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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 6036).

DÉROULEMENT DES SÉANCES DE QUESTIONS AU GOUVERNEMENT (p. 6036)

MM. Didier Quentin, Lionel Jospin, Premier ministre.

VACCINATION CONTRE L'HÉPATITE B EN MILIEU SCOLAIRE (p. 6037)

MM. Bernard Accoyer, Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.

LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE JUVÉNILE (p. 6038)

MM. José Rossi, Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

EUTHANASIE (p. 6039)

MM. Bernard Charles, Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.

SITUATION AU KOSOVO (p. 6040)

MM. Noël Mamère, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

POLITIQUE DES DÉCHETS (p. 6040)

M. Jean Launay, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

SUSPENSION DES CAMPAGNES DE VACCINATION

CONTRE L'HÉPATITE B (p. 6041)

MM. Alain Calmat, Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.

SUPPRESSION DES VENTES HORS TAXES AU SEIN DE LA COMMUNAUTÉ (p. 6042)

MM. André Capet, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

C

ONSÉQUENCES DE LA NOUVELLE STRATÉGIE D'USINOR (p. 6043)

MM. François Dosé, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

APPLICATION DES LOIS (p. 6044)

M mes Marie-Thérèse Boisseau, Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

APPLICATION DE LA LOI

SUR LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL (p. 6044)

M. Maxime Gremetz, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Suspension et reprise de la séance (p. 6045)

PRÉSIDENCE DE M. MICHEL PÉRICARD

2. Décision du bureau de la commission des finances (p. 6045).

3. Conseil de l'Europe. -Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi (p. 6045).

Article unique. - Adoption (p. 6046)

4. Cour européenne des droits de l'homme. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi (p. 6046).

Article unique. - Adoption (p. 6046)

5. Loi d'orientation agricole. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 6046).

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) (p. 6046)

Article 3 (suite) (p. 6046)

MM. Jean Charroppin, Jean Proriol.

M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production.

Amendements identiques nos 82 de la commission de la production et 551 de M. Alaize : MM. François Patriat, rapporteur de la commission de la production ; le ministre, François Guillaume, Stéphane Alaize, Jean Proriol, Christian Jacob, François Sauvadet. - Adoption.

A mendements nos 517 de M. Sauvadet et 312 de M. Lemoine : MM. Charles de Courson, Patrick Ollier, le rapporteur, le ministre, Léonce Duprez, François Guillaume, Félix Leyzour. - Rejets.

Amendement no 605 de M. Adevah-Poeuf : M. Maurice Adevah-Poeuf. - Retrait de l'amendement no 605 corrigé.

Adoption de l'article 3 modifié.

Article 4 (p. 6056)

MM. Jean Vila, François Sauvadet, Germain Gengenwin, Christian Jacob.

Amendement no 552 de M. Adevah-Poeuf : MM. Maurice Adevah-Poeuf, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Amendement no 86 de la commission, avec les sousamendements nos 742 corrigé de M. Marchand, 847 de M. Leyzour et les sous-amendements identiques nos 492 de M. Briane, 542 de M. Ollier, 543 de M. Estrosi, 761 de M. Charroppin et 860 de M. Bouvard : Mme MarieHélène Aubert, MM. le rapporteur, le ministre, Félix Leyzour, Germain Gengenwin, Patrick Ollier, Michel Bouvard, Christian Jacob, Jean-Claude Lemoine, Philippe Vasseur, François Sauvadet. - Retrait du sous-amendement no 847.

M. Jean Auclair, Mme Marie-Hélène Aubert, MM. le ministre, Michel Bouvard. - Adoption du sous-amendement no 742 corrigé ; rejet des sous-amendements identiques ; adoption de l'amendement no 86 modifié.

Amendement no 83 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 84 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 271 de M. Patriarche : M. Paul Patriarche.

- Retrait.

Amendement no 314 de M. Guillaume : MM. François Guillaume, le rapporteur, le ministre. - Rejet.


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Amendement no 85 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 4 modifié.

Article 5 (p. 6067)

M. François Sauvadet.

Amendement no 931 de M. Bouvard : MM. Michel Bouvard, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Amendement no 739 de M. Marchand : Mme Marie-Hélène Aubert, MM. le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Amendement no 836 de M. Leyzour : MM. Félix Leyzour, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Amendement no 518 de M. Sauvadet : MM. Germain Gengenwin, le rapporteur, le ministre, Patrick Ollier. - Rejet.

Amendements nos 848 de M. Leyzour et 473 de M. Rebillard : M. Félix Leyzour. - Retrait de l'amendement no 848.

Mme Marie-Hélène Aubert, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet de l'amendement no 473.

Adoption de l'article 5.

Article 6 (p. 6071)

MM. Claude Desbons, Kofi Yamgnane, Maurice AdevahPoeuf, Germain Gengenwin.

Amendements de suppression nos 317 de M. Jacob et 859 de M. Bouvard : MM. Christian Jacob, Michel Bouvard.

- Retraits.

Amendement no 751 de M. Barrot : MM. Germain Gengenwin, le rapporteur, le ministre, François Sauvadet. Retrait.

Amendement no 318 de M. Jacob : MM. Christian Jacob, le rapporteur, le ministre, Patrick Ollier. - Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

6. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 6074).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par les questions du groupe du Rassemblement pour la République.

DÉROULEMENT DES SÉANCES DE QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

La parole est à M. Didier Quentin.

M. Didier Quentin.

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre, et je dis bien à M. le Premier ministre car elle concerne le Gouvernement dans son ensemble et ses rapports avec le Parlement. (Ah ! sur les bancs du groupe socialiste.)

Je pense en effet nécessaire, pour la clarification du rôle et des pouvoirs de l'Assemblée nationale, de redéfinir l'objet des deux séances hebdomadaires de questions au Gouvernement. S'agit-il pour les ministres d'un exercice d'autoglorification (Sourires sur les bancs du Gouvernement. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) ou les ministres doivent-ils apporter des réponses précises aux questions des députés ?

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Des réponses précises à des questions qui ne le sont pas !

M. Didier Quentin.

Si, comme nous sommes un certain nombre à le penser sur ces bancs, il s'agit bien d'informer la représentation nationale, je me permets de vous rappeler, monsieur le Premier ministre, que aux deux questions qu'il a posées hier le groupe RPR n'a pas reçu de réponse. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Glavany.

Mais si, de très bonnes réponses.

Seulement, vous êtes aveugles et sourds !

M. Didier Quentin.

Premièrement, oui ou non la campagne de promotion des 35 heures a-t-elle reçu le visa du contrôleur financier ? Deuxièment, oui ou non les chiffres d'augmentation de la délinquance et de la criminalité enregistrés depuis le début de l'année 1998 seront-ils rendus publics ? Et si oui, à quelle date ?

M. Arnaud Montebourg.

Démago !

M. Didier Quentin.

Nous attendons, monsieur le Premier ministre, des réponses précises à ces deux questions.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le député, je repondrai moi-même à votre question, puisque vous le souhaitez, mais je souligne que le Premier ministre reste libre d'apprécier s'il doit répondre luimême ou s'en remettre à l'un des membres du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Tout serait plus simple si les intitulés de vos questions au Gouvernement tels que vous nous les transmettez étaient plus clairs. Mais, que dis-je - je rassure M. Debré qui pourrait penser ne plus tenir ses troupes, ce qui est impossible à imaginer (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) , votre souci de l'obscurité dans le questionnement est tel que vous ne nous les transmettez même pas.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République).

M. Thierry Mariani.

Vous faisiez pareil !

M. le Premier ministre.

J'y reviendrai ! En fait, nous savons simplement que tel ou tel député de l'opposition, RPR ou UDF...

Plusieurs députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Ou Démocratie libérale !

M. le Premier ministre.

... ou Démocratie libérale - enfin je ne veux pas décliner tous les sigles (Sourires sur les bancs du groupe socialiste) va poser une question. Mais il paraît que l'opposition d'hier, aujourd'hui majorité, avait pris l'habitude - n'étant pas sur les bancs de l'Assemblée à ce moment-là, je ne partage pas cette responsabilité (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) - de masquer les questions.

M. Philippe Vasseur.

Il faut être capable de répondre.

Pour cela il faut connaître ses dossiers !

M. le Premier ministre.

Cette façon de procéder présente un avantage et un inconvénient.

L'avantage, c'est qu'on peut espérer surprendre, encore que les membres du Gouvernement ont suffisamment d'expérience pour ne pas être surpris trop longtemps et pour se montrer capables de répondre au pied levé - les membres de ce Gouvernement en ont fait la preuve (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

L'inconvénient, c'est que lorsque vous posez des questions précises...

M. Philippe Vasseur.

Vous devez avoir les réponses ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le Premier ministre.

Monsieur Vasseur ! Historiquement et professionnellement, vous avez été davantage en situation de poser des questions que d'apporter des


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réponses ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Dans les postes de responsabilité que vous avez occupés ensuite, nous n'avons pas eu l'impression que les réponses que vous apportiez étaient totalement satisfaisantes ! En tout cas, elles ne vous ont pas empêché de vous retrouver sur les bancs de l'opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Il est certain que si vous nous informiez davantage sur vos questions, vous auriez plus de chances d'avoir des réponses articulées.

M. Philippe Vasseur.

On doit connaître les dossiers dont on parle !

M. le Premier ministre.

Pour le reste, je voudrais rappeler une loi de la vie parlementaire : vous être libres de vos questions et nous sommes libres de nos réponses.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Merci !

M. le Premier ministre.

Le Gouvernement, par la voix de ses ministres, n'a nullement l'intention de se livrer à des exercices d'autocongratulation, mais je n'ai jamais constaté non plus dans la vie politique de mon pays ou de tout autre pays que les gouvernements passaient leur temps, en répondant aux questions, à se battre la coulpe.

M. Thierry Mariani.

Vous n'étiez pas là quand nous étions au pouvoir !

M. le Premier ministre.

Vous-mêmes, quand vous étiez au pouvoir, vous essayiez de défendre votre politique en fonction des convictions qui sont les vôtres, alors supportez que nous défendions la nôtre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Cela dit, je pense que vous pourriez très utilement nous confier vos questions quand vous souhaitez des réponses particulièrement précises.

M. Olivier de Chazeaux.

Du chantage !

M. le Premier ministre.

Je prends l'engagement auprès de vous que si jamais nous devions nous trouver dans la position inverse d'avoir à vous questionner, je serais d'accord, pour ce qui me concerne, pour qu'on vous pose les questions à l'avance.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

A l'évidence, nous n'y sommes pas ! En attendant, je n'ai pas compris - mais peut-être n'ai-je pas été assez attentif - que, dans la question posée hier à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité - si elle est interrogée dans la suite de cette séance, elle pourra vous répondre de façon plus précise - le visa du contrôleur financier avait été évoqué. Il ne me semble pas que ce point figurait dans la question.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Ce n'était pas la question !

M. le Premier ministre.

Merci, messieurs, de votre bonne foi qui vous amène à confirmer que ce n'était pas dans la question. Comment aurions-nous pu répondre sérieusement hier à une question que vous venez de poser aujourd'hui ? Il ne faut tout de même pas exagérer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

J'avais en revanche bien compris hier que vous demandiez s'il y avait eu un appel d'offres, une mise en concurrence. La réponse de Mme la ministre a été claire, elle vous a dit : oui ! Elle a rappelé par ailleurs le coût bien plus élevé, surtout pour l'une, des deux campagnes de publicité lancées par le précédent gouvernement et je ne suis pas sûr qu'il soit souhaitable d'y revenir.

M. Jean-Michel Ferrand.

Répondez !

M. le Premier ministre.

Quant aux chiffres de la délinquance, ils seront publiés - je parle sous le contrôle du ministre de l'intérieur - à la fin de l'année, c'est-à-dire à leur date normale. Comment pourrait-il d'ailleurs en être autrement, compte tenu de notre conception de la vérité et de la transparence ? Si tel n'était pas le cas, vous ne manqueriez pas de nous le rappeler, j'espère de façon plus pertinente.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Sans prendre partie sur le fond du débat, j'observe qu'on peut répondre brillamment à une question impromptue ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le Premier ministre.

Merci, monsieur le président ! VACCINATION CONTRE L'HÉPATITE B EN MILIEU SCOLAIRE

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, vous me permettrez de regretter d'abord que M. le Premier ministre n'ait pas, aujourd'hui comme hier, répondu aux questions posées (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste), ensuite sa conception de la démocratie, et plus précisément du fonctionnement de la séance des questions orales au Gouvernement.

Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat chargé de la santé qui a décidé de suspendre la campagne de vaccination contre l'hépatite B en milieu scolaire.

Vous avez ainsi suscité une légitime inquiétude chez les familles puisque 6,1 millions d'enfants d'âge scolaire ont déjà été vaccinés. Le syndicat des médecins universitaires et scolaires, le syndicat des médecins pédiatres, et surtout l'Organisation mondiale de la santé ont quelque peu mis en cause les fondements de voter décision. Ils ont en effet déclaré que, à ce jour, aucune étude scientifique ne démontre l'existence d'un lien de cause à effet entre cette vaccination et une affectation neurologique. Il y a deux ans, le réseau national de santé publique, mais également le comité technique des vaccinations, que vous avez récemment consulté vous-même, s'étaient prononcés dans le même sens.

L'hépatite B constitue un très sérieux problème de santé publique. En effet, c'est une maladie très répandue, qui, une fois sur mille, a une évolution mortelle, dans 10 % des cas, conduit à la cirrhose et qui assez souvent est à l'origine de cancers.

Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous préciser à la représentation nationale sur quelles nouvelles données scientifiques vous avez fondé votre décision et, surtout,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1998

pouvez-vous rassurer les familles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.

Monsieur le député, j'ai décidé de poursuivre la vaccination contre l'hépatite B mais en changeant certaines modalités, je vais vous expliquer pourquoi.

Vous avez tout à fait raison de rappeler que l'hépatite B est une maladie grave qui peut évoluer notamment vers la cirrhose et le cancer du foie. Cela dépend des prévalences qui sont différentes entre les pays du Nord et les pays du Sud.

Vous avez eu également raison de rappeler que cette vaccination, la plus massive jamais entamée dans aucun pays, a été commencée dans notre pays en 1994 pour répondre aux consignes de l'OMS.

Depuis, nous avons été alertés par un certain nombre de cas d'affections démyélinisantes, et en particulier de scléroses - en plaques. Nous avons également pris en compte ces affectations dans le réseau de pharmacovigilance. Nous avons repris une par une les observations des associations et d'un réseau, le REVAB. Cela a pris du temps.

N ous avons lancé, en outre, depuis 1997, deux enquêtes. La première, qui a porté sur 5 millions de patients, se déroule en Angleterre, car, malheureusement, nous n'avons pas dans notre pays un recueil de données suffisant. La seconde, épidémiologique, a été menée en France. Les conclusions sont convergentes : le bénéfice de la vaccination, j'insiste, n'est pas comparable au risque.

On doit continuer de vacciner.

M. Pierre Lellouche.

Pourquoi suspendre alors ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

On ne peut cependant pas exclure que sur certains terrains particuliers, il y ait quelque rapport, même si le nombre de cas est très réduit, entre la vaccination et l'affection démyélinisante.

Il faut donc absolument interroger la famille.

Nous avons donc décidé de poursuivre - je rassure à cet égard les pédiatres qui ont été consultés - la vaccin ation chez le nourrisson où aucune affection avant cinq ans n'a jamais été signalée.

Chez les adultes, il faut vacciner non pas tous les sujets - ce qui avait parfois été fait - mais les adultes à risque, suivant en cela les recommandations du comité technique vaccinal de juin dernier.

Chez les adolescents, un interrogatoire doit être mené.

Si en ville, cet interrogatoire avec la famille, sur les antécédents personnels et les antécédents familiaux, peut être conduit, cela ne peut pas toujours être le cas dans le cadre de la médecine scolaire. Je vais, avec mes collègues Claude Allègre et Ségolène Royal, y remédier au plus vite. Un enfant ne doit pas revenir chez lui vacciné sans qu'il ait été procédé à son interrogatoire, quand cela est possible - mais souvent il ne connaît pas ses antécédents ou à celui de la famille. Lorsqu'un interrogatoire sur les antécédents de maladies auto-immunes et de scléroses en plaques pourra être pratiqué, la campagne reprendra.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE JUVÉNILE

M. le président.

La parole est à M. José Rossi.

M. José Rossi.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur par intérim.

On pouvait lire dans une dépêche AFP parue le 30 septembre dernier ces lignes : « Couvre-feux pour les enfants, séminaires de "rééducation" pour parents défaillants, excuses et "réparations" exigées envers les victimes. » Dans

quel pays ce type de mesures pouvait-il être pris ? Plusieurs députés du groupe socialiste.

En Corse !

M. José Rossi.

Vous l'avez compris, monsieur le Premier ministre, il s'agit d'un pays avec lequel vous revendiquez une proximité, en tout cas avec son Premier ministre, Tony Blair. Le nouvel arsenal du gouvernement travailliste britannique contre la délinquance juvénile est un exemple particulièrement percutant d'une volonté déterminée de lutter contre la violence.

Un député du groupe socialiste.

Et en Corse, il n'y a pas de violence ?

M. José Rossi.

Rassurez-vous, ce n'est pas ce que nous vous proposons pour notre pays. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Je veux tout de même rappeler que l'année dernière, vous affirmiez, monsieur le Premier ministre, dans votre déclaration de politique générale - qui vaut, mes chers collègues pour l'ensemble du pays, y compris pour les îles, j'en conviens : « Toute personne vivant sur le territoire de la République a droit à la sécurité. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Au colloque de Villepinte, le 25 octobre 1997, vous déclariez vouloir assurer l'égalité de tous les citoyens devant la sécurité, devoir primordial de l'Etat.

Chacun peut mesurer aujourd'hui le décalage entre le discours et les actes.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Et vous, qu'avez-vous fait avec le RMI ?

M. José Rossi.

L'insécurité se développe à une vitesse effarante dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Quelques exemples concrets permettent d'illustrer ce constat douloureux : l'impressionnante série d'agressions commises contre des agents de transports publics en Ilede-France, la multiplication des bandes de jeunes semant la terreur dans leur quartier parmi lesquelles - et c'est un phénomène nouveau - des bandes organisées de jeunes filles (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste)...

Contestez-vous cette situation ? C'est la vérité.

M me Martine David et Mme Yvette BenayounNakache.

RMI ! RMI !

M. José Rossi.

... des adolescents écroués après des actes de séquestation ou de violence commis à l'encontre de leurs professeurs, enfin une addition d'actes inacceptables et parfois barbares dans les lycées accompagnés d'actes de dégradation des bâtiments publics - le lycée de Montbéliard, le collège Alphonse-Allais de Val-de-Reuil ont même été obligés de fermer leurs portes.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) C'est une constatation, monsieur le Premier ministre, à ce jour, le Gouvernement n'est pas capable de traduire par des actes suivis de résultats, les engagements généreux que vous aviez pris lors de votre déclaration de politique générale ainsi que dans votre discours de Villepinte.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1998

Le groupe Démocratie libérale et Indépendants souhaite savoir si, comme l'a fait le Premier ministre Tony Blair en Grande-Bretagne, vous serez capable de traduire vos engagements par des actes. Le groupe Démocratie libérale et Indépendants vous demande si vous être satisfait de ce qui se passe aujourd'hui dans notre pays,...

M. Gérard Gouzes.

Y compris en Corse !

M. José Rossi.

... si vous pensez avoir réussi et, si vous n'avez pas réussi, si vous être capable d'oser aller plus loin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Mme Martine David.

Le RMI ?

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim, pour une réponse qui sera malheureusement courte.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Monsieur le député, vous avez eu raison de rappeler les engagements du Gouvernement et sa détermination à établir la sécurité partout et pour tous.

M. Jean-Claude Lefort.

Même en Corse !

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

C'est notre volonté, et nous mettons en oeuvre les moyens et les actions nécessaires dans ce domaine.

M. André Angot.

Cela ne marche pas ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Puisque vous semblez douter de l'efficacité des services, et en particulier de celle des services de police, je vous indique que des arrestations ont été effectuées très rapidement : les six membres de la bande qui avait agressé un conducteur à Mantes-la-Jolie et le malfaiteur qui avait blessé d'un coup de couteau un chauffeur de bus de la RATP ont été interpellés par la police nationale - dans ce dernier cas, c'était hier.

Cela prouve que la police nationale, que nous avons engagée dans des actions de sécurisation dans les transports - et sa présence dans le métro parisien a été renforcée par l'arrivée d'un groupe de gendarmes mobiles -, remplit ses missions et ses fonctions avec efficacité et détermination. Et cette efficacité et cette détermination sont également celles du Gouvernement.

Par conséquent, monsieur le député, soyez rassuré, la volonté du Gouvernement est entière : il s'agit d'assurer à tous nos concitoyens, et d'abord dans les transports en commun, la sécurité indispensable pour mener une vie normale en société. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Radical, Citoyen et Vert.

EUTHANASIE

M. le président.

La parole est à M. Bernard Charles.

M. Bernard Charles.

Monsieur le Premier ministre, le débat sur l'euthanasie a été relancé ces dernières semaines par deux affaires pénibles. Personne n'a jamais osé lever le tabou. On laisse ainsi les médecins et les infirmières seuls avec leur conscience face à la déchéance d'un patient agonisant.

J'ai déposé, il y a dix ans, une proposition de loi pour le droit de mourir dans la dignité. Au cours de l'examen des lois « bioéthiques », il a été décidé de ne pas légiférer dans ce domaine, où personne ne peut prétendre détenir la vérité.

F aut-il aujourd'hui légiférer ? Faut-il dépénaliser ? Faut-il continuer à agir dans la clandestinité, au hasard, dans le silence des consciences ? Faut-il laisser en toute légalité un médecin poursuivre un acharnement thérapeutique malgré la code de déontologie ? Ces questions méritent un débat public. Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement envisage-t-il dans un avenir proche d'organiser un débat parlementaire sur ce sujet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.

Monsieur le député, faut-il un débat public sur ce sujet ? Je le crois.

M. Renaud Muselier.

Oui !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Nous avons d'ailleurs l'intention de l'organiser au plut tôt, en vous y associant tous, au cours d'états généraux.

Faut-il légiférer ?

M. Renaud Muselier.

Non !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Je n'en suis pas si sûr, monsieur Charles.

Les choses évoluent. Les gens qui s'interrogent sur la notion que recouvre ce mot d'« euthanasie », que je n'aime pas et que j'aimerais qu'on change, sont de plus en plus nombreux.

De quoi s'agit-il ? Il s'agit d'abord de réfléchir pour aménager le passage, la fin de la vie, l'accompagnement de nos aînés, de ceux qui vont mourir. C'est culturellement difficile, mais c'est en train de changer.

Il faut d'abord que les soins dits « palliatifs », que je préférerais appeler « soins d'accompagnement », soient plus développés dans notre pays, ce qui réglerait un nombre infini de problèmes, la plupart, mais pas tous.

Nous avons lancé un plan de développement des équipes de soins palliatifs. S'il peut être mené à bien, il fournira une partie de la réponse.

En amont, c'est la douleur qui doit être prise en charge, car ces réalités-là sont terriblement liées. Nous avons un budget pour cela, et nous en discuterons ici en examinant le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Pour le reste, un certain nombre de choses peuvent être faites. J'ai demandé au Premier ministre de saisir le Conseil économique et social pour qu'il conduise une réflexion sur le congé d'accompagnement et sur l'euthanasie. Pourquoi un congé d'accompagnement ? Tout simplement parce que, dans notre pays, quand on s'arrête de travailler à cause d'une grippe, on est pris en charge, alors que ce n'est pas le cas quand on veut le faire parce qu'un des siens va mourir ; je pense que ce n'est pas normal.

Certaines de ces réflexions feront l'objet des débats qui auront lieu lors des états généraux. Se dérouleront-ils ici ? Pourquoi pas ? Mais lançons le débat public d'abord.

D'autres réflexions sont conduites ailleurs, en particulier par des éléments religieux. Des exemples sont donnés dans notre pays, il nous faut les méditer. En tout cas, monsieur le député, la question est à l'ordre du jour.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1998

SITUATION AU KOSOVO

M. le président.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, ma question concerne le Kosovo.

Chaque jour qui passe nous révèle un peu plus l'ampleur du désastre humanitaire que subit ce pays.

Récemment, les corps mutilés de dix-huit civils - des femmes et des enfants, âgés de dix-huit mois à quatrevingt-quinze ans - ont été découverts par une mission diplomatique.

A la veille de cette découverte macabre, le secrétaire général des Nations unies, M. Kofi Annan, avait rencontré le ministre des affaires étrangères de la Yougoslavie, M. Jovanovic, lequel s'était engagé à ce que ces opérations s'interrompent et à ce que les forces serbes quittent le Kosovo.

Plus récemment, la présidente du Haut commissariat aux réfugiés a révélé, au retour d'une tournée dans cette région, que l'objectif des forces spéciales serbes était de vider le Kosovo de ses populations civiles en appliquant une politique systématique de pillage et d'incendie des habitations.

Le Kosovo, sous la houlette de son président Ibrahim Rugova, résiste depuis neuf ans avec courage à l'oppression serbe. Pourtant, ce pays a été le grand oublié des accords de Dayton.

Face à ce véritable défi aux droits de l'homme que vient de lancer une nouvelle fois le dictateur serbe, la seule réponse qui ait été trouvée par les Nations unies et son Conseil de sécurité a consisté en une déclaration de bonnes intentions. D'ailleurs, la capacité d'initiative du Conseil de sécurité est paralysée puisque la Chine et la Russie s'opposent à toute intervention militaire.

La France et l'Europe laisseront-elles une nouvelle fois s'accomplir au Kosovo ce qui s'est déjà accompli en Bosnie ? La France et l'Europe laisseront-elles se répéter de nouveaux Vukovar, de nouveaux Sarajevo, de nouveaux Scebrenizca ? Surtout, la France est-elle aujourd'hui prête, avec ses alliés de l'OTAN et de l'UEO, à engager une action militaire pour faire cesser cette répression et ce désastre humanitaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. Robert Pandraud.

Sac au dos, Mamère !

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur le député, depuis le mois de mars dernier, les pays du groupe de contact se sont mobilisés pour trouver une solution durable et équitable à ce problème du Kosovo. La situation dans ce pays est dramatique depuis que l'autonomie y a été supprimée il y a maintenant neuf ans.

Depuis lors, des messages extrêmement fermes et convergents ont été adressés périodiquement par les pays du groupe de contact et par le Conseil de sécurité aux autorités de Belgrade mais aussi à l'UCK qui conduit une politique consistant à affaiblir M. Rugova. Cette action n'a pas encore donné de résultats décisifs puisque nous n'avons pas encore trouvé la solution.

C'est en raison de cette situation que l'impatience de la communauté internationale s'est traduite par une détermination accrue ces derniers jours et ces dernières semaines. La diplomatie française et la diplomatie britannique ont réussi à obtenir le vote d'une résolution au Conseil de sécurité ; elle a été votée par tout le monde, par les Américains comme par les Russes.

Cette résolution, qui porte le numéro 1199, est déjà placée sous l'empire du chapitre 7, qui est celui qui ouvre la voie à l'emploi de la force si nous le décidons. Elle constate la menace qui pèse sur la paix, compte tenu de la situation du Kosovo.

Les pays du groupe de contact se sont réunis à nouveau. Ceux d'entre eux qui appartiennent à l'OTAN ont commencé des préparatifs dans l'hypothèse où, malheureusement, il faudrait employer la force pour corriger la situation actuelle, pour lancer une opération de secours à grande échelle de réfugiés, pour interrompre la répression, mais aussi pour déclencher la négociation.

Des envoyés des différents pays sont à l'oeuvre, notamment un envoyé américain qui travaille en liaison avec le groupe de contact. Nous apprécierons dans les jours qui viennent si oui ou non cette convergence de menaces de mises en garde, de sanctions, de propositions qui ont été faites depuis des mois, avec une mobilisation ininterrompue et avec une convergence complète des positions des différents organes de décision que j'ai cités, a provoqué un début de changement.

M. Kofi Annan a noté dans son rapport que les forces militaires serbes avaient été retirées en grande partie, mais pas complètement ; que les forces de police avaient été retirées dans une proportion moindre ; que le mouvement se continuait mais qu'il était difficile de dire où on en était.

Sur le plan humanitaire, le président Milosevic a accepté, sous la pression des Russes, de laisser venir une mission de l'OSCE. Nous demandons qu'elle se rende sur place de façon urgente.

Sur le plan de la négociation, nous apprécierons vendredi ou samedi si la discussion dont nous avons demandé l'ouverture entre les autorités de Belgrade et les Albanais du Kosovo a pu s'engager dans le but de définir un statut d'autonomie, seule solution sérieuse et durable de nature à éviter que ne s'embrase à nouveau l'ensemble de la région.

La position de principe de la France a été rappelée par le Président de la République, hier, à Florence. Naturellement, c'est celle du Gouvernement. Il revient au Conseil de sécurité d'autoriser une action, mais nous agissons déjà sous l'empire de la résolution 1199. Une situation de catastrophe humanitaire imminente peut nous amener à employer les moyens nécessaires pour apporter une solution durable au règlement de cette crise immense. Cette évaluation définitive n'a pas encore été faite parce que nous n'avons pas encore à la minute où je vous parle tous les éléments permettant d'évaluer ce qui se passe sur le terrain. Nous suivons l'évolution de la situation presque heure par heure. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

POLITIQUE DES DÉCHETS

M. le président.

La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay.

Madame la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, alors que neuf ménages sur dix se déclarent prêts à trier leurs ordures, seulement 6 % des déchets le sont effectivement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1998

Vous avez réaffirmé par circulaire, en avril dernier, les objectifs de suppression des décharges brutes pour 2002 et vous avez souhaité que, à cette échéance, c'est-à-dire dans trois ans, la moitié des ordures ménagères soit recyclée.

Au regard des objectifs fixés par la loi de 1992, il nous reste donc bien du travail à faire pour répondre à des enjeux qui sont autant environnementaux qu'économiques.

Le Lot, département dont je suis issu, s'est résolument engagé dans la généralisation de la collecte sélective et du tri avant la fin de l'année 1998.

La mise en place des plans départementaux d'élimination des déchets ne se fait pas toujours sans difficultés, en particulier financières. Le tri sélectif entre dans les habitudes des Français, mais un bon nombre de collectivités locales invoquent à juste raison le poids des charges. S'y ajoute pour les départements les plus ruraux le problème de la distance et du coût des transports vers les centres de tri.

Vous avez fait une communication en conseil des ministres le 26 août dernier sur les nouvelles orientations de la politique des déchets, laquelle est fondée sur la réduction à la source, la valorisation, le tri sélectif et une maîtrise des coûts de traitement qui préserve nos concitoyens. En conséquence, madame la ministre, pouvezvous nous préciser les dispositions qui seront prises, d'une part, pour inciter le tri sélectif et le recyclage et, d'autre part, pour faciliter la mise en oeuvre et la réactualisation des plans départementaux d'élimination des déchets dans les délais prévus. Il nous apparaît en effet essentiel que les conditions économiques et fiscales nécessaires soient mises en place pour atteindre les objectifs environnementaux ambitieux que nous nous sommes fixés.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, comme vous l'avez rappelé, la communication que j'ai faite en conseil des ministres au mois d'août dernier avait pour vocation de réaffirmer l'intérêt et l'attachement du Gouvernement à une stratégie de traitement des ordures ménagères qui privilégie la collecte sélective et la valorisation-matière sur l'incinération des déchets et la mise en décharge.

Un certain nombre de mesures sont en cours de préparation ; d'autres sont d'ores et déjà mises en place.

La première de ces mesures, qui sera examinée dans le cadre du projet de finances pour 1999, prévoit la baisse du taux de TVA de 20,6 % à 5,5 % pour la collecte sélective des déchets et pour la valorisation-matière de ceux-ci.

Nous souhaitons par ailleurs une remise à niveau des taxes de mise en décharge et d'incinération des déchets.

Deuxième axe : l'évolution du fonds de modernisation des déchets ménagers. D'ores et déjà, l'ADEME, qui contribuait, selon les secteurs, à près de 20 ou 30 % du montant des investissements, a porté à 50 % le pourcentage de sa participation. Ainsi, les investissements dans le secteur du compostage et de la métanisation seront encouragés désormais non plus à hauteur de 20 % mais de 50 %, ce qui n'est pas rien.

L'ADEME a accentué également son soutien à la recherche et au développement dans le secteur des déchets, ainsi qu'à l'écoconception de matières qui soient plus facilement récupérables, recyclables, revalorisables.

Troisième axe : nous avons engagé il y a déjà plusieurs mois une négociation avec Eco-Emballages et Adelphe pour revoir les modalités d'intervention de ces sociétés.

Les barèmes d'intervention devront être révisés avant la fin de l'année. Ce travail a associé un certain nombre d'interlocuteurs, dont des parlementaires.

Quatrième axe : nous considérons comme indispensable de mieux associer les citoyens à un travail qui fait d'eux des acteurs conscients du tri et de la valorisation. A cet effet, une grande campagne nationale d'information a été menée sur le thème : « Moins de déchets, plus de valorisation. » Par ailleurs, nous avons encouragé la mise

en place de plus de 3 000 emplois-jeunes ; ces ambassadeurs du tri doivent permettre d'aider les collectivités locales et les citoyens à adopter de nouveaux comportements.

Vous le voyez, nous sommes décidés à agir. Il n'y va pas seulement de notre responsabilité écologique, il y va aussi de notre efficacité économique dans un secteur qui est très créateur d'emplois, ce que les collectivités locales ont bien compris.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)

SUSPENSION DES CAMPAGNES DE VACCINATION CONTRE L'HÉPATITE B

M. le président.

La parole est à M. Alain Calmat.

M. Alain Calmat.

Monsieur le secrétaire d'Etat à la santé, vous avez annoncé, jeudi dernier, lors d'une conférence de presse, la suspension provisoire des campagnes systématiques de vaccination contre l'hépatite B dans les collèges.

Suite à cette annonce, de nombreux quotidiens mais aussi l'Organisation mondiale de la santé se sont exprimés dans des sens parfois diamétralement opposés, ce qui n'a pas manqué d'inquiéter les parents d'enfants déjà vaccinés.

Or la décision que vous avez prise, monsieur le secrétaire d'Etat, s'apparente en fait à une mesure de sécurité sanitaire découlant tout naturellement du principe de précaution.

Cela me conduit à vous poser trois questions.

P remièrement, la transparence aurait-elle manqué lorsque ont été lancées les premières campagnes de vaccinations en 1994, comme s'interroge d'ailleurs un grand quotidien médical ? Deuxièmement, y a-t-il des éléments nouveaux permettant d'étayer l'hypothèse selon laquelle la vaccination contre le virus de l'hépatite B comporte des risques d'affection démyélinisante du système nerveux central ? Enfin, troisièmement - et vous avez déjà partiellement répondu à cette question - faut-il changer de stratégie de vaccination, sachant qu'une vaccination plus précoce présenterait moins de risques ? Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir nous éclairer sur ces trois points afin de rassurer en particulier les parents d'enfants déjà vaccinés.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M.

le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1998

M.

Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.

Monsieur le député, il faut rassurer tous les parents, que leurs enfants soient vaccinés ou pas. La mesure que j'ai prise - et je suis désolé si j'ai été mal compris - ét ait destinée à cela, car, comme vous l'avez dit, il s'agit d'une mesure de précaution supplémentaire.

Je résume la réponse que j'ai faite à M. Accoyer sur le même sujet. La campagne de vaccination se poursuit, sauf pour ceux qui n'en ont pas besoin. Seuls les adultes à risques doivent être vaccinés, pas les autres. Cette campagne se poursuit partout, sauf là où l'on ne peut pas interroger les familles sur les antécédents personnels et les antécédents familiaux, lesquels doivent être connus.

Vous m'avez posé trois questions.

La première concernait la transparence lors des premières vaccinations en 1994. Mais à l'époque, on répondait en France à une mesure demandée par l'Organisation mondiale de la santé en 1992, après consultation du comité de technique vaccinale et du comité d'hygiène public. Une conférence de presse et une totale transparence avaient rassuré les familles. Cela dit, les techniques s'améliorent, les vaccinations évoluent.

Vous m'avez, en deuxième lieu, demandé si des éléments nouveaux étaient apparus quant aux conséquences de la vaccination contre l'hépatite B. Oui, des enquêtes énormes, comme jamais il n'y en a eu au monde, ont été réalisées, et nous les avons prises très au sérieux. Notamment, les deux enquêtes qui ont été rapportées en France lundi dernier ont été transmises quelques jours plus tard à l'OMS qui n'en avait pas reçu autant.

Selon ces enquêtes, le bénéfice de la vaccination est sans aucun doute plus important que le risque. Il faut continuer de vacciner. Mais on ne peut pas exclure un lien existant entre les deux. Ainsi, les antécédents, sur certains terrains, doivent être recherchés.

Je vous rappellerai, enfin, que l'OMS poursuit une stratégie un peu différente de la nôtre puisqu'elle vise à l'éradication totale du virus de l'hépatite B à travers le monde. Et l'on sait que des réservoirs de ce virus existent.

Mais l'OMS sait bien, et Mme Bruntland en particulier, qui vient d'un pays du Nord et que je rencontrerai bientôt, que les stratégies ne sont pas les mêmes dans tous les pays : dans les pays du Nord, par exemple, on ne vaccine que les adultes à risques. En ce qui nous concerne, nous avons fait beaucoup plus. Dans les pays du Sud, la prévalence est telle qu'une vaccination massive s'impose.

Quoi qu'il en soit, nous sommes en droit de déterminer notre propre stratégie vaccinale nationale, même si l'OMS peu le regretter.

Je déplore que mes déclarations aient suscité une incompréhension. On me reproche d'avoir fait naître un sentiment d'angoisse. Mais comment pourrais-je faire naître un tel sentiment en prenant plus de précautions ? En fait, la fermeté des positions dans la presse et dans les esprits était telle que chacun veut conforter son opinion.

Evoluons un petit peu en fonction des données ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

SUPPRESSION DES VENTES HORS TAXES AU SEIN DE LA COMMUNAUTÉ

M. le président.

La parole est à M. André Capet.

M. André Capet.

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministe, dans le cadre d'une mission parlementaire, vous avez bien voulu me confier au mois de mars dernier (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance) la charge d'étudier l'impact économique et social de la suppression des ventes hors taxes dans les pays de la Communauté, programmée par une directive européenne remontant à 1991 et prenant effet au 30 juin 1999.

Le 23 juillet dernier, je vous ai remis un rapport, élaboré en étroite collaboration avec M. le ministre des finances et M. le ministre des transports. Nous en sommes arrivés aux conclusions suivantes : si la directive devrait s'appliquer abruptement, sans aucune mesure d'accompagnement, elle se traduirait au niveau national par la perte d'environ six milliards de francs de chiffre d'affaires, par le risque de perdre près de 10 000 emplois, par le risque majeur de la suppression du pavillon français sur le détroit du Pas-de-Calais et, enfin, par de grosses difficultés pour les régions de Calais et de Cognac, dont l'économie est déjà fortement menacée.

En outre, conformément à la mission que vous m'avez confiée et comme la lettre que vous m'avez envoyée m'y invitait, je vous ai proposé des mesures de nature fiscale et financière.

Au vu de ces conclusions, vous avez bien voulu exprimer votre préoccupation sur les conséquences économiques et sociales que ne manqueraient pas d'entraîner l'application brutale de la directive, et vous avez demandé à vos services d'étudier mes propositions dans un souci de diligence et de coordination des actions à mener.

Depuis la remise du rapport, de nombreux Etats membres ont exprimé la même préoccupation, ce qui renforce la position de la France, qui a été, avec l'Irlande, le premier pays à effectuer une étude approfondie sur le sujet.

Compte tenu de ces éléments, pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, nous préciser s'il est possible d'envisager et, si oui, dans quelles conditions, une remise en cause, à défaut d'un report aménagé avec l'accord de nos partenaires, de la directive européenne de 1991 et de la loi française la transcrivant dans notre droit interne en 1992 ? La proposition d'une taxation progressive harmonisée telle que je vous l'ai suggérée...

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. La question !

M. André Capet.

... vous semble-t-elle susceptible de recueillir l'approbation des autres pays de l'Union et de la Commission européenne, sachant que certains acteurs concernés, notamment les compagnies maritimes et les principaux aéroports européens, se déclarent favorables à ce régime transitoire ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Enfin, peut-on d'ores et déjà arrêter avec nos partenaires un calendrier précis de mise en oeuvre progressive ?

M. Thierry Mariani.

Il est trop long ! Présidez, monsieur le président !

M. André Capet.

L'échéance est très proche et les producteurs et transporteurs européens ont besoin d'informations précises afin de préparer leurs budgets et leurs plans d'action pour 1999.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1998

Pour finir, je me permettrai de souligner que l'inquiétude grandit dans les régions qui se sentent menacées.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le député, vous avez rédigé un excellent rapport sur un vrai problème (« Ah ! Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), à savoir la suppression, à partir du 1er juillet 1999, de ventes hors taxes entre pays de la Communauté européenne.

La décision remonte à 1992. Les professionnels ne s'y sont pas suffisamment préparés.

Vous avez défini quel serait l'impact d'une telle mesure sur le commerce transmanche du point de vue français et sur l'emploi dans la région de Calais.

M. Jean-Louis Debré.

Lisez-nous donc quelques pages du rapport !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Vous avez formulé deux suggestions concrètes : d'une part, la mise en oeuvre d'un retour à la fiscalité de façon progressive, afin que les adaptations nécessaires puissent être faites et, d'autre part, l'octroi d'aides spécifiques, soit pour les entreprises, soit pour les collectivités locales, de manière à maintenir, voire à renouveler l'emploi.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Je peux vous assurer, monsieur le député, que, sur ces deux pistes, le Gouvernement travaille activement. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Très activement !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Mais, comme vous l'avez rappelé, la décision ne dépend pas que de la France. (« Ah ! » sur les mêmes bancs.) C'est pourquoi M. Dominique Strauss-Kahn et moi-même avons écrit au commissaire européen chargé de la fiscalité, M. Monti (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs), pour qu'il étudie d'urgence les suggestions que vous avez faites.

Le dossier sera de nouveau évoqué dès la semaine prochaine lorsque le Premier ministre se rendra à Bruxelles.

Je vous confirme, monsieur le député, que le problème, réel, que vous avez posé est suivi avec beaucoup d'attention par le Gouvernement. (« Bravo ! » et applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Celui-ci trouvera les solutions appropriées au maintien de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

CONSÉQUENCES DE LA NOUVELLE STRATÉGIE D'USINOR

M. le président.

La parole est à M. François Dosé.

M. François Dosé.

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Le groupe Usinor affiche de bons résultats industriels et financiers. Evidemment, la qualité des dirigeants et des salariés d'aujourd'hui y contribue, mais il faut aussi prendre en considération les participations publiques considérables de deux décennies et les licenciements d'hier, qui se sont comptés par dizaines de milliers.

Or le président d'Usinor, M. Mer, a présenté il y a quelques jours la nouvelle stratégie du groupe, tendant à concentrer ses activités sur quelques produits. En conséquence, quatre filiales sont à vendre.

Une nouvelle fois, des milliers d'emplois sont menacés.

M. Pierre Lellouche.

Et voilà !

M. François Dosé.

Une nouvelle fois, des régions entières, notamment la Lorraine, sont inquiétées.

Parmi les repreneurs potentiels des filiales d'Usinor, au demeurant tous étrangers, certains n'ont d'autre motivation que le rachat de parts de marché, faisant fi des conséquences humaines et territoriales de leur démarche.

Le Gouvernement a-t-il la volonté de favoriser, entre les différentes hypothèses connues à ce jour, les solutions industrielles qui privilégient les travailleurs concernés et les régions inquiétées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Lellouche.

Demandez donc un rapport !

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, comme vous venez de le rappeler, Usinor a fait part, le 22 septembre, de son intention de se retirer des produits longs, pour concentrer son activité stratégique sur les produits plats au carbone et sur les aciers inoxydables.

Cette stratégie relève uniquement du conseil d'administration : nous ne détenons plus aucune part du capital d'Usinor et, dans ces conditions, l'entreprise détermine librement sa stratégie. Pour autant, celle-ci nous intéresse et vous avez raison d'évoquer les problèmes qu'elle pose.

Elle nous intéresse, car ce qui se passe dans le secteur sidérurgique a des conséquences importantes, que vous avez très justement rappelées, en termes d'emplois ou d'aménagement du territoire.

Le fait qu'Usinor considère que les produits longs ne doivent plus être au coeur de sa stratégie ne signifie pas qu'il n'y ait pas d'avenir pour les produits longs. Ce n'est pas, en effet, parce que des entreprises peuvent vouloir se spécialiser dans tel ou tel secteur que d'autres secteurs ne sont pas prometteurs.

En l'occurrence, les compétences qui ont été acquises et développées en France par les voies que vous avez évoquées dans le secteur des produits longs sont grandes. Il faut veiller, comme vous l'avez dit, à ce que le repreneur ait un objectif industriel et ne cherche pas simplement à conquérir des parts de marché.

Soyez assuré qu'avec les moyens dont il dispose le Gouvernement sera très attentif : il examinera avec une grande vigilance les possibilités de reprise. Nous avons d'ailleurs démontré, il n'y a pas si longtemps, que l'Etat disposait de quelques moyens d'intervenir, lorsque c'était possible, pour éviter des orientations industrielles qui ne lui paraissaient pas souhaitables.

Soyez certain que, pour ce qui concerne la sidérurgie, nous serons particulièrement vigilants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1998

M. le président.

Nous en venons à une question du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

APPLICATION DES LOIS

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Mais je voudrais, avant de la poser, apporter une précision : Mme de Panafieu avait bien parlé hier du visa du contrôleur financier, ainsi qu'en atteste le Compte rendu analytique officiel. (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Monsieur le Premier ministre, il y a vingt mois, le Parlement votait une loi instaurant une commission régionale du patrimoine et des sites. A ce jour, cette loi est inapplicable parce que les décrets d'application demandés et maintes fois promis ne sont jamais parus.

C e n'est, hélas, qu'un exemple parmi beaucoup d'autres.

Est-ce négligence ? Est-ce volonté délibérée de vos services ? A quoi sert le Parlement ? Je prends à témoin les millions de Français qui nous écoutent et je leur demande quelle considération, quelle confiance on peut accorder à un Gouvernement dont l'administration s'oppose régulièrement aux lois votées par les députés et les sénateurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) A vous, monsieur le Premier ministre, je pose la question suivante : pouvez-vous accepter encore longtemps de voir bloquées les volontés du Parlement, c'est-à-dire les volontés du peuple français ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication, porte-parole du Gouvernement.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, porte-parole du Gouvernement.

Madame la députée, je voudrais vous rassurer.

J'ai eu l'occasion de répondre par écrit à plusieurs reprises à un certain nombre de parlementaires qui se sont interrogés sur la publication du décret concernant la mise en place de la commission régionale du patrimoine et des sites. Cette commission est fort attendue par les élus puisqu'elle représente une instance de recours et de négociation ou, en tout cas, de prise en compte des questions qui se posent à propos des monuments historiques.

Le décret est en navette et, conformément à la loi, il doit être incessamment signé par les derniers ministres qui en ont été saisis.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Un peu de silence, mes chers collègues ! Nous en venons à une question du groupe communiste.

APPLICATION DE LA LOI SUR LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Les députés communistes ont contribué à l'adoption de la loi relative à la réduction du temps de travail.

Lors du débat parlementaire, nous avions insisté sur la nécessité de dissuader les employeurs d'utiliser abusivement les heures supplémentaires, afin de favoriser les créations d'emplois. L'expérience le prouve, madame la ministre, de telles dispositions permettraient de s'opposer à la volonté du CNPF de détourner la loi en imposant une augmentation des heures supplémentaires, l'annualisation du temps de travail, une détérioration des conditions de travail avec, par exemple, le travail du dimanche et peu ou pas de création d'emplois.

Voilà ce que nous redoutions. C'est pourquoi nous avions proposé de limiter les heures supplémentaires et d'accroître leur coût pour les rendre plus dissuasives.

L'INSEE estime le nombre annuel d'heures supplémentaires à 400 millions, soit 230 000 emplois à temps plein. Et, malheureusement, ce nombre augmente sensiblement.

Parce que nous voulons que la loi se traduise par des créations d'emplois, nous considérons qu'on ne peut pas attendre. Il est nécessaire de prendre des mesures, notamment pour empêcher le grand patronat de faire ce qu'il veut.

Aussi, madame le ministre... ou plutôt madame la ministre (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française Alliance), je voudrais connaître les mesures immédiates que vous envisagez afin que les accords de réduction du temps de travail puissent se traduire par une amélioration des conditions de travail et, surtout, par des créations d'emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, permettez-moi d'abord de rappeler que M. le Premier ministre n'a pas dit qu'une question sur le visa du contrôleur financier n'avait pas été posée hier : il a simplement demandé si elle avait été posée. D'ailleurs, je ne l'avais pas plus entendue que lui (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) car, même lorsque vous posez vos questions, vous criez.

Voulez-vous entendre la réponse ? (« Oui ! Oui ! » sur les mêmes bancs.)

Je répète ce que j'ai dit hier : l'appel d'offres a eu lieu selon les procédures et les délais prescrits par la réglementation. Le contrôleur financier a donné son visa le 25 juin, date à laquelle le contrat a été notifié à la socié té concernée. Le premier ordonnancement est intervenu le 10 août et le visa du contrôleur financier a été accordé le même jour. Je vous tiendrai informés, à la manière d'un feuilleton, des différents ordonnancements et des visas du contrôleur financier car je vois combien vous vous y inté-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1998

ressez, ce dont je me réjouis car, comme vous, je suis extrêmement attachée à l'application de la réglementation financière. J'aurais d'ailleurs souhaité qu'elle soit appliquée dans les circonstances que nous avons évoquées hier.

Mais peut-être aurons-nous l'occasion d'y revenir dans quelque temps.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Monsieur Gremetz, s'agissant de la réduction de la durée du travail, je ne m'inquiète pas de ce qui se passe actuellement sur le terrain, qu'il s'agisse de l'emploi ou des droits des salariés.

Il est vrai que plusieurs organisations patronales de branche ont proclamé avec emphase leur volonté de contourner la loi. Mais, n'en déplaise à certains, la loi, c'est la loi, et il faudra bien l'appliquer car nous sommes dans une démocratie ! Mme Odette Grzegrzulka.

Très bien !

M me la ministre de l'emploi et de la solidarité.

L'accord intervenu dans la métallurgie n'est pas un accord au sens de la loi car il ne réduit pas la durée du travail. C'est sans doute un véritable accord idéologique, mais ce n'est pas un accord social, comme nous souhaitons qu'il en soit signé. C'est la raison pour laquelle il ne sera pas étendu. Le patronat n'a d'ailleurs pas encore demandé son extension. Celui-ci se doutait sans doute qu'il ne s'agissait pas d'un véritable accord - je l'ai moimême qualifié de « virtuel » - puisque, selon son texte même, il ne s'appliquera qu'au 1er janvier 2000, et encore, après que les partenaires sociaux auront examiné la deuxième loi. Or vous imaginez bien que cette deuxième loi ne prendra pas en compte les jours fériés dans le calcul de la durée du travail, qu'elle n'augmentera pas les heures supplémentaires et qu'elle ne diminuera pas les sanctions pour heures supplémentaires.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Cette volonté d'impressionner les entreprises par rapport à la loi ne marche pas : nous savons que 20 % des entreprises françaises sont en train de négocier et que 20 % s'apprêtent à s'engager dans la négociation.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

J'ajoute que près de 20 % des accords déjà signés - ils dépassent le nombre de 320 - l'ont été dans la métallurgie. Cela signifie, je le dis comme je le pense, que, pour la première fois peut-être dans notre pays, s'engagent de vrais débats sociaux à la faveur desquels l'entreprise fait savoir à ses salariés ce dont elle a besoin pour mieux fonctionner...

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M.

Thierry Mariani.

Tout cela est méprisable ! Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... au regard de la concurrence et de la compétitivité. Les salariés, de leur côté, disent comment ils souhaitent travailler d'une manière plus qualifiée pour apporter leurs talents à l'entreprise et mieux concilier leur vie familiale et leur vie professionnelle.

Enfin, dans toutes les entreprises où nous nous rendons et qui ont signé des accords - plus de 320 en deux mois -, les salariés nous disent : « Nous sommes fiers car nous créons de l'emploi ! » (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Aujourd'hui, mesdames, messieurs les députés, les accords signés représentent 8 % de créations d'emplois, 8 % d'effectifs en plus dans les entreprises concernées, soit un pourcentage supérieur au minimum légal de 6 %.

Plus de 4 000 emplois ont été créés en deux mois grâce à la réduction de la durée du travail.

(Applaudisssements sur les bancs du groupe socialiste.)

N'en déplaise à l'UMM ou au CNPF ! Dans le fond, les chefs d'entreprise, comme les salariés français, savent que le chômage tue notre société et ils veulent nous aider à le résorber.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M.

le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M.

le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze sous la présidence de M. Michel Péricard.)

PRÉSIDENCE DE M. MICHEL PÉRICARD,

vice-président

M.

le président.

La séance est reprise.

2 DÉCISION DU BUREAU DE LA COMMISSION DES FINANCES

M.

le président.

J'informe l'Assemblée que le bureau de la commission des finances a été saisi, en application de l'article 92, alinéa 2, du règlement, de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité adoptée par la commission des lois.

Il a été décidé que l'article 40 de la Constitution était opposable à l'article 15 de cette proposition.

Cette décision sera annexée à la suite du compte rendu de la présente séance.

3

CONSEIL DE L'EUROPE Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification du sixième protocole additionnel à l'accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de l'Europe (nos 1075, 1103).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.


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Article unique

M. le président.

« Article unique. - Est autorisée la ratification du sixième protocole additionnel à l'accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de l'Europe, fait à Strasbourg le 5 mars 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

4

COUR EUROPE

ENNE

DES DROITS DE L'HOMME Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification de l'accord européen concernant les personnes participant aux procédures devant la Cour européenne des droits de l'homme (nos 1076, 1103).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

M. le président.

« Article unique. - Est autorisée la ratification de l'accord concernant les personnes participant aux procédures devant la Cour européenne des droits de l'homme, fait à Strasbourg le 5 mars 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

M. le président.

Je vous remercie, monsieur le ministre délégué chargé des affaires européennes.

5

LOI D'ORIENTATION AGRICOLE Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation agricole (nos 977, 1058).

Discussion des articles (suite)

M. le président.

Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée à l'article 3, après avoir commencé d'entendre les orateurs inscrits sur cet article.

Article 3 (suite)

M. le président.

Je rappelle les termes de l'article 3.

« Art. 3. - Il est inséré dans le code rural un article L. 311-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 311-4 . - Il est créé un fonds de financement des contrats territoriaux d'exploitation. Ce fonds a pour vocation de regrouper notamment les crédits destinés à la gestion territoriale de l'espace agricole et forestier ainsi que ceux destinés aux contrats territoriaux d'exploitation.

« Les opérations du fonds sont inscrites au budget du ministère de l'agriculture dans les conditions fixées par la loi de finances. »

La parole est à M. Jean Charroppin, inscrit sur l'article.

M. Jean Charroppin.

Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, la présentation du projet de loi d'orientation agricole a été, pour vous, l'occasion de rappeler notamment l'évolution de l'agriculture française dans le cadre européen et sa triple dimension : économique, environnementale et sociale.

Le contrat territorial d'exploitation que vous proposez est censé apporter les réponses adaptées aux défis présents et aux mutations futures de l'agriculture française. Or, l'article 3 du projet de loi d'orientation agricole, prévoyant la création du fonds de financement des CTE par regroupement des crédits destinés à la gestion de l'espace agricole et forestier, paraît impliquer un redéploiement des moyens affectés à d'autres systèmes de soutien aux agriculteurs.

Je vous serais donc reconnaissant, monsieur le ministre, de veiller à ce que les dispositions prévues à l'article 3 du projet de loi d'orientation agricole n'aboutissent pas à démunir durablement les bénéficiaires de mesures existantes et d'agir pour que la montagne ne soit pas oubliée dans le nouveau cadre législatif.

M. le président.

La parole est à M. Jean Proriol.

M. Jean Proriol.

Monsieur le ministre, l'article 3 vise à créer un fonds de financement des contrats territoriaux d'exploitation. Mais Bercy qui a accepté cette création, a gardé la clé du coffre et vous demande d'alimenter ledit fonds en prélevant sur d'autres crédits. Vous êtes donc ainsi conduit à utiliser la technique bien connue des vases communicants, enseignée à l'école de Jules Ferry et à celle de Méline. Le principe est simple : on branche un tuyau sur un fonds et on le vidange pour en alimenter un autre. Ainsi, on n'apporte aucun crédit supplémentaire.

Ce qui est vrai en physique l'est aussi en matière budgétaire.

Nous considérons, quant à nous, qu'opérer des prélèvements sur des fonds destinés principalement aux régions les plus déshéritées, et notamment aux régions de montagne, n'est pas une bonne solution. De même, nous n'approuvons pas le recours aux crédits européens. Sur quelles lignes de crédits européens allez-vous puiser pour alimenter votre fonds ? Ces crédits vont faire défaut là où ils étaient prévus. La technique qui consiste à utiliser les aides européennes pour financer les contrats territoriaux d'exploitation ne nous paraît pas bonne. Nous regrettons que le fonds ne soit pas plus alimenté par de nouveaux crédits nationaux.

M. Jean-Claude Lenoir.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1998

M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mesdames, messieurs les députés, avant que nous n'abordions l'article 3, je souhaiterais apporter des précisions sur les questions que vous évoquez, et notamment celle du financement des contrats territoriaux d'exploitation.

Sur le financement du CTE, il me semble utile de réaffirmer un certain nombre d'éléments, ne serait-ce que pour dissiper tout malentendu, Mais, pour cela, il est nécessaire de distinguer plusieurs étapes dans la mise en place du fonds de financement des contrats territoriaux d'exploitation.

Pour ce qui est de l'année 1999, j'aurais pu afficher pour le principe une enveloppe propre à marquer les esprits, mais qui aurait été déconnectée des besoins effectivement prévisibles. C'eût été, j'en conviens, une attitude peu responsable à l'égard des exigences d'une gestion sérieuse des deniers publics que sont en droit d'attendre nos concitoyens.

Ma priorité a été, au contraire, de donner au fonds de financement les justes moyens permettant de lancer les premiers contrats, et donc, de ne pas retarder la traduction sur le terrain des nouvelles orientations de la politique agricole. Vous êtes, en tant que parlementaires, particulièrement bien placés pour savoir que ce projet de loi ne pourra au mieux être adopté qu'au printemps prochain. Compte tenu du calendrier des travaux de votre assemblée et de celui du Sénat, les décrets d'application devraient, par conséquent, être publiés dans la foulée d'ici à l'été prochain.

Etant donné le délai nécessaire pour que les contrats soient concrètement élaborés et signés entre les agriculteurs et les représentants de l'Etat, c'est donc vraisemblablement à partir du mois de septembre 1999 que les premiers contrats pourront être signés. Dans ces conditions, l'enveloppe de 450 millions de francs prévue pour 1999 - 300 millions de francs du budget national, 150 millions de francs de crédits européens - sera largement suffisante pour couvrir les dépenses à effectuer sur l'année 1999 au titre des trois ou quatre mois concernés.

Le fonds de financement des contrats territoriaux d'exploitation sera alimenté par un redéploiement des crédits de mon ministère. Le Gouvernement a, sur ce point, été toujours parfaitement clair. Il s'agit de redistribuer différemment une partie des aides publiques à l'agriculture et non d'ajouter une couche supplémentaire. J'ai déjà eu l'occasion de rappeler l'origine des crédits redéployés : 140 millions viennent de la suppression du fonds de gestion de l'espace rural, 100 millions de la dotation des offices, 45 millions des OGAF, 15 millions du fonds d'installation en agriculture, le FIA.

Comment ont été choisies les lignes de mon budget qui font l'objet d'un redéploiement ? Certaines correspondent à des actions dont la philosophie était très proche de celles des CTE et dont les objectifs vont être repris par les CTE. Mais le contrat territorial d'exploitation va les insérer, comme c'est son objet, dans un projet global propre à chaque agriculteur. C'est pourquoi, par exemple, la disparition du fonds de gestion de l'espace rural ne signifie nullement la disparition des actions qu'il finançait. Bien au contraire. A cet égard, je suis surpris de constater que ceux qui s'opposent aujourd'hui le plus bruyamment à la disparition du fonds de gestion de l'espace rural sont ceux-là mêmes qui, lorsqu'ils étaient au Gouvernement ou le soutenaient, ont, à de multiples reprises, prélevé dans ses ressources pour d'autres usages.

M. François Sauvadet.

C'est faux ! On ne peut pas dire ça !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

En effet, elles vont s'articuler avec des objectifs économiques ou d'emploi au lieu de se limiter à compenser des pratiques perçues comme de simples contraintes.

De plus, je vous rappelle que, pour les actions de protection des sites les plus fragiles du point de vue écologique, le Gouvernement a créé, dans le budget pour 1999, un fonds de gestion des milieux naturels qui sera inscrit au budget de ma collègue chargée de l'environnement et de l'aménagement du territoire.

Concernant le FIA, je vous indique que le redéploiement de 15 millions de francs n'affectera pas en réalité le niveau des actions qui seront engagées, car il correspond à des reliquats de crédits antérieurs. Les crédits disponibles pour le FIA seront en réalité supérieurs aux 160 millions de francs de cette année.

Les crédits redéployés des offices seront ciblés sur des actions actuellement mises en oeuvre par seize offices dans des domaines relevant de la logique des CTE tels que l'aide à la qualité des produits, à la valorisation des productions du terroir ou à la diversification. Nous en discuterons avec les professionnels dans le cadre du conseil supérieur d'orientation agricole.

J'ai dit que mon objectif était de répartir les crédits publics de façon plus horizontale, moins liée aux seules logiques des filières et cela doit s'appliquer aux crédits des offices, c'est ce que j'entreprends dès le prochain budget.

Voilà donc pour l'année 1999.

Au-delà, mon projet est d'obtenir dans le cadre de la réforme de la PAC que la modulation des aides communautaires alimente le fonds de financement des CTE.

Cette modulation n'a rien à voir, contrairement à ce que certains essayent de me faire dire avec une rationalisation de la PAC que je combats vigoureusement.

Ce que je défends, c'est l'utilisation d'une partie des aides directes de la PAC pour financer des actions répondant aux fonctions multiples de l'agriculture. Le principe général de la modulation des aides directes figure dans la proposition de la Commission - le paquet Santer -. C'est un atout majeur dans la négociation, même si le système proposé par la Commission m'apparaît trop limité.

La France a fait de nouvelles propositions visant à élargir ce dispositif en évitant toute renationalisation. Les modalités de la modulation des aides comme leurs conditions d'emploi seront en effet fixées par des règlements communautaires, ainsi que j'ai eu l'occasion de le dire dans mon intervention liminaire lundi dernier. En outre, ces aides devraient être financées à 100 % par le budget européen.

Ces propositions figurent explicitement parmi les sujets que le conseil des ministres de l'agriculture des Quinze évoquera dans les prochaines semaines et les prochains mois au cours de la négociation de la réforme de la PAC.

Une large majorité d'Etats membres s'accordaient déjà pour estimer que la modulation doit aller au-delà du seulr èglement agri-environnemental pour concerner l'ensemble des mesures de développement rural.

C'est une première avancée pour nos thèses. Cela n'empêche pas qu'au niveau national d'autres redéploiements soient effectués dans le cadre du budget du ministère de l'agriculture afin de poursuivre avec plus d'ampleur la logique de redistribution des aides.

C'est pourquoi le budget 2000 devra probablement intégrer de nouveaux redéploiements, dont il conviendra de discuter avec les organisations professionnelles. Il me


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paraîtrait pas choquant, par exemple, que nous nous interrogions sur l'articulation des aides à l'installation ou des aides agri-environnementales avec les CTE. Il est donc clair que le fonds de financement des CTE va être amené à monter en puissance, je suis le premier à le reconnaître. Ce sera l'affaire du budget 2000, que nous construirons l'an prochain. Il pourra intégrer le produit de la modulation des aides européennes, puisque la réforme de la PAC aura fait l'objet de décisions.

Je tiens à préciser que, pour ma part, je n'ai jamais évoqué le chiffre de 30 000 francs par CTE ou celui de 12 000 CTE en 1999, que j'ai entendus à plusieurs reprises depuis le début de nos travaux. Bien au contraire, si comme je le souhaite, le CTE correspond à un projet d'exploitation, il me paraît complètement inapproprié d'évoquer cette notion d'aide forfaitaire et ces chiffres.

M. François Sauvadet.

La notion oui, mais pas les chiffres !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Le montant des aides reçues par l'exploitation dépendra de la qualité de son projet et de son contenu. Je n'ai pas de vision technocratique du CTE. Je l'envisage comme un véritable contrat entre l'agriculteur et l'Etat. Le montant des aides dépendra donc des clauses de ce contrat. On me dit qu'il risque d'y avoir des files d'attente. Je remercie du crédit qui est ainsi apporté à ce projet.

M. François Sauvadet.

C'est spécieux !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Bien entendu, chaque fois qu'une politique publique se met en place, il faut, au fil des exercices budgétaires, faire valoir et reconnaître la priorité affichée, procéder à des arbitrages et à des redéploiements. C'est ainsi que se construisent une politique et son budget. Ce fut le cas pour l'installation, pour les plans de développement, pour l'indemnité viagère de départ. Je ne prétends pas innover en ce domaine. En leur temps, ces procédures ont été des succès. Je ne doute pas qu'il en sera de même pour le contrat territorial d'exploitation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission de la production et des échanges.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

Monsieur le ministre, je tiens tout d'abord, au nom de la commission, à vous remercier pour les éclaircissements que vous avez apportés sur le financement des contrats territoriaux d'exploitation.

M. François Sauvadet.

Ça, c'était clair !

M. André Lajoinie, président de la commission.

Je vous remercie également d'avoir indiqué, comme vous l'aviez déjà fait une première fois devant notre commission, que les décrets d'application seront promulgués en même temps que la loi. D'ailleurs, s'il était possible de disposer des projets de décrets avant la fin de la dernière lecture, ce serait encore mieux, car cela nous permettrait de bien mesurer les répercussions du texte que nous sommes en train de discuter.

Ma deuxième remarque porte sur le calendrier d'adoption de la loi. Vous avez dit, monsieur le ministre, que le Sénat n'envisage pas d'examiner ce texte en première lecture avant le début de l'année prochaine, ce qui va retarder d'autant l'adoption définitive de la loi et sa promulgation. Dès lors, compte tenu des préoccupations tant des éleveurs que des syndicalistes - je viens de les recevoir -, à propos de la tension sur le prix du foncier agricole et de la concurrence qui se fait jour, ne conviendrait-il pas, avant la promulgation officielle de la loi et des décrets, de prendre des mesures conservatoires en concertation avec les préfets ? Cela éviterait certains abus d'accaparement des terres au nez et à la barbe des jeunes qui veulent s'installer notamment sous forme sociétale.

Nous craignons en effet qu'avant la promulgation de la loi, des gens mal intentionnés se livrent à la spéculation, ce qui irait à l'encontre de notre objectif de favoriser l'installation de nombreux agriculteurs.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 82 et 551.

L'amendement no 82 est présenté par M. Patriat, rapporteur, M. Alaize et les commissaires membres du groupe socialiste ; l'amendement no 551 est présenté par MM. Alaize, Paul, Chazal, Patriat, Parrenin, Bataille et les membres du groupe socialiste.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Compléter ainsi le premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 311-4 du code rural : ", à l'exception des concours éventuels des régions et des départements.". »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

82.

M. François Patriat, rapporteur.

Au cours des deux précédentes journées, nous avons voté l'article 1er qui définit les missions de l'agriculture et l'article 2 qui crée le contrat territorial d'exploitation. Il serait bon que, dans la suite du débat, nous ne revenions pas sur les arguments déjà développés et que nous nous bornions à examiner les amendements stricto sensu . Telle sera, en tout cas, l'attitude qu'adoptera le rapporteur.

M. Germain Gengenwin.

Ça fera gagner du temps !

M. François Patriat, rapporteur.

Merci de m'approuver, monsieur Gengenwin.

J'en viens aux amendements. M. le ministre vient donc excellemment d'expliquer comment seront financés les CTE. Cela aura sûrement apaisé les craintes que certains pouvaient avoir. Aujourd'hui, les départements et les régions s'impliquent chacun à leur manière dans le financement de l'agriculture. L'un peut choisir de financer l'agriculture différenciée, tandis qu'un autre préférera se concentrer sur les bâtiments d'élevage ou les PMPOA, cela dépend de chacun. Il y a en tout cas déjà une forte implication. Les départements et les régions peuvent donc très bien décider demain de s'impliquer dans une démarche qui leur paraîtrait novatrice et socialement et économiquement intéressante pour l'agriculture, et de participer au financement des CTE. C'est la raison pour laquelle les amendements nos 82 et 551 indiquent clairement que ces concours éventuels ne sont pas inclus dans le fonds.

M. Germain Gengenwin.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume.

Malgré la longue explication, que vous avez donnée, monsieur le ministre, le financement des CTE continue de m'inquiéter car, même si vous n'avez pas osé l'avouer, il impliquera une sollicita-


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tion accrue des régions. A cet égard, l'amendement en discussion est significatif. En effet, s'il ne touche pas au principe des financements de l'Etat par redéploiement prévu dans l'article, il laisse bien entendre qu'il pourra y avoir des aides régionales.

Je vous donne donc acte de vos explications sur la manière dont vous allez assurer ce redéploiement. J'aurais d'ailleurs aimé que vous soyez aussi prolixe sur le contenu lui-même des CTE, parce que, pour l'instant, nous sommes toujours dans le brouillard. Lorsque, en fin de semaine, les agriculteurs de nos circonscriptions nous interrogeront sur ce débat, nous pourrons seulement leur dire que l'Etat prendra dans diverses rubriques les moyens nécessaires au financement de l'opération, mais que nous ne savons pas pour quoi faire.

Je ne vois donc pas comment vous allez pouvoir solliciter des aides au travers des CTE, dans la mesure où nous ne savons ni comment ils seront organisés ni quelles opérations précises seront concernées, notamment en matière de service collectif de protection des ressources naturelles et d'entretien des paysages.

Monsieur le ministre, vous avez donc indiqué que 300 millions de francs proviendraient de redéploiements nationaux, dont 140 millions, si j'ai bien compris, du fonds de gestion de l'espace rural. Après tout, pourquoi pas ? Par contre lorsqu'on veut prélever une centaine de millions sur les dotations des offices, je ne peux plus être d'accord parce que cela va les priver de moyens d'intervention, en particulier pour des actions ponctuelles tendant à redresser la situation de certains marchés.

Reliant vos propos, monsieur le ministre, à l'exemple étonnant pris hier soir par M. Patriat indiquant que l'on pourrait aider ceux qui fabriquent du cassis de Dijon, je crois comprendre que vous allez enlever aux offices les moyens par lesquels ils aident les groupements de producteurs à mener de telles opérations, pour permettre la réalisation des mêmes opérations, moins bien naturellement, dans le cadre des CTE. J'avoue que je n'en vois pas l'intérêt.

M. Christian Jacob.

Très bien !

M. François Patriat, rapporteur.

Nous aiderons les producteurs, pas les groupements !

M. François Guillaume.

Qui plus est, vous allez prélever des moyens financiers - une quinzaine de millions, si j'ai bonne mémoire - destinés à aider à l'installation, sous prétexte que les crédits inscrits à ce titre n'ont pas été consommés au cours des dernières années. Mais puisque vous avez l'ambition d'installer davantage des jeunes agriculteurs, gardez donc ces 15 millions pour les opérations traditionnelles d'installation de jeunes agriculteurs, qui ont démontré leur efficacité au cours des années passées.

M. Charles de Courson.

Très bien !

M. François Guillaume.

Vous ne pouvez pas non plus fonder le financement de vos CTE sur les 150 millions prélevés sur les aides européennes directes alors que la négociation n'est pas entamée et que vous ne savez absolument pas ce qu'il en ressortira !

M. Christian Jacob.

Tout à fait !

M. François Guillaume.

De toute façon, votre financement n'est pas fondé.

M. Christian Jacob.

Très bonne argumentation !

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

L'intervention de M. Guillaume m'inspire deux remarques contrastées.

D'abord elle constitue un hommage tardif aux offices que M. Guillaume a tant combattus.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. François Guillaume.

Il ne faut pas dire n'importe quoi !

M. le président.

Monsieur Guillaume, je vous en prie ! Seul M. le ministre a la parole.

M. François Guillaume.

C'est Jacques Chirac qui a mis en place l'ONIBEV ! Relisez vos classiques ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Joseph Parrenin.

Voici M. Guillaume, une banderole dans les mains !

M. le président.

Calmons-nous !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Par ailleurs M. Guillaume est parti un peu trop tôt hier soir.

Peu après qu'il eut quitté ces travées, en effet, j'ai répondu à la question du contenu des CTE.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Guillaume.

J'ai lu le compte rendu ; ce n'est vraiment pas éclairant !

M. le président.

La parole est à M. Stéphane Alaize.

M. Stéphane Alaize.

Les propos tenue par M. Guillaume me laissent quelque peu dubitatif.

Hier, il a quitté l'hémicycle au mauvais moment, car nous avons abordé l'examen d'un amendement - j'allais dire oecuménique - de notre collègue M. Jacob qui a failli emporter l'adhésion de tous. Or, compte tenu de l'avancement de nos travaux, il me semble que nous pourrions parvenir à des accords parce que, au fil de la d iscussion, les arguments invoqués par l'opposition tombent les uns après les autres.

(Murmures sur les bancs du groupe Rassemblement pour la République.)

Ils ne sont plus fondés et deviennent irrecevables.

A vous entendre hier et cet après-midi, j'ai l'impression, mes chers collègues, que vous refusez d'accepter ce qui est raisonnable. Ainsi vous avez fait état de vos craintes d'une « renationalisation », d'une suradministration de notre agriculture.

M. Germain Gengenwin.

Monsieur le président, qu'il parle de l'amendement et cesse de donner des leçons !

M. Stéphane Alaize.

Or la mise en oeuvre des CTE tend précisément à la simplification, à la lisibilité et à l'efficacité, tout le contraire de ce que vous craigniez.

J'ai donc l'impression que vous n'avez plus d'arguments à opposer autres que spécieux et sans aucun lien direct avec l'objet du débat.

Je voudrais que vous puissiez nous accompagner et accepter cet amendement, qui va dans le sens que vous souhaitiez car il permettra, au-delà de l'Etat, aux collectivités territoriales d'oeuvrer elles aussi en faveur de l'agriculture, le CTE devenant le pilier de cette action.

M. François Guillaume.

Avec quel argent puisque vous leur supprimez la recette des droits de mutation ?

M. Stéphane Alaize.

En tout cas je suis persuadé que les conseils généraux et les conseils régionaux que vous dirigez apprécieront cet amendement. Nous pourrons alors constater que vous ne tiendrez pas, dans les régions et les départements, les mêmes propos qu'ici.

Je souhaite donc que vous nous accompagniez et que nous sortions de ce débat spécieux pour travailler véritablement sur la question de fond, celle de l'aide que


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1998

nous devons apporter à nos agriculteurs et à l'agriculture.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Proriol.

M.

Jean Proriol.

Monsieur le ministre, si votre explication relative au financement des CTE pour 1999 - avec lequel nous ne sommes pas d'accord - est claire dans la mesure où vous estimez qu'ils ne seront réellement lancés qu'à l'été ou à l'automne, votre argumentation pour l'an 2000 et les années suivantes m'a paru longuette et laborieuse.

M.

François Patriat, rapporteur.

Non, elle a été circonstanciée !

M.

Jean Proriol.

Peut-être, monsieur le ministre, ne pouviez-vous pas en dire davantage ? Je tiens néanmoins à vous poser une question précise à ce sujet.

En 1999 seront préparés les contrats de plan Etatrégions. Or, selon certains, les CTE pourraient être les noyaux durs de ces contrats de plan en ce qui concerne l'agriculture. Cela signifierait que les régions seraient pratiquement contraintes et forcées de prélever dans leurs budgets les sommes nécessaires pour compléter l'apport de l'Etat. Pouvez-vous nous donner aujourd'hui l'assurance que tel ne sera pas le cas ? Sinon vous retomberiez dans les difficultés que vous avez déjà connues avec le budget de l'Etat. Vous obligeriez les régions à effectuer des opérations de redéploiement au détriment d'actions très ciblées, très régionalisées, qui donnent satisfaction aux agriculteurs, le président Lajoignie en sait quelque chose pour l'Auvergne.

Sur ces questions précises, monsieur le ministre, j'attends donc votre réponse avec une grande impatience.

M.

Philippe Vasseur.

Très bien !

M.

le président.

La parole est à M. le ministre.

M.

le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je confirme les propos de M. Proriol : les contrats territoriaux d'exploitation seront bien ce qu'il a appelé le noyau dur des propositions de mon ministère pour la contractualisation avec les régions.

M.

Jean Proriol.

Vous ne l'aviez pas dit jusqu'à présent !

M.

le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Vous ne lisez pas tout ce que j'ai pu exprimer.

M.

Jean Proriol.

Vous ne l'aviez jamais confirmé dans cette enceinte !

M.

Christian Jacob.

Vous n'aviez pas cité les contrats de plan !

M.

le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je confirme ce que j'ai déjà dit qui accrédite la vérité du propos tenu par M. Proriol : les CTE feront bien partie des noyaux durs de nos propositions dans le cadre de la contractualisation.

Je dois en revanche souligner que nos positions divergent fortement sur la notion de contrat. Vous en avez en effet une conception à laquelle je ne peux absolument pas adhérer. Alors qu'un contrat est par nature la rencontre de deux volontés, vous parlez de régions

« contraintes et forcées ». Peut-être procédait-on ainsi de votre temps, mais telle n'est pas notre conception de la contractualisation de l'Etat avec les régions.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M.

le président.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Monsieur le ministre, vous savez très bien que si le financement des CTE est assuré dans le cadre des contrats de plan, ce sera au détriment d'autres actions, à moins que les régions ne décident d'augmenter leurs recettes fiscales. Les sommes nécessaires seront donc prélevées sur les dotations allouées aux plans de modernisation des bâtiments d'élevage, de lutte contre la pollution, d'aménagements pour la fertilisation des sols, bref de toutes les actions agricoles actuellement menées dans les régions.

D'une part, cela constituera un véritable handicap pour la politique qu'elles veulent conduire, d'autre part nous ne serions plus réellement dans un système contractuel, parce qu'en fait les contrats de plan sont négociés en lien direct avec la profession. En l'occurrence, elles seront obligées de se conformer à des cahiers des charges nationaux et vous leur imposerez un type de dépenses allant a contrario de ce qui était fait par le passé, et, globalement, plutôt bien fait.

L'autre problème qui m'inquiète est celui du financement à propos duquel les masques sont desormais tombés.

(Murmures.)

En effet, M. le ministre n'avait encore jamais été aussi clair à ce sujet. Seule Mme Marre avait apporté, tard la nuit dernière, quelque lumière sur les affectations financières.

Il y aura donc redéploiement à partir de crédits du FGER, des offices, des OGAF, des fonds d'installation.

Or, ainsi que je l'ai déjà souligné hier, les actions concernés bénéficiaient prioritairement aux régions les plus défavorisées. C'est donc bien à leur détriment que se fera le financement des CTE.

Il sera également assuré par prélèvement sur les fonds communautaires.

M. François Patriat, rapporteur.

C'est l'amendement suivant.

M. Christian Jacob.

En effet, M. le ministre a indiqué qu'ils seraient mis à contribution pour 150 millions de francs.

Mais ne craignez-vous pas que, dans ces conditions, nos collègues allemands, entre autres, estiment qu'il ne s'agit plus de politique agricole commune - dont ils ont déjà contesté le financement à plusieurs reprises -, mais d'une affaire franco-française et décident en conséquence de reprendre leurs billes ? Ce type de proposition, monsieur le ministre, risque de provoquer une baisse importante des soutiens communautaires dont bénéficie la France.

Il est un deuxième risque, que Mme Marre connaît bien car elle est très avertie des systèmes de financement communautaires. Dans la mesure où il s'agira alors de dépenses non obligatoires, le financement sera remis en cause chaque année. Le montage que vous prévoyez serait donc totalement aléatoire.

Compte tenu à la fois du prélèvement qui serait imposé aux régions et des risques pesant sur l'apport communautaire, nous ne pouvons absolument pas accepter le mode de financement que vous proposez.

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Monsieur le ministre, je veux d'abord rappeler que le fonds de gestion de l'espace rural dont vous avez parlé a été créé par la loi d'aménagement et de développement du territoire de 1995. Qui l'a doté ? Nous ! Qui s'est battu pour le demander ? Les jeunes agriculteurs et avec insistance !

M. François Patriat, rapporteur.

Qui l'a vidé ?


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M. François Sauvadet.

Qui s'est battu pour qu'il continue d'être alimenté ? Nous ! Philippe Vasseur s'en souvient certainement puisqu'il a livré bataille pour qu'il soit réalimenté. Qui a demandé que le FGER soit recentré sur ses missions territoriales ? Nous ! Je vous renvoie aux débats que nous avions eus à ce sujet en 1996. Voilà la vérité ! Cela étant, je n'ai pas très bien suivi, monsieur le ministre, votre explication sur le financement des CTE.

Vous avez repris le chiffre de 12 000 CTE que vous n'aviez jamais démenti et vous avez précisé les contours du CTE au cours du débat que nous venons d'avoir.

Vous avez d'ailleurs eu raison de souligner qu'une divergence fondamentale nous séparait à ce sujet. En effet, vous avez une vision étatique du contrat dans la mesure où c'est l'Etat qui conduira son élaboration avant de le renvoyer à l'individu puisque c'est l'entreprise individuelle qui le signera. Nous n'avons pas la même vision du contrat.

Cela étant précisé, vous devez être plus clair sur le financement.

Comment pouvez-vous dire que vous allez réaliser les mêmes opérations à l'aide de sommes dont une partie sera prélevée sur des fonds existants, alors que vous allezr envoyer leur utilisation à des contrats individuels conformes à des contrats types déterminés par l'Etat ? Il faut nous fournir une explication à ce sujet.

Comment pourrez-vous conduire les mêmes actions en faveur de l'installation des jeunes après avoir prélevé 15 millions de francs sur le fonds d'aide à l'installation dont vous avez dit vous-même qu'il était l'instrument majeur de votre politique en la matière ? Comment pourrez-vous, comme l'a souligné M. Guillaume, continuer à soutenir des actions - dont François Patriat s'est fait l'avocat hier - en faveur de certaines productions, quand vous aurez prélevé des sommes importantes sur la dotation des offices et utilisé une masse financière d'environ 300 millions de francs dans le cadre de contrats dont je répète qu'ils sont, par nature, des contrats individuels ? Monsieur le ministre, sur l'Europe, enfin, vous avez apporté une précision intéressante que vous n'aviez pas donnée auparavant. Vous avez en effet indiqué que vous utiliseriez pour financer les CTE une partie des aides directes de la PAC, celle qui correspond, en quelque sorte, à la multifonctionnalité. A cet égard nous avons proposé un amendement demandant que tous les fonds européens consacrés à l'organisation et au soutien des marchés ne soient pas compris dans la négociation.

Puisque, depuis hier, vous nous appelez à la cohérence, j'espère que vous aussi serez cohérent. En tout cas, vous pouvez constater que nous sommes constants dans nos questions et nous espérons que nous aurons, sur le financement, des éclaircissements aussi précis que ceux obtenus hier sur les contours du CTE, dont nous ne partageons pas la philosophie.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 82 et 551.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 517 et 312, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 517, présenté par MM. Sauvadet, de Courson, Gengenwin, Hériaud, Lestas, Le Nay, Morisset, Landrain, Deprez, Martin, Grimault et Ligot, est ainsi rédigé :

« Compléter la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article L.

311-4 du code rural par les mots : ", à l'exception des aides de l'Union européenne versées en application des organisations communes de marché." » L'amendement no 312, présenté par MM. Jean-Claude L emoine, Martin-Lalande, Fromion, Quentin et les m embres du groupe du Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production, est ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé pour l'article

L. 311-4 du code rural par l'alinéa suivant :

« Toutefois, s'agissant des contrats territoriaux d'exploitation, les moyens financiers nécessaires ne pourront en aucun cas être prélevés sur les fonds européens attribués en compensation de la baisse des prix, décidés dans le cadre de la politique agricole commune ou sur les crédits prévus pour assurer le financement des offices interprofessionnels. »

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 517.

M. Charles de Courson.

Cet amendement no 517 concerne en fait deux problèmes relatifs l'un aux fonds européens, l'autre aux fonds nationaux, par lesquels je vais commencer.

Les 300 millions de francs que vous voulez redéployer, monsieur le ministre, sont tout à la fois des crédits d'investissement et des crédits de fonctionnement, car, si nous avons bien compris, vous n'excluez pas le financement d'investissements au travers des CTE. Or, si vous créez un tel chapitre, il recevra un crédit global. Dans ces conditions, vous le savez, la répartition des crédits dépend d'un arrêté du seul ministre des finances. Vous serez donc corseté pour leur utilisation et soumis au bon vouloir du ministère des finances.

Pour ce qui est du problème des fonds communautaires, nul ne peut encore dire si vous pouvez en obtenir pour alimenter le fonds de financement des CTE, car une telle décision est soumise à une discussion communautaire. Les mauvais esprits pensent même que vous êtes extrêment isolé parmi nos partenaires de l'Union européenne. Ce n'est pas un secret d'Etat.

E n matière de négociation communautaire, nous sommes surtout soucieux de la protection des OCM. Il ne faut pas qu'un seul sou soit prélevé sur leurs dotations pour abonder ce fonds. En effet on risquerait alors de voir les intérêts français mal défendus et de déboucher sur la passation d'un marché de dupes dans le redéploiement des fonds communautaires. Il est donc indispensable que vous ne demandiez les sommes attendues que sur d'autres crédits que ceux alloués aux OCM. Tel est l'objet de cet amendement.

Il serait d'ailleurs intéressant, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez où vous en êtes dans la négociation sur cette question.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Ollier pour soutenir l'amendement no 312.

M. Patrick Ollier.

Monsieur le ministre, nous reviendrons toujours au même débat parce que nous avons besoin d'éclaircissements sur le financement des CTE.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1998

L'amendement déposé par les membres de mon groupe tend à introduire dans le texte une clause de sécurité pour empêcher, comme vient de le dire M. de Courson, toutes tentatives de dérive, de transfert et tous systèmes de vases communicants entre les fonds européens ou le financement des offices interprofessionnels et celui des CTE qui risqueraient de remettre en cause les politiques déjà engagées.

Les aides communautaires - permettez-moi d'y insister - sont destinées à compenser des baisses de prix. Elles ne sont pas des subventions. Il ne serait pas du tout adapté de les transférer au financement des CTE.

En ce qui concerne les offices interprofessionnels, je crois me souvenir que M. Guillaume avait mené une politique de soutien les concernant. Il a d'ailleurs été à l'origine de la création d'un office. Mais je n'y insiste pas.

Un mélange risque d'intervenir. Je comprends que vous ayez quelques soucis, monsieur le ministre, pour trouver les moyens de financement des CTE. Mais nous sommes très inquiets car, pour réussir la mise en place de ces contrats, vous risquez de provoquer la dislocation de politiques qui ont fait leurs preuves, qu'il s'agisse du système des soutiens européens ou de celui des offices interprofessionnels.

Monsieur le ministre, je ne mets pas en doute votre bonne foi. Je voudrais simplement qu'elle se confirme par l'introduction dans votre texte de la clause de sécurité que nous vous demandons afin d'avoir la certitude qu'il n'y aura pas de tentation de transfert de fonds.

Je terminerai, monsieur le président, sur le fonds de gestion de l'espace rural. Je n'ai pas voulu en parler tout à l'heure. C'est en tant que rapporteur du projet de loi sur l'aménagement du territoire - je remercie M. Sauvadet de l'avoir rappelé - que, avec le gouvernement de l'époque, M. Pasqua et la majorité, j'ai participé à la créa tion du fonds de gestion de l'espace rural. Je suis extrêmement inquiet de voir ce qui se passe.

M. Charles de Courson.

Il disposait de 500 millions !

M. Patrick Ollier.

Nous nous sommes battus pour obtenir ces 500 millions, que nous devions doubler l'année suivante. Mais, nous ne l'avons pas fait. Nous avons même eu du mal à maintenir le financement du FGER à ce niveau.

M. François Sauvadet.

c'est vrai !

M. François Patriat, rapporteur.

Il baisse !

M. Patrick Ollier.

Mais oui, monsieur Patriat. Nous avons mené un combat commun pour essayer de sauver les crédits du FGER. Et nous avons réussi à en sauver une partie.

M. François Sauvadet.

140 millions !

M. Patrick Ollier.

Les élus de la montagne, qui sont nombreux dans cette assemblée, avaient participé à ce combat.

Ce fonds de gestion avait trouvé son équilibre. Les agriculteurs et l'ensemble des acteurs avaient commencé à comprendre sa finalité, son fonctionnement et surtout à l'intégrer dans les prévisions et dans les démarches d'entreprise de leur exploitation. Or, vous êtes en train de donner un coup de frein qui va provoquer un tête-àqueue.

En pompant sur les fonds du FGER, comme sur les aides européennes, et le financement des offices interprofessionnels, pour financer les CTE, vous risquez de compromettre d'une manière radicale l'avenir de celui-ci.

Comment voulez-vous qu'un fonds soit efficace dans la politique pour laquelle il a été prévu en transférant une partie de ses crédits à une politique qui n'est pas forcément la sienne ? Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, je souhaiterais que, pour nous confirmer vos bonnes intentions, vous acceptiez l'amendement no 312.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. François Patriat, rapporteur.

Au début du débat, j'ai rappelé qu'il restait encore 800 amendements à examiner.

M. Michel Bouvard.

On a le temps.

M. François Patriat, rapporteur.

De grâce, ne revenons pas aux amendements précédents et n'anticipons pas sur les amendements suivants. J'ai le sentiment que nous pouvons faire plus bref.

Néanmoins, j'ai entendu beaucoup de choses auxquelles je me dois de répondre.

Monsieur Guillaume, vous avez brillamment défendu, à cette tribune, votre conception de la politique agricole.

M. Charles de Courson.

C'était l'amendement précédent.

M. François Patriat, rapporteur.

Je ne la partage pas mais j'avoue que l'exercice, sur la forme, était brillant. Ne vous rabaissez pas, dans le débat d'aujourd'hui, au niveau du comice cantonal.

M. Michel Bouvard.

Les injures n'arrangent rien !

M. François Patriat, rapporteur.

Vous avez défiguré ma démonstration sur les offices. Vous avez tort. S'il n'y a plus aujourd'hui de producteurs de cassis dans la région de Bourgogne, c'est justement parce que les offices n'ont pas rempli leur mission. C'est pourquoi nous préférons désormais attribuer des crédits directement aux agriculteurs plutôt qu'aux organismes, pour plus d'efficacité.

(« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Ollier.

Autant les supprimer !

M. Michel Bouvard.

L'Etat n'a qu'à contrôler le travail des offices !

M. François Patriat, rapporteur.

J'ai été surpris, monsieur Guillaume, de vous entendre vous offusquer de la baisse des droits de mutation. Seriez-vous contre la diminution des prélèvements obligatoires ?

M. Charles de Courson.

Non, il n'est pas contre.

M. François Patriat, rapporteur.

Il est vrai que la majorité que vous avez soutenue pendant deux ans les a augmentés de quelque 150 milliards. Je comprends votre déception.

Monsieur Guillaume, vous avez parlé de l'ONIBEV. Je veux, quant à moi, vous rappeler la longue histoire des avancées agricoles votées par les gouvernements de gauche depuis 1936, ...

M. Michel Bouvard.

Oh, là là ! Nous n'étions pas nés en 1936 !

M. François Patriat, rapporteur.

... que vous avez combattues quand nous les avons créées mais que vous avez accaparés ensuite. Je vous renvoie à l'Office du blé.

Vous avez condamné les quotas, les prix différenciés, les offices. Les agriculteurs nous disent aujourd'hui combien ces rendez-vous manqués leur font défaut.

Monsieur de Courson, écoutez non plus les mauvais esprits mais les bons ministres.

(Sourires.)


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Vous avez parlé du fonds de gestion de l'espace rural.

La loi de 1995 comportait des aspects positifs et j'y ai souscrit. J'en ai longuement parlé avec Patrick Ollier.

M. Charles de Courson.

Vous ne siégiez pas à l'Assemblée à l'époque.

M. François Patriat, rapporteur.

J'ai rédigé un rapport pour le Conseil économique et social et j'ai appliqué la loi de 1995 sur le terrain avec M. Sauvadet, monsieur de Courson.

M. Patrick Ollier.

C'est vrai !

M. François Patriat, rapporteur.

J'ai essayé de prendre ce qui était bon, sans faire de manichéisme.

Mais nous considérons que le FGER n'est pas bien ciblé et que ses actions sont souvent détournées de leur objectif initial, qui est d'aider les agriculteurs à mener à bien un projet économique.

M. Michel Bouvard.

C'est l'argumentation employée par Bercy pour supprimer des crédits. On l'a déjà entendue !

M. François Patriat, rapporteur.

Le FGER, chers collègues, est employé très peu pour des actions économiques et souvent pour des actions faussement environnementales, sauf - M. Ollier a raison - dans les zones de montagne où, là, il était bien étudié.

M. Patrick Ollier.

Que les préfets fassent leur travail !

M. François Patriat, rapporteur.

Quand vous l'avez créé, il disposait de 500 millions. L'année dernière, les caisses étaient vides. Vous vous êtes battus pour qu'il dispose encore de 170 millions, je vous l'accorde. Mais rien n'empêche demain les crédits du fond de gestion de l'espace rural, comme ceux d'une partie des offices d'être enfin ciblés sur des projets économiques globaux tels que nous les avons définis par ailleurs.

L'amendement de M. Sauvadet tend à exclure du financement des CTE les aides européennes versées pour les produits sous organisation commune de marché. Or l'article 1er prévoit que les produits sous OCM sont exclus du texte de loi. Par conséquent, votre amendement n'a pas lieu d'être.

(Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. François Sauvadet.

Au contraire !

M. François Patriat, rapporteur.

Pour toutes ces raisons, la commission de la production a rejeté les deux amendements.

M. Charles de Courson.

Vous êtes pour, donc vous êtes contre !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je souscris pleinement à l'invitation adressée par M. le rapporteur aux parlementaires : ne consacrez pas autant d'énergie à vous inventer des peurs ! Sur la querelle du FGER, j'ai pour ma part une certitude : lorsque je suis arrivé au ministère de l'agriculture, j'ai trouvé ce fonds bien asséché. Il ne disposait plus que d'environ 40 millions de francs. Dans un dialogue fructueux avec le ministre de l'économie et le secrétaire d'Etat au budget, j'ai fait valoir qu'il fallait prioritairement le doter à hauteur de 140 millions de francs.

M. Charles de Courson.

C'est bien !

M. François Sauvadet.

Jusque-là ça va !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

La distinction opérée par M. de Courson entre crédits d'investissement et crédits de fonctionnement n'est pas pertinente. L'intérêt du fonds de financement des contrats territoriaux d'exploitation est de fusionner les crédits qui seront délégués, sous forme d'enveloppe globale, dans les départements. C'est sur le terrain que la ventilation sera décidée en fonction des besoins exprimés, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire.

J'ai également eu l'occasion d'exposer, en m'expliquant sur l'article 3, les conditions dans lesquelles j'envisageais le financement des CTE. Leur affectation d'une partie des aides européenne versées en application des organisations communes de marché sera modulée ou plafonnée dans les conditions que j'ai indiquées.

Cette affectation est un de mes objectifs dans la négociation en cours à Bruxelles. Il traduit, ce me semble, de façon très concrète, la cohérence entre la démarche que j'envisage à Paris et celle que je conduis au niveau européen. C'est précisément parce qu'il ne peut y avoir de divorce entre la politique nationale et la politique communautaire que j'émets un avis défavorable aux amendements nos 517 et 312 de M. Sauvadet.

M. le président.

La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez.

En tant que cosignataire de l'amendement no 517, je souhaite répondre très brièvement à

M. le rapporteur et à M. le ministre.

Ce que vient de dire M. le ministre confirme qu'il y a une erreur de calendrier. Puisque nous avons tardé plus d'un an à présenter à l'Assemblée le projet de loi d'orientation agricole, il aurait mieux valu légiférer après que M. le ministre eut obtenu les résultats qu'il souhaite à Bruxelles.

M. Philippe Vasseur.

C'est évident !

M. Léonce Deprez.

C'est la réforme de la politique agricole commune qui fait peser des menaces sur l'avenir du monde agricole et il n'apparaît pas cohérent de prendre des mesures avant même de savoir si les démarches françaises aboutiront à Bruxelles. Ce faisant, nous prenons un grand risque. Il aurait mieux valu agir en sens inverse.

Par ailleurs, nous sommes un certain nombre de parlementaires à participer activement dans nos régions au financement des opérations de conversion et de revitalisation de l'espace rural dans les zones de montagne comme dans celles de plateaux et de plaines.

Michel Bouvard et M. Patrick Ollier.

Merci !

M. Léonce Deprez.

A ce propos, j'ai apprécié les propos tenus par Mme Aubert lors d'une mission en Israël.

Elle y faisait part de son inquiétude de voir s'installer une certaine confusion, confusion qui va d'ailleurs se renforcer dans vos entretiens futurs, monsieur le ministre, avec Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, entre les contrats territoriaux d'exploitation et les contrats de pays qui seront un aspect important de la « loi Voynet », comme ils l'étaient déjà - n'est-ce pas monsieur Ollier ? - de la loi Pasqua.

M. Patrick Ollier.

Oui.

M. Léonce Deprez.

Où se situera la frontière entre les deux ? Des problèmes de financement de telle ou telle opération dans les contrats de pays risquent de se poser...

M. Patrick Ollier.

C'est évident.

M. Léonce Deprez.

... dans la mesure où les contrats territoriaux d'exploitation, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, vont devenir le noyau dur de la poli-


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tique de remise en valeur de l'espace rural. Cette inquiétude a été exprimée hier. Je crains que, dans le Nord Pas-de-Calais, nous n'ayons des moment difficiles à vivre.

Ne risque-t-on pas de voir le ministère de l'agriculture en conflit non plus seulement avec celui des finances, mais également avec celui de l'aménagement du territoire et de l'environnement ? C'est pourquoi il nous paraît bon de ne pas mélanger, comme vous avez l'intention de le faire, les financements.

Par prudence, nous estimons qu'il vaut mieux laisser de côté les fonds de l'Union européenne tant que nous ne connaissons pas l'issue des négociations de Bruxelles.

Nos alliés européens peuvent en effet de ne pas partager votre point de vue. Nous risquons de légiférer pour rien et d'avoir à revenir devant le Parlement.

M. le président.

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume.

Je ne vais pas reprendre la démonstration que j'ai faite tout à l'heure. Il est parfaitement clair, monsieur le ministre, que, ayant récupéré tous les fonds qu'il vous était possible dans votre budget de l'agriculture, vous avez essentiellement tablé, pour financer vos CTE, sur les ressources communautaires et vous avez saisi l'occasion de la renationalisation d'une partie de la politique agricole commune. Malheureusement, vous êtes en train d'être pris à votre propre piège. A partir du moment où vous demandez une renationalisation d'une partie des aides compensatrices distribuées aux agriculteurs, les Allemands et quelques autres, qui souhaitent une diminution de leur contribution budgétaire et qui savent parfaitement que le budget de l'agriculture représente 50 % des dépenses communautaires, vous proposent aujourd'hui, certes, de renationaliser 30 % des aides communautaires compensatrices mais, en même temps, demandent à chaque Etat de financer les 30 % d'aides distribués à ses propres producteurs. Voilà comment cela va se terminer ! C'est la raison pour laquelle l'amendement de sente

M. Lemoine est parfaitement justifié.

Quant aux offices, je voudrais apporter une précision.

Monsieur le rapporteur, ne venez pas me reprocher d'être hostile à l'Office du blé. Je n'étais pas né lorsqu'i l a été mis en place.

M. Dominique Dupilet.

Presque !

M. François Guillaume.

Par ailleurs, je me permets de vous faire observer que ce sont des gouvernements de droite, à la demande du syndicalisme agricole unitaire, qui ont décidé de mettre en place un certain nombre d'offices : l'Office de la viande, l'Onivit, l'Office du vin, l'Office du lait.

Je vous accorde que nous n'avons pas la même conception des offices. La vôtre date de 1932. Elle n'a jamais été reprise depuis, pas même par un gouvernement socialiste, parce qu'il était impossible à l'Etat de garantir toutes les sommes destinées à payer les produits agricoles sur l'ensemble de la production. Voilà pour la raison mécanique et financière. La deuxième raison, c'est que, vous, vous avez une conception étatique des offices.

M. François Brottes.

Le mot est lâché !

M. François Guillaume.

Notre conception des offices est différente.

M. Dominique Dupilet.

Avec les financements de l'Etat !

M. François Guillaume.

Quel est l'objet des offices ? Il est de favoriser l'organisation de la production, de financer des agriculteurs et de compenser des difficultés conjoncturelles au travers du soutien des marchés. Il est aussi de procéder à la répartition d'un certain nombre d'aides communautaires.

Pour vous montrer à quel point notre conception est différente de la vôtre, je vous rappellerai qu'en 1981, le ministre de l'agriculture, Mme Cresson, avait voulu utiliser les offices pour mettre en place des prix différenciés par région et par structure d'exploitation. C'était naturellement impossible et j'ai personnellement été obligé de faire adopter une loi fin 1986 pour supprimer ce dispositif.

M. Dominique Dupilet.

Vous avez supprimé beaucoup d'agriculteurs !

M. François Guillaume.

Avec votre proposition sur les offices, monsieur Patriat, vous en revenez aux vieilles lunes socialistes. Cela ne m'étonne pas, monsieur le ministre, car vous comptez parmi vos collaborateurs ceux-là mêmes qui le préconisaient en 1981.

M. Dominique Dupilet.

C'est hallucinant !

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

J'avais demandé la parole, monsieur le président.

M. Charles de Courson.

Moi aussi, monsieur le président.

M. le président.

Mes chers collègues, je ne peux pas donner la parole à tous ceux qui la demandent. Le règlement prévoit qu'un orateur peut répondre à la commission, un autre au Gouvernement et je veille à ce que tous les groupes s'expriment. Le groupe communiste n'a pas encore eu la parole. Je la lui donne et M. Leyzour sera le dernier orateur.

M. Charles de Courson.

Je voulais répondre au ministre.

M. Michel Vergnier.

L'opposition ne cherche qu'à retarder les débats.

M. Félix Leyzour.

Je vous remercie, monsieur le président, pour votre sens de l'équité dans l'organisation de nos travaux ! Je ferai brièvement quelques observations. J'écoute depuis plusieurs semaines les arguments développés par les uns et les autres sur le projet de réforme et j'avoue que je suis étonné de leur évolution.

Etonné, mais pas tellement surpris ! D'un côté, certains interpellent le ministre, et lui demandent : « Que faitesvous pour préparer les négociations sur les réformes de la PAC et de l'OMC qui menacent... »

M. Philippe Vasseur.

Ô combien !

M. Félix Leyzour.

« ... notre agriculture ? » D'un autre côté, comme nous ne savons pas comment ces négociations vont se terminer, il ne faudrait rien faire en attendant ! C'est tout à fait contradictoire, d'autant plus que vous aviez vous-même pensé conduire une réforme.

M. Philippe Vasseur.

Avant !

M. Félix Leyzour.

Il faut que les choses soient claires de ce point de vue. Pour notre part, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, étant donné son contenu et le contexte dans lequel se déroule la discussion sur cette réforme - nous connaissons tous les échéances européennes et inter-


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nationales -, nous considérons qu'elle peut constituer pour la France un point d'appui qui lui permettra demain de résister aux prétentions du libéralisme.

Il faut voir les problèmes dans leur ensemble. Nous n'avons jamais prétendu que la réforme les réglerait tous.

C'est, je le répète, un point d'appui nécessaire pour défendre d'autres orientations en matière de politique agricole, pour montrer qu'on peut conduire une autre politique européenne, faire autre chose que courir sur le même terrain que les Américains.

Voilà le sens que je crois être celui du projet de réforme. Dès lors, il ne sert à rien, avec des arguments qui n'en sont pas, de faire traîner la discussion alors que vous savez que vous n'aurez pas raison.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 517.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Germain Gengenwin.

C'est une erreur !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 312.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Philippe Vasseur.

On s'en repentira !

M. le président.

M. Adevah-Poeuf a présenté un amendement, no 605, ainsi rédigé :

« Après le premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 311-4 du code rural, insérer l'alinéa suivant :

« Elle est consultée sur l'attribution des fonds au titre des contrats territoriaux d'exploitation. »

Monsieur Adevah-Poeuf, avant de vous donner la parole pour le défendre, je vous fais observer que vous devriez préciser dans votre amendement qui vous entendez par « elle », sous peine de confusion.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Merci, monsieur le président, cela ne m'avait pas échappé ! Je vais d'ailleurs retirer mon amendement qui, du fait d'une erreur qui n'est pas imputable au service de la séance mais à moi, a été placé à tort à l'article 3, où il ne signifie pas grand-chose.

Cependant, monsieur le président, puisque vous m'avez donné la parole pour le défendre - et je me garderai bien de contester votre façon de présider (Sourires) - je dirai d'abord quelques mots.

M. le président.

C'est votre droit !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Je n'entends pas ajouter une discussion sur chaque amendement à une discussion sur chaque article, succédant à une discussion générale fort longue, succédant elle-même à trois motions de procédure ayant constitué chacune une véritable discussion générale ! Chers collègues de l'opposition, le dialogue est nécessaire, bien sûr, et nous sommes là pour légiférer. Tous, nous nous posons mille et une questions sur le CTE, sur la manière dont il pourra être pérennisé, sur les fonds qui, à terme, continueront de l'alimenter, qu'ils soient d'origine européenne ou non. Tout le monde se pose ces questions légitimes.

M. Patrick Ollier.

Posez-les au Gouvernement !

M. François Sauvadet.

C'est un aveu !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Non, c'est un constat ! Certains d'entre vous - que je ne citerai pas, ils se reconnaîtront - ont une manière que je trouve insupportable d'aborder ce débat : en donneurs de leçons, évoquant par exemple « les vieilles lunes socialistes ». Je ne sais de quel soleil eux se réclament...

M. Félix Leyzour.

Du couchant !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Probablement ! ... mais ils donnent l'impression qu'ils n'ont rien vu, rien appris, rien compris depuis la loi d'orientation de 1960, qui avait ses mérites. Ils ont tout oublié !

M. Patrick Ollier.

Qui donc donne des leçons en ce moment ?

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Aujourd'hui, nous vivons dans un environnement agricole si magnifique qu'il faut y injecter toujours plus d'argent public, toujours plus d'administration, pour enrichir toujours quelques-uns. En réalité, l'échec est complet, avec un petit nombre d'exploitat ions paysannes aux revenus très faibles que les statistiques montrent bien. Ils ne savent probablement pas quel est leur revenu réel.

M. Jean Auclair.

Vous croyez que vous allez le changer avec vos CTE ?

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Quelques-unes, en revanche, que j'hésite à qualifier d'exploitation agricole tant elles ressemblent à des entreprises, se portent très bien, grâce à l'exportation sans doute, aux concours publics certainement. Entre les deux se trouve une masse de gens surendettés, connaissant des problèmes de marché insolubles, des problèmes de prix, des problèmes sociaux.

Et tout cela débouche sur des problèmes d'environnement qui deviennent préoccupants.

Monsieur Guillaume, vous vous serez sans doute reconnu. Vous avez fait beaucoup quand vous étiez à la place de M. Le Pensec. Je me souviens de quelques très bonnes choses que vous fîtes, et que nous combattîmes ! Vous avez privatisé la Caisse nationale de crédit agricole.

M.

Germain Gengenwin.

N'était-ce pas une bonne chose ?

M

Maurice Adevah-Poeuf.

C'était une excellence chose pour la banque, mais pas pour l'agriculture ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Et nous vous l'avions dit à l'époque ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M.

Jean Auclair.

Et le Crédit lyonnais ! Balayez donc devant votre porte !

M.

Maurice Adevah-Poeuf.

Un peu d'humilité, s'il vous plaît !

M.

Patrick Ollier et M. Michel Bouvard.

Le Crédit agricole se porte mieux que le Crédit lyonnais !

M.

Maurice Adevah-Poeuf.

Admettez que la logique de la politique agricole conduite depuis trente ou quarante ans dans ce pays nous a menés là où nous sommes.

Il ne s'agit pas de dénoncer les responsabilités des uns et des autres mais de faire face à la situation, avec humilité.

M.

Jean Auclair.

Parlons-en !

M.

Maurice Adevah-Poeuf.

Changeons de logique.

Essayons de progresser. Si vous ne voulez pas en être, libre à vous. Votre base, elle, a d'ores et déjà compris que vous l'aviez conduite à l'échec et elle attend avec impatience la nouvelle direction que la représentation nationale va lui montrer, pour l'aider.


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M.

Jean Auclair.

En 1993, les paysans avaient aussi bien compris !

M.

Maurice Adevah-Poeuf.

Cela dépasse très largement l'agriculture : c'est un problème d'intérêt général.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M.

le président.

L'amendement no 605 est retiré.

Je mets aux voix l'article 3, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)

Article 4

M. le président.

« Art. 4. - L'article L. 341-1 du code rural est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 341-1 . - I. - L'aide financière de l'Etat aux exploitants agricoles prend la forme de subventions, de prêts ou de bonifications d'intérêts, de remises partielles ou totales d'impôts ou de taxes.

« Les objectifs prioritaires de cette aide financière sont :

« - l'installation de jeunes agriculteurs encouragée par la politique d'installation définie à l'article L. 330-1 ;

« - l'adaptation du système d'exploitation aux exig ences économiques, environnementales et sociales, notamment dans le cadre des contrats territoriaux d'exploitation.

« Sauf lorsqu'elle a revêtu la forme de prêts, l'aide financière peut être interrompue si l'exploitation ne satisfait plus aux conditions de mise en valeur de l'espace agricole ou forestier mentionnées au schéma départemental des structures agricoles défini à l'article L. 312-1 ou au projet départemental d'orientation de l'agriculture défini à l'article L. 313-1, ou si les engagements souscrits dans le contrat territorial ne sont pas tenus. Dans tous les cas, elle peut donner lieu à remboursement si ces circonstances sont imputables à l'exploitant.

« II. Lorsque, pendant la période d'engagement du titulaire d'un contrat territorial d'exploitation, une part significative de l'exploitation est transmise à une autre personne, le contrat est résilié.

« Lorsqu'il est fait application de l'un des modes d'aménagement foncier défini au titre II du livre 1er du présent code, conduisant à un changement d'exploitant pour tout ou partie de la surface dont l'exploitation a donné lieu à la signature d'un contrat territorial d'exploitation, le bénéfice des aides prévues par ce contrat est maintenu au bénéfice du contractant initial s'il est à même de tenir les engagements souscrits, soit que ces derniers soient sans lien avec les surfaces concernées par le changement, soit qu'ils puissent être transférés sur les surfaces attribuées ou conservées sans préjudicier aux objectifs du contrat. Lorsque le respect de l'intégralité des engagements ne peut être assuré, le contrat est selon les cas modifié par avenant ou résilié par l'autorité administrative.

« III. Les litiges relatifs aux contrats territoriaux d'exploitation sont portés devant les tribunaux administratifs.

« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. »

La parole est à M. Jean Vila, inscrit sur l'article.

M. Jean Vila.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'élaboration d'un projet de loi d'orientation agricole implique de se prononcer sur la place et le rôle de l'Etat. Une telle loi est d'autant plus i ndispensable qu'elle touche des secteurs clés qui répondent à des besoins humains vitaux, comme l'alimentation. L'autorité publique a un rôle déterminant à jouer dans la régulation de la production et des marchés.

Cette loi d'orientation est donc l'occasion d'affirmer clairement des choix nouveaux d'efficacité et d'équité sociale.

Que voudrait dire une agriculture sans soutien, livrée entièrement aux marchés mondiaux, en proie à des logiques de prix toujours plus bas, intégrant un coût du travail toujours plus faible ? D ans une guerre des prix, est-il concevable de construire une agriculture durable répondant aux besoins des hommes et respectant les ressources naturelles et l'environnement ? Combien d'exploitations ont les reins assez solides pour affronter une telle guerre économique ? Combien tomberont ? Quel coût social en résultera pour la société civile ? Il faut rappeler ici que les grandes cultures générant 65 % du chiffre d'affaires de l'agriculture française bénéficient de 65 % des aides de l'Union européenne, tandis que, pour 31 % du chiffre d'affaires, les cultures méditerranéennes ne touchent que 6 % des aides, qu'en raison du non-plafonnement des aides quelque 4 000 agriculteurs peuvent recevoir plus de 750 000 francs d'aides directes.

Il faut plus de justice dans la répartition des aides et un contrôle de leur efficacité économique, position qui nous est chère puisque nous avons toujours défendu le principe qu'il ne peut y avoir d'aides publiques sans contrôle.

L'article 4 du projet de loi dispose que les aides financières sont destinées aux installations encouragées c'est-àdire celles qui reçoivent la dotation jeune agriculteur.

Or, vous savez comme moi que les enfants d'agriculteurs ne sont pas assez nombreux pour préparer la relève des générations. Attirer les jeunes issus d'autres milieux est donc indispensable pour relancer significativement l'installation en agriculture.

La rénovation du système d'attribution des aides doit être un pilier de la politique de l'installation dans le cadre des CTE. On doit aujourd'hui faire un effort particulier pour les installations hors du cadre familial.

Par ailleurs, une politique de prêts superbonifiés serait utile puisque, bien souvent, ces jeunes issus ou non du milieu agricole n'apportent pas de capital. Il faut aujourd'hui reconnaître des parcours diversifiés en intégrant dans ce texte la logique de l'installation progressive tout en se donnant les moyens financiers pour la faire vivre.

Dans mon département, où dominent la vigne et les fruits et légumes, les agriculteurs que j'ai rencontrés dans le cadre de la préparation de cette loi voudraient attirer tout particulièrement votre attention sur le fait qu'un jeune qui s'installe et qui plante des arbres fruitiers ou de la vigne, n'a pas de revenus pendant cinq ans et, quand il porte sa récolte à la cave, il n'est payé que deux ans plus tard. Ces agriculteurs se retrouvent parfois dans des situations extrêmes.

Bien sûr, il existe des prêts-retard délivrés par les banques. Mais vous savez combien les rapports avec les banques sont tendus. Comme dit le vieil adage, « on ne prête qu'aux riches », ou « l'argent appelle l'argent ».

Aussi ces agriculteurs proposent-ils un système d'aide, sorte de revenu minimum ou contractualisé.

Pour notre part, nous pensons qu'il pourrait y avoir en ce domaine une intervention originale de la puissance publique, comme la garantie par l'Etat d'un prêt qui


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pourrait être remboursé progressivement au fur et à mesure que l'exploitation développe un chiffre d'affaires et dégage un revenu pour l'agriculteur.

M onsieur le ministre, ces propositions méritent réflexion et appellent une réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

C'est sans doute parce qu'il est de Thiers, la cité du couteau, que M. Adevah-Poeuf s'est montré si incisif ! (Sourires.)

Mais il s'est excité tout seul, montrant qu'il ne nous avait pas écoutés avec attention.

Dans ce débat, nous cherchons simplement à clarifier les intentions du Gouvernement. Notre collègue a d'ailleurs dit lui-même que le projet soulevait de grandes interrogations au sein même de la majorité. Nous sommes là pour essayer de les lever, afin de montrer à l'ensemble de la nation si, pour faire face à l'enjeu dont nous avons tous reconnu qu'il était à la fois d'ordre économique et sociétal, mais qu'il concernait aussi la protection de l'environnement, la présente loi d'orientation offre les outils nécessaires.

Sur l'analyse générale, il y a un désaccord de fond entre, d'un côté, une vision étatisée, suradministrée, et, de l'autre, une vision que nous voudrions plus décentralisée, plus proche des agriculteurs, plus territoriale.

Vous avez différencié les vocations des agriculteurs.

Nous, nous ne voulons pas opposer les agriculteurs entre eux. Nous désirons seulement répondre à l'ensemble des préoccupations. Et nous essayons de savoir si les outils que vous proposez sont adaptés aux défis de notre temps.

Nous pensons qu'ils ne le sont pas.

L'article 4 prévoit que le contrat s'interrompra si « une part significative de l'exploitation est transmise à une autre personne ». Pourriez-vous, monsieur le ministre, préciser ce que vous entendez par « significatif ». Quelle portée juridique donnez-vous à ce mot ? A cet égard, vous considérez que le départ d'un des associés d'un GAEC familial est assimilable à un agrandissement. Cela inquiète beaucoup d'agriculteurs organisés en structures familiales. Je rejoins là d'ailleurs une préoccupation exprimée par M. Leyzour : privilégier l'importance de la structure familiale de nombre de nos exploitations.

A cette question précise, monsieur le ministre, j'espère que nous aurons une réponse très précise.

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

Monsieur le ministre, inscrit hier soir sur l'article 3, j'avais renoncé à la parole tant mon ami François Sauvadet avait bien argumenté. Je voulais vous dire qu'allouer aux CTE des crédits aussi modestes pouvait consoler la majorité mais sûrement pas contenter une opposition responsable.

Les premiers CTE seraient prêts, éventuellement, avezvous dit, en septembre 1999. Dès lors, vous avez raison, les crédits seront suffisants, car, d'ici là, bien peu de choses vont pouvoir se réaliser ! L'article 4 nous fournit des explications supplémentaires quant au financement : « l'aide financière de l'Etat aux exploitants agricoles prend la forme de subventions, de prêts ou de bonifications d'intérêts, de remises partielles ou totales d'impôts ou de taxes ». Je me demande si tous les professionnels ont bien lu cet article pour connaître les financements auxquels ils pourront prétendre.

Vous avez demandé à vos directeurs régionaux de prendre les devants. Vous avez bien fait, car nous avons déjà les premières réactions entendues dans ces réunions de travail organisées dans les régions ou les départements.

Ainsi, le président du CDJA de mon département alerte le président national sur le fait que le DDAF inclut les aides à l'installation dans le CTE. Que restera-t-il de notre démarche volontaire ? S'interroge-t-il. Il dit aussi que l'administration prendra en compte les propositions des Verts, de la Ligue de la protection des oiseaux (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.), des pêcheurs, du conseil général, du conseil régional, de l'association des maires.

Ma question d'hier soir était pertinente. Vous m'avez répondu, monsieur le ministre, que la CDOA n'avait qu'une valeur consultative. Voilà où nous en sommes et les agriculteurs, sur le terrain, se posent la question : quelle marge nous restera-t-il pour influer sur le cahier des charges ? Au moment de discuter de l'article 4, il est donc nécessaire, monsieur le ministre, de nous fournir des explications plus précises.

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Je partage les inquiétudes de M. Gengenwin sur le premier alinéa de l'article 4. L'aide financière de l'Etat aux exploitants prendrait la forme de subventions, de prêts ou de bonification d'intérêts, de remises partielles ou totales d'impôts ou de taxes. Cela signifie-t-il que l'octroi des actuels prêts bonifiés pourraient, dans certains cas, être subordonné à la contractualisation ? Ces prêts bonifiés, mis en place depuis de nombreuses années, qui se sont développés surtout entre 1970 et 1972, visent à encourager l'investissement, notamment au profit des jeunes agriculteurs qui s'installent. On a réussi à ce que ce soit un prêt global en les additionnant à d'autres systèmes de financement, et ils permettent d'acheter à la fois le matériel et tous les éléments nécessaires à l'exploitation. Si on les lie aux contrats territoriaux, ils changent totalement de nature.

De plus, dans la mesure où vous utilisez le FIA pour financer les CTE, n'allez-vous pas imaginer un jour de prendre aussi une partie de la DJA ? Là, ce serait un véritable scandale ! Je vous rappelle encore une fois que la DJA a été mise en place pour aider à créer de la trésorerie et des fonds de roulement au moment de l'installation. Les conditions sont d'ailleurs suffisamment contraignante à la fois pour l'attribution des prêts JA et pour la dotation aux jeunes agriculteurs.

A insi, vous allez non seulement renforcer les contraintes administratives, mais encore donner un argument supplémentaire à votre collègue des finances qui regarde toujours d'un oeil attendri les fonds de la bonification en se disant finalement : « Si on pouvait rayer ceux-ci de la carte et réduire aussi la DJA, pourquoi pas ? » Nous craignons que l'article 4 ne remette totalement en cause le financement de l'installation. Vous l'avez déjà fait de manière partielle en puisant des fonds sur le FIA et en supprimant l'année dernière les PIDIL. Si on va encore plus loin, monsieur le ministre, au lieu de favoriser l'installation, vous allez la rendre plus difficile dans la majorité des départements.

M. François Sauvadet.

Tout à fait !


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M. le président.

MM. Adevah-Poeuf, Patriat, Parrenin, Bataille et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 552, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du I du texte proposé pour l'article L. 341-1 du code rural, après le mot : "subventions", insérer les mots : "plafonnées par décret". »

La parole est à M. Maurice Adevah-Poeuf.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

C'est un amendement très important et je n'ai pas l'intention de le retirer spontanément. Il nous permet de passer des pétitions de principe aux travaux pratiques.

Tout le monde se désole que 80 % des aides publiques consacrées à l'agriculture aillent à 20 % des exploitations agricoles, c'est la pétition de principe. Moi, je vous propose d'instaurer un plafond aux subventions et de renvoyer les modalités de ce plafonnement à un décret.

Ne levez pas les bras au ciel, messieurs de la droite, n'expliquez pas que c'est un problème idéologique fondamental, que cela va faire une cassure dans la république paysanne française. Hier, nous avons passé un peu vite, parce qu'il n'a pas été défendu, sur un amendement de M. Coussain, l'amendement no 708. M. Coussain est un député UDF tout à fait honorable, puisque tous les députés sont honorables, c'est bien connu, et en plus c'est le cas...

M. François Sauvadet.

Ça, c'était de trop !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

... député de surcroît d'une ville et d'un département dont vous nous avez rebattu les oreilles depuis deux jours : Aurillac, le Cantal !

M. Christian Jacob.

Très beau département !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Il a reçu il y a peu un visiteur prestigieux qui a dit des choses fortes concernant l'agriculture, que M. Coussain a parfaitement comprises, puisqu'il nous proposait de plafonner les attributions d'un contrat territorial d'exploitation à une condition de bénéfice agricole maximal dont le niveau serait fixé par décret, ce qui veut dire exactement la même chose.

Je pense qu'au nom d'Aurillac, de la plus haute autorité de l'Etat, du groupe UDF représenté par M. Coussain, tout le monde doit pouvoir se rallier à l'amendement no 552. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Jacob.

Laissez l'UDF parler en son nom !

M. François Sauvadet.

Je suis là !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

La commission a rejeté l'amendement de M. Adevah-Poeuf, dans la mesure où l'amendement no 86 de la commission que nous allons examiner ensuite lui donne satisfaction, d'autant que nous sommes favorables à l'adoption du sous-amendement no 742 corrigé qui le complète.

Monsieur Guillaume, je ne suis pas étatiste ! Moi, je n'ai pas défilé pendant trente ans de ma vie à la tête de mes troupes pour demander à l'Etat toujours plus d'argent et le vilipender le lendemain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Jacob.

Parce que vous n'aviez pas de troupes !

M. Patrick Ollier.

Vous ne pouviez pas défiler tout seul !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je souscris à l'objectif recherché par l'amendement de M. Adevah-Poeuf. Mais l'amendement no 86 de la commission, sous-amendé par le sous-amendement no 742 corrigé, y répond pleinement, et il est mieux rédigé.

M. Christian Jacob.

Retirez votre amendement, monsieur Adevah-Poeuf, couchez-vous !

M. le président.

La parole est à M. Maurice AdevahPoeuf.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Le sous-amendement no 742 corrigé de Mme Aubert et de M. Marchand ayant un champ un peu plus étendu que mon amendement, je ne peux qu'y souscrire. Si la commission et le Gouvernement sont favorables à l'amendement no 86 sous-amendé par le sous-amendement no 742 corrigé, je retire très volontiers mon amendement à leur profit.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien.

M. le président.

L'amendement no 552 est retiré.

M. Patriat, rapporteur, M. Leyzour et les commissaires membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 86, ainsi rédigé :

« Compléter le premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 341-1 du code rural par la phrase suivante : "Ces aides sont modulées sur la base de critères économiques de l'exploitation, de facteurs environnementaux, d'aménagement du territoire et du nombre d'actifs". »

Sur cet amendement, je suis saisi d'une série de sousamendements, nos 742 corrigé, 847, 492, 542, 543, 761 et 860.

Le sous-amendement no 742 corrigé, présenté par

M. Marchand, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet, Hascoët et Mamère, est ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 86, après les mots : "ces aides sont modulées", insérer les mots : "et plafonnées". »

Le sous-amendement no 847, présenté par MM. Leyzour, Dutin, Goldberg, Sandrier, Vila et les membres du groupe communiste, est ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 86, substituer aux mots : "sur la base de critères économiques", les mots : "dégressivement sur la base de critères de dimension". »

Les sous-amendements nos 492, 542, 543, 761 et 860 sont identiques.

L e sous-amendement no 492 est présenté par M. Briane ; le sous-amendement no 542 est présenté par MM. Ollier, Auclair, Charroppin, Guichon, Marleix, Pelissard, Michel Bouvard, Vannson, Vuillaume et Gaymard ; le sous-amendement no 543 est présenté par M. Estrosi ; le sous-amendement no 761 est présenté par M. Charroppin ; le sous-amendement no 860 est présenté par M. Michel Bouvard.

Ces sous-amendements sont ainsi rédigés :

« Dans l'amendement no 86, après les mots : "d'aménagement du territoire", insérer les mots : ", de handicap géographique". »

La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l'amendement no

86.

M. François Patriat, rapporteur.

Je l'ai déjà défendu, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Favorable, sous réserve de l'adoption du sous-amendement no 742 corrigé.


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M. le président.

La parole est à Mme Marie-Hélène A ubert, pour soutenir le sous-amendement no 742 corrigé.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Ce sous-amendement revêt une importance particulière dans la mesure où c'est une mesure que nous réclamons depuis des années pour les aides européennes. Je ne vais pas revenir sur le constat, mainte fois énoncé par mes collègues, de la profonde injustice qui préside à la répartition actuelle des aides européennes. Je signale d'ailleurs à mes collègues de l'opposition qu'ils ont une étrange conception du libéralisme : pouvoir produire autant qu'on veut, comme on veut, et demander ensuite aux fonds publics de payer les dégâts, les pertes et les invendus.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Vasseur.

Je ne suis pas pour un libéralisme absolu. C'est vous qui avez toujours ce mot-là à la bouche.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Vous nous parlez de DJA, de PIDIL, de FIA, etc. Qui fait de l'étatisme, qui fait de la technocratie ? Le système actuel est parfaitement opaque. Je ne suis pas sûre que toutes les personnes qui nous écoutent aujourd'hui comprennent bien de quoi vous parlez.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Patrick Ollier.

On s'adresse au Gouvernement, madame, pas au public !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Vous, vous le savez parfaitement parce que le système profite effectivement à une très petite partie des producteurs.

Nous sommes vraiment dans une situation assez curieuse : c'est nous qui voulons introduire de la responsabilité, de la maîtrise dans les productions...

M. Philippe Vasseur.

C'est vous et M. Strauss-Kahn, absolument !

Mme Marie-Hélène Aubert.

... et vous qui défendez une conception extrêmement technocratique et administrative, qui vous profite en effet.

M. Philippe Vasseur.

C'est la ligne Strauss-Kahn qui s'impose au Gouvernement. C'est la gauche plurielle.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Le plafonnement des aides attribuées par le biais du contrat territorial d'exploitation est une mesure élémentaire d'équité et de justice. Sinon, il est fort à craindre que, encore une fois, ce ne soient les exploitations les plus grandes, les plus puissantes, celles qui ont les moyens de se payer des conseillers, qui sauront se débrouiller dans les arcanes des dossiers et des couloirs administratifs, qui profitent de ces fonds publics.

Nous, nous souhaitons que, pour le CTE - et nous espérons qu'il en sera de même avec la réforme de la PAC - les aides soient plafonnées de façon que leur répartition soit juste et enfin équitable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

Favorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour, pour soutenir le sous-amendement no 847.

M. Félix Leyzour.

L'amendement que nous sommes en train de sous-amender est déjà le fruit d'un travail collectif en commission. M. le ministre nous a rappelé hier que l'un des objectifs du CTE, dans les conditions qui sont celles de la France rurale d'aujourd'hui, était de soutenir l'emploi à la campagne, dans le secteur même de l'agriculture d'abord, sans parler de tout ce qui tourne autour.

On retrouve cette idée dans l'amendement initial qui fait référence au nombre d'actifs.

Plusieurs sous-amendements tendent à le compléter, déposés à l'initiative de notre groupe, du groupe socialiste et du groupe RCV. Je crois qu'au terme de la discussion nous aurons un amendement intéressant, prévoyant à la fois une modulation des aides et un plafonnement. Cela va dans le sens d'une plus grande justice et je souhaite évidemment, je n'en doute pas, qu'il soit voté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin, pour soutenir le sous-amendement no 492.

M. Germain Gengenwin.

Madame Aubert, vous ne semblez pas tellement connaître l'agriculture. Vous critiquez les excédents, mais il suffit d'une mauvaise année, trop sèche ou trop humide, avec trop d'intempéries, pour qu'on n'ait même plus assez. Vous voulez produire les kilos de pommes de terre qu'il faut ! Non ! L'agriculture est un élément vivant. C'est différent de ce qu'on imagine quelquefois.

Le sous-amendement de M. Briane tend à intégrer parmi les critères de modulation des aides les handicaps géographiques. Je partage son souci, qui me paraît tout à fait naturel, car il pense certainement comme moi aux régions de montagne.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Ollier pour défendre le sous-amendement no 542.

M. Patrick Ollier.

L'amendement no 86 est un amendement extrêmement important, monsieur le ministre, et nous avons eu un débat en commission à ce sujet. Sur le fond, j'y suis favorable, s'il n'y a pas de modification comme celle que Mme Aubert a proposée tout à l'heure.

Il s'agit de moduler les aides, et le sous-amendement que j'ai déposé avec mes collègues députés de zone de montagne me semble trouver sa place. Si un sousamendement est justifié, c'est bien celui-ci, monsieur le rapporteur ! Dès lors qu'intervient une modulation en fonction de critères économiques de l'exploitation, de facteurs environnementaux, d'aménagement du territoire, un critère me paraît essentiel et fondamental, c'est le handicap géographique. Dans les quarante-deux départements situés en zone de montagne, on souhaite produire, mais on souhaite aussi, simplement, en maintenant l'agriculture dans des conditions extrêmement difficiles, préserver la vie dans ces hautes vallées montagnardes grâce à la présence des agriculteurs, qui, par leur fonction de production, contribuent à l'entretien de la montagne et des vallées.

Cette spécificité montagnarde, nous avons essayé de l'expliquer à plusieurs reprises, mais nous n'avons pas été tout à fait entendus par la commission, monsieur le rapporteur, et je le regrette. Pourtant, je sais que, sur le


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fond, nous pouvons trouver un accord. M. le président Lajoinie ne peut pas être insensible à ce problème car il est concerné dans son département, il sait de quoi je parle. Puisque vous avez fait preuve tout à l'heure d'un esprit de consensus et expliqué que vous étiez d'accord pour retenir certaines propositions, acceptez celle-ci ! S'il y a une modulation justifiée, c'est certainement en faveur des zones de montagne.

Le surcoût pour la construction des bâtiments d'élevage, provoqué par le climat, le surcoût pour la mise aux normes, à cause de la pente, du climat..., le surcoût pour l'installation des jeunes, pour la modernisation de l'exploitation compte tenu de la spécificité du matériel, tout cela, monsieur le ministre, mérite que l'on ajoute le handicap géographique, pour que, une fois dans ce texte, la montagne soit reconnue et qu'une modulation permette de majorer les aides accordées, aux agriculteurs qui se battent pour préserver la vie dans ces hautes montagnes qui en ont tant besoin.

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard pour défendre les sous-amendements nos 543, 761 et 860.

M. Michel Bouvard.

Quelques mots tout d'abord pour dire combien je suis choqué à certains moments du débat de ce retour permanent au passé, à la création des offices, à la loi de 1960. Tout à l'heure, l'un de nos collègues du groupe communiste expliquait à juste titre qu'il fallait tenir compte des conditions de la France rurale d'aujourd'hui. Mieux vaut regarder devant nous qu'analyser des textes votés dans un contexte qui a considérablement évolué. Arrêtons de nous faire des reproches permanents.

Sinon, on va finir par chercher qui est le responsable de la création de la gabelle ! Le débat n'est pas là.

Madame Aubert, il n'y a pas, d'un côté, des gens qui défendent les petites exploitations et, de l'autre, des libéraux échevelés - est-ce que j'ai l'air d'un libéral échevelé ? (Rires) - ... qui défendraient les gros propriétaires. Chez moi, les agriculteurs ont un revenu inférieur en moyenne à la moyenne nationale. Je pense que l'on doit pouvoir s'exprimer sans que cela fasse naître des arrière-pensées manichéennes sur tel ou tel banc.

Je vous prie de m'excuser, monsieur le président, d'avoir pris un peu de temps, mais il faut s'efforcer d'avoir un débat serein.

Je ne reviens pas sur l'importance du handicap géographique dont a parlé Patrick Ollier. La nuit dernière, plusieurs amendements proposés par des élus de la montagne, y compris certains de mes collègues du groupe socialiste, Augustin Bonrepaux, Didier Migaud, JeanLouis Idiart, été repoussés ; sans doute parce que le ministre ou le rapporteur les considéraient comme un peu superfétatoires, après avoir donné des assurances sur l'ICHN et l'ISM, je veux bien faire l'effort de l'admettre, mais là, nous sommes au coeur du problème, le système des aides apportées dans le CTE. Surtout si l'on institue des critères de plafonnement, le handicap géographique doit être pris en compte. Dans les zones de montagne, en effet, Patrick Ollier l'a souligné, les conditions d'exploitation ne sont pas les mêmes que dans les zones de plaine.

A sa longue énumération, j'ajoute les problèmes de la collecte de lait et du contrôle sanitaire du cheptel : les frais des techniciens agricoles reposent sur un plus petit nombre d'exploitants, les tournées sont plus longues et les techniciens ont le temps de voir moins d'exploitants.

M. Patrick Ollier.

C'est vrai.

M. Michel Bouvard.

Les coûts sont donc plus élevés.

Si l'on veut qu'il y ait encore une agriculture de montagne demain, il est absolument indispensable de tenir compte de tous ces éléments.

Je voudrais en terminant demander à nos collègues du groupe communiste d'avoir une réflexion sur leur sousamendement no 847 qui introduit une dégressivité sur la base de critères de dimension.

Une telle mesure, que je comprends bien lorsqu'il s'agit de zones céréalières, peut avoir un effet pervers lorsqu'il s'agit de zones de production d'élevage, et singulièrement dans des zones de montagne. Dans la mesure où nous faisons plus d'élevage extensif que d'élevage intensif, si l'on introduit des critères de dégressivité des aides en fonction de la dimension de l'exploitation, on nous enterre complétement. C'est un effet pervers qu'ils n'ont sans doute pas pris en compte et je serais très heureux qu'ils y réfléchissent et qu'ils retirent leur sousamendement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement no 847 et sur les sous-amendements identiques nos 492, 542, 543, 761 et 860 ?

M. François Patriat, rapporteur.

Sur le sous-amendement no 847, je pense que M. Leyzour a satisfaction.

Quant à la montagne, j'ai entendu ce discours, aujourd'hui, hier et bien avant. Ne croyez pas que le rapporteur ne partage pas les inquiétudes, mais aussi tous les prob lèmes que rencontrent les élus de la montagne : contraintes territoriales, économiques, environnementales.

Mais la dimension environnementale est prise globalement dans le texte. Le ministre a affirmé hier que les crédits spécifiques pour la montagne seraient maintenus, sans être intégrés à ceux consacrés aux CTE. Ceux-ci sont faits pour la montagne, pour les zones difficiles, d'abord et avant tout, parce que c'est là, sur les territoires dont vous vantez très bien les mérites, qu'un projet économique adapté au territoire, garant de produits de qualité, riche en hommes, pourra se développer.

M.

François Patriat, rapporteur.

Monsieur Ollier, je vous le dis amicalement : le handicap géographique ne concerne pas que la montagne, on pourrait vouloir l'appliquer au littoral, aux zones sèches, aux zones humides, aux zones de marais...

M.

Michel Bouvard.

Cela n'a rien à voir !

M.

Patrick Ollier.

Ce ne sont pas des handicaps géographiques !

M

François Patriat, rapporteur.

Des amendements vont ensuite s'intéresser aux handicaps naturels, et là on sort de l'esprit de la loi. Le CTE s'adresse à tous les agriculteurs, y compris et même surtout aux agriculteurs de montagne.

La commission a repoussé ces sous-amendements.

M.

Patrick Ollier.

J'espère que vos collègues montagnards vont réagir !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces sous-amendements ?

M.

le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Auparavant, monsieur le président, je voudrais apporter une précision à M. Jacob, qui m'interrogeait sur le CTE.

Le CTE doit permettre la mise en oeuvre d'une nouvelle orientation de la politique agricole. J'ai dit que je souhaitais conditionner l'attribution des aides à la prise en compte d'objectifs d'intérêt général précisés dans le CTE. Cela ne veut pas dire que toutes les aides publiques basculeront dès demain dans le contrat territorial d'exploitation.


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M.

Philippe Vasseur.

Heureusement !

M.

le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mais progressivement une part importante d'entre elles y sera intégrée.

M.

François Guillaume.

Il faudrait savoir !

M.

le ministre de l'agriculture et de la forêt.

Ainsi, les aides à l'installation ne sauraient être tenues à l'écart de ce mouvement progressif.

M.

Jean Auclair.

La DJA aussi ? C'est scandaleux !

M.

le ministre de l'agriculture et de la pêche.

On doit légitimement se poser la question : comment réorienter la politique agricole sans s'intéresser aux jeunes ?

M.

Jean Auclair.

C'est scandaleux !

M.

le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je vous en prie. Ce point a été évoqué largement avec les organisations professionnelles.

M.

François Guillaume.

Lesquelles ?

M.

le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Nous entamons une réorientation de la politique agricole. Vous semblez le découvrir.

M.

Jean Auclair.

C'est la France à deux vitesses !

M.

le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Votre surprise me surprend !

M.

Jean Auclair.

Scandaleux !

M.

le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Sauvadet, vous avez posé le problème de la part significative, en cas de transmission. L'article 4, cela ne vous a pas échappé, prévoit un décret d'application. Des débats vont se dérouler dans les départements, et je ferai la synthèse, car nous sommes décentralisateurs.

M.

François Sauvadet.

Ce n'est pas avéré !

M.

le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Nous consultons. J'attends, pour préparer le décret, les réactions des professionnels sur cette préfiguration.

M.

François Sauvadet.

Elles viennent !

M.

le ministre de l'agriculture et de la pêche.

J'y insiste, le contrat territorial d'exploitation n'a jamais été un paquet ficelé, c'est une démarche.

Pour répondre directement à votre question, monsieur le président, l'amendement no 86 modifié par le sousamendement no 742 a ma préférence. La proposition de la commission me semble en effet prendre en compte la préoccupation exprimée par les sous-amendements nos 847 et suivants. L'amendement doit rester lisible.

Je ne reviendrai pas, monsieur Bouvard, sur mes propos d'hier, s'agissant de la nécessaire priorité accordée à la politique de la montagne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Marie-Hélène Aubert.

Très bien !

M.

le président.

La parole est à M. Christian Jacob.

M.

Christian Jacob.

Je répondrai sur le sous-amendement no 742, laissant le soin à mes collègues de répondre sur les suivants.

Monsieur le ministre, cette fois-ci les masques tombent vraiment. Vous venez d'avouer que vous alliez conditionner l'attribution des prêts jeune agriculteur et la dotation jeune agriculteur au CTE. Ça change complètement la nature des choses. Je ne vois malheureusement personne dans les tribunes,...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Si, si !

M.

Jean Auclair.

Il faut envoyer un fax à M. Coste.

M.

le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Coste le sait déjà.

M.

Jean Auclair.

Ce n'est pas vrai !

M.

Christian Jacob.

Je ne vois personne, pour le moment, dans les tribunes, du CNJA ou de la FNSEA.

M.

Félix Leyzour.

Quelle discrimination !

M.

Kofi Yamgnane.

Et les autres, alors ?

M.

François Colcombet.

Ce ne sont pas les bons !

M.

Christian Jacob.

Ils vont apprécier la nouvelle.

Après votre refus hier de prévoir l'avis conforme des CDOA, il faut se rendre à l'évidence : ce sera une vraie politique de préfet. Il faudra aller voir le préfet pour savoir quel type d'assolement il faut faire, quel type de matériel il faut utiliser et, en fonction de ça, savoir si on a droit ou pas au prêt jeune agriculteur ou à la dotation jeune agriculteur.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

V ous remettez en cause, monsieur le ministre, trente ans de gestion agricole partagée entre l'Etat et les organisations agricoles. C'est facile à dire si vous avez envie d'aller siéger au Sénat dans quelques jours, mais si vous restez, vous porterez une sacrée responsabilité.

M.

Kofi Yamgnane.

Des menaces ?

M. Christian Jacob.

Avec le plafonnement des aides proposé par le sous-amendement no 742, on reste dans le cadre de l'aide financière de l'Etat aux exploitants agricoles, sous forme de subventions et de prêts bonifiés.

Pouvez-vous me citer un seul exemple de bonification ou de subvention qui ne soit pas plafonnée, et pour lequel Bercy dise : « Allez-y ! C'est à guichet ouvert » ? Je n'en connais pas.

En revanche, on ne peut utiliser cet artifice sur les financements communautaires. Je vous rappelle en effet, madame Aubert, que les financements communautaires sont de la responsabilité du budget de l'Union européenne et liés à la contribution des quinze Etats membres. C'est le Conseil des ministres qui décide. Ce n'est pas dans le cadre d'un texte de loi français que vous allez régir les financements communautaires.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Je n'ai pas dit cela !

M. Christian Jacob.

En fait, le problème, c'est que vous avez eu des déclarations intempestives dans tous les domaines : « On donne aux gros, on va rééquilibrer... ».

M. Kofi Yamgnane.

C'est exactement cela !

M. Christian Jacob.

Aujourd'hui, vous constatez que la situation est équilibrée et vous êtes incapables de trouver un seul exemple de soutien français qui ne soit pas plafonné.

M. Kofi Yamgnane.

Enfin, tout le monde sait qui touche le plus en Europe !

M. Christian Jacob.

Non, monsieur Yamgnane. Donnez-moi un seul exemple.

M. le président.

Monsieur Jacob, vous vous adressez à l'ensemble de la représentation.

M. Christian Jacob.

Vous êtes prisonnier des extrémistes de votre électorat.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1998

Aujourd'hui, vous êtes coincés et vous écrivez n'importe quoi dans un texte de loi pour satisfaire quelques ayatollahs ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Kofi Yamgnane.

Démago !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Lemoine.

M. Jean-Claude Lemoine.

Je suis très étonné qu'on ajoute le plafonnement. Il sera fixé à l'hectare, au nombre d'hectares, au nombre d'individus à l'individu au nombre d'UGB ? Je fais toute confiance au ministre pour attribuer ces aides et les moduler suivant certains critères précis, encadrés de manière à éviter tout abus, toute dérive.

Le sous-amendement no 742 est un peu insultant pour le ministre.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

L'objectif est purement idéologique : on veut faire maigrir ceux que l'on appelle les gros. Mais si les gros maigrissent, les maigres meurent ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Philippe Vasseur.

M. Philippe Vasseur.

Je suis opposé, bien sûr, au sousamendement no 742, et j'avoue que ce débat me rend perplexe.

Nous discutons d'un projet de loi d'orientation qui, en principe, a fait l'objet de nombreuses concertations. Or, depuis lundi, nous avons relevé plusieurs zones d'ombre qui jettent une certaine suspicion sur ce texte. On a répondu par des paroles qui se voulaient rassurantes aux objections que nous avons formulées. Je le répète, monsieur le ministre, le principe du contrat territorial d'exploitation ne me paraît pas condamnable en lui-même, encore faut-il savoir comment on applique cette bonne idée.

Nous vous avons, à plusieurs reprises, interrogé sur le financement de ces contrats territoriaux d'exploitation et vous nous aviez jusqu'à présent répondu de façon relativement vague. Petit à petit, nous levons un peu plus un coin du voile.

Vous venez de nous annoncer, c'est une nouvelle - et je pense que certaines personnes qui jusqu'à présent considéraient votre texte avec neutralité, peut-être même une neutralité bienveillante, vont commencer à se poser des questions - que vous allez devoir procéder à des redéploiements futurs. Le contrat territorial d'exploitation va, en effet, coûter plusieurs centaines de millions, et même quelques milliards...

M. Patrick Ollier.

4 milliards !

M. Philippe Vasseur.

Peut-être moins, peut-être plus ? 5 milliards a-t-on dit. On ne va pas mettre aux enchères, peu importe.

M. Michel Bouvard.

Le PACS coûte bien 6 milliards !

M. Philippe Vasseur.

Le redéploiement va profondément modifier certaines politiques existantes, dont la politique d'installation des jeunes.

Je conseille aux jeunes de s'interroger sur le cadre futur de leur installation. Il faut que ceux qui pourraient être tentés de reprendre d'ici deux, trois ou quatre ans, une exploitation et de s'installer comme agriculteur sachent qu'ils n'auront plus les mêmes aides, la même dotation, les mêmes prêts bonifiés que ceux qui existent aujourd'hui. La charte nationale d'installation des jeunes signée le 6 novembre 1995 avait permis de relever les montants de la DJA et des prêts bonifiés.

A chaque fois que l'on soulève un problème au détour d'un article ou d'un amendement, on s'aperçoit que l'orientation choisie est peut-être beaucoup plus grave que ce que certains imaginaient.

J'en reviens à l'article dont nous discutons et aux amendements contre lesquels nous nous prononçons en prenant un exemple. On parle de modulation. Qui peut être contre la modulation des aides ? Personne. Nous ne sommes pas opposés à la modulation des aides.

Mme Marie-Hélène Aubert.

C'est une grande nouvelle !

M. Kofi Yamgnane.

Alors, où est le problème ?

M. Philippe Vasseur.

Si certains d'entre vous connaissaient un peu mieux les problèmes agricoles (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) ils ne découvriraient pas que nous sommes favorables à la modulation des aides. Ma surprise devant leur réaction est grande.

Les aides sont déjà modulées. Le système d'installation des jeunes agriculteurs est un système modulé. Vous ne percevez pas la même dotation jeune agriculteur selon que vous êtes installé dans une zone de plaine ou dans une zone de montagne - elle est le double en montagne.

Je pourrais citer bien d'autres exemples, y compris s'agissant des aides européennes. J'ai en mémoire une négociation - j'évoquerai peut-être tout à l'heure l'expé rience que j'en ai tirée -, que nous avons conduite au moment de la crise liée à l'encéphalopathie spongiforme bovine. Nous avions alors obtenu des aides modulées en fonction du revenu des éleveurs.

La modulation des aides existe donc depuis longtemps, que ces aides soient nationales ou européennes. Ne feignez pas de découvrir que nous défendons aujourd'hui la modulation sur ces bancs.

M. Léonce Deprez.

Elle a toujours existé.

M. Philippe Vasseur.

En fait, c'est autre chose qui se profile. On voit bien qu'au détour d'un sous-amendement, on est en train de mettre en place une autre politique.

Vous évoquez le plafonnement ; c'est un autre débat.

La modulation et le plafonnement, ce n'est pas la même chose. Il vaudrait peut-être mieux s'interroger sur le fond d u problème, sur l'avenir de la politique agricole en France et en Europe plutôt que de glisser subrepticement le mot « plafonnement » dans un article du projet de loi d'orientation agricole sans l'expliciter véritablement.

M. le président.

Monsieur Vasseur, veuillez conclure !

M. Philippe Vasseur.

Je conclus, monsieur le président.

Je n'ai pas vraiment abusé jusqu'à présent du droit de parole, et ces précisions économiseront peut-être d'autres interventions.

M. Christian Jacob.

Quoique...

M. Philippe Vasseur.

Monsieur le ministre, je prends date, encore une fois. Des négociations difficiles vont s'ouvrir dans le cadre européen que vous allez devoir conduire, avec l'ensemble du Gouvernement.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

C'est sûr !

M. Philippe Vasseur.

La position de la France sera délicate. Jusqu'à présent nous avons considéré que nous représentions une forme d'exception et vous savez bien, monsieur le ministre, que dans les débats que nous avons


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avec nos partenaires, il faut bien souvent passer en force et éviter de baisser sa garde au risque de prendre quelques coups et de se retrouver dans les cordes.

J'espère simplement qu'en acceptant le principe du plafonnement, vous n'ouvrez pas la voie, dans les mois qui viennent, à une réorientation des politiques financières de l'Europe. Qui dit plafonnement dit dépenses en moins pour l'agriculture. Ces dépenses pourraient être récupérées soit pour faire des économies sur le budget de l'Europe, soit pour être affectées à d'autres politiques.

Monsieur le ministre, je le dis solennellement, si dans le cadre d'Agenda 2000, de la réforme de la politique agricole commune, l'agriculture française se trouvait recevoir moins de l'Europe qu'elle ne reçoit aujourd'hui, vous en porteriez la très lourde responsabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Dans le prolongement de ce que vient de dire excellemment M. Philippe Vasseur, je voudrais à mon tour, monsieur le ministre, m'étonner que vous soyez étonné de notre étonnement. En effet, les craintes que nous avons exprimées se doublent d'une autre crainte, celle que vous ne vous soyez mis en situation de repli a priori face au risque de « renationalisation » et des concours financiers que nous pourrions recevoir. Notre collègue s'interrogeait tout à l'heure sur le fait qu'on citait M. le Président de la République. Il aura, lui aussi, son mot à dire dans ces négociations ; il mettait d'ailleurs en garde vendredi à Aurillac sur les risques que nous prendrions à ne pas avoir une attitude offensive, nous l'avons répété, Philippe Vasseur, Christian Jacob et bien d'autres.

Parallèlement, dans le paquet Santer, un autre volet doit aussi nous préoccuper : c'est la réforme des fonds structurels européens.

M. Patrick Ollier.

C'est le problème !

M. François Sauvadet.

Il est envisagé, vous le savez bien, monsieur le ministre, que ces fonds ne concernent plus que 9 % du territoire national. C'est dire que nous risquons de nous retrouver pris dans un véritable sandwich, si vous me permettez l'expression.Les territoires ruraux les plus fragiles vont se retrouver dans une situation de plus grande fragilité encore.

Sans compter, et là je m'adresse à vous, madame Aubert, qui avez évoqué une nouvelle fois cette opposition entre les « gros » et les « petits », en oubliant les vocations multiples de notre agriculture, qu'on n'a rien à gagner à opposer les uns aux autres. Chacun a sa place à prendre. Ce qui compte, au finish, c'est que ceux qui vivent sur les territoires les plus fragiles puissent demain continuer d'exercer une activité aux multiples contours, avec des projets.

Je ne suis pas sûr que le contrat territorial d'exploitation soit la bonne réponse. D'ailleurs, j'observe, comme M. Gengenwin au début de nos débats, que les professionnels n'avaient pas bien vu, comme nous d'ailleurs, le contour que vous vouliez donner aux CTE. Ils s'interrogent aujourd'hui sur leur portée réelle et notamment sur le rôle exclusif des préfets dans la définition de ces contrats.

Vous avez refusé, monsieur le ministre, au début de la discussion, notamment dans l'article qui précisait les contours du CTE, que les commissions départementales d'orientation de l'agriculture soient associées à la réflexion et donnent un avis conforme. Vous n'avez pas voulu que ceux qui auront à appliquer demain les CTE aient leur mot à dire a priori.

Enfin, monsieur le rapporteur, vous avez dit tout à l'heure que les CTE étaient faits pour la montagne. Je crains, comme plusieurs de mes collègues, que la montagne n'accouche d'une souris. Monsieur le ministre, vous avez récusé le chiffre de 12 000 CTE, mais vous n'avez pas récusé le chiffre de 300 millions et vous n'avez pas précisé comment vous obtiendriez les 150 millions de concours communautaires. Nous aimerions là aussi avoir une réponse précise.

Certains de nos collègues de l'opposition voudraient nous donner des leçons de décentralisation. Qu'ils permettent au groupe de l'UDF d'être son propre porteparole en cette affaire, car ils ont une vision de la décentralisation que nous ne partageons pas. Ils font élaborer un contrat-type par l'Etat et ils se tournent ensuite vers les collectivités lorsqu'il s'agit de payer. Ce n'est pas comme cela qu'on bâtira l'avenir de notre agriculture ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour.

M. Félix Leyzour.

Monsieur Bouvard, vous vous êtes interrogé tout à l'heure sur le sens de notre sousamendement. Je vous indique que, généralement, quand on parle de dégressivité sur la base des critères de dimensions, ce ne sont pas les petites exploitations qui sont visées, mais les grandes.

M. Michel Bouvard.

Certaines grandes exploitations rapportent peu !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

On trouve tous les cas !

M. Félix Leyzour.

Il n'est pas anormal de moduler et de plafonner des aides pour en donner davantage à ceux qui en ont besoin et moins à ceux qui peuvent s'en passer.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Félix Leyzour.

C'est une démarche de justice qui vaut dans l'agriculture comme dans les autres secteurs d'activité.

M. Michel Bouvard.

Nous sommes d'accord sur ce point !

M. Félix Leyzour.

Par ailleurs, monsieur Vasseur, je ne crois pas qu'il soit raisonnable de dire qu'il faut accepter les injustices dans la répartition des aides pour être demain en meilleure position pour défendre notre agriculture dans les négociations au niveau des Etats.

M. Philippe Vasseur.

Je n'ai pas dit cela !

M. Félix Leyzour.

Je sais bien que vous n'êtes jamais d'accord quand on relève vos propos, mais, en gros, c'est ce que vous avez dit.

M. Philippe Vasseur.

Non !

M. Félix Leyzour.

Vous avez le sens de la formule, mais vous n'acceptez jamais qu'on puisse ensuite argumenter.

M. Philippe Vasseur.

Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit !

M. Félix Leyzour.

Monsieur Vasseur, vous avez bien dit qu'il fallait accepter le non-plafonnement des aides pour être demain en meilleure position pour défendre l'agriculture dans les négociations...


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M. Philippe Vasseur.

Je n'ai pas du tout dit ça !

M. le président.

Monsieur Leyzour, vous avez déclaré que M. Vasseur avait dit qu'il fallait supporter l'injustice.

Or le mot « injustice » n'a pas été prononcé.

M. Félix Leyzour.

Je reconnais là votre souci de conciliation, monsieur le président.

En tout cas, on ne peut pas admettre qu'il y ait aujourd'hui des injustices dans la répartition des aides au prétexte que cela nous mettrait demain dans une meilleure position pour défendre les intérêts de la France dans les négociations.

M. Philippe Vasseur.

Mais non, je n'ai pas dit ça !

M. Félix Leyzour.

Quant au sous-amendement no 847, je le retire, puisque la façon dont va être sous-amendé l'amendement no 86 dont je suis le coauteur me donne satisfaction.

M. le président.

Le sous-amendement no 847 est retiré.

La parole est à M. Jean Auclair.

M. Jean Auclair.

Monsieur le ministre, je suis présent dans l'hémicycle depuis lundi matin, et je vous écoute attentivement. Il est vrai que j'avais trouvé votre discours consensuel. empreint de rondeurs. Or, maintenant, vous venez de lâcher les mots qu'il ne fallait sans doute pas prononcer. Chacun se rappellera que ce soir, à dix-huit heures, vous nous avez annoncé que les aides publiques seront progressivement intégrées dans les CTE, lesquels seront le passage obligé pour bénéficier de la DJA et des prêts bonifiés.

Vous rendez-vous compte, monsieur le ministre, où vous voulez emmener l'agriculture française ? C'est absolument scandaleux ! C'est impensable ! Hier, je parlais de supercheries, et je me suis fait chahuter par vos amis. Eh bien, j'invite ce soir tous nos collègues de la majorité à renforcer les grilles de leurs permanences et M. le ministre à téléphoner aux préfets, car ça risque de tourner très, très mal ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maurice Adevah-Poeuf.

C'est scandaleux !

M. Félix Leyzour.

C'est de la provocation !

M. Jean Auclair.

Ce qui est scandaleux, c'est ce que le ministre nous avait toujours caché.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

C'est un appel à la guerre civile ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

Monsieur Adevah-Poeuf, je vous en prie.

M. Jean Auclair.

Monsieur le ministre, cette mesure, qui figurait dans le projet de loi initial, avait été retirée.

Or, aujourd'hui, vous la réintroduisez ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous vous réfugiez depuis lundi matin derrière l'aval de la FNSEA et du CNJA. Quand ils apprendront ce que vous avez dit ce soir,...

M. Kofi Yamgnane.

Ils sont d'accord avec nous !

M. Jean Auclair.

... je crains qu'ils ne vous abandonnent, et ils auront raison !

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert, qui va conclure cette discussion.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Mieux vaut terminer par un sourire que par une grimace !

M. le président.

Monsieur Adevah-Poeuf, vous n'avez pas la parole.

Mme Marie-Hélène Aubert.

En préalable, je dirai qu'une politique utilisant des fonds publics ne vaut que par les résultats concrets qu'elle produit. Par conséquent, notre rôle, à nous parlementaires, c'est de nous interroger sur l'utilisation de ces fonds et sur l'impact concret qu'ils ont sur le terrain. Or force est de constater que la politique actuelle ne fonctionne pas ou ne fonctionne pas bien.

Pour ce qui est de la politique d'installation des jeunes agriculteurs, je ne vois pas en quoi il est scandaleux de s'interroger sur l'utilisation qui est faite de ces fonds et sur leurs résultats réels. Il se trouve que bon nombre de jeunes s'installent sans recourir aux aides car ils ne peuvent pas les utiliser, soit parce que les procédures sont mal faites, soit parce qu'il y a un manque de transparence dans les transactions et dans les informations qui sont données sur l'acquisition possible de terres. Notre objectif à tous est de faire en sorte que le plus grand nombre possible de jeunes s'installent. Mais encore faut-il que les tendances lourdes qui font qu'il n'y a plus possibilité de s'installer soient renversées ou réorientées. C'est ce que nous faisons aujourd'hui en essayant d'anticiper sur ce qui pourrait se produire au niveau européen, et nous comptons sur M. le ministre pour cela. Je ne vois pas en quoi il est scandaleux de s'interroger sur une réévaluation de la politique d'installation des jeunes, qui lui permette d'être réellement efficace.

M. Vasseur nous dit qu'il a toujours été pour la modulation. Il faut s'entendre sur les mots. La modulation ne vaut que par les critères auxquelles elle répond.

Si la modulation consiste à donner plus en fonction du nombre d'hectares,...

M. Michel Bouvard.

Pas en fonction du nombre d'hectares !

Mme Marie-Hélène Aubert.

... en fonction du tonnage produit...

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Pas du tout !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Alors de quoi parlez-vous ? Nous ne sommes pas favorables à la même modulation que vous. Nous, nous estimons qu'on ne peut pas distribuer des fonds publics en se fondant uniquement sur des critères quantitatifs ; il faut également prendre en compte des critères qualitatifs. Nous ne pouvons pas ne pas nous interroger sur l'impact social et environnemental des aides que nous attribuons.

M. Christian Jacob.

Regardez ce qui existe !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Monsieur Jacob, vous dites qu'il n'y a pas d'aide de l'Etat qui ne soit plafonnée.

Dans ces conditions, en quoi ça vous gêne de l'inscrire dans la loi ? Si cela va de soi, ça ira mieux en le disant ! J'en viens au plafonnement européen, question qui fait l'objet d'un débat dans une autre enceinte. Je crois, monsieur Sauvadet, que c'est au contraire le non-plafonnement qui contribue à opposer les gros et les petits. C'est l'injustice dans la répartition des aides qui conduit à cette opposition. C'est vous qui opposez les gros et les petits, pas nous !

M. Kofi Yamgnane.

Exactement !

M. René André.

Elle n'y connaît rien !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Et à enveloppes égales, nous nous battons pour que la ligne directrice agricole soit maintenue à son niveau.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1998

M. Jean Auclair.

Vous croyez qu'une exploitation agricole se résume à un jardin !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Si, à enveloppes égales, on plafonne à un niveau juste et équitable un certain nombre d'aides afin que davantage d'agriculteurs puissent en profiter, qui s'en plaindra ? Etes-vous contre ça ? Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Mais non !

M. Philippe Vasseur.

Elle n'a rien compris !

M me Marie-Hélène Aubert.

Le sous-amendement no 742 corrigé est de bon sens, et je suis heureuse de voir qu'il recueille l'assentiment général.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mesdames, messieurs les députés, j'ai écouté avec intérêt vos propos.

Je me demande s'il arrive encore à M. Jacob de dialoguer avec les responsables de la FNSEA et du CNJA ? (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) J'ai même cru m'apercevoir qu'il ne reconnaissait plus les jeunes agriculteurs présents dans les tribunes du public ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Guillaume.

Ici, nous sommes des représentants du peuple et non des syndicalistes !

M. le président.

On ne doit jamais mentionner les tribunes du public, monsieur le ministre !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il y a des semaines, voire des mois que les responsables de la FNSEA et du CNJA, entre autres, sont informés que les aides à l'installation seraient elles aussi concernées par ce que j'ai appelé un « basculement progressif ».

M. Jean Auclair.

C'est faux !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Auclair, je suis allé dans votre département où j'ai dit que j'étais contre le paquet Santer. Or, huit jours plus tard, je pouvais lire dans un hebdomadaire dont vous assumez la direction...

M. Jean Auclair.

Oh !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... que j'étais pour le paquet Santer. J'ai obtenu un droit de réponse ; donc, je ne m'attarde pas.

Cela dit, l'indignation que vous avez manifestée tout à l'heure était feinte. Ce n'est pas aujourd'hui, à dix-huit heures trente, que vous avez découvert que la politique agricole allait être réorientée ! Cela date du 10 juin 1998, jour où j'ai déposé devant l'Assemblée le projet de loi. En effet, il est écrit à l'article 4...

M. Jean Auclair.

J'ai lu le texte.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... que l'aide financière de l'Etat aux exploitants agricoles « prend la forme de subventions, de prêts ou de bonifications d'intérêts, de remises partielles ou totales d'impôts ou de taxes ». Il est ajouté que les objectifs prioritaires de cette aide financière sont, entre autres, « l'installation de jeunes agriculteurs encouragée par la politique d'installation définie à l'article L. 330-1. »

M. Jean Auclair.

Vous m'avez mal écouté. J'ai lu moimême ce texte !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ou vous avez mal lu, ou vous ne côtoyez plus les responsables agricoles. Pour ma part, j'ai une concertation sereine avec eux sur toutes ces questions.

M. Christian Jacob.

Depuis trente-cinq ans, aucun ministre de l'agriculture n'avait supprimé les marchés mensuels. Vous êtes le premier à le faire !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Cela vous est peut-être étranger, mais je tenais à le dire.

S'agissant de la PAC, M. Sauvadet a fort heureusement rectifié le propos de M. Vasseur, selon lequel le Gouvernement porterait une lourde responsabilité dans la négociation. Sur ce point, soyez rassurés, mesdames, messieurs de l'opposition : dans cette négociation, il n'y aura qu'une position de la France et qu'une voix de la France, et ce ne sera pas seulement celle du Gouvernement. Chacun m'a bien compris.

M. Jean Auclair.

Vous ouvrez le parapluie !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Non ! Si d'autres ouvrent le parapluie, pour notre part, nous assumons nos responsabilités ! J'ai déclaré à la tribune qu'il n'y a pas de conseil agricole décisif dans la négociation de la PAC sans que le Président de la République, le Premier ministre, moimême et les autres ministres directement concernés n'aient évoqué avant quelle sera la position de la France.

M. Christian Jacob.

Mais le problème, c'est que le Président de la République n'est pas responsable de vos propos !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Cette position a été choisie. Elle est offensive et cohérente.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Sauvadet.

C'est vrai, on voit que vous avez écouté le Président de la République !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Cohérente, cela veut dire s'inscrire en faux contre les propositions du paquet Santer. Mais cela signifie aussi préparer la réorientation de la politique agricole commune pour la mettre à l'abri des assauts qui ne manqueront pas de se faire jour pour la démanteler. Ce que vous avez pu dire m'apparaît comme une adhésion aux thèses de la Commission !

M. François Sauvadet.

Ah non ! Je ne peux pas laisser dire ça ! C'est faux !

M. Christian Jacob.

C'est scandaleux !

M. Patrick Ollier.

C'est insupportable d'entendre cela !

M. René André.

Vous laissez le champ libre à l'agriculture américaine, monsieur le ministre !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

En tout cas, nous prenons date pour le futur.

Et puisque M. Vasseur a dit que « modulation » et

« plafonnement » n'étaient pas des mots qui pouvaient faire peur, l'occasion va se présenter pour lui d'illustrer son propos.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Avant de passer au vote, la parole est à M. Michel Bouvard.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1998

M. Michel Bouvard.

Monsieur le président, je n'ai pas l'intention de prolonger les débats (« Si ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) , mais j'observe que, après l'avis de la commission, le débat sur le handicap géographique n'a pas été rouvert. Or je tiens à dire solennellement les choses.

Le sous-amendement no 860 n'est pas issu de l'esprit de quelques députés de l'opposition. Il a fait l'objet d'un consensus parmi la totalité des députés des zones de montagne, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent ; il est donc d'autant plus justifié. Que la commission ne l'ait pas retenu dans un premier temps, soit. Mais à partir du moment où l'on introduit un critère de plafonnement des aides, il a sa raison d'être.

En tout état de cause, l'aspect environnemental ne justifie pas qu'on puisse se dispenser de l'aspect géographique. L'aspect environnemental, on sait très bien ce que cela veut dire : les aides seront attribuées en tenant compte des méthodes de fauche, ou encore de la nourriture qu'il faudra apporter au chien patou pour se protéger des loups, etc. Mais tout cela ne permettra pas de régler les problèmes liés aux contingences géographiques : périodes hivernales plus rudes qu'ailleurs, processus de collecte différent, obligation d'assurer la sécurité sanitaire du cheptel imposant l'intervention de conseillers techniques qui doivent être rémunérés. C'est la raison pour laquelle nous tenons à l'introduction des critères géographiques dans la loi. Je crois même que cela peut constituer un atout pour des négociations ultérieures à Bruxelles.

Les élus de la montagne ont rencontré le commissaire Fischler à plusieurs reprises. Notre collègue Brottes, député de l'Isère, était avec nous. Que nous a-t-il dit ? Qu'une partie des aides allait être nationalisée, c'est vrai.

Mais il nous a dit aussi que l'Etat devait d'abord montrer l'exemple et indiquer qu'il a une politique spécifique à l'égard des zones de montagne qui ne se résume ni à l'ISM ni à l'ICHN, indemnités dont, par ailleurs, nous sommes contents - et nous remercions M. le ministre d'avoir maintenu ces aides en dehors du CTE.

Mais à partir du moment où l'on fixe des critères de plafond, le CTE doit prendre en compte le fait que, selon les zones, il existe des différences géographiques, des caractéristiques d'exploitation et des contraintes différentes. Je ne suis, pour ma part, pas hostile au plafond, mais je m'oppose au fait que l'on retienne comme critères le nombre d'hectares. Ce qui est sans doute valable pour les cultures céréalières ne l'est pas pour l'élevage. Moi, je veux bien qu'on plafonne en fonction du nombre d'UGB mais pas en fonction du nombre d'hectares, sinon, nous, nous disparaissons !

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 742 corrigé.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les sous-amendements nos 492, 542, 543, 761 et 860.

(Ces sous-amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 86, modifié par le sous-amendement no 742 corrigé.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

L'amendement no 764 de M. Barouin n'est pas défendu.

M. Patriat, rapporteur, a présenté un amendement no 83, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du dernier alinéa du I du texte proposé pour l'article L. 341-1 du code rural, après le mot : "schéma", insérer le mot : "directeur". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Patriat, rapporteur.

C'est un amendement rédactionnel qui ne soulève pas de problème.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

83. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Patriat, rapporteur, a présenté un amendement, no 84, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du dernier alinéa du I du texte proposé pour l'article L. 341-1 du code rural, substituer aux mots : "départemental d'orientation de l'agriculture ", les mots : "agricole départemental ". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Patriat, rapporteur.

Il s'agit encore d'un amendement de forme, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

84. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Patriarche a présenté un amendement, no 271, ainsi rédigé :

« Après la première phrase du dernier alinéa du I du texte proposé pour l'article L. 341-1 du code rural, insérer la phrase suivante : "L'aide financière peut être interrompue en cas de constat de divagation manifeste des animaux en dehors des zones de pacages." » La parole est à M. Paul Patriarche.

M. Paul Patriarche.

Quand j'ai déposé cet amendement, j'avais mal saisi le sens des contrats territoriaux d'exploitation : dans mon esprit, ils devaient, notamment dans les zones de l'intérieur, les zones difficiles, et en particulier en ce qui concerne la prime à la vache allaitante, prendre le relais.

En conséquence, je retire l'amendement, tout en demandant à M. le ministre de prendre date car je lui poserai une question écrite très précise sur le sujet.

M. le président.

L'amendement no 271 est retiré.

L'amendement no 315 de M. Mariani n'est pas défendu.

M. Guillaume et les membres du groupe du Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production ont présenté un amendement, no 314, ainsi rédigé :

« Compléter le I du texte proposé pour l'article L.

341-1 du code rural par l'alinéa suivant :

« L'aide financière apportée par ces contrats territoriaux d'exploitation a un caractère spécifique et ne peut conditionner les subventions, prêts, bonifications d'intérêts, remises partielles d'impôts ou de taxes octroyées aux agriculteurs selon les modalités déjà définies dans le code rural. »

La parole est à M. François Guillaume.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1998

M. François Guillaume.

Cet amendement a le mérite de clarifier les choses.

Je voudrais faire observer à M. le ministre que son texte prévoit la suppression de toutes les aides liées au CTE si les conditions d'un tel contrat ne sont pas respectées. Il y a quelque chose de logique dans tout cela. En ce qui me concerne, j'aurais ajouté : « sauf en cas de force majeure ». J'avais d'ailleurs déposé un amendement allant en ce sens, qui, je ne sais pourquoi, est passé à la trappe.

Mes chers collègues, nous allons être confrontés à des problèmes délicats : alors que des exploitants n'auront pas pu respecter les contraintes du CTE pour des raisons de force majeure, on leur demandera de rembourser tout ce qu'ils auront perçu jusqu'alors.

Mon amendement a, je le répète, l'avantage de clarifier les choses : il faut que les agriculteurs sachent si toutes les aides qu'ils peuvent percevoir jusqu'à présent - aides à l'installation des jeunes agriculteurs, aides européennes et autres - seront ou non conditionnées par la mise en oeuvre d'un CTE. Si tel était le cas, cela ne me semblerait pas être une bonne chose. D'ailleurs, plusieurs collègues ont démontré tout à l'heure que ce ne serait pas souhaitable.

Si la majorité rejette l'amendement, les choses seront claires et nous pourrons expliquer dès demain à tous nos agriculteurs que, s'ils ne souscrivent pas de CTE, ils ne pourront plus bénéficier d'aucune des aides existantes.

Cela serait extrêmement grave et très préjudiciable, à moins qu'on ne veuille « caporaliser » les agriculteurs en les plaçant tous dans le cadre d'un CTE.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Défavorable.

M. François Guillaume.

Les choses sont maintenant claires !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 314.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Patriat, rapporteur, a présenté un amendement, no 85, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du dernier alinéa du II du texte proposé pour l'article L.

341-1 du code rural, après les mots : "livre Ier ", insérer le mot : "(nouveau)". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Patriat, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

85. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 4, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Article 5

M. le président.

« Art. 5. - Il est inséré entre le deuxième et le troisième alinéa de l'article L. 313-1 du code rural l'alinéa suivant :

« Elle donne son avis sur les projets de contrat-type susceptibles d'être proposés aux exploitants, en application des dispositions de l'article L. 311-3. »

La parole est à M. François Sauvadet, inscrit sur l'article.

M. François Sauvadet.

Monsieur le ministre, je voudrais, afin que tout soit clair, vous rappeler que nous ne sommes pas favorables au paquet Santer et, à ce propos, nous aurions apprécié que vous nous parliez des fonds structurels européens. Je vous ai déjà alerté sur le pourcentage de régions françaises qui seraient concernées si, d'aventure, le paquet Santer s'appliquait, ce que nous ne souhaitons pas.

La politique ne se paie pas de mots : elle s'exprime en actes. Nous verrons donc comment vous gérerez le dossier.

Il a fallu attendre l'article 5 pour qu'enfin vous acceptiez un amendement prévoyant que la commission départementale d'orientation de l'agriculture donne son avis sur les projets de contrat-type susceptibles d'être proposés aux exploitants.

Dès la discussion des premiers articles, nous avions demandé que l'ensemble des partenaires soient associés à cette démarche - tant les propriétaires que la commission départementale et tous ceux qui peuvent apporter une contribution à l'élaboration de ces contrats. Vous nous avez répondu que les contrats-types relevaient de l'autorité du préfet, ce qui confirme bien votre vision étatique.

D'après le texte en vigueur, « la commission est consultée sur le projet, élaboré par le représentant de l'Etat..., qui détermine les priorités de la politique d'orientation... »

Les mots ont un sens et s'il ne s'agit pas là d'une vision étatique, monsieur le ministre, expliquez-nous de quoi il peut bien s'agir d'autre !

M. le président.

M. Michel Bouvard a présenté un amendement, no 931, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 5 :

« I. Il est inséré entre le deuxième et le troisième alinéa de l'article L. 313-1 du code rural, l'alinéa suivant :

« Elle donne son avis sur les projets de contrattype, susceptibles d'être proposés aux exploitants, conformément aux dispositions de l'article L. 313-3 du code rural, et apprécie la cohérence de la mise en oeuvre de ces projets avec les orientations du projet agricole départemental. »

« II. Le neuvième alinéa du même article est complété par les mots : "ainsi que la souscription de contrats territoriaux d'exploitation". »

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

Cet amendement vise à élargir la compétence de la CDOA.

Afin qu'elle ait une vision d'ensemble du projet agricole départemental, nous souhaitons qu'elle puisse aussi s'exprimer sur la souscription des contrats territoriaux d'exploitation.

L'amendement compléterait utilement le dispositif.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

Il ne s'agit pas là d'une vision étatique, monsieur Sauvadet. Ne soyez pas excessif ! On ne peut dans le même temps demander à l'Etat toujours plus d'argent pour le budget, des aides spécifiques


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1998

plus élevées et la définition de nouvelles zones géographiques, et affirmer qu'il n'aura pas son mot à dire dans l'attribution des crédits.

Monsieur Bouvard, je vous ferai observer que l'amendement no 80 à l'article 2, qui assure la cohérence avec les projets agricoles départementaux, vous donne satisfaction.

Il ne faut pas faire dire au texte ce qu'il ne dit pas. Les CDOA seront consultées pour l'élaboration des contratstypes. Si elles doivent ensuite donner leur avis pour l'attribution des CTE, des difficultés réelles surgiront. Les CDOA seront donc associées, la cohérence avec le projet départemental sera assurée et c'est dans ce cadre que le préfet devra signer.

Par ailleurs, monsieur Guillaume, le ministre n'a jamais dit que les aides du type de la DJA ou autres seraient subordonnées au CTE. Cela n'est écrit nulle part dans le texte et n'a été dit à aucun moment.

M. Patrick Ollier.

Pourquoi avoir rejeté notre amendement ?

M. François Patriat, rapporteur.

Monsieur Guillaume, ne faites pas dire au ministre ce qu'il n'a jamais dit ! Quoi qu'il en soit, la commission est contre l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je partage la préoccupation de M. Bouvard, mais son amendement est redondant, en tout cas dans ses trois premiers alinéas. En effet, l'article 2 amendé précise que le CTE

« s'incrit dans le cadre des cahiers des charges définis au plan local en lien avec les projets agricoles départementaux ».

Quant au dernier alinéa de l'amendement, il me semble trop précis. Je serais tenté de dire à son auteur que nous devrions laisser libre jeu à la préfiguration qui est en cours et qui permettra de définir d'une façon détaillée les bonnes procédures. Au demeurant, ces procédures sont du domaine réglementaire.

En conséquence, je demande à M. Bouvard de retirer son amendement. S'il le maintenait, je demanderais à l'Assemblée de la rejeter.

M. le président.

Monsieur Bouvard, retirez-vous votre amendement ?

M. Michel Bouvard.

Compte tenu des explications du ministre, je le retire, monsieur le président. Les disposit ions que j'ai proposées relèvent effectivement du domaine réglementaire.

M. le président.

L'amendement no 931 est retiré.

M. Jean-Michel Marchand, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet, Hascoët et Mamère ont présenté un amendement, no 739, ainsi libellé :

« Au début de l'article 5, insérer le paragraphe suivant :

« I. - Le premier aliéna de l'article L. 313-1 du code rural est ainsi rédigé :

« Il est institué auprès du représentant de l'Etat dans le département, qui la préside, une commission départementale d'orientation de l'agriculture composée de représentants des ministres concernés, des collectivités locales, des organismes professionnels et sociaux agricoles, des exploitants et des salariés agric oles, de l'agro-alimentaire, du financement de l'agriculture, des propriétaires agricoles et forestiers, des associations agréées pour la protection de l'environnement et de toute personne compétente désignés selon des modalités fixées par décret. »

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert.

Mme Marie-Hélène Aubert.

La loi d'orientation agricole a notament pour objectif de prendre en compte la multifonctionnalité de l'agriculture. Il nous paraît important d'adapter à cet objectif la composition des instances qui seront chargées de donner leur avis ou de décider d'un certain nombre de projets.

Alors qu'il est proposé d'ouvrir le Conseil supérieur d'orientation aux associations de protection de l'environnement et aux représentants des consommateurs, la modification de la composition des CDOA n'est pas proposée.

Nous souhaitons que les CDOA puissent elles aussi s'ouvrir aux associations de protection de l'environnement et aux consommateurs.

M. Michel Bouvard.

Aux consommateurs ? Ah non !

Mme Marie-Hélène Aubert.

... dans la mesure où le projet, prenant en compte la multifonctionnalité de l'agriculture, s'adresse également à elles.

Je rappelle que les CDOA jouent un rôle important dans l'orientation agricole des départements. Il convient en conséquence de les démocratiser en faisant en sorte que tous les acteurs concernés puissent y être représentés.

M. Michel Bouvard.

Les consommateurs ne savent pas quelle est la différence entre un âne et un mulet !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

La composition des CDOA relève du décret et non de la loi. Le ministre s'este ngagé : cette composition sera revue au mois de juin 1999. Votre voix, madame Aubert, sera entendue.

Dans ces conditions, la commission propose à l'Assemblée de rejeter l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Madame Aubert, je confirme que, ne serait-ce que pour tenir compte des préoccupations qui ont été exprimées ici, la composition des CDOA, sera adaptée et son élargissement aux deux catégories qui ont été citées est bien évidemment prévue. Il demeure que cela relève du domaine réglementaire. Je vous demande donc, sous le bénéfice des assurances que je viens de vous apporter, de retirer l'amendement. Si votre amendement était maintenu, j'inviterais l'Assemblée à voter contre.

M. le président.

Retirez-vous l'amendement no 739, madame Aubert ?

Mme Marie-Hélène Aubert.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

L'amendement no 739 est retiré.

MM. Leyzour, Dutin, Goldberg, Sandrier, Vila et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 836, ainsi rédigé :

« Avant le premier alinéa de l'article 5, insérer l'alinéa suivant :

« Le premier alinéa de l'article L. 313-1 du code rural est complété par les mots : "et répond aux objectifs de multifonctionnalité de la politique agricole". »

La parole et à M. Félix Leyzour.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1998

M. Félix Leyzour.

Cet amendement, quoique différent, traduit peu ou prou la même idée que le précédent.

Le premier alinéa de l'article L. 313-1 du code rural dispose, dans sa rédaction actuelle, qu'« il est institué auprès du représentant de l'Etat dans le département une commission départementale d'orientation de l'agriculture, dont la composition fixée par décret ». Nous proposons de le compléter en précisant que la composition de cette commission « répond aux objectifs de multifonctionnalité de la politique agricole ». Ce faisant, nous laissons au décret le soin d'énumérer les différents organismes qui pourront être représentés au sein de la CDOA.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

L'avis de la commission est défavorable mais, sur le fond, monsieur Leyour, vous avez raison : il semble désormais aller de soi que les CDOA devront répondre aux nouvelles exigences de la multifonctionnalité. Je vous renvoie à cet égard aux propos qu'a tenus M. le ministre il y a quelques instants.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

J'apprécierais que M. Leyzour acceptât de retirer l'amendement dans la mesure où l'assurance lui est donnée que la composition des CDOA tiendra compte de la multifonctionnalité de l'agriculture.

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour.

M. Félix Leyzour.

Tout en hésitant, je prends acte de la déclaration de M. le ministre...

M. le président.

Où votre hésitation vous conduit-elle, mon cher collègue ? (Sourires.)

M. Félix Leyzour.

Ne me poussez pas dans mes derniers retranchements, monsieur le président. Laissez-moi argumenter...

M. le président.

Je vous demande si vous retirez l'amendement. Répondez par oui ou par non !

M. Félix Leyzour.

Je retire l'amendement, prenant acte des propos du ministre.

M. le président.

L'amendement no 836 est donc retiré.

MM. Sauvadet, de Courson, Gengenwin, Hériaud, Lestas, Le Nay et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et apparentés ont présenté un amendement, no 518, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'article 5 après le mot : "avis", insérer le mot : "conforme". »

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

Nous venons de vivre un moment très intéressant, où M. le ministre nous a confirmé ce que mon président de CDOA sait déjà : plusieurs organismes extérieurs à l'agriculture seront désormais représentés au sein des commissions départementales. Cette composition ne sera pas précisée dans la loi, mais dans le décret.

Nous en prenons acte, monsieur le ministre, tout en mesurant la grande importance des conséquences d'une telle mesure.

Notre amendement no 518 est un amendement de conséquence de l'amendement que nous avons déposé à l'article 2 et qui prévoyait l'avis conforme des CDOA, représentants agricoles compris, sur les projets de contrattype d'exploitation.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

Le rapporteur et la commission sont tout à fait opposés à l'amendement.

Monsieur Gengenwin, vous êtes vraiment pour une sur-administration : (Sourires.)

Alors que nous essayons d'instaurer une simplicité, vous voulez à tout prix compliquer le dispositif. De cette façon vous n'allez pas faciliter son fonctionnement !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

J'ai exposé hier les raisons qui me conduisaient à émettre un avis défavorable aux amendements de cette nature.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier.

Je m'interroge sur le « contrat-type », monsieur le rapporteur, tel qu'il est susceptible d'être proposé aux exploitants et soumis à l'avis de la CDOA.

J'aimerais avoir des réponses précises à mes interrogations. Je ne veux pas faire perdre de temps à l'Assemblée, mais je suis réellement troublé.

Dans l'article 2, il est prévu que l'agriculteur « peut » souscrire un CTE. La mesure a donc un caractère facultatif. Dans ces conditions, comment allez-vous, lorsque vous proposerez à la CDOA un contrat-type, concilier le caractère facultatif du CTE avec le caractère automatique - sous certains critères, bien sûr - de certaines aides dont vous nous avez dit qu'elles seraient incluses dans ledit contrat ? Puisque le CTE sera facultatif, l'agriculteur ne sera pas obliger d'en signer un. Dans ces conditions, comment les aides qui ont actuellement un caractère automatique pourront-elles être attribuées ? Nous sommes arrivés à un point très important de notre discussion et, sur un plan technique, je voudrais être rassuré.

Je suis heureux que certains élus de la montagne siégeant sur les bancs de la gauche aient tout à l'heure réagi favorablement à nos observations.

Je souhaiterais que l'on crève l'abcès car nous arrivons à une absurdité sur le plan technique. Que se passera-t-il pour l'agriculteur de zone de montagne - de telles zones existent, madame Aubert ! - qui devra concilier le contrat-type et le plafonnement par rapport à la superficie pour les aides à l'extensification ? Nous nous battons pour l'extensification, notamment pour ce qui concerne l'élevage et, sur ce point, vous nous avez soutenus, monsieur le ministre.

Pardonnez-moi, madame Aubert, mais la disposition que vous avez soutenue est peut-être pétrie de bonnes intentions, mais elle risque de nous plonger dans une totale incohérence.

Moi, je me mets à la place des agriculteurs de montagne. Comment réglerez-vous le problème qui naîtra, d'un côté, du caractère automatique des aides et, de l'autre, du caractère facultatif du CTE ? Comment allez-vous gérer l'opposition que vous avez vous-même créée en adoptant l'amendement relatif au plafonnement par rapport à la superficie pour les aides à l'extensification ?

Mme Marie-Hélène Aubert.

Je n'ai pas fait référence à la superficie !

M. Patrick Ollier.

Si, madame ! Il faut savoir ce que l'on dit ! De plus, la mesure est votée.

On va, d'une part, aider à la l'extensification mais, de l'autre, on devra tenir compte de l'amendement qui a été adopté et qui prévoit un plafonnement lié à la superficie.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1998

Excusez-moi d'insister, monsieur le ministre, mais si vous excluez le handicap géographique dans ce contrattype, comment l'agriculteur de ces zones spécifiques aurat-il la certitude que la modulation se fera en fonction de sa spécificité, qui est liée à la géographie ? En outre, comme l'a rappelé tout à l'heure M. Vasseur, un grand nombre d'aides sont modulées en fonction de la géographie. Par souci de cohérence, j'aurais donc simplement souhaité, monsieur le ministre, que l'on retrouve de tels c ritères dans le contrat-type tel qu'il sera soumis aux CDOA. Excusez-moi d'y revenir, mais je crains que, par passion ou parce qu'elle a eu le sentiment que l'affaire était plus politique que technique, la majorité n'ait commis une erreur en votant avec ardeur des amendements qui vont maintenant aboutir à une incohérence technique, dont les agriculteurs des zones concernées feront malheureusement les frais.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Patriat, rapporteur.

Je vais répondre à

M. Patrick Ollier pour que l'on ne confonde pas tout.

L'amendement no 518 préconise un avis conforme de la CDOA.

M. Patrick Ollier.

Ce n'est pas tellement l'amendement qui est en cause, monsieur le rapporteur, c'est l'ensemble !

M. François Patriat, rapporteur.

Maintenant, vous prétendez qu'il y aura automaticité. Mais M. le ministre n'a pas dit cela ! Il a dit qu'il y aurait automaticité des aides prévues dans le CTE, mais pas des autres. Toutes les autres aides prévues aujourd'hui - la DJA, les financements spécifiques - sont maintenues à côté. Il va de soi qu'elles peuvent être complémentaires.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Christian Jacob.

Mais non, le ministre vient de dire le contraire !

M. François Patriat, rapporteur.

M. le ministre n'a pas dit le contraire et ce n'est écrit nulle part dans le texte ! De plus, vous faites un peu facilement l'amalgame entre plafonnement, hectares et extensification. Si l'extensification est limitée à quelques dizaines, voire quelques centaines d'hectares en raison de la géographie, je le conçois, mais si elle porte quelques milliers d'hectares, c'est autre chose ! C'est cela qu'a voulu dire tout à l'heure

Mme Aubert.

Monsieur Jacob, vous m'avez tout à l'heure mis au défi de citer une aide qui ne soit pas plafonnée.

M. Christian Jacob.

Une aide nationale !

M. François Patriat, rapporteur.

Ah, vous dites « nationale » maintenant !

M. Christian Jacob.

Mais je l'ai dit tout à l'heure ! Vous passez votre temps à discuter entre vous et vous n'écoutez rien ! Aucune aide nationale n'est plafonnée !

M. François Patriat, rapporteur.

C'est pourquoi nous sommes pour le découplage ! Les aides européennes céréalières ne sont pas plafonnées ; elles sont illimitées, ce qui crée des dégâts formidables dans nos départements, y compris dans les régions difficiles.

M. Christian Jacob.

Ce n'est pas le sujet ! Nous parlons des CTE ! M. le ministre à fait une erreur tout à l'heure ! Il s'est coupé ! N'essayez pas de le rattraper ! C'est trop tard !

M. François Patriat, rapporteur.

Le CTE type est actuellement en cours d'élaboration dans chaque « pays » et dans chaque département, en parfaite concertation avec l'ensemble du monde rural intéressé, y compris les artisans pour ce qui concerne le département que je connais un peu. Ce contrat type sera décidé par le préfet au vu de ce qu'aura élaboré la commission qui travaille dessus.

Donc parler d'avis conforme, cela a un sens juridique : qui peut tout bloquer ! Mais n'imaginez pas qu'il puisse y avoir des contrats types qui ne répondraient pas aux souhaits de la profession.

Ensuite, comme vous avez toujours été là et que vous avez tout suivi, vous devez vous rappeler que nous avons voté hier un amendement précisant que rien n'interdisait de faire des contrats particuliers.

M. Patrick Ollier.

Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le rapporteur ?

M. François Patriat, rapporteur.

Je vous en prie !

M. le président.

La parole est à M. Patrick Ollier, avec l'autorisation de l'orateur.

M. Patrick Ollier.

Monsieur le rapporteur, la question que j'ai posée porte sur la constitution du contrat-type et sur la manière dont vous allez résoudre le problème posé par l'amendement que nous avons voté tout à l'heure. En effet, cet amendement bloque un système lié à une particularité de nos territoires en zone de montagne. Quelle que soit la superficie, l'extensification a un sens, elle est soutenue. Dans l'élaboration du contrat-type, comment allez-vous concilier le plafonnement qui a été voté tout à l'heure, à la demande de Mme Aubert, avec le souci de maintenir l'aide à l'extensification ? Voilà la question ! Comment allez-vous résoudre cette équation ?

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Patriat, rapporteur.

Je pense que le monde agricole, dans sa grande sagesse, saura bien, dans chaque département, à quel niveau il pourra plafonner sans remettre en cause la politique qui sous-tend ce texte de loi.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 518.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements nos 848 et 473 pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 848, présenté par MM. Leyzour, Dutin, Goldberg, Sandrier, Vila et les membres du groupe communiste, est ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'article 5, après les mots : " exploitants " insérer les mots : " et les contrats territoriaux d'exploitation à caractère particulier, présentés éventuellement par les exploitants agricoles ". »

L'amendement no 473, présenté par M. Rebillard et M. Tourret, est ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa de l'article 5 par les mots : " ainsi que sur les contrats territoriaux d'exploitation conclus par les exploitants ". »

La parole est à M. Félix Leyzour, pour soutenir l'amendement no 848.

M. Félix Leyzour.

Hier, lors de l'examen de l'article 2 sur le CTE, nous avons admis l'existence de contrats à caractère particulier à côté des contrats-types, M. le rapporteur vient de le rappeler. Une place est donc laissée à l'initiative, à l'originalité. Nous avons déposé un tel amendement à différents endroits du texte, mais il faut tenir compte de l'évolution du débat et puisque nous


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1998

avons eu satisfaction hier, je le retire. D'ailleurs, notre collègue qui se demandait tout à l'heure comment on pourrait trouver des solutions en plus des contrats-types devrait aussi être satisfait.

M. le président.

L'amendement no 848 est retiré.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert pour soutenir l'amendement no 473.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Il est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

Avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles précédemment évoquées.

Après en avoir longuement débattu, hier, nous avons conclu qu'il n'était pas souhaitable que chaque contrat soit soumis à la CDOA.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 473.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Article 6

M. le président.

Je donne lecture de l'article 6 :

TITRE II

EXPLOITATIONS ET PERSONNES C HAPITRE Ier L'exploitation agricole

« Art. 6. - Le premier alinéa de l'article L. 311-1 du code rural est remplacé par les dispositions suivantes :

« Sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle.

« Sont également considérées comme agricoles pour l'application des dispositions des livres troisième et quatrième du présent code :

« 1o Les activités de l'exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou des activités auxquelles il se livre pour valoriser le cheptel et les productions de l'exploitation et qui sont exercées sur le site de l'exploitation ;

« 2o Les travaux que l'exploitant réalise avec le matériel nécessaire à son exploitation et qui présentent un caractère accessoire ;

« 3o Les activités de restauration et d'hébergement à usage touristique ou de loisirs, réalisées par un exploitant sur le site de l'exploitation, à condition qu'elles présentent un caractère accessoire et que, s'agissant de la restauration, elle soit assurée principalement au moyen de produits de l'exploitation.

« Les activités de cultures marines sont réputées agricoles, nonobstant le statut social dont relèvent ceux qui les pratiquent. »

La parole est à M. Claude Desbons, premier orateur inscrit sur l'article 6.

M. Claude Desbons.

Cet article, qui donne une nouvelle définition des activités agricoles, a pour objet de mettre à la disposition de l'agriculture la palette d'outils qui lui est désormais nécessaire pour répondre avec souplesse et efficacité à une logique économique, sociale et environnementale qui correspond aux aspirations de développement équilibré et durable de notre société.

Nous connaissons la force des attentes que la collectivité exprime, de manière tacite ou explicite, à l'égard de l'agriculture. En tant que citoyen, nous pouvons aisément en apprécier la légitimité, car nous sommes nous aussi des consommateurs de biens agricoles et d'espaces ruraux. En tant que législateur, il nous faut mettre en perspective les multiples facettes d'un ensemble riche de sa diversité et parfois de ses contradictions, mais dont nous devons finalement assurer l'homogénéité. Cette réforme constitue bien un élément fondamental d'un enjeu qui dépasse largement les préoccupations du seul secteur agricole.

Nous devons en premier lieu traduire les demandes de la collectivité pour qu'elles servent effectivement l'intérêt général. Ce texte transforme ce qui, à l'origine, semblait être une contrainte en un véritable atout pour l'agriculture.

Nous devons ensuite créer les conditions d'émergence de ces fonctions accessoires, mais essentielles. En effet, si nous faisons peser sur le monde agricole d'aussi lourdes responsabilités que celles de bien nous nourrir, d'être garant des équilibres naturels, de valoriser et d'entretenir les espaces dont nous profitons tous, de maintenir la vie, l'activité, l'emploi sur l'ensemble du territoire, il nous faut bien reconnaître que nous sommes moins exigeants vis-à-vis des autres catégories de Français. Nous avons donc le devoir de conforter les agriculteurs dans leur rôle de producteur et de les accompagner dans leur rôle d'animateur du monde rural.

Enfin, nous avons à prendre en compte la réalité extrêmement diverse de ce monde rural sur lequel se fondent en grande partie l'équilibre et la cohésion de notre pays.

Il y a quelques mois, plusieurs voix se sont élevées pour exprimer la crainte de voir le champ d'activité des agriculteurs élargi à des activités concurrentielles qui ne découleraient pas de leurs fonctions économiques premières, pouvant ainsi créer des distorsions au détriment du tissu artisanal en particulier.

Une discussion s'est engagée au terme de laquelle toutes les composantes se sont accordées sur les moyens à mettre en oeuvre pour que soient valorisées toutes les richesses que recèle le monde rural et, en premier lieu, on l'oublie souvent, les richesses humaines. Cette volonté commune de développement, de coexistence créatrice, de partage équilibré des ressources et des produits entre les hommes et les territoires, nous l'avons clairement traduite dans le texte évoqué et nous veillerons à ce qu'elle soit effective.

Telles sont, en quelques mots, les forces de cette définition nouvelle de l'activité agricole : elle sert l'intérêt général ; elle donne à l'agriculture les justes moyens d'atteindre ses propres objectifs économiques ; elle permet à chacun de trouver la place qui correspond le mieux à ses savoir-faire et à ses ambitions ; enfin, la concertation et la qualité des propositions qui ont accompagné son élaboration semblent satisfaire aujourd'hui l'ensemble des acteurs du monde rural. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le président.

La parole est à M. Kofi Yamgnane.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1998

M. Kofi Yamgnane.

La question de la multifonctionnalité de l'agriculteur a suscité des craintes de la part des commerçants et artisans ruraux ainsi que des réactions négatives de la part de nos collègues de l'opposition, qui voient là une concurrence déloyale.

Comme beaucoup d'entre vous, j'ai reçu des propositions d'amendements émanant de ces professions visant à encadrer l'intervention des agriculteurs en matière notamment de restauration et d'hébergement. A cet effet, je me réjouis du travail fait par notre commission, notamment de la prise en compte nécessaire des règles d'hygiène et de sécurité. Au-delà de ces limites, les inquiétudes des uns et des autres doivent être levées et le problème doit être replacé dans son contexte.

Sans revenir sur la définition stricto sensu de l'agriculture, je dois observer que celle-ci ne se limite pas à l'unique acte de produire, mais qu'elle recouvre également les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation.

L'agriculture a donc, dès son origine, d'autres missions que la production d'aliments et recouvre d'autres secteurs, même si ceux-ci restent généralement annexes. Il est vrai que le développement, depuis ces dernières années, du tourisme vert a incité de nombreux agriculteurs à investir dans la création de gîtes ou la restauration à la ferme.

Phénomène de société certes, mais qui représente un complément d'activité non négligeable tout en restant accessoire. C'est d'ailleurs ce que rappelle le projet de loi en son article 6. Négliger cette nouvelle demande touristique qui connaît un engouement certain, particulièrement dans le Finistère, serait suicidaire, tant pour le tourisme que pour l'économie locale. De surcroît, cette nouvelle forme de tourisme engendre des activités bénéfiques pour les commerces et les artisans locaux.

Quant au problème de la polyvalence dans le cadre des contrats territoriaux, il s'agit véritablement d'un projet g lobal, environnemental, qualitatif et agricole. Bon nombre d'élus ruraux connaissent l'importance du travail accompli par les paysans en matière d'entretien des haies ou des abords de rivière. Oui, il s'agit là de travaux d'intérêt général qui servent la collectivité, et au moindre coût ! Du reste, existe-t-il vraiment une concurrence professionnellement organisée en la matière ? Je ne crois pas qu'il y ait concurrence de deux professions qui sont différentes dans leurs définitions et dans leurs objectifs.

Notre territoire est encore assez vaste pour les accueillir et pour donner un peu de pain à tout le monde. Il reste que certains aménagements pourraient être trouvés pour les professions de la restauration, comme la baisse de la TVA, mais cela fera l'objet d'un autre débat à venir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Maurice AdevahPoeuf.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Cela n'a échappé à personne, nous arrivons avec cet article 6 à l'un des points durs du projet de loi, à supposer d'ailleurs que les cinq articles précédent, aient été moins « durs », ce qui ne me paraît pas évident.

En tout cas, cet article a beaucoup retenu l'attention du monde rural et périurbain, certaines professions s'étant inquiétées, parfois grandement, des distorsions de concurrence qui pourraient résulter d'une trop large extension de la pluriactivité du monde agicole.

Cette question, qui n'est pas simple, notamment sur le plan juridique, peut toutefois être réglée si l'on fait preuve d'un peu de compréhension à l'égard de ces professions qui sont appelées à cohabiter dans un espace difficile. J'ai donc déposé des amendements tendant à mieux préciser, non pas le contenu de l'exploitation mais ce qu'elle peut être appelée à faire au travers de certaines règles fiscales ou jurisprudentielles, en s'appuyant notamment sur un arrêt récent du Conseil d'Etat, tendant à limiter les possibilités du donneur d'ordre, enfin à actualiser le seuil de l'accessoire tel qu'il est défini dans l'article 75 du code général des impôts.

Si cette discussion se déroule dans un bon esprit, ce dont je ne doute pas, nous devrions trouver une solution équilibrée qui permette, pour toutes les zones agricoles et particulièrement les zones difficiles, d'étendre la pluriactivité, c'est-à-dire des compléments de revenu permettant à des exploitations fragiles de rester au seuil de viabilité ; sans introduire des distorsions de concurrence, ce qui bien entendu ne serait pas acceptable pour les artisans, commerçants ou autres catégories non agricoles du monde rural.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

Cet article 6 est très important car nous devons trouver une solution de bon sens, qui satisfasse à la fois les agriculteurs, les artisans et les commerçants ruraux.

La pluriactivité est une nécessité pour nombre d'agriculteurs, de montagne comme de plaine, qui pratiquent un peu de restauration, d'hébergement de tourisme ou exercent quelques activités avec le matériel dont ils disposent. Nous avons déjà évoqué cette question dans la discussion générale et la commission de la production et des échanges - je rends hommage à son président -, dans sa sagesse, a adopté un amendement présenté par le groupe UDF.

M. François Patriat, rapporteur et M. Jean Glavany.

Très bon amendement !

M. German Gengenwin.

Cet amendement, no 89, précise que le caractère accessoire des travaux réalisés avec le matériel d'exploitation est apprécié au sens de l'article 75 du code général des impôts. Il devrait donc permettre de mettre un terme à ce contentieux. Nous avons eu de nombreux échos depuis et je peux vous dire que le monde de l'artisanat, et même celui des travaux publics, est largement satisfait de l'accord auquel la commission est parvenue. Nous espérons donc tout simplement que le Gouvernement abondera dans ce sens pour trouver un juste milieu qui à la fois permette la pluriactivité et donne satisfaction à l'artisanat du monde rural.

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques nos 317 et 859.

L'amendement no 317 est présenté par M. Jacob et les m embres du groupe du Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production et des échanges.

L'amendement no 859 est présenté par M. Michel Bouvard.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'article 6. »

M. Christian Jacob.

L'amendement no 317 est retiré.

M. Michel Bouvard.

L'amendement no 859 également.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1998

M. le président.

Les amendements nos 317 et 859 sont retirés.

M. Barrot a présenté un amendement, no 751, ainsi rédigé :

« Compléter le deuxième alinéa de l'article 6 par les mots : "et les activités situées dans le prolongement de l'intervention dans le cycle biologique." » Cet amendement est-il soutenu ?

M. Germain Gengenwin.

Oui !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

Avis défavorable.

L'amendement de M. Barrot ne tient pas compte des travaux de le commission. Celle-ci, en effet, après une discussion approfondie sur la définition du caractère accessoire des activités connexes de l'acte de production, a adopté un amendement qui a été rédigé en commun et qui devrait donner satisfaction à l'ensemble de l'Assemblée. En définissant l'activité agricole, le statut de l'exploitation et celui de l'exploitant, la commission a enrichi le texte sur trois points.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Après le rapporteur, je voudrais revenir sur la portée de l'article 6 relatif à la définition de l'activité agricole. C'est un élé ment important du projet de loi puisqu'il traduit, en effet, la prise en compte juridique de la multifonctionnalité de l'agriculture tout en en fixant les limites. Il importe désormais que, lorsque l'on parle d'agriculture dans le code rural, ce soit bien toujours de l'agriculture comprise dans sa triple dimension : économique, sociale et de gestion de l'espace. A l'inverse, le code rural n'a pas vocation à absorber tous les autres codes et il doit être clair que cette définition n'a aucune incidence dans le domaine social, fiscal ou en matière de droit de l'urbanisme par exemple.

Le projet de texte réaffirme que le socle de l'agriculture, c'est la production de végétaux ou d'animaux à but alimentaire ou non. Il précise ensuite que les activités de valorisation du produit réalisées sur le site de l'exploitation sont considérées comme agricoles sans limitation de volume, car elles ne sont que le prolongement de l'acte de production. Enfin, il dit que les autres activités qui ont pour support l'exploitation, c'est-à-dire les travaux effectués à l'aide du matériel de l'exploitation, que la restauration et l'hébergement peuvent être considérés comme agricoles, à condition de conserver un caractère accessoire et c'est là un point fondamental.

Il ne s'agit pas, par de telles dispositions, de permettre aux agriculteurs de concurrencer les artisans et les commerçants sans supporter les mêmes contraintes et les mêmes charges. Il s'agit de faire en sorte que chacun puisse contribuer au développement rural dans l'intérêt de tous.

J'insiste donc sur la nécessité d'en rester à un caractère accessoire pour l'ensemble de ces dernières activités.

La commission, monsieur le rapporteur, a fait un excellent travail de clarification du texte. Elle a même renforcé le caractère accessoire pour les travaux et l'hébergement. Je serais pleinement d'accord avec ces propositions si elle acceptait - mais vous venez de répondre favorablement, monsieur Patriat - de rétablir le caractère accessoire pour les activités de restauration, en reprenant sur ce point la formulation initiale du Gouvernement. Je précise que j'ai obtenu le consentement à notre projet de l'Union professionnelle artisanale et des représentants des chambres de métiers. Je vous invite donc à vous en tenir au compromis équilibré exprimé par cet article.

En conséquence, le Gouvernement est défavorable à l'amendement no 751.

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

A l'issue de ses travaux, la commission a, en effet, adopté une position beaucoup plus équilibrée. A notre initiative, elle a donné un contenu au caractère accessoire des travaux que l'exploitant réalise avec le matériel nécessaire à son exploitation.

Nous considérons les uns les autres que tous les acteurs du territoire doivent contribuer à l'équilibre du territoire et qu'il ne saurait y avoir, au travers des aides de l'Etat, des conditions de concurrence et de distorsion. Compte tenu des apaisements qui ont été apportés et de la tonalité qui a été donnée, nous retirons l'amendement no 751.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

M. le président.

L'amendement no 751 est retiré.

M. Jacob et les membres du groupe du Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production ont présenté un amendement, no 318, ainsi rédigé :

« Supprimer les cinq derniers alinéas de l'article 6. »

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Nous sommes bien conscients que la commission a effectué du bon travail en ne rédigeant en partie l'article 6. Cette nouvelle rédaction limitera les risques de dérapage. D'ailleurs, tous les commissaires de l'opposition y ont participé et nous venons de retirer nos amendements de suppression de l'article. Cela étant, selon nous, la rédaction de l'article 311-1 du code rural assurait largement l'équilibre recherché.

Il reste en tout cas le problème des baux ruraux. Comment élargir sans cesse leur champ d'action ? L'extension de l'activité agricole risque de provoquer des conflits entre bailleurs et preneurs.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

La commission a rejeté cet amendement car si l'on suivait M. Jacob, on se retrouverait en retrait du code rural actuel. De surcroît, on perdrait toutes les notions novatrices que le texte introduit, notamment la multifonctionnalité qu'on va définir au travers des prochains amendements et sousamendements.

M. Christian Jacob.

Répondez à ma question sur les baux ruraux, monsieur le rapporteur !

M. François Patriat, rapporteur.

Avis défavorable de la commission.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier.

Monsieur le rapporteur, je rends hommage à la manière dont vous avez pris en compte en commission certaines de nos observations sur l'amendement no 89 qui ne rédige en partie l'article 6.

M. François Sauvadet.

C'était nécessaire !

M. Patrick Ollier.

Mais je voudrais ajouter un argument à la démonstration faite par mes collègues Estrosi et Bouvard qui, au sein de notre groupe, s'attachent plus particulièrement à défendre la politique montagnarde. Je voudrais notamment insister, monsieur le ministre, sur votre


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1998

interprétation du caractère accessoire. Tout à l'heure, vous avez repoussé nos amendements relatifs au handicap géographique. Soit. Eh bien, une interprétation extensivee t bienveillante du caractère accessoire au titre de l'article 75 du CGI peut résoudre le problème d'une manière générale sur le territoire.

Il ne faut pas oublier que, dans les zones de montagne, le contexte présente pendant six mois un caractère plutôt particulier et qui n'a rien d'accessoire. Le handicap géographique conduit à une cessation complète de l'activité.

Avec 1,50 mètre de neige sur nos terres, nous ne sommes pas dans les mêmes conditions climatiques que le reste du territoire. Monsieur le ministre, je voudrais donc être bien sûr que vous interprétez le caractère « accessoire » au titre de l'article 75 du CGI d'une manière extensive ou, en tout cas, objective dans les zones de montagne. Car s'il est appliqué stricto sensu comme en Vendée ou en Poitou-Charentes, nous serons confrontés, du fait du handicap géographique, à de graves problèmes. Tel ne serait pas le cas si vous aviez accepté de prendre en compte le handicap géographique. Il faut au moins que tout ce qui soutient l'activité touristique dans les zones de montagne - soit quarante-deux départements - ne se heurte pas à une application plus stricte de l'article 75 du CGI.

M. François Sauvadet.

Excellent !

M. François Patriat, rapporteur.

D'accord avec vous.

M. le président.

Je mets aux voix...

M. Patrick Ollier.

J'attends une réponse, monsieur le

président

!

M. le président.

Monsieur Ollier, la commission et le Gouvernement ont la parole quand ils la demandent. S'ils ne la demandent pas, je ne peux pas la leur donner...

Je mets aux voix l'amendement no 318.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

6

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, no 977, d'orientation agricole : M. François Patriat, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 1058).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT