Accueil > Document d'information de l'Assemblée nationale
Version PDF


ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

_____________________________________________________

R A P P O R T D’ I N F O R M A T I O N

Présenté à la suite de la mission effectuée en Ukraine

du 23 au 26 février 2009

par une délégation du

GROUPE D’AMITIÉ FRANCE - UKRAINE (1)

_____________________________________________________

(1) Cette délégation était composée de M. Éric Diard, Président, MM.  Richard Mallié, Premier questeur, Alain Cacheux, Thierry Mariani et Jean-Marc Roubaud.

SOMMAIRE

CARTE 5

INTRODUCTION 7

I. Première partie : l’Ukraine, un pays toujours en transition 8

A. Un pays ancien et jeune à la fois 8

1.  La Rous de Kiev : un berceau mythique 8

2.  Des Tatars aux Cosaques : une identité vivace 9

3.  Développement et renaissance nationale 9

4.  L’Ukraine entre deux indépendances (1917 et 1991) 10

B. Une démocratie instable 11

1.  Une rivalité entre les deux têtes de l’exécutif 12

2.  La « suspension » du décret de dissolution 12

3.  La poursuite de la guérilla politique 13

C. L’économie reste très fragile 14

1.  Une forte vitalité entre 2000 et 2008 14

2.  Des faiblesses structurelles 15

3.  La crise économique atteint le pays de plein fouet 16

II. Deuxième partie : l’Ukraine dans son environnement international 17

A. La politique extérieure de l’Ukraine 17

1.  Une farouche volonté d’intégration européenne 17

2.  Absence de consensus sur la question de l’OTAN 18

3.  Des relations complexes avec la Russie 19

b. Des échanges franco-ukrainiens en expansion 20

1.  Des rencontres politiques qui se multiplient 20

2.  Un commerce franco - ukrainien en forte croissance 21

3.  La coopération de défense et de sécurité 23

4.  La coopération culturelle scientifique et technique 24

III. Troisième partie : Compte rendu de la mission 26

A. Visite de l’école française de Lviv 26

B. Rencontre avec le groupe d’amitié Ukraine-France préside par M. Andrii Chkyl 27

C. Entretien avec M. Hryhoriy Nemyria, vice Premier-ministre en charge de l’intégration européenne 28

D. Entretien avec M. Oleh Bilorous, président de la commission des affaires étrangères de la Verkhovna Rada 31

E. Entretien avec M. Yurii Kostenko, vice-ministre des affaires étrangères d’Ukraine 33

F. Entretien avec M. Borys Tarassiouk, président de la commission à l’intégration européenne à la Verkhovna Rada d’Ukraine 36

CONCLUSION 41

CARTE


INTRODUCTION

Une délégation du groupe d’amitié France – Ukraine s’est rendue à Lviv et à Kiev, du 23 au 26 février 2009, à l’invitation de M. Volodymyr Litvine, président de la Verkhovna rada (Parlement) d’Ukraine et de M. Andrii Chkyl, président du groupe d’amitié Ukraine – France.

Cette visite était très attendue par nos hôtes, la précédente rencontre ayant été réalisée en 2004, dans la période troublée ayant précédé l’élection présidentielle et la « Révolution orange ». Loin de l’agitation et de la ferveur de cette époque, la présente visite a permis d’aller à la rencontre d’un pays moins agité que par le passé, même si l’instabilité politique et la crise économique ne permettent pas d’évoquer un apaisement total de la situation.

Les entretiens et rencontres avec les parlementaires mais aussi les responsables gouvernementaux ont permis d’aborder les principaux thèmes souhaités par la délégation : intégration euro atlantique, évolution politique du pays, situation économique et sociale, relations internationales…

La délégation est arrivée en Ukraine dans le double contexte très particulier d’un remaniement ministériel partiel et du report par le FMI du versement de la deuxième tranche du crédit de 16,4 milliards de dollars qui a été accordé au pays. Ces deux évènements, très commentés dans les cercles politiques, ont considérablement enrichi les entretiens que la délégation a eus avec ses interlocuteurs.

I. première partie : Un pays toujours en transition

A. Un pays ancien et jeune à la fois

Terre de naissance de la Rous, ancêtre de la Russie, « l’Etat de Kiev » est connu depuis le dixième siècle et a su conserver, malgré les vicissitudes de l’Histoire et diverses influences, une vraie identité nationale. Pourtant, l’Etat ukrainien moderne n’est devenu indépendant qu’en 1991, ce qui en fait un pays très jeune.

1.  La Rous de Kiev : un berceau mythique

Peuplé au sud par les Scythes, subissant l’influence de brillantes colonies grecques puis romaines établies en Crimée et aux bords de la mer Noire, le territoire actuel de l’Ukraine a vu s’installer les premières tribus slaves aux septième et huitième siècles de notre ère.

Au carrefour de l’axe Scandinavie - Byzance et Caspienne - Europe centrale, ces peuples subirent l’influence des Vikings, qui jouèrent un rôle éminent dans la création du premier Etat de Kiev, dont le Prince Oleg (879-912) fit sa capitale. Son petit-fils Volodymyr (980-1015) étend le territoire et convertit son pays au christianisme, en épousant une princesse byzantine, liant ainsi la nouvelle église à Constantinople. Russes et Ukrainiens revendiquent, chacun pour leur part, cet acte fondateur d’une légitimité étatique et spirituelle. Le débat reste ouvert sur la signification de la « Rous » comme précurseur de l’Etat russe et/ou ukrainien.

Une culture brillante se crée avec une forte influence de Byzance : construction d'églises (Sainte Sophie de Kiev) et de monastères, code de Yaroslav le Sage, relations internationales (Anne, fille de Yaroslav, épouse Henri Ier de France en 1051) et alliances avec toute l’Europe. Après une période d’éclatement féodal, la principauté de Kiev est prise par les Tatars en 1240, tandis que ses prolongements à l’Ouest (Galicie, Volhynie, Ruthénie) assurent une forme de continuité politique et culturelle jusqu’au XVIème siècle avec une influence plus forte de la civilisation européenne occidentale.

2.  Des Tatars aux Cosaques : une identité vivace

Au XVème siècle, les principautés ukrainiennes subissent la double pression du catholicisme lituano-polonais et de la horde tatare de Crimée, tandis que se dessine la rivalité entre la Moscovie montante et la Pologne. La région devient un enjeu entre ces diverses forces. En 1569, l’Union de Lublin, entre la Pologne et la Lituanie, marque la fin du dernier État issu de la principauté de Kiev. La noblesse ukrainienne se fond dans la polonaise, avec de nombreuses conversions. Ce rapprochement culturel se concrétise par la création de l’église uniate, catholique mais de rite ukrainien.

Dans le même temps, se développe un mouvement de paysans-soldats indépendants, les Cosaques, qui se dotent de chefs élus, les hetmans, et dont les exploits sont connus de toute l’Europe : contre les Tatars de Crimée mais aussi contre les Polonais, avec une réaffirmation de la foi orthodoxe. Une culture spécifique se crée : baroque « cosaque » en architecture, création de l’Académie de Kiev par le métropolite Pierre Mohyla, en 1632, imprimeries à Kiev. L’hetman Bohdan Khmelnytsky fonde en 1648 un véritable « Etat cosaque » sur une réaction nationale anti-polonaise et anti-catholique. Il s’allie à la Russie en 1654 (traité de Pereiaslav). Ses successeurs ne parviennent pas à maintenir l’unité du pays et l’Ukraine se retrouve divisée en trois sphères d’influence : turque au sud, polonaise à l’ouest et russe à l’est.

La tentative de réunification menée par l’hetman Mazepa échoue devant Pierre 1er, en 1710, avec une mainmise progressive de la Russie qui aboutit, sous Catherine II, à la fin de l’État des hetmans, tandis que le sud du pays est pris aux Turcs : la ville d’Odessa est fondée en 1794.

Dans la partie ouest, les démembrements successifs de l’État polonais conduisent une grande partie des territoires peuplés d’Ukrainiens sous domination austro-hongroise, autour de Lemberg (Lviv), où se développe une brillante culture, liée à l’Europe centrale des Habsbourg, mais où se préserve plus facilement que sous la domination russe une identité culturelle spécifique, qui laisse aujourd’hui encore une forte empreinte.

3.  Développement et renaissance nationale

Le dix-neuvième siècle est marqué par une croissance rapide de l’agriculture, facilitée par le développement des chemins de fer et du port d’Odessa, troisième ville de l’Empire russe dès 1870. A la fin du siècle, les bassins charbonniers de Donetsk et de Kriviï Rih fournissent 70 % du charbon et 60 % du fer de la Russie. L’économie ukrainienne se retrouve étroitement liée à celle du reste du pays.

Dans le même temps, les autorités se livrent à un intense effort de russification : interdiction de la langue ukrainienne et arrestations d’intellectuels dans la « petite Russie », dénomination officielle de l’Ukraine. Cette tentative se heurte au renouveau romantique annoncé sous les Lumières (avec le poète, philosophe et éducateur Skovoroda) et qui trouve son apogée avec le poète Chevtchenko (1814-1861) aujourd'hui considéré comme le héros de la renaissance nationale. Celle-ci est aidée par la vitalité des intellectuels ukrainiens de Pologne et d’Autriche-Hongrie, ainsi que par le conservatisme des campagnes, où l’Ukrainien reste vivant. Comme ailleurs en Europe centrale, les autorités finissent par admettre la renaissance de la culture nationale (folklore, musique, littérature, histoire).

4.  L’Ukraine entre deux indépendances (1917 et 1991)

Les Ukrainiens se retrouvent en 1914 dans les armées de deux empires opposés : la Russie et l’Autriche-Hongrie. Ils obtiennent avec le double effondrement de ces derniers, en 1917 puis en 1918, une brève période d’indépendance. Mal soutenus par les alliés qui occupent le sud du pays, les nationalistes ukrainiens organisent un véritable gouvernement et des structures étatiques, mais doivent céder aux Polonais la région de Lviv tandis que les bolcheviques s’emparent par les armes de l’est et du sud. L’Ukraine subsiste après 1920 comme une république au sein de la nouvelle URSS, mais elle est décimée par la guerre civile (1921-1923) puis par la « dékoulakisation » accompagnée d'une nouvelle famine suscitée par Staline en 1932 et 1933, qui fait entre cinq et huit millions de victimes. Elle est aussi le siège de grands travaux (barrages sur le Dniepr) axés sur le développement de l'industrie lourde.

L’invasion allemande de 1941 est d’abord perçue comme une libération, avant de tourner à la tragédie (massacres, déportations, pillages, destruction du patrimoine), suscitant une réaction armée des partisans soviétiques et nationalistes. En 1945, l’Ukraine sort largement ruinée de la guerre mais gagne une unité territoriale (annexions sur la Pologne, la Tchécoslovaquie et la Roumanie), qui sera parachevée en 1954, par la décision de Nikita Khrouchtchev de lui rattacher la Crimée.

L’Ukraine obtient un siège, symbolique, à l’ONU. La reconstruction reprend les grands projets de développements industriels staliniens mais aussi de russification. Une dissidence se développe à partir des années 60 (noyau de l’actuel parti « Roukh ») centré sur les droits de l’Homme et le maintien de l’identité nationale (langue) et religieuse (églises ukrainiennes clandestines).

La catastrophe de Tchernobyl, en avril 1986, qui frappe le nord de la République, donne un nouvel élan à la contestation anti-soviétique et au renouveau de l’identité ukrainienne qui se développe assez librement dorénavant. A la suite du coup d’Etat avorté contre le dirigeant soviétique Mikhail Gorbatchev, le 20 août 1991, le Soviet Suprême d'Ukraine proclame l'indépendance de la République le 24 août. Ce choix est confirmé, le 1er décembre, par un référendum. Le nouveau Président élu, M. Leonid Kravtchouk, participe à la dissolution de l’URSS en décembre 1991 et sort le pays de la zone rouble en novembre 1992. La dégradation de la situation économique (inflation, chute de la production) empêche sa réélection en 1994, au profit de M. Leonid Koutchma.

Tandis que l’Ukraine réussit son entrée sur la scène internationale (renonciation aux armes nucléaires, accords avec l’OTAN et l’Union européenne, traités d’amitié avec l’ensemble de ses voisins), elle cumule de mauvais résultats économiques et une paralysie des réformes, qui placent aujourd’hui, une fois l’indépendance assurée, la question de la restauration de l’économie au premier plan des priorités nationales

B. Une démocratie instable

L’Ukraine connaît une situation d’instabilité politique récurrente depuis 2006, en raison de la rivalité entre le Président Victor Iouchtchenko et sa coalition « Notre Ukraine », le Premier ministre, Mme Youlia Tymochenko et sa formation « BIOUT » et l’opposant Victor Ianoukovitch, ancien Premier ministre et dirigeant du Parti des régions.

1.  Une rivalité entre les deux têtes de l’exécutif

A l’issue des élections législatives anticipées du 30 septembre 2007, la composition de la nouvelle Rada n’a permis l’émergence que d’une majorité fragile des forces dites « orange » : la coalition « Notre Ukraine - Autodéfense populaire (NU-NS) » du président Iouchtchenko (72 sièges avec 14,2 % des voix) s’est unie au Bloc de Mme Youlia Tymochenko (BIOUT) (156 sièges avec 30,7 % des voix). Le Parti des Régions a obtenu 175 sièges (34,4 % des voix), le Parti communiste 27 sièges (5,4 % des voix) et le Bloc Lytvyne 20 sièges (3,9 % des voix).

Les postes gouvernementaux ont été répartis à parité entre les partisans du Premier ministre et ceux du Président, le BIOUT détenant les portefeuilles économique et énergétique et les ministres NU-NS occupant des fonctions dans le secteur social. Le programme de réformes de Mme Tymochenko fixait des objectifs ambitieux, notamment la remise en ordre du secteur énergétique, la lutte contre la corruption, l’accélération des privatisations, la modernisation de l’agriculture, la révision de la Constitution et de la répartition des pouvoirs, ainsi que des réformes dans les domaines de la justice, des forces de maintien de l’ordre et de l’armée.

Les élections anticipées de 2007 n’ont cependant pas mis fin à l’instabilité politique, provoquée par d'importantes rivalités entre le Premier ministre et le Président qui s’appuie sur son secrétariat, le Conseil national de sécurité (RNBOu) et les services de sécurité. Plusieurs désaccords ont affecté l’efficacité de la mise en œuvre des réformes. Le 6 juin 2008, la coalition parlementaire « orange » a perdu la majorité à la Rada à la suite de la défection de deux députés du bloc présidentiel NU-NS. Le ralliement, le 19 février 2009, de cinq députés de la coalition NU-NS au nouveau parti centriste créé par M. Baloha, chef de l’administration présidentielle, a également porté un coup dur au bloc « orange », bien que ce parti soit formellement resté dans la coalition.

2.  La « suspension » du décret de dissolution

Une nouvelle crise politique a éclaté à Kiev le 2 septembre 2008. La formation présidentielle « Notre Ukraine » a décidé de quitter la coalition formée avec le BIOUT de Mme Tymochenko, lui reprochant le vote de lois facilitant la destitution du Président et réduisant les pouvoirs présidentiels au profit du gouvernement. Le 9 octobre, Le Président Iouchtchenko a signé le décret de dissolution du Parlement et annoncé des élections législatives anticipées. Comme en 2007, la décision présidentielle est contestée et l’appareil judiciaire se retrouve instrumentalisé : le tribunal administratif de Kiev, qui a donné raison au BIOUT en suspendant le décret présidentiel, est dissous par le Président et le BIOUT bloque la cour d’appel de Kiev. Le Conseil national de sécurité (RNBOu) et les services de sécurité sont utilisés par la Présidence pour bloquer toute initiative gouvernementale.

Le 20 octobre, le Président suspend son décret du 9, permettant à la Rada de reprendre ses travaux pour voter le budget de la campagne électorale ainsi qu’un plan anti-crise. Le 12 novembre, les députés votent la destitution d’Arseni Yatseniouk du poste de Président de la Rada en raison de son opposition croissante au Président. Le 9 décembre 2008, Volodymyr Lytvyne est élu président de la Rada grâce aux voix du BIOUT, d’une partie de Notre Ukraine, de son propre parti « Bloc Lytvyne » et de 20 voix du Parti communiste. Le 16 décembre, une nouvelle coalition est constituée, la « Coalition pour le développement national, l’ordre et la stabilité » formée par une partie de Notre Ukraine, le BIOUT et le Bloc Lytvyne.

La pérennité de cette normalisation n’est pas assurée et les défis auxquels elle devra faire face sont importants. En effet, le règlement du parlement dispose qu’une coalition doit compter 226 députés alors que l’actuelle coalition n’en compte que 214 ; l’appoint ponctuel de voix communistes ou du Parti des régions de Ianoukovitch pourrait donc être nécessaire pour le vote des lois.

3.  La poursuite de la guérilla politique

Malgré la tempête économique qui déferle sur l’Ukraine comme sur les autres pays, les dirigeants de l’exécutif poursuivent une « guérilla » politique qui affaiblit la confiance de la population dans la classe politique et les institutions du pays. Alors que le président Victor Iouchtchenko a réclamé, le 27 février 2009, un « moratoire sur les querelles politiques », le ministre des affaires étrangères, M. Volodymyr Ohryzko est renvoyé par la Rada, le 3 mars, en raison de ses positions jugées trop antirusses, mais en réalité à cause de sa proximité avec le chef de l’État.

C’est le transit du gaz russe en Ukraine qui fournit, ces dernières semaines, les principaux sujets de controverse entre les responsables de l’exécutif : le 4 mars 2009, alors que le Premier ministre, Mme Youlia Tymochenko se trouve en visite officielle à Paris, les locaux de la société Naftogaz font l’objet d’une perquisition dans le cadre d’une enquête pour détournement du gaz livré par la Russie. Lourdement endettée, Naftogaz devait verser 400 millions de dollars au groupe russe Gazprom avant le 7 mars, sous peine de voir les livraisons interrompues. Le 5 mars, les fonds sont transmis.

Depuis que Mme Tymochenko a décidé de supprimer l’intermédiaire RosUkrEnergo qui intervenait entre Gazprom et Naftogaz pour la livraison du gaz en Ukraine, ses relations avec le Président se sont détériorées. L’enjeu était de savoir à qui appartenaient les très importants volumes de gaz dit « technique ». La presse avance que le principal bénéficiaire des circuits opaques de RosUkrEnergo serait un homme d’affaires influent, considéré comme proche du chef de l’État. En s’attaquant à cet intermédiaire, le Premier ministre aurait ainsi fragilisé le Président.

C. L’économie reste très fragile

1.  Une forte vitalité interrompue fin 2008

Après une dégradation très sévère de son économie (chute de 65 % du PIB entre 1990 et 1999), l’Ukraine a renoué depuis 2000 avec une croissance soutenue. La croissance annuelle moyenne a atteint 7,3 % entre 2000 et 2007, malgré une balance commerciale déficitaire depuis 2005.

Le PIB ukrainien s’est élevé en 2007 à 141 milliards de dollars. Au cours du premier semestre 2007, la croissance économique est restée dynamique (+ 6,3 %) stimulée principalement par la consommation des ménages liée à l’augmentation des revenus réels et à la vitalité du crédit à la consommation. Depuis septembre 2008, le pays est fortement touché par la crise financière mondiale. Si les prévisions de résultat pour l’ensemble de l’année 2008 estiment la croissance à 6,4 %, une récession n’est pas à exclure pour 2009. Par ailleurs, le pays subit une forte inflation qui pourrait atteindre +25 % sur l’ensemble de l’année 2008.

L’Ukraine présente un grand potentiel de développement. Elle constitue un vaste marché de 48 millions d’habitants dont le pouvoir d’achat, encore faible, augmente régulièrement. Le 16 mai 2008, elle est devenue le 152ème membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Cette adhésion a ouvert de nouvelles perspectives pour la conclusion d’un accord de libre-échange avec l’Union européenne qui pourrait être signé en 2010.

L’industrie ukrainienne poursuit son mouvement de diversification : si la place de l’industrie lourde (métallurgie, chimie) demeure prépondérante, les industries mécaniques et de transport, l’industrie légère (textile, meuble) et l’industrie agroalimentaire bénéficient d’investissements qui devraient toutefois ralentir avec la crise.

L’industrie ukrainienne devrait retrouver sa vocation exportatrice si les réformes structurelles (en particulier la levée du moratoire sur la vente des terres agricoles) sont menées à leur terme. La récolte 2008 a été particulièrement bonne et les exportations agricoles prometteuses.

2.  Des faiblesses structurelles

Pour autant, l’économie ukrainienne connaît de nombreuses faiblesses structurelles : l’essentiel des exportations reste constitué par les ventes d’acier et de produits chimiques très dépendantes des prix de l’énergie et des fluctuations des cours mondiaux. Le pays souffre ainsi depuis quelques mois de la baisse mondiale du cours de l’acier.

La dépendance à l’égard des importations d’hydrocarbures (pour l’essentiel, en provenance de Russie et du Turkménistan) constitue également un handicap pour une industrie encore fortement consommatrice en énergie. La croissance vertigineuse des prix des hydrocarbures grève la compétitivité des entreprises du pays : le prix du gaz est passé de 50 dollars les 1 000 m3 en 2004 à 95 dollars en 2006, puis 130 dollars en 2007, 170 dollars en 2008 avec comme horizon un alignement sur les tarifs mondiaux, soit 200 à 250 dollars les 1 000 m3.

Les investissements directs étrangers ont fortement augmenté ces dernières années : ils sont passés de 1,4 milliard de dollars en 2003 à 7,5 milliards en 2005 et 8,3 milliards en 2007. Ils constituent un enjeu prioritaire pour l’Ukraine qui en a besoin pour que son économie gagne en productivité. Les réformes consécutives à la « révolution orange » ont permis la mise en place de conditions plus favorables aux investissements et l’Ukraine conserve encore un grand potentiel de transactions qui devrait profiter aux investisseurs étrangers. Toutefois, de nombreux retards dans les réformes, les problèmes de corruption, de protectionnisme et de défenses d'intérêts locaux particuliers expliquent la relative faiblesse de la valeur des investissements étrangers, compte tenu du nombre d’habitants.

3.  La crise économique atteint le pays de plein fouet

Depuis la fin de l’année 2008, tous les indicateurs économiques sont passés au rouge : la production industrielle s’effondre et la monnaie nationale, la grivna, a perdu 40 % de sa valeur face au dollar et à l’euro. Les petits épargnants et les PME qui ont contracté des emprunts en dollars se trouvent dans des situations dramatiques. La confiance dans le système bancaire s’effrite et le montant des économies converties en dollars ou en euros et conservées dans des matelas aurait augmenté de plusieurs milliards de grivna en quelques mois. La crise de confiance des épargnants vis-à-vis des banques et des dirigeants politiques rend un retour de la confiance plus compliqué qu’ailleurs.

Il est vrai que système financier est fragile : le secteur bancaire est caractérisé par un nombre élevé d’établissements sous-capitalisés. La Transbank vient d’être placée sous administration provisoire de la Banque nationale : c’est le neuvième établissement à subir ce sort. Des restructurations dans ce secteur paraissent inévitables. Fin 2008, le FMI a décidé de prêter 16,5 milliards de dollars à l’Ukraine afin d’aider le pays dans le contexte de la crise économique et financière, mais seule la première tranche a été versée à ce jour.

II. deuxième partie : l’Ukraine dans son environnement international

A. La politique extérieure de l’Ukraine

Depuis la « Révolution orange » survenue en décembre 2004, l’Ukraine a fait de l’intégration européenne et atlantique son objectif prioritaire, ce qui complique parfois ses relations avec son puissant voisin russe.

1.  Une farouche volonté d’intégration européenne

L’approfondissement de la relation entre l’Union européenne et l’Ukraine s’inscrit dans le cadre de la politique européenne de voisinage que l’Union développe vis à vis de ses voisins. Née en 2002 de la volonté de développer un espace de prospérité et de stabilité aux frontières de l’Union élargie, cette politique vise à renforcer la coopération politique, sécuritaire, économique et culturelle avec les pays auxquels elle s’adresse, notamment avec l’Ukraine. Dans le contexte de l’élection présidentielle de 2004, le Conseil européen des 16 et 17 décembre 2004 a manifesté son souhait de développer une relation spécifique et renforcée avec ce pays. Un « Plan d’action » d’une durée initiale de trois ans a été enrichi par un ensemble de mesures adoptées le 21 février 2005, à la suite du changement de contexte politique intervenu avec l’élection de M. Victor Iouchtchenko.

Après trois ans de mise en œuvre de ce Plan d’action, la relation entre l’Union européenne et l’Ukraine a enregistré un certain nombre d'avancées telles que la signature d'un accord de facilitation des visas et d’un accord de réadmission, le renforcement de la coopération dans les domaine de la politique européenne de sécurité et de défense, le lancement d’une mission de contrôle de la frontière entre l’Ukraine et la Moldavie et la signature d’un accord sur la coopération dans le domaine énergétique.

Ce plan d’action arrivant à échéance en 2008, l’Union européenne et l’Ukraine ont entamé, en mars 2008, des négociations portant sur un futur accord renforcé qui prévoit notamment un développement de la coopération politique et un approfondissement des relations économiques. Le Conseil et la Commission « rappellent que l’Union européenne a pris acte des aspirations européennes de l’Ukraine et s’est félicitée du choix européen de ce pays ». Les négociations sur le futur accord renforcé progressent de façon satisfaisante après les 10 premières sessions.

En 2008, les relations entre l’Ukraine et l’Union européenne se sont fortement intensifiées. Le sommet Ukraine – Union européenne du 9 septembre 2008, à Paris, a décidé de passer d’un « accord de partenariat » à un « accord d’association » (dont la négociation doit aboutir en 2009), incluant une zone de libre-échange et une intensification de la coopération dans tous les domaines d’importance stratégique mutuelle (énergie, transports, environnement, politique de sécurité et de défense). Un « dialogue sur les visas » visant à l’instauration « à long terme » d’un régime de libre circulation des personnes a été ouvert le 29 octobre 2008. La Commission européenne a rendu publique le 5 décembre une proposition de « partenariat oriental » qui prévoit une intensification de la coopération bilatérale et régionale et la mise en place de nouveaux financements et instances de concertation. Les modalités de mise en œuvre de ce partenariat doivent être précisées par les Etats membres en 2009.

En dépit de ces avancées, l’Ukraine ressent une certaine insatisfaction, n'ayant pu obtenir la reconnaissance d’une « perspective européenne » largement souhaitée par population. Les Ukrainiens ont le sentiment de rester à la porte de l’Union européenne et craignent que la frontière actuelle ne se fige. Les contraintes entraînées par l’élargissement de la zone Schengen, malgré l’accord de facilitation sur la délivrance des visas entré en vigueur fin 2007, créent un ressentiment et la perspective d’un régime sans visas apparaît trop éloignée.

2.  Absence de consensus sur la question de l’OTAN

En dépit d’une opinion divisée et d’un manque de consensus au sein de la classe politique ukrainienne, le Président Iouchtchenko continue d'afficher son objectif d'adhésion à l’OTAN. Il avait obtenu un soutien clair du Président Bush à la perspective d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN lors de sa visite à Washington, le 4 avril 2005. Lors du sommet de Vilnius, le 21 avril 2005, l’Alliance a invité Kiev à engager avec l’OTAN un « dialogue intensifié sur les aspirations à l’adhésion et les réformes pertinentes ». Le report début juin 2006 d’exercices internationaux impliquant des forces armées de pays membres de l’OTAN, prévus sur le territoire ukrainien et en particulier en Crimée, a montré cependant qu’une partie de la population restait farouchement opposée à toute perspective d'adhésion à l’Alliance atlantique.

Toutefois, la victoire des forces « orange » aux élections législatives du 30 septembre 2007 a permis au Président Iouchtchenko de relancer son projet. Ainsi, le 11 février 2008, il a cosigné avec le Premier ministre, Mme Youlia Tymochenko, et le Président de la Rada, M. Arseni Yatseniouk, une lettre demandant à l’Alliance d’autoriser l’Ukraine à mettre en œuvre le « Plan d’action pour l’adhésion » (MAP) à l’OTAN à l’occasion du sommet de Bucarest tenu en avril 2008. Mais la mise en œuvre de ce Plan d’action pour l’adhésion a été refusé à l’Ukraine et la perspective d’adhésion reste à ce stade lointaine et, en tout état de cause, devrait être soumise à référendum.

Les Alliés n’ont toutefois pas fermé complètement la porte de l’OTAN à l’Ukraine et ont reconnu la vocation de ce pays à rejoindre à terme l’Alliance ; la réunion ministérielle à Bruxelles des 2 et 3 décembre 2008 a réaffirmé les engagements pris à Bucarest et a décidé des mesures techniques pour accompagner la réforme des armées ukrainiennes. Aucun rendez-vous particulier n’a cependant été pris pour le sommet de l’OTAN de Strasbourg - Kehl qui se tiendra en avril 2009. L’avenir des relations entre l’OTAN et l’Ukraine sera en particulier fonction des progrès des réformes des forces armées ukrainiennes et de l’évolution du soutien de la population à l’adhésion.

3.  Des relations complexes avec la Russie

Traduisant la difficulté de Moscou à accepter la « Révolution orange », les relations entre l’Ukraine et la Russie demeurent complexes. Alors que la Russie reste le premier partenaire commercial de l’Ukraine et que les relations sont étroites entre les populations des deux pays, l’intervention militaire russe en Géorgie, en août 2008, et la crise gazière russo-ukrainienne qui a conduit à une suspension des livraisons de gaz à l’Ukraine (1er janvier) et via l’Ukraine (6 janvier) ont fortement dégradé les relations bilatérales dans un contexte lourd de menaces : différends gaziers, flotte de la mer Noire, délimitation des frontières maritime et terrestre, questions linguistique et mémorielle.

La Russie est ressentie comme plus menaçante, n’hésitant pas à remettre en cause le principe de l’intangibilité des frontières et l’architecture de sécurité du continent européen. Des craintes ont été exprimées sur l’intégrité territoriale et l’avenir de la presqu’île de Crimée, où stationne la flotte russe de la mer Noire. Dans sa recherche de garanties pour sa sécurité et son intégrité territoriale, les attentes de Kiev vis-à-vis de l’Union européenne et de l’OTAN sont fortes. Le renforcement de l’interventionnisme de la Russie dans « sa sphère d'influence » est mis en avant par la présidence ukrainienne pour obtenir la mise en œuvre du plan d’action pour l’adhésion à l’Alliance atlantique.

Les relations russo-ukrainiennes constituent également un facteur de tension sur la scène politique ukrainienne : le Président accuse régulièrement son adversaire et Premier ministre, Mme Tymochenko, qui prône une politique extérieure plus pragmatique et équilibrée, de trahir les intérêts nationaux ; le dirigeant du principal parti d’opposition, Victor Ianoukovitch, a soutenu l’action de la Russie pendant le conflit d’août et a déposé une demande de vote de défiance à l’égard du Gouvernement de Mme Tymochenko, l’accusant d’avoir mal géré la crise gazière ; le Parti communiste souhaite que la Rada destitue le Président en raison de la dégradation des relations entre l’Ukraine et la Russie. Lors de son intervention à la Conférence de Munich sur les questions de sécurité le 7 février 2009, le Premier ministre, Mme Tymochenko, a cependant déclaré qu’elle souhaitait établir avec la Russie des relations apaisées.

b. Des échanges franco-ukrainiens en expansion

Partenaire plus lointain, la France occupe néanmoins une place non négligeable dans la diplomatie ukrainienne qui recherche des partenariats susceptibles de l’aider à s’affranchir de l’influence russe.

1.  Des rencontres politiques qui se multiplient

Les changements démocratiques en Ukraine ont créé les conditions d’une relance des relations bilatérales. Le ministre des affaires étrangères de l’époque, M. Michel Barnier, s’était rendu à Kiev dès le 5 février 2005 pour marquer le soutien de la France aux transformations politiques et économiques et au rapprochement de l’Ukraine avec l’Union européenne dans le cadre de la politique de voisinage.

En juin 2005, les visites en France du Premier ministre, Youlia Tymochenko et du Président Victor Iouchtchenko furent l'occasion de renforcer respectivement la coopération économique (signature de nombreux accords) et la coopération politique entre les deux pays. M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, est ensuite venu signer à Kiev, les 10 et 11 novembre 2005, la « feuille de route », lien des relations bilatérales. M. Iouchtchenko, invité à Paris pour le soixantième anniversaire de l’UNESCO a été reçu les 15 et 16 novembre 2005 par le Président Jacques Chirac et le Premier ministre Dominique de Villepin.

Les six premiers mois de l’année 2006, marqués en Ukraine par la campagne électorale, puis la recherche d'une coalition nécessaire à la formation d’un gouvernement, n’ont guère permis des échanges bilatéraux nourris. Ceux-ci ont ensuite repris à un rythme plus régulier. Le ministre des affaires étrangères, M. Borys Tarassiouk, s'est ainsi rendu en France en octobre 2006. Il y a rencontré son homologue, Philippe Douste-Blazy.

Au cours des derniers mois, le Président Iouchtchenko s’est rendu à plusieurs reprises à Paris, en octobre 2007, février 2008 et à l’occasion du sommet de Paris entre l’Union européenne et l’Ukraine, en septembre 2008. Sur le plan bilatéral, une nouvelle « feuille de route », pour la période 2008-2009 a été signée, en juillet 2008, par MM. Kouchner et Ohryzko.

L’année 2009 commence sous le signe d’une accélération des contacts bilatéraux avec la venue, au salon de l'agriculture de Paris, en février, de M. Melnyk, ministre de la politique agraire, et l’arrivée à Kiev, fin février, de notre délégation de l’Assemblée nationale.

Le Premier ministre d'Ukraine, Youlia Tymochenko, a été reçue, à Paris, le 4 mars 2009, par le Président de la République et le Premier ministre.

2.  Un commerce franco - ukrainien en forte croissance

Profitant de la reprise économique en Ukraine à partir de 2000, les échanges commerciaux bilatéraux ont été multipliés par trois entre 2000 et 2007. Notre pays reste néanmoins aujourd'hui le douzième fournisseur de l’Ukraine et seulement le quatrième parmi les membres de l’Union européenne après l’Allemagne, la Pologne et l’Italie.

En 2007, les exportations françaises vers l’Ukraine ont progressé de 14,5 % et se sont élevées à 908 millions d’euros contre 793 millions d’euros en 2006. Les exportations françaises ont été largement dominées par les biens intermédiaires (produits chimiques et plastiques, textiles destinés à la sous-traitance) et les biens d'équipement (surtout équipements mécaniques) qui ont représenté 52 % du total. Avec 239 millions d’euros (soit 26 % du total) les exportations de biens de consommation français en Ukraine connaissent une forte hausse en raison notamment de la bonne tenue de nos ventes de produits pharmaceutiques et de parfumerie (136 millions d’euros, + 17 %) ainsi que des équipements du foyer et de l’habitat (+ 24 %).

Cette tendance confirme, au moins jusqu’en 2008, la croissance de la consommation des ménages ukrainiens, soutenue par le crédit, et la formation d’une classe moyenne. Le secteur agricole et agroalimentaire ne représente que 8 % de nos exportations mais se développe à un rythme soutenu (+ 46 %).

L’année 2007 a confirmé la forte croissance de nos importations en provenance d’Ukraine qui ont atteint 423 millions d’euros (+29 %). Les importations de produits agricoles et agroalimentaires (42 % du total) ont crû de 78 %. L’Ukraine raffinant du pétrole russe, nos importations de produits énergétiques, qui représentent 20 % du total et constituent le deuxième poste d’importations, ont augmenté de 61 %. Suivent les produits intermédiaires, qui représentent 17 % des importations françaises.

En 2007, l’excédent commercial français (485 millions d’euros) s’est conforté par rapport à l'année précédente (464 millions d’euros).

Avec un montant total de 1,046 milliard de dollars, soit 3,5 % du total des investissements directs en stock au 1er janvier 2008, la France se place au huitième rang mondial des investisseurs et au quatrième rang européen.

Les sociétés françaises ont particulièrement réussi leur implantation dans le secteur bancaire (BNP Paribas, Société générale, Crédit agricole), l’agroalimentaire (laiteries, malteries) et le bâtiment. Elles sont également présentes dans le nucléaire civil et participent à divers projets sur le site de Tchernobyl : le consortium français Novarka (Bouygues, Vinci) a remporté l’appel d’offre pour la construction du nouveau sarcophage métallique destiné à sécuriser le réacteur n°4 ; ce sont également des entreprises françaises qui ont été sélectionnées pour la mise aux normes de sécurité du parc ukrainien de centrales nucléaires. Des opportunités s’offrent dans le domaine des télécommunications, des transports et des services urbains.

La visite d’une importante délégation du MEDEF à Kiev et Odessa, en mars 2005, a marqué l'intérêt renouvelé des investisseurs français pour le marché ukrainien. Les 3 et 4 juin 2008, Ubifrance et la Mission économique à Kiev, en collaboration avec de nombreux prestataires de services français présents en Ukraine, ont organisé la cinquième édition des rencontres « Ukraine à Paris ». A cette occasion ont été invités des représentants de la région de Donetsk et cet événement a attiré de nombreuses entreprises françaises intéressées par le marché ukrainien. Les 23 et 24 juin 2008 s’est tenu à Kiev le deuxième « Forum Eurasie » qui a été organisé par le MEDEF international et le Comité national des Conseillers du Commerce extérieur de la France (CNCCEF).

ÉCHANGES FRANCO-UKRAINIENS

ÉVOLUTION

Années

Exportations françaises
Valeur
en M€

Variation
%

Importations françaises
Valeur
en M€

Variation
%

Total échanges
Valeur en M€

Variation
%

2000

288

+ 26,2

150

+ 14,8

438

 

2001

319

+ 10,3

185

+ 21,8

504

+ 15

2002

370

+ 17,3

174

-6,2

544

+ 7,9

2003

442,4

+ 19,9

187,6

+ 5,3

630

+ 15,8

2004

480,3

+ 8,6

205

+ 9,5

685,3

+ 8,8

2005

593,6

+23,3

246,3

+ 19,1

839,9

+ 22,6

2006

791,8 908

+33,2 + 14,5

329,1

+ 35,5 + 29

1120,9

+ 33,5 19

2007

908

+14,5

423

+ 29

1300

+ 19

Source : Douanes françaises

3.  La coopération de défense et de sécurité

Initiée en 1992, la coopération bilatérale de défense entre la France et l’Ukraine connaît un fort développement depuis 2005, notamment dans le domaine de la sécurité intérieure. Elle est régie par un traité d'entente et de coopération (1992), un accord intergouvernemental relatif à l'établissement d’une coopération bilatérale dans le domaine de la défense (1996) et un accord intergouvernemental relatif à la mise en place d’un officier coopérant de la gendarmerie (2007).

L’année 2008 a reflété la variété des actions de coopération, tant de défense que de sécurité intérieure :

- formation des élites (collège interarmées de défense, IHEDN, CHEAr), de cadres (terre, air, mer, service de santé et troupes de l’intérieur), de spécialistes de montagne et de démineurs ;

- soutien à l'enseignement du français en milieu militaire ;

- édition du deuxième volume d'un glossaire trilingue franco-anglo-ukrainien de terminologie militaire ;

- partage d’expérience et conseil, avec la présence permanente de trois officiers coopérants militaires à Kiev : depuis 1998 au centre de maintien de la paix de l’Académie nationale de défense, depuis septembre 2005 auprès des troupes de l'intérieur, chargé de conseil en maintien de l’ordre, et depuis septembre 2006 auprès du ministère de la défense chargé de conseil en restructuration des forces armées.

4.  La coopération culturelle scientifique et technique

Le soutien de la France au processus de réformes en Ukraine se traduit notamment par un renforcement de la coopération administrative orientée vers la consolidation de l’État de droit. La France a mis à cette fin à la disposition des autorités ukrainiennes des assistants techniques afin de les accompagner dans les réformes et dans leur rapprochement avec l’Union européenne. Trois sont déjà déployés à ce jour dans les domaines de l’agriculture, de la fonction publique et de la justice.

La France met également l’accent sur le renforcement de la coopération universitaire et scientifique. Elle accueille chaque année plus d’un millier d’étudiants ukrainiens et accorde environ 150 bourses d’études et de stage. Un accord bilatéral sur la reconnaissance mutuelle des diplômes de troisième cycle (niveau doctorat) a été signé en juin 2005 avec l’Ukraine. La France soutient par ailleurs six programmes d’enseignement supérieur francophones en économie-gestion, en architecture et en sciences de l'ingénieur et contribue ainsi à l’harmonisation européenne des cursus. Dans le domaine scientifique, la France a mis en place, avec le ministère de l’Éducation et des Sciences d’Ukraine, le programme « Dnipro » qui permet de financer des mobilités de chercheurs dans le cadre de projets sélectionnés conjointement. Un programme d'échanges entre le CNRS et l’Académie des sciences d’Ukraine vient compléter ce dispositif. La France soutient également un programme s’adressant aux futurs journalistes formés à l’Académie Mohyla de Kiev.

Dans le domaine artistique et culturel, la France jouit d’une forte visibilité grâce à l’organisation, à Kiev et dans les autres grandes villes d’Ukraine, du « printemps français », mois culturel consacré à la création contemporaine. La première édition du « printemps français », en 2004, a connu un vif succès qui ne s’est pas démenti depuis.

Durant les trois dernières années, l’action de la France en matière de coopération linguistique a été axée sur la formation continue des enseignants de français et la conception conjointe de manuels d’apprentissage de notre langue. L’accent a également été mis sur l’accompagnement de la mise en place d’un test d’évaluation de fin d’études secondaires ainsi que sur l’harmonisation des cursus.

La France contribue enfin de manière significative à l’effort de la communauté internationale pour renforcer la sûreté nucléaire sur le site de Tchernobyl. Elle est ainsi l’un des principaux contributeurs aux deux fonds mis en place par le G7 et gérés par la BERD finançant l'un la construction d'un nouveau sarcophage autour du réacteur accidenté et l’autre le stockage et le retraitement du combustible usé.

III. Troisième partie : Compte rendu de la mission

A. Visite de l’école française de Lviv

La délégation du groupe d’amitié France-Ukraine a visité l’école française n° 37 de Lviv, rue Solodova. Il y a encore quelques années, Lviv comptait quatre écoles bilingues, dans lesquelles une partie de l’enseignement était effectué en français, l’autre en ukrainien. Il n’y en a plus désormais qu’une seule qui rassemble environ 1 500 élèves âgés de 6 à 16 ans. L’admission dans cette école, qui jouit d’une bonne réputation, se fait sur un concours relativement sélectif.

La délégation a pu mesurer l’excellence de l’enseignement et le bon niveau des élèves des classes les plus avancées. Le directeur de cette école, M. Volodymyr Overko, nous a pourtant fait part des difficultés matérielles et des besoins de son école.

En premier lieu, l’établissement souhaiterait développer les échanges avec des élèves et professeurs d’établissements français. Mais l’école est également à la recherche de méthodes d’enseignement de la langue française, de cartes de notre pays, d’enregistrements audio de chansons, de poésies ou de contes, de DVD sur l’art, la culture, l’histoire et la civilisation françaises et, enfin, de tableaux scolaires avec feutres.

Le groupe d’amitié France - Ukraine s’est engagé à relayer ces souhaits raisonnables auprès du ministère des affaires étrangères et de celui de l’éducation nationale. Il suivra avec une attention toute particulière la suite qui sera donnée à cette demande.

Au-delà de cette question matérielle, le groupe d’amitié encourage le ministère des affaires étrangères français à continuer la promotion de notre langue en Ukraine. Historiquement environnée par les cultures russe et germanique, la population y est volontiers francophile et le nombre de candidats à l’apprentissage de notre langue y est supérieur à l’offre. Le groupe souhaite aussi que les autorités ukrainiennes prennent pleinement conscience du danger d’uniformisation culturelle qui nous menacerait si, d’aventure, une seule langue étrangère – l’anglais – devait s’imposer dans l’enseignement et les échanges internationaux.

B. Rencontre avec le groupe d’amitié Ukraine-France préside par M. Andrii chkyl

Le président Andrii Chkyl. – Je remercie le président Eric Diard et les membres du groupe d’amitié français de leur venue. Les relations entre les deux parlements sont importantes, mais l’amitié personnelle qui unit les députés des deux groupes l’est tout autant, voire davantage. Les contacts interparlementaires présentent l’avantage d’être plus dynamiques, directs et souples que les rencontres intergouvernementales, même si les relations avec la représentation diplomatique française à Kiev sont excellentes.

Le développement du pouvoir local et la décentralisation dont jouissent les collectivités territoriales françaises nous intéressent. En Ukraine, la décentralisation est vécue comme une menace par le pouvoir central et comme une dérive vers le séparatisme. L’intérêt des députés ukrainiens pour la gestion des collectivités territoriales est d’autant plus réel que ceux-ci ne disposent d’aucun ancrage territorial. En effet, le scrutin législatif est organisé à la proportionnelle intégrale au niveau national et le cumul des mandats n’est pas autorisé, contrairement à l’étonnante pratique française.

Nous regrettons que l’Ukraine, pour des raisons historiques, ne soit pas un partenaire privilégié de la France en Europe centrale et orientale, mais nous pouvons faire évoluer cet état de choses. La récente crise du gaz a démontré que l’Ukraine occupait une place incontournable en Europe dans le domaine énergétique et qu’elle avait vocation à trouver, notamment au sein de l’Union européenne, la place qu’elle mérite.

Le président Eric Diard. – Je remercie le président Andrii Chkyl pour la chaleur de son accueil et je remarque un net approfondissement des relations entre les deux pays au cours des deux dernières années. Rien qu’en ce début d’année 2009, les échanges officiels se multiplient : le ministre ukrainien de l’agriculture visite en ce moment-même le salon de l’agriculture à Paris, le groupe d’amitié est présent à Kiev et le Premier ministre ukrainien, Mme Youlia Tymochenko, s’apprête à se rendre, le 4 mars, en visite officielle en France pour y rencontrer notamment le Premier ministre, M. François Fillon, et le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy. Tous ces rendez-vous témoignent d’une accélération des relations bilatérales.

M. Yourii Mirochnytchenko (Parti des Régions, opposition). – Malgré les tensions qui peuvent exister entre les différents partis politiques ukrainiens, la volonté d’adhérer à l’Union européenne est partagée par tous. L’apport historique et universel de la France en matière de droits de l’Homme est immense et l’Ukraine doit tirer profit de l’expérience française en matière juridique. Nos pays doivent multiplier les contacts parlementaires bilatéraux sur les sujets qui sont à l’ordre jour à Kiev : réforme constitutionnelle, statut des députés…

Par ailleurs, la problématique des visas mérite toute notre attention. Ceux-ci sont difficiles à obtenir pour les personnes qui souhaitent se rendre dans l’espace Schengen, même si les députés en sont exemptés.

L’intégration de l’Ukraine à l’Union européenne ne doit pas se résumer à une mise aux normes du droit, mais aussi à un accès aux nouvelles technologies occidentales. L’Ukraine doit pouvoir bénéficier du savoir-faire français en matière de transport, notamment.

M. Thierry Mariani. – La France a proposé d’abolir le régime des visas pour un certain nombre de pays, mais il faut pour cela un consensus au sein des membres de l’espace Schengen. Des négociations sont actuellement en cours.

M. Guillaume Narjollet, Premier secrétaire de l’ambassade de France en Ukraine. – La France délivre trois millions de visas par an, dont 300 000 en Russie. L’Ukraine a bénéficié en 2005 de 30 000 visas ; en 2008, ce chiffre a été porté à 60 000. Actuellement, notre consulat délivre les visas en 24 ou 48 heures au maximum, ce qui constitue un délai inférieur aux accords conclus entre l’Ukraine et les pays membres de l’espace Schengen. Par ailleurs, les journalistes et assimilés (techniciens radio et TV) bénéficient assez facilement de visas d’une durée d’un an ou deux.

Le président Andrii Chkyl. – Les services du consulat français sont parmi les plus appréciés et les critiques se sont, il est vrai, réduites depuis deux ans. Mais la partie ukrainienne souhaite légitimement obtenir toujours plus de facilité et de rapidité.

C. Entretien avec M. Hryhoriy Nemyria, vice Premier-ministre en charge de l’intégration européenne

M. Hryhoriy Nemyria. – Mme Youlia Tymochenko, Premier ministre, regrette de ne pouvoir rencontrer la délégation du groupe d’amitié France-Ukraine pour des raisons liées à son emploi du temps, mais elle nous transmet son salut et s’apprête à effectuer sa deuxième visite en France, le 4 mars.

L’Ukraine est une démocratie jeune pour laquelle le rôle du Parlement est déterminant dans la stabilité du pays. Le processus politique en Ukraine apparaît certes chaotique et imprévisible, mais une progression du processus démocratique est nettement perceptible : les deux dernières élections, présidentielle et législatives, ont été réellement libres et transparentes. En outre, le grand nombre de partis politiques est un gage de bonne concurrence et crée une saine émulation. Autre signe de démocratie : les médias sont nombreux, libres et représentent tous les horizons.

L’Ukraine envisage de modifier sa Constitution. La France a fait récemment évoluer la sienne et nous serions heureux de travailler avec des experts français sur ce sujet.

Le président Eric Diard. – Je vous remercie pour la qualité de votre accueil et je souhaiterais avoir des éclaircissements sur les relations entre l’Ukraine et le Fonds monétaire international (FMI). Cette instance vient d’annoncer qu’elle retardait le versement de la deuxième tranche d’un crédit récemment accordé.

M. Hryhoriy Nemyria. – L’Ukraine a été le troisième pays, après la Hongrie et la Lettonie, à solliciter l’aide du FMI et le premier à l’obtenir pour un montant total de 16,4 milliards de dollars.

L’une des principales difficultés de l’Ukraine est que la plupart des banques présentes dans le pays sont des filiales de banques étrangères, (françaises, allemandes, suisses, suédoises…) qui obéissent à leur maison mère, sans se soucier de l’intérêt général du pays. Le gouvernement n’a que peu de prise sur ces établissements.

La deuxième difficulté vient du fait que les exportations ukrainiennes reposent principalement sur les industries métallurgie et chimique. Or, la demande a chuté avec la crise économique et ces deux branches ont fortement réduit leur activité, avec des conséquences dramatiques, notamment dans la région du Donbass, dans l’Est du pays. Enfin, l’important endettement des entreprises accroît les difficultés.

La crise économique que nous traversons est rendue plus complexe par le manque de stabilité politique dans le pays, d’où l’intérêt de coopérer avec le FMI. La deuxième tranche du crédit accordé par cette instance devait être versée le 15 février, mais ne l’a pas été car le Fonds n’a pas encore terminé son travail en Ukraine. Le Gouvernement conserve l’espoir d’un déblocage de la situation à court terme pour les raisons suivantes :

- le Président, M. Victor Iouchtchenko, et le Premier ministre, Mme Youlia Tymochenko, ont récemment signé une déclaration commune signifiant qu’il n’existe aucun désaccord entre les deux têtes de l’exécutif sur ce point ;

- la restructuration du système bancaire ukrainien a débuté avec le double objectif de renforcer le rôle de la banque centrale et d’amorcer le processus de recapitalisation des établissements ;

- le budget ukrainien a été voté en conformité avec les exigences formulées dès l’automne 2008 par le FMI : le déficit prévisionnel est inférieur à 3 % (-2,97 %), ce qui signifie que l’Ukraine respecte, sur ce plan, les critères de Maastricht ;

- le taux de change de la monnaie nationale, la grivna, reste flexible dans la plus grande transparence. Compte tenu de tous ces éléments, le Gouvernement conserve l’espoir que ces efforts conduisent au versement, dans les semaines à venir, de la deuxième tranche du crédit promis par le FMI.

M. Jean-Marc Roubaud. – Est-ce que l’Ukraine, à l’instar de nombreux autres pays, a adopté un plan de relance ?

M. Hryhoriy Nemyria. – L’Ukraine avait fait un pas dans cette direction, mais le plan a été limité par le FMI. L’Ukraine place ses espoirs dans les investissements étrangers, notamment dans le domaine des communications. Mais les mesures protectionnistes prises par certains pays, dont la France, rendent la relance problématique. Les relations avec le voisin russe sont également un élément à prendre en compte. Isoler la Russie est une méthode contreproductive.

Le président Eric Diard. – Est-ce que la réforme constitutionnelle entrera en vigueur avant l’élection présidentielle prévue en 2010 ?

M. Hryhoriy Nemyria. – Cela serait très souhaitable, mais la vision du parlement et celle de l’exécutif divergent. La probabilité d’une réforme avant l’élection de 2010 est donc faible.

Le président Eric Diard. – Quelle lecture faites-vous des sondages électoraux ?

M. Hryhoriy Nemyria. – La chute des intentions de vote à l’égard du président Iouchtchenko, crédité de seulement 2,5 % à 4 % des suffrages, crée une situation particulière dans la mesure où le président en exercice, qui dispose de larges pouvoirs, voit sa crédibilité affectée. En revanche, M. Ianoukovitch et Mme Tymochenko disposent d’intentions de vote d’un niveau proche, même si la popularité du chef du Gouvernement a un peu baissé. Il ne fait aucun doute que le second tour verra s’affronter ces deux personnes. D’aucuns attendent un candidat de dernière minute, une sorte « Barack Obama ukrainien », mais cela est peu crédible.

Le président Eric Diard. – Est-ce que la mise en place d’une taxe de 13 % applicable sur les produits importés relève d’une logique d’escalade protectionniste ?

M. Hryhoriy Nemyria. – Cette taxe est limitée à six mois et sera immédiatement abolie si les discussions menées avec l’Organisation mondiale du commerce (OMC) aboutissent. Par ailleurs, le remaniement ministériel intervenu pendant la crise est destiné à faire entrer dans le Gouvernement des ministres expérimentés pour renforcer certains secteurs comme l’éducation et la formation.

D. Entretien avec M. Oleh Bilorous, président de la commission des affaires étrangères de la Verkhovna Rada

Le président Oleh Bilorous. – Je souhaite la bienvenue à nos hôtes français. Le groupe d’amitié Ukraine-France est particulièrement actif au sein de la Rada et compte une trentaine de membres contre une dizaine en moyenne pour les autres groupes d’amitié.

M. Jean-Marc Roubaud. – Quelle est votre vision de la situation politique internationale et notamment des évènements survenus récemment à Gaza ?

Le président Oleh Bilorous. – L’Ukraine est très préoccupée par la situation dans la bande de Gaza dans la mesure où des citoyens ukrainiens, généralement issus de familles mixtes, y vivent. Environ 500 Ukrainiens résident en Palestine et à Gaza et plusieurs d’entre eux ont été tués pendant l’attaque israélienne.

L’Ukraine se base sur la résolution de l’ONU qui reconnaît deux États distincts : Israël et la Palestine. Les armes ne résoudront rien et la nécessité de parvenir à une issue négociée du conflit a déjà été soulignée, notamment auprès des représentants des pays arabes.

L’Ukraine, sans être membre de l’OTAN, participe aux côtés de l’Alliance à plusieurs opérations de maintien de la paix, en Irak, en Afrique ou au Kosovo.

Ayant été premier ambassadeur d’Ukraine auprès des États-Unis entre 1991 et 1995, je connais bien la problématique de l’intégration dans l’OTAN : lorsque des points d’intérêt communs auront été trouvés, lorsqu’une décision de principe aura été prise, alors l’Ukraine intègrera l’Alliance atlantique en moins d’un an. Mais nous devons réfléchir sur le long terme, sur une perspective de vingt à trente ans. Il est nécessaire de considérer l’Ukraine comme un État à part entière et d’abandonner le stéréotype selon lequel ce pays ne serait que le prolongement de la Russie. Penser ainsi est désormais contreproductif.

M. Jean-Marc Roubaud. – Cette manière de penser est largement dépassée et l’Union européenne considère depuis longtemps l’Ukraine comme un pays non seulement souverain et indépendant à part entière, mais également démocratique.

Le président Oleh Bilorous. – Dans ce cas, pourquoi l’Union européenne s’obstine-t-elle à refuser de coopérer davantage avec l’Ukraine pour développer des programmes en synergie ? Pourquoi toujours remettre à plus tard l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN ou à l’Union européenne ?

M. Richard Mallié, Premier questeur. – Les soubresauts de la vie politique ukrainienne rendent l’évolution du pays difficile à appréhender. Par ailleurs, certains pays de l’Union européenne, dont la France, s’interrogent sur l’élargissement : l’Union est passée de 6 à 9, puis 10, 12, 15, 25 et maintenant 27 membres. D’aucuns trouvent que cela va trop vite et regrettent que n’aient pas été définies les frontières de l’Europe. Les choses se feront, mais il faut laisser « du temps au temps ».

Le président Eric Diard. – Mme Youlia Tymochenko considère que l’accès à la PESD peut être un préambule à l’entrée dans l’OTAN.

Le président Oleh Bilorous. – Le chef du gouvernement a surtout tenu à rassurer la population qui a été conditionnée, pendant des décennies, à considérer l’OTAN comme une structure agressive à l’égard de l’Union soviétique. Mais l’opinion évolue et la proportion des Ukrainiens favorables à l’adhésion du pays à l’Alliance atlantique est passée de 17 % à 40 %. Dans le même temps, 95 % de la population est favorable à une intégration progressive dans l’Union européenne. Il nous appartient donc de progresser pas à pas dans ce processus.

Mais il faut rester vigilant : certains pays voisins n’ont pas renoncé à leurs ambitions impériales et l’Ukraine, dans ce scénario, occupe une place de choix. Je vous rassure, notre pays n’appartiendra plus à aucun empire et a déjà fait son propre choix qui est celui de l’Union européenne, soit à travers une adhésion, soit à travers une association préparant une future adhésion. Nous regardons l’exemple suisse. Il s’agit d’un pays très proche de l’Union européenne mais qui n’en fait pourtant pas partie.

Si la France s’était vue appliquer, en 1950, les mêmes critères que ceux qu’on applique maintenant à l’Ukraine, la France n’aurait jamais été admise ni dans l’Union européenne, ni dans l’OTAN !

E. Entretien avec M. Yurii Kostenko, vice-ministre des affaires étrangères d’Ukraine

M. Yourii Kostenko. – La présidence française de l’Union européenne a joué un rôle déterminant pour obtenir un cessez-le-feu lors du conflit russo-géorgien et l’Ukraine en est reconnaissante à la France. L’automne 2009 pourrait être propice à la signature d’un accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine. Cet accord devra prévoir la création d’une zone de libre échange entre les deux entités pour favoriser l’intégration de l’Ukraine dans l’Union.

Le souhait d’adhérer à l’Union européenne est irréversible et le gouvernement espère adapter progressivement l’économie ukrainienne aux standards européens. Lorsque j’étais ambassadeur à Bonn, j’ai entendu un diplomate allemand déclarer que « de [sa] vie, l’Ukraine n’entrerait jamais dans l’Union européenne ». Ce diplomate, rencontré récemment à Kiev, ne se permet plus de telles déclarations.

Je remercie sincèrement la France pour son soutien à l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, notamment lors du sommet de Bucarest. Le processus d’adhésion se déroule de manière satisfaisante : l’Ukraine remplit progressivement les critères prévus par le plan, même si la crise économique actuelle complique singulièrement les choses. D’ailleurs, l’Ukraine intègrera probablement l’OTAN avant l’Union européenne. Plus vite le pays entrera dans ces deux structures, plus vite sa démocratie sera confortée.

La suppression de l’obligation de visa pour les ressortissants des pays de l’espace Schengen désireux d’entrer en Ukraine a fait perdre des dizaines, voire des centaines de millions de dollars de recettes, sans avoir obtenu la moindre contrepartie. Certains partis politiques prônent la restauration du régime des visas, même si cela peut apparaître comme un mauvais signe à l’égard des capitales européennes.

Sans aller jusqu’à rétablir les visas, l’Ukraine pourrait décider de revenir sur leur gratuité. Est-ce que, de leur côté, les pays membres de l’espace Schengen ne pourraient pas, sans supprimer l’obligation de visa, rendre ces derniers gratuits ? Prenez garde de ne pas désespérer l’Ukraine : vous risquez de lui faire perdre tout respect d’elle-même.

Le président Eric Diard. – Je suis surpris que vous évoquiez la possibilité d’une décision unilatérale de rétablissement des visas alors même qu’il existe plusieurs groupes de travail sur ce sujet. N’oublions pas que la suppression des visas pour les ressortissants des pays membres de l’espace Schengen a favorisé le tourisme en Ukraine, ainsi que les déplacements des hommes d’affaires et des entrepreneurs.

M. Jean-Marc Roubaud. – Je me réjouis de l’entrée en vigueur d’un accord entre l’Ukraine et l’Union européenne. Le groupe d’amitié est prêt à relayer et à défendre certaines positions ukrainiennes dans le but de favoriser le rapprochement entre les deux entités. Mais le rétablissement du régime des visas à l’approche de l’Euro 2012 organisé conjointement par la Pologne et l’Ukraine serait un très mauvais signal adressé aux nombreux supporteurs qui s’apprêtent à visiter votre pays à cette occasion, mais aussi à l’égard des instances européennes.

Est-ce que l’Ukraine envisage de déclarer persona non grata M. Victor Tchernomyrdine, ambassadeur de Russie à Kiev, à la suite des propos choquants que ce dernier a tenu à l’égard de l’Ukraine et de son président ?

M. Yurii Kostenko. – La suppression des visas à l’égard des Européens de l’ouest a été un geste unilatéral suivi d’aucune contrepartie. Les statistiques ne démontrent aucun effet positif de cette décision. Certains pays voisins, qui n’ont pas supprimé le régime des visas bénéficient pourtant d’une attitude bien plus bienveillante de la part de l’Union européenne. Pour autant, aucun décret de rétablissement des visas n’est encore proposé à la signature du président.

Éminent homme politique russe, l’ancien Premier ministre Victor Tchernomyrdine est une personnalité unique. Personne en Ukraine n’envisage sérieusement de l’expulser, à moins qu’il ne professe des propos encore plus choquants que ceux qu’il a tenus récemment. Pour l’instant, c’est donc un « carton jaune ».

Les déclarations rapportées par la presse ont pourtant un caractère offensant, vexant. L’intéressé a notamment déclaré que le président de l’Ukraine, M. Victor Iouchtchenko, « avait l’air normal ». Il est inacceptable de se demander si notre président est mentalement « normal ». Le Quai d’Orsay aurait également réagi avec virulence dans un pareil cas. Par cette prise de position, il s’oppose de fait aux dirigeants de l’Ukraine. Sa déclaration revient à dire qu’il faut attendre l’arrivée au pouvoir en Ukraine de nouveaux dirigeants avec lesquels la Russie pourra bâtir des relations « normales ». Ce n’est pas la première fois que M. Tchernomyrdine prend de telles positions.

L’Ukraine a fait part à la Russie de ce problème. Le ministère russe des affaires étrangères a répondu qu’il n’avait pas d’influence sur la personnalité affirmée de M. Tchernomyrdine. La Russie doit donc se trouver un nouvel ambassadeur sur lequel elle aura de l’influence !

Les relations avec la Russie sont une source de difficultés constantes. Récemment encore, la marine russe a arraisonné un navire ukrainien dans nos eaux territoriales, en mer d’Azov, et a emmené le navire dans un port russe. Le tribunal russe de Rostov a considéré que « la mer d’Azov appartient à la Fédération de Russie ». Or, à ce jour, il n’y a aucune délimitation de cette mer qui, par conséquent, appartient autant à la Russie qu’à l’Ukraine.

En réalité, la Russie tente de dégrader les relations entre les deux pays. Il faut avoir présent à l’esprit que la Russie reste le premier partenaire commercial de l’Ukraine : les échanges entre les deux pays représentent 40 milliards d’euros contre seulement 2 milliards d’euros entre l’Ukraine et l’Union européenne.

M. Richard Mallié, Premier questeur. – La Slovénie, récemment admise dans l’Union européenne, et la Croatie, candidate sérieuse à l’adhésion, ne parviennent toujours pas à s’entendre sur le tracé de leur frontière maritime. Est-ce qu’une éventuelle adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne serait de nature à améliorer les relations de ce pays avec la Russie ou, au contraire, à exacerber les tensions ?
M. Yurii Kostenko.
– L’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne n’est pas prévue à court terme. Mais je constate que la Roumanie a été admise au sein de l’Union alors qu’elle n’avait pas résolu tous ses problèmes de délimitation de frontière avec l’Ukraine.

Mais l’Europe n’est pas la seule priorité de l’Ukraine. Ce pays porte aussi un regard intéressé sur l’Afrique et l’Asie. L’Ukraine n’a aucune ambition hégémonique, ni à l’échelle mondiale, ni à l’échelle régionale. Elle a pour seule ambition la paix et la stabilité de la région.

F. Entretien avec M. Borys Tarassiouk, président de la commission à l’intégration européenne à la Verkhovna Rada d’Ukraine

Le président Borys Tarassiouk. – La commission que je préside a pour responsabilité d’accompagner et de suivre pour la Rada le processus d’intégration à l’Union européenne et à l’OTAN. Elle contrôle le processus d’intégration à l’acquis communautaire et vérifie que les lois adoptées par le Parlement sont conformes à la réglementation européenne.

Je remercie la France pour le soutien qu’elle apporte à l’Ukraine ; le partenariat entre les deux pays est primordial. Notre ambition est de voir inscrire dans le prochain accord avec l’Union européenne la perspective d’une adhésion de l’Ukraine à l’Union. L’Ukraine ambitionne également d’adhérer à l’OTAN. D’ailleurs, elle est l’une des principales nations contributrices à l’Alliance atlantique (au Kosovo, en Irak et en Afghanistan), bien que n’en étant pas membre.

M. Jean-Marc Roubaud. – Pouvez-vous nous apporter des précisions sur le processus d’adhésion à ces deux instances, ainsi que votre sentiment quant à la création du Parti libéral européen ?

Le président Borys Tarassiouk. – Il convient de ne pas se concentrer sur l’actualité récente, mais de partir d’une analyse historique. L’Ukraine est un pays ayant eu une existence dès le moyen âge, même si son indépendance en 1991 a été accueillie avec surprise.

La situation économique des années 90 a été catastrophique. En 1993, l’inflation a dépassé les 10 000 % ! Puis, jusqu’en 2008, l’Ukraine a connu un développement économique très dynamique.

Il ne faut pas oublier l’approche géopolitique et le rôle que l’Ukraine aura à jouer dans les relations internationales. La contribution de ce pays à la stabilité en Europe sera largement supérieure à celle de la plupart des autres pays de notre continent. L’Ukraine joue déjà un rôle éminent dans le groupe régional GUAM (Géorgie, Ukraine, Azerbaïdjan et Moldavie).

Le Parti libéral européen est relativement récent. C’est un partenaire de la majorité dans la coalition « Notre Ukraine ». Mais c’est une petite formation qui n’a pas de structures aussi développées que le BIOUT de Youlia Tymochenko.

M. Richard Mallié. – Notre délégation remercie l’Ukraine pour sa participation dans les opérations internationales, notamment dans le cadre de la lutte contre la piraterie. Avez-vous une idée de la réaction de la Russie à une éventuelle intégration rapide de l’Ukraine dans l’OTAN et dans l’Union européenne ?

Le président Borys Tarassiouk. – L’incident provoqué par M. Tchernomyrdine est révélateur de la manière dont un diplomate peut ne pas respecter la convention de Vienne. Ses propos ont insulté le Président et, à travers lui, l’Ukraine et le peuple ukrainien. Comment aurait réagi la France dans de telles circonstances ? Auriez-vous accepté de tels propos ?

L’Ukraine a toujours aspiré à avoir des relations stables et apaisées avec la Russie, malgré l’attitude agressive de cette dernière. L’Ukraine n’a jamais franchi la ligne rouge que la Géorgie s’est permis de franchir l’été dernier.

Parmi les républiques issues de l’URSS, la Russie et l’Ukraine peuvent être considérées comme étant aux antipodes. Ce n’est pas l’Ukraine qui cherche à dominer la Russie, mais bien l’inverse. Si la Russie réussit à soumettre l’Ukraine à son contrôle, cela aura des conséquences sur l’ensemble de l’espace post-soviétique. Pour autant, il ne faut pas dramatiser la situation : nous avons réussi à éviter, au cours des années 90, des conflits graves alors que nous étions à la limite de l’affrontement armé. Nous avons montré au monde que l’Ukraine a été capable de gérer des dossiers très importants : le démantèlement du troisième arsenal nucléaire mondial issu de l’URSS, le partage et la gestion de la flotte de la mer Noire…

Nous trouvons étonnantes certaines déclarations de responsables russes qui considèrent que l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN ou que la mise en place de bases de l’OTAN en Ukraine pourrait servir de prétexte au tir de missiles nucléaires sur notre territoire : c’est absurde !

Comment peut-on traiter ainsi un pays qui souhaite adhérer à une alliance que la Russie elle-même a reconnue comme étant « non agressive » ?

Le président Eric Diard. – Le souci de la France est de trouver un point d’équilibre pour que la Russie ne se sente pas humiliée tout en évitant qu’elle devienne hégémonique. Au cours de la présidence française de l’Union européenne, les avancées des discussions relatives au rapprochement de l’Ukraine et de l’Union européenne ont été réelles et sérieuses. Qu’attendez-vous de la prochaine visite en France Mme Youlia Tymochenko ?

Le président Borys Tarassiouk. – C’est une visite très importante dans un contexte économique particulier : le monde tente de gérer une crise économique profonde qui touche aussi l’Ukraine. Notre Premier ministre recherche des solutions concrètes et pragmatiques aux problèmes actuels. Nous formons de réels espoirs dans cette visite et comptons beaucoup sur le soutien français car c’est dans le malheur que l’on reconnaît ses amis.

Nous avons eu une impression très favorable de la présidence française. Le fait que le président Sarkozy ait réussi à obtenir un cessez-le-feu dans le conflit entre la Russie et la Géorgie est fondamental. Reste à savoir si cela mettra un terme aux aspirations hégémoniques de la Russie. Le fait même que ce pays se soit livré à une offensive armée et qu’il utilise le gaz comme arme économique en dit long sur son agressivité. Mais l’attitude de la Russie résulte aussi de la reconnaissance par l’Union européenne de l’indépendance du Kosovo qui fut une erreur. Il en est résulté la reconnaissance de l’indépendance de l’Abkhazie.

M. Jean-Marc Roubaud. – Avez-vous senti du changement dans vos relations avec la Russie depuis l’arrivée au pouvoir de M. Medvedev ?

Le président Borys Tarassiouk. – Je vois dans les derniers évènements la marque de Vladimir Poutine plutôt que celle de Dmitri Medvedev. Mais de toute évidence, ce dernier cherche à prendre les commandes à Moscou. Nous risquons d’assister à des luttes intestines entre « clans » au Kremlin. D’ailleurs, les critiques de la part de l’entourage présidentiel à l’égard du gouvernement augmentent.

M. Thierry Mariani. – Je suis de ces Français qui voient, à terme, l’Ukraine dans l’Union européenne, même si l’échéance est difficile à discerner. En revanche, je suis plus réservé quant à l’intégration à l’OTAN dont le rôle, pour beaucoup de Français, n’est plus très clair. Nombreux sont ceux qui s’interrogent, y compris en France, sur l’utilité de l’Alliance atlantique, maintenant que la guerre froide est finie.

La Russie n’est plus une dictature, même si sa démocratie peine à s’installer. L’OTAN reste centrée autour des États-Unis qui ont poussé à l’indépendance du Kosovo, ce qui fut une grave erreur. Comment empêcher désormais d’autres indépendances, comme celles de l’Abkhazie et de l’Ossétie du sud ? Le conflit de l’été 2008 avec la Géorgie nous rappelle certes que la Russie reste un pays agressif. Mais au cours de ces dernières années, les États-Unis se sont avérés beaucoup plus agressifs et beaucoup plus sanglants que la Russie, à commencer en Irak.

Trois questions :

- dans le cadre des relations entre l’Ukraine et l’Union européenne, quelle est la différence entre l’accord d’association et la politique de voisinage ?

- combien d’années seront nécessaires à l’Ukraine pour être prête à adhérer à l’Union européenne ?

- la vérification de la conformité des lois ukrainiennes aux normes européennes est remarquable. Depuis quand ce contrôle existe-t-il ?

Le président Borys Tarassiouk. –

L’association est un élément de politique d’intégration alors que la politique de voisinage n’est qu’un succédané d’adhésion. Nous aspirons à une association semblable à celle des pays d’Europe centrale ou des pays baltes, non à celle du Maroc. Il est nécessaire de ne pas appliquer la même politique à des pays proches et européens ayant vocation à adhérer, comme l’Ukraine, et à des pays africains ou asiatiques comme le Maroc, la Libye, la Palestine…

À partir du moment où l’Union européenne en acceptera le principe, le calendrier d’adhésion pourra prendre entre sept et dix ans. Il s’agit d’une perspective réaliste compte tenu de l’expérience d’autres pays.

Le contrôle de conformité a été décidé en 2002, même s’il n’est entré pleinement en application qu’en 2004. Au début, cette décision a suscité une réelle opposition. Ce n’est que depuis 2007 que le parlement a précisé et renforcé les prérogatives et compétences de la commission que je préside et qui doit désormais viser tous les projets de lois avant leur discussion au parlement. Plus d’un millier de textes ont ainsi été examinés par la Commission à l’intégration européenne qui bénéficie d’un soutien et d’une expertise de l’Union européenne.

CONCLUSION

La délégation du groupe d’amitié France - Ukraine a rencontré, à Lviv comme à Kiev, une population chaleureuse, hospitalière et globalement francophile. La présidence par la France de l’Union européenne pendant le second semestre 2008 et la manière dont le Président Nicolas Sarkozy est intervenu auprès de la Russie pour obtenir un cessez-le-feu dans le conflit russo-géorgien ont été grandement appréciées et ont contribué à rehausser l’image de notre pays auprès de la population ukrainienne.

La délégation a été bien accueillie, malgré les conditions économiques difficiles qui conduisent, notamment, le parlement ukrainien à réduire drastiquement ses moyens matériels et financiers. Elle a toutefois regretté que l’accès de l’hémicycle de la Rada, qui ne siégeait pas, ait été refusé de manière franche et nette alors que certains de ses membres, et notamment le premier Questeur, M. Richard Mallié, auraient souhaité examiner le système de vote électronique installé sur le pupitre de chaque député.

La délégation a néanmoins mesuré le chemin qui reste à parcourir à ce pays pour se rapprocher des critères occidentaux de « bonne gouvernance ». L’implantation de la démocratie en Ukraine semble à peu prêt assurée grâce principalement à des élections libres et transparentes mais aussi grâce à des médias nombreux, variés et relativement indépendants. En revanche, la généralisation de la corruption entravera encore longtemps l’Ukraine dans sa progression vers le modèle démocratique occidental.

Enfin, la délégation n’a pu s’empêcher de ressentir un certain malaise devant la répétition des demandes relatives à l’allègement ou à la suppression du régime des visas pour les ressortissants ukrainiens désireux d’entrer dans l’espace Schengen. L’insistance de la demande, qui a parfois constitué le principal sujet des discussions officielles ou informelles, a fini par donner le sentiment étrange d’une obsession de la fuite des Ukrainiens hors de leur pays. Sentiment relayé par un sondage publié par l’hebdomadaire ukrainien « Focus » : s’ils en avaient la possibilité, 77 % des Ukrainiens préfèreraient vivre à l’étranger plutôt que dans leur propre pays ; 18 % choisiraient de vivre en Russie, probablement en raison de la proximité culturelle et linguistique, mais 10 % aimeraient s’installer en Allemagne, 8 % au Royaume uni, 7 % aux Etats-Unis, 5 % en France, 4 % en Norvège, etc.1

*

* *

La délégation du groupe d’amitié France - Ukraine réitère ses remerciements pour l’accueil qui lui a été réservé et espère accueillir à son tour, dans un futur proche, ses homologues ukrainiens.

Elle adresse également ses remerciements à son excellence M. Jacques Faure, ambassadeur de France en Ukraine, ainsi qu’à ses collaborateurs et notamment à M. Guillaume Narjollet, Premier secrétaire, pour leur grande disponibilité et leur concours précieux dans la préparation et le déroulement de cette visite.

Néanmoins, la délégation regrette que le poste français à Kiev ne soit pas davantage étoffé : seuls trois diplomates sont affectés à notre représentation diplomatique, ce qui est relativement peu pour un pays de la taille et de l’importance géostratégique de l’Ukraine, surtout si l’on compare aux effectifs que le Quai d’Orsay déploie dans d’autres pays et aux efforts consentis à Kiev par d’autres puissances. L’Ukraine est un important pays en évolution permanente et dont le futur est loin d’être tracé. Il convient de l’aider et de suivre son évolution avec une grande attention.

ANNEXE : PROGRAMME DE LA MISSION

Lundi 23 février 2009

13 h 50 : Arrivée à Lviv – Accueil par M. Andrii Chkyl, président du Groupe d’Amitié Ukraine – France ;

14 h 45 : Visite de l’école française n° 37 ;

16 h 30 : Rencontre avec les autorités municipales de la ville de Lviv ;

17 h 30 : visite de l’exposition du sculpteur Prinzel, suivie d’une visite de la ville de Lviv ;

19 h 30 : dîner à l’invitation de M. Andrii Chkyl.

Mardi 24 février 2009

8 h 00 – 9 h 15 : vol à destination de Kiev – Accueil par son excellence M. Jacques Faure, ambassadeur de France en Ukraine ;

13 h 00 : déjeuner ;

14 h 15 : rencontre avec le groupe d’amitié Ukraine - France ;

15 h 30 : rencontre avec M. Grygoriy Nemyria, vice-Premier ministre ;

16 h 45 : rencontre avec M. Oleh Bilorous, président de la commission des affaires étrangères de la Rada ;

19 h 00 : réception organisée à la résidence de M. l’ambassadeur ;

Mercredi 25 février 2009

11 h 00 : visite de la Verkhovna Rada (Parlement) d’Ukraine ;

13 h 00 : déjeuner

14 h 00 : visite de la basilique Sainte-Sophie de Kiev ;

15 h 30 : rencontre avec M. Yurii Kostenko, vice-ministre des affaires étrangères ;

19 h 00 : dîner offert par le groupe d’amitié Ukraine – France ;

Jeudi 26 février 2009

9 h 30 : rencontre avec M. Borys Tarassiouk, président de la commission chargée de l’intégration européenne ;

12 h 30 : départ du vol AF 2653 à destination de Paris.

© Assemblée nationale

1 Revue « Focus » du 27 février 2009, page 4. Ces résultats doivent être interprétés avec précaution puisque, contrairement à la pratique française, aucun élément quant à la date du sondage ou à la taille de l’échantillon n’est publié.