______ ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 janvier 2006. RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI (n° 2787) pour l'égalité des chances, PAR M. Laurent HÉNART Député. -- INTRODUCTION 7 I.- ÉTAT DES LIEUX : LES JEUNES, LES QUARTIERS, L'ÉCOLE ET L'EMPLOI 9 A. UN TAUX DE CHÔMAGE DES JEUNES QUI RESTE PRÉOCCUPANT 9 1. Un taux de chômage des jeunes parmi les plus importants en Europe 9 2. Un taux de chômage des jeunes non qualifiés très élevé 10 B. TROP DE JEUNES SORTENT ENCORE DU SYSTÈME ÉDUCATIF SANS QUALIFICATION 12 1. Le constat : des jeunes sans qualification en trop grand nombre 12 2. Les causes : un nombre important de sorties sans qualification 13 C. LES ZONES URBAINES SENSIBLES (ZUS), CONCENTRÉ DE TOUTES LES DIFFICULTÉS 14 II.- PROMOUVOIR TOUTES LES VOIES D'ACCÈS À L'EMPLOI 17 A. FACILITER LA DÉCOUVERTE DES MÉTIERS : LE CHOIX DU DÉVELOPPEMENT DE L'APPRENTISSAGE 17 1. L'apprentissage, outil contre le décrochage 17 2. Le choix de l'apprentissage junior 20 3. Une étape d'un projet plus global de relance de l'apprentissage 21 B. PERMETTRE LA CONSOLIDATION PROGRESSIVE DES EMPLOIS 22 C. FAVORISER L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIALE DANS LES QUARTIERS 23 1. La vitalité économique des zones franches urbaines 24 2. Une relance économique, commerciale et culturelle nécessaire dans les zones urbaines sensibles 25 3. L'encouragement d'une politique fondée sur les territoires 25 III.- FONDER LA SOCIÉTÉ ÉDUCATIVE 27 A. REPENSER L'ORGANISATION ADMINISTRATIVE 27 B. SANCTIONNER EFFECTIVEMENT LES ACTES DE DISCRIMINATION 27 C. PROMOUVOIR LA DIVERSITÉ SOCIALE DANS LES MÉDIAS AUDIOVISUELS 28 D. RESPONSABILISER LES PARENTS 30 E. TROUVER DES RÉPONSES ADAPTÉES AUX INCIVILITÉS 31 F. VALORISER LES PROGRAMMES D'ACCOMPAGNEMENT ET L'ENGAGEMENT VOLONTAIRE DES JEUNES 32 TRAVAUX DE LA COMMISSION 33 I.- AUDITION DES MINISTRES 33 II.- DISCUSSION GÉNÉRALE 41 III.- EXAMEN DES ARTICLES 43 Avant le titre Ier 43 TITRE IER - MESURES EN FAVEUR DE L'ÉDUCATION, DE L'EMPLOI ET DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE 43 Section 1 - « Formation d'apprenti junior » et contrat de professionnalisation 43 Article 1er : Création de « l'apprentissage junior » 43 Article 2 : Modifications du code du travail nécessaires à la mise en œuvre de l'apprentissage junior 58 Article 3 : Crédit d'impôt au profit des entreprises employant des apprentis juniors 66 Article additionnel après l'article 3 : Missions du fonds unique de péréquation des fonds de la formation professionnelle continue 69 Article additionnel après l'article 3 : « Contrat première embauche » 69 Article 4 : Procédure de prise en charge financière des formations du contrat de professionnalisation par les OPCA 72 Article additionnel après l'article 4 : Modulation du taux de la taxe d'apprentissage pour favoriser l'alternance 75 Après l'article 4 76 Section 2 : Emploi des jeunes 78 Article 5 : Accès prioritaire au dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise (SEJE) au profit des jeunes issus des zones urbaines sensibles 78 Section 3 : Zones franches urbaines 83 Article 6 : Création de nouvelles zones franches urbaines (ZFU) 83 Article 7 : Allègement d'impôt sur les bénéfices 87 Article 8 : Investissements des grandes entreprises dans les ZFU 97 Article 9 : Exonérations de cotisations sociales patronales dans les ZFU 101 Article 10 : Mise en œuvre de la clause locale d'embauche dans les nouvelles ZFU 106 Article 11 : Prorogation et extension aux nouvelles ZFU de l'exonération de cotisations sociales personnelles 108 Article 12 : Assouplissement de la procédure d'autorisation des implantations commerciales en ZFU 112 Article 13 : Dispense d'autorisation pour les projets de multiplexes cinématographiques 115 Article 14 : Dispense d'autorisation pour les projets d'équipement commercial d'une surface inférieure à 1500 m2 et l'établissement de certains établissements hôteliers 118 Article 15 : Exonération de taxe d'aide au commerce et à l'artisanat 120 TITRE II - MESURES RELATIVES À L'ÉGALITÉ DES CHANCES ET À LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS 122 Section 1 - Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances 122 Article 16 : Création de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances 122 Article 17 : Substitution de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances au Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations 131 Article 18 : Coordination 132 Section 2 - Renforcement des pouvoirs de sanction de la Haute autorit de lutte contre les discriminations et pour l'égalité 135 Article 19 : Sanctions pécuniaires prononcées par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) 135 Article 20 : Recommandations de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité à l'encontre des personnes soumises à un régime d'agrément ou d'autorisation 139 Article 21 : Reconnaissance du recours à la pratique des tests comme mode de preuve au pénal 141 Article 22 : Application outre-mer des dispositions relatives à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité et à la pratique des tests 144 Section 3 - Actions en faveur de la cohésion sociale et lutte contre les discriminations dans le domaine audiovisuel 145 Article 23 : Actions de cohésion sociale et lutte contre les discriminations à la télévision et à la radio 145 TITRE III - CONTRAT DE RESPONSABILITÉ PARENTALE 161 Article 24 : Définition du contrat de responsabilité parentale 161 Article 25 : Suspension des prestations familiales 173 TITRE IV - LUTTE CONTRE LES INCIVILITÉS 175 Article 26 : Élargissement des pouvoirs de constatation de la police municipale 175 Article 27 : Procédures alternatives à l'encontre des auteurs d'actes d'incivilité 176 Article 28 : Création du service civil volontaire 180 TABLEAU COMPARATIF 183 AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 229 ANNEXE - LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 233 La crise qu'ont traversée cet automne certains des quartiers de nos villes a agi comme un révélateur. Ce que nous savions, mais parfois ne voulions pas voir, est apparu clairement. Ces quartiers peuvent apparaître comme le précipité de tous les maux de la société française : décrochages massifs du système scolaire, parfois carence de l'autorité naturelle qui doit être celle des parents, chômage, précarité, discriminations choquantes... Pouvons-nous nous désintéresser de ces quartiers où vit près d'un Français sur dix ? La réponse à apporter est urgente et, selon les valeurs de notre République, elle ne peut être que l'égalité des chances. L'égalité des chances, c'est d'abord de permettre à tous d'accéder à l'emploi et ce durablement. Le récent constat de l'OCDE sur le temps moyen qu'il faut à un jeune de France pour se stabiliser dans l'emploi, soit huit à onze ans, doit nous faire réfléchir : il ne faut pas seulement combattre le chômage des jeunes, mais aussi leur enfermement dans des emplois précaires, des « boulots pour jeunes ». C'est pourquoi les formules consistant à proposer aux jeunes des emplois qui leur seraient réservés pour quelques années, sans se préoccuper de l'après, ont échoué. L'enjeu est désormais de faire en sorte de stabiliser, de consolider progressivement des emplois qui doivent devenir, le plus rapidement qu'il est possible, des « vrais » emplois « de droit commun ». Cela implique une grande diversité d'instruments : promotion de toutes les voies d'excellence, incitations financières à l'emploi des jeunes et au développement de l'activité dans les quartiers en difficulté, offre de contrats de travail permettant une consolidation progressive... Assurer l'égalité des chances, c'est aussi prendre conscience que l'on ne peut pas tout attendre de l'école. C'est toute la société qui doit apprendre à être « éducative » : cela implique de réfléchir à la manière de mettre en œuvre les moyens publics disponibles pour dépasser les politiques sectorielles, de mobiliser également la société à travers ses médias, de se donner les moyens effectifs de combattre l'injustice profonde des discriminations, de reconnaître et de valoriser toutes les formes innovantes d'accompagnement éducatif, de préférer, lorsque la sanction est nécessaire, la pédagogie de la réparation aux solutions traditionnelles de répression. Le présent projet de loi, tel que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales l'a amendé et complété, sur la proposition de ses membres ou sur celle du gouvernement, comporte un ensemble complet et cohérent de mesures pour l'égalité des chances. Mais la loi ne peut pas tout et c'est à tous, ensuite, administrations, élus locaux, organismes sociaux, associations, entreprises, et bien sûr aux jeunes des quartiers, qu'il appartiendra de faire vivre les outils que nous aurons apportés. I.- ÉTAT DES LIEUX : LES JEUNES, LES QUARTIERS, L'ÉCOLE ET L'EMPLOI Depuis de longues années, la France entretient avec ses quartiers, son système éducatif et le chômage des relations difficiles. A. UN TAUX DE CHÔMAGE DES JEUNES QUI RESTE PRÉOCCUPANT Cette spécificité française n'est pas nouvelle. Il faut la rappeler ici, car cette question constitue la pointe des difficultés que prend en compte le présent projet de loi. 1. Un taux de chômage des jeunes parmi les plus importants en Europe Ces chiffres sont malheureusement bien connus, mais il convient de les rappeler pour mémoire. En octobre 2005, on dénombre en France 423 300 chômeurs de moins de vingt-cinq ans, ce qui représente une diminution de 1,3 % sur un mois et 2,6 % sur un an. En novembre 2005, ce nombre a encore diminué de 0,7 %. Néanmoins, ce chiffre reste excessif au regard de la situation prévalant dans les autres pays de l'Union européenne par exemple, comme le montre le tableau présenté ci-après. Le chômage des jeunes de 15 à 24 ans dans l'Union européenne (en % )
2. Un taux de chômage des jeunes non qualifiés très élevé Comme le montre le tableau présenté ci-dessous, l'écart de la performance française par rapport à nos partenaires est encore plus important pour ce qui concerne le chômage des jeunes non qualifiés. Taux de chômage des jeunes actifs de 15-24 ans ayant le niveau du brevet ou sans diplôme Source : Eurostat. Il est indéniable, contrairement aux idées empreintes d'un certain fatalisme parfois véhiculées, que le taux de chômage des jeunes décroît avec l'importance du diplôme acquis. Le graphe suivant montre que cette assertion se vérifie sur une longue période. Taux de chômage des jeunes actifs de 15-24 ans, en fonction de leur niveau de diplôme (1971-2004) Source : INSEE, enquêtes Emploi. En outre, un même constat peut être établi dans presque tous les pays, à l'exception des Pays-Bas, de l'Italie et de la Grèce. Proportion de jeunes de 25 à 29 ans au chômage et non scolarisés selon leur niveau de diplôme (2003) Source : OCDE-CERI Or, à l'évidence, la France se caractérise, sur un plan aussi éducatif qu'économique, par l'existence d'une population encore trop importante dépourvue de réelle qualification ou à la qualification insuffisante. B. TROP DE JEUNES SORTENT ENCORE DU SYSTÈME ÉDUCATIF SANS QUALIFICATION 1. Le constat : des jeunes sans qualification en trop grand nombre Sans doute faut-il avant tout rappeler, conformément au graphe présenté ci-après, que la proportion des jeunes sortant du système scolaire sans qualification est sur le long terme décroissante : en 1965, plus de 35 % des « sortants » finissaient leur formation initiale sans qualification. Après quelques mois de formation professionnelle, ils arrêtaient avant l'obtention d'un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) ou d'un brevet d'études professionnelles (BEP). Aujourd'hui, ce taux est de 6 % des jeunes. Proportion de jeunes sortant sans qualification de 1965 à 2003 Source : MEN-DEP et INSEE Toutefois, si l'on retient le seuil minimum de qualification conforme à celui de l'Union européenne et des organismes internationaux, repris pour les critères de référence de la stratégie de Lisbonne, à savoir l'obtention d'un diplôme du second cycle de l'enseignement secondaire, ce taux s'élève de 6 % à 18 %. En plus des jeunes qui ont arrêté leurs études avant de terminer le second cycle de l'enseignement secondaire, ces 18 % comptent tous ceux qui ont atteint la fin du second cycle mais ont échoué aux baccalauréats, brevets d'études professionnelles (BEP) et certificats d'aptitudes professionnelles (CAP). Ce constat éducatif, et les conséquences économiques qu'il emporte, ne peuvent laisser indifférent. L'examen des causes de cet état des lieux permet d'affiner la réflexion sur les solutions qu'il est possible d'apporter pour remédier à cette situation. 2. Les causes : un nombre important de sorties sans qualification En juin 2005, les inspections générales de l'éducation nationale et de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche ont remis au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ainsi qu'au ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche un rapport intitulé : « Sorties sans qualification ». Ce rapport analyse notamment les causes et les évolutions de ces sorties sans qualification. A cet égard, il pointe tout particulièrement la question des « décrocheurs ». Il propose dans cette perspective une analyse des situations de « décrochage », dans la mesure où « le décrochage et l'abandon prématuré du système scolaire nourrissent largement les sorties sans qualification » (1). Le rapport distingue quatre types de « décrocheurs » : - les discrets, qualifiés de « faibles mais sérieux », qui seraient les plus nombreux, pouvant passer inaperçus car ne manifestant aucun trouble de comportement, leur seul « défaut » étant de ne pas bien réussir à l'école ; - les désengagés, qui ne travaillent pas alors qu'ils ont les capacités nécessaires pour réussir ; - les sous-performants, dont le « rendement moyen » est très faible ; - les inadaptés, qui cumulent les problèmes, tant sur le plan des apprentissages que sous l'angle des comportements. Le rapport conclut à la difficulté de repérer les élèves à risques ou les élèves en cours de décrochage. Ce constat montre de toute évidence que notre système scolaire n'est pas en mesure d'offrir un accompagnement et des perspectives adaptés à tous les jeunes. La diversification des parcours, la promotion de toutes les voies d'excellence ont-elles été suffisamment explorées ? C. LES ZONES URBAINES SENSIBLES (ZUS), CONCENTRÉ DE TOUTES LES DIFFICULTÉS La situation dans les ZUS constitue, d'une certaine façon, le troisième élément d'un constat qu'a reflété également la crise de l'automne dernier. Les zones urbaines sensibles continuent aujourd'hui à concentrer un ensemble de difficultés considérables, comme l'atteste, par exemple, le rapport pour 2005 de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles. Quelques chiffres suffisent à étayer ce constat. Ainsi, le taux de chômage, au sens du bureau international du travail, des 15-59 ans est en moyenne, sur l'année 2004, de 20,7 % dans les ZUS, en progression d'un point par rapport à 2003. Il correspond environ au double de la moyenne nationale. Plus encore, dans les ZUS, le fait d'être femme, d'être jeune ou immigré, expose davantage au risque du chômage : c'est dire que ces territoires sont le lieu des discriminations, de toutes sortes. Au demeurant, de nombreuses études montrent que, parmi les multiples facteurs cumulatifs qui caractérisent les discriminations, le lieu de résidence est l'un des plus déterminants. Le tableau présenté ci-après illustre bien les divergences en matière de taux d'activité entre les ZUS et les parties du territoire situées hors des ZUS. Taux d'activité en 2003 et 2004 selon le sexe, l'âge et le lieu de résidence (en % )
Source : enquêtes « Emploi » 2003 et 2004 - Insee. Mais cet aperçu de la situation de l'emploi ne peut suffire à rendre compte des difficultés rencontrées par ces zones. La situation de l'éducation n'est pas plus favorable, comme le montrent les chiffres suivants. Si l'on examine la scolarité des collèges des ZUS, la proportion des élèves en retard de deux ans ou plus en sixième est supérieure de trois points dans les établissements des ZUS, de même que les élèves de troisième orientés vers l'enseignement général et technologique sont plus nombreux à redoubler leur seconde (22 % en ZUS contre 18 % en dehors). L'écart de réussite au diplôme national du brevet est de 10 points environ en défaveur des élèves scolarisés en ZUS. D'autres domaines encore pourraient illustrer cette situation, à l'image de l'activité économique, qui certes a connu un réel dynamisme ces dernières années grâce à la politique de création de zones franches urbaines, mais qui pourrait encore, dans un certain nombre de cas, être redynamisée. Au total, le constat peut sembler bien sombre. Les zones urbaines sensibles apparaissent comme concentrant toutes les difficultés. Paradoxalement, ce constat est porteur d'espoir : en ciblant nos efforts sur ces zones, nous pouvons espérer remédier à bien des maux de la société française. II.- PROMOUVOIR TOUTES LES VOIES D'ACCÈS À L'EMPLOI Le présent projet pour l'égalité des chances œuvre dans plusieurs directions, qui lui donnent toute sa cohérence au service d'un même objectif : promouvoir les voies d'accès à l'emploi et relancer l'activité. Cela passe par l'institution de l'apprentissage junior, nouvelle forme de préapprentissage suivie d'une entrée en apprentissage à l'âge de quinze ans ; par une voie nouvelle de consolidation progressive des emplois ; par la poursuite de l'encouragement à l'activité économique et sociale dans les quartiers. A. FACILITER LA DÉCOUVERTE DES MÉTIERS : LE CHOIX DU DÉVELOPPEMENT DE L'APPRENTISSAGE 1. L'apprentissage, outil contre le décrochage L'apprentissage, dont personne n'aurait la naïveté de le considérer comme la seule voie efficace de formation, présente dans le même temps des caractéristiques qui en font une voie particulièrement efficace pour « casser » le cercle vicieux des relations entre les jeunes et le chômage aujourd'hui, comme le montrent de très nombreuses études récentes. L'apprentissage, lieu privilégié pour l'insertion Une récente analyse par l'institut national de la statistique et des études économiques de l'accès au premier emploi au cours des années 1990 met en évidence les éléments suivants (2) : - L'apprentissage a pris une place de plus en plus importante dans la formation initiale, pour les bas niveaux de qualification comme pour les formations d'ingénieur, conformément au tableau présenté ci-après. L'évolution du poids de l'apprentissage selon le type de diplôme préparé entre 1990 et 1999
- « Avoir été apprenti favorise l'accès à l'emploi » : « Les jeunes ayant préparé leur diplôme par l'apprentissage ont une probabilité plus forte que les lycéens d'obtenir un emploi à la sortie du système éducatif. L'apprentissage prémunit donc du chômage à la sortie du système éducatif (...) ». Les auteurs de l'étude citent d'autres résultats selon lesquels, en outre, l'apprentissage favorise l'accès direct à un contrat à durée indéterminée et à des postes d'employés ou d'ouvriers qualifiés. Il est précisé que cet effet ne résulte pas uniquement de ce que les apprentis peuvent obtenir leur premier emploi chez leur maître d'apprentissage. Il existe en effet une préférence des entreprises pour les apprentis car ceux-ci ont une certaine expérience professionnelle : en apprentissage, le jeune a acquis des habitudes de travail (horaires, conditions de travail) qui lui permettront de mieux s'intégrer dans l'entreprise. En outre, rappellent les auteurs de ces études, « les jeunes issus de filières professionnelles peuvent s'appuyer sur un réseau de contacts plus performant [que les lycéens], notamment pour l'obtention du premier emploi stable ». L'ensemble de ces analyses témoigne de la nécessité à la fois de privilégier l'apprentissage pour « casser » le triptyque que constituent aujourd'hui les jeunes, l'école et le chômage, mais aussi de le moderniser de manière à en pallier les limites, liées notamment aux ruptures de contrats d'apprentissage. C'est le sens de la réforme du présent projet de loi avec la création d'un apprentissage junior, qui a été préconisé par plusieurs rapports récents. Moderniser l'apprentissage : l'apprentissage à 14 ans préconisé par plusieurs rapports récents Le Livre blanc de l'apprentissage (3) avait déjà, en 2003, proposé deux thèmes de réflexion : mieux informer les jeunes sur les métiers ; favoriser la découverte de l'entreprise par les jeunes. Au thème sur l'information des jeunes sur les métiers étaient rattachées trois propositions : créer un point d'information sur les métiers dans chaque collège et lycée ; développer des parcours de découverte de métiers pour les jeunes dès la quatrième ; actualiser les fiches métiers de l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP) et les diffuser sur Internet. D'une certaine manière, le présent projet, en proposant une première phase de l'apprentissage junior (phase de l'apprentissage initial) axée sur un parcours d'initiation aux métiers, reprend ces propositions. Le deuxième thème, consacré à la découverte de l'entreprise par les jeunes, renfermait quatre propositions : créer un « droit à la découverte de l'entreprise » pour les jeunes au collège et au lycée (les séquences d'observation devant laisser aux jeunes à partir de quatorze ans la possibilité d'effectuer des travaux légers) ; développer les « stages-découverte » pendant et hors des vacances scolaires ; simplifier et assouplir les règles s'appliquant à l'emploi des jeunes mineurs aux « jobs » hors temps scolaire ; encourager le développement des classes en alternance à partir de quatorze ans. Cette dernière proposition mettait l'accent sur les défauts des classes préparatoires à l'apprentissage (CPA) et des classes d'initiation préprofessionnelle en alternance (CLIPA) : « D'une part, [le dispositif actuel] manque de lisibilité et complique le choix pour les jeunes et pour les parents. D'autre part, les CLIPA et CPA souffrent d'une mauvaise image, associée à la perspective d'une réorientation précoce sans droit au retour possible ». Le rapport proposait alors l'extension de la possibilité des parcours alternants par un accueil en centres de formation d'apprentis (CFA). Il proposait aussi que les CPA et CLIPA puissent être repensés au profit d'une « nouvelle structure dotée d'un cadre juridique bien établi ». De fait, si le préapprentissage a eu beaucoup de succès dans les années 1970 (environ 75 000 jeunes en préapprentissage), à l'heure actuelle on dénombre seulement 11 500 personnes dans ces filières, dont 9 600 prises en charge par les CFA et donc moins de 2000 prises en charge par l'Education nationale. En outre, les classes de préapprentissage fonctionnent trop souvent comme des classes « d'attente ». L'idée de relancer des filières de préapprentissage, pour profiter de cet existant, tout en relançant l'apprentissage en vue de permettre aux jeunes d'acquérir une formation diplômante et d'accéder à l'emploi, est au fondement du présent projet de loi, qui crée une forme nouvelle d'apprentissage junior, qui vient se substituer aux CPA et CLIPA existantes. Des propositions comparables figurent aussi dans un rapport plus récent, présenté par Mme Irène Tharin (4). Ce rapport, en établissant un « constat globalement inquiétant », met l'accent sur « l'échec scolaire et universitaire ». D'où les propositions suivantes : « il faut donc s'intéresser à l'ouverture de filières d'apprentissage dès l'âge de quatorze ans », la proposition étant que « tout jeunes quittant le collège sans intégrer un autre établissement scolaire [se voie] offrir un contrat d'apprentissage » et que « tout jeune quittant un lycée ou un lycée professionnel en cours de formation [reçoive] une proposition de contrat d'apprentissage ». Dans ce même rapport, Mme Irène Tharin insiste aussi sur l'importance des stages en entreprise et propose de « mieux préparer les stages de découverte en entreprise des élèves de collège et [de] prévoir un temps de restitution collective pour la classe ». L'apprentissage junior s'inscrit dans la voie ainsi tracée par le Livre blanc sur l'apprentissage et le récent rapport sur l'orientation et la réussite scolaire. 2. Le choix de l'apprentissage junior Les principes au fondement de l'apprentissage junior L'idée de l'apprentissage à quatorze ans consiste non à créer au profit des jeunes de quatorze ans directement un contrat d'apprentissage, mais à orienter les jeunes qui ne s'épanouissent pas au collège vers une filière initiale de formation d'un métier, et ce en vue d'un diplôme. Ce dispositif « à double détente » comporte deux parties : le parcours d'initiation aux métiers, qui épouse les contours de l'ex-CLIPA ; un contrat d'apprentissage, à un âge antérieur à seize ans, qui prend place dans le cadre des dérogations déjà existantes. Pour autant, il ne s'agit pas d'une simple juxtaposition. Ces deux étapes présentent une cohérence par rapport à un projet personnalisé d'ensemble, élaboré dès le départ. Le projet personnalisé est établi dans la perspective d'un diplôme. Le jeune s'engage en vue d'intégrer une famille de métiers. Ce projet personnalisé définit les modalités d'accompagnement de l'apprenti junior au long de sa formation. Il met en perspective le projet de l'intéressé sur l'ensemble de l'année. L'apprentissage junior repose sur un certain nombre de principes fondamentaux : - Le volontariat : les jeunes choisissent librement d'entrer ou non en apprentissage junior, en accord avec la famille. Ils ne sont pas désignés à cet effet. - La réversibilité : jusqu'à atteindre l'âge de la fin de la scolarité obligatoire, le retour au collège est possible. Cette réversibilité vaut quelle que soit la phase d'apprentissage junior (phase initiale ou confirmée). - L'accompagnement renforcé : cet accompagnement est prévu pendant la période d'initiation mais aussi pendant la phase d'apprentissage. A cet égard, la commission a consacré, par voie d'amendement, l'existence d'un tuteur, désigné au sein de l'équipe pédagogique. La phase initiale de parcours d'initiation aux métiers Il est important de garder à l'esprit que les apprentis juniors y sont sous statut scolaire. Dans le parcours d'initiation aux métiers sont dispensés des enseignements généraux et pratiques. De plus, sont effectuées des visites d'observation en entreprise et des stages en milieu professionnel. Les entreprises seront incitées à recruter des jeunes pour des stages grâce à l'établissement d'un crédit d'impôt de 100 euros. L'entrée en apprentissage « de droit commun » L'entrée en apprentissage se fait si l'équipe pédagogique juge que l'élève est capable d'ainsi poursuivre ou consolider le socle commun de connaissances et de compétences. Le contrat d'apprentissage se déroule ensuite selon les modalités du droit commun de l'apprentissage 3. Une étape d'un projet plus global de relance de l'apprentissage Le lancement de l'apprentissage junior prend place au sein d'une relance plus vaste de l'apprentissage ouverte avec le plan de cohésion sociale et la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005, relance à la fois qualitative et quantitative de l'apprentissage, qui se donne pour objectif le chiffre de 500 000 apprentis en 2009. Le présent projet s'inscrit dans cette démarche tout en l'approfondissant à plusieurs égards. D'une part, il approfondit l'accompagnement renforcé de l'apprenti, engagé avec la loi de programmation pour la cohésion sociale : celle-ci prévoyait notamment à cet effet une procédure d'entretien entre l'apprenti, l'employeur, le maître d'apprentissage, un formateur du centre de formation d'apprentis et, si besoin est, les parents de l'apprenti dans les deux mois suivant la conclusion du contrat d'apprentissage, ou encore la constitution d'équipes tutorales. D'autre part, elle approfondit la souplesse du statut de l'apprenti. Or la loi de programmation pour la cohésion sociale avait déjà ouvert la possibilité de s'affranchir de l'autorisation du service de l'inspection d'apprentissage dans le cas de l'enseignement supérieur, prévu la variation de la durée de l'apprentissage au-dessous d'un an ou encore le dépassement de la limite d'âge de vingt-cinq ans en apprentissage dans certains cas. Enfin, elle s'inscrit dans le nouveau cadre du financement de l'apprentissage en en mobilisant les ressources et les procédures au profit de l'apprentissage junior, qu'il s'agisse des mécanismes de crédit d'impôt destinés à inciter les entreprises à embaucher des apprentis, des contrats d'objectifs et de moyens pour le développement de l'apprentissage ou encore de la création du Fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage. B. PERMETTRE LA CONSOLIDATION PROGRESSIVE DES EMPLOIS Créé en 2002, le dispositif dit de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise (SEJE), plus communément appelé contrat jeune en entreprise, avait déjà bénéficié au 30 juin 2005 à près de 230 000 jeunes. Consistant en l'attribution d'une aide à l'employeur versée pendant trois ans sous réserve qu'il embauche un jeune peu ou moyennement qualifié, le SEJE s'est révélé un outil puissant à la fois d'accès à l'emploi et de stabilisation dans l'emploi : - Plus de 30 % de ses bénéficiaires étaient demandeurs d'emploi avant d'y entrer et 10 % inactifs. - Le contrat doit être conclu à durée indéterminée, sur un temps plein ou un temps partiel excédant le mi-temps. Le taux de sortie cumulé constaté sur trois ans, soit 42 %, rend compte d'une bonne stabilité des emplois (il faut savoir qu'en moyenne, environ 40 % des salariés occupant un emploi donné à une date ne l'occupent plus une seule année après). Initialement, le SEJE était réservé aux 16-22 ans. La loi de programmation pour la cohésion sociale l'a étendu aux 16-25 ans très peu qualifiés et bénéficiaires d'un contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS). L'article 5 du projet de loi propose d'appliquer aussi cette dérogation d'âge aux jeunes résidant en zone urbaine sensible, qui accéderaient en outre au SEJE quel que soit leur niveau de diplôme, leurs employeurs bénéficiant d'un taux d'aide majoré. Le rapporteur considère que l'on pourrait aller plus loin pour simplifier et dynamiser ce dispositif. D'une part, il s'agirait d'unifier la condition d'âge, qui serait 16-25 ans pour tous les publics. D'autre part, la modulation du montant de l'aide, effectuée depuis la loi de programmation pour la cohésion sociale en fonction du niveau de qualification, pourrait tenir compte non seulement de la résidence éventuelle des jeunes en ZUS, mais aussi de leur adhésion ou non au CIVIS, critère potentiellement plus simple, donc plus opérationnel, pour cibler les jeunes non qualifiés des quartiers. En outre, il convient de traduire dans la loi la décision prise par le Premier ministre et annoncée lors de sa conférence de presse du 16 janvier : étendre provisoirement l'accès au SEJE à l'ensemble des jeunes au chômage depuis plus de six mois à la date de cette annonce. La relance du SEJE constitue un complément opportun de la mise en place de modalités nouvelles de consolidation des emplois offerts aux jeunes à travers le « contrat première embauche », qui comporte, en contrepartie de modalités simplifiées de rupture pendant les deux premières années, des garanties renforcées en matière d'indemnisation et de formation. C. FAVORISER L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIALE DANS LES QUARTIERS La logique au fondement des mesures visant à favoriser le développement économique et social des quartiers sensibles peut être ainsi résumée : « pour relayer une métaphore sismique souvent employée, les quartiers sensibles se trouvent, à bien des égards, à l'épicentre de ce qui est désigné comme « exclusion » ou « fracture sociale », dans ses déclinaisons urbaines, voire ethniques. Pour leurs habitants comme pour la société dans son ensemble, ces quartiers apparaissent comme un facteur de risque, pas seulement parce qu'ils suscitent des craintes et des peurs, mais surtout parce qu'ils représentent une menace en termes globaux de cohésion sociale. Ils mettent certainement en péril, par moments et par endroits, la tranquillité, la sécurité ou, plus généralement, le bien-être des habitants. » (5). La cohésion sociale et l'égalité des chances sont en effet au fondement de ces mesures, partie intégrante de la politique en faveur des territoires, telle qu'elle est menée avec cohérence depuis maintenant plusieurs années. C'est l'objet du présent texte que de tirer les conséquences d'un bilan très positif concernant la mise en œuvre des ZFU - plus mitigé s'agissant des ZUS - pour proposer des mesures à mêmes d'approfondir encore cette démarche. 1. La vitalité économique des zones franches urbaines Le succès rencontré par la création des zones franches urbaines (ZFU) dans la revitalisation du tissu économique de territoires en difficulté, ainsi que dans l'accès à l'emploi des résidents, inspire les mesures de la section 3 du titre Ier du projet de loi. Les ZFU ont été instituées au nombre de quarante-quatre par la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville, la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire poursuivant cette politique avec la création de quarante et une autres ZFU : ainsi étaient constitués des territoires particuliers au sein desquels, afin de faciliter l'accès à l'emploi au profit des habitants des quartiers en difficulté, les entreprises bénéficient d'un dispositif complet d'exonérations de charges fiscales et sociales, conformément au tableau présenté ci-dessous, ainsi que, de manière plus générale, d'un environnement propice au développement économique grâce à des programmes établis dans le cadre de la politique de la ville (qu'il s'agisse de rénovation urbaine, de sécurité, d'éducation, ou plus généralement de développement des services publics). Le coût du dispositif ZFU (en M€)
n.d. = non disponible Sources : Jaune budgétaire projet de loi de finances 2005. Acoss et Direction générale des impôts. Il convient de revenir sur ce bilan, retracé de manière assez exhaustive notamment dans le rapport pour 2005 de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles. Les quelques chiffres rappelés ci-après illustrent le succès de cette politique. Ainsi, s'agissant des ZFU créées en 1996, que l'on peut dire de première génération, on peut relever que le stock d'établissements présents est en progression depuis 1999 : au nombre d'environ 17 000 au 1er janvier 1999, les établissements implantés en ZFU de première génération sont 25 000 environ au 1er janvier 2004. De manière plus précise, le nombre d'installations en 2004 est de 10 % plus élevé qu'en 2003. Un même succès qualifie la deuxième génération de ZFU, créée en 2003 : ouvertes au 1er janvier 2004, elles comportent à cette date 12 000 établissements. 3000 établissements se sont installés dans ces zones en 2004. Au total, du fait de leur implantation dans l'une des quatre-vingt-cinq ZFU,13 500 établissements bénéficient fin 2004 d'exonérations de cotisations sociales patronales, concernant 68 600 salariés. L'effet sur l'emploi doit en outre être souligné : en 2003, les résidents des ZFU représentent 27 % des salariés recrutés dans les établissements implantés avant le 1er janvier 2002 et 32 % de ceux embauchés dans les établissements plus récents. 2. Une relance économique, commerciale et culturelle nécessaire dans les zones urbaines sensibles Au 1er janvier 2004, on dénombre près de 50 000 (49 700) établissements dans les ZUS de France métropolitaine qui ne constituent ni des ZRU ni des ZFU de première génération. Avec 8 300 nouveaux établissements en 2004, issus de créations ou de transferts d'établissements existants, le nombre d'installation dans les ZUS est en progression depuis 2002. Néanmoins, il convient de relever certaines difficultés, conformément à la précision apportée par l'exposé des motifs du projet de loi : « les ZUS à forte densité de population situées à la périphérie des centres urbains sont très peu dotées en commerces, hôtels ou cinémas. Cette situation affecte l'animation économique, commerciale et culturelle des quartiers, renforce leur isolement et pénaliser leurs habitants qui sont privés des emplois de proximité qui pourraient être créés directement ou induits par ces activités. Cela diminue également les ressources des communes qui pourraient être tirées d'activités commerciales ». On ne reviendra pas en outre sur les difficultés particulières en matière d'emploi ou d'éducation rencontrées dans ces zones. 3. L'encouragement d'une politique fondée sur les territoires Pour l'ensemble de ces raisons, le présent projet de loi propose deux séries de mesures, centrées respectivement sur la poursuite des efforts engagés dans les ZFU et sur la relance de l'activité dans ces territoires. L'extension et la prorogation des ZFU Le présent projet de loi institue une nouvelle génération d'une quinzaine de zones franches urbaines. Il rend applicables dans ces zones, pour une période ouverte jusqu'au 31 décembre 2011, des dispositifs d'exonérations fiscales et sociales comparables à ceux existants. Par ailleurs, il étend les périodes d'ouverture des exonérations préexistantes, dans les zones franches urbaines de première et de deuxième génération, jusqu'à cette même date. Ainsi sont réalisées à la fois une prorogation et une harmonisation d'un dispositif qui sera valable désormais dans une centaine de zones franches urbaines. Le présent projet de loi institue par ailleurs une déduction destinée à inciter les grandes entreprises à investir dans les petites et moyennes entreprises situées dans les zones franches urbaines sensibles créées par le présent projet La relance de l'activité et de l'emploi dans ces territoires Pour relancer l'activité dans les zones urbaines sensibles, le projet établit une série de mesures destinées à assouplir le régime de l'autorisation d'exploitation commerciale pour les projets d'implantation de surfaces commerciales de plus de 300 mètres carrés, à dispenser d'autorisation les projets d'équipements cinématographiques de type multiplexe, projets d'équipements commerciaux d'une surface de vente inférieure à 1 500 mètres carrés ainsi que les constructions nouvelles, extensions ou transformations d'immeubles existants, entraînant la constitution d'établissements hôteliers. Il procède également à l'établissement d'une exonération de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat au profit de l'installation d'un certain nombre de surfaces de ventes. Au total, concernant chacun de ces trois volets, le présent projet de loi œuvre avec pragmatisme pour l'égalité des chances. Mais ce projet ne se contente pas de promouvoir l'emploi et l'activité. Il entend aussi, d'une manière plus globale, fonder la société éducative. III.- FONDER LA SOCIÉTÉ ÉDUCATIVE Les titres II à V du projet traitent de dispositions diverses : organisation administrative, mobilisation médiatique, service civil volontaire, mise en place de nouveaux mécanismes destinés à prévenir les discriminations, les incivilités et la carence parentale en préférant les réponses adaptées, pédagogiques, à la répression pénale classique. Toutes ces mesures partent du même constat : faciliter l'accès à l'emploi, développer l'activité, cela répond sans doute au plus voyant des problèmes des jeunes et des quartiers, le chômage, mais cela ne suffit évidemment pas. Les institutions, les administrations, les médias, toute la société doit se mobiliser pour assure l'égalité des chances dans ces quartiers, à ces jeunes. A. REPENSER L'ORGANISATION ADMINISTRATIVE L'article 16 du projet crée un nouvel établissement public, l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances. Cette initiative s'inspire du modèle que constitue l'Agence nationale pour la rénovation urbaine. Créée en 2003, l'ANRU, en regroupant les moyens disponibles, a obtenu des résultats appréciables en termes de mobilisation des acteurs pour la mise en œuvre du programme national de rénovation urbaine. La nouvelle agence apparaît en quelque sorte comme son pendant orienté vers les habitants des quartiers : la rénovation du bâti ne suffit pas, il faut aussi prendre en compte l'humain. Son action sera particulièrement orientée vers les ZUS, vers les personnes rencontrant des difficultés d'insertion et vers celles qui sont issues de l'immigration. Il s'agit de la sorte de rapprocher les politiques territoriales et celles d'intégration, dont la séparation actuelle est incohérente, tant les difficultés rencontrées dans les quartiers difficiles rendent compte en fait des problèmes d'exclusion. Sur un plan opérationnel, la nouvelle agence reprendra dans un premier temps les missions, les moyens et les personnels du Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD), sauf celles de ses missions qui on trait à l'accueil des immigrants, transférées à l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) récemment créée. La mise en place parallèle de cette dernière et de la nouvelle agence permettra une véritable clarification des politiques dites d'accueil, d'intégration et de cohésion, en distinguant clairement deux types d'actions différents : les mesures spécifiques que l'on doit réserver à l'accueil des étrangers lorsqu'ils s'établissent en France et les mesures de portée générale qui visent à assurer la cohésion de la société française et à y faire cesser les discriminations. B. SANCTIONNER EFFECTIVEMENT LES ACTES DE DISCRIMINATION La discrimination est une réalité incontestable de notre société, que des opérations de « testing » permettent régulièrement de quantifier statistiquement. C'est aussi une situation vécue comme une profonde injustice par ceux qui en sont victimes. La nier ne peut que renforcer ce sentiment d'injustice et conduire à des comportements de découragement et de repli sur soi ou sa communauté. La discrimination est condamnée par la loi, par nos engagements internationaux, par le préambule de notre Constitution. Il est légitime qu'elle soit efficacement réprimée par la loi. L'article 19 du projet de loi a pour objet de doter la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) de la faculté d'infliger pour faits de discrimination des sanctions pécuniaires. Doter une autorité administrative indépendante d'une telle faculté n'a rien d'extraordinaire en soi : la plupart de ces autorités en disposent déjà. Mais, en l'espèce, cette mesure est très significative car elle donne enfin à la HALDE, créée en 2004, une véritable prérogative de puissance publique dépassant les missions d'influence et de « bons offices » (pouvoirs de recommandation, communication, etc.) dans lesquels elle a d'abord été cantonnée. L'expérience des autres autorités administratives montre que la mise en place d'instances spécialisées dotées de pouvoirs disciplinaires constitue un bon moyen d'assurer l'application effective de réglementations spécialisées que les juridictions de droit commun ne maîtrisent pas toujours. Dans le cas des discriminations, le recours systématique aux poursuites pénales apparaît parfois disproportionné et inadapté à la sanction de pratiques certes clairement prohibées, mais qui paraissent parfois relever surtout de l'ignorance de la loi. La nouvelle procédure, alternative possible aux sanctions pénales, ne sera pas exclusive de celles-ci : elle n'empêchera pas la mise en œuvre de poursuites pénales pour réprimer les comportements inacceptables, mais permettra aussi, parfois, d'éviter des procédures longues, incertaines et qui ne sont pas toujours dans l'intérêt objectif des victimes de discrimination dès lors qu'en stoppant les procédures civiles, elles retardent les réparations financières. Cette mesure est complétée par un élargissement des facultés de recommandation de la HALDE aux autorités administratives détenant des pouvoirs propres (de suspension, de fermeture) vis-à-vis de certaines catégories d'établissements (article 20) et par la reconnaissance du « testing » comme moyen légal de preuve, qui confirme la jurisprudence de la Cour de cassation et lui donnera une plus grande visibilité (article 21). C. PROMOUVOIR LA DIVERSITÉ SOCIALE DANS LES MÉDIAS AUDIOVISUELS La télévision devrait être le miroir de notre société ; les Français devraient pouvoir se reconnaître à l'écoute de la radio. C'est une exigence éthique et professionnelle mais également un enjeu social : en étant regardée dans chaque foyer français 5 heures 39 minutes par jour et par chaque Français âgé de quatre ans et plus 3 heures 24 minutes par jour, la télévision forme les esprits, modèle les comportements, éduque les habitants autant, si ce n'est plus, que l'école puisque les enfants passent dans l'année plus de temps devant un poste de télévision que sur les bancs d'une classe. La télévision mais aussi la radio, qui est écoutée près de trois heures par jour par chacun de ses auditeurs, c'est-à-dire plus de 80 % de la population française, informent, cultivent et divertissent plus que tout autre média ou tout l'ensemble de l'offre culturelle et de spectacles existant en France. Or des millions de Français, même s'ils regardent la télévision et écoutent la radio, estiment à juste titre ne pas voir dans ces deux médias audiovisuels le reflet de la diversité de la communauté nationale. Les Français de l'outre-mer et ceux issus des anciens territoires français sont peu présents aux micros des stations de radio et sur les écrans de la télévision. La télévision focalise les critiques car l'image rend encore plus criante le manque de diversité dans les présentateurs des journaux, les animateurs des émissions, les personnages de fiction valorisants, les artistes invités sur les plateaux, les personnes interviewées ; seuls les jeux et les divertissements à travers leurs participants et les documentaires et reportages par les sujets qu'ils traitent et les personnes qu'ils montrent permettent de donner un meilleur reflet de la diversité de la société française. Le manque est tellement patent qu'un concept nouveau a été inventé : « les écrans pâles ». Au Royaume-Uni, la BBC a su réagir très tôt - dès les années 1970 - et aujourd'hui, non seulement la diversité de la société britannique est présente dans ses personnels et ses cadres mais ses antennes de télévision et de radio sont un reflet de cette diversité par les personnes présentes à l'écran ou aux micros des stations et par les sujets traités dans les émissions, quel que soit leur genre. La situation de la télévision française est dénoncée depuis vingt ans. Depuis 1999, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) essaie, par les moyens que lui fournit la loi, de faire bouger les choses. Des efforts sont accomplis. Le Haut conseil à l'intégration le reconnaît. Mais la lenteur du processus n'est pas satisfaisante. C'est pourquoi le Président de la République a décidé de prendre les choses en main et de réunir autour de lui, le 22 novembre 2005, les ministres concernés et le président du CSA, les responsables des chaînes de télévision hertziennes pour leur rappeler l'exigence de cohésion sociale, leur exposer les retards de la télévision et présenter les actions qu'il entend engager pour promouvoir les actions de cohésion sociale et de lutte contre les discriminations dans le domaine audiovisuel. L'article 23 du projet de loi est la traduction législative des mesures relevant du domaine de la loi exposées le Chef de l'Etat. Il modifie les missions du CSA afin d'y ajouter la contribution aux actions en faveur de la cohésion sociale et à la lutte contre les discriminations dans le domaine de l'audiovisuel. Il impose de prendre en compte les mesures présentées en faveur de la cohésion sociale et relatives à la lutte contre les discriminations pour la sélection, par le CSA, des candidats à l'attribution d'une fréquence hertzienne de radiodiffusion. Il impose que les conventions signées entre le CSA et un éditeur de service de télévision ou de radio comportent les mesures en faveur de la cohésion sociale et relatives à la lutte contre les discriminations. D. RESPONSABILISER LES PARENTS Devant la montée de la violence chez les adolescents, notamment dans les zones périurbaines défavorisées, de nombreux élus locaux font part de leur impuissance à juguler ce phénomène. En effet ces élus de terrain doivent, au jour le jour, trouver les moyens pour répondre aux plaintes des parents inquiets pour la sécurité de leurs jeunes enfants, des enseignants confrontés à l'insécurité à l'intérieur des établissements scolaires, des victimes d'actes de petite délinquance qui ont l'impression que la puissance publique a renoncé à sanctionner les « incivilités » pour employer un euphémisme qui désigne aujourd'hui les troubles de voisinage générés par des mineurs en voie de marginalisation sociale. Les réponses existantes ne semblent pas adaptées pour répondre à des comportements à risques, qui sans être véritablement délictueux, traduisent une perte de repères chez ces jeunes laquelle semble souvent liée à une défaillance de l'autorité parentale. Le gouvernement a donc cherché à créer un dispositif novateur d'accompagnement social qui apporte une solution équilibrée à ce problème de « démission » des parents : le contrat de responsabilité parentale offrira aux parents rencontrant de graves problèmes éducatifs avec leurs enfants, une aide des services sociaux du conseil général avec la formalisation d'objectifs à atteindre pour remédier au problème posé par le mineur mais en contrepartie des sanctions seront possibles si les engagements éducatifs n'ont pas été respectés. La spécificité de ce dispositif est d'allier un accompagnement social défini « sur mesure » avec la famille pour répondre à ses difficultés spécifiques et l'application de sanctions graduées si les parents refusent délibérément de s'impliquer dans l'éducation de leurs enfants. Le rapporteur tient à s'inscrire en faux contre l'idée que le contrat de responsabilité parentale pourrait se résumer à une suspension des allocations familiales aux familles dont les enfants sont en situation de prédélinquance. Il convient de souligner que « le volet sanction » du dispositif devrait être marginal si l'accompagnement social mis en place répond aux attentes des familles. Le défi à relever pour l'ensemble des professionnels de l'éducation et du secteur social est de trouver les moyens adaptés pour aider les parents à assumer leur rôle dans un contexte social où l'affaiblissement des réseaux de voisinage et la plus grande mobilité des individus rendent plus difficile l'exercice d'une solidarité au sein d'une famille élargie. Hormis quelques associations sportives, dont le rôle éducatif est indéniable, il n'existe plus aujourd'hui, en dehors de l'Education nationale, d'institutions qui épaulent les parents dans leur mission d'éducateurs. Il convient de reconnaître que depuis 1998 de multiples initiatives ont été lancées pour mettre en place des réseaux de soutien aux parents qui prennent des formes variées : médiation familiale, lieux d'accueil pour parents et enfants, accompagnement individualisé dans le cadre de l'action éducative à domicile. Mais ce ne sont pas les familles les plus déstabilisées qui ont recours à ces services d'aide à la parentalité. Les aides existantes reposent sur une démarche volontaire des familles et aucun service social ne peut enjoindre à une famille d'entamer une telle démarche même si les carences éducatives sont patentes. Le contrat de responsabilité parentale permettra de sortir de cette contradiction : le président du conseil général, de sa propre initiative ou à la demande de certaines autorités comme le maire ou le directeur d'établissement scolaire qui sont en prise directe avec les problèmes posés par certains mineurs, pourra proposer à la famille un accompagnement social. La famille sera bien sûr libre de refuser un tel contrat mais elle s'exposera alors à certaines sanctions. Le rapporteur se propose d'apporter quelques aménagements au dispositif de sanctions mais il estime que ce contrat réalise un compromis équilibré entre le soutien aux parents en difficulté et l'incitation à assumer leurs responsabilités de détenteurs de l'autorité parentale. E. TROUVER DES RÉPONSES ADAPTÉES AUX INCIVILITÉS L'article 26 répond à la même logique que les articles précédents relatifs au contrat de responsabilité parentale : mieux associer les élus locaux au traitement de problèmes qui les concernent au premier chef, en l'espèce des problèmes d'ordre public et de dégradations sur la voie publique. Il est prévu d'étendre les pouvoirs de constatation des agents de police municipale à diverses infractions de gravité modérée - il s'agit de toute façon de contraventions - dont la liste sera définie par décret en Conseil d'Etat mais que l'on peut sans doute regrouper sous le vocable d'« incivilités », comme les divagations d'animaux ou les nuisances sonores. L'article 27 permet aussi de reconnaître le rôle des maires, tout en développant des alternatives aux poursuites et peines classiques ; la pédagogie de la réparation doit être privilégiée. Il existe déjà des procédures alternatives aux poursuites pénales, telles que la composition pénale, mais elles relèvent de l'initiative du parquet. Il est prévu que le maire puisse proposer, lorsqu'un acte d'incivilité a été commis au préjudice de la commune, une transaction consistant en la réparation du préjudice ou un travail d'intérêt général d'une durée maximale de trente heures. Cette transaction devra être homologuée par l'autorité judicaire dans le respect des principes qui ont été fixés par le Conseil constitutionnel. Lorsque les infractions n'auront pas été commises au préjudice de la commune, les droits des victimes doivent naturellement être pris en compte et le rôle du maire est nécessairement plus limité : il aura dans ce cas de figure la faculté de proposer au parquet la mise en œuvre des mesures alternatives de droit commun et devra être avisé des suites données à cette proposition. F. VALORISER LES PROGRAMMES D'ACCOMPAGNEMENT ET L'ENGAGEMENT VOLONTAIRE DES JEUNES L'idée promue par le Président de la République de créer un nouveau label, dénommé service civil volontaire, vise à donner une meilleure lisibilité à des dispositifs existants ou en cours d'élaboration qui ont pour but soit d'offrir une nouvelle chance d'insertion professionnelle à des jeunes en difficulté, soit de promouvoir l'expression d'un engagement citoyen. Les différents programmes qui ont vocation à se regrouper sous ce label - Cadets de la République, plan « Défense deuxième chance », volontaires recrutés en contrat d'accompagnement à l'emploi (CAE) dans le domaine de la santé, de l'environnement et de la culture et volontaires associatifs - constituent autant d'initiatives qui illustrent l'implication des différents ministères tels que ceux de l'intérieur, de la défense et de la jeunesse, des sports et de la vie associative à l'égard de l'emploi et de l'engagement des jeunes. L'agrément qui conditionne le bénéfice de ce label sera délivré par la nouvelle Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances. Il ouvrira droit pour les associations qui accueillent des volontaires à la possibilité de recevoir une subvention pour aider à la formation de ces jeunes. Le rapporteur souligne à cette occasion que le monde associatif est lui aussi très directement impliqué dans le combat en faveur de l'égalité des chances, comme en témoigne la signature lors de la récente conférence de la vie associative d'un engagement national en faveur de l'égalité des chances pour l'accès de tous aux responsabilités associatives. La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances, Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, et M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, sur le projet de loi pour l'égalité des chances au cours de sa séance du mardi 24 janvier 2006. Le président Jean-Michel Dubernard a souhaité la bienvenue aux ministres. M. Gaëtan Gorce a protesté, au nom du groupe socialiste, contre les conditions de travail faites à la commission et au Parlement. Le projet de loi, adopté par le conseil des ministres du 11 janvier, a été inscrit précipitamment à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale en lieu et place du projet de loi sur la recherche, et l'urgence a été déclarée, de sorte qu'il n'y aura qu'une seule lecture avant le passage en commission mixte paritaire. Qui plus est, les importants amendements par lesquels le gouvernement semble vouloir incorporer les dispositions relatives au nouveau contrat première embauche (CPE) n'ont toujours pas été déposés, alors même que le délai imparti aux députés - pour que leurs amendements soient examinés par la commission le 25 janvier - expire ce jour, mardi 24 janvier, à 17 heures. Le président de la commission devrait user de ses prérogatives pour mettre fin à cette mascarade parlementaire et de son autorité pour obtenir du gouvernement qu'il reporte l'examen du projet après l'interruption des travaux parlementaires de février, au lieu d'opter pour une précipitation qui donne à penser qu'il veut prendre de vitesse les organisations syndicales, opposées au CPE, et faire l'économie de l'examen de ce dispositif par le Conseil d'Etat. En conséquence, les commissaires socialistes demanderont une suspension de la réunion pour pouvoir examiner le texte. Plus généralement, il est choquant que, sous cette législature, l'urgence devienne le principe dès lors que des dispositions sociales sont examinées. M. Yves Durand s'est également insurgé contre la méthode et le calendrier retenus par le gouvernement, qui s'apparentent à un coup de force privant les députés du temps nécessaire à l'organisation d'auditions et à la préparation d'amendements. Au lieu de l'important projet relatif à la recherche, très attendu par la communauté scientifique et dont le rapporteur est le président Jean-Michel Dubernard lui-même, est inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée, sans laisser à ses membres le temps de l'examiner sérieusement, un texte qui pose de graves et nombreux problèmes et dont l'économie générale est encore incertaine, puisque le gouvernement s'apprête à déposer des amendements d'une portée considérable. En outre, sa disposition la plus importante, dans son état actuel, est l'instauration de la formation d'« apprenti junior ». Or le ministre de l'éducation nationale, directement concerné dans la mesure où il s'agit d'une remise en cause de fait de l'obligation scolaire entre 14 et 16 ans, n'est pas présent ; il est donc souhaitable de suspendre la séance le temps suffisant pour que le ministre puisse rejoindre la commission. Le président Jean-Michel Dubernard a observé que l'article 48 de la Constitution donne au Gouvernement le pouvoir de fixer l'ordre du jour prioritaire des assemblées parlementaires. Lui-même s'est interrogé, comme ses collègues, sur le bien-fondé d'un tel bouleversement du calendrier des travaux, pour considérer, somme toute, que l'urgence sociale révélée par les événements de novembre 2005 justifie l'urgence. Au demeurant, aucun membre du groupe socialiste n'a cru bon d'assister aux auditions organisées par le rapporteur sur le projet de loi de programme pour la recherche. M. Yves Durand s'est élevé avec véhémence, ainsi que M. Alain Néri, contre ce dernier propos et a répliqué que les groupes procèdent à leurs propres auditions. Le président Jean-Michel Dubernard a souligné que le présent projet de loi est présenté par M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, et que M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, ne manquera pas d'être présent en séance publique lorsque viendront en discussion les articles intéressant son ministère. M. Gaëtan Gorce a déploré le ton employé par le président de la commission pour répondre aux membres du groupe socialiste et rappelé que le président de l'Assemblée lui-même a protesté à maintes reprises contre les conditions dans lesquelles le gouvernement force le Parlement à travailler. Le projet de loi mérite un examen d'autant plus approfondi que son champ est vaste : or la commission ne pourra pas procéder à un tel examen, ni à celui des amendements par lesquels le gouvernement s'apprête à en accroître encore la portée. Le président Jean-Michel Dubernard a observé que d'autres gouvernements, sous d'autres législatures, avaient été coutumiers de telles modifications inopinées de l'ordre du jour. M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, a dit comprendre la contrariété causée par la brièveté des délais d'examen du projet, mais d'autres textes examinés en urgence par l'Assemblée, tels ceux relatifs à la cohésion sociale ou à la rénovation urbaine, ont néanmoins donné lieu à des débats longs et approfondis et il n'y a pas de raison de penser qu'il n'en ira pas de même. Le ministre de l'éducation nationale comme le ministre délégué à l'emploi, présentement retenu par la mission d'information de l'Assemblée nationale sur l'amiante, ont procédé à une concertation très large sur le dispositif d'apprentissage junior, qui a permis de rapprocher les points de vue et d'aboutir à un équilibre acceptable par tous. Les amendements auxquels le gouvernement met actuellement la dernière main seront prêts en fin de journée et seront immédiatement transmis à la commission. Le président Jean-Michel Dubernard a indiqué qu'ils seraient, dans ces conditions, examinés par la commission au cours de sa séance du mercredi 25 janvier au matin. Le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a exposé que les articles 1 à 4, relatifs à la formation d'apprenti junior et au contrat de professionnalisation, concilient le principe de l'obligation scolaire jusqu'à seize ans, et donc la poursuite de l'acquisition du socle fondamental de connaissances, avec la possibilité offerte aux jeunes qui ne s'épanouissent pas au collège et n'ont pas l'appétit ni le talent nécessaire pour continuer des études générales de s'ouvrir à des métiers, puis le cas échéant d'en apprendre un. Au cours d'une première année se déroulant dans le cadre de l'éducation nationale, le jeune suivra un parcours d'initiation aux métiers, mais pourra à tout moment réintégrer un établissement scolaire à plein-temps ; la deuxième année, c'est-à-dire entre quinze et seize ans, il pourra opter pour l'apprentissage de l'un de ces métiers, en signant un vrai contrat d'apprentissage, avec toutefois des règles aménagées. C'est un bon équilibre, auxquels MM. Gilles de Robien et Gérard Larcher sont parvenus au terme d'une concertation très approfondie avec les différentes parties prenantes, entre les tenants du « tout-scolaire » et les partisans de l'apprentissage dès 14 ans sur le modèle allemand. L'article 5 du projet complète le dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise (SEJE) de façon à favoriser l'embauche de jeunes sans qualification signataires de contrats d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) ou résidant dans les zones urbaines sensibles (ZUS), grâce à une prime mensuelle majorée. La France a longtemps cru que son modèle républicain lui permettait de faire face à toutes les situations sociales, sans voir que la situation particulière de certains quartiers déqualifiés exigeait un traitement particulier ; de la même façon, son universalisme et son attitude somme toute ouverte à la diversité et au métissage l'ont longtemps empêchée de prendre la mesure des discriminations de toute sorte, qui heurtent ses citoyens. Le présent projet offre une palette de moyens pour rattraper ce retard. Mme Catherine Vautrin, ministre délégué à la cohésion sociale et à la parité, a expliqué que les articles 6 à 15 du projet visent à ajouter 15 nouvelles zones franches urbaines (ZFU) aux 85 existantes, à proroger le dispositif d'exonération fiscale jusqu'en 2011 et à en étendre le champ, notamment aux activités de loisirs. Avant de rédiger ces dispositions, le gouvernement a consulté Mme Nelly Kroes, commissaire européenne à la concurrence. Les articles 16 à 18 créent une Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances afin d'accroître la présence de l'Etat dans les quartiers sensibles, aux côtés de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), de simplifier et d'optimiser le financement des opérations, actuellement rendues complexes et difficiles à monter du fait de la multiplicité des interlocuteurs. Parallèlement, les contrats de ville seront renouvelés pour des périodes plus longues, afin que les associations puissent travailler dans la durée. Plutôt que de créer une nouvelle structure de toutes pièces, le gouvernement a préféré s'appuyer sur l'existant, en transférant à l'agence les missions, compétences et personnels du Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD). Une mission de préfiguration assurera la transition entre les deux institutions, et le rôle de réflexion et coordination du délégué interministériel à la ville ne sera pas remis en cause. M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances, a souligné à quel point il est humiliant, pour un jeune né en France de parents venus de l'étranger ou d'outre-mer il y a un demi-siècle, de se voir refuser l'accès à une discothèque ou, plus grave encore, à un logement ou un emploi. Cela fait trente ans que tout le monde proteste contre les discriminations, mais l'outil qui permet de les combattre n'existe que depuis peu : c'est la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE). Les articles 19 à 22 permettront à cette instance de prendre elle-même des sanctions pécuniaires contre les fauteurs de discriminations. La confiance des jeunes Français de toutes origines dans la République et sa devise « Liberté, Égalité, Fraternité » s'en trouvera restaurée. L'article 23 donne par ailleurs mission au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) de veiller à ce que les programmes audiovisuels reflètent la diversité de la société française. Il ne faut pas que la crise des cités devienne une crise de cécité, et que les seuls jeunes issus de l'immigration africaine ou maghrébine visibles à la télévision soient ceux que l'on a vus brûler des voitures pendant trois semaines en novembre 2005. Les mentalités progressent, comme en témoignent les quelque 500 entreprises qui ont signé depuis huit mois la Charte de la diversité, mais il reste du chemin à faire pour que toute la société fasse sienne l'idée que les quartiers déshérités recèlent une grande richesse humaine, actuellement sous-exploitée. Enfin, l'article 28 crée un service civil volontaire, qui regroupera l'ensemble des missions d'accueil des jeunes de seize à vingt-cinq ans dans un but d'intérêt général ou d'insertion professionnelle. L'objectif est de signer d'ici deux ans 50 000 contrats comportant une formation, éventuellement un tutorat, et un accompagnement dans la recherche d'un emploi au terme de la période. M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a considéré que, parmi les inégalités dont souffrent les jeunes, figure l'inégalité devant le milieu familial : certains parents, en effet, qui ont « baissé les bras », laissent leurs enfants livrés à eux-mêmes. C'est pourquoi il est proposé, aux articles 24 et 25 du projet, d'instaurer un contrat de responsabilité parentale : lorsque le chef d'établissement, le maire ou les services sociaux découvrent une situation de détresse, se manifestant par exemple par un absentéisme scolaire chronique, le président du conseil général, en tant que responsable des services de protection de l'enfance, pourra proposer aux parents, dans le cadre d'un contrat leur rappelant leurs obligations, une aide sociale et psychologique pour mettre fin à cette situation. C'est seulement en cas d'échec que le président du conseil général envisagera diverses sanctions. Il ne s'agit évidemment que d'une faculté car le risque existe, ce faisant, d'aggraver les difficultés de la famille ; il ne devra en être usé qu'en cas de mauvaise volonté manifeste de la famille, afin de rétablir l'égalité des chances en faisant en sorte que tout enfant ait des parents exerçant envers lui le rôle qui est le leur. A l'issue de l'exposé des ministres, le président Jean-Michel Dubernard ayant annoncé, avant de donner la parole au rapporteur, que le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement devait quitter la salle pour participer à l'examen en séance publique du projet de loi portant engagement national pour le logement, M. Gaëtan Gorce a vivement protesté. M. Laurent Hénart, rapporteur, a posé cinq questions relatives à différents points du projet de loi : - Dans le nouveau dispositif relatif aux zones franches urbaines, les exonérations de charges sociales sont-elles les mêmes pour les entreprises et les associations ? - Pour la mise en œuvre du contrat de responsabilité parentale, sur quels critères jugera-t-on qu'il y a ou non carence de l'autorité parentale ? - La diversité de la société française dont les médias audiovisuels devront rendre compte s'entend-elle du seul point de vue ethnique ou culturel ou comprend-elle aussi d'autres éléments de diversité et de discriminations éventuelles, comme le sexe ou le handicap ? - Les jeunes qui signeront un contrat de service civil volontaire relèveront-ils d'un nouveau statut sui generis ou d'un des divers statuts déjà existants ? - Avant de prononcer des sanctions, la HALDE pourra-t-elle notifier des injonctions ? M. Gaëtan Gorce s'est élevé contre le fait que le ministre signataire du projet de loi ait dû s'absenter avant même que les membres de la commission aient pu poser leurs questions. Sans que soit en cause la qualité des propos de ses collègues ministres délégués, il n'est pas acceptable que la commission commence l'examen du projet sur la base d'un texte incomplet et en l'absence de son principal auteur. Le président Jean-Michel Dubernard a indiqué que M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, rejoindrait la commission lorsque son audition par la mission d'information sur l'amiante serait achevée. M. Christian Paul a estimé inacceptable que les deux principales dispositions du texte, à savoir la formation d'apprenti junior et le contrat première embauche (CPE), soient discutées en l'absence des deux ministres les plus directement concernés, à savoir ceux en charge de l'emploi et de l'éducation. La commission ne peut siéger valablement dans ces conditions. M. Francis Vercamer s'est associé aux critiques portant sur la méthode employée par le gouvernement, dont la précipitation ne laisse pas augurer de bonnes conditions d'examen du texte : la commission n'a pas eu connaissance de l'amendement créant le CPE et ses membres n'ont pas eu le temps de préparer les leurs. S'est-on donc aperçu ce week-end seulement que des violences urbaines avaient eu lieu au mois de novembre 2005 ? Sur le fond, on peut douter que le projet de loi soit à la hauteur des enjeux. Les dispositions relatives à l'égalité des chances, défendues avec talent par M. Azouz Begag, constituent un ensemble disparate, incluant même - on se demande pourquoi - un contrat de responsabilité parentale mais passant sous silence la question de l'exclusion des seniors du marché du travail. La problématique de la diversité et des discriminations n'est abordée que sous l'angle institutionnel et sous celui de l'image ; elle est entièrement absente du titre Ier du projet, consacré notamment à l'emploi, alors même que 45 % des plaintes déposées devant la HALDE concernent des discriminations dans ce domaine, qui arrive très loin devant tous les autres. M. Maxime Gremetz s'est indigné des conditions d'improvisation sans précédent dans lesquelles s'engage l'examen du projet de loi, au demeurant bâclé et comportant des dispositions inadmissibles. La précipitation mise par le gouvernement à faire adopter le CPE, lequel constitue une discrimination de plus à l'encontre des jeunes, traduit sa crainte d'une forte mobilisation sociale, comme celle à laquelle s'était heurté le projet de « SMIC jeunes » sous le gouvernement de M. Édouard Balladur, et sa volonté de mettre syndicats et Parlement devant le fait accompli. Mêler tous les problèmes dans un texte « fourre-tout » tendrait à faire accroire que les problèmes de chômage, de pauvreté, de précarité, se résument à un problème de discrimination raciale, ce qui est faux : dans l'agglomération d'Amiens, les jeunes qui brûlaient des voitures étaient dans leur grande majorité ce que d'aucuns appellent des Français de souche. Siéger en commission dans ces conditions n'a pas de sens, a conclu M. Maxime Gremetz , avant de quitter la salle. M. Yves Durand ayant déploré que le Parlement soit traité comme un paillasson et considéré qu'il n'est pas possible, faute de présence des ministres compétents, de discuter présentement et en détail du dispositif le plus précis du texte, à savoir celui qui concerne l'apprentissage des jeunes de 14 ans, les commissaires membres du groupe socialiste se sont également retirés. Mme Nadine Morano a salué le discours du ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances et a souligné que les discriminations ne sont pas seulement fondées sur la couleur de la peau : de même qu'il existe un « délit de faciès », il y a un « délit d'adresse » qui interdit, dans les faits, aux habitants de certaines cités d'accéder à l'emploi et à la formation. L'ascenseur social est cassé et l'attitude des groupes de l'opposition montre qu'ils n'ont pas compris que la crise des banlieues est en réalité celle de la société toute entière. C'est une raison de plus pour agir, et pour agir vite, en faveur de l'égalité des chances. M. Bernard Perrut a estimé que l'exclusion et le chômage des jeunes concernent et heurtent tous les Français, quel que soit leur âge, leur origine, le lieu où ils habitent. Aussi le présent projet de loi, qui comporte toute une panoplie de mesures pour renforcer la cohésion sociale, est-il crucial. Le dispositif de contrat jeune en entreprise (SEJE), créé par la première loi votée sous la présente législature, sera enrichi et étendu ; le contrat de responsabilité parentale est dans le droit fil des dispositifs de réussite éducative ; la formation d'apprenti junior complète les mesures précédemment prises en faveur du développement de l'apprentissage et l'on peut compter sur la compétence et la vigilance du rapporteur pour obtenir les meilleures garanties possible. Il est naturellement permis de regretter que les conditions de travail de l'Assemblée soient ce qu'elles sont, mais l'important est d'agir car le but est important. En réponse aux commissaires, la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité a apporté les précisions suivantes : - S'agissant des zones franches urbaines, le texte ne traite pas des exonérations propres aux associations ; un amendement pourrait y pourvoir. C'est parce que le dispositif des zones franches urbaines a bien fonctionné que le gouvernement souhaite l'étendre et donner aux entreprises des quartiers sensibles le sentiment qu'elles pourront vivre aussi normalement que possible. - L'article 26 renforce, à leur demande, les pouvoirs de police des maires contre les incivilités, étant entendu que les sanctions ne seront pas forcément pécuniaires mais pourront prendre la forme de travaux d'intérêt général. - La création de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances est motivée par le constat, partagé, d'une trop grande opacité du système. Le temps est compté mais la mission de préfiguration permettra de résoudre certains problèmes pratiques. Sensible à la volonté du Parlement de moderniser l'Etat, le gouvernement a préféré moderniser l'existant que de créer ex nihilo de nouvelles structures. La lutte contre les discriminations suppose une action rapide et résolue et les victimes de discriminations, notamment en matière d'emploi, ont besoin que les dispositions nouvelles soient applicables dans les meilleurs délais. C'est parce que l'égalité des chances est un thème qui, comme l'a dit M. Bernard Perrut, concerne tout le monde, que la nouvelle agence regroupe l'ensemble des moyens de l'Etat. - Les dispositifs en faveur de l'emploi prolongent et amplifient les précédents, de façon à répondre aux besoins de tous les publics en difficulté, aussi bien dans les quartiers sensibles qu'en milieu rural. Le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille a déploré que l'opposition ait cru devoir partir alors que le gouvernement s'apprêtait à lui répondre, en même temps qu'aux autres parlementaires, et s'est étonnée de cette étrange conception du débat démocratique. Le constat de carence de l'autorité parentale repose sur un certain nombre d'indicateurs objectifs, comme l'absentéisme scolaire, mais il convient aussi d'apprécier avec souplesse des situations qui peuvent être très diverses, d'où le choix, justement, du mot « carence », qui dénote de graves négligences dans l'éducation des enfants. Il ne s'agit pas de faire entrer de force dans le dispositif des parents pour qui ce ne serait pas justifié. Le ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances a estimé que le thème de la diversité dans l'emploi est le fil directeur de l'ensemble des mesures prises par le gouvernement depuis la crise des banlieues. Il s'agit de montrer aux jeunes que l'ascenseur social n'est pas cassé, que sa panne peut être réparée, qu'ils peuvent avoir accès à des filières de réussite diverses, que l'on peut s'épanouir en étant pâtissier ou tapissier, et pas seulement en faisant « Sciences Po » ou l'ENA, mais aussi que l'on peut être pâtissier ou tapissier et aimer Emile Zola ou John Steinbeck ; or les critiques adressées à la formation d'apprenti junior donnent l'impression d'opposer l'un et l'autre modèle. Peut-être de jeunes Picards « de souche » ont-ils participé aux violences urbaines à Amiens, mais les Français ont bien vu à la télévision, au cours de ces trois semaines de novembre 2005, qui étaient les jeunes en cause et l'on ne peut plus se voiler la face. Il est temps que chacun intériorise l'idée que la discrimination est un délit et l'action de la HALDE est de nature à y contribuer. Enfin, le service civil volontaire n'aura pas pour effet de créer un nouveau contrat, mais utilisera les agréments existants : contrats aidés de la loi de cohésion sociale, contrats de volontariat associatif, contrats de volontariat pour l'insertion du ministère de la défense... Le président Jean-Michel Dubernard a remercié les ministres pour leurs exposés et leurs réponses. La commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa séance du 24 janvier 2006. Un débat a suivi l'exposé du rapporteur. M. Jean-Pierre Door a tout d'abord fait remarquer que ce projet de loi ne se justifie pas seulement par la nécessité de répondre à la crise des banlieues de novembre dernier, mais aussi par l'obligation de trouver des solutions à des problèmes très complexes qui existent depuis de nombreuses années comme le montrent les différents dispositifs existants de la politique de la ville. Concernant le contrat de responsabilité parentale, il est dommage que le dispositif ne prévoie pas une responsabilité spécifique pour le maire. En effet, face aux problèmes récurrents de l'absentéisme scolaire, il apparaît que seul le maire est en mesure de suivre quotidiennement les multiples problèmes vécus par les enseignants et les parents. Il serait donc souhaitable de préciser dans le projet de loi que le maire pourra saisir le président du conseil général pour proposer à telle ou telle famille la signature d'un contrat de responsabilité parentale. Se pose par ailleurs le problème des crédits 2006 pour les contrats de ville : en effet, les contrats 2006 ne sont toujours pas finalisés et les moyens financiers disponibles semblent être en restriction. Il est indispensable que le ministre chargé de la politique de la ville apporte des précisions sur le devenir de ces contrats, car la pérennité de multiples associations engagées dans l'action sociale en faveur des quartiers en difficulté dépend de la rapidité avec laquelle ces contrats de ville seront reconduits. En écho aux propos de M. Jean-Pierre Door, M. Pierre-Louis Fagniez a indiqué que la mission parlementaire sur la famille et les droits de l'enfant s'est longuement penchée sur le problème de la coordination de l'action des maires et des présidents de conseils généraux pour la protection de l'enfance et de la jeunesse. Les auditions menées par cette mission ont démontré que le maire constitue un rouage essentiel pour permettre une coordination entre les travailleurs sociaux, la justice et l'aide sociale à l'enfance dans la prévention de la délinquance et de la marginalisation des mineurs. En réponse aux observations des commissaires, le rapporteur a apporté les précisions suivantes : - Le maire joue en effet un rôle essentiel dans la prévention de l'absentéisme scolaire et il est tout a fait opportun de prévoir qu'il puisse saisir le président du conseil général d'une demande de signature de contrat de responsabilité parentale pour faire cesser les incivilités de certains mineurs. Le projet de loi dans sa rédaction actuelle renvoie aux décrets la définition des autorités susceptibles de saisir le président du conseil général. Compte tenu des observations des différents commissaires, un amendement sera présenté pour attribuer explicitement au maire le pouvoir de saisir le président du conseil général. Il convient par ailleurs de rappeler que le maire a aussi un rôle central dans le nouveau dispositif des équipes de réussite éducative. Ce mécanisme innovant permet de sortir de la logique de zonage territorial pour affecter des moyens spécifiques à un élève qui a démontré sa volonté de faire des efforts d'insertion scolaire. - Concernant les sanctions que peut décider le président du conseil général en cas de non-respect de l'engagement parental dans le cadre du contrat de responsabilité parentale, il s'avère nécessaire de clarifier un point du projet de loi. En effet, le texte prévoit que le président du conseil général pourra saisir l'autorité judiciaire d'une demande tendant à l'application d'une contravention définit par décret en Conseil d'État. Or il n'est pas possible de sanctionner l'inobservation d'un contrat par le prononcé d'une sanction pénale. Un amendement précisera donc le cadre de la saisine du parquet par le président du conseil général. Une autre difficulté de ce texte tient à la notion de carence de l'autorité parentale, qui n'a reçu aucune définition législative. - Le problème évoqué par M. Jean-Pierre Door concernant les contrats de ville a une importance pratique considérable et ce point sera évoqué dans le rapport de la commission, afin d'obtenir des réponses du gouvernement. En conclusion, le président Jean-Michel Dubernard a informé les commissaires que le gouvernement a déposé trois amendements destinés à favoriser l'emploi des jeunes, qui seront discutés lors de la réunion de la commission du mercredi 25 janvier. La commission a examiné les articles du présent projet de loi au cours de sa séance du 25 janvier 2006. M. Francis Vercamer a présenté un amendement tendant à affirmer en exergue des principes généraux garantissant à tous l'égalité des chances. Il doit être solennellement rappelé que tous les acteurs de la société française doivent s'impliquer dans la lutte contre les discriminations et dans la promotion de l'égalité des chances et ces principes généraux doivent figurer dans le corps du projet de loi pour permettre à la HALDE de fonder en droit ses procédures de poursuite à l'encontre des organisations coupables de pratiques discriminatoires. Le président Jean-Michel Dubernard a observé que le préambule de la Constitution affirme déjà de tels principes. M. Maxime Gremetz a déclaré soutenir l'esprit de cet amendement mais a estimé que l'expression « toute organisation reflète la diversité de la nation » comporte une certaine ambiguïté, une entreprise ne pouvant être par exemple considérée comme une organisation. Il conviendrait donc de revoir la formulation de cet amendement. Le rapporteur s'est déclaré défavorable à cet amendement qui, tout en ayant une excellente intention, risque d'introduire dans le droit positif des motifs de discrimination supplémentaires car il cite un certain nombre de facteurs de discrimination tout en omettant d'autres, par exemple la discrimination syndicale, qui sont pourtant sanctionnés dans d'autres textes. Il est donc préférable de s'en tenir aux principes généraux affirmés dans le préambule de la Constitution et aux lois spécifiques qui traitent de chaque type de discrimination. La commission a rejeté l'amendement. TITRE IER Section 1 Article 1er Cet article porte création de la nouvelle formation que constitue « l'apprentissage junior ». On ne reviendra pas dans le présent commentaire sur l'état des lieux concernant les difficultés des jeunes dans leur parcours scolaire ou l'accès à l'emploi, non plus que sur l'ensemble de la philosophie qui préside à la réforme (voir sur ces sujets la présentation générale), sinon pour rappeler que l'objectif fondamental poursuivi par cette nouvelle filière est de permettre aux jeunes de retrouver à la fois confiance dans leurs capacités et le goût de la réussite, selon les termes mêmes de l'exposé des motifs. Face au relatif échec des filières existantes, au premier rang desquelles les classes dites de préapprentissage, qu'il s'agisse des classes d'initiation préprofessionnelle en alternance (CLIPA) ou des classes préparatoires à l'apprentissage (CPA) - elles accueillaient dans les années 1970 plus de 75 000 élèves, ce nombre dépassant à peine les 10 000 élèves aujourd'hui -, il convenait donc de proposer un nouveau type de formation. La proposition contenue dans le présent article consiste à bâtir une filière qui soit axée sur deux éléments : d'une part, la consolidation des connaissances fondamentales ; d'autre part, l'accès à une formation initiale diplômante. Ces deux points sont essentiels. C'est autour d'eux que s'organise l'ensemble de la formation. Celle-ci se compose de deux étapes. L'expression « apprentissage à 14 ans » ne saurait en effet suffire à résumer une construction qui se veut avant tout progressive, en un dispositif que l'on peut dire à double détente : d'une part, un parcours d'initiation aux métiers, qui vient se substituer aux classes de préapprentissage existantes ; d'autre part, un contrat d'apprentissage stricto sensu, conclu dans le cadre des dérogations déjà existantes (cadre étendu par le projet de loi) permettant la signature de contrats d'apprentissage avant 16 ans. Avant d'entreprendre, au fil de l'analyse linéaire de cet article 1er, l'étude plus systématique des différentes étapes de l'apprentissage junior, il convient de rappeler les principes essentiels sur lesquels il repose : le volontariat ; la perspective de l'acquisition du socle de connaissances et de compétences tel qu'il a été défini par la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école en 2005 ; la réversibilité du choix - il est toujours possible pour l'élève de rejoindre le collège ; l'accompagnement de l'apprenti junior par un tuteur et une équipe pédagogique ; les garanties en termes de conditions d'emplois des jeunes dans le milieu professionnel. Le schéma présenté ci-après permet une appréhension globale de l'apprentissage junior. Déroulement de l'apprentissage junior
Source : ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Formellement, cet article 1er procède à une nouvelle rédaction de l'article L. 337-3 du code de l'éducation, nouvelle rédaction annoncée par l'alinéa 1 de cet article. Cet article L. 337-3 avait été initialement rédigé par la loi n° 93-1313 quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle, pour des raisons que rappelle précisément le rapport établi préalablement à la discussion alors (6) : «Les classes préparatoires à l'apprentissage (CPA) sont des classes actuellement accessibles à des élèves de 15 ans souhaitant obtenir une préqualification professionnelle. Ces classes sont ouvertes dans les centres de formation d'apprentis. Les élèves qui suivent une telle scolarité se dirigent ensuite dans leur très grande majorité vers l'apprentissage. On constate que la scolarité en classe de préapprentissage débouche sur de bons résultats au CAP [certificat d'aptitude professionnelle]. Afin d'améliorer l'insertion professionnelle des jeunes en situation d'échec, le présent article abaisse à 14 ans l'âge auquel les élèves peuvent être accueillis en classes de préapprentissage. Les classes préparatoires à l'apprentissage sont aussi ouvertes dans les établissements d'enseignement. » Il faut dire que la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat avait ouvert la voie en prévoyant que « les élèves inscrits dans une classe du cycle moyen comportant un enseignement alterné peuvent effectuer, dans les entreprises commerciales et artisanales agréées, des stages d'information et de formation pratique au cours des deux dernières années de leur scolarité obligatoire. (...) Pendant cette période de préapprentissage, l'élève bénéficie du statut scolaire et de conditions identiques à celles offertes par les filières permettant la préparation d'un diplôme de l'enseignement technologique du niveau d'ouvrier qualifié ». D'une certaine manière, le présent article s'inscrit donc dans la continuité. Mais s'il répond à une préoccupation qui n'est pas entièrement nouvelle, sa réponse est cependant originale. Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 337-3 du code de l'éducation dispose en effet que les plans régionaux de développement des formations professionnelles des jeunes (PRDFP) prévoient « l'ouverture de classes d'initiation préprofessionnelle en alternance dans les lycées professionnels et les centres de formation d'apprentis ou dans les collèges disposant d'une équipe enseignante et de moyens adaptés », et que « ces classes accueillent, à partir de l'âge de quatorze ans, des élèves sous statut scolaire qui choisissent d'acquérir une préqualification professionnelle par la voie de la formation en alternance ». Le présent article y substitue une construction en deux étapes distinctes et complémentaires. De facto, les CLIPA sont donc supprimées, et l'apprentissage junior leur est substitué. Quant aux classes préparatoires à l'apprentissage (CPA), instituées par une circulaire du ministre de l'éducation nationale en date du 28 juillet 1972, l'exposé des motifs du projet de loi annonce qu'elles seront supprimées également. Le premier alinéa de ce nouvel article L. 337-3 du code de l'éducation (alinéa 2 de l'article 1er) commence par nommer les personnes intéressées, qui constituent le cœur du dispositif (là où la précédente rédaction commençait avec l'outil de planification, à savoir la référence au PRDFP) : il s'agit des « élèves ayant atteint l'âge de quatorze ans ». Le texte prévoit que ces jeunes « peuvent être admis, sur leur demande et celle de leurs représentants légaux », à suivre la nouvelle formation. Ainsi est clairement posé l'un des premiers principes de base du nouvel apprentissage junior, à savoir le volontariat : l'admission résulte en effet d'une démarche souhaitée par le jeune qui en fait la demande. Il convient toutefois d'ajouter que cette demande doit aussi émaner des représentants légaux, au premier rang desquels les parents (dont l'accord est indispensable). L'originalité de l'apprentissage junior consiste, en effet, à faire également une place aux parents, à les impliquer dans la formation, dès le début de celle-ci mais aussi, comme on le verra, tout au long du parcours. La notion d'admission pourrait laisser penser par ailleurs que le choix de l'élève et des parents ne saurait toujours suffire : encore l'élève doit-il être admis dans cette filière. Cette admission résultera de la décision de l'équipe pédagogique (voir infra). La formation ainsi ouverte est définie ensuite comme « une formation alternée, dénommée « formation d'apprenti junior », visant à l'obtention, par la voie de l'apprentissage, d'une qualification professionnelle dans les conditions prévues au titre Ier du livre Ier du code du travail ». D'emblée est donc posée l'une des caractéristiques majeures de la nouvelle formation : son caractère diplômant. Certes, le cadre choisi est celui de l'alternance. Mais celle-ci a une vocation bien précise qui est professionnalisante. Cette perspective répond aux difficultés concrètes rencontrées par les jeunes en situation d'échec dans l'accès à l'emploi. La référence aux conditions prévues au titre Ier du livre Ier du code du travail s'explique par le fait que ce titre est celui consacré au contrat d'apprentissage. Il s'agit de renforcer la voie d'excellence que peut constituer l'apprentissage. La deuxième phrase de cet alinéa annonce les deux étapes constitutives de l'apprentissage junior : un parcours d'initiation aux métiers effectué sous statut scolaire dans un lycée professionnel ou un centre de formation d'apprentis ; une formation en apprentissage. La suite de l'article reviendra successivement sur les deux étapes, que l'on peut dire respectivement (conformément à la dénomination introduite par l'exposé des motifs) apprentissage junior « initial » et apprentissage junior « confirmé ». Le deuxième alinéa du nouvel article L. 337-3 du code de l'éducation (alinéa 3 de l'article 1er) pose que « l'admission à la formation mentionnée au premier alinéa donne lieu à l'élaboration d'un projet pédagogique personnalisé ». Cette notion est elle aussi capitale. C'est elle qui, avec la perspective de la formation diplômante, mais à l'autre bout de la chaîne, si l'on peut dire, puisqu'elle intervient au tout début du processus, confère à l'ensemble de la formation sa cohérence. Le projet pédagogique personnalisé constitue un document de nature contractuelle, à l'image par exemple, dans un domaine différent, du contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS), qui définira les modalités de l'accompagnement de l'élève tout au long de sa formation, conformément au projet d'ensemble et à la formation diplômante poursuivie. Il s'agit, au final, d'intégrer une famille de métiers. Le texte du dispositif ne détaille pas plus avant cette étape. Il est vrai que certaines précisions relèveront du domaine réglementaire. L'exposé des motifs du projet de loi annonce toutefois que le projet pédagogique personnalisé sera élaboré par l'équipe pédagogique, en association avec le jeune et la famille. L'importance de l'équipe pédagogique doit être soulignée. L'apprentissage junior laisse une place importante à l'accompagnement et ce, conformément à l'exposé des motifs du projet de loi, « tout au long de la phase de tâtonnement et de recherche, [que les apprentis junior] ne manqueront pas de connaître à leur entrée dans un cycle d'initiation et de formation professionnelles ». C'est l'exposé des motifs également qui précise que sera désigné au sein de l'équipe pédagogique un correspondant, par l'établissement scolaire d'origine ou celui auquel est désormais rattaché le jeune si un changement s'avère nécessaire pour des raisons géographiques. Plus encore, « un membre de l'équipe pédagogique exerce la fonction de tuteur. Il assure un accompagnement individualisé du jeune, en particulier durant les stages effectués en entreprise. Il entretient le dialogue avec la famille de ce dernier et est chargé des relations avec les entreprises d'accueil ». Ce système du tutorat est essentiel pour assurer dans la pratique l'accompagnement effectif du jeune, à l'image du « référent » dans le cadre de l'article L. 322-4-17-12 du code du travail relatif au contrat d'insertion dans la vie sociale. Par ailleurs, il conviendra de préciser ce que signifie l'expression : « donne lieu ». Sans doute cette précision revêt-elle un caractère surtout réglementaire, mais on peut se demander, par exemple, si le projet conditionne l'accès à la formation, ou s'il est établi postérieurement à l'admission. Probablement sera-t-il établi après cette dernière, son élaboration constituant en quelque sorte la première étape de l'apprentissage initial. Le troisième alinéa de cet article L. 337-3 (alinéa 4 de l'article 1er) définit un autre principe de la nouvelle formation, sa réversibilité : « Les élèves suivant une formation d'apprenti junior peuvent, avec l'accord de leurs représentants légaux et jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire mentionnée à l'article L. 131-1, mettre fin à cette formation et reprendre leur scolarité dans un collège ou un établissement d'enseignement agricole ou maritime ». L'élève doit donc toujours pouvoir retourner au collège, et ce quelle que soit la phase de l'apprentissage concernée, phase initiale ou phase confirmée - conformément à l'article L. 131-1 du code de l'éducation qui dispose que « l'instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six ans et seize ans ». Seul est requis l'accord des représentants légaux de l'élève, conformément au souci, omniprésent dans l'apprentissage junior, de favoriser, autant que faire se peut, l'implication des parents dans la poursuite de la formation. Les quatrième et cinquième alinéas de cet article L. 337-3 (alinéas 5 et 6 de l'article 1er) abordent la description de la première phase de l'apprentissage junior, à savoir la phase d'apprentissage initial, phase dite aussi de parcours d'initiation aux métiers. La vocation du parcours est triple : 1°) Concourir à l'acquisition du socle commun de connaissances, tel qu'il a été annoncé dans le cadre scolaire par la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école. On rappellera que l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, introduit par cette loi du 23 avril 2005, dispose que « la scolarité obligatoire doit au moins garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l'acquisition d'un socle commun constitué d'un ensemble de connaissances et de compétences qu'il est indispensable de maîtriser pour accomplir avec succès sa scolarité, poursuivre sa formation, construire son avenir personnel et professionnel et réussir sa vie en société » et que « ce socle comprend : la maîtrise de la langue française ; la maîtrise des principaux éléments de mathématiques ; une culture humaniste et scientifique permettant le libre exercice de la citoyenneté ; la pratique d'au moins une langue vivante étrangère ; la maîtrise des techniques usuelles de l'information et de la communication ». Naturellement, le présent projet s'inscrit dans cette démarche, mais va aussi plus loin en ce qu'il tire la conséquence de la situation actuelle où, dans le cadre du préapprentissage mais également de l'apprentissage, les situations d'échec sont trop nombreuses (socle de connaissances non acquis, taux de rupture des contrats d'apprentissage avant terme de l'ordre de 25 %) et qu'il propose pour résoudre ces difficultés une solution alternative ; 2°) Permettre à l'élève de découvrir plusieurs métiers. 3°) Permettre à l'élève de préparer sa formation en apprentissage, puisque celle-ci constitue la deuxième étape de l'apprentissage junior. Le parcours d'initiation aux métiers est constitué de quatre éléments : des enseignements de type général ; des enseignements de caractère technologique et pratique ; des stages en milieu professionnel, qui pourraient être de deux types : d'une part, de simples stages d'observation, et, d'autre part, des stages d'une durée plus longue qui préfigureront une véritable relation de travail. Pour ces derniers stages, le dispositif de l'article prévoit qu'ils se dérouleront dans le cadre des conditions de l'article L. 331-5 du code de l'éducation. Cet article reprend les dispositions de l'article L. 211-1 du code du travail, consacré aux conditions dans lesquelles peuvent être employés dans certains établissements et professions les mineurs de moins de seize ans - et qui prévoit expressément, entre autres, le cas des élèves qui suivent un enseignement alterné ou un enseignement professionnel. S'ils atteignent une certaine durée, qui devra être déterminée par décret (sans doute deux semaines), ces stages pourront donner lieu à une gratification, dont le montant sera lui aussi fixé par décret. Elle pourrait être de 50 euros par semaine. Il est précisé que « cette gratification n'a pas le caractère d'un salaire au sens de l'article L. 140-2 du code du travail ». A l'entrée dans la deuxième phase de l'apprentissage, c'est toutefois le régime de rémunération « ordinaire » de l'apprenti qui prévaudra. Les entreprises seront incitées à recruter de tels stagiaires grâce à l'établissement d'un crédit d'impôt, prévu à l'article 3 du projet de loi, destiné à compenser à la fois le montant de la gratification versée à l'élève et l'investissement en temps exigé par son accompagnement. Le lieu de réalisation du parcours d'initiation aux métiers, aux termes de l'exposé des motifs du projet de loi, est le lycée professionnel ou un centre de formation d'apprentis. L'exposé des motifs rappelle en outre que ce parcours se déroule sous statut scolaire. Au total, conformément à l'annonce qui figure dans l'exposé des motifs, « l'équilibre entre ces différentes activités doit permettre de marquer un véritable changement avec les pratiques pédagogiques antérieures ». Le sixième alinéa de cet article L. 337-3 (alinéa 7 de l'article 1er) est relatif à la deuxième étape de l'apprentissage junior, à savoir la phase d'apprentissage confirmé. Dans cette nouvelle phase, l'élève se retrouve dans le cadre de l'apprentissage « de droit commun », tel qu'il existe aujourd'hui. Toutefois, le principe de la réversibilité continue à être applicable, et l'apprenti peut à tout moment, s'il le souhaite, réintégrer le collège. L'apprenti junior aura donc quinze ans et c'est à partir de cet âge qu'il peut entrer alors en apprentissage confirmé en signant un contrat à cet effet. L'article 2 du présent projet procède à l'aménagement nécessaire dans le code du travail pour permettre cette signature dès l'âge de quinze ans. L'accord du représentant légal de l'élève est requis, conformément au rôle assigné aux parents par ailleurs dans l'ensemble de la formation. En outre, il faut que l'apprenti junior soit « jugé apte à poursuivre l'acquisition, par la voie de l'apprentissage, du socle commun de connaissances et de compétences mentionné à l'article L. 122-1-1 ». Cette condition est conforme à la perspective d'acquisition du socle de connaissances et de compétences rappelée dans les alinéas précédents. C'est l'équipe pédagogique qui prendrait cette décision, cet élément devant toutefois être précisé par décret. Le dernier alinéa de cet article L. 337-3 du code de l'éducation (alinéa 8 de l'article 1er) précise que « l'ouverture des parcours d'initiation aux métiers dans les lycées professionnels et les centres de formation d'apprentis est inscrite au plan régional de développement de formation professionnelle mentionné à l'article L. 214-13 ». Dans la rédaction de l'article L. 337-3 qui prévalait jusqu'ici, les CLIPA devaient déjà être inscrites dans les PRDFP. Le premier alinéa de l'article L. 214-13 du code de l'éducation dispose en effet que « La région adopte le plan régional de développement des formations professionnelles et s'assure de sa mise en oeuvre. Ce plan a pour objet de définir une programmation à moyen terme des actions de formation professionnelle des jeunes et des adultes et de favoriser un développement cohérent de l'ensemble des filières de formation. » Eu égard à cette définition, il n'est pas illogique que les parcours d'initiation aux métiers (comme auparavant les CLIPA) y figurent. Cela est d'autant plus justifié que ces plans ont notamment pour objet d'assurer la cohérence entre les formations offertes par les lycées et celles offertes par les centres de formation d'apprentis. En outre, ces plans prennent en compte les contrats d'objectifs et de moyens que l'Etat, la région ou la collectivité territoriale de Corse, les chambres consulaires, ou encore une ou plusieurs organisations représentatives d'employeurs et de salariés peuvent conclure pour contribuer au développement de l'apprentissage, en application de l'article L. 118-1 du code du travail tel qu'il a été rédigé par l'article 32 de la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005. Il convenait de préciser que les parcours d'initiation aux métiers connaîtraient le même sort, même s'il faut aussi garder à l'esprit que la phase confirmée de l'apprentissage junior, en tant que phase d'apprentissage « de droit commun », figurera également dans ces plans, à l'image de toute filière d'apprentissage. * La commission a examiné deux amendements de suppression de l'article présentés respectivement par M. Yves Durand et M. Maxime Gremetz. M. Yves Durand a souligné que l'instauration de l'apprentissage junior revient à remettre en cause subrepticement le principe de la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans. En effet, même si les jeunes concernés restent sous statut scolaire la première année, ils n'auront aucune chance de pouvoir revenir dans l'enseignement général s'ils se rendent compte que la voie de l'apprentissage ne les satisfait pas. Comment prétendre sérieusement qu'un jeune, qui est déjà un élève en difficulté, pourra, au bout de deux ans pendant lesquels il aura dû s'adapter au monde du travail, réintégrer l'enseignement général alors qu'il n'aura pu acquérir le socle commun de connaissances indispensable à la poursuite de sa scolarité ? Le gouvernement avance masqué et, par une sorte d'entourloupe, il va parvenir à ses fins. Loin d'être un texte promoteur de l'égalité des chances, ce projet de loi restera dans l'histoire comme celui qui a introduit une discrimination entre les jeunes qui, à partir de quatorze ans, seront exclus du système scolaire, et les autres, plus chanceux, qui auront pu prolonger leur scolarité. Le président Jean-Michel Dubernard a conseillé à M. Durand de modérer ses propos, le terme d'entourloupe étant particulièrement déshonorant et laissant croire à une opération empreinte de malhonnêteté intellectuelle. Il convient que les discussions se déroulent dans un climat de sérénité. En réaction aux propos du président Jean-Michel Dubernard, M. Yves Durand a proposé d'employer l'expression « rideau de fumée » et a réaffirmé la position de son groupe, considérant que l'instauration de l'apprentissage junior est la voie ouverte à la suppression de l'obligation scolaire jusqu'à seize ans. M. Maxime Gremetz a estimé que le projet comporte deux questions majeures : le contrat première embauche et l'apprentissage à quatorze ans. Ce dernier point est décisif pour des millions de jeunes. En effet, l'apprentissage dès quatorze ans, tel qu'il a pu être pratiqué dans les années soixante, est devenu aujourd'hui totalement incompatible avec la révolution technologique : les jeunes ont bien besoin de connaissances générales pour s'intégrer à la société de l'information. La même remarque est valable pour les ouvriers qualifiés. Remettre en cause le principe de l'obligation scolaire jusqu'à seize ans constitue donc une mesure régressive, un véritable retour en arrière. La preuve du malaise qu'entraîne cette proposition est l'absence du ministre en charge de l'éducation nationale au sein de ce débat. Compte tenu du fait que les prétendues passerelles entre l'enseignement général et l'apprentissage n'existent pas, la proposition conduit bien à sacrifier des millions de jeunes en supprimant toutes leurs chances de poursuivre des études. Elle va également à l'encontre de toutes les politiques conduites chez nos voisins européens, qui prolongent la durée de ces études. Cette proposition, d'une gravité extrême, suscite enfin bien des questions sur le statut et la rémunération de ces jeunes apprentis. Il s'agit d'un mauvais coup porté à la jeunesse et à la France. Favorable à la suppression de l'article, M. Christian Paul a jugé que le texte comporte deux types de mesures : d'une part les mesures insuffisantes, d'autre part les mesures inacceptables. À l'évidence, l'instauration d'un préapprentissage à quatorze ans figure parmi ces dernières. En outre, la mesure est inopportune d'un point de vue économique, puisque l'exemple allemand montre que les apprentis les moins qualifiés se retrouvent rapidement au chômage. Ce que propose le gouvernement aux jeunes, c'est un apprentissage à quatorze ans, un contrat de première embauche à seize ans, puis le chômage à seize ans et demi. Or, d'un point de vue éducatif, l'orientation doit être choisie et non subie, alors que depuis quelques années, des objectifs irréalistes sont fixés en ce qui concerne le nombre d'apprentis. Il faut d'ailleurs rappeler que, depuis 1971, l'apprentissage est un contrat de travail. Faute de moyens nouveaux alloués à l'Education nationale, la mesure ne résoudra en rien le problème de l'échec scolaire et il est vraiment paradoxal de demander aux jeunes les plus en difficulté de choisir le plus précocement leur avenir professionnel. La proposition conduit à rompre le principe d'égalité, pilier de notre république. Elle va à rebours d'une évolution qui trouve son origine il y a soixante ans. Pour la majorité parlementaire, l'école est l'école de l'avant-guerre, ayant pour principe directeur : « ça passe ou ça casse », l'élève étant responsable de son échec scolaire. Il manque trois choses à ce projet : la refonte de l'éducation prioritaire ; la nécessaire concertation avec les régions, collectivités territoriales en charge de la politique de l'apprentissage ; l'adhésion des partenaires sociaux, puisque la proposition a suscité une levée de boucliers au Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie. M. Maurice Giro s'est déclaré surpris de la tournure prise par le débat. En effet, il ne faut pas considérer l'apprentissage comme une voie complètement séparée de l'école. Il s'agit d'une alternance entre l'école et l'entreprise : la meilleure preuve en est que certains apprentis sont devenus ingénieurs. L'apprentissage à quatorze ans constitue une proposition issue d'un constat fait sur le terrain. Dans les collèges, certains jeunes, à partir de quatorze ans, ne trouvent plus aucun intérêt à satisfaire à l'obligation scolaire et finissent par représenter un véritable problème pour les enseignants et les autres élèves. Le dispositif s'inscrit en outre dans une certaine continuité et n'a rien de révolutionnaire. M. Bernard Perrut a rappelé que 150 000 jeunes sortent chaque année du système éducatif sans qualification. La mesure répond donc aux préoccupations des jeunes et de leurs familles et s'inscrit dans le cadre de dispositions déjà en vigueur, qui permettent le recours à l'alternance avant seize ans. Les jeunes seront bien encadrés grâce au système du tutorat. De quatorze à quinze ans, ils choisiront une voie professionnelle ; puis ils signeront un contrat d'apprentissage à quinze ans. Compte tenu des garanties apportées, les inquiétudes exprimées ne sont pas de mise. Enfin, à tout moment, le jeune pourra revenir dans le système de l'enseignement général. M. Francis Vercamer a fait part de son opposition à l'amendement de suppression de l'article. Compte tenu de la diversité des populations vivant en France, il est évident que certains n'ont pas de véritable vocation pour les études. De ce point de vue, c'est une lourde erreur de considérer systématiquement l'apprentissage comme une voie de garage. Certes, c'est une solution pour certains jeunes déscolarisés, mais l'apprentissage peut également être très utile à d'autres. Le problème crucial est la qualité de l'accueil de l'apprenti par l'entreprise, ce qui pose la question de la lutte contre les discriminations. Le rapporteur a souhaité apporter les éléments de réponse suivants. S'agissant en premier lieu des conditions de la réussite, l'alternance prépare à 90 % à des diplômes avec le même taux de réussite que les filières classiques. De plus, à diplôme équivalent, l'apprentissage permet une meilleure insertion. Le projet de loi réforme une filière d'apprentissage existante qui est déjà décrite dans le code de l'éducation sous l'appellation « classes d'initiation au préapprentissage en alternance » et qui produit des résultats, en dépit d'un certain nombre de limites. L'objectif du projet consiste à la relancer de manière performante. S'il manquait certes dans le projet de loi des précisions sur l'organisation souple de l'équipe pédagogique, un amendement relatif aux actions de tutorat viendra combler cette absence. En second lieu, il s'agit avec ce projet de loi de prendre le temps de l'orientation professionnelle. Alors que les taux de rupture des contrats d'apprentissage sont faibles en Allemagne, ils sont de plus de 20 % en France dans les premiers mois de découverte du monde du travail. Il est donc essentiel de prendre le temps de sélectionner son univers professionnel ; c'est ce que propose l'apprentissage junior. Pour ce qui concerne enfin les moyens de financement, ils sont déjà largement en place puisque la loi de programmation pour la cohésion sociale a instauré un fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage, doté de 150 millions d'euros en 2005 et de 250 millions d'euros en 2006, qui peut être utilisé dans ce cadre. Les régions ont signé des contrats d'objectifs et de moyens permettant de bénéficier d'un financement en provenance de ce fonds, les deux tiers d'entre elles prévoyant à ce titre des actions de préapprentissage - la région Poitou-Charentes étant d'ailleurs celle qui a mobilisé le plus de fonds à cet effet. Le dispositif proposé constitue donc un progrès par rapport à celui existant et doit être regardé avec confiance. Suivant l'avis du rapporteur, la commission a rejeté les amendements de suppression de l'article 1er. M. Francis Vercamer a présenté un amendement visant à préciser que la possibilité de bénéficier d'un apprentissage junior dès l'âge de 14 ans doit être réservée aux jeunes ayant 14 ans révolus à la rentrée scolaire. Le rapporteur a estimé que le libellé de cet amendement n'est pas suffisamment souple et ne respecte pas, de plus, les pratiques actuelles de l'Éducation nationale. Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l'amendement. Le rapporteur a présenté un amendement visant à préciser les conditions d'élaboration du projet pédagogique personnalisé, en faisant référence à l'intervention d'un tuteur au sein de l'équipe pédagogique. M. Christian Paul a souhaité obtenir des précisions sur le tuteur. Qui pourra être tuteur ? Quels moyens le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche prévoit-il pour cet accompagnement ? Le gouvernement s'est-il engagé sur cette question ? Il est regrettable que le ministre concerné n'ait pas pu s'exprimer hier devant la commission sur ces points d'importance. M. Maxime Gremetz a commencé par s'interroger sur la notion d'« apprenti junior » en mettant en avant le flou entourant une expression qui semble plutôt relever du champ lexical du football, voire de la politique. L'apprentissage ne doit pas être confondu avec l'alternance qui est un dispositif clair ; dans le passé, l'apprentissage consistait à suivre des cours du soir après une journée de travail. On sait aussi très bien que les apprentis sont peu payés. En outre, leur préservera-t-on un quota d'heures sur leur temps de travail pour la formation ? Il ne faut enfin pas oublier que le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, dont la composition est très diverse, a unanimement repoussé ce projet de loi. M. Yves Durand a souhaité savoir qui pourra être tuteur - un enseignant ? une personne extérieure au collège ?- et qui le désignera - le chef d'établissement ? le conseil de classe ? Il convient aussi de noter que le texte de l'amendement ne prévoit que la possibilité, et non l'obligation, de désigner un tuteur. En outre, se pose la question de la définition du statut de ce tuteur. Enfin, son action s'inscrira-t-elle en dehors ou dans le cadre de son temps de service ? Dans ce dernier cas, et compte tenu de la suppression de postes dans l'enseignement secondaire, il faudra nécessairement dégager des moyens supplémentaires. Après avoir déclaré qu'il avait eu personnellement la responsabilité de mettre en place des sections spécialisées en matière scolaire, M. Alain Néri a posé à son tour la question du statut de l'apprenti junior. Sera-t-il sous statut scolaire ? Sera-t-il rémunéré ? Aura-t-il droit aux bourses scolaires ? Cette dernière interrogation est d'importance pour les conseils généraux. Par ailleurs, la composition et le fonctionnement de l'équipe pédagogique posent question. Celle-ci sera-t-elle composée de professeurs et lesquels ? Comprendra-t-elle des assistantes sociales ? Ces questions appellent des réponses précises. L'apprentissage à quatorze ans constitue en effet une remise en cause de la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans. M. Bernard Perrut s'est félicité que l'amendement du rapporteur aborde la question du tutorat. Il est en effet essentiel que les principes de l'exposé des motifs qui prévoient explicitement la constitution d'une équipe pédagogique et l'intervention d'un tuteur pour accompagner l'apprenti junior soient repris dans l'article 1er, sachant qu'il est important de savoir si la période d'accompagnement du tutorat est limitée ou non à la période de découverte des métiers. S'il demeure une incertitude relative à la simple possibilité de désigner un tuteur, possibilité qui peut toutefois s'expliquer en raison de la souplesse qu'elle offre, l'amendement reste utile. M. Christian Paul a souhaité compléter la question de M. Alain Néri en interrogeant le rapporteur sur les conditions d'engagement de la responsabilité des futurs tuteurs. Dans le département de la Nièvre, un chef d'établissement et un enseignant remplissant des fonctions de tutorat dans l'enseignement agricole ont récemment été condamnés à des peines de prison avec sursis parce qu'ils étaient censés assurer une surveillance dans le cadre de leurs activités de tutorat. Le rapporteur a estimé que les articles du projet de loi permettent de répondre à une partie de ces interrogations. L'apprenti junior est bien sous statut scolaire lors de la première phase de sa formation - l'apprentissage junior initial. Les articles relatifs à l'apprentissage junior figurent d'ailleurs dans le code de l'éducation. La réforme ne vise à supprimer que les dispositifs relatifs aux classes préparatoires à l'apprentissage (CPA) et aux classes d'initiation préprofessionnelle en alternance (CLIPA), les sections d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA), notamment, étant maintenues. Le tuteur, qui relèverait de l'Éducation nationale, serait compétent au cours des deux phases de l'apprentissage junior. La question des moyens ne manquera pas d'être abordée lors des débats budgétaires. Quant à la définition de l'apprenti junior, il s'agit tout simplement de la nouvelle dénomination de celui qu'on appelait antérieurement préapprenti. Un suivi par le tuteur, dès les premiers mois, assurera un niveau de réussite supérieur aux jeunes. Le problème de la responsabilité juridique des enseignants ne doit pas être évacué et des études sont menées dans certains départements sur cette question ; au demeurant, ce point relève largement du niveau réglementaire, ainsi que, le cas échéant, d'évaluations dans le cadre de la préparation de la discussion des projets de loi de finances par exemple. M. Christian Paul a regretté que le rapporteur n'apporte pas de réponse à la question des moyens, la renvoyant au débat budgétaire. Alors que le projet de loi concerne à l'évidence quelques milliers de postes par an, il aurait pourtant été souhaitable de connaître la position du gouvernement sur ce point. On ne peut manquer de s'interroger sur l'impact des lois que l'on vote ! M. Alain Néri a renouvelé son interrogation sur la composition de l'équipe pédagogique. Le rapporteur a répondu que pour ce qui concerne les SEGPA, la législation n'a jamais pointé le détail des postes par établissement, cette matière relevant à l'évidence de la compétence réglementaire conformément aux articles 34 et 37 de la Constitution. La question du financement est à poser au ministre, mais il existe d'ores et déjà des moyens affectés aux filières de préapprentissage existantes (CPA et CLIPA) et un fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage, créé par la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005. La commission a adopté l'amendement. La commission a examiné un amendement de M. Francis Vercamer visant à prévoir la possibilité de la réintégration d'un apprenti junior ayant mis fin à sa formation au sein de son collège d'origine. Le rapporteur a donné un avis favorable à cet amendement, qui renforce le caractère réversible de la formation d'apprenti junior. La commission a adopté l'amendement. La commission a ensuite examiné un amendement de M. Maxime Gremetz prévoyant la transmission par l'entreprise d'une déclaration préalable d'engagement d'un apprenti junior à l'inspection du travail. M. Maxime Gremetz a indiqué que l'inspection du travail doit être à même de vérifier la sécurité des conditions de travail des apprentis juniors. Le rapporteur a souligné que le texte de cet amendement, loin d'apporter des garanties, correspond à une forme de démembrement de la scolarité obligatoire jusqu'à l'âge de seize ans. Le projet de loi prévoit au contraire que le parcours d'initiation qu'emprunte le jeune jusqu'à l'âge de quinze ans reste de la compétence de l'Éducation nationale, qui décide du placement de celui-ci dans le cadre du processus d'orientation. C'est en effet l'Éducation nationale qui choisit l'employeur. La phase suivante consiste en la signature d'un contrat d'apprentissage en bonne et due forme avec les garanties législatives et réglementaires qui s'y attachent. L'adoption de l'amendement conduirait à un retrait de la fonction de « pilotage » du dispositif d'apprentissage junior initial des mains de l'Education nationale et à l'établissement d'un système de déclaration préalable moins complet s'agissant de la phase d'apprentissage junior confirmé. M. Maxime Gremetz a relevé que l'emploi du terme d'employeur constitue la preuve que cet apprenti junior doit dépendre du droit du travail et donc du contrôle de l'inspection du travail. À quinze ans, l'apprenti n'est plus sous statut scolaire. Le rapporteur a fait observer que la rédaction de l'amendement est ambiguë : s'il s'agit de prévoir une procédure de déclaration spécifique concernant la phase d'apprentissage confirmée, en tout état de cause, les garanties posées à l'article L. 117-5 du code du travail en matière de déclaration de l'employeur prévaudront. Il a cependant proposé que cette question soit réexaminée dans la perspective de la réunion que la commission tiendra en application de l'article 88 du Règlement. Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l'amendement. La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié. Article 2 La création de la formation d'apprenti junior telle qu'elle a été définie par l'article 1er, en une nouvelle rédaction de l'article L. 337-3 du code de l'éducation, et l'établissement des principes sur lesquels cette nouvelle formation repose, rendent nécessaires certaines adaptations du code du travail. C'est l'objet des quatre modifications prévues par le présent article 2, qui visent toutes, conformément à l'annonce figurant dans l'alinéa 1 de cet article, à la modification de ce code. 1. Assouplissement des modalités de variation de la durée du contrat d'apprentissage au profit des apprentis juniors Cette première adaptation, prévue par les alinéas 2 et 3 de cet article 2, répond à un souci légitime, s'agissant des apprentis juniors : « simplifier (...) les formalités requises pour adapter la durée du contrat en vue de faciliter la poursuite de la pédagogie adaptée, développée lors de la première phase de l'apprentissage junior », conformément à l'annonce figurant dans l'exposé des motifs. En application de l'article R. 117-6 du code du travail, la durée des contrats d'apprentissage est fixée à deux ans. Cette durée est portée à trois ans pour les contrats conclus en vue de la préparation d'un titre d'ingénieur diplômé ou d'un diplôme d'enseignement supérieur long quand telle est la durée réglementaire de préparation du diplôme. Aux termes de l'article R. 117-7-3 du même code, cette durée de deux ans peut être réduite jusqu'à un an ou allongée jusqu'à trois ans pour tenir compte du niveau initial de compétence de l'apprenti. Cette adaptation nécessite l'autorisation du recteur de l'académie ou du directeur régional de l'agriculture et de la forêt après avis, le cas échéant, du président de l'université ou du directeur de l'établissement d'enseignement supérieur concerné, au vu de l'évaluation des compétences du jeune concerné. L'ensemble de ces règles est conforme aux dispositions de l'article L. 115-2 du code du travail, en application duquel la durée du contrat d'apprentissage peut varier entre un et trois ans, selon le type de profession et le niveau de qualification préparé - cette durée pouvant être adaptée pour tenir compte du niveau initial de compétence de l'apprenti, et étant alors fixée par les cocontractants : en fonction de l'évaluation des compétences de l'apprenti ; après autorisation du service de l'inspection de l'apprentissage compétent. Or ces deux conditions semblent superflues dans le cadre de l'apprentissage junior : d'une part, l'évaluation des compétences sera faite par l'équipe pédagogique ; d'autre part, la caution de l'équipe pédagogique ne rend pas nécessaire d'autre autorisation. C'est pourquoi il semblait souhaitable de faire bénéficier les apprentis juniors d'un contrat d'une durée supérieure à deux ans sur la seule recommandation de l'équipe pédagogique, sans autre formalité. C'est la raison pour laquelle les alinéas 2 et 3 de cet article 2 insèrent avant la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article L. 115-2 une phrase selon laquelle « cette autorisation [à savoir l'autorisation du service de l'inspection de l'apprentissage compétente] est réputée acquise lorsque le contrat d'apprentissage est conclu dans le cadre de la formation mentionnée à l'article L. 337-3 du code de l'éducation », à savoir la formation d'apprenti junior. Dans ce cas subsiste donc la seule nécessité d'évaluer les compétences de l'apprenti, qui reste mentionnée dans la deuxième phrase du deuxième alinéa de cet article L. 115-2, et qui sera prise en charge par l'équipe pédagogique elle seule, conformément à l'ensemble de la mission d'accompagnement qui lui est impartie tout au long de la formation. 2. Extension de la possibilité de signer un contrat d'apprentissage à partir de quinze ans Aux termes de la nouvelle rédaction de l'article L. 337-3 du code de l'éducation établie par l'article 1er du présent projet, il est possible à l'apprenti junior de conclure un contrat d'apprentissage « de droit commun » à partir de l'âge de quinze ans (avec accord de son représentant légal et à la condition d'être jugé apte à poursuivre l'acquisition, par cette voie, du socle de connaissances et de compétences). Or aujourd'hui, aux termes de la première phrase du premier alinéa de l'article L. 117-3 du code du travail, « nul ne peut être engagé en qualité d'apprenti s'il n'est âgé de seize ans au moins à vingt-cinq ans au début de l'apprentissage ». Il existe toutefois d'ores et déjà une dérogation à la limite d'âge de seize ans, au profit des jeunes de quinze ans ayant achevé leur scolarité jusqu'à la fin de la classe de troisième, conformément à la deuxième phrase de ce même alinéa : « toutefois, les jeunes âgés d'au moins quinze ans peuvent souscrire un contrat d'apprentissage, s'ils justifient avoir effectué la scolarité du premier cycle de l'enseignement secondaire ». En outre, aux termes d'une circulaire n° 81-25 du 13 mars 1981, les jeunes âgés d'au moins quinze ans peuvent également souscrire un contrat d'apprentissage s'ils ont effectué deux années en centres d'enseignement et (ou) classes préparatoires en apprentissage. De fait, déjà aujourd'hui, il existe en pratique de nombreux jeunes pour lesquels une dérogation a été accordée, mais pour lesquels le bénéfice de cette dérogation n'est qu'imparfait, que ces jeunes se trouvent en situation d'échec en apprentissage ou d'attente passive dans une classe de préapprentissage n'ayant pas toujours tenu toutes ses promesses. Le présent projet ne fait donc que s'inscrire dans un cadre préexistant, pour lui appliquer une pédagogie et un projet nouveaux, par l'apprentissage junior. Il est néanmoins nécessaire de compléter le premier alinéa de l'article L. 117-3 du code du travail, afin de prévoir que les jeunes d'au moins quinze ans pourront souscrire un contrat d'apprentissage également « s'ils remplissent la condition prévue à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 337-3 du code de l'éducation », à savoir s'ils bénéficient de l'accord de leur représentant légal et sont jugés aptes à poursuivre ainsi l'acquisition du socle commun de connaissances et de compétences (il existe donc en fait deux conditions). 3. L'ouverture de la possibilité du retour au collège à chaque étape de l'apprentissage junior L'article L. 117-17 du code du travail est relatif aux modalités de résiliation du contrat d'apprentissage, résiliation qui, en principe, doit intervenir, après les deux premiers mois de l'apprentissage, « sur accord exprès et bilatéral des cosignataires ou, à défaut, être prononcée par le conseil de prud'hommes en cas de faute grave ou de manquements répétés de l'une des parties à ses obligations ou en raison de l'inaptitude de l'apprenti à exercer le métier auquel il voulait se préparer ». Or, selon l'un des principes fondamentaux de l'apprentissage junior, l'élève doit toujours être en mesure de cesser la formation s'il souhaite rejoindre le collège, quelle que soit la phase concernée, donc y compris la phase « confirmée » d'apprentissage junior (soit la phase d'apprentissage de droit commun). La rédaction actuelle de l'article L. 117-17 ne le permet pas. C'est pourquoi les alinéas 5 à 8 de l'article 2 insèrent dans cet article un nouvel alinéa aux termes duquel « lorsque le contrat d'apprentissage est conclu dans le cadre de la formation mentionnée à l'article L. 337-3 du code de l'éducation [soit l'apprentissage junior], il peut être résilié, avec l'accord de son représentant légal, par l'apprenti qui demande à reprendre sa scolarité en application des dispositions du même article ». On retrouve pour seule condition la nécessité de l'accord du représentant légal. Par ailleurs, est insérée dans le troisième alinéa de ce même article - aux termes duquel « la résiliation pendant les deux premiers mois d'apprentissage ne peut donner lieu à indemnité à moins d'une stipulation contraire dans le contrat » - la référence à l'alinéa précédent, c'est-à-dire au nouveau cas de résiliation en matière d'apprentissage junior : la liberté laissée à l'apprenti junior et à sa famille ne doit pas peser sur l'employeur, ce qui risquerait de décourager les embauches d'apprentis juniors. 4. La prise en compte de la formation d'apprentis junior dans les contrats d'objectifs et de moyens L'article 32 de la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 a introduit à l'article L. 118-1 du code du travail la référence à des contrats d'objectifs et de moyens qui peuvent être conclus entre l'Etat, la région ou la collectivité territoriale de Corse, les chambres consulaires, une ou plusieurs organisations représentatives d'employeurs et de salariés voire d'autres parties, pour favoriser le développement tant quantitatif que qualitatif de l'apprentissage. Les objectifs pouvant être poursuivis par ces contrats sont limitativement énumérés dans ce même article : adapter l'offre quantitative et qualitative de formation, en particulier au regard des perspectives d'emploi dans les différents secteurs d'activité ; améliorer la qualité du déroulement des formations dispensées en faveur des apprentis ; valoriser la condition matérielle des apprentis ; développer le préapprentissage ; promouvoir le soutien à l'initiative pédagogique et à l'expérimentation ; faciliter le déroulement de séquences d'apprentissage dans des États membres de l'Union européenne ; favoriser l'accès des personnes handicapées à l'apprentissage. Au regard des objectifs ainsi arrêtés, ces contrats indiquent également les moyens mobilisés par les parties : en effet, l'ensemble des actions mises en œuvre dans le cadre des contrats sont susceptibles d'être financées (au moins pour partie) grâce au nouveau fonds de développement et de modernisation de l'apprentissage, issu, aux termes de la loi du 18 janvier 2005 également, de l'ancien fonds de péréquation de la taxe d'apprentissage, et dont l'une des deux sections a vocation à assurer ces financements. Le préapprentissage figurant d'ores et déjà parmi les objectifs mentionnés pour les contrats d'objectifs et de moyens, les régions, qui ont pour la quasi-totalité d'entre elles signé un tel contrat au cours de l'année 2005, ont pu prévoir des financements à cet effet, conformément au tableau présenté ci-après. Crédits affectés au préapprentissage dans les contrats d'objectifs et de moyens (en euros)
Source : ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. * FNDMA = fonds national pour le développement et la modernisation de l'apprentissage. Il était important toutefois de mentionner expressément également, parmi ces objectifs, la poursuite de la formation d'apprenti junior, de manière à ce que « les régions [puissent] ainsi bénéficier d'un soutien financier du fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage pour accroître, dans le cadre de l'apprentissage junior, l'effort qu'elles consentaient auparavant au titre des classes d'initiation préprofessionnelles par l'alternance (CLIPA) », conformément à l'exposé des motifs du projet de loi. C'est ainsi que l'alinéa 9 de cet article 2 complète le sixième alinéa de l'article L. 118-1 du code du travail, qui consacre déjà le développement du préapprentissage comme objectif des contrats d'objectifs et de moyens, en y ajoutant les mots : «, notamment la formation d'apprenti junior mentionnée à l'article L. 337-3 du code de l'éducation ». * La commission a examiné un amendement de suppression de l'article présenté par M. Yves Durand. M. Christian Paul a indiqué que cet amendement vise à supprimer le dispositif relatif au retour au collège, qui dans les faits sera plus exactement un aller simple sans retour et relève donc de la pure fiction. M. Yves Durand a rappelé que la discussion de la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école a donné lieu à un vaste débat autour du socle commun de connaissances et de compétences que doit acquérir chaque élève. La mission d'information créée par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur la définition des savoirs enseignés à l'école, que présidait M. Pierre-André Périssol, a également conclu à la nécessité d'un socle pluridisciplinaire de connaissances dispensé aux élèves jusqu'à l'age de seize ans. Or la possibilité d'une orientation vers l'apprentissage dès l'âge de quatorze ans met à mal cet objectif. Écarter les jeunes de cet objectif au motif qu'ils ne sont pas capables d'acquérir ce socle, ainsi que le prévoit le présent projet, est donc en contradiction flagrante avec la loi pour l'avenir de l'école. Le groupe socialiste n'est pas hostile par principe à la culture professionnelle et technologique, mais encore faut-il que cette voie soit ouverte à tous et constitue un atout supplémentaire pour les élèves. Il est illusoire de demander aux élèves en difficulté d'acquérir à la fois le socle commun de connaissances et de compétences et le savoir professionnel. M. Dominique Juillot a indiqué qu'il convient de ne pas considérer a priori l'entrée en apprentissage comme un échec, non plus qu'il ne faut analyser en terme d'échec l'absence de retour au collège, le cas échéant. Poursuivre dans la filière de l'apprentissage peut constituer une réussite et l'acquisition nécessaire du socle commun de connaissances peut parfaitement s'effectuer progressivement dans ce cadre. M. Alain Néri a relevé que parler d'égalité des chances est une véritable hérésie au regard de la réalité pratique. La démarche pertinente consiste plutôt à mettre en place une égalisation des chances, ce qui revient à donner davantage à ceux qui sont défavorisés au départ. Il est par ailleurs nécessaire de prendre en compte le caractère pluriel de l'intelligence : celle-ci n'est pas seulement théorique, comme on a trop souvent tendance à le croire, mais aussi pratique. L'épanouissement de chacun passe par le développement de ces différentes formes d'intelligence au sein du système scolaire. M. Christian Paul a souligné les aspects contradictoires de ce projet de loi, improvisé par le gouvernement à la suite de la crise sociale des banlieues. En réalité, ce projet vise à mettre en œuvre un nouveau cursus d'orientation de masse pour les élèves en échec scolaire et corrélativement une procédure d'élimination du collège - puisque le retour n'est à l'évidence pas possible. Au lieu de refonder l'éducation publique pour tous, ce texte fait le choix de mettre en place de nouvelles procédures d'éviction sans corde de rappel pour ces élèves. M. Maxime Gremetz a demandé une suspension de séance afin que son groupe puisse étudier les amendements déposés par le gouvernement. Le président Jean-Michel Dubernard a indiqué que le rythme d'examen des amendements depuis le début de la séance est tel que seul un article sur les vingt-huit que compte le projet a été examiné. Dans ces conditions, et dans la mesure où le rapporteur ne peut être disponible demain puisqu'il procède à de nombreuses auditions, il n'est pas possible de suspendre les travaux de la commission alors que seuls 8 amendements sur 57 ont été examinés. M. Yves Durand a rappelé l'importance que revêt le dispositif de l'article 1er du projet et la nécessité d'en débattre sereinement. Le groupe socialiste tient actuellement une réunion, afin d'arrêter une position sur les amendements déposés par le gouvernement sur ce texte, à laquelle les commissaires socialistes souhaitent également pouvoir participer. M. Jean Le Garrec s'est déclaré en parfait accord sur le fond avec M. Christian Paul et a souligné que, dans la pratique, l'apprentissage continuera à s'adresser aux jeunes en situation d'échec scolaire. Quant à la forme, il est évident que le dépôt par le gouvernement d'amendements à la fois tardifs et conséquents contrevient aux remarques formulées à cet égard tant par le président de l'Assemblée nationale que par le Conseil constitutionnel. Il est en conséquence nécessaire de laisser du temps aux groupes politiques pour examiner ces amendements. Le président Jean-Michel Dubernard a réitéré son refus de suspendre la séance en raison du retard déjà pris par la commission dans l'examen des amendements. M. Francis Vercamer a proposé de prolonger le plus possible la séance afin de terminer l'examen des amendements et pouvoir participer ensuite au débat en séance publique, dans l'après-midi, sur le projet de loi portant engagement national pour le logement. Mme Irène Tharin a contesté l'idée selon laquelle les dispositions de ce projet de loi ont été arrêtées dans l'urgence. Elle a rappelé que M. Jean-Pierre Raffarin lui a confié une mission sur la question de l'orientation alors qu'il était Premier ministre, en février 2005, et qu'elle a pu à cette occasion constater que le refus de faire entrer en apprentissage un élève qui ne connaît pas de difficultés scolaires peut émaner de l'enseignant, et ce contre l'avis des parents. M. Christian Paul a rappelé que le débat porte non pas sur l'apprentissage en général, mais sur l'apprentissage dès l'âge de quatorze ans. En réponse à la décision du président Jean-Michel Dubernard de ne pas suspendre les travaux de la commission, contrairement à son engagement initial, le groupe socialiste effectuera une démarche officielle auprès du président de l'Assemblée nationale pour lui faire part des conditions de travail qui sont imposées aux commissaires et interviendra en séance publique pour un rappel au Règlement. M. Alain Néri s'est déclaré atterré par la façon dont se déroule ce débat, pourtant fondamental pour l'avenir des jeunes de ce pays. Le gouvernement et sa majorité tentent un passage en force afin de faire adopter à la sauvette des amendements que la représentation nationale n'a pu étudier sérieusement. Le travail en commission ne peut pas s'effectuer dans des conditions normales et cela aura bien entendu des conséquences sur le débat en séance publique. Le président Jean-Michel Dubernard a indiqué que la durée moyenne d'examen d'un amendement par la commission depuis ce matin est de vingt minutes, ce qui peut difficilement passer pour du travail bâclé. La commission a rejeté l'amendement. Après que M. Maxime Gremetz a quitté la salle en indiquant se rendre chez le président de l'Assemblée nationale pour lui faire part des mauvaises conditions dans lesquelles le texte est examiné, la commission a adopté un amendement de précision rédactionnelle du rapporteur. La commission a adopté l'article 2 ainsi modifié. Article 3 Cet article a pour objet d'étendre le bénéfice du crédit d'impôt majoré existant au profit de certaines entreprises employant des apprentis à celles employant des apprentis juniors et de créer un crédit d'impôt nouveau au profit des entreprises accueillant en stage des apprentis juniors au cours de la phase initiale. L'article 31 de la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 a en effet créé un crédit d'impôt destiné à inciter les entreprises à embaucher des apprentis, en insérant trois nouveaux articles 244 quater G, 199 ter F et 220 H dans le code général des impôts. Le montant du crédit d'impôt est de 1 600 euros par apprenti en principe, mais peut être majoré dans certains cas pour être porté à 2 200 euros. Les alinéas 1 à 3 de cet article visent à instituer un nouveau cas d'application du montant majoré du crédit d'impôt, à savoir le montant de 2 200 euros. Celui-ci est déjà applicable, aux termes du I de l'article 244 quater G du code général des impôts, dans trois cas - les deux premiers remontant à la loi de programmation pour la cohésion sociale : - lorsque la qualité de travailleur handicapé est reconnue à l'apprenti en application de l'article L. 323-10 du code du travail ; - lorsque l'apprenti bénéficie de l'accompagnement personnalisé prévu à la dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 322-4-17-2 du même code ; - (depuis la loi nº 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005) lorsque l'apprenti est employé par une entreprise portant le label « Entreprise du patrimoine vivant » au sens de l'article 23 de la loi nº 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises. Désormais, afin de favoriser le recrutement des apprentis juniors, est ajouté à cette liste un nouveau cas : « - Lorsque l'apprenti a signé son contrat d'apprentissage dans les conditions prévues à l'article L. 337-3 du code de l'éducation [article portant définition de l'apprentissage junior]. » Il convient de préciser que ce cas correspond à la signature d'un contrat d'apprentissage stricto sensu, donc à l'embauche d'un apprenti junior confirmé. L'alinéa 4 de l'article apporte, indépendamment de l'objectif général poursuivi par l'article, une précision dans le II de l'article 244 quater G, aux termes duquel « le crédit d'impôt est plafonné au montant des dépenses de personnel afférentes aux apprentis visés au I minoré des subventions publiques reçues en contrepartie de leur accueil par l'entreprise ». Cette disposition, qui remonte à la loi du 18 janvier 2005, était destinée à éviter que le bénéfice de l'ensemble des aides publiques au profit d'une entreprise au titre de l'apprentissage ne puisse avoir pour effet de lui permettre de réaliser un gain supérieur aux dépenses réalisées en matière d'apprentissage, ce qui engendrerait des effets d'aubaine. L'alinéa 4 précise que le crédit d'impôt ainsi plafonné correspond à celui qui est « calculé au titre des apprentis mentionnés au I ». Il convient en effet d'éviter toute ambiguïté liée à l'ajout d'un deuxième type de crédit d'impôt dans le même article. En effet, les alinéas 5 et 6 poursuivent le même objectif d'incitation à l'embauche des apprentis juniors en créant un deuxième type de crédit d'impôt. Contrairement toutefois à la majoration du crédit d'impôt mentionnée plus haut, qui s'applique pour l'embauche d'un apprenti junior confirmé, on se trouve ici dans le cadre de l'apprentissage initial, puisque est visée par la nouvelle rédaction du IV de l'article 244 quater G proposée par ces deux alinéas l'entreprise qui accueille un élève en stage dans le cadre du parcours d'initiation aux métiers prévu à l'article L. 337-3 du code de l'éducation. Dans ce cas, l'entreprise bénéficie d'un crédit d'impôt dont le montant est égal à 100 euros par élève accueilli et par semaine de présence dans l'entreprise, dans la limite annuelle de vingt-six semaines. Cette dernière limite doit s'entendre par apprenti. Ce crédit est destiné à compenser d'une part la dépense faite par l'entreprise qui accueillerait un apprenti junior en stage et lui accorderait une gratification, d'autre part l'investissement qui lui demanderait l'accompagnement de l'apprenti junior réalisé à cette occasion (voir sur cette question le commentaire de l'article 1er). Ainsi est prévue une double incitation, à la fois par la majoration du crédit d'impôt s'agissant des apprentis confirmés, et par la création d'un crédit d'impôt spécifique pour les apprentis initiaux. Il convient enfin de préciser que, l'ajout de ce nouveau crédit d'impôt destiné aux entreprises accueillant des apprentis juniors initiaux étant opéré par une rédaction nouvelle du IV de l'article 244 quater G du code général des impôts, la rédaction antérieure du IV n'a plus cours. Or, dans cette rédaction antérieure, le IV de cet article dispose que « le nombre moyen annuel d'apprentis mentionné au I s'apprécie en fonction du nombre d'apprentis dont le contrat avec l'entreprise a été conclu depuis au moins un mois ». Cette condition n'existe donc plus avec la nouvelle rédaction proposée. Cela ne pose a priori pas de difficulté, car cette condition était largement devenue inutile. En effet, l'article précisait initialement que le nombre moyen annuel d'apprentis s'apprécie en fonction du nombre d'apprentis dont le contrat avec l'entreprise a été conclu depuis au moins six mois. Mais ce délai avait déjà été ramené à un mois par l'article 26 de la loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, de manière à ce que l'entreprise puisse bénéficier du crédit d'impôt dès la première année d'embauche des apprentis (le mois d'embauche étant en général le mois de septembre, le calcul du montant du crédit d'impôt s'effectuant au terme de l'année civile) et n'avait donc plus de réelle pertinence. L'alinéa 7 de l'article précise enfin la date d'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions : elles s'appliquent « aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2006 ». * Après que les commissaires membres du groupe socialiste, à l'exception de M. Alain Néri, ont quitté la salle de la commission pour protester contre les conditions d'examen du projet de loi, la commission a examiné un amendement de suppression de l'article de M. Yves Durand. M. Alain Néri a indiqué que cet amendement s'inscrit dans le prolongement de l'amendement de suppression de l'article 1er sur lequel un débat a déjà eu lieu. Après que le rapporteur a émis un avis défavorable, la commission a rejeté l'amendement. La commission a adopté l'article 3 sans modification. Article additionnel après l'article 3 La commission a adopté un amendement du rapporteur visant à ce que les crédits du fonds unique de péréquation des fonds de la formation professionnelle (FUP) puissent servir au financement des politiques menées pour la formation professionnelle, notamment en faveur des demandeurs d'emploi non indemnisés. Article additionnel après l'article 3 La commission a examiné l'amendement n° 3 du gouvernement instituant le « contrat première embauche ». Le rapporteur a rappelé les caractéristiques principales de ce nouveau contrat de travail. Il s'agit d'un contrat à durée indéterminée (CDI) s'adressant aux jeunes de moins de 26 ans et comportant une période de consolidation de deux ans au cours desquels chacune des parties peut rompre unilatéralement le contrat, dans le respect toutefois des mesures caractérisant l'ordre public social (interdiction de discrimination, etc.). Le contrat première embauche offre également un certain nombre de garanties supplémentaires par rapport au droit commun. Ainsi, les personnes signant un tel contrat verront leur préavis croître en fonction de l'ancienneté, disposeront de droits à la formation et au logement renforcés avec la possibilité de mobilisation du droit individuel à la formation (DIF) dès la fin d'un délai d'un mois à compter de la signature du contrat et auront la possibilité de recourir à une caution pour accéder à un logement. En cas de rupture du contrat et de chômage, les salariés ne justifiant pas de droits suffisants pour bénéficier de l'assurance chômage bénéficieront d'une indemnisation à hauteur de 16,40 euros par jour pendant deux mois. La rupture à l'initiative de l'employeur pendant la période de consolidation ouvre droit pour le salarié à une indemnité de 8 % du montant total de la rémunération, à laquelle s'ajoute une contribution de l'employeur égale à 2 % destinée à financer des actions d'accompagnement renforcé du salarié en faveur de son retour à l'emploi. Ce contrat constitue une opportunité supplémentaire pour les 16-25 ans de trouver un emploi. M. Francis Vercamer a déclaré que le groupe UDF est totalement opposé à cette disposition. D'une part, la méthode retenue par le gouvernement pour l'introduire dans le projet de loi, par voie d'amendement, est plus que contestable pour une disposition de cette importance. D'autre part, sur le fond, il y a une évidente contradiction à affirmer vouloir favoriser l'égalité des chances quand dans le même temps on précarise l'emploi. En réalité, le contrat première embauche n'a d'autre but que d'alléger les contraintes de l'employeur. Autre contradiction, on ne peut pas à la fois dénoncer la lourdeur et la complexité du code du travail et, dans le même temps, y introduire un nouveau type de contrat de travail, dérogatoire, lequel, de surcroît, introduit une « discrimination négative » en réduisant les droits des jeunes. Pour sa part, M. Alain Néri a souligné le caractère stupéfiant de l'amendement, en parfaite contradiction avec la jurisprudence que vient de réaffirmer récemment le Conseil constitutionnel. Un « cavalier » lourd et pesant de cinq pages, tel est cet amendement qui constitue pratiquement à lui seul un projet de loi et qu'il n'est donc pas raisonnable d'insérer dans le texte soumis à la commission. À lui seul et par l'examen attentif qu'il nécessite, cet amendement justifiait la suspension de séance réclamée par les commissaires membres des groupes socialiste et communistes et républicains et qui leur a pourtant été refusée. Sur le fond également, l'inconstitutionnalité de l'amendement semble avérée, tant celui-ci remet en cause l'égalité des droits consacrée par la Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Par ailleurs, sur le plan politique, comment est-il possible de dénoncer d'un côté les discriminations, quand c'est pour les institutionnaliser par ailleurs ? Assurément, cette disposition, à laquelle le groupe socialiste est opposé, mérite un large débat en séance publique. M. Michel Heinrich a souhaité la confirmation du rapporteur sur le fait que seules les entreprises de plus de vingt salariés sont concernées par la disposition. M. Bernard Perrut a ensuite rappelé quelques données chiffrées. Plus de 20 % des jeunes de moins de 25 ans sont au chômage, soit un taux plus de deux fois supérieur à la moyenne de la population active. Ce taux double pour les jeunes non qualifiés. Enfin, 60 % des jeunes qui travaillent sont embauchés sous contrat à durée déterminée (CDD) et la moitié d'entre eux voit leur contrat rompu au bout d'un mois. Telle est la réalité ! Dans ces conditions, la mesure proposée par le gouvernement, même s'il est aujourd'hui difficile d'en mesurer l'impact, ne peut qu'aller dans le bon sens. Des points positifs sont d'ores et déjà à mettre en exergue. La prise en compte des périodes de stages et d'alternance dans le contrat ou les modalités du droit à l'indemnisation chômage constituent des garanties nouvelles offertes au salarié jeune. Plutôt que de critiquer la disposition, il conviendrait d'en saluer les éléments positifs. Les exemples étrangers montrent qu'en ce domaine, il n'y a pas de fatalité. M. Dominique Juillot a fait part de son enthousiasme pour le contrat première embauche. L'expérience acquise sur le terrain montre qu'il s'agit d'une formidable opportunité pour les jeunes à la recherche d'un emploi. S'agissant des critiques, où est la précarisation quand aujourd'hui les jeunes, pour ceux qui ont un emploi, sont majoritairement en contrat à durée déterminée ? Où est la discrimination quand le seul avantage pour l'employeur consiste en une exonération de charges prévalant déjà pour de nombreux contrats aidés ? De ce point de vue, les contrats tels ceux que vient de mettre en place la région Bourgogne, et qui consistent en des emplois « gratuits » pour une période de huit mois, constituent bien plus que le contrat première embauche des mesures discriminantes. En réalité, il ne s'agit de rien d'autre que d'introduire un peu de souplesse dans le code du travail. M. Jean Ueberschlag a également souligné le pragmatisme dont témoigne l'amendement. En cette matière, il convient de mettre l'idéologie sous le boisseau. L'expérience montre en effet que le contrat à durée indéterminée (CDI) n'en est en vérité plus un puisqu'il n'empêche pas les licenciements. Dès lors, le contrat première embauche ne sera pas plus précaire qu'un CDI qui n'est plus un passeport pour l'emploi. D'autre part, il est vrai que ce contrat institue une discrimination. Mais des discriminations existent déjà à tous les niveaux dans le droit français, notamment en matière fiscale. De plus, dans la mesure où la discrimination apporte un correctif à une situation d'inégalité, elle s'avère nécessaire, sauf à établir un constat de carence. L'amendement ne constitue donc en rien un « cavalier » puisque, même si sa rédaction est peut-être perfectible, son objet est précisément de promouvoir l'égalité des chances. Mme Pascale Gruny a déclaré que son expérience dans l'entreprise lui a montré que le premier frein à l'embauche réside moins dans le coût que représente un salarié que dans la crainte de l'employeur de ne pas pouvoir se séparer de ce dernier dans le cas où il ne conviendrait pas au poste ou en cas de baisse de l'activité de la société. De ce point de vue, le contrat première embauche répond bien aux interrogations des entrepreneurs. M. Francis Vercamer s'est interrogé sur l'emplacement de la disposition dans le texte, estimant que sa place serait plutôt dans la section 2 du titre Ier du projet de loi relative à l'emploi des jeunes. M. Alain Néri a déclaré que les différentes interventions ont levé tous les doutes qu'il pouvait encore nourrir à l'égard des intentions du gouvernement et de sa majorité. Ainsi, il n'y aura plus aucune illusion sur la réalité du contrat à durée indéterminée. Mais les jeunes, et ils vont bientôt le démontrer, sont vent debout contre le contrat première embauche et la flexibilité accrue qu'il introduit dans le code du travail. L'objectif inavoué du gouvernement est bien de mettre un terme au contrat à durée indéterminée. La preuve : il n'est pas besoin de deux ans, période d'essai prévue par le nouveau contrat, pour se rendre compte des compétences du salarié et de leur compatibilité ou non avec le poste qu'il occupe. En réalité, il s'agit de mettre un terme aux contrats pérennes et de briser les solidarités d'entreprise. Le groupe socialiste est contre cette disposition. Après que le rapporteur a répondu à M. Francis Vercamer en lui indiquant que sa remarque est tout à fait justifiée puis à M. Michel Heinrich en lui précisant qu'en deçà d'un effectif de vingt salariés les entreprises entrent dans le champ d'application du contrat nouvelles embauches, la commission a adopté l'amendement n° 3 du gouvernement. Puis la commission a examiné l'amendement n° 2 du gouvernement instituant une indemnisation des stages en entreprise d'une durée supérieure à trois mois. Le rapporteur a présenté un sous-amendement de précision visant à garantir l'effectivité du dispositif proposé en cas d'absence de convention de branche ou d'accord professionnel étendu. La commission a adopté le sous-amendement et l'amendement ainsi sous-amendé. Article 4 Cet article vise à répondre à une difficulté liée à la mise en œuvre des contrats de professionnalisation tels qu'ils ont été définis par la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, causée par la procédure préalable à la prise en charge financière des formations par les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) - certains d'entre eux ayant une définition restrictive de la liste des formations qu'ils acceptent de financer : aussi le présent article introduit dans le code du travail la notion de décision implicite d'acceptation à défaut d'une réponse de l'OPCA dans un délai d'un mois. On reviendra sur le régime de ces contrats de professionnalisation avant de détailler les difficultés posées par la situation présente et la solution proposée pour y remédier. 1. La mise en œuvre des contrats de professionnalisation Depuis le 1er octobre 2004, en application de la loi précitée du 4 mai 2004, les différents contrats d'insertion en alternance (contrats de qualification, d'adaptation et d'orientation) ont été remplacés par un contrat unique, le contrat de professionnalisation. Ce contrat, prévu aux articles L. 980-1 et suivants du code du travail, unifie donc les différents contrats d'insertion en alternance : il vise à favoriser l'insertion ou la réinsertion professionnelle des jeunes de moins de vingt-six ans et des demandeurs d'emploi de vingt-six ans et plus. L'intéressé peut être en contrat à durée indéterminée (débutant sur une action de professionnalisation de six à douze mois), jusqu'à vingt-quatre mois dans certains secteurs professionnels, ou en contrat à durée déterminée de même durée. La personne formée bénéficie d'une rémunération d'au moins 55 % du SMIC pour les jeunes de moins de vingt et un ans, au moins 70 % du SMIC pour les jeunes de vingt et un à vingt-cinq ans, au moins 100 % du SMIC et 85 % du minimum conventionnel pour les demandeurs d'emploi de vingt-six ans et plus. La formation, effectuée sur le temps de travail, est dispensée au choix par un organisme de formation. Elle peut être encadrée par un tuteur. Elle est comprise entre 15 % (150 heures minimum) et 25 % de la durée totale de l'action de professionnalisation prévue au contrat. L'employeur bénéficie d'une exonération de cotisations sociales patronales (assurances maladie, maternité, invalidité, décès, vieillesse, accidents du travail et allocations familiales) si la personne en formation a moins de vingt-six ans ou quarante-cinq ans et plus. Les actions de formation, d'évaluation et d'accompagnement sont prises en charge par un OPCA. 2. La difficulté posée par la prise en charge financière des OPCA La prise en charge financière par les OPCA a lieu selon la procédure suivante. Aux termes de l'article R. 981-2 du code du travail, l'employeur adresse le contrat à l'OPCA au titre de l'alternance au plus tard dans les cinq jours suivant le début du contrat. Après avoir émis un avis sur le contrat de professionnalisation et décidé de la prise en charge des dépenses de formation, l'OPCA dispose d'un mois à compter de la réception du contrat pour le déposer, assorti de l'avis et de la décision relative à son financement, à la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, pour enregistrement. La DDTEFP procède à un enregistrement effectif si le contrat est conforme aux dispositions qui le réglementent. Le silence gardé par la DDTEFP pendant plus d'un mois à compter de la date du dépôt vaut décision d'enregistrement. L'enjeu de cette prise en charge n'est pas négligeable, dans la mesure où, en application de l'article D. 981-5 du code du travail, les OPCA prennent en charge, au terme de cette procédure, les actions d'évaluation, d'accompagnement et les enseignements généraux, professionnels et technologiques : frais pédagogiques, rémunérations, cotisations et contributions sociales légales et conventionnelles, frais de transport et d'hébergement, etc. - et ce sur la base de forfaits horaires. Les forfaits peuvent faire l'objet d'une modulation en fonction de la nature et du coût de la prestation. Ces forfaits financés par les OPCA doivent être définis par conventions ou accords collectifs de branches ou, à défaut, par des accords collectifs conclus par des organisations représentatives d'employeurs et de salariés signataires d'un accord constitutif d'un OPCA interprofessionnel, conformément à l'article L. 983-1 du code du travail. En l'absence d'un tel accord, la prise en charge des actions se fait sur la base de 9,15 euros par heure. Il est donc important que cette prise en charge puisse être effective. Or, plus d'un an après l'entrée en vigueur de ce dispositif, « des difficultés apparaissent dans la prise en charge financière de formations par les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), certains d'entre eux ayant une définition restrictive de la liste des formations qu'ils acceptent de financer », conformément au constat rappelé par l'exposé des motifs du présent projet. Aussi le présent article 4, dans ses alinéas 1 et 2, insère-t-il un nouvel alinéa à la fin de l'article L. 983-1 du code du travail (consacré à l'établissement des forfaits de prise en charge par les OPCA), selon lequel « lorsque la demande de prise en charge des actions de formation mises en œuvre dans le cadre du contrat de professionnalisation est présentée par l'employeur à un organisme collecteur, ce dernier dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception d'un dossier complet pour notifier sa décision. Passé ce délai, le défaut de notification de la réponse de l'organisme compétent vaut décision d'acceptation ». L'importance de la difficulté aujourd'hui rencontrée explique le recours à la loi. En effet, existe déjà aujourd'hui la règle, prévue à l'article R. 981-2 du code du travail, selon laquelle l'OPCA dispose d'un mois pour transmettre le dossier à la DDTEFP. Cette règle est donc hissée au niveau législatif, en même temps qu'elle est précisée, puisqu'il faut considérer comme point de départ du délai la réception d'un « dossier complet » et non seulement la réception du contrat de professionnalisation. En outre, la règle est assortie d'une forme de « sanction » en cas de non respect (à l'image de la disposition qui figure déjà à l'article R. 981-2 du même code s'agissant de l'enregistrement du contrat transmis par l'OPCA à la DDTEFP : le silence gardé par le DDTEFP pendant plus d'un mois à compter de la date du dépôt vaut décision d'enregistrement) : en l'espèce, le silence gardé pendant plus d'un mois par l'OPCA vaudra décision d'acceptation de la prise en charge financière. Pour des raisons de mise en œuvre pratique de cette mesure, l'alinéa 3 de cet article précise qu'elle ne revêt pas de caractère rétroactif. Ne seront concernées par la nouvelle règle que les « demandes de prise en charge reçues après la date de publication de la présente loi par les organismes paritaires collecteurs agréés ». * La commission a adopté un amendement du rapporteur visant à assouplir la procédure préalable à la prise en charge financière des formations dans le cadre des contrats de professionnalisation par les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), de manière à éviter tout blocage dans cette procédure, conformément à l'esprit de l'article 4. La commission a ensuite adopté l'article 4 ainsi modifié. Article additionnel après l'article 4 La commission a examiné l'amendement n° 1 du gouvernement visant à augmenter, dans certains cas, la taxe d'apprentissage. Le rapporteur a indiqué que la charge de l'apprentissage est très majoritairement supportée par les petites entreprises. Afin d'inciter les grandes entreprises à s'engager elles aussi dans cette voie, l'amendement introduit donc un système de bonus-malus alourdissant la taxe d'apprentissage pour les entreprises de 250 salariés et plus qui ne rempliraient pas certains objectifs en termes de signature de contrats d'apprentissage et de professionnalisation. Les marges de progression sont bien réelles si l'on observe par exemple que l'apprentissage représente 6 % de la masse salariale en Allemagne. La commission a adopté l'amendement n° 1 du gouvernement. La commission a examiné un amendement de M. Francis Vercamer visant à instituer le recours obligatoire au curriculum vitae (CV) anonyme pour les procédures d'embauche dans les entreprises de plus de 250 salariés. Le rapporteur a invité M. Francis Vercamer à relire les conclusions du rapport établi par M. Roger Fauroux sur le sujet, qui démontre que les effets bénéfiques pour lutter contre les discriminations à l'embauche sont bien plus à attendre d'une pratique volontaire que d'une réglementation contraignante. En revanche, il s'est déclaré favorable à l'amendement de M. Francis Vercamer relatif aux maisons de l'emploi, sur un sujet voisin, qui sera examiné plus tard. M. Francis Vercamer a estimé que s'en remettre au volontariat pour l'utilisation du CV anonyme revient à renforcer la discrimination puisque n'y auront recours que ceux qui se savent l'objet de discriminations. Après que le rapporteur a précisé que la faculté de recourir ou non au CV anonyme appartient évidemment à l'entreprise et non au demandeur d'emploi, la commission a rejeté l'amendement. M. Francis Vercamer a ensuite retiré un amendement relatif aux modalités du travail à temps partiel, estimant sa rédaction en l'état imparfaite. Puis la commission, suivant l'avis défavorable du rapporteur motivé par les mêmes raisons que celles précédemment évoquées, a rejeté un amendement de M. Francis Vercamer visant à organiser à l'attention des personnels en charge des recrutements des formations les sensibilisant au problème des discriminations à l'embauche. La commission a ensuite examiné un amendement de M. Francis Vercamer visant à ce que les maisons de l'emploi sensibilisent les employeurs aux problèmes liés à la discrimination à l'embauche. Le rapporteur a émis un avis favorable sur le fond mais a souhaité que la rédaction de l'amendement puisse être précisée, dans la perspective d'un réexamen par la commission lors de la réunion qu'elle tiendra en application de l'article 88 du Règlement. En conséquence, M. Francis Vercamer a retiré l'amendement. Puis, la commission a examiné un amendement de M. Francis Vercamer visant à ce que les salariés à temps partiel désireux de reprendre une activité à temps plein bénéficient d'une priorité pour l'attribution d'un emploi. Le rapporteur a indiqué que l'amendement est satisfait par les dispositions du premier alinéa de l'article L. 212-4-9 du code du travail. En conséquence, M. Francis Vercamer a retiré son amendement. La commission a ensuite examiné un amendement de M. Francis Vercamer visant à favoriser la transmission du savoir des « seniors » vers les plus jeunes via des actions de valorisation de l'expérience professionnelle. Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l'amendement. M. Alain Néri a estimé que les conditions dans lesquelles ont été examinés les amendements de M. Francis Vercamer témoignent de façon éloquente de l'absence de sérénité des travaux de la commission puisque, de son aveu même, il n'a pas eu le temps d'affiner la rédaction de ses amendements, ce qui oblige à renvoyer systématiquement leur examen lors de la réunion prévue au titre de l'article 88 du Règlement. Cela n'est pas satisfaisant et il conviendrait plutôt de donner aux commissaires davantage de temps pour préparer les séances de commission. La commission a examiné un amendement de M. Francis Vercamer visant à ce que les personnels coordonnateurs et formateurs des centres de formation d'apprentis d'établissements publics locaux d'enseignement soient salariés par ces établissements, dans le cadre d'un statut dont les modalités seraient déterminées par décret en Conseil d'État. M. Francis Vercamer a rappelé qu'il a déjà soulevé ce problème alors que le rapporteur était ministre, lors de la discussion du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale. Le rapporteur a répondu que, compte tenu de la diversité des statuts des agents des centres de formation d'apprentis - statuts de droit public ou de droit privé, contrats à durée indéterminée ou vacations, ...- , l'amendement n'est pas opportun. Il est en particulier impossible de « sortir » des agents publics ou des personnels consulaires de leur statut. Cela ne serait pas respectueux de la diversité des cadres. La commission a rejeté l'amendement. La commission a ensuite examiné un amendement de M. Francis Vercamer visant à ce que le gouvernement dépose sur le bureau des assemblées un rapport sur l'opportunité de valoriser l'expérience et de favoriser la transmission du savoir des seniors dans les secteurs public et privé. Le rapporteur a indiqué que cette question pourrait être utilement abordée dans le cadre de la discussion d'un prochain projet de loi relatif au travail des seniors. M. Alain Néri a demandé s'il faut envisager de manière coordonnée les statuts de l'apprenti junior et du contrat senior, ce à quoi le rapporteur a répondu que le tuteur relève de l'Éducation nationale et que sa vocation est avant tout pédagogique. Cependant, des propositions intéressantes pourraient, il est vrai, être évoquées en matière de tutorat, notamment pour ce qui est des cas de cessation progressive d'activité. Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l'amendement. Article 5 Cet article vise à favoriser l'accès à l'emploi des jeunes issus des zones urbaines sensibles en prévoyant à leur profit un accès prioritaire au soutien à l'emploi des jeunes en entreprise (SEJE). Il convient de revenir sur le principe et le bilan du SEJE avant de présenter les modalités de cette nouvelle extension. 1. Le soutien à l'emploi des jeunes en entreprise (SEJE) Le dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise (SEJE) a été créé par la loi n° 2002-1095 du 29 août 2002. Il prévoyait initialement le versement d'une aide de l'Etat aux entreprises (y compris les associations) qui embauchaient, en contrat à durée indéterminée (à temps plein ou partiel), à partir du 1er juillet 2002, un jeune peu ou pas qualifié, de seize à vingt-deux ans révolus. Cette aide était fixée forfaitairement à 225 euros par mois pour un contrat de travail à temps plein rémunéré au SMIC. Ce montant était modulable suivant la quotité de temps de travail et la rémunération, jusqu'à 130 % du SMIC. La gestion de ce dispositif a été confiée à l'UNEDIC. Le SEJE ayant connu un véritable succès auprès des jeunes détenteurs d'un diplôme professionnel et afin de rendre plus incitative l'embauche des jeunes sans qualification, la loi de programmation pour la cohésion sociale n° 2005-32 du 18 janvier 2005 a procédé à deux modifications de ce régime : - elle a introduit une modulation du montant de l'aide apportée aux employeurs en fonction du niveau de formation des jeunes : le décret n° 2005-221 du 9 mars 2005 (complété par la circulaire n° 2005/10 du 19 mars 2005) fixe les montants de la prime à hauteur de 150 euros dans le cas général, et 300 euros pour les jeunes sans qualification ; cette aide est cumulable avec l'allègement de charges sociales patronales dit « allègement Fillon », prévu à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale ; - elle a étendu la mesure aux jeunes de seize à vingt-cinq ans révolus bénéficiaires de l'accompagnement renforcé dans le cadre du contrat d'insertion dans la vie sociale, dit CIVIS (niveau V bis ou VI de formation) - prévu aux articles L. 322-4-17 et suivants du code du travail. Le salarié ainsi pris en charge a la possibilité de bénéficier d'un accompagnement par un salarié de l'entreprise pour faciliter son intégration professionnelle ainsi que d'un bilan de compétences, ou encore de la procédure de validation des acquis de l'expérience. Ces nouvelles mesures sont en vigueur depuis le 1er avril 2005 et il est d'ores et déjà possible d'en faire un premier bilan. Comme le montre le tableau présenté ci-après, le dispositif est en progression. Bilan du soutien à l'emploi des jeunes en entreprise
Source : Direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement /UNEDIC (données au 30 juin 2005, pour trente-six mois de mise en œuvre). Il est trop tôt pour évaluer plus avant l'impact de la réforme et les données structurelles relatives à la situation depuis le 1er avril 2005 ne sont pas encore disponibles. Néanmoins, depuis le début de la mise en œuvre du SEJE, les tendances demeurent inchangées, tant au niveau du profil des jeunes et des employeurs que du type de contrat de travail. Aussi, le bilan qui suit peut-il être pris en compte pour évaluer la mesure dans son ensemble. Les différences devraient s'opérer en majorité sur le niveau de formation des jeunes en raison des nouveaux montants de la prime (7). De juillet 2002 à fin mars 2005, 231 666 demandes ont été enregistrées. Ce sont les régions d'Île-de-France (36 141), de Rhône-Alpes (21 633) et de Provence-Alpes-Côte d'Azur (19 465) qui comptent le plus d'entrées dans le dispositif depuis le début de la mise en œuvre de la mesure. A l'inverse, les départements d'outre-mer (283), la Corse (1 130) et le Limousin (2 334) sont celles qui en comptabilisent le moins. Depuis le début de l'application de la mesure, 91 024 sorties ont été comptabilisées, soit 42,0 % de l'ensemble des entrées. Le nombre de bénéficiaires s'établit ainsi à 125 460 dont 124 113 contrats en cours et non suspendus au 31 mars 2005. Plus de 10,4 % des sorties ont lieu lors du premier mois du contrat. Près de la moitié des sorties (47,9 %) se réalisent dans les six premiers mois, tandis que moins d'un quart seulement des contrats sont rompus au-delà d'un an. Le SEJE est particulièrement utilisé dans les établissements de petite taille puisque plus de la moitié (56,3 %) des salariés bénéficiant du dispositif sont dans des établissements de moins de dix salariés et 83 % dans des établissements de moins de cinquante salariés. A l'opposé, les établissements de plus de cent salariés représentent 11,6 % des contrats SEJE, soit une part très nettement inférieure à celle des établissements dans l'emploi affilié (35 %). Trois secteurs sur trente-six représentent plus de la moitié (54,5 %) des entrées dans le dispositif : construction (22,7 %), hôtels et restaurants (17,7 %) et commerce de détail, réparations (14,1 %). A l'inverse, d'autres secteurs sont sous-représentés dans le dispositif par rapport à l'emploi affilié comme celui de la santé et de l'action sociale (1,3 % contre 7,8 %), des services opérationnels (3,7 % contre 9,8 %) et des conseils et de l'assistance (1,3 % contre 8,0 %). Une nette majorité (62,0 %) des jeunes qui bénéficient du dispositif sont âgés de 19 à 21 ans inclus. Les jeunes de 16 et 17 ans sont très minoritaires dans les embauches puisqu'ils ne sont que 6,6 %. L'âge moyen à l'embauche est de 19,7 ans. On notera enfin que le dispositif bénéficie majoritairement aux hommes puisqu'ils représentent 70,2 % du stock au 31 mars 2005. Un peu plus de la moitié des embauchés bénéficiant du dispositif ont interrompu leur scolarité après l'obtention d'un certificat d'aptitudes professionnelles (CAP) ou d'un brevet d'études professionnelles (BEP) (53,4 %). Les jeunes d'un niveau VI et V bis sont très minoritaires avec respectivement 7,4 % et 12,8 % des effectifs. Les femmes et les hommes embauchés en SEJE se distinguent principalement par le niveau de formation le plus élevé autorisé, c'est-à-dire l'arrêt de la scolarité en terminale (17,2 % des femmes contre 10,9 % des hommes). Répartition par sexe et niveau de formation des bénéficiaires du SEJE
Source : ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Concernant la traduction budgétaire du dispositif, on peut relever, s'agissant de l'évolution la plus récente, qu'en 2005, les crédits inscrits en loi de finances initiale s'élevaient à 429,65 millions d'euros, sur la base de 90 000 entrées, et que les crédits consommés au 31 juillet 2005 étaient de 205 306 897 euros En 2006, les crédits inscrits en projet de loi de finances s'élevaient à 272,98 millions d'euros ( ces crédits sont inscrits sur l'action 2 « Mise en situation d'emploi des publics fragiles » du programme 102 « Accès et retour à l'emploi » de la mission « Travail et emploi »), sur la base de 50 000 entrées, dont 50 % de jeunes d'un niveau de formation V bis ou VI, et d'un coût moyen théorique de l'aide de 225 euros par mois et par jeune. 2. Le dispositif proposé Parce qu'il est essentiel de continuer à axer l'effort en faveur des jeunes aussi sur les plus démunis d'entre eux, il est aujourd'hui proposé de compléter le SEJE existant. En effet, comme le constate l'exposé des motifs du projet de loi, compte tenu du ciblage déjà effectué au profit des jeunes de seize à vingt-deux ans révolus bénéficiaires d'un accompagnement renforcé dans le cadre du CIVIS, ou au profit des jeunes sans qualification, « les jeunes issus de ZUS devraient être prioritaires dans l'accès au SEJE. » Or « leur part dans les embauches en SEJE est pourtant inférieure de huit points à la moyenne nationale ». On observe en outre, d'après les chiffres mentionnés notamment par le rapport récent de l'observatoire national des zones urbaines sensibles, que le taux de chômage dans les ZUS atteint, en 2004, 36 % pour les garçons et 40 % pour les filles. Pour l'ensemble de ces raisons, le présent article procède à la substitution, au premier alinéa de l'article L. 322-4-6 du code du travail, consacré au SEJE, de cinq nouveaux alinéas (alinéas 1 à 7 de cet article 5). Aux termes de cette nouvelle rédaction, certains éléments restent inchangés. Il s'agit notamment de deux premiers cas d'application du SEJE dans lesquels « les employeurs peuvent bénéficier d'un soutien de l'État lors de la conclusion de contrats à durée indéterminée, à temps plein ou à temps partiel », à savoir lorsque le contrat est conclu : « 1° Avec des jeunes gens âgés de seize à vingt-deux ans révolus dont le niveau de formation est inférieur à celui d'un diplôme de fin de second cycle long de l'enseignement général, technologique ou professionnel ; « 2° Avec des jeunes gens âgés de seize à vingt-cinq ans révolus mentionnés à la dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 322-4-17-2 ». Le troisième cas est en revanche nouveau, conformément à la difficulté mise en évidence dans les ZUS : « 3° Avec des jeunes gens âgés de seize à vingt-cinq ans révolus qui résident en zone urbaine sensible ». Le SEJE devient donc accessible, pour les jeunes des ZUS, jusqu'à vingt-cinq ans et quel que soit leur niveau d'études. Le dernier alinéa nouveau ne fait que reprendre des dispositions existantes, pour préciser que la durée du travail stipulée au contrat doit être au moins égale à la moitié de la durée du travail de l'établissement - l'aide de l'État étant accordée le cas échéant de manière dégressive, pour une durée maximum de trois ans. Les alinéas 8 et 9 procèdent enfin à une nouvelle rédaction du dernier alinéa de l'article L. 322-4-6 du code du travail, afin de renvoyer à un décret le soin de préciser, en fonction du niveau de formation des bénéficiaires - comme c'était déjà le cas dans la version initiale de l'article - mais aussi, le cas échéant, de leur résidence dans une zone urbaine sensible, les conditions d'application du dispositif, « notamment les montants et les modalités du soutien ». Le rapporteur considère que l'on pourrait aller plus loin pour simplifier et dynamiser le dispositif SEJE. D'une part, il s'agirait d'unifier la condition d'âge, qui serait 16-25 ans pour tous les publics. D'autre part, la modulation du montant de l'aide, effectuée depuis la loi de programmation pour la cohésion sociale en fonction du niveau de qualification, pourrait tenir compte non seulement de la résidence éventuelle des jeunes en ZUS, mais aussi de leur adhésion ou non au CIVIS, critère potentiellement plus simple, donc plus opérationnel, pour cibler les jeunes non qualifiés des quartiers. En outre, il convient de traduire dans la loi la décision prise par le Premier ministre et annoncée lors de sa conférence de presse du 16 janvier : étendre provisoirement l'accès au SEJE à l'ensemble des jeunes au chômage depuis plus de six mois à la date de cette annonce. * La commission a examiné un amendement du rapporteur portant rédaction globale de l'article et proposant une nouvelle rédaction du dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise (SEJE). Le rapporteur a précisé que l'amendement prévoit la possibilité de verser une prime à l'employeur pour les contrats signés avec des jeunes de seize à vingt-cinq ans dont le niveau de formation est inférieur à celui d'un diplôme de fin de second cycle long de l'enseignement général, technologique ou professionnel et des jeunes de seize à vingt-cinq ans résidant en zone urbaine sensible. Le montant de la prime peut être modulé en fonction du niveau de formation des bénéficiaires ainsi que, le cas échéant, de leur adhésion au contrat d'insertion dans la vie civile et de leur résidence dans une zone urbaine sensible. L'amendement propose également, conformément à la déclaration récente du Premier ministre, d'étendre momentanément l'accès à ce dispositif à l'ensemble des jeunes au chômage depuis plus de six mois à la date de cette déclaration. Cette mesure permettra de dynamiser la mise en œuvre du contrat première embauche. La commission a adopté l'amendement et l'article 5 a été ainsi rédigé. Un amendement rédactionnel de M. Francis Vercamer est devenu sans objet. Section 3 Article 6 Cet article a pour objet la création de nouvelles zones franches urbaines (ZFU) à compter du 1er août 2006. Le succès des zones franches urbaines déjà existantes est au fondement de cette mesure. 1. L'objectif : la revitalisation économique de territoires en difficulté L'exposé des motifs du présent projet rappelle la définition des zones franches urbaines, ces « territoires au sein desquels, pour promouvoir l'emploi au bénéfice des habitants des quartiers en difficulté, les entreprises bénéficient d'un dispositif complet d'exonérations de charges fiscales et sociales [et] disposent également d'un environnement favorable au développement économique grâce aux programmes mis en œuvre dans le cadre de la politique de la ville (rénovation urbaine, sécurité, éducation, services publics, etc.) ». Les zones franches urbaines ont d'abord été créées par la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville. L'article 2 de la loi du 14 novembre 1996 procède à une nouvelle rédaction du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire en y introduisant, notamment, un B prévoyant que des zones franches urbaines sont créées dans des quartiers de plus de 10 000 habitants particulièrement défavorisés au regard des critères pris en compte pour la détermination des zones de redynamisation urbaine. Le I de l'annexe à la loi du 14 novembre 1996 énumère ainsi les 44 zones franches urbaines créées, dont 38 en France métropolitaine. En principe, ces zones devaient disparaître au 1er janvier 2002. Mais la loi de finances rectificative pour 2002 (n° 2002-1576 du 30 décembre 2002) a ouvert la possibilité aux entreprises de se créer ou de s'implanter dans une ZFU jusqu'au 31 décembre 2007. Une deuxième série de zones franches urbaines a ensuite été créée par la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, tirant la conséquence du succès de ces zones. Cette loi institue 41 nouvelles zones franches urbaines, dont le régime juridique est proche de celui des premières zones (dites aussi zones de « première génération »), portant ainsi le nombre total des ZFU à 85. Les 85 ZFU constituent donc des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Elles sont définies au sein des zones de redynamisation urbaine (ZRU), elles-mêmes déterminées au sein des zones urbaines sensibles (ZUS). Les ZFU avaient été délimitées en fonction des critères suivants : un taux de chômage important ; une proportion de jeunes sortis du système scolaire sans diplôme supérieur à la moyenne nationale ; une proportion de jeunes importante ; un potentiel fiscal par habitant faible. L'objectif poursuivi par les ZFU était donc, dès l'origine, de favoriser le développement de l'emploi dans ces quartiers prioritaires de la politique de la ville. Les entreprises implantées en ZFU peuvent en effet être exonérées (sous certaines conditions) de : la taxe foncière sur les propriétés bâties ; l'impôt sur les bénéfices ; les cotisations sociales personnelles au titre des assurances maladie et maternité ; la taxe professionnelle ; les cotisations patronales de sécurité sociale ; la contribution au Fonds national d'aide au logement (FNAL) ; le versement transport. Ce sont « les résultats très positifs obtenus dans les zones franches urbaines, pour revitaliser le tissu économique des territoires en difficulté et pour favoriser l'accès à l'emploi de leurs habitants », selon l'expression de l'exposé des motifs du présent projet, qui conduisent aujourd'hui le gouvernement à proposer l'extension de ce régime d'exonérations à de nouveaux territoires, mais aussi le renforcement des régimes applicables aux ZFU existantes, dites de première et deuxième générations, en une démarche à plusieurs temps que résume le tableau présenté ci-après. Dispositions du projet de loi relatives
2. Le moyen : la création d'une « troisième génération » de zones franches urbaines Le présent article a donc pour objet de créer de nouvelles zones franches urbaines, et ce à compter du 1er août 2006. Cette date doit laisser le temps nécessaire, à compter de l'entrée en vigueur de la loi, pour procéder aux notifications préalables requises auprès des autorités communautaires ainsi que pour effectuer les délimitations des territoires concernés, par voie réglementaire. Ces ZFU dites « de troisième génération » sont créées sur le modèle des ZFU existantes, à savoir « conformément aux critères fixés par le B du III [il faut lire : du 3.] de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ». Il s'agit des critères pris en compte pour la détermination des zones de redynamisation urbaine, à savoir le taux de chômage, la proportion de jeunes de moins de vingt-cinq ans et la proportion de personnes sans diplôme déclaré, ainsi que le potentiel fiscal par habitant de la commune concernée. Par ailleurs, le B du 3 de l'article 42 précité précise aussi que cette délimitation « est opérée par décret en Conseil d'Etat, en tenant compte des éléments de nature à faciliter l'implantation d'entreprises ou le développement d'activités économiques. Cette délimitation pourra prendre en compte des espaces situés à proximité du quartier, si ceux-ci sont de nature à servir le projet de développement d'ensemble dudit quartier. Ces espaces pourront appartenir, le cas échéant, à une ou plusieurs communes voisines qui ne seraient pas mentionnées dans ladite annexe ». Le B prévoit en outre un régime comparable pour les ZFU des départements d'outre-mer, créées « dans des quartiers particulièrement défavorisés au regard des critères pris en compte pour la détermination des zones de redynamisation urbaine des communes de ces départements » et « en tenant compte des éléments de nature à faciliter l'implantation d'entreprises ou le développement d'activités économiques ». Ce régime sera donc applicable, le cas échéant, aux ZFU nouvelles créées dans les départements d'outre-mer. Le présent article 6 précise que ces nouvelles ZFU seront créées dans des quartiers de plus de 8 500 habitants, et non plus, comme c'était le cas pour les deux premières générations de ZFU, de plus de 10 000 habitants : il s'agit ainsi de cibler les zones dont les besoins sont les plus importants. Cet article renvoie en outre à un décret le soin d'établir la liste des communes concernées. L'exposé des motifs du projet de loi comporte trois informations qu'il faut relever. D'abord, il annonce la création d'une quinzaine de nouvelles ZFU. En pratique, les nouvelles ZFU devraient donc venir s'ajouter aux deux listes figurant déjà aux I et I bis de l'annexe à la loi du 14 novembre 1996. Il rappelle aussi que ces créations ne pourront intervenir qu'après approbation des autorités européennes compétentes. L'article 88.3 du traité CE impose en effet aux autorités françaises de notifier les projets de création de zones franches urbaines à la Commission européenne, qui apprécie la conformité de ces mesures avec les normes européennes : il s'agit notamment de la compatibilité avec l'article 87 (3)(c) du traité, qui permet d'autoriser des aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. Enfin, le gouvernement annonce dans le même exposé des motifs l'extension des zones existantes par la voie réglementaire, le périmètre des zones étant fixé par décret en Conseil d'Etat. * La commission a adopté l'article 6 sans modification. Article 7 Cet article a pour objet de préciser le régime d'exonérations fiscales applicable aux nouvelles zones franches urbaines en matière d'impôt sur les bénéfices (autrement dit l'impôt sur les sociétés et sur le revenu). A cet effet, il crée un nouvel article 44 octies A, qui s'insère dans le code général des impôts après l'article 44 octies, signe de la nouveauté de l'exonération créée (en effet, la loi du 1er août 2003 avait créé la deuxième génération de ZFU sur un modèle très proche de la première, en modifiant à la marge la rédaction de l'article 44 octies). En particulier, contrairement aux régimes préexistants, la nouvelle exonération fiscale s'appliquera aux entreprises de moins de deux cent cinquante salariés et non seulement de cinquante salariés au plus. Il faut noter toutefois qu'elle sera applicable également dans les anciennes ZFU pour les entreprises qui s'y créeront à compter du 1er janvier 2006. Ainsi, le cadre juridique que constituent les nouvelles ZFU est destiné à favoriser l'activité et l'emploi en incitant « à la localisation mais aussi au développement des entreprises dans ces zones, afin de soutenir l'activité dans des quartiers qui aujourd'hui manquent d'entreprises, de commerces de proximité et de services », conformément à l'annonce figurant dans l'exposé des motifs du projet de loi. 1. Les contribuables concernés Ces contribuables sont définis par le nouvel article 44 octies A (alinéa 2 de cet article 7) comme étant de deux types, auxquels s'appliquent deux régimes distincts. D'une part, ceux qui « créent des activités » (il s'agit donc de création d'entreprises et non d'implantation d'entreprises déjà existantes) dans les ZFU définies à l'article 42 de la loi du 4 février 1995 (c'est l'article de référence de l'ensemble des ZFU) figurant sur la liste prévue au I et au I bis de l'annexe à la loi du 14 novembre 1996 : autrement dit, les contribuables créant des activités dans les ZFU de première et deuxième générations. D'autre part, ceux qui « exercent ou créent des activités » (il s'agit donc à la fois d'implantation et de création d'entreprises) dans les ZFU définies à l'article 42 de la loi du 4 février 1995 (c'est l'article de référence de l'ensemble des ZFU) figurant sur la liste prévue par le décret mentionné à l'article 6 du présent projet de loi : autrement dit, les contribuables créant des activités dans les nouvelles ZFU de troisième génération. Les deux catégories de contribuables ainsi désignés bénéficieront du nouveau type d'exonération à partir du 1er janvier 2006 et jusqu'au 31 décembre 2011. Au total, coexisteront pendant quelques années plusieurs régimes d'exonération : le nouveau régime, applicable aux nouvelles zones franches urbaines ainsi qu'aux deux anciennes générations des zones ; mais également les anciens régimes jusqu'à leur extinction « naturelle », dans les deux premières générations de zones, respectivement jusqu'au 31 décembre 2007 pour les ZFU de première génération, et jusqu'au 31 décembre 2008 pour les ZFU de deuxième génération. Toutefois en pratique, le nouveau régime étant plus favorable, il est fort probable que les entreprises figurant dans les deux premières générations de zones demandent, le cas échéant, à en bénéficier : dans les faits, les anciens régimes pourraient bien disparaître d'eux-mêmes avant l'extinction légale. Schéma récapitulatif des périodes d'ouverture Régime d'exonérations de 1ère génération
Régime d'exonérations de 2ème génération
Nouveau régime
Les contribuables concernés bénéficient d'une exonération d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone. Sont donc concernés : les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés ; les entrepreneurs individuels soumis à l'impôt sur le revenu ; les professionnels libéraux soumis à l'impôt sur le revenu ; les associés de sociétés de personnes soumis à l'impôt sur le revenu. Il importe que les activités soient exercées dans la ZFU. Il ne faudrait pas en effet, conformément à l'esprit originel des ZFU, « qu'une entreprise localise son siège social en zone franche dans le seul but de bénéficier du nouvel avantage fiscal, sans apporter de contribution significative à la dynamisation de l'activité économique ou à la création d'emploi ». (8) 2. La durée de l'exonération Les implantations et/ou créations réalisées entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2011 bénéficieront d'une exonération totale de l'impôt sur les bénéfices jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui du début de leur activité dans l'une de ces zones, autrement dit pour une durée de cinq ans. Au terme de ces cinquante-neuf mois, l'exonération totale laisse place à une montée en charge progressive de l'impôt : les cinq années suivantes, 40 % des bénéfices de l'entreprise seront imposables, 60 % les deux années suivantes et 80 % les deux dernières années de l'exonération. Au total, c'est donc un allègement d'impôt sur les bénéfices d'une durée de quatorze ans qui est prévu par cet article. Ces règles de durée sont calquées sur celles existant dans le cadre de l'exonération prévue à l'article 44 octies du code général des impôts : toutefois, les durées de montée en charge à l'issue des cinquante-neuf mois sont plus longues pour cette nouvelle exonération (le dispositif de « sortie » n'est en effet, dans le cadre de l'article 44 octies, que de trois ans). Autre différence avec le régime prévu à l'article 44 octies : le présent dispositif ne comporte pas de régime spécifique pour les entreprises de moins de cinq salariés. 3. Le type d'activités pris en compte Aux termes de l'alinéa 3 de cet article 7, le présent article 44 octies A reprend à l'identique la définition des activités figurant dans l'article 44 octies, en visant les « contribuables exerçant une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 et du 5° du I de l'article 35, à l'exception des activités de crédit-bail mobilier et de location d'immeubles à usage d'habitation, ainsi [que les] contribuables exerçant une activité professionnelle non commerciale au sens du 1 de l'article 92 ». Il s'agit de viser les activités susceptibles d'entraîner des créations d'emplois, en excluant notamment les activités de nature immatérielle telles celles exercées par les marchands de biens, promoteurs immobiliers, personnes effectuant des opérations sur le marché à terme international de France (MATIF),... 4. Les conditions auxquelles doivent répondre les entreprises concernées Pour bénéficier de l'exonération, une entreprise doit répondre cumulativement à un certain nombre de conditions (alinéa 4 de l'article 7). Celles-ci (au nombre de trois) sont énumérées aux alinéas 5 à 8 de cet article. D'abord, le a) prévoit que l'entreprise doit à la fois : - employer moins de deux cent cinquante salariés : le champ des entreprises concernées est donc beaucoup plus vaste que le champ des entreprises pouvant bénéficier des exonérations des deux premières générations, qui recouvrait les entreprises employant au plus cinquante salariés à leur date d'implantation - le texte ne prévoit toutefois pas le moment de l'appréciation de cette condition ; - et soit avoir réalisé un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions d'euros au cours de l'exercice, soit avoir un total de bilan inférieur à 43 millions d'euros. Ces critères correspondent à la définition de la petite et moyenne entreprise en droit communautaire. Ensuite, le b) dispose que « son capital et ses droits de vote ne doivent pas être détenus, directement ou indirectement, à concurrence de 25 % ou plus par une entreprise ou conjointement par plusieurs entreprises ne répondant pas aux conditions » mentionnées ci-dessus. Il s'agit ainsi d'éviter les détournements de procédure et effets d'aubaine par le biais de participations financières. Pour la détermination de ce pourcentage, l'article prévoit que « les participations des sociétés de capital-risque, des fonds communs de placement à risques, des sociétés de développement régional, des sociétés financières d'innovation et des sociétés unipersonnelles d'investissement à risque ne sont pas prises en compte à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens du 12 de l'article 39 entre la société en cause et ces dernières sociétés ou ces fonds ». Pour l'application de ces deux premières conditions, le chiffre d'affaires doit être ramené ou porté le cas échéant à douze mois. L'effectif de l'entreprise est apprécié par référence au nombre moyen de salariés employés au cours de cet exercice, modalité qui semble cohérente. Pour la société mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A, le chiffre d'affaires est apprécié en faisant la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe - là encore, il est important d'éviter les détournements de procédure par l'usage des filiales. Enfin, le c) impose une dernière condition, qui a trait à l'activité principale de l'entreprise. Celle-ci, définie selon la nomenclature d'activités française de l'Institut national de la statistique et des études économiques, ne doit pas relever des secteurs de la construction automobile, de la construction navale, de la fabrication de fibres textiles artificielles ou synthétiques, de la sidérurgie ou des transports routiers de marchandises. Cette réserve, que l'on retrouve à l'identique dans le régime prévu à l'article 44 octies, s'explique par l'existence de régimes spécifiques d'aides dans ces secteurs, en droit communautaire. Par souci de simplification, il y a lieu de les écarter du bénéfice de la nouvelle exonération. De toute façon, ce ne sont pas les secteurs susceptibles de constituer la cible prioritaire de la présente mesure. 5. Cas du transfert, de la reprise, de la concentration ou de la restructuration d'activités préexistantes L'alinéa 9 de cet article prévoit les modalités de cumul de la nouvelle exonération dans deux cas. D'une part, si l'exonération est consécutive au transfert, à la reprise, à la concentration ou la restructuration d'activités préexistantes et si celles-ci bénéficient ou ont bénéficié des dispositions du présent article ou de celles de l'article 44 octies, l'exonération prévue au présent article s'applique dans les conditions prévues au premier alinéa, mais après déduction de la durée d'exonération déjà écoulée au titre de ces articles avant le transfert, la reprise, la concentration ou la restructuration. Ces mutations n'empêchent pas la poursuite d'un processus d'exonération, mais elles ne peuvent non plus le ramener à son stade initial. D'autre part, et dans la même logique, si les activités sont créées par un contribuable ayant bénéficié au titre d'une ou plusieurs des cinq années précédant celle du transfert des dispositions de l'article 44 sexies dans les zones de revitalisation rurale définies à l'article 1465 A ou dans les zones de redynamisation urbaine définies aux I bis et I ter de l'article 1466 A, ou de la prime d'aménagement du territoire, l'exonération ne s'applique pas. Il s'agit d'éviter la succession dans le temps du bénéfice de la nouvelle exonération avec les exonérations prévalant dans les zones de revitalisation rurale et de redynamisation urbaine, en application de l'article 44 sexies du code général des impôts, ou avec la prime d'aménagement du territoire. 6. Cas d'un contribuable dont l'activité non sédentaire est implantée dans une zone franche urbaine mais est exercée en tout ou partie en dehors d'une telle zone Dans un tel cas, l'alinéa 10 de cet article prévoit que l'exonération s'applique « si ce contribuable emploie au moins un salarié sédentaire à temps plein ou équivalent, exerçant ses fonctions dans les locaux affectés à l'activité ou si ce contribuable réalise au moins 25 % de son chiffre d'affaires auprès de clients situés dans les zones franches urbaines ». Cette disposition est reproduite à l'identique par rapport au régime existant des exonérations des deux premières générations, telle qu'elle figure au dernier alinéa du I de l'article 44 octies du code général des impôts. 7. La définition du bénéfice exonéré Cette définition, qui figure aux alinéas 11 à 15 de cet article 7, est une reprise de celle figurant à l'article 44 octies. Le bénéfice auquel s'applique l'exonération est celui d'un exercice ou d'une année d'imposition, déclaré selon les modalités prévues : - aux articles 50-0 et 53 A : il s'agit des obligations déclaratives des exploitants individuels selon que leur régime d'imposition est celui des micro-entreprises ou du bénéfice réel, et des sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés ; - aux articles 96 à 100 : il s'agit des obligations déclaratives des titulaires de bénéfices non commerciaux relevant du régime de la déclaration contrôlée ; - à l'article 102 ter : il s'agit des obligations déclaratives des titulaires de bénéfices non commerciaux relevant du régime déclaratif spécial ; - et à l'article 103 : il s'agit des obligations déclaratives des associés de sociétés civiles professionnelles ou autres sociétés de personnes constituées pour l'exercice d'activités non commerciales. Ce bénéfice est diminué de certains produits bruts qui restent imposables dans les conditions de droit commun, de manière à éviter, conformément aux précisions qui figuraient dans le rapport préparatoire à la discussion de la loi de 1996 précité, « que des bénéfices sans lien avec l'exercice d'une activité économique en zone franche puissent bénéficier du nouvel avantage fiscal ». C'est ainsi que sont exclus du bénéfice de la nouvelle exonération : - à l'alinéa 12 (a) : les produits des actions ou parts de sociétés, résultats de sociétés ou organismes soumis au régime prévu à l'article 8 du code général des impôts, lorsqu'ils ne proviennent pas d'une activité exercée dans l'une des zones franches urbaines, et résultats de cession des titres de ces sociétés : il s'agit en effet de revenus passifs provenant du patrimoine de l'entreprise ; - à l'alinéa 13 (b) : les produits correspondant aux subventions, libéralités et abandons de créances : il s'agit d'éviter qu'un groupe délocalise du profit en zone franche en consentant des abandons de créances ou des libéralités à une filiale créée à cette fin ; - à l'alinéa 14 (c) : les produits de créances et d'opérations financières pour le montant qui excède le montant des frais financiers engagés au cours du même exercice ou de la même année d'imposition, si le contribuable n'est pas un établissement de crédit visé à l'article L. 511-1 du code monétaire et financier : comme le souligne le rapport préparatoire à la loi de 1996 précité (créant l'article 44 octies et dont s'inspire le présent dispositif), « les produits financiers ne sont exclus de l'exonération que s'ils dépassent les charges financières engagées au cours du même exercice. Cette tolérance est souhaitable dès lors que la quasi-totalité des entreprises perçoivent des produits financiers du seul fait de la gestion normale de leur trésorerie. Les établissements de crédit ne sont pas visés par l'exclusion des produits financiers du bénéfice exonéré. La création de succursales dans les zones franches urbaines doit en effet être encouragée ». - à l'alinéa 15 (d) : les produits tirés des droits de la propriété industrielle et commerciale, lorsque ces droits n'ont pas leur origine dans l'activité exercée dans l'une des zones franches urbaines : il s'agit en effet là aussi de revenus « passifs » provenant du patrimoine de l'entreprise. 8. Cas de l'exercice partiel de l'activité dans une ZFU Les dispositions des alinéas 16 et 17 constituent de même des reprises de la rédaction actuelle de l'article 44 octies. Ces alinéas prévoient que « lorsque le contribuable n'exerce pas l'ensemble de son activité dans une zone franche urbaine, le bénéfice exonéré est déterminé en affectant le montant résultant du calcul ainsi effectué du rapport entre : - d'une part, la somme des éléments d'imposition à la taxe professionnelle définis à l'article 1467, à l'exception de la valeur locative des moyens de transport, afférents à l'activité exercée dans les zones franches urbaines et relatifs à la période d'imposition des bénéfices - et, d'autre part, la somme des éléments d'imposition à la taxe professionnelle du contribuable définis au même article pour ladite période. » Il est en outre précisé que « pour la fixation de ce rapport, la valeur locative des immobilisations passibles d'une taxe foncière est déterminée conformément à l'article 1467, au 1er janvier de l'année au cours de laquelle est clos l'exercice ou au 1er janvier de l'année d'imposition des bénéfices ». Ce mécanisme vise à éviter que, du fait de la relative étroitesse des zones franches urbaines, le contribuable perde tout le bénéfice de l'exonération alors qu'une partie de l'activité se trouve toutefois en zone franche. Le choix de la taxe professionnelle est lié au caractère localisable de ses bases : il permet de viser les entreprises ayant plusieurs établissements dont un situé en ZFU. L'exclusion des moyens de transport des bases afférentes à l'activité exercée dans la zone est justifiée par le fait que ces moyens permettent justement, a priori, au contribuable d'exercer son activité en dehors de la zone franche. Il est précisé, à l'alinéa 17, que par exception aux dispositions de l'alinéa précédent, le contribuable exerçant une activité de location d'immeubles n'est exonéré qu'à raison des bénéfices provenant des seuls immeubles situés dans une zone franche urbaine. Cette disposition s'applique quel que soit le lieu d'établissement du bailleur. 9. Plafond du bénéfice exonéré Il s'agit d'une disposition propre à la présente exonération. Aux termes de l'alinéa 18 de cet article, le plafond du bénéfice exonéré est en effet relevé par rapport au régime des exonérations existantes. Il est fixé à 100 000 euros par contribuable et par période de douze mois. En outre, ce même alinéa prévoit la majoration de ce plafond à hauteur de 5 000 euros par salarié domicilié dans une zone urbaine sensible et employé à temps plein pendant une période d'au moins six mois - cette condition étant appréciée à la clôture de l'exercice ou de la période d'imposition au titre duquel ou de laquelle l'exonération s'applique. Il s'agit ainsi de prévoir un régime à même d'assurer effectivement un regain d'activité dans les ZFU, en lien avec la relance de l'emploi dans les ZUS. Il convient de souligner l'importance de cette clause. Il s'agit en effet d'une « première » en matière d'exonération fiscale, que d'établir ainsi une majoration du plafond du bénéfice exonéré, en fonction du nombre de salariés domiciliés en zone urbaine sensible et employés à temps plein pendant une période d'au moins six mois. Cette mesure doit naturellement être rapprochée de l'ensemble des mesures prévues dans le présent projet au profit de la relance de l'emploi et de l'activité dans les zones urbaines sensibles. Les alinéas 19 et 20 constituent aussi la reprise du régime mentionné à l'article 44 octies. L'alinéa 19 prévoit que lorsque le contribuable concerné est une société membre d'un groupe fiscal mentionné à l'article 223A, le bénéfice exonéré est celui de cette société déterminé dans le cadre de ce nouvel article 44 octies A et du 4 de l'article 223 I, qui prévoit notamment le sort de déficits et moins values subis par une société avant son entrée dans un groupe. Aux termes de l'alinéa 20, « pour l'ensemble des sociétés d'un même groupe, le montant de l'exonération accordée ne peut excéder le montant total calculé conformément aux dispositions mentionnées au huitième alinéa du II du présent article, dans la limite du résultat d'ensemble du groupe », à savoir le plafond « de droit commun » de 100 000 euros prévu à cet article. 10. Cumul de la nouvelle exonération avec l'avantage fiscal institué à l'article 44 sexies du code général des impôts Là aussi, le nouveau régime reprend le précédent, en prévoyant la possibilité pour le contribuable d'opter pour l'un ou l'autre régime, cette option étant irrévocable. L'option pour le régime prévu à l'article 44 sexies du code général des impôts doit être choisie dans les six mois qui suivent la publication du décret en Conseil d'État procédant à la délimitation de la zone conformément à l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, si le contribuable y exerce déjà son activité ou, dans le cas contraire, dans les six mois suivant celui du début d'activité. L'alinéa 22 de cet article renvoie à un décret le soin de fixer les obligations déclaratives des personnes et organismes auxquels s'applique l'exonération, comme il est d'usage en matière de détermination des obligations déclaratives. 11. Dispositions de coordination et d'entrée en vigueur Les alinéas 23 à 26 procèdent à l'ajout de la référence au nouvel article 44 octies A créé après la référence à l'article 44 octies dans différents articles du code général des impôts : - au troisième alinéa du 1 de l'article 170 (alinéa 23, B), relatif à l'obligation de déclaration des revenus et bénéfices par toute personne imposable à l'impôt sur le revenu ; - au premier alinéa du I de l'article 220 quinquies (alinéa 24, C), relatif au régime dit de « report en arrière » pour le calcul de l'impôt sur le bénéfice des sociétés ; - au troisième alinéa de l'article 223 nonies (alinéa 25, D), relatif à l'exonération au titre de l'imposition forfaitaire annuelle prévue à l'article 223 septies : il faut relever que cette modification revêt une certaine importance dans la mesure où il s'agit ici d'étendre le bénéfice du nouveau régime d'exonération ainsi défini, de droit, à l'ensemble des exonérations de l'imposition forfaitaire annuelle ; - dans la première phrase du I des articles 244 quater B, 244 quater H, 244 quater K et 244 quater M, à l'article 302 nonies et au b du 1° du IV de l'article 1417 du code général des impôts (alinéa 26, E), articles relatifs à certains crédits d'impôt, la suppression des avantages fiscaux prévus en faveur des entreprises en cas de non-respect des obligations déclaratives en matière de taxe sur la valeur ajoutée, ou encore l'applicabilité de certaines dispositions du code général des impôts communes aux taxes foncières et à la taxe d'habitation. L'alinéa 27 (F) précise que les dispositions des I à V sont applicables pour la détermination des résultats des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2006. 12. Exonérations de fiscalité directe locale Les deux derniers alinéas se détachent de l'ensemble du reste de l'article. Ils étendent les exonérations de fiscalité directe locale prévues en faveur des ZFU aux opérations réalisées jusqu'au 31 décembre 2011 - soit la même date que celle retenue pour la prorogation de l'exonération au titre de l'impôt sur les bénéfices. L'alinéa 28 procède à la substitution à la date du 1er janvier 2008 de celle du 31 décembre 2011 : - dans l'article 1383 B du code général des impôts, à savoir en matière d'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties dans les ZFU de première génération : dès lors, cette exonération peut s'appliquer aux immeubles affectés à une activité entrant dans le champ d'application de la taxe professionnelle et exercée pour la première fois entre le 1er janvier 2002 et le 31 décembre 2011 ; - dans le I quater de l'article 1466 A du code général des impôts, à savoir en matière d'exonération de taxe professionnelle dans les ZFU de première génération. Parallèlement, l'alinéa 29 procède à la substitution à la date du 31 décembre 2008 de celle du 31 décembre 2011 : - dans l'article 1383 C du code général des impôts, à savoir en matière d'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties dans les ZFU de deuxième génération ; - dans le I quinquies de l'article 1466 A du code général des impôts, à savoir en matière d'exonération de taxe professionnelle dans les ZFU de deuxième génération. Ainsi le présent article se veut-il exhaustif : il proroge l'ensemble des régimes existants en matière d'exonérations fiscales dans les ZFU des première et deuxième générations. * La commission a adopté l'article 7 sans modification. Article 8 Cet article vise à encourager les investissements productifs au sein des zones franches urbaines (ZFU) en instituant une déduction, au titre de l'impôt sur le bénéfice des sociétés, des résultats imposables au profit des versements effectués dans le cadre de souscriptions en numéraire au capital des petites et moyennes entreprises par les grandes entreprises. Il s'agit donc d'un outil qui vient en complément des mesures incitant à l'installation des petites en moyennes entreprises dans les zones franches urbaines. Cette mesure revêt une importance toute particulière, car ses effets sont multiples : ainsi doivent être encouragées les souscriptions en numéraires au capital des petites entreprises situées dans les zones franches urbaines. Mais ces engagements ne seront pas seulement financiers, dans la mesure où ce type d'opérations est le plus souvent accompagné de parrainages, garanties d'un apport d'expérience également. Par ailleurs, cette nouvelle déduction s'ajoute aux instruments déjà existants qui visent à encourager le financement des entreprises, tels le micro-crédit. A cet effet, cet article insère dans le code général des impôts un article 217 quindecies à la fin de la section III consacrée à la détermination du bénéfice imposable (dans le chapitre II consacré à l'impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts), qui précise les modalités de cette déduction s'agissant tant des sociétés bénéficiaires de la déduction elle-même que des sociétés bénéficiaires des versements. 1. Les sociétés bénéficiaires de la déduction L'alinéa 2 de cet article 8 procède à la rédaction du I du nouvel article 217 quindecies du code général des impôts. La déduction est créée au profit des entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés. Les sommes déductibles du résultat imposable sont définies de la manière suivante : - en fonction du destinataire de la souscription au capital : ces sommes doivent avoir été versées « pour la souscription en numéraire au capital de sociétés qui exercent ou créent des activités dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 modifié de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire et dont la liste figure au décret prévu par l'article 6 de la loi n° ...... - ...... pour l'égalité des chances ». Seules sont concernées ces souscriptions au capital des sociétés exerçant ou créant des activités dans les « nouvelles » ZFU, à savoir les ZFU de troisième génération. On peut s'interroger sur l'opportunité qu'il y aurait à étendre ce bénéfice aux ZFU des deux premières générations. - en fonction du moment de la souscription : les sommes doivent avoir été versées entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2007. Cette déduction est applicable l'année de réalisation de l'investissement. En outre, la déduction est limitée de plusieurs manières : - elle ne peut excéder la moitié des versements ainsi opérés ; - elle est plafonnée à 0,5 % du chiffre d'affaires des sociétés procédant à l'investissement et à 25 % du capital de la société bénéficiaire des versements à la clôture de l'exercice au cours duquel les sommes sont versées. Enfin, le bénéfice de la déduction est subordonné à la détention durant au moins trois ans du capital ainsi souscrit. Il s'agit en effet, conformément à la justification présentée dans l'exposé des motifs du projet, de privilégier les investissements durables. 2. Les sociétés bénéficiaires des versements Cette déduction étant un outil complémentaire de l'exonération instituée par l'article 7 du présent projet à l'article 44 octies A du code général des impôts, il est naturel que les entreprises concernées soient définies de la même manière, qu'il s'agisse du droit au bénéfice direct de la nouvelle exonération, ou du bénéfice des investissements réalisés par les grandes entreprises. C'est la raison pour laquelle le II de l'article 217 quindecies reprend, à partir de l'alinéa 3, pour l'essentiel les conditions déjà énumérées à l'article 44 octies A du code général des impôts (et dont on ne reviendra ici ni sur la description exhaustive, ni sur les fondements - voir sur cette question le commentaire de l'article 7). La première condition cependant est originale et propre à la déduction, puisqu'elle impose, au début de l'alinéa 4 de cet article, à la société bénéficiaire d'exercer ou de créer une activité dans une ou plusieurs zones franches urbaines de troisième génération pendant une durée minimale de trois ans à compter de la date de versement des sommes. Cette obligation est le corollaire de l'obligation pour l'investisseur de conserver les titres pendant trois ans, et poursuit le même objectif de « durabilité » des investissements. Par ailleurs, l'alinéa 5 précise que la société bénéficiaire des versements doit utiliser, dans le délai prévu au a), c'est-à-dire dans les trois ans, des sommes d'un montant égal à celui versé dans la zone franche et pour son activité qui y est implantée : il s'agit évidemment d'éviter les effets d'aubaine et de s'assurer que l'ensemble des sommes concernées seront destinées à un investissement, de quelque nature qu'il soit. De ce point de vue, l'entreprise sera libre. S'agissant des autres conditions, elles constituent la reprise de celles qui figurent à l'article 44 octies A, qu'il s'agisse : - de l'interdiction, édictée par l'alinéa 4 également, de la succession dans le temps du bénéfice de la présente déduction et de celui des exonérations prévalant dans les zones de revitalisation rurale et de redynamisation urbaine, ou de celui de la prime d'aménagement du territoire ; - de la définition de l'entreprise en fonction de sa taille et de son chiffre d'affaires, présentée à l'alinéa 6. Toutefois, cet alinéa mentionne les entreprises d'au plus deux cent cinquante salariés, quand l'article 44 octies A évoque les entreprises de moins de deux cent cinquante salariés ; de plus, cet alinéa fait référence à un chiffre d'affaires n'excédant pas 50 millions d'euros au cours de l'exercice, quand l'article 44 octies A mentionne un chiffre d'affaires inférieur à cette somme ; aussi, une harmonisation serait bienvenue ; - l'alinéa 7 vise à éviter les détournements de procédure par la voie des participations financières, en limitant la détention de capital ou de droits de vote à concurrence de 25 % ou plus par une entreprise ou conjointement par plusieurs entreprises ne répondant pas aux conditions d'effectifs et de chiffre d'affaires énumérées à l'alinéa 6 ; - l'alinéa 8 définit l'activité de cette société dans les mêmes termes qu'à l'article 44 octies A, qu'il s'agisse de sa nature industrielle et commerciale ou de l'exclusion des secteurs d'activité qui obéissent par ailleurs à un régime communautaire particulier ; - l'alinéa 9 précise que le chiffre d'affaires est apprécié sur une période de douze mois - dans le cas de la société mère d'un groupe, la somme des chiffres d'affaires des sociétés membres étant prise en compte ; - l'alinéa 10 précise que les conditions énumérées aux alinéas 6 à 8 s'apprécient à la clôture de l'exercice au cours duquel les sommes sont versées. 3. Dispositions diverses Le III du nouvel article 217 quindecies est rédigé par les alinéas 11 à 14 de cet article. Il comprend trois types de dispositions. D'une part, il vise les situations dans lesquelles les conditions imposées aux sociétés bénéficiaires des versements ne sont pas respectées. L'alinéa 11 aborde le cas où l'entreprise bénéficiaire de la déduction a cédé tout ou partie des titres dans les trois années du versement du montant de la souscription, c'est-à-dire n'a pas tenu son engagement prévu à la fin de l'alinéa 2 de détenir pendant au moins trois ans le capital souscrit. Dans ce cas, le montant de la déduction est réintégré au résultat imposable de l'entreprise ayant souscrit au capital, au titre de l'exercice au cours duquel intervient la cession. L'existence de cette forme de sanction permet d'assurer l'effectivité de la règle posée, donc de l'objectif consistant à assurer le caractère durable des investissements. Dans la même perspective, dans le cas où la règle corollaire, prévue au a) du II de l'article 217 quaterdecies n'est pas respectée (à savoir l'obligation, cette fois pour l'entreprise bénéficiaire du versement, d'exercer ou de créer une activité pendant une durée minimale de trois ans), l'alinéa 12 prévoit qu'un montant égal à celui des versements est rapporté au résultat imposable, calculé dans les conditions de droit commun, de la société bénéficiaire des versements au titre de l'exercice au cours duquel la condition a cessé d'être remplie. Le même alinéa prévoit que dans le cas où l'autre règle corollaire, prévue au b) du II de l'article 217 quaterdecies, n'est pas respectée (à savoir l'obligation, pour l'entreprise bénéficiaire du versement également, d'utiliser les sommes versées pour l'activité implantée dans la ZFU), c'est seulement la fraction du montant non utilisée à cet effet qui est rapportée au résultat imposable. D'autre part, le III de l'article 217 quaterdecies prévoit, par l'alinéa 13, une clause de non cumul (traditionnelle en matière fiscale) : les sommes versées par l'entreprise bénéficiaire de la déduction ne peuvent donner lieu à une autre forme d'avantage fiscal, ni déduction, ni réduction, ni crédit d'impôt. Enfin, le III de l'article 217 quaterdecies, en un alinéa 14, renvoie à un décret le soin de fixer les obligations déclaratives, comme il est d'usage en matière fiscale. * La commission a adopté un amendement du rapporteur visant à étendre l'application du régime d'incitation à l'investissement dans les petites et moyennes entreprises situées dans les zones franches urbaines à l'ensemble de ces zones, quelle que soit la date de création de la zone. La commission a ensuite adopté un amendement de coordination du rapporteur. Puis la commission a adopté l'article 8 ainsi modifié. Article 9 Cet article a comme double objet la prorogation des exonérations de cotisations sociales patronales dans les zones franches urbaines (ZFU) de première et de deuxième générations ainsi que l'institution d'exonérations comparables dans les nouvelles ZFU créées par le projet de loi. A cet effet, cet article procède à une modification de l'article 12 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville - article qui ouvre le chapitre II du titre II de cette loi, chapitre consacré aux dispositions relatives aux exonérations de cotisations sociales. 1. Les exonérations de cotisations sociales existantes dans les deux premières générations de ZFU Ces exonérations ont été établies par la loi du 14 novembre 1996 précitée s'agissant de la première génération de ZFU, et par la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine venue modifier la loi de 1996 afin d'appliquer ce même régime (pour l'essentiel au moins) aux ZFU de la deuxième génération qu'elle créait. Ces conditions peuvent être ainsi rappelées (9) : - l'exonération de charges sociales patronales porte sur les charges dues au titre des assurances sociales, des allocations familiales, des accidents du travail ainsi que du versement de transport et des contributions et cotisations au Fonds national d'aide au logement ; - elle porte sur l'ensemble des gains et rémunérations versés au cours d'un mois civil aux salariés employés dans les ZFU, dans une double limite : d'une part, cinquante salariés au plus seulement peuvent être pris en compte (les salariés à temps partiel étant décomptés au prorata de leur durée de travail) ; d'autre part, il existe un plafond égal au produit du nombre d'heures rémunérées par le montant du salaire minimum de croissance majoré de 50 %. Ce dernier plafond a été réservé aux gains et rémunérations versés jusqu'au 31 décembre 2005 par la loi de finances pour 2006 (n° 2005-1719 du 30 décembre 2005) et le taux de majoration abaissé à 40 % à compter du 1er janvier 2006. - l'exonération bénéficie aux entreprises exerçant une activité industrielle, commerciale ou artisanale, soumises au régime des bénéfices industriels et commerciaux, dont un établissement au moins, employant au plus cinquante salariés, se trouve situé dans la zone franche urbaine ; - elle est applicable pendant une durée de cinq ans ; ces cinq années sont comptées à partir de la date d'ouverture de la période de validité de la mesure, pour les activités déjà installées ; à compter de la date d'installation de l'activité, si celle-ci intervient après l'ouverture de la période de validité de la mesure ; en cas d'embauche, l'exonération afférente aux gains et rémunérations des salariés embauchés est applicable pendant une période de cinq ans à compter de la date d'effet du contrat de travail ; - cette exonération est suivie d'un mécanisme de « sortie », sous forme d'abattement dégressif à 60 %, 40 %, 20 %, réparti sur trois années ; dans le cas des entreprises de moins de cinq salariés, la même réduction progressive en trois étapes intervient au terme de l'exonération totale, mais elle est répartie sur neuf années au lieu de trois : les cinq premières années à 60 %, puis les deux suivantes à 40 %, et enfin les deux dernières à 20 %. La différence principale entre les deux premières générations de ZFU concernait la période de validité de la mesure : à la suite de la prolongation opérée par la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 portant loi de finances rectificative pour 2002, qui a notamment ajouté un paragraphe V ter à l'article 12 de la loi n° 96-987, elle s'étend du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2007 dans les zones franches de première génération ; la loi du 1er août 2003 a fixé cette période entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2008 dans les zones franches de deuxième génération, où elle se clôt donc une année plus tard. 2. Les conditions exigées des entreprises bénéficiaires de l'exonération L'alinéa 2 de cet article complète le II de l'article 12 de la loi du 14 novembre 1996 précitée par une phrase précisant que ces dispositions cesseront d'être applicables le 31 décembre 2007. Ces dispositions s'appliquent aux ZFU dites de première génération : elles définissent les conditions que doivent remplir les entreprises pour bénéficier des exonérations de cotisations sociales prévues au I de ce même article 12 (détenir au moins un établissement dans la ZFU ; employer au plus cinquante salariés ; remplir la condition relative au secteur d'activité). C'est qu'à compter du 1er janvier 2008, l'alinéa 3 de cet article rend applicables aux ZFU de première génération les conditions imposées aux entreprises pour bénéficier des exonérations de cotisations sociales dans les ZFU de deuxième génération, en insérant dans le premier alinéa du II bis, après les mots : « figurant sur la liste indiquée au I bis [autrement dit la liste énumérant les ZFU de deuxième génération] » les mots : « ainsi que, à compter du 1er janvier 2008, dans les zones franches urbaines figurant sur la liste indiquée au I [autrement dit la liste énumérant les ZFU de première génération] ». Ainsi se trouveront donc unifiées complètement les conditions exigées des entreprises pour bénéficier des exonérations dans les deux premières générations de ZFU : elles figurent dans le II bis de l'article 12 de la loi du 14 novembre 1996. Il en va en revanche un peu différemment pour les ZFU dites de troisième génération, puisque les alinéas 4 et 5 de cet article 9 introduisent après le II bis de ce même article 12 un paragraphe II ter posant les conditions imposables aux entreprises souhaitant bénéficier des exonérations dans les nouvelles ZFU, de manière un peu divergente par rapport aux régimes existants. Le tableau présenté ci-après rend compte de l'ensemble de ces différences. Les conditions exigées des entreprises bénéficiant des exonérations de cotisations sociales définies à l'article 12 de la loi du 14 novembre 1996
* Condition applicable avant la prorogation établie par le présent texte. 3. Prorogation de la période d'ouverture de l'exonération D'une part, aux termes du V ter, l'exonération est applicable aux entreprises qui s'implantent ou sont créées dans une ZFU ou qui y créent un établissement à compter du 1er janvier 2003 et jusqu'au 31 décembre 2007. L'alinéa 7 de cet article substitue à cette dernière date celle du 31 décembre 2011, de manière à permettre la prorogation des exonérations relevant de l'article 12 de la loi du 14 novembre 1996 dans l'ensemble des ZFU et notamment les ZFU de première génération. D'autre part, en application du premier alinéa du V quater, l'exonération de cotisations sociales est applicable aux entreprises qui exercent, s'implantent ou sont créées ou créent des établissements dans une ZFU de deuxième génération entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2008 inclus. L'alinéa 8 de cet article substitue à cette dernière période la période comprise entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2011. Enfin, le quatrième alinéa du V quater prévoit que l'exonération est aussi applicable (sous certaines conditions) aux salariés dont l'emploi est transféré en zone franche urbaine de deuxième génération jusqu'au 31 décembre 2008. Par coordination avec la modification effectuée à l'alinéa précédent, l'alinéa 9 substitue à cette date « butoir » la date du 31 décembre 2011. Ainsi se voient donc prorogées les périodes d'ouverture des exonérations applicables dans les deux premières générations de quatre ans pour celles de première génération, de trois ans pour celles de deuxième génération. 4. Création d'une nouvelle exonération dans les ZFU de troisième génération Les alinéas 10 à 14 de cet article 9 procèdent à l'insertion d'un nouveau paragraphe V quinquies dans l'article 12 de la loi du 14 novembre 1996, paragraphe qui consacre l'existence d'une exonération dans les nouvelles ZFU. L'alinéa 11 prévoit en effet que « l'exonération prévue au I est applicable aux gains et rémunérations versés par les entreprises mentionnées au II et aux deuxième et troisième alinéas du III qui exercent, s'implantent, sont créées ou créent entre le 1er août 2006 et le 31 décembre 2011 inclus un établissement dans l'une des zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 susmentionnée et figurant sur la liste arrêtée par le décret prévu à l'article 6 de la loi n° ...... - ...... pour l'égalité des chances. » Le régime de cette exonération épouse les contours des exonérations existantes pour les deux premières générations de ZFU. En application de l'alinéa 12, l'exonération est applicable aux salariés concernés (définis par le IV de ce même article) pendant cinq ans à compter du 1er août 2006 (cette date d'ouverture du droit à l'exonération étant bien sûr conforme avec celle des conditions applicables aux entreprises bénéficiaires - voir supra) ou, selon la formule désormais consacrée, à compter de la date de création ou d'implantation de l'entreprise dans la zone franche urbaine si elle est postérieure à cette date. De même, aux termes de l'alinéa 13, suivant le régime applicable aux deux premières ZFU, l'exonération est applicable pour cinq ans - étant précisé que cette durée s'apprécie « à compter de la date d'effet du contrat de travail dès lors que l'embauche intervient dans les cinq années suivant le 1er août 2006 ou la date de création ou d'implantation de l'entreprise, si elle est postérieure ». Enfin, en une formule là encore consacrée, l'alinéa 14 prévoit que l'exonération est aussi applicable, sous certaines conditions, aux salariés dont l'emploi est transféré en ZFU jusqu'au 31 décembre 2011. Une question toutefois reste ouverte : celle des exonérations de cotisations sociales patronales applicables aux associations dans ces mêmes zones franches urbaines - ainsi que dans les zones de redynamisation urbaines - en application de l'article 12-1 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville. La prorogation de ce régime, ouvert jusqu'au 1er janvier 2009 (exclus), n'a pas, selon les informations transmises par les services du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, été abordée par le présent texte au motif que celui-ci concerne avant tout les zones franches urbaines, qui ne constituent qu'une partie de l'ensemble plus vaste constitué par les zones de redynamisation urbaines concernées par ce régime. Eu égard à l'importance du secteur associatif pour l'ensemble de ces territoires, dans des domaines aussi divers que celui des aides à la personne, ou les secteurs sanitaires et sociaux par exemple, le rapporteur estime néanmoins nécessaire de poser la question de la prorogation de ce régime dans les zones franches urbaines pour les associations, sur la période courant de 2009 à 2011 et que soit ouverte, à tout le moins, dès aujourd'hui une réflexion sur ce sujet capital. * La commission a adopté l'article 9 sans modification. Article 10 Cet article a pour objet d'étendre aux nouvelles zones franches urbaines l'application de la clause d'embauche locale, condition imposée aux entreprises pour pouvoir prétendre à l'exonération définie à l'article 12 de la loi du 14 novembre 1996. 1. Définition de la clause locale d'embauche Le régime applicable à la mise en œuvre de la clause locale d'embauche est défini par l'article 13 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville. La clause d'embauche locale constitue l'une des conditions que doivent remplir les entreprises souhaitant bénéficier de l'exonération de cotisations sociales telle qu'elle est définie à l'article 12 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville. Cette condition toutefois ne vaut qu'à partir de la troisième embauche. Elle est applicable pendant cinq ans à compter de la création ou de l'implantation de l'établissement en ZFU. Elle se comprend d'une double manière : elle vise d'une part le maintien d'un ratio minimal de salariés embauchés par l'entreprise résidant dans la zone sur le nombre total de salariés embauchés depuis l'ouverture du droit à bénéficier de l'exonération ; elle vise d'autre part le maintien d'un ratio minimal de salariés de l'entreprise résidant dans la ZFU. En application du I de l'article 13, si l'établissement s'est implanté avant le 1er janvier 2002, les résidents de la ZFU doivent représenter au moins 20 % (1/5ème) des personnes embauchées ainsi que 20 % (1/5ème) des salariés employés, sous certaines conditions. En application du II de l'article 13 (conformément à sa nouvelle rédaction issue de l'adoption de la loi de finances rectificative pour 2002 - n° 2002-1576 du 30 décembre 2002), ce ratio est porté à 33 % (soit 1/3), pour ce qui concerne : - dans les ZFU de première génération, les entreprises créées ou implantées à compter du 1er janvier 2002 ; - dans les ZFU de deuxième génération, les entreprises créées ou implantées à compter du 1er janvier 2004. Cette disposition est en outre élargie aux résidents des zones urbaines sensibles (ZUS) de l'agglomération dans laquelle est située la ZFU - l'article 138 de la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 ayant modifié le texte du II de l'article 13 sur ce point de manière à préciser que la clause d'embauche locale sera valable pour l'emploi de salariés résidant dans les portions de la zone franche urbaine où est implantée l'entreprise et qui ne sont pas en zone urbaine sensible. 2. L'application de la clause d'embauche locale pour les exonérations dans les nouvelles ZFU Fort logiquement, le régime de l'exonération dans les nouvelles ZFU étant calqué sur celui applicable dans les deux premières générations de ZFU, cet article 10 applique la clause d'embauche locale aux exonérations dans les nouvelles ZFU. Il insère à cet effet dans le premier alinéa du II de l'article 13 de la loi du 14 novembre 1996, relatif à la clause d'embauche locale la référence à une applicabilité de cette clause « à compter du 1er août 2006 pour [les entreprises] existant à cette date ou créées ou implantées à compter de cette date dans les zones franches urbaines figurant sur la liste arrêtée par le décret prévu à l'article 6 de la loi n° ...... - ...... pour l'égalité des chances ». La date retenue comme point de départ pour l'applicabilité de cette clause est celle retenue par ailleurs pour l'application du régime nouveau d'exonération. * La commission a adopté l'article 10 sans modification. Article 11 Cet article a pour objet la prorogation des exonérations dites personnelles, à savoir de cotisations pour la maladie et la maternité des artisans, commerçants et chefs d'entreprises, dans les deux premières générations de ZFU, et la création d'un régime comparable dans les nouvelles ZFU créées par le présent projet. Il convient avant de revenir sur ces modifications de présenter le régime d'exonérations aujourd'hui en vigueur dans les deux premières générations de ZFU. 1. Le régime d'exonération des cotisations sociales personnelles dans les ZFU existantes L'article 14 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville définit le régime des exonérations de cotisations sociales personnelles dans les zones franches urbaines. L'analyse de cet article 14 met en évidence la nature de ce régime d'exonération, qui peut être décrit, de manière comparable aux régimes d'exonération déjà étudiés aux articles précédents, comme un système à plusieurs étages, bâti au fil des lois. Cette construction se caractérise par la juxtaposition de plusieurs couches, qui à chaque fois s'ajoutent les unes aux autres, sans porter atteinte (sauf marginalement) à l'existant. Aussi le régime existant aujourd'hui se présente-t-il comme stratifié. L'apport de la loi du 14 novembre 1996 : le régime juridique applicable C'est la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 qui a posé les grands traits de cette exonération (dans le I de son article 14), caractéristiques qui continuent, pour l'essentiel, à s'appliquer à cette exonération aujourd'hui. Les personnes auxquelles s'applique cette exonération sont celles qui exercent une activité non salariée non agricole mentionnée aux a et b du 1° de l'article L. 615-1 du code de la sécurité sociale, à savoir les travailleurs indépendants du groupe des professions artisanales et du groupe des professions industrielles et commerciales, ce qui exclut les professions libérales. Ces personnes doivent initialement être « installées » dans une zone franche urbaine (de première génération donc, par définition). L'exonération porte (sans préjudice des droits aux prestations de ces personnes) sur le versement de leurs cotisations sociales au titre de l'assurance maladie et de l'assurance maternité. Cette exonération vaut pour une durée de cinq années. Il faut toutefois, comme dans les régimes précédemment étudiés, garder à l'esprit que cette durée de cinq années désigne une double réalité. D'une part, ce que l'on peut appeler la période d'ouverture du droit à l'exonération, autrement dit celle de « vie » du dispositif, au cours de laquelle il est possible de commencer à en bénéficier, est de cinq années. Cette période, dans ce régime initial, s'ouvre le 1er janvier 1997 et s'achève donc cinq ans plus tard, soit le 31 décembre 2002. Pour dire les choses autrement, la première personne à pouvoir bénéficier de ce régime peut y entrer dès le 1er janvier 1997, la dernière y entrer jusqu'au 31 décembre 2002. D'autre part, le bénéfice effectif de l'exonération pour chaque personne dure lui aussi cinq années. De deux choses l'une : soit la personne est déjà installée au moment de la naissance du dispositif, le 1er janvier 1997, et elle commence alors à en bénéficier dès cette date et ce pour cinq années, jusqu'à fin 2002. Mais pour toutes les personnes dont l'installation intervient entre le 1er janvier 1997 et le 31 décembre 2002, le bénéfice de l'exonération vaut à compter de cette date d'installation et pour cinq ans. Autrement dit, compte tenu de ce qu'une personne peut entrer dans le régime jusqu'au 31 décembre 2002, il peut y avoir des personnes bénéficiant effectivement de l'exonération du 31 décembre 2002 au 31 décembre 2007. A l'issue des cinq années d'application pleine de l'exonération, un mécanisme de « sortie » sous la forme d'un abattement dégressif pendant trois années, à hauteur de 60 % la première année, 40 % la deuxième et 20 % la dernière, est mis en place. Pour les entreprises de moins de cinq salariés, cette même réduction progressive est appliquée mais sur une période de neuf années au lieu de trois : à 60 % les cinq premières années, 40 % les deux suivantes et 20 % les deux dernières. Dernière caractéristique de ce régime général : en cas de poursuite de tout ou partie de l'activité dans une autre zone franche urbaine, l'exonération cesse d'être applicable à la partie de l'activité qui est transférée dans cette autre zone franche. L'apport de la loi de finances rectificative pour 2002 : la prorogation du dispositif initial applicable dans les ZFU de première génération L'article 79 de la loi de finances rectificative pour 2002 (n° 2002-1576 du 30 décembre 2002), en introduisant un III dans l'article 14 de la loi du 14 novembre 1996, a prorogé le dispositif initialement prévu du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2002 d'une nouvelle période de cinq ans allant du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2007, dans des conditions identiques : les personnes qui auparavant ne pouvaient entrer dans le dispositif que jusqu'au 31 décembre 2002 peuvent désormais le faire, sans interruption, jusqu'au 31 décembre 2007 (et donc bénéficier effectivement de l'exonération pendant cinq ans, donc, pour ceux entrés dans le dispositif au dernier jour, jusqu'au 31 décembre 2012). L'apport de la loi du 1er août 2003 : un régime d'exonérations personnelles comparable La loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la rénovation urbaine ayant créé une deuxième génération de ZFU, elle leur a appliqué un régime d'exonérations personnelles comparable à celui applicable dans les ZFU de première génération, mais de manière non rétroactive et donc par définition sur une autre période. Cette période d'« existence » du nouveau régime dure cinq années également. Elle s'ouvre le 1er janvier 2004 et s'achève donc le 31 décembre 2008, permettant ainsi aux personnes qui seraient entrées le dernier jour dans le dispositif de se prévaloir de ce régime (pour une durée de cinq ans) jusqu'au 31 décembre 2013. 2. La prorogation des périodes d'ouverture pour les deux premières générations de ZFU Les alinéas 1 à 3 de cet article 11 procèdent à une (nouvelle) prorogation du régime initial dans les ZFU de première génération et à une (première) prorogation du régime existant dans les ZFU de deuxième génération. L'alinéa 2 substitue à la date d'échéance de la période d'ouverture du régime applicable dans les ZFU de première génération qui était jusqu'ici, dans le premier alinéa du III de l'article 14 de la loi du 14 novembre 1996, le 31 décembre 2007, celle du 31 décembre 2011, permettant ainsi à des personnes de se prévaloir de ce régime, pour celles qui seraient entrées le dernier jour dans le dispositif, jusqu'au 31 décembre 2016. L'alinéa 3 substitue de même à la date d'échéance de la période d'ouverture du régime applicable dans les ZFU de deuxième génération prévue dans le IV du même article 14, à savoir le 31 décembre 2008, celle du 31 décembre 2011 également. Cette double prorogation a en outre le mérite d'unifier les deux régimes prévalant dans les deux premières générations 3. L'institution d'une exonération de cotisations sociales personnelles dans les nouvelles ZFU Cette unification est d'autant plus remarquable qu'elle vaut également pour les nouvelles ZFU de troisième génération. Les alinéas 4 et 5 créent en effet une exonération calquée sur le même modèle que celles valables dans les ZFU préexistantes, en introduisant un nouveau paragraphe V à l'article 14 de la loi du 14 novembre 1996. Les personnes concernées sont définies de la même manière comme celles exerçant une activité non salariée non agricole mentionnée aux a et b du 1° de l'article L. 615-1 du code de la sécurité sociale. Elles doivent exercer leur activité dans une zone franche « définie au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 » et figurant sur la liste qui sera celle des nouvelles zones franches, à savoir celle « arrêtée par le décret prévu à l'article 6 de la loi n° ...-... pour l'égalité des chances ». Les conditions prévues au I et II de l'article 14 prévalent pour cette nouvelle exonération. Elle porte donc, de la même manière que dans l'ensemble des zones franches, sur le versement des cotisations sociales au titre de l'assurance maladie et maternité. Cette exonération est valable pendant cinq ans. Le même mécanisme d'abattement dégressif à la sortie du régime est applicable, pour trois années en règle générale, sur neuf ans s'agissant des entreprises de moins de cinq salariés. Une différence toutefois réside dans la période d'ouverture du droit. Comme ce régime n'a pas vocation à la rétroactivité, cette période ne peut commencer qu'après la publication de la loi : c'est la date du 1er août 2006 qui a été retenue, comme pour l'ensemble des autres régimes d'exonération prévus par le présent texte, comme point de départ. C'est cette date qui prévaut pour les entreprises déjà installées dans la ZFU à cette date ou qui s'y installent le 1er août 2006. De manière à assurer une unification totale du régime dans l'ensemble des ZFU, la période d'ouverture des droits s'achève le 31 décembre 2011, comme dans les deux autres générations de ZFU compte tenu de la prorogation mise en œuvre par le présent texte. C'est donc une période d'ouverture des droits totale de cinq ans et cinq mois qui est ainsi établie, légèrement plus longue que celle qui était retenue pour les autres générations de ZFU. * La commission a adopté l'article 11 sans modification. Article 12 Cet article a pour objet l'assouplissement de la procédure d'autorisation d'installation pour les projets d'implantations de surfaces commerciales de plus de 300 mètres carrés. Il est motivé par la nécessité de renforcer la vitalité économique des zones franches urbaines (ZFU). 1. Le problème posé par les articles 12 à 15 : l'urgence de la revitalisation économique des ZFU L'exposé des motifs du présent projet est sans équivoque, lorsqu'il annonce que l'objectif poursuivi par la présente mesure est « de permettre la réalisation dans les délais les plus brefs des projets d'ouverture de nouveaux commerces, répondant ainsi à l'urgence de revitalisation économique de ces zones » et de création de zones de chalandise. Cette mesure vise également à « relancer l'activité et [à] favoriser le dynamisme commercial dans les ZFU, en développant ainsi les commerces de proximité qui manquent dans ces zones ou dans leur voisinage ». L'ensemble des mesures telles qu'elles sont résumées par le tableau figurant ci-après s'inscrivent dans cette même perspective. Mesures en faveur de la revitalisation économique des ZFU contenues dans les articles 12 à 15 du projet de loi
2. L'exemple du régime dérogatoire applicable à l'établissement public national pour l'aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) Le régime d'autorisation d'exploitation commerciale de droit commun En principe, en application de l'article L. 720-5 du code de commerce, sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet l'implantation, l'extension ou la réalisation à usage de commerce de détail de surfaces commerciales de plus de 300 mètre carrés. Le VI de ce même article précise que l'autorisation d'exploitation commerciale doit être délivrée préalablement à l'octroi du permis de construire s'il y a lieu, ou avant la réalisation du projet si le permis de construire n'est pas exigé. En application de l'article L. 720-3 du code de commerce, c'est une commission départementale d'équipement commercial qui statue sur ces demandes d'autorisation. Conformément à l'article L. 720-8 du même code, cette commission est présidée par le préfet. La procédure « de droit commun » pour l'examen des demandes est décrite à l'article L. 720-10 du même code : la commission départementale d'équipement commercial doit statuer sur les demandes d'autorisation visées à l'article L. 720-5 dans un délai de quatre mois, à compter du dépôt de chaque demande. Ses décisions doivent être motivées. Au-delà de ce délai de quatre mois, l'autorisation est réputée accordée. La décision de la commission départementale peut faire l'objet d'un recours auprès de la commission nationale d'équipement commercial (prévue à l'article L. 720-11 du même code), à l'initiative du préfet, de deux membres de la commission, dont l'un est élu, ou du demandeur, dans un délai de deux mois à compter de sa notification ou de son intervention implicite (article L. 720-11). La commission nationale se prononce dans un délai de quatre mois également. Le même article L. 720-10 précise que les commissions autorisent ou refusent les projets dans leur totalité. Le régime dérogatoire établi par l'article 28 de la loi du 14 novembre 1996 L'article 28 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville dispose que par dérogation à cet article L. 720-5, « les projets visés audit article dont l'établissement public national pour l'aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux [EPARECA] assure la maîtrise d'ouvrage sont, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, soumis pour autorisation à la Commission nationale d'équipement commercial après consultation de la commission départementale d'équipement commercial, qui rend son avis dans un délai d'un mois à compter de sa saisine. Passé ce délai, l'avis est réputé rendu. » Autrement dit, pour tous les projets dont l'EPARECA assure la maîtrise d'ouvrage, la procédure d'autorisation par la commission nationale d'équipement commercial se trouve d'une certaine manière « rationalisée » et, à tout le moins, accélérée. En 1996, cette procédure simplifiée était supposée faciliter l'activité de cet établissement créé par cette même loi, ayant pour vocation de restructurer les pôles commerciaux situés sur les territoires de la géographie prioritaire de la politique de la ville, qu'il s'agisse des zones urbaines sensibles, des zones de redynamisation urbaines, des zones franches urbaines, des contrats de ville,... L'action de l'EPARECA L'Etablissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) est un établissement public industriel et commercial créé par la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, et son champ d'intervention a été élargi par la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Il a pour mission de favoriser l'aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux dans l'ensemble des quartiers prioritaires des contrats de ville 2000-2006. Dans ce but, il peut acquérir les fonds commerciaux ou artisanaux ainsi que les immeubles ou droits réels immobiliers nécessaires aux opérations correspondant à son objet, puis les céder ou en confier la gestion à un ou plusieurs locataires gérants. Il lui a été attribué en 1997 une dotation initiale de 19,8 millions d'euros, prélevée sur les excédents de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, à laquelle a été ajoutée, par décret du 17 janvier 2003, une dotation supplémentaire de 3 millions d'euros prélevée sur le compte d'affectation spéciale n° 902-24, qui enregistre le produit des privatisations. Le 23 novembre 2005, à la suite de la mise en place de nouvelles mesures en faveur des banlieues, l'EPARECA a signé un nouveau contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2006-2008 avec le ministère des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. L'établissement reçoit ainsi 16 millions d'euros pour poursuivre son action en faveur de la redynamisation des activités commerciales en zones urbaines sensibles, et voit son rôle d'instrument de la politique de la ville conforté par l'Etat, qui a validé ses méthodes d'intervention. Grâce à ce contrat d'objectifs et de moyens, l'EPARECA se voit en outre confier « la capacité d'amplifier le nombre et le rythme de ses interventions dans les années à venir ». 3. Le dispositif proposé : l'application de la procédure dérogatoire aux projets situés en ZFU En procédant à la simple insertion des mots : « situés en zone franche urbaine et ceux » dans l'article 28 de la loi du 14 novembre 1996, le présent article ajoute donc une catégorie nouvelle à celle déjà existante faisant l'objet d'un régime d'autorisation dérogatoire (à savoir les projets dont l'EPARECA assure la maîtrise d'ouvrage) : celle des projets situés en ZFU. Etant donné qu'il est fait ainsi seule référence à ces zones (sans mention d'une loi précise, notamment), il convient de comprendre que tous les projets sont concernés, quelle que soit la génération de zone franche urbaine dans laquelle ils prennent place. Ainsi, que le projet soit situé dans une zone franche de première, deuxième ou troisième génération, désormais, par dérogation à l'article L. 720-5 du code de commerce, il sera seulement soumis pour autorisation à la commission nationale d'équipement commercial, après consultation de la commission départementale d'équipement commercial : cette dernière devra rendre son avis dans le délai d'un mois à compter de sa saisine. Passé ce délai, l'avis sera réputé rendu. L'article 28 de la loi du 14 novembre 1996 renvoie le soin à un décret en Conseil d'Etat de fixer les conditions dans lesquelles est applicable cette procédure dérogatoire. S'agissant de la procédure préexistante applicable à l'EPARECA, le décret n° 97-131 du 12 février 1997 pris pour l'application de l'article 28 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville a notamment précisé que dans un délai maximum de deux mois à compter de l'enregistrement de la demande, la commission nationale saisit pour avis la commission départementale d'équipement commercial du département où le projet doit être implanté (article 6). Ce même décret renvoie en outre à un certain nombre des dispositions du décret n° 93-306 du 9 mars 1993 relatif à l'autorisation d'exploitation commerciale de certains magasins de commerce de détail et de certains établissements hôteliers, aux observatoires et aux commissions d'équipement commercial. En tout état de cause, un nouveau décret devra préciser les règles applicables à l'exception ainsi créée par cet article 12. * La commission a adopté l'article 12 sans modification. Article 13 Cet article a pour objet de dispenser les projets d'équipement cinématographique de type multiplexe du régime d'autorisation préalable prévu par l'article 36-1 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973. Il s'agit, dans la même perspective que celle sur laquelle s'ouvre l'ensemble de ces articles, de renforcer l'activité dans les zones franches urbaines. Comme l'annonce sans équivoque l'exposé des motifs : cette dispense « est donc un signal fort et une incitation puissante pour les opérateurs à investir, sans délai, au sein de ces zones et créer ainsi des pôles de vie culturelle et collective ». 1. Le régime d'autorisation préalable prévu par la loi du 27 décembre 1973 L'article 36-1 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat a créé une commission départementale d'équipement cinématographique. A cette commission sont soumis pour autorisation, avant délivrance d'un permis de construire si celui-ci est requis, et en tout état de cause avant réalisation, les projets qui ont pour objet : - la création d'un ensemble de salles de spectacles cinématographiques comportant plus de 300 places résultant soit d'une construction nouvelle, soit de la transformation d'un immeuble existant ; - l'extension d'un ensemble de salles de spectacles cinématographiques ayant déjà atteint le seuil de 300 places ou devant le dépasser par la réalisation du projet à l'exception des extensions représentant moins de 30 % des places existantes et s'effectuant plus de cinq ans après la mise en exploitation ou la dernière extension ; - l'extension d'un ensemble de salles de spectacles cinématographiques ayant déjà atteint le seuil de 1 500 places ou devant le dépasser par la réalisation du projet. La commission départementale, présidée par le préfet (en application de l'article 36-2 de la même loi), doit statuer sur les demandes d'autorisation rappelées ci-dessus dans un délai de quatre mois à compter du dépôt de chaque demande. Ses décisions doivent être motivées. Au-delà de ce délai, l'autorisation est réputée accordée, conformément à l'article 36-4 de la même loi. Selon ce même article également, à l'initiative du préfet ou du médiateur du cinéma, de trois membres de la commission ou du demandeur, la décision de la commission départementale peut, dans un délai de deux mois à compter de sa notification ou de son intervention implicite, faire l'objet d'un recours auprès de la commission nationale d'équipement commercial. Celle-ci se prononce dans un délai de quatre mois également. Le même article précise aussi que les commissions autorisent ou refusent les projets dans leur totalité. Le décret n° 96-1119 du 20 décembre 1996 relatif à l'implantation de certains équipements cinématographiques, à la commission départementale d'équipement cinématographique et à la commission nationale d'équipement commercial siégeant en matière cinématographique (modifié par le décret n° 2002-1268 du 11 octobre 2002) a précisé ce régime. Il pose notamment, en son article 20, que lorsque la commission nationale d'équipement commercial est saisie d'un recours contre une décision d'une commission départementale, elle fonctionne selon les règles prévues par le décret n° 93-306 du 9 mars 1993 relatif à l'autorisation d'exploitation commerciale de certains magasins de commerce de détail et de certains établissements hôteliers, aux observatoires et aux commissions d'équipement commercial. L'ensemble de ces éléments montre que la présente procédure est très largement inspirée de la procédure prévalant en matière d'équipement commercial (voir le commentaire de l'article 12 du projet de loi). 2. L'établissement d'une dérogation au régime d'autorisation préalable D'une certaine manière, le présent article va plus loin, s'agissant des projets d'équipements cinématographiques, que l'article précédent en matière de projets d'implantations de surfaces commerciales de plus de 300 mètres carrés : il n'introduit pas en effet un régime d'autorisation dont les modalités seraient assouplies, mais il supprime purement et simplement les autorisations préalables. Cet article 13 complète en effet l'article 36-1 de la loi du 27 décembre 1973 en introduisant après le I consacré à la description des projets soumis à autorisation de la commission départementale d'équipement cinématographique un nouveau paragraphe. Le I bis ainsi créé se pose expressément comme un régime d'« exception » par rapport au régime de droit commun décrit au I. Désormais, les projets de création, mais aussi d'extension d'ensembles de salles de spectacle cinématographique « ne sont pas soumis à une autorisation de la commission départementale d'équipement cinématographique », dès lors qu'ils prennent place dans une zone franche urbaine quelle qu'elle soit. En effet, le texte du I bis fait référence aux « zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire », c'est-à-dire à l'ensemble des zones franches urbaines, qu'elles soient de première, deuxième ou troisième génération. Il semble bien évident que dès lors que l'autorisation de la commission départementale d'équipement cinématographique n'est pas requise, a fortiori, l'intervention de la commission nationale d'équipement commercial (qui intervient en cas de recours contre les décisions de la commission départementale) n'est pas nécessaire. Une question reste ouverte : le sort réservé aux projets de créations ou d'extensions en instance devant les commissions départementales d'équipement cinématographique et le projets sur lesquels ces commissions ont statué et qui ont donné lieu à un appel devant la commission nationale. Peut-être faudrait-il envisager une procédure de transmission de droit des dossiers en instance à la commission nationale, qui devrait statuer, selon les délais prévus par la loi, à compter de la date de transmission. * La commission a adopté l'article 13 sans modification. Article 14 En prévoyant deux nouvelles catégories de dispenses d'autorisation préalable à une exploitation commerciale, cet article suit une démarche voisine de celle des deux précédents articles. Il se place, comme l'article 12, dans le domaine des équipements commerciaux, mais va plus loin puisqu'il ne se contente pas d'assouplir le régime d'autorisation existant, mais le supprime au profit de deux types de structures : les projets d'équipement commercial d'une surface de vente inférieure à 1500 mètres carrés ; les constructions nouvelles, extensions ou transformations d'immeubles existants entraînant la constitution d'établissements hôteliers. 1. Le problème posé par la procédure prévue aux articles L. 720-1 et suivants du code de commerce On rappellera d'un mot le régime déjà décrit en détail (voir le commentaire de l'article 12) d'autorisation des exploitations commerciales tel qu'il est prévu aux articles L. 720-1 et suivants du code de commerce : les projets entrant dans le champ d'application de ces articles doivent faire l'objet d'une autorisation d'exploitation commerciale par la commission départementale d'équipement commercial, qui doit statuer de manière motivée sur ces demandes dans un délai de quatre mois ; cette décision peut, dans un délai de deux mois à compter de sa notification ou de son intervention implicite, faire l'objet d'un recours auprès de la commission nationale d'équipement commercial, qui dispose de quatre mois pour rendre sa décision. Il convient d'insister sur le point plus précisément stigmatisé par la présente mesure, à savoir, conformément à ce que pointe l'exposé des motifs, le fait que « la procédure de demande d'autorisation peut s'avérer longue du fait de la préparation du dossier même, puis de sa validation par la commission nationale d'équipement commercial ». En outre, « ce dossier est onéreux, notamment pour des équipements de taille modeste, et contribue à diminuer l'intérêt d'un investissement commercial dans ces zones ». De fait, l'examen des dispositions du décret n° 93-306 du 9 mars 1993 relatif à l'autorisation d'exploitation commerciale de certains magasins de commerce de détail et de certains établissements hôteliers, aux observatoires et aux commissions d'équipement commercial montre combien la procédure peut se révéler exigeante (sans d'ailleurs que les principes au fondement de cette exigence soient illégitimes au plan général), qu'il s'agisse de la constitution du dossier pour la demande d'autorisation, de la procédure de transmission de cette demande par le préfet lorsqu'elle lui a été adressée directement, de la procédure à mettre en œuvre lorsque le dossier est incomplet, de la préparation de la réunion de la commission départementale d'équipement commercial, de la préparation de la réunion de la commission nationale d'équipement commerciale le cas échéant, etc. 2. La dispense de l'autorisation d'exploitation commerciale prévue par le présent texte Pour l'ensemble de ces raisons, cet article 14 prévoit la suppression de la présente procédure, à titre dérogatoire, dans deux types de situations. Les alinéas 2 et 3 de cet article introduisent, après le V de l'article L. 720-5 du code de commerce, un nouveau paragraphe V bis. Ce nouveau paragraphe est expressément établi « par exception » aux autres dispositions du même article : au I (qui détaille la liste des projets de plus de 300 mètres carrés, devant en principe faire l'objet d'une autorisation d'exploitation commerciale) ; au II (relatif à la définition des types de regroupements de surfaces de vente de magasins voisins soumis au même régime) ; aux IV et V (complétant la liste prévue au I) - mais non au III, puisque celui-ci dispense les pharmacies de ce régime. Aux termes de ce V, l'ensemble des projets et opérations qui, jusqu'ici, relevaient de cet article L. 720-5 comme devant faire l'objet de l'autorisation d'exploitation commerciale, ne sont plus soumis à cette dernière sous la réserve que deux conditions soient remplies : - la surface de vente doit être inférieure à 1500 mètres carrés ; - ces exploitations doivent être destinées à être situées dans le périmètre des zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, autrement dit dans le périmètre de l'une des zones franches urbaines, qu'elle soit de la première, de la deuxième ou de la troisième génération. Cette première mesure doit constituer « une incitation importante pour les opérateurs à investir, sans délai, au sein de ces zones, dans la création d'activités commerciales de taille modeste », selon l'expression de l'exposé des motifs. L'alinéa 4 de cet article porte modification du VII de l'article L. 720-5 du code de commerce afin de prévoir le second cas de dispense de l'autorisation. Dans sa rédaction actuelle, le VII dispose que « les dispositions du 7° du II [mais il faut lire : « I », cette erreur matérielle étant rectifiée par le présent projet, car le II ne comporte pas de 7°] ne s'appliquent pas aux départements d'outre-mer ». Le 7° du I désignant « les constructions nouvelles, les extensions ou les transformations d'immeubles existants entraînant la constitution d'établissements hôteliers d'une capacité supérieure à trente chambres hors de la région Île-de-France, et à cinquante chambres dans cette dernière », celles-ci étaient dispensées de l'autorisation préalable lorsqu'elles étaient prévues dans les départements d'outre-mer. L'alinéa 4 de cet article 14 rend applicable cette même dérogation lorsque ces mêmes constructions, extensions ou transformations d'immeubles existant entraînant la constitution d'établissements hôteliers se situent « à l'intérieur du périmètre des zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire », autrement dit dans une zone franche urbaine quelle qu'elle soit. Ainsi se trouve donc consacrée la deuxième incitation à investir, dans la création ou l'extension d'activités hôtelières qui, avec les activités commerciales de taille modeste, sont « pourvoyeuses d'emplois et d'activités de proximité », conformément à l'objectif poursuivi par le présent projet tel qu'annoncé dans l'exposé des motifs. On peut enfin signaler deux questions en suspens. D'une part, celle du statut des projets en instance devant les commissions départementales ou la commission nationale d'équipement commercial. D'autre part, les effets des décisions de refus intervenues sur des projets ou opérations entrant dans le champ du présent article 14. Sur le premier point, on pourrait envisager que les projets bénéficient d'une autorisation de plein droit. Sur le second, peut-être serait-il opportun de permettre aux maires de délivrer les documents d'urbanisme nécessaires pour réaliser les projets ou opérations nonobstant les décisions de refus devenues définitives. * La commission a adopté l'article 14 sans modification. Article 15 Cet article poursuit le même objectif que les précédents - favoriser l'installation et le développement d'activités économiques dans les quartiers défavorisés -, mais revêt une nature fiscale puisqu'il vise à exonérer les installations de magasins en zones franches urbaines de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat. 1. La taxe d'aide au commerce et à l'artisanat La taxe d'aide au commerce et à l'artisanat (TACA) a été créée par l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés (ses conditions d'application sont précisées par le décret n° 95-85 du 26 janvier 1995 relatif à la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat). Elle est affectée au budget général de l'Etat. Toute entreprise exploitant une surface de vente au détail de plus de 300 m2 doit la déclarer - une déclaration étant à faire pour chaque établissement concerné. Doivent être déclarées : le montant du chiffre d'affaires hors taxes annuel de l'établissement ; la surface des locaux destinés à la vente au détail de l'établissement ; le secteur d'activité ; la date d'ouverture initiale de l'établissement exploité. Sont redevables de la taxe les entreprises, quelle que soit leur forme juridique, dont l'établissement a été ouvert à partir du 1er janvier 1960, dont la surface de vente au détail du magasin est supérieure à 400 m2 et dont la réalisation d'un chiffre d'affaires hors taxes est supérieure ou égale à 460 000 euros. 2. L'institution d'une exonération au profit des établissements situés en ZFU Cet article 15 complète les dispositifs d'exonération déjà existants en ajoutant à la fin de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 deux nouveaux alinéas. Le premier, qui figure à l'alinéa 2 de cet article 15, prévoit que « les établissements créés après le 1er janvier 2006 dans le périmètre des zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire et figurant sur la liste arrêtée par le décret prévu à l'article 6 de la loi n° ...... - ...... pour l'égalité des chances sont exonérés de la taxe prévue par le présent article pour une durée de cinq ans à compter du premier jour de leur exploitation ». L'exonération ainsi établie concerne donc les établissements créés dans les seules nouvelles ZFU, qui figureront sur la liste arrêtée par le décret prévu par l'article 6 du présent projet de loi. Ces établissements doivent avoir été créés après le 1er janvier 2006. L'exonération court pour une durée de cinq ans, qui est décomptée à partir du premier jour de l'exploitation. Il est notable que tous les établissements, quels qu'ils soient, sont concernés par cette mesure. En outre, aucune date limite n'a été fixée pour son application : il s'agit donc d'une mesure permanente, ce qui est rare en matière d'exonération. L'alinéa 3 de cet article 15 prévoit en outre le bénéfice de cette même exonération pour ce qui est des cas non plus de créations pures, mais d'extensions, réalisées elles aussi après le 1er janvier 2006 : dès lors que ces extensions concernent des établissements situés dans le périmètre des nouvelles ZFU, ces établissements « bénéficient de la même exonération pour les surfaces de ventes correspondant à ces extensions ». * La commission a adopté l'article 15 sans modification. TITRE II Section 1 Article 16 L'article 16 institue un nouvel établissement public (disposition relevant donc du domaine de la loi), l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ANCSEC), qui devrait reprendre tout ou partie des missions et des moyens de diverses agences et administrations préexistantes. A cet égard, le projet de loi et son exposé des motifs ne nomment clairement qu'un établissement public à laquelle la nouvelle agence succédera, le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD). Mais, comme la presse s'en est fait l'écho, cette agence pourrait aussi reprendre les activités d'autres structures, comme l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI) - dont l'existence n'est pas consacrée par la loi et dont l'évolution n'a donc pas à être traitée dans ce cadre -, voire des éléments d'administrations d'Etat comme la délégation interministérielle à la ville (DIV) : ces choix restent ouverts. Selon l'exposé des motifs du projet, cette réforme institutionnelle « répond à la volonté d'accroître la présence de l'État dans les quartiers sensibles, aux côtés de l'Agence nationale de la rénovation urbaine, pour être l'interlocuteur des maires sur les questions relatives aux quartiers sensibles ». 1. L'ANRU, modèle de la nouvelle agence L'ANRU, créée par la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, sert manifestement, comme il ressort de ces lignes, de modèle à la nouvelle agence, dont les dispositions statutaires inscrites dans le projet de loi sont souvent proches, notamment pour ce qui concerne le champ de compétence, défini au moins partiellement en termes territoriaux pour les deux organismes (ZUS et quartiers assimilés), la composition du conseil d'administration et l'association des financements de l'Etat et de la Caisse des dépôts et consignations. Les résultats obtenus par l'ANRU en termes de mobilisation des acteurs pour la mise en œuvre du programme national de rénovation urbaine, destiné à diversifier l'offre de logements dans les zones urbaines sensibles, la font en effet apparaître comme un modèle institutionnel : au 1er juillet 2005, moins de deux ans après la loi fondatrice, 131 projets avaient déjà été validés en comité d'engagement de l'ANRU et 75 conventions signées, concernant 123 quartiers. Ces opérations examinées en comité d'engagement représentaient globalement la production de 58 700 logements sociaux, la réhabilitation de 112 000, la démolition de 61 700 et la résidentialisation de 124 000, ce qui est appréciable au regard des objectifs posés par la loi de 2003 précitée et complétés par la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005, à savoir, d'ici 2011, la création de 250 000 logements locatifs sociaux, la réhabilitation de 400 000 de ces logements et la démolition de 250 000 autres. Il apparaît également que l'ANRU a su mobiliser les différents partenaires autour de ces projets, sa participation moyenne prévue à leur financement des projets étant de 31 %, pour 22 % apportés par les collectivités territoriales et 41 % par les bailleurs. 2. Accueil, intégration, politique de la ville, égalité des chances : une clarification institutionnelle en cours La démarche qui préside à la création de la nouvelle agence paraît également s'inscrire dans une clarification des politiques dites de l'« intégration ». La Cour des comptes a récemment consacré un rapport à l'accueil des immigrants et à l'intégration des populations issues de l'immigration (10), ou elle relève qu'après des années de politiques fluctuantes qui ont parfois, au nom d'une forme d'intégration, enfermé les personnes immigrées dans des statuts et des situations à part (on peut penser par exemple aux foyers SONACOTRA), l'on assiste depuis 2003 à un tournant des politiques d'accueil et d'intégration, avec l'émergence d'une distinction plus claire, même si l'effort de clarification doit être poursuivi selon la Cour, entre deux « moments » : - l'accueil des étrangers entrant légalement en France, qui peut légitimement et doit passer par des dispositifs spécifiques ; - au terme d'une période d'accueil assez courte (« raisonnablement » pas plus de deux ans), l'accès aux dispositifs de droit commun destinés à tous ceux qui résident légalement en France, qu'ils soient ou non de nationalité française, accès assorti de mesures anti-discrimination. En matière d'accueil des étrangers entrant légalement sur notre territoire, une réforme importante a été conduite avec la création d'une agence unique chargée de cette tâche, l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM). On rappellera que cette réforme trouve ses sources dans le comité interministériel à l'intégration du 10 avril 2003 et a trouvé sa traduction législative dans la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale. Il a d'abord été décidé de confier à l'Office des migrations internationales (OMI) la coordination du dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile durant la procédure d'examen de leur demande, puis de combiner deux types de savoir-faire - le savoir-faire administratif de l'OMI, le savoir-faire social de l'association « Service social d'aide aux émigrants » (SSAE) - en fusionnant ces deux organismes dans l'ANAEM. Cet établissement public est chargé, sur l'ensemble du territoire, du service public de l'accueil des étrangers, c'est-à-dire notamment, selon les dispositions de la loi de programmation, gérer le volet social des entrées et séjours de courte durée, de l'accueil des demandeurs d'asile et des entrées au titre du regroupement familial. Le président du conseil d'administration et le directeur général de l'Agence ont été nommés par décret le 2 mai 2005 et son premier conseil d'administration s'est tenu le 25 juillet. Parallèlement était déployé le contrat d'accueil et d'intégration (CAI), qui sera géré par l'ANAEM : 12 départements concernés depuis juillet 2003, 26 en 2004, 47 en juillet 2005. 2006 doit être l'année du déploiement national du dispositif. Le présent projet inscrit, dans le code de l'action sociale et des familles, les dispositions relatives à l'ANCSEC juste après l'article qui y mentionne l'ANAEM (dont le statut est plus précisément défini dans le code du travail), option rédactionnelle significative qui semble bien indiquer que la nouvelle agence aura notamment pour objet « l'après accueil ». Mais sa dénomination même, qui renvoie à la cohésion sociale et à l'égalité des chances, mais ne mentionne plus l'intégration, encore présente dans l'acronyme FASILD, rend compte d'une nouvelle conception dans laquelle tous ceux qui connaissent des difficultés d'insertion sociale et professionnelle, pour diverses raisons qui ne tiennent pas nécessairement à une origine étrangère, doivent également être aidés. Selon le texte du projet, d'ailleurs, les actions de l'agence viseront « notamment » - donc pas spécifiquement - l'intégration des populations immigrées et la seule approche comportant, dans la conception de l'agence, une forme de traitement différencié est désormais territoriale, avec la priorité donnée aux ZUS. A cet égard, l'ANCSEC constitue aussi le lieu institutionnel où la politique d'intégration doit rejoindre les politiques territoriales comme celle de la ville. Dans le cadre de cette vaste réorganisation institutionnelle, la question de l'évolution d'instruments d'intervention qui ont fait leur preuve, comme les contrats de ville, est posée. Le gouvernement devra certainement apporter des précisions quant à l'avenir des instruments existants. 3. La nécessité de mieux coordonner des missions qui se sont parfois dispersées Le FASILD, seul organisme dont la loi organise le transfert à la nouvelle agence, est un établissement public chargé de concourir aux politiques d'accueil, d'intégration et de lutte contre les discriminations. Depuis ses origines, il a connu plusieurs dénominations successives : issu de l'ordonnance n° 58-1381 du 29 décembre 1958 portant création d'un fonds d'action sociale pour les travailleurs musulmans d'Algérie en métropole et pour leurs familles, il est devenu en 1964 le Fonds d'action sociale pour les travailleurs étrangers (FAS), puis en 1983 le Fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles (FASTIF), a enfin pris en 2001 son appellation présente. C'est également depuis 2001 que les ressources du fonds proviennent essentiellement du budget de l'Etat : précédemment, elles provenaient de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et de la Mutualité sociale agricole (MSA), le FAS apparaissant à l'origine comme une sorte de démembrement de l'action sociale de ces caisses de sécurité sociale en tant qu'elle était orientée vers les travailleurs immigrés. Au fil des années, comme le montre en creux l'évolution de sa dénomination, le fonds a vu aussi bien la composition de ses instances dirigeantes que la nature de ses interventions se modifier et se diversifier. Comme l'observe la Cour des comptes dans le rapport précité, le fonds a toujours bénéficié par rapport aux pouvoirs publics d'une large « autonomie », qui n'a pourtant pas eu « pour effets la clarté et la cohérence ». La Cour développe comme suit ses observations : « Le pouvoir de nomination du président du FAS reconnu au gouvernement ne saurait, en effet, faire illusion, quelle qu'ait été l'autorité des personnalités qui se sont succédé dans cette fonction. En réalité, le véritable pouvoir revenait au conseil d'administration - organe auquel participaient, de manière très active, les associations présumées représentatives des immigrés et celles qui se sont investies dans la promotion et de la défense de leurs droits. La conjonction des préoccupations des associations et de la « culture » des personnels aura ainsi pesé sur les choix du FAS. Et si les représentants de l'Etat ont pu souvent exprimer d'autres approches, les résultats en auront été une définition incertaine des objectifs de l'établissement ». La Cour rappelle par ailleurs ses critiques passées réitérées (rapports publics de 1993, puis 1997...) tant à l'encontre de la gestion du fonds (irrégularités diverses, manque de contrôles...) que de la nature de ses interventions : programmes imprécis, sélection insuffisante des actions subventionnées... Aujourd'hui encore, le FASILD subventionne des organismes divers et nombreux, ayant principalement la forme associative, le plus souvent en partenariat avec d'autres acteurs publics. On peut ainsi indiquer qu'en 2004, 4 474 associations et organismes ont bénéficié des subsides du fonds. Il passe également des conventions avec le monde de l'entreprise (entreprises, organisations professionnelles, organisations syndicales, chambres consulaires), aux fins principalement de lutter contre les discriminations à l'emploi. Il a enfin une mission d'études et de diffusion de la connaissance, soutient la création artistique et audiovisuelle ainsi que des publications. Par ailleurs, le FASILD finance les formations linguistiques au profit des publics immigrés, ainsi que l'ensemble des prestations offertes aux personnes signataires du contrat d'accueil et d'intégration (CAI) dans le cadre des procédures prévues par le code des marchés publics. Depuis 2001, les ressources du FASILD proviennent essentiellement d'une subvention de l'Etat, complétée par une contribution du Fonds social européen allouée pour la formation linguistique des migrants. La subvention de l'Etat s'est élevée à 171,6 millions d'euros en 2005 et est prévue à 177,6 millions en 2006 (projet de loi de finances). La contribution du FSE est évaluée à 7 millions pour 2005. Le FASILD est doté de 292 emplois budgétaires et réalise environ 22 millions d'euros de dépenses de fonctionnement. Le tableau ci-après montre la répartition par types d'actions des interventions du fonds. Répartition des dépenses d'intervention du FASILD
4. Le dispositif législatif proposé L'alinéa 1 du présent article 16 place les dispositions relatives à la nouvelle agence dans la section 5 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l'action sociale et des familles, qui est consacrée aux établissements publics intervenant dans le domaine de ce code. Il est proposé d'y remplacer les articles L. 121-14 et L. 121-15 actuels, qui définissent sommairement les missions et le statut du FASILD, absorbé par la nouvelle agence, par cinq nouveaux articles, l'intitulé de la section 5 précitée étant remplacé par celui de « cohésion sociale » en application des alinéas 2 et 3. Cette insertion pose toutefois un problème formel car elle paraît ignorer l'existence d'un article L. 121-13 dans le code précité, article qui traite de l'ANAEM. L'alinéa 4 fixe la nature juridique de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, qui sera un établissement public administratif national comme l'ex-FASILD et l'ANAEM, ainsi que ses missions. Selon le projet, l'agence contribuera « à la mise en œuvre d'actions en faveur des habitants résidant dans les zones urbaines sensibles et dans les quartiers qui présentent des caractéristiques sociales et économiques analogues (...), à la lutte contre l'illettrisme, à la mise en oeuvre d'actions sur l'ensemble du territoire national en faveur de personnes rencontrant des difficultés d'insertion sociale ou professionnelle (...) à la lutte contre les discriminations [ces actions visant] notamment à l'intégration des populations immigrées résidant en France ». Cette disposition présente quelques incertitudes, notamment sur : - la nature des « actions » menées dans les ZUS et quartiers présentant des caractères analogues : actions « tous azimuts » ou répondant aux objets déclinés dans la suite de l'alinéa ? - l'équilibre entre le ciblage territorial sur les zones urbaines sensibles et quartiers assimilés, directement repris des dispositions applicables à l'ANRU, et le champ national de certaines au moins - la liste de celles censées avoir un champ national étant mal déterminée -, des missions de l'agence ; - le poids des actions visant à l'intégration des populations immigrées, qui devient, avec l'usage de l'adverbe « notamment », l'un des objectifs parmi d'autres de l'ensemble des actions de la nouvelle agence. La rédaction de cet alinéa est sans doute perfectible. En fait, il s'agit de parvenir à concilier plusieurs ambitions : - promouvoir un ciblage territorial, car ce critère, cohérent avec l'éventuelle reprise par l'agence de politiques territoriales comme celle de la ville, apparaît déterminant dans les discriminations et permet de mettre en place des dispositifs spécifiques ; - reprendre cependant l'essentiel des missions du FASILD et de l'ANLCI, pour assurer la continuité de l'existant, ce qui implique le champ national de certaines missions, la mention de la lutte contre l'illettrisme et le rappel de l'ancien ciblage sur des populations définies par leur origine immigrée ; - anticiper un rôle potentiel beaucoup plus large pour la nouvelle agence, la « cohésion sociale » pouvant couvrir un champ immense de politiques sociales... Il convient enfin de signaler une dernière mission de l'agence, qui est définie dans un autre article du présent projet, l'article 28 : elle attribuera l'agrément de service civil volontaire. Les alinéas 5 et 6, définissant les modalités d'intervention de l'ANCSEC, lui laissent la plus grande latitude, puisqu'elle pourra intervenir en menant directement toute action conforme à son objet (cohésion sociale et égalité des chances) ou en apportant des financements, dans la continuité du FASILD, à un champ très large de bénéficiaires potentiels : collectivités territoriales, intercommunalités et organismes publics ou privés dont les opérations concourent à « ces objectifs », formule imprécise qui renvoie apparemment à l'ensemble des objectifs de l'agence définis à l'alinéa 4. Il est précisé, et c'est là une avancée importante demandée de longue date par les milieux associatifs, que les financements seront apportés dans un cadre pluriannuel. L'alinéa 7 est relatif aux instances de direction du nouvel établissement public : celui-ci sera doté d'un directeur général et d'un conseil d'administration dont le président sera nommé par l'Etat parmi les personnalités qualifiées du conseil. L'ensemble du conseil, selon le projet, sera également nommé par l'Etat et constitué pour moitié de représentants de ce dernier et pour moitié de représentants des organisations syndicales et patronales « représentatives », des collectivités territoriales et des caisses de sécurité sociale, ainsi que de personnalités qualifiées. Si la composition paritaire du conseil d'administration Etat/autres est directement inspirée de celle applicable à l'ANRU (article 11 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 précitée), le principe de la nomination de son ensemble par l'Etat est plus surprenant : soit il signifie que les pouvoirs publics choisissent tous les membres du conseil, option peu acceptable, notamment, pour les organisations syndicales et patronales représentées, soit il indique seulement qu'un arrêté publié au journal officiel constate formellement la composition de ce conseil, mais la formule est alors de peu de portée. L'alinéa 8 dispose que les préfets seront les délégués départementaux de l'agence et à ce titre chargés de signer et de suivre les conventions de financement qu'elle passera. Cette disposition est également inspirée de celle établie pour ce qui concerne l'ANRU, mais est plus impérative : la loi du 1er août 2003 précitée prévoit seulement que l'ANRU « prend appui sur les préfets ou leurs représentants ». S'il est habituel que des agents de l'Etat dans les départements se trouvent être délégués départementaux d'agences nationales, par exemple les directeurs de l'équipement pour l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), le fait est que la présente disposition intervient dans une matière, l'organisation interne des administrations (celles de la nouvelle agence, mais aussi de l'Etat, puisque sont concernées les missions des préfets), qui est de nature réglementaire. Par ailleurs, la mention des « préfets » introduit une petite ambiguïté : s'agit-il nécessairement des préfets de département ou éventuellement, par exemple, des préfets délégués à l'égalité des chances là ou il y en aura ? La formule exacte pour viser spécifiquement les préfets de département aurait sans doute été celle de « représentant de l'Etat » dans le département L'alinéa 9 autorise l'ANCSEC à recruter des agents non titulaires sur des contrats à durée indéterminée « pour l'exercice de ses missions » (donc pas seulement pour des tâches particulières ou temporaires). Il s'agit d'une règle dérogatoire par rapport au droit commun statutaire : selon l'article 4 (récemment modifié par la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique) de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, qui s'applique aussi, selon son article 2, aux établissements publics nationaux, les agents contractuels sont en principe recrutés sur des contrats à durée déterminée d'une durée maximale de trois ans, les emplois publics permanents ayant vocation à être occupés par des agents statutaires. Cette dérogation est dans la continuité de celle existant au FASILD en application de l'article L. 121-15 actuel du code de l'action sociale et des familles et existe aussi à l'ANAEM. Les alinéas 10 à 15 fixent une liste, non exhaustive compte tenu de l'emploi de l'adverbe « notamment » dans l'alinéa introductif, des ressources possibles de l'ANCSEC : subventions de l'Etat (principale ressource actuelle du FASILD), fonds structurels communautaires (le FASILD en perçoit également), subventions de la Caisse des dépôts et consignations (comme l'ANRU), « produits divers », contributions conventionnelles de quatre parmi les grandes caisses de sécurité sociale qui ont longtemps financé le FASILD (Caisses nationales des allocations familiales, de mutualité sociale agricole, d'assurance maladie et d'assurance vieillesse) ainsi que « d'autres établissements publics ». Enfin, l'alinéa 16 renvoie à un décret en Conseil d'Etat les règles d'organisation et de fonctionnement de la nouvelle agence. * La commission a examiné un amendement de suppression présenté par M. Yves Durand. M. Michel Charzat a considéré que cet article est aussi insatisfaisant que dangereux. La création de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances ne permettra pas de lutter contre les discriminations. En raison de la dilution des missions qu'elle entraîne et de l'amalgame auquel il est procédé entre illettrisme et immigration, cette mesure est inacceptable. Le champ des actions concernées est excessivement étendu, alors même que la création de l'agence conduit à supprimer des organismes qui ont fait leurs preuves, comme le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD). En outre, le rôle dévolu aux préfets dans la gestion des concours financiers de l'agence montre bien l'objectif : instrumentaliser les associations et les mettre sous tutelle. L'État se désengage et charge le secteur associatif, tout en lui imposant ses méthodes et en diminuant les subventions. Il y a aussi un risque de morcellement de l'action de l'État et de rupture de l'égalité de traitement. S'agissant de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, ce texte ne lui donne pas tout le rôle qu'elle pourrait jouer en matière de prévention : elle reste cantonnée à une intervention a posteriori. M. Yves Durand a insisté sur la suppression de dispositifs existants et efficaces, particulièrement l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme, dont les responsables ont exprimé la plus vive inquiétude quant à la possibilité d'atteindre leurs objectifs grâce aux nouvelles structures. L'agence a effectué un travail remarquable sur un sujet majeur et l'ancien ministre chargé de l'Éducation nationale, M. Luc Ferry, l'avait d'ailleurs souligné. En la matière une structure ad hoc est indispensable. Or le dispositif proposé noie les structures. De plus, la tutelle du ministère de l'intérieur est inopportune. Enfin il ne fait pas de doute que les associations seront bien mises sous tutelle. En bref, le gouvernement cède à la facilité d'un effet d'affichage, et n'a pas pris la mesure de la gravité des problèmes. Le rapporteur a en premier lieu précisé que l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme n'est pas concernée par le projet de loi, qui ne la mentionne ni dans son dispositif, ni dans son exposé des motifs ; il en est de même de la délégation interministérielle à la ville. S'agissant du FASILD, une réforme est nécessaire du fait de la création de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM), qui doit reprendre certaines de ses missions. Plus généralement, le FASILD a été l'objet d'observations critiques, notamment de la Cour des comptes ; il faut accroître la performance de la structure, qui s'inscrira désormais dans une démarche générale de prévention. La situation de nos quartiers justifie que l'on crée en quelque sorte le pendant humain de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) : on ne peut pas se contenter de construire et réhabiliter des logements. Quant au mode de financement des associations, l'inscription dans la loi du principe de conventions pluriannuelles répond précisément à une de leurs demandes les plus fortes. M. Yves Durand a demandé au rapporteur s'il pourra confirmer à la responsable de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme, qu'il reçoit demain, que cette structure et ses moyens seront préservés, ce à quoi le rapporteur a répondu que le projet ne supprime pas l'agence. La commission a rejeté l'amendement. La commission a rejeté un amendement présenté par M. Francis Vercamer visant à ce que la nouvelle agence ait notamment pour mission la prise en compte des personnes rencontrant des difficultés d'accès aux droits fondamentaux, le rapporteur ayant estimé que la définition des missions de l'agence est déjà complète. M. Francis Vercamer a présenté un amendement visant à ce que le président du conseil d'administration de l'agence soit le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, expliquant qu'il convient d'éviter que l'agence soit placée sous la tutelle d'un autre ministère. Le rapporteur a observé que la présidence d'un établissement public est sans incidence sur le ministère de tutelle et qu'il n'est pas habituel d'attribuer à un ministre la présidence d'un conseil d'administration où sont représentés de nombreux acteurs sociaux. La commission a rejeté l'amendement. La commission a rejeté un amendement présenté par M. Francis Vercamer proposant que l'échelon d'organisation de la nouvelle agence soit celui de la région, le rapporteur, soutenu par M. Alain Néri, ayant considéré que l'échelon départemental est plus adapté au regard des missions de l'établissement. La commission a rejeté un amendement présenté par M. Francis Vercamer supprimant la mention de contributions des organismes de la sécurité sociale au financement des actions de l'agence, le rapporteur ayant fait valoir que de telles contributions ont existé pour le FASILD et qu'en tout état de cause, le projet de loi les inscrit comme une faculté, non comme une obligation. La commission a adopté l'article 16 sans modification. Article 17 Cet article organise la transition entre le FASILD et la nouvelle agence. Son alinéa 1 prévoit donc : - la substitution de l'ANCSEC au FASILD pour toutes ses actions à la date de l'installation de son conseil d'administration, sauf ses actions de participation à l'accueil des populations immigrées, qui sont transférées à l'ANAEM. Ce transfert à l'ANAEM est logique compte tenu du rôle de celle-ci dans la gestion de l'ensemble des politiques d'accueil des primo-arrivants, et notamment du contrat d'accueil et d'intégration. Comme il a été dit (cf. commentaire de l'article 16 supra), ce partage des anciennes missions du FASILD entre l'ANAEM et l'ANCSEC s'inscrit dans une clarification de la distinction entre les politiques d'accueil et celles destinées à assurer la cohésion sociale au bénéfice de tous ; - le transfert concomitant des compétences, biens, droits, moyens et obligations du FASILD. Il est précisé, selon une formulation classique, que ce transfert ne donne lieu à aucune perception de droits (de mutation). L'alinéa 2 dispose que les agents contractuels du FASILD transférés à l'ANCSEC et à l'ANAEM conservent le bénéfice de leurs contrats. * Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté un amendement de suppression de l'article présenté par M. Alain Néri. La commission a ensuite adopté un amendement rédactionnel du rapporteur. Puis elle a adopté l'article 17 ainsi modifié. En conséquence de la disparition du FASILD, cet article abroge la loi n° 64-701 du 10 juillet 1964 relative au Fonds d'action sociale pour les travailleurs étrangers qui en constitue la base légale « historique » (les mentions du FASILD dans le code de l'action sociale et des familles ayant par ailleurs été supprimées par l'article 16 du projet de loi). * La commission a examiné un amendement de suppression de l'article de M. Yves Durand. M. Alain Néri a précisé que l'amendement a pour objet de préserver l'existence du FASILD et de ses missions, en évitant de le noyer dans une structure trop large. Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l'amendement. La commission a adopté l'article 18 sans modification. Section 2 Article 19 Cet article a pour objet de doter la HALDE de la faculté d'infliger des sanctions pécuniaires en prévoyant les garanties et règles procédurales habituelles accompagnant ce type de prérogatives. Il convient de rappeler que la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 qui a créé la HALDE, si elle lui a donné pour première mission d'intervenir suite aux plaintes des personnes s'estimant victimes de discrimination, ne lui a pas attribué de pouvoir direct de sanction lorsque la discrimination est avérée : la Haute autorité dispose de pouvoirs d'investigation (articles 5, 6, 8 et 9 de la loi précitée), mais son intervention ne se conclut que par une médiation (article 7), des recommandations (article 11), des observations aux juridictions traitant de discriminations (article 13), ou la transmission des dossiers au parquet ou à des autorités disciplinaires (articles 12 et 14) qui seuls enclencheront les suites pénales ou disciplinaires envisageables. Or la plupart des autorités administratives indépendantes (AAI) qui existent disposent, outre de ce type de facultés, de celle d'infliger des pénalités financières, parfois considérables, sanctionnant le non-respect des législations et réglementations qu'elles sont chargées de faire appliquer, voire le non-respect de leurs propres prescriptions. Même si les faits que répriment ces AAI tombent souvent aussi sous le coup des lois pénales et donc des juridictions de droit commun, l'existence d'institutions répressives spécialisées permet dans les faits d'assurer une meilleure application de réglementations spécialisées et complexes. Dans le cas des discriminations, le recours systématique aux poursuites pénales apparaît parfois disproportionné et inadapté à la sanction de pratiques certes clairement prohibées, mais qui peuvent relever surtout de l'ignorance de la loi, comme par exemple celle des offres d'emploi mentionnant une condition d'âge. Au demeurant, la nouvelle procédure, alternative possible aux sanctions pénales, ne sera pas exclusive de celles-ci : elle n'empêchera pas la mise en œuvre de poursuites pénales pour réprimer les comportements de racisme ou de sexisme inacceptables, mais permettra aussi, parfois, d'éviter des procédures longues, incertaines et qui ne sont pas toujours dans l'intérêt objectif des victimes de discrimination dès lors qu'en stoppant les procédures civiles, elles retardent les réparations financières. Afin de mettre en place le nouveau dispositif de sanction pécuniaire, il est proposé de compléter la loi précitée du 30 décembre 2004 par trois articles nouveaux, placés après l'article 11 de cette loi relatif aux pouvoirs de « recommandation » de la HALDE. L'alinéa 2 du présent article 19 définit les faits susceptibles d'être sanctionnés financièrement par la HALDE et les montant maximaux de ces sanctions. Le caractère assez modéré de ces montants ainsi que l'encadrement de la définition des pratiques sanctionnées, lesquelles ne pourront être que celles qui sont prohibées par la loi ou des engagements internationaux - ce qui exclut l'élaboration d'une conception extensive de la notion de discrimination par la Haute autorité - constituent des assurances contre toute dérive éventuelle de ce système punitif extrajudiciaire. Pour autant, dans une matière « quasi-pénale » qui touche directement aux libertés publiques, le dispositif proposé doit être examiné avec attention afin d'éviter tout risque juridique. Les faits punissables sont ceux « constitutifs d'une discrimination directe au sens de l'article 1er » de la loi créant la HALDE, lequel article 1er vise toute discrimination prohibée par la loi ou un par un engagement international. Deux exigences sont donc posées : la discrimination qui sera sanctionnée doit être prohibée par une disposition légale ou un engagement international ; elle doit être directe. - Les dispositions légales visées sont d'abord celles du code pénal, qui définit ainsi l'incrimination de discrimination à ses articles 225-1 et 225-2 : toute distinction opérée entre les personnes physiques ou morales « à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs moeurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée » lorsque cette distinction consiste notamment « à refuser la fourniture d'un bien ou d'un service (...), à refuser d'embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne » ou à subordonner l'accès à des biens et services ou des offres d'emploi ou de stages aux éléments susmentionnés. Il s'agit également des dispositions du code du travail, dont l'article L. 122-45, en particulier, dispose : « Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou en raison de son état de santé ou de son handicap », non plus qu'« en raison de l'exercice normal du droit de grève » ou pour avoir témoigné d'agissements discriminatoires. Comme on peut le voir, la discrimination au sens du code du travail, qui donne lieu à des sanctions civiles, a un champ plus large que celui qui est pénalement sanctionné : toute décision d'ordre professionnel (en matière de rémunération, formation, affectation, etc.) peut fonder un contentieux et pas seulement les embauches, sanctions et licenciements. Par ailleurs - on reviendra infra sur ce point -, dans le champ civil, à la différence du champ pénal, les comportements peuvent être sanctionnés sans qu'il soit besoin d'établir leur caractère intentionnel. D'autres codes comportent des dispositions plus fragmentaires. Par exemple, l'article 16-13 du code civil prohibe spécifiquement les discriminations selon les caractéristiques génétiques, tandis que le code de l'urbanisme pose, en termes généraux, des principes tels que la « satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs en matière d'habitat, d'activités économiques, notamment commerciales, d'activités sportives ou culturelles et d'intérêt général ainsi que d'équipements publics » (article L. 121-1). S'agissant des engagements internationaux, on peut citer la Convention européenne des droits de l'homme (article 14), la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (article 21) ou encore les conventions 100 et 111 de l'Organisation internationale du travail. - La distinction entre discrimination directe et indirecte est d'origine communautaire et a d'abord été dégagée par la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), qui a utilisé le concept de discrimination indirecte dès 1981, avant d'être reprise dans des textes tels que la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, qui donne les définitions suivantes : « a) Une discrimination directe se produit lorsqu'une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l'un des motifs visés à l'article 1er [de la directive, qui reprend les différents motifs de discrimination classiques] ; « b) Une discrimination indirecte se produit lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes d'une religion ou de convictions, d'un handicap, d'un âge ou d'une orientation sexuelle donnés, par rapport à d'autres personnes (...) ». La discrimination indirecte correspond donc aux cas, intentionnels ou non, où un régime qui n'est pas en lui-même discriminatoire au regard des critères prohibés (sexe, race, etc.) conduit en pratique à désavantager principalement tel ou tel groupe défini sur la base d'un tel critère : la CJCE a par exemple jugé que le fait de réserver un avantage aux salariés à temps plein peut constituer une discrimination sexuelle indirecte dès lors que dans l'entreprise concernée les salariés à temps partiel sont surtout des femmes. Le concept de discrimination indirecte n'a été introduit dans le droit positif français que par la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations (dans le code du travail) en conséquence des directives européennes le demandant. La ligne de partage discrimination directe/indirecte ne coïncide pas nécessairement, même si elle s'en rapproche sans doute souvent dans les faits, avec le critère d'intentionnalité utilisé par le droit pénal : sauf cas particuliers spécifiquement prévus par la loi, comme l'homicide involontaire, tout crime ou délit implique l'intention de le commettre selon l'article 121-3 du code pénal, ce qui vaut aussi pour le délit de discrimination. De manière générale, il convient d'observer que si le champ des faits fondant la nouvelle sanction est en fait assez clairement défini, la rédaction du projet de loi, renvoyant sommairement à l'article 1er de la loi ayant institué la HALDE, pourrait être jugée insuffisante et constituer un cas d'incompétence négative du législateur. Le montant maximal de la sanction pécuniaire est fixé à 5 000 euros lorsque le contrevenant est une personne physique et à 25 000 euros lorsque c'est une personne morale. Afin de donner des éléments de comparaison, le tableau ci-après récapitule les pouvoirs de sanction financière de quelques autorités administratives indépendantes. Amendes administratives susceptibles d'être infligées
Comme on peut l'observer, les montants de 5 000 et 25 000 euros inscrits dans le projet sont très inférieurs à ceux des sanctions que peuvent infliger la plupart des autres AAI, qu'il s'agisse non seulement de celles veillant au respect de réglementations économiques, mais aussi de celles chargées de la protection de libertés spécifiques, comme la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA). Ces montants sont également inférieurs à celui de l'amende pénale - complétée naturellement d'autres pénalités, notamment de prison - pour faits de discrimination, fixée par l'article 225-2 du code pénal à 45 000 euros dans le cas général et à 75 000 euros quand la discrimination s'effectue dans un établissement accueillant du public. Ils excédent en revanche l'amende maximale due pour des contraventions (3 000 euros). On relève également l'absence de règle particulière pour les cas de « récidive » et de modulation de la sanction, lorsqu'elle concerne une entreprise, en fonction de son chiffre d'affaires, modalités qui sont souvent prévues s'agissant d'autres AAI. De même, à la différence de celles-ci, la HALDE sera certes dotée d'un pouvoir de sanction financière, mais non de celui de faire injonction à des contrevenants de cesser telle ou telle pratique, pouvoir qui (combiné d'ailleurs avec celui de sanction financière) existe par exemple pour le Conseil de la concurrence en application de l'article L. 464-2 du code du commerce, et pour la CNIL en application de l'article 45 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978. L'alinéa 2 pose enfin l'obligation, pour la mise en œuvre de la nouvelle sanction pécuniaire, d'une procédure contradictoire, dont les modalités sont renvoyées à un décret en Conseil d'Etat, et d'une motivation de la décision. Il s'agit de deux principes de base à respecter en matière de droit disciplinaire. Les dispositions législatives relatives aux pouvoirs de sanction des différentes AAI sont le plus souvent plus détaillées quant aux règles procédurales, mais il est également vrai, comme on l'a dit, que les enjeux financiers peuvent aussi être beaucoup plus considérables. On peut quand même s'étonner de l'absence dans le projet de loi de certaines dispositions habituelles en la matière, par exemple en matière de garantie effective des droits de la défense (droit d'être assisté, délais minima de convocation...) ou de fixation d'un délai de prescription (la HALDE pourra-t-elle sanctionner des faits dénoncés longtemps après leur commission et qui ne seraient plus susceptibles de recours pénaux ?). Il appartient au législateur de prévoir ce type de dispositions, au moins dans leur principe, dès lors que le montant des sanctions encourues assimilerait celles-ci, au pénal, à des amendes correctionnelles (et non contraventionnelles). L'alinéa 3 du présent article 19 prévoit que la nouvelle procédure disciplinaire et d'éventuelles poursuites pénales seront indépendantes ; un même dossier pourra donc donner lieu à la fois à la sanction pécuniaire administrative et à une condamnation pénale. La non-application du principe non bis in idem dans le cas du cumul d'une procédure disciplinaire et d'une procédure pénale est classique, dans la mesure où les sanctions susceptibles d'être infligées sont souvent de nature différente. Toutefois, puisqu'en l'espèce ces sanctions peuvent être dans les deux cas financières, il est alors proposé une sorte de confusion des peines : le deuxième alinéa de l'article 11-3 de la loi n° 2004-1486 précitée auquel il est renvoyé, inséré par l'alinéa 9 du présent article 19, dispose que, le cas échéant, le juge pénal pourra décider d'imputer l'amende de la HALDE sur l'amende pénale qu'il prononcera. Une disposition de cette nature existe déjà pour le cas des sanctions prononcées par d'autres AAI, par exemple l'Autorité des marchés financiers (article L. 621-16 du code monétaire et financier) et le CSA (article 42-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication). Il conviendra de veiller à ce que cette disposition garantisse le respect du principe constitutionnel selon lequel le cumul d'une amende administrative et d'une amende pénale ne saurait conduire à une sanction globale excédant le plafond de la plus élevée de ces sanctions. Par ailleurs, dès lors que pourront coexister une procédure devant la HALDE et une procédure juridictionnelle, on peut penser qu'il serait utile d'organiser la coopération entre les différentes instances (transmissions de pièces) en s'inspirant des dispositions en vigueur s'agissant du Conseil de la concurrence (article L. 463-5 du code du commerce) et de l'Autorité des marches financiers (article L. 621-15-1 du code monétaire et financier). Les alinéas 4 à 7 instaurent une sanction complémentaire facultative, bien connue par ailleurs en droit pénal, la publicité à donner, aux frais de la personne condamnée, à la décision de la HALDE, par voie d'affichage (pour deux mois au plus) et/ou de presse (internet étant également mentionné). Il est précisé que les frais occasionnés ne doivent pas excéder le montant maximal de l'amende, soit 5 000 ou 25 000 euros selon que la personne sanctionnée est ou non une personne physique. On relève qu'en dehors de la publicité à titre de sanction susmentionnée, le projet ne comporte pas de disposition quant à la publicité générale des décisions de sanction qui seront prononcées, non plus que de la procédure préalable (en matière de droit disciplinaire, le principe général de publicité qui caractérise la justice ne s'applique pas et des solutions diverses peuvent être retenues). L'alinéa 8 du présent article 19 dispose que les décisions de HALDE pourront faire l'objet d'un recours en pleine juridiction (et non en cassation) devant le Conseil d'Etat. Cette option rejoint celles retenues pour les décisions d'AAI telles que le CSA (article 42-8 de la loi de 1986 précitée) et la CNIL (article 46 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés) : la juridiction administrative constitue une option naturelle s'agissant d'autorités administratives qui n'agissement pas dans le champ économique. L'alinéa 10, enfin, définit les modalités de recouvrement des sanctions pécuniaires de la HALDE : elles seront « recouvrées comme les créances de l'État étrangères à l'impôt et au domaine ». Il s'agit d'une formule classique, que l'on retrouve pour le recouvrement des sanctions comparables infligées par le CSA, la CNIL, le Conseil de la concurrence ou la CADA, qui signifie que ces sommes seront recouvrées comme les amendes pénales. * La commission a adopté cinq amendements du rapporteur : le premier visant à inscrire dans la loi les garanties habituelles en matière de droits de la défense ; le deuxième fixant un délai de prescription ; le troisième de nature rédactionnelle ; le quatrième organisant la transmission de pièces entre les juridictions pénales et la Haute autorité ; le cinquième de nature rédactionnelle. Puis la commission a adopté l'article 19 ainsi modifié. Article 20 Certaines activités restent soumises à des régimes d'autorisation ou d'agrément administratifs et les autorités publiques disposent alors de pouvoirs de sanction (suspension, retrait d'agrément...) à l'encontre des personnes physiques ou morales exerçant ces activités. Cet article a pour objet d'habiliter la HALDE à recommander aux autorités publiques l'usage de ces pouvoirs lorsque les personnes concernées commettent des actes discriminatoires au sens du deuxième alinéa de l'article 1er de la loi du 30 décembre 2004 précitée qui a créé la HALDE, lequel couvre, comme il a déjà été indiqué, toutes discriminations, « directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie ». On peut se reporter au commentaire de l'article 19 supra pour la présentation de la législation et des engagements internationaux en cause, ainsi que de la distinction discrimination directe/indirecte. A la différence de ce qui est prévu s'agissant du pouvoir de sanction pécuniaire institué par l'article 19, la nouvelle prérogative de la HALDE instituée par le présent article 20 vise bien à la fois la discrimination directe et la discrimination indirecte, mais elle est naturellement de moindre portée puisqu'il ne s'agit que de faire des recommandations. Dans le corps de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 précitée, cette nouvelle prérogative s'inscrirait à l'article 14, lequel dispose déjà que la HALDE « porte à la connaissance des autorités ou personnes publiques investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires » : il s'agit effectivement d'élargir cette disposition en ne visant pas seulement les cas où il existe un pouvoir disciplinaire stricto sensu, mais tous ceux où il subsiste un pouvoir quasi-disciplinaire (agrément/retrait) de l'administration. Cette mesure vient utilement compléter les pouvoirs d'information et d'influence de la HALDE, qui peut déjà, par ailleurs, formuler des recommandations pour remédier à des pratiques discriminatoires, saisir le parquet des faits pénalement répréhensibles qu'elle relève et présenter ses observations à l'occasion de procès où sont en cause des faits de discrimination. On peut toutefois penser que la prérogative instituée par le présent article pourrait utilement être étendue, au-delà des activités soumises à agrément ou autorisation, à celles soumises à un régime de déclaration, voire à celles qui en sont dispensées mais restent assujetties à un régime de contrôle administratif spécial comportant des pouvoirs de sanction tels que la fermeture provisoire de l'établissement : ce mode de contrôle plus léger est en effet de plus en plus répandu. Il s'applique notamment, depuis la publication de la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, aux opérateurs privés souhaitant offrir des services de placement sur le marché du travail, qui sont soumis à un régime déclaratif si c'est leur activité principale et dont les établissements peuvent être fermés par l'administration pour une durée maximale de trois mois s'ils ne respectent pas certaines règles de base, dont la non-discrimination (articles L. 312-1 et L. 312-2 du code du travail). Compte tenu de l'enjeu que représentent les discriminations à l'embauche, qui correspondent à près de la moitié des plaintes à la HALDE, il serait opportun que les organismes intervenant dans ce domaine soient couverts par le nouveau dispositif institué par le présent article. Dans le même esprit, les établissements ouverts au public peuvent être fermés par l'autorité administrative dans certains cas de figure sans être nécessairement tous soumis à un régime d'autorisation ; permettre à la HALDE de saisir les préfets de faits discriminatoires survenus dans ces établissements serait également utile. Le texte prévoit enfin que la HALDE sera informée des suites données à ces recommandations par les administrations de tutelle concernées. * La commission a adopté un amendement du rapporteur visant à étendre au-delà des activités soumises à agrément ou autorisation la prérogative de recommandation instituée par le présent article au bénéfice de la HALDE. Le rapporteur a précisé qu'il s'agit de prendre en compte les activités soumises à un régime de déclaration, voire celles qui en sont dispensées, mais restent assujetties à un régime de contrôle administratif spécial. La commission a adopté l'amendement, rendant sans objet un amendement rédactionnel de M. Francis Vercamer. Puis la commission a adopté l'article 20 ainsi modifié. Article 21 Cet article a pour objet d'inscrire dans la loi l'utilisation du « testing » pour prouver les discriminations en matière pénale. On sait que cette pratique consiste à adresser une certain nombre de demandes fictives d'accès à un bien, un service, un emploi, un logement, demandes dont les caractéristiques « objectives », par exemple les diplômes pour une demande d'emploi, se ressemblent, mais qui se distinguent par le fait que les demandeurs fictifs appartiennent ou non à diverses catégories susceptibles d'être discriminées. Le résultat statistique obtenu quant au sort réservé aux demandes classées selon les critères possibles de discrimination permet ensuite d'évaluer objectivement le poids des différents facteurs de celle-ci. Cette méthode a connu récemment un grand développement en matière de discriminations à l'embauche, où elle a permis de comparer les chances d'être convoqués à un entretien de « candidats » fictifs selon leur sexe, leur handicap, leur adresse, la consonance étrangère de leur nom, leur apparence physique, etc. Les résultats accablants de ces opérations constituent d'ailleurs l'un des arguments les plus forts des partisans du curriculum vitae anonyme. Le testing apparaît donc comme un moyen efficace d'établir certaines discriminations. Aux fins de l'inscrire dans la loi comme mode d'administration de la preuve, le projet de loi propose d'insérer dans le code pénal un nouvel article 225-3-1, qui disposerait que « les délits prévus par la présente section [la section 1, intitulée « Des discriminations » du chapitre V du titre II du livre II] sont constitués même s'ils sont commis à l'encontre d'une ou plusieurs personnes ayant sollicité l'un des biens, actes, services ou contrats mentionnés à l'article 225-2 dans le but de démontrer l'existence du comportement discriminatoire (...) ». Etant rappelé que l'article 225-2 du code pénal qui est cité définit la discrimination comme le refus d'un bien, service ou emploi pour l'un des motifs visés à l'article 225-1 du même code (à savoir tous les motifs interdits de discrimination : origine, sexe, etc.), il s'agit bien de spécifier que le délit de discrimination est constitué même si les « victimes » n'ont demandé ce bien, service ou emploi que pour établir qu'il leur est refusé pour un motif prohibé. Le dispositif proposé ajoute toutefois que la preuve du comportement discriminatoire doit être établie « notamment par des constatations effectuées par un officier public ou ministériel » (constat d'huissier), précision de bon sens susceptible de protéger les personnes accusées de discrimination, mais dont la portée restrictive doit être relevée par rapport au principe de liberté d'établissement de la preuve en droit pénal (voir infra). La justification de la mention du testing dans la loi comme mode d'administration de la preuve tient au fait que la validité de cette méthode ne va pas nécessairement de soi, puisqu'en cas de testing il n'y a pas de vraies « victimes » individuelles évidemment légitimes à porter plainte et que l'on assiste à une sorte de provocation à la faute qui pourrait être perçue comme exonérant de culpabilité ceux qui se laissent « piéger ». Au regard de la jurisprudence, l'apport réel de cet article peut toutefois être discuté, car il apparaît que, même sans reconnaissance légale spécifique, le testing a déjà été admis comme moyen licite de preuve par le juge pénal : la Cour de cassation l'a notamment pris en compte dans une affaire de refus d'accès de jeunes de type maghrébin à une discothèque (11). Un certain nombre de règles en vigueur du droit pénal expliquent cette situation : - En matière d'administration de la preuve, on rappellera seulement le principe posé à l'article 427 du code de procédure pénale selon lequel le juge pénal, décidant « d'après son intime conviction », est libre d'accepter tout mode de preuve en l'absence de disposition législative spéciale. - Pour ce qui concerne l'intérêt pour agir en l'absence de « victime » identifiée directe et le rôle des associations qui sont à même de pratiquer le testing, il est à noter que les articles 2-1, 2-6, 2-8 et 2-10 du code de procédure pénale permettent l'exercice des droits de la partie civile, en matière de discriminations dans leurs champs respectifs, aux associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans avec pour objets statutaires respectifs la lutte contre le racisme, celle contre les discriminations fondées sur le sexe ou les mœurs, la défense des personnes malades ou handicapées et celle des personnes en situation de grande pauvreté. - S'agissant enfin de la provocation à la faute, il existe depuis longtemps une jurisprudence nuancée, fondée sur l'application de l'article 122-2 du code pénal (« N'est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous l'empire d'une force ou d'une contrainte à laquelle elle n'a pu résister »), qui s'applique notamment aux provocations policières telles que les mises en scène destinées à susciter des pseudo-achats ou ventes de drogue : selon les cas, ces pièges ont ou non été admis comme mode de preuve. Plus récemment, la question a été traitée sous un angle particulier par le législateur, dans le cadre de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, laquelle, définissant un statut légal des policiers « infiltrés » dans le milieu, les a formellement autorisés à participer alors à diverses actions illicites, mais en précisant que ces actions ne pouvaient « constituer une incitation à commettre des infractions » à peine de nullité, c'est-à-dire de non-prise en compte ensuite par la justice. Sur cette question, on peut donc penser, que disposition spécifique au testing ou non, il appartiendra toujours au juge pénal d'évaluer la loyauté des méthodes utilisées. En fin de compte, l'insertion dans le code pénal, par le présent article 21, de dispositions relatives au testing ne paraît pas de nature à révolutionner la jurisprudence, mais elle donnera, tant aux tribunaux - encore peu formés au contentieux de la discrimination - qu'aux associations, une plus grande visibilité de ce mode de preuve tout en entourant son usage de certaines garanties avec la mention de l'établissement des faits par constat d'huissier. Il convient enfin d'observer que le présent article concerne exclusivement le champ pénal. Dans les contentieux civils relatifs notamment aux questions d'emploi et traités par le juge prud'homal ou le juge administratif, la preuve de la discrimination est en effet déjà régie par des dispositions spécifiques, issues du droit communautaire, qui ont été reprises par la jurisprudence et confirmées par la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations : un salarié qui s'estime discriminé a seulement à présenter « des éléments de fait laissant supposer l'existence » d'un traitement discriminatoire et c'est à l'employeur de prouver que les décisions qu'il a prises à son encontre sont justifiées « par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ». Cet aménagement de la charge de la preuve n'a pas été prévu en matière pénale, car il n'est pas imposé par les obligations communautaires et des arguments solides s'y opposent : le principe de présomption d'innocence est incompatible avec la mise à la charge de l'accusé d'une partie de la preuve et la limitation du champ pénal aux discriminations intentionnelles rendrait de toute façon beaucoup moins utile un tel aménagement. * La commission a adopté l'article 21 sans modification. Article 22 Cet article prévoit que les nouvelles dispositions des articles 19 à 21 relatives aux pouvoirs de la HALDE et au testing sont applicables dans l'ensemble des collectivités de l'outre-mer, comme le sont déjà l'ensemble du droit pénal (sous réserve de dispositions prises localement) ainsi que la loi de décembre 2004 ayant institué la Haute autorité. En effet, si, dans les départements et régions d'outre-mer, la loi de la République est directement applicable sauf adaptation spécifique en vertu de l'article 73 de la Constitution, l'article 74 traite en revanche des collectivités d'outre-mer à statut particulier, qui disposent chacune d'un statut propre, défini par loi organique, fixant « les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables » et celles « dans lesquelles ses institutions sont consultées sur les projets et propositions de loi (...) comportant des dispositions particulières à la collectivité (...) ». Quant aux Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), le dernier alinéa de l'article 72-3 de la Constitution renvoie simplement à la loi la détermination de leur « régime législatif ». Des mentions spéciales de l'application des lois nationales dans ces différents territoires sont donc nécessaires. Le présent article mentionne donc explicitement l'applicabilité des articles 19 à 21 du projet de loi dans les TAAF ainsi qu'à Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Il est à souhaiter que les avis des assemblées territoriales aient été recueillis là où les statuts organiques le prévoient : par exemple, la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie dispose ainsi, en son article 90, que son congrès est consulté sur les projets de loi comportant des dispositions spécifiques. S'agissant de Mayotte, le projet de loi retient une formule quelque peu différente en se bornant à rappeler leur « application de plein droit ». Cette option rédactionnelle doit être rapprochée du texte de la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte, dont l'article 3 a prévu l'application de plein droit de la législation nationale en matière, notamment, de droit pénal, procédure pénale et procédure administrative contentieuse et non contentieuse, ce qui couvre clairement les dispositions de l'article 21 (utilisation du testing comme mode de preuve au pénal) et peut être considéré comme couvrant les articles 19 et 20 relatifs à la HALDE. * La commission a adopté l'article 22 sans modification. Section 3 Article 23 Un Français âgé de 4 ans et plus regarde en moyenne la télévision 3 heures 24 minutes par jour (12) ; dans un foyer français, la télévision est regardée en moyenne 5 heures 39 minutes par jour. 83,8 % des Français âgés de 13 ans et plus écoutent la radio au moins une fois par jour du lundi au vendredi et 72,9 % au moins une fois par jour le week-end (36,7 % écoutent un programme généraliste, 44,6 % un programme musical, 13,2 % un programme thématique et 19 % un programme local) (13). Chaque auditeur écoute en semaine pendant près de trois heures (2 h 56) par jour une ou plusieurs stations de radio. Après le monde du travail et devant n'importe quel service public y compris celui de l'Education nationale, le média audiovisuel est la sphère économique et sociale la plus présente dans la vie quotidienne des Français. Il est donc justifié qu'il soit le reflet de toutes les composantes de la société dans ses programmes. Dès l'année 1999, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a saisi les chaînes hertziennes de télévision des problèmes posés par le manque de diversité des cultures et des origines présentes sur les antennes. En 2001, il a adapté les conventions de TF1 et M6 pour introduire une prescription relative à la diversité des origines et des cultures à l'antenne (voir ci-après). Le 4 septembre 2003, M. Zaïr Kedadouche, membre du Haut conseil à l'intégration, président de l'association Intégration France, avait dans une lettre ouverte publiée par Le Monde appelé l'attention du CSA sur la question et demandé que des mesures audacieuses soient prises pour que la couleur de la peau ne soit pas un facteur d'exclusion à la télévision française, notamment pour l'accès aux fonctions de journaliste. Conscient des insuffisantes de la présence de toutes les composantes de la société sur les écrans de la télévision et sur les ondes de la radio, M. Jean-Pierre Rafffarin, alors Premier ministre, a demandé le 16 février 2004 au Haut conseil à l'intégration (HCI) de se saisir « de la question de la représentation de la diversité des composantes de la communauté nationale à travers les médias ». Le Haut conseil à l'intégration a organisé le 26 avril 2004, en partenariat avec le CSA et le Fonds d'action sociale pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD), un colloque sur le thème « Ecrans pâles ? Diversité culturelle et culture commune de l'audiovisuel ». Le 17 mars 2005, il a remis au Premier ministre son avis intitulé « diversité culturelle et culture commune dans l'audiovisuel ». Il contient les recommandations suivantes : Recommandations du Haut conseil à l'intégration (rapport du 25 novembre 2005)
Préalablement, s'étaient tenues le 11 mars 2005 les « assises parlementaires de l'intégration » au cours desquelles la diversité à la télévision a été débattue avec M. Dominique Baudis, président du CSA. Le 22 novembre 2005, le Président de la République, M. Jacques Chirac, a réuni à l'Elysée, en présence des ministres concernés et du président du CSA, les responsables des chaînes de télévision hertziennes nationales pour dresser le constat des insuffisances de la représentation de toutes les composantes de la communauté nationale sur les écrans de télévision et exposer les mesures qu'il entend faire prendre pour lutter contre les discriminations et promouvoir la diversité sociale dans les programmes de la télévision. L'exposé des motifs du projet de loi en présente le résumé : « - inscription des actions en faveur de la cohésion sociale et de la lutte contre les discriminations dans les objectifs, les missions et les obligations du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Il s'agit de renforcer l'action entreprise par cette instance de régulation pour donner l'image la plus réaliste possible de la société française dans toute sa diversité en conférant à cette action la base légale qui lui fait aujourd'hui défaut ; « - modification dans le même sens les cahiers des charges des chaînes publiques afin de renforcer les dispositions en faveur de la cohésion sociale et la lutte contre les discriminations ; « - création auprès du Centre national de la cinématographie d'un fonds spécifique doté de 10 millions d'euros pour financer les œuvres qui contribuent à la cohésion sociale ; « - enfin, le Président de la République a décidé que France Ô sera dorénavant diffusée par voie hertzienne terrestre en mode numérique en Île-de-France. À cette fin, l'État préemptera la fréquence de diffusion nécessaire. » Dans une dépêche relatant les résultats de cette réunion, l'AFP concluait que « M. Chirac a reconnu que les chaînes de télévision avaient déjà fait "des efforts indiscutables et souvent supérieurs à la moyenne nationale" contre les discriminations mais qu'elles étaient "particulièrement emblématiques". Mais au-delà des mesures annoncées, "c'est surtout une mobilisation des coeurs et des esprits" qui est nécessaire, selon M. Chirac qui a assuré avoir trouvé des dirigeants de chaînes "tout à fait ouverts à cela" ». Le 25 novembre 2005, Mme Blandine Kriegel, présidente du Haut conseil à l'intégration, a remis son rapport d'activité annuel au Premier ministre. Ce rapport insiste sur les principes positifs du modèle d'intégration français, même s'il comporte certaines imperfections. Il rejette le principe de la « discrimination positive ». Le Haut conseil à l'intégration recommande un effort en faveur d'une meilleure connaissance de l'histoire de l'immigration, de l'institutionnalisation de la diversité culturelle et du rétablissement d'une image positive des populations immigrée dans la société : « trop souvent, on associe la population immigrée notamment originaire d'Afrique subsaharienne et d'Afrique du nord à des symboles dévalorisants et renvoyant à diverses formes d'échec ». Le bilan de l'action des services de radio et de télévision en matière de diversité des origines et des cultures est cependant difficile à dresser d'un point de vue quantitatif. Le 30 janvier 2004, le CSA a écrit à l'ensemble des chaînes hertziennes nationales de télévision pour qu'elles présentent chaque année un rapport sur leurs initiatives tendant à améliorer sur leur antenne la représentation de la diversité des origines et des cultures. En décembre 2005, le CSA a tiré le bilan suivant de la situation. Bilan fait par le CSA de la représentation de la diversité des origines à la télévision
Dans son avis remis le 17 mars 2005, le Haut conseil à l'intégration dresse également un état des lieux de la représentation inégale de la diversité sur les écrans audiovisuels : - Les programmes pour la jeunesse « peuvent être considérés comme les plus avancés quant à la représentation de la diversité ». Leurs animateurs, leurs sujets, leur musique et leurs jeux forment une représentation variée des origines et des cultures. - Les émissions de jeux et de divertissement affichent des efforts perceptibles, mais qui restent insuffisants, pour varier les origines des participants, des candidats et des spectateurs invités. - La diversité dans les documentaires et reportages est naturellement prise en compte mais ces genres restent souvent prisonniers de stéréotypes (« on voit toujours l'immigration sous l'angle du drame »). - Les débats sur les questions de société et de choix politique reflètent la diversité de la société dans la composition de l'assistance mais cette diversité « est nettement moins évidente chez les protagonistes du débat ». - La fiction, notamment les séries, bénéficie d'un effort incontestable en donnant des rôles et la parole à des comédiens d'origines diverses. - Pour les journalistes et les présentateurs, le constat est dans l'ensemble négatif, même si, comme le déclare M. Jean-Claude Dassier, directeur général de LCI, « le visage de la télévision a, depuis dix ans, considérablement changé [mais] il y a une réelle complexité à rendre visible la diversité non seulement dans les personnes à l'écran mais aussi dans les reportages et les sujets traités ». Le Haut conseil à l'intégration ne s'interroge pas moins sur les difficultés réelles à permettre aux reporters d'origines diverses couvrant notamment des évènements internationaux de traiter également les grands évènements politiques ou économiques et l'actualité de l'éducation, de la santé, des loisirs et de la vie quotidienne. Il n'existe pas, à ce jour, de bilan statistique de la présence à l'écran des personnes selon leur origine, qu'ils apparaissent en tant que personnages de fiction, candidats à un jeu, participants à une émission de plateau, sujets de reportage ou de magazine, présentateurs de journal ou d'émission, artistes invités, etc. Au-delà de la difficulté du classement, cette lacune pose le problème juridique du recueil de données de recensement dont les critères s'apparenteraient fortement à des critères de distinction raciale ou ethnique, voire religieuse. Dès lors que tous les principaux acteurs, à commencer par le Haut conseil à l'intégration, le CSA, M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances, Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, et les responsables des chaînes hertziennes, s'accordent sur l'inopportunité de la mise en place de quotas de présence à l'écran de minorités visibles, une statistique de la diversité des origines et des cultures ne devrait être appréhendée que comme un outil de réflexion et un indicateur pour l'intensité de l'action à mener, et non comme un instrument de notation ou de sanction. Par ailleurs, la définition d'un quota pose le problème - sans solution satisfaisante et surtout consensuelle - de la fixation de son niveau. Elle risquerait, en outre, de déboucher rapidement sur des demandes de sous-quotas par couleur de peau qui auraient un effet destructeur pour l'unité de la communauté nationale. Or la diversité peut être atteinte dans l'unité. Au-delà de la présence suffisante à l'écran des Français de toutes origines, l'action de cohésion sociale dans le domaine audiovisuel doit être qualitative afin que la télévision et la radio donnent une image réaliste, différente des clichés habituels peu valorisants, des différentes composantes de la société française - par exemple, des Français d'outre-mer ou d'origine immigrée à la télévision - abordent leurs préoccupations et montrent leurs contributions au développement de la société française. Sous l'angle qualitatif, la mesure des actions de cohésion sociale pose un délicat problème d'appréciation des thèmes et des contenus audiovisuels. Poussé à l'extrême, il pourrait conduire le CSA à dicter la politique éditoriale d'un service, ce qui n'est pas dans l'intention du législateur. L'initiative éditoriale doit rester aux éditeurs de services qui doivent proposer des actions en faveur de la diversité à l'antenne. Le CSA n'est amené à intervenir que pour fixer, en fonction de la loi et des règlements, les lignes directrices des engagements dans les conventions ou en cas d'insuffisance des actions concrètes ou de leur non-conformité aux termes de la loi ou de la convention. La difficulté de mise en œuvre de l'obligation de cohésion sociale et de diversité tient à la nécessaire adaptation des prescriptions en fonction des services selon leur nature, leur programmation, leur couverture territoriale, voire leurs moyens matériels et financiers. C'est pourquoi, elles doivent être négociées au cas par cas au travers des conventions, même si des services peuvent être regroupés notamment par catégories (service d'information, service de sport, programme musical, chaînes de cinéma ou de fiction, etc.) pour définir le champ de certaines des obligations. La loi ne peut prévoir tous les cas de figure. Comment un programme de musique classique peut-il refléter fidèlement la diversité des origines culturelles des Français ? À quel stade le CSA doit-il intervenir auprès d'un service d'information en continu pour faire valoir que les Français d'outre-mer ou issus de l'immigration sont insuffisamment présents à l'antenne ou que celle-ci rend mal compte de leur existence dans l'actualité ? Dans quelle mesure un service dont la programmation repose sur la diffusion d'œuvres de patrimoine est-il en mesure de respecter l'obligation de cohésion sociale tout en restant conforme à la nature de son service qui est à la base même de son autorisation ou de son conventionnement ? Comment un service communautaire comme KTO, TFJ ou Beur TV doit appliquer l'obligation de diversité ? La loi doit s'appliquer à tous ces services mais elle ne peut pas s'appliquer de la même manière à un service généraliste comme TF1 ou France Inter et à un service thématique. L'appréciation de la diversité peut également porter sur les personnes vues ou entendues à l'antenne. Si l'obligation conduit à prendre en compte les noms des personnes intervenant à l'antenne, des remarques du CSA pourraient constituer, en fait, une obligation d'embaucher des animateurs d'origines plus diverses. La composition des équipes de journalistes est souvent critiquée de ce point de vue. Dans certains cas, notamment ceux des plus grands services, cette éventualité ne doit pas être exclue. Des efforts, comme ceux accomplis récemment par France Télévisions, peuvent être faits dans des délais brefs, mais il faut avoir conscience de la fragilité financière de la majorité des services de radio et de télévision en activité en France. Il convient toutefois de souligner qu'en matière d'information la diversité des thèmes et des regards sur l'actualité, la vie quotidienne, les grands thèmes politiques est, pour la cohésion sociale, aussi fondamentale que la diversité des personnes présentes à l'antenne. En dernier lieu, l'appréciation des actions de cohésion sociale et de lutte contre les discriminations est plus délicate en radio qu'en télévision pour quatre raisons essentielles : - le nombre de services à contrôler : il existe environ 300 services de télévision (14) contre environ 1 500 services privés de radio hertziens en métropole et 193 stations privées en outre-mer (fin 2004), sans compter les programmes de Radio France, RFO et RFI et les 330 radios temporaires autorisées en 2004. C'est pourquoi, contrairement à la télévision hertzienne, les contrôles de la radio reposent, sauf contrôle ponctuel, entièrement sur des déclarations des éditeurs, y compris sur des questions très sensibles comme l'égalité des temps consacrés aux candidats à la présidence de la République en période électorale ; - la fluidité des programmes de radio : ceux-ci reposent sur des directs, pour lesquels le CSA ne dispose pas d'une grille descriptive détaillée permettant de connaître les thèmes de chaque émission et les intervenants afin d'exercer un contrôle sans avoir à écouter les programmes en totalité, sur un nombre important d'interventions d'auditeurs dont la station ne peut que difficilement contrôler l'origine ethnique, et sur un enchaînement rapide des séquences et des thèmes, ce qui rend la statistique très difficile ; - l'extrême variété des genres et des thèmes abordés en radio : la planification des fréquences française permet aux habitants de disposer d'un nombre de stations de radio exceptionnellement élevé par rapport aux autres pays européens (plus d'une cinquantaine de stations sur la seule ville de Paris, souvent une dizaine de stations pour une ville moyenne). La priorité pour le CSA, fixée par la loi, est de veiller, par la sélection des opérateurs autorisés, à ce que sur une zone de réception donnée l'offre de programme radiophonique soit la plus diverse possible. Au regard du nouvel objectif fixé par le projet de loi, le CSA doit donc veiller à ce que l'offre radiophonique globale soit en elle-même un reflet de la diversité de la société française, du moins de la zone de couverture. Dans un second temps, dans le cadre de leur programmation qui ne doit pas être altérée puisqu'elle est un critère fondamental de sélection des candidats opérateurs radiophoniques, les éditeurs de service de radio doivent conduire des actions de cohésion sociale et refléter au mieux la diversité de la société française dans leur programmation ; - l'absence d'images : elle rend délicate la notion de représentation à l'antenne de la diversité des origines. Le présent article 23 du projet de loi se limite à mettre en application les mesures à caractère législatif demandées par le Président de la République le 22 novembre 2005 et soutenues par le CSA et le Haut Conseil à l'intégration. 1. L'adaptation des missions du CSA L'article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication définit les missions du CSA. Sa rédaction résulte de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. Ces missions s'exercent à l'égard de toutes les personnes dont l'activité entre dans le champ de la loi du 30 septembre 1986, à savoir les éditeurs de services de radio ou de télévision, les distributeurs de services et les éditeurs de services de communication audiovisuelle, ce qui exclut les éditeurs de sites Internet autres que de radio ou de télévision ou les autres services de communication au public en ligne. La définition des missions figurant à son deuxième alinéa date de la loi n° 89-24 du 17 janvier 1989 et, pour ce qui concerne la distribution de services et l'établissement de relations non discriminatoires, de la loi du 1er août 2000. Le projet de loi propose d'insérer un alinéa supplémentaire pour charger le CSA de contribuer aux actions en faveur de la cohésion sociale et à la lutte contre les discriminations. Dans le cadre de cette mission, le projet de loi précise que le CSA doit veiller à ce que les programmes des éditeurs de services de radio et de télévision reflètent la diversité de la société française. Cette formulation est plus précise que la référence à la cohésion sociale. Néanmoins, il convient de souligner que la diversité de la société française ne se limite pas à la diversité des cultures et des origines des Français ou des habitants de la zone de couverture du service local de radio ou de télévision. Il ne saurait toutefois être question d'interpréter la loi comme une volonté du législateur d'assurer la présence équitable sur chaque antenne de toutes les minorités numériques existant dans la société. Le dispositif de l'article 23 est un tout : agir en faveur de la cohésion sociale, lutter contre les discriminations, refléter la diversité de la société française forment un ensemble cohérent. La diversité doit donc être reliée aux efforts de cohésion sociale et à la lutte contre les discriminations. Les facteurs de diversité recherchés par le législateur doivent donc être ceux susceptibles de fonder une discrimination interdite par la loi ou la directive Télévision sans frontières du 3 octobre 1989, à savoir notamment la race, l'ethnie, le sexe, l'âge, la religion, le handicap, l'orientation sexuelle. Le rapporteur estime que la loi ne peut donc pas exclure la possibilité pour le CSA d'intervenir, par exemple, en faveur de la présence de jeunes, de femmes ou de personnes handicapées dans la programmation d'une radio ou d'une télévision. Tous les éditeurs régis par la loi française sont soumis à la nouvelle obligation : les éditeurs de services hertziens terrestres privés comme publics, de télévision comme de radio, bénéficiant d'une autorisation d'usage d'une fréquence radioélectrique assignée par le CSA (les éditeurs étrangers reçus en France par débordement frontalier sont donc exclus) ainsi que les éditeurs de services du câble et du satellite, qui n'utilisent pas de fréquences allouées par le CSA, qui doivent être conventionnés ou, dans certains cas, être simplement régulièrement déclarés auprès du CSA. Les éditeurs de services de télévision ou de radio temporaires, respectivement au nombre de 15 et 330 en 2004, sont soumis au champ du contrôle du CSA. L'application de la loi selon des modalités impliquant un contrôle des contenus diffusés est cependant très difficile en matière de cohésion sociale et de diversité pour trois raisons essentielles : - le caractère morcelé des services qui émettent souvent quelques jours et reprennent parfois leurs émissions après une plus ou moins longue interruption ; - la durée de vie brève des services - de quelques jours à quelques mois - qui rend vaines toutes remarques du CSA, qui sont adoptées selon une procédure nécessitant une ou plusieurs semaines de délai, puisqu'aucune rectification des programmes ne pourra être apportée du fait de l'arrêt des émissions ; - la spécificité de la programmation (par exemple, la célébration du Débarquement en Normandie en 2004, le programme en région parisienne diffusé à l'occasion du congrès des maires de France, la retransmission d'un festival de musique bretonne, etc.) qui rend inadaptés les objectifs de cohésion et de diversité. Il serait donc inopportun de refuser une autorisation temporaire au motif que la programmation proposée ne rend pas compte de la diversité de la communauté française et ne participe pas à la lutte contre les discriminations. En revanche, les distributeurs de services de télévision ou de radio (les câblo-opérateurs, TPS, CanalSatellite, Free TV, Neuf Télécom, etc.) ne peuvent ni être tenus comptables des obligations de diversité imposées par la loi aux services de télévision et de radio qu'ils distribuent, ni se voir imposer une obligation de contrôle du respect de la prescription par les éditeurs des services dont ils assurent la distribution. Cependant, si les distributeurs ne sont pas soumis à l'obligation de diversité dans la programmation, ils entrent dans le champ de la mission de cohésion sociale et de lutte contre les discriminations prévue par la première phrase du 3e alinéa nouveau inséré dans l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 puisque la rédaction du projet de loi n'en restreint pas le champ, comme pour la seconde phrase, aux éditeurs de services. Le CSA sera donc en droit de faire remarquer à un distributeur que la composition de son offre n'est pas de nature à assurer la cohésion sociale et soutenir la lutte contre les discriminations, en raison par exemple de son refus de distribuer des chaînes communautaires. Le projet de loi prévoit que le CSA doit tenir compte de « la nature de la programmation » des éditeurs dans l'exercice de son contrôle de la diversité. L'objectif est de permettre au CSA, en fonction de la nature du service édité, d'adapter les demandes qu'il sera conduit à présenter aux éditeurs ou les prescriptions qu'il sera amené à définir par voie conventionnelle avec chaque éditeur ou par voie unilatérale de recommandation ayant force contraignante. La nature du service est définie, pour les services publics, par la loi ou dans les cahiers des missions et des charges et, pour les services privés, dans les conventions conclues entre l'éditeur et le CSA. L'étendue et la nature des obligations et des résultats attendus peuvent ainsi varier selon qu'il s'agit d'une radio ou d'une télévision, d'un service généraliste, d'un programme musical, d'un programme d'information en continu, d'une chaîne pour la jeunesse, d'une chaîne de sport ou de cinéma, d'un service métropolitain ou d'outre-mer, etc. L'obligation de diversité de la programmation et de cohésion sociale doit donc être déclinée au cas par cas, le cas échéant catégorie de service par catégorie de service (service d'information, à dominante musicale, de fiction ou de cinéma, etc.), même si des prescriptions communes à plusieurs groupes de services peuvent être dégagées. Le projet de loi impose enfin au CSA de rendre compte dans son rapport annuel de l'action des éditeurs. Actuellement, à l'initiative du CSA, les conventions des chaînes TF1 (convention du 8 octobre 2001, article 9), Canal+ (convention du 29 novembre 2000, article 10) et M6 (convention du 24 juillet 2001, article 9) contiennent une disposition rédigée en termes identiques sur la diversité des origines : « la société veille dans son programme (...) à prendre en considération, dans la représentation à l'antenne, la diversité des origines et de cultures de la communauté nationale ». Ces conventions demandent également à ces éditeurs de « de ne pas encourager les comportements discriminatoires » et de « promouvoir les valeurs d'intégration et de solidarité qui sont celles de la République ». Des dispositions identiques ont été insérées dans toutes les conventions des éditeurs privés de la télévision numérique terrestre que le service soit gratuit (BFM TV, Direct 8, Europe 2 TV, Gulli, I-télé, NRJ 12, NT1, TMC, W9) ou en accès payant (AB1, Canal J, Canal+ Cinéma, Canal+ Sport, Eurosport, LCI, Paris Première, Planète, TF6, TPS Star). Cependant, aucune mesure équivalente n'est prévue dans les cahiers des missions et des charges des sociétés publiques (France 2, France 3, France 4, France 5, RFO, Arte France). Pourtant, dès le 4 novembre 1999, le CSA a écrit à Mme Catherine Tasca, alors ministre de la culture et de la communication, pour demander un aménagement des cahiers des missions et des charges des chaînes publiques sur ce sujet. Le 15 décembre 1999, dans son avis sur le projet de décret portant modification du cahier des missions et des charges des chaînes publiques, le CSA déplorait « qu'aucune référence ne soit faite à la représentation à l'antenne des différentes composantes de la communauté nationale ». Le 17 décembre 2003, dans une lettre adressée à M. Jean-Jacques Aillagon, alors ministre de la culture et de la communication, le CSA demandait l'alignement des dispositions des cahiers des missions et des charges des chaînes publiques sur celles des conventions des chaînes privées. À ce jour, seul l'article 26 du cahier des missions et des charges de RFO du 27 mars 1993 (modifié en 1997 puis 2004) pourrait être invoqué : la production ou coproduction d'émissions et les achats de droit doivent s'attacher notamment à « susciter des créations originales qui concourent à l'expression des identités culturelles locales ». Incontestablement, par l'inaction de son actionnaire unique, le secteur public tient la lanterne rouge de la mise à niveau juridique de la promotion de la diversité des origines et des cultures. Pourtant, les cahiers des missions et des charges des chaînes publiques ont été modifiés à plusieurs reprises depuis l'année 2000. Heureusement France Télévisions n'a pas attendu son actionnaire pour engager des actions en faveur de la diversité des cultures et des origines. 2. Les critères de sélection des éditeurs de services privés hertziens L'article 22 de la loi du 30 septembre 1986 soumet à autorisation du CSA les éditeurs privés de services de radio ou de télévision utilisant la ressource radioélectrique pour diffuser leur service. En application de l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986, cette autorisation est subordonnée à la conclusion d'une convention avec le CSA afin de définir les obligations particulières de l'éditeur. Cet article 28 dresse, de manière non exhaustive, une liste des éléments sur lesquels doit porter la convention. Le projet de loi propose d'ajouter un 17e item : « les mesures en faveur de la cohésion sociale et relatives à la lutte contre les discriminations ». Cette obligation renvoie directement à l'alinéa ajouté à l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986. Au travers de la cohésion sociale est donc visé le souci de refléter la diversité de la société française dans la programmation du service, comme il a été expliqué ci-dessus au point 1. Les sociétés nationales de programme ne sont pas soumises à ces dispositions. Les prescriptions qui leur sont opposables résultent de la loi et des cahiers des missions et des charges approuvés par décret. Le projet de loi ne prévoit d'ailleurs pas de modifier les obligations de service public imposées aux sociétés nationales de programme qui sont inscrites à l'article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986. Le rapporteur s'interroge sur cette lacune qui pourrait être comblée afin de placer sur un pied d'égalité formel les éditeurs privés et le secteur public. 3. Les obligations des services conventionnés par le CSA Un éditeur qui n'utilise pas de fréquences hertziennes terrestres assignées par le CSA pour diffuser son service de radio ou de télévision est soumis, soit à l'obligation de conclure une convention avec le CSA, soit à l'obligation de déclarer son service auprès du CSA. En application de l'article 33-1 de la loi du 30 septembre 1986, l'obligation de conventionnement ne concerne ni les sociétés nationales de programme lorsque ces sociétés proposent le service éditorial prévu par la loi (France 2, France 3, France 5, RFO, Radio France, RFI ; il est à noter que la loi ne vise pas France 4 car sa création est postérieure à la dernière modification de la loi du 30 septembre 1986 opérée par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005), ni La Chaîne parlementaire, ni Arte France, ni les services bénéficiant d'une autorisation d'usage de la ressource hertzienne délivrée par le CSA. Elle ne s'applique pas non plus aux services de télévision locaux dès lors que leur reprise sur le câble ou le satellite ne les conduit pas à desservir plus de 10 millions d'habitants, ni aux services de radio dont le budget annuel est inférieur à 75 000 euros, ni aux services de télévision dont le budget annuel est inférieur à 150 000 euros, ni les chaînes extracommunautaires relevant de la compétence de la France pour leur diffusion en Europe. Enfin, aucune convention n'est conclue si le service dispose déjà d'une convention avec l'instance de régulation de l'Etat membre de la Communauté européenne dont il est originaire ou dont il relève en application des règles de compétences territoriales fixées par la directive Télévision sans frontières du 3 octobre 1989. L'article 33-1 définit l'objet des conventions, qui doivent fixer les obligations particulières applicables à un éditeur compte tenu de la nature de son service et le contenu de ses programmes, ainsi que certaines obligations qui doivent y figurer impérativement (programmes accessibles aux personnes sourdes ou malentendantes, pluralisme des courants de pensée et d'opinion, par exemple). Lorsqu'aucune convention ou autorisation n'est exigée à l'égard d'un service privé, le régime de déclaration préalable auprès du CSA est applicable. Fin 2004, on comptait 89 services de télévision étrangers déclarés auprès du CSA. Aucune prescription particulière ne peut donc être imposée aux services déclarés, sauf les dispositions figurant dans la loi et ses décrets d'application. A l'égard des services déclarés, le CSA ne dispose donc que de son pouvoir de recommandation pour exiger des mesures en faveur de la cohésion sociale ou de lutte contre les discriminations. Il faut néanmoins admettre qu'à l'égard des services édités depuis un pays étranger et dont la finalité n'est pas la diffusion vers le public français, ce pouvoir coercitif reste limité dès lors que des questions d'ordre public ou de protection des personnes ne sont pas concernées. Pour les services privés soumis à conventionnement, le projet de loi prévoit que la convention comporte les mesures en faveur de la cohésion sociale et relatives à la lutte contre les discriminations. Cette disposition est identique à celle imposée aux éditeurs de services hertziens privés soumis à autorisation. 4. L'application de la loi à l'outre-mer La loi du 30 septembre 1986 s'applique aux départements et collectivités d'outre-mer. Le CSA est compétent pour réguler les services en outre-mer (autorisation et conventionnement) sous réserve des attributions consultatives de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française. Le II de l'article 23 du projet de loi rend les dispositions de l'article applicables aux collectivités françaises d'outre-mer : Mayotte, Wallis-et-Futuna, Terres australes et antarctiques françaises, Polynésie française, Nouvelle-Calédonie. Les obligations de cohésion sociale, de diversité et de lutte contre les discriminations imposables aux services édités en outre-mer ont cependant une résonance différente. Les mêmes prescriptions ne sauraient être imposées uniformément aux services diffusés à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte et en Polynésie française. De même, les enjeux - donc les objectifs et les obligations - sont différents selon que le service est métropolitain ou diffusé en outre-mer. * La commission a adopté l'article 23 sans modification. TITRE III Article 24 Le projet de loi pour l'égalité des chances institue un contrat de responsabilité parentale pour aider les parents à exercer pleinement leur autorité parentale lorsqu'ils sont confrontés à l'absentéisme scolaire de leur enfant ou à une grave difficulté éducative. Ce contrat organise un accompagnement social des parents qui vise à leur expliquer leurs obligations en tant que titulaire de l'autorité parentale et à leur apporter une aide pour faire face au comportement incivique de leurs enfants mineurs. Il reviendra au président du conseil général - collectivité territoriale responsable de l'action sociale à l'enfance - de décider des sanctions à appliquer en cas de non-respect par les parents des obligations de ce contrat. Le paragraphe I de cet article crée un article L. 222-4-1 dans le code de l'action sociale et des familles, définissant les spécificités du contrat de responsabilité parentale. Ce contrat est inséré dans la partie code énumérant les différentes prestations d'aide sociale à l'enfance. Il doit donc être considéré comme une nouvelle possibilité d'intervention de l'action sociale des conseils généraux en faveur des familles en difficultés, au titre de l'aide à domicile, et plus précisément comme un nouvel outil de l'éducation éducative en milieu ouvert. 1. Un contrat pour aider les parents dans leurs devoirs éducatifs Le premier paragraphe de l'article L. 222-4-1 précité définit les faits qui doivent amener le président du conseil général à proposer aux parents ou au représentant légal du mineur un contrat de responsabilité parentale. Le contrat de responsabilité parentale a été conçu pour répondre aux problèmes graves d'absentéisme scolaire ou de trouble porté au fonctionnement d'un établissement scolaire mais aussi pour remédier à toute difficulté révélant une carence caractérisée de l'autorité parentale. L'objectif recherché est de responsabiliser les parents défaillants en leur rappelant leurs obligations éducatives tout en leur proposant un accompagnement social pour dresser un diagnostic sur la nature des difficultés éducatives auxquelles ils sont confrontés : absentéisme scolaire, déambulation nocturne des jeunes enfants, orientation scolaire refusée par le mineur, troubles psychiques, etc. À partir de ce diagnostic les travailleurs sociaux du conseil général définiront avec les parents les moyens de remédier aux difficultés du mineur. D'après les éléments d'information communiqués au rapporteur, c'est intentionnellement que le projet de loi utilise l'expression assez imprécise « ou de toute autre difficulté liée à une carence de l'autorité parentale ». En effet, il n'existe pas d'outil adapté d'accompagnement social des familles pour répondre aux problèmes posés par le comportement de certains adolescents en voie de marginalisation mais qui n'ont pas commis d'actes délictueux caractérisés. Le contrat de responsabilité parentale correspond en quelque sorte à une voie médiane entre le dispositif existant de sanctions pour manquement à l'obligation scolaire, organisé par le décret n° 2004-162 du 19 février 2004, et des dispositifs beaucoup plus contraignants qui s'imposent aux familles après décision du juge des enfants et qui relèvent des actions éducatives en milieu ouvert (articles 375 à 375-9 du code civil). Cette démarche qui se veut contractuelle permettra de rappeler aux parents leurs obligations en tant que titulaires de l'autorité parentale et de leur offrir un accompagnement social pour les aider à faire face à leurs difficultés éducatives. L'objectif recherché par le gouvernement est de permettre aux parents de définir avec les travailleurs sociaux du conseil général un suivi social de la famille et du mineur pour arriver à terme à une réinsertion scolaire et sociale. Il ne devrait donc pas y avoir de « contrat type » de responsabilité parentale mais la mise au point d'un accompagnement social adapté aux difficultés spécifiques de chaque famille. Cet article attribue au président du conseil général cette responsabilité car, depuis les lois de décentralisation, le département est la collectivité « chef de file » pour l'action sociale et la protection de l'enfance. Un décret en Conseil d'Etat définira quelles sont les autorités susceptibles de saisir le président du conseil général pour lui demander le suivi social de telle ou telle famille. Ce point est très important au plan pratique. Il convient d'ailleurs de souligner que l'avant-projet de loi prévoyait que le président du conseil général pourrait en prendre l'initiative mais pourrait également être saisi par le chef d'établissement scolaire en tant que responsable de la sécurité des élèves, par le maire de la commune de résidence du mineur, par le directeur de la CAF et par le préfet. Cet article ne précise pas si le président du conseil général disposera d'un pouvoir d'appréciation pour décider de proposer un contrat de responsabilité parentale ou s'il aura compétence liée dès lors qu'il est saisi, par exemple, par le Préfet. D'après les éléments fournis au rapporteur il apparaît cependant que l'intention du gouvernement est d'attribuer cette responsabilité au président du conseil général qui appréciera au vu des éléments du contexte familial s'il y a lieu de proposer un contrat de responsabilité parentale ou de recourir à d'autres moyens pour remédier aux difficultés éducatives. Le sixième paragraphe de l'article L. 222-4-1 renvoie aussi au décret la définition de « l'engagement de devoir parental » alors qu'il s'agit d'un point clé du dispositif : quelles sont les obligations éducatives des titulaires de l'autorité parentale et selon quels critères peut-on considérer que les parents sont défaillants ? D'après les éléments fournis au rapporteur par le ministère délégué à la Famille, le décret définira les normes minimales qui doivent figurer dans le contrat de responsabilité parentale et tout particulièrement celles qui régissent « l'engagement de devoir parental ». En effet, le principal intérêt de ce contrat est de formaliser les relations entre les parents en difficulté et le conseil général en tant que responsable de l'accompagnement social. Le décret devrait donc mentionner que l'engagement de devoir parental devra être défini après un diagnostic partagé entre les parents et les services sociaux du département, le contrat devant fixer les engagements des titulaires de l'autorité parentale et du mineur tout en indiquant précisément les mesures d'accompagnement définies. Il devra aussi porter mention de la fréquence et des modalités de réexamen de la situation de la famille pour déterminer si elle a respecté ses engagements. Enfin, le contrat devra indiquer explicitement les types de sanctions encourues en cas de non-respect des engagements de la famille. Le gouvernement n'a pas l'intention, semble-t-il, de définir de critères pour caractériser la carence de l'autorité parentale, cette appréciation résultant d'un faisceau d'indices propres aux spécificités de chaque famille. Il convient d'ailleurs de rappeler que le code civil ne fixe pas de critères pour définir la carence ou au contraire l'exercice harmonieux de l'autorité parentale. L'article 371-1 du code civil définit seulement l'autorité parentale comme « un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant » et précise qu' « elle appartient aux père et mère jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne ». Les articles du code civil relatifs au retrait total ou partiel de l'autorité parentale fixent néanmoins des critères pour les cas les plus graves de défaillance parentale. C'est ainsi que l'article L. 378-1 du code civil prévoit la possibilité d'un retrait de l'autorité parentale lorsque « un défaut de soins ou un manque de direction, mettent manifestement en danger la sécurité, la santé ou la moralité de l'enfant ». 2. Un pouvoir de sanction accordé au président du conseil général Les paragraphes suivants de l'article précité définissent le régime de sanctions applicables. Si le président du conseil général constate que les parents ont refusé, sans motif légitime, de signer le contrat de responsabilité parentale proposé ou n'ont pas respecté « les obligations de leur engagement de devoir parental » défini dans le contrat, il dispose de trois options : - demander au directeur de la CAF une suspension des prestations familiales afférentes à l'enfant dont le comportement est « fautif » en application de l'article L. 552-3 du code de la sécurité sociale (nouvel article du code de la sécurité sociale introduit par l'article 25 du projet de loi) ; - saisir le procureur de la République de faits susceptibles de constituer une infraction pénale (le 2° de l'article précité précisant qu'il peut « saisir l'autorité judiciaire d'une demande tendant à l'application d'une contravention définie par décret en Conseil d'État » ; - saisir le juge des enfants pour une mise sous tutelle des prestations familiales conformément aux dispositions de l'article L. 552-6 du code de la sécurité sociale (désignation par le juge d'un tuteur aux prestations sociales à qui sont versées les prestations familiales). Ces trois possibilités de sanctions, laissées à la libre appréciation du président du conseil général, appellent plusieurs remarques. La légitimité du président du conseil général pour prendre une décision de suspension des prestations familiales à l'encontre d'une famille n'est pas évidente de prime abord et cela d'autant plus qu'il déterminera les prestations en cause (suspension limitée aux seules allocations familiales ou à l'ensemble des prestations y compris, par exemple, l'allocation de logement familiale) et la durée de cette suspension. Il convient en effet de rappeler que le régime des prestations familiales a toujours été du ressort de l'Etat : or, l'article 25 du projet de loi prévoit que le président de conseil général pourra enjoindre à un directeur de CAF qui se trouve sous la tutelle de la DRASS (donc de l'Etat) de suspendre des prestations familiales alors que les conseils généraux n'ont aucune compétence en la matière. Cette situation est quelque peu paradoxale alors que la CAF dispose aussi d'éléments d'information très fiables sur ses familles allocataires, notamment par les campagnes menées auprès des familles sur l'accès aux droits et à ses interventions au titre de l'action sociale. Cette démarche systématique menée par les travailleurs sociaux des CAF les conduit à avoir une connaissance assez précise des difficultés rencontrées par les familles. La décision de suspendre le versement des prestations familiales risque d'encourir les mêmes critiques que celles présentées à l'encontre du dispositif qui permettait jusqu'à la fin 2003 de supprimer les allocations en cas d'absentéisme scolaire. Les arguments présentés lors du vote de la loi n° 2004-1 du 2 janvier 2004 relatif à relative à l'accueil et à la protection de l'enfance dont l'article 3 a abrogé l'article du code de la sécurité sociale qui permettait de supprimer les prestations familiales en cas de manquements à l'assiduité scolaire conservent encore aujourd'hui leur pertinence. Mme Henriette Martinez, rapporteure soulignait ainsi dans son rapport de décembre 2003 : « En effet, toutes les familles ne sont pas concernées de manière identique par cette disposition. Une grande partie des prestations familiales est constituée des allocations familiales auxquelles ne sont pas éligibles 1,3 million de familles à enfant unique. Par ailleurs, on peut trouver injuste que toute une fratrie se trouve pénalisée par le comportement d'un seul de ses membres. En outre, les conséquences de la mesure sont limitées puisque les prestations sont rétablies dès lors que les enfants sont en vacances scolaires d'été. Enfin, ce dispositif ne peut affecter les bénéficiaires du RMI, puisque celui-ci augmente en proportion de la baisse des prestations familiales » (15). En contrepartie de l'abrogation du dispositif administratif de suppression des prestations familiales, un plan de lutte contre l'absentéisme scolaire a été mis en place, orienté vers la responsabilisation des familles avec un dispositif gradué en plusieurs étapes pour n'arriver à une sanction pécuniaire, décidée par l'autorité judiciaire, qu'en cas de mauvaise volonté manifeste des parents. En application de cette loi, le décret n° 2004-162 du 19 février 2004 a instauré une contravention de 4e classe, qui sanctionne par une amende de 750 euros les familles refusant tout dialogue et qui n'ont pas pris les mesures nécessaires pour que leur enfant de moins de seize ans suive normalement l'enseignement scolaire. Ce décret est aujourd'hui codifié à l'article R. 624-7 du code pénal. Il faut rajouter que, dans les cas les plus graves, il peut être fait application de l'article 227-17 du code pénal qui punit le parent, qui se soustrait à ses obligations légales d'exercice de l'autorité parentale, d'une peine pouvant aller jusqu'à 2 ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende. C'est ainsi que le tribunal correctionnel de Blois a condamné, en décembre 2005, une mère d'élève à 4 mois de prison avec sursis pour absentéisme prolongé de son fils de 12 ans. Le tribunal a considéré que l'inaction de la mère a compromis l'éducation de son enfant mineur et pouvait être assimilé à un abandon de famille. Le 2° de l'article L. 222-4-1 prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat devra définir la contravention pour non-respect de l'engagement de devoir parental alors que l'article R. 624-7 sanctionne déjà d'une contravention les manquements au respect de l'assiduité scolaire. Le gouvernement devra préciser comment s'articuleront les deux dispositifs de sanction. D'après les premiers éléments communiqués au rapporteur, il semblerait que le gouvernement ait l'intention de créer une deuxième infraction contraventionnelle pour non-respect des obligations fixées par un contrat de responsabilité parentale. Il est dommage que l'exposé des motifs du présent projet de loi ne fournisse aucun bilan sur l'application du dispositif actuel de lutte contre l'absentéisme scolaire. Il aurait été intéressant de connaître le nombre de parents ayant été condamnés, en 2005, à payer l'amende prévue à l'article R. 624-7 du code pénal précité. Le rapporteur s'interroge aussi sur les critères qui conduiront les services sociaux des conseils généraux à recourir au contrat de responsabilité parentale plutôt qu'aux autres dispositifs existants permettant d'organiser un accompagnement social des familles dans lesquelles les parents ont des difficultés à assumer leur autorité parentale. On peut notamment citer les actions éducatives à domicile organisées par les services de l'aide sociale à l'enfance pour épauler les familles qui ne parviennent pas à éduquer correctement leurs enfants (art. L. 222-2 et L. 222-3 du code de l'action sociale et des familles). La différence essentielle entre les mesures d'action éducative à domicile et le contrat de responsabilité parentale est la possibilité de sanction pécuniaire. Le rapporteur aimerait disposer d'informations récentes permettant de dresser un bilan des différentes initiatives permettant un soutien à la fonction parentale. En effet, plusieurs initiatives ont été prises pour aider les parents à assumer leurs missions d'éducation auprès de leurs enfants. Ces initiatives ont d'abord été mises en place par des associations, puis ont été relayées par les pouvoirs publics. Les pouvoirs publics ont institutionnalisé le soutien à la fonction parentale en créant les Réseaux d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents (REAAP). Ce dispositif, institué par l'État en partenariat avec la Caisse nationale des allocations familiales et les grandes associations familiales, a pour objectif d'aider et d'accompagner les parents en valorisant leurs rôles et compétences. Dans le cadre d'une logique d'entraide et de solidarité entre les familles, les REAAP ont vocation à s'adresser à tous les parents et s'appuient sur les initiatives associatives existantes tout en soutenant le développement de nouveaux services aux familles. Par le dialogue, les parents s'aident mutuellement à trouver des repères ou des réponses à leurs interrogations (accueil de l'enfant à la naissance, petite enfance, adolescence, co-parentalité, exercice de l'autorité parentale, assiduité scolaire...). Les Réseaux d'Écoute, d'Appui et d'Accompagnement des Parents Selon les informations communiquées par le ministère de la santé et des solidarités, il ressort du bilan réalisé sur l'année 2003 que 4 819 actions ont bénéficié d'un financement dans le cadre du dispositif des Réseaux d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents (REAAP). Ces actions s'inscrivent dans une logique préventive et interviennent principalement dans les domaines suivants : - prévention et appui aux parents les plus fragilisés (22 %) ; - accompagnement des parents de jeunes enfants (13,1 %) ; - amélioration des relations entre les familles et l'école (11 %) ; - soutien aux parents de préadolescents et d'adolescents (10 %). L'aide à la parentalité s'organise selon différentes modalités : - conférences débats (24,2 % des actions en 2003) ; - groupes de parents (9,7 % des actions en 2003) ; - groupes de parole (22 % des actions en 2003) ; - groupes d'activité parents-enfants (7,13 % des actions en 2003) ; - le cas échéant, lieux d'accueil et d'écoute individuels. Ce premier bilan des REAAP conduit à s'interroger sur le point de savoir s'ils sont réellement adaptés pour des familles très fragilisées qui répugnent souvent à exposer devant d'autres personnes leurs difficultés. Il serait sans doute préférable de développer le mécanisme d'entretiens individuels au cours desquels les personnes peuvent s'exprimer plus librement, sans avoir l'impression d'être jugée car elles ne sont pas « dans la norme ». Par ailleurs, l'action sociale des caisses d'allocations familiales subventionne les actions de soutien à la parentalité, la branche famille ayant une conception extensive de la notion d'aide à la parentalité. La convention d'objectifs et de gestion (COG) entre l'État et la CNAF signée en juillet dernier, pour la période 2005-2008, prévoit de renforcer l'intervention de la branche famille en faveur du soutien à la parentalité. La branche s'engage en effet à poursuivre des actions aux moments clés de la vie de la famille : naissance, changements de rythme de vie (passages scolaires par exemple), disparition d'un parent, rupture conjugale, etc. À cette fin, elle encourage l'offre de lieux d'accueil des enfants et de leurs parents, d'échanges entre parents et entre parents et professionnels, de soutien aux couples en difficulté et aux parents dont les enfants ne résident pas en permanence avec eux, et d'espaces de rencontre pour le maintien des liens des enfants avec le parent avec lequel ils ne résident pas en permanence. À partir des priorités fixées dans la COG au titre de l'action sociale, chaque caisse d'allocations familiales définit sa propre politique dans ce domaine et les interventions en matière d'aide à la parentalité sont donc très variées d'une caisse à l'autre, selon les caractéristiques socio-économiques du département, l'implication des collectivités territoriales et la richesse du tissu associatif. Certaines associations familiales ont eu un rôle précurseur pour aider les parents à assumer leur fonction parentale et continuent de mener des actions spécifiques tout en étant partie prenante des REAAP. On peut ainsi citer l'action de la Fédération nationale des écoles des parents et des éducateurs (FNEPE) qui fédère les 40 écoles des parents et des éducateurs (EPE). Cette fédération offre toute une palette de services aux familles : des services d'information téléphonique dont le service national « fil santé jeunes », des consultations de guidance parentale, de conseil conjugal et de médiation familiale. Elle offre aussi des conseils pour des publics particuliers : accueil des parents adoptants, aide aux parents d'enfants placés, aux familles dont un des parents est incarcéré, etc. Pour l'instant, les services offerts aux parents dans le cadre de l'aide à la fonction parentale reposent sur une démarche volontaire des parents qui, conscients de la nécessité de se faire aider pour assumer leur fonction d'autorité parentale, entreprennent une démarche pour chercher un soutien auprès de professionnels. En revanche, rien ne semble exister pour pallier les carences éducatives avérées de certains parents dont les enfants ont des conduites délinquantes ou de marginalisation sociale (hormis bien évidemment le dispositif des actions éducatives en milieu ouvert). Il paraît difficile de proposer une démarche d'aide à fonction parentale qui se rapproche de l'injonction thérapeutique, c'est-à-dire qui « contraigne » les parents à suivre une « formation » pour connaître les obligations et les droits des parents dans le cadre de la législation française. Il semble cependant qu'un réel besoin existe pour les parents d'origine étrangère qui ont du mal à comprendre, par exemple, que l'interdiction dans le droit français des violences sur les enfants par les ascendants ne signifie pas que tout acte d'autorité d'un parent sur son enfant soit prohibé. Les droits reconnus aux enfants ne doivent pas être perçus, par ces parents, comme une manière de décourager tout acte d'autorité parentale. C'est pourquoi le rapporteur estime indispensable que le ministre apporte à la représentation nationale des éléments d'information sur les dispositifs existants d'aide à la parentalité. 3. La prise en compte du contrat de responsabilité parentale dans le code de l'éducation Le paragraphe II de cet article modifie deux articles du code de l'éducation pour tirer les conséquences de la création du contrat de responsabilité parentale. L'article L. 131-8 relatif au contrôle de l'assiduité scolaire est complété pour élargir les moyens d'intervention conférés à l'inspecteur d'académie pour lutter contre l'absentéisme scolaire. Actuellement il dispose du pouvoir d'adresser un avertissement aux parents qui n'ont pas justifié de l'absence de leur enfant ou lorsque l'absentéisme injustifié de l'enfant a été supérieur à 4 demi-journées dans le mois. Cet article précise aussi que l'existence de sanctions pénales doit être rappelée aux parents dans la procédure d'avertissement. Désormais, l'inspecteur d'académie pourra saisir le président du conseil général de situations lui paraissant justifier la mise en place d'un contrat de responsabilité parentale. Le 2° du paragraphe II modifie l'article L. 131-9 du code précité, qui prévoit qu'il revient à l'inspecteur d'académie de saisir le procureur de la république des manquements au respect de l'assiduité scolaire. Lorsqu'un inspecteur d'académie aura demandé au président du conseil général de mettre en place un contrat de responsabilité parentale, il ne pourra plus saisir lui-même le procureur de la République mais devra laisser au président du conseil général le soin de le faire s'il estime que le contrat de responsabilité parentale n'a pas réussi à remédier à l'absentéisme du mineur. * M. Yves Durand a présenté un amendement de suppression de cet article instituant un contrat de responsabilité parentale. Il ne s'agit pas de mettre en cause le rôle majeur des parents dans la construction d'une forme de co-éducation entre les enseignants et les familles. La famille fait partie des acteurs éducatifs, comme l'école ; rien n'est possible sans une alliance entre les parents et l'école. Mais ouvrir la possibilité de suspendre les allocations familiales pour les raisons évoquées - absentéisme, troubles pédagogiques liés à une carence parentale, ...- cela n'est pas de la responsabilisation. On peut prendre l'exemple des situations d'échec scolaire. Il suffit de fréquenter les réunions organisées entre les parents et les professeurs pour constater qu'on n'y trouve pas les parents des jeunes qui posent le plus de difficultés. Et ce, non parce que les parents se désintéressent de leurs enfants, mais parce qu'ils ont tellement intégré l'échec de leur enfant qu'ils ne voient pas la nécessité de cette démarche. Ces situations d'échec sont nombreuses, comme en attestent les publications annuelles de l'Éducation nationale sur « l'état de l'école ». Ces parents ont à ce point intégré cette situation d'échec qui se perpétue dès la petite enfance, pour perdurer au collège, qu'ils en ont honte et se sentent rejetés du système. Une telle attitude caractérise la majeure partie des parents dont les enfants rencontrent des difficultés scolaires et il est illusoire de penser qu'il est possible avec cet article de régler cette situation. L'argument selon lequel cette mesure serait de bon sens est non avenu. Au contraire, il s'agit d'une mauvaise mesure, au demeurant très dangereuse. Le désaccord porte sur le fond - ainsi qu'en témoignent les réactions de l'ensemble des associations de parents d'élèves ou d'enseignants. Le contrat de responsabilité parentale ne fera que culpabiliser encore un peu plus des parents déjà stigmatisés par leur précarité sociale. En outre, s'agissant de la forme, de nombreuses questions restent ouvertes. Qui va déterminer les cas d'enclenchement de la procédure ? Comment sera appréciée la carence de l'autorité parentale ? Quel sera exactement le rôle du président du Conseil général en cette matière ? Qui va déterminer et sur quelle base ce qu'est le trouble éducatif dû à une carence éducative ? Évoquant son expérience de professeur d'histoire, M. Yves Durand a cité l'exemple d'un élève qui n'apporterait pas ses livres en cours trois ou quatre fois d'affilée et a pointé la difficulté à déterminer des critères pour caractériser les situations où ces mesures pourraient être appliquées. Il semble bien que cette disposition soit avant tout destinée à faire plaisir aux plus conservateurs. Pourtant, le problème est ailleurs : comment faire revenir les parents des enfants en difficulté à l'école ? Certainement pas en les culpabilisant. Autre difficulté : quelle est la part des allocations familiales qui donnera lieu à suspension dans le cas d'une famille nombreuse au sein de laquelle un enfant seulement a des difficultés ? Il est des cas dans lesquels ces difficultés se résolvent grâce à une forme de solidarité familiale, d'entraide entre frères et sœurs. Mais précisément, dans ces situations, la suspension des allocations pénaliserait l'ensemble des intéressés et conduirait, au final, à empêcher la résolution de ces problèmes. En conclusion, il faut redire que cette mesure prise à la va vite, qui émaille les discours les plus réactionnaires depuis des années, est non seulement une mauvaise mesure, mais une mesure dangereuse. M. Alain Néri a fait observer que l'éducation est un tout. La base de l'éducation, c'est la famille, les enseignants, l'environnement d'un quartier ou d'un village ; c'est du moins ainsi qu'il en allait il n'y a pas si longtemps. Il s'agit aujourd'hui de recréer des conditions propices à la mobilisation de l'ensemble des partenaires éducatifs. L'Éducation nationale ne doit pas être la seule institution chargée de l'intégration sociale des jeunes. Les enfants n'ont pas des difficultés causées par des éléments « génétiques » : l'influence du milieu est primordiale, aux plans sociologique, éducatif ou culturel. Priver de moyens les personnes qui disposent déjà de peu de moyens, cela conduit en fait à renforcer la discrimination et l'exclusion. De nombreux exemples montrent que des difficultés dans la famille d'un enfant peuvent être à l'origine de la dégradation de sa situation scolaire. Y ajouter des difficultés d'ordre matériel n'aiderait pas. C'est la raison pour laquelle il faut absolument supprimer cet article. Une autre question se pose : pourquoi avoir choisi le conseil général pour mettre en œuvre une telle procédure ? Les effets d'annonce sont aisés. L'essentiel est ailleurs : il faut avoir du bon sens et recréer un climat global de confiance, ce à quoi contribuera pas une sanction financière. M. Christian Paul a fait part de son intérêt mais aussi de son accablement après avoir entendu ces témoignages, témoignages révélant eux un vrai bon sens. La mise en place de ce nouveau contrat s'apparente à l'évidence à l'établissement d'une nouvelle procédure d'exclusion, à l'image du récent contrat de réussite éducative. De fait, ces dispositifs ne sont qu'en apparence contractuels. En outre, s'est-on interrogé sur la réaction, à l'annonce de cette mesure, des conseils généraux ? Ont-ils seulement été consultés ? Avec cette mesure, le gouvernement assure le service après-vente législatif d'annonces précipitées, alors même que ce gouvernement avait du temps devant lui. Enfin, comment ne pas évoquer l'inspiration réactionnaire de cet article ? Le rapporteur sera sans aucun doute gêné pour défendre ce dispositif. Le président Jean-Michel Dubernard a salué la finesse psychologique de M. Christian Paul. M. Jean Bardet a souhaité rappeler qu'aujourd'hui, tout le monde s'accorde pour reconnaître l'importance et des gènes et du milieu socioculturel pour la réussite scolaire des jeunes. S'agissant de la suspension des allocations familiales, il a précisé que, n'appartenant pas aux rangs les plus conservateurs, il n'est pas très favorable à cette mesure. Établir d'autres formes de contrôle serait préférable. Mme Béatrice Vernaudon, évoquant son expérience d'assistante sociale, a rappelé que l'essentiel doit rester la réussite éducative de chaque enfant. Il est important que les écoles entretiennent de bonnes relations avec les familles. Ce doit être une culture que d'essayer, par tout moyen, d'associer les parents à la réussite de leurs enfants. Mais, aujourd'hui, en cas de carence de l'autorité parentale, il est fait appel au juge des enfants ou à des procédures d'assistance éducative en milieu ouvert : mécanismes loin d'être illégitimes mais longs et complexes à mettre en œuvre. Or le présent article propose une solution plus souple et constitue un outil supplémentaire, à l'image des programmes de réussite éducative auxquels de nombreux financements ont été consacrés dans le cadre de la politique de la ville. Le président Jean-Michel Dubernard a estimé que le débat en commission prouve la nécessité d'un message nuancé sur ce dispositif. Le rapporteur a souhaité revenir sur les modalités de ce contrat, en une perspective qui se veut également morale et politique. L'instrument créé avec cet article ne constitue pas l'outil premier, moins encore un outil obligatoire. D'ailleurs, il existe déjà depuis la loi de programmation pour la cohésion sociale d'autres dispositifs de réussite éducative. Il convient par cet article d'ouvrir une faculté au président du conseil général. Concernant la question du déclenchement de la procédure, un amendement sera proposé pour associer à l'initiative du président du conseil général d'autres acteurs, par-delà les services sociaux de ce conseil : à savoir les chefs d'établissement, les maires, les caisses d'allocations familiales ou encore les préfets. En tout état de cause, confier au président du conseil général ces pouvoirs, c'est préférer à l'État une autorité déjà garante de la mise en œuvre des moyens consacrés à la protection de l'enfance. Concernant les sanctions applicables, il est vrai que certaines questions se posent concernant notamment la saisine du procureur de la République. À cet égard, un amendement de clarification sera aussi déposé. Il conviendra que les services départementaux informent le parquet. Un autre amendement définira la teneur des échanges entre le président du conseil général et le parquet. Pour ce qui est enfin des prestations sociales, il convient de se rappeler que certaines dispositions permettent d'ores et déjà au juge de procéder à une mise sous tutelle des prestations familiales. Surtout, il faut souligner qu'il s'agit d'un régime de suspension et non pas de suppression des allocations familiales : un tel mécanisme a pu exister par le passé mais a été abrogé. Dans le cadre d'un certain nombre de principes clairement définis, il importe en tout état de cause de poursuivre la réflexion grâce aux échanges avec les membres du gouvernement et leurs services mais également aux auditions des personnes et organismes intéressés par la question. Cet article doit être considéré comme apportant un outil nouveau à une collectivité qui dispose par ailleurs de moyens d'intervention sociale et éducative. Cet outil - sous la réserve des quelques amendements proposés - laisse une place à l'intervention des acteurs de terrain et aux maires. Dans les cas les plus graves, il reviendra à l'autorité judiciaire d'apprécier comment remédier à la défaillance des parents. Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l'amendement. La commission a ensuite examiné un amendement du rapporteur visant à préciser les autorités qui peuvent saisir le président du conseil général pour lui demander qu'il soit proposé à telle ou telle famille de signer d'un contrat de responsabilité parentale. La commission a adopté l'amendement. La commission a examiné un amendement du rapporteur proposant que le président du conseil général puisse saisir le procureur s'il estime que le comportement du mineur doit être pénalement sanctionné ou si la carence manifeste de l'autorité parentale peut mettre en danger le mineur. La commission a adopté cet amendement et l'article 24 ainsi modifié. Article 25 Le premier alinéa de l'article 25 crée un nouvel article L. 552-3 dans le code de la sécurité sociale. Ce nouvel article du code de la sécurité sociale attribue une nouvelle compétence au président du conseil général en lui permettant de décider de suspendre le versement des prestations familiales, afférentes à l'enfant dont le comportement pose problème, lorsque les parents ont refusé de signer un contrat de responsabilité parentale ou n'ont pas respecté leurs engagements dans le cadre de ce contrat. Le pouvoir attribué au président du conseil général est très important car il déterminera la proportion des prestations suspendues et la durée d'application de cette mesure. Cette grande liberté d'appréciation peut être très utile pour permettre de graduer la sanction selon le type de comportement des parents, les sanctions les plus sévères devant être réservées aux parents délibérément défaillants et qui se refusent à coopérer avec les services sociaux. Cette liberté laissée au président du conseil général peut donc être un outil utile de responsabilisation des parents mais encore faut-il que les équipes de travailleurs sociaux chargés du suivi des familles disposent des moyens nécessaires pour mener à bien le travail de diagnostic sur les difficultés éducatives rencontrées et puissent consacrer assez de temps aux relations avec les familles pour déterminer dans quelle mesure la carence de l'autorité parentale est intentionnelle ou s'explique largement par la situation de précarité économique ou par des difficultés d'intégration socioculturelles. Toutefois, cet article prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat encadrera le pouvoir accordé au président du conseil général en définissant la liste des prestations familiales susceptibles d'être suspendues, la durée maximale de la suspension et la périodicité maximale selon laquelle la situation sociale de la famille sera revue pour déterminer si elle a respecté ses engagements. Le rapporteur voudrait obtenir des précisions sur les prestations familiales qui pourront être suspendues. Est-il exact que seules les allocations familiales et le complément familial pourront faire l'objet d'une décision de suspension ? Cette précision paraît importante au rapporteur pour estimer l'impact financier de la sanction, la décision de suspension pouvant se prolonger sur plusieurs mois (à titre d'exemple le montant mensuel du complément familial est de l'ordre de 150 euros). Le 4 janvier 2006, le conseil d'Administration de la CNAF s'est déclaré défavorable au contrat de responsabilité parentale en soulignant qu'il ne lui paraissait pas opportun de prévoir une telle sanction financière alors qu'un dispositif pénal de contravention existe déjà pour sanctionner l'absentéisme scolaire. Certains administrateurs ont aussi fait aussi valoir que cette sanction ne pourrait s'appliquer qu'aux seules familles bénéficiaires des prestations familiales, c'est-à-dire celles comportant au moins deux enfants à charge alors que celles ayant un enfant unique ou un seul enfant à charge ne seront pas concernées par cette sanction, ce qui crée une situation inégalitaire entre les familles. À l'occasion du réexamen de la situation de la famille pour vérifier si les parents du mineur se conforment aux obligations qui leur sont imposées par le contrat de responsabilité parentale, le président du conseil général demandera à la CAF de rétablir rétroactivement les prestations familiales qui avaient été initialement suspendues s'il est établi que les parents ont respecté leurs engagements. Ce mécanisme de suspension des prestations familiales laissé à l'appréciation d'une autorité administrative qui n'a aucune compétence en matière d'attribution de ces prestations risque de poser une difficulté. En effet la rédaction actuelle de l'article 25 place le directeur de la CAF dans la situation où il doit exécuter la décision du président du conseil général en matière de versement des prestations familiales alors le versement de ces prestations relève en fait de la responsabilité des CAF. Cependant, il ne paraît pas opportun que le directeur de la caf puisse s'opposer à cette décision, notamment dans le cas où la CAF pourrait avoir connaissance d'informations sur la situation sociale de la famille qui n'auraient pas été connues par les services du conseil général. Mieux vaut compter sur la concertation qui s'établira entre les deux organismes pour la mise en place des contrats de responsabilité parentale. En effet, attribuer au directeur de la CAF un droit d'opposition à la mise en œuvre de la sanction risque de remettre en cause le caractère opérationnel du dispositif. Le président du conseil général doit rester le maître d'œuvre en la matière mais les travailleurs sociaux de ces deux organismes doivent travailler en étroite collaboration pour mettre en place un accompagnement social adapté aux difficultés concrètes rencontrées par ces familles. Il reste à préciser quelles seront les voies de recours pour contester la décision de suspension des prestations familiales : s'agira-t-il d'un contentieux administratif ou d'un contentieux relevant du tribunal des affaires de sécurité sociale ? * La commission a examiné un amendement de suppression de l'article présenté par M. Yves Durand. M. Alain Néri a déclaré que la suspension des allocations familiales aboutit à précariser les familles en difficulté et à pénaliser les enfants. Il s'agit d'une mesure discriminatoire qu'il convient de supprimer. Le rapporteur a rappelé que la mesure envisagée consiste à suspendre et non à supprimer les allocations familiales. Sur le fond cette disposition génère un double questionnement à la fois sur le contrôle des engagements éducatifs pris par les parents qui est confié au président du conseil général alors qu'il appartient au juge dans un certain nombre de cas voisins, et sur la légitimité de la CAF à mettre en œuvre une décision émanant du président du conseil général. Les auditions permettront sans doute d'avancer dans la réflexion sur ces sujets qui méritent d'être juridiquement sécurisés. Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté cet amendement. La commission a ensuite adopté un amendement rédactionnel présenté par le rapporteur ainsi que l'article 25 ainsi modifié. TITRE IV Article 26 Cet article, s'inscrivant dans une optique de renforcement des responsabilités des maires dans la lutte contre les incivilités, étend les pouvoirs de constatation des agents de police municipale. L'alinéa 2 modifie l'article L. 2212-5 du code général des collectivités territoriales, relatif aux prérogatives de la police municipale, lesquelles concernent actuellement, en matière de constatations (procès-verbaux) : - les contraventions aux arrêtés de police du maire ; - certaines contraventions au code de la route, dont la liste est renvoyée à un décret en Conseil d'Etat ; - le délit de voies de fait, de menaces ou d'entrave commis en réunion dans les entrées, les cages d'escalier, sur les toits et dans les autres parties communes. Il est proposé d'étendre ces prérogatives de constatations à toutes contraventions (le livre VI du code pénal qui est visé traite de l'ensemble des contraventions), à l'exclusion de celles réprimant les atteintes à l'intégrité des personnes, dont la liste sera fixée par décret en Conseil d'Etat et sous réserve qu'elles ne nécessitent pas d'actes d'enquête. Selon l'exposé des motifs du projet de loi, la liste de ces infractions punies d'une peine contraventionnelle pourrait comprendre notamment la divagation d'animaux dangereux, les nuisances sonores et les jets d'immondices. Les « atteintes à l'intégrité des personnes » qui ne sauraient être inscrites sur cette liste sont, selon les articles R. 622-1 et R. 625-2 du code pénal, les (petites) blessures infligées involontairement ; a fortiori, on peut penser que les violences volontaires punies de contravention ne sauraient également y être inscrites. Les alinéas 3 à 5 transposent la même règle au cas particulier de la ville de Paris. Deux articles du code général des collectivités territoriales doivent être complétés à cette fin, compte tenu du partage spécifique des pouvoirs de police à Paris entre le maire et le préfet de police : l'article L. 2512-16 est relatif aux agents municipaux chargés d'un service de police, tandis que l'article L. 2512-16-1 traite des agents de surveillance placés sous l'autorité du préfet de police. * La commission a adopté l'article 26 sans modification. Article 27 Cet article vise tout à la fois à mieux associer les maires à la sanction de la petite délinquance dite d'incivilités et à développer des alternatives aux poursuites et peines classiques. A cette fin, il est proposé à l'alinéa 1 du présent article 27 d'insérer dans le code de procédure pénale un nouvel article 44-1 qui viendrait donc compléter la section 3, consacrée aux attributions du procureur de la République, du chapitre II du titre Ier du livre Ier de ce code. Ce nouvel article viendra donc se placer après une série de mesures définissant les prérogatives du parquet, dont plusieurs mettent à sa disposition, depuis 1999 (16), des procédures alternatives aux poursuites pénales : l'article 41-1 du code précité permet au procureur, « s'il lui apparaît qu'une telle mesure est susceptible d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des faits », de prendre ou de proposer une mesure alternative qui suspendra l'action publique si elle est effectivement mise en œuvre : rappel à la loi, régularisation, réparation des dommages, médiation, etc. Par ailleurs, les articles 41-2 et 41-3 lui permettent de proposer une composition pénale (17) aux auteurs de délits, qui prend la forme d'une ou plusieurs « mesures » autres que des peines de prison, par exemple une amende ou un travail non rémunéré (d'une durée maximale de soixante heures en matière correctionnelle, trente heures en matière contraventionnelle). A la différence des mesures définies à l'article 41-1, dont le procureur est seul juge de l'opportunité et de l'exécution (en cas de non-exécution, il engage les poursuites), la composition pénale doit être « validée » par un magistrat du siège. Ces procédures alternatives ont connu un développement rapide : en 2003, face à 654 579 affaires faisant l'objet de poursuites classiques, on a décompté 14 785 compositions pénales abouties et 328 905 procédures alternatives de l'article 41-1. Parmi ces dernières, si les rappels à la loi et avertissements, à la portée incertaine, sont les plus nombreuses (170 830), on trouve aussi, notamment, 5 941 réparations de dommages par des mineurs. Par rapport aux procédures alternatives susmentionnées, le principal apport du présent article, qui s'en inspire largement, est de reconnaître un rôle d'initiative en la matière au maire, et pas seulement au parquet. Par ailleurs, on doit rappeler que les procédures classiques peuvent également déboucher sur des peines de substitution : en matière correctionnelle, en 2003, 42 381 de ces peines ont été prononcées, dont 8 853 de travaux d'intérêt général. L'alinéa 2 donne donc au maire, « pour les contraventions que les agents de police municipale sont habilités à constater par procès-verbal conformément aux dispositions de l'article L. 2212-5 du code général des collectivités territoriales », lorsqu'elles ont porté préjudice à un bien de la commune, la possibilité de proposer au contrevenant une « transaction » consistant en la réparation du préjudice qui, homologuée par le parquet, aura pour conséquence d'éteindre l'action publique. L'article L. 2212-5 précité, tel que modifié par l'article 26 du présent projet (voir supra), mentionne deux types de contraventions dont la police municipale peut dresser procès-verbal : les actes d'incivilités qu'y introduit cet article 26, tels que la divagation d'animaux dangereux, les nuisances sonores et les jets d'immondices, et des infractions au code de la route. Ces dernières n'étant pas commises au préjudice d'un bien de la commune, elles ne peuvent être concernées par la nouvelle procédure, qui est donc ciblée sur les incivilités. Lorsqu'elle consistera dans la réparation du dommage, la transaction sera homologuée par le procureur de la République ou son délégué, « sous son contrôle » (formule visant à donner une base légale, dans les textes d'application, au principe selon lequel des instructions seront données par le procureur). L'attribution de ce pouvoir d'homologation au seul parquet est dans la droite ligne des dispositions de l'article 41-1 du code de procédure pénale qui l'habilitent à demander aux auteurs d'infractions de réparer les dommages sous son seul contrôle (le juge du siège n'intervient pas dans la procédure de cet article). La transaction étant initiée par la collectivité victime du dommage, on peut également considérer que l'abandon des poursuites qui est son corollaire constituera un cas d'application du pouvoir général du parquet d'apprécier de l'opportunité d'engager des poursuites en tenant compte notamment de la position des victimes. L'alinéa 3 établit une autre modalité de la transaction : la compensation pourra aussi consister en un travail non rémunéré d'une durée maximale de trente heures au profit de la commune. Dans ce cas de figure, toutefois, il devra y avoir homologation par le juge des libertés et de la détention (saisi par le biais du procureur, qui reste donc partie à la procédure). Cette intervention d'un magistrat du siège est motivée par la prise en compte d'une jurisprudence constitutionnelle. Dans sa décision n° 95-360 DC du 2 février 1995 sur la loi relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, le Conseil constitutionnel a en effet considéré, à propos de la procédure dite d'injonction pénale qui était inscrite dans ce texte, lequel la confiait au seul parquet, qu'« en matière de délits et de crimes, la séparation des autorités chargées de l'action publique et des autorités de jugement concourt à la sauvegarde de la liberté individuelle. [En conséquence,] certaines mesures susceptibles de faire l'objet d'une injonction pénale [pouvant] être de nature à porter atteinte à la liberté individuelle, le prononcé et l'exécution de telles mesures, même avec l'accord de la personne susceptible d'être pénalement poursuivie, ne peuvent, s'agissant de la répression de délits de droit commun, intervenir à la seule diligence d'une autorité chargée de l'action publique mais requièrent la décision d'une autorité de jugement (...) ». Au regard des termes même de la décision précitée, qui insiste bien sur le fait que l'injonction pénale concernait la sanction des délits et des crimes, on peut penser que le juge constitutionnel pourrait être plus tolérant s'agissant de la sanction de contraventions. Cela dit, la précaution consistant à prévoir une intervention d'un magistrat du siège apparaît opportune et il est d'ailleurs à noter que la composition pénale définie à l'article 41-3 du code de procédure pénale, qui s'applique aux contraventions et peut consister, comme dans la nouvelle procédure, en un travail non rémunéré de trente heures au plus, est validée dans ces conditions. En revanche, on est en droit de s'interroger sur l'option du projet de loi de confier spécifiquement cette mission au juge des libertés et de la détention, qui a sans doute des missions plus essentielles que la validation de mesures de travaux d'intérêt général dont le caractère attentatoire à la liberté est tout de même modéré. Ce n'est d'ailleurs pas le choix effectué jusqu'à présent en matière de composition pénale, où ont été retenues des solutions offrant plus de souplesse pour l'organisation interne des juridictions (on recourt au président du tribunal correctionnel ou à son délégué pour la composition en matière correctionnelle, au tribunal de police ou au juge de proximité en matière contraventionnelle). Il est enfin à noter que le projet de loi ne traite pas des conséquences du non-respect éventuel de ses engagements par le contrevenant, non plus que des droits de la défense dans la procédure, cette abstention s'expliquant notamment par le caractère contraventionnel des faits générateurs. En l'absence de disposition spécifique, il appartiendra au parquet d'apprécier en opportunité l'ouverture de poursuites en cas de non-respect des engagements pris, et le décret prévu à l'alinéa 6 du présent article 27 devrait aussi prévoir les garanties habituelles (droit d'être entendu et assisté). L'alinéa 4 s'applique au cas où les contraventions précitées (avec la même ambiguïté qu'à l'alinéa 2 sur celles couvertes par la disposition) n'ont pas été commises au préjudice de la commune : le maire n'est alors évidemment pas légitime à se substituer à la victime, dont l'acceptation ou non des mesures de réparation éventuellement proposées à titre alternatif - et donc le retrait ou non de plainte - constitue naturellement un élément important de la décision du parquet de mettre en œuvre ou non ces mesures. Il est donc proposé, dans ce cas de figure, de ne doter le maire que d'une prérogative de proposition et d'information : il pourra proposer au parquet la mise en œuvre des mesures alternatives et de composition pénale de droit commun (définies aux articles 41-1 à 41-3 du code de procédure pénale) et devra être avisé des suites données. Les maires pourront ainsi être mieux associés au travail du parquet sans porter atteinte aux prérogatives des magistrats et aux droits des victimes. L'alinéa 5 a pour objet d'étendre l'application du présent article 27 au cas particulier de la ville de Paris, où les pouvoirs de constatation des contraventions sont régis par des dispositions spécifiques (les articles L. 2512-16 et L. 2512-16-1 du code général des collectivités territoriales ici visés) du fait de l'organisation à part liée à l'existence du préfet de police. Enfin, l'alinéa 6 renvoie à un décret en Conseil d'Etat l'application du présent article. * La commission a adopté l'article 27 sans modification. Article 28 Cet article vise à compléter le chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l'action sociale et des familles en créant une section 6 consacrée au service civil volontaire. L'ambiguïté de l'appellation « service civil volontaire » - qui fait cohabiter le terme « service », qui renvoie à une notion d'obligations, avec le terme « volontaire », qui de son côté souligne le caractère facultatif de l'engagement - s'explique sans doute par le souci de distinguer ce nouveau dispositif des formes de volontariat existantes, comme le volontariat de cohésion sociale mis en place par la loi n° 2000-242 du 14 mars 2000, avec pour objectif de pérenniser les activités d'intérêt général accomplies par des appelés dans le cadre des formes civiles du service national, ou le nouveau statut de volontaire associatif modifié par l'Assemblée nationale en première lecture le 17 janvier dernier. L'originalité du service civil volontaire tient à ce qu'il ne constitue pas un statut qui viendrait s'ajouter à ceux qui existent déjà mais bien une forme d'agrément ou de label qui permet de subsumer sous la même appellation des situations et des régimes différents et pour la plupart d'ores et déjà effectifs. Il apparaît en effet au travers des déclarations du président de la République que le service civil volontaire reposera à sa naissance sur quatre piliers : - Les Cadets de la République. Ce programme a été lancé en 2004 par le ministère de l'Intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, en partenariat avec le ministère de l'Éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ce programme répond à un double objectif : développer chez les jeunes une meilleure connaissance de l'institution policière et diversifier la composition des effectifs des gardiens de la paix via l'organisation d'un second concours interne spécifique. Le recrutement des cadets s'effectue de manière déconcentrée, au niveau départemental, par un comité de sélection. Il s'adresse aux jeunes âgés de 18 à 26 ans, de nationalité française et jouissant de leurs droits civiques ; aucun diplôme n'est requis. L'objectif quantifié est de 5 000 cadets de la République en 2007. - Le plan « Défense deuxième chance ». Il s'agit d'un dispositif d'accompagnement à l'insertion sociale et professionnelle des jeunes âgés de dix-huit à vingt et un ans en difficulté, destiné à les aider pour leur permettre d'acquérir les règles de vie et le respect d'autrui, de compléter leur formation (lecture, écriture et calcul) et d'avoir des moyens d'accéder à l'apprentissage d'un métier. L'encadrement est assuré par d'anciens militaires ayant l'expérience de la formation des jeunes, recrutés là encore sur acte de volontariat. L'encadrement pédagogique est assuré par des professeurs de l'éducation nationale en situation de détachement, et par des formateurs du secteur privé assurant des vacations. L'objectif quantifié est de 20 000 jeunes bénéficiant de ce statut en 2007. - D'autres volontaires (15 000 fin 2007) seront recrutés en contrat d'accompagnement à l'emploi (CAE) dans les domaines de la santé, de l'environnement, ou encore de la culture pour satisfaire des besoins collectifs. Ils seront rémunérés au SMIC pour une durée maximale de 24 mois. Ces contrats s'adressent aux jeunes de seize à vingt-cinq ans. - Les jeunes de seize à vingt-cinq ans qui s'engageront dans le cadre du futur contrat de volontariat associatif avec une association de droit français ou une fondation reconnue d'utilité publique ayant reçu un agrément spécifique délivré par l'Etat. Ces jeunes percevront une indemnité d'un montant maximal de 400 euros mensuel à laquelle pourront s'ajouter des prestations en matière d'hébergement ou de restauration. L'objectif est de compter 10 000 volontaires associatifs en 2007 dans le cadre de programmes développés par des associations telles qu'Unis-Cités ou Cotravaux. Le premier alinéa de l'article L. 121-19 nouveau du code de l'action sociale et des familles créé par le présent article dispose que l'agrément de service civil volontaire sera délivré par la nouvelle Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances. Comme il est indiqué précédemment, cet agrément sera attribué aux missions d'accueils exercées par des personnes morales de droit public ou de droit privé à l'égard de jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans qui pourront justifier d'une résidence régulière et continue de plus d'un an en France. Ces organismes devront soit exercer une mission d'intérêt général, c'est notamment le cas pour le volontariat associatif, soit une mission d'insertion professionnelle. C'est plus spécifiquement dans ce dernier cadre que l'organisme d'accueil devra, selon les dispositions du deuxième alinéa, fournir une formation destinée aux jeunes et, le cas échéant, un tuteur chargé d'assurer le suivi du volontaire. Dans la même optique d'aider le jeune à s'insérer dans la vie professionnelle, l'organisme peut également fournir une prestation d'accompagnement à celui-ci à l'issue du contrat. Le dernier alinéa prévoit que les modalités d'application de l'article seront précisées par décret ainsi que les possibilités pour les organismes proposant des missions agréées par l'agence de percevoir de celle-ci une subvention destinée à la prise en charge de tout ou partie des dépenses d'accompagnement et de formation ; il en va de même des conditions de prise en charge financière des jeunes volontaires. * La commission a adopté l'article 28 sans modification. Puis, la commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié. * En conséquence, et sous réserve des amendements qu'elle propose, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales demande à l'Assemblée nationale d'adopter le projet de loi pour l'égalité des chances - n° 2787. ___
AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION Avant le titre Ier Amendement présenté par M. Francis Vercamer : Avant le titre Ier, insérer la division et l'alinéa suivants : « Titre Ier A « Principes généraux en faveur de l'égalité des chances « Art. 1er A.- La richesse de la nation réside dans la diversité de sa composition. La République reconnaît et garantit à ses concitoyens, quels que soient leurs origines, leur sexe, leur situation sociale et de santé, leurs convictions ou leurs croyances, un droit identique à l'égalité des chances. Dans cet esprit, toute organisation reflète la diversité de la nation. » Article 1er Amendements présentés par MM. Yves Durand et Maxime Gremetz : Supprimer cet article. Amendement présenté par M. Francis Vercamer : Dans la première phrase de l'alinéa 2 de cet article, après les mots : « de quatorze ans », insérer les mots : « à la rentrée scolaire ». Amendement présenté par M. Maxime Gremetz : Après l'alinéa 6 de cet article, insérer l'alinéa suivant : « L'employeur est tenu d'adresser une déclaration préalable « d'engagement d'un apprenti junior » à l'inspection du travail qui dispose d'un délai de 8 jours pour s'y opposer dans des conditions définies par décret. Cette déclaration comporte la durée du travail et de la formation, les conditions de travail et les objets à manipuler dans le cadre de la formation, le nom et la qualification du tuteur, les documents attestant que l'employeur est à jour du versement de ses cotisations et contributions sociales. » Article 2 Amendement présenté par M. Yves Durand : Supprimer cet article. Article 3 Amendement présenté par M. Yves Durand : Supprimer cet article. Après l'article 4 Amendements présentés par M. Francis Vercamer : · Après l'article L. 121-6 du code du travail, il est inséré un article L. 121-6-1 ainsi rédigé : « Art. L.121-6-1. - Dans les entreprises de plus de 250 salariés, les informations visées à l'article L. 121-6 ainsi que les informations librement apportées par le candidat et les informations transmises par un organisme de placement doivent, lorsqu'elles sont transmises par écrit, être dactylographiées et dépouillées de toute référence au nom, à l'adresse, au sexe, à l'âge et à la nationalité de l'intéressé avant d'être portées à la connaissance de l'employeur ou des personnels chargés du recrutement et de la gestion des ressources humaines de ces entreprises. Toute photo doit en être retirée. « Les entreprises qui, quel que soit leur effectif, mettent en œuvre les dispositions prévues à l'alinéa précédent peuvent bénéficier de l'aide des maisons de l'emploi dans les conditions visées à l'article L. 311-10 du présent code. « Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article. » · Après l'article L. 121-9 du code du travail, il est inséré un article L. 121-10 ainsi rédigé : « Art. L. 121-10 - Les salariés à temps partiel ne peuvent se voir imposer des plages de travail fractionnées. » (retiré en commission) · Après l'article L. 122-45-5 du code du travail, il est inséré un article L. 122-45-6 ainsi rédigé : « Art. L. 122-45-6. - Les employeurs privés et publics organisent périodiquement à l'intention des personnels chargés du recrutement et de la gestion des ressources humaines ainsi que des personnels d'encadrement des formations spécifiques destinées à les sensibiliser aux phénomènes des discriminations à l'embauche et dans l'emploi. » · I. - Après le premier alinéa de l'article L. 311-10 du code du travail, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé : « Les maisons de l'emploi mènent auprès des employeurs privés et publics des actions d'information et de sensibilisation aux phénomènes des discriminations à l'embauche et dans l'emploi. Elles peuvent conclure avec les employeurs en activité dans leur ressort des conventions destinées à mettre en œuvre les formations prévues à l'article L. 122-45-6. Ces conventions peuvent également prévoir que les maisons de l'emploi accomplissent pour le compte des employeurs les obligations visées au premier alinéa de l'article L. 121-6-1. » II. - La perte de recette résultant pour l'Etat et les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par, respectivement, la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts, et la création d'une taxe additionnelle aux mêmes droits.» (retiré en commission) · L'article L. 322-12 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Le salarié à temps partiel bénéficie en priorité d'un droit d'affectation aux emplois à temps plein vacants ou créés par son employeur qui requièrent une qualification équivalente. » (retiré en commission) · Après l'article L. 935-1 du code du travail, il est inséré un article L. 935-2 ainsi rédigé : « Art. L. 935-2. - Des actions de valorisation de l'expérience professionnelle, notamment à travers la formation professionnelle, sont mises en place afin de valoriser la transmission du savoir des personnes des seniors dans le secteur public et dans le secteur privé. » · Les personnels coordonnateurs et formateurs des Centres de Formation des Apprentis d'Etablissements publics locaux d'enseignement sont salariés par ces établissements dans le respect d'un statut dont les modalités sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. · A compter de juin 2006, le Gouvernement déposera sur le bureau de l'Assemblée nationale et sur celui du Sénat un rapport sur l'opportunité de valoriser l'expérience et de favoriser la transmission du savoir des seniors dans le secteur public et le secteur privé. Article 5 Amendement présenté par M. Francis Vercamer : Dans l'alinéa 9 de cet article, supprimer les mots : « en fonction du niveau de formation des bénéficiaires et, le cas échéant, de leur résidence dans une zone urbaine sensible ». (devenu sans objet) Article 16 Amendement présenté par M. Yves Durand : Supprimer cet article. Amendements présentés par M. Francis Vercamer : · Avant la dernière phrase de l'alinéa 4 de cet article, insérer les deux phrases suivantes : « Elle met en œuvre des programmes d'actions en direction des personnes rencontrant des difficultés d'accès aux droits fondamentaux. Elle mène des actions de prévention en direction des publics visés par les discriminations, comme en direction des institutions publiques ou des entreprises. » · Rédiger ainsi la dernière phrase de l'alinéa 7 de cet article : « Le président du conseil d'administration est le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement ». · Dans la première phrase de l'alinéa 8 de cet article, substituer au mot : « départementaux », le mot : « régionaux ». · Supprimer l'alinéa 15 de cet article. Article 17 Amendement présenté par M. Yves Durand : Supprimer cet article. Article 18 Amendement présenté par M. Yves Durand : Supprimer cet article. Article 20 Amendement présenté par M. Francis Vercamer : Dans l'alinéa 2 de cet article, substituer aux mots : « peut recommander », le mot : « recommande ». (devenu sans objet) Article 24 Amendement présenté par M. Yves Durand : Supprimer cet article. Article 25 Amendement présenté par M. Yves Durand : Supprimer cet article. ANNEXE Jeudi 26 janvier 2006 ¬ Union profession artisanale (UPA) - M. Pierre Perrin, président, M. Pierre Burban, secrétaire général, et M. Guillaume Tabourdeau, chargé des relations avec le Parlement ¬ Assemblée des régions de France - M. François Langlois, délégué général ¬ Assemblée permanente des chambres de métiers - M. Alain Griset, président, M. François Moutot, directeur général, et Mme Béatrice Saillard, responsable des relations parlementaires ¬ Conseil supérieur de l'audiovisuel - M. Dominique Baudis, président, M. Denis Rapone, directeur général, et Melle Laure Leclerc, chargée de mission ¬ Conseil national de la vie associative - Mme Edith Arnoult-Brill, présidente ¬ Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) -M. Louis Schweitzer, président, M. Marc Dubourdieu, directeur général, et M. Luc Ferrand, directeur général ¬ Caisse nationale des Allocations familiales (CNAF) - Mme Nicole Prud'homme, présidente, M. Frédéric Marinacce, directeur des prestations familiales, M. Arnaud Rozan, sous-directeur des prestations familiales, M. Jean-Marc Bedon, conseiller technique de la direction des relations sociales, et Mme Véra Levy, chargée des relations avec le Parlement ¬ TF1 - M. Etienne Mougeotte, vice-président, et M. Edouard Boccon-Gibod, directeur de la communication ¬ Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) - M. Jacques Voisin, président ¬ Fonds d'action de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD) - Mme Patricia Sitruk, directrice générale ¬ Agence nationale de lutte contre l'illettrisme - Mme Marie-Thérèse Geffroy, directrice, et M. Hervé Fernandez, secrétaire général ¬ Union nationale des associations familiales (UNAF) - M. Hubert Brin, président, ¬ Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille - Mme Catherine Sultan, secrétaire générale, vice-présidente du tribunal pour enfants d'Evry ¬ Observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS) - M. Jean-Louis Sanchez, délégué général Le rapporteur a reçu les contributions de M. Louis de Broissia, premier vice-président de l'Assemblée des départements de France (ADF) et de M. Bernard Cazeau, président de la commission des politiques sociales et familiales de l'ADF ------- N° 2825 - Rapport de M. Laurent Hénart sur le projet de loi (n° 2787) pour l'égalité des chances 1 () Voir ce rapport, qui se fonde sur le rapport d'évaluation de l'expérimentation « Lycée de toutes les chances » - Gilles Ferréol - Académie de Lille - Conseil régional Nord-Pas-de-Calais, avril 2005. 2 () Liliane Bonnal, David Clément et Sylvie Mendes, « L'accès au premier emploi au cours des années 1990 : le cas des apprentis et des lycées », Economie et Statistique, n° 378-379, juillet 2005. 3 () Renaud Dutreil, « Moderniser l'apprentissage : 50 propositions pour former plus et mieux », Rapport au Premier ministre, La documentation française, 2003. 4 () Irène Tharin, « Orientation, réussite scolaire : ensemble, relevons le défi », Rapport au Premier ministre, La documentation française, 2005. 5 () Julien Damon, « Objectifs et moyens de la politique de la ville : quelles évolutions ? », Villes et territoires, Cahiers français n° 328, septembre-octobre 2005. 6 () Rapport de M. Denis Jacquat, établi au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (n° 505), en septembre 1993. 7 () Le bilan suivant est extrait des réponses aux questionnaires budgétaires transmises par les services du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement dans le cadre de la préparation de la discussion du projet de loi de finances pour 2006. 8 () Extrait du rapport de M. Pierre Bédier au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (n° 2876) présenté sur le projet de loi relatif à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville en juin 1996. 9 () La présentation de ces conditions s'inspire en partie des développements consacrés à cette même question par M. Philippe Pemezec dans le rapport (n° 1003) fait au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine en juillet 2003. 10 () Rapport public particulier, novembre 2004. 11 () Cour de cassation, 12 septembre 2000, Fardeau et a. 12 () Enquête Médiamat de Médiamétrie - résultats pour l'année 2005. 13 () Enquête 126 000+ Radio de Médiamétrie réalisée de septembre 2004 à juin 2005. 14 () 28 chaînes hertziennes nationales métropolitaines, 14 télévisions locales hertziennes métropolitaines (20 prochainement), 16 chaînes privées locales outre-mer auxquels s'ajoutent les programmes de RFO, 128 services nationaux de télévision conventionnés, 115 services de télévision locaux non hertziens, 15 services de télévision temporaires. 15 () Rapport n° 1249 du 26 novembre 2003 sur le projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. 16 () Loi n° 99-515 du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale. 17 () Cette procédure ne doit pas être confondue avec celle de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, prévue aux articles 495-7 et suivants du code de procédure pénale, dans laquelle l'auteur d'un délit accepte une peine proposée par le procureur, peine ensuite homologuée par le président du tribunal de grande instance ou son délégué : on n'est plus là dans des « mesures » alternatives, mais dans une modalité simplifiée de jugement qui débouche sur de vraies « peines », qui peuvent être d'emprisonnement. © Assemblée nationale |