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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. MICHEL PÉRICARD

1. Loi de finances pour 1999 (première partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 6683).

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) (p. 6683)

Prélèvement au titre du budget des Communautés européennes M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances.

M. Gérard Fuchs, rapporteur spécial de la commission des finances.

Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

M. Didier Boulaud, suppléant M. Henri Nallet, président de la délégation pour l'Union européenne.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

MM. Maurice Ligot, Georges Sarre, Pierre Lequiller, Alain Barrau, Henry Chabert, Jean-Claude Lefort.

M. le ministre.

Article 42 (p. 6706)

Amendement no 426 de M. Cuvilliez : MM. Christian Cuvilliez, le rapporteur général, le ministre, Marc Laffineur, Yves Cochet. Rejet.

Adoption de l'article 42.

M. le président.

Suspension et reprise de la séance (p. 6707)

Après l'article 2 (suite) (p. 6707)

Amendement no 513 de M. Gengenwin : MM. Jean-Jacques Jégou, le rapporteur général, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Rejet.

Amendement no 456 de M. Carrez : MM. Gilles Carrez, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Jean-Pierre Brard, Jean-Jacques Jégou. Rejet.

Amendements nos 545 de M. Brard et 166 rectifié de M. Cochet : MM. Jean-Pierre Brard, Yves Cochet, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Philippe Auberger, Maurice Adevah-Poeuf, Jean-Jacques Jégou, Marc Laffineur. Rejets.

Amendements nos 306 corrigé de M. Brard, 165 rectifié de M. Cochet, 305 de M. Laffineur et 304 de M. Dominati : MM. Jean-Pierre Brard, Yves Cochet, Marc Laffineur, Gilbert Gantier, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat,

M aurice Adevah-Poeuf. Retrait de l'amendement no 306 corrigé.

M. Yves Cochet. Retrait de l'amendement no 165 rectifié.

MM. Marc Laffineur, Gilbert Gantier. Rejet des amendements nos 305 et 304.

Amendement no 295 de M. d'Aubert : MM. François d'Aubert, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. Rejet.

Article 3. Adoption (p. 6718)

Après l'article 3 (p. 6718)

Amendements nos 191 et 192 de M. Gérard Voisin : MM. Marc Laffineur, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. Rejets.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 6719).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. MICHEL PÉRICARD,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1 LOI DE FINANCES POUR 1999 (PREMIÈRE PARTIE) Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078, 1111).

Discussion des articles (suite)

M. le président.

En accord avec le Gouvernement, nous en venons à l'article 42 relatif à l'évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes que nous allons examiner dans les conditions arrêtées par la conférence des présidents.

Prélèvement au titre du budget des Communautés européennes

M. le président.

La parole est à M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé des affaires européennes, mes chers collègues, si le débat de cet aprèsmidi est désormais traditionnel, il se présente cette année sous des auspices très particuliers. En effet, le prélèvement, au profit des Communautés européennes, qu'il nous est proposé d'approuver, résulte très largement d'un projet de budget communautaire considéré par beaucoup d'entre nous comme peu réaliste.

Par ailleurs, l'exercice 1999 marquera un tournant avec la mise en place de l'euro et l'expiration de la programmation budgétaire définie lors du Conseil européen d'Edimbourg en 1992.

De nouvelles négociations sont donc engagées sur le système des ressources de la Communauté, sur les conditions techniques de l'élargissement et sur la définition de nouvelles perspectives financières.

A bien des égards, le projet de budget communautaire adopté par le Conseil le 12 juillet dernier est riche d'enseignements.

La première originalité par rapport aux deux précédents exercices réside dans la faiblesse des variations de crédits entre l'avant-projet initial de la Commission et le projet de budget du Conseil.

Nous savons tous ici, monsieur le ministre, combien le Gouvernement français a été actif pour faire prévaloir une vision plus réaliste. La France n'a malheureusement pas été suivie par ses partenaires. Aussi le choix qui a été fait de ne pas traiter le problème posé par l'achèvement de la programmation financière décidée à Edimbourg en 1992 s'agissant des fonds structurels explique que la croissance du budget communautaire reste soutenue, avec une hausse de 6 % des crédits pour engagements et de 2,8 % pour paiements.

Je me contenterai de rappeler brièvement l'origine de cette croissance.

Les perspectives financières adoptées pour la période 1993-1999 à Edimbourg, connues sous le nom de

« paquet Delors II », sont caractérisées par un volontarisme certain en matière d'actions structurelles, tant en raison des crédits importants qui leur sont affectés que du fait de l'adoption de mécanismes spécifiques concernant la fixation de ces mêmes crédits.

Ainsi, la rebudgétisation automatique des dotations non utilisées conduit à un effet de ressaut en fin de période de programmation, compte tenu de la traditionnelle sous-exécution affectant les crédits des fonds structurels.

Au total, la croissance des crédits consacrés aux actions structurelles en 1999 s'élèvera à 16,6 % en crédits pour engagements et 9 % en crédits pour paiements.

Si le Conseil a tenu à effectuer des économies, celles-ci n'ont pu être que marginales, leur assiette excluant les dépenses structurelles et les actions agricoles. Les réaménagements opérés par le Conseil par rapport à l'avantprojet de budget sont donc mineurs : ils ne représentent que 562 millions d'euros d'économies.

S'agissant des actions extérieures, les crédits ont été réduits de 208 millions d'euros, avec notamment une réduction des crédits du programme PHARE - réduction qui, il faut l'espérer, contribuera à une mise en oeuvre plus rationnelle des actions prévues en la matière. De même, un effort supplémentaire a été effectué pour les dépenses administratives.

Les politiques internes ont, quant à elles, enregistré des réductions de l'ordre de 256 millions d'euros. A cet égard, je tiens à rappeler que la résolution adoptée par l'Assemblée nationale sur l'avant-projet de budget avait insisté sur le caractère essentiel des réseaux transeuropéens, au regard de leur effet positif sur l'emploi et la croissance, tout en jugeant dérisoire le montant qui leur était affecté. Je ne peux donc que regretter que les dotations correspondantes aient été réduites par le Conseil.

Les crédits pour engagements ont, en effet, été diminués de 38 millions d'euros, tandis que les crédits pour paie-


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ments ont fait l'objet d'un abattement de 22 millions d'euros, ramenant leur progression à 15,5 % par rapport à 1998.

Il faut y voir l'effet un peu absurde d'une rigidité exagérée du budget communautaire qui interdit, de fait, de dégager les marges de manoeuvre nécessaires pour financer les actions les plus utiles à la croissance et à l'emploi.

Dans une très large mesure, c'est cette rigidité qui conduit à évaluer à 95 milliards de francs la contribution française au budget communautaire en 1999. Or nous savons tous ici que, désormais, il est très improbable de voir le projet de budget communautaire sensiblement modifié. Il convient donc d'en tirer les leçons pour l'avenir.

Que l'on ne se méprenne pas sur mes propos : je considère que la dépense communautaire est d'ores et déjà utile. Il suffit pour s'en convaincre de mesurer les progrès réalisés en matière de convergence des économies des Etats membres. Elle le sera encore plus dans le cadre d'une zone euro davantage solidaire.

Toutefois, la dépense doit gagner en légitimité pour être mieux acceptée. Pour cela, elle doit répondre à trois impératifs : progresser à un rythme comparable à celui des dépenses des Etats membres, être mieux contrôlée et être affectée aux actions les plus utiles.

Le premier impératif va de soi. De fortes contraintes pèsent sur les finances publiques des Etats membres et aucun d'entre eux ne pourrait admettre que l'Union s'exonère d'efforts qu'elle encourage pour tous. Depuis plusieurs années, le Conseil s'est fait le gardien de ce précepte, face à une commission souvent tentée par l'élaboration de budgets qui ne sont pas toujours réalistes.

A cet égard, il y a lieu d'observer que le budget communautaire s'inscrivant dans le cadre de perspectives financières pluriannuelles, il est impératif que celles-ci soient définies avec rigueur. Il convient de surcroît d'éviter que ne soient instaurés ou pérennisés des mécanismes trop rigides de fixation des dépenses de telle ou telle rubrique, afin de se prémunir de conséquences fâcheuses, comme ce sera le cas pour 1999. Aussi le Gouvernement trouvera-t-il dans cet hémicycle un large appui pour inviter nos partenaires à modifier les propositions de la Commission s'agissant des prochaines perspectives financières figurant dans Agenda 2000

Les négociations s'annoncent certes difficiles, mais maintenir la progression des dépenses à un rythme soutenable est d'autant plus nécessaire que certains de nos partenaires réclament de plus en plus vigoureusement que leur contribution nette soit revue à la baisse. A cet égard, la Commission européenne a adopté, le 7 octobre dernier, un rapport sur le fonctionnement du système des ressources propres, document qui propose trois options pour limiter les contributions très importantes de certains

Etats. L'Assemblée nationale se prononcera en temps voulu sur les éventuelles réformes qui en découleront.

D'ores et déjà, des inquiétudes ont pu être manifestées ici ou là.

Pour ma part, je pense que l'idée d'une correction généralisée, étendant en fait le système de la ristourne bri tannique à l'ensemble de la Communauté est une piste à écarter, car elle remettrait en question la solidarité qui peut et doit s'exprimer au travers du budget communautaire.

Le deuxième impératif en matière de finances communautaires, c'est d'assurer un contrôle plus étroit de la dépense. Certes, le Parlement européen, la Cour des comptes des Communautés ainsi que les parlements nationaux ne s'interdisent pas de critiquer la gestion de certains crédits. Force est malheureusement de constater que ces critiques sont souvent répétitives d'une année à l'autre, sans que l'inertie des dépenses ait été notablement affectée. Je pense notamment aux modalités d'engagement des crédits du programme PHARE.

Un meilleur contrôle suppose aussi d'accentuer la lutte contre la fraude. Une récente affaire de détournement de fonds normalement destinés à l'action humanitaire a fait suffisamment de bruit pour qu'il soit envisagé que l'unité de coordination de la lutte anti-fraude soit remplacée par un office totalement indépendant de la commission. Il s'agit d'une piste intéressante car la lutte contre la fraude et la corruption ne doit en aucun cas se relâcher.

Toujours en matière de contrôle des dépenses communautaires, un accord interministériel a été conclu le 6 octobre dernier en vue de résoudre la question des bases légales. On doit s'en féliciter, car il n'était pas admissible, comme la commission des finances a eu l'occasion de le souligner, que la Commission européenne se permette d'engager des dépenses importantes sans qu'un acte de base préalable ait été adopté.

Enfin, troisième impératif, la dépense communautaire doit être efficace. Telle doit être la source première de sa légitimité. Cela implique que les crédits soient affectés prioritairement aux dépenses ayant un impact sur la croissance et l'emploi - et je sais, monsieur le ministre, que vous y êtes sensible. Les dépenses d'infrastructures, notamment en faveur des réseaux transeuropéens, doivent donc être privilégiés à l'avenir. Ces réseaux sont actuellement financés de manière marginale par le budget communautaire proprement dit, les emprunts contractés par la Banque européenne d'investissement jouant un rôle décisif. Aussi, c'est fort opportunément que le Premier ministre a évoqué la possibilité de recourir à un emprunt européen pour accélérer la réalisation des travaux prioritaires. Pourquoi s'interdire, en effet, de profiter de taux d'intérêt historiquement bas pour investir ? Certes, ce sont des modifications importantes qui devront être apportées aux règles budgétaires communautaires. Mais la France confirmerait ainsi le rôle d'impulsion qui a toujours été le sien en proposant à ses partenaires une réforme de cette ampleur. Je sais, monsieur le ministre, que vous y êtes attaché.

En conclusion, j'invite l'Assemblée à voter l'article 42, non pas parce que le montant prévu nous satisfait totalement, mais bien parce que cette contribution résulte d'un engagement issu du traité.

D'une certaine manière, il s'agit de solder une programmation financière expirant l'an prochain et d'en tirer les enseignements pour réorienter en profondeur la dépense communautaire, pour favoriser, parce que tel est notre objectif sur le plan national, la croissance et l'emploi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Cochet.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Gérard Fuchs, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Gérard Fuchs, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé des affaires européennes, mes chers collègues, c'est un projet de budget européen, finalement assez banal, à deux problèmes près que je détaillerai par la suite, qui est soumis aujourd'hui à notre approbation.


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Comme l'a rappelé notre rapporteur général, il s'agit du dernier budget des perspectives financières pluriannuelles couvrant la période 1993-1999. Il s'inscrit, pour l'essentiel, dans ces perspectives.

A deux rubriques près donc, c'est un budget de reconduction en dépenses : les dépenses agricoles augmentent de 0,01 % par rapport à 1998 ; c'est minime.

Les politiques internes diminuent de 1 % ; c'est l'un des deux éléments que je détaillerai tout à l'heure. Les actions extérieures sont en très léger progrès en crédits d'engagement ; cela résulte des décisions pluriannuelles prises lors du conseil européen de Cannes. Elles sont en léger recul en paiements ; se pose effectivement un problème d'exécution de dépenses, lié notamment à l'évolution de la situation en Russie sur laquelle je ne m'apesantirai pas, parlant devant un public très averti. Les dépenses institutionnelles enfin n'augmentent que de 1,52 %, ce qui correspond à une simple projection liée à l'élargissement de l'Union, d'une part, et à la mise en oeuvre anticipée de certaines décisions liées au traité d'Amsterdam, d'autre part. Mais comme cette mise en oeuvre anticipée, notamment en ce qui concerne l'emploi, résulte d'une forte demande de la France, je pense que personne ici ne s'en fâchera.

Les recettes atteignent 1,096 % du PIB. C'est dire que nous disposons d'une marge encore assez considérable par rapport au plafond autorisé de 1,27 %. Parce que je considère que nous devrons en tenir compte à l'avenir, je m'arrêterai sur ce que j'appellerai le « croisement des recettes de TVA et des recettes liées au PNB des Etats ».

Ces deux recettes s'étaient « rattrapées » dans le budget de 1998. Mais, dans le projet de budget pour 1999, on observe un écart de 10 milliards d'euros au bénéfice de la recette liée au PNB. Nous devrons garder ces chiffres à l'esprit lorsque nous réfléchirons demain à l'instauration d'une meilleure participation des Etats membres aux budgets de l'Union.

Le premier des problèmes liés aux dépenses concerne la politique de recherche.

En effet, comme l'a dit le rapporteur général, les dépenses qui lui sont consacrées sont cette année en recul. Nous considérons ce recul comme regrettable. Il tient, pour l'essentiel, au montant des dépenses actuellement prévues par le cinquième programme cadre de recherche et de développement qui a été fixé pour cinq ans à 14 milliards d'euro - décision du Conseil du mois de mars.

Notre commission des finances et notre assemblée ont estimé, à travers diverses résolutions, que ce montant était insuffisant et qu'un montant de l'ordre de 16 milliards d'euros était souhaitable.

Je mesure bien, comme rapporteur, toutes les critiques qui ont pu être faites, notamment par le ministre français de la recherche, à certaines procédures d'engagement de dépenses dans les années passées ; je les partage, pour la plupart.

Si c'est sur la base de ces critiques que, jusqu'au mois de mars, notre gouvernement a adopté une attitude un peu raide concernant ce montant de 14 milliards, j'approuve cette position de négociation tactique. Mais puisque le cinquième PCRD a été bâti, semble-t-il, dans un esprit beaucoup plus constructif et beaucoup mieux organisé en termes de qualité de dépenses de la recherche, notre vigilance financière devrait maintenant se relâcher.

Et j'espère, monsieur le ministre - je m'adresse à vous, même si vous ne détenez pas directement les cordons de la bourse - que nous pourrons, grâce au dialogue qui va s'engager avec le Parlement européen, trouver un accord sur un niveau plus élevé que 14 milliards d'euros.

Le deuxième point sur lequel je veux insister à propos des dépenses, est l'évolution de la rubrique 2, celle relative aux actions structurelles, qu'a déjà évoquée Didier Migaud.

Le Conseil a décidé d'y inscrire en engagements et en paiements le solde des décisions prises à Edimbourg il y a cinq ans. En français courant cela signifie que, de 1998 à 1999, les crédits d'engagement progresseront de 5,5 milliards d'euros et les crédits de paiement de 2,5 milliards d'euros. Ces inscriptions supplémentaires expliquent la croissance générale du budget qui atteint 96,5 milliards d'euros en engagements soit une croissance de plus de 6 %, considérable dans le contexte actuel, et 85,9 milliards d'euros en paiements, soit une croissance de 2,8 % ce qui est également notable. Ainsi, pour notre pays, cela aboutit à un prélèvement de 95 milliards de francs au titre de l'article 42.

Mes chers collègues, je comprends bien les décisions de nature politique qui ont conduit à inscrire ces montants dans le projet de budget pour 1999, mais nous savons tous, ici, que ces décisions sont inexécutables, car, qu'il s'agisse de crédits d'engagement ou de paiement, ils ne pourront pas être dépensés dans la durée requise.

Je regrette donc une nouvelle fois, m'adressant moins au Gouvernement français qui a fait ce qu'il a pu qu'aux autorités communautaires, que n'ait pas été suivie la proposition de notre commission des finances. Elle consistait à admettre, pour l'affichage politique, l'inscription des crédits d'engagement prévus par le Conseil d'Edimbourg afin de donner un signal fort aux pays appelés à bénéficier des actions correspondantes, mais à étaler sur plusieurs années les crédits de paiement, ce qui serait beaucoup plus raisonnable et beaucoup plus sérieux.

Ce regret va me servir de transition avec la deuxième partie de mon commentaire qui tendra à démontrer que si, mis à part les deux points sur lesquels j'ai insisté, le budget communautaire était effectivement ordinaire, le contexte dans lequel il s'inscrit n'est pas banal du tout.

Le premier élément de ce contexte est bien évidemment la mise en oeuvre de l'euro au 1er janvier de l'année prochaine. Nous examinons d'ailleurs le premier budget présenté en euros par la Commission.

La mise en place de l'euro s'effectue dans les meilleures conditions puisque onze pays appartiendront d'emblée à la zone euro. Je le rappelle à l'attention de quelques détracteurs - je n'en vois malheureusement pas cet aprèsmidi, dans cette salle - selon lesquels nous irions vers une zone mark à peine élargie, le choix de la monnaie unique devant être une catastrophe. Les onze Etats concernés incluent les fondateurs de l'Europe, les pays dont la volonté politique est la plus forte, et je m'en félicite.

Les conditions sont d'autant plus favorables que la seule annonce de la mise en oeuvre de l'euro a eu des effets positifs : aujourd'hui, les taux d'intérêt sont historiquement bas et ils favorisent l'investissement, donc la croissance et l'emploi. Il est évident aussi que la zone euro constitue une protection essentielle dans la tourmente financière qui secoue le monde.

Nous serons amenés, dans les semaines qui viennent, à discuter de problèmes, à la fois techniques et politiques, liés à la mise en place de la banque centrale européenne et de ses premières décisions, mais ce n'est encore ni le lieu ni l'heure de les détailler.


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Le deuxième élément du contexte sur lequel je veux insister est cette fameuse crise financière mondiale dont je viens d'évoquer l'importance.

Nous avons eu droit, avant-hier, à une excellente analyse du ministre de l'économie et des finances sur les causes et les conditions de cette crise. Je n'y reviens pas.

Je suis d'accord avec M. Strauss-Kahn pour estimer que ses effets tant sur notre pays que sur la zone euro devraient être limités, d'une part parce que cette zone est relativement peu ouverte sur l'extérieur - elle n'exporte que 9 % environ de sa production intérieure - et, d'autre part, - le Gouvernement français y est pour une bonne part - parce que notre croissance est essentiellement tirée par la consommation intérieure et non par les exportations.

Néanmoins je ne peux éviter de poser à l'Assemblée la question de savoir si la zone euro, telle qu'elle existe à onze, peut prendre des initiatives économiques tendant à favoriser davantage, dans la tourmente internationale, à la fois la croissance et l'emploi, tant pour 1999 que pour les années suivantes ? Ma réponse, explicitée dans le rapport écrit que j'ai présenté, est positive et je me contenterai de mentionner rapidement, en conclusion, quatre directions qu'il me semble utile de suivre.

D'abord nous devons absolument accélérer le renforcement de la coordination des politiques économiques des onze Etats qui participent aujourd'hui à la monnaie unique. A cet égard, pardonnez-moi si je dois jargonner un peu, mes racines économiques prenant le pas sur mon rôle politique.

Aujourd'hui, les onze pays de la zone euro jouent un jeu d'équipe, ce que les théoriciens appellent un « jeu coopératif à somme positive ». Si nous sommes capables de définir notre politique nationale, aux plans économique, budgétaire, fiscal, en tenant compte à l'avance de ce que vont faire les autres, il sera plus facile de chercher à atteindre collectivement un optimum. Onze, heureux hasard, c'est l'effectif d'une équipe de football. Or on demande à onze joueurs non pas de jouer de la même manière, mais de coordonner leurs efforts au bénéfice d'un intérêt collectif. C'est pourquoi je crois que, en coordonnant mieux les décisions de politique économique des onze, nous pouvons obtenir une croissance supérieure d'un demi, voire d'un point, ce qui signifie des centaines de milliers de chômeurs en moins. Il faut donc le faire.

M a deuxième proposition concerne le domaine monétaire.

D'après le traité de Maastricht, la Banque centrale européenne doit, certes, d'abord veiller à la stabilité des prix, mais il lui appartient aussi de prendre en compte les nécessités de la croissance et de l'emploi. Cette affirmation m'amène à formuler deux souhaits.

Je voudrais d'abord que les dirigeants de la Banque centrale européenne se posent la question du niveau actuel des taux d'intérêt qu'ils ont défini.

M. Pierre Bourguignon.

Très bien !

M. Gérard Fuchs.

Je suis prêt à accepter l'idée que, pour des raisons d'achèvement de mise en place de l'euro, il faille rester prudent jusqu'au 1er janvier 1999. En revanche, il faudrait que, dès le 2 janvier, les décisions nécessaires soient prises.

Dans le même esprit, toujours d'après le traité de Maastricht, il revient au conseil des ministres, autorité politique, de fixer des zones cibles pour les taux de change entre l'euro et les monnaies extérieures. Là encore je veux bien admettre que, jusqu'au 1er janvier, il faille s'exprimer et agir avec prudence, mais je souhaite que les responsables politiques veillent à définir très rapidement une politique de change pour l'euro, notamment par rapport au dollar. Nos exportations, donc notre croissance et notre emploi sont en jeu.

Ma troisième proposition concerne l'excédent des réserves de change que provoquera la mise en place de l'euro entre onze pays.

En effet, mes chers collègues, chacun n'aura plus à défendre la parité de sa monnaie face aux dix autres. Il y aura donc besoin de réserves de change moins importantes et je pense qu'une partie de cet excédent pourrait servir, directement ou indirectement soit à financer certaines dépenses, soit à gager un emprunt destiné à couvrir ces dépenses comme l'a proposé le rapporteur général. A mes yeux, elles devraient être engagées en faveur d'actions de nature à assurer la croissance de demain, par exemple, liées à l'informatique et aux biotechnologies, à une politique spatiale hardie, à une politique de progrès en matière d'environnement planétaire, toutes matières à dépenses utiles et porteuses de croissance et d'emploi à moyen et à long terme.

Enfin, ma dernière proposition rejoint les critiques que j'ai formulées à l'encontre des inscriptions supplémentaires opérées en faveur des fonds structurels, au moins en crédits de paiement.

S achant, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous constaterons en fin d'année prochaine, que nous n'avons pas pu dépenser tous les crédits inscrits au budget de 1999, nous devons d'ores et déjà réfléchir sérieusement à la manière d'affecter les sommes disponibles à d'autres lignes budgétaires également liées à l'aménagement du territoire européen. Je pense notamment à tout ce qui touche aux grands réseaux, qu'il s'agisse du TGV, des réseaux numériques ou des câbles optiques.

Un tel transfert resterait conforme à l'esprit des fonds structurels. Il serait donc judicieux de rechercher dès à présent un accord politique à quinze ou à la majorité, pour utiliser d'une façon intelligente les fonds non dépensés de la rubrique 2 des actions structurelles en 1999.

L'Union européenne est aujourd'hui à un carrefour : soit elle se laisse balloter par la crise financière mondiale, soit elle se montre capable d'exprimer une véritable volonté politique, c'est-à-dire, concrètement, capable de mettre en oeuvre de nouvelles politiques communes, notamment en matière d'emploi et en matière sociale, et capable d'affirmer son identité extérieure.

Prenons l'exemple du drame que vit aujourd'hui le Kosovo. Je suis heureux de ce que font les Américains et nous contribuons à les aider. Néanmoins j'aimerais que le pouvoir d'appréciation et de décision soit concrètement mieux partagé. Cela suppose un renforcement et une politisation de nos institutions, donc leur évolution. Tel est le débat que nous devons mener. Nous l'aurons dans les semaines et les mois qui viennent. J'espère qu'il sera rapide, créatif et positif.

En attendant, je vous invite, sans surprise, mes chers collègues, à adopter les crédits des affaires européennes proposés à la ligne 42 du projet de loi de finances pour 1999.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les affaires européennes.


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Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour les affaires européennes.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens d'abord à souligner l'importance de ce débat, car, eu égard aux sommes engagées, il est regrettable qu'il ait peu de place dans nos débats parlementaires et qu'il arrive si tôt dans le débat sur la loi de finances, ce qui fait que nous avons beaucoup de difficultés pour obtenir toutes les informations nécessaires sur le budget.

La France doit, chaque année, verser sa quote-part au budget communautaire. Celui pour 1999 étant en assez forte hausse, la contribution française l'est donc également. Nous verrons qu'il ne s'agit pas là, contrairement aux apparences, d'une dérive de la dépense publique communautaire, même si celle-ci n'est pas exempte de reproches.

Je m'efforcerai surtout de vous convaincre de l'opportunité, à l'occasion de l'examen du dernier budget du paquet Delors II, comme on dit dans le jargon, de mener une réflexion tant sur l'outil que constitue le budget communautaire que sur les finalités de son utilisation, réflexion qui devrait correspondre à l'ambition que nous fixons à la construction européenne. Après tout, en effet, si cette ambition est forte, il n'est pas scandaleux de prévoir un budget permettant d'y répondre.

Dans le projet de budget communautaire transmis pour avis au Parlement européen les crédit d'engagement s'élèvent à 96,5 milliards d'euros, soit une hausse de 6,1 % par rapport à 1998, et les crédits de paiement à 85,9 milliards d'euros, soit une hausse de 2,8 %. Cette augmentation survient après deux exercices rigoureux.

Elle découle, pour l'essentiel, de la volonté d'honorer les engagements politiques adoptés par le Conseil au sommet d'Edimbourg et de la nécessité de le faire en cette dernière année des perspectives financières arrêtées par ledit sommet.

Cette augmentation n'est pas homogène selon les différents types de dépenses.

Elle profite essentiellement, pour les raisons évoquées, aux actions structurelles dont les crédits d'engagement progressent de 16,6 % et les crédits de paiement de 9 %. Ils atteignent désormais près de 40 milliards d'euros, soit un niveau comparable à celui de la PAC dont les moyens sont simplement maintenus à leur niveau de 1998, même si un léger ajustement à la hausse est susceptible d'intervenir ultérieurement dans l'année.

Les autres dépenses - politiques internes concourant à la réalisation et au fonctionnement du marché intérieur, dépenses administratives et dépenses d'action extérieure font quelque peu les frais de la progression des actions structurelles qui obèrent les moyens disponibles.

Cela entraîne de façon logique, mécanique, la hausse de la contribution française qui est évaluée à 95 milliards de francs, ce qui n'est pas rien.

Après une période de stabilité, de 1994 à 1996, la contribution française a subi un important ressaut en 1997. Le prélèvement au profit du budget général des Communautés a augmenté de 9 % en l'espace de deux exercices.

Néanmoins l'impact de la hausse du prélèvement sur les finances nationales est à nuancer. En effet, la ponction supplémentaire, 3,5 milliards de francs, est d'un niveau tout à fait supportable pour la France. Beaucoup plus préoccupant est le caractère constamment croissant de la contribution effectivement prélevée chaque année sur le budget national français. Il convient, toutefois, de comparer cette évolution à celle de la richesse nationale. Rapportée aux recettes fiscales nettes nationales, la hausse, quoique réelle, est très modérée.

Par ailleurs, les versements au budget communautaire ne sauraient être considérés comme des « pertes sèches » pour la France. La France est, en effet, bénéficiaire à plusieurs titres des politiques communautaires. Outre les conséquences des politiques internes de l'Union, elle est aussi bénéficiaire des fonds structurels. Sur la période 1994-1999, ce ne sont pas moins de 14,9 milliards d'écus qu'elle aura perçus à ce dernier titre, soit environ 100 milliards de francs, même si sa part tend à décroître. Enfin, la France est le premier Etat bénéficiaire de la politique agricole commune. Elle a, en effet, reçu en 1997 22,6 % des crédits du FEOGA-Garantie, loin en tête devant le deuxième bénéficiaire, l'Allemagne avec 14,2 %. Les versements communautaires à son profit se sont élevés, en 1996, à plus de 60 milliards de francs. Au total, la France est le premier bénéficiaire de la dépense communautaire dont elle perçoit 16,4 %. Même si la définition d'un solde net constitue un exercice un peu vain, la contribution nette de la France peut être décrite comme modeste, non seulement en niveau absolu puisqu'elle oscille entre 1 et 3 milliards d'écus, mais surtout eu égard à sa taille et à sa puissance sur la scène européenne.

Il convient aussi de rappeler, une fois encore, que la h ausse du budget communautaire est pour partie conjoncturelle.

Le souci de respecter les engagements politiques antérieurement conclus est certes louable, même si l'on peut s'interroger sur la qualité, voire sur le sérieux, d'opérations réalisées dans un tel contexte. Cette volonté de rattrapage pose la question de la qualité de la gestion des deniers communautaires.

L'actualité récente, c'est-à-dire la crise interinstitutionnelle sur la décharge relative à l'exécution du budget de 1996 provoquée par les irrégularités découvertes dans la gestion d'ECHO, notamment, constitue un phénomène certes grave, mais ce n'est qu'une manifestation extrême d'une gestion globalement insatisfaisante, à plusieurs titres : sous-exécution chronique des dépenses prévues, décalage prononcé et croissant entre crédits d'engagement et crédits de paiement, etc.

Si la Communauté dispose de moyens relativement abondants, elle semble parfois paralysée dans leur utilisation, que ce soit par l'insuffisance de ses structures comme dans le cas d'ECHO, par la lourdeur du processus décisionnel, ou par la difficulté à faire émerger des projets pertinents et à les évaluer.

Elle est également contrainte par la volonté des Etats membres de maîtriser la dépense publique communautaire. En effet, toutes les dépenses communautaires s'inscrivent largement sous le plafond maximal théorique, au point que le plafond des ressources propres fixé à 1,27 % du PIB communautaire est très loin d'être atteint. Il est donc exagéré de parler d'une dérive des dépenses communautaires.

Malheureusement, ce budget en progression n'est pas non plus le symbole de grandes ambitions.

Tout d'abord, une réflexion doit impérativement être menée sur les améliorations à apporter à l'utilisation des fonds communautaires.

Des progrès ont certes été enregistrés sur le plan de la régularité de l'emploi des crédits : renforcement des moyens de l'UCLAF, unité de coordination de la lutte


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anti-fraude, fin de la pratique dite des « sous-marins » - délégation de l'administration des crédits communautaires à des structures extra-administratives - séparation accrue des différents acteurs de la dépense, renforcement du contrôle financier interne, élévation de la Cour des comptes européenne au rang d'institution à part entière.

L'utilisation des crédits connaît également quelques progrès : meilleure exécution des dépenses, appel de ressources propres auprès des Etats membres plus proches des dépenses réelles, par exemple.

Toutefois, de nombreux points noirs subsistent, qu'il conviendrait de régler à l'occasion de la négociation Agenda 2000. Ainsi, le statut privilégié des dépenses structurelles doit être revu. En effet lorsque l'on n'a pas réussi à trouver un emploi pour des fonds pendant quatre ans, il n'apparaît pas illégitime de penser qu'ils peuvent être économisés, ou redéployés au profit d'un autre type de dépenses. Par ailleurs, il convient d'améliorer l'information des acteurs locaux concernés, car elle est souvent tardive et inadaptée. De même, il faudrait lisser le plus possible les appels à contributions, afin d'éviter les ressauts d'une année sur l'autre.

L'octroi d'une partie des ressources nationales à l'échelon européen n'est certes pas une idée très populaire. Elle n'est viable qu'à la condition que règne la certitude que ces ressources sont remises en des mains fiables et efficaces. L'amélioration de la gestion des fonds communautaires est donc une priorité essentielle. Après tout, notre Parlement dispose d'outils d'évaluation. Pourquoi ne pas les utiliser en ce qui concerne l'utilisation en France des financements communautaires ? En revanche, la question brûlante est celle des modalités de financement d'un budget maintenu à son niveau actuel. Ainsi le débat sur les contributions nationales ne peut qu'être relancé par la publication la semaine dernière du rapport de la Commission européenne sur ce sujet. A cet égard, le Gouvernement français a déjà eu l'occasion de souligner la singularité et le caractère difficilement tenable de la position faiblement contributrice française, et de donner son accord à un certain rééquilibrage des contributions.

Néanmoins, le débat est encore largement ouvert et le sujet peut faire l'objet d'une réflexion conjointe du Parlement et du Gouvernement - nous l'appelons de nos voeux - tant sur la possibilité d'obtenir des recettes nouvelles - avec une taxe sur l'énergie, par exemple - que sur la lisibilité de ce budget pour les peuples européens, par exemple en créant un impôt direct dont l'éventualité reste à l'étude.

Il est clair que ce budget de transition doit avant tout être l'occasion d'un débat sur les finalités et les priorités du budget communautaire.

Plus importante encore que la question des modalités de la dépense est celle de ses objectifs. A ce propos on ne peut que déplorer les caractéristiques actuelles du budget communautaire, dont les priorités sont assez méconnues, peu lisibles et l'évaluation encore insuffisante. Bref, il est grand temps de reprendre l'initiative pour éviter que l'Europe ne sombre dans un amas de procédures kafkaïennes et incompréhensibles pour nos concitoyens.

Les discussions sur Agenda 2000 et les nouvelles perspectives financières doivent être l'occasion de définir les axes prioritaires de la politique budgétaire de l'Union et son contenu ; d'examiner la pertinence des dépenses agricoles en appréhendant, d'une part, la cohérence de ces dépenses avec d'autres politiques communautaires et, d'autre part, la multifonctionnalité de l'agriculture, comme nous le faisons au travers de la loi d'orientation agricole.

Elles doivent aussi permettre de mieux cibler les actions communautaires - de ce point de vue, la réforme projetée des fonds structurels paraît aller dans le bon sens, mais nous n'avons encore que des informations partielles sur cette question ; de rendre lisibles les efforts réels accomplis en faveur d'actions concrètes. Ainsi le présent budget comporte des engagements financiers inédits au profit de l'emploi, traduction des progrès obtenus par la France depuis l'automne dernier.

Enfin elles doivent déboucher sur la mise en place de moyens permettant de juger de l'efficacité des politiques mises en oeuvre. Est-il normal, en effet, que les dépenses structurelles fassent l'objet de précisions mais sans aucun objectif en termes de résultats, notamment en matière de renforcement de la cohésion économique et sociale ? L'évaluation des politiques publiques nationales ou européennes est indispensable à leur crédibilité et à leur légitimation.

Pour conclure, nous sommes, bien évidemment, favorables - d'ailleurs, nous n'avons pas le choix (Sourires sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert) - à l'adoption de l'article 42 du projet de loi de finances. Le prélèvement communautaire ne nous paraît pas exorbitant et l'emploi des fonds est justifié.

Notre interrogation porte davantage sur l'ambition au service de laquelle est mis le budget communautaire. De ce point de vue, il ne peut guère nous apporter de réponse. Il doit, en revanche, provoquer beaucoup de questions.

Il est grand temps que la France montre clairement une ambition européenne. Celle-ci est aujourd'hui tout de même assez terne. La reprise du thème des grands travaux pour la croissance et l'emploi ne constitue pas vraiment une innovation. Encore faut-il s'interroger sur le contenu qualitatif de cette croissance. Mais il ne fait nul doute que l'année 1999 permette largement de relancer le débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Didier Boulaud, suppléant M. Henri Nallet, président de la délégation de l'Assemblée pour l'Union européenne.

M. Didier Boulaud.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent débat est désormais une tradition, puisqu'il est organisé chaque année depuis 1992.

Il est significatif que tous les gouvernements aient décidé d'inclure dans le projet de loi de finances initial un article évaluant le prélèvement effectué, au profit du budget communautaire, sur les recettes de l'Etat, alors même qu'aucun texte ne les y contraint. Il s'agit donc d'un progrès coutumier du contrôle parlementaire sur l'activité des institutions communautaires, progrès d'ailleurs contemporain de l'introduction, dans notre Constitution, de l'article 88-4.

Certes, il ne faut pas surestimer la portée d'une telle innovation. Le vote sur cet article spécifique du projet de loi de finances ne présente pas les caractéristiques d'une

« autorisation » parlementaire, au sens classique du droit budgétaire, puisque les ressources propres des Communautés sont prélevées, dans les Etats membres, en application des traités.

Le Parlement se prononce, dès lors, sur une simple

« évaluation ».


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Au demeurant, l'évaluation ainsi opérée au moment de l'élaboration de la loi de finances ne correspond jamais aux versements effectifs, cet écart pouvant s'expliquer de deux manières. D'une part, le budget initial de la Communauté est toujours modifié, en cours d'année, par des budgets rectificatifs et supplémentaires. D'autre part, les ressources propres les plus importantes sont assises sur la TVA et sur le PNB des Etats membres et dépendent donc très fortement des aléas de l'économie. Il n'en demeure pas moins que ce débat et ce vote offrent à notre assemblée une occasion supplémentaire de prendre position sur la politique européenne.

Il faut avoir ces données à l'esprit pour apprécier le chiffre - 95 milliards de francs - inscrit à l'article 42 du projet de loi de finances pour 1999. Il n'appelle, en luimême, que peu de commentaires, puisqu'il confirme la constance d'une évolution : le prélèvement au profit des finances communautaires n'a pratiquement jamais cessé de s'acccroître, passant de 1,25 milliard de francs en 1971 à 91,5 milliards de francs pour 1998 et donc 95 milliards de francs pour 1999, soit environ en moyenne 7 % des recettes fiscales de l'Etat, contre 4,7 % il y a une dizaine d'années. Est-ce à dire que cette évolution révélerait un interventionnisme sans limites des instances communautaires et qu'elle traduirait, en termes f inanciers, un dessaisissement progressif des Etats membres au profit d'un Etat fédéral européen qui n'oserait pas dire son nom ? Une telle déduction, que certains n'hésitent pourtant pas à faire, serait assurément hâtive.

I l est exact que l'accroissement des compétences communautaires s'est répercuté sur le budget. Pour autant, le poids de ce dernier demeure modeste, puisqu'il correspond à 1,11 % du PNB communautaire, ce qui reste en dessous du plafond de 1,27 % prévu par la décision « ressources propres » de 1994 et, surtout, est très inférieur à ce que peut représenter le budget de l'Etat dans un système fédéral. Ainsi, aux Etats-Unis, le budget fédéral s'élève à 20 % du PIB.

Au-delà des relations financières entre la France et l'Union européenne, ce débat est traditionnellement l'occasion d'examiner l'évolution du budget général des Communautés. La délégation s'est, en juin dernier prononcée, au titre de l'article 88-4 de la Constitution, sur l'avant-projet de budget et, à son initiative, l'Assemblée nationale a adopté une résolution sur ce texte. Grâce à cette procédure désormais bien rôdée, notre assemblée est en mesure de se prononcer en amont sur les orientations budgétaires de l'Union, avant la réunion du conseil budget de juillet.

Cette réunion, qui s'est tenue le 17 juillet, n'a pas modifié de façon substantielle les grandes lignes du projet qui sera examiné la semaine prochaine par le Parlement européen. Les analyses de la délégation et de son rapporteur, M. Gérard Fuchs, conservent donc toute leur pertinence.

Le budget de 1999 sera un budget de transition, puisque cet exercice constituera la dernière année d'application des perspectives financières arrêtées par le Conseil européen d'Edimbourg et que la préparation du nouveau cadre financier de l'Union pour la période 2000-2006 est à peine engagée. Sa progression globale paraît marquer à première vue une rupture avec l'effort de rigueur et de maîtrise des dépenses qui caractérisait les deux exercices précédents : les crédits pour engagement s'élèvent à 96,5 milliards d'euros, en hausse de 6,05 % par rapport à l'exercice antérieur, et les crédits de paiement à 85,8 milliards d'euros, soit 2,81 % de plus qu'en 1998.

Toutefois, ces chiffres globaux recouvrent des évolutions contrastées selon les secteurs. Les dépenses agricoles sont reconduites à leur niveau de 1998, tandis que les rubriques « politiques internes » et « actions extérieures » subissent des réductions significatives. En revanche, les actions structurelles bénéficient de dotations en forte hausse : 16,6 % en engagement et 9 % en paiement.

Il était, certes, indispensable de respecter les engagements politiques pris, en la matière, au plus haut niveau lors du Conseil européen d'Edimbourg, mais la sousconsommation persistante de ces fonds constitue un problème grave. Contestant le statut privilégié des dépenses structurelles, la délégation a souhaité que l'effort d'économie soit mieux équilibré entre les différentes rubriques du budget communautaire. Elle a, à ce sujet, repris une suggestion de son rapporteur : ne pourrait-on envisager d'aménager la règle de rebudgétisation automatique des crédits non dépensés au titre des actions structurelles, afin de financer davantage les actions en faveur de l'emploi, comme les grands réseaux transeuropéens ? Elle estime aussi que l'importance des fonds disponibles pour 1999 devrait inciter la France à les consommer davantage et elle souhaite que les procédures d'utilisation de ces fonds soient simplifiées.

Pour l'heure, la dépense structurelle « plombe » le budget communautaire et certaines priorités de l'Union ne sont pas suffisamment prises en compte. Ainsi, les réseaux transeuropéens, que j'évoquais à l'instant, ont un impact évident sur la croissance et l'emploi. Il est regrettable que les crédits qui leur sont destinés soient à peu près stables par rapport à 1998 - 579 millions d'euros en engagement, contre 560 millions l'an passé - alors que l'avantprojet de budget laissait présager une augmentation beaucoup plus forte : 10 %. Il faut espérer que la suite de la procédure budgétaire permette de revenir à ce chiffrage, car de telles actions concourent à la stratégie européenne pour l'emploi voulue par le Conseil européen de Luxembourg.

La délégation, lors de sa réunion de ce matin, a marqué sa préoccupation devant les irrégularités et les insuffisances qui caractérisent la gestion des crédits communautaires. L'actualité nous en a donné de nouveaux exemples, à propos du fonds humanitaire Echo notamment, mais les critiques à l'égard de la gestion de Meda ou Tacis sont anciennes. L'idée de renforcer l'unité antifraude, l'Uclaf, et d'en faire un office réellement indépendant a été largement approuvée au sein de la Délégation.

Enfin, je souhaiterais évoquer rapidement la réforme des perspectives financières. Le débat ne fait, certes, que s'engager et la Délégation examinera bientôt de manière approfondie les propositions de la Commission européenne, et spécialement leurs implications sur la réforme de la politique agricole commune. Je m'en tiendrai aujourd'hui à deux réflexions d'ordre général.

En premier lieu, il ne suffit plus de condamner, de manière un peu rituelle, l'approche par « soldes nets » et la logique du juste retour. Ces conceptions progressent insidieusement et gagnent les esprits. Une telle dérive a contribué à brouiller la politique européenne du précédent gouvernement allemand. La clarification de cette question sera au coeur des discussions qui marqueront la relance du « couple » franco-allemand et, plus généralem ent, des négociations sur la mise en oeuvre d'« Agenda 2000 ». Nous savons avec quelles précautions doivent être analysés les soldes budgétaires. Ainsi, le dernier résultat connu, celui de 1996, qui place, avec un solde négatif de 459,8 millions d'écus, la France au septième rang des contributeurs nets, n'est pas significatif,


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car il correspond à une situation exceptionnelle. Il convient tout de même d'avoir à l'esprit que la France bénéficie, en tendance, d'importants taux de retour, sur la PAC notamment, à hauteur de 24,4 % en 1996 et 22,6 % en 1997, et qu'elle a été de manière générale, en 1996, le premier bénéficiaire de la dépense communautaire, à hauteur de 16,4 %. Seconde réflexion, l'Union européenne devra faire un choix entre deux exigences désormais contradictoires : se doter d'un système de financement plus équitable et se rapprocher du citoyen européen. La deuxième préoccupation devrait conduire à mieux identifier les ressources de l'Union, à en accentuer le caractère « propre », qui reste largement fictif. En revanche, le souci d'équité pousse à accroître dans le financement de l'Union la part de la ressource assise sur le PNB, voire, comme certains l'envisagent, à en faire la seule recette du budget communautaire. Or, cette ressource est, par définition, opaque. Elle est condamnée à transiter par les budgets nationaux.

Résoudre cette contradiction ne sera pas facile. C'est pourtant à cette condition que le budget communautaire - dont il faut se réjouir qu'il soit désormais symboliquement exprimé en euros - deviendra réellement, comme le propose le Parlement européen, un budget « citoyen ».- (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Cochet.

Très bien.

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, madame et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, comme chaque année, le Gouvernement, par la voix du ministre délégué chargé des affaires européennes, rend compte à la représentation nationale du projet de budget de l'Union européenne pour l'année à venir, et de ses conséquences sur le budget de l'Etat, à travers le prélèvement européen.

Je souhaite donc, à cette occasion, vous apporter une appréciation circonstanciée sur le projet de budget européen pour 1999, qui clôt les perspectives financières arrêtées à Edimbourg.

Je m'efforcerai aussi de mettre ce débat budgétaire en perspective.

En effet, comme plusieurs d'entre vous l'ont déjà souligné, nous allons entrer dans une phase plus active de préparation d'« Agenda 2000 », le prochain « paquet financier » européen. Par ailleurs, de nombreux dossiers européens, essentiels pour l'avenir de l'Union, doivent faire l'objet d'un examen plus approfondi, notamment dans le cadre de la coopération franco-allemande, qui sera relancée dans les semaines qui viennent, dès que le Gouvernement du futur chancelier Schrder sera formé.

Je vous dirai donc comment le Gouvernement envisage la période nouvelle qui s'ouvre devant nous depuis l'alternance en Allemagne.

Et si l'on pense au programme de travail considérable qui nous attend avec le début des négociations d'élargissement, la réforme des institutions et l'entrée en vigueur de la monnaie unique, on peut sans doute penser, comme le disait Gérard Fuchs, que c'est, pour le moins, un contexte peu banal.

La victoire des sociaux-démocrates et des Verts allemands, pour nette qu'elle soit, ne doit pas nous faire oublier l'oeuvre européenne du chancelier Kohl, qui restera dans l'histoire comme le chancelier de la réunification allemande, et aussi comme le chancelier qui a su convaincre son peuple de renoncer, en faveur de l'euro et dans l'intérêt de l'Europe, à la puissance solitaire du deutschemark et de la Bundesbank.

Mais, auparavant, je voudrais remercier M. Didier

M igaud, rapporteur général du budget de l'Etat, Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, et M. Gérard Fuchs, rapporteur spécial de la commission des finances, ainsi que M. Didier Boulaud qui s'exprime au nom de la délégation pour l'Union européenne, qui exerce en permanence, en particulier en application de l'article 88-4 de la Constitution, la vigilance de votre assemblée sur les actes de la Communauté et leur traduction en droit interne. J'ai travaillé avec eux de manière étroite et extrêmement positive, et je veux saluer ici la qualité de leur réflexion.

Je tiens, en premier lieu, à vous donner quelques éléments d'information sur la manière dont la procédure budgétaire communautaire s'est déroulée jusqu'à présent.

La commission a présenté en juin dernier son avantprojet de budget, en progression de 6,6 % pour les crédits d'engagement, et de 3,5 % en crédits de paiement, par rapport au budget pour 1998.

Ces taux de progression d'ensemble, vous l'avez tous noté, sont élevés. Ils s'expliquent par une évolution très contrastée des dotations des différentes rubriques du budget communautaire. En effet, le budget de la politique agricole commune, la PAC, est reconduit en euros courants, alors que les dépenses des fonds structurels enregistrent une progression record de 16,6 % en crédits d'engagement et de 9 % en crédits de paiement.

Lors du conseil Budget du 17 juillet dernier, la France a exprimé, par la voix du secrétaire d'Etat au budget, Christian Sautter, son mécontentement devant cet avantprojet assez coûteux au total et, surtout, déséquilibré dans sa structure interne. Nous avons évoqué la possibilité et la nécessité d'une inscription plus limitée de crédits de paiement sur les fonds struturels, afin de les ajuster, comme plusieurs d'entre vous l'ont réclamé, aux besoins réels de paiement. Nous avons aussi indiqué qu'une plus grande rigueur dans les décaissements effectifs était compatible avec le respect intégral de la programmation d'Edimbourg en crédits d'engagement. Nous n'avons, hélas, pas été entendus, ni par les pays de la cohésion ce qui n'est après tout pas très étonnant -, ni par les grands pays financeurs du nord de l'Europe, ce qui est un peu plus surprenant.

Il en résulte que, comme le disait M. Boulaud, le projet de budget adopté par le conseil n'est pas forcément très réaliste. Il ne procède qu'à des économies assez réduites par rapport à l'avant-projet de la commission.

Les Quinze ont simplement pu se mettre d'accord sur des économies de 256 millions d'euros sur la rubrique 3, qui rassemble les autres politiques internes de l'Union, et de 209 millions d'euros sur les actions extérieures de l'Union.

Le projet de budget de l'Union voté en première lecture par le conseil s'établit donc à 96,5 milliards d'euros en crédits d'engagement et 85,9 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une progression de 6,1 % en engagement et de 2,8 % en paiement.

Nous sommes loin, en effet, comme le soulignait Didier Boulaud, du fédéralisme budgétaire. Notons que les efforts d'économie décidés par le conseil sur les


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rubriques 3 et 4 ont permis de rapprocher l'évolution des paiements du taux de progression des dépenses du budget de l'Etat pour 1999, qui est de 2,6 %.

Compte tenu du système de ressources de l'Union, l'évaluation de notre contribution au budget de l'Union s'établit à 95 milliards de francs, soit une progression de 3,8 % par rapport à 1998. La contribution française pour 1998 avait été évaluée à 91,5 milliards de francs en loi de finances initiale, évaluation maintenue dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 1999.

Cette contribution représentera 6,2 % du produit attendu des recettes fiscales nettes de l'Etat pour 1999, contre une estimation à ce jour de 6,3 % pour l'année 1998.

J'en viens à présent au fond du projet de budget adopté par le conseil en première lecture.

Le poids du passé pèse lourdement sur ce budget,

Mme Aubert a eu raison de se rappeler qu'il s'agissait-là, avant tout, de tenir nos engagements internationaux.

Pour respecter les accords d'Edimbourg de 1992, le conseil a inscrit l'intégralité du solde de l'enveloppe des fonds structurels prévue à l'origine pour la période.

Compte tenu du doublement de cette enveloppe par rapport au paquet Delors I, compte tenu aussi du fait que nous avons accumulé depuis 1993 un retard très important, dans l'engagement des fonds, le coût des engagements d'Edimbourg va se trouver concentré sur l'exercice 1999. La rubrique 2 du budget communautaire s'établit ainsi à 39 milliards d'euros en crédits d'engagement et 31 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une progression record de 16,6 % pour les engagements et de 9 % pour les paiements, par rapport à 1998.

J'observe que la dépense structurelle représentera en 1999 un poids dans le budget communautaire quasiment équivalent à celui de la dépense agricole. Je note aussi que le volontarisme de la programmation d'Edimbourg a porté ses fruits, puisqu'il a permis à trois des quatre pays de la cohésion - l'Espagne, le Portugal et l'Irlande - de faire partie du premier train de l'euro, ce qui est une bonne chose pour eux, pour toute l'Union et pour l'assise politique de la monnaie unique, comme le Gouvernement l'a constamment souligné depuis un an.

Mais ce nouvel équilibre du budget communautaire doit aussi nous amener, et j'y reviendrai, à une réflexion sérieuse sur le traitement de la dépense structurelle dans les prochaines perspectives financières.

En particulier, il ne nous paraît ni possible au plan budgétaire, ni même justifié au plan économique d'allouer, comme le propose la Commission, les deux tiers de l'enveloppe budgétaire des fonds structurels au nouvel objectif 1, consacré aux régions en retard de développement dont le PIB par habitant est inférieur à 75 % de la moyenne communautaire.

Par ailleurs, la quasi-parité avec la dépense agricole plaide à l'évidence pour une remise en cause du statut privilégié de la dépense structurelle. De ce point de vue, les propositions de la Commission, qui visent à dégager automatiquement les crédits non engagés au-delà d'une période déterminée, vont dans le bon sens. Il faut sans doute aller au-delà et demander à mettre un terme à l'obligation d'atteindre le plafond de 0,46 % du PIB communautaire pour les fonds structurels.

M. Fuchs et M. Boulaud ont tous deux évoqué la sous-exécution des fonds structurels et proposé des réformes dans le sens d'une utilisation plus dynamique de ces fonds. Il est vrai que cette tendance à la sousexécution a été par le passé très marquée. Elle est aujou rd'hui moins sensible et nous devons absolument tendre à ce qu'elle le soit moins encore.

Je puis apporter à la proposition de M. Fuchs et de M. Boulaud la réponse suivante : si un excédent apparaît sur les fonds structurels en cours d'exécution, les règles budgétaires de l'Union ne permettent pas a priori, telles qu'elles sont aujourd'hui, de possibilité de recyclage sur les autres rubriques, fussent-elles efficaces et plus utiles.

Mais vous ouvrez là un vrai débat pour l'avenir. Il vaut mieux, effectivement, privilégier les dépenses qui encouragent l'avenir - je pense aux crédits pour l'emploi, aux nouvelles technologies, aux grands réseaux - plutôt que les fonds structurels dans le prochain paquet. Il y a là sans doute une réflexion pour l'Agenda 2000.

A l'inverse des dépenses structurelles, la rubrique 1, qui regroupe les dépenses de la politique agricole commune, enregistre une « croissance zéro » par rapport aux crédits ouverts en 1998, soit la reconduction à 0,01 % près des 40,4 milliards d'euros inscrits l'année dernière.

Cette évolution vertueuse ne résulte pas d'un effort spécifique d'économie. Elle reflète la simple poursuite du versement des aides directes aux agriculteurs, dans un cadre réglementaire inchangé. Elle traduit également la continuité des interventions de marché, dans un contexte de bonne tenue des marchés mondiaux des principales productions agricoles qui bénéficient de prix garantis européens.

S'agissant des autres politiques internes, l'éducation, lar echerche-développement, les réseaux d'infrastructures, que l'on regroupe traditionnellement dans la rubrique 3 du budget de l'Union, les crédits d'engagement sont en réduction de 5,3 % et les crédits de paiement en réduction de 1,4 % par rapport à 1998.

Ces baisses n'affecteront pas véritablement la substance des actions communautaires qui sollicitent la rubrique 3.

Elles se contentent de tirer la conséquence de la sous-e xécution qui affecte également cette catégorie de dépenses. Le Conseil s'est borné, et l'Assemblée nationale l'avait suggéré l'an dernier, à faire un acte de bonne gestion en fixant les crédits d'engagement comme les crédits de paiement très exactement au niveau atteint en exécution par les dépenses de la rubrique 3 en 1997.

Au surplus, nous avons veillé à assurer un traitement favorable à deux catégories particulières de dépenses, qui représentent à elles seules près des trois quarts des dépenses de la rubrique 3 et qui nous paraissent essentielles pour consolider la compétitivité de l'économie européenne.

Le projet de budget pour la recherche-développement bénéficiera de 3,4 milliards d'euros de crédits d'engagement et de 3 milliards d'euros de crédits de paiement.

Ces crédits correspondent à la première année du cinquième programme-cadre de recherche et développement pour la période 1999-2002, en cours de négociation, et d ont l'adoption doit intervenir avant la fin de l'année 1998.

Comme vous le savez, monsieur Fuchs, le budget constitue le principal enjeu de cette négociation entre le Parlement européen et le Conseil. Lors du conseil recherche du 12 février dernier, les ministres se sont accordés sur une référence commune de 14 milliards d'euros. L'échéancier théorique, associé à cette position commune, prévoyait un montant de 3,4 milliards d'euros en engagements pour la première année, montant repris fidèlement dans le projet de budget pour 1999. La légère baisse enregistrée, de 2,6 % en engagements et de 0,8 %


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en paiements, par rapport à 1998, s'explique simplement par le fait que 1999 sera l'année de démarrage du nouveau programme-cadre, qui assure une montée en puissance sur la prochaine période de programmation. Je puis donc vous rassurer sur ce point.

Les crédits alloués aux réseaux transeuropéens font l'objet d'un accroissement très substantiel de 3,4 % en engagements et de 15 % en paiements, par rapport à 1998, pour atteindre un niveau de 579 millions d'euros en engagements en 1999.

Ces crédits permettent d'amorcer le tour de table des bailleurs de fonds pour la mise en oeuvre du programme de grands travaux adopté lors du Conseil européen d'Essen en décembre 1994. Ils ne sont pas suffisants, à l'évidence, plusieurs d'entre vous l'ont souligné, et doivent être complétés par des cofinancements nationaux, et aussi par des prêts de la Banque européenne d'investissement ainsi que le Conseil européen extraordinaire de Luxembourg sur l'emploi l'a souhaité.

Il faut réactualiser, comme l'a proposé le Premier ministre, Lionel Jospin, la proposition de grand emprunt européen pour la croissance, l'emploi et la compétitivité, que Jacques Delors avait formulé pour la première fois en 1993. Le chef du gouvernement italien, démissionnaire mais chargé de former le nouveau gouvernement, Romano Prodi, a lancé l'idée d'un emprunt adossé aux réserves excédentaires des banques centrales de la zone euro - M. Fuchs avait évoqué une idée comparable. Ses modalités méritent d'être étudiées, en essayant notamment, d'éviter tout ce qui pourrait conduire techniquement à accélérer la tendance à la baisse du dollar, à travers des cessions de devises. Mais la direction est claire : l'euro doit redonner à l'Union des marges d'action significatives pour consolider la croissance, y compris à travers une certaine capacité d'endettement.

Pour être tout à fait complet sur ce panorama de la dépense communautaire prévue pour 1999, je voudrais en terminer sur cette partie en parlant de l'action extérieure de l'Union en direction des pays tiers.

Dans ce domaine, le projet de budget, hors réserve d'aide d'urgence, prévoit une augmentation des crédits de 4,6 % pour les engagements, qui s'établissent à presque 6 milliards d'euros. En revanche, il prévoit une réduction de 3,2 % pour les paiements, qui reflète là aussi la volonté du Conseil de tirer les conséquences de la sousexécution importante de ces crédits. Les crédits de paiement s'établissent ainsi à un peu plus de 4 milliards d'euros, soit un niveau légèrement supérieur à celui atteint en exécution. Pour ce qui concerne les pays d'Europe centrale et orientale, comme les pays méditerranéens, ce projet de budget est conforme aux engagements souscrits au Conseil européen de Cannes, sous présidence française.

J'en ai terminé avec la présentation du budget de l'Union européenne. Soyez sûrs que j'ai noté votre préoccupation unanime, Mme Aubert notamment s'en fait l'écho, d'une bonne gestion des fonds communautaires.

Le Gouvernement restera très vigilant comme il l'est, bien sûr, sur tout ce qui se déroule en ce moment même à Bruxelles. Nous aurons sans doute l'occasion d'en reparler.

Comme je vous l'indiquais dans mon propos introductif, la présentation du budget communautaire doit bien sûr être restituée dans la perspective des échéances européennes qui nous attendent.

Parmi les dossiers importants de cette session figure naturellement la ratification du traité d'Amsterdam, avec, au préalable, la révision de la Constitution.

Ce n'est pas la première fois que nous abordons ces questions. La procédure ayant été lancée, je voudrais faire brièvement devant vous le point des travaux et du calendrier.

Sur le calendrier d'abord, le Gouvernement a présenté un projet de loi de révision constitutionnelle en conseil des ministres le 29 juillet et des dates ont pu être fixées pour l'examen de ce texte par les assemblées avant la fin de l'année - très probablement les 24 et 25 novembre pour l'Assemblée nationale, et dans les semaines qui suivront, pour le Sénat.

Nous espérons ainsi que le Congrès, puisque telle semble être la procédure retenue, pourra être réuni dès la mi-janvier. Cela devrait nous permettre d'achever la procédure de ratification au plus tard fin février.

Sur le fond, quels sont les éléments nouveaux ? S'agissant de la révision constitutionnelle, le Gouvernement, comme cela a toujours été le cas par le passé en pareilles circonstances, s'est tout simplement calé sur la décision du Conseil constitutionnel. Il n'a donc proposé de modifier que le seul article 88-2 de la Constitution pour autoriser les transferts de compétences qui seront nécessaires, le cas échéant, lorsque le Conseil décidera de passer à la majorité qualifiée dans les matières relatives à l'immigration, aux visas et à l'asile. Cela dit, il est tout à fait concevable que le Parlement juge nécessaire de compléter cette révision constitutionnelle, notamment par l'extension du contrôle du Parlement national sur les actes communautaires.

Une fois achevée, cette révision constitutionnelle permettra de passer à la ratification du traité dont, avec le Gouvernement, je continue à plaider pour la ratification, malgré ses imperfections.

Certes, le traité d'Amsterdam contient une lacune majeure : l'absence d'avancée substantielle sur le plan institutionnel. Nous l'avons d'ailleurs dit solennellement en signant avec la Belgique et l'Italie une déclaration annexée au traité. Je sais, là aussi, l'attention que l'Assemblée nationale porte à cette réforme institutionnelle et votre souhait, dont Gérard Fuchs s'est fait l'écho, de l'exprimer clairement. Soyez-en sûrs, nous en tiendrons compte. Pour autant, il ne saurait y avoir de ratification sous condition.

Mais Amsterdam contient aussi certaines avancées significatives : le chapitre emploi et le chapitre social, la reconnaissance de la spécificité des services publics, la réaffirmation des droits fondamentaux et du principe de non-discrimination. Je pense aussi à la mise en place d'un espace de liberté, de sécurité et de justice commun et, enfin, à des avancées en matière de politique étrangère et de sécurité qui permettront à l'Union d'être plus présente sur la scène internationale. Il serait, me semble-t-il, dommage de renoncer à ces progrès, même limités, de la construction européenne.

J'en viens tout naturellement au deuxième sujet d'avenir que je souhaitais évoquer devant vous : l'élargissement de l'Union européenne.

Le processus d'élargissement au bénéfice des onze candidats a été lancé le 30 mars à Bruxelles, lancement suivi le lendemain de l'ouverture des premières négociations d'adhésion avec six pays candidats. La Commission a entrepris depuis cette date un important exercice de présentation de l'acquis communautaire aux onze pays candidats. Il s'agit, en quelque sorte, d'une phase pédagogique,


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destinée à expliquer aux pays qui aspirent à nous rejoindre l'ensemble des obligations auxquelles ils devront souscrire. Cet exercice, désormais bien engagé, a permis à la présidence autrichienne de l'Union d'envisager pour novembre prochain l'ouverture des négociations proprement dites sur les chapitres de l'acquis qui ont fait l'objet de cette présentation analytique. Nous avons marqué notre accord à cette proposition qui, je le précise, n'était pas de notre fait ; pour notre part, nous aurions souhaité ouvrir les négociations après le screening de l'ensemble de l'acquis, mais en exigeant que le Conseil conserve la maîtrise politique du processus.

Encore une fois, il ne saurait s'agir pour nous de retarder de quelque manière que ce soit le processus qui a été engagé et que nous soutenons pleinement, mais seulement de respecter un principe général d'équilibre de la négociation. C'est pourquoi le Conseil doit pouvoir débattre régulièrement de l'évolution de ces négociations, sur la base d'une information précise de la part de la commission.

Cette question de la maîtrise politique du processus est en effet cruciale. Elle peut aussi, je le souligne, être à la source de convergences nouvelles entre les nouvelles autorités allemandes et nous-mêmes. Je crois en effet, que l'Allemagne et son futur chancelier, M. Schrder, ont commencé à prendre la mesure de l'élargissement et de la nécessité d'un pilotage politique sérieux pour assurer son succès.

La question du traitement budgétaire de l'élargissement est tout aussi cruciale. Comme vous le savez, nous avons obtenu au Conseil européen de Luxembourg que le prochain paquet Santer, l'Agenda 2000 qui fixera le cadre financier de l'Union pour les années 2000-2006, opère une distinction étanche entre la programmation des dépenses relatives à l'élargissement et la programmation des dépenses bénéficiant aux Quinze. C'est la première des garanties indispensables pour assurer la préservation des politiques communes de l'Union.

Ce n'est pas la seule, bien évidemment. Nous allons très rapidement prendre langue avec le nouveau gouvernement de Bonn, dès qu'il sera formé, afin d'évaluer ensemble l'évolution budgétaire future des politiques communes.

Pour le Gouvernement - je l'affirme ici solennellement - l'Agenda 2000 est un tout qui doit donc faire l'objet d'une négociation d'ensemble et non de conclusions partielles et successives. Cette négociation sera rude pour nous, compte tenu de notre situation actuelle assez avantageuse, et Mme Aubert l'a bien montré : nous sommes un grand pays dont la contribution nette - même s'il faut se garder de cette terminologie, j'y reviendrai au budget de l'Union reste relativement faible, et qui bénéficie à plein de la politique agricole commune, principale politique commune de l'Union.

Dans cette négociation, nous défendrons à la fois nos i ntérêts nationaux fondamentaux, et aussi l'intérêt communautaire.

Nos intérêts nationaux fondamentaux, c'est d'abord à l'évidence la préservation de la politique agricole commune. La PAC doit être réformée pour favoriser son insertion dans les marchés internationaux, pour affermir sa vocation exportatrice. Elle doit aussi être réformée pour mieux prendre en compte la multi-fonctionnalité du modèle agricole européen - dont la loi d'orientation agricole vient à nouveau d'insister sur la pertinence -, tourné vers la production, mais également garant des équilibres du territoire, de la préservation de l'environnement, et d'un certain type d'exploitations qui contribuent à maintenir l'emploi en milieu rural.

Dominique Strauss-Kahn l'a dit au conseil ECOFIN, le Premier ministre, Lionel Jospin, l'a répété devant la Commission à Bruxelles : nous ne sommes pas favorables à l'idée de cofinancement de la politique agricole commune, car la réforme de la PAC serait rendue totalement incompréhensible si elle devait se traduire par un désengagement financier de la part de l'Union.

L'intérêt communautaire doit aussi être justement appréhendé. Pour le Gouvernement, l'intérêt communautaire commande d'abord d'adopter une programmation d'ensemble des dépenses compatible avec les disciplines budgétaires de l'UEM. De ce point de vue, les propositions de la Commission apparaissent à l'évidence beaucoup trop coûteuses sur les fonds structurels, et j'ai eu l'occasion de le redire avant-hier, une nouvelle fois, à Mme Wulf-Mathies, commissaire européen en charge de la politique régionale de l'Union. Nous estimons que l'effort pour les Quinze devrait se contenter de reconduire l'effort consenti dans le cadre du paquet Delors II.

L'intérêt communautaire commande aussi de rejeter toute généralisation des systèmes de compensation que l'Union a accordés dans le passé à certains pays membres.

Comme le souligne justement la Commission, dans son récent rapport sur les ressources propres, rapports d ont il faudra par ailleurs évaluer la pertinence d'ensemble, les distorsions actuelles de financement, absolument incontestables, comme j'ai eu l'occasion de le souligner à maintes reprises, prennent largement leur source dans les dérogations accordées dans le passé, notamment au Royaume-Uni.

Comme Didier Migaud, je pense que plutôt que de généraliser de telles dérogations à des pays comme l'Allemagne, qui se trouve aujourd'hui dans une situation financière vis-à-vis de l'Union plus défavorable que ne l'était le Royaume-Uni en 1984, il conviendrait de poser plutôt la question d'un retour aux sources et à la logique de l'intérêt communautaire, qui doit absolument prévaloir sur la logique pernicieuse du juste retour. De ce point de vue, je partage l'appréciation de Didier Migaud. Je sais aussi, comme Didier Boulaud, que la question de soldes nets sera de façon insidieuse au coeur de la négociation de l'Agenda 2000. Mais l'Agenda 2000 n'est pas un débat sur la contribution allemande ; ce n'est donc pas la bonne voie pour traiter le sujet.

Quelques mots enfin sur le dernier sujet de fond que je souhaitais évoquer devant vous, la mise en route de l'euro et l'indispensable coordination des politiques économiques.

Sur l'euro, je crois, je sais, comme vous tous, que nous sommes aujourd'hui à un moment un peu particulier, un moment charnière.

Aujourd'hui, l'euro existe déjà sur les marchés. Il est devenu une donnée fondamentale, avant même qu'il ne soit consacré, de notre environnement économique et financier. On le voit de manière spectaculaire avec l'effondrement des monnaies asiatiques, puis du rouble.

La zone euro offre d'ores et déjà un pôle de stabilité, la spéculation internationale se concentrant sur les autres monnaies. Ces résultats sont très appréciables, l'euro jouant son rôle de « bouclier protecteur » des turbulences monétaires internationales. Bien entendu, cela ne doit pas nous exonérer de travailler à une nouvelle architecture financière internationale. De ce point de vue, l'euro nous


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crée une responsabilité nouvelle, que nous assumons. La dernière réunion du Conseil de l'euro a ainsi été largement consacrée à débattre du mémorandum français sur la crise financière, présenté par Dominique Strauss-Kahn.

Il reste à donner du sens pour les Européens euxmêmes à cette entreprise considérable, à proprement parler historique. Après tout, l'euro pourrait n'être que l'agrégation comptable de onze monnaies jusqu'ici isolées.

Cette vision-là n'est pas la nôtre.

Nous avons demandé et obtenu à Amsterdam la convocation d'un sommet extraordinaire sur l'emploi.

Celui-ci s'est tenu, vous le savez, à Luxembourg en novembre 1997. Ce conseil européen extraordinaire a d ébouché sur des résultats substantiels, notamment l'adoption de lignes directrices pour l'emploi, qui esquissent une forme de convergence sur l'emploi, avec des objectifs quantifiés qui s'imposent à tous les Etats, sur le nouveau départ offert aux jeunes chômeurs et aux chômeurs de longue durée et sur l'effort de formation consacré en direction de tous les chômeurs. Certes, le principe de subsidiarité s'applique largement à la procédure de Luxembourg, ce qui signifie que les Etats restent maîtres de leur politique de l'emploi. Nous avons transmis à nos partenaires en avril dernier notre plan d'action national pour l'emploi. Il a été salué par la Commission pour sa grande qualité, et notamment pour la précision et la volonté de nos engagements, ainsi que l'a redit Jacques Santer, avant-hier encore à l'occasion de la visite que le P remier ministre a effectuée à Bruxelles devant la Commission.

Dans le même temps, les Etats deviennent comptables d evant les Quinze, et surtout devant les opinions publiques et l'ensemble de nos concitoyens, des résultats obtenus dans le domaine des politiques de l'emploi. En décembre prochain, au Conseil européen de Vienne, nos résultats dans le domaine de la politique de l'emploi seront donc mis en rapport avec les engagements que nous avons souscrits dans notre plan national d'action.

C'est une démarche certes incomplète, mais suffisamment neuve au niveau européen pour être saluée, encouragée et approfondie dans les années qui viennent.

Parce que le Gouvernement pense, comme Gérard Fuchs, que la coordination des politiques économiques est une nécessité, nous avons en outre demandé et obtenu la création d'une enceinte spécifique, le Conseil de l'euro, où pourront être débattues toutes les questions de politique économique des pays de la zone euro. Je dis bien

« toutes », car telle est notre ambition pour le Conseil de l'euro.

Cette enceinte nouvelle, et c'est pourquoi j'y insiste, doit aussi débattre de la question essentielle de la réforme économique, avec des problèmes qui deviennent véritablement urgents dans le contexte nouveau de l'euro, comme l'harmonisation fiscale et sociale.

Nous nous orientons vers l'adoption d'obligations plus c ontraignantes dans le domaine de la fiscalité de l'épargne. Nous devons aussi, et du même pied, avancer sur le dossier de la concurrence fiscale déloyale pour les entreprises, principale source de distorsions de concurrence au sein de l'Union.

La France a consenti des efforts très importants, encore très récemment, pour améliorer le fonctionnement du marché intérieur. Nous avons accepté, même si cela n'a pas été facile, les obligations qui découlent des directives poste, gaz et électricité en acclimatant nos entreprises publiques à un univers plus concurrentiel. Nous sommes prêts à faire preuve d'esprit d'ouverture dans les chantiers qui restent ouverts devant nous, dans le domaine des transports en particulier. Mais il faut aussi que les progrès soient réels dans le domaine de l'harmonisation fiscale, car le principe de libre concurrence, à la base du marché intérieur, serait gravement perverti si les conditions de taxation du capital devaient demeurer aussi disparates à l'intérieur de l'Union.

Dans le domaine social, le ralliement de la GrandeBretagne au protocole social, après les élections et la mise en place du nouveau gouvernement de Tony Blair, ouvre la voie à la relance de l'Europe sociale, comme le prouve la reprise des travaux sur le statut de société européenne ou sur la directive relative à l'information et à la consultation des travailleurs. Tout ceci marque un saut qualitatif. Et pourtant, la tâche qui reste à accomplir dans ce domaine est considérable. Nous devons songer aussi, de manière plus générale, à consolider le modèle social européen, en dotant l'Union européenne d'une Charte des droits civiques et sociaux.

En conclusion, et en invitant à mon tour l'Assemblée à voter l'article 42 du projet de loi de finances, je me contenterai de souligner la détermination et la continuité de la politique européenne du Gouvernement depuis seize mois, profondément marquée par notre volonté de rééquilibrer la construction communautaire en faveur de la croissance et de l'emploi. Ce n'est pas une tâche facile, ne serait-ce que parce que nous sommes quinze dans l'Union, faut-il le rappeler ? Nous n'avons pas toujours aujourd'hui - d'où la nécessité de la réforme institutionnelle - les mécanismes de décision adéquats pour avancer aussi vite que nous le souhaiterions.

Mais, dans le domaine des affaires européennes, je reprendrais volontiers la formule utilisée par le Premier ministre il y a un peu plus d'un mois, qui avait une portée plus générale : « dès le début, nous avons géré », disait-il. Et nous nous souvenons tous du collectif budgétaire que nous avons adopté dans l'urgence, à l'été 1997, p our réussir l'euro. Mais Lionel Jospin ajoutait :

« Jusqu'au bout, nous réformerons. » Notre objectif reste

tout simplement de construire une Europe puissance, capable d'exister sur la scène internationale ou dans le domaine monétaire, capable aussi de consolider notre modèle de développement économique et social, qui a partie liée avec nos valeurs de civilisation.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Je vais maintenant appeler un orateur par groupe.

La parole est à M. Maurice Ligot, pour le groupe UDF.

M. Maurice Ligot.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion annuelle du projet de loi de finances est l'occasion pour la représentation nationale d'examiner les relations financières de la France avec l'Union européenne. Cet examen ne peut que nous conduire à des réflexions qui déborderont largement les aspects purement budgétaires. Reconnaissons que ces questions ne suscitent pas, néanmoins, dans l'opinion, dans la presse et dans le milieu politique français une attention particulière, comme si la France était parfaitement consciente de ses responsabilités européennes, et notamment à la veille de l'élargissement au Centre et à l'Est de l'Europe.

Il n'en va de même dans certains pays membres. A la veille d'une nouvelle étape pour les politiques de l'Union, l'Allemagne mène une offensive soutenue par la Suède, les Pays-Bas et l'Autriche. Elle entend réduire sa contri-


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bution nette au budget européen. Elle le disait avec force sous le chancelier Kohl, elle le dit à nouveau avec encore plus de force par la voix du nouveau chancelier, socialdémocrate, celui-ci.

Et la Commission, sensible à ces attaques, envisage diverses hypothèses pour remédier à ce qui est présenté par certains Etats membres comme des déséquilibres entre les charges financières des Etats. Ce conflit et ces propositions doivent nous conduire à regarder de plus près, d'une part, la composition et le volume du budget européen, donc son évolution récente, d'autre part, la charge pour la France, et ce qu'elle représente dans notre budget et pour notre économie.

Examinons d'abord l'évolution du budget communautaire. Que constatons-nous ? D'abord, c'est un budget qui croît assez rapidement entre 1993 et 1999. Les crédits d'engagements passent globalement de 72 à 103 millions d'écus, pour tenir compte de la croissance très forte des actions structurelles.

En six années, celles-ci voient leur montant presque doubler, passant de 22 milliards à 39 milliards d'écus.

Dépenses agricoles et actions structurelles, les deux grandes politiques européennes se partagent plus des quatre cinquièmes du budget : 42 % et 40 %. Comme on le voit, ces deux types de dépense intéressent la France, à des degrés différents, certes, mais de façon certaine. Les actions extérieures passent, quant à elles, de 3,9 milliards à 5,9 milliards et montent à 6 % du budget, ce qui montre l'activité croissante de l'Union.

Donc, un budget qui croît. Mais c'est un budget qui connaît, en ce qui concerne les actions structurelles, une consommation irrégulière des crédits, à cause des retards importants dans la présentation des projets, leur approbation et l'utilisation des crédits, ce qui ne fait pas gagner en lisibilité les crédits structurels.

En tout cas, c'est un budget - troisième caractéristique - qui ne se situe pas en cohérence avec les contraintes financières des Etats membres imposées par la mise en place prochaine de l'euro et par les critères de convergence prévus au traité de Maastricht.

Il est vrai que l'Union européenne a pris des engagements politiques sur le long terme et ce sont ces engagements qui poussent à la croissance des dépenses, alors qu'au contraire, les Etats s'efforcent de les limiter.

Pour résumer la présentation de ce budget, on peut dire que les Etats membres s'imposent des disciplines et qu'au contraire, l'Union donne le sentiment qu'elle ne connaît pas de contraintes. Et les faits divers de ces derniers jours, il faut le dire, montrent qu'elle dépense sans beaucoup de contrôle de l'utilisation des crédits. On a d'ailleurs souvent remarqué qu'il manquait une dimension démocratique à l'Union européenne, et c'est bien là qu'on s'en aperçoit.

Il ne faut donc pas s'étonner que ce taux de croissance des dépenses, ainsi que leurs modalités, suscitent, notamment de la part des pays qui s'imposent des disciplines très fortes, un sentiment de mécontentement et de rejet portant à la fois sur cette croissance et sur son contenu, politique agricole commune et politique structurelle.

La France se trouve donc placée, pour ces deux raisons, devant un problème grave, et elle a déjà pris sur ce sujet une double position. Elle demande une remise en cause du statut privilégié de la dépense structurelle - à étudi er et à approfondir - et elle souhaite que la priorité soit donnée à la discipline budgétaire comme gage de la réussite de l'élargissement. Car on ne pourra pas faire l'élargissement si on ne s'impose pas des disciplines budgétaires fortes.

Voyons maintenant la part de la charge européenne dans le budget français. D'abord, il faut mesurer ce que représente la contribution française dans le budget européen. Elle est de 17,2 %, à comparer aux 26,4 % de l'Allemagne, aux 13 % de l'Italie et aux 13,5 % de la Grande-Bretagne. La France se place donc, parmi les grands pays européens, dans une position moyenne.

Dans le budget de 1999, la charge venant de l'Europe sera de 95 milliards de francs en loi de finances initiale - l'article 42 que nous sommes amenés à approuver.

Entre 1991 et 1999, la progression a été de 70 à 95 milliards, soit plus de 25 milliards de francs, ce qui est une progression importante, qu'on pourrait même qualifier de considérable en si peu de temps. Et en pourcentage de recettes fiscales françaises, elle passe, sur cette même période, de 5,5 à 6,2. Donc, l'Europe coûte cher.

Toutefois, si l'on observe cette charge en exécution entre 1991 et 1998, elle passe de 74 à 91 milliards, soit 1 7 milliards d'augmentation et, en pourcentage de recettes fiscales, de 6,1 à 6,3. Il faut donc relativiser le coût initial par l'exécution fiscale réelle.

La position de la France à l'égard du poids de cette contribution et de sa croissance pourrait être comparable à celle qui se manifeste de plus en plus en Allemagne et dans quelques pays qui ont pris une attitude analogue à la sienne. En fait, elle est évidemment beaucoup plus nuancée en raison des politiques communautaires qui ont un impact considérable sur l'économie et sur le territoire français dans son ensemble, à savoir la politique agricole commune et les actions structurelles.

Certes, la France souhaite une gestion rigoureuse de l'Union. Elle demande une croissance faible des dépenses communautaires. Elle refuse autant que possible toute augmentation du plafond du prélèvement qui, sur sept ans, a varié de 1,20 % à 1,24 %, c'est-à-dire en dessous du plafond actuel. Mais, au total, la France est le principal bénéficiaire net de la dépense communautaire à hauteur de 16,4 % des ressources communautaires, et davantage si l'on considère uniquement la politique agricole commune. Il apparaît donc qu'en faisant abstraction des conditions particulières de certains exercices budgétaires, le niveau tendanciel du solde net français est compris entre 1 et 3 milliards d'euros, ce qui, reconnaissons-le, donne à la France une position particulière dans l'Union, s'agissant d'un pays qui se situe parmi les plus développés. C'est ce qui, d'ailleurs, ne facilite pas la tâche de nos négociateurs.

Pour résumer les problèmes que pose la place de la contribution européenne dans le budget français, je dirai que, bien sûr, il y a son volume. Bien sûr, il y a un taux de croissance difficilement compatible avec les efforts faits ou qui devraient être faits pour nous adapter aux critères de convergence.

Je constate que la France se trouve en présence de positions désormais clairement hostiles de certains de nos partenaires qui remettent en cause le niveau de leur contribution budgétaire et, par voie de conséquence, les politiques agricoles et structurelles communautaires. Etant favorable à l'élargissement, la France aura des choix à exprimer. Elle devrait y faire face, soit par une augmentation de sa contribution - vaste problème -, soit par une forte diminution des contreparties qu'elle reçoit dans les domaines agricole et structurel ; là aussi, vaste problème.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

Nous sommes donc confrontés à des prises de position très dures de la part de nos partenaires et devant des négociations très difficiles concernant notre propre situation.

Quant à l'Europe, quarante ans après le traité de Rome, elle se trouve face à un choix capital. Y aura-t-il encore demain des politiques communes, si la préoccupation des Etats est de récupérer leur contribution ? Je pose cette question au Gouvernement : comment peut-on, en effet, concilier, d'une part, le souhait européen, que le groupe UDF partage totalement, de renforcer la cohésion économique et sociale entre pays et régions et, demain, dans le cadre de l'élargissement, sachant qu'il y a des écarts importants et qu'ils s'accroissent, sinon entre les pays, du moins entre les régions, et, d'autre part, lar evendication de quatre pays membres et peut-être d'autres de réduire fortement leur contribution au budget européen ? Pourra-t-on donc poursuivre une politique structurelle ou sera-t-elle nationalisée, comme la commission ellemême propose de le faire au moins partiellement pour la politique agricole commune ? Pourra-t-on donc poursuivre, voire amplifier, comme le disait tout à l'heure le ministre, les politiques en faveur de la recherche et des grands réseaux ? Il faudra bien sortir de cette contradiction de façon claire.

Résolument favorable au caractère communautaire de l'Europe, le groupe UDF approuve l'article 42 fixant la participation française au budget européen pour 1999 telle qu'elle nous est présentée, et, pour cette raison, rejette l'amendement déposé par les membres du groupe communiste.

M. Jean-Claude Lefort.

Il porte sur la fraude !

M. Christian Cuvilliez.

Chaque chose en son temps ! Attendez que nous le présentions !

M. Maurice Ligot.

Mais notre groupe demande au Gouvernement d'indiquer clairement la position qu'il entend prendre devant cette évolution grave de l'Europe.

Avec quels objectifs entend-il conduire les négociations sur les recettes et sur les dépenses du budget européen ? Le groupe UDF sera donc très attentif aux réponses que M. le ministre voudra bien lui apporter et aux positions que le Gouvernement prendra pour défendre, nous l'espérons, les intérêts nationaux, ainsi que les grands objectifs européens.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

Pour le groupe Radical, Citoyen et Vert, la parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion de la contribution française au budget communautaire est l'occasion de soulever une question simple : quel budget pour l'Europe, pour quelle Europe ? Telle est en effet la question essentielle qu'il convient de nous poser à propos d'un prélèvement budgétaire important, évalué pour 1999 à quelque 95 milliards de francs.

Les discussions d'« Agenda 2000 », au premier rang duquel la réforme de la PAC, constituent à cet égard un indicateur privilégié des orientations de l'Europe à venir.

Or, que nous propose-t-on dans ce cadre ? D'un côté, une réforme de la PAC défavorable à la France ; de l'autre, une redéfinition du financement communautaire aux conditions de l'Allemagne, au risque de remettre en cause les politiques communes et le principe de la solidarité entre Etats membres ; enfin, un élargissement dont l'Allemagne bénéficierait au premier chef, mais dont elle refuse pourtant d'assumer solidairement le coût, à hauteur de sa richesse nationale.

Après avoir payé, dans les années 90, un si lourd tribut, en termes de croissance et d'emplois, aux dogmes rigides de l'Union monétaire, la France se retrouverait ainsi en passe de perdre sur tous les tableaux ? C'est naturellement inacceptable. D'autant plus inacceptable que la globalisation de la crise financière nous confronte aujourd'hui à une série de défis majeurs que la France ne saurait aborder en position de faiblesse.

Revenons plus précisément, monsieur le ministre, sur ces différents points.

En ce qui concerne la réforme de la PAC, deux mesures dominent les propositions de la Commission de Bruxelles : d'une part, une baisse des prix d'intervention dans les trois principaux secteurs - céréales, viande bovine et lait -, compensée par des aides directes au revenu ; d'autre part, une nouvelle répartition des tâches entre l'Union et les Etats membres, dans laquelle ces derniers disposeraient, grâce à l'introduction d'une modulation dans les aides directes, des moyens de prendre en compte leurs spécificités, sectorielles comme régionales.

Si les montants respectifs des baisses de prix et des compensations proposées sont évidemment appelés à évoluer au cours des discussions entre Etats membres, une chose est toutefois, dès à présent, certaine : l'Europe qui s'est construite autour du couple franco-allemand repose sur un accord fondateur dont la remise en cause changerait radicalement la donne européenne.

Et je dois dire que les intentions de certains de nos collègues, aujourd'hui, m'ont particulièrement préoccupé.

Car ils avancent, ou souhaiteraient que le Gouvernement avance, en ayant déjà en tête un compromis au terme duquel, naturellement, la France paierait.

M. Christian Cuvilliez.

Exactement !

M. Georges Sarre.

L'accord fondateur dont je parlais à l'instant est bien sûr l'acceptation par la France, en 1961, d'un désarmement accéléré des tarifs douaniers à l'intérieur de la Communauté, très favorable à l'industrie allemande, en échange de l'approbation des principaux règlements agricoles de base, qui donnèrent naissance à la PAC, première « politique commune », en janvier 1962.

C'est à cette aune qu'il faut apprécier les orientations de la réforme de la PAC.

Si la nouvelle répartition des tâches entre l'Union et les

Etats membres consiste à leur donner - à enveloppe globale constante, voire supérieure - les moyens d'une gestion plus rigoureuse de leur développement agricole, en fonction de leurs priorités et de leurs spécificités nationales, alors, sachez-le bien, nous sommes d'accord. S'il s'agit au contraire, comme nous le craignons, d'enclencher ainsi un démantèlement accéléré de la PAC, en préalable à un nouveau cycle de négociations à l'OMC, alors, bien sûr, nous y sommes clairement et franchement opposés.

Les révisions radicales - fortes baisses des prix préparant la suppression des quotas de production - aujourd'hui suggérées dans le secteur du lait par certains Etats membres font, à cet égard, craindre le pire.

On ne saurait trop insister sur la gravité d'un tel cas de figure, que ne manquerait pas d'accentuer la mise en oeuvre des autres volets d'Agenda 2000.

En effet, la réforme des fonds structurels et la préparation de l'élargissement de l'Union ne manqueront pas de conjuguer leurs effets pour amoindrir encore les taux de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

retour de la France, pour le plus grand profit de l'Allemagne, étroitement liée, économiquement, aux pays candidats à l'adhésion. Car n'en doutez pas, l'élargissement, c'est tout de même une bonne chose pour l'Allemagne.

A propos du dernier volet d'Agenda 2000 qui concerne le financement de l'Union au début du siècle prochain, il me paraît indispensable de poser d'emblée deux principes forts, afin d'en préciser clairement les enjeux.

D'une part, il est indispensable de remettre en perspective les revendications contestataires de l'Allemagne et de ses alliés en matière de contribution financière.

Lorsque l'on compare, en effet, la part de chaque Etat dans le PNB de l'Union à sa part dans le budget communautaire, force est de constater - à l'exception du Royaume-Uni - une indéniable correspondance : l'Allemagne, qui représente 26 % de la richesse communautaire, contribue ainsi à hauteur de 28,2 % au budget communautaire, tandis que la France, qui représente 17,2 % de la richesse communautaire, y contribue à hauteur de 17,5 %. Où est donc, monsieur le ministre, le scandale dénoncé par nos quatre partenaires européens ? Où est la « situation pas tenable » qui serait, selon certains, celle de la France, au motif qu'elle serait « le seul grand pays de l'Union à ne pas être contributeur net dans des proportions significatives au budget européen » ? D'autre part, la définition du financement de l'Union dans la période 2000-2006 ne saurait se faire ni aux dépens des politiques communes - et en particulier, de la PAC, fer de lance de la construction européenne - ni au prix d'un abandon du principe même de la solidarité entre Etats membres. C'est à cette aune, une fois encore, qu'il faudra examiner les propositions avancées en la matière par la Commission européenne.

A cet égard, l'hostilité du Gouvernement au cofinancement national des dépenses de la PAC, qui compenserait la réduction des aides communautaires directes aux agriculteurs, va dans le bon sens. Il en est de même de la proposition française de révision des méthodes de calcul de la contribution « brute », de nature à clarifier le débat.

Cependant, les discussions entre Etats membres ne font que commencer et la plus grande vigilance s'impose. Le pire, monsieur le ministre, serait le démantèlement de la PAC, la diminution des fonds structurels et l'augmentation de la contribution. Ce serait vraiment le tiercé gagnant ! Au travers du débat récurrent sur la contribution française au budget communautaire, ce sont ainsi les enjeux, décisifs pour l'avenir de notre pays, d'Agenda 2000 qui transparaissent dans ses quatre volets principaux : financement de l'Europe entre 2000 et 2006, réforme de la PAC, réforme des fonds structurels, préparation de l'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale. La réponse de la France se doit d'être à la mesure des défis posés, dont la globalisation actuelle de la crise financière, apparue il y a dix-huit mois en Asie du Sud-Est, renforce encore l'acuité.

En effet, elle rique d'amplifier le coût de l'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale, économiquement affaiblis, et de raviver les attaques contre la P AC ou les mécanismes de solidarité entre Etats membres. Ceux-ci, soumis du fait de la crise à un risque budgétaire important, mais empêtrés dans les rigidités introduites par la monnaie unique et le Pacte de stabilité, sont par ailleurs confrontés à la perspective du renchérissement de l'euro face au dollar, qui ne peut qu'accentuer les effets de la crise sur les économies européennes.

T out cela compliquera d'autant les discussions sur Agenda 2000.

La France, dans la négociation Agenda 2000, doit, monsieur le ministre, se battre bec et ongles pour défendre et faire triompher une certaine idée de la construction européenne. Le comble, comme je vous l'ai dit il y a quelques instants, serait que nous perdions sur tous les tableaux avec, à l'arrivée, une augmentation de notre contribution, une réduction des fonds structurels et le démantèlement de la PAC.

Pour avancer dans la bonne direction, il faut une forte résolution et des idées claires. Ne pas hésiter à taper sur la table si nécessaire.

M. Jean-Claude Lefort.

Très bien !

M. Georges Sarre.

Nous comptons sur le caractère des négociateurs, monsieur le ministre, et nous leur faisons confiance. Rendez-vous au retour !

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lequiller, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Pierre Lequiller.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion de l'article 42 du projet de loi de finances nous permet d'examiner la participation française au budget communautaire, participation qui prend progressivement la forme d'un prélèvement direct sur les ressources du budget général. Il atteint cette année 95 milliards de francs, soit 5,9 % du budget de l'Etat.

Certes, la contribution de la France au budget des communautés est une obligation découlant des traités et nous ne pouvons ni ne voulons nous y soustraire. Mais l'intérêt de cette discussion porte sur la situation des finances publiques communautaires et sur l'enjeu politique de moyen terme que constitue la présente discussion.

Il n'est pas question de remettre en cause les engagements européens de la France, mais notre obligation ne porte que sur le principe de contribution et non sur son montant ni sur sa forme.

C'est en insistant sur ces deux points que j'entends aborder le nécessaire débat de la gestion des finances p ubliques communautaires. Il suffit de constater l'audience qu'a pu avoir Agenda 2000 au Conseil européen de Cardiff de juin dernier pour s'en convaincre.

Le débat public n'intéresse pas beaucoup l'Etat en général ni le Parlement en particulier, pourtant le recours au contribuable européen pour financer un budget est de plus en plus direct. Depuis le paquet Delors I de 1987, il n'a cessé d'augmenter. Le paquet Delors II, 1994-1999 a renforcé cette tendance et le paquet Santer n'a fait que la stabiliser.

Cette discussion budgétaire est donc une excellente occasion pour parler de la position de la France face aux grands défis européens, à la veille de l'euro. La France sera-t-elle gagnante ou perdante dans les évolutions qui affecteront l'Europe de demain ? Mon argumentaire s'articulera autour de deux points simples : financièrement parlant, la position des contributeurs nets, dont la France, ne peut que s'aggraver ; la France défend-elle correctement sa place au sein de l'Europe ? Premier point, le budget communautaire est appelé à augmenter et la situation des contributeurs nets à se dégrader.


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Le budget communautaire se présente comme un plafond de dépenses fixé par la commission en fonction du P NB communautaire. Or il n'a cessé d'augmenter depuis 1987, passant de 1 % à 1,20 %, puis à 1,26 % du PNB communautaire.

Le budget communautaire se finance alors de quatre manières : par ce qu'on appelle les ressources propres traditionnelles, droits de douane et prélèvements agricoles, la TVA intra-communautaire et la quatrième ressource prélevée directement sur le budget général.

Avant d'aller plus loin, que signifie plus précisément l'augmentation du prélèvement sur recettes que l'on nous demande de voter ? C'est un recours croissant à la quatrième ressource forfaitaire, ponctionnée sur le budget des

Etats membres et qui alimente directement le budget de l'Union européenne. Cette ressource forfaitaire que verse la France chaque année ne cesse de croître : de 87 milliards de francs en 1997, elle est passée à 95 milliards de francs aujourd'hui, soit une augmentation de 9,1 % en deux ans. Avec un tel montant, la France est le deuxième contributeur après l'Allemagne.

Il convient de souligner, à l'issue de ce débat, que le mode de financement du budget de l'Union européenne est en train de changer. Effectivement, il faut relativiser la part globale de la contribution apportée par la France au budget communautaire. Sur douze ans, elle est à peu près stable, puisqu'elle fluctue autour de 20 %. Que signifie une contribution globale stable et un prélèvement sur recettes croissant ? Tout simplement que la structure des prélèvements a changé.

En effet, pour l'exercice 1997, les deux plus grosses sources de financement du budget communautaire sont la TVA, 42 % du total, et la quatrième ressource forfaitaire, qui représente 40 % du total. Il est tout à fait probable qu'à l'horizon 2000 la ressource forfaitaire soit la première source de financement du budget de l'Union européenne. Cela pose problème, car les droits de douane, les prélèvements agricoles ou la TVA sont le résultat de l'activité économique, tandis que le prélèvement sur recettes affecte plus directement les finances des Etats membres.

Il est bien connu que les ressources du budget communautaire sont des vases communicants. Le manque à gagner éventuel en matière de TVA sera compensé par une augmentation de la contribution forfaitaire. Cette méthode est d'autant plus préoccupante, et vous l'avez évoqué, monsieur le ministre, que les fraudes au budget des Communautés, et les fraudes à la TVA intracommunautaire en particulier, ne cessent d'augmenter.

M. Jean-Claude Lefort.

Voilà !

M. Pierre Lequiller.

Fraudes aux recettes et fraudes aux d épenses communautaires représentent 17 % de l'ensemble dudit budget, selon la dernière estimation de la Cour des comptes européenne. La Communauté et les

Etats membres ne s'en sont alarmés que tardivement. Je tiens à souligner que ce sont des membres de Démocratie libérale et Indépendants, et notamment François d'Aubert, qui ont été les premiers à souligner ce danger de la fraude pour les finances de l'Union européenne.

M. Jean-Claude Lefort.

C'est vrai !

M. Pierre Lequiller.

Le prélèvement sur recettes est beaucoup plus pratique pour l'Union européenne, car la ressource ainsi obtenue est perçue de façon régulière, quasi immédiate et ne relève pas de la conjoncture économique. Cet état de fait révèle un budget européen de plus en plus difficile à financer, et, de manière plus incidente, une dépendance croissante de l'Union vis-à-vis des Etats qui la composent.

Un effet de ciseau est en train de menacer le taux de retour français : la réforme de la PAC et le projet de renationalisation d'une partie des subventions allouées antérieurement et un prélèvement global statistiquement inchangé, mais dont la forme est plus pénalisante pour nos finances publiques.

Second point, la France défend-elle correctement la nouvelle orientation des politiques communautaires ? C'est Agenda 2000 qui détermine la nouvelle orientation des politiques communautaires, concernant notamment l'élargissement, la réforme de la PAC, celle des fonds structurels, ainsi que les perspectives financières de l'Union pour l'horizon 2000-2006. Mais pour aborder ces défis, le budget européen paraît inadapté. C'est une des propositions de Démocratie libérale, dans le programme que nous avons présenté en septembre dernier, que de mener une réflexion de fond sur la structure du budget européen et sur la philosophie des politiques communes.

Le premier défi que nous avons à relever est celui de l'élargissement. Il est un processus positif auquel nous souscrivons bien entendu. Nous devons néanmoins rester vigilants sur ses conséquences financières. L'élargissement va, en effet, accentuer à coup sûr l'aspect redistributif des politiques communautaires.

Tout d'abord, les perspectives de l'élargissement, relatées dans Agenda 2000 et discutées au Conseil européen de Cardiff des 15 et 16 juin derniers : les pays d'Europe centrale et orientale sont déjà tous éligibles à l'objectif 1 du FEDER et aux aides du fonds de cohésion, à part peut-être la Slovénie.

Les actuels bénéficiaires nets - ceux qui touchent plus qu'ils ne reçoivent - tels que l'Espagne, le Portugal ou la Grèce, sont inquiets. En effet, le paquet Santer a stabilisé le niveau des dépenses publiques communautaires à 1,26 % du PIB, niveau qu'il avait atteint par le paquet Delors II. L'élargissement prévu, s'il a lieu, va poser le problème de nouveaux Etats éligibles à l'objectif 1. Si le plafond des dépenses n'était pas relevé, la Communauté ferait immanquablement faillite. Il va donc falloir réduire les subventions aux bénéficiaires, et augmenter les contributions : la France dans une telle opération verrait sa participation passer de 95 milliards de francs à 150 milliards de francs.

Deuxième défi que nous avons à relever : la réforme de la PAC. Le projet de réforme présenté dans Agenda 2000 vise à réduire les prix d'intervention pour les cultures arables, à réduire l'aide effective au marché de la viande bovine, et remet en cause à terme les quotas laitiers. Mais surtout, la PAC est confrontée au problème de son financement. La Commission propose notamment que les

Etats membres prennent en charge 25 % des aides directes que l'Union verse aux exploitants.

Cela reviendrait à renationaliser une des politiques communes qui constitue un des fondements de l'Union européenne et de la solidarité qu'elle implique. J'ajoute que dès qu'un seuil est fixé, il peut être augmenté au fure t à mesure. La France, principale bénéficiaire de l'Europe verte, ne peut rester passive face à ce tournant de la PAC et ne pas défendre sa position face à nos partenaires européens, notamment allemands, qui se sont montrés favorables à cette proposition.


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Troisième grand défi européen : le rendez-vous de la monnaie unique. Nous devons entrer dans la phase terminale du processus dès le 1er janvier 1999. A l'heure où les changes sont imparfaitement fixes ou imparfaitement flottants, l'euro va constituer un pôle de stabilité monétaire certain. On l'a d'ailleurs constaté, puisque l'Europe a été épargnée par la tourmente générée par la crise a siatique et la crise en Russie. Mais n'oublions pas que nous avons été les derniers à nous qualifier pour l'euro. En outre, le niveau de déficit budgétaire estimé à 2,7 % est largement tributaire des perspectives de croissance sur lesquelles table le Gouvernement, et qu'il faudra réviser à la baisse. Une baisse de croissance plus importante que prévue nous ferait franchir le seuil fatidique de 3 % du PIB en matière de déficit budgétaire.

En conclusion, le groupe Démocratie libérale et Indépendants, fidèle à ses convictions, est favorable à la poursuite de la construction européenne. Comme je viens de le dire, cette construction ne doit pas se faire à n'importe quel prix. Les moyens que mettent à disposition les Etats doivent être utilisés de manière transparente pour une plus grande efficacité.

Certains, au sein de la majorité et du Gouvernement, envisagent de calquer les finances européennes sur celles des Etats, en réclamant par exemple, vous l'avez dit tout à l'heure, le lancement d'un grand emprunt européen. Or toute dette prend la forme d'un prélèvement qui, à terme, se traduira par une majoration des contributions demandées aux Etats.

Si, dans l'ensemble, les finances publiques européennes apparaissent relativement saines, ce n'est pas une raison pour les mettre en difficulté.

J'en terminerai en évoquant le contexte général auquel vous avez fait allusion tout à l'heure : nous sommes de plus en plus inquiets en ce qui concerne la réforme des institutions, compte tenu du peu de réactions que nos partenaires manifestent face aux propositions françaises, notamment celle, dont vous n'avez pas parlé, monsieur le ministre, mais qui a été votée par notre Parlement, et qui prévoit la présence d'une délégation de Parlements nationaux auprès du Conseil de l'euro.

Au-delà de ces réserves et de ces inquiétudes, le groupe Démocratie libérale et Indépendants votera l'article 42.

M. le président.

La parole est à M. Alain Barrau, pour le groupe socialiste.

M. Alain Barrau.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n'y a décidément pas assez de débats européens dans cet hémicycle. Le petit nombre de députés présents en séance aujourd'hui incite à faire une proposition : au lieu d'hésiter sur le débat européen, au lieu de le craindre, il faut que nous en organisions davantage.

M. Jean-Claude Lefort.

Très bien !

M. Alain Barrau.

Nous avons en effet un peu parlé du prélèvement qui est aujourd'hui en discussion, et nous avons surtout évoqué un sujet très important pour les prochains mois et les prochaines années : la négociation sur Agenda 2000.

Si, en amont, nous avions assez systématiquement des débats sur les enjeux de ces négociations, nous éviterions ce genre d'amalgame qui ne permet pas d'approfondir tel ou tel sujet. J'essaierai moi-même de ne pas trop tomber dans ce travers, d'abord en félicitant le rapporteur général et les trois rapporteurs spéciaux pour leurs interventions et leurs documents, ensuite en essayant de centrer mon propos sur la question qui est en discussion concernant le budget 1999.

Ce budget augmente. Monsieur le ministre, vous en avez donné la raison. Le prélèvement sur le budget français pour l'Union augmente parce qu'un accord européen datant déjà de plusieurs années fait que nos partenaires ont dans leur grande majorité souhaité la mise en place des moyens pour les fonds structurels. Le gouvernement français était d'ailleurs en partie réservé à cet égard. Mais, et vous l'avez souligné, il y a eu au niveau du conseil des ministres une coalition entre les pays du Sud, favorables à l'utilisation des fonds en 1999, et un certain nombre d'autres pays qui, préparant politiquement l'élargissement, se disent que ce n'est pas cette année qu'il faut rogner les fonds structurels.

Plus qu'une décision gouvernementale, c'est la mise en oeuvre d'une politique déjà ancienne sur les fonds structurels qui précisément donnera lieu à réforme. Il sera intéressant d'en parler dans quelques mois.

Pour 1999, que pouvons-nous faire concrètement ? D'abord, faire en sorte que la France utilise pleinement les moyens qui existent pour elle dans le cadre de ces fonds structurels. On devrait, les uns et les autres, balayer devant notre porte à cet égard puisque nous n'utilisons pas l'ensemble des moyens auxquels nous pouvons avoir recours dans le cadre de la politique européenne. Nous les utilisons mieux que par le passé, mais il y a encore du grain à moudre à ce sujet.

D'abord, il faut faire en sorte qu'en 1999, les collectivités territoriales qui souhaitent recourir à des financements de fonds structurels puissent le faire plus facilement. Pour cela, il faut donc que les procédures soient simplifiées et que l'on puisse tirer avantage des fonds structurels existants.

M. Didier Boulaud.

Très bien !

M. Alain Barrau.

Une autre mesure, simple dans son énonciation mais sans doute plus difficile à mettre en oeuvre, a été proposée par Gérard Fuchs. Elle consiste à faire en sorte de ne pas perdre le reliquat des fonds structurels et de l'utiliser pour satisfaire des besoins qui touchent à l'aménagement du territoire. Et c'est là que nous retrouvons un des axes importants de la politique européenne conduite depuis quelques mois par le Gouvernement et qui consiste à réorienter vers l'emploi la construction européenne, qui, pendant des années, a été celle du marché unique avant de devenir celle de la monnaie unique.

Que pouvons-nous faire aujourd'hui ? Est-il possible, comme l'a souhaité le Premier ministre, de lancer de grands emprunts communautaires ?

M. Jean-Claude Lefort.

Oui !

M. Alain Barrau.

Oui, et il faut que l'on puisse faire accepter une telle idée par nos partenaires européens.

C'est donc un rapport de forces politiques...

M. Jean-Claude Lefort.

Tout à fait !

M. Alain Barrau.

... qui en présagera bien d'autres lors de discussions qui auront lieu ultérieurement et que Georges Sarre a évoquées avec beaucoup de brio.

Là, il s'agit de quelque chose de concret, d'immédiat.

Faire avancer les choses sur la question des emprunts, ce serait très utile non seulement en matière d'aménagement du territoire mais aussi en matière de réorientation d'une politique régionale européenne, si je peux oser cette expression,...

M. Jean-Claude Lefort.

Osez !

M. Alain Barrau.

... ou, en tout cas, d'utilisation des fonds structurels.


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J'en viens à un point très concret, qui n'est pas immédiatement lié à l'article que nous discutons, mais qui concerne la loi de finances. Avec le rapporteur général, j'ai beaucoup insisté en commission des finances - j'ai eu l'occasion d'y revenir avec d'autres en séance publique sur l'idée qu'il faut obtenir de la Commission de Bruxelles qu'elle laisse aux Etats des marges de manoeuvre en matière de baisse des taux de TVA dans des secteurs importants pour la relance de l'emploi et de l'économie.

Par exemple, nous devrions pouvoir appliquer des taux réduits de TVA aux travaux effectués dans les logements ou les appartements ; cela fait partie des dispositions que nous pourrions mettre en oeuvre tout de suite.

Nous sommes dans une phase absolument différente de celle qui a précédé celle de Luxembourg. Et le gouvernement actuel y est pour quelque chose. Le Conseil européen de Luxembourg, qui a inauguré une nouvelle période, la mise en place des plans nationaux pour l'emploi, la réunion de Cardiff, la préparation de celle de Vienne sont autant d'éléments qui amènent à se préoccuper prioritairement des mesures qui peuvent permettre à l'Europe de contribuer davantage au soutien de l'emploi et de la croissance. C'est aussi notre objectif. Nous ne voulons pas d'une Europe zone de libre échange. Nous voulons d'une Europe mieux gérée où on peut lutter plus efficacement contre la fraude. Mais nous voulons surtout d'une Europe qui permette de répondre à notre objectif principal : la lutte contre le chômage.

Les efforts qui ont été déployés précédemment sur le plan monétaire seront utiles. Ils l'ont été en termes de protection, et ils le seront encore plus quand l'euro fonctionnera. Mais ces efforts doivent être largement complétés par une attitude active en matière de politique économique, dans le cadre des discussions qui ont lieu tant au Conseil européen qu'au Conseil économique et financier ou au Conseil de l'euro.

Nous pouvons, dès à présent, à l'occasion des négociations globales qui vont s'engager, commencer par ces points précis. Cela ne réglera pas tout. Cela ne permettra pas de régler les problèmes liés à la négociation de la PAC, à la réforme des fonds structurels ou au niveau des contributions, mais contribuera déjà à donner des signes tangibles aux populations concernées, lors d'une année particulièrement importante qui, je le souhaite - et je ne suis pas le seul - se caractérisera par le renforcement du rôle du Parlement européen, C e renforcement devrait permettre aux peuples d'Europe de juger encore mieux et plus directement de ce qui se passe sur le plan communautaire. Les parlements nationaux jouent un rôle déterminant ; le Parlement européen aussi. Il faut donc qu'il y ait le maximum de confrontations d'idées, d'opinions sur les questions européennes, dans le cadre d'un débat politique normal. Il ne faut pas pratiquer l'amalgame, sous prétexte que telle ou telle question peut revêtir un aspect technique.

Les enjeux politiques sont importants. Nous ne voulons pas d'une zone de libre échange. Nous voulons d'une union avec des politiques communes : nous avons déjà pu bâtir un marché unique, mettre en oeuvre des politiques communes et une politique agricole régionale commune, et nous nous orientons vers un accroissement des moyens en matière de lutte contre le chômage. Nous devons, pas à pas, mais aussi avec détermination et avec force, aller de l'avant. Je suis persuadé que le gouvernement de la gauche plurielle fera cette analyse et que celle-ci dictera son comportement dans les négociations.

Ce n'est pas en brandissant tel ou tel oukase à la face de nos partenaires, qui doivent déjà faire avec leurs propres opinions publiques, qu'on facilitera les négociations. Il faut, au contraire, écouter ce que disent les opinions publiques des autres pays, même si celle de notre pays importe plus et si nos intérêts sont prépondérants. Mais si l'on veut que, demain, la France continue de jouer un rôle au sein de la construction européenne comme elle l'a fait historiquement, il faut pouvoir prendre en compte les intérêts de l'ensemble des peuples européens et donc faire de cette construction européenne un enjeu politique central. C'est en tout cas ce que je souhaite à l'occasion de ce débat.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Henry Chabert, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Henry Chabert.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que dans les prochains mois l'Europe sera au coeur de toutes les discussions, nous examinons aujourd'hui la contribution de la France pour 1999 au budget européen. Elle se monte, cela a déjà été indiqué, à 95 milliards de francs. C'est la deuxième contribution au budget européen après celle de l'Allemagne et la cinquième masse financière du budget de la France.

Rappelons que cette contribution étant obligatoire, nous n'avons que le choix de l'accepter. Pour autant, cela ne nous dispense pas - pas plus que le Gouvernement d'ailleurs - d'avoir notre mot à dire sur le contenu de la politique mise en oeuvre grâce à cette contribution ainsi que sur les orientations futures de cette politique.

Notons en préalable que le budget européen dans son ensemble est, pour l'année qui vient, un budget de transit ion avant que n'interviennent les accords sur l'Agenda 2000, c'est-à-dire sur les modalités de financement de l'Europe entre 2000 et 2006.

Notons enfin, au titre des remarques générales, que, si ce budget respecte une certaine exigence de rigueur, il n'en prévoit pas moins une augmentation des crédits d'engagement de 6,1 % et des crédits de paiement de 2,8 %.

Il est impératif que les choix de la Commission pour le budget européen s'inspirent des politiques des différents

Etats membres. Par conséquent, ce budget devrait refléter les efforts faits par ces mêmes Etats en matière de maîtrise de dépenses publiques. Ces efforts sont réels partout, même si on peut considérer qu'ils sont insuffisants en France au regard, par exemple, de la baisse des impôts envisagée en Allemagne. Mais c'est une autre affaire.

M. Gérard Fuchs, rapporteur spécial.

Ce n'est pas comparable !

M. Henry Chabert.

La question centrale qui se pose est de savoir quel mode de calcul sera retenu pour déterminer la contribution respective des Etats membres.

Un vrai débat - plusieurs orateurs l'ont d'ailleurs demandé - doit s'instaurer en France autour des propositions de la Commission.

S'il apparaît d'ores et déjà que le simple transfert budgétaire vers les pays les moins prospères n'est pas retenu par la Commission, rien n'est décidé, en revanche, sur le problème de l'extension de la ressource assise sur le produit national brut, sur le cofinancement de la politique agricole commune ou sur l'hypothétique mise en oeuvre d'un impôt européen spécifique.

Si l'on s'en tient au budget pour 1999, nous constatons que l'Allemagne, qui représente 26 % de la richesse commune, contribue au budget européen à hauteur de


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28,2 %, alors que la Grande-Bretagne, qui en représente 16,9 %, contribue à hauteur de 11,9 %. Pour la France, les chiffres sont respectivement de 17,2 % et de 17,5 %.

La comparaison de ces chiffres suffit à démontrer que, s'il y a un problème de contribution, c'est bien d'abord entre l'Allemagne et la Grande-Bretagne qu'il se situe.

L a situation britannique actuelle montre que Mme Thatcher, en son temps, a eu raison d'être pugnace et que les autres gouvernements européens ont eu tort de ne pas l'être assez.

Sur les évolutions mêmes des politiques internes, je veux insister, au nom du groupe du RPR, sur deux d'entre elles qui intéressent directement la France : la politique agricole commune et la politique des fonds structurels.

En ce qui concerne la politique agricole commune, le budget présenté par la Commission pour 1999 reconduit à prix courant l'enveloppe agricole du FEOGA garantie, soit environ 40 milliards d'euros.

En revanche, la question est bien posée, au titre de l'Agenda 2000, d'une remise en cause de ce financement par l'Europe, au moins partiellement, laissant aux Etats membres la responsabilité d'un cofinancement. Une telle décision pénaliserait les agriculteurs français et coûterait cher à la France, ce qui n'est pas acceptable ! Si M. le ministre de l'agriculture a fait savoir récemment en Autriche qu'il était hostile à un tel cofinancement du soutien des marchés, M. le ministre délégué aux affaires européennes paraissait quant à lui moins ferme ou en tout cas plus ouvert à une telle hypothèse. Même si nous avons pris acte des propos que vous avez tenus à cette tribune, monsieur le ministre, il est important que vous nous rassuriez sur ce point. Il convient en effet que le Gouvernement dans son ensemble, comme l'ont fait les Espagnols, adopte une attitude claire et précise s'il entend oui ou non s'opposer avec force à une telle décision sans contrepartie.

Le calendrier arrêté à Cardiff prévoit que les décisions concernant ce rééquilibrage seront prises en avril 1999. Il est donc urgent que le gouvernement français fasse part de ses décisions et prenne ses responsabilités maintenant que le nouveau gouvernement allemand est maintenant en place.

S'agissant des fonds structurels, ils continuent de progresser fortement dans le budget européen pour 1999 : les crédits d'engagement passent d'un peu plus de 33 milliards d'euros à 39 milliards d'euros, soit une progression de 18 %, et les crédits de paiement d'un peu plus de 28 milliards d'euros à 31 milliards, soit une progression de plus de 10 %.

Le problème qui se pose en France, c'est que, à la suite des accords d'Edimbourg, elle participe faiblement à la répartition de ces fonds. Cette tendance se prolongera et se renforcera même au moment de l'élargissement aux pays de l'Est, et ce au titre de la redistribution.

Nous voyons bien, mes chers collègues, en rapprochant les effets de ces deux politiques, que, sans une vision claire et sans fermeté, la France pourrait être à terme doublement perdante. Notre vigilance doit être d'autant plus grande que, lorsqu'il s'agit de diminuer les dépenses, seule s'applique la règle de la majorité qualifiée.

En ce qui concerne la politique de lutte contre le chômage, qui constitue un autre volet important de la politique européenne, la ratification du traité d'Amsterdam sera certainement l'occasion d'un débat nourri. Constatons cependant que la politique mise en oeuvre par la France de réduction du temps de travail et d'augmentation des emplois financés par les fonds publics n'est pas celle qui est retenue par les Etats membres - en tout cas, pas à ce jour -, ce qui ne manquera pas à terme de poser des problèmes de compétitivité aux entreprises françaises.

Un mot, pour terminer, sur la lutte contre la fraude. Il s'agit certes d'un problème récurrent sur lequel, dans le passé, Mme Catala, orateur de notre groupe l'an dernier, ainsi que des députés de tous bords, avaient insisté. Mais la fraude, loin de s'atténuer, a tendance à s'accroître comme le démontrent les rapports des institutions de contrôle européennes. Les découvertes récentes en ce domaine, notamment en ce qui concerne ECHO, en sont les témoignages. Et si l'on peut se réjouir que la Commission ait elle-même relevé quelques turpitudes en son sein, la question reste posée de savoir si les moyens mis en oeuvre dans ce domaine sont suffisants et efficaces.

On pourrait également s'interroger sur la qualité des contrôles d'opportunité qui sont opérés sur les financements réalisés par l'Europe de certains équipements ou de certains programmes tant sur le plan interne que sur le plan externe. Je parle d'expérience. Ayant été trois années de suite rapporteur du programme TACIS, j'ai eu l'occasion d'observer de près le déroulement de certains programmes et les gâchis qui en résulteraient.

Le budget présenté par l'Europe solde une période accomplie et, par conséquent, le groupe du RPR votera l'article 42. Il faut bien prendre garde de ne pas remettre en cause par nos attitudes le principe de solidarité qui doit prévaloir lorsque l'intérêt général l'exige. Chaque

Etat membre tire d'ailleurs les fruits d'une évolution favorable globale de l'Europe. A cet égard, le rôle que joue, dès à présent l'euro, alors qu'il n'est pas encore totalement effectif, est significatif, et ce en particulier grâce aux efforts partagés qui ont permis à onze pays de s'engager dans la création de la monnaie unique.

De plus, ne craignons pas d'affirmer que l'application du principe de subsidiarité n'est pas contradictoire avec le renforcement de politiques communes ambitieuses pour la création de richesses et d'emplois.

Au moment où s'amorcent des orientations nouvelles sur les modes de financements européens et sur la politique communautaire, la France, plus que jamais, doit être capable et déterminée à faire valoir ses positions dans le débat qui s'engage.

M.

le président.

Pour le groupe communiste, la parole est à M. Jean-Claude Lefort.

M.

Jean-Claude Lefort.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quand on est un homme publique ou une femme politique, il faut savoir dire non.

Quand les principes sont en cause, quand l'intérêt général est menacé, quand les limites de l'acceptable sont franchies, il faut savoir dire non.

Quand la démocratie est mise à mal, quand on veut nous faire passer à tout prix par là où nous ne voulons pas passer, quand la technocratie tente en permanence de contester et d'usurper le pouvoir des politiques, il faut savoir dire non.

Quand en disant non, on ne ferme pas la porte mais, au contraire, on l'ouvre sur autre chose de plus positif et de plus conforme à nos voeux, quand en disant non on n'isole pas mais, au contraire, on rassemble, il faut savoir dire non.

C'est ce qu'a fait hier, dans cette enceinte, le Premier ministre à propos de l'AMI, en réponse à mon ami Robert Hue : il a dit non.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

M.

Christian Cuvilliez.

Très bien !

M.

Jean-Claude Lefort.

Et vous savez combien notre groupe, combien la gauche, combien une large part de la représentation nationale ont apprécié positivement les déclarations de Lionel Jospin, son refus de la soumission à ce qui est présenté comme une fatalité, sa volonté politique en faveur du politique. Il a tout simplement, mais c'est essentiel, rehaussé la politique.

Il faut donc savoir dire non.

Un tel « non », qui traduit ni un repli ni une fermeture mais une volonté appuyée de construire autrement, n'est-il pas, aujourd'hui encore, l'enjeu de notre débat ? Les années précédentes, lors du débat sur le prélèvement financier au profit du budget communautaire, à chaque fois l'idée de voter contre à germé, et pas seulement chez nous. Les raisons traditionnelles de le faire sont nombreuses et importantes, j'y reviendrai. Mais cette fois, les critiques, les inquiétudes et les objections sont encore plus nombreuses. Cette année, nous sommes directement, nous la gauche plurielle, responsables de A à Z de ce budget, tandis que le Gouvernement exprime ses critiques sur l'actuelle construction européenne et prend des initiatives pour tenter de la réorienter.

Tout cela, cette somme d'éléments - les uns récurrents, les autres nouveaux - ne nous offre-t-elle pas l'occasion, cette année, de passer de l'intention à l'acte ? L'heure n'est-elle pas venue de considérer que le meilleur moyen d'aider le Gouvernement dans l'accomplissement de ses intentions manifestées au plan européen est précisément de dire non, ou, plus exactement, d'avoir le courage d'envoyer enfin un message tout politique en utilisant cette faculté qui nous est offerte, sans grand frais, de passer du « oui » plein de réserves, de regrets, de mécontentements, à un « non » plein de volonté constructive ? Je le crois.

J'ai dit que nous pouvions le faire sans grand frais.

Cela mérite une explication.

Chacun sait bien ici, et ce n'est pas le moindre des paradoxes de cette discussion, que ce prélèvement pour le budget communautaire est en réalité un prélèvement obligatoire, et nous ne pouvons discuter ni de la base sur laquelle il est assis, ni de l'affectation des sommes réparties par Bruxelles, des sommes considérables qui représentent, je le rappelle, le troisième budget civil de la France. C'est une masse énorme, en augmentation largement supérieure à l'inflation, alors que l'on parle d'un autre côté de réduire le déficit public.

De toute façon, l'Europe nous oblige ou nous obligera à verser cette somme. Raison de plus, puisqu'il n'y a pas péril en la maison Europe, pour manifester politiquement notre refus de carences anciennes dans l'utilisation de cet argent et notre refus des « nouveautés » bruxelloises, qui ne sentent rien de bon pour notre pays et pour l'Europe.

Raison de plus pour manifester notre volonté positive bloquée là bas, là haut, dans la capitale belge.

Parmi les raisons anciennes qui motivent depuis longtemps nos critiques, j'en retiendrai une, qui a d'ailleurs été mise sur le devant de la scène de l'actualité récente : je veux parler des fraudes sur le budget européen. Chaque année, depuis l'origine, nous mettons en garde, nous protestons, nous déposons des amendements pour lutter contre ces fraudes. Et, chaque année, on nous répond avec des paroles rassurantes : « Vous avez raison, on va s'en occuper ». Et puis... rien du tout ! Que n'ai-je été entendu l'an dernier, monsieur le ministre, alors qu'on voit qu'un détournement de 6,5 milliards de francs dans le budget européen a été réalisé en deux ans, sans factures, au nom de l'aide humanitaire, comme vient de le révéler la presse, qui s'est fondée sur un rapport de la Commission que celle-ci n'entend pas rendre public ! A cette fraude latente, permanente, sur le budget européen s'ajoute une autre fraude qui résulte des dysfonctionnements et d'un manque de volonté de l'Union : la fraude sur la TVA.

Cette fraude est évaluée à pas moins de 40 milliards de manque à gagner fiscal pour notre pays chaque année. A un moment où l'on s'interroge, non sans raison, sur la pertinence du taux de croissance retenu pour 1999, je rappelle que 40 milliards représentent l'équivalent fiscal de 0,5 % de croissance du PIB. Quarante milliards, c'est presque la moitié de la somme que nous versons à l'Europe, ou bien encore la somme nécessaire pour répondre à l'exigence des chômeurs de notre pays de voir relever les minima sociaux.

L'an dernier encore, nous avions eu un échange cordial sur ce point, monsieur le ministre. Alors que je vous demandais de prendre une décision, vous m'aviez promis de confier à l'un de nos collègues de la commission des finances - je n'en fais pas partie - la mission de procéder aux investigations nécessaires sur ce problème de la fraude. Vous m'aviez courtoisement répondu que vous m'aviez entendu. Ma question est simple : qu'allez vous annoncer cette année de réel, tangible et efficace ? Car nous ne sommes pas dans l'ordre du technique, nous sommes dans celui du politique, et il est du rôle du Parlement de contrôler le Gouvernement, mais également la Commission.

Il y a en outre des raisons toutes nouvelles de marquer un net positionnement politique. Alors que la politique agricole commune est sur le gril, de même que les fonds structurels, comment ne pas marquer notre mécontentement absolu lorsque le principe de la solidarité, qui est consubstantiel à l'Union, est atteint ? Il est atteint par la volonté de « nationaliser » les aides agricoles. C'est d'ailleurs la première fois que Bruxelles nous propose de nationaliser quelque chose ! Il est atteint par les réductions drastiques envisagées en même temps que l'élargissement, il est atteint en ce qui concerne notre solidarité avec les régions et les pays les plus en difficulté, en particulier ceux du Sud, dans notre aide à la coopération.

Qu'en sera-t-il des négociations avec le MERCOSUR et de leurs retombées ? A cet égard, comment peut-on, sauf si l'on s'appelle Sir Leon Brittan - encore et toujours lui - mettre l'Europe devant le fait accompli en organisant une zone de libre-échange avec ces pays d'Amérique latine, ce qui aura des conséquences énormes pour l'agriculture européenne ? On nous demande de voter ce prélèvement alors que l'avenir est en débat, plein d'interrogations, et que des volontés aussi diverses que malignes se manifestent. On nous demande de voter ce prélèvement sans savoir comment demain sera fait. Pour le coup, l'image est pertinente : on met délibérément la charrue avant les boeufs ! Il faut faire l'inverse, exiger l'inverse : commencer par négocier, afin d'y voir clair, et non avancer dans un tunnel dont on ne connaît pas la fin ! Le budget de 1999 entre ainsi en collision avec d'autres problèmes d'avenir, mais d'un avenir immédiat. C'est cette exigence qui fait qu'il est de notre devoir de signifier un « non » clair et positif.

Pour terminer, je soulignerai deux points politiques.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

Le premier, vous n'en serez pas surpris, monsieur le ministre, concerne l'accord transatlantique du 18 mai, conclu à Londres sous présidence britannique, sans le moindre mandat du Conseil. Hier, le Premier ministre a pris la claire position que nous savons par rapport à l'AMI. Mais il ne faudrait pas que, mis à la porte à Paris, l'AMI revienne par la fenêtre à Bruxelles. Or c'est ce qui se passe actuellement. M. Leon Brittan négocie avec nos partenaires américains sur la base de cet accord qui n'en est pas un, qui est inacceptable dans son principe, de cet accord qui forme un tout indivisible, un paquet, un accord qui n'a aucunement été mis en oeuvre par les

Etats-Unis, s'agissant tout particulièrement des lois extraterritoriales.

Il convient donc, selon moi, d'affirmer que cet accord du 18 mai est illégal, et, en second lieu, de signifier à la Commission que tout accord avec les Etats-Unis sur la base de cet arrangement du 18 mai est nul et non avenu, et qu'il ne saurait aucunement engager l'Union.

D'ailleurs, comment accepter que, la bouche pleine de mots sur la liberté, les dirigeants des Etats-Unis fassent de leur pays un des plus protectionnistes qui soient ? Cela devrait constituer un préalable. Comment avancer sans que les Etats-Unis renoncent à leurs deux lois à portée extraterritoriale, à leurs vingt-cinq lois adoptées au niveau d es Etats fédérés qui imposent des embargos dits secondaires, à leurs 400 pages de réserves déposées à l'OCDE pour être annexées à un éventuel - et maintenant virtuel - accord sur les investissements ? Ces réserves - écoutez bien - vont de l'impossibilité d'ouvrir une salle de billard en Alabama quand on n'est pas citoyen américain à l'interdiction pure et simple des investissements étrangers dans les marchés publics du pays, des Etats et des villes qui le composent.

Ma seconde remarque politique -, je termine, monsieur le président, en vous remerciant de votre patience - concerne le pacte de stabilité. Nombreux sont ceux, sur tous les bancs, qui en ont dit le plus grand mal. Nous n'étions pas les seuls.

Ce pacte a été décidé sous la pression du gouvernement allemand précédent. Or la donne politique a changé en Allemagne. Le pacte de stabilité, je le rappelle, ne relève pas de l'ordre intergouvernemental mais de l'ordre communautaire.

Je vous propose par conséquent qu'une initiative franco-allemande soit engagée, comme c'est possible avec la nouvelle équipe en place à Berlin, pour renégocier ce pacte de stabilité, qui est de la compétence de l'Union et du Conseil.

Telles sont les quelques remarques politiques que je voulais vous présenter. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, ce débat très riche prouve que l'Assemblée nationale n'a pas peur de discuter de l'Europe. Je ne reviendrai pas sur tout ce que j'ai dit à propos du prélèvement européen et du projet de budget européen. Notre première discussion avait épuisé le sujet et, d'ailleurs, vos interventions se sont concentrées - cela paraît logique et légitime - sur l'avenir, et essentiellement sur Agenda 2000, dont M. Sarre a évoqué à juste titre les différentes dimensions. Il s'agit en effet de donner un cadre financier d'ensemble à l'Europe pour la période 2000-2006, de réformer la politique agricole commune, d'envisager l'avenir des fonds structurels et, enfin, de préparer l'élargissement à onze pays d'Europe centrale et orientale qui frappent à la porte de l'Union.

Plusieurs d'entre vous l'ont souligné, et ils ont raison, cette négociation sera longue et elle nous occupera vrai-s emblablement pendant une très grande partie de l'année 1999. C'est une négociation extraordinairement globale, imbriquée, une négociation que nous considérons comme un tout, comme un paquet, qui s'annonce difficile. Difficile pour l'ensemble de l'Europe, car les intérêts sont très contradictoires et divergents ; difficile aussi pour la France, parce qu'elle se trouve dans une situation qui, nous l'avons dit tout à l'heure, est loin d'être favorable dans le contexte actuel. Je veux cependant assurer M. Sarre et la représentation nationale de la très grande vigilance et de la très grande détermination du Gouvernement dans cette négociation, mais je reviendrai sur ce point.

Sommes-nous, comme le disait M. Ligot, en train d'assister à une très forte offensive de l'Allemagne, la Commission constituant un relais de ses préoccupations ? C'est vrai que l'Allemagne a certaines préoccupations.

C'est vrai que le débat sur Agenda 2000 s'est insidieusement transformé en un débat sur la contribution allemande, ce qui me paraît, je l'ai déjà dit, largement infondé. Mais je crois qu'il n'est pas juste de dire, comme l'a fait M. Ligot, que Gerhard Schrder s'exprime sur ce point avec plus de force, plus d'acuité et de violence que le gouvernement Kohl. J'ai pu constater à Strasbourg, où j'ai rencontré, le 14 juillet dernier, celui qui n'était encore que candidat à la chancellerie, que son discours était très modéré. Je peux dire, sans trahir le secret des entretiens qu'il a eus à Paris, après sa victoire, que son approche me semble plus réaliste. Les Français et les Allemands doivent, et vont, discuter sur ce point pour essayer de réduire leurs différences d'approche.

Comment abordons-nous Agenda 2000 ? La première nécessité - et je parle là en présence du secrétaire d'Et at au budget -, c'est d'éviter absolument une dérive des dépenses sur la période 1999-2006. C'est ainsi, c'est d'abord ainsi que nous pourrons traiter la question, mal posée, des contributions nettes.

Je rappelle à ce sujet que la contribution brute de l'Allemagne atteint aujourd'hui 26,4 % du total des contributions alors que sa part dans le PIB de l'Union européenne est de 28 %. La différence est de l'ordre de 1,5 point ; elle est en fin de compte modérée et n'est pas très significative. Plusieurs d'entre vous ont souligné que ces chiffres, pour la France, étaient respectivement de 17,2 % et 17,5 %. C'est dire qu'il n'y a pas de problème d'équité majeur dans le système actuel des ressources.

Certes, on peut chercher, on doit chercher à améliorer ce système, notamment en le faisant davantage reposer sur le PNB, car cette situation serait la plus équitable. Pour le reste, on doit envisager deux axes majeurs.

D'abord, la Commission, dont le rapport ne doit pas être intégralement rejeté, a posé la question de la correction britannique. On sait que nous estimions cette correction injuste lorsqu'elle a été décidée, en 1984. Aujourd'hui, elle est moins fondée encore qu'elle ne l'était à l'époque. Ce problème donnera sans doute lieu à des discussions difficiles, et l'on peut déjà imaginer une forte résistance de nos amis anglais. Mais il est indispensable d'aborder cette question, car ne pas le faire reviendrait en pratique à exonérer le Royaume-Uni de prendre sa part du coût de l'élargissement.


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Deuxième axe, la maîtrise de la dépense, qui permet mécaniquement de réduire les fameux soldes nets. Il faut d'abord maîtriser la dépense structurelle, qu'il est nécessaire de remettre en cause car elle prend une place de plus en plus importante dans le budget ; il faut remettre en cause son caractère privilégié. Cela implique que nous procédions à une revalorisation de l'enveloppe globale.

Les propositions de la Commission sont de ce point de vu beaucoup trop généreuses, car elle propose de passer à 240 milliards d'euros dans la prochaine programmation.

Il convient de revenir au niveau qui était celui du paquet Delors II, c'est-à-dire à 200 milliards d'euros, en mettant l'accent sur les dépenses qui sont pour nous les plus efficaces, les plus indispensables, c'est-à-dire celles des nouveaux objectifs 2 et 3, seuls à même de permettre une compensation entre les régions, d'atteindre les objectifs d'emploi et les objectifs sociaux qui doivent être ceux de la France.

Nous devons aussi, dans le même esprit, bien individualiser le coût de l'élargissement. C'est le sens de la proposition française, entérinée à Luxembourg, confirmée à Cardiff, qu'il va falloir maintenant mettre en évidence, d'une double programmation séparant de façon étanche, d'une part, les dépenses à quinze, et, d'autre part, les dépenses consenties pour l'élargissement.

Tout cela nous amène à l'objet de vos principales préoccupations, c'est-à-dire à la réforme de la politique agricole commune. Cette question ne sera évidemment pas évitée dans le cadre de la discussion sur Agenda 2000.

Georges Sarre a craint que la France ne perde doublement, du fait d'une mauvaise réforme de la politique agricole commune et d'un moindre financement de la part de l'Union européenne.

La France veut écarter la crainte du démantèlement de la PAC. Notre attitude actuelle, sur laquelle je reviendrai, monsieur Lefort - consiste à dire non à certains aspects très contestables de la réforme de la PAC. Nous avons refusé la suppression des quotas et la baisse des prix pour le lait, nous n'acceptons pas la réforme libérale proposée pour la viande et nous trouvons excessives les baisses de prix, avec compensation, proposées pour les céréales et les oléagineux.

Nous pensons qu'une réforme de la politique agricole commune est nécessaire. Mais elle doit être raisonnable et procéder d'un esprit tout à fait différent de celui de la proposition actuelle de la Commission.

En ce qui concerne les céréales, nous souhaitons des baisses de prix limitées car les cours mondiaux se maintiennent bien.

Concernant la viande bovine, nous ne devons pas chercher à nous installer systématiquement sur le marché mondial car nous avons une production qui est de qualité, et donc plus chère que le boeuf argentin ou le boeuf américain.

Pour ce qui est du lait, tout le monde ou presque reconnaît que la réforme serait probablement prématurée.

En tout cas, c'est l'avis de nombreux experts.

Enfin, il conviendra d'évoquer la modulation des aides, indispensable pour défentre la multifonctionnalité de l'agriculture. Il faut, surtout dans les zones rurales fragiles, aider les exploitations car il importe de défendre les modes d'exploitation propres. A cet égard, je pense particulièrement à l'éco-conditionnalité. Tout cela est d'ailleurs parfaitement cohérent avec le contrat territorial d'exploitation qui a été proposé par le ministre Louis Le Pensec dans son projet de loi d'orientation agricole.

Plusieurs d'entre vous, dont M. Chabert, ont évoqué l'attitude qu'adopterait la France dans le cofinancement de la politique agricole commune. Je n'ai, pour ma part, jamais défendu ce cofinancement. J'ai soutenu à plusieurs reprises, notamment devant votre commission des affaires étrangères, que même atténuée, la réforme de la politique agricole commune, dont nous contestons les modalités mais pas l'intérêt de principe, coûterait cher.

M. Sarre a fustigé un mauvais tiercé : démantèlement de la PAC, baisse des fonds structurels, cofinancement ou toute autre augmentation des contributions de la France.

Il a raison, c'est ce tiercé-là que nous devons éviter ! Mais il ne faut pas rêver : nous risquons fort de ne pas toucher le tiercé inverse : une PAC non réformée et plus coûteuse, une hausse des fonds et une baisse de notre contribution.

La situation sera sans doute revue, mais cela ne saurait passer en aucun cas par un confinancement de la politique agricole commune ou par une renationalisation de celle-ci. C'est ce qu'a déclaré le Premier ministre il y a deux jours à la Commission européenne, et avec beaucoup de force.

Le Gouvernement est en train d'examiner les propositions de la Commission, qui sont maintenant en notre possession.

Je puis vous assurer, monsieur Chabert, que la position que je viens de décrire est celle de tout le Gouvernement.

Georges Sarre s'est aussi interrogé sur l'élargissement de l'Union.

L'élargissement sera-t-il une bonne chose pour l'Allemagne, et pour l'Allemagne seulement ? Le Gouvernement français est pour sa part favorable à l'élargissement. Il y a là plus qu'une opportunité : un devoir politique et historique majeur.

Mais si nous souhaitons l'élargissement, nous voulons qu'il soit maîtrisé, discuté et que les rythmes ainsi que le caractère global de la négociation soient préservés.

S'agissant de l'Allemagne, la situation est peut-être un peu plus compliquée que n'a bien voulu le dire M. Sarre car l'élargissement se manifeste aussi, et peut-être d'abord, par une pression de main-d'oeuvre sur le marché du travail. Ce phénomène, déjà très visible en Allemagne et en Autriche, peut conduire nos partenaires à envisager les futures adhésions avec plus de prudence, de réalisme ou de réserves que cela ne semblait être le cas il y a quelques mois. N'oublions pas qu'il y a plus d'agriculteurs en Pologne qu'en Allemagne et en France réunies. Mais ne dramatisons pas non plus : le paquet Santer sera un paquet négocié à quinze, pour les Quinze.

Je sais, monsieur Sarre, que votre formation place beaucoup d'espoirs dans la venue du futur chancelier Schrder, à qui, ainsi que je l'ai lu dans une bonne gazette, Jean-Pierre Chevènement, dont le rétablissement se confirme rapidement, ce dont je me réjouis, comme nous tous, avait écrit après les élections.

Je ne sais pas si votre attente sera satisfaite à tous égards, notamment en ce qui concerne l'euro. Mais, après avoir rencontré le futur chancelier, j'ai la conviction que, sur l'élargissement, il aura une attitude beaucoup plus réaliste, et peut-être plus proche de la nôtre que ne l'aurait été celle du chancelier Kohl si les élections allemandes avaient eu des résultats inverses.

Quelle sera donc notre attitude lors des négociations ? Vous nous avez incités à la fermeté. Quant à M. Lefort, il a affirmé, pastichant Pierre Dac qui disait que, lorsque les bornes sont franchies, il n'y a plus de limite, que,


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quand les bornes sont franchies, il faut savoir dire non ! Eh bien, nous savons dire non, et nous l'avons prouvé à plusieurs reprises, notamment hier pour l'AMI. Cette attitude ne doit pas surprendre car elle est dans la continuité de l'action que le Gouvernement mène depuis un an.

Il y a quelques mois, c'est nous qui avons demandé et obtenu une pause dans la négociation et posé de très fortes conditions. Hier, ici même, le Premier ministre a précisé que, ces conditions n'étant pas remplies, il n'entendait pas reprendre les négociations dans le cadre qui était proposé, celui de l'OCDE, et qui concernait des intérêts privés et un cénacle de pays riches. Il a donc notamment proposé que ces négociations se poursuivent sur une autre base et dans une autre enceinte, celle de l'Organisation mondiale du commerce. Il s'agit là d'un acte politique extrêmement fort, qu'il faut saluer.

Mais permettez-moi d'apporter une petite nuance à ce que vous avez dit : si Lionel Jospin a dit non à l'AMI, il n'a pas dit non à l'Union.

M. Jean-Claude Lefort.

Absolument ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Il a clairement expliqué que, dans la mesure où nous nous opposions à discuter d'intérêts privés dans une enceinte de privilégiés, nous devions consentir à des transferts de souveraineté dans le cadre de l'Union.

Le Gouvernement est profondément européen, et le Premier ministre l'a rappelé avec beaucoup de force à la Commission il y a deux jours. Vous comprendrez donc que je ne puisse vous suivre lorsque vous dites non au budget qui vous est présenté. Si je comprends vos motiv ations, je maintiens les propositions qui sont les miennes.

Vous avez insisté, monsieur Lefort, sur d'autres aspects importants, telles que les négociations commerciales à venir, qu'il s'agisse des relations transatlantiques ou du Mercosur. Sur ce point, vous savez que vous serez entendu.

Nous n'acceptons pas que l'on profite des négociations sur le Mercosur pour instaurer une zone de libre-échange agricole avec l'Amérique du Sud.

Quant à celles sur le nouveau marché transatlantique, c'est la France qui y a mis fin. Je représentais la France au Conseil des affaires générales le jour où nous avons su dire non aux propositions libre-échangistes qu'avaient présentées M. Brittan sans avoir reçu aucun mandat de la Commission.

Sur ce point aussi, j'apporterai une petite nuance à vos propos, en ce qui concerne les relations transatlantiques.

L'accord de Londres était clair pour l'Europe. Aucun engagement de notre part ne sera pris sans la mise en oeuvre préalable par les Etats-Unis de wavers - de dérogations - pour nos compagnies. Ces wavers, nous les avons obtenus et nous continuons de demander avec force le démantèlement des lois extraterritoriales. Pour nous, cela reste un point fondamental. Nous pensons que M. Brittan devrait nous écouter. Cela dit, je ne crois pas qu'il soit en train de proposer de façon subreptice une ressuscitation de la formule mort-née du nouveau marché transatlantique.

(Exclamations sur les bancs du groupe communiste.)

M. Jean-Claude Lefort.

Mais si ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

En tout cas soyez persuadés, mesdames, messieurs, que nous continuons d'être très attentifs.

Monsieur Lefort, en vous écoutant je me rappelais notre débat de l'année dernière où vous aviez, avec raison, attiré l'attention du Gouvernement sur le problème de la fraude. Vous me permettrez de vous répéter, d'une façon un peu différente, ce que je vous avais dit alors.

La lutte contre la fraude bénéficie aujourd'hui d'un cadre juridique plus étoffé depuis les traités de Maastricht et d'Amsterdam. Ainsi, le nouvel article 209-A deviendra l'article 280 dans le traité consolidé que vous appelez de vos voeux. De plus, la stratégie antifraude qui a été adoptée en 1994 fait l'objet d'un rapport annuel. L'UCLAF, l'unité de lutte contre la fraude, a été mise en place en sein de la Commission en 1995 et, sous la présidence française, un règlement relatif à la protection des intérêts financiers des communautés a été adopté. J'ajoute que, dans le cadre du troisième pilier, une convention relative à la protection des intérêts financiers de la Communauté européenne a été adoptée et qu'un protocole additionnel sur les actes de corruption commis par les fonctionnaires nationaux a été ouvert à la signature le 27 septembre 1996.

De plus, la France s'est dotée, en 1996 également, d'une instance de coordination de lutte antifraude aux fonds communautaire, l'ICLAF, qui coordonne l'action des services et assure la liaison avec Bruxelles.

Nous sommes évidemment très attentifs à ce qui se passe aujourd'hui à la Commission européenne.

Tout ce que je puis dire à cette tribune, c'est que, à la suite des allégations graves portées par plusieurs organes de presse sur la régularité de l'exécution du budget communautaire, le Gouvernement a pris note avec satisfaction de l'annonce par le président de la Commission de la constitution d'un office d'enquête antifraude externe et interne, totalement indépendant et sans aucun lien de subordination avec la Commission.

M. Jean-Claude Lefort.

Qui la compose ? M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Il s'agit d'un moyen d'aller vers plus de transparence et plus de contrôle. Le Gouvernement souhaite que la lutte contre la fraude bénéficie de tous les moyens nécessaires à son succès.

J'en terminerai par un sujet que plusieurs d'entre vous, tels que M. Lequiller, M. Barrau et M. Lefort, ont évoqué : la politique de croissance et d'emploi en Europe.

M. Lequiller a cru bon de remettre en cause, une fois de plus, les perspectives de croissance proposées par le Gouvernement. Une fois de plus, mais très brièvement, je lui rappellerai que, grâce à la mise en oeuvre de l'euro, grâce à une croissance qui est largement autocentrée puisque plus de 90 % de nos échanges s'opèrent avec les pays de la zone euro, et grâce à une croissance mieux orientée sur la consommation et l'investissement, les perspectives de croissance sont tout à fait réalistes. Je relèverai au passage qu'elles sont inférieures à celles du Fonds monétaire international.

Il s'agit d'une politique crédible qui porte ses fruits et je ne vois pas bien l'intérêt qu'il y aurait pour l'opposition de sembler se réjouir de problèmes auxquels pourrait être confronté notre pays.

La politique que nous proposons est beaucoup plus volontariste, beaucoup plus active que celle que propose

M. Lequiller. Elle repose sur plusieurs piliers. A cet égard, je ne reviendrai pas sur la proposition d'un grand emprunt que Lionel Jospin a soutenue...

Mme Nicole Bricq.

Très bien !


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M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

... et dont nous avons déjà traité.

M. Barrau a évoqué la réduction de la TVA. C'est un objectif auquel le Gouvernement est très favorable pour les services à haute intensité de main-d'oeuvre. C'est l'une des lignes directrices adoptées en 1997 à Luxembourg. Le plan national d'action pour l'emploi présenté par la France au mois d'avril dernier prévoit justement l'application, à titre expérimental, d'un taux réduit de TVA aux activités de service à la personne telles que celles qui sont identifiées dans le cadre de l'agrément délivré par le ministère de l'emploi et de la solidarité au titre de l'article L.

129-1 du code du travail. Il s'agit donc des services à domicile.

Le champ de la mesure est précisément défini et nous souhaitons maintenant que la Commission fasse en la matière des propositions de directives, comme c'est son rôle.

Monsieur Lefort, vous avez aussi évoqué le pacte de stabilité. Je crois que M. Brunhes devait hier, lors des questions au Gouvernement, intervenir à ce sujet, mais il n'a pu le faire dans le temps qui avait été imparti au groupe communiste.

La renégociation du pacte de stabilité est plus que difficile car il s'agit d'un engagement international de la France...

M. Jean-Claude Lefort.

Non ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

... qui avait déjà été pris quand ce gouvernement est arrivé aux responsabilités.

Il y a deux jours, M. le Premier ministre a fait valoir à la Commission et lors d'une conférence de presse qu'il était impossible de remettre en cause le pacte de stabilité.

Cela dit, nous souhaitons très clairement un infléchissement des priorités de politique économique et sociale de l'Europe. Nous voulons une politique européenne qui soit plus volontaire, plus active, et qui aille toujours plus loin dans le sens d'un rééquilibrage de la construction européenne en faveur de la croissance et de l'emploi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Article 42

M. le président.

« Art. 42. - Le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes est évalué pour l'exercice 1999 à 95 milliards de francs. »

MM. Cuvilliez, Feurtet, Brard, Vila et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 426, ainsi rédigé :

« Dans l'article 42, substituer à la somme : "95 milliards de francs" la somme : "1,5 milliard de francs." » La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Monsieur le président, j'ai cru comprendre que notre vote serait sans influence. Mais il ne sera pas sans conséquences.

J'ai été étonné de trouver, dans les interventions des uns et des autres, au moins cent raisons de répondre à l'appel de Jean-Claude Lefort : il faut voter non, en donnant évidemment à ce non un caractère positif.

Notre amendement, dont l'adoption répondrait aux intentions affichées, tend à ramener notre contribution au budget des Communautés européennes pour 1999 à 91,5 milliards, soit le niveau qui était le sien dans la loi de finances pour 1998.

On pourrait soutenir que le chiffre que nous proposons est après tout la traduction budgétaire d'un pacte de stabilité dont nous redoutons tous, me semble-t-il, les effets, et que nous condamnons, ou, si l'on veut envisager les choses de manière positive, qu'au moment où l'Allemagne et l'Angleterre veulent renégocier leur contribution il traduit notre volonté d'en faire autant.

L'espace budgétaire ouvert pour la loi de finances pour 1999 représente 75 milliards de francs. Sur cette somme, 21,3 milliards sont bloqués pour réduire le déficit, cette réduction obéissant à une exigence des critères de convergence de l'Union européenne.

Si l'on met les deux chiffres en perspective, on s'aperçoit que l'on consacre assez peu de temps à l'examen de la contribution communautaire par rapport à l'ensemble du projet de loi de finances pour 1999.

J'observe en outre que l'augmentation de cette participation est de 3,8 %, alors que celle du budget d'activité s'établit à 1 % seulement. Peut-être conviendrait-il de mettre les taux en concordance.

Tous les orateurs ont donné des raisons pertinentes de refuser la contribution, qui pourrait être réduite ou au moins maintenue à son niveau de 1998.

J'ajoute que notre amendement s'appuie surtout - cela suffirait à vous le faire adopter - sur le fait que la fraude, dont vous avez dénoncé les effets, monsieur le ministre, et dont Jean-Claude Lefort a montré l'importance, atteint 3,5 milliards. Dans ces conditions, réduisons notre participation de 3,5 milliards ! Ainsi, nous satisferons à la fois à un principe et à une volonté !

M. Jean-Claude Lefort.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Je crains de décevoir notre collègue. (Sourires.)

M. Jean-Claude Lefort.

On veut pourtant vous faire gagner de l'argent !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il ne faut pas limiter notre effort de réduction budgétaire à la seule contrainte européenne. Une telle volonté est de bon sens et s'inscrit dans la ligne de la restauration de nos marges de manoeuvre.

M. Christian Cuvilliez.

C'est vrai !

M. Jean-Claude Lefort.

Nous voulons marquer le coup !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Le montant prévu de 95 milliards correspond à une progression de 3,8 % par rapport à 1998. Cette progression est sans doute trop importante, ainsi que je l'ai déjà dit. Mais elle reflète largement la croissance des crédits du projet de budget. On peut le regretter, mais la France ne saurait se soustraire à ce qui est une obligation budgétaire.

J'ajoute qu'il s'agit d'une simple évaluation et qu'en réduire le montant dans la loi de finances n'aurait pas beaucoup d'effets sur les sommes qui seront effectivement décaissées.

Pour ces raisons, à la fois de fond et de forme, la commission des finances invite l'Assemblée à rejeter l'amendement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

L'amendement pourrait s'inscrire dans le cadre du soutien au pacte de stabilité puisqu'il propose d'importantes économies. Pourtant il ne peut être accepté, pour les raisons que vient d'exposer le rapporteur général.

En effet, le prélèvement est une contribution obligatoire qui résulte de l'appartenance de la France à l'Union européenne et des obligations qui découlent des traités en vigueur et, en l'occurrence, de la décision sur les ressources propres de l'Union, que le Parlement a ratifiée.

Le chiffre inscrit dans le projet de loi de finances traduit une juste évaluation du montant de la contribution pour 1999, effectuée sur la base du projet de budget établi par le Conseil le 17 juillet dernier.

Quant à la lutte contre la fraude, je me contenterai de répéter ce que j'ai dit tout à l'heure.

Les traités de Maastricht puis d'Amsterdam ont permis de donner une base juridique aux instruments de la lutte antifraude. Les moyens administratifs consacrés à la lutte antifraude ont été renforcés de façon continue depuis 1994, aussi bien à Bruxelles qu'en France. Il est clair que l e Gouvernement a pris note avec satisfaction de l'annonce par le président de la Commission de la constitution d'un office d'enquête antifraude externe et interne, totalement indépendant et sans aucun lien de subordination avec la Commission. Dès que j'en saurai plus, je donnerai toutes précisions utiles à M. Lefort.

Le Gouvernement appelle par conséquent au retrait de l'amendement. Si celui-ci était maintenu, il inviterait l'Assemblée à le rejeter.

M. le président.

La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur.

Au premier abord, cet amendement peut paraître sympathique...

M. Christian Cuvilliez.

Il l'est !

M. Marc Laffineur.

... dans la mesure où il vise à diminuer les dépenses. Seulement, la parole de la France...

M. Jean-Claude Lefort.

La fraude, c'est la parole de la France ?

M. Marc Laffineur.

... est ici en jeu. Les traités que nous avons signés ne peuvent pas être remis en cause.

Notre collègue est d'ailleurs conscient des conséquences q u'aurait l'adoption de son amendement si jamais l'Assemblée nationale y procédait. Mais ce n'est pas par hasard que notre collègue l'a déposé.

M. Christian Cuvilliez.

Cela constituerait un bel effort !

M. Marc Laffineur.

M. le ministre nous a dit que l'euro assurait une certaine stabilité à l'Europe. On peut donc se féliciter que les efforts accomplis par les Français et par les différents gouvernements aient permis sa mise en place. C'est d'ailleurs autour de ce sujet que tournent une grande partie des discussions que nous avons, depuis déjà deux ans, au moment de la loi de finances.

Quant à l'emprunt européen, le fait qu'il soit européen ne change rien : il faudra bien le rembourser et, dans les années futures, augmenter notre contribution pour y faire face.

On peut donc demander à l'Europe de souscrire un emprunt pour faire des travaux. Mais ce ne sera pas la panacée.

A moins, bien sûr, d'imaginer que la France bénéficierait de cet emprunt plus que ses voisins. Le problème est que chacun voudra voir son propre pays avantagé. Et je crains fort que ce soient les pays comme la France ou comme l'Allemagne qui, en fait, participent plus que les autres au remboursement de cet emprunt.

M. Jean-Claude Lefort.

Hors sujet ! Cela n'a rien à voir avec l'amendement.

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Monsieur le président, je parlerai uniquement sur l'amendement, bien que nous ayons évidemment beaucoup à dire sur l'Europe.

Dans l'exposé sommaire, j'ai relevé l'expression juridique de « prélèvement sur les recettes de l'Etat ». Cette expression correspond à une vision comptable des choses.

Je parlerais plutôt d'un impôt dû par nos concitoyens à l'Europe, même s'il n'est pas directement versé à l'échelon européen.

Nous qui militons pour une Europe plus politique, plus sociale, plus écologique, plus démocratique et plus citoyenne, considérons qu'il s'agit plutôt de la part d'un impôt européen prélevé sur chaque citoyen français.

Dans la mesure où nous sommes favorables à une constitution fédérale - ce qui n'est pas tout à fait votre philosophie -, ce prélèvement n'en est pas un. C'est la part européenne de nos impôts. Il y a des impôts locaux, départementaux, régionaux, nationaux. Il doit y avoir aussi un impôt européen.

Dans ces conditions, je ne vois pas d'inconvénient à ce que la contribution des citoyens français à l'Europe soit de 95 milliards.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 426.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 42.

(L'article 42 est adopté.)

M. le président.

Mes chers collègues, en ce moment se termine la réception donnée par le président de l'Assemblée nationale en l'honneur de notre ancien collègue Pierre Mazeaud, nommé membre du Conseil constitutionnel. Je vais suspendre la séance, le temps que nous allions lui serrer la main.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures vingt.)

M. le président.

La séance est reprise.

Dans la suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances, nous en revenons maintenant à l'amendement no 513, portant article additionnel après l'article 2.

Après l'article 2 (suite)

M. le président.

M. Gengenwin et M. de Courson ont présenté un amendement, no 513, ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 199 quater D du code général des impôts, le taux : "25 %", est remplacé par le taux : "50 %".

« II. - La perte de recettes résultant du I est compensée à due concurrence par le relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour soutenir cet amendement.

M. Jean-Jacques Jégou.

Mes collègues Gengenwin et de Courson souhaitent rétablir la politique de la famille mise à mal par le Gouvernement depuis l'année dernière.

Afin de rééquilibrer les aides entre les différents modes de garde d'enfants, ils proposent de doubler le pourcentage de réduction d'impôt pour frais de garde des jeunes enfants en crèche ou chez une assistante maternelle agréée.

Les jeunes couples n'ont pas toujours la chance de travailler soit dans une administration, soit dans une grande société qui participe aux frais de garde. C'est essentiellement, mais pas seulement, le cas de la région parisienne.

M. Michel Bouvard.

Il existe aussi des jeunes couples en province !

M. Jean-Jacques Jégou.

Je parle de ce que je connais le mieux. Quoi qu'il en soit, cet amendement permet d'aider financièrement les jeunes couples ayant eu un ou plusieurs enfants.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission n'a pas pu retenir cet amendement.

Notre collègue M. Jégou ne m'en voudra pas de lui répéter - puisque lui-même répète que le gouvernement actuel et sa majorité prennent des dispositions contre la famille - que cela n'est pas vrai.

L'année dernière déjà, nous avons adopté des mesures favorables aux familles et le projet de loi de finances pour 1999 comporte encore d'autres dispositions positives pour la grande majorité des familles. J'ajoute que l'action en faveur des familles doit être jugée au travers de l'ensemble de la politique économique et sociale conduite par le Gouvernement. Il en ressort une amélioration incontestable par rapport à la situation réservée aux familles sous le gouvernement précédent.

A propos de l'amendement lui-même, je rappelle qu'avec une réduction d'impôt plafonnée à 15 000 francs par enfant le dispositif coûtera un milliard de francs. Il n'a pas paru possible à la commission des finances d'aller audelà.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Rejet pour les mêmes raisons.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 513.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Carrez, Auberger, Baroin, Bergelin, Michel Bouvard, Cabal, Chabert, Dehaine, Delalande, Yves Deniaud, Devedjian, de Gaulle, Gaymard, Inchauspé, Sarkozy, Séguin, Tron et les membres du groupe du Rassemblement pour la République ont présenté un amendement, no 456, ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. - Dans le troisième alinéa du 1o de l'article 199 sexdecies du code général des impôts, la somme : "45 000 francs", est remplacée par la somme : "90 000 francs".

« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Nous restons dans la politique familiale dans la mesure où cet amendement tend à rétablir à 90 000 francs le plafond de la déduction pour l'emploi d'un salarié à domicile. En effet, un an après la décision de le limiter à 45 000 francs, nous commençons à en constater les effets négatifs.

D'abord, l'organisme chargé de recouvrer les cotisations sociales des employeurs de salariés à domicile enregistre un véritable effondrement de ces cotisations. Cela laisse à penser qu'une partie des dizaines de milliers d'emplois créés depuis que, successivement, Edouard Balladur puis Alain Juppé avaient mis en place puis amplifié cette mesure, est en train de disparaître. Puisqu'il semble qu'un certain black out ait été instauré à ce sujet, je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, obtenir rapidement une communication officielle des chiffres prouvant que les recouvrements de cotisations sont en chute libre.

Ensuite, une intéressante étude, menée à la demande de l'association des maires d'Ile-de-France, a montré une recrudescence des demandes de place en crèche collective au cours des derniers mois. Tous les maires d'Ile-deFrance siégeant sur ces bancs pourront en témoigner. Or nous avons beaucoup de mal à satisfaire ces demandes parce que, en région parisienne peut-être plus qu'ailleurs, se pose un grave problème de places en crèche. En tout cas, il est intéressant de souligner que cette demande supplémentaire traduit une évolution du comportement des familles.

Ainsi, des renseignements pris auprès de quelques-unes d'entre elles montrent que l'on est malheureusement reparti vers un système de recours au travail au noir. Plus exactement, la partie des salaires permettant de bénéficier des 45 000 francs de déduction reste apparente, mais le reste du travail est accompli en souterrain. Nous vous l'avions annoncé l'an dernier, mais il est regrettable que l'on en soit là aujourd'hui.

Il faut se mettre à la place de ces familles, dont vous avez prétendu qu'elles étaient riches mais qui, avec la division par deux de l'AGED, avec la suppression des allocations familiales, avec la réduction par deux de cette déduction d'impôt, ont subi des pertes allant de 3 000 à 6 000 francs par mois.

M. Gérard Fuchs.

Combien de familles ?

M. Gilles Carrez.

Plusieurs dizaines de milliers de familles sont dans ce cas et elles sont obligées d'adapter leur comportement à la réalité fiscale.

Un bon gouvernement doit être capable de reconnaître ses erreurs à partir de données objectives. Celles que je viens de vous communiquer en font partie ; je suis d'ailleurs persuadé que vous les avez à votre disposition. Il serait vraiment dommage que cet amendement ne soit pas adopté parce qu'il favoriserait la satisfaction de besoins réels et permettrait le maintien ou la création de dizaines de milliers d'emplois officiels, lesquels seraient une source de recettes pour la sécurité sociale.

Nous voyons bien que ce type de mesures, au lieu de faire réaliser des économies à l'Etat, aurait plutôt pour conséquence de lui coûter de l'argent si l'on raisonne en compte consolidé entre Etat et sécurité sociale.

M. Jean-Jacques Jégou.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable.

Mon cher collègue, je me souviens très bien de l'historique de cette mesure proposée pour la première fois par

Mme Aubry.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

M. Gilles Carrez.

C'est vrai, je l'avais oublié.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Elle a, ensuite, été fortement amplifiée par M. Sarkozy sous le gouvernement de M. Balladur.

M. Gilles Carrez.

Et elle a fortement créé des emplois !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Lors du débat sur ce sujet, M. Sarkozy, dans la nuit, nous avait expliqué que cette disposition devait être considérée comme une compensation offerte aux familles très aisées, parce que le gouvernement de l'époque ne pouvait pas leur accorder la suppression ou la réduction de la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Gilles Carrez.

Vous avez mal entendu !

M. Gérard Bapt.

Non, c'est exact !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il avait pratiquement donné cette explication. A un moment donné, un peu agacé par l'un d'entre vous, il avait même rappelé que la majorité de l'époque venait de perdre plusieurs élections, parce qu'elle avait fait des provocations fiscales, que d'autres approchaient et que cette mesure avait l'avantage d'être aussi favorable à ces familles que la réduction de la tranche supérieure d'impôt sur le revenu.

M. Michel Bouvard.

Il est suffisamment habile pour ne pas avoir dit cela.

M. Gilles Carrez.

Je ne me suis pas placé sur ce terrain.

M. Philippe Auberger.

Il n'avait pas besoin de cela pour être élu ! De plus nous sortons du sujet, monsieur le président.

M. Gérard Bapt.

Pas du tout, nous sommes dans le vif du sujet.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

En l'occurrence, nous voyons toute la différence entre une incitation telle que le prévoyait le dispositif de Martine Aubry et un privilège fiscal, c'est-à-dire ce que vous avez voté.

M. Christian Cuvilliez.

C'était du clientélisme !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

L'année dernière, nous avons souhaité revenir à une mesure incitative.

Cette année vous nous proposez de revenir aux privilèges.

Nous sommes désolés de ne pas pouvoir vous suivre.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Le Gouvernement n'a nullement honte d'avoir fait adopter cette disposition l'an dernier parce qu'elle constitue une mesure d'équité qui, il faut le rappeler même si cela n'est pas un argument déterminant, intéresse si je puis le dire ! - 70 000 foyers ayant un revenu déclaré supérieur à 700 000 francs par an.

M. Jean-Pierre Brard.

Les pauvres gens !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je conçois que ces foyers ressentent une certaine gêne mais cette disposition, la loi de lutte contre l'exclusion et diverses autres mesures forment un tout.

J'ajoute, monsieur Carrez, que, sur la proposition d'un parlementaire proche de vous, ce plafond de 90 000 francs a été maintenu pour les personnes lourdement handicapées.

M. Michel Bouvard.

Merci de le rappeler.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

La commission des finances a donc pris l'an dernier l'initiative de proposer ce dispositif qui concilie parfaitement l'équité et la volonté de venir en aide aux familles ayant certaines difficultés.

En ce qui concerne l'insuffisance des crèches en Ile-deFrance, vous pouvez vous tourner vers certains maires pour qu'ils fassent un plus grand effort en la matière.

Je demande donc le rejet de cet amendement.

M. Gilles Carrez.

C'est facile ! Mais ils sont tous dans le même cas !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

Quand il s'agit de défendre les privilèges, chers collègues, vous savez bien mettre en avant la famille. En l'occurrence vous y ajoutez l'emploi.

Sous ces prétextes vous voulez que l'on revienne sur une mesure de gauche prise l'année dernière. C'est tout à l'honneur du Gouvernement de refuser d'accéder à votre demande.

En ce qui concerne les crèches, les informations que j'ai pour ma ville ne correspondent pas aux propos tenus par M. Gilles Carrez, mais la situation peut varier d'une commune à l'autre. En effet nous n'avons constaté aucune poussée supplémentaire de la demande. En revanche le problème du déficit des capacités, avant comme aujourd'hui, est réel, mais il n'est pas vraiment l'objet du débat.

Alors que M. Philippe Auberger a estimé que l'on sortait du sujet, je crois au contraire que nous sommes en plein dedans.

M. Auberger, pas d'affaire d'argent entre nous, surtout quand il s'agit de celui des privilégiés ! Vous me faites penser à ce sein que l'on ne saurait voir parce que vous estimez sans doute que ces affaires doivent être réglées tranquillement, dans le silence et la discrétion.

En réalité vous proposez que les gens qui en ont déjà plein les poches puissent faire financer un valet de pied ou un jardinier par tous les contribuables, en particulier par les plus pauvres. En effet le budget de l'Etat est, entre autres, largement alimenté par la TVA qui est payée également par le RMiste qui achète sa baguette de pain, mais qui, lui, ne peut pas bénéficier de ces dégrèvements.

Vous défendez des gens qui pourraient tout de même avoir davantage de sentiment. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance.)

M. Jean-Jacques Jégou.

Je sens que Mme Bettencourt va sortir !

M. le président.

Mes chers collègues, seul M. Brard a la parole.

M. Jean-Pierre Brard.

Monsieur le président, je vous remercie pour votre objectivité, mais je sens qu'il y a des réflexes de Pavlov dans les rangs d'en face car ceux qui y siègent savent bien quels privilèges ils défendent. La preuve en est donnée par le fait que je n'ai même pas besoin de nommer certaine personne pour que M. JeanJacques Jégou et d'autres y pensent immédiatement ! (Rires.)

Je vous ai déjà recommandé la lecture d'une revue fort bien faite, Challenges, qui a publié un jeu de l'oie un peu particulier. Il faudrait d'ailleurs l'appeler le jeu des oies gavées ! En l'occurrence, cependant, il s'agit non de faire du foie gras, mais de remplir les coffres-forts.

Je vous rappelle, monsieur Jean-Jacques Jégou, que la personne que vous avez citée et qui pourrait bénéficier de la mesure que vous voudriez rétablir a vu, en une seule


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

année, sa fortune professionnelle augmenter de plus de 20 milliards de francs ! Vous faites donc un peu gagnepetit, en voulant ajouter trois francs six sous à des fortunes déjà incommensurables.

A mon avis vous auriez un comportement plus conforme à notre tradition de solidarité puisque, hier, dans votre intervention, vous avez cité la devise républicaine qui figure sur nos édifices publics, si vous interveniez pour relever les minima sociaux. Mais, sur ce sujet, vous êtes coi.

Nous aurons certainement l'occasion d'y revenir lors de l'examen d'autres amendements, tant il est vrai que, dès qu'il s'agit de défendre les privilégiés, il n'y a pas assez d'énergie disponible dans vos rangs ; vous montez immédiatement au créneau. Pour s'opposer à votre démarche, le Gouvernement et le rapporteur général ont utilisé des arguments judicieux. Voilà au moins un sujet essentiel, du point de vue de l'identité de ce que doit être la gauche, à propos duquel il y a consensus entre nous !

M. Michel Bouvard.

C'est déjà ça !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Ce n'est pas le seul !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Je tiens à soutenir l'excellent amendement de mon ami Gilles Carrez, dont l'objet a été caricaturé. Je ne sais pas si M. Brard garde le document qu'il vient de brandir et qui va finir par se parcheminer pour nous le présenter chaque année.

M. Jean-Pierre Brard.

Non, c'est un nouveau numéro du magazine !

M. Jean-Jacques Jégou.

Vous le ressortez à chaque loi de finances.

M. Jean-Pierre Brard.

Il montre que la fortune de la personne que vous avez citée a encore augmenté !

M. Jean-Jacques Jégou.

Peut-être réédite-t-il tous les ans le même jeu ? En tout cas, je suis maire d'une commune de la petite couronne parisienne, où l'on voit la vie des gens au quotidien, monsieur Brard. Les jeunes couples avec enfant, qu'ils soient mariés ou non, seraient étonnés s'ils vous entendaient, parce que je sais que vous ne tenez pas le même discours dans votre mairie.

M. Jean-Pierre Brard.

Oh, ça alors !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Les jeunes couples ne gagnent pas 700 000 francs par an !

M. Jean-Jacques Jégou.

Ainsi que je l'ai indiqué en défendant l'amendement de mes amis Gengenwin et de Courson, il y a tout de même un problème en la matière. Je ne sais pas si nous avions été trop loin avec l'ancien gouvernement...

M. Jean-Pierre Brard.

Voilà le début de la sagesse !

M. Jean-Jacques Jégou.

... mais il est indiscutable que cette mesure avait du bon.

Puisque vous avez parlé d'aller chercher l'argent chez les contribuables, je vous rappelle que plus de 52 % des contribuables potentiels ne payent pas d'impôt. Ils préféreraient sans doute le régler et avoir du travail.

Monsieur le secrétaire d'Etat, tout n'est pas noir ou blanc. Loin de vous porter tort, vous renforceriez votre opposition si vous reconnaissiez que la mesure que nous avions prise comportait des éléments favorables. En particulier - je vous demande de vérifier le chiffre - elle avait permis la création de 60 000 emplois.

Comme je l'ai relevé hier et répété ce matin, vous proposez également de nouvelles mesures que je ne qualifierai pas de cadeaux aux contribuables. Ainsi vous allez mettre 2 milliards dans le commerce, si vous me permettez l'expression, au profit de ceux qui entretiennent leur logement, qu'ils soient propriétaires ou locataires. Il s'agit d'une bonne disposition que nous voterons.

En matière d'emploi, l'un de vos objectifs essentiels est de lutter contre ce cancer qui nous ronge dans ce pays, le travail au noir.

Il conviendrait donc de réserver un tout autre sort à l'amendement de Gilles Carrez, quitte à le sous-amender, car sa proposition permettrait de créer des emplois à domicile, donc de générer des recettes pour le budget de la sécurité sociale. Peut-être faut-il trouver un équilibre, mais il convient d'y réfléchir.

Il est vrai que les jeunes couples s'installent davantage dans certaines communes comme la mienne que dans d'autres. Cela nous contraint à consentir certains efforts, notamment pour développer les crèches collectives. Ainsi j'ai porté la nôtre de soixante à soixante-douze berceaux, ce qui coûte cher au contribuable local. Il faut notamment embaucher de nouvelles assistantes maternelles, mais cela n'est pas toujours facile car certaines préfèrent travailler dans la clandestinité plutôt que d'être déclarées en travaillant pour la DDASS ou sous gestion municipale.

C essez de caricaturer ! Les difficultés des jeunes couples, en Ile-de-France comme ailleurs, sont réelles, même s'ils ont choisi d'avoir un certain train de vie.

Ainsi, ceux qui veulent acheter un logement ou investir dans une entreprise doivent travailler tous les deux.

M. Philippe Auberger.

C'est le cas de tous les commerçants.

M. Jean-Jacques Jégou.

Vous le savez, monsieur Brard, car je suis persuadé que, même à Montreuil, vous avez de nombreux couples dont les deux membres travaillent et ont besoin de trouver des structures ou des moyens pour s'occuper des enfants. Or tous ceux qui essaient de créer un patrimoine par leur travail méritent aussi d'être entendus. Il ne faut pas caricaturer.

Cela étant, monsieur Brard, je crois que Mme Bettencourt n'a plus de problèmes de maternité, présente ou à venir ! (Sourires.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 456.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 545 et 166 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 545, présenté par M. Brard, est ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. Après l'article 200 ter du code général des impôts, il est inséré un article 200 quater ainsi rédigé :

« Art. 200 quater. 1.

Les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés dans des conditions de droit commun peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu égale à 50 % du surcoût généré par l'acquisition d'un véhicule neuf ou l'équipement d'un véhicule d'occasion fonctionnant exclusivement ou non au moyen de l'énergie électrique, du gaz naturel véhicules ou du gaz de pétrole liquéfié.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

« Le montant des sommes ouvrant droit à la réduction d'impôt prévue à l'alinéa précédent est limité à 15 000 F par véhicule.

«

2. Le taux de cette réduction d'impôt est porté à 75 % pour les exploitants de taxis.

« II. Les dispositions de l'article 885 V bis du code général des impôts ne sont plus applicables à l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de la période d'imposition s'ouvrant le 1er janvier 1999 et des années suivantes. »

L'amendement no 166 rectifié, présenté par MM. Cochet, Aschieri, Mme Aubert, MM. Hascoët, Mamère et Marchand, est ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. Après l'article 244 sexdecies du code général des impôts, il est inséré un article 244 septdecies ainsi rédigé :

« Art.

244 septdecies. Les entreprises imposées d'après leur bénéfice réel peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses relatives au surcoût entraîné par l'acquisition d'un véhicule neuf ou l'équipement d'un véhicule d'occasion fonctionnant exclusivement ou non au moyen de l'énergie électrique, du gaz naturel véhicules ou du gaz de pétrole liquéfié.

« Le montant des dépenses ouvrant droit à ce crédit d'impôt ne peut excéder 15 000 F par véhicule.

« Le crédit d'impôt est égal à 50 % du montant de ces dépenses. Ce taux est porté à 75 % pour les entreprises de taxis.

« Pour bénéficier de ce crédit d'impôt, les entreprises doivent joindre à leur déclaration les factures mentionnant le montant des dépenses relatives au surcoût visé au premier alinéa.

« Le crédit d'impôt est imputé sur l'impôt sur le revenu ou l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses ont été payées. S'il excède l'impôt dû, l'excédent est restitué. »

« II. La perte de recettes est majorée à due concurrence par une augmentation des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement no 545.

M. Jean-Pierre Brard.

Je m'abstiendrai de faire rebondir la discussion que nous venons d'avoir. Nous pourrions y consacrer plusieurs nuits !

M. Michel Bouvard.

De toute manière, on passera la nuit !

M. Jean-Pierre Brard.

L'amendement no 545 devrait faire partie, s'il était pris en compte, d'une politique environnementale. Il n'a rien de nouveau : je présente le même depuis quelques années.

Les mesures contre la pollution automobile, en particulier dans les agglomérations, ne peuvent se limiter à des restrictions ou à des interdictions de circulation lors des

« pics », même celles-ci s'avèrent nécessaires dans la situation actuelle. Il faut agir contre le « bruit de fond », si j'ose dire, cette pollution chronique, plus néfaste encore pour la santé des populations que les pics dont s'émeut l'opinion.

Pour être efficace, cette action doit être méthodique et porter sur le moyen et le long terme. A cet égard, le levier fiscal est un outil que nous n'avons pas le droit de négliger.

Je propose donc d'y recourir pour inciter les sociétés à accroître, dans leur parc automobile, la part des véhicules fonctionnant à l'électricité, au gaz naturel véhicules ou au gaz de pétrole liquifié. Cette proposition d'alléger l'impôt sur les sociétés ne doit rien au dogme du libéralisme, vous en conviendrez aisément, et tout à la volonté de préserver la qualité de l'air de nos agglomérations et la santé de nos concitoyens. Vous voyez, monsieur Jégou, que je sais aussi être attentif à la situation des entreprises, qu'elles soient à Montreuil ou ailleurs, dans la mesure où on peut les aider à mieux respecter l'environnement dans lequel elles évoluent et à la propreté duquel elles ont elles-mêmes intérêt.

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l'amendement no 166 rectifié.

M. Yves Cochet.

Dans la continuité de ce que vient de dire M. Brard, je ferai remarquer que, en matière de fiscalité écologique, il faut, certes, taxer le vice, mais il faut aussi encourager la vertu.

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Yves Cochet.

Il faut donc prendre des mesures à la fois équilibrées et fortement incitatives. N'oublions pas que ce n'est que l'an I de la nouvelle politique écologique. D'autres dispositions suivront.

Un article du journal Le Monde indique que les instances européennes, le Parlement européen notamment, ont beaucoup réfléchi à la promotion des voitures propres et des carburants propres. Une directive est même en préparation - la directive auto oil - qui met en avant la nécessité d'avoir des incitations très fortes en la matière.

Les parlementaires européens, eux-mêmes, préconisent des avantages fiscaux pour encourager la mise en circulation de véhicules dépollués.

En France même, en 1985, on avait autorisé la bicarburation, en assortissant la mesure d'une petite incitation.

On pouvait acquérir un véhicule doté d'un moteur thermique classique et fonctionnant également au GPL ou au GNV. La RNUR, comme s'appelait à l'époque la Régie nationale des usines Renault, avait alors lancé une gamme de véhicules à bicarburation, les R.

18 ou les R.

21. Mais ce fut un échec faute d'encouragement suffisant. Ils faut des incitations fortes pour que les usagers et les entrprises adoptent les véhicules propres.

La pollution n'est d'ailleurs pas tant un problème d'environnement qu'un problème de santé publique. Le Parlement européen a tenté de mesurer ce qu'il appelle les coûts induits de la pollution automobile. Il les a estimés, en termes de santé publique - je ne parle même pas des conséquences sur l'environnement - à 3 % du PIB communautaire ! Imaginez les milliards d'euros que cela peut représenter ! Des économies considérables peuvent être réalisées grâce à un simple geste, comme celui que je propose.

M. Brard propose une réduction d'impôt. J'avais moimême imaginé d'y recourir. Mais, après discussion, la commission des finances a considéré qu'une telle disposition n'avantagerait que ceux qui paient des impôts, que ce soit les entreprises ou les contribuables. Je propose donc en définitive un crédit d'impôt. C'est plus audacieux, et, au moins, cela touche tout le monde.

Cette mesure figurait d'ailleurs dans l'excellent rapport - c'est la troisième fois que je le dis en séance publique de Mme Bricq. On pourra l'appeler la « bricquette » ou la « voynette », comme vous voudrez. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard.

Ou la « cochette ». (Sourires.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

M. Yves Cochet.

En tout cas, il nous faut une mesure très incitative, sans quoi, comme en 1985, elle ne sera pas suivie d'effet. Il faut créer un effet réel sur l'économie de notre pays afin de promouvoir les voitures propres.

Tel est le sens de mon amendement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Je peux même le donner sur les six amendements portant sur le même sujet.

M. le président.

Tenons-nous en à ces deux-là, monsieur le rapporteur général.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Soit, mais il y a en tout six amendements qui proposent, sous différentes formes, d'instituer des réductions ou des crédits d'impôts pour l'achat d'un véhicule propre ou la transformation d'un véhicule en vue de le rendre plus propre.

Les deux premiers, qui sont soumis à discussion commune et que nous examinons maintenant, concernent les entreprises. Les quatre suivants sont applicables aux particuliers.

Sur l'ensemble de ces amendements, je redirai en séance publique ce que j'ai dit en commission.

La formule du crédit d'impôt proposée par notre collègue Yves Cochet me paraît meilleure que celle de la réduction d'impôt, car elle profite à l'ensemble des ménages. Cela dit, elle appelle quelques réserves. De telles

« primes » peuvent avoir des effets pervers et leur suppression se traduire par un effondrement du marché.

M. Yves Cochet.

Cela n'a rien à voir avec la « juppette » ou la « balladurette » !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Certes, mais des comparaisons peuvent être faites, même si je vous concède que l'avantage serait ici ciblé sur une catégorie particulière de véhicules.

M. Yves Cochet.

Oui.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Nous avions déjà pris des mesures positives l'année dernière, sur votre proposition et celle de Mme Bricq et M. Brard...

M. Jean-Jacques Jégou.

N'oubliez pas l'opposition !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... et d'autres collègues. Nous aurons encore l'occasion d'examiner d'autres incitations dans le présent projet de budget : baisse de la TIPP sur le GPL, le GNV et l'aquazole ; aides supplémentaires pour les taxis et les autobus qui utilisent des carburants propres ; amortissements exceptionnels ; abattements de la taxe sur les véhicules de société - cette mesure représente une aide plus que sensible ; exonération de carte grise ou de vignette. Comme on le voit, de nombreuses mesures sont proposées. Ces incitations ont des effets réels : la consommation de GPL est croissante et les ventes de véhicules propres en forte progression.

Ces derniers ont d'ailleurs eu beaucoup de succès lors du dernier salon de l'automobile.

Un avis défavorable a été émis par la commission des finances.

M. Michel Bouvard.

Par la majorité des membres de la commission.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Elle a cependant souhaité que cette question soit approfondie.

Elle s'est par ailleurs interrogée sur la place de ces amendements. Compte tenu des formules choisies -, crédits d'impôts et autres - ils auraient plus leur place dans la seconde partie du budget.

En tout cas, si notre assemblée, avec l'accord du Gouvernement, décidait de retenir ces avancées, celles-ci devraient être quelque peu modifiées. En l'état actuel, l'avis de la commission des finances est plutôt défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Le souhait exprimé par M. Brard et M. Cochet au travers de leurs deux amendements me semble déjà largement exaucé. Après les mesures initiées l'an dernier, il est proposé cette année d'étendre l'amortissement exceptionnel sur douze mois, jusque-là réservé aux véhicules fonctionnant à l'électric ité, au gaz naturel ou au gaz de pétrole liquéfié, aux véhicules à bicarburation. C'est une avancée importante. Nous ne sommes qu'au début du débat parlementaire et nous aurons d'autres rendez-vous de fiscalité écologique. Le Gouvernement, vous le savez, est très ouvert sur ces sujets.

Cela dit, je ne suis pas favorable aux amendements proposés parce que cumuler l'amortissement exceptionnel dont je viens de parler avec le crédit d'impôt que vous voulez instituer aboutirait à faire payer par l'Etat, c'est-àdire par chacun d'entre nous, la totalité - voire davantage pour les taxis - du surcoût lié au choix d'une technologie propre. Même si le sujet peut susciter l'enthousiasme, la contribution de l'Etat serait un peu excessive ! Le Gouvernement n'est pas défavorable aux amendements sur le fond, mais la préoccupation de leurs auteurs a déjà été prise en compte dans le projet de budget et le sera encore par la suite.

Quant au gage, M. Brard comme M. Cochet proposent de supprimer le plafonnement de l'ISF. Nous aurons l'occasion d'y revenir puisque le Gouvernement vous proposera une mesure à son sujet. Nous ne sommes pas obligés d'aller jusqu'à l'extrémité que l'un et l'autre recommandent.

Puisque vos souhaits ont été exaucés, je vous demande, monsieur Brard et monsieur Cochet, de bien vouloir retirer vos amendements.

M. le président.

Monsieur Brard, retirez-vous votre amendement ?

M. Jean-Pierre Brard.

Je ne retire pas mon amendement car, moi, cela ne me choque pas que, dans une phase transitoire, le surcoût soit pris en charge par l'Etat.

En effet, il faut atteindre un certain seuil pour que l'usage des véhicules propres se répande.

Quant au gage, nous aurons l'occasion d'en reparler, monsieur le secrétaire d'Etat.

M. Jégou m'a accusé de chercher mes informations dans des « incunables ». Pas du tout. Dans la revue que je citais tout à l'heure, il était question de la situation constatée au cours des douze derniers mois. Les riches n'y avaient jamais été aussi riches.

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Les réponses du rapporteur général et du secrétaire d'Etat sont ouvertes et intéressantes mais plutôt négatives.

Monsieur le secrétaire d'Etat, le crédit d'impôt que je propose aurait plus sa place, selon vous, dans la seconde partie du projet de loi de finances. Si tel est le cas, je retire mon amendement.

Vous l'aurez compris, cette mesure serait rentable du point de vue de la santé publique. Beaucoup moins de gens seraient malades, notamment en Ile-de-France où


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nous connaissons tous les effets pervers de la pollution atmosphérique. Si plus de véhicules propres circulaient.

Les taxis roulent beaucoup et renouvellent très fréquemment leur parc de voitures. Si nous leur donnions un signe fort, ils le renouveleraient encore plus souvent.

S i l'on considère le budget de l'Etat dans son ensemble, santé comprise, monsieur le secrétaire d'Etat, et non plus seulement la TIPP, la fiscalité des carburants ou celle des transports, on se rend compte que la mesure que je vous propose entraînerait une diminution des dépenses.

M. le président.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Monsieur Brard, je ne comprends pas du tout votre amendement no 545. Il parle à la fois de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenu si bien qu'on ne s'y retrouve plus. S'agit-il d'une réduction d'impôt au titre de l'impôt sur les sociétés pour les entreprises sous forme sociétaire ou d'une réduction de l'impôt sur le revenu pour les entreprises à titre individuel ? Je ne sais pas comment il a pu être déclaré recevable. Il est totalement incompréhensible et inapplicable.

Sur le fond, je trouve personnellement que l'idée de M. Cochet est intéressante et mérite d'être creusée. Le crédit d'impôt est mieux adapté que la réduction d'impôt et même, à mon avis, que l'amortissement exceptionnel parce qu'elle plus tangible, notamment pour les entreprises qui n'ont pas de faculté d'amortissement très importante.

C'est une bonne idée, mais force est de constater malheureusement que l'accès au gaz naturel des véhicules est rare.

Il y a trois ans, le président de Gaz de France m'avait dit qu'il n'y avait qu'un seul point d'approvisionnement en gaz naturel à Paris.

M. Jean-Jacques Jégou.

Oui, dans le XXe !

M. Philippe Auberger.

Dans mon département, il n'y a que deux points de GPL.

M. Michel Bouvard.

D'autres sont mieux lotis !

M. Philippe Auberger.

Oui, il y en a sur les autoroutes ! Mais, au total, il y a très peu de points d'approvisionnement.

Mme Nicole Bricq.

Il y en a 11 400 aujourd'hui sur l'ensemble du territoire !

M. Philippe Auberger.

Nous ne pouvons pas prendre des mesures d'incitation en faveur de l'utilisation du GPL quand il y a si peu de points d'approvisionnement. Nous crérions des inégalités. Il faut au préalable inciter les distributeurs à créer des points de GPL. Sinon personne ne voudra s'équiper de véhicules propres. Là est tout le problème. C'est un goulet d'étranglement ! J'estime que les mesures fiscales sont prématurées et qu'il faut envisager d'autres dispositions avant.

Quant au gage, on aura le temps d'en reparler.

M. le président.

La parole est à M. Maurice AdevahPoeuf.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Je ferai quelques observations sur les deux amendements.

Il est vrai que l'amendement no 545 de notre collègue Brard est un peu difficile à comprendre, mais on a vu tellement de textes plus mal rédigés devenir la loi (Rires.)

qu'on peut lui accorder notre indulgence.

M. Philippe Auberger.

Non ! Pas celui-là !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Je ne reviendrai pas sur toutes les autres dispositions fiscales prévues dans le projet de loi de finances. M. le rapporteur général et M. le secrétaire d'Etat au budget viennent de les rappeler. Elles ont une portée considérable et il ne faudrait pas que, en en rajoutant d'autres dans la précipitation, on perde de vue un certain nombre de considérations importantes.

Sur l'objectif, tout le monde est d'accord : ramener la pollution à un niveau raisonnable, notamment dans les grandes agglomérations urbaines. On doit à cette fin encourager l'usage du GPL, du GNV, des piles et batteries pour les véhicules électriques et autres carburants non polluants. Il faut penser aussi à la dépollution des véhicules existants. Dans la seconde partie du projet de loi de finances, Mme Bricq, moi-même et quelques autres proposerons des crédits d'impôt pour financer des dispositions de dépollution très ciblés. Ils concerneront notamment les véhicules diesel de transport urbain. Ces dispositifs sont maintenant au point techniquement.

Notre industrie est capable de les produire pour un coût raisonnable.

Par ailleurs, nous devons avoir présent à l'esprit les conséquences industrielles des mesures que nous prenons.

Or, d'après les renseignements dont je dispose, il s'avérerait que la multiplication d'incitations non ciblées - véhicules particuliers, flottes de taxis, véhicules de sociétés risquerait d'ouvrir largement la porte à des dispositifs fabriqués à l'étranger, notamment en Asie, et donc de poser des problèmes de concurrence graves vis-à-vis de nos constructeurs.

Prenons donc le temps, d'ici à l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances, de revoir tous les aspects de la question de façon à ne pas, pour vouloir résoudre dans la précipitation un problème qui mérite de l'être, en créer d'autres.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Monsieur le secrétaire d'Etat, il faut savoir ce que nous voulons.

L'excellent rapport de Mme Bricq a ouvert des pistes intéressantes, sur lesquelles l'ensemble de l'Assemblée peut s'accorder.

Les collectivités utilisent des véhicules non polluants pour montrer l'exemple. C'est le cas par exemple de ma commune.

Mais pour un particulier, qu'en est-il ? Il lui faut compter entre 9 000 et 12 000 francs pour équiper son véhicule. Autant dire qu'aucun automobiliste, fût-il excellent citoyen, ne s'y résoudra, tant que cette situation perdurera, c'est-à-dire, comme le disait M. Adevah-Poeuf, tant que les moyens de fabrication industriels ne seront pas suffisamment développés pour faire baisser le coût de l'opération et offrir le véhicule propre au même prix que le véhicule classique. Ce qui fut le cas du diesel, et je ne me lasse pas de rappeler le tort que nous nous sommes fait en acceptant que les industriels de l'automobile français ou étrangers se lancent dans une publicité, et elle continue, appelant à acheter une voiture diesel au même prix que celle à moteur à essence. Ainsi, nombre d'automobilistes, et j'en connais beaucoup, qui pourtant circulent uniquement dans Paris, préfèrent s'offrir au même prix un véhicule alimenté avec du gazole à 4,50 francs le litre, plutôt qu'avec du sans-plomb ou du supercarburant à 6,30 francs ou 6,40 francs. Et il s'agit aussi de ménages modestes, monsieur Brard.

Il est donc temps d'agir. Voilà pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je suis favorable à l'amendement de M. Cochet. Tout d'abord parce qu'il est gagé, contraire-


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ment à ce que vous avez dit, sur les tabacs et non sur l'ISF - sinon, nous ne nous y serions évidemment pas penchés avec le même intérêt, vous l'imaginez bien -, ensuite parce que le crédit d'impôt me paraît être une bonne idée.

Ne devrions-nous pas regrouper toutes ces initiatives pour trouver le moyen d'incitation le plus juste, en offrant la possibilité de s'équiper pour 1 000, 2 000 ou 3 000 francs, je ne sais, bref, en trouvant une quote-part acceptable qui rende le prix d'un véhicule au GPL ou au GNV à la portée des particuliers ? Le prix d'une voiture GPL ou GNV est déterminant, même si notre excellent collègue Auberger fait remarquer, non sans raison, que s'il ne s'est pas encore mis au GNV, c'est parce que Gaz de France lui a dit qu'il fallait aller s'approvisionner rue de Buzenval, la seule pompe dans Paris où l'on puisse faire le plein de GNV ! Essayons de trouver une solution. Si ce n'est pas tout de suite, essayons quand même. M. Cochet est peut-être mieux placé que nous pour vous aider, monsieur le secrétaire d'Etat, mais nous restons prêts à mettre au point, là encore, un amendement consensuel pour répandre l'usage du GPL chez les particuliers, les taxis bien sûr, qui sont en train de se mobiliser sur ce sujet, mais surtout parmi les véhicules de livraison et les transports en commun. La RATP, certes, fait des efforts, mais on est encore loin du compte.

Je terminerai par un message personnel, peut-être amusant. Mon cher Jean-Pierre Brard, il m'arrive très souvent le matin d'emprunter le difficile chemin de l'autoroute A 4 jusqu'ici. J'ai fait route l'autre jour avec un car de Montreuil qui transportait des enfants. Vous auriez intérêt à vous rapprocher de M. Adevah-Poeuf pour mettre un système antipollution, car vos cars dégagent de bien gros nuages... Il faudrait vraiment faire quelque chose ! (Rires.)

M. Jean-Pierre Brard.

Evidemment, ce sont des cars que nous avons rachetés à la RATP. (Rires.)

Mme Nicole Bricq.

Mettez de l'aquazole !

M. le président.

La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur.

Depuis je ne sais combien d'années, de projet de loi de finances en projet de loi de finances, j'entends le Gouvernement - quel qu'il soit d'ailleurs nous expliquer que ce n'est pas possible cette année-ci, qu'il faut voir si l'on peut faire quelque chose dans quelque temps... Au final, on ne fait jamais rien pour promouvoir les véhicules propres ! Pour ma part, je serais favorable à de telles dispositions. J'aimerais bien faire plaisir à mon ami Brard...

M. Jean-Pierre Brard.

C'est l'hommage du vice à la vertu !

M. Marc Laffineur.

... mais je ne vois malheureusement pas comment nous pourrions voter son amendement, ne sachant pas très bien sur quel impôt il est gagé.

M. Jean-Pierre Brard.

Sur l'ISF !

M. Marc Laffineur.

En revanche, je suis partisan d'adopter l'amendement d'Yves Cochet ; il est temps de commencer à essayer de faire en sorte que notre pays puisse véritablement s'équiper en voitures non polluantes.

Notre collègue Auberger a raison : on ne trouve pas assez de pompes pour le gaz liquéfié, mais si l'on ne commence pas à s'équiper en véhicules, on n'aura jamais de pompes !

M. Jean-Pierre Brard.

Il a réinventé l'oeuf et la poule !

M. Marc Laffineur.

S'il n'y a pas de pompes, on ne peut pas acheter de véhicules et, comme on n'a pas de véhicules, on n'installe pas de pompes. Vient un moment où il faut...

M. Michel Bouvard.

Amorcer la pompe ! (Sourires.)

M. Marc Laffineur.

... amorcer la pompe, en effet. Il faut faire cet effort. C'est pourquoi je voterai l'amendement Cochet. Il va d'ailleurs dans le même sens que ceux que nous avons présentés en faveur des particuliers ; eux aussi doivent pouvoir s'équiper de voitures non pollulantes.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

On ne peut pas dire que le Gouvernement et la majorité n'aient pas amorcé la pompe... L'année dernière déjà, comme cette année, des mesures ont été proposées qui vont dans le sens souhaitable et souhaité.

Notre discussion le confirme, la commission des finances a eu raison d'émettre un avis défavorable : de telles mesures méritent d'être retravaillées et trouveront mieux leur place dans la seconde partie de la loi de finances. Si ces amendements ne sont pas retirés, je vous propose de les rejeter pour qu'ils puissent être encore améliorés avant la fin de nos travaux.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 545.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 166 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de quatre amendements nos 306 corrigé, 165 rectifié, 305 et 304, pouvant être soumis à une discussion commune.

Même s'ils ne sont pas exactement identiques à ceux que nous venons d'examiner, la discussion sur le sujet n'en a pas moins été largement entamée. Tout le monde apprécierait, j'en suis certain, que l'on soit un peu plus bref...

L'amendement no 306 corrigé, présenté par M. Brard, est ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. Après l'article 200 ter du code général des impôts, il est inséré un article 200 quater ainsi rédigé :

« Art. 200 quater . - 1.

A compter de 1999, les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4B peuvent bénéficier d'une réduction de leur impôt sur le revenu égale à 50 % du surcoût généré par l'acquisition d'un véhicule neuf ou l'équipement d'un véhicule d'occasion fonctionnant exclusivement ou non au moyen de l'énergie électrique, du gaz naturel véhicules ou du gaz de pétrole liquéfié.

« Le montant des sommes ouvrant droit à la réduction d'impôt prévue à l'alinéa précédent est limité à 15 000 francs par véhicule.

«

2. Le taux de cette réduction d'impôts est porté à 75 % pour les exploitants de taxis. La base de cette réduction est définie au I du présent article.

«

3. Le bénéfice des réductions d'impôt mentionnées aux I et II du présent article est subordonné à la condition que soient joints à la déclaration des


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revenus une facture de l'acquisition dudit véhicule mentionnant le surcoût visé au I et tous justificatifs permettant de déterminer la base de cette réduction d'impôt ».

« II. Les dispositions de l'article 885 V bis du même code ne sont plus applicables à l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 1999 et des années suivantes. »

L'amendement no 165 rectifié, présenté par MM. Cochet, Aschieri, Mme Aubert, MM Hascoët, Mamère et Marchand, est ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. Après l'article 200 ter du code général des impôts, il est inséré un article 200 quater ainsi rédigé :

« Art. 200 quater. - Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4B peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses relatives au surcoût entraîné par l'acquisition d'un véhicule neuf ou l'équipement d'un véhicule d'occasion fonctionnant exclusivement ou non au moyen de l'énergie électrique, du gaz naturel véhicules ou du gaz de pétrole liquéfié.

« Le montant des dépenses ouvrant droit à crédit d'impôt ne peut excéder 15 000 francs par véhicule.

Le crédit d'impôt est égal à 50 % du montant de ces dépenses. Ce taux est porté à 75 % pour les véhicules à usage professionnel des exploitants de taxis.

« Le crédit d'impôt est accordé sur présentation des factures mentionnant le montant des dépenses relatives au surcoût visé au premier alinéa.

« Le crédit d'impôt est imputé sur l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses ont été payées, après imputation des réductions d'impôt mentionnées aux articles 199 quater B à 200, de l'avoir fiscal, des crédits d'impôt et des p rélèvements ou retenues non libératoires. S'il excède l'impôt dû, l'excédent est restitué. »

« II. La perte de recettes est majorée à due concurrence par une augmentation des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 305, présenté par MM. Laffineur, Dominati et Gantier, est ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. Après l'article 200 du code général des impôts seront insérés un intitulé et un article 200 bis ainsi rédigés :

« 20o Réduction d'impôt accordée au titre de l'achat de véhicules propres.

« Art. 200 bis. Les contribuables qui ont leur domicile fiscal en France bénéficient d'une réduction d'impôt sur le revenu au titre des dépenses engagées pour l'acquisition d'un véhicule fonctionnant au moyen de l'énergie électrique, du gaz naturel ou du gaz de pétrole liquéfié. Cette réduction d'impôt est égale à 20 % du surcoût du prix d'acquisition d'un véhicule électrique par rapport au prix d'acquisition d'un véhicule de même nature fonctionnant au supercarburant ou au gazole retenues dans la limite de 100 000 francs.

« II. La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 304, présenté par MM. Dominati, Laffineur et Gantier, est ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. - Après l'article 200 du code général des impôts sont insérés un intitulé et un article 200 bis ainsi rédigés :

« 20o Réduction d'impôt accordée au titre des dépenses de transformation d'un véhicule fonctionnant au supercarburant en véhicule fonctionnant au GPL.

« Art. 200 bis. - Les dépenses de transformation d'un véhicule roulant au supercarburant en véhicule fonctionnant au moyen du gaz naturel ou du gaz de pétrole liquéfié ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu. La réduction d'impôt est égale à 30 % du montant des dépenses prises dans la limite de 20 000 francs. »

« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement no 306 corrigé.

M. Jean-Pierre Brard.

La discussion montre que nous sommes en retrait par rapport à ce qui se passe dans le pays et je le regrette. La « journée sans ma voiture » du 22 septembre, là où elle a été organisée sérieusement, a suscité une réelle adhésion, un enthousiasme certain : elle aura permis aux habitants des villes concernées de découvrir qu'il était possible de vivre autrement dans la mesure où l'on s'attachait fermement à développer les transports alternatifs. Il n'y a aucune précipitation dans ces propositions : il faut faire preuve d'audace. S'il nous fallait suivre notre collègue Auberger, nous serions encore à nous demander comment rapprocher la brouette de la roue : la question est de savoir si l'on a déjà quelque chose à mettre dedans ou si l'on a la roue pour la faire avancer...

En effet, dans votre logique de marché, mon cher collègue, sans demande des consommateurs, le marché ne peut répondre. S'il y a des clients, les stations-service installeront évidemment des pompes en conséquence. C'est quand même un comble que ce soit moi qui soit obligé de vous expliquer cela ! Mais il y a, il est vrai, davantage de références dans la lecture du Capital que dans votre bréviaire habituel.

(Sourires.)

Notre collègue Adevah-Poeuf dit qu'il y a déjà des avancées considérables dans ce domaine. Des avancées, personne ne peut évidemment le nier. Mais de là à les qualifier de « considérables »... je me rends compte que notre collègue est plus du Midi que moi ! C'est tout de même un peu exagéré, et il pourrait trouver des adjectifs exprimant mieux la réalité des propositions du Gouvernement.

(Sourires.)

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Disons « substantielles »...

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet, pour défendre l'amendement no 165.

M. Yves Cochet.

Mon amendement, dont l'objet est d'instituer un crédit d'impôt pour les personnes physiques, va dans le même sens que le précédent. Je le répète : il faut un raisonnement global sur l'ensemble des dépenses publiques. J'insiste, parce que de telles mesures, en améliorant la santé publique de nos concitoyens, permettraient du même coup à l'Etat de réaliser des économies. A l'exemple de M. Brard, j'ai apporté deux revues.

La première, c'est le numéro 1566, d'avril 1998, de la Revue technique, qui vante les mérites du GPL. Qu'y lit-on à propos des mérites des carburants non polluants pour la santé publique ?


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Mme Nicole Bricq.

On est d'accord.

M. Yves Cochet.

Si vous êtes d'accord, agissez.

Mme Nicole Bricq.

Mais on le fait !

M. Yves Cochet.

Par rapport à l'essence, les émissions d'oxyde de carbone sont inférieures de 70 à 85 %, celles d'hydrocarbures de 50 à 60 % et celles d'oxydes d'azote de plus ou moins 80 % selon les moteurs. Le GPL apporte donc, sur ce plan, un progrès considérable.

Quant au GNV dont on regrette le manque de pompes, son développement avantagerait de surcroît n otre grande compagnie nationale Gaz de France, puisque c'est elle qui le distribue. Je ne vous infligerai naturellement pas la lecture de la publication de Gaz de France, mais j'ai trouvé dans l'exemplaire que voilà deux photos de M. Christian Pierret, un de vos collègues, monsieur le secrétaire d'Etat. On l'y voit inaugurant un véhicule au GNV. Donnez raison à M. Pierret, monsieur le secrétaire d'Etat, il y va de la solidarité gouvernementale.

(Sourires.)

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Absolument.

M. Yves Cochet.

Nous, la majorité, nous sommes également solidaires du Gouvernement.

M. Philippe Auberger.

Si le Gouvernement veut rouler, qu'il le fasse au GPL !

M. Jean-Pierre Brard.

Ils font du co-voiturage de Bercy à l'Assemblée.

(Sourires.)

M. Yves Cochet.

C'est la raison pour laquelle il faut accepter mon amendement. Je veux bien qu'on discute et je repose une seconde fois la question à M. le secrétaire d'Etat et à nos collègues de la commission des finances : si vous pensez que ce type d'amendements, le précédent comme celui-ci, ont davantage leur place en seconde partie, je veux bien les retirer, surtout si vous m'assurez que vous y serez favorables. Mais si votre réponse est à priori défavorable, comprenez que cela m'ennuie un peu... Je préférerais en tout état de cause une réponse favorable pour l'avenir immédiat.

M. le président.

La parole est à M. Marc Laffineur, pour défendre l'amendement no 305.

M. Marc Laffineur.

Vous me pardonnerez, monsieur le président, de faire valoir dans cette discussion le point de vue de la province...

M. Jean-Pierre Brard.

Ce n'est pas une raison pour être provincial !

M. Marc Laffineur.

Il n'y a pas qu'à Paris qu'on a envie d'avoir des voitures propres. Je suis maire d'une ville qui a réalisé vingt-cinq kilomètres de pistes cyclables : le nombre de personnes qui circulent à vélo est devenu considérable. C'est dire si nos concitoyens manifestent un réel besoin pour une écologie intelligente, si nous devons aider à faire décoller le marché des véhicules non polluants.

Tel est l'esprit de cet amendement. Encore une fois, il s'agit de démarrer, monsieur le secrétaire d'Etat. Nous avons différé le moment d'agir depuis suffisamment d'années. Nous voilà maintenant au pied du mur ; il faut franchir l'obstacle.

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Notre amendement va tout à fait dans le même sens en proposant d'aider à la transformation d'un véhicule fonctionnant au supercarburant en véhicule fonctionnant au gaz de pétrole liquéfié. Pour des raisons fiscales et d'environnement, beaucoup d'automobilistes roulant au supercarburant seraient demandeurs, mais la dépense est relativement importante. C'est la raison pour laquelle, avec mes collègues M. Laurent Dominati et M. Marc Laffineur, je propose que l'adaptation au GPL d'un véhicule ouvre droit à une réduction d'impôts sur le revenu égale à 30 % du montant des dépenses dans la limite de 20 000 F. Dans une ville comme Paris, nous pourrions certainement respirer un air bien meilleur. Et aux véhicules fonctionnant au supercarburant, on pourrait ajouter ceux roulant au gazole, également très polluant, notamment lorsqu'il s'agit de véhicules anciens.

Je me suis rendu voilà quelques années à Sidney, ville beaucoup moins dense que Paris. J'y ai constaté que les taxis n'avaient le droit d'exercer leur profession qu'à condition de rouler au GPL. Nous devrions pouvoir en faire autant à Paris.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Avis défavorable, pour les mêmes raisons que tout à l'heure. Je ne peux anticiper, cher collègue Cochet, sur la réponse qu'apportera la commission des finances lors de la seconde partie.

Je suis persuadé que si des amendements sont rédigés avec tout le sérieux et la qualité que l'on vous connaît, et travaillés en liaison avec le Gouvernement, les choses devraient pouvoir évoluer d'ici là. Mais en l'état actuel des choses, je maintiens l'avis défavorable de la commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Pour commencer, je partage les remarques de M. Brard en réponse au commentaire de M. Auberger : il ne faut pas attendre d'avoir des stations pour développer les énergies nouvelles. Les deux iront de pair.

La vraie question posée est : par quoi commencer ? M. Adevah-Poeuf a été très clair sur ce point : il faut commencer par les véhicules qui circulent le plus, c'est-àdire les taxis, les transports en commun de Montreuil et d'ailleurs (Sourires) et les véhicules de livraison. C'est sur ceux-là qu'il faut porter l'effort principal - mais non exclusif. L'année 1999 sera effectivement l'an I de la fiscalité écologique ; nous devons travailler dans le bon ordre.

Traiter de ces questions en deuxième partie, avec des amendements mûrement réfléchis à l'avance par tous les auteurs, me paraît de bonne méthode. C'est pourquoi je demande, avec beaucoup de courtoisie, que les amendements défendus par M. Brard, m. Cochet, M. Gantier et

M. Laffineur soient retirés. Nous en reparlerons.

Cela dit, monsieur Laffineur, la prise en charge de la c onversion à l'énergie électrique dans la limite de 100 000 francs me paraît un peu excessive. Mais cette remarque en passant n'enlève rien au bien-fondé de votre intention.

La deuxième partie du budget nous donnera l'occasion d'un débat sérieux sur la fiscalité écologique. Nous reparlerons alors des carburants, sans le remettre toujours à l'an prochain, comme le reproche M. Laffineur.

M. Michel Bouvard.

A 100 000 francs, ce n'est plus une conversion ; on change carrément la voiture !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Nous lançons véritablement l'amortissement exceptionnel qui, par définition, intéresse des entreprises. Ce geste très important


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dans le sens que vous souhaitez. Vous pourriez dans ces conditions retirer vos amendements, sans pour autant mettre fin aux préoccupations qu'ils expriment. Nous nous retrouverons dans la suite du débat.

M. le président.

La parole est à M. Maurice AdevahPoeuf.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Mon avis - personnel, je le souligne - sur ces amendements est le même que sur les précédents, et pour les mêmes raisons.

Je ne vous raconterai pas la vie de ma magnifique ville de Thiers, la plus belle ville du monde, qui n'a ni transport en commun en site propre, ni piste cyclable. En effet, en dehors de deux voies à grande circulation, les pénétrantes de la vieille ville mesurent entre deux mètres cinquante et trois mètres de façade à façade, avec des pentes de parfois 14 p. 100... Les cyclistes peuvent en être heureux lorsqu'ils descendent, mais plus inquiets quand ils les remontent.

(Sourires.)

Cher collègue Brard, les symboles sont tout à fait intéressants, surtout dans des questions de ce genre. C'est vrai, la journée sans voiture fut une expérience, non pas

« considérable », mais extraordinaire, notamment à Paris et plus particulièrement sur les Champs-Elysées. Encore ne faut-il pas oublier que le dimanche suivant, la plus belle avenue du monde était entièrement livrée au défilé des voitures, qui a attiré autant de monde que la semaine précédente...

M. le président.

Monsieur Brard, retirez-vous votre amendement ?

M. Jean-Pierre Brard.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez fait une ouverture à l'instant ; si les auteurs des amendements en étaient d'accord, je serais prêt à cosigner pour la deuxième partie un amendement commun ciblé p our franchir une étape précise. Nous pourrions commencer, par exemple, avec les taxis, les bus et les autocars.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Exactement !

M. Jean-Pierre Brard.

Dans cet objectif, je retire mon amendement.

Je réponds cependant à M. Adevah-Poeuf que son exemple de la journée du 22 septembre à Paris est catastrophique. C'était exactement le contraire de ce qu'il fallait faire. Cela relevait surtout du faux-semblant et de l'artifice, en aucun cas d'une démarche pédagogique propre à convaincre la population de modifier son approche des moyens de transport. A l'inverse, monsieur le président, Saint-Germain avait adopté en la matière une attitude tout à fait exemplaire...

M. Philippe Auberger.

Saint-Germain est exemplaire à tous égards !

M. le président.

Il m'est difficile de répondre, mais j'apprécie.

(Sourires.)

L'amendement no 306 corrigé est retiré.

M onsieur Cochet, retirez-vous votre amendement no 165 ?

M. Yves Cochet.

Monsieur le président, j'ai noté une évolution entre les réponses faites à nos premiers amendements, voilà huit minutes trente, et celles que viennent de nous donner tant M. le rapporteur général que M. le secrétaire d'Etat. Je constate des signes d'oecuménisme, de rapprochement entre groupes de la majorité. Mme Bricq, qui est entre nous deux, monsieur Brard,...

(Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard.

Mieux vaut Mme Bricq que

Mme Boutin.

(Rires.)

M. Yves Cochet.

... serait peut-être un bon intercesseur. Nous pourrions lui proposer de cosigner avec nous un amendement pour la seconde partie. Je retire donc l'amendement no 165 rectifié.

M. le président.

L'amendement no 165 rectifié est retiré.

Monsieur Laffineur, maintenez-vous votre amendement ?

M. Marc Laffineur.

Je le maintiens, car de toute façon, la limite de 100 000 francs...

M. le président.

Monsieur Laffineur, si vous le maintenez, je le mets aux voix, mais je ne vous demande pas de reprendre la discussion !

M. Marc Laffineur.

Dans la même situation, monsieur le président, vous avez laissé tout à l'heure la parole à M. Brard qui l'a gardée sept ou huit minutes ! Je ne pense pas, pour ma part, avoir abusé ! De toute façon, disais-je, la limite de 100 000 francs, ne sera pas atteinte. Cela ne pénalisera donc pas l'Etat, m onsieur le ministre. Je maintiens mon amendement no 305.

M. le président.

M. Brard n'a pas parlé sept minutes, mais le temps paraît toujours long quand on écoute ceux qui ne sont pas de votre avis ! (Sourires.)

M. Marc Laffineur.

Mais j'étais d'accord avec lui !

M. le président.

Monsieur Gantier, retirez-vous votre amendement.

M. Gilbert Gantier.

L'amendement no 304 ne coûterait pas cher. Le ministre l'a dit lui-même, il faudrait commencer par transférer les véhicules qui roulent le plus, par exemple les taxis. Peu de taxis à Paris roulent au supercarburant - en général, ils roulent au gazole ; les transformer pour qu'ils roulent au GPL ou au gaz naturel constituerait un progrès considérable pour la prévention de la pollution. Je crois qu'on peut voter une telle disposition. Je maintiens mon amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 305.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 304.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. d'Aubert a présenté un amendement, no 295, ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. Après l'article 200 du code général des impôts, il est inséré un article 200 bis ainsi rédigé :

« Art. 200 bis. Les cotisations de membres d'associations ouvrent droit à la réduction d'impôt prévue à l'article 200 sur présentation d'un justificatif fiscal.

« Ouvrent droit à la réduction d'impôt les cotisations annuelles versées au profit d'associations ayant un caractère philanthropique, culturel, social, humanitaire, éducatif, sportif ou concourant à la protection de l'environnement.

« II. La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. François d'Aubert.

M. François d'Aubert.

On ne peut que souhaiter le développement de la vie associative. Il faut donc lui en donner les moyens. Pour ce faire, on pourrait encourager


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

les particuliers à adhérer aux associations, qu'elles soient culturelles, humanitaires, éducatives ou sportives, qu'elles visent la protection de l'environnement ou qu'elles aient tout simplement un caractère philanthropique. C'est le but de mon amendement qui ne pourrait qu'être profitable aux associations puisqu'il tend à aligner le régime des cotisations sur celui des dons pour qu'elles donnent droit à une réduction d'impôt de 50 % de leur montant, au titre de l'article 200 du code général des impôts, et ce dans la limite de 1,75 % du revenu imposable.

Outre qu'il est un amendement de principe, il renforcerait la structure financière des associations qui, parfois, il faut bien le dire, est un peu fragile. Et si l'on veut doter les associations de fonds propres, il faut que les cotisations atteignent un certain niveau, ce qui se fera d'autant plus facilement qu'elles seront déductibles de l'impôt.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission n'a pas adopté cet amendement estimant que l'on ne peut pas ouvrir aussi largement que le souhaite notre collègue la déduction des cotisations aux associations.

Certaines adhésions ont des contreparties, telles que des réductions tarifaires, et il n'y a aucune raison d'accorder un avantage fiscal à de telles adhésions. Afin de ne pas dériver vers des dispositifs incontrôlables, il convient de garder à l'esprit le principe selon lequel seuls des versements qui n'ont pas de contrepartie directe doivent pouvoir faire l'objet d'une réduction d'impôt.

En revanche, le problème soulevé par M. d'Aubert est réel pour les associations strictement d'intérêt général. Les cotisations à ces associations relèvent plus de la libéralité.

Leur éligibilité au régime de la réduction d'impôt ne serait effectivement pas déraisonnable. Mais je crois savoir qu'une instruction est en cours de rédaction et que M. d'Aubert devrait en partie avoir satisfaction pour ce qui concerne les associations d'intérêt général.

Donc avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Dans le cadre du nouveau régime fiscal applicable aux associations sur lequel une première instruction importante a été publiée le 15 septembre, les cotisations versées par les membres des associations bénéficieraient dans les mêmes conditions que les dons de la réduction d'impôt prévue par le code général des impôts à condition, évidemment, que ces cotisations n'ouvrent droit à aucun avantage réel en contrepartie de l'adhésion.

Je crois que votre intention est tout à fait louable, monsieur d'Aubert, mais vous serez exaucé par une instruction administrative qui sera publiée avant la fin du débat budgétaire. Votre amendement est donc sans objet.

Je vous demande de bien vouloir le retirer, sinon, je demanderai son rejet.

M. le président.

La parole est à M. François d'Aubert.

M. François d'Aubert.

Pour que ce soit efficace, il est indispensable que ce soit inscrit dans la loi. Une instruction fiscale n'est qu'un texte administratif réglementaire.

Cela revient à créer deux régimes différents, l'un pour les dons, régi par la loi, et l'autre pour les cotisations, qui sera régi par une instruction fiscale. Celle-ci donne beaucoup moins de garanties au contribuable, car l'administration fiscale garde beaucoup plus de pouvoirs. Je comprends que l'on veuille éviter les abus, et je serais prêt à sous-amender mon amendement pour indiquer « les cotisations annuelles versées au profit d'association d'intérêt général ayant un caractère philanthropique... peuvent être déduites ». Mais, en tout cas, monsieur le secrétaire d'Etat, j'y tiens : mieux vaut une inscription dans la loi plutôt qu'un texte réglementaire qui ne serait pas accessible à tous.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 295.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 3

M. le président.

« Art. 3. A la fin du 2 de l'article 200 du code général des impôts sont ajoutés les mots suivants : « et à des dons aux organismes visés au 4 de l'article 238 bis ».

Je le mets aux voix.

(L'article 3 est adopté.)

Après l'article 3

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements nos 191 et 192, présentés par M. Gérard Voisin, qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

L'amendement no 191 est ainsi rédigé :

« Après l'article 3, insérer l'article suivant :

« I. - Dans le premier alinéa de l'article 199 quindecies du code général des impôts, après les mots :

« soixante dix ans », sont insérés les mots : « ou atteint de démence sénile telle que la maladie d'Alzheimer ».

« II. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée par la création d'une taxe additionnelle sur les droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 192 est ainsi rédigé :

« Après l'article 3, insérer l'article suivant :

« I. - 1.

Dans la dernière phrase du troisième alinéa de l'article 199 sexdecies du code général des i mpôts, après les mots : « mentionnés au 3o l'article L.

341-4 du code de la sécurité sociale », sont insérés les mots : « ou atteints de démence sénile telle que la maladie d'Alzheimer ».

«

2. Dans la même phrase après les mots : « mentionnés au 3o dudit article », sont insérés les mots :

« ou atteinte d'une telle affection ».

« II. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée par la création d'une taxe additionnelle sur les droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Marc Laffineur pour défendre ces deux amendements.

M. Marc Laffineur.

Le premier vise à accorder une réduction d'impôt pour les dépenses d'hébergement en établissement de long séjour de personnes atteintes de la maladie d'Alsheimer. Pour le moment elle n'est accordée que pour les personnes âgées de plus de soixante-dix ans.

Or je puis vous dire, en ma qualité de médecin, que les familles, du fait des conséquences extrêmement pénibles de cette maladie, ne peuvent faire autrement que de placer leurs malades dans des établissements de long séjour.

Cette réduction d'impôt permettrait d'alléger leurs difficultés sachant le coût extrêmement élevé de cet hébergement mais aussi, je le répète, l'extrême difficulté à garder ces personnes chez soi.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

Le second amendement va dans le même sens mais concerne l'emploi d'une personne à domicile. Des exceptions à la diminution de moitié de la réduction d'impôt à ce titre ont été prévues, vous l'avez rappelé tout à l'heure , monsieur le secrétaire d'Etat, pour certaines personnes handicapées. L'amendement tend à élargir ces exceptions aux personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission des finances n'a pu qu'être sensible, bien évidemment, aux situations décrites par notre collègue. Mais elle n'a pas accepté ces amendements, considérant que leur rédaction était imprécise et qu'il fallait resituer une telle initiative dans le contexte où sont traités ces cas, en tenant compte notamment de l'ensemble des prestations sociales et médicales versées par ailleurs.

Avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Avis défavorable pour les mêmes raisons que celles développées par le rapporteur général.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 191.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 192.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui, à la demande de la commission, sera ouverte à vingt et une heures quinze.

2

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures quinze, troisième séance publique : Suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 1999, no 1078.

M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1111).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT