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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT

1. Loi de finances pour 1999 (première partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 6802).

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 6802)

Article 14 (précédemment réservé) (p. 6802)

A mendement de suppression no 419 de M. Jégou : MM. Jean-Jacques Jégou, Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances ; Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. - Retrait.

Adoption de l'article 14.

Après l'article 14 (p. 6803)

(amendements précédemment réservés) Amendement no 507 corrigé de M. de Courson : MM. Germain Gengenwin, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Raymond Douyère. - Rejet.

Amendements nos 187 de M. Devedjian et 282 de M. Laffineur : M. Philippe Auberger, l'amendement no 282 n'est pas soutenu, MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet de l'amendement no 187.

Amendements nos 188 de M. Devedjian et 283 de M. Laffineur : MM. Philippe Auberger, François d'Aubert, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejets.

Amendements nos 500 de Mme Boutin, 284 de M. Dominati, 178 de M. Devedjian et 240 corrigé de M. Doligé : MM. Germain Gengenwin, François d'Aubert, Philippe Auberger, l'amendement no 240 corrigé n'est pas soutenu, MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet des amendements nos 500, 284 et 178.

Amendements nos 529 de M. Maurice Leroy et 448 de M. de Courson : MM. Jean-Jacques Jégou, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejets.

Amendement no 88 de M. Cuvilliez : MM. Christian Cuvilliez, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendements nos 238 de M. Doligé, 189 de M. Devedjian, 281 de M. Dominati, 151 corrigé de M. Brard, 239 corrigé de M. Doligé, 33, deuxième correction, de la commission des finances et 150 corrigé de M. Brard : l'amendement no 238 n'est pas soutenu, MM. Philippe Auberger, François d'Aubert, Christian Cuvilliez, l'amendement no 239 corrigé n'est pas soutenu, MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, François d'Aubert.

Sous-amendement no 556 du Gouvernement à l'amendement no 33, deuxième correction, de la commission : MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, François d'Aubert. - Rejet des amendements nos 189, 281 et 151 corrigé ; adoption du sous-amendement no 556 et de l'amendement no 33, deuxième correction, rectifié et modifié ; l'amendement no 150 corrigé n'a plus d'objet.

Amendements nos 177 rectifié de M. Devedjian et 316 de M. Laffineur : M. Philippe Auberger. - Retrait de l'amendement no 177 rectifié.

M. François d'Aubert. - Retrait de l'amendement no 316.

Amendement no 530 de M. Maurice Leroy : MM. JeanJacques Jégou, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Philippe Auberger. - Rejet.

Article 15 (p. 6813)

Amendement no 15 de la commission : MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 15 modifié.

Article 16 (p. 6813)

MM. Gilles Carrez, François d'Aubert, le secrétaire d'Etat.

Amendements de suppression nos 222 de M. Jégou et 458 de M. Carrez : MM. Jean-Jacques Jégou, Gilles Carrez, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, François d'Aubert.

- Rejets.

Amendement no 460 de M. Carrez : MM. Gilles Carrez, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 350 de M. Gantier : MM. Gilbert Gantier, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 16 de la commission : MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 459 de M. Carrez : MM. Gilles Carrez, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 17 de la commission : MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 351 de M. Gantier : MM. Gilbert Gantier, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Adoption de l'article 16 modifié.

Après l'article 16 (p. 6819)

Amendement no 18 de la commission : MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.

Amendement no 520 de M. Bapt : MM. Gérard Bapt, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.

Article 17. - Adoption (p. 6821)

Article 18 (p. 6821)

MM. Michel Bouvard, Maurice Adevah-Poeuf, Mme Nicole Bricq, MM. Yves Cochet, le secrétaire d'Etat.

Amendement de suppression no 285 de M. Laffineur : MM. Gilbert Gantier, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendements nos 169 de M. Cochet, 410 de M. de Courson et 292 corrigé de M. Dominati : MM. Yves Cochet, Pierre Hériaud, Gilbert Gantier, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Michel Bouvard. - Rejets.

Amendement no 19 de la commission : MM. Yves Cochet, le rapporteur général, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. - Adoption de l'amendement no 19 rectifié.

Amendement no 20 de la commission. - Adoption de l'amendement no 20 rectifié.

Amendement no 162 de M. Adevah-Poeuf : MM. Maurice Adevah-Poeuf, le rapporteur général, le ministre, Michel Bouvard. - Adoption de l'amendement no 162 rectifié.

Amendement no 411 de M. de Courson : MM. Jean-Jacques Jégou, le rapporteur général, le ministre. - Rejet.

Amendement no 21 de la commission : MM. le rapporteur général, le ministre. - Adoption.


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Amendement no 22 de la commission : MM. le rapporteur général, le ministre. - Adoption.

Amendement no 482 de M. Bouvard : MM. Michel Bouvard, le rapporteur général, le ministre. - Rejet.

Adoption de l'article 18 modifié.

Après l'article 18 (p. 6829)

Amendement no 23 de la commission, avec le sousamendement no 531 de M. Migaud : Mme Nicole Bricq, MM. le rapporteur général, le ministre, Michel Bouvard. - Adoption du sous-amendement no 531 rectifié et de l'amendement no 23 rectifié et modifié.

Amendement no 24 de la commission : Mme Nicole Bricq, MM. le rapporteur général, le ministre. - Adoption de l'amendement no 24 rectifié.

Amendement no 461 de M. Carrez, amendements identiques nos 260 de M. Laffineur et 325 de M. Fromion et amendements nos 259 de M. d'Aubert et 462 de M. Carrez : MM. Gilbert Gantier, Michel Bouvard, François d'Aubert, le rapporteur général, le ministre, Gilles Carrez.

- Rejets.

Article 19 (p. 6836)

M. Michel Bouvard.

Amendement no 70 rectifié de M. Auberger, amendements identiques nos 25 de la commission et 331 de M. Fromion, et amendements nos 132 de M. Cuvilliez, 358 de M. Pinte et 288 de M. Gantier : MM. Philippe Auberger, le rapporteur général, le ministre. - Rejet de l'amendement no 70 rectifié.

MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - L'amendement no 331 n'est pas soutenu ; adoption de l'amendement no 25 ; les amendements nos 132, 358 et 288 n'ont plus d'objet.

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS D'AUBERT

Amendement no 131 de M. Brard : MM. Jean-Pierre Brard, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.

Amendement no 129 de M. Cuvilliez : MM. Christian Cuvilliez, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. Rejet.

Adoption de l'article 19 modifié.

Après l'article 19 (p. 6840)

Amendement no 243 de M. Weber : MM. Jean-Jacques Weber, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 138 corrigé de M. Cuvilliez : MM. Christian Cuvilliez, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. Rejet.

Amendement no 136 de M. Cuvilliez : MM. Christian Cuvilliez, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. Rejet.

Amendements nos 26 de la commission, 134 de M. Cuvilliez, nos 532 de M. Cuvilliez, 77 de M. Auberger et 301 de M. Dominati : MM. Christian Cuvilliez, le rapporteur général. - Réserve des amendements jusqu'à l'amendement no 194 rectifié, après l'article 27.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 6842).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures trente.)

1 LOI DE FINANCES POUR 1999 (PREMIÈRE PARTIE) Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078, 1111).

Discussion des articles (suite)

M. le président.

Ce matin, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée à l'amendement no 419, à l'article 14, précédemment réservé.

Article 14 (précédemment réservé)

M. le président.

Je rappelle les termes de l'article 14 :

« Art. 14. - I. - L'article 750 ter du code général des impôts est complété par un 3o ainsi rédigé :

« 3o Les biens meubles et immeubles situés en France ou hors de France, et notamment les fonds publics, parts d'intérêts, créances et généralement toutes les valeurs mobilières françaises ou étrangères de quelques nature qu'elles soient, reçus par l'héritier, le donataire ou le légataire qui a son domicile fiscal en France au sens de l'article 4 B. »

« II. - A l'article 784 A du code général des impôts, les mots : "Dans le cas défini au 1o " sont remplacés par les mots : "Dans les cas définis aux 1o et 3o " ».

M M. Jégou, Méhaignerie, de Courson, Buret et Mme Idrac ont présenté un amendement, no 419, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 14. »

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat au budget, cet amendement de suppression a d'abord pour but de demander des explications au Gouvernement. En effet, la discussion fut vive en commission des finances ; il serait intéressant de connaître les conséquences de cet article. En effet, dans le contexte actuel de compétition mondiale, chacun peut désormais commercer là où il lui plaît. Des entreprises françaises sont présentes sur tous les continents et, à l'inverse, celles installées sur le territoire peuvent employer des cadres qui n'ont pas toujours la nationalité française.

D'où une question, monsieur le secrétaire d'Etat : les étrangers vivant en France peuvent-ils être touchés par cette mesure, pour le patrimoine qu'ils détiennent dans leur propre pays ? Prenons le cas d'un Américain vivant et travaillant en France et qui, soudain, perdrait ses parents et se trouverait à en hériter. Pourra-t-il être imposé à ce titre en France ? Si nous avons bien compris, c'est ce qui risque de se passer. Il paraît exorbitant d'assujettir toutes ces successions à l'impôt en France, ce qui pourraît créer, nonobstant les conventions passées avec certains Etats, des problèmes de distorsion avec des pays de la Communauté européenne et, au-delà, d'Amérique du Nord ou d'Amérique latine, dont de nombreux ressortissants sont employés par des entreprises françaises.

Nous demandons donc la suppression de l'article 14, car il nous paraît fort dangereux. J'ai bien compris le sens que veut lui donner le Gouvernement ; mais ces modifications des règles de territorialité peuvent poser des problèmes qu'il conviendrait d'exposer à la représentation nationale.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no 419.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

La commission souhaitant le maintien de l'article 14 a donc rejeté l'amendement de suppression. Toutefois, je dois reconnaître que notre collègue pose une vraie question, même si elle ne concerne qu'une catégorie strictement limitée de personnes.

Je voudrais rappeler en quelques mots les motivations de l'article 14. Notre pays doit faire face à un problème de délocalisation de grandes fortunes. Certains transfèrent à l'étranger leur domicile fiscal dans le seul but d'effectuer des donations ou de préparer une succession avantageuse, choisissant des pays, des paradis fiscaux où les droits de mutation à titre gratuit sont plus faibles que chez nous.

M. Michel Bouvard.

Comme pour les tableaux !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Leur objectif est de faire échapper aux droits de donation ou de succession l'ensemble des biens, mobiliers et, pour une part, immobiliers, qui n'ont pas d'assise en France. Nul ne niera la nécessité de faire échec à de telles stratégies ; M. Jégou partage, j'en suis persuadé, cet objectif.

Nous ne pouvons réagir autrement que par des dispositifs fiscaux sachant que les progrès des transports aériens, le développement des télécommunications, la liberté des


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

changes mettent désormais les pays à fiscalité avantageuse ou les paradis fiscaux à la portée d'un nombre d'individus nettement moins restreint qu'autrefois.

Trois éléments ont emporté la conviction du Gouvernement et de la commission des finances. Pour commencer, la modification des règles de territorialité et l'introduction du principe de l'imposition des donations et des successions sur le fondement non plus seulement de la domiciliation fiscale du défunt ou du donateur, mais également de la domiciliation fiscale de celui qui reçoit - héritier, légataire ou donataire -, apparaît comme la seule mesure permettant de faire échec à ces stratégies.

Ensuite, le dispositif proposé par le Gouvernement comprend une mesure destinée à éviter la double imposition pour les biens meubles et immeubles situés hors de France, avec imputation sur l'impôt français de l'impôt a cquitté à l'étranger. Enfin, certains pays étrangers mettent déjà cette règle en pratique. En effet, ainsi que je l'ai précisé dans le rapport général, l'Espagne n'impose les transmissions à titre gratuit qu'en se fondant sur la seule domiciliation fiscale du donataire ou de l'ayant droit.

L'Allemagne, l'Autriche et la Finlande ont un système reposant sur l'application des deux critères - la résidence du défunt ou du donateur, d'une part, celui de la domiciliation de celui qui reçoit, d'autre part. C'est donc un système semblable à celui de l'Allemagne, de l'Autriche, de la Finlande, que le Gouvernement propose d'instituer.

On ne peut donc pas prétendre que le Gouvernement français soit totalement isolé dans sa stratégie.

Toutefois, la commission a reconnu la justesse de la question posée par notre collègue Jégou. Notre avis favorable ne doit pas occulter le problème très spécifique des étrangers fiscalement domiciliés en France en raison de leurs fonctions dans des groupes internationaux implantés dans notre pays. Ces personnes ne résident chez nous que d e manière temporaire, et l'honnêteté conduit à reconnaître que le droit de la France d'imposer les successions et les donations dont elles bénéficient repose sur des bases extrêmement fragiles. Encore ce qualificatif relèvet-il de l'euphémisme, ou, puisque l'on est dans le domaine des relations internationales, de l' understatement.

Il faut donc trouver une solution. Pour cela, la convention internationale est la voie normale : c'est celle que nous recommandons. Néanmoins, un tel processus est long et exige un accord avec l'autre Etat. Compte tenu des délais dont nous disposons, puisque la mesure entrera en application dès le 1er janvier, il convient, monsieur le secrétaire d'Etat, de prévoir un aménagement des règles relatives au dégrèvement afin que, par dérogation au dernier alinéa de l'article L. 247 du Livre des procédures fiscales, qui interdit les dégrèvements en principal sur les droits d'enregistrement, des dégrèvements puissent tout de même être opérés. Seul le Gouvernement est en mesure de définir avec suffisamment de précision le champ des personnes concernées. Cette opération nécessite en effet une connaissance très fine de la situation des personnels expatriés dans notre pays.

Le champ est donc clairement défini. Il ne s'agit que des individus appelés en France en raison de leur profession et de la mobilité géographique à laquelle les astreint la vie des entreprises implantées dans plusieurs pays.

Quant aux étrangers qui ont librement choisi devenir vivre dans notre pays, leur situation est différente ; dans leur cas, la règle fiscale normale doit incontestablement s'appliquer. Nous souhaiterions, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous puissiez répondre à cette question, même si elle ne concerne qu'un membre réduit d'individus.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 419.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Le rapporteur général a apporté des explications très claires sur la motivation de cet article qui s'inscrit dans une démarche d'ensemble de lutte contre l'évasion fiscale.

Comme il l'a indiqué, la France se contente ici de reprendre des dispositions existant dans plusieurs pays européens, tels l'Allemagne, l'Autriche, la Finlande et l'Espagne.

J'espère répondre de la façon la plus complète à M. Jégou ; si ce n'est pas le cas, je serai plus explicite. Il existe des pays avec lesquels nous avons des conventions fiscales, au total trente-cinq Etats, dont les Etats-Unis auxquels il a fait référence. Imaginons qu'un Américain résidant en France hérite d'un bien situé aux Etats-Unis d'une personne qui vient d'y décéder. Grâce à la convention fiscale passée entre nos deux pays, il n'y a pas de double imposition. Maintenant, lorsqu'il n'existe pas de convention fiscale - c'est le cas avec l'Allemagne - le bien en question subira les droits de succession en Allemagne, qui viendront en déduction de ceux acquittés par l'héritier en France. Par conséquent, comme l'a très bien indiqué Didier Migaud, il n'y a pas de double imposition en l a matière. Ces pratiques, parfaitement rodées, ne devraient pas poser de difficultés.

Vous avez, monsieur Jégou, soulevé le cas des cadres que les spécialistes qualifient « d'impatriés ». Lorsque des Français travaillent à l'étranger, on les appelle expatriés ; lorsque des étrangers travaillent en France dans des entreprises, on emploie l'expression « impatriés ». Je m'engage, au nom du Gouvernement, à approfondir cette question d'ici la deuxième lecture. Il peut effectivement se poser des difficultés avec les impatriés originaires d'un pays non lié par une convention fiscale à la France.

En d'autres termes, pour répondre de façon la plus républicaine possible à votre suggestion, le Gouvernement travaillera sur cette question avec la commission des finances d'ici la deuxième lecture.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Monsieur le secrétaire d'Etat, j'apprécie cette façon républicaine de procéder ; l'amendement que nous avions déposé avec Pierre Méhaignerie, Charles de Courson, et Anne-Marie Idrac n'avait d'autre but que de poser la question. Dans une démarche tout aussi républicaine, nous retirons notre amendement au bénéfice de votre engagement devant la représentation nationale. Etant tous commissaires aux finances, nous travaillerons avec le président et le rapporteur général pour éclaircir cette importante question qui met en jeu notre image internationale, et pour éviter des problèmes économiques et d'emploi.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'est effectivement une vraie question.

M. le président.

L'amendement no 419 est retiré.

Je mets aux voix l'article 14.

(L'article 14 est adopté.)

Après l'article 14 (Amendements précédemment réservés)

M. le président.

Nous passons aux amendements portant articles additionnels après l'article 14 qui avaient précédemment réservés.


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MM. de Courson et Gengenwin ont présenté un amendement, no 507 corrigé, ainsi libellé :

« Après l'article 14, insérer l'article suivant :

« I. A compter du 1er janvier 1999, le 2 de l'article 41 du code général des impôts est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« En cas de transmission à titre gratuit avec ou sans soulte d'éléments d'actif immobilisé affectés à l'exercice de la profession à un ou plusieurs héritiers ou successibles possédant un lien de parenté jusqu'au troisième degré inclus, les plus-values constatées sont exonérées à hauteur de 75 %, dans la limite de trois millions de francs, si le bénéficiaire de la transmission prend l'engagement de ne pas céder ces biens à titre onéreux avant l'expiration d'un délai de dix ans et s'il y a transfert effectif du pouvoir de gestion.

« Lorsque le bénéficiaire de la transmission n'est pas un héritier ou un successible possédant un lien de parenté jusqu'au troisième degré inclus mais a le statut de jeune agriculteur, le taux de l'exonération est remené à 50 % dans la limite de trois millions de francs.

« En cas de cession dans le délai de dix ans, les plus-values exonérées en vertu des dispositions précédentes sont réintégrées dans les bénéfices de l'exercice en cours.

« II. Le II de l'article 151 nonies du code général des impôts est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« En cas de transmission à titre gratuit, avec ou sans soulte, de droits sociaux considérés, en application du I, comme des éléments d'actifs affectés à l'exercice de la profession, au profit d'un ou plusieurs héritiers ou successibles possédant un lien de parenté jusqu'au troisième degré inclus, les plusvalues constatées sont exonérées à hauteur de 75 %, dans la limite de trois millions de francs, si le bénéficiaire de la transmission prend l'engagement de ne pas céder ces biens à titre onéreux avant l'expiration d'un délai de dix ans et s'il y a transfert effectif du pouvoir de gestion.

« Lorsque le bénéficiaire de la transmission n'est pas un héritier ou un successible possédant un lien de parenté jusqu'au troisième degré inclus mais a le statut de jeune agriculteur, le taux de l'exonération est ramené à 50 % dans la limite de trois millions de francs.

« En cas de cession dans le délai de dix ans, les plus-values exonérées en vertu des dispositions précédentes sont réintégrées dans les bénéfices de l'exercice en cours.

« En cas de décès du bénéficiaire de la transmission avant expiration d'un délai de dix ans, les plusvalues exonérées en vertu des dispositions précédentes sont réintégrées dans les bénéfices de l'exercice en cours pour la fraction des dix années restant à courir. Toutefois, si l'exploitation de l'entreprise se poursuit avec l'un des descendants ayant un lien de parenté inférieur ou égal au troisième degré, les dispositions du deuxième alinéa du II continuent de s'appliquer.

« III. Après le deuxième alinéa de l'article 201 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de transmission à titre gratuit avec ou sans soulte, les stocks sont évalués conformément aux dispositions du 3 de l'article 38 du code général des impôts.

« IV. La perte de recettes pour l'Etat est compensée par le relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

Tout au long de l'examen de la loi d'orientation agricole, il a été fortement question de la transmission des exploitations agricoles, sujet particulièrement important, car nous ne pouvons plus nous permettre de ne pas assurer la transmission des exploitations. C'est d'ailleurs un souci que le ministre de l'agriculture partage totalement. C'est pourquoi nous propo-s ons d'exonérer la plus-value constatée lors de la transmission de l'exploitation à titre gratuit, à la condition de ne pas céder celle-ci pendant une période de dix ans.

La transmission d'une exploitation n'a absolument plus rien de commun avec ce qui se passait il y a dix ou vingt ans ; les plus-values subissent aujourd'hui une imposition vraiment trop lourde.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission a été défavorable. Les articles 41 et 151 nonies du code général des impôts prévoient un sursis d'imposition.

Notre collègue souhaite que ce sursis soit transformé en exonération pure et simple. Cet amendement va à l'encontre du principe fondamental de l'imposition des plus-values professionnelles, selon lequel la transmission donne lieu à imposition différée de la plus-value dans le cadre du mécanisme de sursis ou de report dont je viens de parler.

Par ailleurs, le champ d'application de cet amendement mériterait d'être clarifé. En effet, si l'on comprend bien l'intention de l'auteur, qui semble ne viser que l'agriculture, la rédaction qu'il propose s'appliquerait en fait à tous les secteurs professionnels agricoles et non agricoles, contrevenant davantage encore au principe que je viens de rappeler.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

L'avis du Gouvernement est tout aussi défavorable, pour une raison d'équité fiscale que je voudrais préciser. Il existe déjà des régimes de faveur qui permettent la transmission à titre gratuit des exploitations agricoles dans le cadre strictement familial, avec des reports d'imposition. Or la rédaction de cet amendement étendrait considérablement le champ de la mesure, alors que nous devons justement concentrer nos

« faveurs fiscales » sur l'agriculture familiale, que chacun d'entre nous soutient.

La deuxième raison qui me pousse à demander le rejet de votre amendement est de nature juridique : en 1995, le Conseil constitutionnel avait sanctionné une mesure qui atténuait les droits de mutation à titre gratuit en cas de transmission d'entreprise. Il nous faut donc être vigilant.

M. le président.

La parole est à M. Raymond Douyère.

M. Raymond Douyère.

Le Gouvernement et la commission ont raison : il existe une vraie difficulté dans notre droit en ce qui concerne les transmissions, non seulement les transmissions des entreprises agricoles mais


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p lus généralement les transmissions d'entreprises. Il conviendrait donc de le transformer pour les rendre plus faciles.

Je signale d'ailleurs que j'organise à l'Assemblée nationale un colloque sur la fiducie, le 4 novembre, qui traitera de ces problèmes et répondra peut-être aux préoccupations de M. Gengenwin.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 507 corrigé.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 187 et 282, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 187, présenté par M. Devedjian, est ainsi rédigé :

« Après l'article 14, insérer l'article suivant :

« I. - Le tableau I de l'article 777 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Tableau I

« Tarif des droits applicables en ligne directe FRACTION DE PART NETTE TAXABLE TARIF APPLICABLE en % N'excédant pas 200 000 F

..................................

5 Comprise entre 200 000 F et 1 000 000 F

.....

10 Comprise entre 1 000 000 F et 5 000 000 F

.. 20 Au-delà de 5 000 000 F

.......................................

35

« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 282, présenté par MM. Laffineur, d'Aubert et Gantier, est ainsi libellé :

« Après l'article 14, insérer l'article suivant :

« I. - Le tableau I de l'article 777 du code général des impôts est ainsi rédigé : FRACTION DE PART TAXABLE TARIF APPLICABLE en % N'excédant pas 75 000 F

....................................

5 Comprise entre 75 000 F et 400 000 F

..........

10 Comprise entre 400 000 F et 3 400 000 F

.....

15 Comprise entre 3 400 000 F et 5 000 000 F

.. 25 Au-delà de 5 000 000 F

.......................................

30

« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Philippe Auberger, pour soutenir l'amendement no 187.

M. Philippe Auberger. M. Patrick Devedjian a déposé un certain nombre d'amendements modifiant les tarifs des droits de succession. Au moment de la discussion générale, j'ai rappelé que le problème qu'ils posaient était devenu aigu. Le régime plus favorable des donations a amélioré un peu la situation. Mais donation ne vaut pas succession, et il n'est pas toujours possible de transmettre en donation l'ensemble des biens. Le problème des successions demeure.

En faisant des comparaisons avec ce qui se passe à l'étranger en la matière, on s'aperçoit que le barème actuel est lourd, et parfois même, pour les collatéraux, très lourd. La cause en est, je l'ai déjà dit, qu'en 1984 la majorité et le gouvernement de l'époque ont eu la main très lourde, puisqu'ils ont doublé d'un coup le barème des droits de succession, qui étaient auparavant assez favorables, toujours par rapport à d'autres pays étrangers.

Désormais ils le sont moins qu'en Allemagne ou en Angleterre.

Et, s'agissant de succession, chacun se rappelle les tentatives malheureuses de la fin de 1968. Or c'est un sujet psychologiquement important pour nos concitoyens. Préparer sa succession est un bon motif de développer son épargne, en France. Si les droits de succession sont légitimes, ils ne doivent pas être confiscatoires, sinon plus personne n'aura intérêt à constituer un capital à transmettre.

C'est dans cet esprit, et pour ce qui concerne les transmissions en ligne directe, que M. Devedjian propose un barème graduel, dont les tarifs sont inférieurs à ceux appliqués actuellement, et qui est justifié compte tenu notamment de l'évolution des valeurs.

M. le président.

L'amendement no 282 de M. Laffineur n'est pas défendu.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement no 187 ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Je partage l'opinion qui vient d'être exprimée : les taux d'imposition sont trop forts en France. Mais, dans le même temps, la France admet des dispositions qui permettent l'« évasion légale », si je puis dire. Les droits de mutation sont assortis d'abattements sur la part de la succession ou de la donation reçue par l'héritier ou le donataire. Le montant de ces abattements n'a pas été revalorisé depuis 1992 et, a u surplus, très faiblement depuis le début de la Ve République.

Face aux nombreux amendements portant sur cette situation, quelle a été la stratégie définie par la commission ? Elle a souhaité favoriser la transmission anticipée des patrimoines ; c'est pourquoi elle a approuvé l'article 23 du projet de loi de finances. En ce qui concerne les successions, elle a décidé de privilégier la revalorisation des droits du conjoint survivant ; c'est le sens du relèvement de l'abattement que je soutiendrai au nom de la commission avec l'amendement no 33, deuxième correction qui propose de le porter de 300 000 francs à 500 000 francs.

En outre, elle a estimé utile, pour favoriser la transmission d'entreprise, de faciliter les donations pendant une durée d'un an.

Pour tout ce qui concerne les autres amendements, elle a considéré que, compte tenu de leur coût, il était difficile de leur apporter une réponse favorable dans le cadre de l'équilibre budgétaire qui nous était proposé. Elle a estimé aussi que certaines propositions remettaient excessivement en cause la progressivité des droits de succession, partant de l'idée que cet impôt doit conserver son caractère redistributif car il est l'instrument fiscal essentiel de la redistribution des patrimoines.

J'émets donc un avis défavorable à l'amendement no 187.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Le Gouvernement aussi est défavorable à l'amendement no 187 parce qu'il veut favoriser la transmission anticipée des patrimoines. Il


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

a prévu à cet effet une disposition visant à réduire de moitié les droits de donation lorsque le donateur est âgé de moins de soixante-cinq ans, et de 30 % lorsque le donateur a entre soixante-cinq ans révolus et moins de soixante-quinze ans. Il y a là un facteur de solidarité entre génération et de dynamisme renouvelé pour nos entreprises.

Quant aux droits de succession proprement dits, nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen de l'amendement no 33 déposé par le rapporteur général.

Le Gouvernement propose donc de rejeter l'amendement no 187.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 187.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

je suis saisi de deux amendements, nos 188 et 283, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 188, présenté par M. Devedjian, est ainsi rédigé :

« Après l'article 14, insérer l'article suivant :

« I. - Le tableau II de l'article 777 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Tableau II

« Tarif des droits applicables entre époux FRACTION DE PART NETTE TAXABLE TARIF APPLICABLE en % N'excédant pas 200 000 F

..................................

5 Comprise entre 200 000 F et 1 000 000 F

.....

10 Comprise entre 1 000 000 F et 5 000 000 F

.. 20 Au-delà de 5 000 000 F

.......................................

35

« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 283, présenté par MM. Laffineur, Gantier et d'Aubert, est ainsi libellé :

« Après l'article 14, insérer l'article suivant :

« I. - Le tableau II de l'article 777 du code général des impôts est ainsi rédigé : FRACTION DE PART TAXABLE TARIF APPLICABLE en % N'excédant pas 75 000 F

....................................

5 Comprise entre 75 000 F et 400 000 F

..........

10 Comprise entre 400 000 F et 3 400 000 F

.....

15 Comprise entre 3 400 000 F et 5 000 000 F

.. 25 Au-delà de 5 000 000 F

.......................................

30

« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par l'élèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Philippe Auberger, pour soutenir l'amendement no 188.

M. Philippe Auberger.

Je suis d'accord avec le rapporteur général, il faut privilégier les successions entre époux.

Il n'empêche que les successions doivent s'organiser dans les familles. Il est justifié, à mon avis, de faire un sort particulier aux époux, car il faut bien reconnaître que notre loi civile sur les successions est mal adaptée et qu'une réforme du droit en ce domaine devient urgente.

De nombreux conjoints passent d'ailleurs sous le régime de la communauté universelle parce que la part réservataire pour le conjoint apparaît insuffisante par rapport à celle des enfants, et que cela pose des problèmes familiaux parfois redoutables. Il y a donc beaucoup de problèmes à régler et il faut tous les examiner sans en privilégier un.

Cela dit, la proposition du rapporteur général d'augmenter l'abattement est un progrès pour les conjoints, et je l'ai d'ailleurs votée en commission des finances. Si on l'avait revalorisé correctement depuis qu'il a été institué en 1958, il serait maintenant de l'ordre de 800 000 francs et non de 330 000 francs ! Néanmoins faire un effort sur l'abattement ne doit pas nous dispenser d'en faire un sur le tarif des droits applicables. Le rapporteur général lui-même le disait, notre tarif est d'autant plus dissuasif que l'évaluation des biens est rigoureuse alors qu'en Allemagne par exemple une évaluation, notamment celle des biens immobiliers, bénéficie d'abattements forfaitaires et, de ce fait, les successions sont beaucoup moins bien recensées que dans le droit français.

Enfin, au moment où l'on parle d'amendements à connotation fiscale à propos de transmissions dans le cadre d'un autre texte qui, si j'ai bien compris, devrait après divers atermoiements nous arriver le 3 ou le 4 novembre...

M. Michel Bouvard.

Il y a en fait trois ou quatre textes !

M. Philippe Auberger.

... bref une sorte d'ovni, que nous devrions examiner les 7 et 8 novembre, je crois qu'il est utile, mes chers collègues, de faire d'abord un effort en faveur des conjoints et des enfants en ligne directe, parce que la famille reste encore le cadre normal de notre société.

M. le président.

La parole est à M. François d'Aubert, pour soutenir l'amendement no 283.

M. François d'Aubert.

Il est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable pour les raisons que j'ai exprimées tout à l'heure.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Défavorable. Le mouvement sur l'abattement à la base est nettement préférable à des diminutions systématiques de taux.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 188.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 283.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de quatre amendements, nos 500, 284, 178 et 240 corrigé, pouvant être soumis à une discussion commune.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

L'amendement no 500, présenté par Mme Boutin, MM. Dord, Myard et Baguet, est ainsi libellé :

« Après l'article 14, insérer l'article suivant :

« I. Le tableau III de l'article 777 du code général des impôts est ainsi rédigé : FRACTION DE PART NETTE TAXABLE TARIF APPLICABLE en % Entre frères et soeurs : N'excédant pas 200 000 F

....................................

35 Supérieure à 200 000 F

.........................................

40 Entre parents jusqu'au 4e degré inclusivement

... 40 Entre parents du 4e degré et entre personnes non parentes

.........................................................................

40

« II. Les pertes éventuelles pour l'Etat sont compensées à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 284, présenté par MM. Dominati, Laffineur et Gantier, est ainsi libellé :

« Après l'article 14, insérer l'article suivant :

« I. Le tableau III de l'article 777 du code général des impôts est ainsi rédigé : FRACTION DE PART TAXABLE TARIF APPLICABLE en % Entre frères et soeurs : N'excédant pas 250 000 F

....................................

20 Supérieure à 250 000 F

.........................................

30 Entre parents jusqu'au 4e degré inclusivement

... 40 Entre parents au-delà du 4e degré et entre personnes non parentes

.................................................

50

« II. La perte des recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 178, présenté par M. Devedjian, a présenté un amendement, no 178, ainsi rédigé :

« Après l'article 14, insérer l'article suivant :

« I. Le tableau III de l'article 777 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Tableau III

« Tarif des droits applicables en ligne collatérale et entre non-parents FRACTION DE PART NETTE TAXABLE TARIF APPLICABLE en % Entre frères et soeurs : N'excédant pas 150 000 F

....................................

35 Supérieure à 150 000 F

.........................................

45 Entre les autres parents et entre les personnes non parentes : N'excédant pas 100 000 F

....................................

40 Supérieure à 100 000 F

.........................................

50

« II. La perte éventuelle de recettes pour l'Etat résultant du I est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575, 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 240 corrigé, présenté par M. Doligé, est ainsi rédigé :

« Après l'article 14, insérer l'article suivant :

« I. Dans l'article 777 du code général des impôts, le tableau III est remplacé par le tableau suivant : FRÈRES et soeurs en % PARENTS jusqu'au 4e degré en % PARENTS au-delà du 4e degré et nonparents en % 1 à 150 000

...........................

30 40 45 150 001 à 500 000

...............

40 50 55 L 500 000

...............................

45 55 60

« II. Les pertes éventuelles de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Germain Gengenwin, pour soutenir l'amendement no 500.

M. Germain Gengenwin.

Il est défendu.

M. le président.

La parole est à M. François d'Aubert, pour soutenir l'amendement no 284.

M. François d'Aubert.

Il est défendu.

M. le président.

La parole est à M. Philippe Auberger, pour soutenir l'amendement no 178.

M. Philippe Auberger.

Dans notre droit, les transmissions en ligne collatérale sont extrêmement pénalisées.

Ainsi d'une mutation entre un frère et une soeur : si l'un des deux vient à décéder, les droits sur la transmission de la maison de famille sont si exorbitants qu'ils sont difficilement acceptables. Il y a là indiscutablement un problème.

Voilà pourquoi Patrick Devedjian souhaite que le tarif soit revu, non seulement dans ce domaine, mais également, quoique cela soit d'une urgence moindre, en ce qui concerne les membres de la famille plus éloignés, voire, le cas échéant, les personnes qui lui sont extérieures mais qui, pour une raison ou pour une autre, peuvent avoir accès à ces transmissions.

M. le président.

L'amendement no 240 corrigé est-il défendu ?

M. Philippe Auberger.

Non, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Elle est défavorable aux trois amendements.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Défavorable aux trois amendements.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 500.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 284.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 178.

(L'amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 529 et 448, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 529, présenté par MM. Maurice Leroy, Jégou, Baguet, Mme Boisseau, MM. Sauvadet, Le Nay, Leonetti, Bur et Mme Idrac, est ainsi libellé :

« Après l'article 14, insérer l'article suivant :

« I. Il est inséré, après le tableau III de l'article 777 du code général des impôts, un tableau IV ainsi rédigé :

« Tableau IV

« Tarif des droits applicables entre non-parents FRACTION DE PART NETTE TAXABLE TARIF APPLICABLE en % Entre couples liés depuis au moins deux ans par un certificat de vie commune : N'excédant pas 100 000 F

....................................

40 Supérieure à 100 000 F

.........................................

50 Entre autres personnes non parentes

.....................

60

« II. Dans l'intitulé du tableau III de ce même article, les mots : "et entre non-parents" sont supprimés.

« III. Dans la première colonne de la dernière ligne du tableau III de ce même article, les mots : "et entre personnes non parentes" sont supprimés.

« IV. Les dispositions mentionnées au I s'appliquent à compter du 1er janvier 1999.

« V. Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 448, présenté par M. Courson, est ainsi libellé :

« Après l'article 14, insérer l'article suivant :

« I. Il est inséré, après le tableau III de l'article 777 du code général des impôts, un tableau IV ainsi rédigé :

« Tableau IV

« Tarif des droits applicables entre non-parents FRACTION DE PART NETTE TAXABLE TARIF APPLICABLE en % Entre les personnes hétérosexuelles non mariées vivant en couple ayant ou ayant eu au moins un enfant à charge pendant dix ans : N'excédant pas 100 000 F

....................................

40 Supérieure à 100 000 F

.........................................

50 Entre autres personnes non parentes

.....................

60

« II. Dans l'intitulé du tableau III de l'article 777 du code général des impôts, les mots : "et entre non-parents" sont supprimés. Dans la dernière ligne de ce tableau, les mots : "et entre personnes non parentes" sont supprimés.

« III. L'article 779 du code général des impôts est complété par un III ainsi rédigé : "III Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il est effectué un abattement de 250 000 francs sur la part de la personne survivant du couple hétérosexuel non marié ayant ou ayant eu au moins un enfant fiscalement à charge pendant au moins dix ans, et ayant au moins un an de vie commune à la date du décès, visé au 1 de l'article 6 du code général des impôts".

« IV. Les dispositions du présent article s'appliquent à compter du 1er janvier 1998.

« V. La perte de recettes est compensée, à due concurrence, par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour soutenir l'amendement no 529.

M. Jean-Jacques Jégou.

Je défendrai à la fois les amendements nos 529 et 488, bien que celui-ci diffère quelque peu du nôtre.

M. Philippe Auberger.

Il ne veut rien dire !

M. Jean-Jacques Jégou.

C'est la troisième année que je dépose un amendement dit « concubins » et, cette année encore, on l'a placé en deuxième partie du projet de loi de finances alors que l'on traite en première partie d'autres amendements lui ressemblant comme des frères ! Je me demande bien pourquoi.

L'amendement no 529 est en quelque sorte la suite.

Il y a des problèmes de succession dans le cadre des mutations...

M. Michel Bouvard.

Sauf en Corse !

M. Jean-Jacques Jégou.

... entre aux personnes vivant en concubinage, ayant un certificat de vie commune, soit devant notaire, soit en mairie. A la disparition de l'un d'eux, le survivant rencontre de grandes difficultés. C'est pourquoi il est souhaitable que nous intervenions. Un autre amendement traitera plus tard de ce sujet, mais je pense que celui-ci présente un grand intérêt pour tous les concubins notoires.

Quant à l'amendement no 448 de M. de Courson, considérez qu'il est défendu, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ? M. Didier Migaud rapporteur général.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 529.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 448.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Cuvilliez, Vila, Feurtet, Brard, Belviso et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 88, ainsi rédigé :

« Après l'article 14, insérer l'article suivant :

« I. Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il est effectué un abattement de 500 000 francs sur la part du conjoint survivant, sur la part de chacun des ascendants et sur la part de chacun des enfants vivants ou représentés, ou, à défaut, sur la part d'une personne physique ou d'une personne morale à but non lucratif désignée comme héritière par testament.

« Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit entre frères et soeurs, le taux sera de 35 % de 0 à 250 000 francs et au-dessus, 45 %.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

« L'abattement est porté à 600 000 francs pour tout héritier légataire ou donataire incapable de travailler dans des conditions normales en raison d'une i nfirmité physique ou mentale, congénitale ou acquise, cet abattement se cumulant avec les autres abattements.

« II. Les pertes sont compensées par :

« 1) le relèvement du taux de l'impôt sur le bénéfice des sociétés ;

« 2) la suppression des articles 158 bis, 159 ter, 209 bis ;

« 3) la création d'une surtaxe à l'impôt sur le revenu pour les revenus des placements financiers et immobiliers. »

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Je note une grande convergence de vues pour porter l'abattement à un niveau supérieur puisqu'il n'a pas été actualisé depuis longtemps, et peutêtre aussi pour modifier les taux et élargir l'assiette.

L'amendement no 88 va dans ce sens. En outre, j'annonce par avance que nous souscrirons à l'amendement no 33, deuxième correction, que défendra le rapporteur général qui s'oriente dans la même direction.

Notre proposition essentielle est de porter l'abattement de 300 000 à 500 000 francs pour les mutations en ligne directe. Nous avons évalué le coût de cette mesure à 4,7 milliards, mais M. le rapporteur général nous dira si notre gage vaut le sien.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Avis défavorable, compte tenu de ce que j'ai dit tout à l'heure et de l'amendement qui va venir en discussion.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Même position.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

88. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de sept amendements, nos 238, 189, 281, 151 corrigé, 239 corrigé, 33, deuxième correction et 150 corrigé, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 238, présenté par M. Doligé, est ainsi rédigé :

« Après l'article 14, insérer l'article suivant :

« I. Dans le premier alinéa du I de l'article 779 d u code général des impôts, la somme " 330 000 francs" est remplacée par la somme "800 000 francs" et la somme "300 000 francs" est remplacée par la somme "500 000 francs".

« II. Dans le premier alinéa du II du même article, la somme "300 000 francs" est remplacée par la somme "500 000 F".

« III. Ces dispositions s'appliquent à compter du 1er janvier 1999.

« IV. La perte de recettes est compensée à due concurrence par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 189, présenté par M. Devedjian, est ainsi rédigé :

« Après l'article 14, insérer l'article suivant :

« I. Dans le premier alinéa de l'article 779 du c ode général des impôts, les sommes "330 000 francs" et "300 000 francs" sont remplacées respectivement par les sommes "600 000 francs" et "400 000 francs".

« II. La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 281, présenté par M. Dominati et les membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants, est ainsi rédigé :

« Après l'article 14, insérer l'article suivant :

« I. Dans le premier alinéa du I de l'article 779 d u code général des impôts, les mots : "330 000 francs sur la part du conjoint survivant et de 300 000 francs", sont remplacés par les mots : "500 000 francs sur la part du conjoint survivant".

« II. La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 151 corrigé, présenté par MM. Brard, Cuvilliez et Feurtet, est ainsi rédigé :

« Après l'article 14, insérer l'article suivant :

« I. Dans le premier alinéa du I de l'article 779 d u code général des impôts, la somme de : "300 000 francs" est remplacée par la somme de : "500 000 francs".

« II. En conséquence, il est procédé à la substitution dans le premier alinéa du II de cet article.

« III. Dans le premier alinéa du I de l'article 779 du code général des impôts, la somme de : "330 000 francs" est remplacée par la somme de : "500 000 francs".

« IV. Les barèmes applicables aux deux dernières tranches de l'impôt de solidarité sur la fortune sont relevés à due concurrence. »

L'amendement no 239 corrigé, présenté par M. Doligé, est ainsi rédigé :

« Après l'article 14, insérer l'article suivant :

« I. - Dans le premier alinéa du I de l'article 779 d u code général des impôts, la somme " 330 000 francs" est remplacée par la somme "360 000 francs" et la somme "300 000 francs" est remplacée par la somme "325 000 francs".

« II. - Dans le premier alinéa du II du même article, la somme "300 000 francs" est remplacée par la somme "325 000 francs".

« III. - Ces dispositions s'appliquent à compter du 1er janvier 1999.

« IV. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 33, deuxième correction, présenté par M. Migaud, rapporteur général et M. Gantier, est ainsi libellé :

« Après l'article 14, insérer l'article suivant :

« I. - Le I de l'article 779 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'abattement prévu au premier alinéa est porté à 500 000 francs sur la part du conjoint survivant.

« II. - Les pertes de recettes sont compensées, à due concurrence, par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 150 corrigé, présenté par MM. Brard, Cuvilliez et Feurtet, est ainsi rédigé :

« Après l'article 14, insérer l'article suivant :

« I. - Dans le premier alinéa du I de l'article 779 d u code général des impôts, la somme de : "300 000 francs" est remplacée par la somme de : "500 000 francs".


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

« II. - Les barèmes applicables aux deux dernières tranches de l'impôt de solidarité sur la fortune sont relevés à due concurrence. »

L'amendement no 238 n'est pas soutenu.

La parole est à M. Philippe Auberger, pour soutenir l'amendement no 189.

M. Philippe Auberger.

On peut souhaiter, que n'ayant pas obtenu satisfaction sur les tarifs, on l'obtienne sur l'abattement à la base.

J'ai rappelé que, si l'on avait actualisé correctement l'abattement tel qu'il avait été fixé en 1958, on serait actuellement à 800 000 francs. La proposition de notre collègue Patrick Devedjian est beaucoup plus modeste puisqu'il propose de porter les montants de 330 000 à 600 000 francs et de 300 000 francs à 400 000 francs.

Dans ces conditions, je pense qu'il n'est pas difficile de voter un tel amendement.

M. le président.

La parole est à M. François d'Aubert, pour soutenir l'amendement no 281.

M. François d'Aubert.

Il est défendu.

M. le président.

La parole est à M. Christian Cuvilliez, pour soutenir l'amendement no 151 corrigé.

M. Christian Cuvilliez.

Notre amendement a pour objet de relever le montant de l'exonération des droits de succession pour les petits et moyens patrimoines.

Les encouragements financiers et fiscaux à l'accession sociale à la propriété sont importants, donnent la possibilité à des familles modestes de devenir propriétaires de leur résidence principale, ce qui est très positif. La conséquence logique de cette politique est d'organiser la transmission d'un tel patrimoine immobilier, dans des conditions fiscales favorables. Un montant de 500 000 francs nous paraît tout à fait réaliste, eu égard à la valeur des biens immobiliers détenus par les catégories sociales moyennes, mais on va dire que je fais des amendements à formule incantatoire !

M. le président.

L'amendement no 239 corrigé n'est pas défendu.

La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 33, deuxième correction.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Cet amendement porte à 500 000 francs le montant de l'abattement sur la part du conjoint survivant, la commission, dans le cadre des mesures à prendre, ayant souhaité privilégier ce dernier.

Entre 1959 et 1992, le montant n'a pratiquement pas bougé. En 1992, il y a eu une revalorisation, mais il est vrai que l'abattement est aujourd'hui inférieur en valeur à ce qu'il était en 1959.

J'ai eu l'occasion de faire un certain nombre de propositions dans le cadre du rapport sur la fiscalité du patrimoine. Je pense qu'elles doivent être conformes à l'équilibre budgétaire. Cette mesure représente une somme de l'ordre de 400 à 500 millions de francs. Par contre, nous renvoyons à plus tard le relèvement de l'abattement pour les enfants, qui coûterait environ 1 milliard de francs, ce qui est difficile dans ce budget.

Je suis donc défavorable aux autres amendements en discussion.

M. le président.

La parole est à M. Christian Cuvilliez, pour soutenir l'amendement no 150 corrigé.

M. Christian Cuvilliez.

Je crois qu'il va connaître le même sort que l'amendement no 151 corrigé.

Notre objectif est de relever l'abattement bénéficiant au conjoint survivant à hauteur de 500 000 francs. Il paraît normal que les règles fiscales de dévolution des biens à l'occasion de successions garantissent les intérêts du conjoint survivant, qui est généralement pénalisé par les droits de succession, et il est juste que le conjoint survivant puisse continuer à occuper le logement familial durant le reste de ses jours, dans des conditions financières convenables, lui permettant de vivre correctement.

J'espère que cette préoccupation, largement partagée dans l'ensemble des rangs de l'hémicycle, trouvera une réponse dans l'amendement no 33, deuxième correction.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable, compte tenu de l'amendement précédent. Le gage, par ailleurs, ne paraît pas le meilleur en l'occurrence.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 189, 281, 151 corrigé, 33 deuxième correction et 150 corrigé ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je vais concentrer mes remarques sur l'amendement no 33, deuxième correction, de la commission des finances.

C'est à juste titre que la majorité plurielle a insisté sur le fait qu'il n'y avait eu aucune correction de l'abattement depuis le 1er janvier 1992. Il y a là une véritable injustice, qu'il convient de réparer. D'autres députés sont également intervenus en ce sens.

Le moment est donc venu, peut-être un peu trop tardivement, en dépit de l'insistance de certains d'année en année, de relever le montant de l'abattement pour le conjoint survivant.

Alors qu'il est de 330 000 francs depuis le 1er janvier 1992, la commission des finances propose de le porter à 500 000 francs dès 1999. Le coût d'une telle mesure serait considérable et nous devons essayer de trouver ensemble une progression rapide, mais financièrement soutenable. Je vous propose donc de le porter de 330 000 à 400 000 francs en 1999 et à 500 000 francs pour l'année 2000.

M. François d'Aubert.

Marchands de tapis !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Non, monsieur d'Aubert.

M. Alain Barrau.

Vous n'avez rien fait pendant des années !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

De toute façon, si tout cela avait été fait entre 1993 et 1997, on en parlerait moins aujourd'hui.

Mme Nicole Bricq.

Exactement !

M. Philippe Auberger.

Si cela avait été fait entre 1981 et 1993, on n'en aurait pas parlé ! C'est un mauvais argument !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je rappelle, monsieur Auberger, que la dernière majoration a eu lieu le 1er janvier 1992.

M. Philippe Auberger.

Elle était de combien ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

On est passé de 275 000 à 330 000 francs ce qui était déjà substantiel.

Bref, je vous propose un sous-amendement à l'amendement de la commission des finances.

Il s'agit d'augmenter l'abattement applicable aux transmissions à titre gratuit entre conjoints. Afin d'étaler le coût de la mesure sur deux ans, l'abattement du conjoint


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survivant serait fixé à 400 000 francs pour les transmis-s ions intervenant entre le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 1999 et à 500 000 francs à compter du 1er janvier 2000.

Je crois que ce sous-amendement répond tout à fait aux souhaits qui ont été exprimés avec force et justice par l'ensemble de la majorité plurielle.

M. le président.

Monsieur le secrétaire d'Etat, il me semble que la proposition du Gouvernement constitue plutôt un amendement qu'un sous-amendement.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Soit.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Monsieur le président, j'ai quelques difficultés à comprendre pourquoi le Gouvernement ne pourrait pas déposer un sous-amendement à l'amendement no 33, deuxième correction.

M. le secrétaire d'Etat est tout à fait d'accord sur l'objectif, à savoir 500 000 francs, mais il nous demande, compte tenu du coût d'une telle mesure, de l'étaler sur deux ans.

Effectivement, mes chers collègues, il n'y a eu aucune revalorisation entre 1959 et 1992. Il y en a eu une en 1992, et nous en proposons une autre aujourd'hui en deux étapes. Passer de 330 000 francs à 400 000 francs au 1er janvier 1999, cela représente déjà, je crois, un progrès significatif, d'autant que le montant sera porté à 500 000 francs au 1er janvier 2000.

En ce qui me concerne, je suis donc favorable à un sous-amendement du Gouvernement à l'amendement no 33 deuxième correction de la commission.

M. le président.

Monsieur le secrétaire d'Etat, acceptezvous de lever le gage ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

La parole est à M. François d'Aubert.

M. François d'Aubert.

Est-il bien prévu, monsieur le secrétaire d'Etat, que ce sera un relèvement en deux ans, 400 000 francs en 1999 et 500 000 francs en l'an 2000 ? On n'en rediscutera pas l'année prochaine ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Tout à fait !

M. le président.

Je donne lecture du sous-amendement présenté par le Gouvernement, qui porte le no 556 :

« Rédiger ainsi le I de l'amendement no 33, deuxième correction :

« Le premier alinéa du I de l'article 779 du code général des impôts est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il est effectué un abattement :

« de 400 000 francs sur la part du conjoint survivant pour les mutations à titre gratuit entre vifs consenties par actes passés entre le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 1999 et pour les successions ouvertes entre ces mêmes dates et de 500 000 francs pour les mutations à titre gratuit entre vifs consenties par actes passés à compter du 1er janvier 2000 et pour les successions ouvertes à compter de cette date ;

« de 300 000 francs sur la part de chacun des ascendants et sur la part de chacun des enfants vivants ou représentés. »

Nous allons passer aux votes.

Je mets aux voix l'amendement no 189.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 281.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 151 corrigé.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 556.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 33 deuxième correction, modifié par le sous-amendement no 556, et compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié et rectifié, est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'amendement no 150 corrigé n'a plus d'objet.

Je suis saisi de deux amendements, nos 177 rectifié et 316, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 177 rectifié, présenté par M. Devedjian, est ainsi libellé :

« Après l'article 14, insérer l'article suivant :

« I. L'article 779 du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« III. Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il est effectué un abattement de 250 000 francs pour les héritiers en ligne collatérale ou entre parents ou non parents. »

« II. La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 316, présenté par M. Laffineur, M. Dominati et les membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants, est ainsi libellé :

« Après l'article 14, insérer l'article suivant :

« I. L'article 779 du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« III. Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il est effectué un abattement de 150 000 francs sur la part de tout héritier non mentionné aux I et II de cet article. »

« II. L'article 788 du même code est supprimé.

« III. La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Philippe Auberger, pour soutenir l'amendement no 177 rectifié.

M. Philippe Auberger.

Il n'est plus nécessaire de s'attarder sur cet amendement.

Je souligne tout de même que l'abattement est de 100 000 francs entre frères et soeurs, et de 10 000 francs pour les autres ce qui est évidemment dérisoire. Même si c'est moins urgent que pour les conjoints survivants et les héritiers en ligne directe, je le reconnais, il faudra un jour revoir ces montants.

Cela dit, il est vrai qu'on ne peut pas tout faire la même année, et, pour faire preuve de responsabilité, je retire l'amendement.

M. le président.

L'amendement no 177 rectifié est retiré.


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L'amendement no 316 ?...

M. François d'Aubert.

Je le retire.

M. le président.

L'amendement no 316 est retiré.

MM. Maurice Leroy, Jégou, Baguet, Mme Boisseau, MM. Sauvadet, Le Nay, Leonetti, Bur et Mme Idrac ont présenté un amendement, no 530, ainsi libellé :

« Après l'article 14, insérer l'article suivant :

« I. - L'article 779 du code général des impôts est complété par un III ainsi rédigé :

« III. - Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il est effectué un abattement de 250 000 francs sur la part du concubin survivant lié au défunt depuis au moins deux ans par un certificat de vie commune. »

« II. - Les dispositions mentionnées au I s'appliquent à compter du 1er janvier 1999.

« III. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Cet amendement est d'autant plus intéressant que nous venons de porter l'abattement pour les gens mariés à 400 000 francs, 500 000 francs en l'an 2000. Nous proposons d'accorder également un avantage aux concubins, en instituant un abattement de 250 000 francs au profit du survivant.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable. Je vous rappelle, monsieur Jégou, qu'une proposition de loi doit prochainement venir en discussion, et que ce sujet pourra bien sûr être évoqué.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Défavorable.

M. le président.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Je ne veux pas allonger la séance, mais je trouve curieux que l'on veuille discuter à deux reprises du problème des droits de mutation à quelques jours d'intervalle. Puisque le Gouvernement a ouvert la boîte de Pandore, si j'ose dire, à l'occasion de cette loi de finances, il aurait été de bonne méthode que l'on discute ensemble des propositions de nos collègues de la majorité et des siennes. Je crains en effet que, dans une semaine, on n'adopte des dispositions plus favorables pour certaines personnes sans lien de parenté...

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Mais non !

M. Philippe Auberger.

... que pour celles qui sont liées par des liens familiaux. Cela remettrait alors en cause un élément fondamental de notre droit civil, qui est l'organisation des successions dans un cadre familial. Cela remettrait en cause l'ensemble de l'organisation de notre société et la place de la famille au sein de celle-ci.

M. Michel Bouvard.

Ils n'aiment pas les familles.

M. Philippe Auberger.

C'est vraiment une mauvaise f açon d'aborder le problème. J'aurais souhaité que l'ensemble des sujets soient abordés le même jour, afin qu'en aucun cas, on ne puisse accepter des dispositions plus favorables pour des personnes extérieures à la famille que pour des personnes unies par des liens du sang. Ces liens, on peut les contester, mais ils existent de façon objective.

M. Michel Bouvard et M. Jean de Gaulle.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, vous m'avez expliqué, et vous avez eu raison, que vous m'aviez fait une réponse républicaine.

Nous sommes au coeur d'une discussion sur les droits de succession. Je commence à avoir une certaine pratique de cette maison et il n'y a pas souvent des moments privilégiés où majorité et opposition peuvent se rencontrer. Or, en présentant son sous-amendement, le Gouvernement a montré qu'il y avait une volonté de discuter et de déboucher sur des solutions.

Vous allez bien sûr me dire que c'est par malice que cet amendement a été déposé, mais telle a toujours été ma position sur le concubinage et j'ai été minoritaire de justesse lors de l'examen des dernières lois de finances lorsque j'étais dans la majorité.

Le concubinage existe. Je ne le juge pas. Il y a six millions de concubins en France. Au moment où nous diminuons les droits de succession pour les familles françaises - nous avons fait un grand pas en avant en prévoyant un abattement de 500 000 francs en l'an 2000 pour les couples mariés...

M. Daniel Marcovitch.

Cela montre que nous aimons la famille !

M. Jean-Jacques Jégou.

Je n'attaque personne, mon cher collègue. Lors du premier débat sur votre proposition de loi, vous prétendiez que l'opposition était ringarde et qu'elle ne prenait pas en compte le concubinage.

Ce n'est pas vrai. Un certain nombre de nos collègues se battent depuis plusieurs années pour faire reconnaître un concubinage stable et notoire. Les maires ici présents savent pertinemment que leurs concitoyens viennent faire des déclarations en mairie et signer des attestations de voisins. Le concubinage, c'est le concubinage. Pourquoi ne pas faire un signe à six millions de Français qui ont décidé de différer leur mariage ou de ne pas se marier du tout ? Cela n'empêcherait d'ailleurs pas de discuter votre proposition de loi ensuite.

Aujourd'hui, nous sommes en plein dans le sujet.

Nous avons adopté un abattement de 400 000 francs pour 1999, de 500 000 francs pour 2000 pour les couples mariés ou les ascendants en ligne directe. Je propose 250 000 francs - cela montre bien la différence pour des couples vivant en concubinage notoire, qui sont susceptibles de vivre en famille et d'avoir exactement les mêmes problèmes de succession.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Je répondrai à M. Jégou avec autant de sincérité. L'année dernière, nous avions déposé des amendements sur le concubinage. Nous avons été confrontés au problème même de la définition du concubinage. Le Gouvernement, le service de la législation fiscale nous ont fait observer que le certificat de vie commune était une preuve insuffisante au regard de notre réglementation, de notre législation.

Pour donner un statut au concubinage, nous sommes contraints de passer par le PACS et donc par la proposition de loi qui sera prochainement examinée. Nous ne sommes pas en mesure de légiférer aujourd'hui sur cette question, sauf à adopter des dispositions qui seraient inapplicables. Nous ne mélangeons pas les choses. Nous respectons les procédures. Un texte va bientôt venir en discussion et une réponse sera apportée dans ce cadre-là.


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M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 530.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 15

M. le président.

Art. 15. - I. Le 2o de l'article 750 ter du code général des impôts est ainsi modifié :

« A. Au premier alinéa, les mots : ", que ces derniers soient possédés directement ou indirectement," sont ajoutés après les mots : "Les biens meubles et immeubles".

« B. Il est inséré, après le premier alinéa, un alinéa nouveau ainsi rédigé :

« Pour l'application de l'alinéa précédent, tout immeuble ou droit immobilier est réputé possédé indirectement lorsqu'il appartient à des personnes morales ou des organismes dont le donateur ou le défunt, seul ou conjointement avec des personnes mentionnées au premier alinéa de l'article 751, détient plus de la moitié des actions, parts ou droits, directement ou par l'interméd iaire d'une chaîne de participations, au sens de l'article 990 D, quel que soit le nombre de personnes m orales ou d'organismes interposés. La valeur des immeubles ou droits immobiliers possédés indirectement est déterminée par la proportion de la valeur de ces biens ou des actions, parts ou droits représentatifs de tels biens dans l'actif total des organismes ou personnes morales dont le donateur ou le défunt détient directement les actions, parts ou droits. »

« C. Au deuxième alinéa, qui devient le troisième, après les mots : "direction effective", sont insérés les mots : ", et ce quelle que soit la composition de son actif". »

« D. La deuxième phrase du dernier alinéa est supprimée.

« E. Il est ajouté, après le troisième alinéa, un alinéa nouveau ainsi rédigé :

« Pour l'application des deuxième et quatrième alinéas, les immeubles situés sur le territoire français, affectés par une personne morale, un organisme ou une société à sa propre exploitation industrielle, commerciale, agricole ou à l'exercice d'une profession non commerciale ne sont pas pris en considération. »

II. - Au deuxième alinéa de l'article 885 L du code général des impôts, il est ajouté la phrase :

« Il en est de même pour les actions, parts ou droits détenus par ces personnes dans les personnes morales ou organismes mentionnés au deuxième alinéa du 2o de l'article 750 ter »

M. Migaud, rapporteur général, a présenté un amendement, no 15, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du quatrième alinéa du I de l'article 15, substituer aux mots : "des personnes mentionnées au premier alinéa de l'article 751", les mots : "son conjoint, leurs ascendants ou descendants ou leurs frères et soeurs". »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Amendement de précision.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. secrétaire d'Etat au budget.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

15. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 15, modifié par l'amendement no

15. (L'article 15, ainsi modifié, est adopté.)

Article 16

M. le président.

« Art. 16. - I. L'article 167 du code général des impôts est modifié comme suit :

« A. Il est inséré un 1 bis ainsi rédigé :

« 1 bis . Lorsque le contribuable transfère son domicile hors de France, les plus-values de cession ou d'échange de valeurs mobilières ou de droits sociaux dont l'imposition a été reportée sont immédiatement imposables.

« Toutefois, le paiement de l'impôt correspondant peut être différé dans les conditions et les modalités prévues au II de l'article 167 bis , jusqu'au moment où s'opérera la transmission, le rachat, le remboursement ou l'annulation des droits sociaux concernés.

« Lorsque le contribuable transfère de nouveau son domicile en France, l'impôt dont le paiement est en sursis, sur le fondement de l'alinéa précédent, est dégrevé d'office en tant qu'il se rapporte à des plus-values afférentes aux titres qui, à cette date, demeurent dans le patrimoine du contribuable. Dans ce cas, les reports existants sur ces mêmes titres à la date du transfert du domicile hors de France sont rétablis de plein droit. »

« B. Au 2, après les mots : "du 1" sont ajoutés les mots : "et du 1 bis " et les mots : "dans les dix jours qui précèdent la demande de passeport" sont remplacés par les mots : "dans les trente jours qui précèdent le transfert du domicile hors de France". »

« II. - Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 167 bis ainsi rédigé :

« Art. 167 bis. - I. - 1. Les contribuables fiscalement domiciliés en France pendant au moins six années au cours des dix dernières années sont imposables, à la date du transfert de leur domicile hors de France, au titre des plus-values constatées sur les droits sociaux mentionnés à l'article 160.

« 2. La plus-value constatée est déterminée par différence entre la valeur des droits sociaux à la date du transfert du domicile hors de France, déterminée suivant les règles prévues aux articles 758 et 885 T bis et leur prix d'acquisition par le contribuable ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation.

« Les pertes constatées ne sont pas imputables sur les plus-values de même nature effectivement réalisées par ailleurs.

« 3. La plus-value constatée est déclarée dans les conditions prévues au 2 de l'article 167.

« II. - 1. Le paiement de l'impôt afférent à la plusvalue constatée peut être différé au moment où s'opérera la transmission, le rachat, le remboursement ou l'annulation des droits sociaux concernés.

« Le sursis de paiement est subordonné à la condition que le contribuable déclare le montant de la plus-value constatée dans les conditions du I, demande à bénéficier du sursis, désigne un représentant établi en France autorisé à recevoir les communications relatives à l'assiette, au recouvrement et au contentieux de l'impôt et constitue auprès du comptable chargé du recouvrement, préalablement à son départ, des garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor.

« Le sursis de paiement prévu au présent article a pour effet de suspendre la prescription de l'action en recouvrement jusqu'à la date de l'événement entraînant son expi-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

ration. Il est assimilé au sursis de paiement prévu à l'article L. 277 du livre des procédures fiscales pour l'application des articles L. 208, L. 255, L. 257 et L. 279 du même livre.

« Pour l'imputation ou la restitution de l'avoir fiscal, des crédits d'impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires, il est fait abstraction de l'impôt pour lequel un sursis de paiement est demandé en application du présent article.

« 2. Les contribuables qui bénéficient du sursis de paiement en application du présent article sont assujettis à la déclaration prévue au 1 de l'article 170. Le montant cumulé des impôts en sursis de paiement est indiqué sur cette déclaration à laquelle est joint un état établi sur une formule délivrée par l'administration faisant apparaître le montant de l'impôt afférent aux titres concernés pour lequel le sursis de paiement n'est pas expiré ainsi que, le cas échéant, la nature et la date de l'événement entraînant l'expiration du sursis.

« 3. Sous réserve du 4, lorsque le contribuable bénéficie du sursis de paiement, l'impôt dû en application du présent article est acquitté avant le 1er mars de l'année suivant celle de l'expiration du sursis.

« Toutefois, l'impôt dont le paiement a été différé n'est exigible que dans la limite de son montant assis sur la différence entre le prix en cas de cession ou de rachat, ou la valeur dans les autres cas, des titres concernés à la date de l'événement entraînant l'expiration du sursis, d'une part, et leur prix ou valeur d'acquisition retenu pour l'application du 2 du I, d'autre part. Le surplus est dégrevé d'office. Dans ce cas, le contribuable fournit, à l'appui de la déclaration mentionnée au 2, les éléments de calcul retenus.

« L'impôt acquitté localement par le contribuable et afférent à la plus-value effectivement réalisée hors de France est imputable sur l'impôt sur le revenu établi en France à condition d'être comparable à cet impôt.

« 4. Le défaut de production de la déclaration et de l'état mentionnés au premier alinéa du 2 ou l'omission de tout ou partie des renseignements qui doivent y figurer entraînent l'exigibilité immédiate de l'impôt en sursis de paiement.

« III. - A l'expiration d'un délai de cinq ans suivant la date du départ ou la date à laquelle le contribuable transfère de nouveau son domicile en France si cet événement est antérieur, l'impôt établi en application du I est dégrevé d'office en tant qu'il se rapporte à des plus-values afférentes aux droits sociaux qui, à cette date, demeurent dans le patrimoine du contribuable. »

« III. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article et notamment les modalités permettant d'éviter la double imposition des plusvalues constatées ainsi que les obligations déclaratives des contribuables et les modalités du sursis de paiement.

« IV. - Les dispositions du présent article sont applicables aux contribuables qui transfèrent leur domicile hors de France à compter du 9 septembre 1998. »

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 16.

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Le fait de discuter, depuis onze heures ce matin, d'articles additionnels sur la Corse ou, à l'instant, sur les droits de succession, nous a fait perdre un peu de vue l'objectif des articles 14, 15 et 16, c'est-àdire la lutte contre l'évasion fiscale. Je souhaiterais vous faire part de quelques réflexions simples et, j'espère, de bon sens.

Première interrogation, pourquoi autant de contribuables français cherchent-ils à transférer à l'étranger leur domicile fiscal ? N'est-ce pas la preuve que notre fiscalité est excessive et que notre administration fiscale a des pratiques à la fois incertaines et inquisitoriales ?

M. Alain Barrau.

C'est le problème.

M. Gilles Carrez.

La bonne démarche ne serait-elle pas plutôt de baisser les impôts et d'essayer d'assouplir les relations entre les contribuables et l'administration fiscale ? Si vous considérez qu'il faut au contraire augmenter les impôts - on vient de le voir avec l'ISF -, multiplier les dispositions-prison - les dispositions des articles 14, 15 et 16 sont bien de nature carcérale -, on peut se demander, deuxième interrogation, comment vont réagir les contribuables ? Premier cas de figure, le contribuable est pris dans les filets. Sa réaction sera la suivante : on m'a coincé cette fois-ci, mais on ne m'y reprendra pas deux fois et, en conséquence, je réduis mon activité économique en France, mes avoirs, et j'essaye d'imaginer tous les moyens de contourner le nouveau texte - l'imagination du contribuable est plus fertile que celle du fonctionnaire du SLF - et je peux toujours avoir recours aux cabinets de conseils juridiques et fiscaux, souvent anglo-saxons, qui organisent, de façon malheureusement efficace - il suffit de les interroger - le transfert de fonds à l'étranger.

M. Alain Barrau.

Il y a bien des gens qui se sont spécialisés dans le passage d'immigrés.

M. Gilles Carrez.

Second cas de figure, qui doit davantage nous préoccuper : le contribuable qui, lui, n'est pas entré dans la prison fiscale que peut devenir et qu'est déjà, d'une certaine manière, notre pays. Comment va-t-il réagir ? Il va tout simplement se dire : en aucun cas, je ne vais investir dans un pays où la règle fiscale ne cesse de changer, où l'Etat ne tient pas sa parole - c'est le problème de la rétroactivité - et où la fiscalité sur le patrimoine est plus élevée qu'ailleurs ! N'est-ce pas au bout du compte - et c'est ma troisième question - l'économie, l'activité, l'investissement et donc l'emploi qui y perdent ? Nous sommes au coeur de ce que j'appellerai la pensée unique.

M. Daniel Marcovitch.

La pensée unique !

M. Gilles Carrez.

En effet, à mes yeux, la pensée unique, c'est la pensée technocratique qui se polarise uniquement sur les moyens, c'est-à-dire le filet fiscal - comment faire pour coïncer un maximum de gens ? - et absolument pas sur la finalité de la fiscalité, à savoir la prospérité, une croissance durable se traduisant par des investissements et des emplois.

On en arrive à des situations ubuesques, et, pour bien vous faire comprendre, je vais prendre deux exemples.

Premier exemple, celui d'un cadre étranger nommé dans une entreprise en France. Pendant le temps où il exerce ses talents en France, son père, qui est à l'étranger, décède.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

On a déjà parlé de ça !

M. Gilles Carrez.

Ce cadre va se voir taxé au titre du droit fiscal sur les successions de notre pays. Or celui-ci est plus élevé qu'ailleurs.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

Second exemple, celui d'un cadre français qui, pour des raisons professionnelles, doit partir à l'étranger. Tous ces jeunes Français qui acceptent de partir à l'étranger font la force de nos entreprises. Si ce jeune cadre possède un patrimoine mobilier, il va, parce qu'il quitte le territoire national en termes de domicile fiscal, être assujetti à ce qu'on appelle les « plus-values latentes ». Il va devoir soit acquitter l'impôt, soit faire un dépôt de garantie auprès du Trésor, alors même que son installation à l'étranger va lui occasionner des frais. C'est absurde ! Quatrième question...

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Carrez.

M. Gilles Carrez.

Je m'achemine vers ma conclusion, monsieur le président.

Quatrième question : que valent ces dispositions, monsieur le secrétaire d'Etat, dans la perspective du 1er janvier prochain avec la mise en place de l'euro - qui va assurer une grande fluidité et permettre de comparer - et par rapport aux accords internationaux qui existent ? Il faudra bien harmoniser nos politiques fiscales dans le cadre de l'Europe.

Cinquième interrogation, sur laquelle je vous demande de méditer, monsieur le secrétaire d'Etat : entre un fonctionnaire qui va passer trente-cinq ans de sa vie au service de la législation fiscale et un chef d'entreprise qui, grâce à son talent, son énergie, aura créé, bien sûr en s'enrichissant, des centaines voire des milliers d'emplois, rapportant beaucoup d'argent à l'Etat, aux collectivités locales, lequel incarne le mieux l'intérêt général ?

M. Raymond Douyère.

Fausse question !

M. Gilles Carrez.

Dernière réflexion : nous venons de voter l'article 15 sans discussion et sans amendement ; en dehors d'un amendement de correction du rapporteur général. Ayant eu la curiosité de lire les 20 pages de son excellent rapport qui le concernaient, pages 260 à 280,...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Merci !

M. Gilles Carrez.

... j'avoue que j'ai eu beaucoup de mal à y comprendre quoi que ce soit. Je lui demanderai, quand il aura le temps, un cours particulier pour qu'il m'explique.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Il est très disponible ! (Sourires.)

M. Gilles Carrez.

Avec cet article 15 et quand on songe à la façon dont s'est déroulé le débat dans l'hémicycle, il apparaît que nous sommes au coeur de la confiscation du pouvoir politique par la technocratie. C'est cela, la pensée unique. Je regrette, monsieur le secrétaire d'Etat, que, à votre corps défendant, vous en soyez le dépositaire.

M. le président.

La parole est à M. François d'Aubert.

M. François d'Aubert.

Monsieur le secrétaire d'Etat, combien cette série de trois articles - 14, 15 et 16 - va-telle rapporter ?

M. Gilles Garrez.

Rien !

M. François d'Aubert.

Probablement pas grand-chose, sinon rien. Ces articles vont en revanche compliquer un peu plus notre fiscalité. Sous couvert des meilleures intentions, lutter contre l'évasion fiscale, qui, malheureusement, de temps en temps, voire assez souvent, débouche sur de la fraude fiscale, ils vont provoquer un alourdissement de la fiscalité. Or nous avons déjà des taxations sur le patrimoine et sur les plus-values qui sont parmi les plus élevées qui soient, et nous ne faisons pas un seul pas vers l'harmonisation européenne.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Ah si !

M. François d'Aubert.

Les efforts sont vraiment limités.

Ces articles auraient pour but de faire comme nos partenaires, mais l'exposé des motifs n'est pas explicite. Il aurait été intéressant de savoir quels étaient exactement les régimes existant dans les pays qui offrent des tentations, sur le plan de l'évasion fiscale, en Europe, comme la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas, voire dans les paradis fiscaux qui sont dans la zone euro, comme le Luxembourg. Je suis très sceptique sur ce genre de mesures.

Premier résultat, ils vont induire une complexité fiscale. D'abord, une littérature fiscale : les textes de chaque article font à peu près une page, mais viendront ensuite des instructions, des circulaires de plusieurs dizaines de pages, parce que les choses sont très compliquées. Cela va sans doute faire le bonheur de quelques puristes très compétents du SLF. Cela va surtout faire le bonheur de ceux qui ne sont plus au SLF mais qui travaillent comme conseiller fiscal uniquement sur ce genre de sujet. Autant de frais généraux pour la nation.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Il faut supprimer les impôts, alors !

M. François d'Aubert.

Ces frais sont totalement improductifs, sauf pour quelques cabinets juridiques. Et je ne suis pas sûr que ce soit une manière de faire gagner de l'argent à la France. Ces efforts sont donc quelque peu vains.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous devriez plutôt essayer de baisser la fiscalité, tout au moins d'harmoniser notre fiscalité avec les régimes moins durs qu'en France.

On peut toujours faire du purisme ou de la vertu, si nos voisins n'en font pas, cela ne sert à rien ; vous aurez toujours non pas comme dirait M. Brard, des mauvais Français, mais des contribuables qui regardent simplement leur intérêt. Ils iront ailleurs, ils délocaliseront leur épargne, ils délocaliseront leur domicile fiscal, ils délocaliseront leurs revenus.

M. Lucien Degauchy.

C'est ce qui se passe !

M. François d'Aubert.

Certes, ils le feront au prix de quelques acrobaties, comme les six mois de résidence minimum, mais diverses interprétations sont possibles et tout cela se terminera par des contentieux avec les impôts. Ce n'est pas, là non plus, le meilleur moyen d'utiliser la richesse française.

M. Lucien Degauchy.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je voudrais rassurer

M. Carrez et M. d'Aubert.

Monsieur Carrez, les contribuables qui cherchent à transférer leur fortune à l'étranger ne sont heureusement pas si nombreux, quelques dizaines tout au plus. Il y a eu certes une pointe, en 1996, alors qu'une autre majorité a plafonné le plafonnement de l'ISF, mais le phénomène n'est pas massif. Le contribuable français est bon citoyen.

Monsieur d'Aubert, le dispositif proposé par le Gouv ernement imite ce qui existe en Allemagne, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Belgique et aux EtatsUnis. Nous ne faisons donc pas oeuvre originale mais c'est une forme d'harmonisation européenne, même si ce n'est pas celle que vous souhaitez par priorité.

J'ajoute que le Conseil des impôts a noté que la fiscalité du patrimoine en France était très inférieure à ce qu'elle était en Grande-Bretagne.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

Quant aux cadres étrangers travaillant en France - nous en avons déjà parlé à propos d'un débat ouvert par M. Jégou -, nous allons travailler avec la commission des finances d'ici à la deuxième lecture.

Les cadres français expatriés, qui ont, en effet, un grand mérite, ne sont pas visés par la mesure présente puisqu'il faut détenir au moins 25 % des parts sociales d'une société.

J'espère avoir levé toutes vos objections et qu'ainsi vous allez voter l'article 16.

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 222 et 458.

L'amendement no 222 est présenté par MM. Jégou, Méhaignerie, Gengenwin et de Courson ; l'amendement no 458 est présenté par M. Carrez.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'article 16. »

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour soutenir l'amendement no 222.

M. Jean-Jacques Jégou.

L'article 16 soulève, comme les articles 14 et 15, des interrogations - ce ne sont pass eulement les miennes, mais également celles de MM. Méhaignerie, Gengenwin et Charles de Courson.

Si ce texte était voté en l'état, monsieur le secrétaire d'Etat, toute personne détentrice de participations substantielles, 25 %, au capital de sociétés serait susceptible d'être taxée sur les plus-values latentes le jour de son départ de France. Néanmoins, le débiteur pourrait solliciter un report d'imposition sous réserve de constituer des garanties au profit du Trésor. Très souvent, le redevable ne se trouve pas en mesure de constituer de telles garanties.

Le traité de Rome et les actes subséquents prévoient la libre circulation des biens, des capitaux et des personnes.

Cette mesure restreindrait de façon significative cette liberté.

En outre, contrairement à ce qui est affirmé, la plupart des pays de l'Union économique européenne, dans le cadre des conventions internationales que ces pays ont signées, prévoient de laisser à l'Etat de résidence de la personne physique le droit d'imposer les gains en capital relatifs notamment aux plus-values tirées de la cession de participations substantielles que cette personne possède dans des sociétés de l'autre Etat contractant.

La mesure proposée crée un impôt de sortie de territoire contraire au traité de Rome et à toutes les conventions internationales que notre pays a signées jusqu'alors.

De surcroît, elle permet d'imposer du capital latent de personnes dont le changement de résidence fiscale n'a pas systématiquement pour corollaire la cession de leurs participations ou même la simple volonté de pratiquer de l'évasion fiscale.

Nous aimerions, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous répondiez à ces interrogations courtoises et républicaines.

M. le président.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour soutenir l'amendement no 458.

M. Gilles Carrez.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne suis absolument pas convaincu par votre argumentaire.

Vous avez évoqué l'Allemagne. Vous savez bien qu'on ne peut en aucun cas comparer nos deux pays sur ce point, parce qu'en Allemagne, il n'existe aucune collaboration entre les banques et les services fiscaux qui permette de tenir l'inventaire du patrimoine de valeurs mobilières. De surcroît, lorsque les cas que nous visons par l'article 16 peuvent s'appliquer en Allemagne, il s'agit d'énormes patrimoines et la notion de participations substantielles est appréciée à partir de seuils extrêmement élevés.

Vous me répondez que le jeune cadre français qui quittera le territoire national pour raisons professionnelles ne sera pas touché, sauf s'il détient plus de 25 % du capital d'une entreprise. Par conséquent, s'il a une participation de 25 % dans une petite filiale de l'entreprise qui l'emploie, il sera concerné.

Tel qu'il est rédigé, l'article 16 conduira à appliquer un régime extrêmement sévère.

Vous évoquez le système allemand. Or il n'est pas appliqué ou l'est de façon exceptionnelle. La comparaison ne me paraît absolument pas pertinente.

Comme l'a excellemment dit Jean-Jacques Jégou, on va créer un véritable impôt à la sortie du territoire national.

Je suis persuadé que c'est totalement contraire au droit communautaire, en particulier au traité de Rome de 1958, qui prévoit la libre circulation des personnes. Faire cela, deux mois à peine avant la mise en place de l'euro, paraît absolument aberrant.

De façon extrêmement courtoise, mais aussi de façon tout à fait ferme, je plaide pour l'adoption de cet amendement de suppression.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission n'y est pas favorable.

Elle a fort bien compris l'argumentation du Gouvernement sur l'intérêt que présente l'article 16. Chacun de ses paragraphes est absolument justifié.

S'agissant des plus-values contestées...

M. François d'Aubert.

Lapsus révélateur ! Elles risquent en effet de l'être !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

S'agissant des plus-values constatées, voulais-je dire, ne sont visés que les contribuables ayant résidé en France pendant au moins six années au cours des dix dernières années et non pas toutes celles dont M. Carrez a parlé.

Les pays qui n'imposent pas les plus-values ou qui procèdent à des impositions plus faibles que les nôtres sont relativement nombreux. Il faut donc se protéger.

J'observe, comme M. le secrétaire d'Etat, que l'Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas...

M. François d'Aubert.

Pas le Luxembourg !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... sont dotés d'un dispositif semblable à celui que propose le Gouvernement.

L'article 16 doit donc être maintenu.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Jégou et M. Carrez ont posé des questions précises, mais il y a déjà été répondu.

M. Jégou s'est demandé si l'article 16 n'était pas contraire au droit des conventions fiscales. La réponse est non, puisque le dispositif prévu porte sur des contribuables qui résident encore en France au moment de sa mise en oeuvre.

Je vais maintenant vous démontrer que l'article 16 est conforme au droit communautaire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

D'abord, les différents gouvernements travaillent à l'élaboration d'une directive sur l'épargne destinée à imposer un prélèvement minimal. De même, la mise au point d'un code de bonne conduite en matière de fiscalité d'entreprises va exactement dans cette direction.

Plus précisément, ce dispositif est conforme au droit communautaire car il est proportionné à l'objectif poursuivi. Il ne vise que des contribuables résidant en France de longue date : au moins six années continues ou six années au cours des dix dernières années. De plus, seules sont visées les participations substantielles, c'est-àdire supérieures à 25 %. L'imposition en la matière n'est ni systématique ni définitive : seules sont imposées les plus-values constatées au moment du départ du territoire, plus-values qui cessent de figurer dans le patrimoine du contribuable dans les cinq ans suivant l'expatriation.

Pour être complet, monsieur Jégou, j'ajoute que la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes autorise un Etat membre à exiger la constitution de garanties auprès du Trésor, lorsque cela permet à l'administration fiscale compétente de s'assurer du paiement ultérieur de l'impôt.

Enfin, comme je l'ai déjà dit à M. d'Aubert et à M. Carrez, de telles dispositions existent déjà dans d'autres pays comme l'Allemagne et les Pays-Bas.

J'ai répondu un peu longuement, mais les questions étaient précises.

Le Gouvernement demande donc le rejet des amendements de suppression.

M. le président.

La parole est à M. François d'Aubert.

M. François d'Aubert.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous n'avez pas totalement répondu aux questions posées.

Nous parlons harmonisation fiscale, et vous nous répondez que des dispositions analogues sont en vigueur aux Pays-Bas, en Allemagne et en Grande-Bretagne. Mais ce n'est manifestement pas le cas dans d'autres pays : je pense, par exemple, au Luxembourg.

Par ailleurs, il ne s'agit pas d'avoir des dispositions du même genre que celles dont sont dotés d'autres pays, mais d'avoir des taux d'imposition des plus-values comparables à ceux pratiqués par ces pays. Or ce n'est pas le cas. Vous l'avez vous-même reconnu, monsieur le secrétaire d'Etat, notre fiscalité sur l'épargne, sur les plusvalues, sur le patrimoine est plus lourde. Avant-hier encore, vous vous vantiez d'avoir alourdi de 40 % la fiscalité sur le patrimoine.

Nous allons peut-être vers une harmonisation des procédures, mais nous allons à l'opposé d'une harmonisation fiscale en ce qui concerne le poids des prélèvements. Le dispositif que vous présentez se situe en marge d'une logique d'harmonisation et d'une logique communautaire.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 222 et 458.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

M. Carrez a présenté un amendement, no 460, ainsi rédigé :

« I. - Dans le troisième alinéa du I de l'article 16, après les mots : "hors de France", insérer les mots : "sauf pour ceux dont un motif professionnel sera clairement établi par l'employeur".

« II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Cet amendement vise à exonérer de l'imposition des plus-values latentes le contribuable qui doit quitter le territoire national à la demande de son employeur.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vos réponses ne sont pas convaincantes. Vous n'avez notamment pas répondu à ma question très précise sur le cadre moyen qui doit quitter la France et qui se trouve avoir une participation de plus de 25 % dans une petite entreprise. J'en déduis qu'il sera obligé, soit de payer la plus-value latente, soit d'effectuer un dépôt de garantie auprès du Trésor, et ce au moment même où son affectation à l'étranger va le conduire à engager des frais de déménagement et d'installation. Cela me paraît totalement contradictoire avec l'objectif affiché par ailleurs d'assurer une certaine mobilité professionnelle et de faire en sorte que les jeunes Français puissent exercer leur talents dans des entreprises françaises qui travaillent à l'étranger. L'article 16 va rendre les choses plus difficiles.

De façon plus générale, je souscrirais volontiers à votre raisonnement, si les écarts entre la fiscalité sur le patrimoine appliquée dans les autres pays et celle pratiquée en France n'étaient pas aussi importants. Au reste, ce type de fiscalité a été considérablement alourdi chez nous l'an dernier, notamment avec l'extension de la contribution sociale généralisée. Compte tenu du niveau extrêmement élevé de la fiscalité sur le patrimoine dans notre pays, il est évident que vous ne pouvez pas, monsieur le secrétaire d'Etat, vous prévaloir de la comparaison que vous avez faite.

S'il y a en Europe, d'un côté, une zone de basse pression fiscale en matière de fiscalité sur le patrimoine et, de l'autre, une zone de très haute pression fiscale, à savoir la France, nous nous préparons des lendemains difficiles, et c'est vous, monsieur le secrétaire d'Etat, qui aurez à les gérer, et non après 2002 mais à partir du 1er janvier 1999.

En effet, l'euro permettra une lecture immédiate des différences, une comparaison instantanée. Dès lors, vous serez bien obligé de mettre en place des procédures d'harmonisation fiscale.

E n fait, mon amendement a un objectif très modeste : vous éviter des déconvenues pour demain.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Défavorable.

M. François d'Aubert.

Argumentez au moins !

M. Gilles Carrez.

Quel mépris pour des sujets importants !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 460.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Gantier a présenté un amendement, no 350, ainsi rédigé :

« Supprimer le II de l'article 16. »

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Une fois de plus, je tiens à déplorer la complexité des articles de ce projet de loi de finances. Il est tellement complexe, monsieur le secrétaire d'Etat, que les typographes eux-mêmes s'y perdent puisque, à la page 47, je trouve un « I » puis deux « II »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

et, à la page 48, deux «

III ». Il faut nous expliquer cette numérotation ou alors reconnaître que vous faites des articles trop compliqués.

D'ailleurs, je vous suggère de remplacer l'article 16 par l'article suivant :

« I. Le visa de sortie est rétabli pour les citoyens français.

« II. L'administration des impôts est chargée du contrôle et de la délivrance des visas de sortie. »

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Ce serait beaucoup plus simple. Mais restons sérieux.

Mme Nicole Bricq.

En effet, restons sérieux !

M. Gilbert Gantier.

Toutes les critiques formulées par M. Jégou et M. Carrez me paraissent fondées. Je me demande, moi aussi, si l'article 16 est bien conforme au traité de Rome. Il crée en effet une imposition contraire à la mobilité des personnes garantie par le traité de Rome lui-même, comme l'a rappelé Gilles Carrez. Si je suis, par exemple, médecin ou avocat, qui peut m'interdire d'aller exercer ma profession à Bruxelles, à Dsseldorf ou à Londres ? Personne. La liberté de circulation des personnes m'autorise à changer mon domicile au sein de l'espace européen.

Par ailleurs, je m'interroge sur la constitutionnalité du premier II de cet article 16 qui dispose notamment : « Les contribuables fiscalement domicilés en France pendant au moins six années au cours des dix dernières années sont imposables, à la date du transfert de leur domicile hors de France, au titre des plus-values constatées sur les droits sociaux mentionnés à l'article 160. »

Cela signifie-t-il que l'administration fiscale peut vérifier ce que j'ai fait durant les six dernières années ? Vous savez qu'elle ne peut remonter que trois ans en arrière pour vérifier une comptabilité ; au-delà, il y a prescription.

Je vous le dis respectueusement, monsieur le secrétaire d'Etat, mais ce que j'ai fait durant les six dernières années ne vous regarde pas. A la rigueur l'administration fiscale peut vérifier si j'ai bien déclaré mes impôts au cours des trois dernières années. Mais si, au cours des six dernières années, j'ai, comme disait le révolutionnaire, « vécu » - au Kamtchatka, en Uruguay ou ailleurs -, cela ne regarde que moi. Je suis le citoyen d'une libre démocratie et je peux me déplacer comme je le veux, à condition de respecter les lois du pays où je suis domicilié, notamment, si j'ai été domicilié en France, de ne pas être débiteur du fisc au cours des trois dernières années.

L'article 16 me paraît comporter un abus manifeste du point de vue juridique et, par cet amendement, je demande la suppression du II de cet article. Et comme il y a deux « II », ne soyons pas mesquins, supprimons-les tous les deux.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission ne souhaite rien supprimer du tout et propose le rejet de cet amendement.

A mon avis, monsieur Gantier, vous faites une confusion entre le délai durant lequel l'administration fiscale peut effectuer des redressements et celui pendant lequel elle peut être amenée à contrôler certaines déclarations faites.

M. Gilbert Gantier.

Non !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Pour que nos collègues soient bien conscients de la possibilité d'évasion qui existe, je leur rappelle qu'avec un prélèvement de 26 %, une stratégie de délocalisation permet d'éluder 26 millions de francs sur une plus-value de 100 millions de francs, et un peu plus de 1,3 million de francs sur une plus-value de 5 millions de francs.

L'article 16 est donc utile et j'invite l'Assemblée à rejeter l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur Gantier, le fait que l'article 16 comporte un I et deux II n'est pas vraiment une erreur. En effet, cet article a deux composantes : le I tend à modifier l'article 167 du code général, alors que le II vise à insérer dans le CGI un nouvel article 167 bis qui comprend lui-même un I et un II. Il est vrai que le code des impôts est complexe et qu'il faut le simplifier, mais il ne faut pas le faire de façon désordonnée. Cela dit, je ne pense que là est votre question fondamentale.

Je tiens à vous rassurer. L'administration des impôts n'entend pas procéder à des vérifications fiscales sur une période remontant au-delà du délai normal de trois ans.

En revanche, le fait de vérifier la résidence fiscale d'un contribuable au cours des six dernières années ne me semble pas du tout anticonstitutionnel. Je demande donc le rejet de votre amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 350.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Migaud, rapporteur général, a présenté un amendement, no 16, ainsi rédigé :

« Dans le sixième alinéa du II de l'article 16, après le mot : "différé", insérer le mot : "jusqu'". »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Amendement de correction !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

16. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Carrez a présenté un amendement, no 459, ainsi rédigé :

« I. Supprimer les septième et huitième alinéas du II de l'article 16. »

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Cet amendement vise à supprimer l'obligation pour le contribuable qui transfère son domicile hors de France de constituer des garanties auprès du Trésor public. En effet, cette obligation est manifestement contraire au droit européen.

Vous citiez, monsieur le secrétaire d'Etat, la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, mais cette jurisprudence n'est absolument pas convaincante. Je suis prêt à prendre le pari que si, au cours des prochaines années, la Cour est saisie, au titre de cet article, elle y verra la manifestation évidente d'une entrave au principe de libre circulation des personnes au


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

sein de l'espace communautaire. Cet amendement vise donc à prévenir ce risque, qui me paraît très important, à moi comme à Gilbert Gantier.

Au reste, je suis heureux de constater que je ne suis pas le seul à avoir eu beaucoup de mal à déchiffrer les dispositions de l'article 16. Nous serons au moins deux, Gilbert Gantier et moi, à demander un cours particulier à M. le rapporteur général lorsqu'il en aura le temps (Sourires.) Compte tenu de la jurisprudence actuelle de la Cour de justice des Communautés europénnes, je pense donc qu'il serait beaucoup plus sage d'adopter mon amendement et de supprimer l'obligation de dépôt de garanties auprès du Trésor.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ? (Sourires.)

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Je suis tout à fait disponible, non pour donner un cours à mes collègues je n'aurai pas cette prétention (Sourires.) - mais pour échanger avec eux sur cet article.

La commission a rejeté cet amendement, parce qu'elle a estimé qu'il était utile de demander la constitution de garanties. En outre, il m'a été confirmé que ce dispositif des garanties est absolument conforme au droit communautaire.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je suis étonné. Ce matin, certains parlementaires s'appuyaient sur des arrêts de la Cour de cassation pour contester le droit de l'Assemblée à légiférer ; ce soir vous considérez que la Cour de justice des Communautés européennes est certainement dans l'erreur et qu'il faut légiférer contre elle.

M. Gilles Carrez.

Nous n'avons pas dit cela !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

J'ai le sentiment que l'on s'appuie sur la justice un peu en fonction de ses propres préoccupations.

Cela dit, je n'ai rien à ajouter, et je demande le rejet de l'amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 459.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Migaud, rapporteur général, a présenté un amendement, no 17, ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase du huitième alinéa du II de l'article 16, supprimer la référence : ", L. 257". »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Amendement de correction !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

17. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Gantier a présenté un amendement, no 351, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le III de l'article 16 :

« III. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. »

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Comme nous l'avons relevé à plusieurs reprises, l'article 16 est complexe. C'est la raison pour laquelle je demande qu'un décret en Conseil d'Etat en fixe les conditions d'application dans la mesure où il soulève plusieurs problèmes relatifs, entre autres, à la liberté d'aller et venir des personnes, ou à la libre circulation des capitaux au sein du territoire communautaire.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable. Cet amendement est sans objet car un décret en Conseil d'Etat est déjà prévu.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je veux rassurer M. Gantier : comme il est normal, ce texte a été soumis au Conseil d'Etat, qui n'a émis aucune objection. Rejet.

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Je fais respectueusement remarquer à M. le secrétaire d'Etat que tous les projets de loi sont examinés par le Conseil d'Etat, mais qu'il n'en reste pas moins que le Conseil constitutionnel en annule cependant quelques-uns.

M. le président.

Maintenez-vous votre amendement, monsieur Gantier ?

M. Gilbert Gantier.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 351.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 16, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 16, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 16

M. le président.

M. Migaud, rapporteur général, M. Fuchs et les commissaires membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 18, ainsi libellé :

« Après l'article 16, insérer l'article suivant :

« I. Après le 1 du paragraphe I de l'article 39 quindecies du code général des impôts, il est inséré un 1 bis ainsi rédigé :

« 1 bis. En cas de cessation d'activité, l'imposition de la plus-value nette à long terme peut être différée jusqu'à la date du premier versement par le repreneur de l'actif. »

« II. La perte de recettes est compensée par une majoration à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission des finances a souhaité, en adoptant cet amendement, engager la discussion avec le Gouvernement.

En vertu des dispositions de l'article 12 du code général des impôts, l'impôt sur le revenu est dû chaque année, à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable a réalisés ou dont il a eu la disposition au cours de cette même année.

En conséquence, et conformément à une jurisprudence constante du Conseil d'Etat, l'administration ne saurait tenir compte de faits survenus postérieurement à l'année dont il s'agit pour prononcer un dégrèvement sur le montant de la cotisation d'impôt légalement établie. C'est sur ce fondement que l'administration fiscale a écarté la possibilité de l'octroi éventuel d'un dégrèvement sur le


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montant de la cotisation établie à raison de la plus-value réalisée lors de la cession en cas d'insolvabilité de l'acquéreur d'un fonds de commerce dont le prix est payable à terme.

L'amendement proposé tend à atténuer, au moins partiellement, la difficulté qui peut résulter d'une défaillance de l'acheteur, en prévoyant que l'imposition peut être différée jusqu'à la date du premier versement. Notre collègue Fuchs souhaitait que le Gouvernement envisage d'accorder un dégrèvement en cas de défaut de paiement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Défavorable. Cet amendement de la commission vise à ne demander le paiement effectif des plus-values réalisées en cas de cession d'activité qu'au moment où le repreneur a effectué son premier versement.

Cela est absolument contraire à un principe fondamental du droit fiscal qui veut que l'impôt dû par lese ntreprises commerciales soit fonction des créances acquises et non des paiements effectifs. C'est là un point décisif et retenir un principe contraire aurait un coût considérable, bien que très difficile à estimer.

En outre, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, j'attire votre attention sur les risques de fraude que pourrait ouvrir un tel dispositif. Il serait très facile à une personne indélicate de céder son patrimoine à une personne délibérément insolvable qui l'exonérerait du paiement de l'impôt sur les plus-values.

Je ne mets pas en doute la bonne foi et le sérieux de M. Gérard Fuchs, mais je trouve cet amendement incorrect du point de vue juridique et extrêmement dangereux, à un moment où nous cherchons tous à lutter contre la fraude fiscale. Je demande par conséquent avec une certaine gravité qu'il soit rejeté.

M. le président.

Maintenez-vous l'amendement, monsieur le rapporteur général ?

M. Didier Migaud.

rapporteur général.

Je suis sensible à votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat. Je crois que M. Fuchs n'a pas donné à son amendement la portée que vous lui prêtez, mais c'est vrai qu'il peut y avoir un risque réel.

M. Michel Bouvard.

Il est même très réel !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Je comprends donc parfaitement le raisonnement du Gouvernement, qui insiste sur le risque de fraude, et je crois que

M. Fuchs ne m'en voudra pas de retirer cet amendement.

Ce que nous demandons au Gouvernement, c'est que l'administration fiscale manifeste de la compréhension dans certaines situations particulières, par exemple lorsqu'une personne n'est pas payée alors même qu'elle a vendu un bien. Il faudrait qu'elle puisse bénéficier d'un délai de paiement et d'une certaine compréhension de la part de l'administration fiscale ; M. Fuchs a cité un ou deux exemples de ce type.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Vous savez que l'administration fiscale est très attachée à la distinction entre la bonne foi et la mauvaise foi, étant précisé que c'est l'administration fiscale qui doit prouver la mauvaise foi. Dans les cas où la bonne foi est avérée, il est possible d'obtenir, au cas par cas, un échéancier de paiements, et les dossiers sont examinés, sinon avec mansuétude,...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Avec compréhension !

M. Michel Bouvard.

Pas toujours !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... car l'administration fiscale fait son métier, du moins cas par cas. J'espère avoir rassuré le rapporteur général et, à travers lui,

M. Gérard Fuchs.

M. le président.

L'amendement no 18 est retiré.

M. Bapt et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 520, ainsi libellé :

« Après l'article 16, insérer l'article suivant :

« L'article 150 M du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Cette disposition ne s'applique pas aux plusvalues réalisées lors de la cession de terrains à bâtir ».

La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt.

Cet amendement insiste sur les problèmes de l'industrie de la construction.

J'étais ce matin à Toulouse, au congrès de la Fédération nationale des promoteurs constructeurs. Le besoin de construction en France est évident et de nombreuses dispositions du projet de loi de finances ainsi que de nombreux amendements visent à stimuler l'action du secteur du bâtiment et des travaux publics.

M. Michel Bouvard.

Il en a bien besoin !

M. Gérard Bapt.

L'un des freins à la construction, notamment dans les agglomérations, et en particulier à Toulouse, dont la population croît chaque année de 1,5 %, est la rareté des terrains, due à la rétention. Il est bien connu que, lorsque la pression immobilière s'accroît, les prix montent. Et lorsque les prix montent, certains attendent, dans une optique spéculative.

Il est paradoxal que, face à une telle situation - caractérisée par la nécessité de maîtriser le coût du foncier -, l'article 150 M du code général des impôts encourage en quelque sorte la rétention et la spéculation, en permettant un abattement annuel de 5 % sur les plus-values. En effet, plus le prix monte et plus on attend, car plus on attend et moins les plus-values sont imposées.

Voilà pourquoi je propose cette disposition, qui apportera des ressources au budget de l'Etat, à court et à moyen terme, et qui pourrait, dans l'immédiat, accroître l'offre de construction, notamment dans les zones urbaines en voie de densification.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Cet amendement avait été retiré en commission, et nous n'avons donc pas eu l'occasion de l'examiner. M. Bapt pose un problème réel, mais, tel qu'il est rédigé, l'amendement peut poser un problème de définition.

La commission n'aurait pas exprimé un avis favorable, mais nous pouvons demander au Gouvernement de réfléchir à cette question, en concertation avec M. Bapt, afin que, d'ici à la deuxième lecture, on puisse apporter des correctifs à la rédaction.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

L'intention de M. Bapt est très louable puisqu'il entend lutter contre la spéculation sur les terrains à bâtir. Toutefois, je ne suis pas tout à fait sûr que le dispositif qu'il propose, c'est-àdire la suppression de l'abattement, soit le meilleur moyen pour terrasser la spéculation.

Comme l'a suggéré très courtoisement le rapporteur général, je suis tout à fait prêt à réfléchir avec vou s afin de définir les moyens fiscaux les mieux appropriés pour


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atteindre l'objectif, c'est-à-dire frapper les enrichissements sans cause, qui sont bien la caractéristique de la spéculation.

Compte tenu de l'engagement que je viens de prendre, monsieur Bapt, il me semble que vous pourriez retirer votre amendement.

M. le président.

La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt.

M. le secrétaire d'Etat a reconnu que le problème était réel et il a fait une ouverture très louable. La rédaction que je propose est peut-être insuffisante mais, en liaison avec M. le rapporteur général du budget, sur la vigilance duquel je compte, je suis prêt à reparler rapidement de ce problème avec vous, monsieur le secrétaire d'Etat.

Je retire par conséquent l'amendement.

M. le président.

L'amendement no 520 est retiré.

Article 17

M. le président.

« Art. 17. - I.

Le c de l'article 947 et les articles 948 et 951 bis du code général des impôts sont abrogés à compter du 1er septembre 1998.

« II. - L'article 967 du code général des impôts est abrogé à compter du 1er septembre 1998. »

Je mets aux voix l'article no

17. (L'article 17 est adopté.)

Article 18

M. le président.

« Art. 18. I. A compter du 11 janvier 1999, le tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers prévue au tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes est ainsi modifié : DÉSIGNATION des produits

INDICE d'identification UNITÉ de perception QUOTITÉ (en francs) Goudrons de houille

...............

1 100 kg net 7,99 Essences d'aviation

.................

10 Hectolitre 211,19 Supercarburant sans plomb

11 Hectolitre 384,62 Supercarburant plombé

.........

11 bis Hectolitre 415,60 Essence normale

......................

12 Hectolitre 398,86 C arburéacteurs sous condition d'emploi

.........................

13 et 17 Hectolitre 14,69 Fioul domestique

.....................

20 Hectolitre 51,47 Gazole

..........................................

22 Hectolitre 248,18 Fioul lourd haute teneur en soufre

.......................................

28 100 kg net 15,15 Fioul lourd basse teneur en soufre

.......................................

28 bis 100 kg net 10,96 Mélange spécial de butane et de propane destiné à être u tilisé comme carburant, sous condition d'emploi

....

33 bis 100 kg net 25,86 Mélange spécial de butane et de propane destiné à être u tilisé comme carburant, autre

.........................................

34 100 kg net 70,00 G az naturel comprimé d estiné à être utilisé comme carburant

.................

36 100 m 3 60,00

« II. - A compter du 11 janvier 1999, le taux de la taxe prévue à l'article 266 quinquies du même code est fixé à 7,37 francs par 1 000 kilowattheures.

« III. - A compter du 11 janvier 1999, l'article 266 ter du même code est abrogé.

« IV. - Il est inséré dans le code des douanes un article 265 septies ainsi rédigé :

« Les entreprises propriétaires ou, en leur lieu et place, les entreprises titulaires des contrats cités à l'article 284 bis A du code des douanes :

« a) De véhicules routiers à moteur destinés au transport de marchandises et dont le poids total autorisé en charge est égal ou supérieur à 12 tonnes ;

« b) De véhicules tracteurs routiers dont le poids total roulant est égal ou supérieur à 12 tonnes, peuvent obtenir, sur demande de leur part, un remboursement de la taxe intérieure de consommation sur le gazole.

« Pour la période du 11 janvier 1999 au 10 janvier 2000, ce remboursement est égal à la différence entre la taxe intérieure de consommation sur le gazole exigible au cours de l'année et celle calculée au taux de 244,64 francs par hectolitre.

« Pour les périodes ultérieures, la somme de 244,64 francs est augmentée d'une somme égale au produit de la taxe concernant le supercarburant sans plomb par la variation des prix à la consommation, laquelle s'apprécie pour chaque année de manière cumulée par rapport à l'indice de 1998.

« Le remboursement est plafonné à 40 000 litres de gazole par an et par véhicule. Il est accordé aux entreprises établies dans l'Union européenne qui sont en mesure de justifier qu'elles ont acquis du gazole en France au cours de la période couverte par le remboursement et que ce gazole a été utilisé comme carburant dans des véhicules ci-dessus définis et immatriculés dans l'un des Etats membres.

« La période couverte par le remboursement s'entend de la période comprise entre le 11 janvier d'une année et le 10 janvier de l'année suivante.

« Les entreprises concernées peuvent adresser leur demande de remboursement au service des douanes à partir du 12 janvier de l'année suivant la période au titre de laquelle le remboursement est sollicité.

« Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret.

« V. - Le dispositif prévu au IV s'applique aux acquisitions de gazole effectuées à compter du 11 janvier 1999. »

La parole est à M. Michel Bouvard, inscrit sur l'article

18.

M. Michel Bouvard.

La modification des tarifs de la TIPP et du gaz naturel pour 1999 est censée marquer l'an I de la fiscalité écologique...

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Bravo !

M. Yves Cochet.

Très bien !

M. Michel Bouvard.

... en procédant au relèvement du prix du seul gazole. Néanmoins, cette mesure, pour juste qu'elle puisse paraître - et elle l'est à bien des titres - au regard des enjeux écologiques, en ce qui concerne notamment la qualité de l'air, préoccupation légitime de nos concitoyens, pose tout de même quelques problèmes.

L'incidence négative de cette mesure pour le transport routier a été évitée en grande partie avec la mise en oeuvre d'un remboursement de TIPP au bénéfice des transporteurs routiers. Au moment où la profession doit faire face à la fois au financement des mesures sociales, pour améliorer les conditions de travail des conducteurs, et à l'ouverture à la concurrence européenne, avec le


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cabotage depuis cet été, une telle disposition était indispensable pour préserver l'emploi et la compétitivité de nos entreprises.

Néanmoins, cette reconnaissance d'un carburant professionnel pour les véhicules de plus de douze tonnes, qui représentent la grande majorité des véhicules exploités par les entreprises, ne règle pas l'ensemble du problème.

M. Yves Cochet.

Ce sont plutôt les salariés qui sont exploités !

M. Michel Bouvard.

Monsieur Cochet, un peu de respect pour la profession ! Il y a longtemps que les patrons n'exploitent plus systématiquement les salariés ! (Exclamations sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Ce sont de vieilles rengaines !

M. Christian Cuvilliez.

Comme vous y allez !

M. Michel Bouvard.

Si le dispositif encadre la hausse progressive du gazole, le plafond de 40 000 litres qui a été institué me semble trop limité. Le plus simple aurait été un remboursement strictement proportionnel à la consommation, mais cette disposition n'a pas été retenue par le Gouvernement, ce que je peux comprendre. Je ne remets pas en cause ce choix, mais le groupe RPR soutiendra dans quelques instants un amendement visant à relever le plafond à 50 000 litres.

En effet, 40 000 litres correspondent aujourd'hui à la consommation moyenne d'un quarante tonnes parcourant 120 000 kilomètres par an, pour une consommation de l'ordre de 37 litres aux cent.

L'évolution de l'organisation de la conduite, avec la mise en place des doubles équipages, des doubles postes, des relais - évolution nécessaire à l'amélioration des conditions de travail dans le transport routier, notamment du temps de travail -, impose d'accroître le temps d'utilisation des véhicules. Le plafond de 50 000 litres que nous proposons est d'ailleurs celui retenu par les Pays-Bas, dont la flotte routière est souvent prise comme référence. Ce plafond nouveau permettrait ainsi de porter à 160 000, voire à 170 000 kilomètres par an l'utilisation d'un véhicule.

Si la hausse du gazole trouve une solution pour le transport routier, elle pose un véritable problème au transport urbain de province.

En effet, rien n'a été prévu pour les réseaux de transport de voyageurs. Le coût de la disposition qui figure dans votre loi de finances s'élèvera, pour les réseaux de transport de province - je connais bien le dossier, puisque je suis administrateur de l'une de ces sociétés - à 45 millions de francs en 1999, amputant d'autant la capacité d'investissement des réseaux, alors même que les villes de province sont souvent également sujettes à des problèmes de pollution de l'air, notamment les plus grandes, et que le développement des transports collectifs y constitue donc une priorité.

La proposition formulée par le GART, qui regroupe l'ensemble des réseaux, d'affecter cette recette supplémentaire au financement des transports publics, n'a pas été retenue par le Gouvernement.

Certains pourront s'étonner, en m'écoutant, que je n'évoque que les réseaux de transport de province. Aussi je rappelle, mes chers collègues, que seuls ces réseaux seront pénalisés par cette mesure puisque, s'agissant de la RATP, qui gère la quasi-totalité du réseau de surface d'Ile-de-France, la hausse du prix du gazole n'aura pas d'effet, sauf celui d'accroître les dotations d'équilibre de l'Etat aux transports d'Ile-de-France.

Il est singulier de constater que les réseaux de province, qui ont la plus forte capacité d'innovation en matière de transports de surface depuis dix ans, car ils ont introduit les bus électriques, les bus au gaz naturel, au méthane ou à l'aquazole, seront pénalisés, alors que la RATP, dont le moins que l'on puisse dire est que sa flotte d'autobus n'a pas été marquée par une capacité d'innovation équivalente, sera épargnée.

Je rappelle que la participation de l'Etat au déficit des transports parisiens, au titre du financement des transports collectifs parisiens, est prévue, dans le budget, au titre IV, et atteint plus de 50 millions de francs cette année : 125 millions de francs de plus pour la RATP, 75 millions de moins pour la SNCF, soit, à 10 % près, la somme supplémentaire qui va être prélevée sur les transports de province ; je rappelle aussi que la dotation totale des transports parisiens s'établira cette année à 5 620 millions de francs dans le titre IV.

Compte tenu de cette disproportion de traitement, jes ouhaite que le Gouvernement propose, d'ici à la deuxième lecture de la loi de finances ou à l'occasion de la discussion du budget des transports, d'ouvrir les contrats de modernisation à l'acquisition de matériels propres et de doter ces contrats de modernisation d'une somme équivalente au prélèvement qui va être effectué, au travers de la hausse de la TIPP sur le gazole, sur les réseaux de transports urbains de province. Ce serait le moyen d'aider les réseaux dans le renouvellement de leur parc, qui est le principal problème auquel ils sont confrontés aujourd'hui, de permettre le développement progressif d'une filière industrielle dans ce secteur, avec des autobus propres, car notre pays a souvent été en retard en ce domaine.

Par ailleurs, afin d'encourager les nouveaux modes de propulsion dans le parc des véhicules de transport, je présenterai, après l'article 18, un amendement tendant à instaurer une détaxation de la part eau sur l'aquazole.

M. Lucien Degauchy.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Maurice AdevahPoeuf.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

L'article consacré à la TIPP est souvent qualifié d'article rituel. Mais, cette année, on sort largement du rituel car, pour une fois, cet article n'est pas l'une des rares variables d'ajustement des recettes de l'Etat, exprime une volonté et la traduit concrètement dans le dispositif qui nous est proposé.

D'abord, et je ferai en sorte que cela dure, nous allons, en étalant sur sept ans la modification de la fiscalité sur le gazole, donner aux constructeurs automobiles, aux pétroliers et aux consommateurs un minimum de visibilité à moyen terme, ce qui n'a jamais été le cas jusqu'à présent. Or cela est très important car une famille qui achète un véhicule ne l'achète pas pour un an et, si l'on bouleverse les règles de la TIPP chaque année, il est clair que ses choix peuvent s'en trouver modifiés. Imaginez les effets sur les constructeurs automobiles, dont les investissements sont considérables, ou sur l'industrie pétrolière dont je rappelle au passage qu'elle est actuellement obligée d'importer du gazole et d'exporter du super sans plomb à la suite des conseils plus ou moins judicieux qui lui avait été donnés. Je ne rappellerai d'ailleurs pas par qui, puisque c'était par tout le monde. (Sourires.)

La visibilité est donc un élément très important.

L'article 18 présente aussi l'avantage d'introduire une plus grande neutralité dans la fiscalité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

Nous sommes ici, sur tous les bancs de l'Assemblée, un assez grand nombre à avoir affirmé que la spécificité française des constructeurs et du marché français était liée à une fiscalité qui n'était pas neutre : depuis des années, et chacun doit se souvenir des pourquoi et des comment des choses, le carburant gazole a été délibérément privilégié par rapport au carburant plombé d'abord, et au carburant non plombé ensuite. Cette situation a abouti dans notre pays à des taux de diésélisation du parc automobile atteignant, en 1995, près de 50 %, cas unique dans le monde ! Nos constructeurs ont pris une avance très importante dans les diesels, et particulièrement dans la technologie des petits diesels. Cette avance, ils peuvent la garder, mais il convient que la neutralité fiscale soit plus grande. Nous proposons donc, non pas une harmonisation, mais un rapprochement : il s'agit de faire en sorte que, d'ici à sept ans, le différentiel entre le super et le gazole soit ramenée à la moyenne des différentiels existant dans les pays de l'Union européenne entre le gazole et les carburants non plombés.

Je me dois de rappeler au passage le travail très important réalisé par notre collègue Fuchs au sein de la mission automobile, comme celui, non moins important, de Mme Bricq, qui a rédigé un rapport sur la fiscalité écologique.

Pourquoi avoir choisi le délai de sept ans pour passer d'à peu près 1,43 de différentiel en 1998 à un peu moins de un franc ? Je ferai la réponse suivante : pourquoi pas ? Il s'agit d'un compromis entre ceux qui souhaitaient supprimer complètement le différentiel et ceux qui souhaitaient le maintenir. Il faudra que les uns et les autres l'assument. Pour ma part, je l'assumerai.

En deuxième lieu, l'augmentation de la fiscalité sur le gazole a évidemment des incidences sur les comptes de charges des entreprises de transport, qui n'ont pas - cela vaut en tout cas pour le transport routier et le transport interurbain - de solution alternative au moteur diesel ni donc au carburant gazole.

M. Michel Bouvard.

Exact !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Chacun était conscient du problème. Le Gouvernement nous a entendus comme il a entendu les transporteurs, qu'à certaines périodes on entend assez fort, à juste titre d'ailleurs. Sans doute, tout le patronat n'exploite-t-il pas toujours le salariat...

M. Michel Bouvard.

Cela arrive parfois !

M. Yves Cochet.

Mais dans le transport routier...

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Il est vai que, pour ce qui concerne le transport routier, on peut s'interroger. Quoi qu'il en soit, il s'agit là d'une discussion qui pourrait se poursuivre en un autre lieu.

L'article 18 instaure un système de remboursement pour les professionnels de ce secteur. Afin de régler un problème, nous allons créer une usine à gaz car il sera très compliqué de gérer la mesure.

Tout cela est évidemment acceptable, mais à deux réserves près.

D'abord, le choix de plafonner le remboursement à 40 000 litres de gazole par an et par véhicule n'est pas si mal. Certes, monsieur Bouvard, c'est moins bien que 50 000 litres, mais c'est mieux que zéro !

M. Michel Bouvard.

C'est sûr !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Le chiffre de 50 000 litres correspond à la consommation moyenne d'un ensemble routier sur l'année. On peut toujours discuter, mais si on le fait, ce sera à la marge.

Un tel système présente un gros inconvénient quant à sa gestion, ainsi que je l'ai déjà dit. Mais il est acceptable et nous l'accepterons sous réserve qu'il soit transitoire et que nous en venions très vite à un carburant « dédié », ou de type professionnel.

M. Yves Cochet.

Ah non !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Qu'on ne nous oppose pas les mises à niveau techniques de la distribution de carburant. En effet, je rappelle que le plombé va être interdit et qu'en conséquence nous disposerons des cuves et des distributeurs nécessaires.

La période transitoire devra être la plus courte possible, faute de quoi des problèmes de gestion, je le répète, se poseront. Ils ne seront certainement pas insurmontables, mais ils n'iront pas dans le sens de la simplification.

Ensuite, il faut penser aux grands oubliés.

M. Bouvard a attiré notre attention sur le fait que l'ensemble du transport public de voyageurs, qu'il soit urbain ou interurbain, était laissé de côté.

M. Michel Bouvard.

Exact ! Comme les transports scolaires !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Notre collègue n'a pas manqué de faire remarquer que la région parisienne échappait complètement à la contrainte nouvelle proposée aux autres régions, dans la mesure où elle bénéficie d'un droit de tirage à guichets ouverts sur le budget de l'Etat.

M. Michel Bouvard.

Et Dieu sait si cela marche !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Les chiffres sont troublants : le coût pour le réseau urbain de transport public parisien, compensé par le budget de l'Etat, équivaut à peu près à ce que le budget de l'Etat va en retirer au détriment des réseaux de province. Je ne dirai pas que c'est scandaleux - je n'irai pas aussi loin. Mais ce n'est pas normal. Il devra être remédié à cette situation à bref délai, faute de quoi nous introduirons une distorsion qui ne sera pas acceptable et qui ne sera d'ailleurs pas acceptée.

J'en arrive à ma troisième et dernière remarque...

M. le président.

Pouvez-vous conclure, mon cher collègue ?

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Je vais conclure, monsieur le président, ce qui me permettra de ne pas intervenir contre l'amendement no 285 de M. Laffineur, que j'aime bien au demeurant.

(Sourires.)

Cet amendement, qui tend à supprimer l'article 18, revient à ne rien toucher à la TIPP. C'est extraordinaire car c'est la première fois depuis vingt ans que la TIPP sur le super n'augmente pas. On pourrait le remarquer.

Ceux qui auraient voulu que l'on fasse encore mieux en baissant les taxes pour tout le monde et en ne les augmentant pour personne, se révèlent aujourd'hui plus militants qu'ils n'ont été hier vertueux !

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq.

Plutôt que de revenir sur les différents amendements à l'article 18, je ne m'exprimerai qu'une seule fois.

La proposition du Gouvernement met fin à une aberration écologique que M. Cochet a fort bien exposée en commission des finances. Mais il met aussi fin à une aberration économique résultant d'une distorsion du marché français en faveur du diesel. Cette distorsion a finalement joué contre le développement d'une diversification de notre parc automobile en couplant moteur et carburant.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

L'article 18 me paraît donc aller dans le bon sens.

Cela dit, on peut discuter du rythme d'application de la mesure. J'avais proposé qu'il soit plus rapide. Mais je comprends tout à fait que le Gouvernement, dans la recherche d'un équilibre difficile, ait fait un choix raisonné - sept ans - dans la mesure où, en France, le transport routier est fortement exposé à la concurrence.

Il n'était pas question d'avoir peur des mouvements de routiers...

M. Lucien Degauchy.

Quoique...

Mme Nicole Bricq.

Mais ce secteur est très fragile et travaille, on le sait, dans une anarchie totale.

M. Michel Bouvard.

C'est bien de le reconnaître !

Mme Nicole Bricq.

Tant que ce problème ne trouvera p as sa solution au niveau européen, nous serons contraints d'accepter des solutions de compromis. Nous devons plaider pour qu'au niveau européen on arrive à un accord.

On nous objecte souvent que nous aurions pu faire autrement, par exemple en gelant la taxe pour le gazole et en l'abaissant pour le super sans plomb. Je ne voudrais pas être cruelle, mais je rappellerai les augmentations du 12 juillet 1993, du 11 janvier 1994, du 11 janvier 1995, du 11 janvier 1996 et de janvier 1997...

M. Michel Bouvard.

De 1993 ?

Mme Nicole Bricq.

J'ai bien dit : 12 juillet 1993, après les élections législatives du mois de mars, que je n'oublie pas ! (Sourires.)

Je voulais dire qu'à chaque fois l'ancienne majorité avait augmenté très fortement les prix en accroissant la distorsion entre le super sans plomb et le gazole.

Je tiens les chiffres à votre disposition, mon cher collègue ! Si l'on devait dresser une liste précise des augmentations, je crois que vous joueriez perdant.

M. Michel Bouvard.

Soyez objective ! Faites comme M. Adevah-Poeuf !

Mme Nicole Bricq.

J'ajoute, mais cela ne vous a sans doute pas échappé, monsieur Bouvard, que, du fait de la baisse du brut pétrolier, laquelle pose un certain nombre de problèmes par ailleurs, les prix à la pompe n'arrêtent pas de diminuer. Sur un an, on en est à 6 % de baisse.

Cette faiblesse des prix des produits pétroliers explique une certaine sagesse des prix à la consommation, qui n'auront augmenté en septembre que de 0,1 % et de 0,6 % en un an. Cet élement est important car il entre pour beaucoup dans le calcul de l'indice des prix.

Enfin, je voudrais évoquer le cas des ménages modestes qui ont choisi le diesel pour des raisons économiques et financières qu'on comprend bien. Il est évident que le Gouvernement en a tenu compte dans la solution de compromis qu'il nous propose.

Nous défendrons cependant des amendements qui tendront à développer des solutions alternatives qui soient propres et moins chères.

Vous avez plaidé pour les transports en commun. Avec l'amendement après l'article 18 relatif à l'aquazole, que je défendrai, vous aurez en partie gain de cause. Il est essentiel de s'engager dans la voie d'une diversification des carburants, car l'une des principales sources de pollution des villes est la voiture. Il convient de favoriser les carburants qui polluent le moins et qui peuvent être, par le biais de mesures fiscales, aussi avantageux que le diesel.

La logique qui nous est proposée aujourd'hui est une logique d'avenir.

Il ne s'agit pas d'opposer moteurs et carburants. Chacun a ses vertus. Mais on ne peut que déplorer que notre parc soit déséquilibré et que, par rapport à d'autres pays européens, comme l'Italie, nous ayons beaucoup de progrès à faire, notamment dans le sens d'une harmonisation des politiques européennes concernant, d'une part, l'industrie automobile et, d'autre part, l'industrie des carburants.

Je suis persuadée que nous nous engageons sur le bon chemin.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

Mme Nicole Bricq.

Nous pourrons donc avoir une discussion assez sereine sur tous ces sujets. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Si certains pensent que nous en sommes à l'an I de la fiscalité écologique, on peut espérer qu'il y aura un an II, un an III, un an IV et ainsi de suite. (Assentiment sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous discutons en ce moment de la TIPP. J'espère que, dans quelques heures, nous pourrons examiner dans les mêmes conditions les dispositions concernant le traitement des déchets et d'autres encore qui concernent l'écologie biophysique.

Toutes les réformes que le Gouvernement et la majorité plurielle essaient d'engager sont fondées sur deux principes.

Le premier est un principe que l'on peut qualifier d'« écologique », de santé publique : il faut appliquer la règle du « pollueur-payeur », dont nous reparlerons à propos de la TIPP sur le gazole, être relativement neutre pour des carburants intermédiaires, tels que l'essence sans plomb, mais, au contraire, encourager la vertu en diminuant la TIPP sur le GPL et le GNV.

L'autre principe, plus général, traduit une évolution à long terme de notre fiscalité. On a vu, depuis plusieurs années, que la fiscalité pesait trop sur le travail, tant pour les patrons que pour les salariés. L'assiette de ladite fiscalité doit évoluer, d'une part, vers la valeur ajoutée et, d'autre part, vers ce qu'on peut appeler l'utilisation des ressources naturelles non renouvelables. Ce sont celles-ci qu'il faut essayer de prendre en compte, à la fois dans le souci de ne pas les épuiser prématurément et dans celui de ne pas accroître les pollutions.

J'évoquerai dès à présent deux enquêtes, l'une objective et l'autre subjective. Cela m'évitera d'y revenir lors de la discussion des amendements.

La première de ces enquêtes a été publiée dans un grand journal du matin, dont chacun reconnaîtra la typographie caractéristique. (M. Yves Cochet montre une page de ce journal à l'Assemblée.)

Selon ce journal, que je cite, « la pollution coûte 50 milliards à la France ». Autrement dit, quand nous discutons de la TIPP et des transports, nous discutons aussi d'un problème de santé publique, comme je n'ai cessé de le répéter depuis hier soir.

Pourquoi la pollution coûte-t-elle 50 milliards ? A cet égard, deux études ont été récemment conduites. J'évoquerai d'abord celle qu'a réalisée l'INERIS, l'Institut national de l'environnement et des risques industriels, à la demande de la Commission européenne. Il s'est agi d'évaluer ce que coûte à la société non pas seulement le système de protection sociale, mais aussi l'utilisation des


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diverses formes d'énergie, tout en sachant que la plupart de celles-ci ont des effets néfastes pour l'environnement et la santé.

Il ressort que la pollution de l'air coûte à notre pays 31 milliards de francs : 6 milliards pour les décès et 25 milliards pour les soins aux malades et l'absentéisme, ce qui représente un manque à gagner pour les entreprises.

Si l'on ajoute les dégâts sur la couche d'ozone stratosphérique, ceux sur la formation de l'ozone atmosphérique, ceux sur l'agriculture et l'impact sur les monuments publics, on atteint la somme de 50 milliards de francs.

Voilà ce à quoi conclut l'enquête que je qualifie d'objective.

Un grand hebdomadaire, dont vous reconnaissez également la typographie caractéristique (M. Yves Cochet montre une page de cette publication à l'Assemblée), a publié les résultats d'une enquête que je qualifie de subjective.

M. Michel Bouvard.

Vous devriez vous tourner davantage vers nous, monsieur Cochet ! Ce qui est écrit dans cet hebdomadaire nous intéresse aussi.

M. Yves Cochet.

Il ne fait sans doute pas partie de ceux que vous lisez le plus souvent, monsieur Bouvard...

M. Michel Bouvard.

Mais si !

M. Yves Cochet.

... car il n'est pas de votre camp.

(Sourires.) Mais je vois que vous êtes évidemment quelqu'un qui a une grande ouverture d'esprit et qui lit donc les grands hebdomadaires français.

L'hebdomadaire en question, que vous avez tous reconnu - il s'agit du Nouvel Observateur - rend compte, sous le titre « Les Français contre l'automobile », d'un sondage réalisé par la SOFRES.

A la question « A chacune des mesures suivantes qui pourraient être prises pour lutter contre la pollution de l'air seriez-vous favorable ou défavorable ? », il était proposé plusieurs réponses.

Pour ce qui concerne la première réponse - « développer fortement les transports en commun, leur fréquence et leur confort » -,...

M. Michel Bouvard.

Et leur sécurité !

M. Yves Cochet.

... on lit les résultats suivants : favorables : 96 % ; défavorables : 3 % ; sans opinion : 1 %.

S'agissant de la deuxième réponse - « réduire l'espace réservé à la circulation automobile au profit des transports collectifs, des vélos et des rues piétonnes » -, on obtient ces résultats : favorables : 90 % ; défavorables : 9 % ; sans opinion : 1 %.

Quant à la troisième réponse - « mettre le gazole au même prix que l'essence sans plomb » -, on lit : favorables : 50 % ; défavorables : 42 %.

Comme nous discuterons tout à l'heure du rapprochement de notre différentiel avec la moyenne européenne, je reviendrai sur le sujet.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je ne répondrai pas longuement aux quatre orateurs qui ont montré, chacun avec sa personnalité et ses convictions, que nous sommes vraiment à l'an I de la fiscalité écologique, puisqu'il s'agit du premier article d'un projet de loi de finances qui y soit consacré. J'indique simplement que le Gouvernement est attaché à cette orientation. C'est avec la fiscalité du patrimoine et la fiscalité locale, l'un des trois grands sujets de la réforme fiscale qu'il a entreprise. Il montrera d'ailleurs, lors de l'examen des amendements, qu'il est prêt à aller plus loin sur certains aspects.

M. le président.

MM. Laffineur, Dominati et Gantier ont présenté un amendement, no 285, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 18. »

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Nous sommes vendredi, il est bient ôt dix-huit heures et nous abordons l'examen de l'article 18. Avant l'article d'équilibre, il en reste encore vingt-cinq, sur lesquels ont été déposés 200 amendements. Il faut donc maintenant être bref. C'est pourquoi, si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai ensemble les amendements nos 285 et 292 corrigé que j'ai présentés avec M. Laurent Dominati.

N otre philosophie est extrêmement simple : nous sommes favorables à une élévation légère de la taxation du gazole pour des raisons liées à l'environnement, mais nous pensons que l'Etat ne doit pas en profiter pour faire une affaire. Il faudrait procéder à charge fiscale constante et diminuer d'autant la fiscalité sur les autres carburants.

Tout d'abord sur le supercarburant qui est quand même moins polluant que le gazole, et aussi sur les carburants propres : GPL, gaz naturel liquéfié, etc.

Telle est l'économie de ces amendements. Je ne les défendrai pas davantage, pour gagner du temps.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission a rejeté ces amendements, tout simplement parce que l'article 18 lui paraît équilibré. Il prend en compte la dimension environnementale de la TIPP. Il engage un processus sur sept ans de réduction de l'écart de taxation entre le gazole et le supercarburant sans plomb. Il s'inscrit enfin, et c'est très important, dans un cadre général de modération de la pression fiscale : le gazole augmente de 7 centimes, ce qui est modéré, et le supercarburant sans plomb est gelé, ce qui est sans précédent. Le coût de cette non-indexation dépasse 500 millions de francs et avoisine même le milliard. Nous proposons par ailleurs de baisser la TIPP sur le GPL-GNV.

En réponse à Michel Bouvard, j'indique que cet article comprendra aussi des mesures en faveur des bus urbains, avec des amendements concernant l'« aquazole » ou prévoyant une baisse de la taxe sur le GPL-GNV et une hausse des quotas défiscalisés de GPL-GNV. En outre, nous sommes convenus de travailler à d'autres propositions pour la seconde partie. Les dispositions présentées par le Gouvernement, complétées par ces différents amendements, sont parfaitement équilibrées.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

J'appelle aussi au rejet de cet amendement, en m'appuyant, monsieur Gantier, sur une comparaison : en 1995, le gazole a été augmenté de 3,6 centimes et le sans-plomb de 27,7 centimes.

Cette année-là, vous le voyez, a été caractérisée par une hausse de la fiscalité sur les carburants non seulement très forte, mais de surcroît déséquilibrée, puisque le sansplomb a augmenté de 24 centimes de plus que le gazole.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

C'était l'année Calvet.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Le dispositif que propose le Gouvernement pour 1999 est, lui, équilibré, et je crois qu'il faut en rester là.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne savez pas quel a été mon vote en 1995. Je n'ai peutêtre pas voté ces dispositions. Je n'admets pas en bloc tout ce qui a été fait par l'ancienne majorité.

Quant aux anciens gouvernements socialistes, on peut leur attribuer quelques perles remarquables, notamment une augmentation très forte des carburants qui avait été différée, puis appliquée immédiatement après les élections municipales. Des turpitudes, on peut en trouver de tous côtés.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 285.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements, nos 169, 410 et 292 corrigé, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 169, présenté par MM. Cochet, Aschieri, Mme Aubert, MM. Hascoët, Marchand et Mamère, est ainsi rédigé :

« I. Avant le I de l'article 18, insérer le paragraphe I. A. suivant :

« I. A. Après le I de l'article 265 du code des douanes, il est inséré un 1 bis ainsi rédigé :

« 1 bis.

Le différentiel entre le taux de la taxe intérieure de consommation applicable au supercarburant sans plomb et celui applicable au gazole est réduit par une augmentation de 75 francs par hectolitre du taux applicable au gazole sur une période de cinq années et par fractions égales à compter du 1er janvier 1999. »

« II. En conséquence, dans la dernière colonne de la neuvième ligne du tableau du I de l'article 18, substituer au taux : "248,18", le taux : "255,79". »

L'amendement no 410 présenté par M. de Courson et Mme Idrac est ainsi libellé :

« I. - Rédiger ainsi la quatrième ligne et la neuvième ligne du tableau du I de l'article 18 : DÉSIGNATION des produits

INDICE d'indentification UNITÉ de perception QUOTITÉ (en francs) S upercarburant sans plomb

.........................

11 hectolitre 377,23 Gazole

...........................

22 hectolitre 240,79

« II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 292 corrigé, présenté par M. Dominati et M. Gantier, est ainsi libellé :

« I. - Rédiger ainsi les quatrième et neuvième lignes du tableau du I de l'article 18 : Supercarburant sans plomb

........

hectolitre 376,00 Gazole

..................................................

hectolitre 248,18

« II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l'amendement no 169.

M. Yves Cochet.

Je serai bref puisque beaucoup a déjà été dit dans la discussion de cet article. Je veux simplement accueillir M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui vient de nous rejoindre, et le féliciter de son courage pour avoir proposé à l'article 18, pour la première fois depuis vingt ans, de ne pas augmenter la TIPP sur le supercarburant sans plomb. Vous me direz que le sans-plomb n'existait pas il y a vingt ans, mais enfin on augmentait toujours la TIPP sur le super et l'essence. (Sourires.)

Pour les autres types de carburants, je ne reprendrai pas les arguments résumés dans l'exposé sommaire. Nous suggérons d'aller légèrement plus vite que le Gouvernement. Il propose d'augmenter de 7 centimes par an pendant sept ans la TIPP sur le gazole, pour rattraper la moyenne du différentiel européen et pour donner un signe. Nous jugeons que ce signe n'est pas assez fort.

Pourquoi proposons-nous 15 centimes par an pendant cinq ans ? Je ne suis pas un adepte de la philosophie du toujours plus vite, plus fort, plus loin. Mais il apparaît que ce relèvement entraînerait une augmentation des coûts des transporteurs routiers assez faible, bien moins de 1 %. De plus, on sait qu'un poids lourd de 40 tonnes fait 120 000 kilomètres par an et qu'il a donc une durée d'utilisation bien inférieure à sept ans. De même, les particuliers propriétaires de voitures diesel les renouvellent bien avant ce délai. Si l'on maintient les sept ans, cela laissera aux transporteurs ou aux particuliers le temps de racheter deux fois un véhicule neuf diesel.

En revanche, si on porte l'augmentation annuelle à 15 centimes au lieu de 7 et si on la réalise sur cinq ans au lieu de sept, il n'y aura qu'un renouvellement : les transporteurs pourront racheter un seul camion diesel et les ménages une seule voiture diesel.

Mes convictions écolos me porteraient à demander que ce véhicule-là donne déjà lieu à un investissement dans le GPL ou le GNV. C'est d'ailleurs ce je souhaite. Mais compte tenu de l'état du parc automobile et du fait que ce sont souvent les ménages les plus modestes qui achètent des voitures diesel, je suis pour un compromis : j'accepte que le véhicule diesel soit renouvelé une fois mais pas deux. Voilà pourquoi je propose 15 centimes d'augmentation par an pendant cinq ans.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Hériaud, pour soutenir l'amendement no 410.

M. Pierre Hériaud.

Tout le monde s'accorde à reconnaître que nous allons entrer dans l'an I de la fiscalité écologique. A chaque année nouvelle, on fait des cadeaux ; là, ce n'est pas forcément le cas puisque le barème de 1999 prévoit des augmentations. Tout à l'heure, Mme Bricq a rappelé qu'il y avait eu une baisse de 6 p. 100 par an du prix des carburants, mais elle est plus le fait de la baisse des matières premières que de celle de la fiscalité. Ainsi, M. le secrétaire d'Etat a souligné qu'en 1995 la fiscalité du super sans plomb avait augmenté de 24 centimes de plus que celle du gazole.

L'amendement présenté par Mme Idrac et M. de Cour-s on va justement dans le sens d'une rectification.

L'article 18 tend à ramener l'écart existant entre le super sans plomb et le gazole de 1,43 franc à 1,36 franc par litre en gelant le prix du sans-plomb et en augmentant celui du gazole. Il est proposé, tout en maintenant l'écart à 1,36 franc de geler plutôt le prix du gazole et de baisser celui du sans-plomb d'un même montant : sept centimes.


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M. le président.

L'amendement no 292 corrigé a été, je pense, défendu par anticipation.

M. Gilbert Gantier.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Entre les confessions de Philippe Auberger ce matin et les actes de repentance de Mme Idrac, les remords n'ont pas manqué. Je précise d'ailleurs dans mon rapport que les augmentations importantes de la TIPP ont toutes été le fait des gouvernements de MM. Balladur et Juppé.

J'ai entendu les fortes convictions d'Yves Cochet, et il a eu raison de les exprimer, mais je crois aussi que l'article 18 est le résultat d'un compromis entre plusieurs points de vue. Il a fait l'objet d'un arbitrage, ses dispositions me paraissent raisonnables et la commission n'a pas souhaité revenir sur l'équilibre qu'il établit. Je suis donc au regret d'exprimer un avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au budget. J'ai la faiblesse de préférer la proposition du Gouvernement, qui a été très bien argumentée, notamment par Mme Bricq et M. le rapporteur général. Je demande donc le rejet de ces trois amendements.

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

L'idée exposée par M. Cochet peut paraître séduisante, mais, au-delà des arbitrages rendus, dans le choix du rythme auquel doivent obéir les harmonisations et les adaptations de la TIPP, il nous faut avoir présente à l'esprit la nécessité de laisser aux industries de l'automobile et du raffinage le temps d'adapter l eurs chaînes de production et leurs équipements.

Comme l'a souligné M. Adevah-Poeuf, ce sont des investissements considérables dont la durée d'amortissement est très supérieure à celle des camions et des voitures, compte tenu des capitaux investis.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 169.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 410.

(L'amendement n'est pas adopté).

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 292 corrigé.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Migaud, rapporteur général, et M. Cochet ont présenté un amendement, no 19, ainsi rédigé :

« I. - Dans la dernière colonne de l'avant-dernière ligne du tableau du I de l'article 18, substituer au taux : "70,00" le taux : "65,71".

« II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes, est compensée par la majoration à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Je laisse à

M. Cochet le soin de défendre cet amendement.

M. le président.

Je vous en prie, monsieur Cochet.

M. Yves Cochet.

Dans la ligne de la philosophie générale de cette fiscalité écologique, nous proposons de baisser légèrement, en la ramenant au plancher européen, la TIPP sur le GPL, à l'amendement no 19, et sur le GNV, à l'amendement no

20.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Avis favorable à ces deux amendements qui abaissent les taux applicables au GPL et au GNV au minimum communautaire.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ce sont là deux très bonnes mesures qui nous permettent d'atteindre le minimum communautaire sur le GPL et le GNV. Une fois que nous aurons fait ce pas, nous ne pourrons plus en faire d'autres, mais c'est le seul regret que l'on puisse avoir.

Le Gouvernement lève bien entendu le gage des amendements nos 19 et 20.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 19, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi rectifié, est adopté.)

M. le président.

L'amendement no 20, également présenté par M. Migaud, rapporteur général, et M. Cochet, est ainsi rédigé :

« I. - Dans la dernière colonne de la dernière ligne du tableau du I de l'article 18, substituer au taux : "60,00" le taux : "55,00" ».

« II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes est compensée par la majoration à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Je mets aux voix l'amendement no 20, compte tenu également de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi rectifié, est adopté.)

M. le président.

M. Adevah-Poeuf a présenté un amendement, no 162, ainsi libellé :

« I. Après le I de l'article 18, insérer le paragraphe suivant :

« I bis. - Avant le dernier alinéa de l'article 265 sexies du code des douanes, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« A compter du 1er janvier 1999, la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel véhicules et la taxe intérieure sur les produits pétroliers pour le gaz de pétrole liquéfié carburant sont remboursés aux exploitants de transport public en commun de voyageurs, dans la limite de 40 000 litres par an et par véhicule.

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes pour le budget de l'Etat est compensée par l'augmentation à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Maurice Adevah-Poeuf.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

J'espère, monsieur le ministre des finances, que, pour l'examen de cet amendement, vous allez oublier une seconde que vous avez été maire d'une grande ville de la région parisienne, membre du syndicat des transports, notamment pour le réseau banlieue de la SNCF.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

M. Christian Cuvilliez.

Cela ne s'oublie pas !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Et j'espère que vous vous souviendrez qu'il existe ailleurs d'autres transports publics, en particulier des bus urbains, et que les exploitants qui les gérent n'auront aucune compensation pour l'augmentation de la TIPP sur le gazole. Ce modeste amendement no 162 vise à leur accorder un petit avantage quand ils équipent leurs bus pour le GPL ou le GNV, en les exonérant de la taxe dans la limite de 40 000 litres par an et par véhicule. La même référence a été retenue à l'article 18 pour la compensation gazole accordée aux transporteurs routiers de marchandises.

C'est une mesure très peu coûteuse. Pour Paris, elle ne coûtera rien au budget de l'Etat, car la RATP n'a aucun bus équipé.

M. Michel Bouvard.

Il y a un bus électrique à Montmartre ! (Sourires.)

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Mais, en province, ce serait une incitation forte et très appréciée.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission est très favorable à cet amendement puisqu'elle l'a adopté.

Porter à 40 000 litres par an et par véhicule le quota de GPL et de GNV défiscalisé dont disposent les exploitants de transports publics en commun de voyageurs est effectivement une mesure très peu coûteuse. Il y a aujourd'hui quelque 40 bus GPL-GNV. Si l'on table sur 300 bus en 1999, le coût budgétaire serait de 2,8 millions de francs en l'an 2000. Je pense que cet effort est parfaitement réalisable.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Oui, l'Etat devrait pouvoir s'en remettre !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Adevah-Poeuf me demande d'oublier que j'ai été maire d'une ville de la région parisienne. Ce n'est pas possible ! Vraiment pas ! (Sourires.)

Et si je devais me contenter de cet argument là, je serais conduit à demander le rejet de l'amendement.

Fort heureusement, il y a de meilleures raisons de l'accepter. Je vais donc suivre la commission et inviter, moi aussi, l'Assemblée à l'adopter.

M. le président.

En levant le gage.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Bien entendu.

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

Monsieur le ministre, je sais bien que vous n'étiez pas là quand nous avons commencé la discussion de cet article et il se trouve que M. Sautter s'est absenté pour un moment...

M. Maurice Adevah-Poeuf.

C'est normal, ils font les trois-huit ! (Sourires).

M. Michel Bouvard.

... mais je souhaiterais que le Gouvernement me réponde sur le problème du renouvellement du parc des réseaux urbains de province et au sujet de l'impact sur ces réseaux de la hausse du gazole. Peutê tre pourriez-vous consulter vos conseillers et me répondre ultérieurement.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ce que je peux vous garantir, monsieur Bouvard, c'est que vous aurez une réponse du Gouvernement ! (Sourires.)

M. Michel Bouvard.

Merci, c'est déjà ça !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 162, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi rectifié, est adopté.)

M. le président.

M. de Courson et Mme Idrac ont présenté un amendement, no 411, ainsi rédigé :

« I. - Supprimer le IV de l'article 18.

« II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Cet amendement est-il défendu ?

M. Jean-Jacques Jégou.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable.

M. le président.

Et du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Défavorable également.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 411.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Migaud, rapporteur général, a présenté un amendement, no 21, ainsi rédigé :

« Dans le quatrième alinéa (b) du IV de l'article 18, substituer aux mots : "un remboursement", les mots : "le remboursement d'une fraction". »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Amendement rédactionnel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

21. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Migaud, rapporteur général, a présenté un amendement, no 22, ainsi rédigé :

« Substituer aux cinquième et sixième alinéas du IV de l'article 18 l'alinéa suivant :

« Ce remboursement est égal à la différence entre la taxe intérieure de consommation sur le gazole exigible au cours de l'année et celle calculée sur la base d'un taux spécifique qui est fixé, pour la période du 11 janvier 1999 au 10 janvier 2000, à 244,64 francs par hectolitre. Pour les périodes ultérieures, ce taux spécifique est relevé, le 11 janvier de chaque année, du produit du dernier taux de la taxe intérieure de c onsommation appliqué au supercarburant sans plomb au cours de la période précédente par le taux prévisionnel d'évolution des prix à la consommation des ménages de l'année précédente associé au projet de loi de finances de l'année du remboursement. »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Amendement de clarification.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Pour !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

22. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Michel Bouvard a présenté un amendement, no 482, ainsi rédigé :

« I. - Dans la première phrase du septième alinéa du IV de l'article 18, substituer au nombre : "40 000", le nombre : "50 000".

« II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes est compensée, à due concurrence, par une augmentation des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

J'ai expliqué en préambule les raisons justifiant que l'on porte de 40 000 à 50 000 litres le quota de carburant professionnel donnant lieu à récupération fiscale. Les véhicules devront être utilisés plus intensivement pour amortir les améliorations sociales consenties dans le transport routier, en ce qui concerne notamment les règles de conduite et la réduction du temps de travail.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable : la c ommission estime pertinente la référence de 40 000 litres.

M. Michel Bouvard.

C'est 50 000 en Hollande !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Même avis que la commission.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 482.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 18, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 18, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 18

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 23 et 209.

L'amendement no 23 est présenté par M. Migaud, rapporteur général, Mme Bricq, les commissaires membres du groupe socialiste et M. Michel Bouvard ; l'amendement no 209 est présenté par M. Michel Bouvard...

M. Michel Bouvard.

Je le retire, monsieur le président, puisqu'il est identique à l'amendement no 23 adopté par la commission, dont je suis cosignataire.

M. le président.

L'amendement no 209 est retiré.

L'amendement no 23 est ainsi rédigé :

« Après l'article 18, insérer l'article suivant :

« I. - Le tableau B du I de l'article 265 du code des douanes est ainsi complété : CODE N.C.

DÉSIGNATION DES PRODUITS

INDICE d'identification UNITÉ TAUX (en francs) E x 3824.90.95 E mulsion d'eau dans du g azole stabilisée par des a gents tensio-actifs, dont l a teneur en eau est égaleo u supérieure à 7 % en v olume sans dépasser 2 0 % en volume : S ous condition d'emploi 5 2 h ectolitre 2 10,95 A utre, destinée à être u tilisée comme carburant 5 3 h ectolitre 2 10,95 A utre, destinée à un u sage autre que carbu-r ant ou combustible

.........

5 4 h ectolitree xemption

« II. - L'article 266 quater du code des douanes est ainsi modifié :

« 1o Le tableau est ainsi complété : CODE N.C.

DÉSIGNATION DES PRODUITS UNITÉ DE PERCEPTION Ex 3824.90 Emulsion d'eau dans du gazole stabilisée par des agents tensio-actifs, dont la teneur en eau est égale ou supérieure à 7 % en volume sans dépasser 20 % en volume : Autre, destinée à être utilisée comme carburant

...............................

hectolitre

« 2o Le dernier alinéa (b) du 2 est ainsi rédigé :

« b) Pour le gazole et l'émulsion d'eau dans du gazole, les taux de taxe intérieure de consommation applicables à ces produits. »

« II. - La perte de recettes est compensée par la majoration à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Sur cet amendement, M. Migaud a présenté un sousamendement, no 531, ainsi rédigé :

« I. - Dans la première ligne de la dernière colonne du tableau du I de l'amendement no 23, substituer au taux : "210,95", le taux : "43,75".

« II. - Compléter cet amendement par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes est compensée par la majoration à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour soutenir l'amendement no

23.

Mme Nicole Bricq.

Cet amendement vise, compte tenu de l'état actuel des technologies, à aider à la dépollution du parc ancien, notamment dans les transports publics, qu'ils soient en régie ou en délégation de service public, en exonérant de la TIPP la part eau contenue dans l'aquazole. Ce carburant est en effet une émulsion entre l'eau et le gazole qui permet de réduire de 80 % les pollutions émises par les moteurs diesel. Il paraît de bon sens de ne pas taxer l'eau comme s'il s'agissait d'un produit pétrolier.

Je préciserai simplement que, si les 20 000 bus qui circulent actuellement étaient en mesure de pouvoir bénéficier de la disposition, on arriverait à 75 millions, le coût


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

fiscal étant estimé à 50 centimes par litre. Mais on est loin du compte. Je sais que la RATP a déjà mis en circuit des bus à l'aquazole, dans le cadre de son plan 2000 et qu'elle prévoit de renouveler son parc ancien. Je rappelle que cette mesure est la moins onéreuse pour les vieux véhicules.

Pour la journée sans voiture, le 22 septembre dernier, les 25 villes les plus importantes parmi les 39 qui s'étaient associées à cette manifestation ont reçu des fûts d'aquazole gratuits pour quinze jours d'utilisation. Cette expérience a montré qu'on atteignait effectivement des niveaux de dépollution très intéressants. Une autre expérience a été menée à Londres. Elle a prouvé que, même si l'on plaçait un pot catalytique sur les bus au diesel, la dépollution était moindre qu'en ajoutant de l'aquazole.

Cette solution est donc la moins onéreuse pour les collectivités locales en attendant le renouvellement du parc.

Car le problème est là, la durée de vie d'un bus étant de plus en plus longue - douze ans aujourd'hui.

Par conséquent, j'appelle l'assemblée à voter cet amendement qui a été repris par la commission des finances.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir le sous-amendement no 531.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

L'amendement no 23 reprend une des propositions formulées par notre collègue dans son excellent rapport sur la fiscalité écologique.

L'aquazole est un mélange émulsionné d'eau, de gazole et d'additifs organiques. M. Bouvard le sait bien, il est utilisé à titre expérimental par certains réseaux de bus urbains,...

M. Michel Bouvard.

Vingt-huit bus à Chambéry !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... à Chambéry notamment. Les résultats son excellents sur le plan environnemental et ce carburant ne nécessite pas de modification des moteurs.

Donc, il est proposé d'exonérer de TIPP la part d'eau contenue dans ce carburant. Il s'agit d'ailleurs autant d'une mesure incitative que d'équité fiscale et la commission y a été sensible.

Le sous-amendement no 531 ne vise qu'à apporter une simple précision.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Même avis. Ces mesures résultent, en effet, du travail très important qui a été fait par la commission en matière de fiscalité écologique et que j'ai rappelé dans mon discours d'ouverture. Cela montre la bonne collaboration qu'il y a eu dans la préparation de ce budget. Je suis donc favorable à la mesure proposée par Mme Bricq.

M. le président.

En conséquence, vous levez le gage sur le sous-amendement et l'amendement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Oui, monsieur le président !

M. le président.

Le sous-amendement no 531 et l'amendement no 23 sont donc ainsi rectifiés.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

Je voudrais me réjouir de l'évolution de la position du ministre, qui, le 3 septembre dernier, dans une réponse à une question écrite, nous a renvoyés à une demande d'autorisation de Bruxelles pour obtenir la modification. Je constate avec plaisir que l'autorisation de Bruxelles a été obtenue. Je pense donc que l'expérimentation pourra être poursuivie.

Il ne s'agit pas seulement d'une mesure d'incitation - puisque l'aquazole entraîne aussi une surconsommation des bus de 10 %. Cela permet ainsi de neutraliser une partie du surcoût de la mesure proposée. En tout cas, compte tenu des résultats observés dans les réseaux où l'aquazole est en expérimentation, il apparaît que ce surcoût vaut largement la peine. Didier Migaud a cité le réseau de Chambéry ; nous avons aussi expérimenté les bus électriques et les bus au gaz naturel de ville ainsi qu'au GPL. Je souhaiterais, ainsi que Nicole Bricq l'a souligné tout à l'heure, que les grands réseaux, à commencer par ceux d'Ile-de-France, montrent la même capacité d'innovation que d'autres, plus petites.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 531, tel qu'il résulte de la suppression du gage.

(Le sous-amendement, ainsi rectifié, est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 23, tel qu'il résulte de la suppression du gage et modifié par le sous-amendement no 531 rectifié.

(L'amendement, ainsi rectifié et modifié, est adopté.)

M. le président.

M. Migaud, rapporteur général, Mme Bricq et les commissaires membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 24, ainsi libellé :

« Après l'article 18, insérer l'article suivant :

« I. - L'article 265 sexies du code des douanes est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« A compter du 1er janvier 1999, la limite visée au premier alinéa est fixée à 9 000 litres pour le gaz naturel véhicules et la taxe intérieure sur les produits pétroliers pour le gaz de pétrole liquéfié carburant.

« II. - La perte est compensée par la majoration à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq.

L'argument avancé par les taxis pour ne pas se mettre rapidement au GPL est qu'à coût équivalent avec le diesel, le forfait dont ils bénéficient pour le GPL est insuffisant, la consommation de GPL étant plus importante que celle du diesel. Cet amendement a donc pour objet de porter de 6 500 à 9 000 litres annuels le montant du forfait pour les taxis de manière à les encourager à utiliser du GNV et du GPL. Certaines compagnies sont très favorables à ce que l'on appelle le taxi vert, notamment dans Paris.

M. le président.

Quel est l'avis de commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La force de conviction de Mme Bricq est grande et la commission a accepté cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Le Gouvernement y est favorable et lève le gage.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 24, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi rectifié est adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de cinq amendements, nos 461, 260, 325, 259 et 462, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 461, présenté par MM. Carrez, Auberger, Baroin, Bergelin, Michel Bouvard, Cabal, Chabert, Dehaine, Delalande, Yves Deniaud, Devedjian, de


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Gaulle, Gaymard, Inchauspé, Sarkozy, Séguin, Tron et les m embres du groupe du Rassemblement pour la République, est ainsi libellé :

« Après l'article 18, insérer l'article suivant :

« I. - L'article 278 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixée pour 1999 à 20,1 %, pour 2000 à 19,6 %, pour 2001 à 19,1 %, pour 2002 à 18,6 %.

« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts, par la création d'une taxe additionnelle sur les droits prévus aux articles 403 et 403 A du code général des impôts et par l'augmentation de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers prévue au tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes ».

Les amendements nos 260 et 325 sont identiques.

L'amendement no 260 est présenté par M. Laffineur et M. Gantier ; l'amendement no 325 est présenté par

M. Fromion et M. Martin-Lalande.

Ces amendements sont ainsi libellés :

« Après l'article 18, insérer l'article suivant :

« I. L'article 278 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« A compter du 1er janvier 1999, le taux normal de TVA est fixé à 19,6 %. »

« II. La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle sur les droits prévus aux articles 403 et 403 A du code général des impôts. »

L'amendement no 259, présenté par M. d'Aubert et les membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants est ainsi libellé :

« Après l'article 18, insérer l'article suivant :

« I. L'article 278 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« A compter du 1er janvier 1999, le taux normal de TVA est fixé à 20 %. »

« II. La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle sur les droits prévus aux articles 403 et 403 A du code général des impôts. »

L'amendement no 462, présenté par MM. Carrez, Auberger, Baroin, Bergelin, Michel Bouvard, Cabal, Chabert, Dehaine, Delalande, Yves Deniaud, Devedjian, de Gaulle, Gaymard, Inchauspé, Sarkozy, Séguin, Tron et les m embres du groupe du Rassemblement pour la République est ainsi rédigé :

« Après l'article 18, insérer l'article suivant :

« I. Dans l'article 278 du code général des impôts, le taux "20,6 %" est remplacé par le taux "20 %". »

« II. Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle sur les droits prévus aux articles 403 et 403 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Gilbert Gantier, pour soutenir l'amendement no 260.

M. Gilbert Gantier.

Je ne me fais pas beaucoup d'illusion sur l'adoption de cet amendement. Mais je le regretterai car le taux de la TVA est trop élevé en France, et la distance entre le taux normal et le taux réduit est trop grande, ce qui présente des inconvénients dans certains cas.

M. Alain Barrau.

A qui la faute ?

M. Gilbert Gantier.

Je sais très bien que l'on va me répondre que c'est l'ancienne majorité qui a fait passer le taux de TVA de 18,6 à 20,6 %. Je voudrais cependant que l'on évite d'entrer dans cette polémique que nous avons déjà eue plusieurs fois.

(Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Yves Cochet.

C'est trop facile !

M. Gilbert Gantier.

Nous avons dû parer au plus pressé pour résoudre le problème des déficits immenses laissés par les gouvernements socialistes ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Raymond Douyère.

N'essayez pas de vous justifier !

M. Gilbert Gantier.

Nous avons hérité d'un déficit budgétaire de plus de 6 %, qu'il a fallu ramener à 3 % pour se qualifier pour l'euro.

M. Alain Barrau.

Merci Juppé !

M. Gilbert Gantier.

Je ne veux pas reprendre cette dialectique qui me paraît tout à fait inutile maintenant. Je rappellerai simplement qu'au moment où le Gouvernement de M. Juppé a porté le taux de TVA de 18,6 à 20,6 %, il était entendu que cette augmentation était transitoire. Or la reprise est là, maintenant. Monsieur le ministre, vous nous avez même expliqué à plusieurs reprises qu'elle était très importante, très solide, très durable chez nous. Eh bien, quand il y a reprise, on peut abaisser les impôts. Ce ne sont pas mes collègues communistes qui me contrediront, eux qui vont répétant que la TVA frappe tout le monde, indistinctement, et surtout les plus modestes, que c'est un impôt...

M. Christian Cuvilliez.

Injuste !

M. Gilbert Gantier.

... injuste. Il faudrait donc revenir au taux normal de la TVA.

Par cet amendement, nous proposons d'abaisser d'un point le taux de la TVA.

Je rappellerai à l'actuelle majorité que, dans le passé, un seul Premier ministre, a déjà abaissé d'un point le taux de TVA, le faisant passer de 18,6 à 17,6. Il s'agit de M. Raymond Barre. Vous pourriez vous inspirer de cet exemple, vous qui aimez bien l'histoire et qui nous la ressortez à tout moment.

M. Alain Barrau.

Les positions de M. Barre sur M. Millon sont effectivement très justes !

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour soutenir l'amendement no 325.

M. Michel Bouvard.

Il est défendu.

M. le président.

La parole est à M. François d'Aubert, pour soutenir l'amendement no 259.

M. François d'Aubert.

On retrouve là un sujet qui nous est familier, qui peut donner lieu à dispute et qui a été aussi un enjeu électoral et politique. En effet, lorsque le taux de TVA avait été augmenté en 1995, le parti


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

socialiste et le parti communiste en avaient fait aussitôt leur cheval de bataille et, pendant deux ans et demi, ils n'ont cessé d'expliquer que c'était la catastrophe absolue.

Je rappellerai que la « catastrophe absolue » en question a permis d'aller vers l'euro et de réduire les déficits. Ne soyez pas trop ingrats, messieurs !

M. Alain Barrau.

Et voilà l'histoire qui recommence !

M. François d'Aubert.

On peut toujours se livrer à des attaques politiques, mais il faut avoir l'honnêteté de reconnaître que cette mesure a grandement facilité les choses pour arriver à l'euro et qu'elle a permis de financer, par ailleurs, la baisse sur les bas salaires, la fameuse ristourne inventée par M. Barrot alors ministre de l'emploi - 40 milliards environ, aujourd'hui.

Parallèlement, nous nous étions engagés à ramener la TVA à un taux moins élevé lorsque la conjoncture et la croissance seraient meilleures. C'est aujourd'hui le cas, et je pense que nous l'aurions fait, mais vous n'êtes évidemment pas obligés de le croire.

Pour sa part, lors des élections législatives de 1997, M. Jospin avait pris l'engagement de revenir au taux de 18,6 %. On a toute une littérature sur le sujet. Dès lors, nous ne cesserons de vous demander, monsieur le ministre, pourquoi vous ne baissez pas la TVA, pourquoi v ous ne la ramenez pas progressivement au taux de 18,6 %. Rien de révolutionnaire en effet dans notre amendement, puisque nous proposons de la baisser en trois temps et d'abord de la porter de 20,6 % à 20 %.

Ce serait un premier pas important.

Evidemment, vous ne dites pas trop que ces deux points de TVA rapportent environ 80 milliards. Toute la question est de savoir si l'on peut s'en priver aujourd'hui.

Probablement pas en une année. Mais on peut sans doute se priver de 15 milliards de francs, à condition bien sûr de faire des choix différents en matière de dépenses et en matière fiscale.

Tel est le sens de notre amendement. Il vise à rappeler les engagements que nous avions pris et à vous rappeler à vos propres engagements.

En effet, les baisses de TVA que vous accordez sont broutilles : 4 ou 5 milliards de francs, peut-être un peu plus si l'on compte les crottes en chocolat du groupe communiste. (Rires sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) On est bien loin de la baisse généralisée de la TVA promise par M. Jospin pendant la campagne électorale !

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour défendre l'amendement no 462.

M. Michel Bouvard.

Les amendements déposés par le groupe RPR ont pour but, ainsi que mes collègues du groupe de l'UDF viennent de le redire,...

M. François d'Aubert.

Et de Démocratie libérale et Indépendants ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Bouvard.

Bien sûr, monsieur d'Aubert ! Ces amendements ont donc pour but de rappeler la teneur des engagements électoraux que nous avions pris, et que vous aviez pris, à différentes périodes, au cours des années passées.

La hausse de la TVA, comme je l'ai dit dans la discussion générale, était considérée par le précédent go uvernement comme une disposition transitoire, qui devait nous permettre de trouver les recettes nécessaires pour remplir les critères de passage à la monnaie unique. Mais il était clair que, quand la croissance serait de retour, entraînant avec elle l'augmentation des recettes de l'Etat, nous reviendrions au taux antérieur. Et tel est bien le sens des différents amendements déposés par le groupe RPR, qui prévoient un retour progressif du taux de la TVA au niveau initial.

Cela étant, j'ai eu aussi l'occasion de le rappeler - et mes collègues viennent encore de le faire excellemment à l'instant - un engagement a également été pris par la majorité. La plupart de ceux qui siégeaient sur ces bancs avant les élections législatives, et même ceux qui n'y siégeaient pas mais qui ont animé la campagne de l'actuelle majorité, ont fait de belles déclarations sur le thème. Ils n'ont cessé de répéter que la TVA était un impôt injuste car payé par tous les ménages, et qu'il convenait de la baisser. La gauche le ferait dès son retour au pouvoir, avaient-ils indiqué.

Nous nous proposons donc de vous aider à tenir les engagements que vous avez pris devant les électeurs, chers collègues de la majorité. En effet, la croissance étant de retour au niveau européen, ce dont tout le monde ne peut que se réjouir, des marges de manoeuvre existent dans le budget de cette année. Il serait dommage qu'elles ne se traduisent, pour le consommateur, que par une baisse de 130 francs en moyenne sur les abonnements EDF et par quelques centimes d'économies sur les tablettes de chocolat, ce qui fera peut-être plaisir aux lycéens qui sont actuellement dans la rue, mais ce qui ne saurait satisfaire l'ensemble de nos concitoyens.

M. le président.

Monsieur Bouvard, si j'ai bien compris, vous venez de défendre en même temps les amendements nos 461 et 462. Est-ce bien cela ?

M. Michel Bouvard.

C'est cela même, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces cinq amendements ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Tout à l'heure, nous parlions de confession, d'actes de contrition et de repentance. Ces amendements relèvent de la même inspiration...

M. Michel Bouvard.

Non !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... puisque leurs auteurs ont voté, il n'y a pas si longtemps que cela, l'augmentation du taux normal de TVA. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

)

M. Michel Bouvard.

Savez-vous ce qu'est une disposition transitoire ?

M. François d'Aubert.

Vous, vous avez promis de baisser la TVA ! Vous avez fondé toute votre campagne làdessus !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Quelle excitation, messieurs !

M. le président.

Mes chers collègues, laissez parler le rapporteur général !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Cette animation montre que mes propos ont quelque peu touché nos collègues de l'opposition.

M. Philippe Auberger.

Si vous avez oublié vos engagements, ce n'est pas le cas des électeurs !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Nous n'avons oublié aucune de nos promesses et nous faisons en sorte de les mettre progressivement en oeuvre.

Je rappellerai qu'un point de TVA représente environ 30 milliards de francs. Malheureusement, ce sont des disponibilités que nous n'avons pas. Nous avons donc fait le choix de réductions ciblées de TVA. Celles-ci, avec les propositions complémentaires qui seront faites par la commission des finances, s'élèveront à une dizaine de milliards de francs environ. Cela est à noter et correspond tout à fait aux engagements qui ont été pris par la majorité.

Monsieur le président, la commission a donc émis un avis défavorable sur ces quatre amendements.

M. Lucien Degauchy.

Vos électeurs ne seront pas contents !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il y a quelque chose de cocasse à entendre l'opposition exprimer ses regrets éternels dans cette affaire, et tout particulièrement M. d'Aubert qui, si je ne m'abuse, fut justement le secrétaire d'Etat au budget auteur de l'augmentation massive de la TVA. On comprend qu'il se démène à ce point pour essayer de le faire oublier !

M. Philippe Auberger.

Et vous, vos illusions perdues ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je voudrais revenir sur quelques-uns des points que vous avez évoqués, messieurs, ne serait-ce que pour éviter au Journal officiel d'être un tissu d'erreurs.

Vous prétendez que la hausse de TVA à laquelle vous aviez procédé était liée au déficit que vous avait laissé la majorité antérieure. A ceci près que vous avez pris le pouvoir en 1993 et que la hausse date de 1995. Il ne vous a tout de même pas fallu deux ans pour vous rendre compte du déficit ! Même un enfant de cinq ans ne croirait pas que c'était pour combler ce déficit-là que vous avez augmenté la TVA deux ans plus tard !

M. Michel Bouvard.

Il y avait des icebergs cachés ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il est d'ailleurs dommage, monsieur d'Aubert, que vous n'ayez pas alors mis en application les recettes que vous nous exposiez si bien l'autre jour à la tribune.

En fait de recettes, vous n'en avez qu'une seule : baisser la dépense. Que ne l'avez-vous fait à ce moment-là ? Vous aviez un formidable moyen de montrer que la politique que vous affichez dans l'opposition, mais que vous ne savez pas mettre en oeuvre lorsque vous êtes au pouvoir, pouvait marcher. Il fallait baisser la dépense ; vous ne l'avez pas fait. Comme le font toujours les partis conservateurs quand ils sont au pouvoir, vous avez augmenté les impôts.

M. Michel Bouvard.

Et que faites-vous depuis un an ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Quant au caractère « transitoire » de votre hausse, je veux bien que vous fassiez semblant d'y croire, mais jamais votre majorité n'a rapporté un impôt qu'elle avait présenté comme transitoire.

Avec vous, il n'y a pas que le caractère transitoire qui devient parfois fallacieux. Tous les Français se souviennent de l'affaire de la vignette. A l'inverse, vous aurez remarqué que la surtaxe de l'impôt sur les sociétés que ce gouvernement avait déclarée transitoire l'année dernière, vient bel et bien en diminution cette année. Car lorsque nous annonçons, nous, une disposition transitoire, nous la faisons disparaître l'année suivante.

Bref, vous avez eu deux ans, 1996 et 1997, pour faire disparaître cette hausse de la TVA. Vous ne l'avez pas fait. N'essayez pas de nous faire croire que vous pensiez sincèrement qu'elle serait transitoire.

Vous prétendez ensuite que cela vous a aidé à passer à l'euro.

D'abord, cela ne nous a pas du tout aidé. En effet, vous avez ce faisant cassé la croissance, et si vous n'aviez pas cassé la croissance, il aurait été beaucoup plus facile d'atteindre les 3 % nécessaires pour l'admission à l'euro.

En réalité, par un calcul mécanique, presque comptable, vous avez cru prendre des ressources par la TVA et atteindre les objectifs poursuivis. Mais cela, ce n'est pas de l'économie, c'est de l'arithmétique. L'économie, c'est plus compliqué : cela suppose de laisser justement la demande se développer et la croissance arriver. Et si vous ne l'aviez pas cassée en 1995 avec vos deux points de TVA, peut-être l'histoire politique de notre pays se seraitelle construite autrement ; car c'est justement parce que vous n'étiez pas capables d'atteindre les objectifs de l'euro, malgré la hausse de la TVA, que le Président de la République a été amené à dissoudre l'Assemblée voilà u n peu plus d'un an. Et c'est cela qui fait que désormais vous siégez dans l'opposition et que nous formions la majorité. Et cette situation, dont je me réjouis, tient par une très large part à cette erreur majeure - ce fut du reste un des éléments du débat électoral - que vous fîtes en augmentant la TVA en 1995, cassant la croissance et compromettant les chances de la France de se qualifier pour l'euro.

Aussi, ne nous donnez pas de leçons. Nous avons dit qu'il fallait baisser la TVA ; nous le faisons.

M. Lucien Degauchy.

Si peu ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Entre le budget de l'année dernière et celui de cette année, nous avons décidé 10 milliards de baisse de TVA. Ce n'est pas assez, dites-vous. Au regard de votre hausse, assurément ! Mais, voyez-vous, nous entendons baisser la TVA progressivement, régulièrement. C'est exactement le contraire de la méthode massive et brutale que vous aviez utilisée, et dans l'autre sens.

M. Alain Barrau.

Très bien ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Nous abaisserons la TVA, conformément à notre engagement. Nous l'avons fait l'année dernière, nous le faisons encore cette année sur une série de produits et nous continuerons l'année prochaine, car c'est notre projet : baisser la TVA, mais la baisser à la mesure de ce qui est économiquement raisonnable. Comme il était absurde de l'augmenter aussi massivement que vous l'avez fait, il serait démagogique de prétendre aujourd'hui la réduire massivement. Laissez-nous la baisser régulièrement et, au bout d'une législature, nous aurons effectivement rattrapé vos bêtises de 1995. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

J'ai trois orateurs inscrits : M. Carrez,

M. d'Aubert et M. Gantier.

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Monsieur le ministre, vous m'obligez à intervenir moi aussi pour éviter de laisser trop de contrevérités dans le Journal officiel . A mon tour, je me dois d'apporter quelques corrections.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

Mme Nicole Bricq.

Vous êtes inscrit sur quel article ?

M. Christian Cuvilliez.

Sur quoi s'est-il inscrit ? Sur le discours du ministre ?

M. le président.

Madame Bricq, je l'ai expliqué ce matin, je le répète une fois de plus : je donne la parole à un orateur contre, à un orateur pour répondre au Gouvernement et à un orateur pour répondre à la commission. M. Carrez répond au Gouvernement.

M. Lucien Degauchy.

Nous n'aurions plus le droit de répondre, maintenant ?

Mme Nicole Bricq.

Pour répéter toujours les mêmes choses !

M. Gilles Carrez.

Quand Mme Bricq voudra bien me laisser poursuivre...

Monsieur le ministre, je me serais bien passé de reprendre votre argumentation, mais c'est vous-même qui êtes revenu six ans en arrière. Quand, en décembre 1992, on prévoit un déficit de 170 milliards et que, trois mois après, en mars 1993, celui-ci atteint 340 milliards, comment appeler cela ? Une très grave chute, une très grave maladie, une maladie d'imprévoyance ! On ne peut s'en remettre que lentement, à l'issue d'une longue convalescence. Il nous a fallu plusieurs années, plusieurs étapes ; l'année 1995 a figuré parmi ces étapes douloureuses, mais courageuses, conséquences directes de votre gestion irresponsable d'avant 1993.

En 1995, lorsque le gouvernement d'Alain Juppé a été contraint et forcé de relever la TVA...

M. Jean-Louis Idiart.

Contraint et forcé ?

M. Gilles Carrez.

... il l'a fait pour qualifier la France à l'euro, vous-même l'avez reconnu. Mais qu'a dit Alain Juppé à l'époque ? On doit à la vérité de le rappeler.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il a parlé de

« bilan calamiteux » !

M. Alain Barrau.

Le bilan calamiteux de Balladur !

M. Gilles Carrez.

« Dès que la croissance reviendra, je m'engage à diminuer, étape par étape, le taux de TVA pour revenir à l'ancien taux de 18,6 ». Dans le même temps, il s'était engagé à réduire l'impôt sur le revenu et nous avons ici même voté une baisse très substantielle.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Non financée !

M. Gilles Carrez.

Aujourd'hui, la croissance est là. Lors de la discussion générale, vous vous êtes flatté d'avoir obtenu en 1998 le taux le plus élevé au monde, ai-je même cru entendre. Cela vous aura échappé... Par conséquent, puisque la croissance est revenue, il faut absolument procéder à une baisse par étape de la TVA.

Vous nous répondez que c'est ce que vous faites, au motif que vous vous seriez engagés à hauteur d'une dizaine de milliards de francs sur 1998 et 1999. Pour commencer, 10 milliards de francs par rapport aux 675 milliards que rapporte chaque année la TVA, c'est vraiment peu !

M. Jean-Louis Idiart.

C'est quand même une baisse !

M. Lucien Degauchy.

Dix francs par mois et par ménage !

M. Gilles Carrez.

... Ensuite, j'aimerais bien savoir où sont ces fameux dix milliards. En 1998, si ma mémoire est bonne, la baisse de TVA n'avait concerné que les réhabilitations du parc de logements sociaux des bailleurs HLM...

M. Jean-Louis Idiart.

Exactement !

M. Gilles Carrez.

... et, toujours de mémoire, la mesure se chiffrait aux alentours d'un milliard de francs.

Pour cette année, que trouve-t-on dans votre budget ? Une mesure sur les abonnements de gaz et d'électricité, qui représente 4 milliards de francs, dont à peine plus de 2 pour les ménages puisque le reste, en fait, bénéficiera aux collectivités. Ce à quoi il convient d'ajouter quelques bricoles ici et là : 200 millions ici pour les bailleurs sociaux privés, quelques dizaines de millions pour les déchetteries. Mais que représentent-ils à l'échelle ?

M. Jean-Louis Idiart.

Quelle démagogie ?

M. Gilles Carrez.

Tellement peu que la commission des finances, emmenée par son rapporteur et son président, nous a proposé voilà dix jours un amendement de baisse de la TVA, un vrai, celui-là ; qui visait à faire passer au taux réduit les travaux d'entretien dans l'habitat, quel qu'il soit.

Mme Nicole Bricq.

Vous parlez d'un amendement qui se trouve après l'article 19, alors que nous examinons l'article 18. Monsieur le président, ce n'est pas normal !

M. Jean-Louis Idiart.

C'est de l'obstruction !

M. Gilles Carrez.

Madame Bricq, l'interruption systématique n'est pas une méthode d'écoute. J'aimerais que vous prêtiez un tant soit peu d'attention aux démonstration des autres.

M. Raymond Douyère.

Monsieur le président, il ne parle pas sur un amendement ni sur un article !

M. le président.

Pardonnez-moi de vous interrompre, monsieur Carrez, pour répondre à M. Douyère et à

Mme Bricq.

J'ai tout à l'heure été incomplet. En effet, comme il n'y a pas d'orateur contre, on pourrait penser que je n'allais retenir qu'un orateur pour répondre au Gouvernement, un autre pour répondre à la commission. Mais je vous rappelle que j'ai mis cinq amendements en discussion commune. Je pourrais donc fort bien accepter dix orateurs au total. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) J'ai choisi de n'en prendre que trois et je crois que c'est très bien ainsi. Par conséquent, laissez M. Carrez s'exprimer.

Poursuivez, monsieur Carrez.

M. Jean-Louis Idiart.

Combien de temps ? Quel laxisme !

M. Gilles Carrez.

J'observe que dès que l'on essaie de parler de façon sérieuse ou argumentée, on est interrompu. Je vous demande un peu plus d'attention, mes chers collègues.

M. Raymond Douyère.

Vous l'avez dit trois fois : dans l'exception d'irrecevabilité, dans la question préalable, dans la motion de renvoi en commission. Vous dites sans arrêt la même chose !

M. Gilles Carrez.

Suivant la suggestion de MM. Bonrepaux et Migaud, l'opposition, sans hésitation, avait voté cet amendement très intéressant.

M. Alain Barrau.

Pas M. Méhaignerie !

M. Gilles Carrez.

Cet amendement représente un coût de 15 milliards de francs, soit exactement un demi-point de TVA. M. Migaud nous a aussitôt fait remarquer que


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

cet amendement n'était pas eurocompatible, mais qu'il fallait s'en servir comme d'un signal à l'adresse du ministre de l'économie et des finances, afin qu'il aille plaider notre cause à Bruxelles avec davantage de persuasion ; or l'on sait que M. Strauss-Kahn est un ministre persuasif.

J'ai alors cru que nos collègues socialistes avaient vraiment la volonté de faire un geste sur la TVA et qu'ils se rendaient bien compte que ce budget ne contenait pas de véritable baisse d'impôts au profit des ménages. J'ai donc réfléchi à une solution qui soit tout à la fois eurocompatible et à peu près de même envergure en termes de coût pour l'Etat.

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Carrez.

M. Gilles Carrez.

C'est ainsi que l'amendement que je propose et qui vise à réduire d'un demi-point la TVA dès 1999 coûte très exactement 15 milliards de francs. Il est parfaitement eurocompatible, puisque la réglementation européenne permet de faire varier jusqu'à un seuil de 15 % le taux général de la TVA.

M. Jean-Louis Idiart.

Il faut faire respecter le règlement ! Cinq minutes, c'est cinq minutes ! Il n'a pas besoin d'un quart d'heure !

M. Gilles Carrez.

Mais, monsieur le ministre, s'il est compatible avec l'euro, l'est-il avec votre budget ? Je le souhaiterais vivement...

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Quinze milliards pour quinze minutes !

M. Gilles Carrez.

... car, en matière de baisse d'impôts, il n'y a, dans votre budget, quand on y regarde bien, aucune mesure en faveur des ménages.

La baisse de la TVA sur le gaz et l'électricité représente à peine 2 milliards alors que l'impôt sur le revenu augmente de 4 milliards, au détriment des familles. La croissance est revenue ; faites donc un geste pour les ménages, en adoptant cet amendement. Il serait temps. Alain Juppé l'avait promis et c'est à vous de le faire aujourd'hui ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. François d'Aubert.

M. Jean-Louis Idiart.

Pas plus de cinq minutes !

M. François d'Aubert.

Monsieur le ministre, vous devrez vous donner beaucoup de mal pour démontrer que la baisse de 10 milliards de francs sur la TVA va profiter aux ménages. La diminution de la TVA sur les abonnements EDF-GDF, par exemple, s'adresse également aux collectivités locales, aux entreprises ; or votre projet de loi de finances n'a pas l'honnêteté de distinguer les uns des autres.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

C'est tout de même de la TVA !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Nous avons promis des baisses de TVA !

M. François d'Aubert.

Ensuite, il convient de rappeler certaines vérités ; après tout, vous ne vous êtes pas privés de le faire à notre égard. Pour commencer, vous étiez très largement responsables des déficits de 1993 : un déficit du budget de l'Etat abyssal, puisque multiplié par 2,5 entre le moment où avait été préparée la loi de finances 1993 et la mi-1993, un déficit des comptes sociaux tout aussi abyssal qui a entraîné une dette aujourd'hui réglée par le RDS, et enfin le déficit, abyssal également, de l'UNEDIC, à tel point que l'Etat a dû verser à l'UNEDIC des sommes considérables. De ce fait, nous étions fort loin des rails de l'euro. Et il fallait faire retomber le déficit ; c'est ce que nous avons fait et ce dont la France bénéficie aujourd'hui ; l'on ne peut que s'en réjouir.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Pourquoi n'êtes-vous pas restés ?

M. François d'Aubert.

Vous nous accusez, monsieur le ministre, d'avoir cassé la croissance avec l'affaire de la TVA. Je veux simplement vous rappeler deux évidences.

Il suffit d'examiner les comptes de la nation - repris dans le rapport économique et financier.

Premièrement, en 1996, première année d'application du relèvement de la TVA, la consommation a augmenté de 2 %. Voilà qui prouve que le relèvement de la TVA n'a en rien cassé l'un des moteurs de la croissance, à savoir la consommation.

Deuxièmement, au fur et à mesure que fondait le déficit, les taux d'intérêt ont également baissé, ce qui a favorisé l'investissement, autre moteur de la croissance.

Peut-être d'autres éléments sont-ils intervenus, qui ont fait que la reprise n'a pas été aussi rapide qu'elle est aujourd'hui, du fait de la conjoncture internationale et de divers facteurs dans lesquels, du moins pour la plupart, vous n'êtes pas pour grand-chose. Aussi, monsieur le ministre, ne soyez pas trop ingrat : après tout, notre relèvement de la TVA vous sert aujourd'hui. La meilleure preuve en est que vous ne revenez pas en arrière ! Enfin, la baisse des dépenses. Rappelons simplement qu'en 1995, lors de la préparation du budget de 1996, nous avions réduit les dépenses par redéploiement, en privilégiant une baisse des charges sociales au travers de la ristourne sur les salaires proches du SMIC ; et cela a permis de créer plusieurs dizaines de milliers d'emplois.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Monsieur le ministre, je vous ai écouté, comme toujours, avec beaucoup d'intérêt. Pour ma part, j'essaie de rester un parlementaire de bonne foi.

En ce sens, je ne considère pas comme irréprochable la totalité des actions de la précédente majorité, que j'ai soutenue, pas plus que je juge critiquable en tous points la politique de celle actuellement au pouvoir. Mais que l'on cesse de nous jeter à tout moment l'histoire à la figure ! Car l'histoire a plusieurs facettes. Je suis en train d'examiner mon vingt-troisième budget - malheureusement pour moi, je préférerais être le benjamin de cette assemblée ; il me serait beaucoup plus agréable de tout découvrir.

Mme Nicole Bricq.

Ce n'est pas notre problème !

M. Gérard Bapt.

Pas d'états d'âme !

M. Gilbert Gantier.

Fier néanmoins de cette expérience, je voudrais vous rappeler qu'un Premier ministre est parvenu dans le passé à réduire le taux de TVA de 18,6 à 17,6, et dans des circonstances extrêmement difficiles.

Cet homme, c'était M. Barre.

M. Gérard Bapt.

Il faut rappeler Barre !

M. Gilbert Gantier.

Et à l'époque, la concurrence n'était pas ce qu'elle est aujourd'hui. Il était beaucoup plus difficile qu'aujourd'hui de baisser le taux de TVA.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

Mais en 1981, qui a augmenté le taux de TVA de 17,6 % à 18,6 % ? Le gouvernement de M. Mauroy.

Ensuite, il y avait un taux de TVA à 33 %.

M. Gérard Bapt.

C'est Philippe le Bel qui avait commencé !

M. Gilbert Gantier.

Le gouvernement de M. Mauroy a multiplié le nombre de produits surtaxés à 33 %. Mais comme je suis de bonne foi, je ne manquerai pas non plus de rappeler qu'un autre ministre a abaissé le taux de TVA, a supprimé le taux de 33 % et a fait ce qu'il a pu dans ce domaine : c'était M. Bérégovoy, pour qui j'avais d'ailleurs beaucoup de considération.

M. Bérégovoy a supprimé le taux majoré de 33 %...

M. Philippe Auberger.

Et nous l'avions aidé !

M. Gilbert Gantier.

... et maintenu le taux de 18,6 %. Nous l'avions aidé un peu, c'est tout à fait exact. J'essaie de rester parfaitement objectif...

M. Philippe Auberger.

Justement !

M. Gilbert Gantier.

... et je ne méconnais pas le travail qu'a fait M. Bérégovoy.

M. le président.

Veuillez en venir à votre conclusion.

M. Gilbert Gantier.

Cessons de nous jeter l'histoire à la figure. L'histoire, je le répète, a plusieurs facettes. Nous vivons une période où la concurrence entre pays producteurs est très vive ; si nous ne profitons pas de la conjoncture, marquée par un taux de croissance élevé et une grande concurrence sur les marchés, pour abaisser la TVA, nous ne le ferons jamais, car ce ne sera jamais le moment.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 461.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 260 et 325.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 259.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 462.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 19

M. le président.

« Art. 19. - I. - A l'article 279 du code général des impôts, il est rétabli un b decies ainsi rédigé :

« b decies) Les abonnements relatifs aux livraisons d'électricité et de gaz combustible, distribués par réseaux publics ; »

« II. - Au deuxième alinéa du 2o du 1 du I de l'article 297 du code général des impôts, la référence : "b nonies " est remplacée par la référence : "b decies ". »

La parole est à M. Michel Bouvard, inscrit sur l'article 19.

M. Michel Bouvard.

Je me suis longuement exprimé lors de la discussion générale sur l'importance des baisses ciblées de TVA. Je souhaite donc simplement développer les arguments qui plaident en faveur de l'abaissement de la TVA sur la restauration.

Ce débat, nous l'avons déjà eu ici même, le 17 septembre de l'année dernière. Le président de la commission des finances, qui est toujours le même, avait, avec beaucoup de sagesse, tenu dans cet hémicycle les propos suivants : « Il faut reconnaître qu'il y a quelques problèmes dans la restauration, laquelle est aussi une source d'emplois. Le premier problème est qu'en raison de l'importante augmentation de TVA que vous avez décidée, mes chers collègues, il y a deux ans - il fait référence aux 2 % - l'écart s'est beaucoup accru avec l'Espagne et l'Italie. De ce fait, le secteur rencontre chez nous beaucoup de difficultés.

« Le second problème, c'est la distorsion des taux entre les deux formes de vente, poursuivait le président de la commission des finances. Les restaurants, qui sont les principaux créateurs d'emplois dans ce secteur, rencontrent donc une gêne supplémentaire. » Il concluait

:

« Toujours est-il qu'il y a un réel problème sur lequel j'appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat. Ce problème ne peut pas être réglé dans ce texte en raison notamment du coût qu'entraînerait l'adoption de l'amendement » - nous sommes le 17 septembre 1997. « Cependant, je souhaite que dans la prochaine loi de finances il y ait un signe fort. »

Voilà ce que disait notre collègue Augustin Bonrepaux, il y a exactement un an.

Cette position en faveur d'une baisse ciblée a été reprise lors du débat d'orientation budgétaire que nous avons eu au mois de juin.

Ce faisant, le président de la commission des finances ne faisait que reprendre un voeu exprimé par de nomb reux parlementaires, toutes sensibilités confondues, depuis de nombreuses années.

En effet, la disparité des régimes de TVA et la multiplicité des taux qui en résulte - l'exonération, à 0 %, la vente à emporter à 5,5 %, la loi Godard 17,5 %, le régime pension et demi-pension 9,3 %, les mesures de simplification et de forfaitisation dans la restauration rapide 16 % à 17 % - ont conduit, au fil des années, à des situations aberrantes et reposant sur des critères obsolètes.

Je citerai simplement deux exemples. La livraison à domicile d'un repas par un traiteur est soumise au taux de 5,5 %, y compris si le traiteur s'appelle Flo, tandis qu'un sandwich consommé au buffet d'une gare SNCF est soumis au taux de 20,6 %. Le repas dans un hôtel dès lors qu'il a été préparé par l'hôtel est assujetti à 20,6 %. Si c'est un traiteur qui livre le repas à l'hôtel parce qu'il n'y a pas de cuisine, nous sommes au taux de 5,5 %. Dès lors, il est grand temps, mes chers collègues, de modifier les choses, comme je l'ai souhaité, monsieur le secrétaire d'Etat, lors de la réunion de la commission des finances, au cours de laquelle vous êtes venu présenter le budget. Vous m'avez alors répondu que la Commission européenne était opposée à cette mesure et pourrait, en cas d'insistance de notre part, assujettir à la TVA les pourboires donnés dans les restaurants ! Je ne suis pas encore tout à fait remis de mon étonnement devant une telle réponse.

Aussi, je veux insister à nouveau sur l'importance économique du secteur de la restauration, mais surtout proposer quelques arguments pour que vous puissiez négocier avec la Commission européenne.

La directive européenne du 19 octobre 1992 autorise chaque Etat membre à appliquer un ou deux taux réduits de TVA supérieurs à 5 % et un taux normal supérieur à


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

15 %. La France a un seul taux réduit fixé à 5,5 %. Le taux super-réduit est dérogatoire, donc non pris en compte.

S'agissant de l'annexe H de la sixième directive qui liste les biens et services susceptibles d'être assujettis au taux réduit de TVA, les prestations de restauration ne sont pas expressément visées. Elles devraient donc être taxées au taux normal si l'article 28-2 d de la même directive n'autorisait les Etats membres qui au 1er janvier 1991 appliquaient un taux réduit à ces prestations à continuer à le faire tant que dure le régime dérogatoire.

Or, au 1er janvier 1991, en France, la majorité des prestations de restauration était taxée au taux réduit, puisque la seule restauration collective, qui représente 56 % des prestations totales de restauration, était à ce taux réduit et qu'il convient d'y ajouter les ventes à emporter.

La France peut donc prétendre, monsieur le secrétaire d'Etat, au taux réduit, sous le bénéfice de cette dérogation. La Commission a d'ailleurs implicitement validé cette interprétation de l'article 28-2 d , puisque l'Espagne et la Grèce ont invoqué ce régime dérogatoire pour placer la totalité des prestations de restauration sous taux réduit, alors même que ces pays n'avaient qu'une partie de leur restauration sous taux réduit en 1991. La Grèce, en 1994, et l'Espagne, en 1995, ont décidé d'appliquer le taux réduit à toute la restauration.

M. le président.

Monsieur Bouvard, je vous demande de conclure.

M. Michel Bouvard.

Je termine, monsieur le président, mais c'est important.

Le Portugal, quant à lui, qui était au taux réduit en 1991, est passé au taux normal en 1992, 17 %, pour créer in fine le 1er juillet 1996 un taux réduit majoré.

Ces décisions n'ont pas été remises en cause par la Commission. Dès lors, je ne comprends pas pour quelles raisons la France ne pourrait bénéficier d'une marge de manoeuvre sur ses taux de restauration, face notamment à nos principaux concurrents en matière touristique comme l'Espagne.

Ces arguments méritaient d'être portés à la connaissance de tous, pour bien montrer qu'il y a matière à discussion avec la Commission. Le chantage à la TVA sur les pourboires n'est pas sérieux du tout. Il est grand temps, maintenant, à la fois d'harmoniser les taux, de nous redonner des marges de compétitivité par rapport à nos principaux concurrents dans le secteur touristique et surtout de sortir d'un débat que nous avons périodiquement ici depuis au moins cinq ans et qu'il est grand temps d'achever.

M. le président.

Je suis saisi de six amendements, nos 70 rectifié, 25, 331, 132, 358 et 288, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 70 rectifié, présenté par MM. Auberger, Baroin, Bergelin, Michel Bouvard, Cabal, Carrez, Chabert, Dehaine, Delalande, Deniaud, Devedjian, De Gaulle, Gaymard, Inchauspé, Sarkozy, Séguin, Tron et les m embres du groupe du Rassemblement pour la République, est ainsi libellé :

« I. Rédiger ainsi le dernier alinéa (b decies ) du I de l'article 19 :

« b decies) Les abonnements et les livraisons d'électricité et de gaz combustible, distribués par réseaux publics.

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes est compensée à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts". »

Les amendements nos 25 et 331 sont identiques.

L'amendement no 25 et présenté par M. Migaud, rapporteur général, Mme Bricq, M. Idiart et les commissaires membres du groupe socialiste, M. Cuvilliez et les c ommissaires membres du groupe communiste, MM. Gantier, Dominati et Laffineur ; l'amendement no 331 est présenté par M. Fromion et M. MartinLalande.

Ces amendements sont ainsi libellés :

« I. Rédiger ainsi le dernier alinéa (b decies ) du I de l'article 19 ;

« b decies) Les abonnements relatifs aux livraisons d'électricité, de gaz combustible et d'énergie calorifique, distribués par réseaux publics ; »

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes est compensée par la majoration à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 132 présenté par MM. Cuvilliez, Brunhes, Feurtet, Asensi, Gerin, Goldberg, Belviso et les membres du groupe communiste est ainsi rédigé :

« I. Dans le dernier alinéa du I de l'article 19, après le mot : "électricité", insérer les mots : ", de gaz combustible et d'énergie calorifique".

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« Le prélèvement libératoire prévu à l'article 200 a du code général des impôts est relevé à due concurrence. »

L'amendement no 358, présenté par M. Etienne Pinte, est ainsi rédigé :

« I. Dans le dernier alinéa (b decies ) du I de l'article 19, après les mots : "d'électricité", insérer les mots : ", de gaz combustible et d'énergie calorifique...".

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par le relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 288, présenté par MM. Gantier, Dominati et Laffineur, est ainsi rédigé :

« I. Dans le dernier alinéa (b decies ) du I de l'article 19, substituer aux mots : "et de gaz combustible," les mots : ", de gaz combustible et aux livraisons de gaz combustible et d'énergie calorifique".

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes est compensée à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Philippe Auberger, pour soutenir l'amendement no 70 rectifié.

M. Philippe Auberger.

J'ai suivi avec attention la discussion qui vient d'avoir lieu.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

Il n'est pas nécessaire de refaire indéfiniment l'histoire des taux de TVA. Cela n'intéresse personne, en tout cas pas nos électeurs, qui préféreraient savoir si les engagements pris pendant la campagne électorale de 1997 seront tenus ou non.

Reprenons le raisonnement de M. le ministre de l'économie nous expliquant hier qu'il était bien meilleur que son futur collègue allemand, lequel prévoit une réforme fiscale sur cinq ans.

Mais qu'observe-t-on ? On nous dit que l'an dernier, nous avons fait 5 milliards de baisse de TVA. Certains le contestent, mais admettons. Cette année, nous en faisons 4 milliards. Au total, 9 milliards, soit un rythme annuel de 4,5 milliards. Pour parvenir à la diminution, qui avait été promise et qui est attendue, d'une baisse du taux moyen de 2 points le plus rapidement possible, il faudrait au rythme actuel quatorze ans, sachant que cela coûterait 70 milliards de francs.

D'ici quatorze ans, vous ne serez plus au pouvoir, les électeurs vous auront réglé votre compte !

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Vous n'en savez rien !

M. Philippe Auberger.

On le voit, le rythme que vous nous proposez n'est pas raisonnable et ne correspond pas à vos engagements. Les électeurs, le moment venu, sauront le dire.

Par ailleurs, c'est un sophisme, je l'ai dit déjà au rapporteur général, que de classer tout abaissement de la TVA comme un allégement en faveur des ménages. En effet, les études montrent qu'ils ne sont pas les seuls à être abonnés à l'électricité et au gaz : les administrations publiques, les collectivités locales, un certain nombre d'entreprises qui ne récupèrent pas la TVA ou les établissements sanitaires le sont aussi.

M. Michel Bouvard.

Et les restaurants !

M. Philippe Auberger.

Si bien qu'un peu plus de la moitié seulement, au maximum 60 % de la TVA est supportée effectivement par les ménages. Il faut garder présent à l'esprit ce pourcentage quand on parle d'alléger l'impôt des ménages.

On nous a rappelé que c'était M. Balladur qui avait augmenté la taxe sur les abonnements. Il est exact qu'il a voulu l'harmoniser avec celle qui pesait sur les livraisons.

Mais les socialistes, eux, ont fait plus fort : ils ont, en 1991, avec M. Charasse, appliqué la TVA sur une taxe, la taxe d'électricité, ce qui a pesé bien davantage sur les ménages que le passage à 20,6 % du taux de TVA sur l'abonnement ! On n'a pas à être trop fier de telles mesures.

Considérant que celle relative à l'abonnement est un premier signe, même très faible - l'effet annuel pour les ménages, de l'ordre d'une centaine de francs, est presque insignifiant -, nous proposons simplement, par l'amendement no 70 rectifié, de baisser la TVA non seulement sur l'abonnement mais également sur les livraisons ; ce qui vous permettra de mettre moins de quatorze ans pour respecter vos engagements !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no

25.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Ne serait-il pas plus logique, monsieur le président, de faire voter d'abord l'amendement no 70 rectifié, car les suivants n'ont rien à voir ?

M. le président.

J'ai indiqué, monsieur le rapporteur général, que l'on pouvait mettre en discussion commune l'amendement no 70 rectifié, les amendements identiques nos 25 et 331, et les amendements nos 152, 358 et 288.

M. Yves Cochet.

Ils n'ont rien à voir !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Je préférerais m'exprimer maintenant contre l'amendement no 70 rectifié. Si nous voulons que nos discussions gardent un peu de cohérence, il faudrait traiter les sujets les uns après les autres.

M. le président.

Comme vous voudrez, monsieur le rapporteur général. Il n'en reste pas moins que les six amendements concernent la rédaction du même alinéa.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

A mon avis, ce n'est pas une raison suffisante pour les soumettre à une discussion commune !

M. le président.

Nous les examinerons donc les uns après les autres.

Vous avez la parole, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no 70 rectifié.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission a rejeté l'amendement no 70 rectifié.

Jusqu'à la loi de finances pour 1989, les abonnements étaient soumis au taux normal de la TVA, ainsi d'ailleurs que la consommation d'électricité, afin d'alléger la charge fiscale pesant sur les ménages. En 1989, nous avons soumis au taux réduit les abonnements relatifs aux livraisons d'électricité et de gaz, mesure qui a été abrogée en 1995 - Philippe Auberger étant, à l'époque, rapporteur général

Nous vous proposons de baisser à nouveau la TVA sur les abonnements, et c'est pour cela que la commission des finances a exprimé un avis défavorable à l'amendement no 70 rectifié, estimant que la proposition du Gouvernement était raisonnable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je demande le rejet de cet amendement, qui coûterait 15 milliards de francs, et qui, me semble-t-il, est complètement inadapté à la situation actuelle.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 70 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

J'appelle maintenant les amendements identiques nos 25 et 331.

La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement no

25.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Nous proposons une extension de la baisse de TVA aux réseaux de chaleur pour éviter des distorsions de concurrence.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le président, cet amendement, qui propose d'étendre le taux réduit de TVA qui existe pour le gaz et l'électricité aux abonnements aux réseaux de chaleur est contraire au droit communautaire dans son état actuel.

Mais, conscients de l'importance que le Parlement, et notamment sa commission des finances, y attachait, Dominique Strauss-Kahn et moi-même avons écrit, par une lettre du 7 septembre dont la copie a été communi-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

quée à la commission des finances, pour demander à la Commission de Bruxelles de réexaminer la liste des biens et services pouvant être soumis au taux réduit de la TVA, en insistant particulièrement sur la question des réseaux de chaleur, parce qu'il y a une certaine logique à traiter tous les réseaux d'abonnement de la même façon.

Mais en l'état actuel du droit communautaire, je crois qu'il n'est pas possible d'adopter cet amendement. C'est pourquoi je suggère son retrait.

M. le président.

Monsieur le rapporteur général, retirez-vous votre amendement ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Non, monsieur le président, je ne retire pas l'amendement, parce que nous faisons confiance au Gouvernement et à l'intelligence de la Commission.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est audacieux !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

De temps en temps, il faut faire preuve d'audace ! Donc, nous souhaitons anticiper sur la réponse positive de la Commission, et, pour ne pas perdre de temps, il est tout à fait nécessaire que nous votions cet amendement.

M. le président.

L'amendement no 331 de M. Fromion n'est pas soutenu.

Je mets aux voix l'amendement no

25. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, les amendements nos 132, 358 et 288 n'ont pas d'objet.

(M. François d'Aubert remplace M. Arthur Paecht au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS D'AUBERT,

vice-président

M. le président.

MM. Brard, Cuvilliez et Feurtet ont présenté un amendement, no 131, ainsi rédigé :

« I. Compléter le dernier alinéa du I de l'article 19 par les mots : "ainsi que leur consommation, dans une limite fixée par décret".

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« Les barèmes applicables aux deux dernières tranches de l'impôt sur le revenu des personnes physiques sont relevés à due concurrence. »

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

La logique de cet amendement est évidente. Nous considérons que les produits de première nécessité, jusqu'à une due quantité, devraient béné ficier d'une fiscalité privilégiée, étant entendu que les citoyens ne sont pas libres de ne pas consommer certains produits, comme l'électricité, ou à l'eau.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous sommes très sensibles au fait que notre demande d'abaisser le taux de TVA sur les abonnements EDF-GDF ait été prise en compte dans le projet de loi de finances. Nous apprécions cette avancée et nous savons ce qu'elle coûte au budget, monsieur le secrétaire d'Etat, mais nous vous proposons de ne pas vous arrêter dans votre élan et par un taux minoré, de reconnaître, en quelque sorte, un droit de consommation vitale pour certains produits de base.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Elle y est défavorable, pour deux raisons. D'abord, une extension à la consommation représenterait un coût élevé, qui s'ajouterait aux quelque 4 milliards de francs de hausse du taux sur les abonnements. En second lieu, fixer la limite de la mesure par décret me paraît méconnaître la responsabilité du Parlement.

Cet amendement doit donc être rejeté.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Avis défavorable.

Certes, il importe de conserver son élan, mais non pour autant de se précipiter. Je comprends son intention, mais je crois que le passage au taux réduit de l'abonnement de gaz et d'électricité est déjà, pour cette année, une étape appréciable. Je demande à M. Brard de bien vouloir retirer son amendement.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

M. le secrétaire d'Etat a expliqué que la réduction du taux de TVA sur les abonnements était une étape. Nous entendons bien. Nous proposerons donc cet amendement l'année prochaine, en le modifiant dans le sens souhaité par le rapporteur général pour qu'il n'y ait pas de contestation formelle. Dans l'immédiat, je retire celui-ci.

M. le président.

L'amendement no 131 est retiré.

MM. Cuvilliez, Belviso, Feurtet, Brard, Vila et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 129, ainsi rédigé :

« I. Compléter le dernier alinéa du I de l'article 19 par les mots : "la fourniture d'électricité dans la limite de 4 000 kW/h, de gaz dans la limite de 7 000 kW/h, d'eau dans la limite de 10 m 3 par foyer et par an."

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« 1o La perte de revenu pour les collectivités locales est compensée par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement à due concurrence.

« 2o Les articles 158 bis , 159 ter et 209 bis relatifs à l'avoir fiscal sont abrogés. »

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Ce ne sera pas long puisqu'il est redondant avec l'amendement qui vient d'être présenté par Jean-Pierre Brard. Simplement, il fixe peut-être les conditions d'une étape, puisqu'il détermine les tranches de consommation d'électricité et de gaz qui pourraient faire l'objet d'une réduction de TVA.

Un argument qui n'a pas encore été développé milite en faveur de cette réduction immédiate, à laquelle vous pourrez peut-être consentir.

Dans l'application de la loi contre les exclusions, Mme Aubry a envoyé des circulaires pour que des fonds de solidarité-énergie soient constitués. L'objectif est d'éviter que l'on ferme le compteur d'électricité de gens ayant des difficultés pour payer leur facture. Or l'argent qui abonde ces fonds manque et ils ont cessé de fonctionner au bout d'un semestre.

Si nous réduisions le taux de TVA pour les premières t ranches de consommation, il y aurait moins de demande.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable pour les raisons que j'ai expliquées tout à l'heure.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 129.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 19, modifié par l'amendement no

25. (L'article 19, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 19

M. le président.

M. Weber a présenté un amendement, no 243, ainsi libellé.

« Après l'article 19, insérer l'article suivant :

« I. - Le 7 de l'article 261 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 5o les prestations fournies par les syndicats de c opropriétaires aux résidences avec services aux retraités. »

« II. - La perte de recettes est compensée par le relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Jean-Jacques Weber.

M. Jean-Jacques Weber.

Au début de l'été, les résidents des résidences services ont appris qu'ils allaient à l'avenir être soumis à la TVA, au taux de 20,6 %.

Ces résidences permettent aux personnes âgées de continuer à mener une existence normale, autonome et digne, dans un cadre sécurisant et, c'est vrai, souvent agréable. Elles fournissent aussi une alternative souvent choisie à l'hospitalisation ou à la maison de retraite, et elles apportent une réponse, satisfaisante, je crois, à l'évolution démographique puisqu'elles permettent aux personnes âgées de libérer des appartements qui, souvent, font défaut.

Jusqu'alors, monsieur le secrétaire d'Etat, ces résidences étaient exonérées. J'en connais une qui existe depuis dixhuit ans. Les gens qui y résident ne payaient pas de TVA sur les activités de service, le salaire des infirmières ou des femmes de ménage par exemple. Là, subitement, ils sont soumis à la TVA, alors même que les infirmières payées par les résidents n'accomplissent pas d'acte remboursé par la sécurité sociale, ce qui, évidemment, représente des économies substantielles pour elle. De plus, ces résidents ne bénéficient pas de la possibilité dont disposent les autres retraités âgés de soixante-dix ans de déduire des charges patronales, pour une femme de ménage par exemple.

Ils ont donc appris la nouvelle avec stupeur et un grand nombre d'entre eux pensent qu'ils n'ont pas d'autre alternative que de quitter l'établissement dans lequel ils vivaient pourtant de façon agréable et sans trop de souci.

L'amendement no 243 tend à supprimer cette imposition à 20,6 % pour que ces résidences soient traitées comme elles l'ont été jusqu'à présent.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Cet amendement a été repoussé par la commission.

Il tend à exonérer de TVA les prestations fournies par les syndicats de copropriétaires dans les résidences avec services aux retraités. J'imagine que le problème évoqué trouve son origine dans l'instruction du 5 mai 1998 publiée par le ministère de l'économie et des finances.

Elle a rappelé les règles applicables : les prestations de base sont exonérées pour tous les syndicats de copropriétaires ; en revanche, les services supplémentaires qu'ils sont parfois amenés à rendre - restauration, blanchisserie, loisirs - sont soumis à la TVA. L'instruction précise toutefois qu'il n'y aura ni rappel ni restitution pour les opérations réalisées avant le 1er juillet 1998.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Défavorable.

La circulaire a bien clarifié la situation. Ne sont pas soumises à la TVA les charges liées à la gestion classique de la copropriété. Les services supplémentaires - restauration, blanchisserie, loisirs - sont soumis à la TVA au taux plein, et la fourniture des repas est soumise au taux réduit de 5,5 %. Il est très difficile d'aller au-delà car ce serait contraire aux règles européennes et provoquerait une grande distorsion de concurrence.

Ces explications vous ayant été données, monsieur Weber, peut-être pourriez-vous retirer votre amendement.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Weber.

M. Jean-Jacques Weber.

Non, monsieur le secrétaire d'Etat. Au fond, en effet, c'est un problème social qui est posé. Dans ces résidences, de nombreuses personnes n'ont pas plus de revenus que celles qui sont dans des maisons de retraite, et on ne voit pas pourquoi elles seraient traitées différemment.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 243.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Cuvilliez, Brard, Feurtet, Vila, Belviso et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 138 corrigé, ainsi libellé :

« Après l'article 19, insérer l'article suivant :

« I. - L'article 261 du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« Les quotidiens qui remplissent les conditions prévues par les articles 72 et 73 de l'annexe III du code général des impôts sont assujettis à la taxe à la valeur ajoutée au taux de 1 %. »

« II. - L'impôt sur le bénéfice des sociétés est relevé à due concurrence. »

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

L'amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 138 corrigé.

(L'amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

M. le président.

MM. Cuvilliez, Belviso, Feurtet, Brard, Vila et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 136, ainsi rédigé :

« Après l'article 19, insérer l'article suivant :

« I. La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5 % en ce qui concerne les produits visés aux 1o , 2o , 3o de l'article 278 bis et à l'article 278 quater , ainsi que les livres scolaires.

« II. Les articles 158 bis , 158 ter et 209 bis du code général des impôts sont supprimés. »

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Je dirai quelques mots sur cet amendement et je ne reviendrai probablement pas sur les amendements concernant d'autres produits puisque le raisonnement est sensiblement le même.

Nous aurions souhaité nous aussi, comme tout le monde, que la baisse de la TVA soit aussi large que possible. C'est en effet un élément d'amélioration du pouvoir d'achat et cet argument a été fortement développé par nos amis socialistes et nous-mêmes pendant toute la période qui a précédé le vote du premier budget l'année dernière.

Cibler la baisse de la TVA, nous le savons, c'est répondre à cette attente et chercher à rendre la baisse le plus efficace possible en déterminant des champs d'application correspondant à des besoins les plus larges possible.

A l'origine, nous voulions obtenir une baisse de la TVA, dont le taux est déjà réduit d'ailleurs à 5,5 %, sur l'ensemble des produits de grande consommation que sont l'eau, les boissons non alcoolisées, la plupart des produits destinés à l'alimentation humaine, les produits agricoles sans transformation, les produits pharmaceutiques ainsi que les livres scolaires. Nous avons bien compris que l'effet produit par une baisse de 0,5 % serait faible.

Nous avons donc accepté de proposer des baisses ciblées, notamment sur le chocolat, sur des produits sucrés, sur des services, mais nous en parlerons tout à l'heure. Nous espérons que l'on comprendra la portée de nos amendements. Ils vont à la rencontre des souhaits de la commission, puisque M. Migaud a proposé un amendement commun pour l'un des secteurs que nous avions évoqués, les produits sucrés, amendement auquel nous nous rallierons. Pour le reste, nous nous en remettons évidemment à la bonne volonté de l'Assemblée.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 136.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de cinq amendements, nos 26, 134, 532, 77 et 301, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 26, présenté par M. Migaud, rapporteur général, MM. Cuvilliez, Feurtet, Brard, Vila et Belviso, est ainsi rédigé :

« Après l'article 19, insérer l'article suivant :

« I. - A.

Le a du 2o de l'article 278 bis du code général des impôts est complété par les mots : " ; toutefois, les bonbons, sucre cuit plein, sucre plein ferme, pâte à mâcher, caramel sont admis au taux réduit ;".

« B. - Dans le b du 2o du même article, après les mots : "beurre de cacao", sont insérés les mots : ", ainsi que les tablettes de chocolat au lait, les tablettes de chocolat au lait avec riz.".

« II. - La perte de recettes est compensée par la majoration à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 134, présenté par MM. Cuvilliez, Feurtet, Brard, Vila, Belviso et les membres du groupe communiste, est ainsi libellé :

« Après l'article 19, insérer l'article suivant :

« I. - Le a du 2o de l'article 278 bis du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : "Toutefois les bonbons, sucre cuit plein, sucre cuit fourré, pâte à mâcher, caramel sont admis au taux réduit."

« II. - Le b du 2o de l'article 278 bis du code général des impôts est complété par les mots : "ainsi que les tablettes de chocolat au lait, les tablettes de chocolat au lait avec du riz. »

« III. - Le taux de l'impôt sur les bénéfices des sociétés est relevé à due concurrence. »

L'amendement no 532, présenté par MM. Cuvilliez, Feurtet, Brard, Vila, Belviso et les membres du groupe communiste est ainsi libellé :

« Après l'article 19, insérer l'article suivant :

« I. Le a du 2o de l'article 278 bis du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : "Toutefois, la confiserie de sucre est admise au taux réduit."

« II. Dans le b du 2o du même article, après les mots : "Toutefois le chocolat," insérer les mots : "le chocolat au lait," ».

« III. Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par un relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 77, présenté par M. Auberger, est ainsi libellé :

« Après l'article 19, insérer l'article suivant :

« I. Le b du 2o de l'article 278 bis du code général des impôts est ainsi rédigé :

« b) De tous produits composés contenant du chocolat ou du cacao. Toutefois, les chocolats présentés en tablettes ou en bâtons, les fèves de cacao et le beurre de cacao sont admis au taux réduit.

« La gamme des produits mentionnés ci-dessus esrt définie par décret.

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes est compensée à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 301, présenté par M. Dominati et M. Laffineur, est ainsi rédigé :

« Après l'article 19, insérer l'article suivant :

« I. Dans la dernière phrase du b du 2o de l'article 278 bis du code général des impôts, après les mots : "chocolat de ménage au lait" sont insérés les mots : "les tablettes de chocolat au lait et les tablettes de chocolat au lait avec du riz,"

« II. La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

M. Julien Dray.

Ce sont les amendements « chocolat » !

M. le président.

Les amendements nos 26 et 134 sont quasi identiques, à l'exception du gage.

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

J'ai indiqué tout à l'heure que je me rallierais à la position de la commission.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Monsieur le président, je demande la réserve de ces cinq amendements jusqu'à la fin de la discussion sur les réductions de TVA, c'est-à-dire jusqu'à l'amendement no 194 rectifié, après l'article 27.

M. le président.

La réserve est de droit.

Les amendements nos 26, 134, 532, 77 et 301 sont réservés jusqu'à l'amendement no 194 rectifié, après l'article 27.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SE ANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 1999, no 1078.

M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1111).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT