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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 7007).

MOYENS

DES

COLLE

GES ET

DES

LYCE ES (p. 7007)

MM. Bernard Outin, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

EUROPE (p. 7007)

MM. Jacques Brunhes, Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

E

DUCATION NATIONALE (p. 7008)

MM. Maurice Leroy, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

MANIFESTATIONS

DES

LYCÉENS ET RÔLE DE LA

POLICE (p. 7009)

M M. Marc-Philippe Daubresse, Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

ARRESTATION D'AUGUSTO

PINOCHET (p. 7009)

MM. Louis Mexandeau, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

AÉROPORT D'ORLY (p. 7010)

MM. Yves Tavernier, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

RETRAITES AGRICOLES (p. 7011)

M M. Christian Bourquin, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

NOUVELLE

POLITIQUE E

NERGE

TIQUE ALLEMANDE ET

GESTION

DES DÉCHETS

NUCLÉAIRES (p. 7012)

MM. Guy Hascoët, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

SÉCURITÉ

PUBLIQUE

LORS

DES MANIFESTATIONS (p. 7012)

MM. Yves Nicolin, Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

RELATIONS FRANCO-ALLEMANDES DANS LE

DOMAINE DU

NUCLÉAIRE (p. 7013)

MM. Jean-Bernard Raimond, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

AVENIR

DES

RETRAITES (p. 7014)

M. André Schneider, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

INDEMNISATION

DES

VICTIMES

DES

VIOLENCES

URBAINES (p. 7015)

Mme Martine Aurillac, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

SPORT ET ARGENT (p. 7015)

M. Gaëtan Gorce, Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.

2. Loi de finances pour 1999 (première partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 7016).

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances.

Explications de vote (p. 7020)

MM. Philippe Auberger, Christian Cuvilliez, Jean-Jacques Jégou, Alain Tourret, François d'Aubert, Jean-Louis Idiart.

APPLICATION DE L'ARTICLE 44, ALINÉA 3, DE LA

CONSTITUTION ET

VOTE

SUR L'ENSEMBLE DE LA

PREMIÈRE PARTIE (p. 7025)

Adoption, par scrutin, par un seul vote, des dispositions ayant fait l'objet de la seconde délibération et de l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 1999.

Suspension et reprise de la séance (p. 7025)

PRÉSIDENCE

DE

M.

ARTHUR PAECHT

3. Ordre du jour de l'Assemblée (p. 7025).

4. Loi de finances pour 1999 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 7025).

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR,

RECHERCHE ET

TECHNOLOGIE (p. 7025)

M. Alain Claeys, rapporteur spécial de la commission des finances, pour l'enseignement supérieur.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement supérieur.

M. Christian Cuvilliez, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la recherche.

M. Jean-Pierre Foucher, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la recherche.

M. Daniel Chevallier, rapporteur pour avis de la commission de la production, pour la recherche et la technologie.

Suspension et reprise de la séance (p. 7034)

MM. Philippe Vuilque, Pierre Lasbordes, Claude Birraux, Claude Goasguen, Patrick Leroy, Michel Crépeau.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

5. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 7045).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous informe qu'il n'y aura pas de suspension de séance à la fin des questions au Gouvernement. Nous passerons immédiatement aux explications de vote et au vote sur la première partie du projet de loi de finances.

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

N ous commençons par les questions du groupe communiste.

La parole est à M. Bernard Outin.

MOYENS DES COLLÈGES ET DES LYCÉES

M. Bernard Outin.

Monsieur le ministre de l'éducation nationale (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), plus d'un mois après la rentrée scolaire, des collégiens et des lycéens, des parents d'élèves, des enseignants, des personnels non enseignants de l'éducation nationale et leurs syndicats protestent contre les conditions dans lesquelles elle s'est déroulée. Carences en effectifs, avec des milliers de postes restés vacants ; mauvaise qualité des remplacements ; enseignements ; non assurés (« Oh ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) ou dispensés dans des classes surchargées (

« Olé ! » sur les mêmes bancs) ; locaux insuffisants (« Olé ! »), voire vétustes (« Olé ! »)...

M. le président.

Chers collègues, nous ne sommes pas à la corrida ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Bernard Outin.

Merci, monsieur le président ! ... ateliers et équipements insuffisants et obsolètes, notamment dans les lycées professionnels, pourtant considérés par vous comme une des priorités de votre ministère : tels sont quelques-uns des griefs soulevés par le milieu scolaire dans son ensemble.

Comment comptez-vous vous y prendre pour répondre à ces attentes et à ces demandes pressantes ? Envisagezvous de revoir à la hausse le plan de recrutement des titulaires pour 1999 et les crédits supplémentaires pour le personnel et les installations ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ou bien allezvous, comme vos prédécesseurs, recourir à des personnels précaires alors même qu'un effort commençait à se dessiner pour aboutir à la résorption de cette catégorie dans l'éducation nationale ? Monsieur le ministre, les lycéens et les enseignants ne demandent pas la venue du père Noël au mois d'octobre, mais tout simplement de pouvoir étudier et travailler.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, comme vous l'avez justement noté, il existe des disparités dans la répartition des moyens. C'est pourquoi nous avons fait porter un effort particulier sur le rétablissement d'une véritable égalité républicaine en la matière. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Le projet de déconcentration des mouvements et de la gestion permettra de faire disparaître les inégalités choquantes qu'on déplore aujourd'hui.

En matière de recrutements, vous avez fait allusion à la gestion passée. Je remarque que les problèmes étaient pris globalement, alors qu'il faut les considérer dans leur diversité.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) La création de nouveaux postes, au-delà de ceux destinés à compenser les départs en retraite, se traduira l'an prochain, comme ce fut le cas cette année, par un accroissement des moyens en enseignants. Croyez que le Gouvernement veille à faire en sorte que l'école de la République soit l'école de l'égalité des chances. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

EUROPE

M. le président.

La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes.

Monsieur le ministre des affaires européennes, l'élection de Gerhard Schrder à la tête de la République fédérale allemande, après la victoire des travaillistes britanniques et celle de la majorité plurielle en France, crée une situation nouvelle pour l'Union européenne.

Des atouts importants peuvent permettre une réorientation de sa construction. Le futur chancelier a confirmé, lors de sa visite à Paris, que la politique allemande connaîtrait une inflexion pour faire de la lutte contre le chômage une priorité de l'action européenne, ce qui va dans le sens des orientations du Gouvernement. Il en est de même pour les politiques économique, sociale et d'environnement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

Dans ce contexte, monsieur le ministre, le pacte de stabilité, qui avait été décidé en son temps au seul vu d'une logique monétaire et financière, et dont on mesure maintenant la perversité et surtout la fragilité dans les turbulences internationales, ne devrait-il pas, avec le traité d'Amsterdam et à votre initiative, faire l'objet d'une renégociation ? Il conviendrait d'aller vers un pacte de croissance et vers un véritable volet social européen, pour lesquels se prononce la majorité des opinions publiques et des dirigeants des quinze pays de l'Europe.

Je me permets d'insister à nouveau sur la nécessité, surtout dans la nouvelle situation où nous sommes, de consulter les Français par référendum sur ce vaste chantier. Ne serait-ce pas le meilleur moyen d'impliquer davantage nos concitoyens dans une dynamique participative ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

Monsieur le député, la victoire des sociauxdémocrates et des Verts en Allemagne et la situation en Italie, après les élections en Grande-Bretagne et en France, créent en Europe une configuration nouvelle sans doute favorable - malgré la diversité des coalitions au pouvoir - à une politique s'appuyant davantage sur la croissance et l'emploi. C'est d'ailleurs l'orientation qu'a privilégiée le Gouvernement dès juin 1997.

Nous avons obtenu, à Amsterdam, une résolution sur la croissance et l'emploi destinée à contrebalancer le pacte de stabilité, puis, à Luxembourg, un premier sommet européen sur l'emploi dont nous allons évaluer les résultats à Vienne, dans quelques semaines.

Il nous faut maintenant poursuivre dans cette voie en exploitant les instruments qui sont à notre disposition. Le t raité d'Amsterdam, dont nous allons débattre, en comporte quelques-uns. Je pense au chapitre emploi, au chapitre social et à la reconnaissance des services publics.

Il nous faut aussi aller plus loin en matière de coordination des politiques économiques et d'harmonisation fiscale, bref il nous faut une politique plus volontaire en faveur de l'emploi.

Est-il possible de renégocier le pacte de stabilité ? C'est un engagement international, qui avait d'ailleurs été pris au nom de la France avant l'arrivée aux responsabilités de ce gouvernement.

M. Jean-Claude Lefort.

Non ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

A défaut de pouvoir le renégocier, il est tout à fait possible et souhaitable d'infléchir la politique économique et sociale de l'Europe dans un sens plus favorable à l'emploi. C'est dans cet esprit que le Premier ministre a pu proposer une politique de grands travaux financée par un grand emprunt européen.

Enfin, s'agissant du référendum sur le traité d'Amsterdam, vous savez que le Président de la République s'est exprimé sur ce sujet le soir même du traité. Nous nous engageons dans un débat parlementaire avec une double discussion devant l'Assemblée et le Sénat, une révision constitutionnelle, puis la ratification. La représentation nationale pourra ainsi avoir un vrai débat permettant d'entendre ce que les parlementaires ont à dire sur la réforme nécessaire des institutions et sur les moyens d'améliorer les instruments du contrôle parlementaire sur les actes européens.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

ÉDUCATION NATIONALE

M. le président.

La parole est à M. Maurice Leroy.

M. Maurice Leroy.

Monsieur Allègre (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Monsieur le ministre !

M. Maurice Leroy.

... vous êtes en charge de l'éducation nationale depuis seize mois.

Vous aviez annoncé devant la représentation nationale une rentrée « zéro défaut ». On allait voir ce qu'on allait voir avec la méthode Jospin ! Et je me souviens encore des leçons assénées par Mme Royal à l'opposition en commission des affaires sociales.

Aujourd'hui, on voit ce qu'il en est : c'est une énorme pagaille et 500 000 lycéens vous ont mis un zéro pointé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Au lieu de préparer les conditions d'une bonne rentrée scolaire, en seize mois vous avez décrédibilisé les enseignants, méprisé les partenaires sociaux. Et aujourd'hui, vous faites porter le chapeau à votre administration.

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, quand allez-vous enfin vous occuper de votre ministère (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) pour répondre aux vraies questions que vous posent les lycéens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, depuis seize mois, je m'occupe de l'éducation nationale à plein temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Je fais les réformes qui n'ont pas été faites avant moi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je gère un ministère qui n'était pas géré. (« Jospin ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Je ne céderai pas à je ne sais quel...

M. Maurice Leroy.

Mais aujourd'hui, les lycéens sont dans la rue !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Oui, ils sont dans la rue ! Monsieur le député, j'ai entrepris une réforme de fond de l'éducation nationale et des lycées, ce que l'on n'avait pas fait. Je la conduirai dans le respect des égalités républicaines, sans démagogie et sans faire comme mes prédécesseurs. Car pendant trop longtemps, on s'est bien gardé de s'interroger sur les défauts de base du système.

La déconcentration que j'ai engagée est à l'image de la décentralisation : la décentralisation, la droite en avait parlé, et c'est François Mitterrand qui l'a faite ; la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

déconcentration, ce sont les socialistes qui la font ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) MANIFESTATIONS DES LYCÉENS ET RÔLE DE LA POLICE

M. le président.

La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Les lycéens viennent de constater une fois de plus que M. Allègre ne répond pas à leurs demandes, à leurs revendications légitimes (« Démission ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République) et qu'il rejette la responsabilité sur ses prédécesseurs, en particulier sur François Bayrou.

En tout cas, monsieur Allègre, du temps de François Bayrou, les lycéens ne descendaient pas dans la rue, ils étaient en classe ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ma question concerne la manifestation de cet aprèsmidi et s'adresse à M. le ministre de l'intérieur par intérim.

La semaine dernière, nous avons vu les lycéens manifester. Ils le faisaient en grande majorité par conviction, pour défendre leurs conditions de travail et pour essayer d'obtenir l'égalité des chances. Cette demande des lycéens est légitime, le Gouvernement n'y répond pas pour l'instant.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mais nous avons aussi constaté que des casseurs, des pilleurs ont pu se livrer, impunément, à toute une série d'exactions. Nous les avons vus ce matin, à la télévision, déclarer sans vergogne qu'ils avaient pillé des commerces, qu'ils avaient des montres plein les bras, qu'ils avaient défilé devant des forces de l'ordre courageuses mais n'ayant reçu aucune directive. (Protestations sur les mêmes bancs.)

En région parisienne aussi bien que dans nos villes de province, la montée de la délinquance des mineurs continue, des bandes de casseurs veulent sciemment remettre en cause nos valeurs républicaines ! Je vous pose donc une question simple, monsieur le ministre de l'intérieur : quelles mesures avez-vous prises pour garantir la sécurité des lycéens cet après-midi ? Et surtout quelles mesures allez-vous prendre demain pour rétablir l'Etat de droit dans nos rues et dans nos villes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Roland Blum.

Aucune !

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur par intérim.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Monsieur le député, audelà de l'excitation que vous exprimez devant notre assemblée (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance), je vous répondrai que, jeudi dernier, la police nationale a été déployée et qu'elle est intervenue dès qu'elle a pu le faire, en procédant à 146 interpellations de casseurs qui se mêlaient à la manifestation, éléments très mobiles et qu'il a fallu neutraliser.

Un commandant de police a été blessé à cette occasion.

M. Jean-Jacques Jégou.

Des journalistes aussi !

M. le ministre de l'intérieur par intérim.

Je salue le travail que la police a effectué.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Par ailleurs, monsieur le député, j'ai réuni ce matin le préfet de police et le directeur de la police nationale pour contrôler les conditions d'encadrement de la manifestation. Nous faisons la distinction entre les lycéens, qui manifestent peut-être de façon désordonnée et inorganisée, mais sans intention de créer des déprédations et des violences, et les groupes qui utilisent ces événements pour piller, vandaliser, frapper des passants. (« Ce n'est pas la question ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) La distinction est faite, et chaque fois que la police interviendra, elle la fera avec le soutien du Gouvernement.

J'ai été informé, juste avant d'entrer dans cet hémicycle, qu'en prévision de la manifestation d'aujourd'hui la police, en banlieue et à l'approche de la manifestation, avait procédé à 4 000 contrôles d'identité ; à quinze heures 82 interpellations avaient été opérées et une quarantaine de personnes placées en garde à vue. Cela vous montre que des consignes ont été données. Notre volonté de neutraliser ces casseurs, de les arrêter et de les remettre à la justice est absolue ! Monsieur le député, vous ne pouvez pas faire d'amalgame. Le Gouvernement fera face avec énergie, mû par la volonté de maintenir l'ordre sans opérer de confusion entre les jeunes lycéens et ceux, d'ailleurs plus âgés, qui utilisent ces événements. Que la représentation nationale se rassure : nous avons déployé, sur le parcours de la manifestation d'aujourd'hui, 5 500 hommes - 4 000 en tenue, 1 500 en civil - qui ont pour tâche d'intervenir à tout moment.

Les manifestations demandent - l'opposition en a l'expérience - qu'on intervienne avec discernement tout en assurant la sécurité. Le Gouvernement accomplira sa tâche, sous mon autorité, soyez-en sûrs.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

ARRESTATION D'AUGUSTO PINOCHET

M. le président.

La parole est à M. Louis Mexandeau.

M. Louis Mexandeau.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, les démocrates français, et notamment ceux qui ont vécu le drame subi par la République chilienne le 11 septembre 1973, se félicitent que l'action de juges d'une démocratie européenne, elle-même revenue de loin, ait abouti, dans une autre démocratie, à l'arrestation du dictateur implacable, Augusto Pinochet, qui pouvait se croire assuré de l'impunité.

(Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert, sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

du groupe Démocratie libérale et Indépendants, et sur quelq ues bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Nous nous réjouissons de cette décision conforme aux principes de la Déclaration universelle des droits de l'homme, proclamée il y a cinquante ans, et qui reçoit là une éclatante illustration. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Nous espérons que la justice, cette justice que Pinochet a refusée à ses milliers de victimes, lui sera appliquée.

M. Thierry Mariani et M. Pascal Clément.

Et Castro ?

M. Louis Mexandeau.

Pensez-vous, monsieur le ministre, que les procédures actuelles puissent encore être améliorées, afin qu'aucun dictateur, aucun bourreau de son propre peuple ne puisse rester impuni, et cela où qu'il se trouve ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Et Castro ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Votre question, monsieur le député, nous reporte à 1973.

Rappelez-vous tous cette date : la démocratie chilienne était citée en exemple (Exclamations sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et son armée était considérée comme celle qui, en Amérique latine, ne faisait jamais de coup d'Etat.

M. Yves Fromion.

Et en 73, elle en était où l'Union soviétique ?

M. le ministre des affaires étrangères.

Rappelez-vous les événements au terme desquels Salvador Allende a été acculé au suicide.

Rappelez-vous le renversement de cette démocratie et l'arrivée, en France et en Europe, des réfugiés chiliens.

Partout, ils ont été aidés, par des gouvernements tant sociaux-démocrates que conservateurs, tous étant révulsés par les conditions dans lesquelles la démocratie avait été renversée.

Rappelez-vous, ensuite, la nuit des tortures, des assassinats, des enlèvements, des disparitions.

Certes, les Chiliens ont le droit de débattre entre eux des conditions dans lesquelles ils peuvent dépasser les séquelles de leur histoire.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Bernard Accoyer.

Si on parlait du Goulag ?

M. le ministre des affaires étrangères.

Il n'empêche que, comme l'a dit dès hier le Premier ministre, nous ressentons tous un sentiment de justice et de soulagement.

Nous sommes heureux même, quel que soit le caractère tragique du sujet, de voir l'impunité, désormais sur la défensive, reculer partout, et de plus en plus largement.

C'est la raison pour laquelle les autorités françaises ont adopté le statut de la Cour pénale internationale, lors des négociations qui ont eu lieu à Rome, il y a quelques semaines, et qui ont connu l'heureux aboutissement que l'on sait grâce à une attitude créatrice et dynamique.

Cette Cour permettra, lorsque les justices nationales sont défaillantes ou ne vont pas au bout de leur logique, de leur substituer un ordre juridique international. Les responsables de crimes particulièrement odieux et importants auront à y répondre de leurs actes dès que son statut aura été ratifié par un nombre d'Etats suffisant et qu'elle aura été mise en place.

A nous de faire en sorte que ce processus aboutisse pour que la Cour puisse se mettre à l'oeuvre. La France est au premier plan de cette action, car il s'agit d'un progrès sans précédent dans la lutte contre l'impunité. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Laurent Dominati.

Et Castro ? Il faut l'arrêter aussi ! AÉROPORT D'ORLY

M. le président.

La parole est à M. Yves Tavernier.

M. Yves Tavernier.

Monsieur le ministre de l'équipement, des transports et du logement, je veux vous faire part de mes inquiétudes et de celles d'un grand nombre d'élus de l'Ile-de-France en ce qui concerne le devenir de l'aéroport d'Orly.

Il est prévu de transférer à Roissy les activités de fret d'Air France Cargo et celles de maintenance d'Air France.

Par ailleurs, le statut d'aéroport intercontinental d'Orly est remis en question : il se spécialiserait dans les vols de moins de 5 000 kilomètres.

Une telle décision poserait des problèmes majeurs à tout le sud de l'Ile-de-France. L'aéroport d'Orly rapporte au département et aux communes de l'Essonne 140 millions de francs de taxe professionnelle, sans compter la taxe perçue sur les activités induites ; 12 500 entreprises tirent leur activité de la zone aéroportuaire ; enfin et surtout, le pôle d'Orly représente 67 000 emplois pour tout le sud de la région parisienne. L'enjeu est donc de taille.

Un transfert d'Orly vers Roissy reviendrait à déplacer les emplois et les activités du sud vers le nord de l'Ile-deFrance. Il s'agirait d'une remise en cause majeure de la politique d'aménagement de la région parisienne, qui s'appuie sur un équilibre nécessaire entre ces deux pôles essentiels.

Lors d'une réunion que vous avez organisée le 15 octobre dernier, vous avez affirmé, monsieur le ministre, que le Gouvernement souhaitait le développement d'Orly et non son déclin.

Face à ces informations contradictoires, je vous pose une seule question : comment comptez-vous compenser la perte de la vocation intercontinentale d'Orly et maintenir l'activité économique sur l'ensemble de la plate-forme aéroportuaire ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Jean-Claude Gayssot.

ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur le député, j'ai bien compris votre inquiétude (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et celle des élus d'Orly, du Val-de-Marne et de l'Essonne : vous ne voulez pas que l'orientation qui a prévalu jusqu'à présent - c'està-dire le déclin organisé d'Orly et des activités liées à l'aéroport - se poursuive, et vous avez raison ! C'est pourquoi, contrairement à ce qui avait été annoncé et parfois même décidé - transformation d'Orly en aéroport « Schengen », à destination des seuls pays de l'Union européenne,...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

M. Francis Delattre.

Et Le Bourget ? M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

... départ d'Air France Industries, réduction des activités, bref ! transformation d'Orly en un aéroport de deuxième zone - le Gouvernement actuel, et vous pouvez être assuré de sa détermination, veut non seulement défendre, mais développer Orly et les activités annexes dans le Val-de-Marne et l'Essonne.

Il s'agit non plus d'opposer les activités du nord et du sud de la région, Roissy et Orly, mais de veiller à une meilleure synergie entre ces deux aéroports, qui sont un atout pour l'Ile-de-France et plus généralement pour la France. C'est pourquoi dès le mois de mars dernier - et non pas simplement à partir d'octobre - j'ai engagé une concertation avec les élus concernés et les organisations syndicales, en vue de mettre l'emploi et le développement des activités dans le Val-de-Marne et l'Essonne au coeur des mesures qui seront prises pour favoriser cette synergie.

M. Francis Delattre.

Si ce n'est pas de la langue de bois...

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Telle est la démarche du Gouvernement. Il ne se fera rien qui ne s'inscrive dans ce cadre.

Vous avez évoqué, par ailleurs, la remise en cause de la dimension intercontinentale d'Orly. A ma connaissance, les vols de 5 000 kilomètres permettent d'aller largement au-delà de l'Europe, en Afrique ou au Moyen-Orient.

Mais ce n'est pas suffisant. Il y a actuellement 50 000 demandes de créneaux horaires à Orly. Pour répondre à celles de villes de province - je pense aussi à l'aménagement du territoire - ou de villes européennes, il faudra opérer des transferts vers Roissy. Afin de tenir compte des demandes des riverains et des exigences de l'environnement, nous ne voulons pas, en effet, augmenter le nombre des créneaux horaires, et il faut bien envisager une nouvelle synergie. Mais ces transferts ne concerneront que 3 % des créneaux - grosso modo un million de passagers - et ils seront compensés par un rapatriement correspondant de Roissy vers Orly. Autrement dit, il n'y aura aucune perte en nombre de passagers.

Par ailleurs, alors que le départ d'Air France Industries d'Orly était prévu, car cette société a besoin de locaux plus grands pour mener à bien sa modernisation, nous entendons, et le président d'Air France s'y est lui-même engagé, étudier les propositions faites par le Val-de-Marne et par la région pour y maintenir ces activités.

Le Gouvernement en prend l'engagement : rien ne se fera...

M. François Goulard.

Ça, c'est vrai ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

... sans que soit assurée la perspective de la croissance des activités d'Orly et du développement de l'emploi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

RETRAITES AGRICOLES

M. le président.

La parole est à M. Christian Bourquin.

M. Christian Bourquin.

Ma question concerne les retraites agricoles.

Après l'adoption, la semaine dernière, de la loi d'orientation agricole, très appréciée des agriculteurs (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste), le Gouvernement fait du dossier des retraites agricoles une de ses priorités pour aller vers plus de justice sociale.

En 1998, les 300 000 retraités qui percevaient les pensions les plus basses - aides familiaux et conjoints - ont bénéficié d'une augmentation de 500 francs par mois. En 1999, le Gouvernement s'apprête à augmenter de nouveau ces retraites au bénéfice de 600 000 personnes.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Et la CSG ?

M. Christian Bourquin.

Mais cet effort sans précédent pourrait également être poursuivi en faveur des retraités agricoles qui n'ont pas réalisé une carrière complète. En effet, le plafond du Fonds de solidarité vieillesse n'a pas été relevé depuis 1982, et mérite donc de l'être.

Ma question est double.

En premier lieu, le Gouvernement peut-il nous confirmer que, pour 1999 comme en 1998, les retraites agricoles d'un faible montant, inférieures à 2 400 francs, augmenteront dans une fourchette comprise entre 200 et 500 francs par mois ? En second lieu, peut-il nous informer de ses intentions quant à l'augmentation du plafond du Fonds de solidarité vieillesse, sachant que la mesure concerne plus de deux millions de nos concitoyens retraités agricoles ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le député, le Gouvernement partage entièrement votre souci (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) de venir en aide aux agriculteurs retraités les plus pauvres. Il l'a d'ailleurs prouvé par deux décisions majeures.

M. René André.

Insuffisantes !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

L'an dernier, dans le cadre du budget pour 1998, une mesure importante, à hauteur de 680 millions de francs, a permis de revaloriser les retraites agricoles de 380 000 personnes. Cette année, le Gouvernement vous proposera d'accepter, dans les jours prochains, une mesure encore plus significative en consentant un effort supplémentaire de 1,6 milliard de francs. En effet, aux 1,2 milliard de francs initialement inscrits pour 1999 au budget annexe des prestations sociales agricoles, 400 millions de francs sont venus s'ajouter samedi, grâce au vote d'un amendement du Gouvernement.

Cette mesure bénéficiera à un demi-million de retraités agricoles, notamment des chefs d'exploitation dont vous avez évoqué la situation difficile.

D'une façon concrète, les exploitants agricoles verront leur retraite progresser de 250 francs par mois - de 2 750 à 3 000 francs - et les aides familiaux de 500 francs par mois : de 2 000 à 2 500 francs.

Vous avez posé deux questions précises, monsieur le député.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

La première concerne les agriculteurs qui n'auront pas effectué une carrière complète. Le Gouvernement vous proposera, au cours de l'examen du budget de l'agriculture, un dispositif de revalorisation en faveur de ceux qui auront travaillé trente-deux ans et demi.

La seconde concerne le minimum vieillesse et le Fonds de solidarité vieillesse. Un groupe de travail parlementaire sur les retraites agricoles, animé par votre collègue Germinal Peiro, a déjà étudié la question. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Cette étude entre dans le cadre des réflexions et des concertations engagées par le commissaire général au Plan sur l'avenir des retraites, à la demande du Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Radical, Citoyen et Vert.

NOUVELLE POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE ALLEMANDE ET GESTION DES DÉCHETS NUCLÉAIRES

M. le président.

La parole est à M. Guy Hascoët.

M. Guy Hascoët.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le ministre, comme vous vous en doutez, nous nous réjouissons des décisions d'ensemble qui viennent d'être annoncées en Allemagne en matière de politique nucléaire.

M. Charles Cova.

Il n'y a que vous !

M. Guy Hascoët.

J'étais, en juin dernier, au Bundestag avec une délégation parlementaire, lorsque Mme la ministre de l'environnement du gouvernement Kohl essayait vainement d'expliquer comment les contaminat ions radioactives, lors des transports de déchets nucléaires, avaient pu lui être cachées pendant sept années.

Le nouveau gouvernement, vous le savez, a décidé de ne plus faire transporter de combustibles irradiés à l'avenir.

Cela ne pose-t-il pas la question du rapatriement des déchets nucléaires étrangers hors de France ? Au-delà, n'est-ce pas toute notre stratégie en matière de gestion de nos propres déchets nucléaires qui est en cause ? Comme le pensent un nombre d'acteurs de plus en plus important, notamment chez EDF, ne devrions-nous pas abandonner la stratégie de retraitement destinée à produire du plutonium ? La question, dès lors, ne serait pas de fermer La Hague, mais de réorienter son activité.

Cela nous obligerait à changer d'attitude : d'une part, en révisant la stratégie de Mox, qui complique la question des déchets nucléaires en augmentant la durée de dangerosité, et dont les Allemands ne voudront plus ; d'autre part, en envisageant le non-renouvellement des contrats avec des pays étrangers, notamment le Japon, tout en suggérant à chacun des pays concernés de prendre en charge ses propres déchets, sur son sol ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. René André.

C'est irresponsable !

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, le Gouvernement allemand a en effet annoncé une procédure longue et progressive de sortie du nucléaire. Il est difficile de la juger aujourd'hui parce que nous n'en connaissons pas exactement le contenu, mais elle pose au premier rang, vous l'avez indiqué, la question des déchets. Cette question sérieuse doit être traitée dans la plus grande transparence. De ce point de vue, la politique conduite par le Gouvernement depuis le début de 1998, qui consiste à accélérer le rapatriement des déchets étrangers traités en France, est une bonne politique.

Il existe des accords intergouvernementaux qui lient les Allemands et les Français sur la question du nucléaire jusqu'à l'an 2000.

De nouveaux accords commerciaux, devant se poursuivre au-delà de l'an 2000, ont également été signés au niveau du Gouvernement, et je conçois mal qu'ils puissent ne pas être respectés.

Pour autant, devons-nous en rester là ? Non ! En matière de transparence, nous devons avancer. A cet égard, le rapport de votre collègue Le Déaut servira de guide au Gouvernement pour mettre en place une politique de sûreté plus affirmée.

Dans d'autres domaines que le nucléaire - énergies non renouvelables, gaz naturel, charbon propre -, des avancées doivent être faites, et les 500 millions de francs qui seront cette année affectés à l'ADEME, agence directement consacrée à la maîtrise de l'énergie, devraient le permettre.

Pour autant, même si nous devons diversifier noss ources énergétiques, c'est bien grâce au nucléaire qu'EDF est aujourd'hui le premier électricien mondial, et le Gouvernement entend qu'il le demeure ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants, sur plusieurs bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Monsieur le député, vous vous réjouissez de la décision allemande, pourtant le nucléaire ne présente pas que des inconvénients. En matière de pollution atmosphérique par exemple - domaine qui nous intéresse tous au plus haut point dans cette assemblée -, l'énergie consommée par chaque Français est à l'origine d'une émission de gaz carbonique correspondant à 1,8 tonne de carbone par an.

Or, en Allemagne, ce taux est deux fois plus élevé. Cela tient principalement au fait que nous recourons davantage à l'énergie nucléaire. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Etant, comme moi, particulièrement intéressé par la nécessité d'atteindre en France comme en Europe nos objectifs en matière de limitation de la pollution par le gaz carbonique, vous devez trouver dans cette qualité intrinsèque de l'énergie nucléaire quelques motifs de satisfaction. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants, sur quelques bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

SÉCURITÉ PUBLIQUE LORS DES MANIFESTATIONS

M. le président.

La parole est à M. Yves Nicolin.

M. Yves Nicolin.

Décidément, le courant ne passe plus entre le Gouvernement et les Verts.

(Sourires.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

Monsieur le ministre chargé de l'intérieur, après les prises de position du Premier ministre et de votre majorité sur la sécurité, après quelques effets d'annonce, voici que le premier secrétaire du parti socialiste affirme : « Il faut de l'ordre, mais aussi prévenir les causes du désordre. »

(Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Après les discours, les actes (« Ah ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance) : tel pourrait être le souhait de millions de nos concitoyens en matière de sécurité.

A ujourd'hui, en effet, les actions inacceptables commises en marge des manifestations de lycéens de jeudi dernier, sous le regard impuissant des forces de police, marquent encore les esprits. A cet égard, je vais citer quelques extraits de dépêches AFP.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Le 15 octobre : « Une quinzaine de boutiques et de cafés ont été cassés et pillés, des voitures retournées, des cabines téléphoniques brisées place de la Nation. »

Encore le 15 octobre : « Les forces de l'ordre se tiennent à distance ne se risquant pas sur la place. »

Toujours le 15 octobre : « Les forces de l'ordre sont peu nombreuses sur place. Plusieurs dizaines de jeunes lycéens peu rassurés ont quitté la manifestation. »

Le 16 octobre : « Excepté un jeune Turc et un jeune Français, pas un casseur, pas un auteur d'actes graves de violence constatés jeudi n'a été présenté au tribunal. »

Le 17 octobre : « Cinq mineurs de moins de seize ans ont été mis en examen vendredi pour vol, recel, dégradation. Les cinq mineurs ont été remis à leurs parents. »

Plusieurs députés du groupe socialiste.

La question !

M. Yves Nicolin.

Aujourd'hui, enfin, mais sûrement trop tard, des mesures semblent avoir été prises (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) : 5 500 policiers sont actuellement déployés dans Paris pour faire face aux éventuels débordements liés à la présence de casseurs en marge de la manifestation.

Comment, monsieur le ministre, vous qui êtes chargé du maintien de l'ordre, avez-vous pu sous-estimer ce qui allait se passer ? Pourquoi les forces de sécurité étaientelles cantonnées à certaines entrées de rue, faute de recevoir l'ordre adéquat de leur hiérarchie, sans pouvoir protéger les lycéens, les commerçants, les passants ? Comment quelques dizaines de jeunes munis de cagoules ont-ils pu se regrouper en toute impunité, casser, piller, sous l'oeil passif de plusieurs centaines de CRS et devant les passants médusés ? Enfin, que pensez-vous, monsieur le ministre, des propos tenus par Mme la ministre de la justice, vendredi dernier, à vingt heures onze, au journal télévisé de TF 1, où, interrogée sur les suites à donner aux interpellations, elle a affirmé devant des millions de Français : « Je n'ai pas de consignes à donner à la justice. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Il ne suffit pas de sauter comme un cabri devant les c améras en criant : « La sécurité ! La sécurité ! La sécurité ! » Au-delà des effets d'annonce, les Français attendent des actes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur par intérim.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Monsieur le député, je vais d'abord vous rappeler des chiffres que j'ai déjà cités : à l'occasion de la manifestation qui s'est déroulée jeudi, 146 personnes ont été interpellées ; 122, dont 75 mineurs, ont été placées en garde à vue, et 63 ont été défér ées à la justice. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Nicolin.

Trop tard !

M. le ministre de l'intérieur par intérim.

On ne peut pas dire, monsieur le député, que la police, impuissante, ait laissé faire.

M. Yves Nicolin.

Quatre peines de prison seulement !

M. le ministre de l'intérieur par intérim.

Elle est intervenue, en tenant compte de la difficulté des conditions, puisqu'il s'agissait d'une manifestation de jeunes. Il était, en effet, indispensable de bien distinguer entre les jeunes qui voulaient manifester de façon pacifique et ceux qui essayaient de profiter des circonstances. En la matière, il n'est pas possible de procéder à une distinction fondée sur la mine ou sur l'apparence. En tout cas, telle n'est pas la pratique d'une police républicaine. Or - puis-je me permettre de vous le rappeler ? - notre police agit dans le cadre et le respect de nos lois. C'est un élément indispensable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Cela étant, je vous confirme que la volonté du Gouvernement est d'éviter toutes ces formes d'exaction et de vandalisme.

Je vous rappelle d'ailleurs que des gouvernements de droite ont également été confrontés à ce genre de violence. Je pense en particulier aux manifestations contre le CIP. Or, à l'époque, la gauche n'a pas utilisé ces événements pour lancer de telles accusations (Vives exclamations, puis huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) contre les forces de sécurité et mettre en cause la détermination du Gouvernement. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur de nombreux bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Exactement !

M. Richard Cazenave.

Menteurs !

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

RELATIONS FRANCO-ALLEMANDES DANS LE DOMAINE DU NUCLÉAIRE

M. le président.

La parole est à M. Jean-Bernard Raimond.

M. Jean-Bernard Raimond.

Ma question s'adresse à

M. le Premier ministre.

Le nouveau gouvernement allemand, dans un accord de principe entre le SPD et les Verts, a décidé que l'Allemagne renoncera au nucléaire civil. Cette annonce me conduit à vous poser trois questions bien que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ait répondu partiellement à la première d'entre elles.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

Premièrement, l'Allemagne et la France sont liées cela a été rappelé - en ce qui concerne le transport et le retraitement des déchets nucléaires par certains accords qui pourraient être dangereusement remis en question, ce qui serait tout particulièrement dommageable pour les entreprises françaises de ce secteur, au premier rang desquelles se trouve la COGEMA. Que comptez-vous faire à l'égard du gouvernement allemand pour protéger notre industrie, même si le processus annoncé est long est progressif ? Deuxièmement, on laisse entendre que les Verts, en Allemagne, auraient voulu que soit inscrite dans le contrat de gouvernement l'annulation du projet, déjà très avancé, de réacteur EPR, dit réacteur du futur. Or en juin 1998, vous aviez déclaré, monsieur le Premier ministre : « Il faut donner toutes ses chances aux coopérations en cours avec nos partenaires allemands. Je pense en particulier au projet de réacteur franco-allemand EPR. »

Et, dans son rapport présenté au nom de la commission d'enquête sur l'arrêt de Superphénix, M. Christian Bataille a écrit : « La priorité absolue doit désormais être donnée à l'EPR. » En conséquence, qu'entendez-vous

faire pour assurer la poursuite de ce projet francoallemand, nécessairement vulnérable dans le cadre d'une politique allemande d'abandon du nucléaire ? Troisièmement, ne pensez-vous pas, monsieur le Premier ministre, que, dans ces conditions, vous devriez proposer l'inscription d'un débat « démocratique et transparent » - pour reprendre vos propres termes - sur la politique énergétique de la France, comme vous l'aviez laissé entendre au mois de juin. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, le processus d'évolution dans le domaine énergétique choisi par nos partenaires allemands sera en effet long et négocié avec les producteurs d'électricité, dans un pays où 35 % de l'énergie électrique primaire proviennent du nucléaire, avec vingt tranches nucléaires en activité.

Sur le plan industriel, l'impact de la décision allemande devrait être limité, comme vient de le rappeler le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, dans la mesure où a été choisie une méthode contractuelle entre les producteurs d'électricité et le gouvernement allemand. En outre, ce dernier se donne un an pour adapter aux nouvelles conditions sa politique énergétique. Enfin, comme vous l'avez souligné, monsieur le député, il existe des relations partenariales très anciennes entre la France et l'Allemagne.

La France entend donc maintenir les conditions de sa coopération dans le domaine énergétique avec son partenaire allemand. En particulier, les approches communes qui lient très fréquemment les autorités de sûreté allemandes et françaises doivent naturellement être maintenues. Ainsi, l'initiative commune franco-allemande sur le fonds multilatéral de sûreté nucléaire auprès de la Banque européenne de reconstruction et développement doit être poursuivie. De même, l'approche commune définie par le mémorandum franco-allemand de 1996 est toujours d'actualité.

Par ailleurs, les partenariats industriels conclus entre la France et l'Allemagne, c'est-à-dire entre Framatome et Siemens, sur l'avant-projet détaillé de réacteur EPR augurent très bien de l'avenir d'une coopération technique et industrielle qui, à nos yeux, n'est pas mise en cause par les décisions annoncées par le Gouvernement allemand.

Nous poursuivons également à l'étranger une coopération commune entre la France, l'Allemagne et la Russie dans la modernisation d'un certain nombre de réacteurs : en Slovaquie, la centrale de Mochovce et, en Bulgarie, celle de Kozloduy. Cela permet d'augurer favorablement de la poursuite et de l'intensification de cette coopération à laquelle nos industriels sont attachés et à laquelle le Gouvernement français accorde toujours sa confiance.

La coopération industrielle entre la France et l'Allemagne se situera évidemment dans un cadre rénové et dans le respect de la spécificité de la politique énergétique de chacun des deux pays, par exemple si, comme nous l'avons affirmé, la place du nucléaire dans la politique énergétique française est réduite. En effet, cette dernière est diversifiée et repose aussi bien sur les énergies fossiles et sur les nouvelles énergies, que nous voulons développer, que sur l'énergie nucléaire, qui en reste cependant le pilier fondamental. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

L'ensemble de ces données ne paraît pas devoir évoluer du fait des nouvelles inflexions qu'entend donner à sa politique énergétique notre partenaire et amie, l'Allemagne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, citoyen et Verts.)

AVENIR DES RETRAITES

M. le président.

La parole est à M. André Schneider.

M. André Schneider.

Monsieur le Premier ministre, l'équilibre de nos régimes de retraite, plus particulièrement celui des régimes spéciaux, est aujourd'hui menacé.

Moi-même fonctionnaire d'origine, je vous avoue être très inquiet. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Face à ce défi qui nous interpelle tous, vous venez, après des mois de silence, de lancer une énième consultation auprès du Commissariat au plan. Homme de dialogue, je comprends très bien qu'il faille discuter de l'avenir de nos retraites, mais vous conviendrez aussi qu'il y a urgence en la matière.

Ma question sera simple : cette consultation va-t-elle une nouvelle fois aboutir à un livre blanc sans lendemain, ou débouchera-t-elle enfin sur une véritable réforme ? En ce cas, dans quel délai envisagez-vous, monsieur le Premier ministre, de nous la soumettre ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, je crois effectivement devoir rappeler que le Premier ministre a confié au Commissariat au plan, non voici quelques jours, mais il y a plusieurs mois, une étude générale sur les retraites.

M. André Angot.

Le livre blanc a dix ans !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous pensons, en effet - vous devriez en être d'accord - que nous ne pouvons pas, comme cela est, parfois, trop facilement le cas, montrer du doigt tel ou tel régime de retraite particulier sans avoir établi un diagnostic complet


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

des contributions des salariés, du niveau minimal de retraite, du cumul ou non d'une retraite complémentaire et d'une retraite de base ; et sans avoir élaboré, le plus sérieusement possible, des prévisions démographiques sur l'ensemble de ces régimes.

M. André Angot.

On le sait déjà !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

On le sait peut-être, mais quand vous avez voulu traiter du régime spécial de la SNCF, vous l'avez fait si maladroitement et si faussement que tout le monde était dans la rue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Aujourd'hui le Commissariat au plan a terminé cette phase de diagnostic et, comme le Premier ministre s'y était engagé, va commencer une phase de concertation, car nous souhaitons, selon notre méthode, que ce diagnostic soit le plus partagé possible. Ainsi nous lancerons, dès le début de l'année, un grand débat dans le pays autour des différents scenarii possibles, afin de parvenir à un accord - que j'espère unanime sur les bancs de cette assemblée, car le sujet le mériterait - sur les moyens à mettre en oeuvre à partir de 2005 pour sauver le système de retraite par répartition et préserver l'avenir.

M. André Angot.

Ce n'est pas ce que vous disiez en 1995 !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous savez que, parallèlement, le Premier ministre a décidé de mettre en place dès maintenant un fonds de réserve pour les retraites. Certes, il est symbolique, tant de notre volonté de défendre les régimes par répartition qu'au regard de son montant puisqu'il n'est doté que de 2 milliards de francs. Cependant, d'autres fonds pourront l'alimenter. D'ailleurs le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a déjà évoqué ce sujet avec les caisses d'épargne.

Nous souhaitons ainsi parvenir - avec, je l'espère, l'accord de tous les bancs, en tout cas, j'en suis sûre, avec le soutien de la très grande majorité de nos concitoyens à répondre au problème posé, c'est-à-dire sauver le système de retraites par répartition en trouvant les moyens permettant de maintenir les régimes auxquels les Français sont absolument attachés et de voir l'avenir dans de meilleures conditions.

Nous disposons d'un délai suffisant pour prendre, en cours d'année prochaine, les grandes décisions nécessaires pour assurer l'avenir des retraites dans notre pays.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. André Angot.

Rien que du vent !

INDEMNISATION DES VICTIMES

DES VIOLENCES URBAINES

M. le président.

La parole est à Mme Martine Aurillac.

Mme Martine Aurillac.

Monsieur le ministre de l'intérieur par intérim, de graves désordres ont, jeudi dernier, fait dégénérer une manifestation de lycéens qui se voulaient pacifiques et qui dénonçaient l'immobilisme de M. Allègre.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ces désordres laissent à tous, mais surtout aux Parisiens, le sentiment d'un immense gâchis, causé par des bandes organisées, de véritables professionnels dont le seul but est de se livrer au vandalisme : magasins rackettés, voitures brûlées et même personnes agressées.

Le Gouvernement a laissé le champ libre à un millier de casseurs dans les rues de Paris, comme il n'a pas su les empêcher de s'organiser à partir de leurs bases.

Au moment même où se déroule une nouvelle manifestation, pour laquelle nous espérons que tous les moyens ont enfin été mis en oeuvre afin de concilier la protection des lycéens et celle des passants, des commerçants et des riverains, il importe que les indemnisations soient diligentées très rapidement et correctement et pourquoi pas ? - certaines échéances fiscales reportées.

Quel dispositif, monsieur le ministre, avez-vous prévu pour dédommager les victimes de ces exactions ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur par intérim.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Madame la députée, pour ce qui est des dégâts commis sur des biens de commerçants ou de particuliers, la préfecture de police a invité toutes ces personnes - dont on peut regretter fondamentalement qu'elles aient été victimes de telles violences - à prendre contact avec leur commissariat dans le cas où elles avaient une assurance ou avec la préfecture de police dans l'hypothèse inverse.

M. Robert Pandraud.

Et le contribuable paie !

M. le ministre de l'intérieur par intérim.

Monsieur Pandraud, vous savez qu'il existe des textes législatifs en ce domaine. Puisque vous avez eu des responsabilités ministérielles, vous n'ignorez pas que des dispositions du code pénal et du code des assurances permettent de faire face aux conséquences de tels désordres.

M. Robert Pandraud.

Mais c'est toujours le contribuable qui paie !

M. le ministre de l'intérieur par intérim.

Il vaut cependant mieux, madame la députée, essayer de prévenir, dissuader, empêcher, arrêter. C'est ce que nous avons fait et ce que nous nous efforçons de faire encore aujourd'hui.

(« Mal ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Convenez tout de même que, dans une manifestation de jeunes qui sont inorganisés, peu encadrés, la tâche est difficile et que les fonctionnaires de police agissent avec énergie, détermination et vigilance. Voilà ce que je tenais à affirmer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en revenons aux questions du groupe socialiste.

SPORT ET ARGENT

M. le président.

La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce.

Madame la ministre de la jeunesse et des sports, les déboires qui ont affecté certains événements sportifs, notamment au cours de l'été, ont conduit nos concitoyens à s'interroger de plus en plus sur les relations entre le sport et l'argent. En effet, le fossé risque de se creuser encore entre un sport amateur, marqué par le désintéressement et le bénévolat, et un sport professionnel qui semble gouverné de plus en plus par les lois de l'entreprise, de la rentabilité et de la performance à tout prix. De ce point de vue, la question du dopage ne peut évidemment pas être esquivée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

J'aimerais donc, madame la ministre, connaître votre sentiment sur deux questions.

D'abord, comment les recettes liées à la dernière Coupe du monde de football pourraient-elles être réorientées vers le sport amateur ? Ensuite, le mouvement sportif s'est ému du projet de superligue dans laquelle certains grands clubs professionnels souhaitent se réunir pour éliminer des concurrents peut-être moins prestigieux et se partager les droits de retransmission. Quel est votre opinion sur ce sujet ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

M. François Goulard.

Vive le sport façon pays de l'Est !

Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.

Monsieur le député, oui, le risque existe - et pas à long terme ! - d'une rupture entre le sport amateur, accessible à tous et à toutes, et une partie du sport professionnel.

C'est un risque inhérent à la superligue qui tend, en fait, à organiser une « tournée spectacle » entre clubs choisis, non parce qu'ils ont gagné des championnats, mais parce que leur image est particulièrement rentable.

Un député du groupe socialiste.

Très juste !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

La superligue, c'est la mise à mort des règles sportives. C'est un calendrier sportif alourdi, avec des risques de dérives comme le dopage. C'est la remise en cause des équipes nationales et des championnats nationaux.

Mais pour maintenir la cohésion du mouvement sportif, il ne suffit pas de s'opposer à la superligue. Il faut aussi chercher des solutions pour s'adapter aux mutations actuelles du sport. J'en vois deux principales.

D'abord, celle que vous avez évoquée : la redistribution de l'argent. Sachez que l'essentiel des droits de télévision de la Coupe du monde est allé à la Fédération internationale de football. Quant au comité français d'organisation, il a dégagé des bénéfices qui, comme l'avait souhaité le regretté Fernand Sastre, seront répartis entre les petits clubs. Nous avons maintenant l'accord de toutes les parties concernées. Reste à trouver la méthode, ce qui ne saurait tarder. On peut estimer, avant impôt, que ces bénéfices seront de 400 millions de francs environ.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. François Rochebloine.

Très bien !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Mais il faut aller plus loin. Les droits de télévision sur une année représentent pour le sport 1 250 millions de francs environ, somme qui peut être multipliée par trois, voire quatre, en comptant les bénéfices publicitaires engendrés par le passage à l'antenne.

C et argent, malheureusement, reste concentré au

« sommet » de la pratique sportive. Il faut le faire redescendre vers celle qui est ouverte à tous, c'est-à-dire vers les clubs associatifs.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) C'est pourquoi nous travaillons, dans la loi d'orientation sur le sport, à préparer des mesures visant à mutualiser cet argent et, par une tutelle plus stricte, à mieux le redistribuer.

M. Guy Drut.

Je préconisais une CSG sportive !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

La deuxième solution pour maintenir la cohésion du mouvement sportif, et permettre que le développement de la pratique sportive dans notre pays se poursuive, consiste à améliorer la vie démocratique fédérale.

M. Robert Hue.

En effet !

Mme le ministre de la jeunesse et des sports.

Les bénévoles qui dirigent les clubs doivent pouvoir participer à un débat sur la gestion financière des fédérations et sur leurs projets sportifs.

A l'aube du

XXIe siècle, on ne sauvera pas le mouvement sportif si on ne progresse pas sur ces deux mesures.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons enchaîner, sans suspension de séance.

2 LOI DE FINANCES POUR 1999 (PREMIÈRE PARTIE) Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078, 1111).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que le vote aurait lieu par scrutin public, en application de l'article 65-1 du règlement.

Je précise qu'à la demande du Gouvernement, et en application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, je mettrai aux voix, par un seul vote, les dispositions ayant fait l'objet de la seconde délibération et l'ensemble de la première partie du projet de loi.

Avant de donner la parole aux orateurs des groupes, j'indique que M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et M. le rapporteur général de la commission des finances m'ont fait savoir qu'ils souhaitaient intervenir.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, avant d'entendre les explications de vote qui vont précéder le vote solennel sur la première partie de la loi de finances, je voudrais souligner les qualités du travail que nous avons réalisé en commun dans cet hémicycle, la semaine passée.

Christian Sautter et moi-même avons pris beaucoup de goût à ces discussions intéressantes, parfois vives, qui ont abouti - premier constat - à l'adoption de quarante amendements d'origine parlementaire, ce qui est sensiblement plus que les vingt-cinq de l'année dernière, nombre déjà supérieur à celui des années précédentes.

C'est d'autant plus remarquable que ce projet de loi on l'a évoqué à plusieurs reprises lors de la discussion avait donné lieu à une concertation sans doute plus


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

approfondie que dans le passé, notamment avec les parlementaires de la commission des finances, concertation grâce à laquelle de très nombreuses propositions, émanant principalement de la majorité, ce qui est normal, ont été retenues. Je pense à la baisse de la TVA sur les abonnements EDF, proposée par le groupe communiste...

M. Jean-Pierre Brard.

Et apparentés ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... lors de l'élaboration du projet. Le même groupe a suggéré le durcissement de l'ISF et la suppression de certaines échappatoires à cet impôt.

M. Jean-Pierre Brard.

Les oeuvres d'art ?...

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Du groupe socialiste ont émané des propositions qui touchaient à la taxe professionnelle, conformément au programme sur lequel il s'est battu lors des élections législatives, ainsi qu'à la baisse des droits de mutation sur l'immobilier.

Du groupe RCV sont venues des propositions concernant aussi bien la réduction structurelle de l'écart entre les taxations sur le gazole et sur l'essence que des propositions sur le tri sélectif, entre autres.

La majorité, dans son ensemble, a donc contribué largement - je n'en ai pris que quelques exemples - à façonner le projet de loi de finances.

Malgré cela, quarante amendements parlementaires, qui ne venaient d'ailleurs pas tous de la majorité, ont été retenus, ce qui traduit bien la qualité de cette discussion budgétaire.

On ne sera donc pas surpris qu'au bout du compte, plus de 5 milliards de francs aient été déplacés, dont 1,7 milliard en faveur d'une baisse supplémentaire de la fiscalité des ménages. Ainsi, un amendement du groupe communiste abaissant le taux de TVA sur les terrains à bâtir sera très utile aux jeunes qui veulent s'établir. Un amendement du groupe socialiste instituant un crédit d'impôt pour soutenir davantage les travaux de restauration du domicile, notamment les travaux de « petit bâtiment », équivaut à une baisse de TVA de quinze points.

D'autres mesures encore, venant d'autres bancs de l'Assemblée, ont abouti à la réduction des droits de succession pour les conjoints survivants.

Pour 1999, la baisse d'impôt supplémentaire résultant de ces amendements sera de 1,7 milliard. Mais comme ces mesures monteront en puissance, à plein régime, c'est-à-dire à partir de l'an 2000, elles donneront lieu à 4 milliards de francs de baisse d'impôt supplémentaire.

Le débat a eu pour autre vertu de rappeler qu'il y avait deux conceptions de la politique budgétaire et fiscale, celle de la gauche et celle de la droite, qui se sont parfois affrontées un peu vivement, mais toujours courtoisement.

La différence claire entre un budget de gauche et un budget de droite a été longuement explicitée, notamment par

M. Méhaignerie, M. Jégou...

M. Jean-Pierre Brard.

M. Gantier...

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

...

M. Auberger, M. Carrez, M. d'Aubert.

M. Jean-Pierre Brard.

Tous pour la défense des riches ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Au-delà de polémiques mineures, on a pu voir clairement que sur un certain nombre de sujets de fond, ces deux positions, sans doute respectables toutes deux, étaient inconciliables. Pour ma part, je suis très satisfait de la façon dont se sont déroulées ces discussions. J'en remercie tout particulièrement le président de la commission des finances, Augustin Bonrepaux, et son rapporteur général, Didier Migaud, car si tant d'amendements ont pu être adoptés, c'est bien parce que le travail préparatoire avait été excellent.

Je veux maintenant assurer la majorité que le budget qu'elle s'apprête à voter est bien un budget qui soutient la croissance et qui contribue du mieux possible à atteindre un objectif certes moins fort qu'en 1998 - car nous subissons les conséquences de la crise internationale - néanmoins particulièrement élevé. Les 2,7 % que nous nous proposons ensemble d'atteindre feront de la croissance française une des plus élevées en Europe, peutêtre même la plus élevée - mais une prévision reste toujours une prévision. En tout cas, nous nous mettons en situation, par ce budget, d'obtenir la croissance, donc l'emploi. Nous n'en avons pas moins montré - vous avez montré que de nombreuses autres dispositions visaient à accroître la solidarité, à faire disparaître certaines inéga lités et à effacer des injustices, tous motifs pour la majorité d'être fière de ce budget.

Quand on aura ajouté à cela les éléments nouveaux que nous devons notamment à nos partenaires écologistes qui ont tenu à introduire dans le projet de loi de finances des inflexions structurelles touchant aux questions de fond de l'écologie, on prendra conscience que ce budget prépare non seulement l'année 1999, mais aussi les suivantes.

J'ai donc l'honneur, au nom du Gouvernement, de vous présenter ce texte, de le soumettre à vos votes et de vous convier à assister, aussi nombreux qu'aujourd'hui, à la discussion sur la deuxième partie de la loi de finances, c'est-à-dire sur les budgets des différents ministères.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'économie et des finances, monsieur le secrétaire d'Etat au budget, monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, mes chers collègues, l'examen du projet de loi de finances pour 1999 a été marqué, du point de vue de la méthode, par des progrès sensibles.

Après un débat d'orientation budgétaire début juin, le Gouvernement a présenté, dès la fin juillet, les grandes orientations des finances publiques. Ainsi, la présentation précoce, le 9 septembre dernier, du projet de loi de finances n'a-t-elle guère apporté de surprise, les principales mesures fiscales, ainsi que les grandes évolutions en matière de dépenses, étant déjà connues depuis plusieurs semaines.

Cette course de demi-fond n'aura cependant pas été courue en solitaire par le Gouvernement, puisque, dès l'automne dernier, il avait annoncé les trois grands axes des réformes fiscales envisagées dans le cadre de ce projet de loi de finances : fiscalité locale, fiscalité écologique, fiscalité du patrimoine. La commission des finances a donc pu, avant l'été, faire connaître son sentiment sur ces trois dossiers et nos réflexions ont alimenté la réflexion gouvernementale. Plusieurs de nos propositions ont été prises en compte dès l'élaboration du projet, ce qui a réduit d'autant la nécessité de l'amender.


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Reste que nos débats ont suscité un intérêt soutenu.

Nous nous trouvons statistiquement au-dessus de l'année dernière et de la moyenne des années précédentes, tant pour la durée du débat - plus de 47 heures, au lieu de 45 l'an passé et 35 en moyenne au cours des années 1989 à 1997 - que pour le nombre des amendements enregistrés : 572, contre 490 l'an passé et 400, en moyenne, au cours des années précédentes.

Nos débats se sont, dans l'ensemble, déroulés dans un climat serein et je tiens à saluer toutes celles et ceux de nos collègues, pour beaucoup membres de la commission des finances, siégeant sur tous les bancs, qui ont apporté avec assiduité leur contribution à ce débat.

Cette contribution rend d'autant plus voyante l'absence de ceux qui estiment pouvoir donner des leçons en matière budgétaire, mais qui se cantonnent souvent aux gesticulations médiatiques.

M. Georges Tron.

Il y avait longtemps que vous n'aviez pas été désagréable !

M. Michel Hunault.

Propos inutiles !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Tel responsable de parti, par exemple, a annoncé, à grand renfort de publicité, la présentation d'un véritable contre-budget.

Nous n'en avons guère trouvé la trace dans les amendements présentés par ses amis. Quant à un autre responsable, il a préféré rompre des lances, hors de cet hémicycle, contre les moulins à vent de la rétroactivité de la loi fiscale.

M. Jean-Pierre Brard.

Qui est-ce ? Des noms !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Malgré ces contributions qui ne furent que virtuelles, nous avons pu faire sereinement le point sur un certain nombre de questions.

Nul, sauf à évoquer le spectre d'une récession mondiale généralisée, n'a véritablement contesté les hypothèses économiques qui fondent ce projet de loi de finances.

Prudemment révisée à 2,7 %, la prévision de croissance pour 1999 reste en phase avec les dernières prévisions du FMI et le consensus de nos prévisionnistes.

Nul n'a non plus sérieusement contesté que ce budget poursuit la nécessaire décrue des prélèvements obligatoires. On pourra toujours trouver insuffisante une baisse d e 0,2 point mais, après la diminution attendue pour 1998, cette évolution marque une rupture bienvenue par rapport à une tendance continue à l'augmentation de ces prélèvements depuis 1994.

S'agissant des dépenses, enfin, j'ai pu faire observer que c e budget marque une augmentation contenue des charges de l'Etat. Compte tenu de la prévision d'inflation, le montant des charges de l'Etat en 1999, à structure constante, sera quasiment stabilisé, avec une progression limitée à 0,2 %, selon la manière traditionnelle de compter de la commission des finances.

Un effort d'économie et de redéploiement sans précédent permet cependant de financer les priorités du Gouvernement, qui sont celles que les Français ont choisies en mai-juin 1997 : emploi, solidarité, éducation, environnement. Notre assemblée aura l'occasion, au cours des quatre semaines qu'elle consacrera à l'examen des fascicules budgétaires, de passer au crible les crédits proposés pour l'année 1999.

S'agissant des articles fiscaux, le projet de loi de finances prolonge et amplifie les inflexions engagées l'an passé en faveur d'une plus grande justice fiscale.

Le projet initial du Gouvernement répondait déjà à ces objectifs, et nous nous sommes attachés à l'infléchir encore dans ce sens. Le Gouvernement aura fait preuve, tout au long de ce débat, comme l'an dernier, d'un esprit d'ouverture : quatre-vingts amendements ont été adoptés et le projet a été modifié sur des points importants, avec des avancées particulièrement significatives en matière de justice fiscale. J'en prendrai quelques exemples.

Nous avons mieux pris en compte la spécificité de la situation des invalides, anciens combattants et personnes seules en matière de quotient familial.

Mme Brigitte Douay et Mme Véronique Neiertz.

Très bien !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Nous avons bien noté, en dépit de la rapidité de notre deuxième délibération, que l'amendement du Gouvernement avait le même effet que l'amendement adopté par l'Assemblée, se traduisant, pour les intéressés, par un allégement d'impôt de quelque 300 millions de francs par rapport au projet initial.

La TVA sera supprimée à l'initiative du groupe communiste et apparentés...

M. Jean-Pierre Brard.

Merci pour les apparentés ! (Sourires.)

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... sur les achats de terrains à bâtir par les particuliers en vue de la construction d'immeubles à usage privatif ; c'est une mesure importante, tant au plan économique qu'au plan social : un effort de plus de 700 millions de francs est ainsi réalisé en faveur de l'accession à la propriété, parti culièrement pour les ménages modestes. Cette mesure devrait également donner, avec d'autres, comme l'assujettissement à la TVA des parcs résidentiels de tourisme, permettant la récupération de cet impôt, un coup de fouet à l'activité dans le bâtiment.

Cette mesure peut être mise en application dès le 1er janvier prochain, car elle est eurocompatible. La contrainte communautaire en matière de TVA est, en effet, importante. Elle est d'ailleurs avancée par le Gouvernement à l'appui de deux des amendements qu'il nous a présentés en deuxième délibération, s'agissant de l'application du taux réduit aux contrats d'abonnement aux réseaux de chaleur ou à la part des ventes d'énergie calorifique représentative du coût du bois combustible nécessaire à sa production, et nous le regrettons.

La contrainte communautaire explique également le détour que nous avons dû emprunter s'agissant de la baisse du taux de TVA sur les travaux de rénovation et de réparation des logements.

Nous vous avons, messieurs les ministres, demandé de défendre cette priorité au sein des instances communautaires de préférence à la voie initiale choisie par le Gouvernement, qui conduisait à privilégier les services à la personne. Nous avons enregistré avec satisfaction l'engagement très précis de M. le secrétaire d'Etat au budget de faire savoir à la Commission européenne que ces travaux représentent, pour la France, un domaine « ultra-prioritaire » pour l'application du taux réduit de TVA. Ce serait une mesure forte ; elle a, juridiquement, le mérite de faire partie des suggestions avancées par la Commission lors du Conseil européen de Luxembourg de novembre 1997.

Le Gouvernement a accepté la mesure d'attente que proposait la commission des finances. Le crédit d'impôt pour les dépenses d'entretien de l'habitation principale voit tous ses plafonds doublés et son taux porté de 15 à


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20 %, et ce dès le 15 octobre. Si, par définition, l'effet en 1999 sera limité, en année pleine, ce sont 2,3 milliards de francs qui viendront alléger les dépenses des ménages, s'ajoutant aux 1 400 millions de francs décidés l'an dernier. Il est à noter qu'à la différence des mesures existantes en matière de travaux dans l'habitat, ce crédit d'impôt bénéficiera à tous, propriétaires comme locataires, contribuables imposables ou non imposables. Cette mesure est significative.

S'agissant des carburants, outre les propositions figurant déjà dans le projet de loi de finances, nous avons adopté, notamment à l'initiative du groupe RCV et de Mme Nicole Bricq, un « paquet » de mesures marquant, après la première étape réalisée l'an passé, une nouvelle étape vers une fiscalité favorisant les produits les moins polluants.

Parmi les mesures fiscales importantes adoptées à la demande de la commission des finances, on notera le relèvement de l'abattement pour le conjoint survivant en matière de succession, de 330 000 francs à 400 000 francs à compter du 1er janvier 1999 et à 500 000 francs à compter du 1er janvier 2000.

S'agissant de la fiscalité du patrimoine, la concertation préalable engagée avec le Gouvernement avait permis des progrès significatifs : l'effort de solidarité demandé aux redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune est substantiellement accru ; le produit de cet impôt devrait passer de 11 milliards de francs en 1998 à près de 15 milliards de francs pour 1999. La commission des finances avait proposé de prendre en compte la capacité contributive relevant de la détention d'oeuvres d'art, d'antiquités et de collections, selon des modalités forfaitaires, sans porter atteinte à la création contemporaine et tout en incitant à la présentation des oeuvres au public.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est très important !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Le Gouvernement ne souhaite pas cette mesure. Nous en prenons acte, tout en considérant, comme lui semble-t-il, que le dossier n'est pas clos pour autant.

Par ailleurs, nous avons, en concertation avec le Gouvernement, modifié l'article 24, relatif à l'assurance vie, que la commission des finances avait précédemment rejeté, afin de faire disparaître, dans le respect de l'objectif de justice fiscale et de l'équilibre financier de la mesure, les principales difficultés que présentaient les propositions initiales.

La taxe professionnelle et le financement des collectivités territoriales constituaient, enfin, un axe majeur de ce projet de loi.

Nos débats ont permis à la représentation nationale, d ans la majorité plurielle et même au-delà, d'être convaincue du bien-fondé d'une réforme qui fera progressivement disparaître un frein à l'emploi et bénéficiera à plein, dès 1999, à des centaines de milliers de PME. Les efforts d'illustration et d'explication du Gouvernement avaient cependant, sur ce dossier, été insuffisants. Des réformes de cette ampleur doivent être accompagnées de simulations exhaustives, communiquées en temps utile à la représentation nationale. Nous avons donc souhaité qu'à l'automne prochain, un rapport puisse mieux nous éclairer sur les conséquences de cette réforme.

A cet égard, permettez-moi de souhaiter que le Gouvernement soit en mesure de nous présenter des simulations très complètes préalablement à l'examen, dans quelq ues semaines, de la révision des valeurs locatives foncières.

M. Jean-Pierre Brard.

Parfait !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Concernant le financement des collectivités locales, la mise en oeuvre du nouveau contrat de croissance et de solidarité devrait se traduire par de grandes avancées. La première mouture du Gouvernement avait suscité quelques insatisfactions et vous avez, messieurs les ministres, apporté sur ce point, apporté des réponses à nos attentes. La prise en compte, en 1999, de la croissance est portée de 15 à 20 %. Les pertes de compensation de la taxe professionnelle seront plus modulées, ce qui favorisera les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine et les bourgs centres, grâce notamment à un abondement de 380 millions de francs.

Autre mesure importante, l'extension de l'intervention du fonds de compensation pour la TVA à certains travaux d'urgence réalisés par les communes, notamment en matière de lutte contre les inondations et glissements de terrains et de défense contre la mer.

L'intervention de notre assemblée en première lecture aura été plus efficace que ne le donnerait à penser la simple prise en considération des résultats nets. En apparence, notre première délibération paraîtrait n'avoir eu qu'un effet limité, avec une augmentation de 600 millions de francs des recettes, mais ce montant constitue le solde de mouvements d'une tout autre ampleur. Les recettes ont en effet été, d'une part, accrues de 3,3 milliards de francs et, d'autre part, diminuées de 2,7 milliards de francs. Au total, le volume des recettes déplacées par les votes intervenus en première délibération est de l'ordre de 6 milliards de francs. Ce montant ne représente, certes, que 0,4 % des ressources définitives nettes, mais, si on le compare à la différence entre les évaluations de recettes révisées pour 1998 et les évaluations associées au projet de loi de finances pour 1999, nos votes auront eu, en fait, une incidence sur près de 10 % des ressources nouvelles proposées.

En matière de dépenses, je veux noter, à ce stade, le nouvel effort effectué en faveur des retraites agricoles les plus faibles.

Nous sommes appelés aujourd'hui à nous prononcer sur un certain nombre d'amendements présentés en seconde délibération par le Gouvernement. C'est une procédure classique et j'observe que, même si elle peut légitimement susciter des insatisfactions, le Gouvernement ne nous propose de revenir que de façon marginale sur les votes que nous avons émis, à l'exception de la mesure dont j'ai parlé tout à l'heure.

S'agissant enfin du déficit budgétaire. il s'établirait, après notre première lecture et compte tenu de la seconde délibération, au même montant que dans le projet initial, soit 236,5 milliards de francs. C'est le signe, non pas du faible poids de l'Assemblée nationale dans ce débat, mais plutôt de son sens des responsabilités : toutes les dispositions que nous avons proposées auront été gagées, d'ailleurs par des mesures contribuant à accentuer l'effort de justice fiscale à l'oeuvre dans ce projet. C'est ainsi qu'à l'initiative du groupe communiste... et apparentés (Sourires), a été prévue l'institution d'une quote-part de 2,5 % représentative des frais et charges au titre des dividendes perçus dans le cadre du régime des sociétés mères et filles, ainsi qu'une taxation supplémentaire des bons anonymes.

Au total, nous avons ainsi accentué les allégements de charges dont bénéficient les ménages et en particulier les classes moyennes et populaires.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

En conclusion, je souhaiterais me réjouir, comme l'an passé, de la bonne qualité des rapports qui se sont établis, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi de finances, entre le Gouvernement, la commission des finances et l'Assemblée tout entière, et je veux en remercier l'ensemble des acteurs. Nous avons pu faire valoir nos observations, même si tous les progrès souhaitables n'ont pas été réalisés.

Nous allons désormais entrer dans la phase d'examen des dépenses des différents ministères, phase importante, car il s'agit de l'utilisation du produit de prélèvements dont le poids sur l'économie de la nation, chacun s'accorde à la reconnaître, est trop lourd. La représentation nationale doit d'ailleurs, au-delà du débat budgétaire, apporter sa contribution à la recherche d'une meilleure utilisation des fonds publics. C'est à cette tâche que nous convie M. le président de l'Assemblée nationale, qui, dans quelques instants, constituera autour de lui un groupe de travail sur le contrôle parlementaire et l'efficacité de la dépense publique. Il y a là, effectivement, matière à réflexion et nos concitoyens attendent des initiatives.

Dans l'immédiat, je crois pouvoir résumer l'opinion majoritaire de la commission des finances en invitant l'Assemblée à se prononcer favorablement dans le vote qui va intervenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert, et sur quelques bancs du groupe communiste.) Explications de vote

M. le président.

Nous allons passer aux explications de vote proprement dites. Je vous rappelle que chaque orateur dispose de cinq minutes. Mais il n'est pas pénalisé s'il n'utilise pas tout son temps de parole. (Sourires.)

La parole est à M. Philippe Auberger, pour le groupe RPR.

M. Philippe Auberger.

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, nous arrivons au terme d'un débat qui fut, de la part du Gouvernement et de sa majorité socialiste, un véritable festival d'autosatisfaction, de suffisance et même parfois d'arrogance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) En vérité, que reprochons-nous à ce projet de budget ?

M. Christian Cuvilliez.

Tout !

M. Philippe Auberger.

D'abord, de comporter des hypothèses totalement décalées par rapport à la réalité d'aujourd'hui. Il a été préparé au mois de juillet, à un moment où le Gouvernement n'avait prévu ni la crise russe, ni la crise boursière, qui secoue tous les continents, ni la chute du dollar de plus de 10 %. Le Gouvernement aurait donc dû revoir ses hypothèses au mois de septembre. Il ne l'a pas voulu. Aussi, les voix les plus autorisées : nationales, comme le président de notre assemblée de même que tous les économistes sérieux de notre pays, ou même internationales, comme le Financial Times, qui serait, paraît-il, la lecture favorite de notre ministre de l'économie et des finances, ont dénoncé l'irréalisme de ces prévisions. L'embellie de la croissance et du chômage est malheureusement derrière nous.

Le Gouvernement nous annonce une amélioration des comptes publics en 1999, mais il oublie de dire que nous serons, parmi les pays de l'euro, celui qui aura les déficits publics les plus lourds. Notre dette publique continuera à augmenter dangereusement. De plus, tous ses calculs reposent sur une hypothèse conventionnelle - les comptes de la protection sociale seront équilibrés - alors qu'aucune mesure sérieuse n'a été prise en ce sens.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Très bien !

M. Philippe Auberger.

Enfin, on nous promet d'incertaines baisses d'impôt. Nous avons pu constater que le niveau des prélèvements obligatoires avait fortement augmenté en 1997, en raison des mesures prises au second semestre. Pour 1998, compte tenu des plus-values fiscales enregistrées, plus de 20 milliards de francs, on doit s'attendre à une nouvelle hausse. Quant à 1999, les prévisions font état de 75 milliards de francs de recettes fiscales supplémentaires, soit une augmentation de 5,2 %. Où est la baisse d'impôt promise ? Certes, il est prévu une diminution de la taxe professionnelle, mais pour les seules entreprises. En effet, les banques et les professions libérales en sont écartées. La charge nette des entreprises se trouverait allégée d'environ 5 milliards de francs. Mais, après leur avoir pris 22 milliards de francs supplémentaires en 1997, c'est bien le moins que l'on puisse faire.

Quant aux ménages, l'impôt sur le revenu progressera de 17 milliards de francs, dont 14 milliards du seul fait de la remise en cause inadmissible, injustifiée, du plafond d u quotient familial, qui va pénaliser plus de 600 000 familles.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

C'est scandaleux !

M. Philippe Auberger.

Beau projet pour ceux qui se disent les ardents défenseurs de la famille ! Au cours de la discussion, on a beaucoup parlé des baisses de TVA. Celles-ci seront en définitive limitées aux abonnements au gaz et à l'électricité, ce qui représente 120 francs par famille et par an. Excusez du peu !

M. Jean-Pierre Brard.

On ne parle pas la bouche pleine devant ceux qui n'ont rien !

M. Philippe Auberger.

Les baisses de la TVA constituaient l'alpha et l'oméga des baisses d'impôts promises par les socialistes pendant la campagne pour les élections législatives de 1997. Placée désormais sous la férule du professeur Strauss-Kahn, la majorité commence à déchanter. On nous explique que cela coûte trop cher. Au rythme actuel, il faudra quinze ans, soit trois législatures, pour parvenir aux baisses promises. On peut craindre que le temps de cette majorité ne lui soit davantage compté.

(Exclamations sur divers bancs.)

M. Didier Boulaud.

C'est un grand spécialiste qui parle !

M. Philippe Auberger.

On invoque sans cesse Bruxelles, mais ne nous claironne-t-on pas que douze gouvernements d'Europe sur quinze sont à dominante socialiste ? La solidarité ne peut-elle pas jouer ? A quoi servent ces sommets médiatiques sur l'emploi si on ne parvient pas à y décider l'allégement de la TVA sur les travaux à domicile ? Enfin, on nous explique doctement que les riches, ayant plus de revenus, dépensent plus et paient donc davantage de TVA, et qu'alléger le taux de TVA leur profiterait donc davantage qu'aux pauvres. Rien n'est donc possible, ni pour les repas dans les restaurants, ni pour les activités sportives, ni même pour le chocolat.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

Ainsi, les promesses les plus solennelles faites il y a peu sont définitivement oubliées. Chacun le sait désormais : l'Etat socialiste, c'est aussi l'Etat hyperfiscaliste.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Très bien !

M. Philippe Auberger.

Bien d'autres promesses ont quasiment disparu de ce projet de budget. Selon la ministre du travail, des centaines de milliers d'emplois devaient être créés grâce aux trente-cinq heures. Dans le budget pour 1999, on en attend tout au plus 40 000. On devait créer 350 000 emplois-jeunes dans les entreprises.

C'est oublié. Quant à l'allégement des charges sur les bas salaires, il reste toujours stoppé.

Bref, ce budget n'est pas un budget d'économie, mes chers collègues, c'est un budget d'amnésie.

Le Gouvernement aime à nous répéter qu'il a la chance pour lui. Tant mieux pour la France. Mais, chacun le sait, la chance tourne vite.

M. Jean-Louis Idiart.

Et vous le savez !

M. Philippe Auberger.

S'il ne parvient pas à respecter ses engagements quand il a la chance avec lui, on ne voit pas comment il pourra les respecter quand celle-ci aura tourné.

C'est donc pour sanctionner un budget irréaliste, qui ne respecte pas les engagements pris solennellement, que le groupe du Rassemblement pour la République votera contre ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la Démocratie françaiseAlliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Cuvilliez, pour le groupe communiste.

M. Christian Cuvilliez.

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les secrétaires d'Etat, chers collègues, la discussion du budget pour 1999, le premier budget de la gauche, se déroule au moment où les incertitudes s'accumulent sur la pérennité de la croissance, soulignant la responsabilité des marchés financiers dans la crise mondiale ; le système monétaire européen lui-même semble plus enclin à défendre les performances boursières que l'investissement et l'emploi.

En France, l'attente de nos concitoyens est très forte ; elle s'exprime dans des mouvements lucides et responsables comme ceux des lycéens et des enseignants, des salariés de la RATP, de la Navale et de GIAT Industrie.

Ces actions qui défendent les droits essentiels à l'emploi et à la santé, l'égalité des chances, le service public, sont porteuses d'une profonde aspiration au changement que nous souhaiterions voir imprimée avec plus de force et de cohérence dans le budget pour 1999.

Le Gouvernement est loin d'avoir emporté notre conviction (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) quand il s'appuie sur le pacte de stabilité pour privilégier la réduction de la dette. La déclaration commune du parti socialiste et du parti communiste reconnaissait pourtant comme une condition prioritaire pour impulser une croissance durable l'augmentation du pouvoir d'achat et de la consommation intérieure.

M. Michel Bouvard.

Encore une promesse ! Encore un oubli !

M. Christian Cuvilliez.

Ce n'est pas avec les recettes de l'austérité et des restrictions budgétaires chères à la droi te que l'on répondra à l'attente des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.) La préoccupation première des députés communistes, c'est l'efficacité de la politique budgétaire pour l'emploi et la justice fiscale. C'est ce qui nous a conduits à demander que la politique économique se dégage de la logique ultralibérale et que l'on tarisse les flux financiers alimentant les jeux spéculatifs et fragilisant notre économie.

Avaient cet objectif nos amendements visant à inclure les biens professionnels dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune ou les actifs financiers dans celle de la taxe professionnelle.

Plusieurs députés du groupe communiste.

Tout à fait !

M. Christian Cuvilliez.

Le Gouvernement a retenu un certain nombre de nos propositions, à hauteur d'environ 15 milliards : dans la préparation du budget, la baisse du quotient familial pour assurer le versement des allocations familiales sans conditions de ressources, ou la baisse de la TVA sur les abonnements de gaz et d'électricité ; dans le débat de la semaine dernière, l'augmentation de l'impôt sur les sociétés mères et filiales, les mesures favorisant l'achat de terrains par les particuliers en vue d'y construire, ou l'amélioration des retraites agricoles les plus faibles. Ce n'est pas négligeable.

Le Gouvernement devrait aussi respecter les choix de sa majorité parlementaire, et c'est ce qui aurait pu se passer pour l'impôt sur la fortune, au-delà des mesures déjà prises et que nous approuvons.

Dans ce débat, la droite s'est révélée incapable d'innover, de proposer autre chose que des avantages fiscaux aux plus fortunés, financés par des suppressions d'emplois publics, un libéralisme sans entrave pour quelques-uns, associé à une austérité perpétuelle pour le grand nombre.

(« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.) De profondes réformes de structure restent à mettre en oeuvre. Pour y parvenir, il faut un budget ancré à gauche, sans dérive vers le centre.

Les députés communistes sont membres à part entière de la majorité. C'est avec le souci d'être efficaces et utiles pour construire le changement qu'ils voteront la première partie du budget pour 1999.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Francis Delattre.

Tartuffe !

M. Christian Cuvilliez.

Ce vote est une étape du débat budgétaire, il ne fixe pas de manière intangible des recettes et des crédits qui peuvent encore être améliorés dans la suite du débat.

C'est donc un oui avec des réserves fortes, sous condition que, dans la suite du débat budgétaire, d'ici à décembre, des évolutions sensibles soient encore réalisées.

Plusieurs députés du groupe communiste.

Tout à fait !

M. Christian Cuvilliez.

Notre vote d'aujourd'hui prend acte des progrès réalisés et appelle de nouveaux rendezvous, par exemple pour donner à la taxe professionnelle une définition nouvelle conciliant efficacité fiscale, développement de l'emploi et autonomie des collectivités


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locales, ou pour constituer un grand pôle bancaire public autour des établissements existants et faire jouer un rôle nouveau au crédit.

M. François Loos.

Au Crédit Lyonnais, par exemple !

M. Christian Cuvilliez.

Nous sommes convaincus qu'il est nécessaire et possible d'aller plus loin. On ne peut pas répondre aux lycéens que satisfaire leurs revendications aurait pour conséquence de réduire d'autres budgets.

Nous avons proposé des moyens de financement à travers l'impôt sur les sociétés, l'impôt de solidarité sur la fortune, la taxation des mouvements spéculatifs. Cela permettrait d'améliorer encore sensiblement ce budget dans les prochaines semaines, de créer des emplois publics, d'abonder les crédits des budgets sociaux, pour répondre aux besoins légitimes et réalistes qui se manifestent aujourd'hui dans le pays. Ceux qui expriment leur volonté de satisfaire ces besoins ont le soutien sans réserve des députés communistes.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour le groupe UDF.

M. Jean-Jacques Jégou.

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, au terme d'un marathon budgétaire d'une semaine qui s'est achevé samedi soir, le groupe UDFAlliance a constaté à la fois l'autosatisfaction du Gouvernement et du parti dominant de la majorité plurielle, mais aussi les tentatives quelquefois désespérées du parti communiste et des Verts, l'un ayant tenté de gauchiser encore ce budget, les autres ayant essayé de se contenter de ce qu'ils appellent aujourd'hui pompeusement « l'an 1 de la fiscalité écologique ».

C'est un budget incertain et dangereux ; dans un contexte financier instable, c'est un tout autre budget qu'il fallait présenter. Nous pensons en effet, au groupe UDF-Alliance, qu'en période de croissance la seule voie qui puisse préserver nos concitoyens d'un retournement de conjoncture est, comme l'ont dit le président Fabius, Jacques Delors et Jack Lang, celle de la baisse des impôts et des charges, de la baisse du déficit et de la baisse des dépenses. Vous avez fait tout le contraire.

Ce budget est injuste pour les familles. En abaissant le quotient familial de plus d'un tiers, vous touchez tout particulièrement les jeunes couples avec un seul enfant.

Au total, plus de 500 000 familles subiront une augmentation d'impôt, parfois très importante.

Il est injuste pour la majorité des salariés qui ne pourront bénéficier des 30 000 francs de franchise d'impôt que vous accordez à une petite catégorie de salariés, pour des raisons inavouables.

Ce budget est inefficace et improvisé, comme en témoigne la réforme de la taxe professionnelle concernant la part salariale, au sujet de laquelle M. le rapporteur général lui-même a souligné qu'aucune simulation ne nous avait été fournie. Il aurait été plus juste, socialement, de poursuivre l'allégement des charges sur les bas salaires. De plus, une telle réforme risque de perturber l'équilibre d'un certain nombre de collectivités locales sans être pour autant - vous le savez pertinemment créatrice d'emplois.

Enfin, c'est un budget idéologique : tous nos amendements fiscaux concernant les concubins ont été rejetés alors qu'ils réglaient les questions posées en évitant de mettre sur le même plan la famille et le PACS.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Que dire, messieurs les ministres, de la façon dont le Gouvernement a sonné la fin de la récréation en exigeant, au travers d'une seconde délibération, que le Parlement, du moins sa majorité, mange son chapeau en annulant plusieurs de ses décisions, pourtant souveraines ? Alors que le vote du budget est le point d'orgue du travail parlementaire, le fait que vous ayez refusé de changer d'un iota le montant du déficit et des dépenses publiques, au demeurant trop important - 236 milliards de francs - nous interroge sur le rôle du Parlement.

Parce qu'il ne prépare pas l'avenir des Français au sein de l'Union européenne, le groupe UDF-Alliance votera contre ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Pour le groupe Radical, Citoyen et Verts, la parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce budget est un bon budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il est dans la continuité de celui de 1998, qui nous a donné de nombreuses satisfactions, puisque appuyé sur une croissance de 3,1 %. Le précédent budget a permis une relance de la consommation des ménages, la création de 280 000 emplois marchands, une diminution significative du chômage. Le déficit des comptes publics a, par ailleurs, été maintenu en dessous du seuil fatidique des 3 % du PIB. Les prélèvements obligatoires, à l'évidence encore trop importants, diminueront néanmoins de 0,2 %. Nous avons pourtant connu des bourrasques, pour ne pas dire des tornades financières sur le plan international.

A la crise asiatique a succédé la crise russe, l'une et l'autre ayant des incidences évidentes tant sur le marché américain que sur le marché européen et, bien sûr, le marché français. Mais ces crises seront positives si elles permettent de renforcer les institutions financières internationales, si, de manière paradoxale, elles consolident le choix de l'euro et si elles ancrent plus fortement que jamais la France dans l'Europe.

Pour 1999, vous nous proposez, monsieur le ministre, une croissance de 2,7 %. Au terme d'une démonstration souvent magistrale, vous nous avez convaincu de la crédibilité de cette prévision, au demeurant en retrait de 0,4 % par rapport à 1998.

M. Olivier de Chazeaux.

Que vous êtes naïf !

M. Alain Tourret.

Dès lors, qu'allez-vous faire de cette croissance ?

M. Gérard Hamel.

Rien !

M. Alain Tourret.

A l'évidence, vous allez réduire la pression fiscale, devenue souvent insupportable pour les classes moyennes, et aussi diminuer globalement le poids de la dette. Vous nous proposez donc de réduire le déficit de 0,7 point : nous approuvons cette orientation.

E n fin de compte, les priorités proposées nous semblent assez bien équilibrées : réduction des impôts de 16 milliards, réduction du déficit de 21 milliards, accroissement des dépenses publiques - notamment en faveur de l'emploi - de 16 milliards.


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Mais ce budget consacre avant tout une diminution des prélèvements sur les revenus du travail à hauteur de 20 milliards, compensée par une augmentation des prélèvements sur les revenus du capital à hauteur de 28 milliards. Cette orientation est bonne, de même que la création, au titre de l'ISF, d'une nouvelle tranche du tarif, au taux de 1,8 %, pour les 800 patrimoines supérieurs à 100 millions de francs. De tels transferts auront cependant des limites, à moins que l'on ne s'accommode d'évasions massives de capitaux. Quant au rendement de l'ISF, il dépendra à l'évidence de la reprise de la Bourse.

De même, nous devons nous féliciter de la suppression de la TVA sur les droits de mutation relatifs aux terrains à bâtir, car elle relancera le bâtiment et redynamisera la politique des communes rurales pour attirer de nouvelles populations sur leur territoire.

Le gel de la TIPP sur l'essence sans plomb et l'alignement de notre fiscalité sur le gazole sur l'écart européen moyen vont également dans le bon sens.

En revanche, nous sommes réservés sur le maintien de la redevance audiovisuelle : 98 % des Français possèdent désormais un poste de télévision. Demander à chacun 735 francs est profondément injuste pour les plus pauvres.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Tout à fait !

M. Alain Tourret.

La télévision n'est plus un luxe, comme il y a trente ans. Elle n'est même plus un objet de culture ou de loisirs,...

M. Gérard Hamel.

Hélas !

M. Alain Tourret.

... elle fait partie de l'indispensable, elle fait partie du quotidien. Il faudra s'en souvenir dans les années qui viennent.

Pourquoi, dès lors, ne pas fiscaliser cette taxe, quitte à demander à chaque Français de devenir un contribuable ? Etre contribuable, c'est également participer à la citoyenneté.

M. Jean-Pierre Soisson.

Très bien !

M. Alain Tourret.

S'agissant de la révision de la taxe professionnelle, nous comprenons bien les arguments en faveur de l'emploi. Mais une telle réforme, décidée sans que les retombées sur l'intercommunalité aient pu être appréciées, nous paraît soit dangereuse, soit prématurée.

(« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

A tout le moins, elle remet en cause certains aspects des lois de décentralisation, car l'autonomie communale réside davantage dans la possibilité donnée aux communes de lever l'impôt que dans le pouvoir qu'a le Gouvernement de verser des dotations. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Méhaignerie.

Très bien !

M. Alain Tourret.

Ces réserves sont fortes, mais elles s'estompent au vu d'un budget marqué par la volonté d'accompagner la reprise économique en privilégiant la justice sociale, le partage des fruits de la croissance, en un mot la solidarité. C'est pourquoi, notre appui ne vous sera pas compté. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants, la parole est à M. François d'Aubert.

M. François d'Aubert.

Monsieur le président, messieurs les ministres, le débat qui vient de durer une semaine aura surtout été marqué par une indifférence condescendante du Gouvernement à l'égard de la majorité et méprisante à l'égard de l'opposition. Il faut dire que les débordements idéologiques de la majorité pouvaient l'expliquer. On a encore en tête les propositions tendant à assujettir les oeuvres d'art à l'ISF, ainsi que celle de M. Cochet ayant pour objet de créer une tranche d'impôt sur le revenu au tarif de 60 % pour les revenus supérieurs à 500 000 francs. Nous aurions ainsi battu quelques records européens ! Le groupe Démocratie libérale est hostile à ce budget - vous l'aurez compris, monsieur le ministre - et ce pour trois raisons.

Premièrement, il est construit sur des hypothèses - sorte de vice de fabrication - qui sont pour le moins sujettes à caution : la certitude d'un dollar à six francs - qui peut encore y croire ? - et une inflation que vous surestimez pour masquer l'augmentation des dépenses et des impôts.

Prévoir un taux de croissance de 2,7 % alors que les signes de ralentissement de la vie économique sont de plus en plus marqués, y compris en Europe et même en France - ce matin encore, la presse en faisait état -, nous semble exagérément optimiste. Nous souhaitons, certes, que cette prévision se réalise, mais il faut savoir ce qui se passerait si le taux devait être inférieur. A 2 % de croissance, il n'y a plus de création mais réduction d'emplois, ce qui serait contraire à ce que nous souhaitons tous.

Deuxièmement, ce budget est à contre-courant des budgets européens et de ceux des pays industrialisés. Là où nos voisins allemands, anglais ou italiens diminuent la dépense publique, vous vous obstinez à l'augmenter. Le budget aurait pu dégager, selon nous, une cinquantaine de milliards d'économie réelle. Vous n'avez pas voulu le faire, faute de courage politique et faute de regarder en face les problèmes de la société française. Là où il é tait possible de baisser les impôts, vous les augmentez. Je tiens à dénoncer cette tromperie à l'égard de l'opinion publique. Quels sont les ménages qui peuvent croire que l'impôt sur le revenu va diminuer, alors que son produit va augmenter de 17 milliards de francs ? Qui peut croire que la CSG diminuera, alors que le rapport de la commission indique que les impôts sociaux, ceux qui sont destinés à financer les dépenses sociales, et la CSG en particulier, vont augmenter par rapport au produit intérieur brut ? Si les prélèvements obligatoires baissent, ce n'est pas grâce à un effort volontariste du Gouvernement, c'est parce que la croissance est forte, tout simplement. N'en faites donc pas un exploit gouvernemental ! Troisièmement, ce budget hypothèque l'avenir. Il ne contient aucune perspective.

M. Louis Mexandeau et M. Kofi Yamgnane.

Réactionnaire !

M. François d'Aubert.

Où est engagé un traitement de la question des retraites, à commencer par celles des fonctionnaires ? Où est esquissée le début d'une solution à la question des fonds de pension ? Nulle part ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Aucune perspective sur les retraites, problème majeur s'il en est ! Aucune perspective sur l'assurance vie ! Sans compter les catégories sociales auxquelles vous vous attaquez, celles-là mêmes qui portent l'avenir de la France et son dynamisme. Vous tapez sur les épargnants, en faisant comme s'il n'y avait que des épargnants professionnels. Sachez qu'il y a aussi des salariés parmi eux. Ils n'oublieront pas que l'imposition du patrimoine et de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

l'épargne a augmenté de 40 % en deux ans. Les familles qui construisent l'avenir de notre pays n'oublieront pas de sitôt les mauvais coups qui ont été portés contre elles (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) , l'année dernière et cette année, au travers du quotient familial.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Rien de tout cela ne sera oublié ! Les entreprises, quant à elles, n'oublieront pas non plus le pseudo-cadeau que constitue la réforme de la taxe professionnelle, qui devient, purement et simplement, du fait de la suppression de la part salariale, un impôt sur l'investissement, c'est-à-dire sur l'avenir et sur les équipements installés, ce qui sera un cas unique en Europe.

Poser de mauvaises hypothèses économiques, être à contre-courant de tous les pays européens, hypothéquer l'avenir : ce sont là trois bonnes raisons qui fondent le groupe Démocratie libérale à voter contre le projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Avant de donner la parole au dernier orateur inscrit dans les explications de vote, je vais d'ores et déjà faire annoncer le scrutin, de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

(Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.)

M. le président.

Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Jean-Louis Idiart.

M. Jean-Louis Idiart.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je me félicite avec mes collègues socialistes, du travail accompli depuis le mois de juillet en relation étroite avec le Gouvernement. Pour la première fois, nous avons disposé de temps pour préparer et discuter avec méthode le projet de loi de finances. Le nombre d'amendements adoptés témoigne de l'esprit d'ouverture du Gouvernement à l'égard de la représentation parlementaire.

A entendre nos collègues de l'opposition, il semblerait que nous ayons fait preuve de suffisance. Je me demande bien quand ceux qui ont participé au débat ont pu la ressentir. J'ai noté au contraire un débat fructueux, qui m'a même paru, à certains moments, particulièrement cordial.

S'agit-il maintenant de nier le débat positif qui a eu lieu pendant ces cinq jours pour s'offrir quelques effets de manche devant les médias ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Sur le fond, la question n'est pas tant de savoir si nous pourrons boucler le budget, que de s'attacher à mieux répartir la croissance retrouvée. A cet égard, les trois objectifs du Gouvernement ont bien été la réduction du déficit, celle des prélèvements et l'accompagnement de la consommation.

Nous restons attachés à la réduction de la TVA. C'est la raison pour laquelle nous avons voté les propositions faites par le Gouvernement sur la suggestion de nos collègues communistes de la majorité plurielle. Mais nous aurions également souhaité voir diminuer la TVA de 20,6 % à 5,5 % sur les travaux effectués dans les logements. Puisqu'une telle mesure se heurte à des dispositions communautaires, nous avons mandaté le Gouvernement pour qu'il engage fermement la discussion au niveau européen sur ce sujet.

Nos collègues de l'opposition se sont déclarés surpris que nous ne l'ayons pas fait plus tôt, alors que le premier sommet sur l'emploi a eu lieu l'an passé, à l'initiative de la gauche, et qu'aucune proposition dans ce sens n'avait jamais été formulée par la précédente majorité.

M. Guy-Michel Chauveau.

Très bien !

M. Jean-Louis Idiart.

Nous avons également a baissé la TVA sur le tri sélectif des déchets et supprimé celle sur les terrains à bâtir.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Très bien !

M. Jean-Louis Idiart.

Nous devons poursuivre dans cette direction.

Enfin, nous appuyant sur les rapports de nos collègues Nicole Bricq, sur la fiscalité écologique, Didier Migaud, sur la fiscalité du patrimoine, et Edmond Hervé, sur la fiscalité locale, nous avons également complété le texte gouvernemental.

La taxe professionnelle, taxe si décriée depuis des années, taxe antisociale et antiéconomique, semble désormais retrouver une nouvelle virginité aux yeux de certains. Elle est pourtant injuste et ne favorise pas le développement. Il convient de la réformer. Le Gouvernement vient de s'y engager, et nous soutenons ses initiatives.

De la même manière, nous avons souhaité la publication d'un rapport dès l'année prochaine afin que nous puissions examiner les effets de la réforme sur l'emploi, ainsi que les incidences qu'elle aura à partir de la deuxième année sur les finances des collectivités locales, sachant que pour 1999 il n'y en aura aucune.

Nous avons aussi souhaité que le Gouvernement aille un peu plus loin dans ses relations avec les collectivités locales. En cela, nous sortons du pacte dit de « stabilité », qui n'avait de pacte que le nom et où stabilité signifiait régression pour les collectivités locales,...

M. Laurent Cathala et M. Gérard Saumade.

Exactement !

M. Jean-Louis Idiart.

... pour entrer dans un pacte de croissance et de solidarité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Désormais, les collectivités locales seront dotées en fonction non seulement de l'inflation mais également de la croissance. Nous avons obtenu du Gouvernement que la part relative à la croissance soit portée à 20 % en 1999, puis à 25 % en 2000 et à 33 % en 2001.

Enfin, s'agissant de la fiscalité sur le patrimoine, les décisions prises visent à améliorer le rendement de l'impôt sur la fortune. C'est une bonne chose. En revanche, nous regrettons que, dans le cadre de la deuxième délibération, le Gouvernement ait invité le rapporteur général à retirer son amendement tendant à inclure les oeuvres d'art dans l'assiette de l'impôt.

M. Jean-Pierre Brard.

Très juste !

M. Jean-Louis Idiart.

Pourtant, la disposition proposée nous semblait à la fois sage, modeste, juste et nécessaire.

Elle n'a pas été retenue ; nous espérons qu'elle pourra l'être au cours des prochaines années.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

En conclusion, et pour créer une surprise importante dans cet hémicycle, j'indique que le groupe socialiste votera la première partie du projet de loi de finances pour 1999 et j'invite l'Assemblée à faire de même.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

Application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution et vote sur l'ensemble de la première partie

M. le président.

A la demande du Gouvernement, en application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, l'Assemblée est appelée à se prononcer par un seul vote sur l'article 2 bis modifié par l'amendement no 1, sur les amendements nos 2 et 8 supprimant les articles 2 ter et 8 bis, sur l'article 19 modifié par l'amendement no 3, sur les amendements nos 4 et 5 supprimant les articles 19 bis et 19 ter, sur l'article 23 modifié par l'amendement no 6, sur l'amendement no 7 supprimant l'article 31 bis et sur l'article 43 et l'état A annexé modifiés par l'amendement no 9, en seconde délibération, ainsi que sur l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 1999.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même, et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

553 Nombre de suffrages exprimés .................

550 Majorité absolue .......................................

276 Pour l'adoption .........................

305 Contre .......................................

245 L'Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures quinze, sous la présidence de M. Arthur Paecht.)

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

3

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

M. le président.

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au dimanche 8 novembre 1998 inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.

Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.

La conférence des présidents a décidé, en application de l'article 65-1 du règlement, que les explications et le vote par scrutin public sur la proposition de loi relative a u pacte civil de solidarité auront lieu le mardi 10 novembre à quinze heures, après les questions au Gouvernement.

Par ailleurs, le calendrier de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 a été rectifié et sera annexé au compte rendu intégral de la présente séance.

Enfin, en application des dispositions de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution, il a été décidé que la prochaine séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par l'Assemblée aurait lieu le vendredi 20 novembre prochain, matin et après-midi.

4 LOI DE FINANCES POUR 1999 (DEUXIÈME PARTIE) Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078, 1111).

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR,

RECHERCHE ET TECHNOLOGIE

M. le président.

Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie concernant l'enseignement supérieur, la recherche et la technologie.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour l'enseignement supérieur.

M. Alain Claeys, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour l'enseignem ent supérieur.

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, mes chers collègues, avant d'en venir à la présentation des crédits demandés au titre de l'enseignement supérieur pour 1999, je voudrais simplement rappeler combien, en trente ans, les conditions dans lesquelles la question des moyens à accorder aux formations postbaccalauréat ont changé.

Le système français d'enseignement supérieur s'est en effet diversifié, comme en témoigne le développement des instituts universitaires de technologie, qui accueillent aujourd'hui quelque 115 000 étudiants. Surtout, ce système n'est plus confronté à un afflux massif d'étudiants, mais enregistre une stabilisation, voire une diminution de ses effectifs, de l'ordre de 1,2 % lors de la rentrée universitaire 1997-1998. Enfin, son ouverture sur l'extérieur, si elle demande à être poursuivie, n'en est pas moins d'ores et déjà une réalité.

Dans ce contexte profondément modifié, le budget de l'enseignement supérieur pour 1999 s'élèvera à 51 114 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, soit une progression de 5,48 % par rapport à 1998.

Une telle progression est supérieure à la progression moyenne des budgets civils de l'Etat, qui s'établit à 2,3 %, ce qui traduit nettement la priorité accordée par le Gouvernement à la modernisation du système universitaire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

Si le contexte est favorable, il me semble qu'il impose certaines exigences, que ce projet de budget s'attache à prendre en compte.

La première est de rendre le système universitaire accessible à tous. C'est l'objectif du plan social étudiant, qui s'étalera sur quatre ans et dont un premier volet figure dans les crédits demandés pour 1999.

Ainsi, les crédits consacrés à l'action sociale augmenteront de 8,2 %, pour atteindre 8 967 millions de francs. Plus précisément, les crédits affectés aux bourses progresseront de 9,3 %, pour s'établir à 7 178 millions de francs. Il s'agit d'une majoration extrêmement significative, qui doit permettre de revaloriser le montant des bourses et d'élargir le champ de leurs bénéficiaires. A cette majoration s'ajoute l'attribution de 15 000 aides exceptionnelles, destinées aux étudiants redoublants ou en réorientation, ainsi que de 200 bourses de mérite pour les meilleurs bacheliers qui souhaitent suivre des études les préparant aux concours des écoles nationales de la magistrature et de l'administration. Cet effort considérable permettra d'augmenter de 25 200 en 1999 le nombre des étudiants aidés.

Le plan social étudiant prévoit également d'engager les premiers travaux de construction et de rénovation du parc de chambres des résidences universitaires ainsi que la participation de l'Etat pour 75 millions de francs à la mise en place d'une carte de réduction des frais de transports destinée aux étudiants d'Ile-de-France.

Au-delà de cet effort financier, une amélioration du fonctionnement et de l'organisation de la vie étudiante est recherchée. En effet, le plan social étudiant ne se limite pas simplement à une question de moyens supplémentaires, mais s'attache aussi à privilégier une approche qualitative en vue de contribuer à une amélioration durable des conditions de vie des étudiants. Deuxième grand chantier de l'enseignement supérieur, le plan Université du troisième millénaire, dont les jalons sont posés dans le budget pour 1999, s'inscrit dans une démarche complémentaire. Dans un souci de cohérence, ce plan privilégie la rénovation de l'environnement dans lequel les étudiants sont amenés à poursuivre leurs études, qu'il s'agisse, par exemple, de la culture, des sports ou des transports.

Au sein des crédits d'investissement, qui s'élèveront à 5 025 millions de francs en autorisations de programme, une enveloppe de 1 030 millions de francs en autorisations de programme sera affectée au financement de ce plan en 1999. Je précise qu'il ne s'agit là que d'une préfiguration, le plan ayant vocation à couvrir la période 2000-2006.

Cette enveloppe spécifique permettra de traiter les problèmes qui subsistent en matière de mise en sécurité des bâtiments universitaires ainsi que de réaliser les premiers investissements du plan social étudiant.

A plus long terme, les crédits affectés au plan U3M seront consacrés à une rénovation du cadre de vie étudiant, avec une priorité accordée aux universités de Paris et de sa périphérie, en raison de la forte dégradation de leur patrimoine immobilier, sous réserve, bien entendu, d'une restructuration institutionnelle de ces universités.

J'ai consacré un développement important à cette orientation dans mon rapport, afin de montrer combien une telle intervention s'impose et, surtout, qu'elle ne signifie en aucune manière que les besoins des universités de province ne seront pas pris en compte. Je pense tout le contraire : même si on reconnaît la réussite du plan U2000 en province, force est d'admettre que certaines opérations de réhabilitation sur des bâtiments antérieurs à son lancement s'imposent aujourd'hui. En outre, d'autres priorités apparaissent, en vue notamment d'accorder à la recherche universitaire une place centrale et de favoriser l'organisation de réseaux régionaux. A cet égard, je suis persuadé qu'une des mesures du plan social étudiant, à savoir la création d'une commission de la vie étudiante dans chaque site universitaire, regroupant des élus, des représentants de l'université et des étudiants, permettra de mettre en oeuvre ces orientations de manière concertée et efficace.

L'enveloppe U3M pour 1999 comprendra par ailleurs 560 millions de francs en autorisations de programme et 321 millions de francs en crédits de paiement pour le désamiantage du campus de Jussieu. Cette question est complexe. Je crois utile de rappeler que le chantier du désamiantage soulève des problèmes non seulement de santé publique, mais aussi de sécurité incendie et de coût.

C'est pourquoi il ne me paraît pas possible, à l'heure actuelle, de préjuger les solutions qui seront prises quant à l'avenir du campus.

Dans ces conditions, on comprend très bien, monsieur le ministre, qu'une expertise indépendante, comme celle que vous avez diligentée sur les problèmes de sécurité, soit nécessaire. J'ajoute que ces éléments incitent à poser clairement la question de la poursuite du chantier ou de son abandon au profit d'un déménagement du campus.

Enfin, la progression des crédits d'investissement permettra de poursuivre l'exécution des contrats de plan

Etat-régions, pour lesquels 1 446 millions de francs d'autorisations de programme sont inscrits. Elle permettra également d'engager de nouveaux projets, comme la construction du Musée des arts premiers, qui est cofinancée à parité par les ministères chargés de l'enseignement supérieur et de la culture.

Le budget qui vous est soumis traduit également un souci de modernisation du système universitaire français face aux défis auxquels il est confronté et que représentent son ouverture internationale et son adaptation aux besoins de formation, mais aussi aux moyens de diffusion du savoir que peuvent constituer les nouvelles technologies.

Dans cette perspective, les crédits de fonctionnement sont abondés de 192 millions de francs, avec pour objectif d'assurer le développement des nouvelles technologies.

Au sein de ces crédits, 20 millions de francs supplémentaires seront destinés à l'équipement informatique des IUFM et à la formation pour une utilisation et une diffusion efficaces des nouvelles technologies.

Les crédits de fonctionnement des bibliothèques universitaires ne bénéficieront en revanche que d'une mesure nouvelle de 15 millions de francs, ce qui reste insuffisant au regard du retard accumulé. C'est pourquoi je considère que cet effort doit être renforcé, tout en précisant que l'élaboration du plan U3M sera sans aucun doute très opportune.

S'agissant de l'adaptation aux évolutions du monde professionnel, j'ai pu observer que certaines universités ont mis en place des dispositifs destinés à mieux préparer les étudiants à leur entrée dans la vie active. Ces initiatives méritent d'être encouragées ; mais que l'on ne se méprenne pas sur le sens que je donne à la nécessité de ces adaptations. Je reste tout à fait convaincu que la mission première du système d'enseignement supérieur est de permettre un exercice critique du jugement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

Je ne résiste d'ailleurs pas au plaisir de reprendre les termes de Montaigne, qui insistait pour que l'élève rende compte non pas « des mots de sa leçon, mais du sens et de la substance, et qu'il juge du profit qu'il en fait, non par le témoignage de sa mémoire, mais de sa vie ».

S'agissant du développement des activités de formation continue dans les établissements d'enseignement supérieur, je répète qu'un appel d'offres a été lancé cette année en vue d'encourager les projets faisant appel à des outils pédagogiques novateurs. Mais les moyens humains et financiers à mettre en oeuvre pour développer ces actions restent à définir et je souhaite, monsieur le ministre, que vous nous donniez des précisions à ce sujet.

Enfin, le développement des formations professionnalisées me paraît devoir être évoqué, en particulier la question de savoir si la prolongation d'un an des études en IUT, qui correspondrait à une « norme » européenne, est envisagée. Là encore, je souhaite que vous nous fassiez part de vos intentions.

Le budget pour 1999 se caractérise enfin par un effort d'adaptation des métiers de l'enseignement supérieur à ces différentes évolutions. Cette priorité se traduit notamment par le recrutement de 1 500 enseignants-chercheurs, grâce au transfert de la prise en charge de 1 500 attachés temporaires d'enseignement et de recherche sur un chapitre budgétaire différent. Elle se manifeste en outre par des créations d'emplois en faveur des personnels non enseignants, qui prolongent l'effort engagé en 1998. La création de 800 emplois budgétaires, dont 150 emplois de personnels des bibliothèques, est ainsi inscrite dans le budget, une attention particulière étant portée à la qualité de ces créations, qui concernent 40 % des effectifs en catégorie A et 34 % en catégorie B. Mais l'effort dans ce domaine ne doit pas être relaché. Enfin, des mesures significatives de revalorisation des carrières sont prévues, qui participent également de la volonté d'adapter les qualifications. L'ensemble de ces dispositions contribuera à une amélioration du taux d'encadrement des étudiants, qui s'établira à 19,25 étudiants par enseignant à la rentrée universitaire 1998-1999, contre 19,80 en 1998.

Au-delà des arbitrages strictement financiers, ce budget traduit des orientations stratégiques qui vont dans le sens d'une amélioration des conditions de la vie étudiante ainsi que d'une modernisation et d'un accroissement de l'efficacité sociale du système français d'enseignement supérieur. Ces orientations illustrent la diversité des attentes auxquelles le système français d'enseignement supérieur doit répondre ; elles vont d'une demande sociale d'éducation croissante à celle d'un développement de la connaissance comme enjeu de la compétitivité économique.

En définitive, le budget pour 1999 se caractérise à mon sens par un certain réalisme, sans renier pour autant les missions fondamentales qui incombent au système universitaire dans le développement de la connaissance.

Consciente de ces enjeux, la commission des finances a adopté le budget de l'enseignement supérieur car il traduit bien le caractère prioritaire reconnu à cette action par le Gouvernement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'enseignement supérieur.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'enseignement supérieur.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de l'enseignement supérieur, en augmentation de 5,48 %, traduit la volonté du Gouvernement de poursuivre la démarche engagée l'année dernière et d'inscrire l'enseignement dans la voie de la modernisation.

Ce budget se s'élèvera à 51,114 milliards de francs, contre 48,459 l'année dernière, alors que, parallèlement, le nombre d'élèves accueillis sera, selon toutes prévisions, en diminution de 1,1 % par rapport à 1998.

On observe trois axes majeurs dans ce budget : d'abord, l'amélioration des moyens des établissements en emplois, crédits et mesures de personnel ; ensuite, la poursuite de l'effort d'investissement dans le cadre de la préparation du plan Université du troisième millénaire ; enfin, les engagements du Gouvernement quant à la mise en oeuvre du plan social étudiant.

L'augmentation de 9,3 % des crédits d'action sociale en faveur des étudiants constitue le premier volet d'un plan quadriennal, présenté par M. le ministre en juillet dernier, et destiné à améliorer le système d'aides actuel.

Au total, le plan social étudiant a pour objectif d'augmenter de 15 % le taux des bourses et de permettre à 30 % des étudiants d'en bénéficier.

S'agissant du plan Université du troisième millénaire, il est prévu d'anticiper, comme l'année dernière, sur sa mise en oeuvre, en ouvrant un milliard de francs d'autorisations de programme afin de poursuivre sans interruption l'effort de construction et de mise en sécurité des bâtiments universitaires.

Quant au lien entre le plan Université du troisième millénaire et le plan social étudiant, il est assuré par le fait que le quart des investissements serviront en priorité à améliorer les lieux de vie des étudiants.

Trois axes, donc, mais un point nodal : le budget est plus que jamais centré sur l'étudiant. Il s'inscrit donc dans la poursuite de l'amélioration des conditions de travail et marque le début de la mise en oeuvre du plan social étudiant. Les mesures prises, qui ne connaissent dans ce projet de budget que leur première concrétisation financière, sont porteuses d'avenir pour la qualité de l'enseignement supérieur français, au bénéfice de tous les étudiants, et participe de la volonté de justice sociale qui anime le Gouvernement et sa majorité.

L'amélioration des conditions de travail passe par un meilleur encadrement des étudiants et par une amélioration substantielle de leurs conditions d'accueil.

Si aucune mesure de création d'emplois d'enseignantchercheur n'est présentée dans le projet de loi de finances p our 1999, le budget de l'enseignement supérieur comporte néanmoins une mesure d'inscription de crédits correspondant à la rémunération de 1 500 attachés temporaires d'enseignement et de recherche sur le chapitre 31-87. Ces 1 500 ATER étaient précédemment rémunérés sur les emplois budgétaires d'enseignant-chercheur vacants du chapitre 31-11. Le volume actuel d'ATER en service dans les universités n'est donc pas affecté par cette mesure.

Eu égard au cadre actuel de la baisse des effectifs étudiants, le taux d'encadrement devrait s'améliorer, pour atteindre 19,25 étudiants par enseignant en 1999, contre 19,80 en 1998. A titre d'exemple, ce taux d'encadrement était de 22,67 en 1995.

Cette amélioration du taux d'encadrement est encore plus sensible si l'on prend en compte les PRAG, professeurs agrégés du second degré affectés dans les établissements d'enseignement supérieur, dont les contraintes de service plus lourdes font qu'ils encadrent deux fois plus d'étudiants que les autres corps d'enseignants.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

Il convient cependant d'observer la pérennité de l'encombrement de certaines filières universitaires, UFRAPS, et psychologie, par exemple. La semestrialisation dont M. Bayrou a pris l'initiative constitue une réponse insuffisante. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quelles mesures vous comptez prendre pour avancer dans ce domaine ? L'effort engagé en 1998 concernant les postes de personnels non enseignants est poursuivi, bien qu'à un rythme moins important. Il contribue aussi à augmenter l'encadrement des étudiants : ainsi, 800 postes sont créés, dont 150 pour le personnel des bibliothèques.

Le recrutement des personnels administratifs est résolument tourné vers un niveau de recrutement élevé, puisque 40 % d'entre eux sont de catégorie A et 34 % de catégorie B.

Le taux d'encadrement administratif des étudiants, qui avait subi une dégradation lente et continue de 1980 à 1996, s'améliore donc pour avoisiner un taux de trente étudiants par agent non enseignant.

S'inscrivant dans une logique de formation et d'emploi pour les jeunes, les établissements d'enseignement supérieur auront aussi la possibilité de recruter 2 000 emploisjeunes, pour des jeunes non titulaires du baccalauréat qui auront pour mission d'assurer une fonction d'accueil et d'assistance, d'animation, d'aide à l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication et de sécurisation des locaux.

Il convient également de souligner dans ce projet de budget que 400 jeunes docteurs seront affectés dans les IUFM afin de promouvoir le développement des NTIC, ainsi que vous y étiez engagé, monsieur le ministre.

Les établissements seront mieux à même d'accueillir les étudiants. En effet, leurs moyens de fonctionnement augmenteront de 1,9 %, soit une hausse de 124 millions de francs, afin d'assurer le rattrapage des crédits de fonctionnement et de respecter les engagements contractuels pluriannuels entre l'Etat et les établissements.

Deux axes principaux font l'objet d'efforts.

Le premier concerne les bibliothèques, avec 15 millions de francs supplémentaires, ce qui porte la somme totale à 535,39 millions de francs.

Il faut toutefois noter que les besoins demeurent encore très importants malgré les efforts déployés ces deux dernières années, et le rattrapage du retard accumulé ne pourra se faire que si l'on procède en plus à un redéploiement interne propre à chaque université, ce qui, d'un certain point de vue, est regrettable.

Le second axe concerne les nouvelles technologies de l'information et de la communication. Il est prévu de passer à RENATER 2, qui est fondé sur une nouvelle technologie de réseau à haut débit, offrant des qualités de service amélioré. La mise en oeuvre de RENATER 2 devrait être effective en juillet 1999.

Concernant les constructions et la mise en sécurité des bâtiments, les crédits d'investissement inscrits dans le projet de loi de finances pour 1999 s'élèvent à 5,025 milliards de francs en autorisations de programme. Cette progression, de 1,9 %, s'ajoute à celle de 45 % réalisée en 1998. Ces crédits doivent permettre la poursuite des contrats de plan Etat-régions, ainsi que la maintenance des bâtiments universitaires et de recherche.

Par ailleurs, les crédits de paiement s'élèvent à plus de 5,66 milliards de francs, soit une progression par rapport à 1998 de plus de 11 %. Ce projet de budget permet par ailleurs d'anticiper sur la mise en place du plan U3M. Dans un premier temps, 760 millions de francs seront affectés à la poursuite de la mise aux normes de sécurité des établissements, et 150 millions seront destinés à la construction ou à la restauration des restaurants et cités universitaires, dans le cadre du plan social étudiant.

S'agissant plus particulièrement des opérations liées au désamiantage du campus de Jussieu, pour lesquelles 560 millions de francs en autorisations de programme et 320 millions de francs en crédits de paiement sont prévus au budget de 1999, il faut souligner que les étudiants ne courent désormais plus aucun risque.

Deuxième grand volet de ce projet de budget : le début de la mise en oeuvre du plan social étudiant.

Ambitieux, à la hauteur des attentes depuis longtemps suscitées, ce plan consiste à créer les conditions d'une meilleure reconnaissance de la place des étudiants dans la société, à leur apporter les bases d'une plus grande indépendance matérielle et morale, tout en leur permettant d'être mieux responsabilisés dans la conduite des politiques et institutions de la vie étudiante.

Il pose les jalons pour la construction d'un statut et l'accès à une véritable autonomie de l'étudiant.

L'année 1999 doit être mise à profit pour préparer, avec l'ensemble des acteurs concernés, les mesures applicables à la rentrée prochaine.

Le plan social étudiant présente tout un volet de mesures. Il s'agit principalement d'aides directes plus nombreuses et aux montants revalorisés, de la création de bourses de mérite, de nouvelles exonérations de droits d'inscription, d'un dispositif d'aide à la réussite plus simple et plus cohérent et de la mise en place d'un dossier d'allocations d'études dans chaque établissement ou ville universitaire.

Le nombre des boursiers sur critères sociaux atteignait 351 920 en 1997-1998, et celui des aides individualisées exceptionnelles, accordées par le recteur à des étudiants en situation de redoublement ou de réorientation, s'établissait à 30 012.

Dans le cadre de la mise en oeuvre du plan social étudiant, le projet de budget pour 1999 permet une augmentation de 25 000 du nombre d'étudiants aidés : on comptera 10 000 boursiers supplémentaires par relèvement des plafonds de ressources, soit une augmentation de 1,2 % pour les quatre derniers échelons des bourses sur critères sociaux et de 6 % pour le premier échelon, et l'aide individualisée exceptionnelle, qui sera maintenue, profitera à 15 000 nouveaux étudiants redoublant ou se réorientant.

L'attribution des aides selon un principe plus souple que celui de l'annuité sera aussi mis à l'étude. L'objectif est d'adapter le rythme de versement à la mise en place des semestres à l'intérieur de cycles, conformément aux nouveaux standards européens.

Dès 1998, 200 bourses d'un montant annuel de 40 000 francs seront attribuées - 400 sont prévues pour 1999 - aux meilleurs bacheliers issus des familles les plus modestes et qui se destinent aux études menant aux concours de l'ENA et de l'ENM.

Le plan social étudiant prévoit également la création d'une allocation permettant à de nouveaux publics étudiants de bénéficier de l'exonération des droits d'inscription et de la cotisation au régime de sécurité sociale étudiante. Cette allocation peut être assimilée à une bourse à taux zéro.


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La réglementation et les modalités d'attribution des aides nationales seront corrigées afin d'améliorer la gestion du système et d'accélérer les délais de versement, de mieux suivre les évolutions pédagogiques, de mieux prendre en compte la situation personnelle des étudiants et de favoriser la mobilité étudiante et l'internationalisation des cursus.

Enfin, je l'ai dit, un dossier d'allocations d'études sera constitué dans chaque établissement ou ville universitaire.

Cela permettra à l'étudiant de formuler, dans un même dossier, l'ensemble des demandes auxquelles il peut prétendre : aides sur critères sociaux, aides sur critères universitaires, aides au logement, aides individualisées et aides de l'établissement ou des collectivités territoriales.

Dès lors, la commission sociale qui instruit les dossiers aura une vision globale de la situation réelle de l'étudiant, notamment des circonstances qui ne peuvent être perçues à la seule lumière de la déclaration fiscale des parents.

On peut d'ailleurs, monsieur le ministre, dans un contexte plus large, regretter que le quotient familial n'ait pas été comptabilisé dans le calcul d'attribution des bourses, car le mode de redistribution aurait peut-être été meilleur.

Le plan social tend aussi à améliorer la participation des étudiants à la vie universitaire au moyen d'un ensemble de mesures : promotion de l'autonomie, participation des étudiants aux structures du CNOUS et des CROUS, création de commissions de la vie étudiante dans chaque site, renforcement du rôle de l'observatoire de la vie étudiante. Il serait souhaitable, monsieur le ministre, de prévoir une forme de validation universitaire de la participation des étudiants aux instances collectives de gestion. Sans mettre en place pour autant un statut de l'étudiant-président de CROUS, qui ne manquerait pas de professionnaliser cette fonction et donc de l'éloigner davantage des étudiants, il convient néanmoins de faciliter l'exercice du mandat.

En ce qui concerne les moyens des oeuvres, hors personnels, le projet de budget augmente la dotation correspondante de 44,6 millions de francs, soit une progression de 4,2 %, la portant à 1,104 milliard de francs.

Enfin, l'amélioration des conditions de vie se manifeste à travers des mesures destinées à faciliter l'accès au logement, au transport, à la culture, à la pratique sportive et à améliorer les services de santé.

Le présent avis se doit d'aborder l'harmonisation de l'architecture du système européen d'enseignement supérieur, laquelle devrait aboutir à travers une réforme des cursus universitaires, mais aussi des grandes écoles. Lors de ces différentes réformes, il sera nécessaire de bien prendre en compte l'intérêt légitime des étudiants préparant leur avenir et celui de notre pays, et non des intérêts budgétaires ou financiers.

L es perspectives fort intéressantes ainsi ouvertes concordent avec le souci de justice sociale que traduit le plan social étudiant car elles doivent permettre d'éviter trop de ségrégations au sein de l'enseignement supérieur.

Le projet de budget crée effectivement les conditions pour la mise en oeuvre de réformes ambitieuses, centrées sur les étudiants. Il conviendra, dans le contexte de l'autonomie des universités, d'inciter les chefs d'établissement à s'inscrire dans cette logique, via le soutien aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, et par la mise en place des conditions d'amélioration de la vie étudiante.

Dans ces conditions, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a émis un avis favorable sur les crédits de l'enseignement supérieur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la recherche.

M. Christian Cuvilliez, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la recherche.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget civil de la recherche et du développement, qui regroupe l'ensemble des crédits de l'Etat affectés à la recherche civile, tel qu'il nous est proposé dans le projet de loi de finances pour 1999, s'élève à 53,915 milliards de francs en dépenses ordinaires et en crédits de paiement.

Si l'on peut considérer comme un élément positif sa progression de 1,6 % par rapport à la loi de finances initiale de 1998 - supérieure à celle enregistrée l'an passée, qui était de 1,4 % -, ce qui a conduit la commission des finances à se prononcer en faveur de son adoption, il faut souligner que cette progression est inférieure à la croissance de l'ensemble des budgets civils, qui est de 2,3 %. Lorsque l'on sait qu'en 1993 le BCRD s'élevait à 51,9 milliards de francs et qu'en cinq ans, de 1993 à 1998, sa progression n'a été que de 3,8 %, avec une baisse en francs constants en 1994, 1995 et 1996, on mesure que le projet de budget qui nous est soumis ne permettra pas de corriger les retards pris sous le gouvernements précédents.

Nous sommes loin de cette grande ambition pour la recherche que vous avez affichée, monsieur le ministre ! Les retards accumulés et l'obligation dans laquelle nous sommes de remettre à flot le potentiel de la recherche publique nécessitent un effort beaucoup plus vigoureux.

C'est ce qui m'a conduit, pour ma part, à m'abstenir sur les crédits de la recherche en commission des finances.

Il faut souligner que cette analyse pour le moins en

« demi-teinte », pour reprendre l'expression employée par le conseil supérieur de la recherche et de la technologie, est également celle que fait cette institution dans l'avis qu'elle vient de formuler sur les crédits de la recherche.

La dynamique actuelle, soutient-elle, conduit « certaines institutions publiques de la recherche dans une impasse ».

J'aurai l'occasion de revenir sur le sujet lorsque j'évoquerai la situation du CNRS et celle du Commissariat à l'énergie atomique.

Divers éléments viennent en effet tempérer l'impression première et susciter des interrogations pour l'avenir.

Il s'agit, en premier lieu, des modifications dans la nomenclature, avec l'inscription au BCRD des crédits du Laboratoire central des ponts et chaussées, précédemment inscrits au budget des services communs de l'équipement.

Je mentionnerai, en second lieu, les incidences du transfert du programme de forage en océan de l'IFREMER, crédits reportés, quant à eux, sur le CNRS.

Enfin, je relèverai l'augmentation des crédits destinés au FRT, le fonds de la recherche et de la technologie, à la diffusion des technologies du secteur spatial et à la création du FNS, le fonds national de la science, ces deux dernières mesures, destinées à favoriser le pilotage de la recherche par le ministère, conduisant à une dégradation du pouvoir d'achat des laboratoires.

L'examen des crédits de la recherche inscrits dans le fascicule « Recherche et technologie » du ministère de l'éducation nationale, et fixés à 40 milliards de francs,


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confirme cette analyse. Leur progression de 1 % traduit en effet une absence de priorité pour la recherche sur le plan quantitatif.

Au sein des organismes de recherche, les dotations budgétaires des EPST, les établissements publics à caractère scientifique et technologique, devraient dépasser 22,4 milliards de francs en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, soit une augmentation de 2,2 % et 4,1 milliards de francs en autorisations de programme.

L'accent est mis, dans le projet de budget, sur le soutien des programmes, en progression de 7,7 %. On peut regretter que les autres autorisations de programmes diminuent en contrepartie de 8,6 %.

La subvention destinée au CNRS s'élève à 13,939 milliards de francs en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, soit une progression de 1,6 %, ce qui correspond à une augmentation de 22 millions de francs. Il faut cependant souligner que, sur ces 22 millions, 12 sont destinés à l'IFREMER, ce qui réduit la progression des crédits à 10 millions. Cependant, lorsque l'on sait que le CNRS devra verser 20 millions de TVA de plus en 1999, on constate que, de 22 millions de progression affichée, on aboutit en fait à une baisse de 10 millions des crédits destinés à la recherche pour cet établissement.

Quant aux crédits de paiement destinés au fonctionnement des laboratoires du CNRS, leur progression n'est que de 0,42 %, ce qui correspond à une baisse en francs constants. Même constat pour les autorisations de programme, dont l'augmentation affichée est de 0,86 %.

Comme le soulignent les responsables du CNRS, que j'ai auditionnés dans le cadre de la préparation du rapport sur les crédits de la recherche, les moyens ne sont pas à la hauteur des priorités. Ils ne permettront pas de poursuivre les investissements prévus pour les très grands équipements ni de respecter les engagements internationaux correspondants.

Quant à l'IFREMER, ses crédits sont affectés dans le projet de loi de finances d'une réduction de 1,1 %, ce qui ne traduit pas, tant s'en faut, les recommandations faites en septembre 1997 par le conseil supérieur de la recherche et de la technologie. Elle témoigne, selon l'avis rendu par le conseil à propos du domaine marin, « d'une politique à court terme incohérente avec les enjeux économiques et sociaux actuels et ceux bien plus considérables encore à long terme qui concernent les ressources, les échanges, les climats et la gestion des zones côtières ».

S'agissant des EPIC, les établissements publics à caractère industriel et commercial, les dotations qui leur sont affectées doivent diminuer de 1,7 % à une exception près - en tout cas à la lecture du projet de budget tel qu'il nous est proposé -, celle du CEA, le Commissariat à l'énergie atomique, dont les crédits d'investissement augmenteraient de 15,2 %. En intégrant la dotation prévue au budget du ministère de l'industrie, il bénéficie en effet d'un montant total de 750 millions de francs en autorisations de programme. Cette analyse mérite toutefois d'être nuancée par une remarque essentielle : le budget civil du CEA, dans son état actuel, validé par le ministère, fait apparaître, si l'on compare la colonne ressources à celle des dépenses, une impasse de 300 millions de francs.

Il est donc urgent de trouver une réponse à ce besoin de financement, l'effort de rebudgétisation devant être poursuivi et renforcé. Il en va, monsieur le ministre, de l'avenir de la filière nucléaire française, qui a été évo qué cet après-midi lors des questions d'actualité. A moins que vous n'ayez décidé d'abandonner la filière nucléaire française, la question se posant après les décisions de nos voisins allemands ! En effet, si, en 1999, les décisions de renouvellement des centrales du parc nucléaire français qui arrivent à obsolescence ne sont pas prises, avec les autorisations de programme correspondantes, c'est ce renouvellement qui risque d'être compromis à l'horizon 2010.

On ne peut également que faire un constat en demiteinte en ce qui concerne la recherche universitaire.

La croissance prévue des crédits de 2,9 % est en effet inférieure à celle de 1998, qui était de 5,4 %. L'ensemble des crédits alloués aux laboratoires reste ainsi très insuffisant au regard des besoins et des attentes des chercheurs.

Le SNCS, syndicat national des chercheurs scientifiques, estime, par exemple, qu'il faudrait doubler ces crédits en cinq ans, ce qui représente une augmentation de 2,4 millions de francs par an.

Le budget présenté traduit la même insuffisance en matière de créations d'emplois scientifiques. Le projet de BCRD prévoit la création de 150 emplois - 100 de chercheurs, dont 40 pour le CNRS et 37 pour l'INSERM, et 50 d'ingénieurs, techniciens et agents administratifs -, ce qui est notoirement insuffisant en comparaison de 400 créations d'emplois de chercheurs qui étaient inscrites dans le budget de 1998 et auxquelles s'ajoutait la création de 200 emplois d'ITA.

Il faut par ailleurs noter que, pour 1999, une réserve d'emplois est une nouvelle fois prévue de 12 postes de chercheurs et de 9 postes d'ITA. Ces 21 postes doivent être répartis en cours d'année afin de soutenir les efforts de rapprochement et de rationalisation des structures de la recherche.

Ainsi, l'effort de rattrapage réalisé l'an passé et justifié par les retards accumulés par les gouvernements précédents devrait être poursuivi à un rythme identique avec l'objectif de rajeunir la pyramide des âges des chercheurs.

Il convient de rappeler que les besoins en matière de recrutement d'enseignants-chercheurs dans l'enseignement supérieur sont estimés par les organisations syndicales à 5 000 postes et à un nombre identique de postes d'IATOS, et cela pendant quatre ans.

Le SNCS estime, pour sa part, compte tenu des départs prévisibles, à 450 le nombre de postes de chercheurs qui devraient être créés au lieu des 100 inscrits dans le projet de loi de finances. La même organisation syndicale - on peut ne pas être de son avis - évalue à 1 000 le nombre de postes d'ITA perdus ces dernières années et considère que les créations effectuées l'an dernier sont largement insuffisantes et devraient être multipliées par dix.

En ce qui concerne la formation et l'aide à la recherche, des crédits supplémentaires sont prévus pour la signature de 150 nouvelles conventions de formation par la recherche de techniciens supérieurs - les fameux CORTECHS. Le nombre des allocations, après une augmentation en 1998, où il a atteint 3 800, n'en reste pas moins inférieur de 400 à son niveau de 1992 et de 1993.

Le soutien à l'innovation technologique se traduit, dans le projet de loi de finances, par une augmentation des crédits destinés au fonds de la recherche et de la technologie, dont la dotation passe de 412 millions de francs à 630 millions de francs en autorisations de programme.

Quant au fonds national de la science, créé pour intervenir dans les secteurs jugés prioritaires, il est doté de 318 millions de francs en crédits de paiement et de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

500 millions de francs en autorisations de programme, sans que les modalités d'évaluation de ses actions soient précisées. En outre, cette dotation reste modeste au regard des besoins dans le domaine des sciences du vivant et ne permet pas de contribuer à la restauration des moyens des laboratoires.

Dans le secteur spatial, les subventions allouées au CNES, le Centre national d'études spatiales, dont on dit grand bien - c'est demain qu'Ariane 5 va s'élancer de sa base de Kourou, si tout va bien, et j'espère que ce sera le cas -, seront augmentées de 70 millions de francs. Une fois soustraites les contributions de l'Agence spatiale européenne, qui représentent un peu plus de 50 % des subventions et des dépenses incompressibles de fonctionnement, cela fragilisera les marges de manoeuvre du Centre pour le développement à long terme de ses programmes, précisément celui du lanceur Ariane 5, sans parler des éléments d'accompagnement.

Le projet de budget de la recherche pour 1999 se caractérise, sur le plan strictement budgétaire, par une progression des crédits in fine peu significative, qui permet au plus une stabilisation des parties opérationnelles des laboratoires publics, comme le démontre la situation du CNRS.

En 1997, la dépense nationale de recherche-développement, c'est-à-dire l'ensemble des moyens financiers affectés à la recherche-développement par les agents économ iques nationaux, représentait 2,27 % du produit intérieur brut, soit 0,18 % de moins qu'en 1993. Parallèlement à cette évolution globale de l'effort national en faveur de la recherche, on observe depuis 1991 une diminution du volume des financements publics de 5,5 %, soit 1,1 % par an.

Selon les prévisions qui avaient été avancées pour 1997, la dépense intérieure de recherche-développement, qui comprend toutes les dépenses afférentes aux travaux de recherche-développement exécutés sur le territoire national, devrait baisser de 0,5 %.

Sur un plan plus général, on constate que la recherchedéveloppement effectuée en France, qui a connu de 1979 à 1993 une croissance plus rapide que celle du PIB, connaît une baisse depuis 1993.

La France se situe ainsi au cinquième rang pour sa dépense intérieure de recherche par habitant, après les

Etats-Unis, la Suède, le Japon et l'Allemagne. Ce constat rend plus que jamais indispensable le maintien et le développement d'une effort public, et donc d'un effort budgétaire, en faveur de la recherche.

Force est de constater que ce n'est pas cette orientation qui a été prioritairement retenue. Comme j'ai eu l'occasion de le dire devant la commission des finances, l'accent est plutôt mis, dans le droit fil des propositions contenues dans le rapport Guillaume, sur le développement des liens entre la recherche et l'activité des entreprises. Ce n'est pas fondamentalement mauvais en soi, mais cela ne doit pas mobiliser tout notre effort.

En outre, les dispositifs mis en place dans cet esprit ne font pas l'objet d'une réelle évaluation comme l'atteste l'exemple du crédit d'impôt-recherche destiné à encourager l'essaimage des personnels de recherche vers les entreprises et le couplage entre la recherche publique et les entreprises. Ce crédit d'impôt n'est ni évalué, ni contrôlé et devrait, à mon sens, être réorienté vers l'embauche de jeunes docteurs.

L'insuffisance des moyens au regard des besoins constatés et des enjeux sur le plan national et international, ainsi que les arbitrages rendus placent les grands organismes de recherche, les laboratoires et les chercheurs dans une situation d'autodéfense. Ils menacent leur autonomie. Ils les contraignent à développer leurs relations avec le monde industriel dans des conditions qui ne sont pas favorables à l'orientation de leurs activités sur des filières rentables ou portées par la conjoncture, au détriment de la recherche fondamentale. Ils conduisent, c'est le mot d'un des chercheurs que j'ai rencontrés, à renoncer à la « société du savoir » au profit de la « société de marché ».

En juin dernier, monsieur le ministre, vous avez, par voie de presse, développé les grandes orientations de la politique que vous comptez mettre en oeuvre en matière de recherche : création d'un conseil national de la science ; redéfinition et rajeunissement des règles de fonctionnement des organismes de recherche ; octroi des crédits aux chercheurs en fonction de leurs « qualités » et de celles de leurs propositions de recherche, et non plus aux laboratoires ; développement des aides à l'investissement privé ; encouragement à la création d'entreprises par les chercheurs.

Ces propositions, qui se fondent sur les conclusions du rapport Guillaume, ont fait l'objet de discussions lors de conseils interministériels. Les réactions légitimes qu'elles ont suscitées parmi les chercheurs et les organisations syndicales que j'ai rencontrés ou même parmi les dirigeants des établissements que j'ai consultés au cours de la préparation de ce rapport budgétaire ne vous auront pas échappé, monsieur le ministre. Les chercheurs y voient la double volonté de réduire l'autonomie et les possibilités d'initiative des organismes de recherche. Qu'il s'agisse de celles de l'INSERM ou du CNRS, les fonctions des instances scientifiques seraient réduites au profit des directions liées à la logique marchande inspirée du modèle anglo-saxon, et un « pilotage par l'aval » de la recherche serait ainsi imposé.

Quelles dispositions comptez-vous prendre afin que la représentation nationale soit saisie de votre réflexion et de ces orientations ? En commission des finances, j'avais souhaité obtenir de votre part des éléments de réponse sur ces questions et sur le sens de votre action. En l'état actuel du débat et faute de ces éclaircissements, je confirme ma proposition d'absention sur les crédits de la recherche, tels qu'ils sont proposés dans le projet de budget pour 1999. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. Jean-Pierre Foucher et Mme Nicole Catala.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la recherche.

M. Jean-Pierre Foucher, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la recherche.

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, mes chers collègues, les assises de l'innovation tenues en mai dernier et les objectifs qu'a définis en juillet le comité interministériel de la recherche scientifique et technologique laissaient entrevoir la possibilité d'un effort budgétaire conséquent en faveur de la recherche.

L'annonce d'un prochain projet de loi tendant à favoriser l'essaimage des personnels de recherche renforçait cet espoir. Malheureusement, le budget de la recherche qui nous est présenté, en augmentation de seulement 1,6 %, se présente une fois de plus comme un budget non prioritaire pour l'Etat, si on le compare au budget général qui progresse, lui, de 2,6 %.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

En tant que rapporteur pour avis, je souhaite souligner d'abord le peu d'informations transmises : d'une part, monsieur le ministre, notre commission n'a pu vous auditionner et, d'autre part, beaucoup de réponses au questionnaire habituel de l'été n'ont pas été fournies.

Plusieurs points négatifs laissent penser que le budget présenté ne permettra pas de provoquer le nouvel élan nécessaire à l'effort de recherche. Or je rappelle qu'en ce domaine la concurrence européenne et mondiale est rude.

La faible progression du budget marque le ralentissement de l'effort national de recherche. La part de la recherche et du développement n'atteint plus que 2,26 % du PIB.

L'effort de recherche des administrations baisse dans les mêmes proportions et l'étude des chiffres en notre possession démontre que la part des entreprises dans le financement de la recherche est supérieure à l'effort de l'Etat. De même, la dépense nationale de recherche et développement et la dépense intérieure diminuent en volume et en crédits, malgré la reprise annoncée de la croissance.

Le budget civil de la recherche et du développement BCRD - ne progresse que de 1,6 %, alors qu'il est censé regrouper quatre grandes priorités.

Première priorité : la restauration des moyens des laboratoires, que vous aviez évoquée l'été dernier, est poursuivie. La dotation des EPST - établissements publics, scientifiques et technologiques - progresse de 2,2 % en dépenses ordinaires et sensiblement du même taux pour les autorisations de programme. La majeure partie des crédits sera allouée aux programmes de base des laboratoires, les équipements et l'immobilier devant être délaissés.

Deuxième priorité : la création du fonds national de la science, doté de 500 millions de francs en autorisations de programme et de 318 millions de francs en crédits de paiement, permettra de mieux coordonner la politique nationale de recherche et de mettre en place des actions incitatives dans divers domaines de pointe comme les sciences de la vie.

Troisième priorité : le soutien à l'innovation technologique sera apporté par le nouveau fonds de la recherche technologique qui deviendra « fonds technologique ». Son action consistera avant tout à développer des produits et des services de la technologie de pointe en associant les secteurs public et industriel et en menant à la création ou à l'épanouissement d'entreprises innovantes. L'inscription d'une dotation permettant le ratttrapage de la dette à hauteur de 187 millions de francs est une mesure positive.

En revanche, l'effort en faveur de l'emploi scientifique - quatrième priorité - est ralenti car les créations d'emplois sont limitées : elles ne représentent que le quart des créations effectuées en 1998. Cela ne permet pas ler enouvellement nécessaire au développement de la recherche. Les emplois de chercheurs sont cependant nettement privilégiés par rapport aux emplois d'ingénieurs et techniciens. Enfin, je regrette que les allocations de recherche se situent à un niveau indentique à celui de 1998 même si, par ailleurs, on peut se réjouir que soit reconduit le dispositif d'accueil des post-doctorants dans les PMI-PME.

Les moyens accordés aux grands organismes suscitent de vives inquiétudes. Le système des contrats d'objectifs, initié en 1993, a connu un succès évident. Il devait s'inscrire dans une vision stratégique permettant de définir l'action de chaque organisme de recherche au sein du dispositif national. Cette procédure a mené depuis 1995 le CEA, l'INRA, l'INRIA, l'ADEME et le CIRAD à conclure des contrats qui se sont révélés positifs. Ils mènent aujourd'hui, après un travail d'analyse et de réflexion, à une deuxième génération de contrats d'objectifs. Le comité interministériel du mois de juillet 1998 a entériné cette stratégie. Mais les moyens suivront-ils ? En ce qui cocnerne le CNRS, qui reste le premier organisme de recherche sur le plan national et européen, la situation est préoccupante. En effet, les dépenses en personnel, déjà dénoncées comme outrées les années passées, représentaient encore, en 1998, 80,1 % du montant total des subventions attribuées au CNRS. Si les créations d'emplois ont été susceptibles, en 1998, d'assurer à terme le renouvellement des générations dans de bonnes conditions, l'effort est malheureusement interrompu en 1999.

Face à une progression insuffisante de ses moyens, le CNRS est confronté maintenant à des choix rigoureux et difficiles sur les grands investissements collectifs. J'exprime ici ma grande inquiétude : pourra-t-il assurer le financement de ses objectifs poursuivis au niveau national ou en coordination avec nos partenaires européens ? Qu'adviendra-t-il par exemple de la construction du synchrotron de troisième génération qui devait fonctionner en l'an 2002 ? Il est donc nécessaire, monsieur le ministre, que la représentation nationale soit informée précisément et rapidement des choix faits par le Gouvernement concernant le maintien ou l'arrêt des grands programmes et des très grands équipements.

De plus, dans le cadre de la réforme du CNRS prévue pour cette année, le développement des partenariats avec l'industrie aura pour axes principaux la recherche à objectifs partagés, le transfert de technologie tourné principalement vers les PME, la valorisation des brevets et la création d'entreprises à partir des laboratoires.

Comment le CNRS, avec des moyens limités, pourrat-il assurer l'ensemble de ses fonctions ? Mme Odette Grzegrzulka. Vous avez la mémoire courte !

M. Jean-Pierre Foucher, rapporteur pour avis, pour la recherche.

L'INSERM bénéficie quant à lui de crédits en augmentation, correspondant à ses missions classiques et à ses missions nouvelles.

Pour sa part, le CNES bénéficie de subventions très limitées et d'effectifs identiques à ceux de 1997 et 1998.

Or cet organisme est l'un des premiers centres mondiaux en technologie et systèmes spatiaux. Il est nécessaire, face à la concurrence, qu'il puisse conserver son savoir-faire de pointe et valoriser ses compétences techniques pour les programmes futurs. Même si le CNES est censé poursuivre son expansion en 1999, les moyens alloués suffiront-ils ? Enfin, j'aimerais souligner, comme vient de le faire le rapporteur spécial, les inquiétudes que m'inspire le budget affecté au CEA, dont les subventions en crédits de paiement augmentent de 2,9 %, atteignant 6 669 millions de francs. Depuis dix ans, ses effectifs ont diminué de 25 %, et même de 40 % en ce qui concerne la direction des affaires militaires. Cet organisme de recherche est le seul à consacrer la majorité de son budget non aux dépenses en personnels, mais aux programmes qu'il doit développer. Il est chargé de trois missions principales, toutes extrêmement lourdes et primordiales pour notre pays : la recherche nucléaire civile, avec le terme majeur de 2010 pour le remplacement des grands équipements et les choix qui en découlent pour le Gouvernement ; les recherches technologiques et le transfert de technologie ; enfin la recherche, le développement et la fabrication des moyens de la politique de dissuasion nucléaire. Le CEA,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

qui a une obligation de moyens et une obligation de résultats est en train de négocier son deuxième contrat d'objectifs avec l'Etat et développe par ailleurs de nombreux accords avec les universités et ses homologues étrangers. De quels moyens disposera-t-il pour mener à bien ces programmes et ces accords ? Le problème est que l'augmentation budgétaire de 2,9 % ne doit pas faire illusion car il existe un « trou » financier structurel de 500 millions de francs, reconduit d'année en année, cette somme n'ayant jamais été budgétisée. Le CEA doit chaque année le combler par des cessions d'actifs de CEA Industrie, dans la COGEMA par exemple, parce que des investissements lourds ont été budgétisés il y a plusieurs années, puis débudgétisés et enfin rebudgétisés seulement pour moitié. Par ailleurs, l'assainissement des centres civils n'a jamais été provisionné. Il s'agit de 300 millions de francs que devraient rembourser des entreprises comme EDF ou Framatome.

Cet argent public devrait logiquement être inscrit au budget. Or il n'y a, cette année encore, pas trace de budgétisation au titre VI. J'aimerais, monsieur le ministre, que vous puissiez nous éclairer sur ce point. Le CEA est un organisme au rôle majeur, qu'il est impossible de laisser dans une telle situation budgétaire.

Enfin, déjà réformé en 1997, l'ORSTOM représente l'organisme rigide type et utilise 82,3 % de ses ressources en subventions pour ses dépenses de personnel. Comment, dans ces conditions, assurer son efficacité ?

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est l'héritage !

M. Jean-Pierre Foucher, rapporteur pour avis, pour la recherche.

La nouvelle réforme dont il doit faire l'objet prochainement...

Mme Odette Grzegrzulka.

Il fallait la faire !

M. Jean-Pierre Foucher, rapporteur pour avis, pour la recherche.

... devra être draconienne afin de conserver à cet organisme de recherche son rôle pluridisciplinaire et de coopération Nord-Sud.

Ainsi que je l'ai rappelé dans mon propos initial, la part des entreprises dans la recherche est croissante. On pourrait s'en réjouir comme preuve du dynamisme de nos entreprises, mais cela démontre combien l'Etat se désengage. Citons, par exemple, les secteurs de la pharmacie ou de l'industrie automobile pour lesquels le financement public est très faible, alors que la part des entreprises dans le total des dépenses de recherche est infiniment supérieure : pour la pharmacie un financement public de 1,6 % et un financement des entreprises de 12,3 % et, pour l'automobile, un financement public de 0,7 % et un financement des entreprises de 11,9 %. En 1996, les entreprises ont financé 75 % des travaux de recherche qu'elles ont exécutés. Les chiffres sont éloquents, même s'il faut tenir compte du crédit d'impôtrecherche, qui a représenté 3 milliards de francs en 1996.

Le développement des partenariats est et sera encore réalisé grâce au FRT et au nouveau FNS. Sont mis en place de grands programmes interministériels comme REACTIF, PREDIT ou des programmes de biotechnologie en faveur de l'environnement, de la santé et de l'agro-alimentaire, comme le programme fédérateur des télécommunications, les procédures ouvertes d'initiative industrielle tel EUREKA tourné maintenant vers l'Europe centrale et orientale ou les innovations technologiques.

Certes, et c'est un point positif, le projet de loi de finances pour 1999 reconduit ou aménage des avantages fiscaux : le crédit d'impôt-recherche, calculé sur l'accroissement des dépenses de recherche faites par les entreprises, est reconduit pour cinq ans et la réduction d'impôt accordée au titre de la souscription au capital de sociétés non cotées ou de pertes de fonds communs de placement dans l'innovation est prorogée. Cette mesure découle des décisions prises lors des assises de l'innovation de mai dernier ; elle est amplifiée par l'extension de la réduction d'impôt relative aux dons des personnes physiques qui participent au financement de l'entreprise et par quelques autres mesures fiscales tout à fait spécifiques concernant les entreprises innovantes. Ces mesures ne sont pas à rejeter, mais elles restent insuffisantes face au désengagement de l'Etat.

Mme Odette Grzegrzulka.

Soyez positif !

M. Jean-Pierre Foucher, rapporteur pour avis, pour la recherche.

Malgré tous ces éléments et les préoccupations que je viens de détailler, la commission des affaires culturelles, familliales et sociales a émis un avis favorable à votre budget.

Mme Odette Grzegrzulka.

Heureusement !

M. Jean-Pierre Foucher, rapporteur pour avis, pour la recherche.

A titre personnel, jugeant ce budget de la recherche trop frileux et trop éloigné des attentes des chercheurs français, je voterai contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Vous êtes gonflé ! C'est votre majorité qui a baissé les crédits de bourses des étudiants !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour la recherche et la technologie.

M. Daniel Chevallier, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour la recherche et la technologie.

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, mes chers collègues, il y a deux façons d'apprécier le budget civil de la recherche et du développement : la première en valeur brute, en le situant par rapport à n otre environnement européen, voire mondial ; la seconde par rapport à son évolution et à sa position dans le cadre du budget national.

Le BCRD représente 2,3 % du PIB. Un tel pourcentage nous place au cinquième rang mondial, à égalité avec l'Allemagne. Cet effort montre bien que les gouvernements successifs ont compris que la recherche était une des clefs de l'avenir économique et culturel de notre pays.

Au plan national, monsieur le ministre, l'analyse de l'évolution de votre budget, provoque quelque déception par rapport aux engagements que vous aviez pris antérieurement nous constatons en effet cette année un petit refroidissement.

Pour être objectif, je dois rappeler que nous sommes - que vous êtes - sortis d'une situation qui sans être une descente aux enfers, correspondait certainement à des années de purgatoire : je veux parler, monsieur Foucher, des années 1995, 1996 et 1997. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Après le net redressement du budget de la recherche en 1998, nous nous attendions à mieux pour 1999, et notre petite déception vient de là.

Certes, votre budget augmente globalement de 1,6 % pour se situer à 53,9 milliards de francs. Mais c'est une a ugmentation inférieure à l'évolution moyenne des


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

dépenses du budget global, qui est de 2,3 %. Il ne fait donc pas partie des budgets déclarés comme prioritaires par le Gouvernement.

Malgré tout et n'en déplaise à celles et ceux qui, dans ces années grisaille de 1995, 1996 et 1997, s'accommodaient d'une baisse, nous continuons à progresser en moyens financiers et en moyens humains. Cette progression - 100 emplois de chercheurs et 50 emplois d'ITA nous permet d'assurer à la fois un taux de renouvellement de chercheurs légèrement supérieur aux seuls départs à la retraite et d'affirmer certaines priorités au niveau de la recherche. Le nombre d'allocations de recherche, porté à 3 800 en 1998, sera maintenu à ce niveau en 1999.

Mais, monsieur le ministre, ce que nous redoutons, c'est qu'on s'installe dans un régime de croisière, qui serait préjudiciable à bon nombre d'établissements publics - EPIC ou EPST - obligeant certains, comme le CNRS, à abandonner des programmes de recherche liés au gros appareillage, qu'on appelle en jargon scientifique les TGE, c'est-à-dire, les très grands équipements. Par ailleurs, pratiquement tous les laboratoires ont besoin d'équipements et de formation dans le domaine des nouvelles techniques de communication, qui constituent des outils indispensables et mobilisent une part non négligeable de leurs crédits de fonctionnement.

Il est nécessaire de définir une véritable politique scientifique en tirant les leçons du passé. Mais nous ne voulons pas d'une restructuration qui s'accompagnerait automatiquement d'une réduction des moyens budgétaires.

Réformer, adapter pour mieux utiliser les moyens, non pour utiliser moins de moyens.

Les mesures annoncées, du moins celles qui sont connues de l'Assemblée nationale, nous semblent aller dans le bons sens. Mais nous aurions aimé que celle-ci y soit davantage associée.

Vous avez tiré les conséquences de situations avérées.

Ainsi, partant du principe que l'innovation scientifique et technologique ne se décrète pas, mais qu'elle s'épanouits ous certaines conditions scientifiques, économiques, financières et fiscales, vous proposez de mettre en place plusieurs outils, avec des moyens dont on sent qu'ils iront croissant. D'abord le fonds national de la science, doté de 500 millions de francs et auprès duquel devraient émarger les équipes et les laboratoires à partir d'un programme prédéfini, ensuite le fonds de la recherche technologique, en augmentation de plus de 52 % - 630 millions de francs - qui permettra un meilleur couplage entre recherche et monde économique.

En parallèle de ces deux fonds, véritables bras armés financiers, des structures de coordination et d'évaluation sont mises en place : le Conseil national de la science et le Réseau national de la recherche technologique. Tout cela, monsieur le ministre, est cohérent.

On peut ajouter à cet ensemble une volonté de redonner aux laboratoires universitaires toute leur place dans la recherche, avec une augmentation de leurs moyens. Les crédits sont en augmentation de plus de 2,9 % et 1 500 emplois d'attachés temporaires d'enseignement et de recherche - les ATER - seront ouverts en 1999.

Ces laboratoires se verront également confier un rôle structurant accru dans la constitution de pôles de qualité, indispensables pour un bon aménagement du territoire.

J'aborderai maintenant le débat « science et société », qui prend une certaine ampleur.

Notre recherche en général - la science en particulier -, doit être rapprochée de nos concitoyens. Sans ajouter aux charges des chercheurs scientifiques déjà passablement victimes d'une certaine bureaucratisation, il me paraît indispensable que ceux-ci descendent dans la rue - pour la bonne cause - pour s'expliquer et dialoguer avec nos concitoyens. Peut-être quelques heures pourraient-elles être dégagées pour cette action dans l'emploi du temps des chercheurs ? (Sourires.)

Tout comme il serait nécessaire d'approfondir les conditions dans lesquelles les organismes, et donc les chercheurs et responsables, sont amenés à répondre à des missions d'expertise de plus en plus nombreuses. Il faudra se pencher rapidement sur cette question.

Dans le domaine du transfert de technologie, où nous accusons un certain retard, l'assouplissement de l'utilisation du crédit impôt - recherche pour les PME-PMI, l'annonce de votre futur projet de loi sur « l'essaimage » et l'innovation vont dans le bon sens.

En ce qui concerne l'essaimage, peut-être serait-il intéressant d'introduire dans les formations DEA un module sur l'entreprise, sa création, sa vie économique, son évolution.

Le fonds d'aide à l'amélioration des débouchés pour les jeunes docteurs - fonds de 50 millions de francs créé en 1998 - est reconduit et nous souscrivons tout à fait à cette démarche. Nous aurions souhaité qu'un premier bilan soit porté à la connaissance des membres de la commission de la production et des échanges qui ont eu à se prononcer, comme c'est la règle, sur votre budget. Je me contente de faire une présentation succincte de notre analyse, n'ayant pas la prétention de tout traiter. D'ailleurs, certains de mes collègues interviendront sur des thèmes tels que l'espace ou des structures importantes comme le CNRS ou l'INSERM.

La commission de la production et des échanges a, comme il se doit, examiné l'ensemble de votre budget ; elle a émis à l'unanimité un avis favorable, mais nous voudrions que cet avis soit un véritable aiguillon permettant à la recherche de se retrouver parmi les secteurs prioritaires du prochain budget national, qui aura une force encore plus symbolique puisqu'il sera le premier budget du XXIe siècle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Je demande une brève suspension de séance, monsieur le président.

M. le président.

A la demande du Gouvernement, je vais suspendre la séance pour cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente.)

M. le président.

La séance est reprise.

Nous en venons aux orateurs inscrits dans la discussion.

La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de mon intervention, l'année dernière, sur le budget pour 1998 de l'enseignement supérieur, je saluais l'effort de progression de plus de 3 % de ce budget, effort qui traduisait bien la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

priorité redonnée par le gouvernement de Lionel Jospin à l'éducation nationale en général, et à l'enseignement supérieur en particulier.

Que dire du présent budget, si ce n'est qu'il traduit cette année encore la volonté politique forte de donner les moyens à l'enseignement supérieur de remplir sa mission et de préparer l'avenir ? Certes les chiffres sont toujours réducteurs, mais tout de même ! Plus 5,48 % d'augmentation par rapport à 1998 alors que la moyenne des budgets civils de l'Etat ne progresse que de 2,3 %, ce n'est pas rien. C'est d'ailleurs la première fois que ce budget franchit la barre des 50 milliards, avec 51,114 milliards de francs exactement.

J'en connais dans l'opposition qui auraient bien voulu disposer d'un tel budget du temps où ils étaient aux affaires !

Mme Odette Grzegrzulka.

Ils ne sont même pas capables de le reconnaître !

M. Philippe Vuilque.

Le débat en commission a d'ailleurs bien montré qu'en dehors d'une opposition de principe, ils avaient peu de griefs à formuler.

Qu'y a-t-il dans ce budget ? D'abord, des moyens pour les établissements d'enseignement supérieur : en emplois, en crédits et pour des mesures spécifiques en faveur des personnels.

E nsuite, la poursuite de l'effort d'investissement entamé en 1998, avec la préparation du plan Université du troisième millénaire - U3M.

Enfin, et c'est peut-être le plus important, la traduction budgétaire de la mise en oeuvre du plan social étudiant.

Je ne m'étendrai pas longuement, mes excellents collègues Alain Claeys et Geneviève Perrin-Gaillard l'ayant fait, sur les deux premières priorités, à savoir les moyens accordés aux établissements et la poursuite de l'effort d'investissement prévu par le plan U3M. Mais je mettrai plus particulièrement l'accent sur la mise en oeuvre du plan social étudiant.

L'une des principales attentes des étudiants, comme des lycéens aujourd'hui, est d'étudier dans de bonnes conditions, d'établir des relations plus personnalisées avec leurs enseignants, mais aussi avec tous ceux qui permettent à l'enseignement supérieur de remplir sa mission.

Alors que les effectifs étudiants devraient continuer à baisser - avec, en 1999, 20 000 étudiants en moins dans les principales filières -, les moyens consacrés aux personnels et au fonctionnement progressent.

L'année dernière, 3 000 enseignants supplémentaires ont été recrutés. Cette année, l'ouverture d'un crédit de près de 75 millions de francs, destiné à la rémunération de 1 500 attachés temporaires d'enseignements et de recherche - ATER - va libérer 1 500 emplois d'enseignements-chercheurs. A cela s'ajoute la création de 1 250 primes de recherches.

Les emplois de personnels ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers et de service - IATOS - essentiels au bon fonctionnement de l'université, ne sont pas oubliés non plus puisque le budget prévoit 800 créations d'emplois.

Ainsi, sur les deux derniers exercices budgétaires, 2 000 emplois d'IATOS auront été créés et ce n'est pas rien.

Alors, bien sûr, on peut toujours mieux faire. Certes, l'on peut considérer que ce budget 1999 ne crée pas suffisamment de postes, notamment d'enseignants dans la mesure où près des deux tiers des moyens nouveaux sont consacrés au plan social étudiant. Et, cette année, il n'y a pas à proprement parler création nette d'emplois d'enseignants mais transformation d'emplois d'ATER. Mais l'effort de création d'emplois, tant en personnels d'encadrement ou d'enseignement qu'en personnels IATOS, doit s'apprécier sur plusieurs exercices budgétaires et, depuis l'année dernière, nous n'avons pas à rougir du nombre d'emplois créés.

Moyens budgétaires non négligeables, donc en emplois, en crédits et en mesures en faveur des personnels. D'importants moyens sont dégagés également pour U3M, l'Université du troisième millénaire, une des principales priorités de ce budget. Là aussi, il s'agit d'un effort conséquent qui se traduira par un milliard d'autorisations de programmes.

On sait que 760 millions de francs seront consacrés à la mise en sécurité des bâtiments universitaires - incluant le programme de désamiantage de Jussieu dont le besoin de financement a été estimé à 560 millions de francs en autorisations de programmes et à 447 millions de francs en crédits de paiement. Nous ne pouvons que nous féliciter, monsieur le ministre, de votre ferme volonté de traiter dans les meilleurs délais ce dossier, pourtant particulièrement difficile, de mise en sécurité du campus de Jussieu.

La restructuration, les aménagements et les constructions universitaires se poursuivent donc à un bon rythme.

J'en viens maintenant à la priorité essentielle de ce budget, le plan social étudiant. N'en déplaise à l'opposition, ce plan a cessé de jouer les arlésiennes. La majorité d'hier en parlait beaucoup. Elle faisait peu, et c'est un euphémisme.

Vous avez, monsieur le ministre, dans un court laps de temps, consulté et proposé, puis vous avez élaboré le plan social étudiant et vous l'avez même financé.

Je crois que nous vous devons un coup de chapeau pour la manière dont vous avez su faire aboutir ce dossier.

Mme Odette Grzegrzulka.

Très bien !

M. Philippe Vulque.

Vous nous proposez un plan quadriennal dont le premier volet privilégie deux grands axes : la revalorisation des bourses d'études et l'amélioration des conditions de logement des étudiants.

L'extension et la refonte du dispositif d'aide directe constituent les éléments essentiels du dispositif.

La réévaluation des bourses d'études était devenue indispensable et l'effort de solidarité de la nation se devait d'être important.

Les conclusions du rapport Cieutat ont confirmé ce que nous présupposions. L'Etat aide beaucoup les étudiants issus des familles les plus défavorisées, mais il a surtout le défaut d'aider également beaucoup les étudiants des familles aisées au détriment des étudiants des catégories moyennes, ce qui apparaît éminemment plus contestable.

Il fallait donc, au nom de la solidarité, commencer à réformer ce système. C'est pourquoi la première priorité du plan social est de rétablir l'égalité des chances en donnant des aides directes aux étudiants dont les familles n'ont pas les moyens de financer les études.

L'objectif est d'augmenter ces aides pour accorder un soutien à 30 % des étudiants, alors qu'ils ne sont que 21 % aujourd'hui à en bénéficier. Une augmentation de 15 % du niveau moyen des aides nous est également proposée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

Ces moyens supplémentaires permettront notamment, dès 1998, de relever de 4,2 % en moyenne les taux des bourses sur critères sociaux et d'augmenter de 6 % les plafonds de ressources ouvrant l'accès aux bourses du premier échelon. Cette mesure permettra à dix mille nouveaux étudiants de bénéficier des bourses.

Par ailleurs, dès cette année universitaire 1998-1999, deux cents bourses spéciales d'un montant annuel de 40 000 francs seront attribuées. Ces « bourses au mérite » permettront une prise en charge des meilleurs bacheliers issus des familles les plus modestes.

C'est un début et il serait souhaitable, monsieur le ministre d'augmenter par la suite le nombre de ces bourses et d'étendre leurs critères d'attribution à d'autres filières que la magistrature ou l'ENA.

Enfin une aide exceptionnelle sera offerte à quinze mille étudiants redoublant ou en réorientation. Cette aide est importante quand on connaît les difficultés des étudiants redoublants.

Le plan social prévoit également la création d'une allocation permettant à de nouveaux publics étudiants de bénéficier de l'exonération des droits d'inscription et de la cotisation au régime de sécurité sociale étudiante.

Ce sont en tout plus de vingt cinq mille nouveaux étudiants qui seront aidés.

Après la revalorisation des bourses, l'effort sur le logement est, lui aussi, particulièrement significatif.

Il faut, en effet, remettre à niveau le logement social étudiant et poursuivre les efforts entrepris depuis 1990.

Cette politique de réhabilitation des logements sociaux étudiants sera donc amplifiée en 1999, car les besoins restent considérables.

N'oublions pas qu'il reste 80 % des chambres en résidence traditionnelle à réhabiliter. L'action en faveur du logement étudiant sera l'un des axes importants du plan U3M et, sur les cinq ans qui viennent, la réhabilitation du parc ancien doit être poursuivie afin de mettre en conformité l'ensemble du parc des oeuvres universitaires.

Les travaux concerneront la mise en conformité des installations électriques, la rénovation des chambres, etc.

Au-delà de ces travaux, l'accès des étudiants au logement devra être facilité. Dans le cadre du plan social étudiant, le Gouvernement a décidé de maintenir le droit des étudiants aux aides personnelles en envisageant cependant de différencier leur montant entre les étudiants boursiers et non boursiers.

Dans la continuité de ces premières mesures, d'autres dispositions tendant à faciliter l'accès au logement de tous les étudiants seront examinées, notamment en vue de mettre en place des structures de cautionnement mutualisé pour l'accès au bail. Dans ce sens, une discussion avec les différents partenaires devra s'engager.

Bourses, logements mais aussi aides aux transports, notamment pour les étudiants d'Ile-de-France ; il ne faudrait cependant pas oublier les autres. Une étude de l'ensemble des dispositifs d'aide aux transports mis en place dans certaines régions permettrait d'y voir plus clair et d'envisager une harmonisation nationale.

L'an dernier, monsieur le ministre, je concluais mon intervention sur le budget pour 1998 en indiquant la nécessité de passer à l'acte sur le plan social étudiant.

C'est chose faite et bien faite. Je m'en félicite.

Le groupe socialiste vous apportera son soutien et votera votre projet de budget pour 1999.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lasbordes.

M. Pierre Lasbordes.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues : « Celui qui ne prévoit pas les choses lointaines, s'expose à des malheurs prochains. » Si Confucius n'est pas l'un de nos contempo-

rains, son assertion reflète pourtant assez bien la situation de l'enseignement supérieur pour 1999. C'est tout le problème de ce budget, qui, bien qu'augmentant de 5,4 %, n'est porté par aucune ambition et ne repose sur aucune prospective.

Pour illustrer ce propos, il suffit de noter que l'un des thèmes forts de votre discours est d'annoncer que les crédits augmentent, alors que les effectifs étudiants ont amorcé une baisse durable. Or, si j'ai compris, l'objectif du plan social étudiant est de permettre aux bacheliers issus des classes défavorisées d'accéder en plus grand nombre aux formations du supérieur, donc d'augmenter les effectifs étudiants. L'amélioration du taux d'encadrement des étudiants et des conditions d'étude ne sera donc que passagère.

Ce plan social étudiant, que vous nous avez dévoilé en juillet, prévoit certes une augmentation substantielle des crédits d'aide sociale, avec 808 millions de francs de moyens nouveaux. Toutefois je relève en premier lieu qu'il ne constitue pas l'avancée majeure que l'on attendait. Si les classes défavorisées sont bien aidées par le système d'aide sociale étudiante, et c'est bien logique, les couches aisées de la population bénéficient, du fait de leurs revenus, d'importants avantages fiscaux, par le jeu de la demi-part supplémentaire notamment. Comme l'avait démontré le rapport Cieutat en 1995, les classes moyennes sont une nouvelle fois pénalisées, et votre projet ne fait qu'accentuer cet état de fait.

Votre souhait est que plus de 600 000 étudiants, soit près de 30 % d'entre eux, bénéficient d'aides sociales.

Certes, de nouveaux dispositifs voient le jour, tels que l'allocation d'inscription pour laquelle 25 millions de francs sont prévus,...

Mme Odette Grzegrzulka.

Tout de même !

M. Pierre Lasbordes.

... ou les bourses au mérite qui concerneront un dix millième des étudiants. Mais pouvez-vous nous assurer que ces 808 millions de francs seront suffisants, alors que nous ne disposons d'aucun chiffre pour apprécier l'impact de la mise en place du dossier d'allocations d'études à la rentrée de 1999 ? Vous nous annoncez des moyens nouveaux pour les établissements en argumentant sur les hausses de 1,9 % du budget de fonctionnement et des crédits d'investissement. Mais vous omettez de préciser que, dans le même temps, la baisse des subventions de fonctionnement conduit les établissements à développer les droits d'inscription sauvages qui majorent, parfois considérablement, la somme que verse l'étudiant à son entrée à l'université.

Vous me répondrez peut-être que tout cela est le fruit de la contractualisation. Mais, avec vous, cette même politique consacre la disparition du tutorat étudiant mis en place par votre prédécesseur, puisque ce système de solidarité étudiante n'est plus obligatoire mais reste simplement un objectif possible du contrat passé avec l'établissement.

Il est vrai que la contractualisation semble votre solution miracle pour régler le problème de l'enseignement supérieur. Votre projet U3M, pour ce que l'on en devine, malgré 1 milliard de francs anticipé dans le budget, visera, pour l'essentiel, à augmenter l'implication des collectivités locales dans le financement des installations étudiantes. J'ose espérer que cela sera fait en garantissant le maximum de cohérence de la carte universitaire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

Je terminerai par la situation des personnels de l'enseignement supérieur, pour souligner d'abord un ralentissement des créations de postes. Alors que 1 200 emplois de personnels IATOS ont vu le jour en 1998, il n'en sera créé que 823 en 1999. Il est vrai que les emplois-jeunes vous apportent une flexibilité appréciable en matière de gestion des personnels non enseignants. Et vous savez en user puisque 400 emplois jeune-docteur permettront la promotion des nouvelles technologies dans les IUFM.

Ces postes seront ouverts à des doctorants qui percevront une fois et demie le SMIC. J'espère que ce n'est pas à cela que vous estimez la reconnaissance et le niveau de rémunération d'un bac +

8. Enfin, vous annoncez que 1 500 emplois d'enseignants chercheurs vont être créés par le transfert des crédits affectés aux assistants temporaires d'enseignement et der echerche. Outre qu'il ne s'agit que d'un artifice comptable, votre tour de passe-passe rend précaire la situation des ATER, dont la rémunération dépendra dorénavant, non plus de crédits sur poste budgétaire mais de lignes budgétaires. En recherchant un effet d'annonce en matière de création de postes vous faites des ATER les maîtres-auxiliaires de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Sans ambition, sans réel cadrage malgré une hausse des crédits, le groupe du RPR ne votera pas un budget qui repose essentiellement sur quelques effets d'annonce.

M. Michel Crépeau.

Quel scoop !

M. Pierre Lasbordes.

Ce n'est pas ainsi que la France relèvera le défi du savoir ni que les étudiants seront mieux armés face au chômage.

M. Daniel Chevallier, rapporteur pour avis.

Amnésique !

Mme Odette Grzegrzulka.

Au royaume des borgnes, les aveugles sont rois ! (Sourires.)

M. Pierre Lasbordes.

Cette vision politique étriquée est également, je le crains, la marque de votre budget recherche et technologie.

« Les chercheurs suivront-ils les lycéens dans la rue ? » s'interrogeait Le Monde de vendredi dernier. Provocatrice ou prémonitoire, cette question reflète, quoi qu'il en soit, le profond malaise du monde de la recherche française.

En examinant la structure de votre budget, monsieur le ministre, j'avais l'espoir d'y trouver des objectifs ambitieux relayés par des moyens efficaces.

D es objectifs ambitieux, c'est-à-dire un plan de réforme indispensable du dispositif public de recherche, qui devra répondre à une vision stratégique claire, préalablement débattue avec l'ensemble des acteurs intéressés, propre à accroître notre capacité nationale de production scientifique et de développement technologique dans une compétition internationale particulièrement vive. En effet, le défi de la recherche est prioritairement celui de l'innovation, essentielle au maintien et au développement dese ntreprises. Or, depuis plusieurs années, l'effort de recherche et de développement des entreprises est en stagnation.

Des moyens efficaces sont d'abord ceux consacrés aux conditions de travail de nos chercheurs. Votre ami PierreGilles de Gennes, monsieur le ministre, faisait récemment part sur France 2 de sa vive inquiétude devant la fuite de plus en plus importante et préoccupante de nos cerveaux à l'étranger. Manifestement, les jeunes chercheurs français, lassés d'un système universitaire refermé sur luimême, sont mieux accueillis dans les autres pays, notamment aux Etats-Unis, et préfèrent y poursuivre leurs travaux dans de meilleures conditions et y créer, le cas échéant, leurs propres entreprises.

Dans votre budget, la part consacrée à la rémunération des personnels croît, selon les établissements publics de recherche, de 1,9 % à plus de 3,2 %. Associée à la création de cent nouveaux emplois de chercheurs et de cinquante ITA, cette décision ne fera qu'aggraver la situation préoccupante du poids croissant de la part salariale - 80 % - dans le fonctionnement des établissements publics de recherche pendant encore plusieurs années.

Je peux vous assurer, monsieur le ministre, que les chercheurs eux-mêmes mesurent la réalité de la faiblesse des moyens de fonctionnement et d'investissement dont ils disposent.

Les moyens de la recherche universitaire, pour leur part, augmentent de 2,9 % en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, soit quelque modestes 68 millions de francs. Ici encore, cette proposition est sans commune mesure avec les conséquences des décisions concernant les emplois d'enseignants-chercheurs que vous avez prises en 1998 avec la création de plus de 1 200 emplois de professeurs ou maîtres de conférence, créations qui auront leur plein effet en 1999 sur le coût de la recherche, sans parler des 1 500 emplois dont vous faites état cette année.

Je voudrais souligner enfin l'incohérence que constitue le fait que la subvention d'Etat dans des établissements aussi remarquables pour la recherche en biologie médicale et en santé publique que sont l'institut Pasteur et l'institut Curie demeure au même niveau qu'en 1998.

Au-delà des moyens propres des établissements, vous vous proposez d'activer deux fonds spécialisés au sein de votre ministère : le fonds pour la recherche technologique et le fonds national de la science. Le premier bénéficierait de 670 millions de francs d'autorisations de programme alors qu'il en avait 473 en 1998. Le second, le FNS, serait doté de 500 millions. Il rassemble en fait des moyens déjà engagés et qui existaient antérieurement pour plus de 250 millions.

Vous nous annoncez que ces deux fonds seront des instruments de la politique d'aménagement du territoire car ils ont vocation à financer la mise en place d'infrastructures nationales de recherche et des réseaux de recherche technologique. Ainsi donc, ils ne contribueront pas au fonctionnement des programmes de recherche au sein des établissements eux-mêmes, rendant d'autant plus difficile la conduite de ces programmes au vu des moyens propres que leurs budgets prévoient.

Vous parlez d'infrastructures nationales. A cet égard, un équipement, reconnu par tous comme indispensable et dont le projet est prêt depuis plus d'un an, le synchrotron de troisième génération, dit projet Soleil, qui doit succéder au Lure, n'est apparemment toujours pas programmé. Cela est d'autant plus regrettable que les scientifiques anglais, comme ceux d'autres nations viennent de décider de se doter d'un nouvel équipement, montrant tout l'intérêt de cet instrument. En refusant l'engagement de cette opération, vous porterez une lourde responsabilité au moment où le Lure cessera de fonctionner, en raison d'une panne inopinée de ses composants les plus anciens.

Devant vos hésitations, collectivités locales et chercheurs se mobilisent. La communauté scientifique ellemême a effectivement décidé de se manifester, si j'en juge par le courrier que six de ses membres, responsables des


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

études pour l'implantation du projet Soleil dans les principales régions candidates à l'accueil, vous ont adressé le 7 juillet dernier.

Ces jours-ci, les responsables des synchrotrons des autres nations européennes ont déclaré que la capacité de leurs instruments était incompatible avec l'accueil des chercheurs français.

Je vous rappelle que, dès 1997, la région Ile-de-France, ainsi que le conseil général de l'Essonne, faisaient un effort exceptionnel pour financer ce projet à hauteur de 50 %.

Nous n'attendons plus que vous, monsieur le ministre.

Nous aimerions également avoir quelques éclaircissements sur la politique spatiale en 1999. En effet, en 1998, vous avez enlevé 200 millions de francs au CNES ; en 1999, vous lui accordez 70 millions de francs supplémentaires.

Mme Odette Grzegrzulka.

Il était temps !

M. Pierre Lasbordes.

A quelle logique répondent ces variations ? Comme je le disais au début de mon intervention, je ne saurais conclure sans faire part de notre préoccupation sur l'organisation même de notre recherche. Quelle n'a pas été la stupéfaction des chercheurs lorsqu'ils ont appris, récemment, sans aucune concertation ou débat préalable, votre projet de réforme du CNRS ? Le texte traduit la transformation du CNRS qui, d'agence d'objectifs, deviendra agence de moyens. La gestion de la ressource humaine du CNRS - 26 000 personnes de statut fonction publique - n'est pas de même nature qu'une simple gestion de crédits distribués annuellement. Elle nécessite une capacité de tracer des perspectives à long terme, avec les marges d'autonomie que cela implique.

La contestation de ce projet ne signifie pas que l'immobilisme doive prévaloir dans l'organisation de la recherche publique, bien au contraire. Des réformes sont nécessaires, mais elles doivent être globales, concerner tous les établissements, et répondre à une vision stratégique claire.

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est ce qu'on a fait ! On ne vous a pas attendus !

M. Pierre Lasbordes.

Pour toutes ces raisons, le groupe du RPR, en refusant de voter votre projet de budget, manifeste fermement son désaccord sur votre politique de recherche...

M. Jean-Louis Fousseret.

Fermement, mais pas très clairement !

M. Pierre Lasbordes.

... et exprime son soutien aux chercheurs et aux établissements de recherche.

Mme Odette Grzegrzulka.

La critique est aisée, mais l'art est difficile. Regardez votre bilan !

Mme Nicole Catala.

Taisez-vous donc ! Si vous n'avez pas autre chose à dire, ce n'est pas la peine d'intervenir !

M. Pierre Lasbordes.

Ces derniers portent également une appréciation négative sur vos méthodes et vos propositions budgétaires et vous demandent d'instaurer rapidement une véritable concertation avec la communauté scientifique...

M. Alain Clary.

Que ne l'avez-vous fait antérieurement ?

Mme Odette Grzegrzulka.

En quatre ans, rien n'a été fait !

M. Pierre Lasbordes.

... et d'ouvrir un large débat parlementaire susceptible d'alimenter une grande loi d'orientation sur la recherche et l'innovation. (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Claude Birraux.

M. Claude Birraux.

Monsieur le ministre, après une année fertile en déclarations diverses et variées...

Mme Odette Grzegrzulka.

Et en actes !

M. Claude Birraux.

... - c'est chez vous, comme dans une publicité pour un grand magasin : il se passe toujours quelque chose - nous voici confrontés au rendez-vous budgétaire.

Certains, y compris des syndicalistes politiquement proches du Gouvernement, ont décelé une politique bâtie sur la déstabilisation du système éducatif et de recherche.

J'examinerai point par point les axes prioritaires affichés par le Gouvernement pour l'enseignement supérieur, en commençant par le plan social étudiant.

Celui que vous proposez n'a rien à voir avec un statut social de l'étudiant puisqu'il ne réforme pas le système et se borne à une augmentation des aides aux étudiants - ce qui n'est déjà pas si mal : crédits d'action sociale, relèvement du taux des bourses sur critères sociaux, relèvement du plafond de ressources pour l'accès aux bourses.

M. Gérard Saumade.

Quand même ! Il fallait le faire.

M. Claude Birraux.

Ces points sont positifs, certes, mais les bourses ne représentent que 27 % des aides totales de l'Etat en faveur des étudiants et le budget pour 1999, avec 800 millions de francs, est très en deçà des promesses que vous aviez faites.

Mme Odette Grzegrzulka.

Vous avez mal lu le programme sur lequel nous avons été élus !

M. Claude Birraux.

Vous venez d'échouer avec la certification ISO 9200. Les lycéens vous l'ont montré ces jours derniers. Faites donc preuve d'un peu de modestie.

Mme Odette Grzegrzulka.

Et vous, d'un peu de lucidité !

M. Claude Birraux.

Le deuxième axe prioritaire du Gouvernement est le développement du potentiel d'enseignement et de recherche et le renforcement de l'encadrement administratif des établissements.

L'affichage de 1 500 emplois d'enseignants-chercheurs ne correspond à aucune création d'emploi. L'artifice consiste à transférer la rémunération de 1 500 ATER - les attachés temporaires d'enseignement et de recherche - sur u ne ligne de crédits, libérant mécaniquement ces 1 500 emplois. En réalité, il n'y a pas de créations nettes d'emplois et la situation des ATER est, à terme, fragilisée.

Je rappelle que les budgets pour 1996 et 1997 avaient créé 3 500 emplois, alors que les effectifs étudiants étaient déjà stabilisés.

De même vous annoncez la création de 800 emplois de personnels IATOS, indiquant mettre en rapport la progression des crédits avec l'évolution des effectifs étudiants. Or cette création de 800 emplois est en nette diminution par rapport aux années précédentes. Rappelons que les budgets pour 1996 et 1997 avaient créé 3 500 emplois IATOS et le budget pour 1998, 1 200.

Au total, en deux années, et malgré les déclarations du Gouvernement sur la reprise des créations d'emplois dans l'enseignement supérieur, celui-ci aura créé moins d'emplois que son prédécesseur.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

Le fonctionnement des universités se trouvera par ailleurs fragilisé, la situation du chapitre 36 étant tendue, sans moyens nouveaux.

Mme Odette Grzegrzulka.

Vous devriez revoir vos sources d'information.

M. Claude Birraux.

Le troisième axe prioritaire serait l'effort de construction et de mise en sécurité des bâtiments universitaires.

A cet égard, le Gouvernement inscrit 560 millions en autorisations de programmes et 321 millions en crédits de paiement pour le désamiantage de Jussieu, ce qui est très inférieur aux besoins et très en deçà des crédits dégagés précédemment.

Mme Odette Grzegrzulka.

Chirac, lui, avait décidé la fermeture !

M. Claude Birraux.

Je reconnais que la solution est techniquement complexe à mettre en oeuvre, mais, monsieur le ministre, par-delà cet aspect technique, nous aimerions vous entendre sur l'avenir de Jussieu.

Par ailleurs, vous avez lancé, avec tambours et trompettes, le plan Université du troisième millénaire destiné à succéder au plan Université 2000.

Mme Yvette Roudy.

Il est excellent !

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est une très bonne chose !

M. Claude Birraux.

Je m'interroge sur la méthode employée, car je ne suis pas sûr qu'une réflexion de fond sur le plan du développement universitaire ait sous-tendu Université 2000, qui a consisté à édifier des locaux universitaires, bien souvent avec un cofinancement régional, mais sans que soit assuré et pérennisé leur fonctionnement, qui incombe à l'Etat.

Quels sont donc les principes et les objectifs qui soustendent le plan U3M ? Quels sont les processus mis en place pour qu'un véritable débat de société s'instaure, derrière les paravents bien contrôlés mis en place ? Par-delà le déguisement commode de l'harmonisation des diplômes européens, quels enseignements de fond des expériences étrangères peuvent-ils être transposés ? Quelles structures faut-il imaginer ? Comment la communauté scientifique peut-elle être partie prenante et acteur de cette évolution ? J'en viens à l'examen du budget de la recherche.

En la matière, votre politique est orientée autour des objectifs définis lors du comité interministériel du 15 juillet dernier : restauration des moyens des laboratoires, renforcement de l'emploi scientifique et développement du soutien à l'innovation technologique.

Ce budget, en augmentation de 1,6 %, progresse moins que l'ensemble des budgets civils, qui augmentent en moyenne de 2,3 %, dans un contexte budgétaire relativement aisé. Ce budget n'est donc pas considéré comme prioritaire par le Gouvernement, ce qui est regrettable, car l'occasion était belle, monsieur le ministre, de mettre en accord les paroles et les actes, et d'assurer l'avenir économique et social de ce pays.

J'ai connu dans le passé des situations économiques et b udgétaires différentes, plus ou moins aisées, dans lesquelles le budget de la recherche était, selon le cas, ou très favorisé ou moins défavorisé que les autres budgets civils. Intrinsèquement, compte tenu du contexte, votre budget n'est pas bien traité, comme le note avec justesse et modération le rapporteur spécial.

Sur l'emploi scientifique, le BCRD prévoit la création de 150 emplois.

Comme le note aussi le rapporteur spécial : « Ces créations permettront certes de continuer à disposer en 1999 d'un volume de recrutement significatif pour les chercheurs, mais cet effort est néanmoins très inférieur à celui réalisé dans le budget 1998... Or un tel effort s'impose dans la perspective du rajeunissement de la pyramide des âges de la population des chercheurs. » Entre le 15 juillet

et ce 20 octobre, que sont vos affichées bonnes résolutions devenues ?...

Sur la restauration des moyens des laboratoires, il faut noter que si les crédits de l'INSERM progressent de 3 %, ceux du CNRS, avec un accroissement de 1,6 %, posent problème. Comme le note encore le rapporteur spécial :

« En dépit de cet affichage, il faut souligner le fait que cette augmentation des moyens n'est pas à la hauteur de certaines priorités. Au niveau du CNRS, notamment, elle ne permettra pas de poursuivre les investissements prévus pour les très grands équipements et de respecter les engagements internationaux correspondants. »

J'aimerais vous entendre en détail sur ces grands investissements qui ne se feront pas et sur la fiabilité de nos engagements internationaux. Sur un point particulier qui me tient à coeur, nos engagements pour le LHC au CERN seront-ils tenus ? En ce qui concerne le soutien à l'innovation technologique, je relève d'abord que 187 millions sont destinés à résorber la dette du FRT, due à une mauvaise gestion avant 1993. Je rappelle d'ailleurs que cette dette provient du décalage croissant entre les autorisations de programme et les crédits de paiement du début des années 1990. N'y a-t-il pas danger de retomber dans ce même travers en augmentant de 40 % les autorisations de programme en 1999 ? Que faut-il réellement voir derrière la création du fonds national pour la science ? Est-ce un lointain parent de la caisse des recherches, créée en 1901, ou bien du

« sou des laboratoires » créé en 1920 ? Ne serait-ce pas plutôt le fonds Allègre qui permettra de soutenir, à sa seule discrétion, les projets du ministre ?

Mme Odette Grzegrzulka.

Absolument pas !

M. Claude Birraux.

Pour conclure sur les éléments strictement budgétaires, je dirai que ce budget pour 1999 marque un fléchissement très net de l'effort de l'Etat et n'est pas en concordance avec l'ambition affichée par le Gouvernement.

J'en viens à quelques considérations de fond et de méthode.

Je me demande si la méthode que vous croyez être celle du franc-parler, élevée au rang de dogme, n'est pas en train de déstabiliser le monde universitaire et de la recherche après celui de l'éducation.

M. Gérard Saumade.

C'est important de déstabiliser !

M. Claude Birraux.

Je me demande si, vous basant sur un indicateur objectif, le nombre de brevets déposés, votre but n'est pas d'administrer une potion magique de votre composition à la hussarde ! J'en veux pour preuve votre valse hésitation sur la réforme de l'INSERM. J'en veux pour preuve votre tentative pour changer les statuts du CNRS, ainsi que le statut du chercheur.

Votre méthode serait-elle aussi celle de l'autoritarisme qui joue du bâton sans disposer de carottes ? Croyez-vous que ce soit la bonne méthode pour donner confiance à la communauté scientifique ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

L'élu de montagne que je suis sait qu'il faut toujours assurer ses points d'appui pour progresser et j'ai l'impression que vous faites plutôt un exercice de trapèze, plus spectaculaire certes, mais aussi plus aléatoire.

Par-delà les aspects de forme, je me demande s'il n'y a pas, au départ, un problème de fond et de compréhension.

Par exemple, lorsque vous créez le Réseau national de recherche et technologie, je me demande si cette volonté de dissocier recherche scientifique et technologique ne procède pas d'une méconnaissance, de la part de ceux qui ont en charge la politique scientifique, de ce que représentent la technologie et ses relations au développement économique. A qui ferez-vous croire que le placage sur un dispositif complexe et éparpillé d'une nouvelle entité administrative, même légère, sera capable de mettre fin à des décennies de mauvaises habitudes ?

Mme Odette Grzegrzulka.

Des décennies, oui !

M. Claude Birraux.

Vous croyez à la seule vertu des structures pour influer sur le cours des choses, alors que le problème est d'abord culturel, c'est celui de l'évolution des mentalités.

A la révolution des structures, j'oppose la levée des verrous, des barrières et des blocages, la libération de l'initiative.

L orsque j'entends le Premier ministre déclarer à l'UNESCO que l'enseignement supérieur ne doit pas être déterminé par le marché, je dis oui, mais cela ne doit pas être un dogme à la soviétique. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Le ridicule ne tue pas !

M. Claude Birraux.

A la sortie, il s'agit bien de s'insérer dans le monde de l'économie et il ne sert à rien de tromper les étudiants avec des filières sans avenir. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

De même, il n'y a pas une recherche pure, fondamentale, et une recherche impure, appliquée. Le CERN nous en donne un bel exemple, qui se dotera au 1er janvier prochain d'une direction de la valorisation et du transfert de technologie.

Les temps ont changé. La science n'a plus son auréole de jadis. Elle ne peut plus s'abstraire du contexte social, culturel, économique et politique - au sens le plus noble du terme - de la nation. Les citoyens sont en droit de demander des explications aux scientifiques en échange des efforts qu'ils consentent pour la science.

L'aspect sociétal ne peut plus être éludé. Il s'agit pour les citoyens, comme pour les élus qui les représentent, d'être un peu plus savants et pour les savants d'être un peu plus citoyens.

Toute la difficulté consiste à organiser l'interface entre ces différents intervenants, à prendre le temps de bien expliquer le pourquoi et le comment des choses. Vous devriez sérieusement y réfléchir.

Pour ces raisons de fond et de forme, le groupe UDF ne votera pas votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme chaque année, je commencerai par le même rituel : pourquoi n'avons-nous pas un vrai débat budgétaire sur l'ensemble des crédits de votre ministère ? Pourquoi, alors que vous-même avez la tutelle sur l'ensemble, ne pouvons-nous pas avoir une discussion globale sur les crédits de l'éducation nationale, ceux de l'enseignement supérieur et ceux de la recherche ? Je me soumets à cette distinction qui me paraît très arbitraire, mais elle ne permet pas un débat d'ampleur qui, vu les circonstances, aurait été totalement justifié dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Je suis d'accord !

M. Claude Goasguen.

Entre le budget de l'enseignement dont nous allons discuter demain et celui que nous examinons aujourd'hui - je laisserai le soin à M. d'Aubert d e poser quelques questions sur le budget de la recherche -, il y a tout de même beaucoup de différences.

Elles tiennent d'abord à votre comportement, monsieur le ministre. Ne voyez pas là une quelconque agression de ma part. Mais si vous avez beaucoup parlé de l'éducation nationale, vous l'avez fait beaucoup moins de l'enseignement supérieur. Faut-il s'en féliciter ou s'en plaindre ? Les événements le diront.

Votre budget de l'enseignement supérieur, en tout cas, ne marque pas de progrès formidable dans l'originalité, même s'il est incontestablement en augmentation. Cela nous conduit à poser une question, qui est désormais beaucoup plus générale, et que vous avez vous-même très bien posée d'ailleurs, ces derniers jours, à propos du budg et de l'éducation nationale : suffit-il d'avoir une approche strictement quantitative de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur ? Sans doute, comme pour toutes les nations modernes, elle est nécessaire, s'agissant d'un service public. C'est un dû ! Mais réfléchissons tous ensemble, opposition et majorité confondues, sur la qualité de l'enseignement et sur les perspectives. Dans ce discours, nous sommes un certain nombre à vous suivre. Et nous aimerions vous suivre bien au-delà ! Mais c'est un autre sujet, que nous verrons dans les semaines à venir.

Le budget de l'enseignement supérieur, je le répète, manque de l'originalité et des perspectives qui lui auraient été utiles au tournant du XXIe siècle. C'est sans doute que vous vous êtes davantage préoccupé d'un autre secteur névralgique de l'éducation.

En réalité, ce budget est un peu un budget de routine.

J'aurais voulu que vous nous disiez comment vous envisagez le grand problème qui va se poser à notre enseignement supérieur dans les années qui viennent, à savoir celui de la mondialisation. Beaucoup de rapports et de colloques en ont traité dans les milieux éducatifs, où les gens aiment parler. Mais je n'en ai vu de concrétisation ni budgétaire ni même législative ou réglementaire.

Ainsi, le rapport Attali, dont la lecture est au demeurant fort intéressante - encore qu'il aurait pu être plus court - le rapport Attali, disais-je, n'est qu'indicatif.

Quant à la conférence de Monteil, elle non plus n'a trouvé jusqu'à présent aucun écho.

Mais il est des silences encore plus assourdissants sur des sujets plus politiques et plus brûlants. Silence, en particulier sur un sujet qui préoccupe l'opposition, et sans doute aussi la majorité, celui de la MNEF. On a beaucoup entendu la ministre des affaires sociales sur ces problèmes, mais on aurait pu penser que le ministre des universités ne serait pas indifférent à ce qui se passe dans le patrimoine social des étudiants. Certes, vous ne le gérez pas directement, c'est Mme Aubry qui en a la charge.

Mais pouvez-vous vous dispenser d'un minimum de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

remarques sur l'organisation d'une mutuelle si liée à la vie quotidienne des étudiants, et qui détient des restaurants et des cités universitaires ? Rien ! Vous ne dites rien. Les problèmes de la sécurité sociale de 800 000 étudiants ne touchent pas le ministre des universités, je le déplore.

Par ailleurs, vous abandonnez le projet de statut social de l'étudiant au profit d'un plan social étudiant, lequel a un goût de déjà vu pour ceux qui connaissent un peu l'évolution du système universitaire. En 1991, en effet - vous occupiez déjà des fonctions éminentes - M. Jospin, alors ministre de l'éducation nationale, avait promis d'atteindre le taux de 25 % de boursiers. Nous sommes aujourd'hui à 21 %.

M. Roland Vuillaume.

On va arriver à 30 % !

M. Claude Goasguen.

Permettez-nous d'en douter ! Je veux bien vous croire sur parole, mais cela ne paraît pas du tout acquis.

Je comprends d'ailleurs le raisonnement qui est le vôtre et je sais combien il est difficile de réformer l'ensemble des aides de l'Etat, bourses, avantages fiscaux, allocations pour le logement social. Votre prédécesseur s'y était déjà essayé. Vous avez préféré des mesures plus lentes, mais réalistes. Vous avez préféré la réalisation ; elle est un peu lente, je vous le dis très nettement. Derrière vos effets d'annonce, vous n'augmentez le nombre de boursiers que de 10 000 à 15 000, du moins pour ce qui est des aides exceptionnelles individualisées.

Je reste très sceptique - je suis même un peu amusé quant à la portée des 200 bourses attribuées aux meilleurs bacheliers, issus de familles défavorisées, qui s'orientent vers l'ENA et l'ENM. Voilà une manière intéressante d'aller vers les « grandes écoles ». Mais cette philosophie, qui me fait penser à quelque roman fameux de la fin du

XIXe siècle, Le Petit Chose ou Les Déracinés, correspondelle à l'état d'esprit des étudiants d'aujourd'hui ? Ce que vous voulez pour les chercheurs, ne voulez-vous pas l'admettre aussi pour les étudiants ? Ceux-ci désirent bien autre chose qu'entrer à l'Ecole nationale d'administration ou à l'Ecole nationale de la magistrature. Ils cherchent à s'inscrire dans le grand courant international de modernité. Par conséquent, même si cette référence à des éc oles d'administration peut-être un peu hypertrophiées - en tout cas pour l'instant, n'est pas sans intérêt, elle ne correspond pas à ce que souhaitent nos étudiants, qui sont beaucoup plus ouverts que vous ne le pensez à l'évolution économique internationale, à l'évolution notamment du marché libéral international.

M. Christian Cuvilliez, rapporteur spécial.

Logomachie !

M. Claude Goasguen.

C'est à dessein que j'ai employé le terme « libéral », je savais qu'il allait vous faire réagir ! Vous lancez un plan U 3000, en continuité avec le plan U 2000. Je suis d'accord d'ailleurs avec certaines de vos propositions, notamment celles qui ont trait à l'aménagement de Paris et de l'Ile-de-France, qui avait été quelque peu oubliées dans le précédent. Je souhaiterais à ce propos une évaluation très précise des locaux occupés par les universités actuelles, bilan dont nous ne disposons pas et qui nous indiquerait le taux d'occupation. Il y aurait peut-être des progrès à accomplir et des économies à réaliser. Je trouve nos universités, à Paris et ailleurs, tout à fait...

M. Christian Cuvilliez, rapporteur spécial.

Confortables ?

M. Claude Goasguen.

... sous-employées. Dans ces temps où l'on ne doit pas être prodigue des deniers publics, il serait bon, en tout état de cause, que nous sachions où nous en sommes.

Je suis favorable, en revanche, à votre intention de permettre aux universités d'accueillir en leur sein des entreprises naissantes, et d'autoriser les chercheurs ou les universités à être détachés pour créer des entreprises. Je pense qu'on en reparlera demain parce que, après tout, ce qui vaut pour l'enseignement supérieur pourrait aussi être étudié pour d'autres secteurs de l'enseignement. Ce début d'interaction entre le privé et le système universitaire ou de la recherche me paraît prometteur, à condition qu'il ne reste pas au stade du discours et que vous alliez jusqu'au bout de la démarche.

En effet, et je terminerai sur ce point, ce qui me paraît le plus préoccupant, c'est qu'il reste une barrière infranchissable entre les universités et le monde du travail, le monde privé, le monde de l'économie. Il y a là un vrai problème d'insertion professionnelle. Je n'ai pas senti, dans votre budget, la volonté de briser cette barrière qui, en cette fin de siècle, est totalement rétrograde.

Monsieur le ministre, il faut absolument que vous mettiez dans vos futures priorités l'insertion professionnelle de nos étudiants. Désormais, le problème n'est plus d'obtenir simplement un diplôme. Au début de ce siècle, en délivrer un aux étudiants pour qu'ils réussissent dans la vie était peut-être une obligation de service public.

Désormais, il est de l'intérêt commun que ce diplôme permette d'être inséré.

L'insertion professionnelle ne s'apprend pas dans les manuels de droit ou d'économie politique. L'université doit se doter d'un personnel en nombre, pas forcément d'ailleurs d'un personnel administratif. Pourquoi ne pas intéresser les entreprises à l'insertion professionnelle dans les universités ?

M. Laurent Dominati.

Très bien !

M. Claude Goasguen.

Pourquoi n'y aurait-il des chasseurs de tête que dans les grandes écoles ? Pourquoi les étudiants seraient-ils défavorisés ? Pourquoi ne placerait-on pas les étudiants après leur diplôme universitaire ? Aujourd'hui, ceux qui viennent d'obtenir leur maîtrise arborent souvent la mine défaite de qui se demande où il va bien pouvoir être employé. Ils tapotent sur leur Minitel, vont à la chambre de commerce ou des métiers pour, finalement, s'inscrire en troisième cycle parce qu'ils n'ont rien trouvé.

L'insertion professionnelle est désormais un devoir absolu de nos universités. Nous sommes passés d'une conception formelle du diplôme à une conception réelle qui implique l'insertion de l'étudiant dans la vie.

Voilà les quelques remarques que je voulais présenter sur un budget qui est en augmentation, c'est incontestable, mais dont les dimensions qualitative et prospective sont insuffisantes.

Pour toutes les raisons que j'ai invoquées, parce que vous n'avez pas encore appréhendé tous ses aspects, et malgré l'effort quantitatif, le groupe Démocratie libérale et Indépendants votera contre votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Patrick Leroy.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

M. Patrick Leroy.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce budget devrait permettre la mise en oeuvre d'une politique ambitieuse visant à élargir l'accès des jeunes à tous les niveaux du système éducatif, à y assurer leur réussite, à leur donner une formation de haut niveau, à revitaliser la recherche publique dans le cadre d'un service public consolidé et renforcé.

L'investissement dans les domaines éducatif et de la recherche est indispensable pour que notre pays s'oriente vers des progrès sociaux et soit armé pour affronter les défis de la civilisation du XXIe siècle qui nous attendent tous, et, plus modestement, pour que le service public puisse accomplir ses missions en 1999.

Pour l'enseignement supérieur, le total des crédits - dépenses ordinaires plus crédits de paiement - s'élève à 51 114 millions de francs, soit une hausse de 5,48 % en francs courants. La progression des dépenses est inférieure à celle de certains ministères comme ceux de la ville, de l'environnement, de la justice et de l'emploi tout en étant supérieure à celle du budget global du pays ou même à celle de l'ensemble du ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Les dépenses ordinaires représentent 45 453 millions de francs contre 43 370 millions de francs en 1998, soit une progression de 4,8 %. Il convient toutefois de remarquer que l'augmentation de ces dépenses correspond pour un tiers, soit 670 millions de francs, à l'application de l'accord salarial de la fonction publique.

En ce qui concerne les crédits de fonctionnement, les subventions pour les établissements d'enseignement supérieur se montent à 5 441 millions de francs et sont donc en baisse par rapport à 1998. Je le regrette, tout en remarquant les efforts effectués en direction de l'équipement informatique des IUFM, de la formation aux nouvelles technologies et des bibliothèques.

Le point le plus faible de ce budget - et c'est préoccupant - concerne la politique de recrutement universitaire. La diminution des flux étudiants, d'ailleurs variables selon les établissements et sur laquelle il conviendrait de s'interroger - ses causes sont-elles uniquement d'ordre démographique ? - a permis une certaine amélioration du taux d'encadrement, qui passerait de 22,67 étudiants par enseignant à la rentrée 1995, à 19,65 à la rentrée 1999.

Ce taux reste toutefois moins favorable que celui du début des années 90 en France, et il traduit surtout un retard par rapport aux grands pays industrialisés, où la moyenne est de quinze étudiants par enseignant.

Cet état de fait ne peut donc justifier l'absence totale de création de postes d'enseignants dans ce budget, alors que celui de l'an passé en avait créé 1 800 d'enseignantschercheurs et que les besoins estimés par les syndicats s'élèvent à 5 000 postes par an pendant quatre ans.

La libération de 1 500 emplois d'enseignants-chercheurs par le transfert de 1 500 attachés temporaires d'enseignement et de recherche, ATER, nommés sur des postes vacants sur crédits budgétaires est une opération neutre au regard des emplois. Par contre, le glissement sur crédits de 168 emplois des élèves de l'Ecole nationale d es chartes, se traduit par une suppression sèche d'emplois. D'ailleurs une mesure analogue avait déjà été prise, l'an dernier, pour les écoles normales supérieures.

Ces opérations de transfert n'ont pas notre assentiment car elles accroissent l'opacité des effectifs des agents publics et rendent possibles des redéploiements sans concertation. En outre, ces mesures ne permettent pas au service public d'assurer un enseignement supérieur de qualité, de compenser les départs à la retraite et de remplir les nouvelles missions de l'université.

Pour les personnels non enseignants - ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers -, la situation n'est guère plus satisfaisante. La création de 800 postes, prévue dans ce budget, représente une baisse par rapport au plan de rattrapage envisagé, puisque les budgets de 1997 et de 1998 ont créé chacun 1 200 emplois. Il s'agit notamment de 610 postes dans les universités, 150 dans les bibliothèques, 40 pour les nouvelles technologies dans les IUFM, auxquels s'ajoutent quinze emplois non budgétaires pour le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires, le CNOUS, et des emplois-jeunes.

Pour ces derniers, il est prévu de créer des postes, en nombre encore indéterminé, d'auxiliaires de vie universitaire, pour des non-bacheliers qui seront payés au SMIC, et 400 postes en IUFM réservés à de jeunes docteurs qui seront rémunérés à 150 % du SMIC.

La création de ces emplois-jeunes, conjuguée à la diminution des embauches de titulaires, est considérée par les syndicats comme une réduction drastique et provocatrice du nombre et du niveau des débouchés offerts aux jeunes docteurs au sein du service public, en dépit des besoins criants.

Ils dénoncent, en outre, une dérive de ce dispositif puisqu'un grand nombre d'emplois-jeunes ne correspondent pas à des métiers émergents. Une large part des missions des auxiliaires de vie universitaire pourrait être exercée par des IATOS qualifiés. Quant aux emplois d'agents de développement de nouvelles technologies d'information et de communication dans les IUFM, on chargera des jeunes docteurs d'activités déjà existantes et relevant pour l'essentiel de la qualification d'ingénieur ou de maître de conférences en leur payant 150 % du SMIC pour 169 heures de travail.

Je peux citer quelques activités destinées à des emploisjeunes qui ne répondent pas à des besoins émergents.

C'est le cas, dans les universités, de la sécurité, de la documentation et, dans les IUFM, de la production d'outils pédagogiques, de l'aide à l'informatisation, de l'expérimentation d'outils multimédia, de l'aide individualisée aux formateurs.

Nous sommes favorables au principe du dispositif emplois-jeunes en dépit de ses déficiences relatives à la pérennisation de ces emplois et au caractère privé des contrats dans la fonction publique.

Par contre, nous sommes foncièrement opposés à tout détournement de ce dispositif ouvrant la porte à des substitutions à des emplois reconnus, qualifiés et statutaires.

Non seulement cette orientation est illégale, mais elle ne répond pas aux légitimes exigences des jeunes docteurs, qui réclament une réelle reconnaissance de leur qualification, ni aux besoins du service public.

La lutte contre l'échec des études universitaires passe par la réduction de la taille des groupes d'étudiants et l'organisation d'enseignements de soutien et de complément. Cela implique, outre les créations d'emplois d'enseignants-chercheurs et de IATOS dont je viens de parler, de réemployer les ATER, de résorber les emplois précaires et de valoriser les carrières, ce que ne prévoit pas le présent budget.

Pour terminer sur le chapitre de l'enseignement supérieur, je souhaite relever quelques mesures non négligeables prévues dans ce budget, même si elles sont en deçà des besoins ou d'engagements antérieurs.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

En premier lieu, je me félicite des 833 millions consacrés au plan social étudiant, qui permettront de relever un peu le taux des bourses, d'augmenter le nombre de boursiers et de mettre en place une carte orange étudiants en Ile-de-France. N'oublions pas cependant les autres régions, monsieur le ministre ! Je regrette néanmoins qu'aucune réponse ne soit apportée à la demande pressante d'un véritable statut social de l'étudiant.

Je me réjouis enfin du gros effort réalisé par ce budget pour des crédits immobiliers destinés à la poursuite des contrats de plan Etat-région, à la mise aux normes de sécurité des établissements universitaires et au plan Universités du troisième milénaire pour le parachèvement de Jussieu, ainsi qu'à la construction et à la rénovation des restaurants et cités universitaires.

La lecture du budget pour 1999 de la recherche et de la technologie ne peut, par contre, que susciter de grandes inquiétudes pour l'avenir de la recherche civile française et la préservation de l'exception française en la matière, avec une conception tout à fait originale de la notion de service public.

Je tiens donc, en préambule, à rappeler fermement le grand attachement que nous, communistes, avons pour ces principes.

La qualité de la recherche fondamentale française est reconnue par tous, même par vous, monsieur le ministre.

Ce résultat a été obtenu grâce à des efforts réalisés dans le cadre d'une logique de service public qui ne se retrouve, avec cette force et ces dimensions, dans aucun pays de l'OCDE et qui est inexistant aux USA et au Japon.

Dans ce contexte, vouloir imposer un modèle étranger, en l'occurrence américain, si loin et si différent de la conception et des traditions sur lesquelles est fondé notre système de recherche, c'est courir le grand risque de détruire tout l'édifice.

Préserver cette logique, la renforcer et la redynamiser rend plus indispensable encore non seulement de maintenir, mais de renforcer de façon continue l'effort budgétaire.

Si l'on compare la recherche française à celle d'autres pays développés, on est frappé par la faiblesse de la recherche industrielle et par la bonne tenue de la recherche fondamentale. Quelles en sont les causes ? Pour nous, tout se passe commme si la grande industrie, répugnant à développer les laboratoires dans ses entreprises pour des raisons de coût, voulait se servir des laboratoires publics et les détourner de leur fonction de développement des connaissances.

Or l'indispensable recherche industrielle a sa dynamique propre et est, par nature, distincte de la recherche publique. C'est une activité à part entière impliquant un savoir-faire spécifique que n'a généralement pas le chercheur des EPST, à moins qu'il ne change entièrement de métier. Cela ne doit d'ailleurs pas interdire les coopérations, qui existent déjà et doivent être encouragées, entre les deux secteurs.

Mais dire, comme vous le faites, que l'obstacle principal à l'innovation provient du fait que le milieu scientifique et technologique n'a pas la culture de l'argent, c'est culpabiliser les chercheurs. Vous exonérez ainsi, au passage, de leur responsabilité générale les capitalistes français qui n'investissent pas ou ne financent pas, non seulement les projets innovants, mais l'ensemble des projets productifs, traduisant par là leur refus flagrant de prendre des risques.

Sicence et connaissance ne sont pas en rapport uniquement avec la production, mais également avec la culture, l'environnement, l'histoire et avec tout ce qui permet à l'homme de se repérer. Sinon, on risque de réduire des rapports complexes et vitaux pour la société à un problème utilitaire, immédiat.

Tous les thèmes de la recherche, en effet, ne sont pas motivés par des applications. Un pilotage par l'aval dominant conduit à supprimer des domaines de recherche sous prétexte de mieux en rentabiliser d'autres. C'est très dang ereux puisque la caractéristique de l'activité de recherche, c'est que l'on peut rarement en prévoir les résultats, ce qui porte à la maintenir sur tous les champs de la connaissance.

Les remèdes que vous préconisez, et qui singent le système américain - allégement de la fiscalité des stockoptions, prolongation du dispositif du crédit d'impôtrecherche,...

M. Jean-Yves Le Déaut.

Bonne mesure !

M. Patrick Leroy.

... déséquilibre du système de mobilité entre recherche publique et entreprises, déductions fiscales pour investissement dans les entreprises - ne vont ni dans le sens de la préservation et du développement du secteur public et nationalisé ni de la recherche des EPST et des EPIC.

S'agissant des crédits d'impôt-recherche, le versement à fonds perdus de sommes considérables, sans aucun contrôle réel et sans aucune clause conditionnelle de création d'emplois scientifiques, est un détournement de crédits publics. Il serait préférable d'instituer un système d'impôt libératoire dont seraient exonérées les entreprises ayant réellement investi dans la recherche et créé des emplois.

L'affectation d'une partie de ces crédits versés aux entreprises pourrait également permettre le recrutement de jeunes docteurs, ces jeunes docteurs qui attendent toujours un véritable statut social pour résoudre les situations de précarité qu'ils vivent.

U ne véritable politique de gauche devrait de contraindre la grande industrie à créer des laboratoires et des emplois scientifiques.

Par ailleurs, votre projet de réforme du principal organisme de recherche français, le CNRS, provoque actuellement une vive et légitime inquiétude dans la communauté scientifique française.

Le CNRS ne disposerait plus de laboratoires. Ses nouveaux statuts changeraient radicalement sa nature et sa mission. Il serait transformé en simple agence de moyens au service de la recherche universitaire. Son rôle se limiterait à la distribution de crédits à des unités de recherche parées du label CNRS, dont l'activité scientifique échapperait à son contrôle.

Or toute notre recherche est fondée sur des organismes puissants capables de conduire une politique scientifique cohérente et de prendre des options d'investissement à très long terme. C'est l'ossature même de notre recherche qui est ainsi brisée, et c'est très préoccupant.

En ce qui concerne le Centre national d'études spatiales, l'endettement accumulé s'élevait en 1995 à 3,7 milliards de francs. Le CNES a rigoureusement suivi le plan de résorption de la dette défini en 1996 grâce à un réaménagement difficile de ses programmes et à d'importantes économies de gestion. Dans un secteur de pointe comme celui-là, où la concurrence internationale est féroce, le poids de ce remboursement, allié au fait que 50 % de ses subventions sont destinées à la contribution


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

à l'Agence spatiale européenne, laisse à cet établissement peu de marge financière pour une politique d'investissement audacieuse.

Le budget civil de la recherche et du développement pour 1999 prévoit la création de seulement 100 emplois de chercheurs et de 50 emplois d'ingénieurs, techniciens et administratifs, alors que celui de 1998 avait créé 400 postes de chercheurs et 200 d'ITA. Cela ne permet pas de maintenir le flux régulier de recrutement nécessaire à l'équilibre démographique des organismes et au rajeunissement de la pyramide des âges.

A cela s'ajoute le coût exorbitant du rachat des points de retraite, les chercheurs pouvant rarement justifier avant soixante-cinq ans d'un nombre d'annuités suffisant, ce qui empêche un grand nombre d'entre eux de partir en préretraite ou à la retraite. C'est par une politique audacieuse de recrutements et la mise en place de mesures incitatives de départs à la retraite que l'on pourra assurer le renouvellement des générations de chercheurs.

Face aux retards accumulés ces dernières années, aux grands enjeux nationaux et internationaux, les 53 915 millions de francs consacrés par le BCRD aux dépenses ordinaires et crédits de paiement, en progression d'à peine 1,6 %, ne peuvent correspondre à la grande ambition que vous affirmez avoir, monsieur le ministre, pour la recherche française.

Nous ne sous-estimons pas l'héritage laissé par la droite.

M. Jean-Yves Le Déaut.

La droite, elle n'est pas là !

M. Philippe Vuilque.

Cherche opposition désespérément ! (Sourires.)

M. Alain Tourret.

Où est-elle ?

M. le président.

A la présidence ! (Rires et exclamations.)

M. Patrick Leroy.

Mais ces budgets doivent évoluer en fonction des besoins recensés et exprimés. C'est encore possible, qu'il s'agisse des moyens financiers ou des créations d'emplois. En l'état, nous ne pouvons approuver ces crédits et le groupe communiste s'abstiendra.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Crépeau.

M. Michel Crépeau.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat budgétaire, ce n'est pas seulement fait pour examiner des chiffres, même si c'en est l'objet principal, c'est fait aussi pour débattre, juger, apprécier une politique.

Les radicaux de gauche et, je le pense, les membres de mon groupe voteront votre budget,...

M. Philippe Vuilque.

Très bien !

M. Michel Crépeau.

... parce que les chiffres sont, disons, convenables - on pourrait en parler pendant des heures, il n'y a jamais assez -, mais d'abord parce que nous vous aimons bien et que nous aimons bien votre style.

M. Alain Tourret.

Très bien !

M. Michel Crépeau.

Vous êtes un ministre de l'éducation et de la recherche qui tranchez considérablement sur tous ceux que j'ai connus depuis vingt-cinq ans dans cette maison ! Habituellement, on entendait couler des robinets d'eau tiède et voici que sonnent les trompettes de Jéricho ! (Rires.)

Il faudra les faire sonner bien souvent, très haut et très fort pour faire tomber les donjons de l'éducation nationale !

M. Gérard Saumade et M. Alain Tourret.

Bravo !

M. Christian Cuvilliez, rapporteur spécial.

Belle image médiévale !

M. Michel Crépeau.

Mais je crois que vous avez la capacité de faire passer un message de modernité et de bon sens tout à la fois, et cela me paraît irremplaçable.

En cinq minutes, je ne peux évidemment pas évoquer tous les sujets, mais je prendrai trois exemples.

L'éducation nationale, à tous les niveaux - car comme M. Goasguen, je considère qu'on ne doit pas la saucissonner, c'est un cursus -, doit bien sûr préparer les gens à exercer un métier. Elle doit aussi, et peut-être surtout, les préparer à la vie, les préparer à être des hommes et des femmes. Il est important d'apprendre à compter, sûrement, mais aussi d'apprendre à penser, à réfléchir.

Elle doit former non seulement des ingénieurs, des ouvriers pour l'industrie ou des fonctionnaires, dont nous avons besoin, mais aussi des citoyens, des hommes et des femmes heureux.

J'ai entendu dans votre bouche des propos qui m'ont énormément plu, oubliés depuis trop longtemps par les ministres de l'éducation nationale. Vous avez même parlé de Jules Ferry à la télévision. C'est tout de même quelque chose de nouveau que ce pélerinage aux sources de la République, et je veux vous en remercier.

Deuxième observation, et mon propos n'est pas égocentrique, je n'ai pas vu dans votre budget de l'enseignement supérieur, ni dans les rapports des rapporteurs, beaucoup de choses concernant spécifiquement les universités nouvelles qu'a créées votre prédécesseur, Lionel Jospin mais vous étiez là. Je crois qu'il faut faire attention à la déception qui pourrait succéder à l'immense espoir qu'a fait naître le plan Université 2000. Je ne voudrais pas, que par une espèce de phénomène d'enchaînement, on passe des manifestations de lycéens à des manifestations d'étudiants, car viendrait un moment où plus personne ne contrôlerait la machine. Puisque je soutiens ce gouvernement, je vous mets en garde, non seulement pour la Rochelle, mais aussi pour les autres universités nouvelles.

Troisième observation : quand j'étais à l'UNEF, dans les années cinquante, nous nous battions pour le présalaire étudiant. La question est toujours d'actualité, ô combien ! Votre prédécesseur n'avait pas très bien réussi dans ce domaine. Je vais vous citer deux phrases tirées d'un rapport de M. Cieutat, qui est conseiller maître à la Cour des comptes, donc quelqu'un de très sérieux et non pas un étudiant attardé comme je peux l'être (Sourires) :

« L'étudiant issu d'une famille déclarant plus d'un million de francs de revenus est davantage aidé que celui d'une famille touchant le SMIC, et près de deux fois plus que celui issu d'une famille déclarant un salaire net de 140 000 francs. Le système actuel est clairement antiredistributif. » Cela dit bien ce que cela veut dire et il

était temps que vous arriviez pour essayer de corriger la situation.

M ais c'est encore insuffisant, et cela concerne l'ensemble du Gouvernement. Un étudiant en faculté dans une ville que ses parents n'habitent pas coûte un minimum de 5000 francs par mois. Cela signifie clairement qu'en France, un smicard ne peut avoir un enfant, et encore moins deux, dans l'enseignement supérieur.

Cela, c'est un scandale ! J'entends répéter sur les bancs de l'opposition, quand ils ne sont pas vides : la famille, la famille, la famille ! Eh bien la famille, elle ne peut pas


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

envoyer ses gosses à l'université si elle ne gagne pas un minimum de 10 000 francs par mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Alors, au lieu de filer des allocations familiales à la famille Dassault ou à tous ceux qui ont de l'argent, il faudrait peut-être utiliser ce même argent - vous le direz à Mme Aubry de ma part - pour permettre aux étudiants intelligents et méritants de faire des études supérieures.

Voilà ce que je voulais vous dire. Bonne chance, monsieur le ministre ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

5

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures quinze, deuxième séance publique : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999, no 1078.

M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1111).

E nseignement supérieur, recherche et technologie (suite) : Enseignement supérieur : M. Alain Claeys, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 18, rapport no 1111) ; Mme Geneviève Perrin-Gaillard, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 1112, tome VI).

Recherche : M. Christian Cuvilliez, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 19 au rapport no 1111) ; M. Jean-Pierre Foucher, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 1112, tome VII).

Recherche et technologie : M. Daniel Chevallier, rapporteur pour avis au nom de la commission de la production et des échanges (avis no 1116, tome IX).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

ORDRE DU JOUR ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS (Réunion du mardi 20 octobre 1998) L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au dimanche 8 novembre 1998 inclus a été ainsi fixé : Mardi 20 octobre 1998, l'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures : Explications de vote et vote par scrutin public sur la première partie du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078 et 1111 à 1116).

Discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078 et 1111 à 1116).

Enseignement supérieur, recherche et technologie.

Mercredi 21 octobre 1998 : Le matin, à 9 heures : Culture.

L'après-midi, à 15 heures : Questions au Gouvernement.

A 18 heures et le soir, à 21 heures : Enseignement scolaire.

Jeudi 22 octobre 1998 : Le matin, à 9 heures : Environnement.

L'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures : Equipement et transports.

Vendredi 23 octobre 1998, le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et, éventuellement, le soir, à 21 heures : Outre-mer.

Le mercredi 21 octobre 1998, à 16 h 30,

M. Abdou Diouf, Président de la République du Sénégal, sera reçu dans l'Hémicycle Mardi 27 octobre 1998, le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures : Discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (no 1106).

Mercredi 28 octobre 1998, le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures, jeudi 29 octobre 1998, le matin, à 9 heures, l'aprèsmidi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures, et vendredi 30 octobre 1998, le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures, et, éventuellement, samedi 31 octobre 1998, le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures : Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (no 1106).

Lundi 2 novembre 1998 : Le matin, à 10 heures : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078 et 1111 à 1116) : Services du Premier ministre : Services généraux, SGDN, Conseil économique et social, Plan, Journaux officiels.

L'après-midi, à 15 heures et le soir, à 21 heures : Affaires étrangères ; Affaires étrangères : coopération.

Mardi 3 novembre 1998 : Le matin, à 9 heures : Ville.

L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures : Explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (no 1106).

Discussion des propositions de loi de MM. Ayrault, Bocquet, Hascoët, Michel et Tourret relatives au Pacte civil de solidarité (nos 1119, 1120, 1121, 1118, 1122 et 1138).

Mercredi 4 novembre 1998 : Le matin, à 9 heures : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078, 1111 à 1116) : Logement.

L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures : Aménagement du territoire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

Jeudi 5 novembre 1998 : Le matin, à 9 heures : Fonction publique, réforme de l'Etat et décentralisation.

L'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures : Intérieur.

Vendredi 6 novembre 1998 : Le matin, à 9 heures : Anciens combattants.

L'après-midi, à 15 heures, et le soir à 21 heures : Défense.

Samedi 7 novembre 1998, le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures, et dimanche 8 novembre 1998, le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures : Suite de la discussion des propositions de loi de MM. Ayrault, Bocquet, Hascoët, Michel et Tourret relatives au pacte civil de solidarité (nos 1119, 1120, 1121, 1118, 1122 et 1138).

Les explications de vote et le vote sur la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité auront lieu le mardi 10 novembre 1998, à 16 heures, après les questions au Gouvernement.

Calendrier rectifié de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 (Conférence des présidents du mardi 20 octobre 1998) Durée de séance prévisionnelle Mardi 20 octobre 1998 (après-midi et soir) : Enseignement supérieur, recherche et technologie ......

5 h 25 Mercredi 21 octobre 1998 (matin, après-midi et soir) : Culture ..........................................................................

3 h 50 Enseignement scolaire ...................................................

4 h 20 Jeudi 22 octobre 1998 (matin, après-midi et soir) : Environnement ..............................................................

3 h 45 Equipement et transports .............................................

7 h 15 Vendredi 23 octobre 1998 (matin, après-midi et, éventuellement, le soir) : Outre-mer .....................................................................

9 h 50 (1) Mardi 27, mercredi 28, jeudi 29, vendredi 30 et, éventuellement, samedi 31 octobre 1998 (matin, après-midi et soir) : Discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, les explications de vote et le vote sur l'ensemble du projet ayant lieu le mardi 3 novembre 1998, après les questions au Gouvernement.

Lundi 2 novembre 1998 (matin, après-midi et soir) : S ervices du Premier ministre : services généraux, S GDN, Conseil économique et social, Plan, Journaux officiels ......................................................

1 h 50 Affaires étrangères .........................................................

5 h 25 Affaires étrangères : coopération ...................................

2 h 55 Durée de séance prévisionnelle Mardi 3 novembre 1998 (matin) : Ville ...........................................................................

....

4 h 05 Mercredi 4 novembre 1998 (matin, après-midi et soir) : Logement .......................................................................

4 h 05 Aménagement du territoire ...........................................

5 h 40 Jeudi 5 novembre 1998 (matin, après-midi et soir) : F onction publique, réforme de l'Etat et décentralisation ..........................................................

3 h 50 Intérieur .........................................................................

7 h Vendredi 6 novembre 1998 (matin, après-midi et soir) : Anciens combattants .....................................................

3 h 50 Défense ..........................................................................

6 h 35 Lundi 9 novembre 1998 (matin, après-midi et soir) : Tourisme .......................................................................

3 h 05 Solidarité et santé .........................................................

6 h 50 Mardi 10 novembre 1998 (matin et après-midi) : Travail et emploi ..........................................................

6 h 45 Jeudi 12 novembre 1998 (matin, après-midi et soir) : Jeunesse et sports ..........................................................

3 h 15 Agriculture et pêche ; BAPSA ......................................

7 h 30 Vendredi 13 novembre 1998 (matin, après-midi et soir) : Communication ............................................................

4 h 05 Industrie, poste et télécommunications ........................

5 h 10 Légion d'honneur et ordre de la Libération ...............

0 h 20 Justice ...........................................................................

4 h 50 Lundi 16 novembre 1998 (matin, après-midi et soir) : Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat 4 h 05 Economie et finances : charges communes, services financiers, Monnaies et médailles, comptes spéciaux du Trésor, taxes parafiscales ; commerce extérieur .. 4 h 40 Articles non rattachés.

Mardi 17 novembre 1998 (matin, après-midi et soir) : Suite des articles non rattachés.

Mercredi 18 novembre 1998 : Matin : Suite des articles non rattachés.

Après-midi : Eventuellement, explications de vote et vote sur l'ensemble du projet de loi de finances.

(1) La discussion consacrée à l'outre-mer fait l'objet d'une organisation particulière.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

ERRATUM Au Journal officiel , compte rendu des débats de la 1re séance du 16 octobre 1998, page 6797, dans le scrutin no 126 figurant dans les annexes au procès-verbal de cette séance, au lieu de : Groupe U.D.F. (68) : Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vo te. Contre : M. Arthur Paecht (président de séance).

Lire : Groupe U.D.F. (68) : Contre : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vo te. Non-votant : M. Arthur Paecht (président de séance).

En conséquence l'annexe s'établit ainsi : ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL de la 1re séance du vendredi 16 octobre 1998 SCRUTIN (no 126) sur l'amendement no 13 de la commission des finances après l'article 8 du projet de loi de finances pour 1999 (taxation forfaitaire des oeuvres d'art au titre de l'ISF).

Nombre de votants .....................................

65 Nombre de suffrages exprimés ....................

64 Majorité absolue ..........................................

33 Pour l'adoption ...................

47 Contre ..................................

17 L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (251) : Pour : 38 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-votant : M. Laurent Fabius (président de l'Assemblée nationale).

Groupe R.P.R. (138) : Contre : 6 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe U.D.F. (68) : Contre : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-votant : M. Arthur Paecht (président de séance).

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (44) : Contre : 7 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe communiste (36) : Pour : 6 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Radical, Citoyen et Vert (33) : Pour : 3 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Abstention : 1. - M. Roger Franzoni

Non-inscrits (4).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL de la 1re séance du mardi 20 octobre 1998 SCRUTIN (no 129) sur l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 1999 (vote unique) Nombre de votants .....................................

553 Nombre de suffrages exprimés ....................

550 Majorité absolue ..........................................

276 Pour l'adoption ...................

305 Contre ..................................

245 L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (251) : Pour : 243. - MM. Yvon Abiven , Maurice Adevah-Poeuf , Stéphane Alaize , Damien Alary , Mme Sylvie Andrieux ,

M M. Léo Andy , Jean-Marie Aubron , Jean-Marc Ayrault , Jean-Paul Bacquet , Dominique Baert , JeanPierre Baeumler , Jean-Pierre Balduyck , Jean-Pierre Balligand , Gérard Bapt , Alain Barrau , Jacques Bascou , Christian Bataille , Jean-Claude Bateux , Jean-Claude B eauchaud , Mme Yvette Benayoun-Nakache , MM. Henri Bertholet , Eric Besson , Jean-Louis Bianco , A ndré Billardon , Jean-Pierre Blazy , Serge Blisko , Patrick Bloche , Jean-Marie Bockel , Jean-Claude Bois , Daniel Boisserie , Augustin Bonrepaux , André Borel , Jean-Michel Boucheron , Jean-Claude Boulard , Didier Boulaud , Pierre Bourguignon , Christian Bourquin , Mme Danielle Bousquet , MM. Jean-Pierre Braine , Pierre Brana , Mme Frédérique Bredin , M. Jean-Paul B ret , Mme Nicole Bricq , MM. François Brottes , Vincent Burroni , Marcel Cabiddu , Alain Cacheux , Jérôme Cahuzac , Alain Calmat , Jean-Christophe Cambadelis , André Capet , Thierry Carcenac , Christophe Caresche , Mmes Véronique Carrion-Bastok , Odette Casanova , MM. Laurent Cathala , Bernard Cazeneuve , Jean-Paul Chanteguet , Guy-Michel Chauveau , JeanClaude Chazal , Daniel Chevallier , Didier Chouat , Alain Claeys , Mme Marie-Françoise Clergeau , MM. Jean C odognès , Pierre Cohen , François Colcombet , Mme Monique Collange , MM. François Cuillandre , Jean-Claude Daniel , Jacky Darne , Camille Darsières , Michel Dasseux , Yves Dauge , Mme Martine David , MM. Bernard Davoine , Philippe Decaudin , Marcel Dehoux , Jean Delobel , François Deluga , Jean-Jacques Denis , Mme Monique Denise , MM. Bernard Derosier , Claude Desbons , Michel Destot , Paul Dhaille , Marc Dolez , François Dosé , René Dosière , Mme Brigitte Douay , MM. Raymond Douyère , Julien Dray , Tony Dreyfus , Pierre Ducout , Jean-Pierre Dufau , Jean-Louis Dumont , Mme Laurence Dumont , MM. Dominique Dupilet , Jean-Paul Dupré , Yves Durand , Jean-Paul Durieux , Philippe Duron , Jean Espilondo , Claude Evin , Alain Fabre-Pujol , Albert Facon , Mme Nicole Feidt , MM. Jean-Jacques Filleul , Jacques Fleury , Jacques Floch , Raymond Forni , Jean-Louis Fousseret , Michel F rançaix , Christian Franqueville , Georges Frêche , Gérard Fuchs , Robert Gaïa , Yann Galut , Roland Garrigues , Jean-Yves Gateaud , Jean Gaubert , Mmes Catherine Génisson , Dominique Gillot , MM. Jean Glavany , André Godin , Gaëtan Gorce , Alain Gouriou , Gérard Gouzes , Joël Goyheneix , Bernard Grasset , Michel Grégoire , Mmes Odette Grzegrzulka , Paulette GuinchardKunstler , MM. Jacques Guyard , Francis Hammel , Mme Cécile Helle , MM. Edmond Hervé , Jacques Heuclin , François Hollande , Jean-Louis Idiart , Mme Françoise Imbert , MM. Claude Jacquot , Maurice Janetti , Serge Janquin , Armand Jung , Jean-Noël Kerdraon , Bertrand Kern , Jean-Pierre Kucheida , André Labarrère , Mme Conchita Lacuey , MM. Jérôme Lambert , François L amy , Pierre-Claude Lanfranca , Jack Lang , Jean Launay , Mmes Jacqueline Lazard , Christine Lazerges , MM. Gilbert Le Bris , Jean-Yves Le Déaut , Mme Claudine Ledoux , MM. Jean-Yves Le Drian , Michel Lefait , Jean Le Garrec , Patrick Lemasle , Georges Lemoine , Bruno Le Roux , René Leroux , Mme Raymonde Le T exier , MM. Alain Le Vern , Michel Liebgott , Mme Martine Lignières-Cassou , MM. Gérard Lindeperg , François Loncle , Bernard Madrelle , René Mangin , J ean-Pierre Marché , Daniel Marcovitch , Jean-Paul Mariot , Mme Béatrice Marre , MM. Daniel Marsin , Marius Masse , Didier Mathus , Gilbert Maurer , Louis Mermaz , Roland Metzinger , Louis Mexandeau , Jean

M ichel , Didier Migaud , Mme Hélène Mignon , MM. Gilbert Mitterrand , Yvon Montané , Arnaud Montebourg , Philippe Nauche , Bernard Nayral , Henri Nayrou , Alain Néri , Michel Pajon , Joseph Parrenin , Franç ois Patriat , Christian Paul , Germinal Peiro , J ean-Claude Perez , Mmes Marie-Françoise PérolDumont , Geneviève Perrin-Gaillard , Annette PeulvastBergeal , Catherine Picard , MM. Paul Quilès , Alfred Recours , Gérard Revol , Mme Marie-Line Reynaud , M. Patrick Rimbert , Mme Michèle Rivasi , MM. Alain Rodet , Marcel Rogemont , Bernard Roman , Yves Rome , Gilbert Roseau , Mme Yvette Roudy , MM. Jean Rouger , R ené Rouquet , Michel Sainte-Marie , Mme Odile Saugues , MM. Bernard Seux , Patrick Sève , Henri Sicre , Michel Tamaya , Mmes Catherine Tasca , Christiane Taubira-Delannon , MM. Yves Tavernier , Pascal Terrasse , Gérard Terrier , Mmes Marisol Touraine , Odette Trupin , MM. Joseph Tyrode , Daniel Vachez , André Vallini , André Vauchez , Michel Vergnier , Alain Veyret , Alain Vidalies , Jean-Claude Viollet , Philippe Vuilque et Kofi Yamgnane

Non-votant : M. Laurent Fabius (président de l'Assemblée nationale).

Groupe R.P.R. (138) : C ontre : 130. - MM. Jean-Claude Abrioux , Bernard Accoyer , Mme Michèle Alliot-Marie , MM. René André , André Angot , Philippe Auberger , Pierre Aubry , Jean Auclair , Gautier Audinot , Mmes Martine Aurillac , Roselyne Bachelot-Narquin , MM. Edouard Balladur , Jean Bardet , François Baroin , Jacques Baumel , Christian Bergelin , André Berthol , Léon Bertrand , Jean-Yves Besselat , Jean Besson , Franck Borotra , Bruno Bourg-Broc , Michel Bouvard , Victor Brial , Philippe Briand , Michel


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1998

Buillard , Christian Cabal , Gilles Carrez , Mme Nicole Catala , MM. Jean-Charles Cavaillé , Richard Cazenave , Henry Chabert , Jean-Paul Charié , Jean Charroppin , Philippe Chaulet , Jean-Marc Chavanne , Olivier de Chazeaux , François Cornut-Gentille , Alain Cousin , JeanMichel Couve , Charles Cova , Henri Cuq , Jean-Louis Debré , Lucien Degauchy , Arthur Dehaine , Jean-Pierre Delalande , Patrick Delnatte , Jean-Marie Demange , Yves Deniaud , Patrick Devedjian , Eric Doligé , Guy Drut , Jean-Michel Dubernard , Marc Dumoulin , Jean-Pierre Dupont , Nicolas Dupont-Aignan , Christian Estrosi , Jean-Claude Etienne , Jean Falala , Jean-Michel Ferrand , Roland Francisci , Pierre Frogier , Robert Galley , René Galy-Dejean , Henri de Gastines , Jean de Gaulle , Hervé Gaymard , Jean-Pierre Giran , Michel Giraud , Jacques Godfrain , Jean-Claude Guibal , Lucien Guichon , François Guillaume , Jean-Jacques Guillet , Gérard Hamel , Michel Hunault , Michel Inchauspé , Christian Jacob , Didier Julia , Alain Juppé , Jacques Kossowski , Jacques L afleur , Robert Lamy , Pierre Lasbordes , Thierry Lazaro , Pierre Lellouche , Jean-Claude Lemoine , Arnaud L epercq , Jacques Limouzy , Lionnel Luca , Thierry Mariani , Alain Marleix , Franck Marlin , Jean Marsaudon , Philippe Martin , Patrice Martin-Lalande , Jacques Masdeu-Arus , Gilbert Meyer , Jean-Claude Mignon , C harles Miossec , Renaud Muselier , Patrick Ollier , Mme Françoise de Panafieu , MM. Robert Pandraud , Jacques Pélissard , Dominique Perben , Michel Péricard , Pierre Petit , Etienne Pinte , Serge Poignant , Robert Poujade , Didier Quentin , Jean-Bernard Raimond , JeanLuc Reitzer , Nicolas Sarkozy , André Schneider , Bernard Schreiner , Philippe Séguin , Frantz Taittinger , Michel Terrot , Jean-Claude Thomas , Jean Tiberi , Georges Tron , Anicet Turinay , Jean Ueberschlag , Léon Vachet , Jean Valleix , Roland Vuillaume , Jean-Luc Warsmann et Mme Marie-Jo Zimmermann

Groupe U.D.F. (68) : Contre : 68. - MM. Jean-Pierre Abelin , Pierre Albertini , Pierre-Christophe Baguet , Raymond Barre , Jacques Barrot , Dominique Baudis , François Bayrou , Jean-Louis Bernard , Claude Birraux , Emile Blessig , Mme MarieThérèse Boisseau , MM. Jean-Louis Borloo , Bernard Bosson , Mme Christine Boutin , MM. Loïc Bouvard , Jean Briane , Yves Bur , Dominique Caillaud , Hervé de Charette , Jean-François Chossy , René Couanau , Charles de Courson , Yves Coussain , Marc-Philippe D aubresse , Jean-Claude Decagny , Léonce Deprez , Renaud Donnedieu de Vabres , Philippe Douste-Blazy , Alain Ferry , Jean-Pierre Foucher , Claude Gaillard , Germain Gengenwin , Valéry Giscard d'Estaing , Gérard Grignon , Hubert Grimault , Pierre Hériaud , Patrick Herr , Mmes Anne-Marie Idrac , Bernadette Isaac-Sibille , MM. Henry Jean-Baptiste , Jean-Jacques Jégou , Christian Kert , Edouard Landrain , Jacques Le Nay , JeanAntoine Leonetti , François Léotard , Maurice Leroy , Roger Lestas , Maurice Ligot , François Loos , Christian Martin , Pierre Méhaignerie , Pierre Micaux , Mme Louise Moreau , MM. Jean-Marie Morisset , Arthur Paecht , Dominique Paillé , Henri Plagnol , Jean-Luc Préel , Marc Reymann , Gilles de Robien , François Rochebloine , Rudy Salles , André Santini , François Sauvadet , Michel Voisin , Jean-Jacques Weber et Pierre-André Wiltzer

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (44) : Contre : 44. - Mme Nicole Ameline , M. François d' Aubert , Mme Sylvia Bassot , MM. Jacques Blanc , Roland Blum , Dominique Bussereau , Pierre Cardo , Antoine Carré , Pascal Clément , Georges Colombier , Francis Delattre , Franck Dhersin , Laurent Dominati , Dominique Dord , Renaud Dutreil , Charles Ehrmann , Nicolas Forissier , Gilbert Gantier , Claude Gatignol , Claude Goasguen , François Goulard , Pierre Hellier , Michel Herbillon , Philippe Houillon , Denis Jacquat , Aimé Kerguéris , Marc Laffineur , Jean-Claude Lenoir , Pierre Lequiller , Alain Madelin , Jean-François Mattei , Michel Meylan , Alain Moyne-Bressand , Yves Nicolin , Paul Patriarche , Bernard Perrut , Jean Proriol , Jean Rigaud , Jean Roatta , José Rossi , Joël Sarlot , Guy Teissier , Philippe Vasseur et Gérard Voisin Groupe communiste (36) : Pour : 29. - MM. François Asensi , Alain Belviso , Gilbert Biessy , Claude Billard , Bernard Birsinger , Alain Bocquet , Patrick Braouezec , Jean-Pierre Brard , Jacques Brunhes , Alain Clary , Christian Cuvilliez , René Dutin , Daniel Feurtet , Mme Jacqueline Fraysse , MM. Pierre Goldberg , Robert Hue , Mmes Muguette Jacquaint , J anine Jambu , MM. André Lajoinie , Jean-Claude Lefort , Patrick Leroy , Félix Leyzour , François Liberti , Patrick Malavieille , Roger Meï , Bernard Outin , Daniel Paul , Jean-Claude Sandrier et Michel Vaxès

Abstentions : 3. - MM. Patrice Carvalho , Maxime Gremetz et Georges Hage Groupe Radical, Citoyen et Vert (33) : Pour : 33. - M. André Aschieri , Mmes Marie-Hélène Aubert , Huguette Bello , MM. Pierre Carassus , Roland C arraz , Gérard Charasse , Bernard Charles , Yves C ochet , Michel Crépeau , Jean-Pierre Defontaine , Jacques Desallangre , Roger Franzoni , Guy Hascoët , Elie Hoarau , Claude Hoarau , Robert Honde , François Huwart , Guy Lengagne , Noël Mamère , Jean-Michel Marchand , Alfred Marie-Jeanne , Mme Gilberte MarinMoskovitz , MM. Jean-Pierre Michel , Jean-Paul Nunzi , Jean Pontier , Jacques Rebillard , Jean Rigal , Georges Sarre , Gérard Saumade , Roger-Gérard Schwartzenberg , Michel Suchod , Alain Tourret et Aloyse Warhouver

Non-inscrits (4).

Contre : 3. - MM. Charles Millon , Jean-Pierre Soisson et Philippe de Villiers