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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT

1. Loi d'orientation agricole. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 5875).

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) (p. 5875)

MM. Patrick Ollier, Jean-Claude Lemoine, Alain Marleix, Michel Vergnier, Serge Poignant, Yvon Abiven, André Angot, André Vauchez, Charles de Courson, Marcel Rogemont, Bernard Schreiner, Ernest Moutoussamy, Michel Bouvard.

Clôture de la discussion générale.

MM. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Philippe Vasseur.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION (p. 5892)

Motion de renvoi en commission de M. Jean-Louis Debré : MM. François Guillaume, François Patriat, rapporteur de la commission de la production ; Joseph Parrenin, Jacques Rebillard, Jean Proriol, François Sauvadet, Christian Jacob, Félix Leyzour. - Rejet.

Suspension et reprise de la séance (p. 5901)

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 5901)

Article 1er (p. 5901)

MM. Jean-Michel Marchand, Damien Alary, Roland Garrigues, Jacques Masdeu-Arus, Mme Huguette Bello, René Dutin, Christian Jacob.

Amendement de suppression no 285 de M. Guillaume : M. François Guillaume, le rapporteur, le ministre. Rejet.

Amendement no 286 de M. Lemoine : MM. Jean-Claude Lemoine, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 746 de M. Sauvadet : MM. François Sauvadet, le rapporteur, le ministre, Christian Jacob. - Rejet.

Amendement no 58 de la commission de la production : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 59 corrigé de la commission, avec le sousamendement no 845 de M. Leyzour : MM. le rapporteur, le ministre, Félix Leyzour, François Guillaume, François Sauvadet, Michel Bouvard. - Adoption du sous-amendement no 845 rectifié et de l'amendement no 59 corrigé et modifié.

Amendement no 287 de M. Jacob : MM. Christian Jacob, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendements identiques nos 60 de la commission et 640 de M. Proriol : MM. le rapporteur, Jean Proriol, le ministre.

- Adoption.

Amendement no 829 de M. Leyzour : MM. Félix Leyzour, le rapporteur, le ministre, François Guillaume, Jean Proriol. - Adoption.

Amendement no 61 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre, Christian Jacob, Jean-Michel Marchand. Adoption.

Amendement no 62 corrigé de la commission : MM. le rapporteur, le ministre, François Sauvadet. - Adoption.

Amendement no 63 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement no 63 corrigé.

Amendements identiques nos 64 de la commission et 544 de M. Peiro : MM. le rapporteur, Germinal Peiro, Jean Proriol, le ministre. - Adoption.

Amendement no 730 de M. Marchand : MM. Jean-Michel Marchand, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Amendement no 288 de M. Jacob : MM. Christian Jacob, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 65 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendements identiques nos 1 de M. Lamy, 37 de M. Jacob, 228 de M. Estrosi, 236 de M. Micaux et 720 de M. Dutreil ; amendements identiques nos 66 de la commission et 545 de M. Adevah-Poeuf et amendement no 507 de M. Sauvadet : l'amendement no 1 n'est pas soutenu ; MM. Christian Jacob, Michel Bouvard, Pierre Micaux, François Sauvadet, le rapporteur, le ministre. Retrait des amendements nos 37, 228, 236 et 720.

M. le rapporteur. - Retrait des amendements nos 66 et 545 ; adoption de l'amendement no 507.

Amendement no 67 de la commission : MM. Félix Leyzour, le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendements identiques nos 68 de la commission et 641 de M. Proriol : MM. Jean Proriol, le rapporteur, le ministre. - Adoption des amendements nos 68 et 641 rectifiés.

Amendement no 69 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre, François Sauvadet. - Adoption.

Amendement no 70 corrigé de la commission : MM. le rapporteur, le ministre.

Sous-amendement du Gouvernement : MM. le rapporteur, François Sauvadet, Christian Jacob. - Adoption du sousamendement et de l'amendement no 70 corrigé et modifié.

Amendement no 289 de M. Jacob : M. Christian Jacob. Cet amendement n'a plus d'objet.

Amendement no 13 de M. Rebillard : MM. Jean-Michel Marchand, le rapporteur. - Cet amendement est satisfait.

Amendement no 828 de M. Bouvard : MM. Michel Bouvard, le rapporteur. - Réserve.

Amendements nos 53 de M. Deprez et 296 corrigé de M. Guillaume : MM. François Sauvadet, le rapporteur, le ministre, Christian Jacob. - Adoption de l'amendement no 53 ; l'amendement no 296 corrigé n'a plus d'objet.

Amendement no 290 de M. Jacob : M. Christian Jacob. Retrait.

Renvoi de la suite de la discussion à une prochaine séance.

2. Dépôt d'un rapport en application d'une loi (p. 5917).

3. Ordre du jour des prochaines séances (p. 5917).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1

LOI D'ORIENTATION AGRICOLE Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation agricole (nos 977, 1058).

Discussion générale (suite)

M. le président.

Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier.

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, mes chers collègues, durant les cinq minutes dont je dispose, j'aborderai deux sujets qui m'intéressent particulièrement : la qualité et la montagne.

S'agissant de la qualité, je dois avouer que la rédaction de l'article 39 du projet de loi m'amène à m'interroger.

En effet, faire de l'indication géographique protégée - IGP - un signe de qualité intégré dans un dispositif purement français est pour moi quelque chose d'inquiétant. Je m'en explique.

Monsieur le ministre, le 22 décembre 1993, dans cet hémicycle, j'ai été le rapporteur du projet de loi portant sur la qualité des produits agricoles et alimentaires, et je suis étonné que vous reveniez, par cette disposition, sur ce qui avait été alors décidé. Techniquement, c'est une erreur, et je souhaite que vous y réfléchissiez tout au long du débat pour éventuellement revenir dessus. En 1993, nous avions en effet voulu harmoniser nos certifications avec les textes communautaires qui instaurent une protection de vocabulaire réservée à des produits faisant l'objet d'un contrôle par tierce partie, donc d'une certification.

Le dispositif que nous avons voulu mettre en place visait donc non pas à créer de nouveaux signes, mais à se référer à ceux qui existent en les renforçant et en les protégeant. Ainsi, nous avions lié l'AOP - appellation d'origine protégée - à l'AOC et l'IGP au label et à la certification. Le dispositif semblait ainsi parfaitement verrouillé et aucun détournement de procédure ou délocalisation ne peut permettre aujourd'hui de dénaturer nos signes de qualité. C'est justement sur ce point, monsieur le ministre, que j'appelle votre attention. Je crains en effet qu'en mettant ce qui est un signe protecteur, par l'indication géographique de nos certifications à nous, avec nos cahiers des charges bien précis, sur le même plan que les autres signes de qualité française, vous n'ouvriez la voie à ces détournements de procédure et à ces dérives qui permettent très facilement à certains opérateurs - on le sait de produire sans se soumettre aux réglementations de sécurité et de qualité. Il faut en effet éviter tout risque qu'au détour d'une provenance - c'est bien là le problème ! - certains opérateurs ne parviennent à dénaturer la qualité des produits qui font la richesse de nos petits producteurs locaux, notamment dans les zones de montagne. Or, en intégrant l'IGP dans les normes nationales, votre dispositif risque d'atteindre l'objectif exactement inverse de celui que vous prétendez poursuivre.

J'exprime donc des réserves sérieuses sur le fait de faire de l'IGP un signe d'identification propre. Pour les consommateurs, une mention géographique ne peut pas se suffire à elle-même ; elle doit s'accompagner d'une notion de qualité sûre et objective que seuls le label ou la certification de conformité peuvent offrir. L'IGP doit rester le simple complément d'un signe de qualité, et je serais heureux que vous acceptiez, monsieur le ministre, les amendements déposés dans cet esprit. J'en appelle aussi à notre rapporteur. C'est un point important de ce texte, car la politique de qualité est essentielle au devenir en matière de production des zones les plus sensibles, notamment les zones de montagne.

Par ailleurs, l'article 6 du projet de loi pose aussi un p roblème d'interprétation. Selon la loi du 30 décembre 1988, sont réputées agricoles les activités qui se situent dans le prolongement de l'acte de production agricole ou qui ont pour support l'exploitation. Cela ouvre un large champ. Or, l'article 6 limite cette extension à certaines activités à usage touristique ou de loisirs, à condition qu'elles présentent un « caractère accessoire ».

Ce terme d'« accessoire » est extrêmement préoccupant pour nous car, dans mon département des Hautes-Alpes, par exemple, dans les zones de montagne où le tourisme est une valeur sûre, il est important que les agriculteurs, maillons indispensables de la chaîne du milieu rural, puissent avoir une activité touristique sans pour autant perdre leur statut d'exploitant agricole. Tel qu'il est rédigé, l'article 6 risque de compromettre ce que nous appelons la pluriactivité, qui est pour nous un élément extrêmement important dans les zones sensibles. Tout aussi importante est la manière dont nous pouvons préserver l'activité agricole de production, ainsi que la manière dont nous pouvons assurer le maintien des hommes sur le territoire dans des zones de montagne je vous ai entendu le dire, monsieur le ministre, et nous vous rejoignons. Je vous le disais tout à l'heure, ma mairie est à 1 400 mètres d'altitude. Or on ne travaille pas à 1 400 mètres comme dans les plaines de la Beauce ou de la Brie.

Le dernier point de mon propos concerne la montagne dans son ensemble. Monsieur le ministre, ce texte ne reconnaît pas de manière suffisamment forte la spécificité


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montagnarde. La loi montagne, votée à l'unanimité dans cet hémicycle en 1985, avait ouvert des perspectives très intéressantes s'agissant de la défense de la spécificité montagnarde. Dans une loi d'orientation, nous pouvions penser que vous reprendriez certains principes forts car, comme je l'ai indiqué, dans ces zones, le climat, la géographie rendent les investissements, les déplacements, les techniques de production plus chers. Cette spécificité a un coût. Elle occasionne aussi des difficultés exorbitantes du droit commun. Je souhaite donc que vous acceptiez les amendements déposés par les élus de la montagne, quels que soient les bancs où ils siègent dans cet hémicycle, qui tendent à confirmer le rôle de la montagne et à préserver le traitement spécifique de l'agriculture de montagne, ce que ne fait pas ce texte, hélas ! Ces amendements visent à garantir l'accès des exploitations agricoles en montagne aux CTE, tout en excluant de manière catégorique les indemnités compensatrices de handicap. De grâce, ne mélangeons pas ces indemnités spécifiques avec les CTE ! Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour nous dire dès aujourd'hui que vous êtes bien décidé à évi ter toute dérive.

Par ailleurs, il convient de redéfinir le régime de qualité pour les produits de montagne. Nous sommes passés à côté, vous vous en souvenez : l'Europe, les décisions de justice, le décret-montagne et nous revenons à la case départ ! Il est nécessaire que vous preniez des dispositions pour que les produits de montagne soient reconnus en termes de qualité.

Enfin, il faut réaffirmer clairement l'affectation des biens sectionnaux aux exploitants locaux. Alain Marleix en parlera tout à l'heure, car il s'est spécialisé dans ce domaine. Il y a là aussi un problème foncier extrêmement important et délicat à gérer.

En conclusion, monsieur le ministre, je souhaite, avec mes collègues des zones de montagne, qu'au-delà des points techniques évoqués il soit bien établi dans le principe général qui anime le Gouvernement au travers de cette loi d'orientation qu'il existe, dans ce pays, un territoire particulier dont la spécificité climatique, géographique le distingue des autres et fait qu'il ne peut pas être traité comme les autres. Même si certaines dispositions sont à son avantage, je souhaite que cette spécificité soit publiquement reconnue et que l'on aille plus loin que les principes en adoptant les dispositions que nous vous proposons afin que les agriculteurs de montagne puissent continuer à exercer leur activité, à produire et à vivre en montagne, car un village sans agriculteurs est un village mort, un village qui n'accueille plus de touristes.

Je suis maire d'une station de sports d'hiver et si les troupeaux ne broutaient pas les alpages l'été, je n'aurais pas les moyens financiers de les faire tondre avant l'hiver de façon mécanique car cela coûterait trop cher.

M. le président.

Monsieur Ollier, je vous prie de bien vouloir conclure !

M. Patrick Ollier.

L'agriculture est la condition essentielle du maintien de la vie dans ces zones à handicaps particuliers. Je souhaite que vous entendiez ce message, monsieur le ministre, et que vous me répondiez tout à l'heure que vous allez prendre en compte cette spécificité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Merci monsieur Ollier. Nous fûmes moins sévères que vous le fûtes cet après-midi ! La parole est à M. Jean-Claude Lemoine.

M. Jean-Claude Lemoine.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un projet de loi d'orientation agricole est un acte majeur permettant de redéfinir un nouveau contrat entre les agriculteurs et la société, de préparer aujourd'hui l'entrée de l'agriculture de notre pays dans le

XXIe siècle, de permettre à nos produits agro-alimentaires de maintenir leur présence sur le marché intérieur et de dominer les marchés extérieurs.

Une telle loi est extrêmement importante à la veille des décisions qui seront prises dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune ou du prochain cycle de renégociations de l'organisation mondiale du commerce.

Une telle loi est extrêmement importante si l'on veut que la France demeure le premier pays agricole et agroalimentaire de l'Union européenne. Et pourtant, je crains que la période retenue par le Gouvernement pour présenter un texte d'une telle importance ne soit mal choisie.

Les négociations sur la nouvelle politique agricole commune vont débuter dans quelques semaines et, compte tenu de cette échéance, cette loi intervient ou trop tôt, ou trop tard. Trop tard, car la France n'aura pas clairement indiqué ses choix avant la préparation de cette nouvelle politique agricole commune, ou trop tôt car le Gouvernement sera obligé de soumettre dans quelques mois au Parlement un nouveau projet comportant des mesures d'ajustement, d'adapation aux dispositions qui auront été décidées dans le cadre de cette nouvelle PAC.

De plus, le projet de loi d'orientation agricole qui nous est soumis aujourd'hui ne s'inscrit pas à mon sens dans une vision globale et dynamique de l'agriculture. Une politique agricole essentiellement axée sur la notion de territoire ne pourra être pérennisée que si l'on y maintient en premier lieu une activité de production, facteur de richesses. Il ne faut pas que l'on aboutisse à l'existence de deux agricultures : l'une qui produit et l'autre qui se limite à entretenir l'espace. Or, l'élément pivot du projet de loi, le contrat territorial d'exploitation, est un facteur susceptible de faire naître un tel risque.

Avant de revenir sur ce contrat territorial d'exploitation, je voudrais souligner, deux absences pour les regretter aussitôt : Premièrement, l'absence dans ce texte de mesures qui permettent à la France de conserver sa place prépondérante au sein de l'Union européenne - le projet de loi ne c ontient aucune disposition relative à l'organisation économique de la production et des filières ; Deuxièmement, l'absence de mesures susceptibles de maintenir une profession dans des conditions décentes et des agriculteurs en nombre suffisant. Rien sur la transmission des entreprises, pas de mesures fiscales incitatives, aucune définition de l'exploitant agricole et pas de dispositions en matière d'assurance vieillesse prévoyant un échéancier pour le rattrapage des autres régimes à hauteur d'au moins 75 % du SMIC, dispositions pourtant annoncées et promises depuis des décennies ! En revanche, certaines mesures constituent une avancée intéressante. A titre d'exemple, je citerai le statut du

« conjoint-collaborateur » qui sera un atout non négligeable pour les exploitants dont le revenu est faible. Mais il aurait fallu, dans ce domaine, faire preuve de davantage d'audace en s'orientant vers le statut de co-exploitant, doté d'un régime de calcul des points de retraite attractif pour les exploitants dont les revenus sont inférieurs au plafond de la sécurité sociale.

Le contrat territorial d'exploitation, sur lequel je souhaite revenir, constitue le pivot de ce projet de loi.


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De prime abord, ce nouveau concept est séduisant. Il s'agit d'un contrat conclu entre l'Etat et un agriculteur comportant un ensemble d'engagements non précisés portant sur les conditions de production, de gestion globale de l'exploitation, de l'emploi, de contribution à la présevation des ressources naturelles et à l'occupation de l'espace. Une telle démarche peut être perçue comme une réponse possible à l'évolution de la PAC dans la perspective de l'élargissement aux pays d'Europe de l'Est et comme un moyen d'anticiper les effets de la prochaine négociation dans le cadre de l'organisation mondiale du commerce. Mais rien n'est moins sûr et il ne faut surtout pas que les contrats territoriaux d'exploitation soient utilisés pour justifier la politique des revenus préconisée par le

« paquet Santer » et consacrer le désengagement des fonds publics sur l'organisation et la régulation des marchés.

Ensuite, il est essentiel, comme le souligne à juste titre le rapport du Conseil économique et social, que la reconnaissance de la multifonctionnalité des entreprises agricoles s'inscrive dans le respect du principe « mêmes droits, mêmes devoirs », appliqué à l'ensemble des acteurs du monde rural.

Chacun sait que les artisans et commerçants se sont émus à juste titre, au travers de leurs organisations professionnelles, du risque de dérive que contient le CTE. Il est essentiel qu'une réponse claire leur soit apportée et, dans cette optique, les membres du groupe RPR défendront plusieurs amendements.

Mais surtout, il est impératif que le CTE ne remette pas en cause l'activité de base que constitue, pour tout agriculteur, la production. Il doit être cohérent avec les orientations des projets agricoles départementaux. Ce dernier point a d'ailleurs été retenu par la commission de la production et des échanges. Il faut ensuite que le CTE reste une démarche volontaire. En clair, qu'il ne soit pas la condition d'accès aux aides publiques. Pourtant, dans certains cas, le caractère volontaire du CTE posera problème. Je pense aux contrats qui pourraient avoir pour objectif la préservation de la qualité de l'eau. Il serait i nefficace de ne pas appliquer un tel dispositif à l'ensemble des exploitations situées sur le même bassin versant.

Enfin, si le projet de loi pose le principe du CTE, en revanche il ne prévoit aucune disposition concernant son financement, à part la création d'un fonds. Limiter ce fonds à un simple redéploiement de crédits nationaux, d'une part, apparaît trop réducteur par rapport à l'ambition affichée et, d'autre part, posera le problème de la pérennité des politiques déjà engagées, à l'instar de ce qui s'est passé pour le fonds de gestion de l'espace rural ou pour le FIDIL, remplacé par le FIA.

M. le président.

Monsieur Lemoine, je vous demande de conclure. Vous avez dépassé votre temps de parole et de nombreux orateurs sont inscrits sur l'article 1er

M. Jean-Claude Lemoine.

Je termine, monsieur le président.

Il ne faut pas évoluer vers la coexistence de deux agricultures : celle qui produit et celle qui fournit des services collectifs au risque de déstabiliser les autres activités de nos zones rurales.

Il importe de promouvoir une agriculture compétitive, dont les performances se mesurent en termes de qualité et de sécurité alimentaire des produits, d'emploi, de respect de l'environnement et de revalorisation du territoire.

M. François Patriat, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

Très bien !

M. Jean-Claude Lemoine.

Le projet de loi d'orientation agricole que nous examinons aujourd'hui apparaît incomplet sur nombre de ces points. Nous essaierons de l'amender et, surtout, nous espérons obtenir de votre part, monsieur le ministre, tous les éclaircissements nécessaires.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Marleix, toujours pour cinq minutes.

J e vous serais reconnaissant, mon cher collègue, compte tenu du nombre d'orateurs, de bien vouloir respecter votre temps de parole. Je vous remercie d'avance.

M. Alain Marleix.

Monsieur le ministre, le contrat territorial d'exploitation est la pièce maîtresse de votre projet de loi. Tout a été dit sur la philosophie qui a inspiré le Gouvernement lorsqu'il a créé ce nouvel instrument et sur les missions dévolues à l'agriculture. C'est « l'outil de la nouvelle politique agricole », selon votre formule. Nous en prenons acte ! Je n'insisterai donc pas, sauf pour ajouter qu'au moment où l'agriculture est confrontée aux défis de la réforme de la PAC et de l'OMC, ce CTE inquiète les professionnels, y compris dans les régions où environnement et agriculture sont proches, je veux parler des zones de montagne,...

M. Patrick Ollier.

Très bien !

M. Alain Marleix.

... synonymes d'agriculture extensive.

Ce projet inquiète, premièrement, par son contenu qui reste flou et qui apparaît comme une « bureaucratisation » et une « fonctionnarisation » supplémentaires.

M. Arnaud Lepercq.

C'est vrai !

M. Alain Marleix.

Il inquiète, deuxièmement, par son financement qui reste très incertain et qui risque de se faire au détriment d'autres actions fondamentales.

Il inquiète, troisièmement, par le risque évident de renationalisation de la PAC qu'il fait courir et par l'engrenage coûteux dans lequel la France se place.

Ce projet suscite trois interrogations.

Votre texte est-il une occasion manquée ? L'entreprise agricole reste régie par des textes législatifs et réglementaires qui sont très antérieurs aux grandes mutations économiques et sociales que ce secteur a connues depuis les années 1980 : quotas laitiers, quotas de viande, jachères, baisse du nombre d'installations, fort endettement global, baisse de la capitalisation agricole. Et au lieu de considérer l'agriculture et le secteur agroalimentaire avec une approche certes sympathique, mais un peu passéiste, un peu romantique, et en tout cas purement environnementale, il faut les doter des moyens modernes, dans les domaines juridiques, dans les systèmes de transmission, dans la fiscalité et dans les prélèvements sociaux.

A l'évidence, monsieur le ministre, il y a là une occasion manquée : les adaptations attendues ne sont pas au rendez-vous, du moins en l'état actuel de votre texte.

Nous partageons tous l'ambition - louable - du Gouvernement d'installer davantage de jeunes, conformément d'ailleurs à la Charte nationale d'installation. C'est une ambition légitime. Mais elle suscite une deuxième interrogation : votre texte est-il compatible avec cet objectif qui nous est commun à tous ? Les jeunes, vous le savez bien, ne sont pas attirés vers une profession où tout est régenté, encadré, administré, surveillé, où leurs moindres faits et gestes font l'objet de


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contrôles, de documents administratifs, de pénalités. Le système bride tout esprit d'initiative, gèle les inégalités profondes liées aux quotas et, surtout dans nos zones de montagne, fige toute envie d'entreprendre.

Nous voulons une agriculture moins fonctionnarisée, moins encadrée, moins suradministrée, et au contraire modernisée, audacieuse, exportatrice...

M. Michel Hunault.

Très bien !

M. Alain Marleix.

... continuant à jouer un rôle moteur dans la nation, sans excès de libéralisme et sans excès de dirigisme ! Et d'ailleurs, s'agissant de l'installation des jeunes, il n'y a rien - ou presque - dans votre texte pour freiner la course aux hectares. Je pense notamment, monsieur le ministre, à l'apport obligatoire d'hectares supplémentaires pour la constitution des GAEC, élément majeur de la spéculation foncière dans les zones de montagne où la surface agricole utile est très faible.

Notre troisième interrogation porte sur la grande absente de votre loi d'orientation, à savoir la montagne, qui représente 25 % du territoire national, avec la spécificité profonde de son agriculture, avec ses atouts mais aussi avec ses handicaps naturels et structurels. C'est là une lacune majeure ! Jusqu'à présent, la montagne assurait presque seule, par l'élevage extensif, la fonction environnementale que le CTE assigne désormais à tous les secteurs de l'agriculture.

Or le CTE représente pour la montagne un risque de standardisation, d'uniformisation, de banalisation d'un système que vous voulez voir généraliser.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Il n'a rien compris !

M. Alain Marleix.

L'agriculture de montagne avec ses spécificités et ses acquis sera « dissoute » dans cette évolution irréversible. Il est donc essentiel que la politique de la montagne initiée par le Président Pompidou soit préservée et mieux affirmée à l'heure du « paquet Santer ».

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République). Il faudra que les handicaps naturels et structurels et que les difficultés d'exploitation inhérentes à l'altitude demeurent pris en compte à travers les ICHN, revalorisées de façon substantielle...

M. Michel Hunault.

Très bien !

M. Alain Marleix.

... et sans discrimination entre les producteurs de lait et les producteurs de viande.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Il est évident que ce texte peut devenir « la loi de tous les dangers » pour la montagne, notamment lors des arbitrages budgétaires, si l'on n'y prend garde.

Il est tout aussi évident qu'il faut maintenir et développer les aides liées aux handicaps et au particularisme montagnard : une des logiques du projet de loi est de concentrer les moyens là où il y a le plus d'agriculteurs tout comme c'était, d'ailleurs, la logique du projet de loi d'aménagement du territoire de Mme Voynet.

Le danger que font courir à la montagne ces deux projets d'orientation « gouvernementaux » est manifeste. J'en veux pour exemple concret la fusion du FGER dans les

CTE : on met à la disposition de tous un instrument qui était réservé aux victimes des handicaps naturels et aux zones fragiles.

Elu d'un département de montagne, qui a un projet départemental ambitieux, qui se flatte d'avoir depuis plusieurs années un des meilleurs taux d'installation des jeunes de France et qui est l'un des tout premiers au

« hit-parade » de la formation, je suis, à l'image de beaucoup d'agriculteurs de la montagne, dubitatif et inquiet.

Monsieur le ministre, il ne faut pas « désespérer la montagne ». (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous avez dit tout récemment, lors du sommet de l'élevage à Cournon-d'Auvergne, votre attachement à la montagne. Nous en avons pris acte avec satisfaction.

Nous espérons qu'en acceptant, lors de la discussion, des amendements essentiels, indispensables et non coûteux présentés par l'ANEM - l'Association nationale des élus de la montagne -, toutes tendances politiques confondues, vous ferez la démonstration concrète de votre attachement à la montagne. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Monsieur Marleix, vous avez parfaitement respecté votre temps de parole.

La parole est à M. Michel Vergnier, toujours pour cinq minutes.

M. Michel Vergnier.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'élaboration d'une nouvelle loi d'orientation agricole est l'un des engagements réaffirmé par Lionel Jospin dans son discours de politique générale du 19 juin 1997. Le projet de loi qui ouvre les discussions de cette nouvelle session est donc un texte essentiel de notre politique.

En effet, l'agriculture est une activité économique et sociale fondamentale. Elle doit suivre les évolutions de notre société et, pour ce faire, le présent projet de loi, sans sacrifier les valeurs et les principes auxquels nous sommes attachés, lui donne de nouveaux objectifs.

Pour mettre au point ce texte d'orientation, le Gouvernement a pris le temps de la réflexion et de la concertation. Depuis un an, il consulte l'ensemble des partenaires concernés. Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir étroitement associé les parlementaires à l'élaboration de ce projet de loi.

M. Christian Jacob.

Les parlementaires de gauche !

M. Michel Vergnier.

Enfin, je vous remercie d'être venu en Creuse en mars dernier pour discuter avec les éleveurs d'un département où l'agriculture occupe 23 % de la population active.

M. Jean Michel.

De vrais agriculteurs !

M. Michel Vergnier.

Les agriculteurs de ce département, et plus généralement ceux du bassin allaitant élevage, ne peuvent que bénéficier d'un projet de loi qui vise à concilier production, qualité, maintien de l'emploi, aménagement du territoire et protection de l'environnement. Reconnaître la multifonctionnalité de l'agriculture et aider les agriculteurs à accomplir leurs trois fonctions é conomique, sociale et environnementale est une démarche s'inscrivant dans une vision particulièrement moderne et humaniste.

Il est indispensable, et vous l'avez souligné ce matin, de rétablir un équilibre visant à réduire les inégalités profondes qui règnent au sein du monde agricole : inégalités entre les territoires, entre les différents secteurs d'activités agricoles ou inégalités de revenu entre les agriculteurs.

L'exemple de mon département, à ce sujet, est assez frappant pour qu'on lise, dans l'exposé des motifs, que

« le revenu annuel d'un agriculteur de la Creuse est près de vingt fois inférieur à celui d'un agriculteur de l'Aube ».


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Toujours en matière de revenus, la revalorisation des retraites agricoles était également indispensable. Mon collègue Germinal Peiro s'est exprimé à ce propos, ainsi que de nombreux autres députés. Cette mesure nous tenait à coeur et nous en sommes très satisfaits.

De même, on ne peut que se réjouir d'un texte qui met la qualité de la production au nombre des objectifs que doit atteindre l'agriculture française.

Les agriculteurs aspirent à la reconnaissance de leur travail et apprécieront que les aides publiques viennent récompenser la passion et les efforts qu'ils fournissent pour améliorer la qualité de leurs produits.

Cette exigence de qualité est également une aspiration de tous les consommateurs. Nous voulons tous savoir ce que nous mangeons, d'où viennent les aliments consommés, comment ils ont été produits, transformés, conditionnés.

M. Jean Auclair.

Merci Vasseur !

M. Michel Vergnier.

Comme l'a écrit notre rapporteur, la qualité garantit l'ancrage de la production au territoire ainsi que notre position à l'exportation.

La dégradation de la qualité de certains produits, la diminution de la population agricole, la désertification des campagnes, l'augmentation des déséquilibres régionaux, toutes ces évolutions sont en partie dues à une agriculture trop intensive prônant la course à l'agrandissement et la concentration des exploitations.

Voilà pourquoi il est impératif de réguler et de mieux contrôler la production agricole, afin qu'elle gagne en qualité et en « propreté » : ce sont deux des trois objectifs fixés par le projet de loi, dont l'accomplissement contribuera à la réalisation de l'objectif social, celui qui vise au maintien des emplois dans les exploitations. Ce troisième objectif est essentiel, car, dans de nombreux départements, défendre l'activité agricole, c'est aussi défendre toutes les autres activités. Favoriser l'installation des jeunes agriculteurs et redonner toute leur place à l'initiative et au goût d'entreprendre sont des mesures indispensables si l'on veut défendre l'emploi.

Pour atteindre ces objectifs d'intérêt collectif, le texte préconise une démarche contractuelle et prévoit la création des fameux CTE. Ces derniers reposent sur la mise en place d'un nouveau mode de soutien à l'agriculture, qui constitue une première étape vers le découplage entre les aides et la production.

Je n'ai malheureusement pas le temps de m'attarder sur toutes les dispositions du projet de loi, mais je tiens tout de même à me féliciter de la place qui est faite au volet de la formation professionnelle et de l'enseignement, ainsi qu'aux filières de la recherche et du développement, sans l'adaptation desquelles on ne peut songer à préparer l'avenir, un avenir orienté vers la recherche de la performance, non plus quantitative, mais qualitative.

M. Jean Michel.

Très bien !

M. Michel Vergnier.

Pour conclure, monsieur le ministre...

M. le président.

Il faut en effet conclure, monsieur Vergnier.

M. Michel Vergnier.

Très bien, monsieur le président.

Pour conclure, monsieur le ministre, je voudrais souligner l'attente de la profession, peut-être plus encore en bassin allaitant élevage qu'ailleurs.

Cette loi d'orientation était nécessaire, car, demain, des négociations difficiles nous attendent. Je souhaite que, le plus longtemps possible, la France parle d'une seule voix.

Il y a un temps pour tout ; les accords qu'il faudra bien signer doivent être les meilleurs possible. C'est l'avenir d'un grand nombre de nos départements qui est en jeu.

Cela mérite mieux, je crois, que des querelles d'opportunité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Ernest Moutoussamy.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Serge Poignant, pour cinq minutes.

M. Serge Poignant.

« Orienter c'est prévoir. Prévoir c'est anticiper afin de préparer notre pays à relever les défis qui s'annoncent pour les vingt prochaines années. »

Je cite notre collègue Philippe Vasseur, alors ministre de l'agriculture après que le Président de la République eut annoncé, en 1996, la préparation d'une loi d'orientation pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt.

La loi d'orientation que vous présentez aujourd'hui, monsieur le ministre, reprend quelques mesures prévues par Philippe Vasseur, et je ne puis que m'en féliciter.

Seulement, vous y avez ajouté des éléments que je ne puis partager et vous en avez oublié bien d'autres, qui étaient fondamentaux. Est-ce par manque d'ambition pour notre agriculture - et donc pour la France - ou par manque de moyens financiers, la politique du Gouvernement étant orientée vers d'autres choix ? Cette loi d'orientation, monsieur le ministre, aurait dû fixer les grands objectifs d'une agriculture de l'an 2000 ouverte sur l'Europe et sur le monde, tout en affirmant son identité et sa spécificité.

Vous y dessinez un nouveau modèle agricole, principalement basé sur l'émergence des contrats territoriaux d'exploitation. Le Président de la République a indiqué vendredi « qu'il ne faut pas transformer les paysans en jardiniers de la nature, appointés par l'Etat, ou en cantonniers du

XXIe siècle ».

M. Joseph Parrenin.

M. Ollier l'a contredit !

M. Patrick Ollier.

Mais non !

M. Arnaud Lepercq.

Vous n'avez rien compris !

M. Serge Poignant.

Certains points de ces contrats peuvent être positifs s'ils deviennent de véritables projets d'entreprise pour l'agriculteur. Mais vous risquez de faire des contrats « fourre-tout », au détriment d'autres professions, telles que les artisans et commerçants qui, dans les communes rurales, maintiennent eux aussi le tissu économique et social.

M. François Sauvadet.

Voilà !

M. Serge Poignant.

C'est pourquoi je soutiendrai des amendements visant à conserver un juste équilibre entre les différents partenaires économiques du monde rural, dans le souci d'un nécessaire aménagement du territoire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

L'économie agricole, terme que vous semblez parfois oublier, monsieur le ministre, doit être pérennisée. Sa pérennité et sa diversité ne seront garanties que par un renouvellement des générations qui pourront s'installer décemment. Les orientations de la charte d'installation des jeunes décidée en 1995 auraient dû se traduire dans cette loi d'orientation. Or l'aide à l'installation des jeunes n'y figure pas, pas plus, d'ailleurs, que l'aide à l'investissement ou l'aide, pourtant nécessaire, à l'organisation des producteurs.


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Dans le même esprit, il est fondamental d'engager rapidement une réforme de la fiscalité agricole. Ce texte aurait dû fixer le cadre général d'une modernisation de la fiscalité par l'aménagement des régimes d'imposition, la mise en place d'outils destinés à faciliter l'investissement et la transmission. Les amendements acceptés en commission sur ce point constituent une petite avancée ; mais il faut aller plus loin et plus vite, pour que des jeunes aient envie de s'installer. Sinon, le renouvellement des générations en agriculture ira en déclinant.

Par ailleurs, la France est l'une des toutes premières puissances agricoles et agroalimentaires. Notre pays a un potentiel énorme qu'il faut maintenir. Il est également capable de prendre de nouveaux marchés à l'exportation.

Votre projet de loi ne fait pas état de la vocation exportatrice de notre agriculture. Où est donc passé cet esprit de conquête ? Ce n'est pas en se repliant sur elle-même que l'agriculture française vivra.

Un appui clair à l'exportation est indispensable. Le député, que je suis, d'une circonscription viticole qui n'a pas la chance de produire du Bourgogne est bien placé pour le savoir.

Certes, il existe des conseils à l'exportation à tous les niveaux, mais la répartition des rôles et la dispersion des moyens font que celui qui veut exporter aujourd'hui est perdu du fait du manque de lisibilité et de simplicité de toutes les procédures. Votre projet de loi aurait dû marquer cette volonté de clarification et d'aides à l'exportation, afin de faciliter l'accès de tous à de nouveaux marchés. J'ose espérer, monsieur le ministre, que vous accepterez les amendements présentés en ce sens par notre collègue Christian Jacob.

Par ailleurs, j'aimerais vous sensibiliser à la forte inquiétude ressentie par les organisations professionnelles, et, en particulier, les professionnels des cultures spécialisées dont les efforts importants de qualité sont remis en cause par la reconnaissance, dans ce projet de loi, de l'IGP comme signe de qualité ; et je rejoins en cela Patrick Ollier.

Pourquoi, monsieur le ministre, avoir supprimé les objectifs de la politique de qualité et d'origine, alors qu'ils figuraient dans le projet initial ? Ma circonscription est aussi maraîchère ; qui ne connaît, mes chers collègues, la mâche nantaise ?

M. Kofi Yamgnane.

Et le muscadet !

M. Serge Poignant.

Cela va avec...

Les maraîchers se sont engagés voici plusieurs années dans des investissements et dans des procédures de certification pour faire connaître la qualité de leurs produits.

Reconnaître l'IGP comme signe de qualité, c'est remettre en cause tous leurs efforts, tout leur travail depuis des années ; c'est remettre en cause les démarches qualité en cours et c'est un risque par là même pour le consommateur. J'ai déposé un certain nombre d'amendements tendant à supprimer l'IGP comme signe de qualité. J'espère que je serai entendu.

Enfin, pour avoir déjà proposé un amendement lors de la discussion sur le projet de loi contre les exclusions, je voudrais dire combien il est nécessaire de revaloriser les retraites agricoles.

M. Michel Hunault.

Très bien !

M. Serge Poignant.

Aujourd'hui, les plus petites retraites agricoles sont en dessous des minima sociaux et la revalorisation annoncée au budget 1999 est bien mince. L'amendement accepté en commission répercute, certes, une avancée mais il conviendrait d'engager la réflexion dès maintenant et d'annoncer un calendrier concret et précis.

En conclusion, monsieur le ministre, une loi d'orientation agricole devrait constituer un acte politique fort.

Votre projet me paraît pour le moins manquer d'ambition, comme cela a déjà été dit.

La force des lois d'orientation de 1960 et 1962, qui régissent encore notre agriculture d'aujourd'hui, était d'avoir su ouvrir des perspectives, d'avoir tracé les lignes directrices qui ont permis la formidable modernisation et le développement de notre secteur agricole et alimentaire.

Il manque à ce texte le grand élan que tous attendaient. Et je ne comprends franchement pas, monsieur le ministre, comment l'on peut dire que les CTE placeront la France en position de force dans les discussions européennes à venir. Je n'ai rien contre vos préoccupations environnementales, mais c'est bien et surtout la puissance de la France, ou plutôt son affaiblissement, qui m'inquiète.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Yvon Abiven, pour cinq minutes.

M. Yvon Abiven.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre agriculture est à un tournant, c'est une évidence. Nous pouvons aujourd'hui constater ensemble l'épuisement du modèle de développement et de production élaboré dans les années soixante qui a permis de formidables progrès de productivité. Il s'agit de prendre acte des effets déstructurants qu'il induit : crises de surproduction, concentration des exploitations, problèmes liés à l'écoulement des produits ou encore dégradation de la qualité de l'eau. Ceux-ci imposent la recherche d'un nouveau modèle pour l'agriculture française.

Cette réorientation est d'autant plus indispensable et urgente que le risque est grand que se dessine un divorce entre l'agriculture et la société, entre l'agriculteur et le consommateur, entre l'agriculteur et le contribuable. Les organisations agricoles en sont parfaitement conscientes.

Le projet de loi d'orientation répond largement à leur volonté d'anticiper les réponses qui préviendront ce divorce...

M. Lucien Degauchy.

Tu parles !

M. Yvon Abiven.

... comme il répond aux attentes des consommateurs, relayés par leurs associations, aux interrogations de nos concitoyens soucieux de leur qualité de vie, aux inquiétudes des contribuables de plus en plus réticents à accepter l'engagement des finances publiques dans le soutien à un modèle d'agriculture en crise.

Elu d'un département que vous connaissez bien, monsieur le ministre, c'est à l'aune des réalités locales que je souhaite évoquer les redéfinitions et les orientations nouvelles sur lesquelles se fonde le modèle que vous entendez promouvoir à travers ce projet de loi.

Dans le Finistère, où l'activité agricole utilise 63 % du territoire, une mutation incomparable s'est accomplie en l'espace d'une génération. De près de 38 000 exploitations, on est passé aujourd'hui à moins de 13 000, soit 4 % de moins par an. Et les prévisions pour l'an 2001 annoncent une baisse préoccupante de 1 300 exploitations. Dans le même temps, la production agricole ne cesse d'augmenter et le volume des exportations croît de manière constante.

Cette course à la concentration doit être encadrée. Ce sont aujourd'hui 20 000 actifs qui sont employés par


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l'agriculture finistérienne et 40 000 emplois qui dépendent de ce secteur si l'on y inclut l'activité agroalimentaire.

Nous devons préserver ce potentiel d'emploi et der ichesses humaines. En plaçant le renforcement du contrôle des structures, la pérennité des exploitations et l'installation des jeunes au coeur de la loi d'orientation, vous vous inscrivez dans le cadre d'une politique gouvernementale qui a fait de l'emploi sa première préoccupation.

Sur le plan économique, celui de la production, le Finistère a développé ses capacités pour devenir, au prix d'efforts importants, l'un des plus performants de France...

M. Kofi Yamgnane.

Le plus performant ! (Sourires.)

M. Yvon Abiven.

...11,6 milliards de francs en production, auxquels il faut ajouter 4 milliards de valeur ajoutée p roduits par l'activité agro-alimentaire. Ces chiffres montrent bien à quel point l'agriculture est au coeur de nos économies locales. Ils permettent également de mesurer les risques que font courir pour l'emploi les crises successives que nous venons de connaître tant en production légumière qu'en production porcine.

La diversification des productions, déjà engagée depuis quelques années, permet de limiter les risques de la m onoproduction. Mais l'effort qui reste à fournir concerne essentiellement la valorisaton du produit sur le plan qualitatif et sa transformation sur le lieu de production. L'insistance, à travers diverses dispositions du projet de loi d'orientation, sur l'objectif de qualité, va donc dans le bon sens.

Sur un troisième plan, celui de l'environnement et de la qualité de vie, les attentes de nos concitoyens face à la dégradation de la qualité de l'eau, notamment, doivent être prises en compte si l'on ne veut pas que notre société de plus en plus urbaine se désolidarise du monde rural.

Des actions sont d'ores et déjà engagées : le plan « Bretagne Eau pure » traduit une démarche volontaire à laquelle les agriculteurs participent ; la fertilisation raisonnée, les contrats de bassin, les programmes de résorption en zone d'excédent structurel sont autant d'exemples qui montrent qu'une évolution des pratiques est possible, à condition d'y impliquer directement les acteurs du terrain. Ce sont ces premières expériences de contractualisation que le CTE, instrument majeur du projet de loi, se propose de prolonger et d'élargir demain au service d'une agriculture plus soucieuse de l'environnement, de l'espace rural et de la qualité de vie.

Avant de conclure, je voudrais dire quelques mots de la crise légumière, qui illustre à la fois l'épuisement du modèle productiviste et la nécessité de nouvelles orientations. Six mois après le blocage du pont de Morlaix, dont les images sont encore dans les mémoires, cette crise est toujours très vive sur le terrain. Dans cette situation difficile, on ne peut plus se limiter à un rapport de forces pour l'obtention des aides sans remettre en cause dans leur principe. Les règles de leur répartition doivent être désormais la transparence et l'équité. Il n'est plus envisageable d'indemniser uniformément, en fonction de la production, à la tête de chou-fleur, et d'inciter ainsi à la surproduction.

Il importe donc de repenser notre modèle agricole, pour échapper à la tentation de la logique de libéralisation des marchés. Ce défi d'une agriculture respectueuse des espaces et des hommes est de taille. Il est indispensable de le relever et de réussir. La loi d'orientation, qui dessine les contours de ce nouveau modèle, met en place les moyens de cette réussite. Elle sera la contribution majeure de notre pays à la redéfinition en cours des politiques européenne et mondiale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. André Angot.

M. André Angot.

Monsieur le ministre, votre projet de loi d'orientation vise à organiser le développement agricole pour les années à venir. Il veut imprimer une nouvelle mission à l'agriculture, en l'orientant davantage vers l'aménagement et l'occupation de l'espace plutôt que vers la production de denrées alimentaires. Or cela me semble déplorable, à une époque où les populations de nombreux pays vivent dans la pénurie alimentaire.

Un député du groupe socialiste.

Démagogie !

M. André Angot.

Les primes que vous voulez accorder pour réduire la production seraient mieux utilisées si elles étaient consacrées à soutenir l'exportation des produits agricoles vers les pays où la population souffre de dénutrition.

M. Joseph Parrenin.

Encore un qui n'a rien compris !

M. André Angot.

Votre projet va augmenter l'emprise de l'administration sur l'activité agricole. On fera plus d'agriculture dans les préfectures que dans les campagnes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Patriat, rapporteur.

C'est parce que les sous-préfets vont aux champs !

M. André Angot.

Les candidats à l'installation risquent d'être obligés de passer plus de temps à effectuer leurs démarches administratives qu'à parfaire leur formation ! Dans le temps qui m'est imparti, je voudrais surtout vous faire part de la préoccupation des autres acteurs économiques du monde rural. En effet, votre projet, qui programme le déclin agricole, a, en outre, une vision très restrictive de l'économie en zone rurale. Il semble se limiter à la seule filière agricole, comme si celle-ci vivait en vase clos !

M. Joseph Parrenin.

Il faudra lui donner un texte de loi. Il est clair qu'il ne l'a pas lu !

M. André Angot.

Or toute modification de l'organisation de l'activité agricole entraîne des incidences importantes pour les autres activités économiques. Le monde rural n'est pas uniquement le monde agricole. Il est composé de nombreux acteurs économiques, qui doivent vivre en symbiose et en équilibre. Or votre projet ignore superbement cette réalité, et en particulier l'équilibre entre l'agriculture et les activités commerciales, artisanales, libérales ou de service, présentes en milieu rural.

Plusieurs dispositions vont encourager les agriculteurs à avoir recours, plus encore qu'actuellement, à la pluriactivité. Certes, elle est nécessaire comme complément de revenu dans certaines régions ou certaines activités. Elle a d'ailleurs pris une part importante au développement touristique et à l'accueil en milieu rural et c'est tant mieux.

Mais on peut être légitimement inquiet quand on voit l'encouragement que vous lui donnez vers les activités du bâtiment, des travaux publics, des services, de la transformation et de la commercialisation des produits. Des distorsions de concurrence trop flagrantes conduiront à


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des déséquilibres au détriment des autres professionnels qui exercent dans les mêmes secteurs géographiques. A activité équivalente doit correspondre mêmes droits et mêmes devoirs. Or les activités de commerce et d'artisanat que vous voulez autoriser et encourager financièrement par les CTE en complément de l'activité agricole risquent d'être exercées dans des conditions de contraintes et de charges très différentes de celles exigées des professionnels artisans et commerçants.

L'artisanat, dans les communes rurales de moins de 5 000 habitants, rassemble plus de 300 000 entreprises employant environ 500 000 salariés, auxquels il faut associer 70 000 conjoints. Au total, le nombre des emplois approchent les 900 000. A ces chiffres, il convient d'ajouter les centaines de milliers de commerçants et les PME.

Toutes ces activités contribuent de manière essentielle à la cohésion économique et sociale du milieu rural. Elles participent au maintien de la population des communes rurales et constituent un apport essentiel pour leurs recettes fiscales, le développement de l'emploi et le maintien des services de proximité.

Il est donc nécessaire que le projet de loi d'orientation ait une vision globale de l'économie en zone rurale et préserve l'équilibre des rapports entre les secteurs de l'agriculture, de l'artisanat, du commerce, des PME agroa limentaires, tous collectivement indispensables à la pérennité du monde rural.

M. François Patriat, rapporteur.

C'est prévu comme cela !

M. André Angot.

Par le déséquilibre qu'il va instaurer, votre projet risque de casser tous les efforts de redynamisation des activités artisanales et commerciales en milieu rural effectués depuis plusieurs années.

Monsieur le ministre, vous êtes, conseiller général, sénateur...

M. Lucien Degauchy.

Cumul ! (Sourires.)

M. Kofi Yamgnane.

Seriez-vous jaloux, monsieur Angot ? (Sourires.)

M. André Angot.

... élu d'un département où la moitié des cantons ruraux bénéficient, pour le contrat de plan en cours, d'opérations programmées d'amélioration et de rénovation du commerce et de l'artisanat. Ces opérations sont financées par des crédits de l'Europe, de l'Etat, de la région et du département. Elles sont très positives pour la redynamisation commerciale et artisanale des communes rurales. Votre projet, en encourageant des distorsions de concurrence, risque d'être en incohérence totale avec ces actions. Les agriculteurs ne pourront pas vivre dans un désert, dans des communes dépeuplées et démunies de services et de commerces. Or c'est à cela que votre projet risque de conduire.

J'ai déposé avec plusieurs collègues de mon groupe des amendements pour améliorer votre texte sur ces points.

J'espère que vous serez réceptif à leur pertinence. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. André Vauchez.

M. André Vauchez.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis des décennies l'agriculture française s'est inscrite dans la politique agricole commune et a fondamentalement modifié la vie dans nos campagnes. Le nombre des agriculteurs a décru inexorablement, les paysages ruraux ont été transformés, voire dénaturés.

M. Lucien Degauchy.

Il ne faut pas exagérer ! Il y a encore de beaux coins en France !

M. André Vauchez.

Les pollutions des eaux de surface et souterraines, dues pour partie à l'utilisation de plus en plus fréquente d'intrants dans les sols, sont devenues inquiétantes. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Arnaud Lepercq.

C'est faux !

M. André Vauchez.

J'ai bien dit : « pour partie » ! Apparemment, certains membres de l'Assemblée sont sourds !

M. Christian Jacob.

30 % de diminution sur les vingt dernières années, monsieur Vauchez !

M. André Vauchez.

Les consommateurs doutent de la qualité de nos produits, après que certains eurent engendré des effets néfastes chez l'homme, le plus grave étant, bien entendu, l'ESB.

La recherche de la productivité maximale pour garantir ou améliorer les revenus agricoles, conjuguée à la distribution des aides communautaires, effectuée proportionnellement aux volumes produits ou à la taille des exploitations, ont conduit à ces résultats.

Nous sommes au bout du chemin qui fut tracé jusqu'alors pour notre agriculture, d'autant que les aides européennes semblent avoir atteint leurs limites. Beaucoup d'agriculteurs, mais aussi les ruraux, les citadins ont fait leur ce sentiment. Ce que je viens d'énoncer paraît p eut-être général et vague, puisque certains ne comprennent pas. Puis-je prendre pendant quelques instants un exemple local ? Comme beaucoup de Français, nous avons, nous, Jurassiens, le résultat de cette dérive sous les yeux. Au sud du département, la petite montagne jurassienne, où les agriculteurs semblent déserter ces espaces car la terre n'a pas permis à l'agriculture productiviste de se développer, certains villages ne recèlent plus qu'un ou deux agriculteurs. Les friches et les broussailles enserrent les maisons. A l'autre bout du département, une plaine riche a vu les cultures céréalières s'intensifier. Les haies et les arbres n'ont pas résisté au remembrement sévère et radical. La pollution des nappes phréatiques est venue inquiéter les populations. Et là aussi les agriculteurs sont de moins en moins nombreux, chassés par la concentration du foncier.

M. Lucien Degauchy.

Après l'application de votre texte, il n'y en aura plus du tout !

M. André Vauchez.

Votre projet, monsieur le ministre, grâce au contrat territorial d'exploitation, qui sera passé entre le paysan et le représentant de l'Etat dans le département, pourra prendre en compte l'élément économique nécessaire, que personne ne remet en cause, systématiser la donnée environnementale accomplie par l'exploitant, et réorienter l'agriculture vers une agriculture « riche en hommes », selon l'expression de notre rapporteur François Patriat, et présente sur tout le territoire français, de la plaine fertile aux zones de piémont et à la montagne.

Je prolongerai mon propos en évoquant deux points précis. Le premier porte sur la préparation et l'élaboration du CTE. Vous avez parlé, monsieur le ministre, de même d'ailleurs que Joseph Parrenin, de réconciliation entre l'agriculture et la société. Lorsque seront rassemblés les différents points à inclure dans le volet environnemental, ne sera-t-il pas nécessaire de prendre en considération les


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propositions des autres usagers de la nature ? Je veux parler des élus responsables des territoires communaux et de la qualité de la ressource en eau, ainsi que des associations intéressées par ce projet protecteurs et usagers de la nature, consommateurs.

Le second point porte sur la maîtrise de la politique des structures. Bien conduite, elle doit faciliter la reprise des exploitations par les jeunes, permettre de stopper la course à la concentration des surfaces et ouvrir ainsi la perspective de nouveaux emplois en agriculture.

M. Lucien Degauchy.

On peut toujours rêver !

M. André Vauchez.

Cela est contenu dans votre projet, monsieur le ministre, mais, parmi ces mesures, l'une aura un effet considérable : la définition de l'unité de référence.

Si l'on s'entend bien sur le concept de dimension économiques par actif qui fera que le complément de revenu sous forme d'aide est plus important pour celui qui a moins, et moindre pour celui qui a plus, l'objectif de cette loi sera atteint. D'où l'intérêt du registre agricole.

Il permettra d'arrêter précisément le nombre d'actifs par exploitation. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

En conclusion, je dirai que c'est à partir de cette base où, en quelque sorte, les structures s'autoréguleront, que l'agriculture des années 2000 ouvrira des perspectives nouvelles pour des paysans plus nombreux et pratiquant une agriculture riche de ses produits, à valeur ajoutée élevée, y compris dans le domaine de l'agriculture biologique, et cela dans un environnement géré de façon harmonieuse sur l'ensemble du territoire français. Votre projet, monsieur le ministre, regarde résolument vers l'avenir. C'est une vraie loi d'orientation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Lucien Degauchy.

Ne rêvez pas !

M. le président.

Merci, monsieur Vauchez. Vous avez parfaitement respecté votre temps de parole.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, peut-il y avoir une loi d'orientation agricole sans un volet relatif aux charges fiscales et sociales pesant sur les exploitations agricoles ? La réponse est clairement négative car les exploitations agricoles souffrent en France d'un triple handicap social et fiscal.

Premier handicap : les exploitants individuels paient des impôts sur le revenu et des cotisations sociales sur une assiette non représentative du revenu réellement disponible.

Deuxième handicap : les exploitants ne bénéficient pas d'un dispositif incitatif pour investir dans les outils de transformations et de commercialisation de la production agricole, qu'ils soient coopératifs ou privés.

Enfin, troisième grand handicap : les dispositifs existant en matière de transmission des entreprises agricoles découragent l'installation des jeunes et détruisent parfois les entreprises quand la transmission n'a pas été préparée longtemps à l'avance. Un grand nombre de personnes auditionnées par la commission ont souligné l'insuffisance de votre projet de loi, monsieur le ministre, sur ce point essentiel. Même M. le rapporteur l'a reconnu.

M. François Patriat, rapporteur.

C'est vrai !

M. Charles de Courson.

Or, on doit constater que, dans le projet de loi de finances pour 1999, comme dans l'avant-projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, il n'existe aucune disposition fiscale allant dans le sens d'une solution pour surmonter les trois handicaps que je viens d'évoquer. Vous ne pourrez donc pas esquiver la question en nous renvoyant, comme l'ont fait certains de vos prédécesseurs, à la prochaine loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Nous les connaissons l'une et l'autre. Il y apparaît que vous n'avez rien obtenu. Certes, vous pourrez toujours dire que c'est la faute de Bercy et que vos prédécesseurs n'ont pas fait mieux que vous. Mais, comme vous êtes un ministre républicain, vous êtes solidaire de la position gouvernementale.

Je souhaite quant à moi vous dire, au nom de mon groupe, et plus largement de l'opposition, puisque nous nous sommes mis d'accord sur ces trois points essentiels...

M. Kofi Yamgnane.

Ça, c'est nouveau ! C'est un vrai scoop !

M. Marcel Rogemont.

C'est leur seul point d'accord !

M. Charles de Courson.

... ce que votre texte devrait contenir pour faire une bonne loi. Nous y pourvoirons en déposant trois amendements sur ces points majeurs.

Sur le premier point, il convient d'achever l'éclatement du revenu agricole entre ces trois composantes, c'est-àdire le revenu du capital foncier, le revenu du capital non foncier, et le revenu du travail de l'agriculteur.

M. Philippe Vasseur.

Très bien !

M. Charles de Courson.

La loi de modernisation agricole de 1984 avait amorcé le mécanisme, en sortant du revenu imposable le revenu foncier. Cependant, ce n'est qu'à travers la réforme de l'assiette du foncier non bâti, qui sert de référence pour le calcul du revenu foncier, que cette première phase de la réforme sera achevée. Et on peut espérer qu'entre 2000 et 2004 cette première étape de la réforme sera achevée par la révision des bases du foncier non bâti.

Mais cette première étape est la plus facile. La deuxième est la plus importante, qui consiste à sortir de l'assiette cotisable et imposable à l'impôt sur le revenu ler evenu du capital non foncier. Sur ce point, le groupe UDF et, plus largement, l'ensemble de l'opposition proposent une solution concrète : la réserve spéciale d'autofinancement, c'est-à-dire la possibilité pour chaque exploitant individuel de déduire de son revenu une somme consacrée aux investissements et qui viendrait conforter les capitaux propres de l'entreprise.

Cette somme, ainsi sortie en dotation pour investissement, serait taxée au taux des plus-values à long terme, c'est-à-dire à 19 %. Ainsi l'exploitant individuel agricole bénéficierait du même dispositif que les PME, qui nes upportent qu'un taux réduit de 19 % sur les 200 000 premiers francs de bénéfices. En cas de retrait de ces sommes, immobilisées en réserve, l'exploitant supporterait une taxation à l'impôt sur le revenu ainsi que des cotisations sociales au taux de droit commun. Avec avec un tel dispositif, la parité entre les entreprises agricoles exerçant leurs activités en société et celles fonctionnant sous la forme de l'entreprise individuelle serait rétablie.

Certes, monsieur le ministre, vous pourriez nous demander pourquoi nous n'avons pas pris cette mesure plus tôt. A cet égard, je peux prendre à témoin le pré-


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cédent ministre de l'agriculture ici présent. Sachez, en effet, que tout était prêt dans le texte qui a précédé le vôtre.

M. Kofi Yamgnane.

Et qu'est-il arrivé ?

M. Joseph Parrenin.

Il y a eu l'éclair du 23 avril !

M. Marcel Rogemont.

C'est la faute des électeurs !

M. Charles de Courson.

La bataille pour faire adopter cette disposition à laquelle votre prédécesseur était farouchement favorable aurait été formidable car nous étions convenus de nous battre sur ce sujet.

M. Michel Bouvard.

C'était l'époque où nous avions un bon ministre !

M. Marcel Rogemont.

Aujourd'hui nous avons une bonne Assemblée !

M. Joseph Parrenin.

Et un bon ministre !

M. Charles de Courson.

C'est ce que nous allons voir, car une assemblée se juge à ses votes, mes chers collègues.

La troisième réforme consisterait à renforcer l'investissement des agriculteurs vers l'aval, de façon à exercer un contrôle sur la transformation et la commercialisation d e leurs produits agricoles. A défaut, monsieur le ministre, la fameuse loi économétrique selon laquelle plus le produit est sophistiqué plus la part de sa valeur qui revient à l'exploitant agricole est faible se vérifierait. En conséquence, l'agro-industrie capterait une part croissante de la valeur du produit fini et imposerait ses prix aux agriculteurs, réduisant peu à peu leurs revenus.

Je peux vous donner deux illustrations de ce phénomène à l'aide de deux exemples excellents que je connais dans mon département : la filière betteravière, celle du sucre, et le champagne.

Pourquoi le secteur du champagne a-t-il réussi à conserver depuis quarante ans aux producteurs de raisins le tiers de la valeur de la bouteille ? Parce qu'il existe une bonne organisation interprofessionnelle qui dispose d'outils permettant de peser sur la transformation. Il en est de même de la filière betteravière.

Le groupe UDF et, plus largement, l'opposition proposent donc l'éligibilité à la dotation pour investissement de l'achat de parts sociales de sociétés coopératives agricoles et de tout autre organisme mutualiste, ou d'actions ou de parts de sociétés assurant la transformation ou la commercialisation de matières premières agricoles.

L a quatrième réforme fondamentale, monsieur le ministre, concerne la transmission des entreprises. On ne peut, en effet, accepter qu'en cas de transmission de l'entreprise, l'exploitant supporte tout à la fois la taxation des plus-values de cession et des droits de succession, ce qui rend la charge totale insupportable.

Aussi le groupe UDF et toute l'opposition proposentils un dispositif prévoyant une exonération de 75 % des plus-values de cession dans la limite de 3 millions, si la cession s'effectue au profit d'un membre de la famille...

M. Joseph Parrenin.

Il dépasse son temps de parole !

M. Marcel Rogemont.

Il parle depuis neuf minutes !

M. Charles de Courson.

... sous condition que ce dernier ne cède pas l'exploitation avant dix ans, et un taux de 50 % quand la transmission est opérée en faveur d'un jeune.

M. le président.

Monsieur de Courson, je vous demande de conclure, mais je tiens à rappeler à mes collègues que c'est moi qui préside et que j'essaie d'être aussi équitable que possible.

M. Charles de Courson.

En conclusion, monsieur le président, voilà ce que pourrait être le volet d'une grande loi d'orientation agricole tournée vers l'avenir et qui assurerait durablement la compétitivité des exploitations agricoles françaises, une parité avec les entreprises des autres secteurs de l'économie et un rééquilibrage des pouvoirs dans la filière agro-alimentaire. Telles sont les quatre grandes réformes qu'il conviendrait de mettre en oeuvre.

L'opposition, monsieur le ministre, espère que vous l'entendrez à cet égard, car il en va de la crédibilité même de votre loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont.

Monsieur le ministre, vous avez bien voulu exposer les enjeux de la loi d'orientation en posant notamment la question de savoir s'il y aurait encore des agriculteurs demain et en demandant si l'on préférait avoir des productions initiées uniquement par des sociétés intégrées occupant les seuls espaces fortement productifs, ou des agriculteurs nombreux sur tout le territoire.

M. Lucien Degauchy.

Vous voulez en faire des fonctionnaires !

M. Christian Jacob.

Ils semblent oublier qu'il existe des sociétés en nom personnel en agriculture : les EURL !

M. Marcel Rogemont.

En fonction de cet enjeu, je formulerai deux réflexions.

La première portera sur l'emploi en agriculture.

Le développement phénoménal de la productivité agricole dans les quarante dernières années a permis aux agriculteurs d'acquérir des revenus décents, mais, dans le même temps, il a, de fait, exclu des populations nombreuses du monde rural. La perte de 40 000 exploitations par an semble inéluctable si rien n'est fait.

L'approfondissement de la relation entre emploi et agriculture rend nécessaires la poursuite et l'amplification des politiques d'installation des jeunes. Tout le monde est d'accord sur le sujet. Cependant, il rend également nécessaire la prise en compte de la situation des agriculteurs qui ne sont ni vieux, ni jeunes, ni riches, mais qui vivent difficilement sur leur exploitation. Comment ces personnes et ces familles peuvent-elles vivre dans le dénuement ou presque alors que certaines exploitations perçoivent plusieurs millions de francs d'aide par an ?

M. Christian Jacob.

Il y a le problème des zones intermédiaires !

M. Lucien Degauchy.

Ils n'y connaissent rien ! Il n'y a pas un agriculteur dans leurs rangs !

M. Marcel Rogemont.

Le partage des quotas de production à leur profit, un supplément de terre, un supplément d'aide leur permettraient de vivre plus décemment.

L'avantage serait double : assurer un revenu décent à ces agriculteurs et permettre la construction et la conservation d'unités de production viables, donc transmissibles.

De même, la réintégration d'actifs agricoles dans l'agriculture doit-elle imposer un agrandissement des surfaces dans toutes les circonstances ? N'y a-t-il pas derrière toutes ces questions une nouvelle façon de gérer les structures pour placer l'emploi au centre de nos préoccupations et, plus encore, de nos actions ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

M. Gérard Saumade.

Exact !

M. Marcel Rogemont.

Le contrôle des structures que vous proposez dans la loi doit être un outil opérationnel pour l'emploi, dont le problème n'est pas limité à l'installation des jeunes. Il faut aussi faire face au mouvement naturel de l'agrandissement, pour le contrôler et l'infléchir afin de conserver le plus grand nombre possible d'actifs.

Je me permets d'appeler votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessité de veiller à cette orientation afin que la loi nourrisse réellement les décisions et assure le développement de l'emploi. Il en va de l'avenir du monde rural mais aussi de l'agriculture périurbaine.

Je veux également traiter des contrats territoriaux d'exploitation.

Leur intérêt est notamment de donner un corps, une identité à un ensemble de mesures contractuelles qui ne manqueront pas de se développer, dès lors que l'on rendra compatibles l'activité agricole et l'habitat, l'agriculture et l'environnement. Il existe un besoin de contractualisation qui va de pair avec un souci de cohérence entre les différents intervenants. Le CTE en sera l'outil.

Il faudra cependant demeurer attentifs dès lors que les financeurs de ces contrats territoriaux d'exploitation se multiplieront, notamment avec l'entrée en jeu des collectivités territoriales.

Ainsi, par exemple, sur les 55 000 hectares de l'agglomération de Rennes, 33 000 sont occupés par de la surface agricole utile. Cela démontre l'importance et la nécessité d'une agriculture périurbaine et la nécessité d'une activité agricole performante proche de l'habitat afin qu'elle puisse se développer en bonne intelligence avec lui.

Les élus doivent donc déterminer la destination des terres agricoles à moyen et long terme et les agriculteurs doivent tenir compte des zones d'habitat.

La nécessaire implication des collectivités territoriales dans le devenir de l'agriculture n'est-elle pas une raison suffisante pour les associer plus encore au fonctionnement des CDOA afin de leur permettre d'élaborer avec le monde agricole des actions et de les évaluer, et pour que, chacun étant à sa place, puisse se développer une activité économique essentielle dans la région ?

M. Gérard Saumade.

Très bien !

M. Marcel Rogemont.

Le troisième sujet que je veux évoquer est la nécessaire solidarité à mettre en oeuvre en faveur des retraités agricoles dont les revenus sont très faibles. Des décisions ont été prises cette année. Tel serae ncore le cas l'an prochain, puisque plus de 600 000 retraités verront leur retraite progresser significativement en 1999. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Michel Bouvard.

Combien ?

M. Jean Auclair.

Cinq pour cent seulement auront été concernés cette année.

M. Marcel Rogemont.

Voilà une action vigoureuse qui se distingue nettement de celles que vous avez conduites, messieurs.

Il convient de poursuivre activement dans ce sens et de se donner des objectifs clairs et ambitieux de solidarité pour atteindre le plus rapidement possible un niveau décent pour les retraites agricoles.

M. Jean Auclair.

Parlons-en !

M. Lucien Degauchy.

C'est mal parti !

M. Marcel Rogemont.

Au travers de ces trois réflexions j'ai voulu montrer que l'emploi, le contrat, la solidarité sont au coeur de nos préoccupations et de la loi d'orientation agricole. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Christian Jacob.

Ce n'est pas brillant !

M. Le président.

Je vous remercie, car vous avez été parfaitement concis.

M. Christian Jacob.

Mais le contenu n'était pas à la hauteur !

M. Le président.

La parole est à M. Bernard Schreiner.

M. Bernard Schreiner.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, actuellement près de quatre-vingts départements mettent déjà en place une préfiguration du contrat territorial d'exploitation prévu par le projet de loi d'orientation agricole soumis à l'examen de notre assemblée. Cette mise en place, qui n'a même pas attendu notre débat parlementaire, nous met devant un fait accompli. Elle risque de fausser les analyses que nous nous efforçons de faire au sein de cet hémicycle.

En effet, l'imprécision et le flou des directives transmises dans les départements dits candidats, car, biens ouvent, les organisations professionnelles agricoles n'avaient rien revendiqué, engendrent des schémas multiples et désordonnés, souvent contradictoires.

M. François Patriat, rapporteur.

Ces contrats sont adaptés au territoire où ils vont s'appliquer.

M. Bernard Schreiner.

C'est à se demander si notre pouvoir de parlementaires où ils vont s'appliquer ne se limite pas à officialiser les initiatives expérimentales du Gouvernement.

M. François Patriat, rapporteur.

Dans ces conditions pourquoi intervenez-vous ?

M. Bernard Schreiner.

Selon le ministre de l'environnement et selon vous, monsieur le ministre de l'agriculture, le CTE doit être au coeur des négociations agricoles pour l'élaboration des futurs contrats de plan

Etat-Région. On risque donc encore d'anticiper les décisions parlementaires puisque le calendrier des négociations des contrats de plan prévoit des dates de décisions qui risquent d'être incompatibles avec les délais nécessaires aux débats parlementaires et à la publication des décrets d'application de la loi.

Les domaines qui seront éligibles aux CTE sont divers.

Nombre des sujets préconisés relèvent d'ailleurs plus d'analyses logiquement effectuées par le ministère de l'environnement que par le ministère de l'agriculture.

Voilà une nouvelle expression de la dérive environnementale de la politique agricole menée par l'actuel gouvernement socialiste.

M. Marcel Rogemont.

L'environnement n'est pas socialiste ! Il appartient à tout le monde !

M. Bernard Schreiner.

Or cette dérive risque de servir les adversaires de l'actuelle politique agricole commune, qui, selon eux, est trop avantageuse budgétairement pour la France.

Il ne faudrait pas que cette loi d'orientation les encourage dans leur volonté d'affaiblissement des rôles économiques et commerciaux que la France peut logiquement revendiquer pour l'Europe verte de demain.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

Il ne faudrait pas non plus que l'application de la loi, au travers des CTE, renforce le caractère administré et

« fonctionnarisé » de l'agriculture française, alors que les discours européens et internationaux préconisent des démarches libérales qui remettent en cause toutes les aides et mesures de soutien à nos productions agricoles.

Il ne faudrait pas, enfin, que les exigences environnementales ou sociales qui risquent de conditionner les aides économiques à l'agriculture, compromettent la compétitivité de nos produits. Ceux-ci sont déjà handicapés par les distorsions de concurrence résultant de l'absence ou de l'insignifiance des réglementations sociales et environnementales dans certains pays du Sud de l'Union européenne ou dans des pays tiers exportateurs nets de produits agricoles.

Les lois sur la décentralisation ont confié aux collectivités territoriales des compétences importances en matière d'aménagement du territoire, de formation ou de politique économiques, thèmes prévus aussi pour les CTE.

Ces sujets seront donc soumis à contractualisation entre l'autorité administrative représentant l'Etat et l'agriculteur.

Monsieur le ministre, s'agit-il d'une remise en cause des compétences qui ont été transférées par la loi aux collectivités ? Pourriez-vous nous éclairer sur les véritables intentions du Gouvernement à cet égard ? Nous avons l'impression, et même le sentiment fort, que la décentralisation est remise en cause par votre projet de loi. Ce sont nos agriculteurs qui, les premiers, en feront les frais.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Ernest Moutoussamy.

M. Ernest Moutoussamy.

Monsieur le ministre, l'agriculture guadeloupéenne, qui vous est familière de par vos a nciennes fonctions de ministre de l'outre-mer, ne connaît pas, vous le savez, le succès de nos sportifs dans les équipes de France. Martyrisée en permanence par les aléas climatiques - sécheresses, coups de vent, cyclones et par de trop nombreuses crispations sociales, victime d'une insuffisance d'organisation rationnelle et efficace, et de la concurrence internationale, pénalisée par l'étroitesse des marchés, la rareté du foncier, l'érosion et l'épuisement des sols, dénaturée par les pesticides et les déchets de tous genres, elle est de plus en plus délaissée parce que trop fragile et difficilement rentable.

Aujourd'hui, si le jardin de la Guadeloupe se trouve dans les containers d'importation, c'est aussi à cause des charges sociales trop lourdes, d'un endettement excessif et de l'absence d'une stratégie globale de développement et de qualité.

Tout cela, monsieur le ministre, pour vous dire que la loi d'orientation agricole est attendue non pas pour faire le miracle, mais, au moins, pour apporter une réponse à certaines attentes.

Nous savons très bien qu'on ne relancera pas notre agriculture par des décrets. La motivation et l'adhésion indispensables des professionnels à s'investir dans la reconquête de la terre et du travail agricole, passent par une politique adaptée à nos réalités.

Ce projet de loi dont les principales dispositions sont porteuses de renouveau, doit, par des mesures adéquates d'adaptation, privilégier d'abord la production. Le texte appliqué outre-mer doit éviter les erreurs des lois d'orientation et d'adaptation précédentes, dont les effets sur la production agricole locale, au cours des trois dernières décennies, se sont traduits par des mutations, certes nécessaires mais non maîtrisées, engendrant instabilité et fragilité de l'organisation économique de l'agriculture guadeloupéenne.

Notre configuration insulaire et les caractéristiques de notre agriculture imposent une approche spécifique de la question des petites régions agricoles, de la sauvegarde du foncier agricole, du contrat territorial d'exploitation, de la politique de la qualité et du statut de l'exploitant.

Sans cultiver à l'excès le particularisme, chacun est conscient que l'intégration excessive est mortelle. L'organisation collective, qui a besoin d'être confortée, exige une articulation cohérente avec les CTE. C'est donc un vaste champ qui s'ouvre avec de nouveaux sillons en perspective. Aussi, toutes ces considérations conduisent-elles à la nécessité de mieux adapter le rôle de l'ODEADM dans le développement de l'économie agricole des départements d'outre-mer et de réussir une adaptation adéquate de ce texte à nos régions.

Le CTE, qui établit la responsabilité civile individuelle vis-à-vis des politiques publiques, doit intégrer toutes les dimensions du travail de l'agriculteur et s'inscrire coûte que coûte dans un projet de développement économique.

Enfin, la réussite de la réforme, portée par les professionnels organisés par produit ou par groupements de producteurs, implique une mise en cohérence de toutes les aides, des programmes sectoriels et du prochain contrat de plan.

Monsieur le ministre, ce débat nous donne l'occasion de vous rappeler que notre agriculture ne peut pas être compétitive si ses spécificités, résultant de ses handicaps, ne sont pas prises en compte. Toutes les prochaines échéances sont chargées de menaces. Les renégociations de l'OMC, la réforme de la fiscalité du rhum, le processus d'accélération des échanges, la course à la mondialisation, préoccupent les agriculteurs. Une baisse des soutiens à la production contribuerait à déposséder définitivement la Guadeloupe de sa capacité d'investir dans l'agriculture, ce qui rendrait évidemment problématique le maintien d'une agriculture et la réalisation des fonctions environnementales, territoriales et sociales.

Pour terminer, monsieur le ministre, et compte tenu de l'importance des dégâts causés à l'agriculture par l'ouragan Georges, je me permets d'insister auprès de vous pour que les procédures d'indemnisation soient accélérées.

Une attente trop longue risquerait d'être mortelle pour la banane et la diversification agricole. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard, dernier orateur inscrit dans la discussion générale.

M. Michel Bouvard.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les enjeux du texte dont la discussion nous réunit ce soir ont largement été exposés avant moi. Aussi, après avoir regretté les insuffisances du projet concernant le statut des personnes et des entreprises et l'organisation économique des producteurs, m'en tiendrai-je à l'incidence de celui-ci sur le seul secteur de l'agriculture de montagne - déjà évoqué par M. Patrick Ollier - pour lequel il représente à la fois un espoir et des craintes.

Un espoir car le modèle agricole que le projet de loi prétend défendre, à savoir une agriculture orientée vers la qualité, non-intensive, respectueuse de l'environnement et assise sur des filières, correspond à celle pratiquée dans nos territoires de montagne.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

Un espoir car la montagne est reconnue en tant que telle dans le texte de loi, ce qui constitue un progrès, notamment par rapport à la position de l'Union européenne, laquelle persiste, dans la réforme des fonds structurels, à ignorer jusqu'au mot de montagne.

Un espoir car le texte tend à apporter une solution au lancinant problème de l'appelation « montagne » qui nous a valu un recours de la Commission européenne et a déjà mobilisé les élus de la montagne il y a quelques mois dans cette même enceinte.

Mais le projet suscite aussi des craintes, car, pas plus que les autres paysans de France, ceux de montagne n'entendent devenir de simples jardiniers de l'espace. Tout comme les autres paysans de France, ils considèrent que leur fonction première est une fonction de production...

M. Lucien Degauchy.

Tout à fait !

M. Michel Bouvard.

... et que le projet entretient un flou artistique sur le contenu du contrat territorial d'exploitation, les moyens qui seront consacrés à sa mise en oeuvre et leur origine.

Aussi, après avoir exposé les principaux problèmes de l'agriculture de montagne, je préciserai notre position par rapport à ceux-ci dans l'espoir que des réponses précises nous soient apportées.

L'agriculture de montagne, monsieur le ministre, a fait avant d'autres le choix de la qualité en optant pour des productions en volumes limités, appuyées sur des filières protégées, la valeur ajoutée compensant la faiblesse des quantités produites. C'est en Savoie que sont nées les premières AOC non viticoles, et je rends hommage aux dirigeants agricoles savoyards qui ont porté cette conception novatrice de l'agriculture.

Mais cette agriculture reste fragile. Tout d'abord parce que le niveau de vie des agriculteurs de montagne, même s'il a progressé grâce à la qualité des productions, reste dissuasif. Les jeunes qui souhaitent s'installer savent que leurs revenus se situeront à peine dans la moyenne nationale alors que le poids des investissements et la difficulté du travail seront plus grands.

Elle est fragile, ensuite, parce que la politique des quotas et le poids des offices restent déterminants et ne permettent pas toujours de disposer des quantités nécessaires à l'installation des jeunes. Qu'il s'agisse des quotas de lait ou des primes ovines, la reconnaissance de la montagne par les offices est un combat permanent.

Elle est fragile, enfin, car elle est confrontée à des handicaps multiples : celui lié à la pente, celui dû à l'altitude, et celui résultant du fait que les exploitations sont disséminées sur un vaste territoire.

Le handicap de la pente rend nécessaire une mécanisation spécifique avec des matériels de série limitée, et par là même plus coûteux, afin d'assurer par exemple la collecte du fourrage indispensable au respect des normes AOC.

Le handicap de l'altitude fait que les bâtiments d'élevage, comme toutes les constructions en montagne, coûtent 30 % plus cher qu'en plaine du fait de leur isolation et du renforcement de leurs charpentes pour résister à la neige.

Le handicap de la dissémination des exploitations entraîne un surcoût de la collecte de lait et de la prise en charge par les éleveurs des techniciens agricoles assurant le contrôle sanitaire du cheptel ou celui de la qualité du lait ou de la viande.

Ces handicaps sont aujourd'hui reconnus, et on tente d'y remédier au travers d'outils comme l'indemnité spéciale montagne et l'indemnité compensatrice de handicap naturel. Nous tenons, monsieur le ministre, à ce que ces aides spécifiques restent clairement identifiées. En aucun cas, je le dis clairement car plusieurs réunions avec votre cabinet n'ont malheureusement pas dissipé les doutes à ce sujet, nous ne saurions accepter qu'elles soient fondues dans un CTE destiné à l'ensemble du territoire. Qui plus est, leur revalorisation est nécessaire. S'agissant d'aides liées à l'exploitation d'espaces difficiles, leur attribution sous condition de ressources n'est nullement justifiée et ne saurait être retenue si nous souhaitons éviter que des paysages ne se ferment et que des terres ne soient livrées à l'abandon. Nous connaissons tous les risques d'érosion accélérée et d'avalanches qui peuvent en découler.

M. Lucien Degauchy.

Très juste !

M. Michel Bouvard.

De la même manière, monsieur le ministre, les crédits d'installation, compte tenu des investissements à réaliser, sont indispensables, je tiens à le réaffirmer, pour la réunion des bâtiments d'élevage et la mécanisation. La fusion des lignes dans le passé - mesure que j'ai, pour ma part, regretté que le précédent gouvernement prenne - a induit des retards importants qui, s'ils ont, certaines années été résorbés, s'accroissent depuis deux ans. Les conditions d'installation des jeunes en sont fragilisées car, ne pouvant attendre, ils se passent des aides de l'Etat ou se les voient refuser pour avoir engagé des travaux avant la saison d'hiver. Les subventions sont en effet notifiées après la première neige, ce qui interdit de mener les travaux avant la saison suivante.

Le contrat territorial d'exploitation, sous réserve du maintien des indemnités spécifiques et de la revalorisation des aides, peut être un succès dans nos régions mais il ne le sera que s'il confirme aussi la fonction de production de l'agriculture de montagne.

M. François Patriat, rapporteur.

C'est naturel.

M. Michel Bouvard.

Oui, l'agriculture de montagne assure une fonction de gestion de l'espace et d'entretien des paysages, essentielle pour la qualité de la vie, pour le tourisme et pour la sécurité. Mais c'est là une fonction ancestrale qui n'a pas attendu la création d'un ministère de l'environnement ou l'avènement des Verts en politique pour exister. Elle est une résultante. Elle ne peut donc en aucun cas devenir la fonction dominante de notre agriculture.

En clair, il ne peut être question, je le dis aussi très fermement, que les aides du CTE soient orientées principalement, voire uniquement, vers les adhérents du réseau Natura 2000, comme on le laisse parfois entendre dans certaines réunions.

M. Lucien Degauchy et M. Didier Quentin.

Très bien !

M. Michel Bouvard.

Ces allégations ne sont pas le fait, je vous en donne acte, monsieur le ministre, des personnels de votre ministère. Je connais votre soutien sur ce point.

M. le président.

Puis-je vous demander de conclure, monsieur Bouvard ?

M. Michel Bouvard.

Je vous en prie, monsieur le président ! Le CTE peut être un succès si, à côté, n'est pas remise en cause la maîtrise par les agriculteurs des filières de production, qui est le seul moyen de dégager un revenu indispensable à l'équilibre des exploitations face aux ten-


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tations hégémoniques de la grande distribution. Il ne peut être question que, pour les AOC comme pour les IGP, la transformation des produits se fasse en dehors des zones de production. Une telle acceptation équivaudrait à la remise en cause du concept même de développement durable pour nos territoires : des emplois ne seraient plus créés sur place et les agriculteurs passeraient sous la coupe de grands groupes qui les considéreraient comme de simples sous-traitants.

Enfin, et j'en termine, monsieur le président...

M. Jean Michel.

Il est temps !

M. le président.

Je vous remercie !

M. Michel Bouvard.

... nos régions ont souvent investi dans des marques collectives qui ont mobilisé d'importants crédits de promotion. Nous souhaitons continuer à les utiliser comme support.

J'aurai l'occasion de revenir, lors de la discussion des articles et des amendements, sur plusieurs autres points, du texte. Mais je souhaite encore, en dernier lieu, insister sur le caractère pluriactif de l'agriculture de montagne.

Dans l'esprit du rapport de mon collègue Hervé Gaymard sur la pluriactivité, il est nécessaire de mettre en oeuvre sans plus tarder de nombreuses dispositions, vitales pour nos territoires de montagnes, qui attendent encore la publication de décrets d'application. (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La discussion.

La discussion générale est close.

Monsieur le ministre, souhaitez-vous répondre maintenant aux orateurs ?

M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

Vous avez la parole, monsieur le ministre.

M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur le rapporteur, la discussion générale, dans laquelle trente-huit orateurs sont intervenus, n'a pas manqué d'intérêt. De très nombreuses questions ont été posées. Elles ne resteront pas sans écho, mais toutes ne pourront ce soir, chacun le comprendra, recevoir une réponse intégrale, compte tenu de la diversité des thèmes abordés.

Le projet de loi d'orientation ignore-t-il la fonction de production de l'agriculture ? Ceux qui m'ont écouté ce matin ne peuvent honnêtement, je crois, porter une telle accusation. Mais faut-il véritablement une loi d'orientation, en 1998, pour dire aux agriculteurs qu'ils doivent produire après les formidables progrès enregistrés par la production agricole depuis trente ans, progrès sur lesquels je suis longuement intervenu ce matin ? Nous sommes tous d'accord sur le fait que l'agriculture produit et continuera de produire. Arrêtons donc les faux débats. Les questions auxquelles il faut répondre sont tout autres. La production agricole a progressé, mais qu'en est-il des producteurs ? Les 4 millions d'agriculteurs qui, ces quarante dernières années, ont dû quitter le métier étaient convaincus de la fonction de production de l'agriculture, mais ils ne sont plus là pour la remplir. C'est pourquoi le texte que je propose s'intéresse d'abord aux producteurs et a pour objet de leur permettre de produire durablement. Ce que j'entends défendre, c'est la place des agriculteurs dans la société.

L'objectif que je veux atteindre, c'est que les paysans puissent retirer équitablement les fruits de leur activité.

J'entends préserver l'existence d'une politique agricole publique qui soit durablement justifiée. Or, elle ne le sera pas si elle se borne à encourager le développement des volumes de production.

Mme Aubert, M. Gengenwin, M. Le Nay, M. Warhouver, Mme Marre et M. Rebillard, notamment, sont intervenus sur la question des relations entre l'agriculture et l'environnement. Avançons dans ce débat.

Nous savons bien que nous ne pouvons pas développer la production sans prendre en considération le sol, le sous-sol et les ressources naturelles qui constituent la base même de l'agriculture.

La « gestion en bon père de famille », prônée dans le code civil, s'applique aussi à l'agriculture. C'est d'abord un enjeu pour l'ensemble de notre territoire, qui doit être occupé, tenu et géré. C'est ensuite un enjeu pour l'agriculture. Comment pourrait-elle être durable si elle gâchait ou appauvrissait le support de production qu'est la terre ? C'est enfin, vous le savez bien, un enjeu économique.

C'est en intégrant la qualité de nos modes de production et la qualité de nos ressources que nous obtiendrons une agriculture et des produits de qualité. Ma conviction, c'est que le métier d'agriculteur ne peut qu'en sortir grandi et que nos produits ne peuvent qu'en être mieux valorisés sur le marché. Faisons donc de l'environnement une dimension de notre performance et de notre compétitivité, et non un obstacle et un boulet, et veillons à ce que les producteurs retrouvent leur qualité d'agronomes et d'éleveurs.

Au reste, je considère comme égaux en dignité les jardiniers, les agriculteurs, les cantonniers et les fonctionnaires. Que gagnons-nous à mettre en doute leur métier ? (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Christian Jacob.

Avant votre arrivée au ministère, les agriculteurs ne savaient pas ce que c'était que produire !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mmes Marre et Aubert, MM. Vasseur, Leyzour, Gengenwin, Suchod, Goulard et Morisset, notamment, auraient souhaité voir lever les ambiguïtés et les contradictions entre le présent projet de loi d'orientation agricole et la politique agricole commune. Il y a, dans mon esprit, un lien étroit entre les débats nationaux que nous avons à l'occasion de l'examen du projet et la réforme de la PAC.

Mais cela n'aurait aucun sens d'adopter une loi en France en totale contradiction avec celle qui se dessine à Bruxelles. Je tiens à vous rassurer, j'ai moi aussi ce souci de cohérence. C'est précisément parce que je veux pouvoir peser dans les débats à Bruxelles pour faire valoir la position de la France qu'il était nécessaire, et urgent, de mener à son terme le travail d'élaboration du projet de loi d'orientation.

Puisque j'ai été interrogé sur l'état de la négociation Agenda 2000, j'en profite pour en dire quelques mots. La politique agricole nationale et commune vise simultanément plusieurs objectifs : préserver le revenu des agriculteurs, réguler les marchés agricoles, défendre le modèle européen de l'agriculture. Il n'est pas possible d'atteindre l'ensemble de ces objectifs par un outil unique : celui des aides directes aux revenus, par exemple. C'est la divergence fondamentale que j'ai avec la Commission.

Sans procéder à l'examen détaillé de la proposition de celle-ci, il m'apparaît que son intérêt essentiel tient à sa capacité non pas à instaurer un équilibre durable des


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marchés agricoles, mais plutôt à dégager des marges de manoeuvre dans le cadre des prochaines négociations de l'organisation mondiale du commerce. En baissant les prix garantis, la Commission pourrait demain, plus facilement, accepter une nouvelle réduction de la préférence communautaire, et par exemple une diminution supplémentaire du budget accordé aux restitutions à l'exportation, par exemple.

Les épisodes récents de cet été, - je pense en particulier à la négociation d'un accord de libre-échange avec le Mercosur - montrent qu'il n'est pas possible de donner de chèque en blanc à la Commission en ce domaine.

M. Christian Jacob.

Heureusement que le Président de la République est intervenu sur le sujet ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Encore !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Jacob, vous devriez savoir que tout ce qui est exprimé au niveau communautaire sur la politique agricole commune est le fruit d'une rencontre entre le Président de la République, le Premier ministre et le ministre de l'agriculture.

M. Christian Jacob.

Sur l'affaire du Mercosur, heureusement que le Président de la République est monté au créneau. Ce n'est pas vous ! Il ne faut pas récupérer les choses !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Sur des questions d'intérêt stratégique comme celle-là, il ne saurait, croyez-moi, y avoir différentes voix pour parler au nom de la France. Je donne acte que le Président de la République s'est exprimé haut et fort sur cette question, tout comme le Premier ministre et le ministre de l'agriculture, chacun à sa place. L'épisode était en effet particulièrement préoccupant.

Il m'apparaît donc qu'il faut limiter, autant que possible, la marge de négociation dont la Commission peut bénéficier dans les prochaines négociations de l'organisation mondiale du commerce. C'est pourquoi, comme j'ai eu l'occasion de le dire, j'entends demander à mes collègues européens de faire preuve de beaucoup de pragmatisme dans la démarche que nous propose la Commission.

Je ne dis pas qu'il ne faut rien faire avant la conclusion d es négociations de l'organisation mondiale du commerce ; je dis simplement que, si des ajustements sont à apporter à la politique agricole commune - et il y en a - ils doivent être strictement limités à ce qui est nécessaire au maintien de l'équilibre des marchés dans les prochaines années.

Dans le même temps, il faut commencer à réorienter la politique agricole commune dans la voie d'un découplage progressif entre les aides à l'agriculture et la production.

Quels sont donc ces ajustements strictement nécessaires à l'équilibre des marchés agricoles ? S'agissant des grandes cultures, la baisse du prix d'intervention des céréales, qui devrait favoriser l'équilibre à long terme du marché, ne doit pas conduire à une remise en cause de la protection communautaire. Elle doit donc être encadrée dans cette limite. La production d'oléagineux doit continuer de bénéficier de soutiens spécifiques, le maintien du statu quo, c'est-à-dire de l'organisation actuelle des aides à la production d'oléagineux, me paraît préférable à la solution que propose la Commission. Les protéagineux doivent bénéficier d'un soutien spécifique.

Enfin, les cultures à usage non alimentaire doivent être encouragées par un régime d'aide particulier.

S'agissant de la viande bovine, je n'insisterai jamais assez sur le fait qu'à mes yeux, la baisse des prix garantis ne constitue pas la solution aux problèmes que cette production devra affronter à l'avenir.

L'adaptation de l'organisation commune du marché de la viande bovine doit reposer sur deux piliers : adaptation des prix à l'évolution de ceux de la viande blanche, ce qui est sans doute indispensable, mais aussi maîtrise de la production, car, sans une telle maîtrise, il n'y aura pas de solution au problème d'équilibre de ce marché.

La baisse du prix d'intervention de la viande bovine doit être limitée à ce qui est nécessaire au maintien de l'équilibre entre la viande blanche et les viandes rouges à moyen terme. Cela dépendra donc du niveau retenu au bout du compte pour le prix des céréales. Elle doit être intégralement compensée pour tous les types de production, qu'il s'agisse des vaches allaitantes ou des bovins mâles. Et surtout, ne l'oublions pas, les outils de maîtrise de la production doivent être renforcés.

S'agissant de la production laitière, je crois l'avoir déjà dit, l'abandon des quotas laitiers serait une erreur.

(« Très bien ! » sur divers bancs.) Je m'y opposerai ainsi qu'il m'a été donné de le faire lundi dernier en conseil devant une offensive qui s'était fait jour pour leur remise en cause. Je refuse donc la position de la Commission en ce domaine.

M. Marcel Rogemont.

Merci !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Enfin, c'est vrai, il faut, à l'occasion de cette négociation, commencer à réorienter la politique agricole commune.

Les aides doivent être en partie distribuées de façon différente.

M. Jean Michel.

Bien sûr !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il faut passer d'une logique de filières à une logique plus horizontale qui permettrait un développement équilibré des exploitations sur le territoire. C'est pourquoi j'ai soutenu les idées de modulation des aides. Bien sûr, il ne s'agit pas d'inventer des solutions qui ne toucheraient que la France. C'est la politique européenne qui doit être infléchie. Il faut donc un cadre communautaire à cette modulation des aides qui devrait toucher l'ensemble des Etats membres.

Deux idées sont avancées par la Commission, pour le moment. La première, c'est un plafonnement dans certaines conditions. Je ne récuse pas cette idée. Ce que je refuse dans la proposition de la Commission, c'est le fait que les économies ainsi réalisées, au lieu de revenir aux

Etats membres et à leurs agriculteurs, seraient une simple source d'économie pour le budget communautaire. Dans ces conditions, elle ne me paraît pas acceptable. La seconde, c'est la possibilité de moduler, dans certaines limites, les aides directes versées aux exploitants pour financer des actions conduites par les exploitations agricoles, en particulier pour développer l'emploi. Il me semble que nous pouvons utilement travailler à préciser ce règlement communautaire pour que les critères de prél èvement et de distribution de ces crédits soient conformes aux intérêts de notre agriculture...

M. François Patriat, rapporteur.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... et aux orientations dont j'ai parlé.

On m'a fait, sur les bancs de la droite, le procès de vouloir renationaliser en prônant la modulation des aides.

Je me suis inscrit en faux ce matin contre un tel procès.

Et puis, comme j'ai eu des bonnes lectures à l'occasion de ces débats sur la PAC, j'ai découvert ces propos :


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

« Nous sommes pour que le principe de subsidiarité joue à plein dans la mise en oeuvre de la PAC ou de la politique qui lui succédera, car nous pensons que les

Etats membres de la Communauté européenne peuvent mieux gérer les soutiens à leurs agriculteurs que la Commission européenne. Mais lorsque nous avons proposé une renationalisation partielle de cette gestion, beaucoup nous ont traités d'anti-européens, de sectaires, de corporatistes, de rétrogrades, de conservateurs, voire de poujadistes. Alors, s'il faut dire "subsidiarité" à la place de "renationalisation" eh bien soit ! Je suis d'accord, puisque le résultat est le même. » Je citais Christian Jacob...

M. Christian Jacob.

Il manque le paragraphe qui suit !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... La Clé des champs, avril 1994. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Christian Jacob.

Je ne renie rien. Simplement le paragraphe suivant dit qu'en aucun cas on ne doit remettre en cause la politique agricole commune !

M. le président.

Auriez-vous la gentillesse d'écouter le ministre ? Vous interviendrez en temps voulu.

M. Christian Jacob.

Je voulais simplement souligner que c'était une lecture partielle.

M. Marcel Rogemont.

C'est une renationalisation partielle aussi !

M. le président.

Monsieur le ministre, vous avez la parole. Ne vous laissez pas interrompre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

MM. Parrenin, Jacob, Suchod, Coussain, Leyzour, Proriol, Marleix ont évoqué le contrôle des structures. On ne peut prétendre que l'on veut l'installation des jeunes, le renouvellement des générations, la présence des agriculteurs sur tous les territoires, et refuser un tel contrôle.

Nous savons très bien que la seule logique économique, et donc le laisser-faire, nous conduisent à une concentration accélérée des exploitations.

M. Christian Jacob.

Tout à fait !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Seule u ne volonté politique peut corriger cette machine infernale.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je souligne que toutes les organisations syndicales demandent ce contrôle des structures. Toutes me disent sur le terrain, dans les départements, qu'il faut le faire à 100 %. Il y a bien, en effet, une responsabilité du législateur en ce domaine. Ce que je propose en la matière n'est pas un verrouillage, comme on a semblé le dire, mais une modernisation du dispositif. Ce que nous voulons, c'est un contrôle réorienté en vue de favoriser systématiquem ent l'installation des jeunes agriculteurs sur des exploitations viables. Pour ce faire, il faut éviter le démantèlement de structures qui pourraient permettre de telles installations, et limiter les agrandissements abusifs d'unités déjà existantes.

M. François Patriat, rapporteur.

Tout à fait !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Dans la pratique, la portée du contrôle des structures - qui n'est pas une invention de la gauche, faut-il le rappeler -, a été largement atténuée par de nombreux détournements, notamment par le biais de montages sociétaires, mais aussi par l'impossibilité d'appliquer des sanctions immédiates dissuasives. Nous proposons donc le principe de l'égalité de traitement entre les exploitations individuelles et sociétaires.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

A la rubrique des faux débats, je mentionnerai la question des exportations agricoles pour n'y revenir que d'un trait.

Personne ne s'oppose, bien entendu, au fait que nous exportions. La question est de savoir dans quelles conditions. Savez-vous, par exemple, que, pour exporter une tonne de céréales hors de l'Union européenne, il en coûtait 583 francs de restitution en 1992 pour un prix de vente de 724 francs ? La situation s'est ensuite améliorée de ce point de vue. La baisse des prix européens, compensée par les aides directes, mais aussi la bonne conjoncture mondiale, aujourd'hui terminée, ont permis de ramener le montant des restitutions par tonne à 138 francs. Quant à la viande bovine, pour un prix moyen à l'exportation sur pays tiers de 8 000 francs environ, le montant des restitutions a varié de 6 000 à 10 000 francs entre 1992 et 1997. Voilà quelques chiffres dont la réalité, je crois, devrait corriger quelques appréciations sur la priorité à accorder à l'exportation.

M. Lenoir et M. Lemoine ont évoqué notamment l'entreprise. Il est vrai que vous avez été nombreux à remarquer l'absence du mot « entreprise » dans le texte. Je ne conteste pas ce fait. Je crois que l'exploitation agricole n'est pas une entreprise comme les autres.

M. Gérard Saumade.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

La moitié du revenu disponible des exploitations agricoles provient de fonds publics. La fiscalité agricole est donc spécifique, et je crois à la spécificité de ce secteur.

M. Christian Jacob.

C'est pour cela que vous ne parlez pas de fiscalité !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je veux donc en prévenir la banalisation et garder des exploitations agricoles dont j'admets que le statut peut être révisé et amélioré.

M. Ollier a parlé de qualité, de pluriactivité de montagne. Je voudrais, sur ce point, lui donner l'assurance, ainsi qu'à M. Marleix et à M. Bouvard, que les indemnités compensatoires de handicap naturel sont en dehors du financement des CTE. J'en apporte de nouveau l'assurance.

M. Turinay et M. Moutoussamy ont évoqué la situation difficile que rencontrent nos DOM, et tout particulièrement les producteurs de bananes. Le récent cyclone qui a traversé la Guadeloupe a largement endommagé la principale zone de production. En liaison avec mon collègue Jean-Jack Queyranne, en partenariat avec les services de la Commission, j'ai immédiatement envoyé une mission d'évaluation des dégâts dont j'attends les conclusions dans les prochains jours. Un dispositif de solidarité devra, bien entendu, être mis en place sur la base de ses propositions.

Plus largement, je m'emploie à négocier pied à pied avec la Commission des modalités d'application du nouveau règlement européen qui ne privent pas nos opérateurs, en particulier les groupements, de tous leurs droits.

J'espère bien ainsi maintenir des perspectives d'avenir pour nos producteurs.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

M. Poignant, M. Lemoine, M. Marleix, M. Angot, notamment, ont évoqué le CTE et la concurrence avec les artisans et commerçants. J'ai reçu les représentants de l'UPA et des chambres de métiers. Je les ai rassurés. Ils m'en ont donné acte.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Ce n'est pas ce qu'ils disent !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mais je vous sais vigilants. Je suis ouvert à vos propositions d'amélioration du texte.

S'agissant du FGER, je rappelle que je l'ai trouvé réduit à zéro à mon arrivée au Gouvernement et que j'ai eu à le rétablir.

M. Christian Jacob.

Il y avait 140 millions budgétés !

M. Michel Bouvard.

C'est un décret d'avance qui l'a ramené à zéro !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Poignant et M. Mériaud ont traité notamment des problèmes des coopératives. Je pense qu'ils trouveront dans les propositions d'amendement de la commission sur l'organisation économique une bonne part des réponses aux questions qu'ils posent.

M. Jacob a fait une remarque sur la baisse du budget.

Sans contester ce qu'il a avancé...

M. François Sauvadet.

C'est un progrès !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... je regrette que les présentations générales des budgets de l'Etat conduisent, pour l'agriculture, à ajouter des carottes et des navets. D'une part, il y a les crédits bénéficiant à l'agriculture et à la pêche, qui augmentent de 3 %. Ces crédits, qui s'élèvent à 28 milliards, ne comprennent la subvention d'équilibre au BAPSA. D'autre part, il y a le BAPSA dans sa globalité, avec 89 milliards de dotation, ...

M. Christian Jacob.

Cela ne fait pas le compte !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... qui progresse de 1,1 %. Certes, le BAPSA prévoit une baisse de la subvention d'équilibre de l'Etat, et je m'en réjouis, monsieur de Courson.

M. André Angot.

Les retraités aussi !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

C'est que les autres recettes croissent, notamment la TVA et la compensation entre régimes. De plus, le BAPSA pour 1999 permet une hausse très significative des petites retraites agricoles.

M. Christian Jacob.

Vous êtes bien d'accord pour dire que le budget va baisser de 6 % et que c'est le seul qui est sacrifié de cette manière ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Non, non !

M. Christian Jacob.

Ce sont les documents de M. Strauss-Kahn, pas les miens !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Vous constatez qu'ajouter aux crédits de l'agriculture la seule subvention d'équilibre du BAPSA n'a aucun sens, ni économique, ni social.

M. Christian Jacob.

Ça ne fait pas le compte ! On est loin des 2,14 milliards que vous avez annoncés ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. de Courson m'a fait part de propositions en matière de fiscalité. Je l'ai souligné avant que vous ne soyez en séance, monsieur de Courson, nous avançons sur cette question.

La consultation avec les professionnels n'est pas encore achevée, et le dossier est à l'étude. Nous aurons l'occasion de revenir sur cette importante question lors de la discussion des amendements.

MM. Vasseur, Leyzour, Turinay, Goulard, Peiro, Le Nay, Rogemont, Abiven sont intervenus, entre autres, sur les questions des retraites.

M. Vasseur a minoré la portée des mesures de relèvement des plus petites retraites agricoles que j'ai décidées pour 1998 et 1999.

M. Philippe Vasseur.

Pas du tout !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je rappelle qu'après l'application de ces deux mesures, les retraites de plus de 600 000 personnes seront majorées, soit un tiers des retraites.

M. Philippe Vasseur.

Je n'ai pas dit le contraire !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Les mesures prises, qu'a rappelées M. Germinal Peiro, dont je salue le travail obstiné au sein du groupe d'études des retraites agricoles, garantissent que les retraités concernés ne percevront en aucun cas une pension inférieure à des seuils significativement relevés : 2 200 francs pour les c onjoints, 2 500 francs pour les aides familiaux, 2 800 francs pour les veuves, 3 000 francs pour les chefs d'exploitation. Sur deux années, les majorations en année pleine atteindront 3 000 francs pour les chefs d'exploitation, 3 850 francs pour les veuves, 7 350 francs pour les conjoints et 10 950 francs pour les aides familiaux. Ces mesures m'ont paru significatives et centrées sur les personnes qui en ont le plus besoin.

Le coût de ce dispositif atteint au total, pour les deux trains de mesures, 2,6 milliards de francs en année pleine.

On me permettra de faire la comparaison avec ce que l'on a appelé les mesures Vasseur : six fois supérieur est le coût des mesures que j'ai engagées. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Christian Jacob.

Non !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Vous voulez que je détaille, monsieur Jacob ? Moi, je compare avec ce qu'on appelle les mesures Vasseur.

M. Philippe Vasseur.

Il faut considérer les mesures qui ont été prises par la majorité de 1993 à 19997.

M. André Angot.

Sinon, c'est malhonnête !

M. Philippe Vasseur.

Me permettez-vous de vous interrompre ? Plusieurs députés du groupe socialiste.

Non ! Non !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je vous en prie !

M. le président.

La parole est à M. Philippe Vasseur, avec l'autorisation de M. le ministre.

M. Philippe Vasseur.

Monsieur le ministre, vous nous avez habitués à mieux. Moi, je veux bien que vous vous lanciez dans la polémique, mais alors on va jouer à armes égales. Comparez la politique qui a été menée par


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

l'ancienne majorité de 1993 à 1997 dans la durée.

Comparez également l'effet que devaient avoir les mesures qui avaient été engagées - et vous en avez avalisé certaines. Je vous assure, vous devriez donner à ce débat davantage de crédibilité, plutôt que de vous livrer à des imprécations. Comparons chiffres avec chiffres.

Vous venez déjà de vous faire infliger un démenti cinglant par la démonstration de Christian Jacob sur le budget de l'agriculture...

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mais non !

M. Marcel Rogemont.

C'est faux !

M. Philippe Vasseur.

... chiffres contre chiffres. Alors, je vous en prie, de grâce, ne vous livrez pas à des effets de tribune. Demain, lorsque les observateurs impartiaux se seront livrés à des comparaisons de chiffres, ils risquent de se dire que le ministre de l'agriculture les avait habitués à davantage de sérieux. J'espère que vous garderez à l'avenir ce qui avait fait votre charme jusqu'à présent et que vous êtes en train de perdre à cette tribune. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Joseph Parrenin.

La leçon de morale !

M. le président.

Monsieur le ministre, veuillez reprendre le cours de votre intervention.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

J'ai répondu, monsieur Vasseur, à une comparaison établie ce matin entre les mesures Le Pensec et les mesures Vasseur.

Vous élargissez à la politique menée par l'ancienne majorité. Je ne crains pas la comparaison.

M. Joseph Parrenin.

Voilà ! On va remettre les choses au point !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je reviendrai avec précision sur ce point, tous chiffres en main, sans craindre le débat, lors de l'examen d'un amendement qui sera, je n'en doute pas, très discuté.

En conclusion, mesdames et messieurs les députés, est-ce une loi d'orientation ? C'est une question que M. Proriol, M. Lepercq, M. Marleix, notamment, ont posée. Je crois que, si cette loi ne portait pas en germe des changements, on ne chercherait pas à la combattre.

Elle veut prendre acte du fait que les grandes lois de 1960 et 1962 ont porté leurs fruits, ont changé notre agriculture. C'est bien parce que l'agriculture a changé qu'il faut bouger notre dispositif législatif et réglementaire et l'orienter non pas à partir des préoccupations qui étaient celles de la société française au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, mais à la lumière des attentes d'une société qui est en train d'entrer dans un autre siècle.

Ce que nous voulons, c'est une politique agricole plus équitable dans la distribution des fonds publics, plus soucieuse de la gestion de l'ensemble de notre territoire et de ses ressources, enfin, plus moderne dans sa façon de se rapporter aux agriculteurs. Cette modernisation, nous voulons l'opérer par le développement d'une approche contractuelle équitable, territoriale.

C'est la politique agricole que nous voulons développer. Il s'agit bien d'une orientation. D'ailleurs, les organisations syndicales comme l'opinion publique, comme le Conseil économique et social, comme le Conseil d'Etat m'en ont donné acte.

M. Jean Auclair.

On en reparlera ! Vous allez déchanter sans tarder !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mesdames et messieurs les députés, le travail en commission a permis un dialogue fructueux que vous avez été nombreux à saluer sur tous les bancs de cette assemblée.

Notre débat d'aujourd'hui le prolonge. Je suis persuadé que le reste de la semaine permettra d'enrichir encore cette loi d'orientation dont notre pays a besoin.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Motion de renvoi en commission

M. le président.

J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe du Rassemblement pour la République une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume. Monsieur le ministre, je vous ai écouté avec attention, tant ce matin que ce soir. La présentation que vous avez faite de votre projet a confirmé, et même accentué, mes premières impressions.

Sur la forme, c'est un projet de loi bâclé.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) De nombreuses dispositions sont nébuleuses et ne permettent au législateur ni d'en mesurer la portée, ni d'en comprendre la mise en oeuvre, ni d'en apprécier le coût.

M. Jean Michel. Tout dans la nuance ! M. François Guillaume. C'est d'ailleurs pour ces raisons qu'au nom du groupe RPR j'en demande le renvoi en commission.

Sur le fond, votre projet témoigne de deux intentions, l'une politicienne, il s'agit de donner des gages à la composante verte de votre majorité, l'autre dogmatique, il s'agit de profiter des circonstances pour imposer une politique égalitaire des revenus en agriculture en procédant à leur nivellement par le bas.

C'est clair, vous êtes pour une politique malthusienne.

C'est si vrai que l'article 1er de votre loi, qui définit les missions de l'agriculture et se substitue à l'énoncé de la loi de 1980, donne une place disproportionnée aux fonctions d'entretien de la nature et des paysages qui sont depuis des siècles assurées gratuitement par les paysans et considérées comme une retombée positive de la production.

Mme Odette Trupin. Avec les nitrates !

M. François Guillaume.

Vous vous êtes certes défendu tout à l'heure de négliger la production agricole. Mais ce qui compte, c'est ce qui est écrit et votre article 1er en ce sens est critiquable.

Le malthusianisme agricole est d'ailleurs comme une seconde nature pour la gauche. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

Car tout en flattant nos paysans, tout en vantant leurs performances et tout en affirmant sans relâche la vocation agricole de la France, vous nous proposez de poursuivre une stratégie de repli, amorcée en 1984 avec l'introduction des quotas laitiers décidée sous présidence française grâce à la complicité d'un ministre de l'agriculture socialiste.

M. Jean Michel et M. Marcel Rogemont. Heureusement !

M. François Guillaume.

On peut aujourd'hui en apprécier les conséquences. Le nombre des producteurs laitiers - vous qui voulez installer des agriculteurs, monsieur le ministre - a été réduit de moitié.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

M. Christian Jacob. C'est vrai ! M. François Guillaume. Le développement de la production a été stoppé net et nous avons même enregistré une perte de volume de 10 %. La part de l'Europe sur le marché mondial est tombée à moins de 20 % alors qu'elle était de 60 % pour le beurre et pour le lait en poudre auparavant. Les prix mondiaux ne se sont pas redressés pour autant, puisque cet effort de maîtrise a été largement compensé par le développement de la production laitière en Nouvelle-Zélande et aux Etats-Unis.

M. André Angot. Eh oui ! M. François Guillaume. C'est aussi un autre de vos collègues, monsieur le ministre, qui, en 1992, acceptait le gel des terres obligatoire...

M. André Angot.

Eh oui !

M. François Guillaume.

... et le système des primes compensatoires à la baisse des prix agricoles avec une définition précise et pointilleuse des superficies éligibles.

Puis vinrent les quotas de primes bovines et ovines afin de limiter l'extension des cheptels. C'est bien ce que je disais, vous êtes malthusien.

Bref, nous sommes passés d'une agriculture d'entreprise à une agriculture administrée, qui appelle toujours plus de règles et de contraintes. J'en veux pour preuve les demandes pour définir les équivalences des droits à produire entre les productions, déterminer l'identité du propriétaire de ces droits et la façon de les faire passer d'un producteur à l'autre ou d'une génération à l'autre.

Certes, l'encombrement des marchés mondiaux et la guerre commerciale que se livraient les Etats-Unis et l'Europe à coups de subventions pour exporter sur les marchés conjoncturellement saturés des années 1980 exigeaient à la fois une meilleure maîtrise des productions et l'ouverture de négociations internationales pour encadrer des pratiques commerciales tant dénoncées.

En 1986, le gouvernement de Jacques Chirac a fait face à ces exigences. Pour éviter l'extension des quotas à d'autres productions, la France a proposé et obtenu à Bruxelles une alternative aux quotas. C'était le système des quantités maximales garanties pour les céréales et les oléagineux. A ce titre, tout dépassement de production de ces quantités fixées globalement pour l'Europe tout entière était pénalisé par une baisse de prix proportionnelle sur l'ensemble de la production.

M. Joseph Parrenin. C'est pareil que les quotas ! Vous n'avez toujours rien compris ! M. François Guillaume. Comme la productivité française des productions végétales est la meilleure d'Europe, les producteurs français pouvaient avoir une résistance à la baisse des prix plus grande. On pouvait dès lors raisonnablement espérer que nos concurrents européens, découragés de produire, nous abandonneraient une partie plus importante de la production européenne.

Ce système, qui avait le mérite d'être conforme à l'économie de marché, a d'ailleurs bien fonctionné pendant plusieurs années avant la réforme de 1992. Celle-ci y a mis un terme.

En 1986, une autre échéance délicate a été bien assumée : celle de l'ouverture des négociations multilatérales commerciales de l'Uruguay Round. A ce propos, monsieur le ministre, vous m'avez mis en cause ce matin.

Vous ne m'avez pas permis de vous répondre ; alors, je vais donc le faire maintenant.

Ce n'est pas en 1986 qu'il a été décidé d'introduire l'agriculture dans les négociations multilatérales commerciales, c'est au cours d'une réunion ministérielle de 1982, confirmée par une autre réunion ministérielle de 1985.

En 1986, nous avons supporté les conséquences de décisions que votre majorité de l'époque avait prises. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

C'est faux. Vous y êtes allé avec M. Noir.

M. François Guillaume.

Je suis désolé mais c'est la vérité.

M. Jean Michel.

Mensonges !

M. François Guillaume.

Les faits sont les faits et ils sont têtus.

M. Joseph Parrenin.

Vous avez signé !

M. François Guillaume.

Pour la première fois, l'agriculture était au centre des débats et au coeur d'une opposition entre l'Europe et les Etats-Unis. Ces derniers étaient d'ailleurs soutenus par le reste du monde, y compris par les pays en voie de développement, qui, à cette occasion, se sont trompés d'allié.

La première étape de cette négociation s'est donc conclue par une victoire de l'Europe agricole qui, sous l'impulsion de la France, a obtenu le maintien du système de prélèvement variable, point fort du dispositif de la politique agricole commune, tout à la fois protection de l'agriculture européenne contre le dumping des autres et promotion de ses exportations grâce aux restitutions.

Nous avons obtenu également un démantèlement équilibré des aides directes et indirectes à l'agriculture, aussi bien américaines qu'européennes, alors que les Etats-Unis voulaient absolument supprimer nos restitutions à l'exportation et voulaient conserver leurs deficiency payments.

Mieux encore, nous avons obtenu le principe d'un correctif monétaire pour pallier les évolutions erratiques du dollar par rapport à l'écu. Cette disposition, que vous avez malheureusement abandonnée par la suite, serait bien utile aujourd'hui, car elle ne concernait pas seulement l'agriculture, elle couvrait l'ensemble du secteur commercial, tous produits confondus. A l'heure où nous assistons à une nouvelle chute du dollar face à un euro que vous voulez fort, il est clair que nous allons en subir les conséquences commerciales.

Tous ces acquis ont malheureusement été perdus quelques années après.

M. Jean Michel.

Oh !

M. François Guillaume.

Eh oui, une déclaration à Washington de Jacques Delors en 1992 en témoigne :

« Désormais, l'Europe agricole produira moins, exportera moins, importera plus. » Tout est dit dans cette seule

phrase.

M. Jean Auclair.

Scandaleux !

M. François Guillaume.

Tout fut confirmé lorsque, toujours en 1992, la France accepta la réforme de la politique agricole commune qui, à l'avance, indiquait aux

Etats-Unis les concessions qu'elle était déjà disposée à faire, auxquelles il a suffi, à la demande expresse des Américains, d'en ajouter quelques autres pour qu'un accord soit signé en 1993 et ratifié quatre mois après à Marrakech. Celui-ci verrouillait nos exportations agricoles sous le double effet d'une limitation du volume des ventes à l'étranger et du montant annuel des restitutions à l'exportation. Il obligeait à une ouverture de nos marchés de 3 à 5 % de la consommation intérieure.

Le résultat ne s'est pas fait attendre : l'Europe, dont la gestion commerciale s'est fait encore plus frileuse, a perdu des parts de marché alors que les Etats-Unis ont enregis-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

tré une hausse quelquefois spectaculaire de leurs exportations, conforme d'ailleurs à leurs prévisions. Monsieur le ministre, interrogez vos producteurs de poulet bretons, ils vous expliqueront la chute considérable des exportations de viande de poulet qu'ils ont subie et la progression correspondante des exportations américaines qui ont pris notre place, notamment sur les marchés d'Asie et du Moyen-Orient.

Cette stratégie de conquête des Etats-Unis, croyez-le bien, ne s'arrêtera pas là. Elle vise le long terme pour s'apprêter à répondre à la demande de nouveaux acheteurs. Parmi ceux-ci figure la Chine, dont la surface agricole utile est à peine supérieure à deux fois celle de la France pour une population vingt fois plus importante.

La Chine pourrait importer 350 millions de tonnes de céréales, soit près de deux fois la production annuelle de l'Union européenne en phase progressive au bout de vingt ans. Les Etats-Unis, pour promouvoir leur atout agricole, ne se découragent pas comme nous de la conjoncture défavorable actuelle. Ils useront de toutes les ficelles pour relancer leurs exportations et soutenir le revenu de leurs fermiers en pratiquant la baisse du dollar, nous y sommes, pour décourager leurs concurrents, en attribuant aux agriculteurs sous des formes diverses - crédit à l'export, indemnités pour calamités, deficiency payments des subventions à hauteur d'une quinzaine de milliards de dollars en 1999 bien que de telles pratiques soient contraires à leurs engagements pris au GATT.

Mais les Américains jouent le rôle que d'autres ont joué dans le passé, ils sont les plus forts, et ce sont eux qui dictent les règles commerciales à l'ensemble de la planète.

Monsieur le ministre, redoutez-le, la détermination des Américains sera sans faille : ils useront de tous les artifices pour parvenir à leurs fins. Raison de plus pour ne pas commettre une erreur de stratégie identique à celle de 1992. Pourtant, vous vous y apprêtez. En effet, au lieu d'emboîter dans le bon ordre, comme des poupées russes, les négociations agricoles de l'OMC, puis la réforme de la PAC afin d'en assumer ensuite les conséquences et d'en tirer le meilleur parti dans une loi française, vous faites exactement l'inverse ! En acceptant de débattre de la réforme de la PAC avant de connaître le résultat des négociations de l'OMC, vous vous comportez comme un joueur de poker qui montrerait son jeu à l'adversaire et vous vous exposez à lâcher du lest deux fois de suite, à la grande satisfaction de nos concurrents américains.

M. Jean Michel.

C'est ce que voulait faire M. Vasseur !

M. Philippe Vasseur.

N'importe quoi ! Cela montre votre méconnaissance totale des problèmes.

M. Jean Auclair.

Les socialistes ne connaissent rien à l'agriculture ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Guillaume.

Certes, monsieur le ministre, vous n'êtes pas seul en cause, vous en partagez la responsabilité avec vos collègues européens. Mais si je personnalise néanmoins le reproche, c'est que, de tout temps, la France a joué un rôle déterminant dans la définition et la gestion de la PAC et qu'il appartient à son ministre de l'agriculture d'en avoir pleine conscience et de se donner les moyens de tenir toute sa place au conseil des ministres de Bruxelles.

Mais, au-delà de cette critique, votre projet de loi est une occasion manquée de procéder à un toilettage de textes pour les adapter aux nouvelles donnes techniques et commerciales. Seul son titre est ambitieux. Son contenu est décevant, son absence de vision d'avenir affligeante.

On a même le sentiment que vous cherchez surtout à régler des comptes avec ce que vous appelez l'agriculture riche et à opposer les paysans entre eux. C'est peine perdue, monsieur le ministre ! Aux justiciers extérieurs les paysans préfèrent les arbitrages internes.

C'est ainsi que, sans nier leur diversité, leurs différences de chances et de revenu selon leur implantation géographique, leurs structures d'exploitation, la nature de leurs productions, leur niveau de formation, le degré d'organisation de leurs marchés, ils ont eux-mêmes proposé et obtenu, quand ce n'est pas arraché, une législation française, des règlements européens, des accords internationaux qui répondent à la diversité des situations et concrétisent une solidarité vraie.

Mais puisque le problème des aides compensatoires vous chagrine, monsieur le ministre, parlons-en.

Je déplore le système. Il est anti-économique puisque l'agriculteur ne tire plus son revenu de la vente de son produit mais de subventions publiques. La pérennité de ces aides n'est pas assurée. Elles sont mal comprises, donc critiquées par l'opinion à qui les médias mettent en pâture les sommes importantes perçues par tel ou tel.

Forfaitaires, ces sommes pénalisent les bons agriculteurs et avantagent les médiocres. En réalité, avouons-le, c'est une subvention à la consommation.

Vous en avez d'ailleurs fait indirectement ce matin la démonstration chiffrée, monsieur le ministre...

M. Jean Michel.

Oh !

M. François Guillaume.

... en répondant à la question : A qui profite l'effort de productivité des agriculteurs ? Les primes, c'est leur rôle, sont compensatrices de prix insuffisants. Leur montant à l'hectare pour les oléagineux représente presque, d'une année sur l'autre, la moitié de la recette de l'agriculteur ; pour les céréales, le quart.

A ce niveau, il est évident que la prime couvre, au-delà du bénéfice de l'agriculteur à l'hectare, une partie des coûts de production. Il est donc fallacieux et démagogique de dénoncer le caractère proportionnel des primes.

Même si l'on se contentait de servir le même revenu à tous les agriculteurs de France, les sommes perçues au titre des primes resteraient différentes d'un exploitant à l'autre pour prendre en compte la partie de charges que ne peut couvrir la recette du produit.

M. Pierre Méhaignerie.

Très juste !

M. François Guillaume.

Sauf - j'espère que ce n'est pas votre cas, monsieur le ministre - à prétendre que ce que l'on perd à l'unité, on peut le récupérer sur la quantité, on ne peut pas mettre en cause une certaine proportionnalité des primes.

Mme Béatrice Marre.

Une certaine !

M. François Guillaume.

Qui plus est, rappelons-le, la prime est indexée sur la production moyenne régionalisée et non sur la production individuelle, ce qui n'incite pas l'agriculteur à rechercher à tout prix les hauts rendements dont le coût des derniers quintaux est souvent dissuasif.

Par contre, si vous souhaitez limiter la taille des exploitations pour favoriser les installations de jeunes agriculteurs, alors, et vous aurez mon assentiment, plafonnez donc à un niveau convenable, que vous déterminerez avec


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les organisations professionnelles agricoles, le montant des primes auxquelles peut prétendre une exploitation agricole.

M. François Guillaume.

Ce sera un meilleur moyen de contrôler les structures d'exploitation que celui que vous préconisez dans la loi, et dont le caractère excessif incite à la fraude. Ce ne sera d'ailleurs pas une innovation. Voici une trentaine d'années, à l'initiative du syndicalisme agricole unitaire, un projet de loi proposait déjà, dans son article 21, de limiter la taille des ateliers hors-sol au niveau où les économies d'échelle disparaissent. Notez bien qu'on n'interdisait pas le dépassement des plafonds ainsi définis, mais que l'on supprimait toutes les aides au produit, à l'investissement, à la bonification des prêts, les contrevenants étant considérés comme des industriels et non plus comme les adeptes d'une agriculture à responsabilité personnelle. Il est bien regrettable que cette disposition, bien que votée, ait dû être abandonnée lors de l'extension du Marché commun aux productions animales.

Monsieur le ministre, de votre loi on attendait un texte mobilisateur qui prenne en compte l'inévitable accroissement de la demande internationale et donne à nos producteurs, dont la compétitivité n'est plus à démontrer, les moyens d'élargir leurs parts de marché et de rivaliser sans complexes avec leurs concurrents extérieurs.

Une telle déclaration d'intention aurait eu aussi le mérite de provoquer nos partenaires européens, trop facilement résignés à subir la loi des Etats-Unis, en ce domaine comme dans d'autres. Mais vous nous renvoyez à notre pré carré. La loi est d'essence malthusienne, elle prend acte avant la lettre des intentions de réforme de la politique agricole commune, qui vise à réduire le potentiel de production, quitte à subventionner les pertes de recettes consécutives au gel des terres et à la réduction des cheptels.

Le projet de loi s'inscrit totalement dans cette perspective. En contrepartie, il offre une participation rémunérée à la préservation des ressources naturelles et à l'entretien des paysages. Dans cette intention, une nouvelle définition des missions de l'agriculture, qui met sur un pied d'égalité ses fonctions économiques, environnementales et sociales, se substitue à celle axée sur la production agricole et agro-alimentaire, qui prévalait jusqu'ici.

Pour compléter leur revenu, les agriculteurs ne sont plus seulement conviés à pratiquer la vente de produits du terroir ou à proposer l'accueil à la ferme, mais à effectuer des travaux de protection de l'environnement, en concurrence d'ailleurs fâcheuse avec des activités commerciales ou artisanales existantes.

La seule innovation de cette loi, c'est d'offrir à tout agriculteur la possibilité de souscrire avec l'Etat un contrat territorial d'exploitation qui, en contrepartie d'aides pour l'instant indéterminées, préciserait les engagements de production agricole, de services collectifs et de travaux d'entretien de la nature que prendrait l'agriculteur.

Des contrats-types seraient élaborés par département ; à l'évidence leur caractère général ne peut s'accommoder de la précision des tâches qui seraient imparties à chaque agriculteur. Bien entendu, n'y souscriraient que les volontaires, vous l'avez dit, mais comme une partie des subventions actuelles à la production appelées à compenser l'insuffisance des prix ne serait délivrée que sous condition de CTE, on peut supposer que les 700 000 entreprises agricoles françaises ne tarderont pas à pratiquer ce que vos technocrates appellent « l'agriculture multifonctionnelle ».

On n'ose imaginer le nombre de fonctionnaires nécessaires à la gestion et au contrôle du système. Au total, dans votre proposition, l'écologie est privilégiée au détriment de l'économie agricole.

Reste le financement. Faute d'être bien assuré par le budget de l'agriculture, en dépit des redéploiements prévus, il le serait par l'utilisation des subventions agricoles européennes dont Bruxelles prône la renationalisation partielle. La Commission a en effet l'intention de reverser directement aux Etats membres 25 % des sommes en cause pour leur laisser le soin de la redistribution. Vous avez cru tenir ainsi, monsieur le ministre, le financement de votre loi, ce qui vous permettrait de procéder en même temps à une autre répartition de la manne communautaire. Mais l'aubaine de la renationalisation des aides se transforme en cauchemar budgétaire et se retourne contre vous. L'Allemagne, suivie par quelques autres, réclame une révision à la baisse de sa contribution, prétextant qu'elle fournit 30 % des ressources du budget européen et ne bénéficie que d'un retour équivalent à la moitié des sommes apportées. Elle a déja obtenu l'engagement qu'en dépit du coût de l'élargissement, le plafond des recettes budgétaires ne dépasserait pas 1,27 % du PIB communautaire au cours des six prochaines années. Mais Bonn veut aller plus loin : convaincre la Commission de faire prendre en charge par chaque Etat membre 30 % des aides directes versées à ses producteurs, dont le paiement était jusqu'ici assuré par Bruxelles. La France est particulièrement visée. Il lui faudrait trouver une dizaine de milliards dans son propre budget pour y faire face.

Grande puissance agricole de l'Union, elle consomme le quart des dépenses agricoles des Quinze, contre 15 % pour l'Allemagne.

Cela n'a rien d'étonnant puisque chacun sait qu'entre le général de Gaulle et Konrad Adenauer, lorsqu'a été scellée la poursuite du Marché commun, il avait été convenu que l'atout de la France était l'agriculture, en contrepartie de l'avantage industriel que ce marché offrait à l'Allemagne.

L a manoeuvre allemande est habile. Au lieu de reprendre à son compte la revendication du « juste retour », autrefois martelée par Margaret Thatcher, Bonn s'attaque à la seule dépense agricole, sachant qu'elle est à la fois la plus importante et la plus contestée du budget européen.

Sous couvert de cette revendication, une autre répartition des responsabilités financières se dessine : à Bruxelles, la charge du soutien des marchés, car le produit agricole est européen et non plus national à chacun des partenaires celle de ses producteurs nationaux au travers de la distribution des primes.

Isolé au sein du Conseil des ministres européen, votre refus tardif d'un tel partage, contraire à la solidarité financière qui prévaut depuis quarante ans à Bruxelles, ne peut vous dédouaner de votre faute, dont l'agriculture française fera les frais.

En conclusion,...

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Bravo !

M. François Guillaume.

... votre projet, c'est clair, souffre d'un grave défaut d'ambition. Il relève d'une erreur de stratégie grave. Il ignore en effet le rôle de l'Organisation mondiale du commerce et les retombées de la négociation qui débutera en 1999. Il méconnaît les conséquences de la réforme de la PAC, sauf pour l'effet d'aubaine attendu de la renationalisation des aides. Il néglige la fiscalité positive, qui favoriserait les transmissions d'entreprises et autoriserait les provisions pour


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défaut de récolte. Il réduit les avancées sociales à des pro messes. Il accroît les contraintes de la politique des structures jusqu'à risquer de mettre en péril les entreprises. Il propose des contrats territoriaux d'exploitation dont personne ne sait rien et sur le contenu desquels vous ne nous avez pas éclairés, monsieur le ministre, après vingtquatre heures de débats. Enfin, le financement de ces CTE peut être considéré comme aléatoire.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, les législateurs que nous sommes ne peuvent, à mon sens, se prononcer sur ce texte avant d'être mieux informés sur ses articulations et sur les modalités de sa mise en oeuvre. De ce fait, le retour en commission s'impose et je vous demande de le décider. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission de la production et des échanges.

M. François Patriat, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

Monsieur Guillaume, votre motion de renvoi en commission se justifie-t-elle ? Je rappelle que l'élaboration de ce projet de loi, que vous considérez comme bâclé, a donné lieu à des négociations et à une concertation pendant dix mois au cours desquels l'ensemble des organisations professionnelles ont été consultées...

M. Michel Vergnier.

M. Guillaume n'était pas présent !

M. François Patriat, rapporteur.

... ainsi que le CSO, l'ensemble des syndicats, le secteur coopératif, le secteur de la distribution et les consommateurs français. Relisez les propos du président de l'APCA et ceux du président de la CFCA : ils estiment que ce texte est globalement positif et qu'il comporte des avancées notables.

M. François Guillaume.

Il n'y a rien, dans ce projet !

M. François Patriat, rapporteur.

Je ne vous ai pas interrompu, monsieur Guillaume, je vous ai écouté religieusement ! Ce texte qui, je le répète, a fait l'objet d'une vraie concertation, a ensuite donné lieu à vingt-neuf heures d'étude en commission, dont treize heures cinquante pour les auditions et quinze heures trente pour l'examen proprement dit du projet.

J'aurais été heureux, en tant que rapporteur, mais mes collègues de la commission aussi, sans doute, de vous y voir, ne serait-ce que pour nous dire que, selon vous, ce texte était bâclé. Mais vous n'êtes pas venu en commission - sans doute n'aviez-vous pas le temps -, et vous voudriez que celle-ci examine à nouveau le texte. Bien.

Mais la commission a déjà longuement siégé, elle a examiné 500 amendements.

M. Christian Jacob.

Le groupe RPR était représenté ! M. Guillaume n'est pas membre de la commission de la production.

M. Kofi Yamgnane.

Il aurait quand même pu venir !

M. François Patriat, rapporteur.

Monsieur Jacob, beaucoup de parlementaires, quoique n'appartenant pas à la commission, ont participé à ses travaux. C'est le cas de M. de Courson.

M. Christian Jacob.

M. François Guillaume nous avait confié le soin de défendre ses amendements !

M. le président.

Monsieur le rapporteur, ce n'est pas la peine de revenir sur ce qui s'est passé en commission.

M. François Patriat, rapporteur.

M. Guillaume a défendu une motion de renvoi en commission ! Vous avez dit que le projet était bâclé, nébuleux, qu'il avait une visée politicienne, qu'il était dogmatique et traduisait une politique malthusienne. Je dois reconnaître, que votre démonstration est brillante dans la forme et qu'elle a le mérite de la constance. Je vous ai connu lorsque vous étiez leader syndical ; j'étais déjà député.

Vous parcouriez la France de meeting en meeting, en avion, pour dénoncer la « politique catastrophique » des socialistes. Vous veniez dans mon département pour expliquer que cette politique, qui visait à instaurer des prix différenciés, à instituer des quotas, à maîtriser la pr oduction, était une hérésie et qu'elle menait l'agriculture à sa porte. A l'appui de votre démonstration, vous avez avancé des dates bien ciblées : 1983, 1986, où vous étiez aux affaires, 1992.

M. François Guillaume.

Et aussi 1982 et 1985 !

M. François Patriat, rapporteur.

Mais vous avez oublié deux dates. Quel est le ministre de l'agriculture, devenue nsuite Premier ministre, qui a créé les montants compensatoires ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. François Patriat, rapporteur.

Souvenez-vous ! Qui a créé les montants compensatoires monétaires ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Auclair.

Parce qu'on en avait besoin !

M. François Guillaume.

Et qui les a fait disparaître ?

M. François Patriat, rapporteur.

Le gouvernement socialiste, en réduisant l'inflation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Guillaume.

N'importe quoi !

M. Jean Auclair.

Vous êtes amnésiques !

M. François Patriat, rapporteur.

Je ne vous ai pas interrompus et j'ai écouté M. Guillaume. Ne soyez ni grossiers ni débiles, cela facilitera le débat ! (Vives protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Christian Jacob.

Vous avez les nerfs fragiles, monsieur le rapporteur !

M. François Patriat, rapporteur.

Pas du tout !

M. le président.

Mes chers collègues, n'allongez pas inutilement la discussion ! Nous allons avoir une longue séance de nuit !

M. Christian Jacob.

Il faut tenir, monsieur le rapporteur !

M. François Patriat, rapporteur.

Rassurez-vous, je vais tenir !

M. Philippe Vasseur.

Sans lancer des injures !

M. François Patriat, rapporteur.

Deuxième date que vous avez oubliée, monsieur Guillaume : qui a signé les accords de Marrakech ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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M. François Guillaume.

Lorsque quelque chose a été négocié, ce n'est pas en huit jours qu'on peut changer !

M. François Patriat, rapporteur.

J'aurais aimé que vous alliez jusqu'au bout de votre démarche et que, en citant des dates, vous n'en omettiez pas d'autres qui ont été très dangereuses pour l'agriculture française ! Par ailleurs, je me demande si vous rencontrez encore des agriculteurs.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Non !

M. François Patriat, rapporteur.

Je me suis rendu dans votre département de Meurthe-et-Moselle, il y a quinze jours. Il y avait 300 personnes dans l'amphithéâtre de Château-Salins, tout près de chez vous. Savez-vous ce que m'ont dit les agriculteurs ? « Heureusement qu'il y a des quotas laitiers. Combien resterait-il sinon de producteurs laitiers, et avec quel revenu ? »

M. André Angot.

Combien en avez-vous fait disparaître ?

M. François Patriat, rapporteur.

Combien y aurait-il d'agriculteurs en montagne sans les quotas ? C'est dans le département de M. Parrenin qu'on installe le plus d'agriculteurs aujourd'hui ! Et les céréaliers de Meurthe-etMoselle et de Moselle m'ont dit : « Surtout, ne touchez pas à la PAC de 1992-1993 ! »

M. Jean Auclair.

Et les éleveurs, que vous ont-ils dit ?

M. François Patriat, rapporteur.

Vous avez également dit qu'il fallait redouter les Américains, qu'ils étaient les plus forts, qu'ils étaient les maîtres du monde et qu'on ne pouvait pas discuter avec eux. Mais, dans un second temps, vous avez reproché au ministre de ne pas engager une partie de bras de fer avec eux pour que nous puissions continuer à exporter au prix de restitutions que M. le ministre a évoquées en disant que cela coûtait plus cher de restituer que de vendre, et qu'en fin de compte on encourageait la disparition d'unités agricoles viables en France.

Il y a là une véritable incohérence.

M. André Angot.

Pas du tout !

M. Christian Jacob.

N'importe quoi !

M. François Patriat, rapporteur.

Votre démonstration n'engage que vous, monsieur Guillaume. Comment pouvez-vous affirmer que la France ne doit pas préciser quelle agriculture elle veut avant d'engager les négociations de Bruxelles ? Faire le contraire eût été irréaliste et contradictoire ! Avec ce texte, la France dit quelle agriculture, quels agriculteurs, quels produits elle veut. Et nous entendons bien que cela devienne réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à

M. Joseph Parrenin.

M. Joseph Parrenin.

Monsieur Guillaume, vos propos m'ont vraiment surpris. J'ai le sentiment que vous ne savez plus ce que c'est qu'un paysan ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Jean Michel.

Il ne l'a jamais su !

M. François Guillaume.

Je vais vous apprendre à traire les vaches, moi !

M. Jean Auclair.

Des paysans, vous en avez vu combien, monsieur Parrenin ?

M. le président.

M. Parrenin a seul la parole. Laissez-le s'exprimer !

M. Joseph Parrenin.

Je vais relever quelques contradictions dans l'intervention de notre collègue.

Vous avez d'abord emboîté le pas au Président de la République, selon lequel les paysans risquent de devenir des jardiniers de l'espace. Je suggère à M. le ministre de l'agriculture de vous envoyer, ainsi qu'au Président de la République, le texte de l'intervention prononcée tout à l'heure par M. Patrick Ollier. Car M. Ollier a dit que nous avions besoin des troupeaux pour brouter les pâturages en montagne. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Ce n'est pas une activité de jardinier de l'espace, cela ?

M. Christian Jacob.

Et alors ? C'est de la production agricole !

M. Joseph Parrenin.

En second lieu, vous doutez encore aujourd'hui, quatorze ans après leur mise en place, de l'utilité des quotas laitiers.

François Patriat l'a rappelé : quel que soit l'interlocuteur, tout le monde est affolé à la perspective que Bruxelles puisse supprimer les quotas laitiers, et je n'ai pas rencontré un seul producteur de lait ces dernières années qui soit d'un avis contraire.

Je vous rappellerai aussi, monsieur Guillaume, votre opposition systématique à l'entrée de l'Espagne dans le Marché commun quand vous parcouriez la France, effectivement en avion, alors que vous étiez à la tête de la FNSEA. Vous avez même essayé de soulever le monde agricole à cette occasion. Mais regardez aujourd'hui le solde de la balance commerciale agricole entre l'Espagne et la France : il a augmenté de 50 % ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. André Angot.

Pour les fruits et les légumes !

M. Joseph Parrenin.

J'oserai relever une autre contradiction : les premiers orateurs siégeant du même côté de l'hémicycle que vous ont considéré, en début de journée, qu'on avait mis trop de temps, depuis le mois de juin l'année dernière, à préparer le projet de loi d'orientation agricole. Or vous estimez quant à vous qu'il ne fallait pas le présenter. Mettez-vous d'accord avec vos amis, et avec M. Vasseur en particulier ! Je conclurai simplement, monsieur Guillaume, en affirmant que, s'il y a un seul malthusien dans cet hémicycle, c'est vous. En effet, vous défendez seulement la grande culture, et soutenez que, dans les zones défavorisées, dans les régions difficiles, il n'y aura plus d'agriculteurs demain. Votre malthusianisme vous conduit à délaisser le Massif central, les zones de montagne, les zones défavorisées, où, d'après vous, on ne sait plus faire d'agriculture, et à favoriser les régions fertiles. Un point c'est tout.

C'est la raison pour laquelle je pense que votre demande de renvoi en commission n'a aucun sens.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Rebillard, pour le groupe Radical, Citoyen et Vert.

M. Jacques Rebillard.

Après avoir écouté M. Guillaume, j'ai eu un peu l'impression d'avoir assisté à un remake du film Apocalypse now (« Ah-ah-ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) : à l'entendre, on n'aurait plus qu'un champ de ruines après le passage de la loi d'orientation agricole.

M. Michel Vergnier.

C'est Guillaume la Tendresse ! (Sourires.)


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M. Jacques Rebillard.

Ses propos sont trop outranciers pour être pris au sérieux.

Si le projet de loi était aussi mauvais que lui et ses amis le disent, l'opposition n'aurait pas déposé autant d'amendements, les amendements visant justement à améliorer un texte.

M. François Guillaume.

Nos amendements tendent à le transformer !

M. Jacques Rebillard.

La principale innovation du projet de loi d'orientation agricole est le contrat territorial d'exploitation. Ce contrat, ainsi que cela a été rappelé, n'aura aucun caractère obligatoire. Si un certain nombre d'agriculteurs souhaitent dans ce pays se confronter au marché mondial, qu'ils le fassent, mais ils ne doivent pas dans le même temps réclamer des aides des pouvoirs publics. Leur choix doit être clair : soit ils veulent aller sur le marché mondial, et ils doivent le faire sans soutien, soit ils souhaitent bénéficier d'une certaine protection et ils doivent alors accepter des contraintes.

M. Jean Michel.

Très bien !

M. Jacques Rebillard.

Vous avez parlé, monsieur Guillaume, de la fiscalité. C'est un point important. Mais je constate que le frein principal à la transmission des exploitations est aujourd'hui leur agrandissement, et donc le poids de plus en plus lourd que représente leur capital.

A insi, les jeunes peuvent difficilement les racheter.

L'aspect fiscal n'est donc qu'un épiphénomène.

Vous avez également parlé de dérive environnementale.

J'ai l'impression qu'en la matière la droite joue les cigales.

Car le jour où un certain nombre de ressources difficilement renouvelables seront épuisées, qui paiera la facture !

M. Michel Bouvard.

Nous n'avons pas de leçons à recevoir de vous !

M. Jacques Rebillard.

Et si l'on constate aujourd'hui des distorsions de concurrence, c'est parce que certains pays ne respectent malheureusement pas les contraintes environnementales.

J'ai eu l'occasion d'aller passer des vacances dans le sud de l'Europe...

M. Christian Jacob.

En avion ?

M. Jacques Rebillard.

Je vous assure que, lorsque les pays de cette région du monde se mettront à entretenir leur environnement, ils seront beaucoup moins compétitifs qu'aujourd'hui.

M. Jean Auclair.

Vous avez la mémoire courte, monsieur Rebillard !

M. Jacques Rebillard.

A travers vos propos, monsieur Guillaume, on a bien vu où allaient vos préférences : les agriculteurs des régions défavorisées apprécieront que vous défendiez les hauts revenus de l'agriculture la plus productive. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Christian Jacob.

Oh ! la la !

M. Jean Auclair.

Abandonnez la lutte des classes !

M. Jacques Rebillard.

Par-dessus le marché, vous appelez de vos voeux une agriculture libérale, sans règles. C'est votre droit. Mais je crois qu'il s'agit là du plus sûr moyen de faire disparaître l'agriculture des zones défavorisées.

Merci, monsieur Guillaume ! Tout à l'heure, vous avez proposé l'instauration de pénalités en cas de dépassement des quantités maximales de production. Une fois de plus, ces pénalités pénaliseraient le plus ceux qui produisent le moins. Tel est le sens de la politique que vous préconisez ! Concernant les exportations, nous avons, sur ce sujet aussi, des divergences de fond. Nos exportations, malheureusement à bas prix, ont déstabilisé les agricultures des pays du tiers monde et enrichi un certain nombre de tyrans.

M. André Angot.

Il ne faut plus exporter, alors !

M. François Guillaume.

Que faites-vous pour ces pays ?

M. Philippe Vasseur.

On vous a donné la parole pour une explication de vote ! En matière de détournement de procédure, vous êtes fort !

M. Jacques Rebillard.

Ces exportations ont les mêmes effets que les importations de chemises à bas prix sur notre industrie textile.

M. François Guillaume.

Dénonciations éculées que tout cela !

M. Jacques Rebillard.

La vocation de terre nourricière pour la planète entière que vous voulez donner à la France est un leurre.

Pour toutes ces raisons, monsieur Guillaume, nous ne voterons pas votre motion de renvoi en commission.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Proriol, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Jean Proriol.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais introduire une note discordante par rapport aux deux orateurs qui m'ont précédé : j'ai, quant à moi, trouvé le discours de M. Guillaume très pertinent. Comme le rapporteur, je l'ai écouté presque religieusement.

Ce discours était excellent, dans la forme comme sur le fond. Je partage en grande partie ce qu'a dit son auteur...

(« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Marcel Rogemont.

Mais qu'est-ce que vous ne partagez pas ?

M. Jean Proriol.

... et c'est pourquoi je propose à l'Assemblée d'adopter le renvoi en commission.

M. Guillaume a fait des propositions intéressantes. Il nous a fait valoir que le texte était déséquilibré. C'est vrai : son article 1er accorde une priorité aux problèmes environnementaux par rapport aux problèmes économiques. Allez expliquer cela aux agriculteurs ! Je propose le renvoi en commission pour réécrire l'article 1er , qui est effectivement malthusien.

Il faut également revoir le contrôle des structures. Il importe que soit étudiée la suggestion de M. Guillaume concernant le montant des primes, qui ne doit pas être calculé de façon aléatoire, obscure, comme le prévoit le texte, mais de façon claire, lumineuse, transparente, c'està-dire en fonction des exploitations et en fixant un plafond.

M. Michel Vergnier.

Chiche !

M. Jean Proriol.

Enfin, je constate que le texte qui nous est soumis manque, ainsi que M. Guillaume l'a déploré, d'ambition, notamment dans sa partie internationale.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

Monsieur le ministre, nous vous avons constammentr eproché cet après-midi que votre texte était trop déconnecté des problèmes européens et internationaux.

M. Guillaume a fait sur ce point une brillante démonstration.

Nous rentrons des Etats-Unis avec le président Lajoinie. Nous y avons rencontré des membres du Sénat et de la Chambre des représentants qui nous ont bien montré q ue l'Amérique voulait reprendre la main dans le domaine agricole et que nous devions être fermes, convaincants, plus précis dans nos objectifs, et donner davantage d'ambition à notre agriculture pour lui résister.

Je regrette les procès d'intention de malthusianisme qui ont été faits. Je trouve que le renvoi en commission s'impose, les suggestions de M. Guillaume emportant notre assentiment. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe UDF-Alliance.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

UDF quoi ?

M. Jean Michel.

Quelle « Alliance » ?

M. Kofi Yamgnane.

C'est un nouveau groupe, monsieur le président ? (Sourires.)

M. François Sauvadet.

Je savais, messieurs, que cela vous ferait plaisir, mais, au lieu de vous disperser dans des conversations privées ou dans des commentaires très éloignés de la loi d'orientation agricole, vous devriez vous concentrer sur notre débat. Cela vous permettrait de faire une analyse beaucoup plus sérieuse.

J'ai écouté comme vous tous François Guillaume. Son exposé était tout à fait rigoureux et j'y ai trouvé un élé ment nouveau par rapport à tout ce que nous avions entendu depuis le début de la discussion...

M. Jean Michel.

Ah !

M. François Sauvadet.

Il a replacé son analyse dans une perspective historique.

M. Jean Michel.

Là, on est dans le mur ! (Sourires.)

M. François Sauvadet.

Notre pays est aujourd'hui une grande puissance agricole et nous avons rappelé la place que nous souhaitons lui voir prendre, notamment sur les marchés mondiaux.

A ceux qui ont suivi l'actualité à une certaine époque, je rappellerai qu'il y avait, parallèlement à la définition de la politique agricole commune, un fameux « plan Davignon » sur la restructuration industrielle. Nous avions alors de grands débats surle sujet. Il convient de se souvenir de cette histoire pour bien préparer notre avenir.

Monsieur le ministre, pourquoi proposer un renvoi en commission ? Nous avons eu le sentiment, à vous entendre, que ce que vous nous disiez n'était pas tout à fait conforme à ce que nous avions lu.

M. Jean Michel.

Il ne sait pas lire !

M. François Sauvadet.

Vous avez réaffirmé que les producteurs ont vocation à produire. Mais je n'ai pas retrouvé cette affirmation aussi clairement exprimée dans votre texte, qu'il s'agisse de son exposé des motifs ou de son article 1er . Vous avez rappelé un certain nombre de vocations de notre agriculture - celle d'exporter, notamment -, mais je ne les ai pas non plus retrouvées aussi clairement exprimées dans le projet.

Monsieur le ministre, j'ai le sentiment que vous avez pratiqué, depuis le début, un exercice auquel nous ne devons pas continuer de nous livrer : celui de la caricature.

M. Joseph Parrenin.

C'est vrai : la droite caricature !

M. François Sauvadet.

Nous nous inscrivons volontairement. Mais dans une perspective d'économie mondiale, vous exprimez votre volonté d'aller vers des prix bas au nom de la compétitivité internationale.

Vous avez aussi pratiqué un art qu'il ne faut pas continuer de pratiquer : l'esquive. Lorsque vous parlez des retraites, l'effort que vous avez consenti était louable, mais celui-ci doit être resitué parmi les efforts qui ont été réalisés par vos prédécesseurs et qui sont - les chiffres le prouvent et Charles de Courson y reviendra de la même ampleur que ceux qui sont faits aujourd'hui puisqu'ils ont atteint 5 milliards de francs. Je tenais à vous le rappeler.

J'attends, et c'est pour cela que le renvoi en commission s'impose, un certain nombre de précisions que vous n'avez toujours pas apportées.

Vous n'avez pas précisé les moyens financiers de vos a mbitions au travers du CTE : 300 millions, 800 000 exploitants, 400 000 en situation d'espérer un

CTE ? Je n'ai rien entendu de précis.

Je n'ai rien entendu non plus sur l'installation et la gestion des droits de produire. Vous avez parlé de la politique des structures. C'est bien. Mais nous avons souhaité qu'elle soit adaptée alors que vous soutenez qu'il faut la renforcer.

Vous n'avez apporté aucune précision sur la gestion des droits de produire. Vous ne nous avez pas expliqué comment vous alliez conduire la politique d'installation alors que vous allez réduire le fonds d'installation agricole dont vous nous disiez l'an dernier qu'il serait l'un des axes majeurs de votre politique d'installation.

Rien non plus sur les enjeux de l'ouverture de l'Europe aux pays d'Europe centrale et orientale, sujet évoqué par François Guillaume. Il faudra que vous vous expliquiez sur l'intérêt que cette ouverture représente à vos yeux en termes économiques, stratégiques et politiques pour notre pays.

Enfin, rien sur les contours du CTE ! Le CTE est une boîte fourre-tout, avec des moyens extrêmement limités.

Je crains que ce ne soit un piège.

Rien sur la volonté de la France ni sur la façon dont elle abordera stratégiquement les grandes négociations qu'elle va avoir ! Pour toutes ces raisons, eu égard à ce que vous avez dit sur les principes, à ce qui figure dans le texte et à ce que nous attendons, je crois qu'un renvoi en commission s'impose.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Jean Michel.

Dans la nuance sans doute...

(Sourires.)

M. Christian Jacob.

Toujours !

M. le président.

Comme vous voulez : avec ou sans nuance !

M. Christian Jacob.

J'ai en effet le droit de m'exprimer comme je l'entends, monsieur le président.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

Mesdames, messieurs, je voudrais revenir sur les questions de fond qui ont été évoquées par François Guillaume dans le cadre de la présentation de son renvoi en commission.

Tout d'abord, le projet de loi d'orientation ne traduit aucune approche économique. Vous devez savoir que le mot « économique » a été réintroduit par voie d'amendement en commission de la production et des échanges à la quasi-unanimité, je le reconnais volontiers.

M. Germain Gengenwin.

C'est vrai !

M. Christian Jacob.

La référence à l'économique avait été complètement oubliée.

Aucun lien avec la filière n'est prévue : on poussera des agriculteurs vers telle ou telle production, puis on regardera si cette production est excédentaire ou non.

Il n'y a pas non plus de lien avec le marché et aucune proposition en matière de politique incitative n'est formulée, notamment dans le domaine de l'installation. Pas un mot sur le sujet ! Des contrôles en tout genre sont prévus, mais aucune proposition incitative n'est formulée pour les jeunes qui souhaitent entrer dans le métier d'agriculteur. Aucune incitation à l'investissement ne figure dans le texte - je ne reviendrai pas sur les mesures fiscales, dont l'absence a été largement évoquée.

Quant à l'environnement, que vous évoquez sans cesse, il est bien certain qu'on ne peut envisager aujourd'hui, ainsi que cela a été reconnu sur tous les bancs, une installation en agriculture sans se préoccuper de l'environnement. Reconnaissez tout de même que les agriculteurs n'ont pas eu besoin que vous arriviez au gouvernement pour se rendre compte de la nécessité du maintien de l'environnement.

Depuis vingt ans, le recours aux presticides et aux engrais azotés a diminué de 30 %. Les agriculteurs ont, pour ce faire, recouru à leurs propres moyens financiers, notamment à travers l'ANDA : il n'y a pas eu un franc de financement public et les sommes nécessaires ont été prélevées pour partie sur la base éligible à la TVA.

La démarche a donc été autofinancée par les agriculteurs et des mesures incitatives en faveur des analyses de sol ont été prises. Voilà comment les choses se sont passées. On n'a pas attendu d'avoir des Verts au Gouvernement pour se dire qu'il fallait se préoccuper de l'environnement.

Dans ces conditions, vous devriez faire montre d'un peu de modestie dans vos réflexions.

Vous voulez nous entraîner dans un débat où l'on opposerait les gros aux petits. Je sais que c'est un débat qui vous est cher...

M. Marcel Rogemont.

Ce n'est pas un débat : c'est une réalité !

M. Christian Jacob.

Nous allons y venir. Mais vous auriez mieux fait de lire le texte au lieu de vociférer.

D'ailleurs, on ne vous a jamais vu en commission de la production et des échanges. Je ne vous ai jamais entendu y prendre la parole ni proposer d'amendement...

M. Marcel Rogemont.

Moi ?

M. Christian Jacob.

Oui, vous !

M. Marcel Rogemont.

Vous devriez lire le rapport !

M. Christian Jacob.

J'ai assisté à toutes les révisions et je ne vous y ai pas vu !

M. Marcel Rogemont.

Je suis pourtant intervenu !

M. Christian Jacob.

Dans le cadre du débat sur les gros et les petits, comment financerez-vous le CTE ?

M. Joseph Parrenin.

En prenant aux gros ! (Sourires.)

M. Christian Jacob.

Il sera financé par les OGAF, majoritairement utilisées dans les régions les plus difficiles, notamment dans les zones de montagne. Vous le financerez aussi par le FGER, qui profite aussi aux régions les plus difficiles, ainsi que par les fonds à l'installation.

En fait, qu'êtes-vous en train de faire ? Vous engraissez les DDA et les préfectures sur le dos des paysans des zones difficiles ! Telle est la vérité ! Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Très juste !

M. Christian Jacob.

C'est la raison pour laquelle le groupe du Rassemblement pour la République votera le renvoi en commission.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour, pour une dernière explication de vote, au nom du groupe communiste.

M. Félix Leyzour.

Monsieur le président, je demande, au nom du groupe communiste, que la motion de renvoi en commission soit renvoyée à son auteur (Sourires) ...

M. Charles de Courson.

Ce n'est pas la procédure !

M. Félix Leyzour.

... et cela pour deux raisons.

D'abord, ainsi que l'a rappelé le rapporteur, nous avons eu en commission une discussion approfondie.

Celle-ci n'était fermée à personne et tout le monde pouvait s'y exprimer.

M. Christian Jacob.

Encore heureux !

M. Charles de Courson.

C'est le règlement !

M. Félix Leyzour.

La seconde raison est une raison de fond.

M. Guillaume prétend parler au nom de toute la profession agricole en défendant la politique des gouvernements de droite dont il a fait partie. Mais la profession agricole est diverse et ne voit pas forcément les problèmes comme lui.

M. Guillaume parle de la nécessité de s'opposer aux prétentions américaines. Je ne crois pas, comme je l'ai dit tout à l'heure dans mon intervention générale, que nous nous opposerons à ces prétentions en se situant sur le terrain des Américains, celui du libéralisme à tout crin, ni en courant après eux. Il faut au contraire s'opposer aux Américains en défendant une politique européenne réorientée, une politique européenne s'articulant sur une préférence communautaire rénovée.

M. Jean Michel.

Assurément !

M. Félix Leyzour.

Il faut considérer le projet que nous discutons aujourd'hui comme un point d'appui possible pour réorienter dans ce sens la politique européenne.

M. Jean Michel.

Très bien !

M. Félix Leyzour.

C'est la raison pour laquelle il faut voter contre la demande de renvoi en commission présentée par M. Guillaume. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

M. le président.

Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le mardi 6 octobre 1998, à zéro heure, est reprise à zéro heure dix.)

M. le président.

La séance est reprise.

Discussion des articles

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9 du règlement, les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Article 1er

M. le président.

« Art. 1er . - I. - La politique agricole prend en compte les fonctions économique, environnementale et sociale de l'agriculture. Elle a pour objectifs :

« l'installation en agriculture, la pérennité des exploitations agricoles, leur transmission, et le développement de l'emploi dans l'agriculture ;

« l'amélioration des conditions de production et l'amélioration du revenu des agriculteurs ainsi que la parité des garanties sociales avec les autres catégories sociales, à contributions équivalentes ;

« la production de biens agricoles, alimentaires et non alimentaires diversifiés répondant aux besoins des marchés nationaux, communautaires et internationaux, satisfaisant aux conditions de sécurité sanitaire ainsi qu'aux besoins des industries agro-alimentaires et aux exigences des consommateurs ;

« une répartition équitable de la valorisation des produits alimentaires entre les agriculteurs, les transformateurs et les entreprises de commercialisation ;

« la valorisation des terroirs par des systèmes de production adaptés à leurs potentialités ;

« la préservation des ressources naturelles et de la biodiversité, et l'entretien des paysages ;

« la production de services collectifs au profit de tous les usagers de l'espace rural ;

« la promotion des produits agricoles sur le marché national et les marchés internationaux.

« La politique agricole prend en compte les situations spécifiques à chaque région, notamment aux zones de montagne, aux zones défavorisées et aux départements d'outre-mer, pour déterminer l'importance des moyens à mettre en oeuvre pour parvenir à ces objectifs.

« La politique agricole est mise en oeuvre en concertation notamment avec les collectivités territoriales et les organisations professionnelles représentatives.

« II. L'article 1er de la loi no 80-502 du 4 juillet 1980 est abrogé. »

Sur cet article, de nombreux orateurs sont inscrits.

Comme vous le savez, leur temps de parole est limité à cinq minutes, mais nous en avons néanmoins déjà pour près de quatre-vingts minutes. Je demande donc aux orateurs de bien vouloir respecter leur temps de parole. Je lèverai la séance à deux heures.

La parole est à M. Jean-Michel Marchand.

M. Jean-Michel Marchand.

Dans son article 1er , ce projet de loi d'orientation agricole énonce les grands principes qui le sous-tendent et, pour faire simple, définit la t riple mission de l'agriculture d'aujourd'hui et de demain : fonction de production et multifonctionnalité ; préservation de l'environnement et des paysages ; développement de l'emploi.

C'est faire un mauvais procès à ce projet que de l'accuser de sous-estimer la fonction de production. Reste qu'il faut repenser celle-ci. En effet, aux crises liées aux phénomènes de surproduction qui perturbent les économies agricoles s'ajoutent une crise de confiance des consommateurs, avec les problèmes sanitaires que nous avons connus, et leur inquiétude quant aux autorisations données à la mise en culture d'organismes génétiquement modifiés. Il en résulte une demande forte de nos concitoyens pour une qualité et une traçabilité des produits mis sur le marché.

Il n'y a pas cependant incompatibilité entre réorganisation de la production, contrôle des productions, qualité de ces productions et revenus décents des agriculteurs.

Cet après-midi, on a fait allusion aux vins du Midi. Permettez-moi de prendre l'exemple des vins d'Anjou et de Saumur et d'appeler votre attention sur les actions menées par les viticulteurs de ma circonscription pour contrôler leur production, améliorer la qualité de leurs produits et leur donner ainsi une valeur ajoutée importante.

La multifonctionnalité participe elle aussi aux revenus des agriculteurs dans le respect des autres actifs du monde rural par des activités liées à l'animation de l'espace rural, en réponse à des besoins réels de nos concitoyens - je pense au tourisme vert et à la vente directe à la ferme -, créant des liens forts entre producteurs et consommateurs, entre ruraux et urbains.

La multifonctionnalité, c'est aussi la contribution à la préservation de l'environnement et des paysages : protection des ressources naturelles - l'eau, l'air, les sols ; vous y avez fait allusion, monsieur le ministre ; maintien de la bio-diversité ; intervention sur l'espace rural et pas uniquement sur l'espace agricole. C'est là une mission de fait au service de l'ensemble de nos concitoyens et qui participe du patrimoine commun de la Nation. Elle doit être reconnue comme telle, et c'est ce que fait ce projet de loi d'orientation.

Dernière mission : développer l'emploi. Ce n'est pas une simple gageure que d'avoir cette volonté alors que l'emploi en agriculture s'est constamment dégradé. Moins d'exploitations, moins d'emplois agricoles, moins d'emplois induits, et c'est la désertification de nos campagnes qui s'étend.

Développer l'emploi, c'est faciliter l'accès à l'installation des jeunes et peut-être aussi des moins jeunes, des jeunes issus du monde agricole mais aussi de ceux qui sont extérieurs à ce monde. C'est aussi leur permettre de s'installer sur des exploitations dont la solvabilité est assurée. C'est faciliter les groupements d'employeurs pour des emplois salariés et stables. C'est donc être précis sur l'unité de référence pour une exploitation viable et sur la définition de l'actif agricole.

Pour terminer, ce projet de loi d'orientation agricole s'inscrit dans une volonté politique de prendre en compte les problèmes de manière globale. Les dispositions de ce texte, s'agissant en particulier des contrats territoriaux d'exploitation, doivent ainsi trouver un cadre d'applica-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

tion cohérent à travers la notion de pays qui sera développée dans le projet de loi d'orientation d'aménagement durable du territoire.

M. le président.

La parole est à M. Damien Alary.

M. Damien Alary.

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'enjeu du projet de loi d'orientation agricole qui est soumis à la discussion et au vote de la représentation nationale est double. Il s'agit, d'une part, de répondre à une attente ancienne du monde agricole et, d'autre part, d'inscrire l'agriculture française dans une dynamique d'avenir à l'heure de la nouvelle réforme de la PAC et des négociations au début de l'an 2000 pour l'organisation mondiale du commerce.

Le texte présenté est le fruit de concertations et de consultations multiples de l'ensemble des acteurs du monde agricole. Il a fait l'objet d'un travail d'amendements et de réflexions considérables au sein de la commission de la production et des échanges.

A la manière des préambules des grandes lois constitutionnelles, l'article 1er du projet de loi fixe les objectifs de la politique agricole et reconnaît la multifonctionnalité de l'agriculture. La philosophie générale de ce texte repose sur une volonté de transparence des fonds publics avec un équilibrage des aides accordées aux agriculteurs. Cette transparence s'opérera par une contractualisation des rapports entre l'agriculture et l'Etat par le biais des contrats territoriaux d'exploitation.

La multifonctionnalité, ou trifonctionnalité, économique, environnementale et sociale, de l'agriculture, mise en avant avec force dans l'article 1er , reflète la transversalité de cette notion à travers les divers textes allant de la conférence de Rio en 1992 au code forestier.

Cette trifonctionnalité s'inscrit également dans l'optique du projet de loi d'aménagement du territoire en rejoignant la notion de développement durable. Le territoire, l'emploi et la justice sociale sont donc au coeur de ce texte. En effet, c'est sur ce fondement que reposent les objectifs mentionnés à l'article 1er

Le premier objectif concernant l'installation en agriculture, notamment celle des jeunes, la pérennité des exploitations agricoles, leur transmission et le développement de l'emploi dans l'agriculture dans l'ensemble des régions françaises en fonction de leurs spécificités, participe à cette nouvelle dynamique. Pour une région comme la mienne, le Languedoc-Roussillon, et en particulier pour le bassin d'Alès ou les Cévennes, il est essentiel que soient assurés un renouvellement et un développement des exploitations. La prise en compte de la spécificité de chaque région permettra une adaptabilité des contraintes administratives aux caractéristiques du territoire concerné.

Ainsi l'installation de jeunes exploitants dans de petites productions en Cévennes, par exemple, sera-t-elle différenciée de l'installation des arboriculteurs ou des viticulteurs dans la plaine. Mais il faut pour cela, tout en conservant le caractère individuel des CTE, permettre à travers eux le renforcement de l'organisation économique des producteurs, tout particulièrement dans le secteur viticole de l'arc méditerranéen où de nombreux efforts en matière de réencépagement ou d'investissement dans les caves vinicoles ont été entrepris depuis de nombreuses années, en leur donnantles moyens de s'organiser pour accroître le regroupement de l'offre, maintenir la valorisation des produits et adapter leur production aux marchés.

Il faut en effet qu'ils puissent peser sur les marchés pour avoir un retour assuré sur la valeur ajoutée. Cette reconnaissance des spécificités locales est nécessaire pour lutter contre la désertification en milieu rural, pour maintenir les emplois et en créer de nouveaux.

Cet objectif premier répond donc à une notion humaine et concrète de l'exploitation. Il est dans le droitfil du travail gouvernemental tendant à assurer la cohésion sociale à travers un aménagement du territoire équilibré et la création d'emplois.

Cette orientation rejoint la volonté affirmée par le cinquième objectif de l'article 1er visant à la valorisation des terroirs au moyen de systèmes de production adaptés.

Cette valorisation répond aux orientations du Gouvernement vers une occupation du territoire équilibrée et la préservation des ressources naturelles. Ainsi, le texte concilie productions agricoles et environnement où l'agriculture gère un espace et des ressources naturelles.

Le huitième objectif figurant à l'article 1er du projet de loi d'orientation agricole, la promotion des produits agricoles sur le marché national et les marchés internationaux, met l'accent sur le renforcement d'une politique de la qualité et de l'identification. Permettez-moi, chers collègues, pour illustrer mon propos, de citer quelques exemples locaux concrets.

Dans la cinquième circonscription du Gard, j'ai déjà appelé l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de la forêt et de la pêche sur l'importance de la reconnaissance comme appellation d'origine de « l'oignon doux des Cévennes ; » celle-ci est demandée par son association de défense, qui a engagé des efforts conséquents depuis de nombreuses années.

M. le président.

Pourriez-vous conclure ?

M. Damien Alary.

Je vais terminer...

Je suis un fervent partisan de cette reconnaissance, compte tenu des enjeux socio-économiques que recouvre l'obtention de l'appellation dans une région en grande difficulté. L'oignon doux des Cévennes, c'est plus d'une centaine de familles concernées, un millier de terrasses cultivées dans des conditions très particulières, un produit avec des caractéristiques uniques, indissociable de son terroir d'origine. Les efforts accomplis ont surtout porté en avant des pratiques respectueuses de l'environnement telles que l'agriculture biologique.

Je pourrais citer d'autres producteurs et d'autres productions : la coopérative castanéicole des Cévennes, les petits fruits, le miel, l'huile d'olive, etc. Mais je voudrais terminer par la viticulture. L'ensemble des vignerons de la région mais aussi les acteurs du développement local ont oeuvré pour le renforcement d'une politique axée sur la qualité de la viticulture. Aujourd'hui, la qualité enregistrée est avant tout le résultat de nombreuses années d'efforts en faveur d'un encépagement noble.

Il est indispensable qu'au niveau national de telles démarches soient soutenues, notamment en accompagnant ces producteurs pour obtenir la reconnaissance de l'appellation d'origine contrôlée. Il faut que l'agriculteur ne soit plus considéré seulement comme un producteur de denrées alimentaires mais comme un gestionnaire de l'espace rural et des ressources naturelles, qui doit s'adapter au marché et répondre à une demande de qualité.

Toutefois, monsieur le ministre, la valeur de ces objectifs, qui est réelle, ne doit pas être contrecarrée par leur application et les incompatibilités pratiques, sur le terrain, avec des règles nationales ou européennes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

Il conviendra donc de veiller au bon fonctionnement des objectifs assignés. Il est particulièrement valorisant et intéressant de favoriser la qualité des productions, mais il ne faut pas que les efforts entrepris buttent sur des règles incompatibles telles que celles issues de la loi sur l'eau, par exemple.

Pour élever l'application de la loi à la hauteur de ces objectifs, il sera nécessaire de veiller à une cohérence des textes et des politiques internes et européennes.

L'article 1er , qui va de l'installation des jeunes à la revalorisation progressive des retraites agricoles, va engager notre pays dans la voie d'une agricuture moderne pour le

XXIe siècle.

M. le président.

La parole est à M. Roland Garrigues.

M. Roland Garrigues.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi d'orientation agricole s'inscrit dans un contexte mondial, européen et enfin national. M. Lionel Jospin avait en effet annoncé dans son discours de politique générale, au mois de juin 1997, qu'il faisait de cette loi d'orientation agricole l'une de ses priorités.

La profession attendait qu'à l'aube du

XXI E siècle, nous définissions un nouveau cadre à l'agriculture, après tous l es changements qui sont intervenus en quelques décennies.

Ce cadre doit tenir compte de l'évolution de l'agriculture depuis presque quarante ans, du rôle qu'elle joue dans notre balance commerciale, mais aussi des exigences de nos concitoyens en matière de qualité des produits et de respect de l'environnement.

L'évolution des techniques, la concentration des exploitations, la puissance de l'industrie agro-alimentaire et le travail des hommes et des femmes qui font l'agriculture ont élevé la France au rang de grand pays exportateur.

Constatant cette évolution et, parfois les excès, voire les injustices qui en ont découlé, ce projet de loi d'orientation ne s'attache pas seulement à la notion de production ; d'une manière plus large, il décline toutes les fonctions que remplit l'agriculteur, dont le rôle social est très important.

L'agriculture a de plus démontré, depuis des décennies, une véritable capacité d'intégration notamment des populations étrangères. Je me souviens des Républicains espagnols qui avaient trouvé refuge dans nos fermes du SudOuest. Et, plus tard, des rapatriés d'Afrique du Nord, auxquels je veux rendre hommage.

L'agriculture est enfin, puisqu'elle occupe 80 % du territoire, le premier aménageur du pays et le gestionnaire de notre espace rural.

Pour la première fois, dès son préambule, l'article 1er du texte qui nous est proposé aujourd'hui reconnaît cette triple fonction de l'agriculture.

On connaît le montant des aides européennes et le mode de répartition qui prévalaient jusqu'alors.

On ne peut plus décemment accepter que 20 % des agriculteurs perçoivent 80 % des aides. On ne peut plus concevoir que 54 % des agriculteurs ne perçoivent même pas le SMIC, un tiers de ceux-ci ayant un revenu inférieur au RMI.

On ne peut plus accepter que, pour percevoir ces aides, certains se lancent dans des concentrations à outrance, que les sols soient appauvris, voire pollués par une incessante course à la productivité.

Cela ne veut pas dire que ces aides seront diminuées.

Cela veut dire, tout simplement, qu'elles seront réparties de manière plus équitable et sur une base contractuelle.

Dans ma belle circonscription, qu'y a-t-il de commun entre les vallées du Tarn et de la Garonne et leurs productions fruitières et le causse du Quercy et son élevage si ce n'est la même volonté des hommes à travailler leur terre, et à essayer d'en vivre ? Or ceux-là signeront les contrats que vous proposerez, monsieur le ministre.

M. François Sauvadet.

Combien ?

M. Roland Garrigues.

Le projet de loi tient compte de ces particularismes, des spécificités de ces agricultures dont la diversité est un des facteurs de la richesse nationale.

Produire oui, mais produire mieux, en mettant l'accent sur des productions de qualité, attendues par les consommateurs et qui assureront des revenus décents au monde agricole.

Produire donc, développer l'emploi en milieu rural et préserver durablement l'environnement : voilà les trois missions fondamentales, que ce projet de loi reconnaît aux agriculteurs.

En favorisant l'installation des jeunes, en abordant véritablement le statut du conjoint et en mettant en oeuvre les moyens nécessaires pour que les retraités puissent enfin vivre correctement, la loi pose les jalons d'un véritable statut de l'agriculteur.

Vous nous permettez, monsieur le ministre, de tracer aujourd'hui de nouveaux sillons pour l'agriculture française. Elle saura les suivre, en maintenant la compétitivité qui fait sa force sur les marchés internationaux. Elle saura les suivre, en étant le principal gisement d'emplois du monde rural. Elle saura les suivre, en devenant l'acteur principal de l'aménagement de la France.

Vous nous permettrez de nous rappeler le Rimbaud des Illuminations :

« A l'aurore nouvelle, armé d'une ardente patience, il était rendu au sol paysan » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques MasdeuArus.

M. Jacques Masdeu-Arus.

Monsieur le ministre, une des grandes insuffisances de votre projet de loi est qu'il ne prend pas en compte les handicaps des exploitants agricoles situés en zone péri-urbaine et ne propose aucune mesure destinée à y remédier. Ni le titre V concernant la gestion de l'espace agricole et forestier, ni la mise en place de zones agricoles protégées ne permettent de répondre aux difficultés de ce type d'agriculture.

Ces exploitations, le plus souvent vouées à l'arboriculture ou aux cultures maraîchères, occupent le faible espace interstitiel rendu libre par l'expansion urbaine, d'une part, et la céréaliculture, d'autre part.

Elles sont donc caractérisées par une situation géographique spécifique et forment une sorte d'espace tampon entre les zones urbaines et agricoles.

Ce type d'agriculture de proximité qui a toujours privilégié la qualité sur les rendements élevés joue un important rôle économique, social et environnemental.

En Ile-de-France, ces exploitations occupent un périmètre d'environ 400 hectares et emploient plus de 2 000 personnes, sans compter les emplois induits en amont et en aval.

Sur un plan environnemental, elles contribuent à structurer et agrémenter le paysage en zone péri-urbaine.

Elles sont les témoins d'une agriculture de qualité et de proximité, d'une tradition, d'un savoir-faire.

Mais malgré son rôle important, ce type d'agriculture est confronté à de graves difficultés dues à sa situation géographique particulière.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

En effet, ces exploitations subissent de nombreux handicaps : les dégradations atteignent parfois, en Ile-deFrance, le quart des récoltes ; la précarité foncière due à une plus grande instabilité des documents d'urbanisme ; le coût plus élevé des productions : charges plus lourdes, coût du foncier qui exclut les extensions en pleine propriété, des transports, de la main-d'oeuvre qui représente 50 % des charges de production, de l'eau...

La raréfaction des terres agricoles disponibles et le mitage rendent difficile toute restructuration ; la fragilité des baux proscrit tout investissement de matériel ; la quasi-absence de groupements de producteurs leur enlève tout moyen de bénéficier de prix de retrait et les rend inéligibles à de nombreuses aides publiques et communautaires. Sans oublier les phénomènes de pollution, les difficultés de circulation, les servitudes environnementales plus nombreuses, etc.

Il est donc clairement établi que l'agriculture périurbaine doit supporter de nombreux handicaps. qui se traduisent par de graves problèmes économiques et financier.

Un tableau rapide de la situation des arboriculteurs et des maraîchers en Ile-de-France permet de se rendre compte de la gravité du problème : Dans les Yvelines, par exemple, le nombre d'exploitations a diminué de 35 % entre 1988 et 1995 et le nombre d'actifs de 33 %. Les surfaces cultivées se sont réduites de 8 % entre 1995 et 1997. La production s'est effondrée de près de 50 % pour certains produits comme les pommes ou les poires. Dix exploitations sur dix-huit ont un taux d'endettement dépassant 80 % et un grand nombre d'entre elles sont menacées par la faillite.

Cette perte de rentabilité est bien évidemment liée à leur implantation dans ces zones difficiles, les agriculteurs ne pouvant surmonter seuls leurs handicaps.

Pour préserver l'agriculture péri-urbaine, il est urgent que vous preniez conscience de cette situation et adoptiez des mesures adaptées et ambitieuses.

Votre projet de loi étant totalement silencieux sur ce point, j'ai déposé des amendements répondant aux attentes de ces agriculteurs, qui continuent à demander à être entendus par les pouvoirs publics. Je regrette cependant que seuls deux amendements aient pu être déposés en séance, les autres n'ayant pas franchi le barrage de la recevabilité financière.

Le premier des amendements qui vous seront présentés vise à proposer d'aider les exploitants agricoles situés en zone périurbaine à se réunir sous la forme d'organisations de producteurs respectant les règles suivantes : regroupement de toutes les factures des membres de l'association, prévision des mises en culture, maintien de la liberté individuelle de vente et de facturation. Une telle mesure irait dans le sens des efforts organisationnels menés par les agriculteurs et leur permettrait d'être éligibles à de nombreuses aides publiques et européennes.

Le second amendement prévoit de doter les cultures arboricoles et maraîchères situées dans les zones périurbaines d'un signe de qualité provenance et d'une charte spécifique. En aidant les agriculteurs à valoriser leurs atouts de proximité et de qualité, ce dispositif les soutiendrait efficacement dans leurs objectifs de reconquête des parts de marché. Les consommateurs y gagneraient en transparence et en sécurité, les agriculteurs en souplesse dans l'approvisionnement des marchés.

Par le biais des amendements qui ont été déclarés irrecevables, je proposais de mettre en place un fonds de calamité péri-urbaine, afin de compenser les déprédations que subissent régulièrement les exploitants agricoles, d'inscrire dans la loi des CTE à spécificité péri-urbaine, mais, surtout, de créer des zones franches agricoles - ZFA.

Il s'agit, en effet, de la mesure qu'attendent le plus les agriculteurs périurbains. Ce dispositif, calqué sur celui des zones franches urbaines, les aiderait à surmonter leurs difficultés sans ponctionner le budget de l'Etat.

M. le président.

Mon cher collègue, il faudrait en terminer !

M. Jacques Masdeu-Arus.

Monsieur le président, quelques instants ! D'autres collègues ont parlé pendant huit minutes...

Les ZFA bénéficieraient d'avantages fiscaux, d'aides à la création d'emploi, d'allégements de charges sociales et du coût de la main-d'oeuvre. Elles permettraient d'aider des exploitations répondant à certains critères financiers, économiques et géographiques.

Il est dorénavant impératif de diminuer les charges sociales, notamment sur les bas salaires.

Je souhaite sincèrement que vous mesuriez la nécessité de soutenir cette agriculture périurbaine, de compenser les handicaps spécifiques qu'elle rencontre et de prendre en compte les dispositifs prévus dans ces amendements.

Comme l'a dit le Président de la République, les exploitants agricoles ne sont pas des « jardiniers au profit des intérêts de citadins en quête de rêve », mais des « producteurs ». C'est en mettant en place une véritable politique volontariste et en prenant en compte les spécificités des agriculteurs que l'on parviendra à défendre notre agriculture, un des fleurons de notre pays.

M. le président.

La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, l'agriculture est toujours un secteur majeur de la Réunion, aussi bien du point de vue économique que de celui de l'emploi et de l'aménagement du territoire.

Aussi, je voudrais, monsieur le ministre, attirer votre attention sur un certain nombre de difficultés qui, si elles n'étaient pas levées, risqueraient de compromettre lourdement la mise en oeuvre de cette nouvelle loi d'orientation agricole à la Réunion.

D'abord, le contexte mondial de plus en plus contraignant et incertain n'épargne pas nos productions. Après les mésaventures de la banane aux Antilles, la plus grande vigilance s'impose à l'approche de la prochaine négociation de l'OCM-sucre. Il est indispensable de renforcer, en les améliorant, les acquis obtenus de longue lutte vis-à-vis de l'Union européenne, à savoir le maintien du quota de chaque département, la stabilité des prix d'intervention, la reconduction des aides du POSEIDOM.

Il ne faudrait pas fragiliser la filière canne-sucre-rhum, alors même que de lourds investissements, notamment en irrigation, ont été engagés, avec le soutien de l'Union européenne, pour permettre, par une augmentation dess urfaces cultivables, d'atteindre le quota de 300 000 tonnes de sucre réservé à la Réunion.

A cet égard, monsieur le ministre, nous aimerions avoir des informations sur ce projet de création d'une industrie sucrière dans un autre DOM, et les réaffectations des quotas qu'elle entraînerait d'un département d'outre-mer à l'autre ? L'inquiétude est grande parmi les professionnels de la Réunion de voir ainsi remises en cause les garanties qui ont conditionné les différents investissements en faveur de cette filière et qui lui offrent de réelles perspectives de développement.


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S'il devait se vérifier, ce redéploiement des quotas aurait des conséquences différentes, mais aussi néfastes les unes que les autres.

La première serait de déstabiliser, dans un département déjà accablé par le chômage, une filière qui représente plusieurs milliers d'emplois.

La deuxième serait de discréditer les pouvoirs publics, y compris l'Etat lui-même, aux yeux de l'Union européenne, au moment même où vont s'ouvrir les négociations de l'OCM-sucre et du troisième plan de développement régional.

La troisième conséquence serait d'affaiblir la position de l'outre-mer, qui apparaîtrait ainsi divisé.

La quatrième conséquence serait, à n'en pas douter, l'urbanisation du périmètre ainsi irrigué et le renforcement de la spéculation foncière, dont souffre tant l'agriculture réunionnaise. Une telle évolution irait à l'encontre de tout ce qui est entrepris pour un aménagement équilibré du territoire.

Rappelons enfin que la canne, qui s'est imposée depuis plus d'un siècle à la Réunion, joue un rôle important dans la préservation des sols, en luttant efficacement contre l'érosion.

Pour toutes ces raisons, nous comptons sur la mobilisation et le soutien du Gouvernement pour défendre, à nos côtés, la filière sucrière à la Réunion lors des prochain es échéances.

L'agriculture réunionnaise est un secteur dynamique,o ù la valeur ajoutée a fortement augmenté. En témoignent les efforts entrepris depuis une quinzaine d'années pour la diversification et qui font que la filière fruits-légumes-fleurs constitue aujourd'hui la première spéculation agricole de la Réunion. Il faut à présent consolider ces acquis, notamment dans le cadre de la redéfinition des futures conventions de Lomé. En effet, ces productions subissent une vive concurrence des produits ACP. La mise en place d'une zone de libre-échange entre l'Union européenne et la République sud-africaine n'est pas de nature à rassurer les producteurs réunionnais, d'autant que, jusqu'à présent, la Réunion n'a guère été associée aux négociations pour faire entendre sa voix.

La concurrence se manifeste sur le marché intérieur lui-même, de plus en plus porteur, sous le double effet de la croissance démographique et de l'élévation du pouvoir d'achat.

Elle est vive également sur les marchés européens et la place accordée dans le fret aérien à la production agricole, considérée comme non prioritaire, ne contribue guère à améliorer des conditions de production déjà désavantageuses. A quoi sert d'encourager, par exemple, la production et l'exportation des letchis si les producteurs n'ont jamais l'assurance, année après année, que ces fruits seront effectivement acheminés sur les marchés européens ? Ces incertitudes constantes ne sont certainement pas la meilleure façon de pérenniser l'agriculture réunionnaise, dont les atouts sont réels. C'est pourquoi nous vous demandons, monsieur le ministre, de nous aider à les surmonter, pour le développement durable de notre île.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. René Dutin.

M. René Dutin.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans son article 1er , le projet indique que la politique agricole prend en compte les fonctions économique, environnementale et sociale de l'agriculture. C'est sur l'aspect social que je souhaite intervenir.

La fonction sociale de l'agriculture joue pour toute la société. Elle doit donc s'exercer pour commencer en faveur du monde agricole lui-même. Revaloriser les retraites agricoles est une revendication que personne, aujourd'hui, ne conteste. Le mois dernier, les retraités agricoles étaient plus de 20 000 à Tulle, où ils ont clairement exprimé que cette revalorisation répondait à un devoir de justice et de reconnaissance à leur égard. Au nom des députés communistes, je tiens à saluer leur détermination et à rappeler notre solidarité.

Ces dernières décennies, les pouvoirs publics sont restés sourds à leur demande et insensibles à leurs conditions de vie. Depuis de nombreuses années, les parlementaires communistes n'ont cessé de se battre sur ce point.

A l'ouverture de cette législature, nous avons déposé une nouvelle fois une proposition de loi tendant à porter les retraites agricoles à 75 % du SMIC.

Dans l'immédiat, il ne doit plus y avoir de retraites agricoles inférieures au minimum vieillesse. C'est réaliste et réalisable. C'est le sens de nos amendements.

L'an dernier, le gouvernement de gauche a fait un premier pas, suite à la demande insistante des parlementaires communistes, notamment.

Cette année encore, nous sommes intervenus pour que soit maintenu le principe de l'échéancier de cette revalorisation.

C'est ce qui est fait puisqu'une deuxième étape de revalorisation est inscrite dans la loi de finances pour 1999. Nous avons enregistré ce progrès avec intérêt, mais nous considérons que cela est insuffisant.

Monsieur le ministre, nous renouvelons notre proposition d'augmenter la revalorisation décidée dans le projet de loi de finances pour 1999. La subvention d'équilibre apportée par l'Etat au BAPSA baisse de 2,5 milliards. N'y a-t-il pas là une opportunité ? Mais il est indispensable de supprimer le coefficient de minoration pour permettre à tous les intéressés de bénéficier de l'augmentation dans son intégralité. Ce coefficient, monsieur le ministre, est mal vécu. Il est ressenti comme une humiliation et atténue l'efficacité de vos mesures.

Nous pensons qu'il serait utile de revaloriser l'actif successoral, non revalorisé depuis 1982. Le faible niveau du plafond incite beaucoup de retraités à ne pas demander le bénéfice du dispositif du FSV - ex-FNS - de peur que les allocations soient récupérées sur leur héritage au détri ment de leurs enfants. Cette revalorisation serait d'autant plus légitime que, pour la prestation spécifique dépend ance créée en 1994, on a fixé un plafond de 300 000 francs. L'opposition de l'époque l'avait d'ailleurs jugé insuffisant.

Je voudrais aussi insister sur le statut des veuves et veufs retraités agricoles. Le décret du 2 février 1995 mettant en oeuvre un nouveau système de réversion a institué deux catégories de veuves et veufs retraités : ceux d'avant janvier 1995 ne perçoivent pas la même somme que ceux d'après janvier 1995. Cette discrimination est injuste et est très mal vécue.

Je vous propose donc, monsieur le ministre, de supprimer ces deux catégories afin que toutes les veuves et veufs sans distinction bénéficient du même régime.

Revaloriser les retraites coûte cher, mais, comme on dit chez moi, ce sont des bonnes dépenses. Il faut élargir les ressources budgétaires. Nous proposons une contribution


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solidarité agricole retraite, appliquée aux grandes entreprises en amont et en aval de la production, à la grande distribution, au Crédit agricole et aux compagnies d'assurance. De la sorte, on devrait arriver aux 75 % du SMIC.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob, dernier orateur inscrit sur l'article 1er

M. Christian Jacob.

Monsieur le ministre, sans esprit polémique, car je sais que les promesses socialistes n'engagent que ceux qui les entendent,...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

C'est M. Pasqua qui a dit cela !

M. Christian Jacob.

... je vais reprendre un par un les objectifs énoncés dans cet article 1er

Premièrement, la politique agricole a pour objectif « la pérennité des exploitations, leur transmission et le développement de l'emploi dans l'agriculture ». Si la pérennité des exploitations se décrétait par la loi, cela se saurait.

Mes chers collègues, la pérennité d'une exploitation est liée à sa capacité à générer un résultat et donc à entreprendre. Elle ne peut en aucun cas être décidée par la loi.

Celle-ci peut seulement y contribuer.

Quant à la transmission, dont nous nous félicitons qu'elle figure dans cette énumération, elle ne fait l'objet d'aucune proposition dans le texte.

L'objectif suivant vise à « l'amélioration des conditions de production et l'amélioration du revenu des agriculteurs ainsi que la parité des garanties sociales avec les autres catégories sociales, à contributions équivalentes ». Mais là encore, on ne trouve aucune mesure portant sur les cotisations sociales. Pourtant, vous savez que les agriculteurs souhaitent que l'on distingue dans l'assiette des cotisations sociales le revenu réinvesti et le revenu disponible.

Avec les artisans et commerçants, ils sont en effet les seuls à payer des cotisations sociales sur une part de leurs revenus qui est réinvestie dans l'outil de production.

Vous évoquez ensuite « la production de biens agricoles alimentaires et non alimentaires... satisfaisant aux normes de sécurité sanitaire... ». Bravo

! Mais pourquoi ne prévoyez-vous aucune mesure en ce sens ? Quant à satisfaire aux conditions de sécurité sanitaire, je dirai que c'est heureux ! Autre objectif, « la répartition équitable de la valorisation des produits alimentaires entre les agriculteurs, les transformateurs et les entreprises de commercialisation ».

Où sont vos propositions sur ce sujet ? Il n'y en a aucune dans le texte.

Vient ensuite « la promotion agricole sur les marchés internationaux ». Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a pu être dit à propos des exportations. Certes, les agriculteurs qui travaillent dans des secteurs à vocation exportatrice seront peut-être sensibles à toutes les propositions qui ont été faites sur vos bancs. Mais ils constateront que le texte ne prévoit rien de concret.

« La politique agricole prend en compte les situations spécifiques à chaque région, notamment aux zones de montagne, aux zones défavorisées et aux départements d'outre-mer », déclarez-vous. Où sont ces propositions spécifiques aux zones de montagne, aux zones défavorisées et aux départements d'outre-mer ? En fait, vous ratissez large sur les objectifs pour que tout le monde soit content mais concrètement vous ne prévoyez rien. C'est à cause de cela que nous sommes opposés à cette loi.

M. le président.

Nous en arrivons à l'examen des amendements à l'article 1er

M. Guillaume et les membres du groupe du Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production ont présenté un amendement, no 285, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 1er »

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume.

S'agissant des missions de l'agriculteur, nous avons reproché au ministre, lors de la discussion générale, de donner la priorité à la défense des ressources naturelles et à l'aménagement du paysage.

Certes, il s'en est défendu. Mais cette fâcheuse impression demeure à la lecture du texte. Mon amendement vise donc à revenir à l'article 1er de la loi de 1980.

Je suppose que tous ceux qui s'intéressent à ce débat auront eu la curiosité de se reporter au texte que remplacerait l'article 1er proposé par le ministre. Ils se seront sans doute aperçus que la description des missions de l'agriculteur était bien plus exhaustive dans la loi de 1980 que dans son projet, qu'elle donnait la priorité à la fonction agricole et ne négligeait pas la production de biocarburants. Alors que votre majorité s'intéresse beaucoup à l'environnement, je suis surpris que rien ne figure dans votre texte sur le sujet, monsieur le ministre. Pourtant, on peut oxygéner les carburants avec les biocarburants pour limiter la pollution.

Autre sujet d'étonnement : votre texte fait disparaître l'une des dispositions de la loi de 1980 qui indiquait qu'une des missions de l'agriculture française était de contribuer à l'aide alimentaire.

Par ailleurs, il est parfaitement clair que les missions de type collectif que vous proposez de faire accomplir à l'agriculteur sont pour partie déjà exécutées par un certain nombre d'artisans en milieu rural. Une telle disposition risque donc de retirer à ceux-ci une masse importante de travail et d'entraîner une concurrence qui ne me paraît pas souhaitable.

Dans la loi de 1980, on a déjà offert aux agriculteurs la possibilité de s'intéresser au tourisme en milieu rural et d'y apporter leur contribution moyennant rétribution. En deçà d'un certain chiffre d'affaires - 150 000 ou 200 000, le chiffre a évolué - ils peuvent intégrer ces recettes supplémentaires dans le revenu agricole. Par contre, il n'existe aucun verrouillage de ce type pour les nouvelles dispositions que vous proposez et je crains donc que les concurrences abusives se développent au détriment des artisans installés sur place.

Pour toutes ces raisons, je considère - et s'ils lisent les deux versions de l'article 1er , je suis persuadé que beaucoup me rejoindront - que le texte de la loi de 1980 était bien meilleur que le vôtre. Je demande donc la suppression du présent article 1er pour que l'autre soit maintenu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

La commission a rejeté votre amendement, monsieur Guillaume. D'abord, première erreur, l'article 1er de la loi de 1980 a déjà été récrit par la loi de 1995. Chaque grande loi d'orientation souhaite préciser les grands objectifs. Nous voilà maintenant dans une autre ère et face à d'autres négociations, avec une reconnaissance de la multifonctionnalité de l'agriculture - on n'a pas dit « pluriactivité ». Il était normal que dans un texte aussi important, reconnu comme une vraie loi d'orientation, les objectifs soient à nouveau définis. S'ils sont un peu confus, c'est peut-être le résultat du


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travail de la commission, chacun ayant voulu ajouter quelque chose même, si le rapporteur a tenté de tempérer cette tendance qui risquait de diluer les objectifs.

Concernant les biocarburants, je vous ferai observer, monsieur Guillaume, que la loi fait référence aujourd'hui aux biens alimentaires et non alimentaires transformables.

Si les biocarburants ne sont pas de ceux-ci, alors de quoi parle-t-on ? Pour ces différentes raisons, la commission a décidé de rejeter votre amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je souscris aux arguments qui viennent d'être développés. Alors que l'exposé des motifs était assez explicite, il m'est cependant apparu indispensable de faire figurer dans le corps de la loi elle-même les objectifs essentiels auxquels la politique publique en faveur de l'agriculture doit concourir. C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 285.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Jean-Claude Lemoine et les m embres du groupe du Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production ont présenté un amendement, no 286, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 1er :

« La politique agricole prend en compte les fonctions économiques, environnementales et sociales de l'agriculture et participe à l'aménagement du territoire, en vue d'un développement durable. Elle a pour objectifs, en liaison avec la politique agricole commune :

« l'installation en agriculture, notamment des jeunes, la pérennité des exploitations agricoles, leur transmission et le développement de l'emploi dans l'agriculture dans l'ensemble des régions françaises en fonction de leurs spécificités ;

« l'amélioration du revenu et du niveau de vie des agriculteurs ainsi que l'objectif d'une protection sociale renforcée tendant à la parité avec le régime général, à contributions équivalentes et l'amélioration des conditions de production ;

« la revalorisation progressive des retraites minimum aux agriculteurs en fonction de la durée de leur activité ;

« la production de biens agricoles, alimentaires et non alimentaires de qualité et diversifiés répondant aux besoins des marchés nationaux, communautaires et internationaux, satisfaisant aux conditions de sécurité sanitaire ainsi qu'aux besoins des industries et autres activités agro-alimentaires et aux exigences des consommateurs et contribuant à la sécurité alimentaire mondiale ;

« une répartition équitable de la valorisation des produits alimentaires entre les agriculteurs, les transformateurs et les entreprises de commercialisation ;

« la valorisation des terroirs par des systèmes de production adaptés à leurs potentialités ;

« La préservation des ressources naturelles et de la biodiversité, et l'entretien des paysages ;

« la poursuite d'actions d'intérêt général au profit de tous les usagers de l'espace rural ;

« la promotion et le renforcement d'une politique de la qualité et de l'identification des produits agricoles et alimentaires et particulièrement ceux à haute valeur ajoutée ;

« le développement de la formation et de la recherche agricoles.

« La politique agricole prend en compte les situations spécifiques à chaque région, notamment aux zones de montagne, aux zones humides précisément délimitées dont les particularités nécessitent la mise en place d'une politique agricole spécifique, aux zones défavorisées et aux départements d'outremer, pour déterminer l'importance des moyens à mettre en oeuvre pour parvenir à ces objectifs. La politique agricole est mise en oeuvre en concertation notamment avec les collectivités territoriales et les organisations professionnelles représentatives. »

La parole est à M. Jean-Claude Lemoine.

M. Jean-Claude Lemoine.

C'est un amendement de pure forme. Le texte proposé reprend exactement la définition des objectifs de la politique agricole telle qu'elle a été adoptée par la commission, à ceci près qu'il modifie l'ordre de présentation s'agissant de l'amélioration du revenu des agriculteurs. Il nous a paru normal, en effet, que, parmi les priorités de la politique agricole, figure l'objectif de l'amélioration du revenu et du niveau de vie des agriculteurs. En changeant l'ordre de présentation, nous avons fait ressortir ce caractère prioritaire, alors que, dans le texte du projet de loi, cet objectif semblait presque secondaire, compte tenu du rang auquel il a été placé.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

La commission propose de rejeter cet amendement. Certes, il s'agit d'éclaircir un peu le texte. Mais faut-il récrire le texte pour parler uniquement du revenu ?

M. Jean-Claude Lemoine.

Il n'y a pas que cela !

M. François Patriat, rapporteur.

La présente loi d'orientation agricole est destinée à faire en sorte que les agriculteurs vivent d'abord de leur revenu, tiré des différentes fonctions qu'ils exercent. Le caractère économique primordial que vous voulez souligner est sous-entendu dans l'ensemble du texte.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

L'amendement proposé par M. Lemoine s'écarte du travail réalisé par la commission. Au demeurant, il ne contribue pas à clarifier le sens et l'organisation de l'article 1er . J'y suis donc défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 286.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean-Claude Lemoine.

C'est donc que le revenu des agriculteurs est secondaire !

M. le président.

MM. Sauvadet, de Courson, Gengenwin, Hériaud, Martin, Micaux et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et apparentés ont présenté un amendement, no 746, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du premier alinéa du I de l'article 1er , après les mots : "politique agricole", insérer les mots : "et forestière". »

La parole est à M. François Sauvadet.


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M. François Sauvadet.

Je tiens tout d'abord à préciser que, sur l'article 1er , je rejoins les préoccupations qui ont été exprimées tout à l'heure. J'aurais moi aussi souhaité trouver la concrétisation des objectifs confus affichés dans cet article.

Par l'amendement no 746, il s'agit d'affirmer que la forêt fait partie intégrante de la politique agricole. Certes, monsieur le ministre, j'ai bien entendu que vous avez annoncé qu'une loi forestière serait présentée ultérieurement. Mais il me semble - et c'est d'ailleurs une demande des professionnels de la forêt - qu'il ne faut pas distinguer la forêt de la politique agricole. Nous devons notamment nous préoccuper du sort des nombreuses petites forêts, d'une superficie inférieure à vingt-cinq hectares, qui n'ont pas de plan de gestion.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

La commission a rejeté cet amendement, comme une série d'autres qui vont suivre, considérant que ce qui concernait le secteur forestier ne devait pas avoir sa traduction dans ce texte de loi, pour deux raisons. En premier lieu, il n'est pas d'usage qu'une loi d'orientation agricole comporte des dispositions relatives au secteur forestier. En second lieu - et M. le ministre l'a dit ce matin - vous avez eu entre les mains le rapport de M. Bianco qui indique que sera proposée l'année prochaine une loi traitant spécifiquement du problème forestier. Monsieur Sauvadet, il n'y a dans le texte aucune volonté d'oublier la forêt. Il s'agit, au contraire, de la traiter mieux, et non pas à la sauvette au travers d'un texte de loi.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je partage la conviction que la forêt est une composante importante de l'agriculture et un secteur d'activité qui requiert et nécessite des adaptations législatives importantes. Ainsi que l'a rappelé le rapporteur et comme je l'ai précisé ce matin, une mission sur ce sujet a d'ailleurs été confiée à M. Bianco. C'est sur la base de son rapport qu'une loi spécifiquement forestière sera déposée courant 1999.

J'apprécierais donc que M. Sauvadet retire son amendement dans la mesure où ce projet de loi d'orientation ne comporte aucune mesure se rapportant à la forêt.

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

L'affirmation de François Patriat selon laquelle il n'est pas d'usage de mélanger l'agriculture et la forêt n'est pas exacte. Les deux secteurs ont été traités ensemble à plusieurs reprises dans le passé.

Par ailleurs, les propriétaires fonciers et les propriétaires forestiers sont souvent les mêmes et, lorsque l'on discute d'aménagement du territoire, de plans d'occupation des sols, de gestion territoriale, les deux domaines sont liés.

Il me semble donc important de le rappeler dans les objectifs, quitte, monsieur le ministre, à intégrer votre future loi sur la forêt dans ce cadre. Personne n'y verra d'inconvénient.

En revanche, il serait dommage de séparer ainsi les choses et de continuer à cloisonner de plus en plus. En agissant ainsi, une partie de l'enseignement agricole a échappé au ministre de l'agriculture et cela sera encore le cas dans d'autres secteurs. Cette évolution regrettable s'est également produite en matière d'alimentation, puisqu'une partie des contrôles, notamment les contrôles sanitaires, relève désormais du ministère de la santé.

Tel est le risque que fait courir le cloisonnement, et c'est pourquoi je soutiens l'amendement de François Sauvadet qui va dans le bon sens en rappelant l'objectif forestier.

M. le président.

Monsieur Sauvadet, maintenez-vous votre amendement ?

M. François Sauvadet.

J'ai bien noté, monsieur le ministre, votre préoccupation forestière. S'agissant d'un grand pays forestier comme la France, cela est tout à fait légitime. Je souhaite cependant maintenir cet amendement afin de réaffirmer publiquement que l'agriculture et la forêt ont partie liée, notamment dans la gestion des espaces.

Ainsi, pour les espaces en déprise, la forêt peut représenter une alternative en faveur de laquelle, d'ailleurs, vous avez été appelé à contribuer à travers certains fonds.

Nous souhaitons donc réaffirmer, à l'occasion de l'élaboration d'une loi d'orientation agricole, que la forêt a bien partie liée avec l'agriculture, même si nous attendons la loi forestière que vous nous présenterez bientôt.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 746.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Patriat, rapporteur, et M. Marchand ont présenté un amendement, no 58, ainsi rédigé :

« Compléter la première phrase du premier alinéa du I de l'article 1er par les mots : "et participe à l'aménagement du territoire, en vue d'un développement durable". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Patriat, rapporteur.

Cet amendement a été adopté par la commission à l'initiative de M. Marchand.

Il vise à rappeler que la politique agricole doit maintenir les équilibres du territoire tout en s'attachant à des perspectives de développement durable ménageant l'avenir. Il constitue un enrichissement significatif pour le texte.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

58. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Patriat, rapporteur, MM. Sauvadet, Lestas, Morisset, Le Nay, Deprez, Pierre Micaux, Yves Coussain, Grimault et Abelin ont présenté un amendement, no 59 corrigé, ainsi rédigé :

« Compléter la dernière phrase du premier alinéa du I de l'article 1er par les mots : "en liaison avec la politique agricole commune". »

Sur cet amendement, MM. Leyzour, Dutin, Goldberg, Sandrier, Vila et les membres du groupe communiste ont présenté un sous-amendement, no 845, ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 59 corrigé par les mots : "s'articulant sur la préférence communautaire rénovée". »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 59 corrigé.

M. François Patriat, rapporteur.

Cet amendement est présenté par la commission et de nombreux membres de l'opposition, dont M. Sauvadet. Il a pour but de rappeler que la conduite de la politique agricole nationale s'inscrit dans le cadre de la politique agricole commune. Cette


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dernière devant être réaménagée dans l'année qui vient, les membres de la commission ont estimé qu'il convenait de préciser que la politique nationale était définie en liaison avec la PAC. Cet amendement qui permet de maintenir la possibilité d'un modèle national dans les limites des règles fixées par un modèle communautaire a été adopté à l'unanimité par la commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Si l'on veut que les orientations nationales puissent être pleinement efficaces, il faut effectivement tenir compte de la politique agricole commune, plus encore quand la loi d'orientation agricole que nous proposons entend mettre notre pays en situation de peser sur les évolutions de la politique agricole européenne. Je suis donc favorable à cet amendement.

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour, pour défendre le sous-amendement no 845.

M. Félix Leyzour.

L'amendement no 59 corrigé souligne le lien, indiscutable aujourd'hui, entre notre agriculture et la politique agricole commune. Notre sous-amendement ne met nullement en cause ce lien, mais il tend à souligner que la réalisation des objectifs fixés dans la loi suppose que la politique agricole commune s'articule sur la préférence communautaire rénovée.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

Favorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le président, je m'interroge sur le sens de l'expression « préférence communautaire rénovée ».

M. Michel Bouvard.

En effet !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je suis évidemment favorable à la défense de la préférence communautaire, dont je ferai d'ailleurs - ainsi que je l'ai déjà souligné - une priorité dans les prochaines négociations sur la réforme de la PAC, mais l'amendement me semble suffisamment explicite. Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président.

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume.

Je m'interroge aussi sur le sens de l'adjectif « rénovée » parce que je ne saisis pas très bien ce qu'il peut signifier en l'occurrence. Il y a préférence, communautaire ou non, mais je ne vois pas qu'elle puisse être différente de celle que nous perdons progressivement et qui permettait aux agriculteurs d'avoir priorité dans l'approvisionnement des consommateurs européens.

Je suis prêt à voter ce sous-amendement, à condition que le mot « rénovée » disparaisse, parce que ce dernier n'a pas de signification précise.

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

L'amendement no 59 corrigé, auquel, monsieur le ministre, vous avez donné un avis favorable, n'est pas anodin. Nous l'avions d'ailleurs déposé au nom du groupe UDF parce que nous avions trouvé étonnante cette absence de référence à la politique agricole commune.

Comment, en effet, présenter une loi d'orientation qui se veut un projet pour l'avenir de l'agriculture sans rappeler que ce dernier s'inscrit dans le cadre de la PAC, à moins que cet oubli n'ait été, à l'origine, une sorte d'aveu d'une résignation à une certaine renationalisation ? Cela étant, je ne veux pas engager de polémique et je m'en tiens à la lecture positive de ce texte en me réjouissant que vous l'ayez accepté, comme la commission.

S'agissant de la référence à la préférence communautaire, je crois qu'il faut s'en tenir à l'expression que suggère François Guillaume. Dans cette hypothèse, le groupe UDF voterait le sous-amendement présenté par notre collègue Félix Leyzour.

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

Je souhaite également la suppression de l'adjectif « rénovée » moyennant quoi le sousamendement me paraîtrait parfaitement intéressant.

M. le président.

Monsieur Leyzour, acceptez-vous cette suppression ?

M. Félix Leyzour.

Dans les temps qui viennent, nous aurons certainement bien des discussions sur la préférence communautaire. Pour obtenir l'accord sur ce sousamendement, je suis tout à fait disposé à retirer aujourd'hui le terme « rénovée ».

M. le président.

Il y a donc un consensus pour s'opposer à la rénovation.

(Sourires.)

Je mets aux voix le sous-amendement no 845 tel qu'il vient d'être rectifié.

(Le sous-amendement, ainsi rectifié, est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 59 corrigé, modifié par le sous-amendement no 845 rectifié.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

M. Jacob et les membres du groupe du Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production ont présenté un amendement, no 287, ainsi rédigé :

« Supprimer le deuxième alinéa du I de l'article 1er »

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Cet amendement me permet de revenir sur la notion de pérennité que j'ai déjà évoquée.

Certes, je sais que ma demande de suppression ne sera pas acceptée, mais je tiens à insister sur ce sujet car j'ai le sentiment que l'on veut assurer la pérennité et la viabilité d'une entreprise par la loi. Or ce n'est absolument pas ainsi que les choses se passent. En effet, la pérennité d'une entreprise, je le répète, est liée à sa capacité à générer un résultat, à son type de production, au marché, et non décretable par la loi.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement. Pour autant, monsieur Jacob, je ne pense pas qu'il y ait divergence entre nous sur ce sujet.

Certes, l'élément essentiel qui permet de pérenniser une exploitation est le revenu qu'elle dégage. Il n'empêche que si nous voulons une loi d'orientation agricole c'est aussi pour définir et créer des outils de nature à soutenir les entreprises agricoles par la mise en place de certaines stuctures, par la définition de signes de qualité, par l'action des interprofessions, toutes mesures devant permettre l'accroissement du revenu agricole, donc favoriser la pérennisation des exploitations.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Même avis !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 287.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 60 et 640.

L'amendement no 60 est présenté par M. Patriat, rapporteur, et M. Proriol ; l'amendement no 640 est présenté par M. Proriol.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Dans le deuxième alinéa du I de l'article 1er , après les mots : "l'installation en agriculture,", insérer les mots : "notamment des jeunes,". »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

60.

M. François Patriat, rapporteur.

Cet amendement tend à souligner que l'installation des jeunes est prioritaire.

Nous savons qu'il existe d'autres formes d'installation, par exemple l'installation progressive, mais il nous a paru essentiel de mettre l'accent sur la priorité à accorder à celle des jeunes.

M. le président.

La parole est à M. Jean Proriol, pour soutenir l'amendement no 640.

M. Jean Proriol.

Je remercie M. Patriat de m'avoir associé à l'amendement de la commission. Il me paraît, en effet, indispensable de faire figurer le mot « jeune » dans ce texte, où il n'est guère employé. Nous sommes unanimes à vouloir l'intégrer car nous savons bien que l'installation concerne en particulier les jeunes.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Le Gouvernement partage l'avis de la commission et souscrit donc aux amendements, les jeunes devant bien évidemment être les principaux bénéficiaires de la politique d'installation.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 60 et 640.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président.

MM. Leyzour, Dutin, Golberg, Sandrier, Vila et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 829, ainsi rédigé :

« Compléter le deuxième alinéa du I de l'article 1er par les mots : "dont le caractère familial doit aussi être préservé". »

La parole est à M. Félix Leyzour.

M. Félix Leyzour.

Le texte de cet amendement étant suffisamment clair, je ne ferai pas de longs dévelopements pour l'expliciter.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement, considérant que l'agriculture de type familial est un objectif qui va de soi, de même que l'installation des jeunes évoquée dans l'amendement précédent, et qu'il n'était pas nécessaire d'alourdir le texte. La plupart des exploitations sont de type familial et il est évident que l'on souhaite les encourager.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je suis favorable à l'installation sous toutes ses formes, mais préciser le caractère familial ne me semble pas souhaitable.

Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement.

M. Jacques Masdeu-Arus.

Vous n'aimez pas les familles ! (Sourires.)

M. le président.

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume.

Je suis plutôt favorable à l'amendement, mais je ne saisis pas très bien comment il pourrait s'intégrer dans le texte. En effet, je ne vois pas comment on peut, dans le deuxième alinéa, lier le développement de l'emploi dans l'agriculture et la préservation de l'exploitation familiale.

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour.

M. Félix Leyzour.

Cela est pourtant clair. L'alinéa serait en effet ainsi rédigé :

« l'installation en agriculture, la pérennité des exploitations agricoles, leur transmission et le développement de l'emploi dans l'agriculture, dont le caractère familial doit aussi être préservé ».

M. le président.

Votre rédaction précise : « doit aussi ».

M. Félix Leyzour.

Tout à fait, ce qui n'exclut pas d'autres formes d'agriculture.

M. le président.

La parole est à M. Jean Proriol.

M. Jean Proriol.

J'avoue que l'amendement de M. Leyzour exerce sur nos bancs une certaine séduction. L'agriculture familiale ayant été notoirement reconnue dans notre pays, il serait judicieux de la citer dans le texte. Le groupe Démocratie libérale et Indépendants votera donc cet amendement.

Il va s'en dire que nous le voterons dans le contexte de la famille telle qu'elle est actuellement définie dans notre législation. (Sourires.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 829.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Patriat, rapporteur, et M. Marchand ont présenté un amendement, no 61, ainsi rédigé :

« Compléter le deuxième alinéa du I de l'article 1er par les mots : "dans l'ensemble des régions françaises en fonction de leurs spécificités". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Patriat, rapporteur.

Cet amendement, adopté par la commission sur proposition de M. Marchand, vise à rappeler que la politique agricole doit concerner tout le territoire et toutes les potentialités.

Nous préférons, en effet, privilégier une agriculture accrochée au territoire, riche en hommes, produisant des éléments de qualité, plutôt qu'une agriculture hors sol.

M. le président.

Je suppose, monsieur le rapporteur, que la notion de régions françaises a un sens très large et qu'elle recouvre les DOM ?

M. François Patriat, rapporteur.

Bien sûr.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Cet amendement me semble redondant avec le dixième alinéa de l'article 1er qui débute ainsi :

« La politique agricole prend en compte les situations spécifiques à chaque région... »

Néanmoins, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

M. Christian Jacob.

Je vais apporter mon soutien plein et entier au ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Merci.

M. Christian Jacob.

Je sais que vous y êtes sensible, monsieur le ministre (Sourires.)

L'amendement est tout à fait redondant puisqu'un paragraphe de l'article 1er mentionne au rang des objectifs du projet : « la production de biens agricoles, alimentaires et non alimentaires diversifiés répondant aux besoins des marchés nationaux, communautaires et internationaux, satisfaisant aux conditions de sécurité sanitaire... » et qu'il

est question un peu plus loin des situations spécifiques de chaque région,...

M. Michel Bouvard.

Très important !

M. Christian Jacob.

... notamment des zones de montagne, des zones défavorisées, des départements d'outremer.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Michel Marchand, pour répondre au Gouvernement.

M. Jean-Michel Marchand.

L'objet de l'amendement était de mettre l'accent sur le mot : « emploi », de montrer que l'emploi ne pouvait pas se décliner de la même façon d'une région à une autre. Comme je l'ai dit tout à l'heure, certaines régions ont besoin de développer un emploi saisonnier de pluriactivités et donc de mettre en place des groupements d'employeurs alors que d'autres privilégient des types d'emplois différents. Il n'y a pas redondance avec l'alinéa 10, mais volonté de préciser les choses par rapport uniquement à l'emploi.

M. Christian Jacob.

Mais le mot « emploi » n'apparaît pas dans le texte de l'amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

61. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Patriat, rapporteur, MM. Sauvadet, Lestas, Morisset, Le Nay, Deprez, Micaux, Coussain, Grimault et Abelin ont présenté un amendement, no 62 corrigé, ainsi rédigé :

« Dans le troisième alinéa du I de l'article 1er , substituer aux mots : "et l'amélioration du revenu", les mots : ", du revenu et du niveau de vie". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Patriat, rapporteur.

L'amendement no 62 corrigé a été proposé par l'ensemble des membres de la commission pour insister sur l'importance, parallèlement à une amélioration du revenu, d'une élévation du niveau de vie. Le nombre d'heures travaillées, par exemple, est aussi une variable à prendre en compte.

M. Christian Jacob.

Vous avez rejeté l'amendement que nous proposions tout à l'heure !

M. Michel Bouvard.

On va appliquer les 35 heures à l'agriculture !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Une fois n'est pas coutume mais, après tout, pourquoi s'en priver ? - je souligne que l'amendement no 62 corrigé est la reprise par le rapporteur et l'ensemble de la commission d'un de nos amendements.

M. François Patriat, rapporteur.

Nous en avons repris 60 !

M. François Sauvadet.

La notion de niveau de vie est beaucoup plus large que celle du strict revenu car elle introduit aussi la notion de parité. Je laisse à chacun le soin de réfléchir à cette parité au moment où la durée du travail salarié est en voie d'être ramenée à 35 heures.

M. Joseph Parrenin.

C'est de la démagogie, monsieur Sauvadet !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 62 corrigé.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Patriat, rapporteur, et M. Marchand ont présenté un amendement, no 63, ainsi rédigé ;

« A la fin du troisième alinéa du I de l'article 1er , substituer aux mots : "la parité des garanties sociales avec les autres catégories sociales à contributions équivalentes", les mots : "l'objectif d'une protection sociale renforcée des agriculteurs tendant à la parité avec le régime général, à contributions équivalentes ;" ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Patriat, rapporteur.

Je propose une nouvelle rédaction de l'amendement no 63. Il serait ainsi libellé :

« A la fin du troisième alinéa du I de l'article 1er , substituer aux mots : "la parité des garanties sociales avec les autres catégories sociales à contributions équivalentes", les mots : "le renforcement de la protection sociale des agriculteurs tendant à la parité avec le régime général, à contributions équivalentes ;" ».

Voilà une formule plus correcte qui devrait donner satisfaction.

M. le président.

Cet amendement devient donc l'amendement no 63 corrigé.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Favorable. Le mot « objectif », qui était redondant par rapport au premier alinéa, n'apparaît plus.

M. Michel Bouvard.

Ce texte va être comme l'enfer : pavé de bonnes intentions.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 63 corrigé.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 64 et 544.

L'amendement no 64 est présenté par M. Patriat, rapporteur, M. Peiro et les commissaires membres du groupes ocialiste ; l'amendement no 544 est présenté par MM. Peiro, Paul, Chazal, Patriat, Parrenin, Bataille et les membres du groupe socialiste.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Après le troisième alinéa du I de l'article 1er , insérer l'alinéa suivant :

« - la revalorisation progressive et la garantie de retraites minimum aux agriculteurs en fonction de la durée de leur activité ; » La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

64.

M. François Patriat, rapporteur.

La commission a jugé essentielle la réévaluation des retraites agricoles. Elle a noté qu'il s'agit d'une demande forte du monde agricole et rural et qu'un effort pluriannuel substantiel a été engagé sur ce point par le Gouvernement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

Il lui a donc paru nécessaire d'inscrire cet objectif dans l'article 1er du projet de loi.

M. le président.

La parole est à M. Germinal Peiro, pour défendre l'amendement no 544.

M. Germinal Peiro.

Je veux à mon tour insister sur le fait que le Gouvernement s'est engagé dans un programme pluriannuel de revalorisation des retraites agricoles. L'ensemble de nos collègues, toutes sensibilités confondues, apprécient, je crois, que ce point figure dans l'article 1er du projet de loi d'orientation. Il a d'ailleurs été adopté à l'unanimité.

J'apporterai juste une précision. Pourquoi l'un des objectifs du projet est-il la revalorisation progressive et la garantie de retraite minimum aux agriculteurs en fonction de la durée de leur activité ? Tout simplement parce que c'est la règle en matière de pension et de retraite. Quelle que soit la catégorie à laquelle on appartient, que l'on soit salarié, cadre, fonctionnaire, commerçant ou artisan, c'est forcément en fonction de la durée de l'activité que les droits acquis sont calculés.

M. le président.

La parole est à M. Jean Proriol, pour répondre à la commission.

M. Jean Proriol.

Il faut, il est vrai, tenir compte de la durée d'activité dans le calcul des retraites.

Nous regrettions amèrement, monsieur le ministre, que votre texte initial soit défaillant sur ce point. Les amendements nos 64 et 544 comblent cette lacune. Je crois que l'Assemblée nationale va s'y rallier à l'unanimité.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Les amendements prévoient une revalorisation progressive des pensions et une garantie de retraite minimale aux agriculteurs.

Si je suis favorable à l'objectif poursuivi les amendem ents me paraissent redondants avec l'amendement no 577 déposé par les mêmes auteurs, qui va venir en examen ultérieurement et sur lequel j'ai déjà donné l'avis favorable du Gouvernement.

L'amendement no 577 m'apparaissant plus complet et mieux rédigé, j'apprécierais que les auteurs acceptent de retirer les amendements nos 64 et 544.

M. Christian Jacob.

L'amendement no 577 est-il à l'article 1er ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il porte un un article additionnel après l'article 1er

M. le président.

La parole est à M. Germinal Peiro.

M. Germinal Peiro.

Monsieur le ministre, l'amendement no 577 tend à insérer un article additionnel après l'article 1er et est donc distinct de l'article 1er et, sa rédaction n'est pas tout à fait la même que celle des amendements en discussion.

Dans l'article 1er , on précise le principe général de la revalorisation. Il est inscrit parmi les objectifs du projet de loi d'orientation. L'article additionnel, lui, prévoit que

« Le gouvernement déposera, avant le 31 mars 1999, un rapport décrivant, catégorie par catégorie, l'évolution qu'il compte imprimer aux retraites agricoles au cours de la période du 30 juin 1997 au 30 juin 2002. Un développement particulier sera consacré aux mesures envisagées, au cours de cette période, pour revaloriser les plus faibles pensions. »

M. Christian Jacob.

C'est différent !

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le président, j'ai dit que je souscrivais à l'objectif. Je regrette de n'avoir pas été entendu. Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 64 et 544.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président.

M. Jean-Michel Marchand, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet, Hasco et et Mamère ont présenté un amendement, no 730, ainsi rédigé :

« Après le troisième alinéa du I de l'article 1er , insérer l'alinéa suivant :

« la prise en compte et l'amélioration des conditions d'élevage, de transport et d'abattage des animaux. »

La parole est à M. Jean-Michel Marchand.

M. Jean-Michel Marchand.

Il nous a semblé utile d'ajouter dans les objectifs énumérés à l'article 1er , alors que nous pensons bien qu'il y aura une réorientation vers une production agricole plus extensive, la prise en compte et l'amélioration des conditions d'élevage, de transport et d'abattage des animaux.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

Le rapporteur a exercé pendant quelques années la coupable industrie de vétérinaire. Il ne peut pas ne pas se soucier du bien-être des animaux, y compris de leur abattage. Il reste que l'introduction d'un tel élément dans le texte de loi rendrait l'article 1er très confus et illisible. C'est la raison pour laquelle la commission a repoussé l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. La protection animale est une thématique tout à fait importante mais il ne me semble pas opportun qu'elle figure dans le présent texte. Un projet de loi a été, vous le savez, déposé sur ce sujet et fera l'objet d'un examen en deuxième lecture au Sénat en novembre. J'apprécierais donc que

M. Marchand accepte de retirer son amendement.

M. le président.

Retirez-vous votre amendement, monsieur Marchand ?

M. Jean-Michel Marchand.

Oui, monsieur le président ! Puisque nous aurons très prochainement à débattre de ce problème, qui nous concerne tous, je retire mon amendement.

M. le président.

L'amendement no 730 est retiré.

M. Jacob et les membres du groupe du Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production ont présenté un amendement, no 288, ainsi rédigé :

« Supprimer le quatrième alinéa du I de l'article 1er »

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Le quatrième alinéa du I de l'article 1er précise que les biens agricoles doivent satisfaire aux conditions de sécurité sanitaire. C'est une évidence, cela ne peut pas être autrement. Je ne vois pas l'utilité de le préciser. Si les produits ne satisfont pas aux conditions de sécurité sanitaire, ils ne peuvent pas être mis sur le marché.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ? M. François Patriat rapporteur.

Pour les mêmes raisons que je viens d'indiquer, il me paraît essentiel que les conditions de sécurité sanitaire soient remplies.

Le présent texte est à l'usage de la société. Il est bons qu'elle prenne conscience que l'agriculture produit des biens alimentaires de qualité devant répondre à des conditions de sécurité sanitaire. Encore faut-il le spécifier.

M. Michel Bouvard.

Est-ce qu'on n'introduit pas un doute sur les produits par cette mention ? M. François Patriat rapporteur.

Nous avons rencontré le même problème avec la mention « familiale ». Fallait-il la spécifier ? Vous avez décidé que oui.

Dans le contexte de ces dernières années, compte tenu des difficultés rencontrées par l'élevage et des problèmes que nous avons connus, je crois qu'il est bon de rappeler l'importance de la sécurité sanitaire.

La commission a repoussé l'amendement de M. Jacob.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je suis un peu surpris que M. Jacob propose la suppression du quatrième alinéa. Dois-je lui préciser qu'un des objectifs de la politique agricole est - fort heureusement ! - de produire ? Cette production doit trouver des débouchés et ce sont ces derniers qui sont explicités dans l'alinéa en question. Je ne peux donc qu'être défavorable à l'amendement.

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob, pour répondre au Gouvernement.

M. Christian Jacob.

Monsieur le ministre, en vous entêtant sur ce sujet, vous introduisez le doute dans l'esprit des consommateurs et, par là même, vous allez à contresens de ce qui est souhaité. Vous sous-entendez qu'auparavant les produits ne satisfaisaient pas aux conditions sanitaires.

M. François Patriat, rapporteur.

C'est arrivé !

M. Christian Jacob.

C'est faire preuve de peu de resp onsabilité que de considérer que les produits ne répondent pas aux conditions sanitaires !

M. Jean Michel.

C'est arrivé !

M. Christian Jacob.

Si un produit ne répond pas aux conditions de sécurité sanitaire, il ne peut pas être mis sur le marché et cela est de la responsabilité du ministre.

Cela signifie que le ministre ne fait pas son travail ! Je trouve que le doute introduit dans l'esprit des consommateurs est très gênant, à la fois pour les producteurs, pour tous ceux qui font sérieusement leur travail et pour les corps de vétérinaires qui ont la responsabilité de l'inspection et de la vérification des conditions sanitaires.

C'est vraiment considérer les fonctionnaires du ministère de l'agriculture qui font ce travail avec peu de considération, voire avec mépris.

M. le président.

En tant que consommateur, je ne trouve pas cela amusant du tout ! (Sourires.)

Je mets aux voix l'amendement no 288.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Patriat, rapporteur et M. Marchand ont présenté un amendement, no 65, ainsi rédigé :

« Dans le quatrième alinéa du I de l'article 1er , après les mots : "et non alimentaires", insérer les mots : "de qualité et". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Patriat, rapporteur.

Monsieur le président, l'amendement no 65 vise simplement à rappeler l'importance du mot « qualité », qui sous-tend la philosophie de ce texte. La qualité est un facteur de plus-value et de gain de revenu pour les agriculteurs. Il nous a paru nécessiare de préciser que les biens non alimentaires doivent aussi être de qualité, pour être plus transformables.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

65. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de huit amendements, nos 1, 37, 228, 236, 720, 66, 545 et 507, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 1, 37, 228, 236 et 720 sont identiques.

L'amendement no 1 est présenté par M. Robert Lamy ; l'amendement no 37 est présenté par M. Jacob et M. Poignant ; l'amendement no 228 est présenté par M. Estrosi ; l'amendement no 236 est présenté par M. Micaux ; l'amendement no 720 est présenté par

M. Dutreil.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Dans le quatrième alinéa du I de l'article 1er , substituer au mot : "industries", le mot : "activités". »

Les amendements nos 66 et 545 sont identiques.

L'amendement no 66 est présenté par M. Patriat, rapporteur, M. Vergnier et les commissaires membres du groupe socialiste ; l'amendement no 545 est présenté par MM. Adevah-Poeuf, Patriat, Parrenin, Bataille et les membres du groupe socialiste.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Dans le quatrième alinéa du I de l'article 1er , après le mot : "industries", insérer les mots : "et autres activités". »

L'amendement no 507, présenté par MM. Sauvadet, de Courson, Gengenwin, Hériaud, Lestas et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et apparentés, est ainsi rédigé :

« Dans le quatrième alinéa du I de l'article 1er , après le mot : "industries", insérer les mots : "et des activités". »

L'amendement no 1 n'est pas défendu.

La parole est à M. Christian Jacob, pour défendre l'amendement no

37.

M. Christian Jacob.

Cet amendement a pour objet d'éviter que l'adaptation du secteur agricole ne se limite aux seuls besoins des industries agro-alimentaires.

Les commerçants, détaillants et artisans de l'alimentation représentent une large part du secteur alimentaire et il est indispensable que les biens agricoles et alimentaires répondent à leurs attentes, notamment en termes de qualité et de sécurité alimentaire. Aussi est-il souhaitable que la politique agricole prenne en compte l'ensemble de la filière alimentaire et ses activités.

M. le président.

L'amendement no 228 est-il défendu ?

M. Michel Bouvard.

Oui, monsieur le président !

M. le président.

L'amendement no 236 ?...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

M. Pierre Micaux.

Défendu !

M. le président.

L'amendement no 720 également ?

M. François Sauvadet.

Oui !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

66.

M. François Patriat, rapporteur.

La commission préfère l'amendement no 507 proposé par M. Sauvadet, qui défend la même idée et les mêmes intérêts mais lui paraî t mieux rédigé.

M. Jean Michel.

Très bien.

M. François Sauvadet.

Merci, monsieur le rapporteur.

M. Christian Jacob.

Heureusement que M. Sauvadet est là !

M. le président.

L'amendement no 545 est-il défendu ?

M. François Patriat, rapporteur.

Oui !

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet, pour soutenir l'amendement no 507.

M. François Sauvadet.

Je me réjouis simplement que M. le rapporteur l'ait repris et défendu avec autant d'enthousiasme. Je ne puis qu'être d'accord avec lui !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Le Gouv ernement est favorable à l'amendement no 507 de M. Sauvadet, dont la formulation est la plus explicite.

M. Marcel Rogemont.

Vous pouvez être content, monsieur Sauvadet.

(Sourires.)

M. François Sauvadet.

Je le suis.

(Sourires.)

M. le président.

Je vais mettre aux voix les amendements.

M. Christian Jacob.

Les amendements nos 37, 228, 236 et 720 sont retirés, au profit de l'excellent amendement de M. Sauvadet.

(Sourires.)

M. le président.

Les amendements nos 37, 228, 236 et 720 sont retirés.

M. François Patriat, rapporteur.

L'amendement no 66 est, lui aussi, retiré.

M. le président.

L'amendement no 545 également ! Les amendements nos 66 et 545 sont retirés.

Je mets aux voix l'amendement no 507.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Patriat, rapporteur, M. Leyzour et les commissaires membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 67, ainsi rédigé :

« Compléter le quatrième alinéa du I de l'article 1er par les mots : "et contribuant à la sécurité alimentaire mondiale". »

La parole est à M. Félix Leyzour.

M. Félix Leyzour.

Cet amendement se justifie par son texte même.

Contribuer à la sécurité alimentaire mondiale, c'est tout à la fois venir en aide aux populations menacées par la famine, mais c'est aussi respecter, au lieu de les laminer, de les détruire, les productions des pays en voie de développement pour que ces pays avancent eux aussi vers une plus grande autosuffisance.

M. le président.

Après cette proclamation de mondialisation, quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

Favorable !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Favorable.

M. François Sauvadet.

Je suis également favorable à l'amendement de l'excellent M. Leyzour. (Sourires.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

67. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 68 et 641.

L'amendement no 68 est présenté par M. Patriat, rapporteur, et M. Proriol ; l'amendement no 641 est présenté par M. Proriol.

« Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Après le quatrième alinéa du I de l'article 1er , insérer l'alinéa suivant :

« le renforcement de l'organisation économique des marchés, des producteurs et des filières ; ».

La parole est à M. Jean Proriol.

M. Jean Proriol.

J'ai souligné, cet après-midi, monsieur le rapporteur, combien j'appréciais votre courtoisie dans le soutien de nos amendements et leur adoption, et je suis heureux de vous avoir rejoint sur celui-ci. Effectivement, nous pensons utile d'insérer un tel alinéa.

L'absence totale de référence à l'économie dans un contexte de négociations communautaires et mondiales risque en effet d'affaiblir la France, et d'aller à l'encontre des intérêts du monde agricole, qui doit rester un très grand secteur économique avec des filières agricoles et agro-alimentaires compétitives, exportatrices et riches de leur diversité et de leur savoir-faire.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

Favorable !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ces amendements soulignent l'importance de l'organisation économique des marchés, des producteurs et des filières.

Les articles relatifs à l'organisation interprofessionnelle ont d'ailleurs pour but de permettre une meilleure organisation des marchés. Ce renforcement de l'organisation économique des marchés, des producteurs et des filières doit être réalisé dans le but de mieux répartir la valorisation.

Je suis donc favorable à l'alinéa que vous souhaitez insérer mais je vous propose de le lier au cinquième alinéa, qui serait alors ainsi rédigé :

« le renforcement de l'organisation économique des marchés, des producteurs et des filières dans le souci d'une répartition équitable de la valorisation des produits alimentaires entre les agriculteurs et les entreprises de commercialisation ; ».

Cela satisferait également, me semble-t-il, l'amendement no 13 de M. Rebillard.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur cette proposition ?

M. François Patriat, rapporteur.

Favorable.

M. le président.

Acceptez-vous cette rédaction, monsieur Proriol ?

M. Jean Proriol.

Oui, monsieur le président !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

M. le président.

Je donne lecture de la nouvelle rédaction des amendements nos 68 et 641, telle qu'elle résulte de la proposition du Gouvernement :

« Le cinquième alinéa du I de l'article 1er est ainsi rédigé :

« le renforcement de l'organisation économique des marchés, des producteurs et des filières dans le souci d'une répartition équitable de la valorisation des produits alimentaires entre les agriculteurs et les entreprises de commercialisation ; » Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 68 et 641 ainsi rectifiés.

(Ces amendements, ainsi rectifiés, sont adoptés.)

M. le président.

M. Patriat, rapporteur, et M. JeanMichel Marchand ont présenté un amendement, no 69, ainsi rédigé :

« Après le quatrième alinéa du I de l'article 1er , insérer l'alinéa suivant :

« le développement de l'aide alimentaire et la lutte contre la faim dans le monde, dans le respect des agricultures et des économies des pays en développement aidés ; ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Patriat, rapporteur.

La commission a jugé qu'une loi d'orientation ne pouvait pas passer sous silence les problèmes permanents des pays en développement.

Cet amendement a été voté à l'initiative de M. Marchand, qui a voulu préciser que l'effort d'aide alimentaire ne devait pas porter préjudice aux agriculteurs et aux économies des pays aidés.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Favorable !

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

C'est une préoccupation que nous partageons. Elle est très bien exprimée dans cet amendement. Nous le voterons donc.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

69. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Patriat, rapporteur, rejoint par

M

M. Sauvadet, Lestas, Morisset, Le Nay, Deprez, Micaux, Coussain, Grimault et Abelin, a présenté un amendement no 70 corrigé, ainsi rédigé :

« Après le quatrième alinéa du I de l'article 1er , insérer l'alinéa suivant :

« le renforcement de la capacité exportatrice agricole et agro-alimentaire de la France ; ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Patriat, rapporteur.

Cet amendement, qui a donné lieu à un grand débat en commission, a été adopté à l'unanimité.

On ne peut que prendre acte de la place acquise par notre pays depuis de nombreuses années sur le marché agro-alimentaire et mondial. Le maintien d'un effort à l'exportation conditionne le développement de bon nombre de nos productions agricoles.

Cela étant, ainsi que tous les débats qui ont eu lieu aujourd'hui le montrent, ce que nous souhaitons, c'est exporter des produits de qualité, de préférence transformés, avec de la valeur ajoutée pour les différents marchés. Mais je crois que M. le ministre a un sousamendement à proposer.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je me suis exprimé à plusieurs reprises aujourd'hui sur cette question, je n'y reviendrai donc pas ce soir. Je suis favorable à cet amendement, sous réserve de l'adoption d'un sous-amendement précisant : « vers l'Europe et les marchés solvables ».

M. le président.

Le Gouvernement dépose donc un sous-amendement ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 70 corrigé par les mots : "vers l'Europe et les marchés solvables". »

Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. François Patriat, rapporteur.

Avis favorable du rapporteur !

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Sur la forme, monsieur le président, M. le rapporteur n'a pas été « rejoint, pour l'amendement no 70 corrigé », par M. Sauvadet et les membres UDF de la commission. C'est l'inverse. Nous avons déposé un amendement qui a été repris par l'ensemble de la commission.

Cela dit, monsieur le ministre, je suis tout à fait prêt, comme mes collègues, je crois, à vous rejoindre sur ce sous-amendement.

Les quelques amendements que nous venons de discuter, qui font référence à la politique agricole commune, à l'organisation économique, au renforcement de la capacité exportatrice agricole agro-alimentaire, sont à nos yeux extrêmement importants. Vous semblez nous avoir entendus et écoutés. Lorsque vous nous avez expliqué au départ que la capacité exportatrice de la France reposait sur une base fortuite, nous avons réagi. Aujourd'hui, vous tenez compte de cette vocation. Nous nous en réjouissons, non pas pour nous-mêmes, mais dans l'intérêt de l'agriculture française. Nous voterons donc votre sousamendement avec plaisir.

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Je partage tout à fait la remarque de forme faite par François Sauvadet. Il a déposé des amendements qui ont été majoritairement votés par la commission et le rapporteur s'y est - comme c'est normal - raccroché.

Je me réjouis, comme lui, que l'on prenne en compte, après le débat de cette journée, la nécessité de conforter l'exportation. Avouez, monsieur le ministre, que ce n'était tout de même pas très clair jusqu'à présent. Une première étape est franchie. Pour le moment, nous en sommes aux déclarations d'intention, ce qui est très important, mais il va falloir maintenant les concrétiser dans le texte. Nous pourrions alors vous rejoindre complètement.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement oral du Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 70 corrigé, modifié par le sous-amendement oral du Gouvernement.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

M. Jacob et les membres du groupe du Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production ont présenté un amendement, no 289, ainsi rédigé :

« Supprimer le cinquième alinéa du I de l'article 1er »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

Cet amendement tombe...,

M. Christian Jacob.

Oui !

M. le président.

... compte tenu de la nouvelle rédaction du cinquième alinéa.

M. Rebillard a présenté un amendement, no 13, ainsi rédigé :

« Compléter le cinquième alinéa du I de l'article 1er par les mots : "qui nécessite de renforcer l'organisation économique des producteurs et des filières". »

M. Jean-Michel Marchand.

Cet amendement est satisfait.

M. François Patriat, rapporteur.

En effet !

M. le président.

Cet amendement est effectivement satisfait par l'adoption des amendements nos 68 rectifié et 641 rectifié.

M. Michel Bouvard a présenté un amendement, no 828, ainsi rédigé :

« Compléter le cinquième alinéa de l'article 1er par l a phrase suivante : « Les obligations qui en découlent, notamment en matière de préservation de la faune sauvage, ne doivent cependant pas mettre en péril la rentabilité économique des exploitations. »

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

Cet amendement vise à rétablir la préséance des intérêts économiques des exploitants agricoles sur les contraintes qui pourraient leur être imposées en application de certaines obligations environnementales - celles visées dans le texte de l'amendement, c'est-à-dire la préservation de la faune sauvage - se traduisant par un coût économiquement non supportable.

En fait, on se contente de proposer d'appliquer dans le secteur agricole le principe fondamental du droit de l'environnement de l'équilibre entre le coût et l'avantage.

L'affirmation de ce principe dans la loi pourrait trouver une application très immédiate concernant le retour du loup dans l'ensemble du massif alpin. Son statut d'espèce protégée - pas totalement d'ailleurs puisque la convention de Berne autorise le tir dans certains cas - interdit actuellement aux éleveurs de préserver leurs troupeaux en abattant ces grands prédateurs en cas de menace directe.

Il s'agit d'un amendement extrêmement important, compte tenu du contexte dans lequel nous sommes.

Un certain nombre de territoires peuvent être adaptés au retour de grands prédateurs, d'autres non, compte tenu de l'organisation des exploitations agricoles. Je pense notamment à l'élevage ovin dans les régions de montagne, avec des troupeaux éclatés. Il n'y a pas eu d'évolution du pastoralisme. Contrairement à ce que nous disent certains au ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement, on ne trouve pas dans les régions de haute montagne un berger derrière chaque partie d'un troupeau réparti sur des centaines d'hectares. Toutes les mesures de prévention avancées, je pense notamment au chien Patou, qui ont un certain nombre d'autres inconvénients, ne permettront pas de régler définitivement et totalement ce problème.

J'aimerais beaucoup que cet amendement soit pris en compte, de manière à permettre l'ouverture d'une discussion. Le rapport coût/inconvénients doit être le facteur déterminant dans le choix des procédures de préservation de l'espèce ou des exploitations agricoles.

M. Christian Jacob.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

Il y a une erreur dans la formulation. L'amendement devrait faire référence au septième alinéa, qui concerne les problèmes d'environnement, et non au cinquième.

M. Christian Jacob.

Il concerne la préservation de la faune sauvage. C'est clair.

M. François Patriat, rapporteur.

La commission l'a repoussé...

M. Christian Jacob.

Elle s'est trompée !

M. François Patriat, rapporteur.

... car il alourdirait le texte. Il n'y a pas incohérence entre rentabilité économique et environnement.

M. le président.

Il y a donc une erreur. Il convient de réserver cet amendement, qui se rapporte au septième alinéa, puisque nous examinons pour l'instant les amendements concernant le cinquième alinéa.

Je suis saisi de deux amendements, nos 53 et 296 corrigé, qui, malgré la place, peuvent être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 53, présenté par M. Deprez, est ainsi rédigé :

« Après le cinquième alinéa du I de l'article 1er , insérer l'alinéa suivant :

« - la mise en valeur des productions de matières premières à vocation énergétique dans le but de diversifier les ressources énergétiques du pays. »

L'amendement no 296 corrigé, présenté par M. Guillaume et les membres du groupe du Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production, est ainsi rédigé :

« Après le neuvième alinéa du I de l'article 1er , insérer l'alinéa suivant :

« - l'exploitation de la biomasse notamment à des fins énergétiques. »

La parole est à M. François Sauvadet, pour soutenir l'amendement no

53.

M. François Sauvadet.

Cet amendement a déjà été évoqué tout à l'heure par M. Guillaume, qui a insisté sur la nécessité de mettre en valeur les productions de matières premières, notamment en développant leur vocation énergétique. Le rapporteur a répondu tout à l'heure que la notion de « non alimentaire » pouvait couvrir cette vocation.

La diversification des sources d'énergie est devenue un impératif national mais aussi une exigence au niveau européen et même mondial. La loi d'orientation agricole doit donc préciser la nécessité de créer de nouveaux débouchés pour l'agriculture à partir de la transformation de productions agricoles en produits énergétiques. Cela va tout de même mieux en le disant.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

J'ai déjà répondu tout à l'heure à M. Guillaume que les produits alimentaires et non alimentaires transformables étaient inclus dans une rédaction actuelle, qui permet d'être plus concis. Bien entendu, elle n'exclut pas les cultures énergétiques et la biomasse.

M. François Sauvadet.

Mais elle ne le précise pas !

M. François Patriat, rapporteur.

L'amendement a été repoussé par la commission.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 5 OCTOBRE 1998

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Les valorisations non alimentaires offrent des débouchés intéressants bien que, pour l'instant, la plupart d'entre eux n'aient pas encore fait la preuve de leur rentabilité économique. J'ai confié à M. Desmarescaux, directeur général de Rhône-Poulenc, une mission à ce sujet. Son rapport sera disponible avant le terme de cette année.

L'exploitation de la biomasse à des fins énergétiques est l'un des débouchés potentiels, mais il n'est pas le seul.

Les débouchés en chimie ou dans le domaine des lubrifiants, par exemple, semblent d'ores et déjà prometteurs.

Si l'on supprime de l'amendement no 296 corrigé les termes « fins énergétiques », il est alors redondant avec le quatrième alinéa.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Ce qui est important dans la rédaction proposée par M. Deprez, monsieur le ministre, c'est justement la notion de vocation énergétique, alors que l'on parle dans les paragraphes précédents de l'alimentaire et du non-alimentaire. Un grand nombre d'avancées ont été réalisées en ce domaine depuis les premières initiatives. Pour le diester, par exemple, on en est couramment aujourd'hui à 5 % d'incorporation et, dans certains cas, à 30 %, voire davantage, sans que ça pose le moindre problème ni aux motoristes ni aux constructeurs de voitures. Nous avons également réalisé des avancées importantes sur l'ETBE.

On sait bien que la rentabilité économique aujourd'hui n'est pas prouvée. De la même façon, lors de son lancement, la rentabilité économique du Minitel était plus que discutable. Ce n'est plus le cas dorénavant. Pour que la rentabilité de cette source d'énergie ne soit plus discutable, il faut avancer dans la voie de la défiscalisation, de façon que les gens qui souhaitent investir dans ce domaine puissent le faire avec une certaine pérennité et ne soient pas suspendus chaque année à une décision budgétaire.

Il me paraît donc extrêmement important, compte tenu notamment des efforts importants consentis par de nombreuses villes dans l'utilisation pour leur flotte captive de ces biocarburants, de rappeler cette notion de vocation énergétique. Oublier de l'inscrire dans la loi ne serait pas sans conséquence. Nous avons une énergie propre, renouvelable - l'agriculture est même le seul secteur capable de produire une énergie renouvelable - qui n'est plus contestée par personne aujourd'hui dans le monde de l'automobile ou chez les motoristes. Ayons le courage d'affirmer cette perspective pour notre agriculture.

M. le président.

L'amendement no 296 corrigé est-il soutenu ?

M. Christian Jacob.

L'amendement no 296 corrigé est défendu mais l'amendement no 53 est plus consensuel.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

53. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'amendement no 296 corrigé n'a plus d'objet.

M. Jacob et les membres du groupe du Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production et des échanges ont présenté un amendement, no 290, ainsi rédigé :

« Supprimer le sixième alinéa du I de l'article 1er »

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Je retire cet amendement, compte tenu des modifications que nous avons déjà apportées.

M. le président.

L'amendement no 290 est retiré.

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

2 DÉPÔT D'UN RAPPORT EN APPLICATION D'UNE LOI

M. le président.

J'ai reçu, le 5 octobre 1998, de M. le Premier ministre, en application de l'article 4 de la loi no 93-1437 du 31 décembre 1993 relative au patrimoine monumental, un rapport sur l'exécution de cette loi (exercice 1997).

3

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à dix heures trente, première séance publique : Questions orales sans débat.

A quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi no 977 d'orientation agricole : M. François Patriat, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 1058).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi constitutionnelle, no 1017, relatif au Conseil supérieur de la magistrature : M. Jacques Floch, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1104).

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à deux heures cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT