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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. JEAN GLAVANY

1. Ordre du jour de l'Assemblée (p. 5803).

2. Saisine pour avis d'une commission (p. 5803).

3. Loi d'orientation agricole. - Discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 5803).

M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. François Patriat, rapporteur de la commission de la production.

Mme Christiane Lambert, rapporteur du Conseil économique et social.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 5820)

Exception d'irrecevabilité de M. Douste-Blazy : MM. François Sauvadet, Jean Gaubert, Germain Gengenwin, Patrick Ollier, Félix Leyzour, Philippe Vasseur, le ministre. Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

4. Ordre du jour des prochaines séances (p. 5827).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN GLAVANY,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

M. le président.

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 23 octobre 1998 inclus a été fixé le jeudi 1er octobre en conférence des présidents.

Elle a également arrêté le calendrier de la discussion de l a deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999.

Le Gouvernement a en outre communiqué, en application de l'article 48 du règlement, le programme de travail envisagé pour les six mois à venir.

Ces documents seront annexés à la suite du compte rendu de la présente séance.

Par ailleurs, la conférence des présidents a décidé, en application de l'article 65-1 du règlement, que le vote sur l'ensemble de la proposition sur le pacte civil de solidarité et le vote sur l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 1999 donneront lieu à des scrutins publics, respectivement le mardi 13 octobre et le mardi 20 octobre, après les questions au Gouvernement.

Enfin, la procédure d'examen simplifiée a été engagée pour la discussion : du projet sur le protocole relatif au Conseil de l'Europe ; du projet sur l'accord relatif à la Cour européenne des droits de l'homme ; de la proposition de loi sur la création d'un office des produits de la mer.

2 SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION

M. le président.

J'informe l'Assemblée que la commission des affaires étrangères a décidé de se saisir pour avis du projet de loi constitutionnelle modifiant l'article 88-2 de la Constitution (no 1 072).

3

LOI D'ORIENTATION AGRICOLE Discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation agricole (nos 977, 1 058).

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le président, monsieur le président de la commission de la production et des échanges, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, la France est une grande nation agricole.

Les Français le savent. Chacun de nous, chacun de nos concitoyens sait que notre histoire, notre culture, notre avenir se sont dessinés et se dessineront encore avec les couleurs de nos paysages, les typicités de nos terroirs, les inimitables saveurs de nos produits.

Nos partenaires comme nos concurrents, en Europe et ailleurs à travers le monde, le savent aussi. La France est la première puissance agricole de l'Union européenne et le deuxième pays exportateur mondial de produits agricoles et agro-alimentaires. Elle exploite à elle seule quelque 20 % de la surface agricole utile de l'Europe et se place en tête des quinze pays de l'Union pour la plupart des grandes productions agricoles.

Mais y aura-t-il encore demain des agriculteurs en France pour assurer l'accomplissement de cette vocation ? Que seront demain ces paysans auxquels nous sommes tous attachés, c'est-à-dire des agriculteurs indépendants, travaillant sur des exploitations à taille humaine, et responsables de leur conduite ? Une grande puissance agricole sans agriculteurs, c'est en effet le paradoxe auquel nous pourrions être confrontés dans un proche avenir si rien n'est fait pour modifier le cours des choses.

Bien sûr, la France produira toujours des denrées agricoles et des produits agro-alimentaires. Mais la question est de savoir dans quelles conditions. Cette production sera-t-elle assurée demain par une poignée de grandes exploitations n'occupant que les zones les plus productives de notre territoire, et dont l'activité sera totalement intégrée à celle des industries d'amont et d'aval, ou serons-nous capables de préserver ce que nous appelons le modèle agricole européen ? Ce qui est en jeu, c'est tout simplement la pérennité d'un certain mode d'organisation sociale du monde agricole et des rapports entre le monde rural et le reste de la société.

C'est à cette question-là, essentielle pour la nation tout entière, qu'une loi d'orientation agricole doit répondre en 1998.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

Le Premier ministre Lionel Jospin s'est engagé devant vous, lors de son discours de politique générale de juin 1997, à présenter cette loi d'orientation agricole, en soulignant l'importance qu'elle revêtait à ses yeux.

Le Président de la République lui-même avait souhaité une telle loi lors du cinquantième anniversaire de la FNSEA, célébré il y a maintenant un peu plus de deux ans. Mon prédécesseur, M. Philippe Vasseur, s'était attelé à la tâche et avait même achevé un premier projet. J'ai pris en considération le travail engagé, même si j'ai jugé nécessaire de reprendre la réflexion et la négociation avec l'ensemble des partenaires pour élaborer le texte que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui.

D'autres lois agricoles ont déjà jalonné l'histoire de la Ve République. Je pense à celles de 1960 et 1962, qui ont permis la restructuration foncière de l'agriculture française, la modernisation des exploitations agricoles et le développement spectaculaire de la production. Je pense à la loi de 1980 ensuite, qui entendait surtout favoriser l'intégration des productions agricoles dans le secteur agro-alimentaire et améliorer la compétitivité du secteur à l'exportation, loi prolongée par les lois d'adaptation et de modernisation.

Il nous revient aujourd'hui de tirer le bilan de ces lois, de réfléchir aux évolutions passées, d'en tirer des leçons, et de voir dans quelle mesure ces politiques restent pertinentes, dans quelle mesure nous souhaitons les prolonger ou les infléchir.

En effet, une loi d'orientation a bien pour vocation de fixer les directions nouvelles et non pas de redire ce qui l'a déjà été depuis de longues années. C'est pourquoi, après avoir réfléchi avec vous à ce bilan de trente années de politique agricole, je vous indiquerai pourquoi, à mes yeux, une nouvelle politique publique en faveur de l'agriculture est nécessaire.

C'est d'abord aux préoccupations des femmes et des hommes qui vivent et vivront de ce métier que cette loi d'orientation doit répondre.

Je vous propose de le faire en jetant les bases d'une politique qui permette à l'agriculture de remplir son triple rôle, économique, social et environnemental, de façon équilibrée ; en fixant les règles d'une répartition juste et équitable des soutiens publics entre les agriculteurs, condition indispensable au maintien d'une agriculture faite par des chefs d'exploitation nombreux, resp onsables et présents sur tout le territoire ; en encourageant une agriculture qui produise pour des marchés solvables, qui crée des emplois et qui participe à la préservation des ressources naturelles, car c'est là la triple fonction de l'agriculture ; enfin, en donnant un contenu concret à ce nouveau contrat entre l'agriculture et la nation que beaucoup appellent de leurs voeux, grâce aux contrats territoriaux d'exploitation.

Avant de vous présenter de façon plus détaillée les grands axes de ce projet, je souhaite vous dire les raisons pour lesquelles, à mes yeux, la politique agricole doit être profondément réorientée.

Je veux vous inviter, pour cela, à réfléchir au bilan de la politique suivie jusqu'à présent et à ses conséquences pour l'agriculture elle-même mais aussi pour l'ensemble de la société.

S'agissant de l'agriculture proprement dite, les effets de la politique agricole instaurée depuis les années 60 sont connus.

Elle a permis une formidable croissance de la production agricole en volume, une restructuration de la propriété foncière et des exploitations agricoles et un bond en avant de la productivité du travail dans ce secteur.

Les exemples de cette révolution silencieuse sont innombrables.

En quatre décennies, la productivité agricole a été multipliée par 7,5, c'est-à-dire bien plus que pendant les huit ou neuf millénaires séparant la naissance de l'agriculture de la Seconde Guerre mondiale.

Le volume des productions végétales a été multiplié presque par 4 entre 1960 et 1995, celui des productions animales par 2, et le volume des productions de l'élevage hors sol a doublé depuis 1980. La production de céréales a été multipliée par 5 en quarante ans.

Ces efforts ont permis à la France et à l'Europe de parvenir à l'autosuffisance puis de devenir de grands exportateurs mondiaux de produits agro-alimentaires.

Mais le prix de ces bouleversements a été lourd et l'on peut se demander si l'agriculture a tiré les fruits de cette croissance.

En quarante ans, la France a perdu 4 millions d'actifs agricoles et l'Union européenne 20 millions.

Entre 1980 et 1989, 25 000 exploitations disparaissaient chaque année, et le rythme s'est encore accéléré puisque, depuis 1989, ce sont 40 000 exploitations qui cessent leur activité chaque année en France. Pour une exploitation créée, cinq disparaissent. C'est dire l'importance de la restructuration qui a eu lieu.

Quant aux prix alimentaires à la consommation, exprimés en monnaie constante, ils sont restés stables de 1960 à aujourd'hui. Dans le même temps, les prix à la production des produits agricoles ont été divisés par 2. Cela signifie que la part du produit agricole dans le produit final est devenue de plus en plus secondaire.

Le prix du blé a été divisé par 4 en quarante ans, il a perdu 60 % de sa valeur depuis 1980. Et cela ne date pas de la réforme de la PAC, la tendance est constante depuis 1960.

Plus grave encore, en dépit de cette formidable croissance de la production en volume, la « ferme France » s'est appauvrie dans les vingt-cinq dernières années.

Une récente étude de l'assemblée permanente des chambres d'agriculture nous indique que le chiffre d'aff aires de l'agriculture française, exprimé en francs constants, a stagné de 1975 à 1983 et ensuite régressé de façon continue.

Quant à la valeur ajoutée produite par l'agriculture, elle a été divisée par 2 en vingt-cinq ans.

Ces évolutions globales recouvrent naturellement des différences régionales marquées. La baisse de la valeur ajoutée produite semble d'autant plus forte que les départements sont spécialisés sur des grandes productions encadrées par la politique agricole commune.

C'est ainsi que le département de l'Eure-et-Loir a vu son chiffre d'affaires agricole baisser de 52 % dans les quinze dernières années tandis que celui de la Gironde progressait de 62 %.

M. François Patriat, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Dans le même temps, la place des produits agricoles dans les échanges mondiaux n'a cessé de se réduire. Ils représentaient 48 % de la valeur des exportations agricoles mondiales en 1950, ils n'en représentent plus aujourd'hui que 12 %.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

En outre, le commerce se concentre de plus en plus sur les produits transformés. A titre d'exemple, les échanges mondiaux de céréales sont restés stables en volume, autour de 200 millions de tonnes de 1980 à aujourd'hui, tandis que le volume des produits transformés progressait fortement.

Au bout du compte, si l'un des objectifs de la politique agricole, celui de la parité entre le revenu des agriculteurs et les autres catégories sociales, a pu être presque atteint en moyenne, c'est grâce à l'abandon de leur profession par des millions d'agriculteurs.

Si les choses continuent ainsi, les agriculteurs auront bientôt perdu toute capacité à peser dans la production et dans le rapport des forces au sein des filières agricoles et agro-alimentaires.

Nos industries agro-alimentaires auront-elles profité de toutes ces transformations ? Incontestablement, nos industries agro-alimentaires ont connu une très forte croissance favorisée par cette offre de matières premières abondantes et à bas prix. Mais on doit se demander si elles en profiteront encore demain.

En effet, je constate que la capitalisation boursière moyenne de l'ensemble des industries agro-alimentaires est restée stable, autour de 110 milliards de francs entre 1992 et 1996, alors que, dans le même temps, la valeur des trois plus grandes chaînes de distribution cotées en bourse a été multipliée par 3 pour atteindre 150 milliards de francs.

Après avoir évolué en défaveur des agriculteurs, la modernisation ne jouerait-elle pas contre les industries agro-alimentaires ? Nous devons au moins nous poser la question.

Il est temps de dire que l'avenir de notre agriculture, et surtout celui de nos agriculteurs, ne se trouve pas dans la course sans fin au prix de production le plus bas. Ni la France ni l'Europe ne sont des pays en voie de développement, condamnés à brader à bas prix des matières premières sur le marché mondial.

M. Joseph Parrenin.

Bravo !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Les secteurs les plus dynamiques à l'exportation, qui sont aussi ceux qui ont permis un enrichissement de certaines branches de l'agriculture, sont ceux qui fournissent des produits à forte valeur ajoutée, dont les prix sont élevés.

La compétitivité d'une économie développée réside dans la qualité de ses infrastructures, dans la formation des hommes, dans sa capacité à proposer sur le marché des produits présentant des qualités spécifiques, susceptibles d'être valorisés dans de bonnes conditions. Elle se trouve aussi dans la qualité des relations qui peuvent être nouées avec l'ensemble des maillons d'une filière. C'est dans ce sens-là que nous devons travailler.

O n peut aussi s'interroger sur l'efficacité pour l'ensemble de la société de la politique agricole passée. A mesure que la production se concentrait dans certaines zones géographiques, la difficulté à concilier un certain mode de valorisation de la production agricole et la préservation des ressources naturelles est apparue de plus en plus grande. La pollution des eaux, la dégradation des sols, les nuisances de toutes sortes sont devenus autant de sujets de préoccupation pour les agriculteurs eux-mêmes, comme pour l'ensemble de nos concitoyens.

Nous savons maintenant que l'eau est un bien rare que nous devons aussi préserver. Nous savons que les sols ne sont pas inépuisables et que certaines pratiques agronomiques peuvent se révéler à termes très néfastes pour les agriculteurs eux-mêmes.

Les effets négatifs sur l'environnement d'un modèle poussé à l'extrême ne seront pas durablement supportés par l'ensemble de la société. Le coût en reviendra à l'agriculture elle-même et portera atteinte à sa compétitivité.

La crise de la vache folle a déclenché une crise de confiance des consommateurs et les a conduits à mettre en question des méthodes d'élevage dont les conséquences à long terme ne paraissent pas totalement maîtrisées.

La récente épidémie de peste porcine en Europe a mis en évidence la fragilité d'un élevage exagérément concentré.

L'agriculture joue de plus en plus difficilement son rôle dans le maintien de l'équilibre territorial, car la présence d'une activité agricole sur l'ensemble du territoire n'est pas inscrite dans le libre jeu du marché. La surexploitation de certaines régions s'accompagne de l'abandon d'autres zones.

M. Patrick Ollier.

Tout à fait !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Cet abandon n'est pas une fatalité, il est aussi le résultat d'une politique. Il n'est pas de régions condamnées, mais il est des atouts non valorisés.

M. Patrick Ollier.

Ça, c'est vrai !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ce divorce territorial est certes un problème de société, mais c'est aussi un problème de politique agricole.

Puis, il faut le dire, la politique de soutien à l'agriculture apparaît souvent injuste. Le niveau de soutien entre les filières, les régions et les exploitations varie de façon considérable.

Votre commission a présenté dans son rapport un certain nombre de documents très éloquents à ce sujet. Le revenu moyen par exploitation en 1997 s'échelonne de 631 000 francs en Gironde à 574 000 francs en Côted'Or et à 400 000 francs en Seine-et-Marne. Il tombe à 70 000 francs dans le Lot ou en Corrèze et même à 60 000 francs en Haute-Vienne.

En ne prenant que la moyenne des revenus, nous avons un écart de un à dix. Si nous prenions non plus les moyennes, mais les revenus de chaque exploitant, cet écart irait de un à cent.

Les aides publiques ne corrigent pas ces inégalités de revenus ; bien souvent elles les renforcent même. Cela n'est plus acceptable, et l'intervention publique en faveur de l'agriculture ne peut être justifiée que si elle vient conforter les plus faibles, compenser les inégalités liées aux conditions naturelles d'exercice du métier (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste), favoriser des modes de production respectueux de l'environnement, bref conforter une agriculture équilibrée et riche de ses hommes autant que de ses productions.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Voilà pourquoi, sans même évoquer les projets de réforme de la politique agricole commune discutés actuellement à Bruxelles ou bien les menaces que pourraient faire peser sur notre agriculture les futures négociations multilatérales au sein de l'Organisation mondiale du commerce, la politique agricole, nationale et communautaire, est menacée. Elle ne sera durablement viable que si nous sommes capables de lui donner une nouvelle légitimité et un sens.

Le contexte international ne fait que renforcer l'urgence de cette réorientation.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

Une réforme de la PAC se prépare actuellement à Bruxelles. J'ai souvent eu l'occasion de dire pourquoi je n'acceptais pas le projet de la Commission tel qu'il est actuellement conçu. Au moment où il faut changer les règles du jeu pour inverser les tendances que je viens de décrire, la Commission ne propose pas un nouveau projet pour l'agriculture, mais se contente de prolonger les orientations de 1992. On nous invite à continuer dans la même direction, en allant encore plus vite et en généralisant les baisses de prix garantis compensées par des aides au revenu des agriculteurs.

La régulation des marchés agricoles ne peut pas se faire uniquement par les prix, sauf à accepter la poursuite du mouvement de disparition des exploitations et l'appauvrissement de l'agriculture que je rappelais à l'instant.

Cette politique commune présentée comme réaliste me paraît en fait à courte vue. Le scénario risque fort d'être le suivant : on baisse aujourd'hui les prix garantis pour accepter demain une nouvelle réduction de la protection du marché communautaire, et après demain la réduction imposée des aides directes aux agriculteurs.

M. Jean Auclair.

Et alors, qu'est-ce qu'on fait ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Car n'en doutons pas, les contraintes budgétaires européennes, devenues un sujet majeur de négociation entre Européens, jointes à celles des négociations de l'OMC auront tôt fait de remettre en cause ce qui aura été présenté comme durablement acquis.

N'oublions pas en effet que d'ici à un an les négociat ions commerciales multilatérales reprendront. Notre devoir est d'anticiper en définissant les contours d'une politique agricole qui permette à l'Europe d'être offensive et non d'être placée le dos au mur dans ces négociations.

C'est dans cet esprit que le Gouvernement propose cette loi d'orientation, qui doit être l'affirmation de la volonté politique de la France de préserver une agriculture puissante, grâce à une nouvelle orientation de la politique agricole française et européenne.

M. Christian Jacob.

Puissante ? Ce n'est pas avec votre loi qu'elle va l'être !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Quels sont les grands axes du projet de loi d'orientation du Gouvernement ? Je considère tout d'abord que la politique agricole ne sera efficace, légitime et durable que si elle place l'homme au coeur de ses préoccupations.

Bien entendu, personne ne dira le contraire, mais il faut passer des déclarations d'intention aux mesures qui permettent de traduire concrètement cette volonté.

M. Thierry Mariani.

Certes ! On verra !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Une politique faite pour les hommes doit privilégier réellement l'installation des agriculteurs, en particulier celle des jeunes, sur l'agrandissement des exploitations.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yann Galut.

Bravo !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

C'est pourquoi le projet que je vous présente comporte un important volet relatif à ce que l'on appelle le contrôle des structures agricoles.

M. Christian Jacob.

C'est du vrai collectivisme ! Même Edith Cresson n'avait pas osé aller jusque-là !

M. Thierry Mariani.

Un kolkhoze !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

J'observe, monsieur Jacob, que ce collectivisme a été réclamé par l'ensemble des organisations agricoles représentatives ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Si vous aviez été à leur écoute, vous auriez pu noter ce fait.

M. Arnaud Lepercq.

Ce n'est pas ce que nous avons entendu !

M. Jean Auclair.

Les organisations ont changé d'avis !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mon projet donne aux commissions départementales d'orientation agricole les moyens de mettre fin à l'agrandissement sans fin de la taille des exploitations.

M. André Angot.

De l'agriculture de sous-préfecture !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il étend le régime d'autorisation préalable d'exploiter à toutes les mutations et permet de contrôler l'agrandissement des exploitations sous forme sociétaire, ce qui n'était pas possible jusqu'à maintenant. Le développement du phénomène sociétaire en agriculture avait, de ce fait, vidé de tout contenu pratique ce qui restait dans notre droit en matière de contrôle de l'agrandissement des exploitations.

L'information des candidats à l'installation sur les départs à venir, dans des délais suffisants, et la transparence sur la réalité des évolutions départementales, grâce à un rapport annuel départemental sur l'installation, viendront conforter l'efficacité des moyens de contrôle créés par la loi.

Enfin, la suppression du régime des sanctions pénales, peu efficace, et son remplacement par un régime de sanctions administratives, permettra de faire réellement respecter la loi.

Cette volonté de limiter les possibilités d'agrandissement des exploitations, de faire prévaloir l'installation sur l'agrandissement, est-elle passéiste, voire anachronique, comme certains le disent ? Je ne le pense pas.

Contrairement à ce que l'on dit souvent, les grandes exploitations ne sont pas nécessairement les plus compétitives. Les économies d'échelle dans ce secteur comme dans d'autres ne sont pas sans limites. Et l'on peut parfaitement démontrer, en dehors de toute préoccupation éthique ou morale, mais simplement en prenant en compte des considérations économiques, que l'agrandissement des exploitations n'apporte aucun gain supplémentaire au-delà d'une certaine taille.

En outre, je suis convaincu que l'archaïsme se trouve davantage du côté de ceux qui prônent un libéralisme sans contraintes qui broie les femmes et les hommes en agriculture. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Une politique faite pour les hommes doit permettre d'améliorer la protection sociale des agriculteurs, des conjoints d'exploitants, des salariés et des retraités d'agriculture.

M. Yann Galut.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Afin d'achever l'oeuvre entreprise par les précédentes lois pour reconnaître la parité des actifs agricoles avec les autres catégories sociales, je vous propose de créer un statut de conjoint collaborateur d'exploitation agricole, pour celles


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et ceux qui ne sont ni associés ni co-exploitants.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Christian Jacob.

Merci, Philippe Vasseur !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ce statut permettra, notamment, à ceux qui le choisiront d'améliorer très substantiellement leurs droits à retraite.

Par ailleurs, vous le savez, le Gouvernement s'est engagé dans un plan pluriannel de revalorisation des retraites agricoles.

(« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Les mesures prises en 1998 et celles annoncées pour 1999 constituent un effort sans précédent qui sera prolongé, comme un amendement adopté par votre commission nous y invite.

M. Christian Jacob.

C'est beaucoup moins qu'entre 1995 et 1997 ! On parle, on parle, mais il faut comparer les chiffres !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je parle d'engagements pluriannuels sur la durée de la législature, monsieur Jacob.

M. Christian Jacob.

On en reparlera !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je n'oublie pas les salariés agricoles dont je souhaite encourager le recrutement en simplifiant les formalités à accomplir par les employeurs à l'embauche, sans que soit porté atteinte aux garanties sociales des employés. C'est le sens de la généralisation du « titre emploi simplifié » qui est proposée.

Je vous propose également de prendre un certain nombre de dispositions permettant d'améliorer les conditions de représentation et de défense des intérêts matériels et moraux des salariés du secteur, grâce à la création de commissions d'hygiène et de sécurité d'hygiène et de sécurité au niveau départemental, ainsi que de comités départementaux d'oeuvres sociales et culturelles.

La politique agricole ne sera légitime et pérenne que si elle permet le plein développement des trois fonctions de l'agriculture : production, emploi, entretien de l'espace agricole et forestier.

La multifonctionnalité de l'agriculture n'est pas une idée à la mode qui permettrait de donner un supplément d'âme à une politique agricole contestée pour faire taire les critiques. Il ne s'agit pas de donner une légère couche de vernis environnemental et social aux soutiens publics à l'agriculture pour en assurer la respectabilité.

La multifonctionnalité de l'agriculture correspond tout simplement à la réalité d'une activité agricole bien conduite, qui contribue en même temps à la production agricole (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe socialiste) mais aussi à la protection et au renouvellement des ressources naturelles, ainsi qu'à l'équilibre du territoire et à l'emploi.

M. Patrick Ollier.

La montagne est complètement oubliée !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

C'est une vision de l'agriculture dans laquelle environnement, bien-être des animaux, qualité et identification des produits ne sont plus des contraintes pesant sur l'activité agricole, mais des atouts permettant de valoriser cette production agricole sur le marché national, communautaire et mondial.

Les consommateurs demanderont de façon croissante à savoir d'où viennent les produits qui leur sont proposés et dans quelles conditions ils ont été élaborés. Dès lors, le respect de l'environnement deviendra un atout et un facteur de compétitivité sur les marchés.

L'évolution du commerce du bois témoigne dès aujourd'hui de cette transformation. Le respect de conditions de production respectueuses de l'environnement est devenu un critère important de la fixation des prix.

Les politiques publiques doivent donc reconnaître cette évolution. Les règles de répartition des aides publiques en faveur de l'agriculture, qu'il s'agisse des concours nationaux aujourd'hui, mais qu'il s'agisse aussi demain des concours européens, doivent être adaptées. Les soutiens aux agriculteurs ne devront pas être à l'avenir répartis proportionnellement au volume de la production qu'ils réalisent. Ils devront inciter les agriculteurs à prendre en compte l'ensemble des dimensions de leur métier.

Les contrats territoriaux d'exploitation seront les outils de cette nouvelle politique agricole.

Un contrat territorial d'exploitation sera la traduction d'un projet global de développement de l'exploitation, conçu par l'agriculteur qui le signera. Il fixera les engagements respectifs de l'Etat et de l'agriculteur.

Quand je dis engagements, je ne pense pas à une longue suite de contraintes administratives, mais à un ensemble d'actions qui couvrent tout le champ d'activités de l'exploitation.

Certains craignent que la démarche que je défends n'aboutisse à une suradministration de l'agriculture.

M. Thierry Mariani.

C'est évident !

M. Patrick Ollier.

C'est vrai !

M. Kofi Yamgnane.

Attendez la fin !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ceux qui craignent la suradministration de l'agriculture doivent sûrement ignorer comment est gérée aujourd'hui la politique agricole.

M. Arnaud Lepercq.

Par les préfectures !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

L'importance des aides publiques dans la formation du revenu des agriculteurs a conduit à un enchevêtrement de réglementations et de contrôles de plus en plus opaques.

M. André Angot.

Vous en rajoutez !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ne dites pas que nous allons administrer l'agriculture : c'est déjà fait !

M. René Leroux.

Largement ! Et ça coûte cher !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

C'est une des raisons pour lesquelles la politique agricole doit être réorientée par une approche contractuelle, qui me paraît la forme la plus moderne, la plus responsable et la plus transparente de gestion d'une politique publique.

M. Christian Jacob.

Que faites-vous pour la baisse des charges pour aller dans le sens de la compétitivité dont vous parliez tout à l'heure ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Monsieur Jacob, vous êtes inscrit dans la discussion générale. Gardez vos munitions ! (Sourires.)

Poursuivez, monsieur le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

L'agriculture que je veux encourager à ce titre, c'est une agriculture diversifiée, créatrice de richesses et de valeur ajoutée. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)


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Le revenu des agriculteurs ne doit pas dépendre de leur habileté à utiliser au mieux de leurs intérêts les règles de distribution des aides publiques. La politique publique doit les inciter à produire de la richesse sur leur exploitation, à valoriser les terroirs dans lesquels s'inscrit leur action, à fournir des produits de qualité bien valorisés sur les marchés et dont le prix soit le gage d'un revenu durable, plutôt qu'elle ne doit leur fournir des aides liées à telle ou telle production. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. René Leroux.

Voilà le volet économique de l'agriculture !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

J'insiste sur ce point, car c'est tout le sens des contrats territoriaux d'exploitation. Ceux-ci doivent permettre de redonner à l'initiative et au goût d'entreprendre des agriculteurs toute leur place. La politique actuelle les conduit trop souvent à identifier projet d'avenir avec spécialisation et agrandissement de leur exploitation.

Celle que je vous propose a pour ambition d'encourager notre agriculture et nos agriculteurs à s'écarter de ce qui est finalement une vision réductrice et appauvrissante, pour tourner leurs efforts vers les marchés réellement rémunérateurs qui assureront la pérennité de leur exploitation.

M. Yves Fromion.

Ils sont saturés !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Vous constaterez que ce projet de loi fait une place importante à la politique de qualité et d'identification des produits agricoles.

Il permettra de clarifier la gestion des signes d'identification des produits. Il distingue trois caractérisations qui sont aujourd'hui trop souvent confondues, à tort : Les signes d'identification de la qualité que sont les labels et les certifications de conformité ; Les signes d'identification de l'origine que sont les appellations d'origine contrôlée et les indications géographiques protégées ; Les signes d'identification d'un mode de production que sont l'agriculture biologique et l'agriculture de montagne.

La gestion des signes d'identification de l'origine, qu'il s'agisse d'AOC ou d'IGP, sera confiée à l'Institut national des appellations d'origine, alors qu'elle est partagée aujourd'hui entre deux instances. A cette fin, un comité sera créé au sein de l'INAO, qui remplacera l'actuelle commission mixte. La composition de ce comité sera déterminée avec le souci de rassembler les compétences nécessaires, à l'instar de ce qui a été fait jusqu'à maintenant.

Si la loi rend possible l'accession à l'IGP sans lien avec un label agricole, elle n'en fait pas une obligation, et ceux qui voudront promouvoir une démarche unissant une demande de protection d'une IGP et une demande de reconnaissance d'un label pourront bien sûr le faire.

Enfin, cette loi ne disposera bien évidemment que pour l'avenir, ce qui signifie que les IGP et les labels déjà reconnus ne seront pas réexaminés, et que leur statut actuel ne sera pas modifié.

Le deuxième axe du contrat territorial d'exploitation sera constitué des actions positives conduites par les agriculteurs pour préserver les ressources naturelles et entretenir l'espace.

La durabilité de l'agriculture dépend de la richesse des milieux naturels dans lesquels elle s'inscrit. Il n'y a donc pas d'opposition entre le premier chapitre du contrat territorial et le second, qui sera tourné vers les pratiques agronomiques respectueuses de l'environnement ainsi que vers la définition d'actions d'intérêt général contribuant à l'occupation du territoire et à l'entretien de l'espace.

Il y a au contraire complémentarité et traduction concrète de la multifonctionnalité de l'agriculture. Projet économique et projet territorial se renforceront mutuellement pour donner au métier d'agriculteur tout son sens.

M. Jean Auclair.

Avec ça, on va être sauvés !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mais j'entends dire que reste pendante la question du financement. Comment allons-nous financer cette orientation de l'agriculture ?

M. André Angot.

Bonne question !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je répondrai très simplement : en réorientant en même temps les dépenses publiques en faveur de l'agriculture.

M. Christian Jacob.

Avec un budget qui diminue de 6 % ! C'est le seul budget qui baisse ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Nicole Bricq.

Taisez-vous !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jacob a pourtant, au fil des années, apporté son soutien à des budgets en diminution.

M. Christian Jacob.

Pas de 6 % !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Le fait d'être en présence d'un budget qui progresse vous laisse sans voix, et je le comprends ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Christian Jacob.

Il est, je le répète, en diminution de 6 % cette année !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il ne s'agit pas de dépenser plus pour l'agriculture, mais de dépenser mieux et, ainsi, de rendre sa légitimité à l'effort public en faveur de l'agriculture, légitimité contestée en France comme à Bruxelles. Je commencerai dès 1999 en redéployant une partie des crédits de mon ministère sur le fonds de financement des CTE. Je poursuivrai en me battant pour que la réforme de la PAC soit l'occasion de réorienter une partie des crédits publics au profit de ces actions. A terme, le contrat territorial a vocation à regrouper l'essentiel des aides aux exploitations dans un cadre cohérent au service d'un projet.

Je ne suis pas un adepte du libéralisme sauvage.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Nous non plus !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ce sont des confessions tardives ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Je n'ai jamais pensé que les marchés agricoles n'ont pas besoin d'être organisés et que la libre confrontation de l'offre et de la demande suffira à tout régler.

J'ai d'ailleurs toujours expliqué le contraire : les marchés agricoles justifient tout particulièrement l'existence de moyens d'organisation des marchés au service des filières, et justifient parfois l'intervention publique.


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M. Yves Fromion.

Ce n'est pas vous qui avez fait la PAC !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

J'ai le souci que les agriculteurs puissent prendre toute leur part dans les efforts d'organisation des marchés et en recueillir les fruits.

C'est pourquoi je propose notamment de créer des interprofessions spécifiques à chaque signe de qualité.

Elles permettront de structurer les démarches d'identification des produits dans un cadre qui assure la représentation de tous ceux qui ont intérêt à leur succès. C'est de cette façon que pourra être assurée une juste répartition de la valeur ajoutée entre les agriculteurs et les entreprises d'aval.

C'est dans le même esprit que la loi d'orientation agricole donne un certain nombre d'outils aux partenaires des filières pour prendre les mesures nécessaires à la régulation des marchés afin de faire face aux crises conjoncturelles.

Il convient de mobiliser l'enseignement et la recherche agricoles dans le cadre de ces orientations.

De la même façon que l'on a su hier construire un grand appareil de formation et de recherche capable de prendre à bras-le-corps les questions liées au nécessaire développement de la production, nous avons aujourd'hui à édifier une recherche scientifique et une formation capables de prendre en compte les grandes questions de notre époque : celles du clonage et des organismes génétiquement modifiés, celles de la sécurité sanitaire et de l'environnement, celles du plein emploi et de la cohésion sociale.

Les questions posées sont autant scientifiques et techniques qu'économiques et éthiques.

Notre appareil de formation et de recherche doit garder l'excellence scientifique qui est la sienne dans la c ommunauté scientifique internationale. Il doit comprendre et maîtriser ces grandes questions qui sont aussi de grands enjeux, il doit permettre au plus grand nombre de s'approprier et de maîtriser ces savoirs nouveaux, il doit rendre chacun capable d'évaluer les conséquences pour l'avenir de notre société des découvertes scientifiques et de leurs applications.

La politique agricole que je propose doit pouvoir s'appuyer sur la mobilisation de notre appareil d'enseignement, de recherche et de développement afin d'inventer de nouveaux savoir-faire, de mieux utiliser ceux qui existent déjà, de mettre nos agriculteurs en situation de réelle compétitivité sur l'ensemble des marchés.

Dans cette perspective, je propose que la recherche et l'enseignement supérieur constituent de façon structurée des pôles régionaux bien reliés aux universités et aux établissements de recherche qui les entourent. Je souhaite continuer la modernisation de notre enseignement technique et parvenir à unifier les statuts de nos établissements. Je souhaite enfin que le pluralisme qui s'est instauré dans les conseils des offices, et qui est un principe républicain auquel nous sommes tous attachés, trouve sa traduction dans l'appareil de développement.

C'est à cette condition que nous franchirons une nouvelle étape dans l'ouverture, la citoyenneté et l'efficacité de nos outils de recherche, de formation et de développement.

Je suis convaincu que c'est par ces objectifs et avec cette méthode que nous préparerons l'avenir de la politique agricole.

C'est en affirmant haut et fort cette nouvelle orientation que nous serons capables de faire entendre notre voix à Bruxelles et d'infléchir le cours des négociations actuelles autour du paquet Santer.

Se pose, bien sûr, la question de la compatibilité entre cette loi d'orientation agricole française et ce qui se prépare à Bruxelles.

Ma réponse est simple : je n'entends pas faire de la loi d'orientation agricole la loi d'application, par anticipation, de la réforme de la PAC proposée par la Commission. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Fromion.

Vous vous en défendez trop !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Cette réforme ne me convient pas, je l'ai dit et répété à Bruxelles et à Paris. J'avais cru comprendre, d'ailleurs, qu'elle ne convenait pas non plus à ceux qui me reprochent de présenter une loi qui n'est pas conforme aux objectifs du projet de la Commission. C'est précisément parce que je refuse ces perspectives que je vous propose ces orientations.

M. Christian Jacob.

Hors sujet ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Celles-ci me semblent porteuses d'avenir pour notre agriculture et pour l'agriculture européenne.

La France doit jouer son rôle au sein de l'Union européenne. Il lui revient de s'opposer aux menaces de renationalisation de la politique agricole commune qui se font jour dans le débat européen.

Elle ne peut le faire qu'en proposant pour les prochaines décennies un modèle européen d'agriculture crédible et enthousiasmant, qui concentrera la négociation sur les objectifs et sur le projet, et non plus seulement sur le budget et le taux de retour ; un projet dans lequel les agriculteurs et les Européens dans leur ensemble se reconnaîtront aujourd'hui et demain.

M. Christian Jacob.

Quelles sont les propositions précises du Gouvernement ? Vous ne proposez rien ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Auclair.

Oui, c'est du vent !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je pense qu'en le faisant maintenant, en permettant le rassemblement des énergies, celles des élus, des professionnels agricoles et, au-delà, de l'ensemble des agriculteurs et de la nation, nous pourrons peser, lors des débats communautaires, dans le sens que nous souhaitons.

M. Yves Fromion.

Comme pour les 35 heures !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Cette loi doit être l'occasion et l'outil de ce rassemblement.

M. Christian Jacob.

Si c'est ça, le modèle européen !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

La loi d'orientation agricole a été voulue par tous. Elle ne parle pas de tout.

Elle ne parle pas de ce que le Gouvernement a réalisé en quinze mois. Sans en dresser un bilan exhaustif, je rappelle qu'il a engagé le processus de rééquilibrage des aides à l'agriculture entre les régions, en négociant un plan pluriannuel de modification de la « régionalisation


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des aides » aux grandes cultures, dans le sens d'une plus grande équité. Il a créé une agence de sécurité sanitaire des aliments qui contribuera à répondre aux inquiétudes de nos concitoyens sur la qualité sanitaire de leur alimentation. Il s'est appliqué à respecter les principes de reconnaissance du pluralisme syndical, qui doivent être encore mieux garantis par notre droit et mis en oeuvre dans toutes nos institutions. Il a engagé avec vous un travail législatif qui aboutira prochainement en vue de répondre aux problèmes nouveaux apparus dans les relations entre l'homme et les animaux de compagnie.

Ce projet de loi ne traite pas de l'avenir de notre forêt.

J'ai choisi de traiter cette grande question pour ellemême. D'une part, parce que les interlocuteurs et les partenaires ne sont pas les mêmes que ceux du monde agricole, et que cela suppose d'autres modes de concertation.

Et, d'autre part, parce que l'Union européenne n'est pas dotée d'une politique forestière, ce qui conduit à un exercice différent. Enfin, parce que la loi forestière devra mettre à jour une grande partie du code forestier, ce qui est éloigné des sujets traités par la loi d'orientation.

Mais, soyez rassurés, le sujet n'est pas en panne. Votre collègue Jean-Louis Bianco, à qui le Premier ministre avait confié le soin d'éclairer les choix du Gouvernement en la matière, a remis un rapport d'une grande richesse de propositions. Le Gouvernement s'appuiera sur ce travail pour vous proposer un projet de loi forestière en 1999.

Ce projet ne parle pas non plus de fiscalité. Ce sujet n'est pas délaissé pour autant.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Christian Jacob.

Nous aurons encore un rapport !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

J'ai engagé une concertation approfondie avec les organisat ions professionnelles au sein du Conseil supérieur d'orientation agricole pour parvenir à un projet d'ensemble. Ce projet devra s'inspirer du respect du principe de parité entre les différents secteurs économiques dans le domaine de la fiscalité.

Les propositions présentées par les uns et par les autres ne permettent pas de considérer à ce jour que je suis en présence d'un tel projet.

Je ne saurais passer sous silence la grande question de la malnutrition et les criantes inégalités dans l'accès à l'alimentation sur notre planète à la fin de ce siècle. J'ai la conviction que tous les peuples ne se développeront et que la paix ne se construira que si toutes les nations parviennent à développer leurs capacités à assurer, au moins en partie, leur couverture alimentaire. C'est pourquoi je combats l'idée selon laquelle il reviendrait à quelques p uissances d'assurer l'alimentation de l'ensemble de l'humanité. Pas plus que nous n'acceptons que les EtatsUnis imposent au monde leur modèle alimentaire, nous n'acceptons que la politique européenne ait pour fin de faire de l'alimentation une arme. Ce n'est pas ma conception du métier d'agriculteur et de sa dignité. Ce n'est pas non plus ma conception de la construction européenne.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Cette loi d'orientation a été voulue par tous. J'ai conduit une large concertation depuis mon arrivée et c'est dans cet esprit de dialogue que je m'adresse à vous aujourd'hui. Je sais, car j'ai pu le mesurer, que votre rapporteur, M. François Patriat, et les membres de la commission de la production et des échanges ont réalisé un travail d'enrichissement sérieux et approfondi durant plusieurs semaines,...

M. Germain Gengenwin.

Grâce à l'opposition !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... en concertation avec les secteurs professionnels intéressés.

C'est là un exemple de travail parlementaire qu'il nous faut saluer et qui augure bien de nos échanges au cours des prochains jours.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Le Conseil économique et social a, lui aussi, apporté une solide contribution, synthétisée et présentée avec force par Mme Lambert.

Les agriculteurs sont maintenant impatients de voir cette loi aboutir, de la voir mise en oeuvre dans notre pays. Je vous invite à répondre à cette attente, qui est aussi celle de l'ensemble de nos concitoyens, et plus largement, ne vous y trompez pas, celle de nos partenaires européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la production et des échanges.

M. François Patriat, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, permettez-moi, en introduction, de faire trois citations, pour essayer de voir si elles sont en cohérence avec les objectifs définis par le ministre et avec les missions imparties à l'agriculture.

Le leader d'une grande organisation syndicale disait, au mois de mai dernier, dans une interview : « Affirmer l'agriculture comme pilier du développement rural et c omme socle de l'aménagement du territoire, voilà aujourd'hui notre proposition première. »

L a multifonctionnalité, tant de fois revendiquée, aujourd'hui acceptée dans un texte de loi, n'est-elle pas une réponse aux propos de ce responsable agricole ? J'emprunte la deuxième citation à l'ancienne présidente du CNJA, qui disait au mois de mars : « Un désert bien cultivé perd son âme et est un vrai échec social. » Le

contrôle des structures, la politique d'installation et le fait de chercher à avoir demain des voisins plutôt que des hectares ne sont-ils pas traduits dans la loi ?

M. Yann Galut.

Très bien !

M. François Patriat, rapporteur.

Un autre syndicat agricole a pris pour slogan et pour mot d'ordre : « Produire, employer, préserver ». N'est-ce pas le fondement du texte de loi que la commission de la production a examiné ?

M. Marcel Rogemont.

Très bien ! Il fallait le rappeler !

M. François Patriat, rapporteur.

Redonner un sens à l'agriculture en tempérant le productivisme, créer un secteur économique riche en hommes, produire des biens de qualité, protéger et valoriser notre espace, tels sont les défis qu'il nous faut relever à l'aube de négociations européennes et mondiales importantes qui marqueront le début du prochain millénaire.

Monsieur le ministre, nous n'ignorons pas la mondialisation, ni la logique de développement dynamique. Mais nous pensons que l'identité agricole française est spécifique et que son avenir est ancré dans le territoire.

Aujourd'hui, l'enjeu est la pérennisation de tous les bas-


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sins de production, dans une dynamique de développement, dans un contexte de mondialisation des échanges et d'expansion des marchés.

Les agriculteurs doutent de leur avenir et de leur fonction. Ils sont inquiets face aux prochaines négociations.

Cela dit, le débat qui nous réunit ne peut se réduire à un colloque singulier entre le Gouvernement et les agriculteurs : il concerne le Gouvernement, les administrations et la nation tout entière.

Au cours des quarante dernières années, la politique agricole a connu trois orientations distinctes.

D'abord, dans les années 1960-1982, le revenu a été fondé sur le produit. En maintenant artificiellement des prix élevés, les responsables de l'époque ont pensé - à juste titre d'ailleurs - pouvoir résoudre le problème de l'autosuffisance alimentaire et défendre le revenu agricole.

Mais les années 80 sont ensuite venues démontrer qu'une politique des prix élevés sans maîtrise de production conduisait à l'impasse : toujours plus de travail, toujours plus de charges, toujours plus de produits ! Jusqu'au jour où, les produits ne se vendant plus, les ciseaux se sont refermés et l'échec a été avéré.

Disant cela, je me tourne vers ceux qui contestaient alors la mise en place de quotas, la maîtrise des productions et les prix différenciés, et qui nous disent aujourd'hui qu'il faudrait peut-être y repenser. (« Bien dit ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Marcel Rogemont.

Voilà un bon rappel historique !

M. François Patriat, rapporteur.

C'était la période 19821992, qui a conduit à une nouvelle définition du revenu, basé non plus sur les produits, mais sur les hectares et les droits à produire, ce qui aboutit à maintenir aveuglément les produits. Aujourd'hui, monsieur le ministre, vous proposez des mesures ciblées, sur tout le territoire, tendant à défendre le revenu agricole.

Mme Béatrice Marre.

Très bien !

M. François Patriat, rapporteur.

Le dispositif de cette période a fait la preuve de son échec. Une nouvelle période va s'ouvrir, où le revenu ne sera plus basé sur les hectares ou sur les produits : il bénéficiera directement de l'aide aux agriculteurs.

Chacun des Etats du monde soutient son agriculture.

Et notre propos est bien d'affirmer que le soutien public à l'agriculture est légitime. Mais celui-ci ne saurait être aveugle, inégal ou injuste. Voilà pourquoi le texte dont nous discutons est dense, équilibré, cohérent, et qu'il ouvre des perspectives nouvelles aux agriculteurs, en reconnaissant leur rôle social dans le développement rural et la protection de l'environnement.

Il n'est pas question de tirer un trait sur l'activité de producteur des agriculteurs, mais leurs autres missions doivent être mieux reconnues : il est temps que les agriculteurs tirent un revenu des fonctions, conscientes ou inconscientes, qu'ils effectuent et pour lesquelles ils ne recevaient pas de rémunération.

La vision d'une agriculture duale doit être écartée. Il nous faut, pour demain, une seule et même agriculture riche en emplois, respectueuse des ressources naturelles et dotée de qualités.

M. Christian Jacob.

C'est ça ! On va créer des emplois avec 20 000 francs par an !

M. François Patriat, rapporteur.

Le projet de loi est-il cohérent ? J'ai beaucoup entendu parler d'incohérence.

(« Oui ! Oui ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Si, messieurs, vous m'avez bien écouté depuis le début de mon intervention,...

M. Jean Auclair.

On vous a écouté ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

Oui, vous avez été sages !

M. François Patriat, rapporteur.

Tout au long des travaux de la commission, j'ai tenté, avec la majorité, de vous écouter à chaque instant.

M. Jean Auclair.

C'est normal !

M. François Patriat, rapporteur.

Rares sont les textes de loi qui émanent de la majorité et qui font l'objet d'amendements dont le tiers, issu de l'opposition, a été discuté et accepté.

M. Jean Auclair.

Heureusement qu'on était là !

M. Marcel Rogemont.

Pour un tiers ! Les deux autres tiers, c'est nous !

M. François Patriat, rapporteur.

A travers toutes nos discussions, nous avons tenté d'enrichir le texte, dans un climat apaisé. Essayons de maintenir ce climat jusqu'au bout du présent débat.

S'agissant de la cohérence, M. le ministre a déjà répondu. Où serait la cohérence si le texte avalisait par avance les propositions du paquet Santer ? On nous dit qu'il n'est pas cohérent avec le paquet Santer. Mais, s'il l'était, que de récriminations n'aurionsnous pas entendues ? Elles auraient d'ailleurs été légitimes dans la mesure où nous affirmons, avec vous, que le paquet Santer n'est pas acceptable en l'état, que les baisses de prix sont injustifiées et que les mécanismes d'intervention ne doivent pas être supprimés.

Dans le même temps, la France se doit de dire haut et fort quelle agriculture elle veut pour demain, avec quels hommes, sur quel territoire et pour quels produits. Mais c'est avant la négociation qu'il fallait le faire ! Le projet de loi d'orientation arrive à temps et pose le problème tel que, vous comme nous, le percevons.

Ce texte est d'autre part cohérent avec le territoire. La France est diverse ; elle est composée de pays d'alluvions, de pays de montagne, qui sont difficiles et qui sont d'ailleurs cités - je réponds là par avance à M. Ollier...

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Christian Jacob.

Concrètement, monsieur le rapporteur, qu'y a-t-il dans le texte ?

M. François Patriat, rapporteur.

J'y viens !

M. Thierry Mariani.

Il n'y a que de la poésie !

M. Marcel Rogemont.

Monsieur Jacob, s'il n'y a rien dans le projet de loi, pourquoi vous y opposez-vous ?

M. Jean Auclair.

C'est la montagne qui va accoucher d'une souris !

M. François Patriat, rapporteur.

Concrètement, monsieur Jacob, nous disposons de huit jours pour discuter du texte, article par article.

M. Marcel Rogemont.

Exactement !

M. François Patriat, rapporteur.

Et je sais que, sur chacun d'eux, vous ferez des propositions.

Le projet de loi est cohérent avec notre logique d'installation des hommes, d'occupation du territoire, de maintien du revenu à travers la diversité.


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Plusieurs députés du groupe socialiste.

Exactement !

M. François Patriat, rapporteur.

Oui, ce texte est cohérent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Thierry Mariani.

Tout cela est bien joli !

M. François Patriat, rapporteur.

Les trois critères qui doivent nous guider sont ceux de l'efficacité, de la légitimité et de l'équité.

L'efficacité économique, d'abord.

Bien sûr, les agriculteurs doivent produire ! Bien sûr, l'agriculture doit créer des emplois ! Bien sûr, les produits qu'elle fournit doivent être de qualité, alimentaires ou non alimentaires transformables, par lesquels on peut dégager une la valeur ajoutée et créer, par là même, des emplois.

Mais le texte de loi concerne aussi, grâce à son volet social, les oubliés de l'agriculture, qu'il s'agisse des employés de l'agriculture stricto sensu , dont le nombre est aujourd'hui en nette diminution, ou des employés en amont et en aval.

Oui, l'efficacité économique est au rendez-vous ! La légitimité, ensuite.

Cette légitimité est posée réellement par le projet de loi lui-même. Je me souviens d'un grand leader syndical, M. Teyssedou, qui avait, lors d'un colloque qui s'était tenu à Dijon il y a trois ans, déclaré que l'on ne pourrait pas longtemps continuer dans la même voie et qu'il faudrait bien un jour que les financements publics agricoles reposent sur des bases légitimes que la société - les contribuables - accepterait.

La légitimité des soutiens publics ne repose plus sur des taux historiques. Certes, il a fallu soutenir le revenu de ceux qui avaient investi, modernisé, accru. Mais cette légitimité repose aujourd'hui sur la diversité des fonctions que remplit l'agriculture. On comprend donc pourquoi la légitimité est un critère essentiel.

L'équité, enfin.

D'abord, la plus-value doit aller plutôt vers l'agriculteur. Il faut donc déplacer un peu le curseur vers l'amont. Cela ne s'impose-t-il pas quand on sait quelle est la part que touche un producteur pour un produit fini, qu'il s'agisse du tabac, du cassis ou du pain ? Pour répondre à un souci d'équité, nous proposons un mécanisme qui tend, monsieur Jacob, à déplacer le curseur ainsi que je viens de le dire...

M. Christian Jacob.

Dans le texte, il n'y a rien à ce sujet !

M. François Patriat, rapporteur.

C'est vrai, et les accords de crise apportent à cet égard une réponse.

Ensuite, l'équité doit être territoriale. Chacun sait de quoi l'on parle quand on parle de la France coupée en trois, où 80 % des aides vont à 20 % des agriculteurs.

M. Marcel Rogemont.

Exact !

M. François Patriat, rapporteur.

Ceux qui, aujourd'hui, créent des emplois ne touchent pas de financements européens !

M. Yann Galut.

C'est la réalité !

M. Christiant Jacob.

Quel est le rapport avec le projet de loi d'orientation ?

M. François Patriat, rapporteur.

Quand vous êtes agriculteur dans le Vaucluse ou dans la Drôme et que vous créez des emplois, vous ne recevez pas de financement européen !

M. Christian Jacob.

Vous savez très bien où vous trouvez le financement de votre loi d'orientation : dans les fonds d'aide à l'installation, dans les FGER et les OGAF !

M. le président.

Monsieur Jacob, je vous trouve ce matin bien dissipé et bien impatient ! Les débats vont être longs et vous aurez bien des occasions de vous expliquer. Je vous en prie, laissez poursuivre le rapporteur.

M. Marcel Rogemont.

D'autant que c'est un très bon rapporteur !

M. Jean Auclair.

Il fait de la provocation !

M. François Patriat, rapporteur.

Efficacité, légitimité, équité : vous aurez compris qu'il importe que, par le découplage et la subsidiarité, une part des financements publics français et européens aille vers ceux qui occupent réellement le territoire, qui créent réellement des emplois sur ce territoire et que le financement public légitime - je ne dirai pas : la manne - soit un peu mieux réparti.

Monsieur Auclair, vous qui défendez une zone d'élevage, vous devez savoir de quoi je parle.

M. Michel Vergnier.

Il sera sans doute d'accord !

M. Jean Auclair.

Vous rêvez !

M. François Patriat, rapporteur.

J'en viens aux outils.

Le CTE, le contrat territorial d'exploitation, est-il un outil efficace ? Je pense qu'il rencontrera un vrai succès car, après avoir, cet été, visité plus de vingt départements et rencontré de nombreux agriculteurs,...

M. André Angot.

Mais que voilà un futur ministre ! (Sourires.)

M. François Patriat, rapporteur.

... j'ai pu constater que la demande de contractualisation était réelle.

Il ne s'agit pas d'une bureaucratisation, voire, comme je l'ai entendu, d'une soviétisation. Qu'est-ce qu'il y a de plus juste, de plus efficace qu'un contrat passé entre le financeur public et l'agriculteur, énonçant des objectifs précis, prenant en compte les intérêts de la société, tendant au développement du revenu agricole et préservant, surtout, la qualité des produits ? Il ne s'agit pas d'une suradministration : il s'agit de définir ensemble des objectifs adaptés au territoire, dans le cadre des pays, sur des périmètres pertinents, afin de reconquérir des productions disparues, de trouver des productions nouvelles, de répondre à la demande du marché, d'essayer d'avoir une vraie pensée, non pas une pensée unique et inique, mais une pensée diversifiée, adaptée, qui donne un revenu.

M. Jean Auclair.

Le Père Noël ne passe que le 25 décembre !

M. François Patriat, rapporteur.

Oui, le CTE est un succès dans la mesure où soixante-seize départements ont été demandeurs. Les agriculteurs de Côte-d'Or et des Hautes-Pyrénées,...

M. Michel Vergnier.

De la Creuse !

M. François Patriat, rapporteur.

... mais aussi ceux de Bretagne, du Doubs et d'ailleurs travaillent actuellement sur la CTE et entendent en faire un outil économique capable de dégager une plus-value.

M. Germain Gengenwin.

Cela a déjà été dit !

M. François Patriat, rapporteur.

J'en arrive au contrôle des structures.

Il importe de mettre fin au délit d'initié. Une transparence réelle, une réelle publicité doivent permettre aux unités viables d'être pérennisées.


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M. Marcel Rogemont.

Exactement !

M. François Patriat, rapporteur.

Chers collègues, audelà de l'amitié que nous pouvons mutuellement nous porter, il existe entre nous un problème : la compétitivité.

Si, pour vous, la compétitivité consiste à augmenter en permanence le nombre des exploitations, à moderniser à l'extrême, à voir disparaître les hommes et, au travers de cette logique-là, d'avoir demain 200 000 agriculteurs en France, ce n'est certes pas cette compétitivité-là que nous défendons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Joseph Parrenin.

La droite fossoyeur de l'agriculture !

M. Marcel Rogemont.

Nous, nous parlons des hommes, pas des entreprises !

M. François Patriat, rapporteur.

La compétitivité que nous défendons ...

M. Christian Jacob.

Comme disait Talleyrand, tout ce qui est excessif est insignifiant !

M. François Patriat, rapporteur.

Il me semble, monsieur Jacob, que vous avez bien retenu la leçon car j'ai repris cette citation très connue sur une chaîne de télévision il y a quelques jours ! La compétitivité telle que nous l'entendons veut que l'agriculture soit ancrée au territoire, qu'elle garde des actifs dans les zones de montagne, dans les zones de piémont, dans les zones difficiles. Elle suppose que les unités viables soient pérennisées...

M. Aloyse Warhouver.

Très bien !

M. François Patriat, rapporteur.

... et que l'on ne coure pas toujours après les hectares, mais qu'au contraire on essaie de valoriser les produits.

C'est cela, pour nous, la compétitivité. Ce n'est pas cette logique néo-libérale qui consiste à voir s'agrandir à l'extrême les exploitations pour voir disparaître les hommes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Marcel Rogemont.

Bravo ! Voilà ce qu'il faut dire !

M. Jean Auclair.

Tout ça, c'est du rêve !

M. François Patriat, rapporteur.

L'un des volets très importants du texte est, à côté de ceux des hommes, des emplois et de la formation, celui de la qualité.

Le député de la Bourgogne que je suis, forcément momentanément (Sourires),...

M. Patrick Ollier.

Vous allez entrer au Gouvernement ?

M. François Patriat, rapporteur.

... sait ce que veut dire le mot « qualité ».

Si j'ai dit « forcément momentanément », c'est parce que j'ai appris ce qu'était en politique la jachère ! (Sourires.)

M. Patrick Ollier.

Vous n'êtes pas très optimiste !

M. François Patriat, rapporteur.

Je reste modéré. Je suis même parfois humble ! (Sourires.)

M. Marcel Rogemont.

Un peu d'humour ne nuit pas, messieurs de l'opposition !

M. François Patriat, rapporteur.

C'est sur le volet de la qualité que reposera la plus-value. C'est de la qualité que les agriculteurs tireront demain leurs revenus.

M. Michel Vergnier.

Vous avez raison !

M. François Patriat, rapporteur.

Je suis élu de la Côted'Or, avec d'autres. Le produit le plus connu de Côted'Or est le vin. Mais le produit agro-alimentaire transformé le plus connu dans les pays anglo-saxons est la moutarde de Dijon. D'ailleurs, dans ces pays, on ne dit pas « moutarde », mais « Dijon ». Figurez-vous que, sur les plateaux calcaires de Côte-d'Or, là où mon père en cultivait et où j'en ai moi-même cultivé, il n'y a plus un hectare de moutarde ! Un CTE intelligent, un CTE collectif pourrait viser à replanter de la moutarde - elle vient aujourd'hui du Canada - en Bourgogne sur 5 000 ou 15 000 hectares.

On pourrait ainsi créer une moutarde AOC dont la plusvalue irait aux producteurs. En effet, 15 000 hectares, c'est combien d'agriculteurs à installer, c'est combien de plus-value retrouvée, c'est combien de produits refaits ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Marcel Rogemont.

Très bon exemple !

M. Christian Jacob.

Cela ne peut se faire grâce au

CTE ! Cela dépend de l'orientation de la filière !

M. Patrick Ollier.

Faites ce qu'il faut pour faire fonctionner la filière !

M. François Patriat, rapporteur.

J'aurais pu vous faire la même démonstration en prenant l'exemple du cassis.

M. Patrick Ollier.

Nous sommes d'accord sur le fond, mais sans le CTE ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jacques Fleury.

Sans le CTE, on a vu ce que ça a donné !

M. François Patriat, rapporteur.

Sans le CTE, on devrait demander aux agriculteurs de produire mieux et moins, mais sans ressources supplémentaires ! Bravo ! Quelle manière de défendre le revenu agricole !

M. André Angot.

Le Canada va trembler !

M. Jean Auclair.

Votre financement n'est qu'une peau de chagrin !

M. François Patriat, rapporteur.

Parfois, monsieur Auclair, je me demande si ce n'est pas vous qui êtes une peau de chagrin. Mais qu'importe ! (Sourires.)

M. Joseph Parrenin.

Ollier veut supprimer l'aide à l'agriculture !

M. François Patriat, rapporteur.

Pour vous répondre sur le fond, monsieur Auclair, car il est vrai que nous avons eu de bons débats entre nous, je vous dirai qu'il ne peut y avoir de CTE individuel qui puisse fonctionner demain : une démarche collective est nécessaire.

Ce que j'ai dit pour la moutarde vaut pour les produits de montagne...

M. Patrick Ollier.

Parlons-en, de la montagne ! Vous avez refusé tous les amendements la concernant !

M. François Patriat, rapporteur.

... et pour les territoires tels que le plateau de Millevaches ou d'autres de l'Aveyron ou d'ailleurs.

On ne pourra avoir demain quatre-vingt-dix directions départementales de l'agriculture face à 500 000 agriculteurs. Il ne pourra y avoir de CTE viables qui ne s'inscrivent dans une démarche collective.

M. Yves Bur.

Vous pouvez nous dire ce que vous voulez, mais c'est d'une agriculture administrée que vous nous parlez !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

M. François Patriat, rapporteur.

Monsieur le ministre, la commission de la production et des échanges a pris en considération la demande de réévaluation des retraites.

Par les amendements que nous avons déposés et qui ont été acceptés, cette demande sera prise en compte.

Nous avons redéfini les règles de la représentativité des organisations agricoles, pour plus de justice.

Nous avons ajouté un objectif d'emploi au CTE.

Nous avons écarté l'ambiguïté qu'avait fait naître le texte chez les artisans et les commerçants. J'ai le sentiment qu'on avait confondu multifonctionnalité et pluriactivité. Il n'est pas question, demain, de faire des agriculteurs des maçons, des plombiers ou des jardiniers, mais de faire en sorte que soit reconnue leur fonction sur le territoire. Les engagements pris par le ministre, au terme d'une grande concertation, ont mis les choses au clair et permis d'apaiser les inquiétudes.

Cela dit, monsieur le ministre, la loi eût été complète si l'on avait pu y trouver un volet fiscal.

Nous avons redéfini l'exploitant, l'exploitation et le

« caractère accessoire » d'une activité en précisant bien qu'un agriculteur ne peut avoir une activité que dans le prolongement de son exploitation. Mais pour que tout cela puisse tenir la route, il faudra non pas procéder à la grande réforme fiscale que chacun souhaite, car elle ne verra pas le jour comme cela, mais prévoir des mesures fiscales permettant de définir le revenu réel d'exploitation, le revenu disponible, le revenu comptable, le bénéfice, le revenu du capital et le revenu du travail. Il faudra en outre prévoir de nouvelles possibilités de transmission.

Demain, il nous faudra une fiscalité intelligente, adaptée, donnant des bases claires pour le calcul des cotisations sociales. Tel sera le prolongement nécessaire, dans l'année qui vient, je l'espère, au texte de loi qui nous est soumis.

M. Christian Jacob.

Pourquoi tout cela n'y figure-t-il pas ?

M. Patrick Ollier.

Il aurait été préférable que tout cela y soit !

M. François Patriat, rapporteur.

Monsieur le ministre, je voudrais, avant de vous remercier, vous, vos collaborateurs et l'inspection générale, avant de remercier la commission et tous les administrateurs qui ont travaillé pendant l'été et tout le mois de septembre pour aboutir à un texte équilibré, dire en conclusion que l'agriculture n'est ni un enjeu de pouvoir politique ni un secteur de reconquête du pouvoir : l'agriculture est un enjeu de société.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Joseph Parrenin.

Bravo !

M. François Patriat, rapporteur.

Chacun, dans cette assemblée, devrait comprendre que nous ne pouvons pas nous opposer perpétuellement en nous jetant au visage des anathèmes, mais qu'au contraire, à travers ce texte, nous avons trouvé des moyens équilibrés de reconnaître au monde agricole sa place dans la société, et aux agriculteurs, comme aux autres, le droit à un revenu, à une vie décente, à une vie sociale, à une égalité sociale et ter ritoriale.

Monsieur le ministre, je crois que le texte dont nous discutons nous en donne les moyens. Aucun texte n'est parfait. Celui-ci, qui constitue une vraie loi d'orientation, m arque des avancées notoires. Les membres de la commission de la production et des échanges ont essayé, tous ensemble, de le faire aller plus loin. Et c'est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande, au nom de la commission, de l'approuver.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Conformément à l'article 69 de la Constitution, le Conseil économique et social a désigné Mme Christiane Lambert, rapporteur de la section de l'agriculture et de l'alimentation, pour exposer devant l'Assemblée l'avis du Conseil sur le projet de loi d'orientation agricole.

Messieurs les huissiers, veuillez conduire Mme le rapporteur du Conseil économique et social à la tribune.

(Mme le rapporteur du Conseil économique et social est conduite à la tribune avec le cérémonial d'usage.)

M. le président.

La parole est à Mme le rapporteur du Conseil économique et social. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Mme Christiane Lambert, rapporteur du Conseil économique et social.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les députés, je vous remercie de me donner la parole pour présenter l'avis du Conseil économique et social sur le projet de loi d'orientation agricole, avant que ne s'ouvre votre débat général.

Le Conseil économique et social a effectué un travail approfondi d'analyse de ce texte. L'ensemble des corps socioprofessionnels ont participé à ce travail et l'ont adopté à une très importante majorité. Les agriculteurs présents au Conseil ont approuvé à l'unanimité l'avis que j'ai porté en leur nom.

Vous avouerai-je mon émotion en présentant cet avis, qui constitue le message qu'un corps socioprofessionnel adresse par ma voix à son législateur, car en même temps qu'une militante syndicale qui a longtemps porté l'étendard des jeunes agriculteurs, je suis une agricultrice passionnée par son métier.

L'histoire des politiques agricoles révèle que, de tous temps, l'intervention de l'Etat en lien avec la profession visait un double objectif : adapter l'agriculture aux évolutions de l'économie, d'une part, et aux mutations de la société, d'autre part.

Il s'agissait d'abord de nourrir les hommes tout en structurant le développement des exploitations agricoles et des filières par la formation, la vulgarisation, la forte organisation économique, la promotion et l'exportation.

Puis, les objectifs ont évolué vers un accompagnement plus ciblé selon la diversité des territoires, l'attente de productions plus qualitatives, la préoccupation environnementale et les évolutions démographiques. Au fil des années, l'Etat s'est ainsi attaché à assurer la cohérence entre aspiration au changement et gestion des changements.

Le Conseil économique et social affirme qu'une loi d'orientation agricole doit marquer une réelle offre d'ouverture de l'agriculture sur la société, comme l'ont constitué en leur temps les lois de 1960 et 1962. L'intérêt croissant porté à l'alimentation, aux conditions de production, à la santé, à l'espace, à l'emploi, à la vitalité des zones rurales, à la gestion des ressources naturelles révèle l'attachement culturel de nos concitoyens à un modèle de développement efficace et équilibré.

Ces éléments sont autant de défis nouveaux pour l'agriculture, qu'elle doit intégrer dans sa nouvelle performance globale, performance qui sera désormais tout à la fois économique, territoriale, sociale et environnementale.

Nous nous sommes attachés, dans cet avis, à constater la réalité d'aujourd'hui et à définir les tendances lourdes du contexte dans lequel évoluera demain l'agriculture.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

Nous ne pouvons en effet ignorer des enjeux plus larges, qui semblent lointains mais qui ont pourtant une incidence directe sur l'ensemble des acteurs économiques. Je veux parler des évolutions qui se dessinent au niveau mondial, avec une économie de plus en plus ouverte, une forte expansion de la demande alimentaire mondiale, une libéralisation des échanges dont l'agriculture ne peut plus s'abstraire depuis les accords de Marrakech.

Des distorsions subsistent cependant aux niveaux social et environnemental, faussant la loyauté des échanges, sans parler du dumping économique pratiqué par certains pays en totale contradiction avec les exigences libérales qu'ils imposent aux autres Etats.

M. Jacques Fleury.

Très juste !

Mme Christiane Lambert, rapporteur du conseil économique et social.

Il s'agit également de la réforme des politiques européennes agricole, rurale et sociostructurelle dans le cadre de l'Agenda 2000 qui prépare en particulier l'élargissement de l'Union aux pays d'Europe centrale et orientale.

Les premières propositions de la Commission montrent l'inadéquation manifeste des solutions proposées face aux problèmes pourtant lucidement analysés.

M. Joseph Parrenin.

Très juste !

Mme Christiane Lambert, rapporteur du Conseil économique et social.

La volonté d'alignement sur des prix mondiaux très théoriques et le renforcement du soutien aux facteurs de production conduisent à une concentration des structures et à une simplification des systèmes de production vers des produits standards. L'agriculture se trouve fragilisée et appauvrie ; l'installation de nouveaux exploitants devient encore plus difficile. C'est la poursuite de la logique néfaste engagée depuis 1992.

Le récent retournement des marchés confirme pourtant la permanence des risques de crise et la nécessité du maintien de mécanismes de régulation au sein d'organisations communes de marché renforcées et modernisées.

Enfin, au niveau national, si notre agriculture est confortée par les succès économiques de nos exportations et de nos industries agro-alimentaires, elle souffre d'une baisse extrêmement importante du nombre de ses actifs qui conduit à une forte dévitalisation de zones rurales entières.

Le retournement démographique actuel, caractérisé par un faible nombre de départs en retraite, ne permet plus de compter sur des restructurations importantes pour améliorer le revenu individuel des agriculteurs. Il devient alors plus que jamais impératif de trouver de nouvelles voies de création de richesses.

Dans ce contexte, face à la suprématie de la standardisation prônée par certains pays, l'agriculture française se doit de conserver les valeurs qu'elle porte au bénéfice de la société tout entière, dans l'équilibre entre respect de la responsabilité humaine, vocation productive et exportatrice et culture de la solidarité entre les territoires.

Ce choix doit servir de référence dans la perspective des prochaines échéances européennes et internationales.

Il faut affirmer que l'agriculture, par son activité de production, crée des richesses pour des marchés tant nationaux, européens que mondiaux, mais aussi fournit des emplois et des biens immatériels pour la société. Elle joue également, et de façon indissociable, un rôle dans l'occupation et l'aménagement du territoire, l'emploi et l'animation du milieu rural, la préservation des ressources naturelles et des paysages.

Selon l'adage « Vouloir c'est commencer », le Conseil économique et social affiche d'emblée une vision volontariste, car il ne faut pas laisser à d'autres pays ou d'autres instances la responsabilité de la décision. Il faut analyser les défis pour les relever et non pour s'en protéger.

Le projet de loi d'orientation agricole arrive donc à un moment stratégique des calendriers tant national qu'européen et mondial. Nous sommes à un carrefour de l'histoire où notre société doit choisir entre des lendemains ouverts et un destin plus résigné.

Construire une loi d'orientation capable de répondre à ces enjeux nouveaux, c'est proposer un cadre fiable et souple pour garantir une régulation des marchés appuyée sur la discipline des professionnels, pour conquérir des marchés plus segmentés et plus complexes. C'est mettre en place des mesures novatrices pour favoriser l'initiative économique des acteurs de l'agriculture, en complémentarité avec les autres acteurs économiques. C'est ce choix qui doit inciter la loi d'orientation à proposer un cadre v isant à moderniser les modalités de l'intervention publique pour éviter tant les excès du libéralisme que les freins du dirigisme.

Le Président de la République a souhaité ce texte en mars 1996, en affichant une double ambition pour l'agriculture française dans le cadre d'un pacte renouvelé avec la nation : « Donner à l'agriculture une réelle compétitivité sur les marchés intérieur et extérieur, mais également réussir le renouvellement des générations pour qu'elle puisse continuer à remplir ses missions de création de richesses et d'emplois, de valorisation des territoires et de contribution au rayonnement de notre pays. »

Un premier projet conduit par le précédent gouvernement a permis de réaliser un travail important dont certains éléments ont été repris par le texte actuel. Ce dernier consacre le bien-fondé des objectifs fixés par le Président de la République au travers des quatre orientations principales que le ministre de l'agriculture a assignées à son texte et que le Conseil économique et social approuve.

Ainsi, le projet de loi cherche à pérenniser l'activité agricole en favorisant l'emploi salarié et l'installation des jeunes agriculteurs, pour atteindre les objectifs fixés par la Charte nationale de l'installation signée en 1995.

Il souhaite renforcer la présence de l'agriculture sur les marchés intérieur et extérieur en confortant la dimension qualitative de la production agricole.

Il veut valoriser la richesse et la diversité des potentiels territoriaux pour augmenter la valeur ajoutée globale du secteur agricole.

Il tente, enfin, d'apporter une réponse aux attentes qualitatives de la société, pour un développement durable de l'agriculture et pour une meilleure compréhension de l'intervention publique en sa faveur.

Pour le Conseil économique et social, ces axes visent plus largement à ancrer davantage l'économie agricole à la réalité territoriale. Ils constituent une réelle orientation pour le projet de loi, propre à accompagner l'agriculture de façon plus efficace, plus transparente et plus lisible.

Toutefois, cette réelle orientation ne doit pas exonérer les pouvoirs publics de leur devoir d'organisation et de régulation en amont de l'activité, car il est toujours plus efficace de réguler les marchés que de gérer les crises a posteriori.

Le projet de loi souffre de lacunes dans ce domaine.

L'inscription de la territorialité de l'agriculture comme orientation majeure contribue avant tout à assurer la reconnaissance de la multifonctionnalité de l'agriculture


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

en consacrant son rôle de gestion dynamique de l'espace et des ressources naturelles ainsi que sa contribution à la création d'emplois, qui découlent de sa fonction de production.

Promouvoir un développement économique ancré dans les atouts territoriaux permettra de préserver la diversité des régions pour mieux valoriser leurs productions et ainsi augmenter la valeur ajoutée globale de l'agriculture.

Cette orientation permettra de sortir de l'actuelle spirale de concentration et d'uniformisation de l'agriculture qui nuit à l'installation des jeunes agriculteurs et au maintien d'exploitations à taille humaine et à responsabilité personnelle.

Le Conseil économique et social pense que cette orientation favorisera la recherche de créneaux porteurs en liaison avec les partenaires économiques régionaux. Cette dimension qualitative des productions se retrouve en effet de plus en plus dans les stratégies des entreprises agroalimentaires valorisant les savoir-faire des régions françaises sur les marchés mondiaux, démontrant leurs capacités à s'affranchir des contraintes du commerce international et des contingents d'exportation sur les produits de base.

C'est en réalité par la différenciation progressive de ses productions, c'est-à-dire la mise en avant de la diversité et de la typicité de nos territoires, que la France pourra riposter à la logique de mondialisation, lutter contre la délocalisation des productions et maintenir l'emploi.

L'agriculture renforcera ainsi son rôle majeur d'acteur essentiel du monde rural. Ce sont les bases d'un contrat durable entre l'agriculture et la nation, clarifiant contribution et rôle respectifs, fondant la nouvelle légitimité de l'intervention et des soutiens publics.

La loi initie une nouvelle forme de soutiens qui tiennent compte de l'ensemble des fonctions de l'agriculture économique, sociale, territoriale et environnementale, pour favoriser une gestion plus contractuelle du développement agricole. C'est la proposition du contrat territorial d'exploitation.

Le Conseil économique et social salue cette initiative visant à prendre en considération des objectifs d'intérêt général et proposant une autre approche de l'intervention publique, qui devra impérativement rester complémentaire d'une véritable politique de gestion et de régulation des marchés.

Le Conseil souhaite que cette proposition favorise véritablement une nouvelle stratégie de développement des exploitations en soutenant les initiatives, les projets d'entreprise individuels et collectifs, de production de biens et de services mettant en valeur les atouts territoriaux et environnementaux. Il s'agit en fait de passer d'une logique de guichet à une logique de projets.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Voilà !

Mme Christiane Lambert, rapporteur du Conseil économique et social.

Il convient de se méfier toutefois des slogans comme des effets de balanciers. S'il s'agit bien d'une orientation donnée par la loi, le Conseil économique et social pense qu'elle doit s'appliquer progressivement pour s'enraciner efficacement.

Elle doit être suffisamment forte pour constituer une réelle inflexion mais fixer des objectifs accessibles au plus grand nombre d'agriculteurs. Il ne faut pas tomber dans la logique du « tout territoire », car l'agriculture ne pourra durablement valoriser l'espace rural que si elle est d'abord présente sur des marchés.

M. Patrick Ollier.

Tout à fait d'accord !

Mme Christiane Lambert, rapporteur du Conseil économique et social.

Les souhaits du Conseil économique et social semblent d'ailleurs avoir été entendus par votre commission de la production et des échanges, qui a formulé plusieurs amendements dans ce sens pour privilégier, dans le CTE, la vision d'un projet économique global intégrant les différentes fonctions de l'exploitant et cohérent avec les projets agricoles départementaux récemment mis en place.

L'intervention coordonnée des différents échelons, national, régional, départemental et local, devra permettre de concrétiser l'implication globale de tous les intervenants de la politique agricole. Cet effort commun doit se retrouver dans des contributions réellement conséquentes au financement des contrats. Les contributions nationales devront être plus ambitieuses que de simples rédéploiements. Elles pourront s'articuler par la suite avec les différents fonds européens : politique de marché, politique rurale, politique socio-structurelle.

Pour le Conseil économique et social, cette nouvelle approche pourrait permettre de trouver une cohérence au niveau européen tant pour harmoniser les pratiques des

Etats et éviter ainsi les risques de distorsion, que pour envisager une forme de modulation dynamique vers des soutiens plus découplés, compatibles avec les contraintes du commerce international.

Si l'ancrage territorial est une option jugée positive, il ne doit pas estomper la nécessité d'une régulation efficace de l'économie agricole permettant aux acteurs d'entreprendre, de conquérir des marchés, de les organiser, de gagner en compétitivité, d'encourager les investissements, de développer les relations au sein des filières, de la production à la distribution.

Sur ces différents points, le Conseil économique et social ne peut que déplorer les lacunes de nombreux sujet insuffisamment traités ou pas abordés par la loi. Cependant, votre commission de la production et des échanges a repris un certain nombre d'amendements dans lesquels le Conseil économique et social retrouve ses propositions et qui semblent pouvoir améliorer substantiellement le texte.

Concernant le statut des entreprises et des personnes, le texte de l'avant-projet souhaite modifier la définition de l'activité agricole, mais se limite à une rédaction régressive par rapport aux textes en vigueur qui ne clarifie pas l'état actuel du droit et risque par là-même de compliquer les relations entre les différents acteurs du milieu rural.

Il propose la mise en place effective du registre de l'agriculture, mais sans préciser la définition de l'exploitant agricole, ce qui risque de nuire à son efficacité. Les amendements proposés sur ce point devraient y remédier.

Le statut de conjoint collaborateur représente en revanche une adaptation positive, qui doit être impérativement complétée par des améliorations des retraites agricoles pour lesquelles le projet de budget pour 1999 ne constitue qu'un progrès inachevé.

M. Arnaud Lepercq.

Eh oui !

Mme Christiane Lambert, rapporteur du Conseil économique et social.

Répondant à une véritable attente des agriculteurs sur le terrain, la loi propose de doter d'une meilleure efficacité la politique des structures pour faciliter l'installation de nombreux jeunes et pour assurer l'orientation plus ciblée du foncier. Le Conseil juge cette orientation positive, mais pense qu'il serait également souhaitable d'accompagner cette politique par des élé-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

ments incitatifs pour faciliter la transmission des exploitations agricoles, donner un statut aux droits à produire, encourager le portage du foncier agricole et adapter le statut du fermage, notamment pour installer des jeunes en succession non familiale.

M. André Angot.

C'est cela qu'il aurait fallu faire !

Mme Christiane Lambert, rapporteur du Conseil économique et social.

Il est regrettable que le projet de loi élude le problème de la rénovation de la fiscalité agricole, qui serait pourtant nécessaire pour permettre à la fois la réactivité des entreprises et la gestion des risques : la mise en place d'une assurance récolte, telle qu'elle existe déjà dans d'autres pays, doit être accélérée.

L'avant-projet traite insuffisamment de l'organisation économique des producteurs. Leurs efforts d'organisation doivent être encouragés, en particulier par une adaptation des règles de concurrence complétant les possibilités de réaction des interprofessions ou des filières, notamment en cas de crise, jusqu'à la possibilité de fixation de prix de cession des matières premières.

La législation de l'intégration devrait être revue et complétée pour faire face à un phénomène qui s'étend dangereusement.

Les producteurs doivent pouvoir pérenniser leurs outils coopératifs par une défiscalisation de leurs investissements en aval. Ils doivent également avoir les moyens de communiquer efficacement, et c'est pour cela que le Conseil économique et social souhaite la création d'un fonds de communication.

La politique de qualité des produits doit être clairement distinguée des politiques de marques qui répondent à des préoccupations de marketing commercial.

Les objectifs du soutien public aux démarches de qualité doivent être triples : territorialiser la production ; augmenter sa valeur ajoutée au profit des producteurs ; faciliter l'information et la satisfaction des consommateurs.

Pour le Conseil économique et social, les outils proposées par la loi ne sont pas en adéquation avec ces objectifs.

Concernant le volet espace rural et environnement, il nous paraît évident que l'adaptation des méthodes de production à la protection de l'environnement et à la gestion durable de l'espace agricole peut être intelligemment prise en compte de façon incitative, dans le cadre des contrats territoriaux d'exploitation, pour concilier efficacité économique et occupation de l'espace.

Mais il convient aussi de maintenir des outils efficaces pour que la gestion de l'espace rural soit assurée en complémentarité par les agriculteurs et les autres acteurs du milieu rural. A ce titre, il est urgent que le fonds de gestion de l'espace rural soit doté d'une ressource propre et pérenne.

Des aménagements intéressants sont apportés par le projet de loi à l'exercice de l'emploi salarié - en particulier sur les conditions de travail. L'abaissement des charges des employeurs est aussi un facteur de maintien et de création d'emplois durables, permanents et saisonniers, qu'il conviendrait de favoriser.

Enfin, l'enseignement, la formation, la recherche et le développement devront, dans leurs objectifs et dans leurs moyens, accompagner les évolutions de l'agriculture de façon à mieux prendre en compte ses nouvelles missions et sa dimension plus qualitative.

En conclusion, mesdames et messieurs les députés, la loi d'orientation agricole représente un choix décisif pour notre pays, attendu avec espoir par les agriculteurs pour renforcer leurs liens avec l'ensemble de nos concitoyens.

La contribution du Conseil économique et social, avant que nous n'examiniez ce projet, est d'apporter des éléments constructifs pour conforter le dynamisme et la créativité des projets des agriculteurs, nombreux et performants, partenaires des autres acteurs des filières et du milieu rural. La rénovation des politiques publiques tend donc à favoriser leur place au sein de la société pour qu'ils soient, plus qu'hier, économiquement efficaces, socialement utiles et politiquement compris.

Ce modèle doit être source de modernité et de sécurité, d'équilibre et d'efficacité, afin de sceller durablement un nouveau contrat avec l'ensemble de la société.

Mais il ne faudrait pas que le modèle que nous dessinons pour notre pays soit contredit par les réformes que pourrait entreprendre l'Europe dans le cadre de la politique agricole commune. C'est pourquoi il est indispensable que vous légifériez maintenant sur ce texte afin qu'il constitue un signal fort adressé à nos partenaires européens : on peut réellement mettre en place en Europe une agriculture qui, tout en conservant une place éminente sur les marchés mondiaux, présente une grande utilité pour la société en contribuant aux causes d'intérêt génér al que sont l'emploi, l'occupation de l'espace et la protection de l'environnement. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Ce message arrive à un moment crucial où, malgré la création de l'euro et la volonté affichée de poursuivre l'intégration européenne, certains membres de l'Union s'interrogent sur les capacités d'une Europe, en panne d'idées, à orienter durablement nos économies sur la voie de la prospérité et remettent en question le principe de solidarité.

Il faudra que cette volonté soit portée par les pouvoirs publics et leurs administrations ainsi que par l'ensemble des organisations professionnelles agricoles pour conserver une cohérence entre la politique nationale et la politique européenne.

La France a l'occasion de prouver que l'agriculture, qui a été le moteur de la construction européenne, peut et doit le demeurer. Car elle est, sur notre continent, originale, dynamique, créatrice de richesses et d'emplois, ancrée dans notre histoire et notre culture commune et par là même facteur d'identité et de cohésion pour l'Europe. Ainsi, ce n'est pas seulement du blé qui lève de la terre qu'on laboure, c'est une civilisation tout entière.

Si les lois de 1960 et 1962 ont constitué la base du succès pour le développement de notre agriculture, c'ests urtout parce qu'au-delà des doutes du quotidien, l'ensemble des responsables politiques et organisations agricoles se les sont appropriées et se sont engagés sans réserve à les mettre en oeuvre.

Près de quarante ans plus tard, l'histoire se renouvelle.

Cette loi d'orientation connaîtra le même destin si, par vos amendements et votre engagement, vous montrez votre volonté à consolider notre agriculture, à confirmer la construction européenne, à renforcer le rayonnement de la France dans le monde et, par là même, à faire entrer de plain-pied les agriculteurs français dans le troisième millénaire.

(Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président.

Je remercie Mme le rapporteur du Conseil économique et social.

Messieurs les huissiers, reconduisez Mme le rapporteur du Conseil économique et social.

(Mme le rapporteur du Conseil économique et social est reconduite avec le cérémonial d'usage.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la production et des échanges.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi d'orientation agricole a fait l'objet d'un examen approfondi et détaillé par la commission de la production et des échanges. Dans l'esprit de concertation qui a présidé à l'élaboration de ce texte, la commission a tenu à auditionner l'ensemble des acteurs du secteur.

Ainsi, nous avons pu recueillir les avis et propositions de toutes les organisations syndicales d'exploitants et de salariés - sur un tel texte, c'était la première fois -, des représentants des chambres d'agriculture, du mouvement coopératif et mutualiste et des associations de consommateurs. Ces consultations ont, entre autres, montré que ce texte répond à une forte demande de clarification des objectifs de la politique agricole.

Cette attente est légitime. L'agriculture est aujourd'hui à la croisée des chemins. La société dans son ensemble s'interroge sur le type de développement agricole et rural souhaitable pour les années à venir. Dans ces conditions, il est de la responsabilité des pouvoirs publics de proposer une orientation qui dessine un choix de société. Le projet de loi que notre commission a approuvé, après l'avoir amendé, répond au souhait de rompre avec les politiques précédentes et les tendances encore perceptibles en agriculture.

Le monde rural a en effet besoin d'une loi volontariste - Mme Lambert a employé cette même expression tout à l'heure - pour modifier un état de fait. Ce qui est aujourd'hui à craindre, ce n'est pas un trop-plein d'interventionnisme mais, au contraire, un manque de volonté politique laissant les forces aveugles du marché construire l'agriculture du futur.

Les mutations qu'a connues l'agriculture ont entraîné une augmentation sans commune mesure de la production. Mais elles ont aussi généré des effets pervers contre lesquels il est urgent de lutter : concentration accélérée des exploitations agricoles...

M. Yann Galut.

En effet !

M. André Lajoinie, président de la commission.

... avec une tendance à la désertification rurale d'un côté et intensification excessive, génératrice de pollutions inacceptables, de l'autre.

M. Kofi Yamgnane.

Tout à fait !

M. André Lajoinie, président de la commission.

Les besoins alimentaires du pays pourraient aussi être mieux couverts dans leur diversité et leur qualité.

Nos exportations portent trop sur des productions de base et pas assez sur des produits plus élaborés et transformés.

La question de la finalité de l'activité agricole moderne se pose avec de plus en plus d'acuité. Sans pour autant pousser l'agriculture à renoncer à ses capacités productives et exportatrices de produits alimentaires et de matières premières pour l'industrie et l'énergie, ses performances doivent être envisagées aussi au regard des critères d'aménagement du territoire, d'emploi, de respect de l'environnement et d'amélioration de la qualité des produits.

Vous nous l'avez expliqué tout à l'heure, monsieur le ministre.

Ce sont là des exigences de plus en plus fortes de la population. Peut-on, en effet, accepter qu'une activité visant à valoriser la nature participe à la détérioration de la qualité de l'eau, des sols, des produits qu'elle génère et conduise enfin à une sous-occupation de l'espace ? Nous ne pouvons nous résigner à une intensification de la production nuisible à l'environnement et à l'emploi, à la concentration des exploitations, au dépeuplement des campagnes, aux inégalités excessives de revenus entre agriculteurs - ce que vous avez justement dénoncées, monsieur le ministre -, pas plus qu'à l'uniformisation des produits.

Cette perspective n'est pas fatale. Mais permettre le développement d'une production agricole ancrée dans les terroirs, soucieuse de la qualité du produit, respectueuse de l'environnement, maintenant l'emploi et un réseau dense d'exploitation à taille humaine, nécessite de fonder un nouveau type d'efficacité économique, sociale et environnementale.

Nos productions agricoles pourraient être mieux valorisées et ainsi commercialisées avec plus de valeur ajoutée.

Les dispositions visant à mieux assurer l'origine et la qualité des produits vont dans ce sens.

Sur un plan plus général, cette réorientation doit stimuler la vie rurale et transformer les relations villescampagnes. Cette dynamique alternative a besoin d'une loi ambitieuse pour s'opposer aux forces économiques et financières à l'oeuvre dans ce secteur.

En effet, l'agriculture européenne, engagée dans la guerre économique mondiale, se trouve inscrite dans une course à la baisse des prix à la production, destructrice des espaces et des emplois. La fuite en avant vers « toujours plus de compétitivité par les prix » a lieu au détriment des fonctions sociales et environnementales de l'agriculture. Elle pousse à une intensification des cultures, éliminant des petites et moyennes exploitations et dévitalisant les zones rurales. Elle favorise une production de type industriel qui s'inscrit moins dans les territoires et qui, en général, pollue l'environnement.

La prise en compte des missions de l'agriculture nécessite de contrebalancer le marché par une intervention publique forte pour combattre les effets dévastateurs du libéralisme. Relégitimer la politique agricole impose de corriger les tendances actuelles pour mieux répondre aux besoins de la société, qu'il s'agisse de l'emploi, de l'environnement, de la qualité alimentaire ou du développement équilibré du territoire.

A nouveaux objectifs, nouveaux outils. Jusqu'à maintenant, les aides publiques se concentraient sur les exploitations les plus engagées dans les conceptions productivistes. La reconnaissance et la valorisation des différents rôles de l'agriculteur appellent une rénovation de ces dispositifs. C'est l'objet principal des contrats territoriaux d'exploitation. Cette formule cherche à faire converger projet individuel et objectifs collectifs en rétribuant les fonctions du métier d'agriculteur que le marché ignore.

L'expérimentation de la mise en place des CTE, en cours de réalisation dans une majorité de départements, est une initiative positive, monsieur le ministre. Elle permet de tester les diverses solutions possibles. Sans permettre pour autant de porter aujourd'hui une appréciation définitive, elle soulève de nombreuses questions, notamment sur l'importance qu'il y aura à bien respecter l'esprit de la loi, sans laisser les groupes de pression imposer une orientation élitiste.

Cet élément central du projet de loi est très justement complété par un renforcement des dispositifs de contrôle des structures. Ces derniers visent à éviter les concentrations et à favoriser l'installation des jeunes, indispensable à la revitalisation des zones rurales. Contrairement à la philosophie du projet de loi initié par le précédent gouvernement, ce contrôle devra être beaucoup plus rigou-


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reux car les pesanteurs économiques continuent à pousser à la concentration et à défavoriser les exploitations familiales. Là aussi, la plus grande vigilance sera nécessaire.

Car nous assistons, vous le savez, monsieur le ministre, à un regain de tension sur le foncier avec des accaparements de terre scandaleux - notamment sous forme sociétale - qui ne peuvent que rendre plus difficile l'installation des jeunes agriculteurs, objectif proclamé de la loi d'orientation.

Une autre disposition de la loi d'orientation vise très légitimement une meilleure répartition de la valeur ajoutée produite par les agriculteurs, en renforçant le rôle des organismes professionnels pour faire contrepoids au secteur aval de la production.

C'est dans ce cadre renouvelé que l'installation des jeunes agriculteurs pourra assurer la relève des anciens.

Toutes les observations montrent que si le revenu espéré est décent pour les jeunes agriculteurs comme pour les salariés et si les mesures nécessaires sont prises pour assurer les moyens de produire, notamment par la réforme des structures, les vocations agricoles ne manquent pas.

Dans le même esprit, la garantie d'une retraite digne doit être apportée aux agriculteurs par la collectivité, ce qui n'est pas le cas actuellement. C'est pourquoi notre commission a adopté un amendement tendant à la revalorisation des retraites agricoles, notamment des plus faibles.

Je souhaite que dans les prochaines lois de finances, lesr etraites agricoles soient nettement augmentées. Il conviendrait de les porter au niveau des autres catégories sociales, au terme d'un échéancier précis, avec rattrapage immédiat dès 1999.

Par ailleurs, l'amélioration du statut des conjoints des chefs d'exploitation est une avancée attendue.

Votre volonté, monsieur le ministre, d'inciter à un développement durable de l'agriculture devrait favoriser u ne réorientation majeure de la politique agricole commune et, en tout cas, des projets conduisant à sa réforme.

Il est positif que la France se dote d'une nouvelle orientation agricole en prévision des futures réformes européennes et des nouvelles négociations de l'Organisation mondiale du commerce. Le « paquet Santer » soulève une forte opposition non seulement dans les campagnes françaises, mais aussi dans nombre de pays européens.

Une réunion des présidents des commissions parlementaires en charge des questions agricoles me l'a encore récemment confirmé. La France n'est pas isolée dans sa volonté d'oeuvrer pour ne pas céder aux pressions du libéralisme.

Le commissaire Fischler a justifié, devant la commission de la production et des échanges, la baisse des prix agricoles de 15 à 30 %, partiellement compensée par une augmentation des primes. Il a expliqué en substance que la libéralisation croissante des échanges imposait un abais-s ement de la production communautaire et, par conséquent, une réduction des prix. Si une telle perspective se confirmait, le texte que nous discutons perdrait beaucoup de son efficacité.

Une étude récente, menée par l'INRA, conclut que le

« paquet Santer » réduirait d'au moins 13 % le revenu agricole français moyen. Il aggraverait les évolutions constatées depuis la réforme de 1992. Il accélérerait la diminution du nombre des exploitants déjà proche de 4 % par an, la concentration des exploitations et le vieillissement de la population agricole, il accroîtrait encore l'injustice dans la distribution des aides. Ainsi, la réforme de la PAC risque de nourrir des tendances que le projet de loi d'orientation veut corriger et combattre.

Il est nécessaire de garder à l'esprit que l'activité agricole n'est pas une activité comme les autres. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française-Alliance.)

Aucun pays, aucune région au monde ne peut et ne pourra accepter la disparition d'une agriculture répondant aux besoins multiples que je viens de rappeler.

Pourtant, certains objectifs de la réforme de la PAC, s'inscrivant dans le cadre d'un libéralisme mondial, pourraient y conduire.

Si la rémunération d'une activité productive agricole inscrite dans un développement durable n'est pas suffisante, la politique de contractualisation perdra de son efficacité. En effet, la production est l'acte fondateur des autres fonctions de l'agriculture que nous souhaitons valoriser. Sans une production agricole viable, le découplage des aides risque de soutenir des activités marginales, sans modifier les comportements productivistes et de renforcer ainsi une certaine dualité de l'agriculture française plutôt que de la corriger.

Pour que cette loi d'orientation soit pleinement efficace, il est indispensable qu'existent au niveau européen des outils efficaces de régulation du marché. Mais si, comme le demande M. Fischler, l'ouverture de nos frontières est réalisée à l'avance, il sera difficile d'obtenir des prix rémunérateurs pour nos productions.

La grande majorité des pays européens n'a aujourd'hui aucun intérêt à un alignement sur les positions les plus libérales pour anticiper les négociations internationales qui se profilent à l'horizon, notamment celles concernant l'Organisation mondiale du commerce, où une énorme pression américaine est déjà à l'oeuvre. Nous avons pu en prendre la mesure, monsieur le ministre, à l'occasion de la mission effectuée aux Etats-Unis par le bureau de notre commission.

Il faut au contraire agir pour une préférence communautaire rénovée et pour de nouveaux moyens d'intervention, afin d'assurer des prix à la production rémunérateurs pour des exploitations à taille humaine et un rééquilibrage des aides suivant les types d'exploitation.

Cette réorientation de la politique agricole européenne est aujourd'hui indispensable pour que la loi d'orientation prenne toute son efficacité.

Elle est aussi nécessaire en matière de lutte contre la famine et la malnutrition. Il convient en effet d'associer les dons alimentaires à un soutien au développement agricole et rural du tiers monde, de telle sorte que les aides qui lui sont octroyées ne perturbent pas son agriculture.

Je partage tout à fait votre point de vue : il ne faut pas utiliser, comme le prétendait un ancien ministre de l'agriculture américain, l'exportation agricole comme une arme alimentaire.

Voilà, monsieur le ministre, l'état d'esprit qui domine notre commission. Celle-ci approuve votre projet de loi et formule de nombreux amendements visant à améliorer de manière constructive un texte si attendu.

Dans le dialogue que vous allez mener avec la représentation nationale pendant cette première lecture, je souhaite qu'au nom du Gouvernement vous puissiez prendre en compte les propositions parlementaires enrichissant votre texte.

Forts de ces nouvelles dispositions législatives et assurés de la volonté du Gouvernement de s'y appuyer pour infléchir dans le même sens la politique agricole euro-


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péenne, nous pouvons espérer assurer un développement durable de notre agriculture, susceptible de répondre aux besoins multiples de la société et de rendre l'espoir aux hommes et aux femmes engagés dans ce beau métier.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

Exception d'irrecevabilité

M. le président.

J'ai reçu de M. Philippe Douste-Blazy et des membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Monsieur le ministre, ce projet de loi d'orientation est incontestablement un des plus grand rendez-vous parlementaires de la fin de ce siècle.

Voilà trente-cinq ans qu'il n'y en avait pas eu d'aussi grand, et nous tenons à lui donner un caractère sérieux, voire solennel.

Ce projet de loi a d'abord été voulu, je tiens moi aussi à le rappeler, au plus haut niveau de l'Etat. C'est le Président de la République lui-même qui l'a annoncé, à un moment très important de l'histoire du syndicalisme de notre pays : le cinquantième anniversaire de la FNSEA.

Je rappelle également que M. Philippe Vasseur avait déjà beaucoup travaillé sur ce texte.

Cette loi d'orientation est attendue par les agriculteurs, qui s'interrogent légitimement face aux grands enjeux auxquels ils sont confrontés. Ces grands enjeux, du reste, ne les concernent pas qu'eux-mêmes ; ils intéressent notre société tout entière, laquelle doit être à leurs côtés pour engager une vaste réflexion qui doit porter non seulement sur la production mais aussi sur la qualité, sur l'environnement, sur les questions de société.

Les lois d'orientation précédentes remontent à 1960 et 1962. Vous en avez rappelé la portée, monsieur le ministre. Mais on a souvent coutume de regarder le passé pour mieux le critiquer alors qu'il faudrait en tirer des enseignements. Le regard que je porte sur ces lois est un peu différent du vôtre.

D'abord un fait majeur : elles ont jeté les bases, posé les fondements mêmes de la politique agricole commune.

Elle ont fait de notre pays et de l'Europe l'une des toutes premières puissances agricoles et agro-alimentaires dans le monde : nous faisons aujourd'hui jeu égal avec les EtatsUnis.

On ne mesure pas toujours l'ampleur de cette formidable « révolution verte » - vous-même, monsieur le ministre, avez employé l'expression - que nous venons de vivre et qui s'est traduite par des performances remarquables. En volume, la production a été multipliée par plus de sept en un peu moins de quarante ans. Non seulement nous sommes parvenus à l'autosuffisance, l'un des objectifs que nous nous étions fixés, mais nous nous sommes hissés au plus haut niveau et nous incarnons désormais dans le monde une agriculture de qualité.

Cette image, nous y sommes extrêmement attachés.

Mais dans le même temps, vous l'avez dit et le constat s'impose à tous, nous avons dû subir les conséquences de cette évolution : pressions très fortes sur les prix, diminution du nombre d'exploitations, présence réduite des hommes et des femmes dans nos territoires ruraux.

Les défis auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui - et il y a là, monsieur le ministre, une divergence profonde entre nos analyses - restent fortement liés à la présence de notre agriculture sur le marché mondial...

M. Patrick Ollier.

Très bien !

M. François Sauvadet.

... même s'il faut, bien sûr, c'est une ardente nécessité pour chacun d'entre nous, prendre en compte d'autres impératifs. Je pense à la sécurité et à la qualité alimentaires, exigences légitimes de la plupart de nos compatriotes, à la meilleure valorisation de nos productions, à la recherche de pratiques culturales plus respectueuses des ressources naturelles ou encore à la nécessité de rétablir un équilibre au sein de systèmes de distribution et d'industries de transformation qui se sont singulièrement concentrés et où les agriculteurs doivent retrouver leur place.

Enfin, il s'agit de mieux répondre aux attentes des consommateurs en leur apportant la preuve que les produits alimentaires qui leur sont proposés sont des produits sains et surtout authentiques.

Cette loi d'orientation, on mesure bien la portée qui devrait être la sienne. Elle s'inscrit non seulement dans une période de profonde mutation, mais aussi dans un calendrier international dont les échéances sont à la fois très proches et décisives, car l'issue des négociations engagera fortement l'avenir de notre agriculture.

Pour la France, l'une des premières puissances agricoles et agroalimentaires, dans ces grands rendez-vous de l'Organisation mondiale du commerce et de ce qu'on appelle le « paquet Santer », avec la réforme de la politique agricole commune mais aussi des fonds structurels européens, tout l'enjeu est de faire entendre sa voix dans les négociations, pour dire quelle place elle entend prendre et dans ces réflexions, et sur les grands marchés.

Pour notre part, monsieur le ministre, - et je vois là une divergence de fond - nous considérons que ces grands rendez-vous, nous devons les aborder de manière

« volontariste et offensive », ainsi que l'a déclaré le Président de la République, vendredi, à Aurillac.

Nous devons les aborder avec nos partenaires européens, bien sûr, mais en gardant toujours présent à l'esprit que la France est un géant agricole. A elle seule, elle représente plus de 20 % de la production agricole européenne, dont plus d'un tiers des grandes cultures arables, un tiers des fruits et légumes ou des poulets. La France est le deuxième producteur européen de lait derrière l'Allemagne, le premier de céréales, d'oléagineux et de boeuf. Elle réalise plus du tiers des exportations de céréales de l'Union et plus de 20 % des exportations de boeuf et de lait. Son industrie alimentaire pèse 10 % du marché mondial. C'est le premier exportateur mondial de produits transformés.

La France est un grand pays producteur et exportateur, et nous devons aborder les négociations en ayant bien conscience de cette situation. Nous les engageons évidemment dans des conditions d'autant plus difficiles que nous devons discuter non seulement avec nos partenaires du monde entier, mais aussi avec nos partenaires européens. Les réflexions qui vont s'ouvrir touchent au fonctionnement même des institutions communautaires, avec la perspective des élections européennes, mais aussi à l'élargissement de l'Union aux pays de l'Europe centrale et orientale. L'ouverture de ce nouveau marché de 100 millions de consommateurs est un enjeu majeur pour nous tous. Enfin, les négociations porteront, je l'ai dit, sur le « paquet Santer » : réforme de la politique agricole commune et des fonds structurels.

Dans ce contexte, dans la mesure même où la France est un grand pays agricole, soyons certains, monsieur le ministre et chers collègues, que la discussion de cette loi d'orientation est un rendez-vous qui sera observé. Raison


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de plus pour que ce ne soit pas un rendez-vous manqué.

L'Allemagne vient de se doter d'une nouvelle équipe. Les chefs d'Etat et de gouvernement vont se retrouver à la mi-novembre dans le cadre de l'agenda 2000. La France doit saisir l'occasion de ce débat pour leur adresser des messages forts.

L'objectif, je le rappelle, est d'achever les négociations sur la réforme de la PAC au milieu de l'année 1999, afin que leur conclusion coïncide avec le démarrage du cycle des négociations internationales dans le cadre de l'OMC.

Cette fois, l'agriculture ne sera plus l'objet d'un régime particulier. Alors, il faut nous dire, monsieur le ministre, encore plus clairement que vous ne l'avez fait, comment vous allez aborder ces rendez-vous qui s'inscriront, quoi qu'on en pense, dans le contexte d'une compétition internationale très forte et d'un marché dont les experts s'accordent à dire qu'il sera en expansion. D'ici à trente ou quarante ans - le Président de la République l'a rappelé à Aurillac - l'humanité comptera 9 milliards d'habitants.

Nous devons dire aujourd'hui si nous voulons figurer demain parmi ceux qui seront à même de répondre à la progression de la demande alimentaire. Nous devons dire si nous voulons participer à cette course et dans quelles conditions nous entendons l'aborder. A cet égard, je partage le sentiment que vous avez exprimé : il nous faudra imaginer un modèle de développement durable, à taille humaine, car c'est une exigence à laquelle nous sommes tous attachés, qui soit en quelque sorte un modèle d'équilibre entre les préoccupations environnementales et les exigences de la production.

Il est de l'intérêt de la France et de ses agriculteurs d'être présents sur les marchés, sur tous les marchés. Et c'est exclusivement au regard de ces enjeux, parce qu'ils sont essentiels pour nos territoires, pour notre société et finalement pour la France, que le groupe UDF, monsieur le ministre, a déposé une exception d'irrecevabilité. Je la défendrai sans esprit polémique. Je souhaite pour l'agriculture et les agriculteurs que le débat qui s'ouvre, le premier de cette rentrée parlementaire, soit l'occasion pour vous et pour le Gouvernement de préciser clairement la portée des instruments qui fondent votre démarche.

La vraie question que nous devons nous poser aujourd'hui est triple. Cette loi d'orientation correspond-elle à ce que l'on doit attendre d'une loi d'orientation ? Constitue-t-elle l'élément fondateur d'un pacte nouveau entre la société française et son agriculture ? Va-t-elle dans le sens du modèle que nous souhaitons pour répondre tout à la fois aux exigences des marchés et de la concurrence internationale, aux impératifs des équilibres territoriaux et écologiques, aux attentes des consommateurs ? Eh bien, monsieur le ministre, après ces quelques mois où nous avons travaillé ensemble, après vous avoir reçu et écouté, nous avons le sentiment que votre loi d'orientation ne répond pas à toute l'ambition qui doit être la nôtre.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Ollier.

Il a raison !

M. François Sauvadet.

Mes chers collègues, ce débat est important et il faut accepter que l'on y exprime des opinions différentes, parce qu'il s'agit de l'avenir de la France.

Mme Brigitte Douay.

Où sont vos arguments ?

M. François Sauvadet.

Ecoutez-les ! Ce texte, monsieur le ministre, vous l'avez bâti non pas tant sur une ambition que sur une conception...

M. François Brottes.

L'une n'empêche pas l'autre !

M. François Sauvadet.

... une conception dont nous ne p artageons pas l'essentiel, notamment pour ce qui concerne la place de l'agriculture française dans le monde, même si nous faisons nôtres certaines des préoccupations que vous avez exprimées, parce que ce sont celles de tous les Français.

Nous ne pouvons pas nous associer à cette vision qui place d'emblée notre agriculture en situation de repli par rapport à ses grands concurrents internationaux, notamment les Etats-Unis. Quand je lis dans l'exposé des motifs que « l'Europe a été amenée à jouer un rôle sur les marchés mondiaux de façon fortuite », quand je constate que, dans votre texte initial, vous n'aviez pas affiché d'emblée la vocation exportatrice de la France et, plus encore, son potentiel en ce domaine, j'en viens effectivement à craindre que vous n'ayez envisagé le repli de notre agriculture dans le monde et sur notre propre territoire, que vous ne l'ayez engagée dans une impasse.

M. Jean Auclair.

Eh oui !

M. François Sauvadet.

L'agriculture, monsieur le ministre, ne sera présente sur nos territoires que si elle est présente sur les marchés, tous les marchés. L'un ne va pas sans l'autre, l'un ne va pas contre l'autre. En opposant délibérément la vocation d'exportation à la présence territoriale, à l'exigence de qualité ou à la préservation de nos paysages, en opposant aussi les producteurs entre eux, les uns ayant vocation à vendre sur les marchés extérieurs, tandis que d'autres seraient les jardiniers de l'an 2000, vous risquez de nous faire perdre la chance historique de mettre en place un nouveau modèle.

M. Jean Auclair.

Exactement !

M. François Sauvadet.

On ne gagne pas à opposer les vocations de l'agriculture. On ne gagne pas à opposer les producteurs. On ne gagne pas à opposer les territoires.

On gagne en faisant coïncider toutes les exigences d'une agriculture qui doit rester performante, diversifiée, exportatrice, présente sous toutes ses formes sur l'ensemble du t erritoire, respectueuse de l'environnement et des consommateurs. On gagne en répondant aux attentes nouvelles exprimées par nos compatriotes et par le marché. On gagne en donnant à tous les agriculteurs les chances de vivre de leur métier, à toutes les exploitations, de la plus petite ferme à l'entreprise agricole, celles de se maintenir dans l'ensemble des filières. Cela suppose d'ailleurs que l'on renforce les organisations de producteurs.

Nous devons aussi favoriser l'émergence d'une nouvelle compétitivité fondée, bien sûr, sur la multifonctionnalité : spécialisation de la production, développement des microfilières, des tâches liées à l'environnement et de l'agrotourisme, sans oublier les services. Cela s'appelle la logique de projet. Saisissons-nous vraiment, avec cette loi, l'occasion unique qui nous est offerte de prendre en compte ces enjeux ? Tout à l'heure, monsieur le ministre, il m'a semblé que vous cherchiez à nous désigner comme des adeptes du libre-échangisme, du libéralisme à tout crin. Pour lever toute ambiguïté, je vais vous dire très précisément quelle est notre position.

Nous ne sommes pas de ceux qui veulent assurer une démarche conquérante à l'international à n'importe quel prix. Nous estimons qu'il faut la fonder sur une démarche de qualité et de sécurité alimentaires, ainsi que sur une démarche territoriale. Mais j'aimerais que, dans vos réponses, vous indiquiez clairement aux agriculteurs et à la nation tout entière si vous souhaitez faire de la France et de l'Europe l'un des leaders sur les marchés ou


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bien, dans le cas contraire, ce que vous entendez faire de nos territoires, par exemple de ces 2 ou 3 millions d'hectares de céréales destinées au marché mondial, lequel, selon tous les experts, doit connaître une expansion.

N'oublions pas non plus que l'industrie agro-alimentaire, c'est 400 000 emplois, bien plus que l'industrie automobile. Que notre commerce extérieur agro-alimentaire a produit 66 milliards d'excédents en 1997. Que le solde excédentaire des produits transformés, largement supérieur à celui des produits bruts, atteint 57 milliards.

Je cite ces chiffres, car l'essence même d'une loi d'orientation est de rappeler les vocations auxquelles doit répondre l'agriculture et l'ambition qu'on lui assigne.

Nous affichons clairement la nôtre et elle est grande : la place de notre agriculture doit être renforcée dans le monde.

Votre loi d'orientation pèche à nos yeux par son orientation même ; à la fois par ce qu'elle contient et par ce qu'elle ne contient pas. Elle sectionne, elle divise, elle oppose des vocations sans donner de réelles assurances sur les moyens. L'outil principal que vous nous proposez est le contrat territorial d'exploitation, dont on a beaucoup parlé.

M. Marcel Rogemont.

Excellente initiative !

M. François Sauvadet.

J'ai bien entendu les propos de Christiane Lambert, que j'ai d'ailleurs vue souvent. Avec Philippe Vasseur et Christian Jacob, nous avons rencontré les responsables agricoles et nous sommes allés sur le terrain...

M. Marcel Rogemont.

Nous aussi !

M. François Sauvadet.

... pour écouter les exploitants.

M. Joseph Parrenin.

Cela vous a-t-il convaincus ?

M. François Sauvadet.

L'idée de contrat est, en soi, plutôt séduisante. Je l'ai dit à François Patriat, mon voisin de circonscription, qui a conscience des enjeux territoriaux. Mais si cette idée a plutôt bien marché entre l'Etat et les régions et dans la mise en place des programmes destinés aux territoires fragiles, elle doit, en l'occurrence, être clarifiée et précisée, notamment pour ce qui est des moyens. L'UDF est attachée à la décentralisation, à l'expérimentation et à sa diffusion, au respect de la diversité.

Elle est donc attentive à toute suggestion de ce type.

Mais pour que ce contrat ait un sens, il faut, je le répète, en préciser la portée et les contours ; il faut surtout, monsieur le ministre, nous indiquer quels moyens financiers vous entendez y consacrer, sans quoi ce ne serait qu'une coquille vide. Telle est bien d'ailleurs notre crainte.

Quatre-vingt-cinq départements, avez-vous dit, ont engagé une expérimentation. J'observe, sans esprit polémique, que certains ne l'avaient pas demandée.

M. Patrick Ollier.

C'est vrai ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

Lesquels ?

M. Joseph Parrenin.

C'est un procès d'intention !

M. François Sauvadet.

La France compte, je le rappelle, 800 000 exploitations agricoles, dont la moitié sont considérées par l'Union européenne comme des exploitations commerciales, c'est-à-dire susceptibles de faire vivre, dans le contexte actuel, un agriculteur et sa famille. Donc 400 000 ne relèvent pas, semble-t-il, de cette catégorie et doivent être assurées, comme les autres, plus que les autres, d'avoir les moyens de faire face.

L'an prochain, monsieur le ministre, vous avez prévu 12 000 CTE, pour lesquels 300 millions de francs seront inscrits au budget. Seulement 12 000 contrats pour 800 000 exploitations : il faudrait au moins engager une action plus forte en faveur des 400 000 considérées comme non commerciales. Mais je laisse à chacun le soin d'apprécier.

D'autant que ces 300 millions proviennent de redéploiements du Fonds de gestion de l'espace rural, qui n'a plus de financement, des crédits d'orientation des offices - à hauteur, semble-t-il, de 100 millions - de la dotation des OGAF, outils pourtant utiles à l'aménagement du territoire, ou encore du Fonds d'installation agricole.

Lors du débat budgétaire de l'an dernier, vous avez annoncé, monsieur le ministre, la création d'un Fonds d'installation agricole doté des plus grandes ambitions, alors même que la charte à l'installation signée par Philippe Vasseur commençait à produire ses effets. Nous vous disions : pourquoi pas un nouvel outil, mais attendons de voir s'il marche. Eh bien, il marche.

Mais voilà qu'aujourd'hui, ce fonds d'installation agricole, qui était présenté comme un grand projet, est amputé d'une partie de son financement ! Monsieur le ministre, il faut nous dire quelle politique d'installation vous allez mettre en place au-delà de la politique des structures, quelle gestion moderne des droits de produire vous allez proposer. Il faut que vous précisiez où en sont vos réflexions sur la notion de fonds agricole.

Franchement, peut-on fonder l'avenir de l'agriculture française, avec l'ambition que vous placez dans le CTE, sur 300 millions de francs, soit en gros 25 000 à 30 000 francs par exploitation ? Qu'allez-vous faire des centaines de milliers de prétendants qui vont rester sur la touche ? Puisque vous nous dites vouloir utiliser des fonds européens - j'observe d'ailleurs que les discussions en ce domaine sont loin d'être achevées -, je voudrais rappeler quelques chiffres : sur les 175 milliards de francs de subventions que reçoit le secteur, 75 milliards sont allés à l'agriculture dite productive par le biais des interventions de marché et subventions opérationnelles, dont 64 milliards viennent du budget européen et 11 du budget français. Le reste est allé au développement rural sous toutes ses formes.

Cela appelle deux réflexions de fond : dans les règles supérieures qui s'imposent au législateur, et pas seulement à lui, il y a naturellement la Constitution, mais il y a aussi les textes européens issus des traités. Or dans l'exposé des motifs et dans l'étude d'impact de votre projet et cela confirme ce que je disais - il est écrit que les CTE devront être largement financés par les fonds européens provenant d'une modulation. Monsieur le ministre, il faut nous dire à quel niveau tout cela se situera et ce qu'en pensent nos partenaires.

M. Patrick Ollier.

Tout à fait !

M. François Sauvadet.

Comme le Président de la République l'a rappelé vendredi à Aurillac, nous considérons que la renationalisation de la PAC - car c'est bien de cela qu'il s'agit - ne pourra se faire qu'au détriment des agriculteurs, de tous les agriculteurs. Nous souhaitons, au groupe UDF, que vous nous précisiez clairement quelles seront vos demandes, vos exigences européennes et à quel niveau vous placerez le curseur dans la négociation.

Je suis personnellement convaincu que la politique commune doit être maintenue dans ses principes et notamment dans ses organisations de marché. Si d'aventure, en effet, ils étaient remis en question, comme vous le suggérez sans oser le dire, par la renationalisation, de


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nouvelles inégalités seraient introduites et elles seraient bien plus graves que celles que vous voulez combattre, car les conséquences porteront sur les productions et toutes les exploitations seront alors, bien évidemment, concernées. La France bénéficie, je le rappelle, du quart des dépenses du FEOGA : la moitié va aux cultures arables et donc aussi aux zones intermédiaires ; près de 20 % sont destinées au secteur bovin et 9 % au lait.

La lutte contre la surcompensation des exploitations les p lus productives ne doit pas conduire à fragiliser l'ensemble. En effet, dans le même temps, l'Union européenne envisage de ne classer dans l'objectif 5 B que 9 % et non plus 18 % du territoire national. Les zones dites intermédiaires, et au-delà l'ensemble des producteurs qui sont chacun des acteurs agricoles, risquent ainsi d'avoir des réveils brutaux. Je tenais simplement à le redire aujourd'hui en prenant date, monsieur le ministre.

La perspective de l'élargissement de l'Union comme le rendez-vous de l'OMC ne doivent pas servir de prétexte pour affaiblir la politique agricole commune.

Cela étant, le CTE pourrait être un outil utile à plusieurs conditions. D'abord, qu'il réponde à une logique économique, du territoire et de l'environnement. Ensuite, qu'il tienne compte des politiques de marché et de filières en s'insérant dans une démarche non seulement individuelle puisque vous avez parlé de contrat entre l'Etat et l'agriculteur, mais aussi collective. Enfin, qu'il soit financé ; or il ne l'est pas.

Pour nous, le contrat doit non pas donner lieu à une distribution ou à une légitimation, mais permettre aux acteurs du territoire de conduire un projet dans leur territoire grâce à l'aide qu'il leur apportera.

M. Patrick Ollier.

Tout à fait !

M. François Sauvadet.

Vous vous placez dans une logique de guichet, alors que nous voulons nous situer dans une logique de projet. Voilà la différence entre nous ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Ollier.

Eh oui !

M. Marcel Rogemont.

Détournement de sens !

M. François Sauvadet.

Je vous laisse interpréter mes propos, mais laissez-moi au moins les exprimer ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Monsieur le ministre, alors même que votre collègue, Mme Voynet, présente un texte sur l'aménagement du territoire évoquant la notion de pays à laquelle, je crois, vous êtes, vous aussi, attaché, n'aurait-il pas mieux valu inclure dans votre projet la dimension du territoire plutôt que celle de contrat entre l'Etat et l'agriculteur ? A ce propos, j'ai quelques questions simples à vous poser. Parmi les 400 000 exploitations pouvant prétendre prioritairement et légitimement selon vous au CTE, comment allez-vous sélectionner les 12 000 heureux gagnants de l'an prochain ? Que proposerez-vous à toutes les exploitations qui ne pourront pas rentrer dans le cadre du

CTE ? Si le CTE devait se résumer, ce que nous craignons, à un instrument étatique de répartition des aides, si certains cherchaient, au travers de la renationalisation, l'opportunité de se défausser des responsabilités franco-françaises, cela irait à l'encontre de l'intérêt de tous les agriculteurs.

Monsieur le ministre, je vous le répète, on ne gagnera rien à opposer entre eux les acteurs du territoire et notamment les agriculteurs. Tous ont un rôle à jouer et ils ne le joueront bien qu'en restant en liaison. A cet égard, nous avons entendu aussi ce que nous disaient les artisans qu'il faut écouter car ils sont, eux aussi, des acteurs du territoire.

Nous craignons donc tout autant la renationalisation de la PAC que la recentralisation que vous nous proposez. Je vous ferai observer que c'est grâce aux amendem ents déposés par l'opposition que la CDOA, la commission départementale d'orientation agricole, sera associée à l'élaboration des contrats types. Dans le texte initial, il appartenait au préfet de les établir. Cela témoigne bien de la tentation que vous avez, et ce n'est pas propre au secteur agricole, de recentraliser toutes les politiques.

Monsieur le ministre, nous craignons que, faute d'avoir apporté les précisions sur le financement et le contour du CTE, vous n'engagiez les agriculteurs dans un piège en les renvoyant à eux-mêmes, un peu comme vous l'avez fait avec le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, lorsque Mme Voynet réaffirmait la responsabilité de l'agriculture dans les préoccupations environnementales, alors que vous n'aviez pas mis un franc de plus au budget de 1998 sur un programme qui ne prévoyait même pas de cibler les interventions sur les zones les plus concernées. Oui, il faut dire les choses et les dire vraiement. Du reste, je sais que, sur ce point, nos positoins ne sont pas si éloignées. En tout cas, il est sûr que l'intention non suivie d'effet est source de désillusion.

Alors nous disons très clairement oui au contrat, mais pas au contrat tel que vous le proposez aujourd'hui.

Un mot maintenant sur l'installation des agriculteurs car c'est l'avenir qui est en jeu à travers cette question.

D'ailleurs, vous avez vous-même souligné qu'il n'y aura pas d'avenir pour l'agriculture sans agriculteurs. Là aussi, il faut faire coïncider territoire, projet et présence d'acteurs, comme l'a rappelé Mme Lambert, et comme le dit souvent aussi le président du Centre national des jeunes agriculteurs, Pascal Coste.

Tout d'abord, simple question de bon sens, comment peut-on, dans une réflexion sur l'avenir de l'agriculture, ne pas associer les propriétaires ?

M. André Angot.

C'est aberrant, en effet !

M. François Sauvadet.

Ils sont un des maillons de la chaîne agricole. Là encore, on ne bâtira pas un avenir solide en cherchant à opposer, dans une vision manichéenne, les acteurs économiques et sociaux les uns aux autres. Vous n'avez d'ailleurs jamais employé les mots

« entreprise agricole ». Il n'y a pourtant rien de péjoratif dans cette expression porteuse d'avenir et d'emplois. Vous n'avez pas non plus évoqué les charges qui pèsent sur ces exploitations agricoles. Les agriculteurs sont et veulent rester d'abord et avant tout des producteurs. C'est là leur vocation première, même s'ils sont appelés à jouer, bien sûr, d'autres rôles.

C'est sans doute cette vision sectorisée de l'agriculture qui vous a conduit à écarter de la loi toute perspective de grande réforme fiscale. Certes, pas plus que François Patriat, je ne crois au grand soir fiscal. Mais comment parler d'orientation agricole sans évoquer les possibilités d'appréhender mieux encore la difficile question de la transmission et de l'installation par une fiscalité de la transparence ? Pourtant, c'est exclusivement sous l'angle d'une politique des structures renforcées - alors qu'elle demande essentiellement à être adaptée - que vous avez placé la question de l'installation et de la transmission. L'installation concerne non seulement la gestion des sols et des structures mais aussi celle des droits de produire et du


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

fonds d'exploitation. Je souhaite donc que vous soyez attentif aux propositions que nous ferons, notamment au sujet de la situation des GAEC familiaux, pour lesquels toute modification dans le nombre d'associés est apparentée à un agrandissement. Or cela ne correspond pas aux réalités familiales, qui conduisent les uns et les autres à abandonner des prérogatives pour privilégier la transmission.

Bien sûr, certaines mesures vont dans le bon sens pourquoi ne pas le dire ? Le fait, par exemple, que les exploitants qui vont partir en retraite soient obligés de faire connaître leurs intentions dix-huit mois auparavant.

C'est là une bonne chose qui permettra d'organiser la structuration des exploitations. Mais gardez-vous de la tentation de la suradministration, comme à propos de l'unité de référence, un peu statique car constatée sur les cinq dernières années, alors qu'elle devrait être un outil beaucoup plus dynamique.

J'espère que vous serez tout aussi attentif à l'instabilité, dans laquelle vous allez placer certains exploitants, en portant à deux ans les autorisations préalables, à titre provisoire.

Je crois franchement qu'en cette matière, vous avez manqué d'audace pour inscrire l'installation et la gestion des droits dans une conception plus moderne, plus incitative. Et je crains, comme beaucoup de mes collègues, cette suradministration qui sera source de rigidité. Certes, vous avez souligné que cette situation prévalait déjà. Mais était-il bien utile d'en rajouter ? Un mot à présent sur l'absence totale d'incitations fiscales, non seulement pour la transmission, mais pour l'investissement et l'organisation des producteurs. Je crois pourtant que c'est là l'un des enjeux majeurs pour l'avenir. Face à la concentration de la distribution, que vous avez notée, face à celle des industries, les agriculteurs doivent avoir les moyens de s'investir dans la filière, dans la transformation et la valorisation. Et là aussi on attendait quelques initiatives fortes.

La formation et la recherche sont également des aspects importants pour l'avenir. La vocation de l'enseignement agricole à s'ouvrir sur son environnement est une très bonne chose. Elle doit rester, comme toute la formation agricole, au sein du ministère de l'agriculture et de la pêche. Je souhaite que nous conservions cette spécificité.

Mais, et nous avons déjà eu ce débat l'an dernier au moment de l'examen de votre projet de budget, cela posera inévitablement le problème du financement et de la nécessité d'un dialogue nouveau avec l'ensemble des partenaires de la formation sur le rôle et la vocation de l'enseignement agricole. Ce dernier a depuis longtemps fait la preuve de son efficacité, notamment en liaison avec les professionnels agricoles par le biais de l'alternance, à une époque où celle-ci n'était pas de mise.

Cet intérêt pour la formation agricole et rurale nécessite des rééquilibrages. Vendredi, d'ailleurs, près de Toulouse, des manifestants vous ont demandé, monsieur le ministre, une révision à la hausse du projet de budget pour 1999 et la mise en oeuvre d'un vrai plan pluriannuel de rattrapage pour l'enseignement agricole. Nous traçons aujourd'hui des orientations. J'aimerais avoir des précisions sur les moyens que vous entendez consacrer à la formation de nos jeunes, ainsi qu'à la recherche.

La question se pose - et je m'étonne que vous ne l'ayez pas abordée avec plus de vigueur - sur des sujets majeurs pour l'avenir de notre pays, comme les OGM.

En la matière, la France doit prendre l'initiative, comme elle l'a prise en matière de loi sur la bioéthique. Cela rejoint l'exigence de qualité et de sécurité des consommateurs. Ils doivent avoir confiance dans les produits agricoles et alimentaires. Cela impose tout à la fois une recherche scientifique préalable et une réflexion éthique.

Je vous demande d'être aussi à l'écoute de tous ceux qui souhaitent qu'on ne banalise pas les signes de qualité.

Le territoire n'est pas à lui seul un signe de qualité si n'y est pas assorti un cahier des charges de productions.

M. Patrick Ollier Très bien ! M. François Sauvadet S'agissant des filières et des microfilières, j'aurais aimé que vous nous disiez quels outils et quels moyens vous allez mettre en place pour aider à l'exportation, puisque telle est la vocation de toutes ces petites et moyennes entreprises qui assurent dans le tissu rural la valorisation d'un certain nombre de nos produits. Je rappellerai que, l'an dernier, les crédits de la Sopexa, qui est un des outils d'aide à l'exportation pour les petites et moyennes entreprises, ont été réduits de 20 %. Monsieur le ministre, comment allez-vous engager cette aide aux petites et moyennes entreprises ? Je dirai enfin quelques mots de la forêt que vous avez renvoyée à un autre débat, alors que le rapporteur, M. Bianco, avait rempli sa mission. Pourtant, la forêt a partie liée avec l'agriculture et la voir absente de ce texte ou pas suffisamment présente est pour nous et un certain nombre de forestiers un sujet d'inquiétude.

En conclusion, je dirai, après d'ailleurs le président de notre commission de la production et des échanges, que l'agriculture n'est pas une activité comme les autres. Elle est dans beaucoup de nos provinces le dernier rempart en même temps qu'une formidable chance économique. Face aux grands défis auxquels elle est confrontée, il faudra que la société tout entière prenne conscience qu'on ne peut avoir d'exigence qui ne soit partagée dans l'expres-s ion de la multifonctionnalité. Cela supposera des moyens. Ils font défaut aujourd'hui. J'espère que nous les trouverons.

En tout cas, je n'ai pas le sentiment que cette loi d'orientation apporte ce souffle, ce sens, cette direction que nous voulons, et contribue à jeter les bases d'une nouvelle politique européenne. Je le regrette. Votée à Paris, elle se cherchera un prolongement à Bruxelles, à défaut de l'avoir initié. Il aurait fallu aller plus loin, imaginer des mécanismes nouveaux, comme il en existe ailleurs - assurance récolte ou assurance-revenu -, pour protéger la rémunération des agriculteurs.

Il aurait fallu organiser une plus grande solidarité tournée vers une dynamique de territoire. A cet égard, je voudrais, me tournant vers Philippe Vasseur, saluer l'effort accompli par le précédent gouvernement en matière de retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Joseph Parrenin Ah bon ! Il y avait un ministre de l'agriculture avant ? On ne s'en souvient pas ! M. André Angot Vous n'aviez rien fait avant ! M. François Sauvadet Cet effort doit être poursuivi.

C'est une exigence sociale. Je voulais en tout cas rappeler l'action de Philippe Vasseur. Les agriculteurs savent bien qu'ils lui doivent un grand merci. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Enfin, il aurait fallu se donner les moyens d'intervenir de manière plus volontaire aux côtés des agriculteurs pour la protection de notre environnement. Tous ces grands


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

chantiers restent ouverts. Nous, nous aspirons à une vraie dynamique rurale agricole fondée sur des projets à vocation territoriale et économique et nous craignons que cette loi ne conduise, sous couvert de lutte contre des inégalités, à un repli.

C'est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à voter l'exception d'irrecevabilité que je viens de présenter.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à M. Jean Gaubert pour le groupe socialiste.

M. Jean Gaubert.

Singulière argumentation que celle de M. Sauvadet ! Il nous explique ses doutes sur les objectifs et les moyens, et se demande si le texte répond à l'attente de tous les agriculteurs alors que, aux termes de notre règlement, l'exception d'irrecevabilité répond à d'autres critères : « Elle a pour objet de faire reconnaître que le texte proposé contrevient à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles. »

Monsieur Sauvadet, je n'ai rien entendu allant dans ce sens dans votre intervention. Vous vous en êtes simplement tenu à une contribution au débat général, certes utile, mais qui ne devait pas venir à ce moment du débat.

M. François Sauvadet.

C'est que vous ne m'avez pas bien écouté ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

Si, il vous a écouté !

M. Jean Gaubert.

En tout cas, puisque vous êtes intervenu sur le fond, je me crois autorisé à en faire autant.

Vous nous avez expliqué tout l'intérêt que la France doit porter à son agriculture. Mais nous le savions tous, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons.

Vous avez rappelé son importance économique et sociale que nous reconnaissons tout autant que vous. Vous avez également décrit un contexte international dont nous n'ignorons rien. C'est dans ces conditions que nous allons débattre pour savoir ce que nous sommes et ce que nous voulons devenir avant d'aller négocier.

Notre agriculture est forte, mais trop éclatée. Les revenus qu'elle permet d'obtenir sont tellement divers que les paysans du Cantal ne sont pas sur la même planète que ceux de la région parisienne et la contribution de l'Etat à ces revenus varie selon la région où l'on se trouve.

J'ai déjà entendu ce matin, et nous l'avons entendu souvent, que nous voulions « fonctionnariser » l'agriculteur.

M. Pierre Micaux.

Un peu, oui !

M. Jean Gaubert.

Si l'on choisit ce paramètre, on peut considérer que certains céréaliers sont des hauts fonctionnaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Notre agriculture ne sert plus assez de jeunes. Elle semble parfois avoir perdu son bon sens séculaire et avoir oublié qu'elle doit produire en préservant la nature et en servant le consommateur.

Nous voulons une agriculture productive et non productiviste, une agriculture riche en hommes, participant à l'équilibre du territoire et tenant sa place dans le concert national et international. Tel est l'objet de ce projet de loi.

Nous voulons produire propre, nous attacher à nouer, sinon à renouer, le dialogue avec les consommateurs, mieux contrôler l'évolution des structures afin de permettre l'installation des jeunes, aménager le territoire en y gardant une agriculture forte, nombreuse et respectueuse de l'environnement, exporter certes, mais exporter des produits élaborés, ceux qui créent de l'emploi dans notre pays.

M. François Patriat, rapporteur.

Très bien !

M. Jean Gaubert.

Nous tenons à ce débat parce que le monde a changé, parce que le consommateur change, parce que les rapports internationaux changent aussi.

Notre connaissance des conséquences du productivisme a également évolué. Les paysans sont dans l'attente. Nous devons nous déterminer sur les types de productions agricoles que nous voulons : produire beaucoup et exporter certes, mais aussi nous adapter.

Les socialistes veulent ce débat et c'est pour cela que nous repousserons cette exception d'irrecevabilité qui s'apparente, M. Sauvadet ne m'en voudra pas, à un détournement de procédure. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Sauvadet.

On vous la resservira !

M. Alain Barrau.

Le plus tard possible !

M. le président.

Pour le groupe UDF, la parole est à

M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

Contrairement à mes collègues socialistes, j'ai bien écouté l'orateur.

M. Joseph Parrenin.

Il a bien écouté, mais il n'a pas compris !

M. Germain Gengenwin.

François Sauvadet a donné au débat sa véritable dimension, celle qu'il mérite, et a posé les bonnes questions.

Dans ce projet de loi d'orientation agricole, il s'agit d'abord de la France, grand pays producteur agricole et nous n'avons pas le droit de manquer le rendez-vous que constitue ce texte. Il est en effet indispensable que la loi d'orientation définisse bien la démarche que nous voulons suivre.

Or le projet ne répond pas aux importantes questions qu'a posées M. Sauvadet. Il ne place pas l'agriculture dans une position de gagnante. Il a notamment rappelé que les industries agroalimentaires employaient d'avantage de personnes que le secteur de l'automobile.

Quelle orientation politique traduit le choix des structures opéré ? Quelle sera la gestion de l'espace rural ? Comment sera réalisée la limitation des moyens préconisés ? Que fera-t-on avec les 12 000 CTE prévus alors qu'il s'agit pratiquement d'un passage obligé pour toute exploitation agricole dynamique ? Enfin, M. Sauvadet a souligné le manque d'audace et d'ambition de ce texte.

Cette exception d'irrecevabilité est donc particulièrement justifiée. C'est pourquoi nous la voterons.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Pour le groupe RPR, la parole est à

M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier.

Monsieur Gaubert, nous avons écouté les mêmes propos, mais nous n'avons pas entendu la même chose.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

M. Marcel Rogemont.

Nous avons le même règlement !

Mme Claudine Ledoux.

Et la même Constitution !

M. Patrick Ollier.

Dans son intervention, en effet, M. Sauvadet nous a donné toutes les raisons pour lesquelles ce projet ne correspond pas à la lettre de la Constitution, et en tout cas pas à son esprit. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je vais m'en expliquer.

M. Alain Barrau.

L'exercice va être délicat !

M. Patrick Ollier.

Ainsi que M. Sauvadet l'a parfaitement bien expliqué, monsieur le ministre, vous êtes parti de bonnes intentions. Malheureusement, vous êtes arrivé à un texte qui n'est pas adapté. Ce constat peut être dressé sans plaisanter, chers collègues, car il correspond à la réalité.

Le Président de la République vous avait donné une occasion extraordinaire d'adapter l'agriculture française à l'évolution de l'agriculture mondiale et européenne ens ouhaitant cette loi d'orientation. Le groupe RPR, comme l'ensemble de l'opposition, aurait préféré que le texte corresponde à ses aspirations.

M. Marcel Rogemont.

Nous le remercions d'avoir permis le changement de majorité !

M. Patrick Ollier.

Comme M. Sauvadet l'a parfaitement bien démontré, le texte que vous proposez est inadapté. Il est regrettable que vous manquiez l'occasion de l'an 2000 pour déterminer les bases essentielles de fonctionnement de notre agriculture, qu'il s'agisse de ses capacités de production, de sa place dans la société, de la présence sur les marchés ou des financements à propos desquels M. Sauvadet a expliqué que l'on allait déshabiller Pierre en voulant habiller Paul.

M. Jérôme Cahuzac.

C'est au Sénat que le RPR déshabille l'UDF !

M. Patrick Ollier.

Le projet que vous proposez va très vite se heurter aux réalités d'un monde qui a déjà avancé et auquel ce texte ne sera pas adapté, qu'il s'agisse de l'évolution de la politique agricole commune ou de la mondialisation des échanges.

Monsieur Gaubert, l'exception d'irrecevabilité se justifie au regard tant de l'article 38 de la Constitution, qui limite le pouvoir législatif, que de ses articles 88-2 et 88-4, qui établissent des règles particulières quant à la portée de la loi dans un contexte européen. Nous estimons, en effet, que les dispositions que comporte ce texte ne sont pas conformes à ce dispositif constitutionnel. Sur le plan politique, il ne répond pas non plus aux aspirations de l'agriculture française.

Pour toutes ces raisons, le groupe RPR votera l'exception d'irrecevabilité présentée par M. Sauvadet.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour, pour le groupe communiste.

M. Félix Leyzour.

Contrairement à M. Sauvadet, qui a défendu l'exception d'irrecevabilité, nous pensons que le texte est parfaitement recevable tant sur le plan constitutionnel qu'au regard de son contenu.

En réalité, l'opposition, la droite, souhaite que les tendances lourdes qui jouent aujourd'hui en agriculture continuent de jouer demain. Or sont désormais majoritaires ceux qui pensent qu'il faut renouveler le pacte entre la société et les agriculteurs sur de nouveaux objectifs, différents de ceux qui ont guidé la politique agricole au cours des années précédentes.

Les dernières lois d'orientation agricole datent des années 60. Elles étaient centrées sur l'évolution des structures et le développement de la production. Il s'agissait de produire davantage et de pousser à l'agrandissement des exploitations. Ces objectifs ont bien été atteints, mais en provoquant des départs massifs : en 1997, la France ne comptait plus que 680 000 exploitations.

Certes, il y a eu augmentation de la productivité du travail à la campagne, accroissement de la production, source d'activité et de transformation. Néanmoins, il ne faut pas ignorer que cette évolution s'est accompagnée d'inégalités et d'injustices, d'atteintes à l'environnement et de problèmes sanitaires qui nous placent aujourd'hui face à des défis considérables.

Nous avons donc besoin d'une nouvelle orientation de l'agriculture, ce que propose le projet de loi qu'a défendu M. le ministre ce matin et dont les qualités peuvent être appréciées au regard tant de son contenu qui tend à assurer la pérennité de notre agriculture, que par rapport au contexte dans lequel il est présenté.

A cet égard, contrairement à ce que vous avez indiqué, monsieur Sauvadet, je pense que ce texte sera demain un point d'appui qui permettra à la France de défendre dans les discussions internationales une réorientation de la politique agricole européenne.

Tel est notre sentiment, et c'est la raison pour laquelle nous repousserons l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Philippe Vasseur.

M. Philippe Vasseur.

Pour les raisons qu'a brillamment exposées M. François Sauvadet, et auxquelles j'adhère entièrement - j'aurai d'ailleurs l'occasion de revenir cet après-midi sur certaines d'entre elles -, le groupe DL votera l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Barrau.

Ça a le mérite d'être court !

M. le président.

Je vous remercie de votre brièveté, monsieur Vasseur.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le président, les ministres se suivent et peuvent ne pas être convaincus par les mêmes arguments. (Sourires.)

Mesdames, messieurs, j'aurai l'occasion, tout au long de ce débat, de revenir sur les questions de fond qui ont été évoquées tant dans l'intervention de M. Sauvadet que par les rapporteurs. Je tiens auparavant à apporter d'emblée une précision relative aux contrats territoriaux d'exploitation.

A l'origine, j'avais l'intention de les expérimenter dans une dizaine de départements. Attentif aux souhaits des organisations professionnelles agricoles, je leur ai soumis le problème et j'ai été saisi de demandes émanant de cinquante-cinq départements ! Elles ont donc considéré qu'il convenait de ne pas s'en tenir à dix départements mais qu'il fallait permettre la mise en place de cette formule


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

partout où s'en manifesterait la volonté. Cela montre que les professionnels s'étaient déjà, en quelque sorte, approprié la formule du contrat territorial.

Monsieur Sauvadet, vous avez si souvent fait référence à mes propos ou bien à des concepts et à des propositions que j'ai défendus, que j'en conclus qu'il n'est pas aisé de présenter des arguments pour défendre une exception d'irrecevabilité.

Lorsque je vous ai entendu parler de divergences de fond, j'ai été mis en appétit et j'ai davantage prêté l'oreille, mais je n'ai relevé que des efforts pour faire croire à de fausses divergences qui n'existent pas alors qu'il en est de réelles entre nous.

Vous avez ainsi prétendu que j'opposais terroir et exportation. Or je ne les oppose pas, bien au contraire.

J'ai d'ailleurs expliqué, dans mon intervention introductive, qu'il n'y avait pas de territoires condamnés, mais qu'il existait des territoires mal valorisés.

M. Jérôme Cahuzac.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Vous avez ajouté que vous fondiez l'avenir agricole de la France sur les marchés mondiaux, sur les produits de qualité, sur la qualité sanitaire de nos produits et sur leur image. Si tel est vraiment le cas, je ne comprends pas ce qui vous a conduit à déposer l'exception d'irrecevabilité puisque cela correspond exactement aux positions que je défends depuis plusieurs mois.

M. François Sauvadet.

Vous avez oublié tout le reste !

M. ministre de l'agriculture et de la pêche.

En revanche, j'ai bien dit, et je maintiens, qu'il ne faut pas mettre à bas la politique agricole commune - fondée sur l'existence de mécanismes de maintien de prix intérieurs élevés, supérieurs aux prix mondiaux - pour conquérir des parts de marché hors d'Europe.

A cet égard, monsieur Sauvadet, je vais vous poser une question.

En Europe le prix de la viande bovine - vous êtes d'une région où l'on en sait quelque chose -, est supérieur de 40 % au prix américain ; il est le double de celui de l'Argentine. Le prix de la poudre de lait et celui du beurre, garantis par l'Union européenne, sont aussi très supérieurs aux prix mondiaux. Faut-il alors, au nom de la compétitivité, ramener les prix communautaires au niveau des prix mondiaux ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) S'il tel est votre projet, il est déjà écrit, puisqu'il correspond au projet Santer.

(Applaudissemnt sur les bancs du groupe socialiste.)

Or ce dernier propose une baisse généralisée des prix...

M. Christian Jacob.

Mermaz bis ! Mais ne démissionnez pas et allez au terme des négociations !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... afin d'assurer la présence de l'Europe sur les marchés mondiaux.

Est-ce la perspective que vous proposez aux paysans ? Pour ce qui me concerne, je la refuse. Au contraire, la préservation d'un niveau de prix rémunérateur sur le marché européen qui absorbe l'essentiel des produits de notre agriculture me paraît être un objectif essentiel.

Nous devons gagner des positions sur les marchés tiers grâce à la capacité de nos agriculteurs et de nos filières à élaborer des produits de haute valeur ajoutée, terrain sur lequel la bataille ne se résume pas à proposer le prix le plus bas.

M. François Sauvadet.

Nous n'avons jamais dit cela ! C'est spécieux !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Pour autant nous n'avons pas purgé le débat sur l'exportation et nous aurons l'occasion d'y revenir à plusieurs reprises.

A l'inverse de mon prédécesseur, je n'ai donc pas été convaincu par les arguments de M. Sauvadet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

J'avais cru le comprendre, monsieur le ministre. (Sourires.)

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, no 977, d'orientation agricole : M. François Patriat, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 1058).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

CALENDRIER DE LA DISCUSSION DE LA DEUXIÈME PARTIE DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1999 La conférence des présidents du jeudi 1er octobre 1998 a décidé que la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 se déroulera du mardi 20 octobre au mercredi 18 novembre 1998, conformément au calendrier ciannexé.

Durée de séance prévisionnelle Mardi 20 octobre (après-midi et soir) : Enseignement supérieur, recherche et technologie .....................................................................

5 h 25 Mercredi 21 octobre (matin, après-midi et soir) : Culture .................................................................

3 h 50 Enseignement scolaire ..........................................

4 h 20 Jeudi 22 octobre (matin, après-midi et soir) : Environnement .....................................................

3 h 45 Equipement et transports ....................................

7 h 15 Vendredi 23 octobre (matin et après-midi) :


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

(1) La discussion consacrée à l'outre-mer fera l'objet d'une organisation particulière.

Outre-mer (1) ......................................................

5 h 20 Lundi 26, mardi 27, mercredi 28, jeudi 29 et vendredi 30 octobre (matin, après-midi et soir) : Discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le cas échéant, les explications de vote et le vote sur l'ensemble du projet pourraient être reportés au mardi 3 novembre, après les questions au Gouvernement.

Lundi 2 novembre (matin, après-midi et soir) : Services du Premier ministre : services généraux, SGDN, Conseil économique et social, Plan, Journaux officiels ..............................................

1 h 50 Affaires étrangères ................................................

5 h 25 Affaires étrangères : coopération ..........................

2 h 55 Mardi 3 novembre (matin, après-midi et soir) : Ville ......................................................................

4 h 05 Légion d'honneur et ordre de la Libération ......

0 h 20 Justice ...................................................................

4 h 50 Mercredi 4 novembre (matin, après-midi et soir) : Logement ..............................................................

4 h 05 Aménagement du territoire ..................................

5 h 40 Jeudi 5 novembre (matin, après-midi et soir) : Fonction publique, réforme de l'Etat et décentralisation ..............................................................

3 h 50 Intérieur ................................................................

7 h 00 Vendredi 6 novembre (matin, après-midi et soir) : Anciens combattants ............................................

3 h 50 Défense .................................................................

6 h 35 Lundi 9 novembre (matin, après-midi et soir) : Tourisme ..............................................................

3 h 05 Solidarité et santé ................................................

6 h 50 Mardi 10 novembre (matin et après-midi) : Travail et emploi .................................................

6 h 45 Jeudi 12 novembre (matin, après-midi et soir) : Jeunesse et sports .................................................

3 h 15 Agriculture et pêche ; BAPSA .............................

7 h 30 V endredi 13 novembre (matin et aprèsmidi) : Communication ....................................................

4 h 05 Industrie, Poste et télécommunications ...............

5 h 10 Lundi 16 novembre (matin, après-midi et soir) : Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat ............................................................

4 h 05 Economie et finances : charges communes, serv ices financiers, monnaies et médailles, comptes spéciaux du Trésor, taxes parafiscales ; commerce extérieur ..........................................

4 h 40 Articles non rattachés.

Mardi 17 novembre (matin, après-midi et soir) : Suite des articles non rattachés.

Mercredi 18 novembre (matin) : Suite des articles non rattachés.

Après-midi : éventuellement, explications de vote et vote sur l'ensemble du projet de loi de finances.

Ordre du jour prévisionnel (application de l'art. 48, alinéa 5, du règlement) Communication faite à la conférence des présidents du 1er octobre 1998 par le ministre des relations avec le Parlement : Monsieur le président, J'ai l'honneur de vous communiquer en application de l'article 48, alinéa 5, du règlement de l'Assemblée nationale le calendrier prévisionnel de l'ordre du jour prioritaire pour les six mois à venir.

Comme il est d'usage et conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 15 décembre 1995, j'assortirai ce calendrier des réserves relatives au caractère indicatif de cette programmation qui ne saurait lier le Gouvernement dans l'exercice des prérogatives mentionnées à l'article 48, alinéa premie r, de la Constitution.

Au-delà des informations que je vous ai déjà adressées sur l'ordre du jour des trois premières semaines de session, la dernière semaine d'octobre sera consacrée à l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Jusqu'au 18 novembre, l'Assemblée poursuivra la première lecture du projet de loi de finances pour 1999.

Deuxième quinzaine de novembre : première lecture du projet de loi relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage ; conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi relatif au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux ; première lecture du projet de loi portant création du Conseil national des communes « Compagnon de la Libération » ; première lecture du projet de loi constitutionnelle portant révision de l'article 88-2 de la Constitution ; conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Première quinzaine de décembre : première lecture du projet de loi constitutionnelle relatif à l'égalité entre les hommes et les femmes ; première lecture du projet de loi de finances rectificative pour 1998 ; première lecture du projet de loi relatif à la présomption d'innocence, aux droits des victimes et portant réforme de la procédure pénale ; seconde lecture du projet de relatif à l'accès au droit.

Deuxième quinzaine de décembre : première lecture du projet de loi relatif à la sécurité routière ; première lecture du projet relatif aux services d'incendie et de secours des aéroports ; première lecture du projet de loi relatif à l'audiovisuel public ; conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 1999 ; conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 1998 ; première lecture du projet de loi organique relatif à la Nouvelle-Calédonie.

Seconde quinzaine de janvier : première lecture du projet de loi d'orientation relatif à l'aménagement durable du territoire ; première lecture du projet de loi relatif aux alternatives aux poursuites et renforçant l'efficacité de la procédure pénale ; seconde lecture du projet de loi relatif aux polices municipales.

En février : première lecture du projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ; première lecture du projet de loi relatif à la réforme des caisses d'épargne et à la sécurité financière ; première lecture du projet de loi autorisant la ratification du traité d'Amsterdam ; conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi organique relatif à la NouvelleCalédonie.

Première quinzaine de mars : première lecture du projet de loi instaurant la couverture maladie universelle ;


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi d'orientation agricole ; conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi relatif à l'audiovisuel public.

Deuxième quinzaine de mars : seconde lecture du projet de loi relatif aux alternatives aux poursuites et renforçant l'efficacité de la procédure pénale ; seconde lecture des projets de loi ordinaire et organique relatifs à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice ; première lecture du projet de loi relatif aux relations entre les citoyens et l'administration ; seconde lecture du projet de loi relatif à la sécurité routière ; seconde lecture du projet de loi relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage ; première lecture du projet de loi relatif à l'intercommunalité.

Ordre du jour établi en conférence des présidents (Réunion du jeudi 1er octobre 1998) L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 23 octobre 1998 inclus a été ainsi fixé : Lundi 5 octobre 1998 : Le matin, à 10 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures : Discussion du projet de loi d'orientation agricole (nos 977 et 1058).

Mardi 6 octobre 1998 : Le matin, à 10 h 30 : Questions orales sans débat.

L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement : Suite de l'ordre du jour de la veille.

Le soir, à 21 heures : Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi constitut ionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature (no 1017).

Suite de l'ordre du jour de l'après-midi.

Mercredi 7 octobre 1998 : L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures : Discussion du projet de loi autorisant la ratification du sixième protocole additionnel à l'accord général sur les privil èges et immunités du Conseil de l'Europe (no 1075).

Discussion du projet de loi autorisant la ratification de l'accord européen concernant les personnes participant aux procédures devant la Cour européenne des droits de l'homme (no 1076).

(Ces deux textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.) Suite de la discussion du projet de loi d'orientation agricole (nos 977 et 1058).

Jeudi 8 octobre 1998 : Le matin, à 9 heures : Suite de la discussion du projet de loi d'orientation agricole (nos 977 et 1058).

L'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures : Discussion de la proposition de loi visant à la création d'un office des produits de la mer et de l'aquaculture et étendant à la collectivité territoriale de Mayotte les offices d'intervention prévus au livre VI du code rural (no 1080).

(Ce texte faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.)

Suite de l'ordre du jour du matin.

Vendredi 9 octobre 1998 : Le matin, à 9 heures : Discussion de la proposition de loi sur le pacte civil de solidarité (nos 88, 94, 249 et 1097).

(Séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par l' Assemblée, en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution.) L'après-midi, à 15 heures : Suite de l'ordre du jour du matin.

(Ordre du jour complémentaire.)

Le soir, à 21 heures : Suite de l'ordre du jour de l'après-midi.

Lundi 12 octobre 1998 : Le matin, à 10 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures : Eventuellement, suite de la discussion du projet de loi d'orientation agricole (nos 977 et 1058).

Eventuellement, suite de la discussion de la proposition de loi sur le pacte civil de solidarité (nos 88, 94, 249 et 1097).

Mardi 13 octobre 1998 : L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures : Explications de vote et vote par scrutin public sur la proposition de loi sur le pacte civil de solidarité (nos 88, 94, 249 et 1097).

Discussion générale du projet de loi de finances pour 1999 (no 1078).

Mercredi 14 octobre 1998 : Le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures.

Jeudi 15 octobre 1998 : Le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures.

Vendredi 16 octobre 1998 : Le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures.

Eventuellement, samedi 17 octobre 1998, le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures.

Suite de la discussion générale et discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 1999 (no 1078).

(Le débat sur l'article 42 relatif à la participation de la France au budget des Communautés européennes aura lieu le jeudi 15 octobre 1998, à 15 heures.)

Mardi 20 octobre 1998 : L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures : Explications de vote et vote de la première partie du projet de loi de finances pour 1999 (no 1078).

Discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 (no 1078).

Enseignement supérieur, recherche et technologie.

Mercredi 21 octobre 1998 : Le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures : Culture.

Enseignement scolaire.

Jeudi 22 octobre 1998 : Le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures : Environnement.

Equipement et transports.

Vendredi 23 octobre 1998 : Le matin, à 9 heures, et l'après-midi, à 15 heures : Outre-mer.