du code pénal. Les incriminations visées sont l'espionnage, les atteintes aux institutions de la République ou à la défense nationale. Ce faisant, le législateur n'a donc pas souhaité réprimer toutes les provocations contre la Nation ou la paix publique puisque celles relatives aux infractions du titre III (atteintes à l'autorité de l'État ou à l'action de la justice) demeurent en dehors du champ d'application de ces dispositions ;

les actes de terrorisme au sens des articles du titre II du livre IV du code pénal. Notons que la répression prévue par l'article 24 est également applicable aux apologues de ces actes terroristes ;

les apologues des crimes de guerre ou contre l'humanité ainsi que les zélateurs des crimes ou délits de collaboration avec l'ennemi.

Les quantums encourus par les provocateurs de ces cinq catégories d'infractions sont déterminés par le 1er alinéa de l'article 24 qui prévoit une peine de cinq ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende.

Par ailleurs, l'article 24 distingue deux autres hypothèses de répression de provocations non suivies d'effet mais dont les quantums de la peine sont substantiellement moindres. Il s'agit :

des cris et chants séditieux proférés dans des lieux ou des réunions publics. En effet, les auteurs de ces faits n'encourent qu'une amende de 5e classe, relevant donc du pouvoir réglementaire. Cette présence, dans la loi, d'une peine de nature contraventionnelle s'explique par le fait que les peines initialement encourues pour ces faits étaient de « dix jours à un mois d'emprisonnement » et d'une contravention de 5e classe, mais que le décret du 29 mars 1993 a supprimé la peine privative de liberté ;

des provocations à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une race ou une religion (8e alinéa). Dans ces hypothèses, introduites par la loi du 1er juillet 1972, les auteurs desdites provocations dépourvues d'effet sont passibles d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Il ressort de cette analyse du droit en vigueur que la provocation à la haine, à la discrimination ou à la violence à raison de l'orientation sexuelle d'une personne ou d'un groupe de personnes n'est pas pénalement sanctionnée, à la différence de celle fondée sur l'origine ethnique, raciale, nationale, ou religieuse d'une personne ou d'un groupe de personnes. Ainsi, lorsque des propos ou écrits homophobes mettent en cause les homosexuels dans leur ensemble, aucune infraction pénale n'est constituée.

On rappellera que la pénalisation des tels propos se heurte donc à un obstacle juridique insurmontable comme l'a constaté la chambre criminelle de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 30 janvier 2001(13), a clairement affirmé que les propos homophobes ne peuvent être sanctionnés sur le fondement des dispositions relatives à la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale. En conséquence, les constitutions de partie civile des associations de défense des droits des homosexuels sont irrecevables. Cette situation n'est pas satisfaisante et le présent article a précisément pour objet d'y remédier.

b) L'article 17 bis du projet de loi complète cette liste par la référence aux provocations publiques à la discrimination à raison du sexe ou de l'orientation sexuelle de la personne

Cet article du projet de loi se propose d'insérer un nouvel alinéa au sein de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881, à la suite des dispositions relatives aux provocations à la discrimination raciale, dont les termes ne sont d'ailleurs pas sans parenté avec celles-ci.

En effet, le dispositif proposé prévoit que seront punies d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende, les personnes qui, publiquement et en ayant recours à tous les moyens de communication définis à l'article 23 de la loi, auront « provoqué à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle » ou auront « provoqué, à l'égard des mêmes personnes, aux discriminations prévues par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal ».

Certains des termes employés appellent les remarques complémentaires suivantes.

S'agissant de la notion « d'orientation sexuelle », elle a été récemment introduite dans notre droit pénal par la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure qui en fait une circonstance aggravante de la commission de certaines infractions (article 132-77 nouveau du code pénal). Rappelons que cette circonstance est constituée lorsque l'infraction est précédée, accompagnée ou suivie de propos, écrits, utilisation d'images ou d'objets ou d'actes de toute nature portant atteinte à l'honneur ou à la considération de la victime, ou d'un groupe dont elle fait partie, à raison de leur orientation sexuelle vraie ou supposée. Comme l'exige notre code pénal, l'aggravation des peines doit être prévue par la loi ce qui signifie qu'elle n'est applicable que pour les infractions qui le prévoient expressément. En l'espèce, les infractions concernées sont les meurtres, tortures, violences, viols et agressions sexuelles ainsi que les vols, les extorsions ou les menaces.

L'origine de cette notion est éminemment européenne. Ainsi, l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatif aux discriminations interdites, prohibe celles fondées sur le « sexe », « l'appartenance à une minorité nationale » ou sur « toute autre situation », sans se référer toutefois explicitement à l'orientation sexuelle. C'est plus récemment que les textes européens mentionnent cette notion, qui figure à l'article 6 A du traité d'Amsterdam et, désormais, à l'article 13 du traité instituant la communauté européenne prévoyant que le « Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la commission et après consultation du parlement, peut prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle ».

Si les instruments juridiques se référant à la notion d'orientation sexuelle sont nombreux, en revanche, son contenu fait l'objet de peu de commentaires. Or, s'agissant d'une nouvelle incrimination, le Parlement se doit, au regard des exigences constitutionnelles qui lui sont opposables, d'être précis dans les termes utilisés qui doivent être univoques. À cet égard, et comme l'explique fort justement M. Stéphane Garneri, chercheur, la signification « retenue par les juristes n'est pas identique à celle qui est utilisée dans le langage courant. Il ressort en effet, de l'analyse de la jurisprudence constitutionnelle et de la doctrine que l'orientation sexuelle d'une personne est déterminée uniquement en fonction du sexe de son partenaire »(14).

Cette définition apparaît alors comme étant « extensive mais aussi plus restrictive » que celle du langage courant :

plus extensive, puisque cette acception de l'orientation sexuelle permet de souligner que l'homosexualité n'est pas la seule hypothèse concernée. Comme le précise l'auteur précité « de la même façon qu'il existe plus d'une religion, plus d'une race, plus d'un sexe dans le monde, il existe plus d'une orientation sexuelle. Une personne qui aura un partenaire de même sexe aura une orientation sexuelle homosexuelle. Une personne qui aura un partenaire de sexe opposé aura une orientation sexuelle hétérosexuelle. Une personne qui aura des partenaires de même sexe et de sexe opposé aura une orientation sexuelle bisexuelle. » ;

plus restrictive, puisque la notion d'orientation sexuelle n'englobe pas des aspects de la sexualité tels que la pédophilie, qui se réfère à l'âge du partenaire ou l'inceste, qui prend en considération le lien de parenté du partenaire(15). L'orientation sexuelle n'est donc nullement un instrument au service du relativisme en matière de pratiques sexuelles et elle ne saurait avoir pour effet d'amoindrir, ou de fragiliser, la légitimité de la lutte contre ces phénomènes. Il ressort de ce qui précède que le champ d'application juridique de la notion d'orientation sexuelle est donc limité aux pratiques qui sont légales.

2. L'objection du respect de la liberté d'expression

À la suite du dépôt à l'Assemblée nationale, le 23 juin 2004, du projet de loi relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe (n° 1700), dont le présent article reprend très largement les dispositions de l'article premier, de très nombreuses observations, critiques voire inquiétudes ont été exprimées par plusieurs organismes ou associations.

Nombre de déclarations ont ainsi souligné l'imprécision de la notion de « provocation à la discrimination à raison du sexe ou de l'orientation sexuelle » des personnes, les provocations à la violence ou à la haine fondées sur ces mêmes motifs ne semblant pas, pour leur part, soulever d'objection. Votre rapporteur se doit de présenter ces différentes critiques afin d'en examiner le caractère sérieux.

a) Une incrimination aux termes imprécis portant une atteinte excessive à la liberté d'opinion ?

« La libre communication des pensées et des opinions est l'un des droits les plus précieux de l'homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi » affirme l'article 10 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Consacrée par le préambule de la constitution du 4 octobre 1958, la liberté d'expression possède donc une valeur constitutionnelle qui la place au sommet de notre hiérarchie des normes. Ainsi, c'est au Conseil constitutionnel qu'incombe le contrôle de la garantie législative de la liberté de la presse qui est devenue, selon sa jurisprudence, la liberté de communication. Plusieurs décisions ont affirmé la prééminence de cette liberté « d'autant plus précieuse que son existence est une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertés »(16). C'est pourquoi, le Conseil estime que la loi ne doit pas entraver l'exercice de cette liberté mais, bien au contraire, « en rendre l'exercice plus effectif »(17).

Pour sa part, le premier paragraphe de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que « toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir et de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considérations de frontières ». Toutefois, le second paragraphe du même article précise que l'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités, il peut être soumis à certaines conditions, restrictions ou sanctions « prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, [...] à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ».

La Cour européenne des droits de l'homme développe une analyse extensive de la portée de ce principe en considérant que « la liberté d'expression constitue l'un des fondements de la société démocratique [et qu'elle] vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l'État ou une fraction quelconque de la population. » (18)

Or, l'article 225-1 du code pénal définit la discrimination comme « toute distinction » opérée entre les personnes physiques à raison, notamment, de leur origine, de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur appartenance à une race, quand bien même cette « distinction » n'est ni dépréciative ni stigmatisante.

Dès lors, une interprétation extensive du dispositif prévu par l'article 1er du projet de loi n° 1700 aurait pu conduire, à titre d'illustration, à incriminer un article s'opposant de façon argumentée à tout projet de changement de la législation en vigueur qui prohibe le mariage des homosexuels sur le fondement de la provocation à la discrimination. En effet, en appelant les pouvoirs publics, Parlement et Gouvernement, à ne pas accorder le droit de mariage aux homosexuels, un article de cette nature aurait fait œuvre de provocation à la discrimination puisqu'il aurait plaidé en faveur d'un régime juridique différent fondé sur l'orientation sexuelle des personnes. Or, de tels risques ne sont souhaités par personne car, si le droit en cette matière doit changer un jour, ce sera grâce au débat et non par les bienfaits escomptés de son occultation.

De surcroît, l'imprécision des termes employés pour définir la nouvelle incrimination a été perçue comme une source d'incertitude juridique. Ces remarques valent pour la notion d'orientation sexuelle, dont les contours ont cependant été clarifiés par votre rapporteur, mais surtout pour celle de provocation à la discrimination à raison du sexe de la personne.

Ainsi, le groupe de travail mis en place par la chancellerie préalablement à la rédaction du projet de loi s'est longuement interrogé sur les restrictions des activités artistiques, éditoriales ou publicitaires que pourraient entraîner ces nouvelles dispositions. Arguant du fait que de nombreuses publications de presse, qu'il s'agisse de revues de charme, masculine ou humoristique, véhiculent des propos susceptibles d'être qualifiés de sexistes, certains membres de ce groupe ont exprimé la crainte que cette nouvelle incrimination ne porte préjudice à la liberté d'expression. Ce groupe de travail n'étant d'ailleurs pas parvenu a un accord sur ce point, d'aucuns craignant l'excessive imprécision des termes employés au regard des exigences constitutionnelles, d'autres considérant que les dispositions proposées étaient susceptibles de constituer une ingérence excessive au regard des dispositions de l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme, d'autres enfin, soutenant le contraire au motif que l'image de la femme doit être protégée et ne pas être impunément dégradée.

En dernier lieu, il convient de faire état des craintes exprimées par certains représentants des grandes religions monothéistes et, en particulier, ceux de l'Église catholique(19), tel le Cardinal Jean-Marie Lustiger, dont la position est d'ailleurs annexée à l'avis de la commission nationale consultative des droits de l'homme (cncdh) du 18 novembre dernier.

Rappelons en effet que la Bible, qu'il s'agisse de l'ancien ou du nouveau testament, comporte de nombreux passages ouvertement homophobes. Il en est ainsi du Lévitique qui affirme que « quand un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme, ce qu'ils ont fait tous deux est une abomination ; ils seront mis à mort, leur sang retombe sur eux » (20) mais également des épîtres aux Romains de Saint Paul où l'homosexualité est qualifiée « d'infamie » (21) ainsi que des écrits plus récents de la Congrégation pour la doctrine de la Foi qui considèrent les actes homosexuels comme des comportements « déviants », « un phénomène social et moral inquiétant », un « péché ». Dès lors, la réaffirmation publique par un homme d'Église du dogme catholique en matière d'homosexualité, voire la lecture devant des fidèles de certains passages de la bible particulièrement virulents à l'endroit des homosexuels, relèveront-t-elles de la provocation à la discrimination ou à la violence à raison de l'orientation sexuelle ? Le risque ne doit pas être négligé.

Toutes ces incertitudes et inquiétudes ont conduit, le 18 novembre dernier, la commission nationale consultative des droits de l'homme (cncdh) à demander le « retrait » du projet de loi relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe.

Dans son avis, la commission, après avoir rappelé « son attachement à la liberté de la presse et d'opinion fondée sur la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 », a estimé que ce projet de loi allait à « contre courant » :

- de la loi du 15 juin 2000 qui a « supprimé les peines de prison pour les délits de presse, sauf en matière de motivations racistes » ;

- du mouvement qui, sous l'impulsion de l'Union européenne, a « conduit des États, notamment africains, à se doter de législations plus respectueuses de la liberté d'expression » ;

- de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qui « se fonde davantage sur le principe de la liberté d'expression que sur les restrictions apportées à ce principe ».

b) Un risque de contentieux nombreux fragilisant l'équilibre économique de la presse ?

Il s'agit de l'argument le plus souvent avancé par les représentants des entreprises de presse, mais cela n'est guère surprenant. Selon ces derniers, la conjonction de l'imprécision des termes de la nouvelle incrimination de provocation à la discrimination à raison du sexe ou de l'orientation sexuelle de la personne d'une part, et de l'existence de nombreuses associations actives, et parfois fort militantes, en ces matières d'autre part, laissait augurer un fort développement des contentieux.

En outre, à la différence de la jurisprudence applicable en matière de discrimination raciale, celle concernant l'homophobie ou le sexisme demeure, par définition, à construire, ce qui constitue une incitation implicite au déclenchement des poursuites par les personnes ou les associations concernées.

Or, comme l'explique un spécialiste de la loi de 1881, « le caractère exorbitant de ces règles par rapport aux normes communes se justifie par la volonté de protéger au moyen d'un rituel judiciaire minutieux la liberté de la presse » (22) en la mettant à l'abri d'un harcèlement procédural.

En outre, ces interrogations ne sont pas partagées par les seuls représentants des entreprises de presse puisque le groupe de travail mis en place à la chancellerie a également considéré que la multiplication des contentieux, forcément longs et coûteux, pourrait effectivement avoir des conséquences sur l'équilibre financier des entreprises de presse.

On le voit, ces différentes critiques étaient sérieuses et fondées. Elles ont exigé que des réponses apaisant les craintes tout en garantissant la répression des provocations les plus graves à la discrimination à raison de l'orientation sexuelle ou du sexe des personnes leur soient apportées.

3. La réponse : garantir le respect de la dignité de la personne humaine tout en précisant le champ d'application de la provocation à la discrimination sexiste ou homophobe

a) Le respect de la dignité de la personne : un principe à valeur constitutionnelle autorisant la limitation de l'expression publique

Dans notre société, et à la différence de celle des États-Unis, la liberté de communication n'emporte pas le droit de tout dire.

Les articles 10 de la déclaration de 1789 et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales l'affirment clairement, la première prévoyant que les citoyens doivent « répondre de l'abus de cette liberté [d'expression] dans les cas déterminés par la loi », la seconde autorisant les États à adopter des mesures restrictives « prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, [...] à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui ».

Ainsi que votre rapporteur l'a déjà évoqué, le Conseil constitutionnel considère que, si la loi ne doit pas entraver l'exercice de la liberté d'expression mais, bien au contraire, « en rendre l'exercice plus effectif », il lui appartient également de «  la concilier avec d'autres règles ou principes à valeur constitutionnelle ». Or, c'est dans ce cadre que s'inscrit le présent article qui, au-delà de la répression des provocations à la discrimination, à la violence ou à la haine à raison du sexe ou de l'orientation sexuelle de la personne, agit en faveur du respect de la dignité de la personne humaine, principe à valeur constitutionnelle depuis 1994. (23).

Bien que révélé par le Conseil à l'occasion de l'examen des lois « bioéthiques », il ressort de sa jurisprudence que « la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d'asservissement et de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle » ayant donc vocation à s'appliquer à d'autres hypothèses juridiques.

En effet, nul ne saurait sérieusement contester que le sexisme, ou l'homophobie, lorsqu'ils sont constitutifs d'une provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, excèdent les limites acceptables de la liberté d'expression en portant atteinte à la dignité de la personne humaine. À ce titre, de tels propos publics doivent être sanctionnés parce qu'ils sont constitutifs de débordements intolérables dans une société démocratique moderne.

Par ailleurs, il convient de souligner que le Conseil d'État a considéré que le respect de la dignité de la personne humaine devait être regardé comme une composante de l'ordre public. En l'espèce, le juge administratif a estimé que c'était à bon droit que le maire d'une commune avait, en application de ses pouvoirs de police, interdit l'attraction de « lancer de nains » qui porte atteinte au respect de la dignité de la personne humaine. (24)

Or, comme l'a encore récemment indiqué le Conseil constitutionnel(25), s'il « est loisible au législateur de prévoir de nouvelles infractions en déterminant les peines qui leur sont applicables, toutefois, il lui incombe d'assurer, ce faisant, la conciliation des exigences de l'ordre public et la garantie des libertés constitutionnellement protégées », sans que l'ordre public, évoqué ici par le Conseil, ne corresponde totalement à celui dont le maire à la charge dans le cadre de son pouvoir de police. Cependant, parce que le respect de la dignité de la personne humaine participe de la notion d'ordre public et que les provocations à la discrimination, à la violence ou à la haine à raison à raison du sexe ou de l'orientation sexuelle de la personne sont susceptibles de porter atteinte à la dignité de la personne, donc d'entraîner un trouble à l'ordre public, l'encadrement de la liberté d'expression en ces matières est juridiquement possible et politiquement légitime.

S'agissant des limites à la liberté d'expression prévues par le second paragraphe de l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme, il convient de préciser que la Cour européenne exige que toute restriction obéisse aux trois critères suivants :

- être prévue par la loi ;

- être nécessaire ;

- poursuivre des buts légitimes limitativement énumérés par ledit article 10.

En ce qui concerne la conformité du présent projet de loi aux exigences de la Cour, si la première condition est respectée, celle tenant au caractère « nécessaire » de la mesure restrictive appelle davantage d'explications. En effet, la Cour estime que cet adjectif implique que la mesure corresponde à un besoin social impérieux respectueux des valeurs propres aux sociétés démocratiques.

Toutefois, comme l'a clairement affirmé la Cour dans l'affaire Handyside, « on ne peut dégager du droit interne des différents États contractants une notion européenne uniforme de la morale. L'idée que leurs lois respectives se font des exigences de cette dernière varie dans le temps et dans l'espace, spécialement à notre époque caractérisée par une évolution rapide et profonde des opinions en la matière. Grâce à leurs contacts directs et constants avec les forces vives de leur pays, les autorités se trouvent en principe mieux placées que le juge international pour se prononcer sur le contenu précis de ces exigences comme sur la nécessité d'une restriction ou d'une sanction destinée à y répondre ».

Cette latitude reconnue aux États va de pair avec un contrôle européen portant à la fois sur la loi et sur les décisions qui l'appliquent, la Cour s'estimant compétente pour déterminer si l'ingérence attaquée devant elle demeurait proportionnée aux buts légitimes poursuivis et si les motifs invoqués par les autorités nationales pour la justifier apparaissent pertinents et suffisants. (26)

À cette aune, la protection de la dignité de la personne humaine, justifiant la restriction de la liberté d'expression proposée, constitue sans conteste un but « légitime » pour une société démocratique et répond à une exigence nouvelle qui se fait jour dans notre société qui ne tolère plus les discriminations en général et celles fondées sur le sexe ou sur l'orientation sexuelle des personnes en particulier. Il convient de rappeler ici que plusieurs États européens (27) ont d'ores et déjà adopté des dispositions réprimant les provocations publiques homophobes et il ne semble pas que la Cour ait, à ce jour, trouvé à y redire. Ce qui est possible chez nos voisins devrait donc l'être sur notre propre territoire, si les représentants élus de la nation le souhaitent.

b) Des risques contentieux qui doivent être relativisés

Les craintes d'un harcèlement judiciaire de la presse portent, à titre principal, sur l'application, des dispositions prévoyant la répression des « provocations » à la discrimination à raison du sexe ou de l'orientation sexuelle des personnes. Or, votre rapporteur tient à rappeler ici le contenu précis de la notion de provocation.

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation(28), la provocation est constituée :

- soit s'il y a exhortation explicite et directe à la commission des faits ;

- soit si les propos incriminés sont de nature à faire naître un sentiment de rejet à l'égard d'une communauté.

On le voit, ces conditions sont rigoureuses et la provocation possède un sens précis en droit pénal qui n'est pas celui, plus large, que lui confère le langage courant. À défaut de cette volonté de provoquer une réaction de rejet, les propos contestés sont de simples opinions qui ne relèvent pas du droit pénal. C'est la raison pour laquelle les plaintes recevables par le tribunal devraient vraisemblablement être peu nombreuses.

Par ailleurs, afin d'évaluer les risques de contentieux en matière de provocations sexistes ou homophobes, un parallèle avec les provocations en matière raciale peut être établi puisque le dispositif du projet de loi s'en inspire fidèlement.

Ainsi, bien que la loi soit silencieuse sur ce point, la provocation à la discrimination raciale ou à raison de l'appartenance à une nation n'est applicable qu'aux discriminations illégales constitutives d'infractions. En effet, il existe dans notre droit des discriminations fondées sur la nationalité qui sont légales, à l'instar des règles concernant le droit de vote aux élections nationales. C'est pourquoi, à ce jour, des écrits justifiant ou présentant ces dispositions n'ont pas fait l'objet de poursuites sur le fondement de la provocation à la discrimination à raison de la nationalité.

Par analogie, le fait de rappeler que le droit en vigueur interdit le mariage entre deux personnes du même sexe ne devrait pas être considéré comme une provocation à la discrimination à raison de l'orientation sexuelle des personnes puisque cette distinction juridique est légale.

S'agissant de la reproduction par voie de presse d'écrits ou de propos constituant des provocations à la discrimination raciale, l'application littérale de la loi de 1881 devrait conduire à les considérer comme des infractions. Or, tel n'est pas toujours le cas puisque les juridictions saisies se réservent le droit, à chaque espèce, d'apprécier si ces propos reçoivent l'approbation du commentateur ou s'ils sont, au contraire, condamnés sans équivoque auquel cas ils ne sont pas pénalement sanctionnés. En outre, la réimpression d'ouvrages anciens aux passages ouvertement antisémites se produit de façon régulière et aucune des associations concernées n'a estimé, par exemple, devoir s'opposer à une nouvelle édition des ouvrages de Voltaire, de Drieu la Rochelle ou de Shakespeare.

Là encore, ces raisonnements pourraient trouver à s'appliquer à la reproduction de propos ou d'écrits à caractère sexiste ou homophobe et conduire à une application raisonnable du dispositif par les juridictions.

c) Une clarification du texte par la référence au code pénal

Certes, les provocations à la discrimination à la raison du sexe ou de l'orientation sexuelle peuvent être incriminées parce qu'elles portent atteinte à la dignité humaine, mais le texte de l'article premier du projet de loi relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe n'aurait-il pas dû le dire explicitement ?

C'est, en quelque sorte, ce qu'a opportunément fait le Sénat en adoptant, à l'initiative du Gouvernement, l'article 17 bis nouveau du présent projet.

En effet, le texte adopté par la seconde assemblée diffère de celui proposé par l'article premier du projet de loi sur les propos homophobes ou sexistes puisqu'il précise que les propos réprimés seront ceux qui auront provoqué « aux discriminations prévues par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal ».

Rappelons que l'article 225-1 du code pénal définit la discrimination comme toute « distinction » fondée sur un certain nombre de critères qu'il énumère, tels que la race, la religion, l'état de santé, le sexe ou l'orientation sexuelle de la personne pour ne citer qu'eux, mais que les peines encourues par les auteurs de discriminations sont, en revanche, déterminées par l'article 225-2. Celui-ci énumère de façon limitative les faits qui, s'ils sont fondés sur l'un des critères énumérés à l'article 225-1, constituent une infraction pénale. Il s'agit :

du refus de fournir un bien ou un service, qui est passible d'une peine de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. Les quantums sont portés à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende lorsque ce refus est commis dans un lieu accueillant du public ou pour en interdire l'accès, à une discothèque à titre d'exemple ;

de l'entrave à l'exercice normal d'une activité économique ;

- du refus d'embaucher, du prononcé de sanctions ou du licenciement d'une personne ;

de la subordination d'une offre d'emploi, d'une demande de stage ou d'une période de formation entreprise, de la fourniture d'un bien ou d'un service à une condition fondée sur l'un des éléments énumérés à l'article 225-1 ;

du refus d'accepter une personne à l'un des stages de formation ou de réadaptation professionnelle au profit, notamment, des personnes victimes d'un accident du travail.

Pour sa part, l'article 432-7 du code pénal punit d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait, pour un dépositaire de l'autorité publique ou une personne chargée d'une mission de service public, dans l'exercice de ses fonctions :

de refuser le bénéfice d'un droit accordé par la loi en se fondant sur l'un des éléments énumérés à l'article 225-1 du code pénal ;

d'entraver l'exercice normal d'une activité économique pour ces mêmes motifs.

En se référant à ces différents articles du code pénal, le législateur entend signifier que la provocation à la discrimination à raison du sexe ou de l'orientation sexuelle n'est pas constituée dès lors que les propos contestés provoquent, sans être suivis d'effet, à une discrimination non sanctionnée pénalement. Cette solution a d'ailleurs été suggérée par la cncdh elle-même « s'il s'avérait que le Gouvernement décidait néanmoins de présenter ce projet de loi [relatif à la lutte contre les propos à caractère discriminatoires] au Parlement. »

Ce faisant, il s'agit de préserver la liberté de communication et de garantir que les débats de société sur ces questions, dès lors qu'ils ne sont pas outranciers, pourront se dérouler comme il sied dans une société démocratique, tout en permettant de réprimer les propos excessifs, attentatoires à la dignité de la personne humaine car constitutifs d'une provocation à une discrimination illégale.

M. Patrick Bloche a présenté un amendement visant à étendre l'aggravation des peines prévues par l'article 17 bis aux provocations à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes, non seulement à raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle, mais aussi à raison de leur état de santé ou de leur handicap.

Rappelant que l'article 17 bis ne jouera qu'en matière de presse, le rapporteur s'est interrogé sur l'existence et donc sur la nécessité de prévoir la répression des appels à la discrimination des handicapés, et a craint que, en énumérant différentes catégories, le texte en oublie certaines.

La Commission a rejeté cet amendement, puis elle a adopté l'article 17 bis sans modification.

Article 17 ter (nouveau)

(articles 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse)


Aggravation des sanctions en matière de diffamation et d'injures publiques à raison du sexe ou de l'orientation sexuelle des personnes

Cet article a pour objet d'aggraver les sanctions encourues par les auteurs de propos diffamatoires ou injurieux à raison du sexe ou de l'orientation sexuelle des personnes. Il reprend, dans une certaine mesure, les dispositions des articles 2 et 3 du projet de loi relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe, déposé à l'assemblée nationale le 23 juin 2004 (n° 1700).

1. L'aggravation des peines en matière de diffamation publique à caractère sexiste ou homophobe

Définie par l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, la diffamation est constituée par toute allégation ou imputation d'un fait portant atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel il est imputé.

S'agissant des peines encourues par l'auteur des propos diffamatoires, elles varient selon la fonction ou l'identité de la victime. Ainsi, lorsque la diffamation publique est commise à l'encontre des tribunaux, des armées, des administrations publiques ou envers un ministre, un parlementaire, un fonctionnaire public, un élu, un juré ou un témoin à raison de sa déposition, elle est punie d'une amende de 45 000 euros en application des dispositions des articles 30 et 31 de la loi. En revanche, si la diffamation est commise publiquement envers un particulier, elle est passible d'une amende de 12 000 euros comme le prévoit le premier alinéa de l'article 32.

C'est uniquement si la diffamation est commise publiquement envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée qu'elle est passible d'une peine d'emprisonnement d'un an et de 45 000 euros d'amende ou de l'une de ces deux peines seulement comme le précise le deuxième alinéa de l'article 32.

En outre, le tribunal pourra ordonner l'affichage ou la diffusion de la condamnation selon les modalités prévues par l'article 131-35 du code pénal. Cet article prévoit que les frais induits par l'affichage ou la diffusion de la condamnation sont à la charge du condamné mais que leur montant ne peut excéder celui de l'amende encourue. Ces mesures de publicité de la condamnation ne peuvent comporter l'identité de la victime qu'avec son accord. S'agissant de la durée de l'affichage ou de la diffusion du jugement, elle ne peut excéder deux mois comme le précise le quatrième alinéa de l'article 131-35.

On le voit, si le droit en vigueur réprime la diffamation envers les particuliers, ce qui recouvre l'hypothèse d'une diffamation fondée sur l'orientation sexuelle de la personne concernée, en revanche il ne permet pas de sanctionner celle commise envers « un groupe de personnes » et fondée sur leur « sexe ou leur orientation sexuelle ». Cette lacune juridique est regrettable car elle ne permet pas de répondre pénalement à des propos publics d'autant plus préjudiciables qu'ils concernent un groupe de personnes et qu'ils procèdent donc par amalgame.

C'est la raison pour laquelle le 1° du présent article propose d'aggraver les peines encourues par l'auteur de propos diffamatoires adressés tant à des particuliers qu'à un groupe de personnes et fondés sur leur sexe ou leur orientation sexuelle. À cette fin, il complète l'article 32 de la loi de 1881 par un nouvel alinéa prévoyant que la diffamation publique envers une personne, ou un groupe de personnes, à raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle est punie d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Bien évidemment les peines complémentaires de publicité ou d'affichage évoquées plus haut sont également applicables.

La modification de la loi de 1881 proposée ici devrait conduire, par voie de conséquence, le pouvoir réglementaire à modifier l'article R. 624-3 du code pénal qui punit de l'amende prévue pour les contraventions de 4e classe, la diffamation « non publique » commise à raison de l'appartenance raciale ou religieuse. En effet, dès lors que la diffamation publique à raison de l'orientation sexuelle d'une personne ou d'un groupe de personnes est punie des mêmes peines que celle fondée sur l'appartenance raciale ou religieuse d'une personne ou d'un groupe de personnes, il serait logique que la diffamation « non publique » le soit également.

Il convient de souligner que le texte adopté par le Sénat diffère substantiellement de celui de l'article 2 du projet de loi n° 1700 déjà évoqué. En effet, cet article aggravait les peines encourues par les auteurs des seules diffamations publiques à raison « de l'orientation sexuelle » des personnes, donc à l'exclusion de celles fondées sur le « sexe » des personnes.

Cette exclusion du critère sexiste était, à juste titre, incomprise car elle signifiait, pour nombre d'observateurs, que la diffamation sexiste était considérée par le législateur comme étant moins grave que celle à caractère homophobe.

Des critiques, quasi unanimes, ont d'ailleurs été exprimées devant notre collègue Brigitte Barèges, rapporteure du projet de loi n° 1700 précité, tant de la part des représentantes de la Grande loge féminine de France, que de celle des associations de défense des droits des femmes, à l'instar de l'Assemblée des femmes, du collectif national pour le droit des femmes, de la coordination française pour le lobby européen des femmes.

Votre rapporteur se félicite donc de ce que le texte adopté par le Sénat ait rétabli l'égalité entre les diffamations sexistes et celles fondées sur l'orientation sexuelle des personnes.

Toutefois, il convient de rappeler que, dans son avis rendu public le 18 novembre dernier sur le projet de loi n° 1700, la cncdh, tout en considérant « inopportune » cette inégalité implicite, a rappelé son opposition aux peines d'emprisonnement en matière de droit de la presse (29) et jugé « disproportionnée » la répression de tels propos, plaidant en conséquence, pour le retrait de ces dispositions.

2. L'aggravation des peines en matière d'injure publique à caractère sexiste ou homophobe

À la différence de la diffamation, l'injure ne renferme l'imputation d'aucun fait comme le précise l'article 29 de la loi de 1881 qui la définit comme « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective ».

À l'instar des dispositions en matière de diffamation, la loi de 1881 module les quantums de la peine encourue par l'auteur de l'injure en fonction de la qualité, des fonctions ou de l'identité de la victime.

Ainsi, le premier alinéa de l'article 33 de la loi dispose que l'injure envers les tribunaux, les armées, les corps constitués et les administrations publiques, énumérés à l'article 30, ainsi que celle commise envers les ministres, les parlementaires, les fonctionnaires, les élus, les jurés ou les témoins à raison de leur déposition, visés à l'article 31, est punie d'une amende de 12 000 euros. La même amende est encourue par l'auteur d'une injure envers un particulier lorsque celle-ci n'aura pas été précédée de provocations. À défaut, l'auteur de l'injure ne pourra pas être sanctionné puisqu'il aura été provoqué et agi, en quelque sorte, en état de « légitime défense verbale ».

Par ailleurs, l'injure publique commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion, lorsqu'elle n'a pas été précédée de provocations, est punie d'une peine de six mois d'emprisonnement et de 22 500 euros d'amende.

Outre ces peines, le tribunal peut également ordonner, comme c'est le cas en matière de diffamation publique, l'affichage ou la diffusion de son jugement selon les modalités prévues par l'article 131-35 du code pénal qui ont été détaillées précédemment.

On le voit, si l'injure sexiste ou homophobe dirigée contre une personne physique est d'ores et déjà passible d'une amende de 12 000 euros, dès lors qu'elle n'a pas été précédée de provocations, en revanche l'injure commise à l'encontre d'un groupe de personnes fondée sur ces mêmes motifs n'est pas pénalement sanctionnée, ce qui n'est pas satisfaisant.

C'est pourquoi, le 2° du présent article propose de modifier l'article 33 de la loi de 1881 selon le double objet suivant :

aggraver les peines encourues par l'auteur d'une injure envers un particulier à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle, désormais passible d'une peine de six mois d'emprisonnement et de 22 500 euros d'amende, comme en matière d'injures raciales ou religieuses ;

incriminer l'injure envers un « groupe de personnes » à raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle, également passible d'une peine de six mois d'emprisonnement et de 22 500 euros d'amende.

Bien évidemment, les peines d'affichage ou de publicité du jugement peuvent également être ordonnées par la juridiction ayant prononcé la condamnation. À l'instar des remarques de votre rapporteur en matière de diffamation publique, les présentes modifications du régime de l'injure publique devront être complétées par celles applicables à l'injure « non publique » réprimée par l'article R. 624-4 du code pénal qui punit de l'amende prévue pour les contraventions de 4e classe les seules injures raciales ou religieuses.

Votre rapporteur tient à indiquer ici que l'article 3 du projet de loi relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe (n° 1700), dont le 2° du présent article reprend l'essentiel, réservait également l'aggravation des sanctions aux seules insultes homophobes, à l'exclusion de celles fondées sur le sexe de la personne.

Là encore, ce choix était difficilement compréhensible, car il impliquait qu'au regard de la loi, insulter une femme était moins grave qu'insulter un homosexuel. Il est donc heureux que le Gouvernement ait pris en considération ces observations et que le texte adopté par le Sénat sanctionne de façon égale ces deux catégories d'insultes.

M. Jean-Paul Garraud a présenté un amendement de suppression de cet article. Il a estimé que, malgré les discours bien-pensants, l'article 17 ter soulève de réelles difficultés juridiques en assimilant la lutte contre l'homophobie à une obligation de nature constitutionnelle. Citant l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 7 novembre 1989 qui considère que « les lois qui punissent la diffamation protègent tous les individus sans prévoir aucun cas d'exclusion fondé sur des éléments comme les conceptions personnelles et subjectives ou l'opinion », il a estimé qu'il n'existe aujourd'hui aucun vide juridique.

Rappelant son engagement dans la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, M. Claude Goasguen s'est défendu de vouloir mettre en cause l'arsenal législatif prévu en la matière, qui doit précisément conserver un caractère spécifique. Il a fait observer que le Président de la République n'avait jamais demandé que soit créé un délit nouveau en matière sexiste ou homophobe.

Mme Brigitte Barèges a objecté que le texte ne crée pas un délit nouveau, mais se contente d'aggraver une sanction dans un but pédagogique, comme d'autres textes l'ont fait dans le passé en matière d'orientation sexuelle.

Le rapporteur a confirmé l'absence de toute création d'un délit nouveau, le texte se limitant à aggraver un délit déjà prévu. Il a ajouté que, si le juge n'a jusqu'à présent pas appliqué les peines de prison en matière de droit de presse, le projet de loi vise, en renforçant les pénalités, à dissuader les délinquants potentiels.

La Commission a rejeté cet amendement, ainsi qu'un amendement de M. Patrick Bloche étendant l'article 17 ter aux diffamations et injures liées à l'état de santé et au handicap.

La Commission a adopté l'article 17 ter sans modification.

Article 17 quater (nouveau)

(articles 24, 32, 33, 48-4 et 48-5 [nouveaux] et 63 de la loi du 29 juillet 1881
sur la liberté de la presse)


Mise en en mouvement de l'action publique - droit pour les associations de défense de se constituer partie civile - affichage ou diffusion des décisions - aggravation des peines en cas de récidive

L'article 17 quater reprend les dispositions des articles 4, 5 et 6 du projet de loi relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe, à l'exception du III de l'article 6. Ce dernier paragraphe avait pour objet de porter la prescription des délits de provocation à la haine, à la violence ou à la discrimination, de diffamation et d'injure à caractère sexiste ou homophobe à un an. En matière de délit de presse, la prescription est fixée par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 à trois mois, à partir du jour où ils ont été commis.

Ce raccourcissement par rapport aux délais de droit commun (trois ans pour les délits, un an pour les contraventions) s'explique par les spécificités des délits de presse. En effet, la législation sur la presse doit réaliser un équilibre entre le respect d'une liberté fondamentale, la liberté d'expression, et la nécessité de pénaliser certains comportements nuisibles pour la société. Or, une prescription trop longue pourrait conduire à une multiplication des contentieux alors que, comme l'indique la Cour de cassation, « la courte prescription, édicté par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse a pour objet de garantir la liberté d'expression » (30). Compte tenu de l'immédiateté du « temps médiatique », il est ainsi considéré que le caractère délictuel d'un propos ou d'un écrit n'est établi que s'il est immédiatement poursuivi.

Cependant, la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a inséré dans la loi du 29 juillet 1881 un article 65-3 portant le délai de prescription à un an pour les délits de presse à caractère raciste ou xénophobe et pour la contestation de crimes contre l'humanité. Cette modification visait notamment à permettre la poursuite de tels messages par le biais d'internet, car, dans ce cas, la prescription court à partir de la date de première publication, rendant ainsi très difficile la répression de ces messages, alors même qu'un développement des sites à caractère raciste et xénophobe a pu être constaté. Pour autant, cet allongement de la durée de prescription constitue une exception à un principe établi pour garantir la liberté d'expression : elle ne doit donc pas être étendue au-delà du seul cas spécifique des infractions à caractère raciste et xénophobe.

1. La possibilité pour le ministère public de déclencher d'office les poursuites dans les cas de diffamation ou d'injure à caractère sexiste ou homophobe

L'article 17 quater prévoit de modifier le 6° de l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881 afin de permettre au ministère public de mettre en mouvement d'office l'action publique en matière de diffamation ou d'injure de nature sexiste ou homophobe.

En matière de droit de la presse, le principe, dérogatoire, énoncé à l'article 47 de la loi précitée, est que les poursuites ne peuvent être engagées qu'à la requête du ministère public. En réalité, dans la majorité des cas, le déclenchement de l'action publique est subordonné à l'existence d'une plainte préalable de la victime. C'est notamment le cas en matière d'injure et de diffamation envers les particuliers (6° de l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881). Dans ce cas, on considère en effet que c'est à la victime d'évaluer l'existence d'un préjudice et de décider de l'opportunité de poursuivre l'auteur des faits. La tenue d'un procès public peut ne pas être souhaitée par la victime qui peut avoir des raisons de ne pas souhaiter de publicité autour de l'acte incriminé. Ainsi, le droit accordé à certaines associations de se constituer partie civile dans le cas de délit à caractère raciste ou xénophobe (article 48-1), ou, comme l'envisage le présent projet de loi, dans le cas de délits à caractère sexiste ou homophobe, est subordonné à l'accord de la victime, lorsque l'infraction est commise envers un individu en particulier. L'individu étant le meilleur juge de son propre intérêt, il semble logique qu'il puisse faire obstacle à la mise en œuvre d'une poursuite contre une infraction dont il est la victime directe.

Cependant, l'action publique peut être déclenchée d'office par le parquet, en matière d'injure et de diffamation de nature raciste ou xénophobe (deuxième phrase du 6° de l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881). Le Sénat, sur proposition du Gouvernement, a choisi d'étendre cette possibilité de poursuite d'office du parquet aux injures et diffamations de nature sexiste ou homophobe. Cela signifie que de tels actes pourraient être poursuivis sans l'accord de la victime, voire en dépit de son opposition.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 10) limitant les poursuites d'office par le parquet en matière de diffamation et d'injure à caractère sexiste ou homophobe à celles qui sont commises envers un groupe de personnes.

En effet, s'il peut sembler opportun d'offrir au parquet la possibilité de poursuivre d'office des injures ou diffamations sexistes ou homophobes dirigées contre un groupe de personnes, une plus grande prudence s'impose en matière d'injure ou de diffamation contre des individus en particulier. Dans ce dernier cas, la personne directement diffamée ou injuriée doit pouvoir continuer de s'opposer au déclenchement d'une poursuite.

En conséquence, un amendement de M. Jean-Paul Garraud de coordination avec l'amendement de suppression de l'article 17 ter est devenu sans objet.

2. La reconnaissance pour les associations du droit de se constituer partie civile

Les nouveaux articles 48-4 et 48-5 de la loi du 29 juillet 1881, introduits par le Sénat sur proposition du Gouvernement, permettront de donner aux associations de lutte contre l'homophobie et contre le sexisme les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les délits de presse de nature sexiste ou homophobe.

· Ce droit d'ester en justice est néanmoins encadré :

- les associations qui peuvent en bénéficier doivent répondre à certains critères. Tout d'abord, celles-ci doivent être déclarées depuis plus de cinq ans à la date des faits, et leur statut doit prévoir que leur objet est, notamment, de « combattre les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle ou d'assister les victimes de ces discriminations », s'agissant de l'homophobie, soit de « de combattre les violences ou les discriminations fondées sur le sexe ou d'assister les victimes de ces discriminations », s'agissant du sexisme. Le champ des associations habilitées à ester en justice sur le critère de leur objectif de lutte contre les discrimination liées au sexe ou à l'orientation sexuelle est donc défini avec beaucoup plus de précision que pour les associations de lutte contre les discriminations de nature raciste, ethnique, nationale ou religieuse. En effet, celles-ci n'étant pas explicitement énumérés à l'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881, qui fait seulement référence à l'objectif général de « lutte contre le racisme », c'est seulement grâce à une interprétation large par la jurisprudence de cette disposition restrictive que les associations religieuses par exemple ont pu bénéficier des droits de la partie civile (31).

La Commission a adopté un amendement de M. Patrick Bloche (amendement n° 12) autorisant les associations luttant contre les violences fondées sur l'orientation sexuelle à se constituer partie civile dans les mêmes conditions que les associations luttant contre les violences fondées sur le sexe. Elle a en revanche rejeté un amendement du même auteur permettant aux associations combattant les violences ou les discriminations fondées sur l'état de santé et le handicap de se constituer partie civile.

La Commission a adopté, contre l'avis du rapporteur, un amendement de M. Jean-Paul Garraud (amendement n° 11) limitant la constitution de partie civile aux seules associations reconnues d'utilité publique, son auteur ayant fait observer que, sur ce point, le texte va à l'encontre de la nécessité, mise en évidence par le rapport Magendie, de réduire les constitutions de partie civile, et risque par conséquent de paralyser l'action de la justice.

- lorsque l'infraction concerne une personne en particulier, et non un groupe de personnes, la plainte de l'association n'est recevable qu'avec le consentement de la personne intéressée.

· Ce nouveau droit accordé à certaines associations de lutte contre l'homophobie ou le sexisme devrait permettre de renforcer l'efficacité de la réponse pénale dans la lutte contre les discriminations. En effet, il permet à ces associations d'être partie principale au procès, et non pas seulement d'être partie jointe à la procédure, une fois l'action publique mise en mouvement par le parquet ou la victime. Il s'agit donc là d'une prérogative exorbitante du droit commun dont la portée varie en fonction du type de délit :

- s'agissant des délits de provocation à la haine, à la violence ou à la discrimination sexiste ou homophobe prévus au 9e alinéa (nouveau) de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881, le rôle des associations sera très important. En effet, dans ce cas, les personnes visées ne peuvent pas individuellement mettre en mouvement l'action publique, rôle qui relève de la compétence exclusive du parquet : ainsi, le droit pour les associations de se constituer partie civile leur permettra de déclencher une poursuite en cas d'inertie ou de refus de poursuivre de la part du parquet ;

- s'agissant des délits de diffamation et d'injure à caractère homophobe ou sexiste prévus au troisième alinéa (nouveau) de l'article 32 et au quatrième alinéa (nouveau) de l'article 34, le droit accordé aux associations leur permettra également de déclencher l'action publique dans le cas d'injure ou de diffamation contre un groupe de personnes ou contre une personne prise individuellement. Dans ce dernier cas, l'accord de la victime est nécessaire, obligation qui ne s'applique pas au parquet.

3. La possibilité pour le tribunal de décider de peines complémentaires pour les délits de nature sexiste ou homophobe

Les modifications du neuvième alinéa de l'article 24, du troisième alinéa de l'article 32 et du quatrième alinéa de l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881 ont pour objectif de permettre aux juges de prononcer des peines complémentaires à l'encontre des personnes condamnées pour un délit de presse de nature sexiste ou homophobe dans les mêmes conditions qu'en matière de délit de presse de nature raciste ou xénophobe.

Ainsi, les juges peuvent assortir la peine décidée, uniquement pour les cas visés à l'article 24, (provocation à la haine, à la violence ou à la discrimination sexiste ou homophobe) d'une peine d'inéligibilité ou de privation du droit d'exercer une fonction juridictionnelle ou connexe (en application des 2° et 3° de l'article 131-26 du code pénal) pour une durée de cinq ans au plus. Toutefois, cette peine est inapplicable lorsque l'infraction est commise par la voie médiatique, qu'il s'agisse de la presse écrite ou audiovisuelle (y compris internet). Cette peine ne peut en effet pas être prononcée à l'encontre de l'éditeur ou du directeur d'une publication, ni de leurs complices, c'est-à-dire les auteurs (au sens de l'article 42 et du premier alinéa de l'article 43 de la loi du 29 juillet 1881 et des trois premiers alinéas de l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle). En pratique, seuls peuvent se voir infliger cette peine les distributeurs ou auteurs de tracts, d'affiche, ou encore les orateurs lors de réunions publiques.

En revanche, la peine complémentaire d'affichage ou de diffusion de la décision de justice pourra être prononcée dans tous les cas de délits de presse de nature sexiste ou homophobe, qu'il relève de l'article 24, 32 ou 33 de la loi du 29 juillet 1881. Les modalités de l'affichage ou de la diffusion sont fixées par l'article 131-35 du code pénal qui prévoit notamment qu'elle ne peut comporter l'identité de la victime qu'avec son accord.

4. L'aggravation des peines en cas de récidive en matière de délits de nature sexiste ou homophobe

Afin d'assurer un équilibre entre la liberté d'expression et le respect de l'ordre public et de la dignité des personnes, la récidive des infractions prévues par la loi du 29 juillet 1881 n'entraîne généralement pas de caractère aggravant. L'inconvénient de cette règle relativement libérale est qu'elle ne dissuade pas les délinquants habituels, c'est pourquoi le législateur a décidé, par la loi n°72-546 du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme, qu'elle ne s'appliquerait que pour les délits de presse à caractère raciste ou xénophobe, qui ne peuvent être tolérés. La loi doit en effet non seulement les réprimer, mais aussi mettre en œuvre tous les moyens disponibles, dont l'aggravation des peines en cas de récidive, pour empêcher qu'ils soient commis.

De même, le caractère particulièrement grave pour la société des délits en matière de sexisme ou d'homophobie justifie également un traitement plus sévère en cas de récidive. En conséquence, le dernier alinéa de l'article 17 quater prévoit le caractère aggravant de la récidive pour les infractions de nature sexiste ou homophobe, qu'il s'agisse de la provocation à la haine, à la violence ou à la discrimination, de la diffamation ou de l'injure.

Par ailleurs, sur proposition du Gouvernement, le Sénat a utilisé cette modification de l'article 63 de la loi du 29 juillet 1881 pour rectifier une erreur de référence : la rédaction de cet article est issue de la loi n°72-546 du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme, il faisait alors référence aux délits prévus aux articles 24 (alinéa 5), 32 (alinéa 2) et 33 (alinéa 3), qui correspondaient alors aux délits créés par cette même loi en matière de lutte contre le racisme. Or, l'article 24 a, depuis 1972, été modifié à plusieurs reprises : les délits de nature raciste ou xénophobe sont ainsi désormais inscrits à l'alinéa 8, mais l'article 63 n'a pas été modifié en conséquence.

Ainsi, la rédaction actuelle prévoit que l'aggravation de la peine pour la récidive s'applique pour les délits d'apologie « des crimes visés au premier alinéa, des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou des crimes ou délits de collaboration avec l'ennemi » La nouvelle rédaction de l'article 63 issu de l'article 17 quater du projet de loi aurait donc pour conséquence d'écarter la possibilité d'une peine aggravée en cas de récidive de ces délits dont certains sont particulièrement graves, tel l'apologie des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité.

La Commission a donc adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 13) maintenant à l'article 63 de la loi du 29 juillet 1881 la référence à l'alinéa 5 de l'article 24, et étendant ce régime de récidive aux délits de provocation et d'apologie des actes de terrorisme.

La Commission a adopté l'article 17 quater ainsi modifié.

TITRE III

DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES

Article 18

Entrée en vigueur et dispositions transitoires

Cet article renvoie les conditions d'application des dispositions relatives à la Haute autorité à un décret en Conseil d'État. Ce décret fixera la durée de mandat des membres nommés lors de la création de la nouvelle instance, le Gouvernement prévoyant que, par tirage au sort, cinq des premiers membres nommés exerceront un mandat de trente mois au lieu de cinq ans. En outre, le décret pourra adapter les règles de saisine de la Haute autorité pour les six mois qui suivront l'entrée en vigueur de la présente loi. L'objectif de cette disposition est de laisser à la Haute autorité le temps de s'installer.

Par ailleurs, le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoyait que les dispositions relatives à la Haute autorité n'entreraient en vigueur qu'à compter du premier jour du premier mois suivant la publication de la présente loi. Cette disposition visait à faire débuter la saisine de la Haute autorité à compter d'une date précise. Afin de prendre en compte le fait que le régime de la nouvelle instance ne sera complet qu'une fois la loi et le décret publiés, le Sénat a prévu un délai supplémentaire d'un mois. La Haute autorité ne pourra donc fonctionner, et notamment être saisie, qu'à compter du premier jour du deuxième mois suivant la publication de la présente loi.

En revanche, les autres dispositions du projet de loi, à savoir les articles 17 bis à 17 quater, 18, 19 et 20, sont d'application immédiate.

La Commission a adopté l'article 18 sans modification.

Article 19

(article 9 de la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations)


Service d'accueil téléphonique des victimes de discriminations

Dans la rédaction du projet de loi initial, cet article supprimait le dispositif d'aide aux victimes de discriminations raciales prévu par l'article 9 de la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations. Cette loi a formalisé le « 114 », service d'accueil téléphonique gratuit ayant pour objet de recueillir les appels des personnes estimant avoir été victimes ou témoins de discriminations raciales, et de répondre aux demandes d'information et de conseil.

Afin de garantir l'aide aux victimes de discriminations, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du Gouvernement, un amendement de rédaction globale du présent article qui maintient un service d'accueil téléphonique gratuit chargé de recueillir les appels des victimes, de les informer et de les conseiller, notamment en leur précisant les conditions de saisine de la Haute autorité.

Le Sénat a modifié le texte adopté par l'Assemblée nationale, afin de donner à la Haute autorité la possibilité de facturer le service d'accueil téléphonique. Cette modification est motivée par les contraintes budgétaires qui pèsent sur la nouvelle instance, et par le souci d'éviter qu'elle soit assaillie d'appels fantaisistes.

La Commission a rejeté deux amendements de M. Patrick Bloche, le premier supprimant cet article, le second rétablissant la gratuité du service d'accueil des victimes de discriminations.

La Commission a adopté l'article 19 sans modification.

La Commission a ensuite adopté l'ensemble du projet ainsi modifié.

*

* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République vous demande d'adopter le projet de loi (n° 1952), modifié par le Sénat, compte tenu des amendements figurant au tableau comparatif ci-après.

TABLEAU COMPARATIF

___

Texte adopté
par l'Assemblée nationale
en première lecture

___

Texte adopté par le Sénat
en première lecture

___

Propositions de la Commission

___

TITRE IER

DE LA HAUTE AUTORITÉ
DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS ET POUR L'ÉGALITÉ

TITRE IER

DE LA HAUTE AUTORITÉ
DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS ET POUR L'ÉGALITÉ

TITRE IER

DE LA HAUTE AUTORITÉ
DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS ET POUR L'ÉGALITÉ

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Article 2

La haute autorité est composée d'un collège de onze membres nommés par décret du Président de la République :

Article 2

(Alinéa sans modification).

Article 2

(Sans modification).

- deux membres, dont le président, désignés par le Président de la République ;

(Alinéa sans modification).

- deux membres désignés par le Président du Sénat ;

(Alinéa sans modification).

- deux membres désignés par le Président de l'Assemblée nationale ;

(Alinéa sans modification).

- deux membres désignés par le Premier ministre ;

(Alinéa sans modification).

- un membre désigné par le Vice-Président du Conseil d'État ;

(Alinéa sans modification).

- un membre désigné par le Premier président de la Cour de cassation ;

(Alinéa sans modification).

- un membre désigné par le Président du Conseil économique et social.

(Alinéa sans modification).

Le Président de la République, le Président du Sénat, le Président de l'Assemblée nationale et le Premier ministre désignent chacun des membres de sexes différents.

Les désignations du Président de la République, du Président du Sénat, du Président de l'Assemblée nationale et du Premier ministre concourent à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes et au respect du pluralisme.

Le mandat du président et des membres de la haute autorité a une durée de cinq ans. Il n'est ni révocable, ni renouvelable.

(Alinéa sans modification).

Les membres du collège, à l'exception du président, sont renouvelables par moitié tous les trente mois.

(Alinéa sans modification).

En cas de vacance d'un siège de membre du collège pour quelque cause que ce soit, il est pourvu à la nomination, dans les conditions prévues au présent article, d'un nouveau membre pour la durée du mandat restant à courir. Son mandat peut être renouvelé s'il a occupé ces fonctions de remplacement pendant moins de deux ans.

(Alinéa sans modification).

La haute autorité décide la création auprès d'elle de tout organisme consultatif permettant d'associer à ses travaux des personnalités qualifiées choisies parmi des représentants des associations, des syndicats, des organisations professionnelles et toutes autres personnes ayant une activité dans le domaine de la lutte contre les discriminations et pour la promotion de l'égalité.

... autorité crée auprès d'elle un comité consultatif ...

Elle dispose de services, placés sous l'autorité de son président, pour lesquels elle peut recruter des agents contractuels.

(Alinéa sans modification).

Le président représente la haute autorité et a qualité pour agir au nom de celle-ci.

(Alinéa sans modification).

En cas de partage égal des voix, celle du président de la haute autorité est prépondérante.

Article 2 bis (nouveau)

I. -  Aucun membre de la haute autorité ne peut :

Article 2 bis

(Sans modification).

- participer à une délibération ou procéder à des investigations relatives à un organisme au sein duquel il détient un intérêt, direct ou indirect, exerce des fonctions ou détient un mandat ;

- participer à une délibération ou procéder à des investigations relatives à un organisme au sein duquel il a, au cours des trois années précédant la délibération ou les vérifications, détenu un intérêt direct ou indirect, exercé des fonctions ou détenu un mandat.

II. -  Tout membre de la haute autorité doit informer le président des intérêts directs ou indirects qu'il détient ou vient à détenir, des fonctions qu'il exerce ou vient à exercer et de tout mandat qu'il détient ou vient à détenir au sein d'une personne morale. Ces informations, ainsi que celles concernant le président, sont tenues à la disposition des membres de la haute autorité.

Le président de la haute autorité prend les mesures appropriées pour assurer le respect des obligations résultant du présent article.

Article 3

Toute personne qui s'estime victime de discrimination peut saisir la haute autorité, dans des conditions précisées par décret en Conseil d'État.

Article 3

(Alinéa sans modification).

Article 3

(Alinéa sans modification).

La haute autorité peut aussi se saisir d'office des cas de discrimination directe ou indirecte dont elle a connaissance, sous réserve que la victime, lorsqu'elle est identifiée, ait été avertie et qu'elle ne s'y soit pas opposée.

(Alinéa sans modification).

(Alinéa sans modification).

Les victimes de discrimination peuvent également saisir la haute autorité par l'intermédiaire d'un député, d'un sénateur ou d'un représentant français au Parlement européen.

(Alinéa sans modification).

Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de combattre les discriminations ou d'assister les victimes de discrimination, peut saisir la haute autorité conjointement avec toute personne qui s'estime victime de discrimination.








... discrimination et avec son accord.

(amendement n° 6)

La saisine de la haute autorité n'interrompt ni ne suspend les délais relatifs à la prescription des actions en matière civile et pénale et aux recours administratifs et contentieux.

(Alinéa sans modification).

(Alinéa sans modification).

Article 3 bis (nouveau)

La haute autorité dispose, sur l'ensemble du territoire, de délégués qu'elle désigne dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.

Article 3 bis

Supprimé.

(amendement n° 7)

Les délégués apportent aux personnes visées au premier alinéa de l'article 3 les informations et l'assistance nécessaires au traitement des réclamations.

Article 4

La haute autorité recueille toute information sur les faits portés à sa connaissance.

Article 4

(Alinéa sans modification).

Article 4

(Sans modification).

À cet effet, elle peut demander des explications à toute personne privée mise en cause devant elle. Elle peut aussi demander communication d'informations et de documents quel qu'en soit le support et entendre toute personne dont le concours lui paraît utile.


...personne physique ou à toute personne morale de droit privé mise...

Les personnes auxquelles la haute autorité demande des explications en application de l'alinéa précédent peuvent se faire assister du conseil de leur choix. Un procès-verbal contradictoire de l'audition est dressé et remis à la personne entendue.

Article 5

Les autorités publiques et les organismes chargés d'une mission de service public sont tenus d'autoriser les agents placés sous leur autorité à répondre à toute demande de la haute autorité. Ces agents sont tenus de déférer à cette demande.

Article 5

(Alinéa sans modification).

Article 5

(Sans modification).

Les agents mis en cause devant la haute autorité et entendus par elle en application du premier alinéa peuvent se faire assister du conseil de leur choix. Un procès-verbal contradictoire de l'audition est dressé et remis à la personne entendue.

Les autorités publiques doivent prendre toutes mesures pour faciliter la tâche de la haute autorité. Elles communiquent à celle-ci, sur sa demande motivée, toutes informations et pièces utiles à l'exercice de sa mission telle qu'elle est définie à l'article 1er.

La haute autorité peut, pour ce qui relève de sa compétence, demander aux autorités publiques de faire procéder à toute vérification ou enquête par les organismes ou corps de contrôle placés sous leur autorité. En ce cas, ces autorités sont tenues d'y donner suite.

La haute autorité peut demander dans les mêmes conditions aux ministres compétents de saisir les corps de contrôle en vue de faire des études, des vérifications ou des enquêtes relevant de leurs attributions. Les ministres informent la haute autorité des suites données à ces demandes.

Article 6

Article 6

La haute autorité assiste la victime de discrimination dans la constitution de son dossier. Elle aide la victime à identifier les procédures adaptées à son cas.

Article 6

(Sans modification).

La haute autorité peut procéder ou faire procéder à la résolution amiable des différends portés à sa connaissance, par voie de médiation.

(Alinéa sans modification).

Lorsqu'il est procédé à cette médiation, les constatations et les déclarations recueillies au cours de celle-ci ne peuvent être ni produites ni invoquées ultérieurement dans les instances civiles ou administratives, sans l'accord des personnes intéressées.

(Alinéa sans modification).

Article 7

La haute autorité peut, après avis adressé aux personnes intéressées et avec leur accord, procéder à des vérifications sur place, dans les locaux administratifs, ainsi que dans les lieux, locaux, moyens de transport accessibles au public et dans les locaux professionnels, à condition que ces derniers soient exclusivement consacrés à cet usage.

Article 7



...accord, charger un ou plusieurs de ses membres ou de ses agents de procéder...

Article 7

(Alinéa sans modification).

En cas d'opposition du responsable des lieux, le président de la haute autorité peut saisir le juge des référés d'une demande motivée afin qu'il autorise les vérifications sur place.

Alinéa supprimé.

(amendement n° 8)

Lors de ses vérifications sur place, elle peut entendre toute personne susceptible de fournir des informations.

(Alinéa sans modification).

(Alinéa sans modification).

Les agents de la haute autorité qui sont autorisés à procéder à des vérifications sur place en application du présent article reçoivent une habilitation spécifique donnée par le procureur général près la cour d'appel du domicile de l'agent dans des conditions et selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État.

(Alinéa sans modification).

(Alinéa sans modification).

Article 8

Lorsque ses demandes ne sont pas suivies d'effet, la haute autorité peut mettre en demeure les personnes intéressées de lui répondre dans un délai qu'elle fixe.

Article 8

... demandes formulées en vertu des articles 4 et 5 ne ...

Article 8

(Sans modification).

En cas de refus, le président de la haute autorité peut saisir le juge des référés d'une demande motivée aux fins d'ordonner toute mesure d'instruction que ce dernier juge utile.

Lorsque la mise en demeure n'est pas suivie d'effet, le président...

Article 9

Les personnes astreintes au secret professionnel ne peuvent être poursuivies en application des dispositions de l'article 226-13 du code pénal pour les informations à caractère secret qu'elles auront pu révéler à la haute autorité, dès lors que ces informations entrent dans le champ de compétence de la haute autorité tel que prévu à l'article 1er de la présente loi.

Article 9


...autorité, à l'exception de celles visées à l'article 66-5 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dès lors...

Article 9

(Sans modification).

Les membres et les agents de la haute autorité ainsi que les personnalités qualifiées auxquelles il est fait appel sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions, sous réserve des éléments nécessaires à l'établissement des avis, des recommandations et des rapports.

(Alinéa sans modification).

Article 10

La haute autorité peut formuler des recommandations tendant à remédier à tout fait ou à toute pratique qu'elle estime être discriminatoire, ou à en prévenir le renouvellement.

Article 10

(Alinéa sans modification).

Article 10

(Sans modification).

Les autorités ou personnes intéressées sont tenues, dans un délai fixé par la haute autorité, de rendre compte à celle-ci de la suite donnée à ces recommandations. La haute autorité peut rendre ses recommandations publiques dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.

(Alinéa sans modification).

En l'absence de compte rendu des personnes intéressées ou si elle estime, au vu du compte rendu qui lui est communiqué, que sa recommandation n'a pas été suivie d'effet, la haute autorité peut établir un rapport spécial qui est publié au Journal officiel de la République française.

Article 11

Lorsqu'il apparaît à la haute autorité que les faits portés à sa connaissance sont constitutifs d'un crime ou d'un délit, elle en informe le procureur de la République. Elle lui fait savoir, le cas échéant, qu'une mission de médiation est en cours ou a déjà eu lieu en application des dispositions de l'article 6.

Article 11


... média-tion a été initiée en application ...

Article 11

(Sans modification).

Le procureur de la République informe la haute autorité des suites données à ses transmissions.

(Alinéa sans modification).

Si la haute autorité est saisie de faits donnant lieu à enquête pénale ou pour lesquels une information judiciaire est ouverte ou des poursuites judiciaires sont en cours, elle doit recueillir l'accord préalable des juridictions pénales saisies ou du procureur de la République pour la mise en œuvre des dispositions des articles 4 à 8.

(Alinéa sans modification).

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Article 13

La haute autorité peut porter à la connaissance des autorités ou personnes publiques investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires. La personne mise en cause en est tenue informée. La haute autorité est informée des suites données à ses transmissions.

Article 13

... autorité porte à la ...

Article 13

(Sans modification).

Article 14

La haute autorité mène des actions de communication et d'information propres à assurer la promotion de l'égalité. Elle favorise la mise en œuvre de programmes de formation.

Article 14

(Alinéa sans modification).

Article 14

(Sans modification).

Elle conduit et coordonne des travaux d'études et de recherches relevant de sa compétence et suscite et soutient les initiatives de tous organismes publics ou privés en ce qui concerne l'élaboration et l'adoption d'engagements visant à la promotion de l'égalité.

(Alinéa sans modification).

Elle identifie et reconnaît toute bonne pratique en matière d'égalité des chances et de traitement.

...et promeut toute...

Elle peut recommander toute modification législative ou réglementaire et être consultée par le Gouvernement sur tout texte ou toute question relatifs à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l'égalité.


... réglemen-taire. Elle est consultée par le Gouvernement sur tout projet de loi relatif à...

... égalité. Elle peut également être consultée par le Gouvernement sur toute question relative à ces domaines.

Elle contribue à la demande du Premier ministre, à la préparation et à la définition de la position française dans les négociations internationales dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Elle peut participer, à la demande du Premier ministre, à la représentation française dans les organisations internationales et communautaires compétentes en ce domaine.

Article 15

La haute autorité remet chaque année au Président de la République et au Parlement un rapport rendant compte de l'exécution de ses missions. Ce rapport est rendu public.

Article 15


... République, au Parlement et au Premier ministre un rapport ...

Article 15

(Sans modification).

Article 16

Les crédits nécessaires à la haute autorité pour l'accomplissement de sa mission sont inscrits au budget du ministère chargé des affaires sociales. Son président est ordonnateur des recettes et des dépenses.

Article 16

(Alinéa sans modification).

Article 16

(Sans modification).

Les comptes de la haute autorité sont présentés au contrôle de la Cour des comptes.

La haute autorité est soumise au...

Les dispositions de la loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle des dépenses engagées ne sont pas applicables.

(Alinéa sans modification).

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

TITRE II

MISE EN ŒUVRE DU PRINCIPE DE L'ÉGALITÉ DE TRAITEMENT ENTRE LES PERSONNES SANS DISTINCTION D'ORIGINE ETHNIQUE ET PORTANT TRANSPOSITION
DE LA DIRECTIVE N° 2000/43/CE DU 29 JUIN 2000

TITRE II

MISE EN ŒUVRE DU PRINCIPE DE L'ÉGALITÉ DE TRAITEMENT ENTRE LES PERSONNES ET PORTANT TRANSPOSITION
DE LA DIRECTIVE N° 2000/43/CE DU 29 JUIN 2000

TITRE II

MISE EN ŒUVRE DU PRINCIPE DE L'ÉGALITÉ DE TRAITEMENT ENTRE LES PERSONNES ET PORTANT TRANSPOSITION
DE LA DIRECTIVE N° 2000/43/CE DU 29 JUIN 2000

Article 17

En matière de protection sociale, de santé, d'avantages sociaux, d'éducation, d'accès aux biens et services, de fournitures de biens et services, d'affiliation et d'engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle, y compris d'avantages procurés par elle, ainsi que d'accès à l'emploi, d'emploi et de travail indépendants ou non salariés, chacun a droit à un traitement égal, quelles que soient son origine nationale, son appartenance ou sa non-appartenance vraie ou supposée à une ethnie ou une race.

Article 17

...égal, quels que soient son origine, son sexe, ses mœurs, son orientation sexuelle, son âge, sa situation de famille, son appartenance ou sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, ses opinions politiques, ses activités syndicales ou mutualistes, ses convictions religieuses, son apparence physique, son patronyme ou, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail dans le cadre du titre IV du livre II du code du travail, son état de santé ou son handicap.

Article 17

Reprise du texte adopté par l'Assemblée nationale.

(amendement n° 9)

Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte en ces domaines établit devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

(Alinéa sans modification).

Le précédent alinéa ne s'applique pas devant les juridictions pénales.

(Alinéa sans modification).

TITRE II BIS

RENFORCEMENT DE LA LUTTE CONTRE LES PROPOS DISCRIMINATOIRES A CARACTÈRE SEXISTE OU HOMOPHOBE

TITRE II BIS

RENFORCEMENT DE LA LUTTE CONTRE LES PROPOS DISCRIMINATOIRES A CARACTÈRE SEXISTE OU HOMOPHOBE

[Division et intitulé nouveaux]

Article 17 bis (nouveau)

Après le huitième alinéa de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

Article 17 bis

(Sans modification).

« Seront punis des peines prévues à l'alinéa précédent ceux qui, par ces mêmes moyens, auront provoqué à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle ou auront provoqué, à l'égard des mêmes personnes, aux discriminations prévues par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal. »

Article 17 ter (nouveau)

La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifiée:

Article 17 ter

(Sans modification).

1° Après le deuxième alinéa de l'article 32, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Sera punie des peines prévues à l'alinéa précédent la diffamation commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle. » ;

2° Après le troisième alinéa de l'article 33, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Sera punie des peines prévues à l'alinéa précédent l'injure commise dans les mêmes conditions envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle. »

Article 17 quater (nouveau)

La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifiée :

Article 17 quater

(Alinéa sans modification).

1° La deuxième phrase du 6° de l'article 48 est ainsi rédigée :

« Toutefois, la poursuite pourra être exercée d'office par le ministère public dans les cas prévus par le deuxième et le troisième alinéas de l'article 32 et par le troisième et le quatrième alinéas de l'article 33. »;

1° Le 6° de l'article 48 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« La poursuite pourra également être exercée d'office par le ministère public lorsque la diffamation ou l'injure aura été commise envers un groupe de personnes à raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle. » ;

(amendement n° 10)

2° Après l'article 48-3, sont insérés deux articles 48-4 et 48-5 ainsi rédigés :

« Art. 48-4. -  Toute association, régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant, par ses statuts, de combattre les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle ou d'assister les victimes de ces discriminations peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les délits prévus par le neuvième alinéa de l'article 24, le troisième alinéa de l'article 32 et le quatrième alinéa de l'article 33.

(Alinéa sans modification).

« Art. 48-4. -   ... associa-
tion, reconnue d'utilité publique, se proposant ... ... combattre
les violences ou
les ...

(amendements nos 11 et 12)

« Toutefois, quand l'infraction aura été commise envers des personnes considérées individuellement, l'association ne sera recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l'accord de ces personnes.

(Alinéa sans modification).

« Art. 48-5. -  Toute association, régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant, par ses statuts, de combattre les violences ou les discriminations fondées sur le sexe ou d'assister les victimes de ces discriminations peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les délits prévus par le neuvième alinéa de l'article 24, le troisième alinéa de l'article 32 et le quatrième alinéa de l'article 33.

« Art. 48-5. -   ... associa-
tion, reconnue d'utilité publique, se proposant ...

(amendement n° 11)

« Toutefois, quand l'infraction aura été commise envers des personnes considérées individuellement, l'association ne sera recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l'accord de ces personnes. » ;

(Alinéa sans modification).

3° Au neuvième alinéa de l'article 24, au troisième alinéa de l'article 32 et au quatrième alinéa de l'article 33, les mots : « par l'alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « par les deux alinéas précédents » ;

(Sans modification).

4° Au premier alinéa de l'article 63, les mots : « alinéa 5 », « alinéa 2 »  et « alinéa 3 » sont respectivement remplacés par les mots : « alinéas 8 et 9 », « alinéas 2 et 3 » et « alinéas 3 et 4 ».




... alinéas 5, 6, 8...

(amendement n° 13)

TITRE III

DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES

TITRE III

DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES

TITRE III

DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES

Article 18

Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du titre Ier de la présente loi dont les dispositions entreront en vigueur à compter du premier jour du premier mois suivant sa publication.

Article 18

... jour du deuxième mois ...

Article 18

(Sans modification).

Il fixe les dispositions temporaires concernant la durée du mandat des membres de la haute autorité nommés lors de sa création et les conditions transitoires dans lesquelles elle peut être saisie pendant une période de six mois suivant cette entrée en vigueur.

(Alinéa sans modification).

Article 19

L'article 9 de la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations est ainsi modifié :

Article 19

(Alinéa sans modification).

Article 19

(Sans modification).

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

(Alinéa sans modification).

« Un service d'accueil téléphonique gratuit concourt à la mission de prévention et de lutte contre les discriminations. Ce service a pour objet de recueillir les appels des personnes estimant avoir été victimes de discriminations. Il répond aux demandes d'information et de conseil sur les discriminations et sur les conditions de saisine de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. Le cas échéant, il réoriente les appelants vers les autres organismes ou services compétents. » ;

...téléphoni-que concourt...

2° Les deuxième, troisième et avant-dernier alinéas sont supprimés.

(Sans modification).

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF

Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

Art. 24 -  Seront punis de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ceux qui, par l'un des moyens énoncés à l'article précédent, auront directement provoqué, dans le cas où cette provocation n'aurait pas été suivie d'effet, à commettre l'une des infractions suivantes :

1° Les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne et les agressions sexuelles, définies par le livre II du code pénal ;

2° Les vols, les extorsions et les destructions, dégradations et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes, définis par le livre III du code pénal.

Ceux qui, par les mêmes moyens, auront directement provoqué à l'un des crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation prévus par le titre Ier du livre IV du code pénal, seront punis des mêmes peines.

Seront punis de la même peine ceux qui, par l'un des moyens énoncés en l'article 23, auront fait l'apologie des crimes visés au premier alinéa, des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou des crimes ou délits de collaboration avec l'ennemi.

Seront punis des peines prévues par l'alinéa 1er ceux qui, par les mêmes moyens, auront provoqué directement aux actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal, ou qui en auront fait l'apologie.

Tous cris ou chants séditieux proférés dans les lieux ou réunions publics seront punis de l'amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe.

Ceux qui, par l'un des moyens énoncés à l'article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 45 000 euros ou de l'une de ces deux peines seulement.

En cas de condamnation pour l'un des faits prévus par l'alinéa précédent, le tribunal pourra en outre ordonner :

1° Sauf lorsque la responsabilité de l'auteur de l'infraction est retenue sur le fondement de l'article 42 et du premier alinéa de l'article 43 de la présente loi ou des trois premiers alinéas de l'article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, la privation des droits énumérés aux 2° et 3° de l'article 131-26 du code pénal pour une durée de cinq ans au plus ;

2° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal.

Art. 32. -  La diffamation commise envers les particuliers par l'un des moyens énoncés en l'article 23 sera punie d'une amende de 12 000 euros.

La diffamation commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée sera punie d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 45 000 euros ou de l'une de ces deux peines seulement.

En cas de condamnation pour l'un des faits prévus par l'alinéa précédent, le tribunal pourra en outre ordonner :

1° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal.

2° Abrogé.

Art. 33. -  L'injure commise par les mêmes moyens envers les corps ou les personnes désignés par les articles 30 et 31 de la présente loi sera punie d'une amende de 12 000 euros.

L'injure commise de la même manière envers les particuliers, lorsqu'elle n'aura pas été précédée de provocations, sera punie d'une amende de 12 000 euros.

Sera punie de six mois d'emprisonnement et de 22 500 euros d'amende l'injure commise, dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

En cas de condamnation pour l'un des faits prévus par l'alinéa précédent, le tribunal pourra en outre ordonner :

1° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal.

2° Abrogé.

Art. 48. -  1° Dans le cas d'injure ou de diffamation envers les cours, tribunaux et autres corps indiqués en l'article 30, la poursuite n'aura lieu que sur une délibération prise par eux en assemblée générale et requérant les poursuites, ou, si le corps n'a pas d'assemblée générale, sur la plainte du chef du corps ou du ministre duquel ce corps relève ;

1° bis Dans les cas d'injure et de diffamation envers un membre du Gouvernement, la poursuite aura lieu sur sa demande adressée au ministre de la justice ;

2° Dans le cas d'injure ou de diffamation envers un ou plusieurs membres de l'une ou de l'autre Chambre, la poursuite n'aura lieu que sur la plainte de la personne ou des personnes intéressées ;

3° Dans le cas d'injure ou de diffamation envers les fonctionnaires publics, les dépositaires ou agents de l'autorité publique autres que les ministres et envers les citoyens chargés d'un service ou d'un mandat public, la poursuite aura lieu, soit sur leur plainte, soit d'office sur la plainte du ministre dont ils relèvent ;

4° Dans le cas de diffamation envers un juré ou un témoin, délit prévu par l'article 31, la poursuite n'aura lieu que sur la plainte du juré ou du témoin qui se prétendra diffamé ;

5° Dans le cas d'offense envers les chefs d'État ou d'outrage envers les agents diplomatiques étrangers, la poursuite aura lieu sur leur demande adressée au ministre des affaires étrangères et par celui-ci au ministre de la justice ;

6° Dans le cas de diffamation envers les particuliers prévu par l'article 32 et dans le cas d'injure prévu par l'article 33, paragraphe 2, la poursuite n'aura lieu que sur la plainte de la personne diffamée ou injuriée. Toutefois, la poursuite, pourra être exercée d'office par le ministère public lorsque la diffamation ou l'injure aura été commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ;

7° Dans le cas de diffusion de l'image d'une personne menottée ou entravée prévue par l'article 35 ter, la poursuite n'aura lieu que sur la plainte de la personne intéressée ;

8° Dans le cas d'atteinte à la dignité de la victime prévue par l'article 35 quater, la poursuite n'aura lieu que sur la plainte de la victime.

En outre, dans les cas prévus par les 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7° et 8° ci-dessus, ainsi que dans les cas prévus aux articles 13 et 39 quinquies de la présente loi, la poursuite pourra être exercée à la requête de la partie lésée.

Art. 63. -  L'aggravation des peines résultant de la récidive ne sera applicable qu'aux infractions prévues par les articles 24 (alinéa 5), 32 (alinéa 2) et 33 (alinéa 3) de la présente loi.

En cas de conviction de plusieurs crimes ou délits prévus par la présente loi, les peines ne se cumuleront pas, et la plus forte sera seule prononcée.

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Avant l'article premier

Amendement présenté par M. Patrick Bloche et les commissaires membres du groupe socialiste :

Insérer l'article suivant :

« La politique publique de lutte contre les discriminations et pour l'égalité concerne :

« 1° L'éducation et la prévention contre les discriminations et pour l'égalité,

« 2° La répression et la sanction des discriminations et pour l'égalité,

« 3° La médiation pour régler et développer les bonnes pratiques contre les discriminations et pour l'égalité.

« La loi définit tous les cinq ans les objectifs de la politique publique de lutte contre les discriminations et de promotion de l'égalité.

« Le Gouvernement précise dans un rapport au Parlement les mesures et les principales actions qu'il compte prendre pour mettre en œuvre cette politique après avoir pris connaissance des conclusions de la conférence quinquennale contre les discriminations et pour l'égalité tenue sous l'autorité du Premier Ministre. Un décret en Conseil d'État précise la composition et les missions de la conférence quinquennale.

« La mise en œuvre de cette loi et des programmes de lutte contre les discriminations et pour la promotion de l'égalité fait l'objet d'une évaluation par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité tous les cinq ans à l'occasion de la conférence quinquennale contre les discriminations et pour l'égalité. La Haute autorité associe à ses travaux les pouvoirs publics et les organisations de la société civile intéressée par ces questions. »

Article 2

Amendement présenté par M. Patrick Bloche et les commissaires membres du groupe socialiste :

Rédiger ainsi les dix premiers alinéas de cet article :

« La Haute autorité est composée d'un collège de dix-neuf membres, nommés par décret du Président de la République :

« Deux membres désignés par le Président de la République,

« Deux membres désignés par le Sénat en son sein,

« Deux membres désignés par l'Assemblée nationale en son sein,

« Deux membres désignés par le Premier ministre,

« Un membre désigné par le vice-président du Conseil d'État,

« Un membre désigné par le Premier président de la Cour de cassation,

« Un membre désigné par le Président du Conseil économique et social,

« Quatre membres désignés par la Haute autorité et choisis parmi les organisations syndicales représentatives,

« Quatre membres désignés par la Haute autorité et choisis parmi les associations et dont l'objet est la lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

« Le Président de la Haute autorité est désigné en son sein par l'ensemble de ses membres, lors de la réunion du collège qui suit celle au cours de laquelle sont désignés les membres représentant les organisations syndicales et les associations visés aux deux alinéas précédents.

« Le mandat des membres de la Haute autorité a une durée de cinq ans. »

Amendement présenté par M. Philippe Vuilque et les commissaires membres du groupe socialiste :

Après le huitième alinéa de cet article, insérer l'alinéa suivant :

« Le Président de la République, le Président du Sénat, le Président de l'Assemblée nationale et le Premier ministre désignent des membres de sexe différent. »

Amendement présenté par M. Patrick Bloche et les commissaires membres du groupe socialiste :

Avant le dernier alinéa de cet article, insérer l'alinéa suivant :

« Le collège ainsi constitué statue publiquement ».

Article 4

Amendement présenté par M. Patrick Bloche et les commissaires membres du groupe socialiste :

Dans le deuxième alinéa de cet article, supprimer les mots : « de droit privé ».

Article 14

Amendement présenté par M. Patrick Bloche et les commissaires membres du groupe socialiste :

Compléter l'avant-dernier alinéa de cet article par les mots : « et en particulier au recours à l'anonymat des curriculum vitae, avant le premier entretien en vue d'embauche. ».

Article 15

Amendement présenté par M. Patrick Bloche et les commissaires membres du groupe socialiste :

Compléter la première phrase du premier alinéa de cet article par les mots : « et rend compte des discriminations portées à sa connaissance. ».

Après l'article 16

Amendement présenté par M. Patrick Bloche et les commissaires membres du groupe socialiste :

Insérer l'article suivant :

« Après les mots « de leur orientation sexuelle, » sont insérés les mots : « de leur identité de genre » dans les textes suivants :

« - code pénal, article L. 225-1, premier alinéa et deuxième alinéa ;

« - loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, deuxième alinéa de l'article 1er ;

« - code du travail, article L. 122-4, premier alinéa ;

« - code du travail, article L. 122-35, deuxième alinéa ;

« - code du travail, article L. 513-3-1, deuxième alinéa ;

« - loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, article 6, deuxième alinéa. »

Article 17

Amendements présentés par M. Patrick Bloche et les commissaires membres du groupe socialiste :

·  Dans le premier alinéa de cet article, après les mots : « orientation sexuelle, », insérer les mots : « son identité de genre ».

·  Dans le premier alinéa de cet article, après les mots : « son handicap, » insérer les mots : « ses caractéristiques génétiques ». 

Article 17 bis

Amendement présenté par M. Patrick Bloche et les commissaires membres du groupe socialiste :

Rédiger ainsi le dernier alinéa de cet article :

« Seront punis des mêmes peines prévues à l'alinéa précédent ceux qui, par ces mêmes moyens, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur état de santé, de leur handicap ou de leur orientation sexuelle. »

Article 17 ter

Amendement présenté par M. Jean-Paul Garraud :

Supprimer cet article.

Amendement présenté par M. Patrick Bloche et les commissaires membres du groupe socialiste :

I. -  Rédiger ainsi le troisième alinéa de cet article :

« Sera punie des peines prévues à l'alinéa précédent la diffamation commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur état de santé, de leur handicap ou de leur orientation sexuelle. »

II. -  Rédiger ainsi le dernier alinéa de cet article :

« Sera punie des peines prévues à l'alinéa précédent l'injure commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur état de santé, de leur handicap ou de leur orientation sexuelle. »

Article 17 quater

Amendement présenté par M. Jean-Paul Garraud :

I. -  Rédiger ainsi le dernier alinéa du 1° de cet article :

« Toutefois, la poursuite pourra être exercée d'office par le ministère public dans le cas prévu par le deuxième alinéa de l'article 32 et par le troisième alinéa de l'article 33. » ;

II. -  Après les mots : « article 24 », supprimer la fin du deuxième alinéa du 2° de cet article.

Procéder à la même suppression dans l'avant-dernier alinéa du 2° de cet article.

III. -  Supprimer l'avant-dernier alinéa (3°) de cet article.

IV. -  Rédiger ainsi le dernier alinéa (4°) de cet article :

« 4° Au premier alinéa de l'article 63, les mots « alinéa 5 » sont remplacés par les mots « alinéas 8 et 9 ». ».

Amendement présenté par M. Patrick Bloche et les commissaires membres du groupe socialiste :

I. -  Rédiger ainsi le premier alinéa du 2° de cet article :

« 2° Après l'article 48-3, sont insérés trois articles 48-4, 48-5 et 48-6 ainsi rédigés : ».

II. -  Compléter le 2° de cet article par les alinéas suivants :

« Art. 48-6. -  Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant, par ses statuts, de combattre les violences ou les discriminations fondées sur l'état de santé et le handicap ou d'assister les victimes de ces discriminations peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les délits prévus par le neuvième alinéa de l'article 24, le troisième alinéa de l'article 32 et le quatrième alinéa de l'article 33.

« Toutefois, quand l'infraction aura été commise envers des personnes considérées individuellement, l'association ne sera recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l'accord de ces personnes. »

Article 19

Amendements présentés par M. Patrick Bloche et les commissaires membres du groupe socialiste :

·  Supprimer cet article.

·  Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa de cet article, après les mots « Un service d'accueil téléphonique », insérer le mot : « gratuit ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR MME BRIGITTE BARÈGES, RAPPORTEURE DU PROJET DE LOI RELATIF
À LA LUTTE CONTRE LES PROPOS DISCRIMINATOIRES
À CARACTÈRE SEXISTE OU HOMOPHOBE (N° 1700)

Observatoire du communautarisme :

- M. François Devoucoux du Buysson, co-fondateur

Grande Loge Féminine de France :

- Mme Marie-Françoise Blanchet, grande maîtresse

- Mme Valérie Boccara

Sos Homophobie :

- M. Ronan Rosec, président

- Mme Laure Lagardère, vice-présidente

Gay Lib :

- M. Stéphane Dassé, président

- M. Emmanuel Blanc, président délégué

- M. Sébastien Chenu, porte parole

Interassociative lesbienne, gaie, bi et trans (lgbt) :

- M. Alain Piriou, président

- M. Laurent Chéno, secrétaire de la commission politique

Fédération nationale de l'autre cercle :

- Mme Frédérique Anne, porte parole

Union nationale des associations familiales :

- M. Hubert Brin, président

L'Assemblée des femmes :

- Mme Yvette Roudy, présidente

Syndicat de la presse parisienne :

- M. Xavier Ellie, président

Syndicat professionnel de la presse magazine et d'opinion :

- M. François d'Orcival, président

- M. Paul Miguel, directeur

Syndicat de la presse magazine et d'information :

- M. Francis Morel, président

- Mme Pascale Marie, directeur

- M. Patrick Lantz, responsable de la commission juridique

Syndicat national des journalistes :

- M. Jean Baruch, membre du bureau en charge du secteur juridique

Syndicat national des journalistes cgt :

- M. Michel Diard, secrétaire général

- M. Jean-François Téaldi, secrétaire général adjoint

Union syndicale des journalistes cfdt

- M. Philippe Debruyne, secrétaire général adjoint de la fédération communication et culture

Les Chiennes de garde :

- Mme Ariane Aubier, présidente

- M. Mathieu Arbogast, vice-président

- Mme Emmanuelle Messean, porte parole

Collectif national pour les droits des femmes (cndf/cadac) :

- Mme Maya Surduts, porte parole

- Mme Jocelyne Fildard, représentante de la coordination « Lesbiennes de France »

Association Presse-Liberté :

- M. Alain Chastagnol, vice-président

- Mme Marie-Christine de Percin, vice-présidente (avocate)

- Mme Anne Chéron, collaboratrice

Fédération française des centres gays et lesbiens :

- M. David Auerbach, secrétaire national

- M. Mathieu Chaimbault, secrétaire national

Mouvement Ni putes, ni soumises

- Mme Diane Mouratoglou, avocate

Aujourd'hui Autrement

- M. Jean-Luc Romero, président

Mouvement français pour le planning familial

- Mme Françoise Laurant, présidente

- Mme Fatima Lalem, membre du bureau national

Coordination française pour le lobby européen des femmes (clef)

- Mme Monique Halpern, présidente

- Mme Malka Marcovich

Association française des femmes de carrières juridiques

- Mme Marie-Cécile Morau, présidente

Tribunal correctionnel de Paris

- M. Nicolas Bonnal, vice-président

- Mme Catherine Bézio, vice-présidente

- Mme Anne-Marie Sauteraud, vice-présidente

Tribunal de grande instance de Paris

graphique
- M. François Cordier, Procureur adjoint

M. Jean-Marie Bigard

M. Laurent Baffie Humoristes

M. François Rollin

M. Emmanuel Dreyer, Maître de conférences à la Faculté de droit et de science politique de l'université de Rennes

M. Jean-Paul Pouliquen, fondateur et ancien président du collectif pour le contrat d'union sociale et le pacs

____________________

N° 1965 - Rapport sur le projet de loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Pascal Clément)

1 () On citera par exemple, parmi de nombreuses décisions de la CJCE, l'arrêt de principe du 13 mai 1986, Bilka-Kaufhaus GMBH c/Karine Weber von Hartz, relatif à l'exclusion d'un régime de pensions d'employés à temps partiel d'un grand magasin, en majorité de sexe féminin.

2 () Séance du mardi 23 novembre 2004.

3 () Introduit par l'article 47 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

4 () Cette disposition a été introduite par l'article 39 de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004.

5 () À l'occasion de l'examen du pourvoi de l'association « Homosexualité et socialisme » contre un arrêt de la chambre de l'instruction de Lyon ayant déclaré irrecevable sa constitution de partie civile.

6 () Décision n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002, considérants 112 à 115.

7 () Voir notamment les décisions n° 2003-468 DC du 3 avril 2003 sur la loi relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques, n° 2004-490 DC du 12 février 2004 sur la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française, et n° 86-217 DC du 18 septembre 1986 sur la loi relative à la liberté de communication.

8 () Comme le prévoit l'article 121-6 du code pénal.

9 () L'article 23 énumère les différents supports de la publicité. Il s'agit des discours, cris ou menaces proférés dans les lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images, ou tout autre support de l'écrit, de la parole ou de l'image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans les lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public soit de tout moyen de communication audiovisuelle

10 () In Droit de l'information, responsabilité pénale des médias, édition Litec 2002, page 84.

11 () Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 24 mars 1955, bulletin n° 177.

12 () Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 5 janvier 1883, bulletin n° 7.

13 () Arrêt rendu sur le pourvoi de l'association « Homosexualité et socialisme » contre un arrêt de la chambre de l'instruction de Lyon ayant déclaré irrecevable sa constitution de partie civile.

14 () Cf. Le droit constitutionnel et les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle, première partie, in Revue française de droit constitutionnel, 40, 1999, page 727.

15 () Op. cit. Également page 727.

16 () Décision n° 94-345 DC du 29 juillet 1994.

17 () Même décision.

18 () Affaire Handyside C Royaume-Uni, 1976, page 15.

19 () Voir les déclarations du président de la Conférence des évêques de France, Mgr Jean-Pierre Ricard, reprises, notamment, dans le Figaro du 3 novembre 2004 et dans le journal le Monde du 4 novembre dernier.

20 () Lv, 20, 13.

21 () 1ers épîtres aux Romains, versets 24-27.

22 () M. Domingo, Atteintes à la réputation : la protection judicaire pénale, Gazette du palais, 1994, 2, page 999.

23 () Décision 94-343/344 DC du 27 juillet 1994.

24 () Arrêt du 27 octobre 1995, commune de Morsang-sur-Orge.

25 () Décision 2003-467 DC du 13 mars 2003.

26 () Affaire Janowski c/ Pologne, du 21 janvier 1999.

27 () Il s'agit de la Suède, du Danemark, des Pays-Bas, de l'Espagne et de la Belgique.

28 () Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 26 janvier 1988 rappelée dans la circulaire du 6 juillet 1989 sur la lutte contre le racisme.

29 () Sauf en matière raciste, précise la commission.

30 () Cass. 2e civ., 14 décembre 2000.

31 () Voir notamment Cass. Crim., 16 avril 1991.


© Assemblée nationale