______ ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 janvier 2006. RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE LOI (n° 2309 rectifié) de M. JEAN-LUC PRÉEL ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES relative à la création d'un ordre national de la profession d'infirmier et d'infirmière, PAR M. Jean-Luc PRÉEL Député. -- INTRODUCTION 5 I.- LA CRÉATION D'UN ORDRE DES INFIRMIERS EST NÉCESSAIRE ET RECUEILLE UN LARGE ASSENTIMENT 7 A. LA PROFESSION D'INFIRMIER OCCUPE UNE PLACE CENTRALE DANS LE SYSTÈME DE SANTÉ MAIS NE DISPOSE PAS D'UNE REPRÉSENTATION UNIFIÉE 7 B. LE CONSEIL DES PROFESSIONS PARAMÉDICALES CRÉÉ PAR LA LOI DU 4 MARS 2002 RELATIVE AUX DROITS DES MALADES N'A JAMAIS ÉTÉ MIS EN PLACE 8 C. LA CRÉATION D'UN ORDRE DES INFIRMIERS DOIT REPOSER SUR UNE ORGANISATION DÉMOCRATIQUE ET RÉGIONALISÉE 9 D. LA MISE EN PLACE D'UN ORDRE EST ACTUELLEMENT AU CENTRE DES REVENDICATION DES INFIRMIERS 10 II. - ANALYSE DES ARTICLES 11 TRAVAUX DE LA COMMISSION 21 La création d'un ordre national des infirmières et des infirmiers est à l'étude depuis de nombreuses années, tant au sein de la profession que du Parlement. Le rapporteur rappelle à cet égard qu'il était cosignataire, sous la précédente législature, avec MM. Micaux, Méhaignerie et Rochebloine de la proposition de loi n° 967 relative à la création d'un ordre national de la profession infirmière et qu'il est également à l'origine, sous la présente législature, de la proposition de loi n°137 relative à la création d'un ordre national de la profession d'infirmier et d'infirmière qui a été rejetée par l'Assemblée nationale lors de la séance du 28 janvier 2003. On pourrait dans ces conditions s'interroger sur l'opportunité de déposer une nouvelle proposition de loi qui, bien que différente de la proposition de loi n° 137 relative à la création d'un ordre national de la profession d'infirmier et d'infirmière, s'inscrit dans la même démarche. Un bref historique de cette revendication au sein de la profession infirmière est nécessaire et permet de comprendre que cette idée est désormais arrivée à maturité. Dès 1989, une association regroupant de nombreuses organisations représentant les infirmières et les infirmiers s'est créée avec l'ambition de favoriser l'institution d'un tel ordre pour assurer la promotion de la profession. Un collectif de ces associations et de certains syndicats fut ensuite constitué pour faire, dans ce but, des propositions concrètes, à l'occasion de trois conférences de consensus en avril, mai et octobre 1997. Depuis 2002, plusieurs structures regroupant différentes associations d'infirmiers et d'infirmières se sont créées dans le but de faire progresser l'organisation de la profession et de promouvoir la création d'un ordre professionnel spécifique aux infirmiers et infirmières. On peut citer le groupement d'intérêt professionnel en soins infirmiers (GIPSI) créé en mars 2002 et l'association pour un ordre des infirmières et infirmiers de France (APOIIF) constitué en juin 2004. L'ensemble de la profession infirmière a mené une journée nationale d'action et de grève avec manifestation le 12 mai 2005 à Paris. L'une des revendications liée à cette manifestation était la création d'un ordre infirmier. Plus récemment un groupement de 38 associations dont le GIPSI, la fédération nationale des infirmières (FNI) et le syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (SNIIL) s'est constitué sous l'appellation « groupe Sainte-Anne » pour réclamer spécifiquement la création d'un tel ordre. L'objet de cette proposition de loi qui va dans le sens de ce large mouvement au sein de la profession infirmière est donc de créer un ordre national, auquel tous les infirmières et infirmiers adhéreraient de manière obligatoire - qu'ils appartiennent au secteur hospitalier, public ou privé, ou au secteur libéral - dans le but de rassembler la profession et de la responsabiliser dans son exercice. La création d'un tel ordre professionnel permettrait, d'une part, de reconnaître et de renforcer le statut de ces auxiliaires de santé qui occupent une place centrale dans notre système de soins en raison de la qualité de leur travail et du rôle humain qu'ils tiennent auprès des malades et, d'autre part, de mettre en place une déontologie valable pour l'ensemble de la profession. I.- LA CRÉATION D'UN ORDRE DES INFIRMIERS EST NÉCESSAIRE ET RECUEILLE UN LARGE ASSENTIMENT A. LA PROFESSION D'INFIRMIER OCCUPE UNE PLACE CENTRALE DANS LE SYSTÈME DE SANTÉ MAIS NE DISPOSE PAS D'UNE REPRÉSENTATION UNIFIÉE La profession infirmière est numériquement la plus importante des professions de santé puisque selon les données du répertoire ADELI (1) elle compte près de 460 000 membres (pour 150 000 médecins et 45 000 masseurs-kinésithérapeutes), 13 % (61 000) exerçant à titre libéral. La profession de santé la plus importante en effectifs est pourtant dépourvue d'un ordre national à l'inverse des médecins, des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes. Au sein de l'Union européenne, il existe des ordres de la profession infirmière dans de nombreux pays tels que la Belgique, le Danemark, l'Espagne, l'Irlande, l'Italie le Portugal et le Royaume-Uni. L'absence d'organe fédérateur de la profession conduit à l'éclatement de sa représentation, partagée entre plus de 150 associations et syndicats professionnels. Cependant la représentativité de ces organisations est très faible puisque seuls 4 % des infirmières et des infirmiers adhèrent à une confédération syndicale et 8 % à une association professionnelle. Les pouvoirs publics ne disposent donc pas d'un interlocuteur unique qui puisse représenter l'ensemble de la profession. Cette situation est également dommageable au niveau européen et international. La France est ainsi sous-représentée au Conseil international des infirmières (CII) où elle occupe, en termes d'affiliés, la trente-septième place sur les cent douze pays membres du conseil, alors que l'importance numérique de la profession, si sa représentation était unifiée au sein d'un ordre, devrait en faire la première section nationale. La volonté d'autres professions médicales, comme les masseurs-kinésithérapeutes ou les pédicures-podologues, de s'organiser dans un ordre professionnel a pu être consacrée par la loi du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social, mais l'absence de mesures réglementaires d'application n'a jamais permis leur mise en place effective. Ces ordres ont été supprimés par la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Plusieurs circonstances accroissent l'urgence de la création d'un ordre national des infirmières et des infirmiers, au premier rang desquelles le vieillissement de la population et la nécessité de dispenser aux personnes âgées des soins à domicile ou dans des maisons de retraite médicalisées. L'évolution des techniques médicales (génie génétique, soins palliatifs, lutte contre la douleur...) augmente encore les responsabilités des infirmières et infirmiers et l'exigence d'une formation adéquate de qualité. Les questions liées à la démographie des professions de santé et aux éventuels transferts de tâches entre les différents acteurs du système, analysées dans les rapports respectifs des professeurs Yves Matillon 2 et Yvon Berland 3, interpellent la profession infirmière dans son ensemble. Plus que jamais s'affirme ainsi la nécessité de définir et de respecter des principes déontologiques, propres à la profession et non pas calqués sur ceux des médecins, afin de garantir une qualité et une sécurité optimales des soins, au bénéfice de l'image de la profession auprès des patients. Par ailleurs, les contraintes de la maîtrise médicalisée des dépenses rendent également nécessaire l'organisation de la profession autour d'un ordre afin qu'elle puisse, en particulier, être associée activement à l'élaboration des textes réglementant son exercice et à la définition de la tarification des actes infirmiers, pour que ceux-ci correspondent davantage à la nouvelle réalité des soins prodigués, à la démographie ainsi qu'à la formation initiale et continue de la profession. B. LE CONSEIL DES PROFESSIONS PARAMÉDICALES CRÉÉ PAR LA LOI DU 4 MARS 2002 RELATIVE AUX DROITS DES MALADES N'A JAMAIS ÉTÉ MIS EN PLACE Face aux difficultés à mettre en place les ordres des masseurs-kinésithérapeutes ou les pédicures-podologues créés par la loi du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social, M. Lionel Jospin, alors Premier ministre, avait chargé au mois de septembre 1999 M. Philippe Nauche, député de la Corrèze, d'une mission sur ce sujet au titre de l'article LO 144 du code électoral. Dans son rapport M. Philippe Nauche se prononçait pour l'élaboration d'un office des professions paramédicales, à l'organisation nationale et régionale, financé par les cotisations des professionnels, qui regrouperait les professions par collège où « les différentes formes d'exercice professionnel devraient faire l'objet d'une représentation équitable », et serait chargé d'exercer six fonctions principales (de la gestion des autorisations d'exercer à la représentation des professions paramédicales lors des réflexions sur la politique de santé). Ce rapport a largement inspiré la rédaction de l'article 71 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé qui porte création du Conseil des professions d'infirmier, masseur-kinésithérapeute, pédicure-podologue, orthophoniste et orthoptiste. Cette loi a en effet réuni les professions d'infirmier, de masseur-kinésithérapeute, de pédicure-podologue, d'orthophoniste et d'orthopédiste dans un même conseil. Or, le caractère interprofessionnel de ce conseil l'empêche de prendre en compte les problèmes spécifiques de chacune des professions concernées, et en particulier ceux des infirmiers et infirmières. Surtout, il ne concerne que les professionnels exerçant une activité libérale et ne constitue donc pas un remède adapté à la représentation émiettée de la profession. À ce jour, soit quatre ans après l'adoption de la loi, les décrets d'application de cette disposition n'ont toujours pas été pris et il y a tout lieu de penser qu'ils ne verront jamais le jour. C. LA CRÉATION D'UN ORDRE DES INFIRMIERS DOIT REPOSER SUR UNE ORGANISATION DÉMOCRATIQUE ET RÉGIONALISÉE Un ordre professionnel joue un rôle irremplaçable de représentation et de rassemblement d'une profession tout en prenant des initiatives dans le domaine de la déontologie et de la discipline professionnelle. Bien entendu les syndicats défendent quant à eux les intérêts matériels et moraux des professionnels. L'auteur et rapporteur de la proposition de loi tient à insister sur la nécessité d'inscrire le nouvel ordre infirmier dans une nouvelle organisation régionale du système de soins. C'est la raison pour laquelle il n'est plus proposé la création de conseils départementaux de l'ordre mais uniquement celle de conseils régionaux. Cette application concrète du principe d'économie passé à la postérité sous le nom de « rasoir d'Ockham », selon lequel les entités ne doivent pas être multipliées sans nécessité, a pour fondements la volonté de ne pas alourdir et bureaucratiser le futur ordre ainsi que le souci de limiter les frais de fonctionnement et donc le montant de la future cotisation obligatoire. En pratique la viabilité de ce choix repose notamment sur le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC). Il est souhaitable que le fonctionnement des ordres soit le plus démocratique possible. Ainsi, la présente proposition de loi prévoit des élections à l'échelon régional et national. Ces élections sont organisées par collèges pour permettre la représentation de tous les modes d'exercice de la profession d'infirmier. Dans le même souci le Conseil national de l'ordre pourra s'adjoindre deux représentants des usagers en cas de litige opposant usagers et professionnels. Les missions de ce nouvel ordre infirmier telles que définies par la présente proposition de loi sont larges. On retrouve bien sûr les compétences traditionnelles : maintien des principes de moralité, respect des devoirs professionnels et des règles éthiques et déontologiques, gestion des conflits par la profession, avec possibilité d'appel. Mais cette proposition innove en prévoyant que l'ordre est l'interlocuteur du ministère pour les orientations de la santé publique, les projets de réglementation de la profession, les actions de formation initiale et continue avec la possibilité dans ce dernier cas de délivrer un label de qualité, mais aussi qu'il valide et enregistre les diplômes, réalise le suivi démographique de la profession. Enfin la présente proposition prend acte de la réforme de l'assurance maladie opérée par la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 en prévoyant que l'ordre national des infirmiers élabore, valide et diffuse auprès des professionnels les règles de bonnes pratiques en soins infirmiers. D. LA MISE EN PLACE D'UN ORDRE EST ACTUELLEMENT AU CENTRE DES REVENDICATION DES INFIRMIERS Tout observateur objectif de la profession infirmière ne peut manquer de constater la progression dans les esprits de l'idée de mettre en place un ordre professionnel. Il suffit à cet égard de se rappeler que cette revendication était au cœur de la journée nationale d'action et de grève qui a eu lieu le 12 mai 2005 à Paris et qu'elle est désormais portée par des collectifs aussi importants que le GIPSI, l'APOIIF et au sein du groupe Sainte-Anne. Lors du salon infirmier, qui s'est tenu le 14 octobre dernier, le ministre de la santé et des solidarités, M. Xavier Bertrand, a d'ailleurs reconnu la légitimité de cette aspiration : « Je connais le désir de nombreux professionnels de voir les 450 000 infirmiers se doter d'une structure représentative de leur profession. Ils souhaitent lui assigner les missions traditionnelles d'un Ordre. Je pense aussi qu'une structure est nécessaire dans le monde infirmier pour porter et développer l'évaluation des pratiques professionnelles et la diffusion des bonnes pratiques de soins, en lien avec la Haute autorité de santé ». Le rapporteur a pu également mesurer cette attente lors de l'audition, le 7 décembre 2005 du groupe Sainte-Anne, par le groupe d'étude sur les professions de santé de l'Assemblée nationale que préside M. Richard Mallié. Enfin, depuis le début de l'année 2006 le directeur général de la santé, M. Didier Houssin, puis le ministre de la santé lui-même, M. Xavier Bertrand, ont bien voulu rencontrer une délégation comprenant l'essentiel des institutions représentatives de la profession infirmière pour évoquer la question de la création d'un ordre professionnel. La présente proposition de loi s'inscrit logiquement dans cette démarche qui rencontre aujourd'hui un large assentiment dans la profession infirmière mais aussi auprès des parlementaires, puisque la présente proposition de loi a été cosignée par l'ensemble des députés UDF et apparentés et 63 députés UMP, pour la plupart membres de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Article 1er Cet article propose de supprimer la référence à la profession d'infirmier au sein du conseil destiné à organiser certaines professions paramédicales qui figure à l'article L. 4391-1 du code de la santé publique. L'article L. 4391-1 dispose que le conseil groupe obligatoirement les personnes exerçant en France, à titre libéral, les professions d'infirmier, masseur-kinésithérapeute, pédicure-podologue, orthophoniste et orthoptiste. Sa rédaction est issue de l'article 71 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Les 3° et 4° de cet article visent à opérer la même suppression pour l'application de ce dispositif dans chacun des départements d'outre-mer (article L. 4393-6) et dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon (article L. 4393-8). Dans leur rédaction actuelle ces deux alinéas ne font pas référence aux articles pertinents, à la suite d'une erreur matérielle. Article 2 Cet article modifie l'article L. 4127-1 du code de la santé publique afin d'étendre à la profession d'infirmier l'édition, sous forme de décret en Conseil d'Etat, d'un code de déontologie spécifique à l'instar de ceux qui existent déjà pour les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes. Article 3 Cet article substitue à l'obligation pour un infirmier ou une infirmière d'être inscrit au tableau du conseil de certaines professions paramédicales figurant à l'article L. 4391-1 du code de la santé publique, celle d'être inscrit au tableau de l'ordre créé par la présente proposition de loi. Cette inscription s'effectue dans les conditions fixées aux articles L. 4112-1 à L. 4112-7 du même code, auxquelles renvoie l'article L. 4312-4 créé par l'article 5 de la présente proposition. Article 4 Le 1° de cet article abroge les articles L. 4311-24 et L. 4311-25 du code de la santé publique qui prévoient la suspension du droit d'exercer la profession d'infirmier par le tribunal de grande instance en cas d'infirmité ou d'état pathologique rendant dangereux la poursuite de cet exercice. Le 2° complète l'article L. 4311-26 du même code relatif aux conditions d'exercice de la profession d'infirmier et d'infirmière par une phrase qui rend applicable à cette profession les règles de suspension de droit d'exercer prévues pour les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes. Le 3° remplace la référence au collège professionnel régional du conseil des professions paramédicales par celle aux conseils régionaux de l'ordre national des infirmiers et des infirmières créé par l'article 5 de la présente proposition de loi. Article 5 Cet article vise à modifier le chapitre II du titre Ier du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique, comportant actuellement un article unique consacré aux règles professionnelles applicables aux infirmiers, afin d'instituer un ordre national des infirmiers (art. L. 4312-1 à L. 4312-10 nouveaux). Article L. 4312-1 du code de la santé publique Créé par cet article, l'ordre national des infirmiers et des infirmières (ONII) a pour vocation de rassembler de manière obligatoire l'ensemble de la profession infirmière. Une dérogation est cependant prévue pour les infirmières et infirmiers du service de santé des armées.
Ce nouvel article propose de confier un large éventail de missions à l'ONII qui dépassent, pour la plupart, le champ de compétence traditionnel des ordres professionnels existant pour certaines professions de la santé, sur le modèle espagnol. Au rang des compétences qui sont traditionnellement confiées à ces ordres peuvent être rangés : le respect des principes d'éthique, de moralité, de probité et de dévouement ; l'observation des devoirs professionnels et des règles déontologiques (premier alinéa) ; la défense de l'honneur et de l'indépendance de la profession (deuxième alinéa) et la possibilité de créer des œuvres d'entraide et de retraite au bénéfice des membres de l'ordre et de leurs ayants droit (quinzième alinéa). Les autres missions, confiées à l'ordre, ont un caractère plus novateur, l'ordre se voyant attribuer des fonctions de consultation, de validation, d'information et de diffusion des règles de bonnes pratiques en soins infirmiers : - l'ordre est consulté sur les orientations de politique de santé (troisième alinéa), sur les projets de réglementation concernant l'exercice de la profession (quatrième alinéa) et sur toutes les nominations d'infirmières et d'infirmiers dans les instances sanitaires régionales ou nationales (neuvième alinéa) ; - l'ordre valide les actions de formation continue, " en fonction de leur valeur scientifique et pédagogique [...], dans le respect des priorités nationales ", pour lesquelles il délivre un " label de qualité " (septième et huitième alinéas) ainsi que les diplômes et équivalences nationaux et internationaux (dixième alinéa) et veille à la conformité déontologique des contrats liant les infirmiers à leurs employeurs ou à leurs tutelles (onzième alinéa). « En collaboration avec les pouvoirs publics », il délivre les agréments des établissements, institutions et organismes de formation continue des infirmiers (sixième alinéa). Enfin, il s'assure de la validité des agréments délivrés aux établissements, institutions et organismes de formation initiale et post-diplôme des infirmières et des infirmiers (cinquième alinéa). - L'ordre assure une fonction d'information et de suivi des statistiques concernant la profession en faveur de ses membres ou des pouvoirs publics (douzième et treizième alinéas). Il établit un répertoire professionnel des infirmiers et assure la promotion et l'évolution de la profession. A l'instar des ordres existant pour d'autres professions de santé, l'ONII exerce l'ensemble de ces missions par l'intermédiaire de conseils régionaux ainsi que du CNOII, prévus aux paragraphes 1er et 2 de la section 3 du présent article. Par ailleurs, pour " favoriser la promotion et l'évolution de la profession ", l'ordre a la possibilité de créer des commissions de travail (treizième alinéa), précision qui relèverait sans doute davantage du pouvoir réglementaire. - Enfin, l'ordre élabore, diffuse et évalue les règles de bonnes pratiques en soins infirmiers (deuxième et quatorzième alinéas). Article L. 4312-3 nouveau Cet article étend aux infirmiers les règles communes d'exercice de la profession qui s'appliquent aux médecins, aux chirurgiens-dentistes et aux sages-femmes et sont prévues aux articles L. 4113-1 à L. 4113-14 : - enregistrement des diplômes (article L. 4113-1) ; - liste annuelle départementale (article L. 4113-2) ; - interdiction d'exercice sous un pseudonyme (article L. 4113-3) ; - interdiction de donner des consultations dans des locaux commerciaux (article L. 4113-4) ; - interdiction pour une personne ne remplissant pas les conditions d'exercice de la profession de recevoir la totalité ou une quote-part des honoraires d'un professionnel (article L. 4113-5) ; - interdiction de recevoir des avantages procurés par des entreprises produisant des produits pris en charge par la sécurité sociale (L. 4113-6) ; - interdiction d'utilisation et de constitution de fichiers commerciaux à partir de données issues de prescriptions médicales (article L. 4113-7) ; - interdiction de percevoir des intérêts ou ristournes proportionnels au nombre de médicaments ou d'appareils médicaux (article L. 4113-8) ; - obligation pour les professionnels de transmettre au conseil départemental de l'ordre des contrats ayant pour objet l'exercice de leur profession (articles L. 4113-9 à 12) ; - obligation de déclaration pour les professionnels ayant des liens avec des entreprises produisant ou exploitant des produits de santé (article L. 4113-13) ; - suspension immédiate du droit d'exercer pour une durée maximale de cinq mois par le représentant de l'Etat lorsque l'exercice par un professionnel expose « ses patients à un danger grave » (article L. 4113-14).
Cet article renvoie aux dispositions relatives à l'inscription au tableau de l'ordre des médecins, prévues aux articles L. 4112-1 à L. 4112-7 du code de la santé publique, les modalités d'inscription au tableau de l'ordre des infirmières et des infirmiers. Dans la mesure où ces articles L. 4112-1 et suivants prévoient que ce tableau est établi et tenu à jour par le conseil départemental de l'ordre alors que la présente proposition ne met en place que des conseils régionaux, les conditions d'application de cet article qui seront fixées par décret en Conseil d'Etat devront tenir compte de cette spécificité. Article L. 4312-5 nouveau du code de la santé publique Cet article a pour objet d'étendre à la profession infirmière les dispositions communes à l'organisation des professions de médecin, de chirurgien-dentiste et de sage-femme et à la procédure disciplinaire prévues aux chapitres V et VI du titre II du livre premier de la quatrième partie du code de la santé publique. Les modalités de cette extension sont fixées par un décret en Conseil d'Etat. Outre la personnalité civile dont est dotée l'ordre (article L. 4125-1), les articles visés prévoient notamment : - un régime d'incompatibilité entre les fonctions de président ou de trésorier de l'ordre et une fonction syndicale correspondante quelconque (article L. 4125-2) ; - la démission d'office de tout conseiller, départemental, régional ou national, de l'ordre qui n'aurait pas siégé pendant trois séances consécutives de son conseil (article L. 4125-3) ; - un calendrier précis pour l'élection de nouveaux conseils départementaux ou régionaux et pour la désignation de leurs représentants au sein du conseil national en cas de modification de leur ressort territorial (article L. 4125-4) ; - des peines disciplinaires, allant du simple avertissement à la radiation du tableau de l'ordre, pouvant être prononcées par le conseil régional de l'ordre à l'encontre d'un infirmier condamné par une juridiction pénale pour tout autre fait qu'un crime ou délit contre la nation, l'Etat ou la paix publique (article L. 4126-6) ; Article L. 4312-6 nouveau du code de la santé publique Le premier alinéa pose le principe de l'institution d'un conseil régional de l'ordre des infirmiers dans chacune des régions administratives. Contrairement à la proposition de loi n° 137 (4)relative au même objet, la détermination du nombre de membres que comprend chaque conseil n'est pas fixée dans le texte mais est confiée au pouvoir réglementaire en fonction du nombre de professionnels inscrits sur les listes départementales prévues à l'article L. 4113-2. Le système est davantage inspiré des conseils départementaux prévus dans la proposition de loi n° 137. Ainsi les effectifs sont répartis en quatre collèges qui représentent respectivement les cadres infirmiers, les infirmiers spécialisés, les autres infirmiers salariés et les infirmiers libéraux. Le nombre de représentants est proportionnel à l'effectif de chaque collège. De la même façon le directeur régional de la santé ou son représentant assiste avec voix consultative au conseil régional de l'ordre. La durée du mandat est de quatre ans et le conseil est renouvelable par moitié tous les deux ans. Le même alinéa prévoit par ailleurs l'applicabilité des mêmes règles que celles qui sont fixées pour les conseils départementaux des médecins. Les adaptations nécessaires sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
Le présent article prévoit la possibilité, pour les conseils régionaux de l'ordre des infirmiers, de tenir des réunions communes avec les conseils régionaux des médecins sous la présidence des présidents de ces derniers. Une disposition similaire figure à l'article L. 4123-14 pour les conseils départementaux des sages-femmes. Article L. 4312-8 nouveau du code de la santé publique Le premier alinéa prévoit la création du Conseil national de l'ordre des infirmiers et des infirmières (CNOII) composé de quarante membres élus pour quatre ans et renouvelable par moitié tous les deux ans. La composition du conseil est détaillée aux alinéas suivants en attribuant un nombre de représentants fixe aux différentes catégories d'infirmiers exerçant : - dans la fonction publique hospitalière (16 membres) ; - dans la fonction publique territoriale (4 membres) ; - dans les administrations centrales de l'Etat (1 membre) ; - dans l'Education nationale (2 membres) ; - dans le secteur de la santé du travail (1 membre) ; - dans le secteur hospitalier privé (6 membres) ; - dans le secteur libéral (6 membres) ; - dans des fonctions spécialisées (3 membres) ; - dans la direction des services de soins infirmiers (1 membre). Le dernier alinéa prévoit que le conseil peut s'adjoindre deux représentants des usagers en cas de litige entre usagers et professionnels et que les membres ne sont rééligibles qu'après interruption égale à la durée du mandat accompli. Il est précisé également que le conseil remplit sur le plan national l'ensemble des missions définies à l'article L. 4312-2 et qu'il peut tenir des séances communes avec le conseil national de l'ordre des médecins pour l'examen de questions intéressant les deux professions, à l'instar de ce qui est prévu pour des conseils régionaux.
Cet article renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer les conditions de désignation ou d'élection des membres du conseil, ainsi que ses règles de fonctionnement.
Cet article étend au CNOII les règles prévues pour le Conseil de l'ordre des médecins et lui donne donc compétence pour : - fixer le montant (unique) de la cotisation obligatoire qui devra être versée par chaque infirmier à l'ordre ; - déterminer la part de cette cotisation qui doit être versée au conseil régional correspondant et au conseil national lui-même ; - gérer les biens de l'ordre et de créer ou subventionner des œuvres d'entraide ; - surveiller la gestion des conseils régionaux ; - verser à ces derniers une somme afin d'harmoniser leurs charges au plan national (article L. 4122-2). Sont étendues à l'ordre national des infirmiers les règles prévues : - à l'article L. 4122-3, qui organise les recours en matière disciplinaire pour les médecins ; il convient de noter que les articles L. 4122-2 et L. 4122-3 du code de la santé publique ont été modifiés postérieurement au dépôt de la présente proposition de loi par l'article 1er de l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 ; - à l'article L. 4132-6, qui prévoit une commission de contrôle des comptes placée auprès du conseil national ; - aux articles L. 4152-3, L. 4152-5, L. 4152-6, L. 4152-8, qui édictent les règles d'organisation du Conseil national de l'ordre des sages-femmes (présidence, présence d'un conseiller d'Etat ; rappelons que l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 a modifié la rédaction de l'article L. 4152-6 et abrogé l'article L. 4152-5. Article 6 Le paragraphe I de cet article propose une nouvelle rédaction des articles L. 4314-4 et L. 4314-5 du code de la santé publique relatifs à l'exercice illégal de la profession d'infirmier qui ont été modifiés par l'article 11 de l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions. L'article L. 4314-4 énumère les quatre cas d'exercice illégal de la profession d'infirmier : - toute personne qui donne habituellement des soins infirmiers sans remplir les conditions de diplôme exigées à l'article L. 4314-2 du même code; - toute personne qui tout en remplissant les conditions de diplôme susmentionnées sort des attributions que la loi lui confère, notamment en prêtant concours aux personnes visées ci-dessus ; - tout infirmier qui continue de pratiquer alors qu'il est sous le coup d'une interdiction temporaire prévue à l'article L. 4124-6 du même code ; - tout infirmier ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l'Espace économique européen qui, tout en exerçant légalement dans son pays, exécute en France des actes de sa profession sans satisfaire à l'obligation de déclaration préalable prévue à l'article L. 4112-7 du même code. L'article L. 4314-5 rend applicable aux infirmiers et infirmières les dispositions pénales afférentes à l'exercice illégal de la médecine. Il convient de noter que l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 précitée a abrogé l'article L. 4162-2 et modifié la rédaction des articles L. 4161-5 et L. 4161-6 qui présentent désormais un dispositif similaire aux articles L. 4314-4 et L. 4314-5 en vigueur. Le paragraphe II propose une modification formelle qui n'a plus lieu d'être puisque l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 précitée a abrogé l'article L. 4314-7 du même code. Article 7 Cet article propose une nouvelle rédaction de l'article L. 4311-11 du code de la santé publique. Dans sa rédaction actuelle cet article met en place deux dérogations aux conditions de diplôme posées par l'article L. 4311-2 au profit des titulaires de l'un des brevets délivrés en application du décret du 27 juin 1922 portant institution du brevet de capacité d'infirmières professionnelles ou d'une autorisation d'exercer définitivement la profession d'infirmier, délivrée en application des dispositions transitoires de l'article 12 de la loi du 15 juillet 1943 relative à la formation des infirmières ou infirmiers hospitaliers ou de l'article 13 de la loi du 8 avril 1946 relative à l'exercice des professions d'assistantes ou d'auxiliaires de service social et d'infirmiers. La nouvelle rédaction propose de limiter la capacité d'exercice de la profession d'infirmier aux personnes satisfaisant aux conditions de diplôme posées aux articles L. 4311-3 et L. 4311-4 du même code. Est également posée l'obligation de faire enregistrer ces diplômes auprès du conseil régional de l'ordre des infirmiers de France et d'avertir cette instance en cas de changement de la situation professionnelle. Dans la mesure ou ces deux prescriptions figurent respectivement déjà aux articles L. 4311-2 et dans la nouvelle rédaction proposée pour l'article L. 4311-15 par l'article 8 de la présente proposition, on peut s'interroger sur la nécessité de conserver cet article. Article 8 Cet article propose une nouvelle rédaction des articles L. 4311-15 et L. 4311-16 du code de la santé publique qui définissent les modalités d'enregistrement des diplômes des infirmiers et d'inscription des professionnels sur des listes ou registres faisant l'objet d'une publicité. En ce qui concerne l'article L. 4311-15, les modifications apportées à la rédaction actuelle portent sur l'instance responsable de l'enregistrement des diplômes et de l'inscription sur une liste qui est désormais le conseil régional de l'ordre des infirmiers français en lieu et place du service de l'Etat compétent. De la même manière l'autorité habilitée à délivrer une autorisation de remplacement au bénéfice des infirmières et des infirmiers ne disposant pas d'une résidence professionnelle est désormais le conseil régional de l'ordre des infirmiers de France qui se substitue au représentant de l'Etat dans le département. Un droit d'accès permanent au registre tenu par le conseil régional de l'ordre est aménagé au profit du représentant de l'Etat dans la région et du parquet du tribunal de grande instance. La liste des professionnels inscrits est portée à la connaissance du public dans des conditions fixées par décret. L'article L. 4311-16 transfère du représentant de l'Etat dans le département au conseil régional de l'ordre des infirmiers le pouvoir de refuser l'inscription d'un demandeur qui ne remplit pas les conditions légales exigées pour l'exercice de la profession ou qui est frappé d'une interdiction temporaire ou définitive d'exercer en France ou à l'étranger. Article 9 Cet article propose une nouvelle rédaction des articles L. 4311-17 et L. 4311-18 du code de la santé publique qui traitent respectivement de l'incapacité à exercer en France pour les infirmiers qui ne disposent pas d'une connaissance suffisante de la langue française et des systèmes de poids et mesures utilisés en France ou qui sont affectés d'une infirmité ou d'un état pathologique rendant dangereux l'exercice de la profession. Dans l'article L. 4311-17, les modifications portent tout d'abord sur la liste d'inscription qui est désormais régionale et non plus départementale. Sans qu'il soit fait mention des éléments figurant dans le dossier d'inscription, la vérification incombe désormais au conseil régional de l'ordre et, en appel, au conseil national de l'ordre en lieu et place du médecin inspecteur départemental de santé publique et du médecin inspecteur régional de santé publique. Dans l'article L. 4311-18, la conséquence à tirer de l'infirmité ou de l'état pathologique du demandeur n'est plus le refus par le représentant de l'Etat dans le département de l'inscription sur la liste mais la demande adressée par l'ordre au médecin inspecteur régional de santé publique d'aviser sur le droit d'exercice du demandeur. La commission a examiné la présente proposition de loi au cours de sa séance du 18 janvier 2006. Un débat a suivi l'exposé du rapporteur. Mme Maryvonne Briot a indiqué que le projet de création d'un ordre des infirmiers et infirmières est un débat qui revient régulièrement à l'Assemblée nationale depuis dix ans et rappelé qu'en janvier 2003, déjà, elle était intervenue en séance publique lors de l'examen d'une précédente proposition de loi de M. Jean-Luc Préel sur le même sujet. La présente proposition répond incontestablement à des problèmes d'ordre juridique. Ainsi, les infirmières libérales sont contrôlées, sans assistance juridique adaptée, par les caisses primaires d'assurance maladie qui peuvent les sanctionner lourdement. Des commissions régionales et nationales sont prévues par une loi de 1980 mais ne sont toujours pas en place faute de décret d'application. La chambre disciplinaire de première instance instituée par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades n'a toujours pas été créée. Le Conseil supérieur des professions de santé ne s'occupe pas, de son côté, des infirmières. Il existe donc un vide juridique qui maintient la profession dans une forme d'insécurité. Il apparaît donc nécessaire de créer une instance de régulation de la profession qui représente l'ensemble des infirmières, salariées comme libérales. C'est pour cette raison que de nombreux députés ont cosigné en mai 2005 la proposition de loi de M. Jean-Luc Préel. Depuis cette date la profession s'est toutefois organisée : 38 associations et syndicats se sont structurés en un groupement qui a tenu 30 réunions de concertation en régions. Des états généraux seront organisés prochainement pour examiner collectivement les souhaits exprimés en régions par les infirmières, en faire une synthèse et adopter des propositions communes à toute la profession. Dans l'attente de la tenue de ces états généraux, il n'est pas possible que la représentation parlementaire prenne position sur l'organisation de la profession. Il est donc prématuré de discuter de la proposition de loi de M. Jean-Luc Préel car les députés ne peuvent aujourd'hui préjuger du résultat de cette discussion. En ce domaine il est en effet capital d'aboutir à un consensus, la loi devant traduire en droit les souhaits des personnes concernées. D'ores et déjà, il ressort des différentes réunions tenues en régions qu'il est nécessaire de mettre en place, dans un souci de proximité, une structure départementale de régulation de la profession. Une instance de conciliation pourrait être mise en place à l'échelon départemental, laquelle se distinguerait de l'instance disciplinaire au niveau régional et de la procédure d'appel à l'échelon national. Lorsque les attentes précises de la profession seront connues les députés devront donc retravailler complètement le texte de la proposition de loi. Dans l'attente, il convient de ne pas passer à l'examen des articles. M. Marc Bernier s'est déclaré d'accord avec Mme Maryvonne Briot pour considérer que la proposition de loi constitue en quelque sorte du « déjà vu », puisqu'en 2003 une proposition identique s'était heurtée à l'hostilité des professionnels. Il n'existe pas en effet chez ces derniers de volonté unanime de créer un ordre professionnel et cela pour de multiples raisons. Tout d'abord la phase de concertation, essentielle dans ce domaine, qui a été entamée par le ministre de la santé, n'est pas achevée ; ensuite le texte ignore la représentation des infirmiers au niveau départemental ; enfin l'écart entre la situation des infirmiers libéraux et des infirmiers hospitaliers n'est pas pris en compte. Il est cependant exact que les salariés qui représentent la grande majorité des infirmiers ont besoin d'un organisme de défense et que les professionnels exerçant sous la forme libérale souhaitent un organisme représentatif spécifique qui matérialise leur poids économique. Le fait d'introduire des cotisations obligatoires constitue un véritable casus belli à l'égard des salariés ; il conviendrait à tout le moins de moduler leur niveau. Cette proposition de loi n'est donc pas adaptée et surtout est prématurée. Mme Catherine Génisson s'est félicitée de l'accord unanime pour reconnaître la place de plus en plus grande des infirmiers et des infirmières dans la chaîne de soins et l'exposé des motifs qui s'inspire des revendications de cette profession est tout à fait légitime. Mais cette reconnaissance doit s'inscrire dans un cadre plus large prenant en compte l'évolution du système de santé. Les transferts de compétence et le travail en réseau sont contradictoires avec la mise en place de structures catégorielles. Il est regrettable que le conseil des professions paramédicales n'ait pas été créé et que l'on ait rétabli d'autres ordres professionnels qui segmentent inutilement l'offre de soins. Il est indispensable d'attendre les remontées du terrain car il n'existe actuellement pas de consensus au sein de la profession, notamment entre les salariés et les libéraux. Il faut réfléchir à une organisation générale des professions de santé, d'autant que l'on a vu les limites du fonctionnement de l'ordre des médecins qui ne s'est pas révélé à la hauteur des besoins notamment en ce qui concerne la permanence des soins. Sur la forme, le texte est largement perfectible car il néglige le niveau départemental et les relations entre les différents niveaux de représentation. Mais la principale critique porte sur la compétence qui serait donnée à l'ordre en matière de délivrance de label de qualité pour les actions de formation continue, ce qui doit être du ressort de l'État. Il faut se garder de traiter les problèmes de façon catégorielle et il est donc préférable de ne pas passer à l'examen des articles du texte. M. Pierre-Christophe Baguet a déclaré ne pas partager cet avis. Les infirmiers sont la profession clé du système de santé et ils jouent également un rôle essentiel en matière de lien social. Cette profession est d'ailleurs classée en tête des professions reconnues par l'opinion publique. Or ils se sentent négligés et rejetés. Ainsi, dans les conseils généraux toutes les professions de santé sont représentées officiellement sauf les infirmiers. Pourtant ils ont des revendications légitimes à faire valoir - formation professionnelle, indemnités kilométriques comparables à celle des médecins, ... - qui ne peuvent aboutir faute d'une représentation efficace. Le dépôt de plusieurs propositions de loi sur ce sujet témoigne qu'il est possible d'avancer, le cas échéant en ajoutant un échelon départemental. L'UDF est très attachée à faire progresser l'idée d'un ordre national des infirmiers et cette proposition, bien entendu amendable, mérite d'être examinée dès à présent. Mme Claude Greff a fait part de son accord avec l'analyse de la situation de la profession infirmière développée par Mme Maryvone Briot et Mme Catherine Génisson. La constance de M. Jean-Luc Préel à vouloir créer un ordre confine à l'obstination, surtout que la proposition de loi qu'il présente aujourd'hui est identique à celle qu'il avait présentée en 2003 alors que la situation a totalement évolué. Il faut écouter les professionnels, décider avec les autres et non pas à leur place, et ne pas se précipiter. M. Simon Renucci a estimé que la véritable question est celle de la clarification des rôles. La nécessaire représentation départementale et régionale de la profession d'infirmier pour traiter des questions de formation, de discipline ou d'éthique ne nécessite pas la création d'un ordre professionnel. Si l'on envisage néanmoins la création d'un ordre, il faut clarifier l'objectif : à quoi va-t-il servir et quel sera le niveau de représentation ? C'est une question importante qui mérite d'être de nouveau abordée dans l'avenir. M. Olivier Jardé a salué l'unanimité des analyses sur l'importance de la place des infirmiers dans la chaîne de soin. Leur rôle s'accroît en raison de transferts de tâches et de la démographie médicale, notamment dans le domaine des soins palliatifs. La nécessité d'un ordre professionnel s'impose pour organiser le respect des devoirs, la moralité et la gestion des conflits. Cet ordre a toute sa place dans la vie quotidienne de la profession. La critique tenant à l'absence de représentation au niveau départemental est surprenante car la réforme envisagée de l'ordre des médecins devrait avoir pour effet d'organiser la représentation de cette profession au seul niveau régional. Pourquoi cette démarche ne serait-elle pas pertinente pour les infirmiers ? Quant aux cotisations, toutes les professions de santé en payent. Sans doute n'existe-t-il pas aujourd'hui un consensus politique pour instaurer un ordre professionnel des infirmiers mais ce sera inéluctablement le cas dans un avenir proche. M. Claude Leteurtre a insisté sur le fait que, si la profession se mobilise en vue de la création d'une telle instance, c'est précisément en raison d'un déficit de représentation. C'est ainsi que doivent être interprétés les taux de 4 % de syndiqués et 8 % de personnes impliquées dans une association parmi les infirmiers et les infirmières. La nécessité de la reconnaissance de cette profession se fait ressentir de manière de plus en plus cruelle et aiguë. La création d'un ordre constituerait une réponse à un certain nombre de problèmes, tel celui des transferts de compétences. Il manque indéniablement un interlocuteur, un outil, qui puisse œuvrer aussi en matière de morale et de déontologie. Il est certes nécessaire d'écouter les souhaits des professionnels, mais le besoin existe et le texte propose une réponse même s'il est évidemment perfectible. Par ailleurs, il faut rappeler le retard français en ce qui concerne la transposition de la directive communautaire relative à la formation des infirmières. Mme Hélène Mignon s'est étonnée du concert de louanges à l'égard des ordres. Évoquant son expérience passée de médecin, elle a estimé que de telles instances ne constituent pas une solution aux problèmes rencontrés par les infirmières. Ce qui est nécessaire, c'est une organisation professionnelle capable de traiter aussi bien les problèmes strictement professionnels et organisationnels qu'éthiques. On peut d'ailleurs se demander pour quelle raison le conseil des professions médicales créé il y a quelques années n'a pas été installé. Il existe aujourd'hui un consensus pour ne pas adopter cette proposition de loi, lequel repose sur des idées communes et non sur une posture politicienne. En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les éléments d'information suivants : - La création d'un ordre professionnel est une nécessité, comme l'ont reconnu au cours de la présente discussion de nombreux intervenants, mais c'est également une urgence. Il s'agit d'offrir une organisation à l'ensemble de la profession, que ses membres exercent à titre salarié ou libéral. Les problèmes auxquels est confrontée la profession sont divers, comme la question des soins palliatifs ou encore les transferts de compétences. Il faut rappeler qu'aujourd'hui, lorsque se réunissent des professionnels de santé aux plans national ou international, aucune instance ne peut prétendre représenter les infirmières. - Cette demande est très ancienne et a été évoquée aussi bien lors de l'audition du « groupe Sainte-Anne » par le groupe d'étude de l'Assemblée nationale sur les professions de santé, qu'à l'occasion des revendications du printemps 2005 et du salon infirmier d'octobre dernier. Il faut souligner que la tenue d'états généraux a justement pour objectif de faire accélérer le processus en faveur de la création d'un ordre. Il est donc fallacieux de prétendre que la présente proposition est prématurée en raison de la réunion des états généraux de la profession. - Concernant l'institution d'un échelon départemental, on peut relever qu'aujourd'hui les différents ordres évoluent dans le sens du choix de l'échelon régional. Le secteur de la santé dans son ensemble va d'ailleurs vers cette régionalisation. Le choix de l'échelon régional, au détriment de l'échelon départemental, a été effectué à la demande des groupements d'infirmières. En outre, ce choix conduit à l'adoption d'une structure institutionnelle plus légère, aux coûts de fonctionnement moindres et donc de cotisations moins importantes. En tout état de cause, rien n'empêche l'adoption d'amendements, à l'Assemblée nationale ou au Sénat, pour améliorer la rédaction du texte : c'est la règle du débat parlementaire. - Le débat sur les cotisations obligatoires n'a pas lieu d'être. Il faut garder à l'esprit que de telles cotisations sont versées par les médecins salariés ainsi que par les kinésithérapeutes ou les podologues qui sont dans le même cas : c'est le propre des professions qui bénéficient d'un ordre. - Comme toute structure, un ordre vaut par les hommes et les femmes qui agissent en son sein. Tout adhérent dispose d'une voix et participe au choix de ses représentants, ce qui est parfaitement démocratique. - De nombreux intervenants reconnaissent la légitimité d'une structure pour représenter l'ensemble de la profession. À cet égard, le conseil national tel qu'il avait été adopté il y a quelques années présentait deux inconvénients : d'une part, il était pluriprofessionnel et ne permettait donc pas une prise en compte suffisante des besoins spécifiques de chaque profession ; d'autre part, il était réservé aux seules infirmières libérales. Or les problèmes sont largement les mêmes pour les infirmières salariées. - Il convient d'insister encore sur la nécessité et l'urgence d'instituer une telle structure, demandée par la quasi-totalité des infirmières libérales et par beaucoup d'infirmières salariées. Le présent texte est une base, qu'il est possible d'améliorer par voie d'amendements, mais il est important de profiter de cette occasion pour signifier la volonté du Parlement de créer cette structure importante pour le monde de la santé. M. Christian Kert, président, a remercié le rapporteur pour la qualité de ses réponses et de son rapport. Relayant la demande de Mmes Maryvonne Briot et Catherine Génisson, M. Christian Kert, président, a proposé aux commissaires de ne pas engager la discussion des articles, de suspendre les travaux de la commission et de ne pas présenter de conclusions sur le texte de la proposition de loi, tout en soulignant que cette position n'empêche ni la discussion en séance publique, ni la publication d'un rapport incluant le compte rendu des travaux de la commission au cours desquels chacun a eu tout loisir de s'exprimer. Suivant la proposition du président, la commission a décidé de suspendre l'examen de la proposition de loi et de ne pas présenter de conclusions. ----------- N° 2804 - Rapport au nom de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi (n° 2309 rectifié) de M. Jean-Luc Préel et plusieurs de ses collègues relative à la création d'un ordre national de la profession d'infirmier et d'infirmière (M. Jean-Luc Préel) 1 () ADELI (automatisation des listes) est un système d'information national sur les professionnels de santé. 2 « Modalités et conditions d'évaluation des compétences professionnelles des métiers de santé » août 2003 3 « Coopération des professions de santé :le transfert des tâches et des compétences » octobre 2003 4 () proposition de loi n° 137 présentée par M. Jean-Luc Préel relative à la création d'un ordre national de la profession d'infirmier et d'infirmière déposée le 24 juillet 2002 et examinée le 21 janvier 2003 par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. © Assemblée nationale |