page 07112page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 7113).

MESURES EN FAVEUR DES LYCÉES (p. 7113)

MM. Gérard Charasse, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

AVENIR

DES ATELIERS ET CHANTIERS DU HAVRE (p. 7114)

MM. Daniel Paul, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

DÉLINQUANCE DANS

LES TRANSPORTS EN

COMMUN (p. 7115)

MM. François Goulard, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

SITUATION

DES

ENSEIGNANTS (p. 7115)

MM. François Bayrou, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

ÉDUCATION NATIONALE (p. 7117)

MM. Bruno Bourg-Broc, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

SÉCURITÉ (p. 7117)

M. Jean-Claude Mignon, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

EPARGNE-RETRAITE (p. 7118)

M. Arthur Dehaine, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

RETRAITES (p. 7119)

M. Pascal Terrasse, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

CRÉATION D'UN

DOUBLE DEGRÉ DE

JURIDICTION EN MATIÈRE

CRIMINELLE (p. 7120)

M. Raymond Forni, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

POLITIQUE D'INTÉGRATION (p. 7120)

M. François Lamy, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

ÉDUCATION NATIONALE (p. 7121)

MM. Jacques Guyard, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Suspension et reprise de la séance (p. 7122)

PRÉSIDENCE

DE

M.

MICHEL PÉRICARD

2. Loi de finances pour 1999 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 7122).

ENSEIGNEMENT

SCOLAIRE M. Jacques Guyard, rapporteur spécial de la commission des finances.

M. Yves Durand, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.

Mme Bernadette Isaac-Sibille,

MM. Jean-Michel Marchand, Bruno Bourg-Broc, Jean-Pierre Baeumler, Guy Hermier, Claude Goasguen.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

3. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 7136).


page précédente page 07113page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous rappelle qu'à l'issue des questions je suspendrai la séance jusqu'à 16 h 20, heure à laquelle je vous demande de regagner vos places pour entendre une déclaration du Président de la République du Sénégal, M. Diouf.

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par le groupe Radical, Citoyen et Vert.

MESURES EN FAVEUR DES LYCÉES

M. le président.

La parole est à M. Gérard Charasse.

M. Gérard Charasse.

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, depuis maintenant plusieurs jours, le monde lycéen manifeste son mécontentement : conditions de travail, insécurité et manque d'enseignants sont autant d'éléments qui font qu'un véritable sentiment de mal-être caractérise a ujourd'hui ce conflit. Chacun sur ces bancs doit reconnaître, avec vous, que nos enfants n'ont pas tort dans certaines de leurs revendications, et qu'il nous revient à tous, parlementaires et Gouvernement, de les entendre et de répondre à leur attente.

Par ailleurs, la déconcentration que vous proposez devra s'accompagner d'une véritable redéfinition des pouvoirs des autorités déconcentrées, et surtout de l'indispensable assentiment de tous les partenaires concernés, avec un seul objectif, celui que vous proposez : privilégier le bien-être des enfants dans une éducation nationale qui leur apporte les moyens de trouver leur place dans le monde du XXIe siècle.

Dans cet esprit, quelles mesures le Gouvernemente ntend-il prendre pour renforcer l'école de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, après la consultation Meirieu et le succès du colloque de Lyon, après le débat devant les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat, les lycéens ont dit clairement qu'ils voulaient que la réforme des lycées se mette en place au plus vite. Ils veulent un meilleur lycée.

Tout en rappelant que le grand rendez-vous de la réforme sera la rentrée de 1999, nous mettons en place dès à présent des mesures immédiates, qualitatives et quantitatives, destinées à répondre aux problèmes posés.

Premièrement, faire avancer la démocratie lycéenne.

Nous mettrons en place immédiatement une charte des lycéens, les crédits du fonds de la vie lycéenne seront doublés et une cogestion de ce fonds par les lycéens et l'administration sera instaurée. Ces mesures seront garanties par un décret en Conseil d'Etat qui obligera tous les lycées à se conformer à ces règles dans un délai de deux mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Deuxièmement, mieux vivre au lycée. Nous avons décidé d'affecter 14 000 adultes supplémentaires dans les lycées afin d'assurer la vie lycéenne, la discipline, la lutte contre la violence et l'aide aux élèves. Cela se traduira par le recrutement de 3 000 surveillants, la mise à disposition dans les lycées de 10 000 emplois-jeunes et de 2 000 appelés du contingent. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

CRS !

M. le président.

Un peu de silence, je vous prie. Le sujet est suffisamment important pour que nous écoutions attentivement la réponse.

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Troisièmement, nous voulons construire le lycée de l'avenir. Tout en saluant l'effort fait par les régions en vue d'aménager les locaux et le matériel des lycées, un fonds exceptionnel d'aménagement des lycées sera créé afin de pouvoir accorder en quatre ans 4 milliards de francs à taux zéro aux régions pour construire et aménager dans chaque lycée des lieux de vie pour les lycéens, de permettre un meilleur accès aux centres de documentation et d'achever la mise aux normes de la sécurité des équipements.

Par ailleurs, une table ronde sera organisée (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) dès la semaine prochaine avec les régions afin que l'entretien des bâtiments soit mieux assuré.

Quatrièmement, nous allons engager les réformes pédagogiques. D'ici la fin du mois d'octobre, une circulaire fixera les allégements de programmes ; je précise qu'aucune option ne sera supprimée.

Une concertation va s'engager par ailleurs avec les enseignants des lycées professionnels pour alléger ceux des horaires qui sont excessifs et aménager en conséquence les horaires des enseignants. Dès la rentrée prochaine, la réforme des lycées sera mise en place.


page précédente page 07114page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

Nous voulons aussi assurer l'égalité des études. Le mouvement des lycéens a mis en évidence des disparités d'encadrement sur le territoire national. Pour y remédier, nous avons pris quatre mesures.

Premièrement, nous avons décidé d'ouvrir immédiatement des listes complémentaires aux concours de recrutement d'enseignants dans les disciplines présentant des déficits, mais aussi aux concours de documentalistes et de conseillers principaux d'éducation.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Deuxièmement, des enseignants appelés au service national seront mis à disposition dans les disciplines et les académies déficitaires.

Troisièmement, pour le remplacement des enseignants, la priorité sera donnée aux classes conduisant à un examen en fin d'année.

Quatrièmement, 1 000 lecteurs de langue étrangère seront affectés dans les lycées pour faciliter la pratique de ces langues.

En règle générale, dès 1999, aucune classe du baccalauréat ne dépassera 35 élèves. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) En outre, reprenant la suggestion d'un parlementaire, le Gouvernement s'engage à présenter chaque année un rapport devant le Parlement sur la répartition des moyens en personnel entre les académies et entre les départements.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert, et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

M. le président.

Nous en venons au groupe communiste.

AVENIR DES ATELIERS ET CHANTIERS DU HAVRE

M. le président.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul.

Monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, les Ateliers et chantiers du Havre, deuxième chantier naval civil de France, sont menacés dans leur existence même, et avec eux les 2 500 emplois qu'ils génèrent. La catastrophe industrielle qui menace est née en 1995 d'une commande hors normes imposée aux chantiers. Le Gouvernement a hérité de cette situation en juin 1997 ; il l'a assumée, permettant aux chantiers de poursuivre les constructions en cours.

Aujourd'hui, la question centrale est celle du devenir de l'entreprise. Les compétences des personnels sont intactes et les possibilités de commandes sur les créneaux porteurs des ACH sont réelles.

Faut-il rappeler la vocation maritime de notre pays et le lourd tribut déjà payé par la France aux politiques européennes de la navale ? Le Gouvernement a demandé que la reprise s'inscrive dans un projet industriel viable.

Or il est possible d'aboutir à la constitution d'un pôle français de la navale en suscitant une synergie entre un chantier de Cherbourg et le chantier havrais. Mais d'autres possibilités de reprise par des chantiers étrangers existent également.

Chacun comprend l'urgence d'une solution, mais les lourds enjeux sociaux, industriels et financiers justifient un examen dans des conditions optimales de toutes les propositions. De Cherbourg au Havre, on note une demande unanime d'une solution positive pour les emplois et pour la filière navale nationale.

Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que, rompant avec les pratiques antérieures, le Gouvernement de gauche mette tout en oeuvre en ce sens et qu'on procède aux concertations nécessaires avant toute décision. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, l'entreprise ACH est en effet confrontée à de très grandes difficultés pour construire les chimiquiers en question et, comme vous le savez, elle a pris plus de deux ans de retard dans ce chantier. Les pertes sur cette commande s'élèvent aujourd'hui à 1 870 millions de francs, alors que le prix des chimiquiers qui sera payé par l'armateur n'est que de 1 100 millions de francs.

Je le dis clairement, comme vous d'ailleurs : ceux qui ont pris la responsabilité de cette commande en 1995 ont commis une grave erreur.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Dès le mois de juin 1997, le Gouvernement s'est beaucoup et loyalement investi dans toutes les étapes du dossier. Nous avons fait tout ce qu'il est possible de faire pour soutenir et maintenir l'activité.

M. Franck Borotra.

C'est-à-dire pas grand-chose !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Depuis de nombreux mois, vous le savez aussi, l'entreprise n'a plus de rentrées d'argent et c'est l'Etat, c'est-à-dire le contribuable, qui lui verse les fonds nécessaires à l'exploitation courante, soit, en moyenne, une subvention de 100 millions de francs par mois.

Il s'agit d'une société privée - j'insiste sur ce terme qui emploie 800 salariés. Vous pouvez mesurer l'effort réel consenti par le Gouvernement pour tenter de sauver le chantier.

Nous avons laissé les coudées franches à l'entreprise pendant un an pour rétablir la situation et se doter de réelles perspectives d'avenir industriel. Force est de constater qu'elle n'y est pas arrivée aujourd'hui.

En juin dernier, nous avons, Dominique Strauss-Kahn et moi-même, mandaté une expertise sur l'état du chantier à M. Piketty, ingénieur général des mines. Cette expertise a conclu que la poursuite de l'activité du chantier en jeu, au demeurant difficile, nécessite la reprise par un grand mondial du secteur de la construction navale.

Sur cette base, le Gouvernement a donné un mois à l'entreprise pour rechercher un nouvel actionnaire de référence. Au terme de ce délai, et après une très vaste consultation auprès de tous les grands chantiers mondiaux, sur tous les continents, dix-neuf entreprises ont été effectivement consultées, et trois entreprises ont exprimé des marques d'intérêt et étudient le dossier.

Cette démarche a été menée par M. Strauss-Kahn et moi-même dans un esprit de totale transparence et de concertation permanente, dont vous avez été témoin, en associant tous les élus locaux partie prenante à ce problème.

Si une solution crédible est possible, le Gouvernement fera tout pour aider à sa mise en oeuvre. Tel n'était pas, hélas ! le cas de l'offre présentée par les Constructions mécaniques de Normandie et Services et transports qui, pour une mise de fonds de 50 millions de francs de l'armateur et du chantier de Normandie, exigeaient plus de 6 milliards de mise de fonds de l'Etat, sous forme notamment d'exonérations fiscales.

Les chantiers de Normandie ont donc jusqu'à demain pour faire une nouvelle proposition, s'ils sont porteurs d'un véritable projet industriel.


page précédente page 07115page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

Après deux mois de contact, et alors qu'une offre de reprise crédible, ferme et financièrement engageante pour l'éventuel repreneur doit être remise demain au plus tard, nous ne disposons pas encore d'une telle proposition.

Aujourd'hui même, en fin de matinée, le groupe Kvaerner a souhaité mener un nouvel examen du chantier pour pouvoir élaborer son offre. Si celle-ci s'avère concrète, réaliste et financièrement sérieuse, dans les jours qui viennent, elle sera prise en considération.

Ainsi, monsieur le député, vous le savez personnellement, comme d'autres ici, car je suis presque quotidiennement en contact avec vous, nous avons mis toute notre détermination en oeuvre pour faire le maximum afin de trouver une solution positive.

A défaut, il n'existe aucune autre solution responsable, si nous échouons, que d'achever les navires actuellement en construction. Au total, trois navires peuvent être achevés, si tout va bien, dans les deux ans qui viennent. Nous pouvons mettre à profit cette période pour préparer la conversion du site, en mettant en oeuvre un programme a mbitieux de redynamisation industrielle créatrice d'emplois nouveaux dans la région du Havre, dans l'intérêt des travailleurs de l'entreprise et des habitants de la région, en particulier ceux du Havre et de la région normande.

M. le président.

Nous en venons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

DÉLINQUANCE DANS LES TRANSPORTS EN COMMUN

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Monsieur le président, mes chers collègues, nous avons pu voir, lundi soir, sur une chaîne de télévision publique, une séquence tournée sur une ligne d'autobus de la région parisienne. Nous avons vu un jeune monter dans ce bus sans présenter de carte et sans composter de ticket. Interrogé par les journalistes, il leur a répondu qu'il trouvait parfaitement normal de circuler sans payer le prix des transports en commun.

Le conducteur, au demeurant sympathique et courageux de faire le métier qu'il fait,...

M. Patrice Carvalho.

Donc inscrit à la CGT !

M. François Goulard.

... a indiqué qu'une telle attitude était fréquente et qu'il ne faisait rien pour s'y opposer.

Quelques jours plus tôt, à la télévision, monsieur le Premier ministre, nous vous avions entendu tenir des propos lénifiants sur ce que vous appelez des incivilités, alors que tous les Français parlent de délinquance.

J'aimerais donc savoir si M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement considère que de telles incivilités sont admissibles (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste), et si la politique des deux entreprises publiques que sont la RATP et la SNCF est de les accepter, faute de savoir comment s'y opposer et, accessoirement, de connaître le montant des pertes de recettes correspondantes. Ces pertes seront bien entendu couvertes en faisant appel aux contribuables.

Enfin, j'aimerais savoir s'il ne considère pas que la meilleure façon de lutter contre l'insécurité et la délinquance n'est pas de faire respecter les règles les plus élémentaires de comportement, faute de quoi toutes les dérives deviennent non seulement possibles mais fatales.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur le député, bien évidemment tous les actes délictueux de violence ou d'incivilité doivent être sanctionnés et c'est en fonction de cette conception que nous nous attachons à faire avancer les choses, le Premier ministre l'a souligné il y a quelques jours et nous nous sommes engagés dans cette voie avec une grande détermination.

Il y a moins d'un an, douze mesures ont été proposées pour développer et renforcer la sécurité dans les transports. Nous ne pouvons en effet vouloir développer les transports collectifs, c'est-à-dire les rendre plus attractifs en ce qui concerne leur confort, leur fréquence et leur prix, sans tenir compte de leur sécurité. Nous avons même décidé que les agressions à l'égard des agents des transports collectifs seraient considérées par la justice comme des circonstances aggravantes.

Vous voyez donc bien que le Gouvernement est déterminé à faire avancer les choses. Cela dit, je pense que ceux qui croient que ces problèmes peuvent être réglés uniquement par l'aggravation des sanctions et de la répression ne mesurent pas l'importance de l'enjeu et des problèmes posés, qui ne concernent pas seulement les transports collectifs.

En région parisienne, la RATP, en liaison avec les collectivités locales, organise des rencontres avec les jeunes des cités afin de réfléchir en profondeur à ces problèmes.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Cette démarche est intéressante et elle commence à porter ses fruits, y compris contre le phénomène de la fraude.

Nous encourageons par ailleurs un autre rapport de la jeunesse aux transports collectifs. Nous venons ainsi de décider, avec M. le ministre de l'éducation nationale, de créer la carte Imagin'R, qui vise à diminuer les tarifs pour les lycéens, les collégiens et les étudiants de près de 40 %. En somme, nous luttons pour des transports collectifs plus nombreux, afin de satisfaire l'attente des usagers des villes de la région parisienne et de province - et le budget d es transports urbains augmentera encore de 10 % l'année prochaine - mais aussi pour répondre au souci de sécurité sur lequel vous avez insisté. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons à une question du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

SITUATION

DES

ENSEIGNANTS

M. le président.

La parole est à M. François Bayrou.

M. François Bayrou.

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

S'il vous plaît, un peu de silence ! M. Bayrou a seul la parole !

M. François Bayrou.

Monsieur le ministre, des manifestations - des « mouvements », comme on dit - cela arrive à tous les ministres de l'éducation nationale. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)


page précédente page 07116page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

M. Patrice Carvalho.

L'héritage !

M. François Bayrou.

Est-il pour autant nécessaire d'expliquer que c'est toujours la faute des autres,...

M. Jean-Claude Lefort.

La vôtre, certainement !

M. Didier Boulaud.

Ça, oui !

M. François Bayrou.

... la faute des enseignants, la faute de l'administration, la faute de vos prédécesseurs au ministère de l'éducation nationale. (« Oui ! oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Ces prédécesseurs sont en effet nombreux et trois au moins se trouvent dans cette enceinte.

Monsieur le ministre, nous avons de multiples points de désaccord. Ils sont publics et exprimés. Mais nous nous accordons sur un point : tout, dans l'éducation, n'est pas affaire de moyens.

Vous avez annoncé un plan pour répondre au mouvement lycéen. Ce plan se résume assez simplement : 4 milliards demandés aux régions, qui devront en assumer le remboursement,...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

La question !

M. François Bayrou.

... et quelques milliers, ce qui est bien, d'emplois-jeunes ou d'appelés du contingent. Mais puis-je vous rappeler que le recours aux appelés du contingent ne durera pas autant que les contributions, puisqu'à l'avenir, il n'y en aura plus ? Les lycéens diront si ces moyens suffisent. Peut-être avez-vous choisi de laisser s'essouffler le mouvement pendant un temps suffisamment long pour que leur réponse soit positive ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) C'est l'affaire des lycéens ! Cela dit, je pense que votre plan est léger, mais je sais que l'on ne trouve pas toujours les moyens nécessaires.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Franck Borotra.

Le plan est aussi léger que le ministre !

M. François Bayrou.

Une catégorie d'acteurs du système éducatif n'a trouvé dans votre plan aucune réponse : ces « pelés », ces « galeux » que sont aujourd'hui les enseignants. (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud.

Quel démago !

M. François Bayrou.

Mes chers collègues, puis-je aller jusqu'au bout de mon propos ? Vous crierez après ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

S'il vous plaît, mes chers collègues !

M. Didier Boulaud.

Quel démago ! C'est honteux !

M. François Bayrou.

Monsieur le ministre, les enseignants français ont le sentiment de subir un manque de considération, des attaques injustes et, avec la mesure relative aux heures supplémentaires, une amputation de leur salaire. Tout cela, ils le vivent très difficilement.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud.

Démago !

M. François Bayrou.

Il s'agit là, monsieur le ministre de l'éducation nationale, d'un problème pour vous et pour le Gouvernement. Puis-je ajouter qu'il s'agit d'un problème national ? Nous avons tous intérêt à faire en sorte, au-delà des frontières partisanes,...

M. Didier Boulaud.

Qu'avez-vous fait pendant quatre ans ? Rien !

M. François Bayrou.

... que se cicatrisent les blessures que ressentent les enseignants français.

Quelles mesures comptez-vous prendre pour rétablir le climat de confiance entre les enseignants et la nation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, il est clair, depuis le début, que ce gouvernement place l'élève au centre du système éducatif. (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Ainsi, toutes les mesures qui seront prises le seront d'abord et avant tout dans l'intérêt des élèves. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Les enseignants jouent un rôle éminent et irremplaçable dans le système.

M. Christian Cuvilliez.

Il faut le dire !

M. Jean Ueberschlag.

Ah ! Quand même !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Cela, et depuis longtemps, ne nous a pas échappé.

Vous savez très bien que c'est le gouvernement de Lionel Jospin qui a revalorisé la fonction enseignante comme personne ne l'avait fait jusqu'alors. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Alain Néri.

On n'en a pas l'impression !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Il a créé 60 000 postes d'enseignant.

(Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste.)

Pour ma part, j'ai décidé, après cet effort quantitatif sans précédent, de m'attaquer au problème fondamental de la qualité de la vie des enseignants, dont les conditions de travail n'ont pas été améliorées depuis des années.

C'est pourquoi j'ai prévu, dans le plan que je présente aujourd'hui, de construire dans tous les lycées des bureaux pour les enseignants. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

S'il vous plaît, mes chers collègues !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Dans les mois à venir, nous expliquerons comment nous comptons améliorer peu à peu le statut et la vie de l'enseignant.

M. Jean-Jacques Jégou.

Avec des bureaux ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Il s'agit de faire en sorte que les enseignants puissent non pas exercer un magistère lointain du haut d'une chaire, mais aider les élèves, et en particulier ceux qui rencontrent le plus de difficultés.


page précédente page 07117page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

L'égalité des chances et la modernité sont les deux axes de notre politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

EDUCATION NATIONALE

M. le président.

La parole est à M. Bruno Bourg-Broc.

M. Bruno Bourg-Broc.

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le ministre, je vais surtout vous parler de votre méthode.

Ce qui est formidable avec vous, c'est que, alors que les manifestations de lycéens ou d'étudiants contre le ministre de l'éducation nationale tendent habituellement à contester les réformes qu'il propose, avec vous, on n'a même pas besoin de réforme pour que les étudiants et les lycées soient dans la rue. C'est cela, la méthode Allègre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Depuis que vous êtes ministre de l'éducation nationale, vous vous êtes comporté en distributeur d'espoirs, mais ces espoirs n'ont pas été souvent concrétisés.

Aujourd'hui, vous vous servez des élèves et vous les manipulez contre les professeurs (« C'est vrai ! » sur plu-s ieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) pour faire passer la déconcentration qui avait été amorcée et qu'il faut effectivement poursuivre.

En dix-huit mois, vous vous êtes mis à dos tous les syndicats et tous les professeurs. Or on ne gagne pas le combat de l'éducation nationale en dressant la nation contre les profs ! Belle méthode, en effet ! Aujourd'hui, vous nous avez annoncé un geste symbolique et « cosmétique », comme l'a dit Jean-Pierre Raffarin au nom des régions, car, si l'on annonce 4 milliards de prêts pour les régions, on ne distribue que des millions ! Quand donc comprendrez-vous que le fond, ce n'est pas seulement le fric et qu'il faut penser à rendre plus efficace le système ?

M. Richard Cazenave.

C'est sûr !

M. Bruno Bourg-Broc.

Il est parfaitement anormal que 65 000 enseignants ne soient pas en face de leurs élèves ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Il est parfaitement anormal que l'école ne prépare pas mieux à l'insertion professionnelle ! Il est parfaitement anormal qu'il y ait tant d'échecs scolaires ! Il est parfaitement anormal qu'il y ait tant de violence à l'école ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre, quand donc parlerez-vous un peu moins et un peu moins fort ? Quand donc vous déciderez-vous à agir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, je pense que les 5 000 maîtres-auxiliaires qui devaient être licenciés et qui ont été réembauchés savent que nous agissons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je pense que les 40 000 titulaires d'emplois-jeunes qui étaient au chômage et que nous avons employés à l'éduc ation nationale savent que nous agissons. (Mêmes mouvements.)

Je pense les étudiants qui bénéficient de l'augmentation du nombre des bourses et de leur montant, que vous aviez annoncée mais pas réalisée, savent aussi que nous agissons. (Mêmes mouvements.)

C eux qui travaillent aujourd'hui unanimement - parents d'élèves, syndicats, collectivités territoriales à la mise en place de l'école du XX I E siècle, savent que nous agissons. (Mêmes mouvements.)

Ce que vous n'avez pas été capables de faire, à savoir la déconcentration du mouvement, dont le décret est enfin paru, nous l'avons fait. Certains d'entre vous avaient parié que nous ne le ferions pas. Pour notre part, nous agissons et nous continuerons de le faire, que cela vous plaise ou vous déplaise ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) SÉCURITÉ

M. le président.

La parole est à Jean-Claude Mignon.

M. Jean-Claude Mignon.

A entendre M. Allègre, on doit vraiment se demander pourquoi les lycéens sont descendus dans la rue ! Manifestement, ils n'ont pas dû bien comprendre les choses ! Ma question, qui ne s'adresse pas à M. Allègre, mais soit à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, qui assure l'intérim de M. le ministre de l'intérieur, soit à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, concerne la sécurité.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Que cela vous plaise ou que cela ne vous plaise pas, ma question porte sur la sécurité ! Madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, de plus en plus de nos concitoyens sont inquiets. Ils vivent dans des conditions tout à fait inadmissibles.

Les actes d'« incivilité », comme vous dites, madame la ministre - en ce qui nous concerne, nous parlons plutôt d'actes de délinquance, même de délinquance lourde - se multiplient sans que vous trouviez la réponse à l'attente de celles et de ceux qui vivent des drames dans les cités.

C'est le monde à l'envers ! Lorsque ceux qui sont agressés portent plainte, ils sont l'objet de mesures de représailles. Ils sont donc moins nombreux à le faire, ce qui améliore vos statistiques.

D'ailleurs, nous aimerions connaître, au groupe du RPR, les chiffres exacts de la délinquance juvénile. Cela fait un bout de temps que nous les réclamons, mais nous ne les avons toujours pas obtenus.


page précédente page 07118page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

Les dangers liés à l'autodéfense se multiplient également. Nous ne pouvons que le constater dans nos villes respectives. Ce sont de véritables actes de guérilla urbaine auxquels nous assistons.

La police fait ce qu'elle peut, avec des moyens qui sont complètement dépassés par rapport à ceux dont disposent les jeunes aujourd'hui dans les banlieues et les cités. On en a d'ailleurs eu l'illustration avec ce qui s'est passé à Paris la semaine dernière. Mais la police a beau faire ce qu'elle peut, si la justice ne prend pas ses responsabilités, la situation risque de durer encore longtemps. On ne demande pas aux magistrats d'interpréter les lois ou de légiférer. S'ils veulent le faire, qu'ils se fassent élire dépu tés et qu'ils viennent nous rejoindre ! On leur demande d'appliquer la loi, et rien que la loi ! Monsieur le secrétaire d'Etat, vous parlez beaucoup de répression. Mais vous nous dépeignez toujours celles et ceux qui sont à l'origine des actes de délinquance comme des victimes de la société. Mais les victimes de la société ce ne sont plus eux : ce sont nos concitoyens qui vivent des drames au quotidien, dans leurs villes, dans leurs quartiers.

M. Jean-Claude Lefort.

Manichéen !

M. Jean-Claude Mignon.

Dans quelques semaines, nous célébrerons tous ensemble le cinquantième anniversaire de la déclaration universelle des droits de l'homme.

Ces gens-là ont, eux aussi, le droit de vivre en totale liberté, et ils ont également droit à la sécurité.

Sans revenir sur le cas de ces « victimes » qui veulent

« niquer » la France en force - pour reprendre leur expression - le Gouvernement peut-il nous dire quelles dispositions concrètes il compte prendre pour régler le problème ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, j'observerai d'abord que l'incivilité et la délinquance, ce n'est pas la même chose.

En effet, les incivilités relèvent de la médiation sociale alors que la délinquance, d'une autre nature, doit être réprimée et par la police et par la justice.

Cette confusion mentale augure mal des réponses que vous pourriez être à même d'apporter.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

A partir d'une analyse de la situation, le Gouvernement ne s'est pas contenté de proclamations d'intention, il a pris, à la suite du conseil de sécurité intérieure, des mesures concrètes, assorties de moyens, pour lutter contre la délinquance des mineurs.

M. Guy Teissier.

Les mesures sont inefficaces !

Mme la garde des sceaux.

De quoi s'agit-il ? Il s'agit d'abord de la création de 100 emplois d'éducateur en 1998 et de 150 en 1999, alors que 30 seulement avaient été créés en 1997.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Il s'agit ensuite de la création de 200 emplois de délégués du procureur qui seront chargés de convoquer tout jeune qui aura commis un acte de délinquance. Aucun acte de délinquance ne doit rester sans réponse.

Il s'agit aussi de créer 200 classes-relais, pour faire en sorte que les jeunes adolescents qui se trouvent hors du système scolaire puissent le réintégrer. On n'en comptait que 20 en 1997, et il y en aura 200 à la fin de 1999.

Il s'agit encore de développer les mesures de réparation car elles constituent, pour la jeunesse, sauf pour les multirécidivistes, les vraies sanctions. Ainsi, 2 000 mesures de réparation supplémentaires sont prévues pour 1999.

M. René André.

Cela ne veut rien dire !

Mme la garde des sceaux.

Il s'agit, enfin, de mieux traiter les délinquants récidivistes. Pour ce faire, nous avons prévu des dispositifs d'accueil d'urgence. Il en existe actuellement dans neuf des vingt-six départements prioritaires qui ont été identifiés. Le nombre des places en placement familial a été augmenté. Les dispositifs d'éducation renforcée permettent également aux jeunes concernés, sur décision de placement du juge des enfants, de bénéficier, à la faveur d'un isolement temporaire, d'un suivi personnalisé et d'un réapprentissage de la discipline et de ses contraintes.

Voilà les mesures qui ont été prises par le Gouvernement. Elles sont sans concession et sans faiblesse. Elle ont le mérite d'exister et d'être assorties des moyens corresp ondants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

ÉPARGNE-RETRAITE

M. le président.

La parole est à M. Arthur Dehaine.

M. Arthur Dehaine.

Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la ministre, par pure idéologie, vous avez refusé d'appliquer la loi du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite. Hier, répondant à mon collègue André Schneider, vous avez indiqué que vous lanceriez une concertation sur les retraites en 1999 et que celle-ci permettrait de sauver la retraite par répartition « tout en ouvrant » - je cite le compte rendu analytique - « des voies permettant d'épargner pour l'avenir ».

Dans le même temps, le commissaire au Plan chargé par votre gouvernement d'établir un diagnostic quant à l'état de nos retraites nous déclare que « la capitalisation pourrait fournir un complément efficace au système par répartition ».

L orsque l'on sait que votre collègue Dominique Strauss-Kahn publiait, il y a seize ans déjà, un livre sur l'épargne-retraite, on ne peut s'empêcher de déplorer tout le temps perdu ! Ne nous répondez pas, madame le ministre, que la loi de 1997 ne vous convenait pas. Vous êtes au pouvoir depuis dix-sept mois et vous aviez donc tout le temps de préparer un nouveau projet. Au lieu de tout cela, comme en 1991, vous nous avez abreuvé de rapports et de campagnes de publicité.

Ma question sera simple.

Les Français sont aujourd'hui inquiets pour l'avenir de leurs retraites et deux sur trois sont favorables aux fonds de pension.

M. Christian Cuvilliez.

Non !


page précédente page 07119page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

M. Jean-Claude Lefort.

Ce n'est pas de l'idéologie, ça ?

M. Arthur Dehaine.

La possibilité de constituer ces fonds semble nous faire cruellement défaut quand on connaît tous les bénéfices, en matière d'investissements, qu'en tirent nos partenaires européens.

Quand allez-vous, madame la ministre, permettre aux Français d'épargner en ce sens et nous donnerez-vous l'assurance que vous ne changerez pas les règles en cours de route ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, comme vous l'avez vousmême indiqué en faisant référence au compte rendu analytique, j'ai dit que le Gouvernement était, ô combien, attaché au régime de retraites par répartition et que, très symboliquement d'ailleurs, nous mettions en place, dès cette année, un fonds de réserve dans la loi de financement de la sécurité sociale.

Mais j'ai également dit - vous venez de le rappeler que je souhaitais que l'on puisse capitaliser pour l'avenir.

D'ailleurs, hier à la commission des finances, mais vous n'y étiez pas,...

M. Arthur Dehaine.

Si, j'y étais, madame la ministre !

M. René André.

Il y était en effet !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... j'ai développé ce point de vue : si, pour nous, la retraite par répartition reste la base, car c'est la seule qui permet d'assurer à chacun un minimum vieillesse par rapport aux contributions apportées, rien n'empêche que l'on puisse capitaliser pour l'avenir à condition que les règles fiscales et sociales et les avantages correspondants profitent non pas essentiellement à ceux qui ont les moyens de capitaliser - c'est ce que vous aviez fait en 1997 - mais bien à l'ensemble de la nation. Voilà ce que j'ai rappelé hier en commission des finances. Je le répète aujourd'hui. Monsieur le député, ne soyez pas démagogue au point de penser que nous ne sommes pas tous responsables des retraites par répartition. Cela fait quarante ans que l'on sait qu'un problème va se poser. J'espère que nous serons capables, dans l'année qui vient, d'y répondre tous ensemble en faisant des propositions à tous nos concitoyens et non pas en montrant du doigt, comme vous l'avez fait il y a deux ans, la SNCF et certains régimes et en mettant dans la rue les personnes concernées. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Nous souhaitons quant à nous un débat public sur un problème qui intéresse tous les Français. Nous consoliderons les régimes par répartition. Nous permettrons la capitalisation à condition qu'elle soit ouverte à tous et pas seulement à certains, comme vous l'aviez fait en 1997.

C'est peut-être cela effectivement qui nous différencie profondément. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

RETRAITES

M. le président.

La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité et recoupe celle qui vient d'être posée. Je voudrais, en effet, évoquer le problème des retraites.

Nous savons tous que l'évolution démographique va peser de plus en plus lourd sur la branche vieillesse du régime général, comme sur l'ensemble des régimes de retraite. Cette réalité démographique, conjuguée à certains critères conjoncturels tels que le poids des noncotisants ou la baisse de certaines rémunérations, inquiète à la fois les bénéficiaires de pensions de retraite et les futurs retraités que nous sommes.

Face à ces inquiétudes, le Gouvernement a apporté certaines réponses. Je pense notamment à la création d'un fonds de réserve doté de 2 milliards de francs, dont l'objectif est d'assurer le financement des pensions de retraite au-delà de 2005, mais également à la mission Charpin, mise en place par le Premier ministre et qui devrait nous éclairer sur l'avenir de nos systèmes de retraite.

Devant le retard pris ces dernières années et la baisse du pouvoir d'achat constatée depuis 1994, nous souhaiterions connaître, madame la ministre, votre position précise sur la création des fonds de pension que beaucoup, à droite de cet hémicyle, appellent de leurs voeux, et dont on peut se demander si elle est nécessaire.

Par ailleurs, dans quelle proportion les retraités qui ont vu leur pouvoir d'achat baisser depuis quelques années - je pense notamment aux bénéficiaires des petites pensions de retraite, à ceux touchant le minimum vieillesse verront-ils leur pouvoir d'achat progresser en 1999 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, je ne pourrai que compléter la réponse que je viens de faire, tout en précisant que je partage votre opinion. Nous devons en effet conforter les régimes par répartition. Ceux qui craignaient leur remise en cause doivent être rassurés. Le Premier ministre a décidé la création d'un fonds de réserve qui est symbolique (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Nous souhaitons en effet témoigner de cette volonté de maintenir les régimes par répartition. En outre, ce fonds sera alimenté dans les mois qui viennent, car nous savons que ces 2 miliards ne seront pas suffisants.

Vous avez également posé la question de l'évolution du pouvoir d'achat des retraités. Celui-ci a en effet reculé ces quatre dernières années...

Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

Cette année !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... du fait de la hausse de la contribution sociale généralisée à la fin de 1993 de l'augmentation en 1996 et 1997, des cotisations sociales, et de la non-revalorisation des retraites.

Vous le savez, nous avons décidé cette année, dans la loi de financement de la sécurité sociale, de faire participer les retraités aux fruits de la croissance en leur attribuant 1,2 % d'augmentation des retraites, alors que la loi n'imposait que 0,7 %. Au-delà, le Gouvernement travaille aujourd'hui à la possibilité de contribuer à une élévation du pouvoir d'achat des retraites les plus modestes, notamment ceux qui touchent le minimum vieillesse ou des pensions de réversion très faibles. Nous y reviendrons lors


page précédente page 07120page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

du débat sur le projet de financement de la sécurité sociale au cours duquel nous serons amenés à faire des propositions. Nous répondrons ainsi totalement, je le crois, à votre question. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

CRÉATION D'UN DOUBLE DEGRÉ DE JURIDICTION EN MATIÈRE CRIMINELLE

M. le président.

La parole est à M. Raymond Forni.

M. Raymond Forni.

Ce matin, le pourvoi en cassation de Jean-Marc Deperrois, condamné à vingt ans de réclusion criminelle par la cour d'assises de Seine-Maritime, a été rejeté. Je ne sais si Jean-Marc Deperrois est coupable ou innocent. Ce que je sais, c'est qu'il y a débat, controverse et contestation sérieuse.

Il y a peu de jours, Omar Raddad était libéré par anticipation, bénéficiant ainsi d'une grâce présidentielle décidée par Jacques Chirac en son âme et conscience, à la demande, il est vrai, du roi du Maroc, sensible au sort de l'un de ses sujets trop vite montré du doigt comme le coupable idéal. Je ne sais si Omar Raddad est coupable ou innocent. Ce que je sais, c'est qu'il y a doute sérieux, doute suffisant, en tout cas, pour ébranler la conviction du Président de la République. Des négligences accumulées par les enquêteurs, une instruction mal menée, un procès mal conduit ont contribué à créer ce sentiment douloureux, insupportable, d'erreur judiciaire.

Ces deux exemples démontrent, parce que spectaculaires et largement médiatisés, l'urgence d'une réforme.

La réflexion s'est engagée depuis longtemps. Il reste, madame la garde des sceaux, la décision à prendre, celle de la représentation nationale. Oui, il y a urgence ! Car vous ne sauriez tolérer, comme nous ne saurions accepter, que le doute s'insinue de plus en plus et entache toutes les décisions rendues par les cours d'assises en notre nom à tous. Quand allez-vous proposer à l'Assemblée nationale le projet, sans doute amendé, sans doute modifié, s'insérant, il est vrai, dans votre projet d'ensemble de réforme de notre justice et permettant la création d'un double degré de juridiction en matière criminelle ? (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, je ne ferai bien entendu aucun commentaire ni sur l'affaire Deperrois, qui a fait ce matin l'objet d'une décision de la Cour de cassation, ni sur l'affaire Raddad. Mais je répondrai volontiers à votre question sur l'appel des décisions de la cour d'assises, car c'est très important.

Sur le principe, je suis favorable à cette réforme de la cour d'assises. Il faut, en effet, permettre une révision des décisions de la cour d'assises lorsque des doutes sérieux existent. Il est vrai qu'une réforme avait été engagée en ce sens et présentée d'ailleurs à la représentation nationale par mon prédécesseur. Le problème, c'est que, lorsque je suis arrivée, je me suis aperçue - j'allais dire : une fois de plus - que cette réforme n'était pas assortie des moyens qui auraient permis de l'appliquer. (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

P our appliquer la réforme issue du rapport de M. Deniau et examinée par l'Assemblée nationale, il aurait fallu créer plus d'une centaine de postes de magistrats supplémentaires,...

M. Rudy Salles.

C'est honteux !

Mme la garde des sceaux.

... autant de postes de greffiers de plus, sans parler des investissements immobiliers qu'il aurait fallu faire dans chaque département de France pour créer un autre tribunal chargé de l'appel de la cour d'assises.

M. Pierre Lequiller.

La réponse n'est pas à la hauteur de la question !

Mme la garde des sceaux.

Tout en étant d'accord sur le principe et en essayant d'étudier d'autres modalités, j'ai préféré accorder en priorité les moyens importants qui ont été dégagés dans les budgets de 1998 et de 1999 à la justice de proximité, qui concerne des dizaines de millions de nos concitoyens, qui concerne les divorces,...

M. André Angot.

Le PACS !

Mme la garde des sceaux.

... les relations de voisinage, les conflits du travail.

M. Richard Cazenave.

De l'argent pour le PACS !

Mme la garde des sceaux.

Car on ne peut pas laisser traîner deux ans dans les tribunaux des décisions sur les divorces, ce délai pouvant atteindre quatre ans dans les cours d'appel, qui sont submergées en matière de conflits du travail.

M. Laurent Dominati.

Le PACS !

Mme la garde des sceaux.

J'ai préféré affecter en priorité ces importants moyens supplémentaires aux juges de la famille,...

M. Richard Cazenave.

Au PACS !

Mme la garde des sceaux.

... aux juges des enfants et à l'amélioration du fonctionnement de nos tribunaux. Cela ne m'empêche pas de travailler sur des modalités qui soient plus économes, en magistrats comme en moyens.

J'espère que nous pourrons avancer dans cette direction, mais je m'en tiens à la ligne que je me suis fixée, en accord avec le Premier ministre : pas une annonce de réforme qui ne soit assortie des moyens correspondants, par respect pour la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

POLITIQUE D'INTÉGRATION

M. le président.

La parole est à M. François Lamy.

M. François Lamy.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, dépuis des années, il est de bon ton de vanter les mérites du modèle français d'intégration sur notre sol des populations étrangères. Pourtant, nous le constatons chaque jour dans nos circonscriptions, ce modèle connaît de nombreux ratés. Que ce soit pour la recherche d'un emploi, d'un logement ou même pour acquérir la nationalité française, l'intégration dans notre société constitue souvent un véritable parcours d'obstacles p our l'étranger qui souhaite s'insérer dans notre collectivité.

Une véritable intégration des populations étrangères est pourtant le complément indissociable de la politique de maîtrise des flux migratoires menée actuellement par le Gouvernement. Si nous voulons que chaque étranger qui


page précédente page 07121page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

arrive sur notre sol puisse adopter les valeurs qui fondent notre République et apporte en même temps à notre collectivité toute la richesse issue de sa différence, il faut une politique d'accueil cohérente, efficace et coordonnée à tous les niveaux.

Madame la ministre, vous avez présenté ce matin au conseil des ministres un dispositif permettant d'améliorer notre politique d'intégration. Pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur les principes et les moyens qui doivent permettre l'insertion des populations étrangères sur notre sol et qui constitueront la réponse la plus efficace à tous ceux qui souhaient profiter de la crise pour alimenter le racisme et la xénophobie ? Ceux-ci, nous devons le réaffirmer ici, n'ont pas leur place sur le sol de notre République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, je vous remercie de votre question (« Ah ! » et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), qui doit gêner ceux qui prônent la recherche du bouc émissaire et encouragent les discriminations plutôt que le respect des valeurs qui font l'honneur de la France, pays d'accueil et pays des droits de l'homme - c'est ce que nous avons voulu rappeler ce matin en Conseil des ministres.

La politique d'intégration est un élément majeur du pacte républicain que nous souhaitons renforcer, comme le Premier ministre l'a dit devant vous dans sa déclaration de politique générale. Cette politique d'intégration va de pair avec la politique que nous menons par ailleurs de maîtrise des flux migratoires, mais aussi de coopération et de codéveloppement avec les pays dont sont originaires les salariés et les personnes immigrés.

Ce matin, le Gouvernement a pris un ensemble de mesures qui visent à rappeler haut et fort que la France souhaite, à côté de ses politiques de maîtrise de flux et de codéveloppement, mettre en place une véritable politique d'intégration qui corresponde à ce qu'a été son histoire et sa culture et qui marque aux travailleurs immigrés sa reconnaissance pour l'avoir aidée à se reconstituer et à se reconstruire pendant certaines périodes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Nous avons mis l'accent sur trois aspects.

Tout d'abord, l'accueil. Après la loi qui a été votée, plusieurs dizaines de milliers d'étrangers entreront régulièrement sur le sol français, comme cela a toujours été le cas avec le regroupement familial, pour faire des études, de la recherche, en tant que réfugiés politiques, ou tout simplement pour occuper un emploi que les Français ne peuvent pas remplir. Ils doivent être accueillis dans de meilleures conditions. Le premier pas sur notre terre est sans doute un élément majeur de leur intégration. Nous allons, dans les mois qui viennent, généraliser le dispositif que nous avons testé ces dernières semaines, en SeineSaint-Denis et en Rhône-Alpes, qui permet d'accueillir les personnes sur le territoire, de leur faire connaître notre pays, leurs droits et leurs devoirs, mais aussi de vérifier ce dont elles ont besoin pour bien s'intégrer : l'appréhension de la langue, les problèmes sociaux, de santé, de logement, d'éducation et de formation.

Deuxième axe majeur : la discrimination. Le Haut Conseil à l'intégration a rendu hier, au Premier ministre, son rapport. Il insiste très lourdement sur les discriminations des personnes étrangères en situation régulière dans notre pays. Nous savons tous ce que nous disent les jeunes sur les portes des discothèques qui se ferment, sur ces jeunes diplômés qui ne sont jamais embauchés malgré les efforts formidables qu'ils ont accomplis pour obtenir leur diplôme, tout simplement sur ces gestes de racisme quotidien qui font que notre pays n'est plus à la hauteur de ce qu'il doit être.

Mme Yvette Benayoun-Nakache et M. Jean-Claude Boulard.

Très juste !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est contre tout cela que nous voulons nous battre. Nous savons bien que les lois ne suffisent pas. C'est pourquoi une parole politique forte doit être relayée par nos concitoyens, qui doivent se porter témoin de tous les actes de racisme et de discrimination auxquels ils assistent dans les services publics, les transports, les commerces, les entreprises. C'est cela que nous voulons renforcer : une citoyenneté qui fait que notre pays est fier de défendre ses valeurs. Pour cela, nous allons, avec les partenaires sociaux, revoir le code du travail et modifier, avec Mme la ministre de la justice, la charge de la preuve non pas en la renversant complètement, mais en permettant qu'il soit plus facile aujourd'hui de faire la preuve des discriminations, à l'embauche notamment. J'ai ainsi demandé à l'ANPE d'être particulièrement vigilante, de ne pas fermer les yeux devant les discriminations dont certains employeurs continuent à faire preuve au moment de l'embauche et même de porter plainte lorsque ces discriminations sont avérées. Le contrôle des discriminations sera l'une des priorités des inspecteurs du travail pour 1999. Je tiens à cet égard à remercier les syndicats qui ont eu le courage de réfléchir, ces derniers mois, au racisme qui gagne y compris les salariés et les syndicalistes dans nos entreprises. Nous devrons travailler avec eux.

M. le président.

Veuillez conclure, madame la ministre !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

L'Etat doit aussi bien évidemment être exemplaire. Nous regarderons avec l'ensemble de nos collègues si les emplois autres que ceux de la fonction publique, dont les étrangers sont aujourd'hui exclus, ne pourraient pas leur être ouverts dans les mois et les années qui viennent.

Enfin, nous travaillons pour que la naturalisation ne soit plus ce parcours d'obstacles qu'elle est aujourd'hui en réduisant les délais. Je souhaite que, dès cette année, ceux-ci passent de deux ans en moyenne à dix-huit mois.

Il faut aussi prendre en compte la situation actuelle et les volontés d'insertion et d'intégration des personnes. Dans le nouveau climat qui est le nôtre, on ne peut pas reprocher à un jeune de vingt-sept ans de ne pas avoir eu un contrat à durée indéterminée quand beaucoup de jeunes français, au même âge, n'ont jamais réussi à l'obtenir.

Nous devons là aussi évoluer.

Je terminerai en disant que cette parole politique forte est celle de la France. Je crois effectivement que, si nos concitoyens nous rejoignent, nous serons capables dans les mois qui viennent de faire des progrès considérables en matière d'intégration. C'est l'honneur des valeurs que nous avons toujours défendues. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)

ÉDUCATION NATIONALE

M. le président.

La parole est à M. Jacques Guyard, pour une question courte.


page précédente page 07122page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

M. Jacques Guyard.

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, beaucoup d'enseignants, d'étudiants et de parents suivent cette séance après les manifestations d'hier. Or nous assistons, depuis ce matin, à une tentative claire pour opposer lese nseignants et les élèves, les enseignants et le Gouvernement.

Si cette manoeuvre réussissait, ce serait une catastrophe.

En outre, elle n'est pas fondée. Dans le budget que vous allez présenter, monsieur le ministre, le plus gros de l'effort est consacré aux enseignants, à leurs conditions de travail, à leur carrière. Je vous demande de le préciser devant la représentation nationale et devant l'opinion.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, pour une réponse brève.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, je vous remercie d'avoir apporté cette précision.

(Exclamations et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Nous effectuons, en effet, un effort considérable pour améliorer les conditions de travail du corps enseignant. Les créations de postes se poursuivent cette année, malgré une décroissance démographique, ainsi que la stabilisation de personnels précaires et l'intégration de nombreux maîtres auxiliaires. La situation des enseignants est naturellement au coeur de notre démarche. Et je ne parle pas de l'enseignement supérieur, où le nouveau système a permis de recruter l'année dernière 5 000 enseignants du supérieur alors que, précédemment, on arrivait péniblement à 1 200. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à dixhuit heures cinq, sous la présidence de M. Michel Péricard.)

PRÉSIDENCE DE M. MICHEL PÉRICARD,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

2 LOI DE FINANCES POUR 1999 (DEUXIÈME PARTIE) Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078, 1111).

ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

M. le président.

Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, concernant l'enseignement scolaire.

La parole est à M. Jacques Guyard, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Jacques Guyard, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'éducation nationale, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, la discussion de ce budget pour 1999 des enseignements scolaires est marquée, depuis quinze jours, par les manifestations des lycéens. On nous avait annoncé les professeurs dans la rue : en fait, ce sont les jeunes qui l'occupent.

Leurs revendications sont parfois un peu floues mais on y retrouve clairement le sens de la consultation dans laquelle ils se sont massivement exprimés l'an dernier. Il faut donc les écouter attentivement.

Les lycéens veulent avoir le temps de vivre, donc des horaires moins lourds en cours et en devoirs. Ils veulent, en revanche, que les cours aient lieu et ils ne supportent pas l'absence des professeurs. Ils veulent enfin être reconnus comme groupe et comme individus dans une institution qui continue, leur semble-t-il, de les traiter comme des enfants. Nous devons entendre ce message, dont je suis convaincu, aux horaires près, qu'il vaudrait autant pour les collèges.

Ce que crient les lycéens n'est contradictoire ni avec les réformes que vous proposez, madame et monsieur les ministres, ni avec le budget que nous allons étudier. En revanche, il y a un problème de rythme : le temps des élèves n'est pas celui de l'administration. Raison de plus pour déconcentrer et assouplir rapidement.

Il est clair, en effet, que l'on ne peut indéfiniment augmenter les budgets, sans toucher à l'organisation du système scolaire. Les lycéens l'ont dit l'an dernier et c'est ce que pense l'opinion publique, ainsi que la majorité des enseignants, même si l'accumulation des pseudo-réformes les a rendus prudents.

Nous réaffirmons que ce budget va dans le bon sens. Il met en place les structures et les moyens pour répondre à l'exigence d'une démocratisation et d'une efficacité accrues de l'éducation nationale. Il la prépare aussi, à côté de son rôle essentiel de formation intellectuelle et professionnelle, à répondre à une demande croissante de prise en charge de l'éducation à la vie sociale que les familles n'arrivent plus toutes à assumer.

Nous identifions dans ce budget sept priorités financées à la fois par une gestion plus rigoureuse des moyens, ce qui était indispensable, et par une hausse très sensible des crédits, puisque le budget des enseignements scolaires passe de 286 à 298 milliards de francs, presque 300 milliards de francs, hors transfert des bourses des collèges, soit une hausse de 3,81 % par rapport à 1998.

A cette hausse des crédits s'ajoute l'impact de la baisse qui se poursuit des effectifs : 40 000 élèves de moins dans les écoles, 20 000 de moins dans le second degré, soit 0,5 % d'effectifs en moins à encadrer. Par élève, les moyens augmentent donc de 4,3 % par an, ce qui met l'éducation nationale clairement en tête des progressions budgétaires de cette loi de finances pour 1999.

La première priorité est l'encadrement des élèves : 3 916 postes sont créés pour l'améliorer, sans qu'un seul emploi exercé devant les élèves soit supprimé.


page précédente page 07123page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

La création de 3 050 postes d'enseignant du second degré, pour 20 000 élèves de moins, correspond à un vrai effort, qui doit aboutir à plus de présence devant des classes moins nombreuses, à condition, bien sûr, que diminue parallèlement, et vous l'avez engagé, le nombre des enseignants qui ne sont pas devant les élèves.

Ces moyens sont d'abord affectés aux zones et réseaux d'éducation prioritaires, dont la carte est revue et étendue pour coller à la réalité, conformément à nos engagements.

Nous souhaiterions cependant que, dans ce domaine, l'effort soit encore plus important tant la demande est massive.

Deuxième priorité : un accueil plus attentif aux personnes grâce à des moyens humains renforcés. Les propos que vous avez tenus pendant la séance des questions au Gouvernement marquent cette volonté de manière encore plus claire.

Nous aurons ainsi la création de 250 postes de conseiller principal d'éducation et 616 de personnel administratif, ouvrier, infirmière, assistante sociale, médecin. Cela est à la fois peu et beaucoup : peu au regard du sousencadrement traditionnel de l'éducation nationale en ces d omaines : beaucoup si on compare ces chiffres à l'absence d'efforts les années précédentes. En tout cas, l'accentuation de cet effort s'impose, pour une meilleure écoute des élèves.

Les 30 000 emplois-jeunes supplémentaires inscrits dans ce budget et dans ces compléments s'ajouteront aux 40 000 qui ont été recrutés l'an dernier. Ces derniers ont rapidement balayé les réticences de certains enseignants.

Ils ont apporté à l'école une souplesse et une qualité humaine très appréciées, sans qu'il y ait confusion des rôles avec les enseignants.

Troisième priorité : une gestion plus rigoureuse des moyens.

Ainsi, les 3 916 postes ont été créés en récupérant certains moyens qui figuraient déjà dans le budget de l'éducation nationale. Si 3 300 postes de surveillant d'externat sont supprimés, les crédits sont maintenus. La présence devant les élèves ne diminuera donc pas. Au contraire, vous venez d'annoncer, monsieur le ministre, qu'elle sera accrue, avec des postes supplémentaires que nous aurons à financer, sans doute dans le collectif.

Il y a également eu suppression d'heures supplémentaires et utilisation des crédits de paiement prévus pour les anciens maîtres auxiliaires afin de financer leur intégration. Cela correspond donc bien à des créations de postes.

Les seules véritables suppressions concernent 111 postes de l'administration centrale. Le moins que l'on puisse dire, c'est que vous l'aviez annoncé.

Quatrième priorité : la lutte contre l'exclusion scolaire.

Le retour des bourses pour les collégiens dans la gestion des collèges permet un vrai travail social personnalisé, en particulier une fréquentation élargie des restaurants scolaires. Le crédit pour ces bourses augmente de 300 millions de francs, ce qui permettra d'améliorer les sommes versées aux familles les plus modestes et de prendre en charge les élèves de moins de onze ans, de plus de seize ans, ou les enfants uniques, que la caisse d'allocations familiales ne pouvait servir.

Les opérations « école ouverte », dont on connaît le succès dans les quartiers sensibles, vont ainsi pouvoir être multipliées et les crédits inscrits permettront également de répondre aux demandes de la Seine-Saint-Denis et des d épartements d'outre-mer, conformément à vos engagements.

Cinquième priorité : moderniser la pédagogie.

L'introduction systématique des nouvelles technologies de l'information est l'un des changements fondamentaux qu'apporte cette loi de finances. Ainsi, 192 millions de francs de crédits budgétaires supplémentaires y sont consacrés pour la formation des enseignants, la création de logiciels et l'équipement, auxquels s'ajoutent les 500 millions de francs de prêts à taux zéro pour les collectivités qui achètent les matériels.

Vous avez ainsi décidé d'aider fortement ces collectivités. J'ai pu constater, dans ma commune, qu'équiper et raccorder une école primaire dans ces conditions revenait à 9 000 francs, ce qui est une dépense tout à fait supportable.

L'élargissement des expérimentations sur le respect des rythmes de vie de l'enfant est aussi d'une extrême importance, surtout pour les jeunes dont les parents ne peuvent pas ou n'arrivent pas à s'occuper. On atteint ainsi, dans une coopération maîtrisée entre l'éducation nationale, les communes, les services de la jeunesse et des sports, les parents d'élèves, une démarche pleinement éducative et une amélioration des comportements des enfants.

Enfin, le recrutement de mille assistants étrangers supplémentaires donnera plus de sens à l'initiation aux langues étrangères, actuellement encore trop souvent théorique.

Sixième priorité : revaloriser les carrières.

A cet égard, il est essentiel de souligner, tant on a tenté d'opposer les enseignants, les élèves et le Gouvernement dans cette affaire, que la plus grosse dépense du budget est due à la revalorisation des carrières des enseignants, dont le travail est ainsi reconnu. Ainsi, 4,6 milliards financeront la mise en oeuvre des augmentations de salaire dans le cadre des accords conclus au sein de la fonction publique et 888 millions de francs permetteront d'accélérer fortement le rythme d'intégration des instituteurs dans le corps des professeurs des écoles. Ils pourront être tous intégrés dès 2007, ce qui était le plus tôt possible.

Par ailleurs, 427 millions de francs de crédits sont inscrits au profit des opérations de promotion pour les personnels du second degré : professeurs de lycées professionnels, PEGC et chargés d'enseignement intégrés au corps des certifiés, passage à la hors-classe en fin de carrière, pour lequel nous devons respecter l'engagement que cela concernera 15 % du corps.

Les corps d'inspection voient eux aussi leur situation matérielle améliorée, afin que les inspecteurs puissent être en permanence sur le terrain.

Septième priorité, qui fera transition avec les voeux que je formulerai en fin de rapport : l'amélioration de las ituation des directeurs d'école et des chefs d'établissement.

M. René Couanau.

C'est indispensable !

M. Jacques Guyard, rapporteur spécial.

Il s'agit d'un effort indispensable, que vous avez commencé en décidant l'abaissement des seuils de décharge pour les directeurs d'école et en améliorant matériellement la situation des chefs d'établissement. La poursuite des actions en ce sens est incontournable, car les responsabilités des directeurs et des chefs d'établissement se sont énormément alourdies, notamment quant à leurs relations quotidiennes avec l'extérieur : services sociaux, justice, police, collectivités locales. Ils doivent également intervenir dans la gestion des emplois-jeunes, dans la coordination et dans la mise en oeuvre des rythmes de vie. La tâche est si lourde que l'on manque de candidats.


page précédente page 07124page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

Il est donc urgent de poursuivre l'amélioration des décharges accordées aux directeurs d'école. Cela constituerait d'ailleurs peut-êre un moyen de satisfaire une vieille et intéressante revendication de beaucoup d'instituteurs : un maître de plus que le nombre de classes dans l'école.

Mme Nicole Bricq.

Très bien !

M. Jacques Guyard, rapporteur spécial.

Pour les proviseurs, les principaux et leurs adjoints, le constat est le même : un effort est consenti dans ce budget, particulièrement important pour les chefs d'établissement en ZEP. Il devra être complété par l'octroi de collaborateurs supplémentaires, afin d'éviter qu'ils ne craquent devant la charge à assumer. De ce point de vue, d'ailleurs, il n'est pas tout à fait normal que la même structure de direction coiffe tous les collèges, qu'ils aient 200 ou 800 élèves.

Ce budget est donc bon, aussi bon que le permet le cadre financier de référence. Cependant, quelques questions restent ouvertes, que je tiens à poser en conclusion de mon intervention.

La première concerne la réforme des lycées à moyens constants, dont je crois qu'elle est possible. Quand on voit des classes dans lequelles les élèves ont 36 heures de cours hebdomadaires, plus le travail personnel, on ne peut s'empêcher de penser qu'il faut réduire les horaires afin de descendre à 26 heures en section générale et à 30 heures en section technique et professionnelle, comme vous le proposez.

Néanmoins, il est impératif que le marché soit clair : cette évolution doit s'accompagner d'un dédoublement des classes pour les disciplines en travaux pratiques ou en enseignement pratique de langues, afin que le temps consacré à un approfondissement de l'enseignement soit accru. Ce choix modifiera inévitablement l'équilibre entre les disciplines, donc les recrutements à venir. Nous aurons besoin, dans l'année qui vient, d'une programmation pluriannuelle pour que cette réforme des lycées soit bien la réponse à l'attente que les lycéens expriment.

Le deuxième projet passionnant est celui de l'école du

XXIe siècle qui a, d'ailleurs, rencontré un écho très favorable dans le milieu enseignant. Comme cela est le cas dans votre texte, j'associe à ce projet le respect des rythmes biologiques de l'enfant, sujet passionnant par sa dimension éducative mais qui impose que soit clairement garantie l'autonomie pédagogique des enseignants par rapport aux collectivités locales et établies des règles de financement précises pour les activités hors temps scolaire. A cet égard, il convient aussi de préciser encore, même si des progrès ont déjà été accomplis récemmente n la matière, les conditions d'implication des emplois-jeunes.

La troisième question, qui reste ouverte, est celle du champ de rattachement des services médicaux et sociaux.

A ce propos, j'ai lu récemment un tract qui demandait la création de 12 000 postes d'infirmière. Sans être absurde, cela est manifestement impossible. Nous savons tous, en effet, que, dans ce domaine, il faut clarifier les coopérations entre les secteurs sanitaires et sociaux locaux et les établissements scolaires. Pour que des personnels sanitaires et sociaux soient dans les établissements, il est indispensable que des liens plus forts soient noués avec l'environnement institutionnel.

La quatrième question touche à l'amélioration des conditions de travail au lycée. Peut-être n'avons-nous pas suffisamment pris conscience, à cette rentrée, du fait qu'elles s'étaient dégradées, mais les jeunes ont su nous le rappeler. Cela a d'abord tenu à la disparition des jeunes en service national-ville.

Mme Nicole Bricq.

Eh oui !

M. Jacques Guyard, rapporteur spécial.

Nombreux dans les établissements, ils avaient été appréciés pour leur cré ativité et leur dévouement. Il y a également eu le début de la disparition des CES qui ont vraiment touché la vie quotidienne.

Mme Nicole Bricq.

Cela a été dramatique.

M. Jacques Guyard, rapporteur spécial.

Vous avez essayé de résoudre ce problème par les annonces que vous venez de faire sur les emplois-jeunes et les créations de postes de surveillant d'externat. Cependant, ne faudrait-il pas, en même temps, redéfinir la fonction des surveillants d'externat, peut-être en revenant à leur statut originel qui leur donnait un rôle beaucoup plus pédagogique qu'administratif et de simple surveillance ? Il semblerait, en effet, judicieux de renforcer leur rôle dans l'aide aux devoirs et aux leçons afin d'en faire de véritables éléments d'accompagnement de l'enseignement.

Je constate également qu'avec vingt-huit heures de travail par semaine, les surveillants d'externat n'arrivent plus à mener normalement leurs études universitaires. Ils n'obtiennent, d'ailleurs, que des résultats décevants aux concours de recrutement. Il conviendrait sans doute de leur proposer davantage de demi-services, ou de créer un service de quatorze heures de surveillant d'externat qui leur permette de conserver le statut étudiant tout en leur laissant le temps de mener à bien, dans de bonnes conditions, leurs études.

M. René Couanau.

Au lieu des emplois-jeunes !

M. Jacques Guyard, rapporteur spécial.

Cinquième question : les lycéens attendent clairement un mode d'enseignement plus souple, plus personnalisé, dans un cadre de vie plus démocratique. Cela exige des changements institutionnels - vous en avez annoncés - ainsi que des locaux adaptés. Nous savons qu'il s'agit d'un pari difficile à tenir, d'autant que les conseils régionaux ont déjà consenti beaucoup d'efforts dans ce domaine au cours des dernières années, même si cela a été inégal selon les régions. En tout cas, il est indispensable d'accélérer les aménagements et de créer des locaux. Le prêt sans intérêt que vous avez annoncé permettra une forte accélération de cette action de rénovation. Il faut en préciser rapidement les conditions de mise en oeuvre.

Je veux évoquer un point annexe dont on ne parle pas suffisamment et qui manque dans le débat sur l'organisation de l'éducation nationale. Puisque vous avez souligné l'importance de son rôle dans l'enseignement technique et la formation professionnelle, j'y ajoute la formation professionnelle permanente.

Les GRETA sont les premiers dispensateurs de formation professionnelle continue dans notre pays. Ils ont besoin qu'on leur redonne clairement une mission et une organisation et qu'on les prépare à répondre à l'attente forte du Gouvernement et des salariés.

Le souhait du « zéro défaut », lui aussi, est très fort.

On espère que c'en est fini des absences de longue durée non remplacées. Comme vous, nous attendons beaucoup de la déconcentration de la gestion des enseignants, mais dans l'immédiat, il faut mobiliser tous les enseignants disponibles, tous les personnels titulaires de la licence. Je me félicite que vous ayez fait appel à vos collègues pour mobiliser les enseignants qui, aujourd'hui encore, font leur service national. Il y avait une priorité, il fallait qu'elle soit assumée.


page précédente page 07125page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

Enfin, dernière remarque, la montée de la violence au quotidien obsède la vie d'un nombre croissant d'établissements. Le nombre de jeunes déscolarisés, que personne ne reçoit, s'accroît dès l'âge de treize-quatorze ans.

Aucune institution ne peut répondre seule à ce problème, ni l'éducation nationale, ni la police, ni la justice, ni les services sociaux. C'est ensemble qu'ils peuvent y faire face. Vous avez, madame Royal, commencé de le faire en créant des classes-relais qui pratiquent l'alternance. C'est une excellente initiative. Il en faut davantage, et si besoin est, il faut extraire le jeune du cadre de son quartier quand celui-ci s'avère criminogène.

L'apprentissage de la vie dans un Etat de droit respectueux des individus ne peut être que le fait de la société tout entière et de toutes ses institutions. L'éducation nationale a un rôle clé à y jouer, mais elle doit pouvoir compter sur les autres administrations, comme sur les élus. Monsieur le ministre, madame la ministre, le Parlement, quant à lui, est prêt à vous aider. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Durand, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Yves Durand, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de budget est marqué par deux catactéristiques essentielles : d'abord, il poursuit l'effort engagé dès le budget de l'année dernière ; ensuite, il met en place, en prévoyant les moyens correspondants, des réformes importantes et nécessaires de notre système éducatif.

Les chiffres que mon collègue Guyard vient de rappeler montrent que le budget de l'enseignement scolaire est le premier budget du pays et qu'il connaît la plus forte progression de tous les budgets de l'Etat. Voilà qui prouve que non seulement le Gouvernement a entendu les revendications des lycéens - il les avait même anticipées - mais également qu'il s'est penché sur les conditions de travail des enseignants - je ne reviens pas sur ce qui a été dit à propos de cette question - tout en gardant à l'esprit cette préoccupation majeure qu'est la lutte contre l'exclusion en milieu scolaire et la garantie d'une véritable égalité des chances.

Le projet de budget, disais-je, assure la continuité avec l'effort engagé dans le budget de l'année dernière : dans un contexte caractérisé par la poursuite de la baisse des effectifs des élèves, le nombre de postes est maintenu dans le premier degré et il augmente de 3 050 dans l'enseignement secondaire. Si l'effort reste insuffisant au regard des besoins, il opère un rattrapage par rapport aux années précédentes en ce qui concerne les personnels non enseignants, notamment médicaux et sociaux - infirmiers et assistantes sociales - pour répondre aux besoins le plus souvent mis en avant. Nous avions l'année dernière soulevé la question de la médecine scolaire.

Cette politique, qui continue l'effort de l'année dernière et rompt avec la logique des précédentes, devrait permettre d'améliorer encore l'encadrement des élèves, en moyenne bien sûr. Il faut que l'amélioration de ce ratio d'encadrement se traduise réellement dans chaque académie et dans chaque établissement. Tout le monde s'accorde à dire que ce n'est pas qu'un problème de moyens mais aussi d'utilisation des moyens. La déconcentration des mutations dans le second degré était nécessaire ; vous l'avez initiée, monsieur le ministre, et elle a d'ailleurs fait l'objet d'un récent décret en conseil des ministres.

Vous continuez également l'effort en faveur de l'amélioration des carrières des personnels, j'y faisais allusion tout à l'heure. Vous accélérez notamment, mais pas uniquement, la constitution du corps des professeurs des écoles, comme vous vous y étiez engagé, de telle sorte que cette opération sera terminée en 2007 au lieu de 2011.

Vous améliorez la situation des ATOS à défaut d'augmenter leur nombre.

Le recrutement des emplois-jeunes se poursuit. S'ils avaient suscité quelques réticences, voire des interrogations l'année dernière, quand ils sont arrivés dans les écoles, ces aides éducateurs ont montré qu'ils étaient maintenant un élément essentiel du système éducatif...

M. Claude Goasguen et M. Pierre Lequiller.

N'importe quoi !

M. Yves Durand, rapporteur pour avis.

... dans la mesure où chacun respecte les prérogatives de l'autre.

Ainsi, après les 40 000 postes de l'année dernière, qui sont d'ailleurs consolidés par une modification de rémunération de certaines heures supplémentaires, comme vous l'aviez annoncé, monsieur le ministre, il y a un peu moins d'un an, le recrutement de 20 000 nouveaux emplois-jeunes, prioritairement pour le second degré et dans les ZEP, permettra à la fois de lutter contre la violence, dont il a été rappelé que c'était un des problèmes essentiels, auxquels devait faire face non pas le seul système scolaire mais la société tout entière, mais également de fournir un meilleur encadrement des élèves et surtout une assistance aux enseignants.

Deux questions s'étaient posées à propos des aideséducateurs, auxquelles on a apporté une réponse, nous semble-t-il.

D'abord, leur participation aux missions périscolaires organisées par les collectivités territoriales, notamment les communes, est inscrite sinon dans le budget, du moins dans un certain nombre de documents. Ce partenariat pourra s'inscrire dans le cadre des contrats éducatifs locaux pour lesquels des crédits sont prévus. Il conviendra de s'assurer du rôle respectif de chaque intervenant, ce qui nécessite quelques précisions.

Quant à la formation des aides-éducateurs, elle leur avait été promise au moment de leur recrutement mais elle est restée dans le flou jusqu'à l'inscription, à cet effet, dans le projet de budget pour 1999 de 8 millions de francs. Voilà qui répond à leur légitime préoccupation.

La politique des ZEP, qui marque la volonté de donner « plus à ceux qui ont moins » et d'instaurer une véritable égalité des chances, est relancée. La carte des ZEP est en cours de réexamen. Une nouvelle devrait être proposée dans quelques semaines. Le budget prévoit des mesures de revalorisation, notamment pour les directeurs d'école qui exercent dans ces zones. Enfin, la création de réseaux d'éducation prioritaire élargira et assouplira la politique des ZEP.

Je souhaiterais cependant que vous nous précisiez, madame la ministre, le rôle exact de ces réseaux dans le c adre des contrats éducatifs locaux. Après Jacques Guyard, je ne peux qu'insister sur l'importance de la réussite pédagogique des ZEP, donc sur la nécessité impérieuse de leur accorder tous les moyens nécessaires, et sans doute encore plus que prévu.

Il serait trop long d'énumérer tout ce qui consolide ou améliore l'aide sociale aux élèves et aux familles en difficulté : fonds sociaux, le fonds lycéen et le fonds collégien


page précédente page 07126page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

entre autres, maintien de l'allocation de rentrée scolaire, et de l'effort en ce qui concerne les cantines scolaires, déjà initié l'année dernière, revalorisation des bourses des lycées et, évidemment, remplacement de l'aide à la scolarité par un nouveau système de bourses des collèges qui a été fondamental pour aider les familles défavorisées à payer la restauration scolaire.

La lutte contre la violence en milieu scolaire s'est perfectionnée grâce notamment - Jacques Guyard y a fait allusion - à l'expérimentation des classes-relais. Elles nécessitent des moyens et sont donc coûteuses, c'est vrai, mais elles constituent certainement une réponse appropriée au problème des enfants en grande difficulté. Il faudrait les faire connaître davantage et les aider encore plus.

La question de la santé scolaire ne doit pas être oubliée. Elle ne l'est pas dans le budget, nous l'avons constaté, mais un rattrapage n'en est pas moins nécessaire c ompte tenu du retard pris au cours des années précédentes.

Je le disais tout à l'heure, la mise en oeuvre des réformes - deuxième caractéristique de ce budget - ne pose pas que des problèmes de moyens.

V ous avez, madame la ministre, commencé les réformes nécessaires au bon fonctionnement de notre système éducatif.

La déconcentration du mouvement des personnels enseignants du second degré permet d'aller au plus près des besoins dans le cadre national du système d'éducation ; j'insiste bien sur ces derniers mots car certaines déclarations à ce propos me font penser que quelques précisions sont nécessaires. La déconcentration doit être un outil d'amélioration du fonctionnement du service national de l'enseignement ; elle ne saurait être en aucun cas une étape vers son démantèlement.

L'aménagement du temps scolaire est une autre réforme essentielle réalisée dans le cadre de la charte pour l'école du

XXIe siècle, avec une certaine discrétion, sans doute parce que cela n'a pas provoqué de grand remueménage : elle a été discutée et reçue favorablement par la quasi-unanimité des organisations d'enseignants et des associations de parents. Cette charte doit jeter les bases de nouveaux rythmes sous l'égide de l'éducation nationale, nous nous en félicitons, de façon que les enfants puissent travailler mieux, et surtout les plus défavorisés d'entre eux.

On ne saurait non plus oublier le développement de l'usage des nouvelles technologies, nouvelle politique aussi.

Je terminerai par la réforme des lycées. Nous sommes en plein dans l'actualité. Elle a été élaborée, c'est une pr emière, à partir d'une consultation des lycées eux-mêmes, qui y ont répondu massivement. Un colloque à Lyon en a fait la synthèse, que M. le ministre a présentée devant la commission des affaires sociales le 7 juillet dernier.

Je ne voudrais pas parler au nom des lycéens, contrairement à beaucoup, qui ont tort. Leurs porte-parole sont suffisamment clairs et responsables. Néanmoins, tout le monde s'accorde à penser que les lycées doivent évoluer, ainsi que la façon d'y travailler. C'est bien, me semblet-il, ce que nous demandent les lycéens : des moyens certes, et le budget en tient compte puisqu'il permet la création de 3 050 postes dans l'enseignement secondaire, mais, plus encore, une véritable reconnaissance du lycéen en tant que citoyen dans son lycée, et la création du conseil de la vie lycéenne va dans ce sens.

Mes chers collègues, madame la ministre, monsieur le ministre, le défi qui nous est lancé et que le projet de budget pour 1999 semble relever, c'est celui d'une véritable démocratisation de l'enseignement. Notre pays a réussi la massification de l'enseignement en ouvrant, à juste titre, les portes du système scolaire. Mais, aujourd'hui, à l'intérieur de ce système scolaire, il faut donner à chaque élève la possibilité de jouir de toutes ses chances de développement et de réussite. Ce budget est la première pierre de l'édifice. C'est pourquoi la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à son adoption.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux orateurs inscrits dans la discussion.

La parole est à Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Le problème de l'éducation nationale n'est pas un problème de budget. La progression importante et continue de ce budget depuis quelques années n'a résolu aucun des vrais problèmes posés. Cela est vrai aussi pour d'autres budgets : il ne s'agit pas de dépenser plus mais de dépenser mieux.

L e budget de l'enseignement scolaire avec ses 296,744 milliards de francs est en augmentation de 4,1 % par rapport à 1998, une augmentation largement suffisante si on l'utilise bien. Mais la marge de manoeuvre du ministre n'est pas dans ses crédits mais dans sa volonté de décentraliser leur gestion, et surtout la gestion du personnel de l'éducation nationale.

Pourquoi de ne pas donner plus d'autonomie aux recteurs d'académie ? Les lois de décentralisation ont donné aux régions et aux conseils généraux la charge des locaux. Ces assemblées, je crois, remplissent bien leur mission, et même s'il reste encore des améliorations à apporter dans certaines zones, beaucoup a été fait pour le bien des élèves et des équipes pédagogiques.

Pourquoi les recteurs ne feraient-ils pas mieux que les services concentrés à Paris ? Pourquoi les mutations ne pourraient-elles pas se faire entre académies ? L e Gouvernement affiche quatre priorités pour l'enseignement.

D'abord, la qualité. L'essentiel n'est-il pas d'adapter l'enseignement aux besoins de notre société avec une plus grande souplesse ? Est-ce avec des emplois-jeunes que nous y parviendrons ? Ensuite, la lutte contre l'exclusion sociale. Le meilleur moyen de lutter contre l'exclusion n'est-il pas de donner à chaque élève les chances d'un parcours adapté à sa personnalité ? Là est bien le rôle de l'éducation nationale.

Quant au développement des emplois-jeunes, relève-t-il vraiment de l'éducation nationale, alors qu'un nombre d'enseignants se trouve toujours dans une situation de précarité et que 22 000 maîtres-auxiliaires n'ont pas de pespectives de titularisation ? Est-il normal de diminuer brutalement et sans concertation la rémunération des heures supplémentaires par voie réglementaire pour financer une partie des emplois-jeunes ? C'est leurrer tout le monde. Les jeunes qui manifestent dans la rue l'ont clairement exprimé.

Enfin, la diffusion des nouvelles technologies : il est bon d'inscrire une somme importante à cet effet dans le budget, mais il faudra veiller à mettre rapidement en place les fonds de soutien aux collectivités locales, car, très souvent, les conventions tardent trop, parce que


page précédente page 07127page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

l'Etat n'a pas versé sa participation. En outre, de nombreux enseignants réclament une formation à ces nouvelles méthodes dans les plus brefs délais.

Hélas ! ces quatre priorités du Gouvernement montrent clairement qu'il n'a pas de ligne politique. Avec force trompettes, on annonce des chantiers, mais on ne voit que des jachères ! Le plus grand problème me paraît être d'ordre humain et pédagogique. Comment M. Allègre peut-il se permettre de déstabiliser publiquement le corps enseignant dont la fonction est aussi essentielle que difficile ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Est-ce de bonne pédagogie que d'attaquer le corps enseignant publiquement ? Quand on est jeune, on a besoin non seulement d'admirer les adultes, mais aussi d'avoir confiance en ses éducateurs. Comment avoir confiance en eux s'ils sont critiqués publiquement ?

M. Bruno Bourg-Broc.

Par leur ministre !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Il faut redonner espoir aux jeunes, mais aussi encourager les personnels administratifs et enseignants. La poudre aux yeux ne suffit plus.

La jeunesse ne doit servir ni de bélier ni de bouclier. Elle est notre avenir.

Madame la ministre, le dernier point sur lequel je souhaiterais intervenir est la santé scolaire. Lors de l'enquête parlementaire sur le respect des droits de l'enfant, si judicieusement initiée par M. le président Fabius, tous les intervenants invités ont insisté sur le drame qu'était pour la France l'absence de politique de santé scolaire. Je sais que vous partagez ce souci. Dans le document sur la scolarité que vous avez fait paraître, vous citez deux opérations, dont celle menée par le conseil général du Rhône en collaboration avec l'académie du Rhône, initiée grâce au ministre François Bayrou. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

C'est un véritable succès et c'est l'une des deux opérations que cite Mme la ministre dans son livre. Cela prouve bien qu'elle y attache de l'importance. Alors, ne sous-estimez pas ce qu'estime votre ministre !

M. Jean-Louis Idiart.

« Notre ministre » ! La ministre de la République !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Moi, j'ai beaucoup apprécié.

Le plus gros problème, madame la ministre, et vous le savez, c'est l'embauche du personnel médical. Je vous ai déjà posé la question l'année dernière, et il n'y a eu, hélas ! aucune solution. Les médecins sont embauchés pour un petit mi-temps afin qu'on n'ait pas à les rémunérer s'ils sont au chômage, et il est terriblement difficile de trouver un médecin pour 2 400 francs par mois, ce qui est le tarif qu'on lui propose. En ville, il peut à la limite faire trois gros tiers de temps, comme dirait Pagnol, mais à la campagne où les kilomètres sont remboursés, mais pas le temps, on ne peut pas trouver un médecin pour 2 400 francs par mois, et c'est l'énorme problème que nous avons. M. le recteur a mis à la dispo-s ition de cette opération santé que mes collègues blaguent, tous les crédits que vous avez bien voulu accorder pour l'opération violence à l'académie. Cela nous a permis de passer de quatre bassins de santé à trente-cinq, ce qui est merveilleux, mais nous ne trouvons pas de médecins à embaucher, parce qu'on les paie trop mal.

Pensez-vous que nous puissions signer des conventions avec la médecine libérale pour donner satisfaction à ces enfants qui éprouvent beaucoup de joie à participer à ces bassins de santé ? Je sais que vous vous souciez de ce problème et c'est la dernière question que je voulais vous poser. Je vous remercie à l'avance des réponses que vous voudrez bien nous donner. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Michel Marchand.

M. Jean-Michel Marchand.

Le budget de l'enseignement scolaire, madame, monsieur les ministres, aurait pu se discuter dans une plus grande sérénité. Sa progression, supérieure à 4 %, les axes prioritaires qui sont annoncés, l'augmentation du nombre d'emplois, sont des données fort intéressantes. Cela fait suite à la consultation des lycéens, au colloque de Lyon et au rapport Meirieu, dont nous nous félicitons.

Cependant, les lycéens étaient dans la rue, et la grogne des enseignants ne vous a pas échappé. Ils y sont descendus pour dénoncer des conditions de travail qu'ils n'acceptent plus, des locaux dégradés, un parc matériel insuffisant ou obsolète qui rendent difficiles les apprentissages et hypothèquent parfois la sécurité, et des dysfonctionnem ents scolaires tels qu'aujourd'hui encore, certaines classes n'ont pas de professeurs et certains professeurs pas d'élèves.

Loin de moi l'idée de vouloir globaliser et généraliser les récriminations qui sont faites. L'effort des régions est très inégal, vous le savez, mais n'oublions pas l'état du parc immobilier que nous leur avons transmis. Cet effort doit se poursuivre et s'amplifier pour faire des établissements scolaires les outils adaptés à l'enseignement du

XXIe siècle. L'Etat doit y prendre sa juste part, notamment pour les régions les plus défavorisées.

Les Verts ont toujours fait des propositions pour améliorer la qualité des bâtiments et diminuer les coûts de fonctionnement, particulièrement les coûts énergétiques.

M. Jean-Pierre Balligand.

Dans quel département ?

M. Jean-Michel Marchand.

On pourrait faire allusion à la région Nord Pas-de-Calais, par exemple.

L'augmentation du nombre de postes d'enseignants ne résulte que de redéploiements internes. Le problème des remplacements qui ne sont pas assurés reste entier, et la solution passe aussi par la montée en puissance du nombre de titulaires remplaçants. Ce n'est pas aux titulaires académiques de combler ce déficit ; leur place est d'être devant des élèves pour améliorer les conditions d'enseignement.

Que dire des difficultés de recrutement ? Dans certaines matières, elles sont connues et récurrentes, tout comme le manque criant de personnels ATOSS.

Quelles actions incitatives peut-on avoir, quelle lisibilité peut-on proposer à ceux qui souhaitent entrer dans les métiers de l'éducation nationale et se présenter aux différents concours d'enseignants ou de non-enseignants ? Ne sommes-nous pas déjà dans une crise du recrutement ? Pour les chefs d'établissement, c'est évident. Aussi, il faut afficher le nombre de place mises en concours, augmenter leur nombre, annoncer l'éventualité de listes supplémentaires.

S'attaquer à la précarité de certains personnels passe par leur titularisation, et la transformation du plus grand nombre possible d'heures supplémentaires permettra de c réer des postes nécessaires. Il y a là au moins 40 000 postes potentiels.


page précédente page 07128page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

Garantir le réemploi aux maîtres auxiliaires est une bonne chose, mais y a-t-il toujours adéquation entre leur formation et les postes qui leur sont parfois proposés ? Et quelles perspectives va-t-on offrir aux contractuels et aux vacataires ? La politique de soutien à l'emploi des jeunes par le recrutement de nouveaux aides-éducateurs participe à l'amélioration des conditions de scolarisation et à la lutte contre l'exclusion sociale en milieu scolaire.

Deux remarques cependant : abonder la ligne budgétaire en diminuant la rémunération des heures supplémentaires, alors qu'elles gardent un caractère obligatoire, n'est pas passé inaperçu.

M. René Couanau.

C'est le moins qu'on puisse dire !

M. Jean-Michel Marchand.

Ne pas prendre en compte les frais de déplacement des aides éducateurs affectés sur des regroupements pédagogiques intercommunaux ou sur plusieurs écoles, en particulier en milieu rural, n'est pas acceptable.

Les lycéens, au sein de leur établissement puis dans rue, ont certes réclamé fort justement les moyens qui manquaient à un fonctionnement normal de l'école, mais ils ont aussi demandé que l'on prenne en compte leur exigence de participation citoyenne à la vie lycéenne. Ils veulent plus de démocratie pour pouvoir s'exprimer.

Ils veulent être entendus, et pas seulement pour avis, au sein des conseils académiques de la vie lycéenne et peser dans les conseils d'administration des lycées. Ils réclament « une adéquation entre leurs droits et la pratique dans les établissements, une adéquation qui passe par l'information et la formation ». Ils sont porteurs d'une exigence de justice scolaire, de justice sociale. Ils refusent un enseignement à deux vitesses qui pourraitr ésulter de la si grande inégalité des situations territoriales.

L'égalité n'est pas l'égalitarisme et donner toutes leurs chances à tous les élèves, individuellement et au sein de chaque classe, c'est s'engager résolument dans une politique de discrimination positive dans les quartiers touchés par la crise urbaine, dans les régions rurales confrontées à la désertification, partout où l'exclusion frappe encore plus durement parce qu'on est plus fragilisé. Pour cela, un plan d'urgence est nécessaire.

M. le président.

Il faut conclure, monsieur Marchand.

M. Jean-Michel Marchand.

Je vais conclure.

Les établissements scolaires doivent être des lieux de transmission des savoirs, des lieux de culture, des lieux de vie, des carrefours de citoyenneté entre jeunes et adultes.

Ce sont des perspectives réalistes et raisonnables, mais quels seront les responsabilités et les pouvoirs des chefs d'établissement ? Ce qui est sûr, c'est que tout le monde, jeunes et parents, enseignés, enseignants et non enseignants, s'accordent, au-delà des besoins quantitatifs, pour exiger la qualité, lutter contre l'exclusion sociale et la précarité, défendre une école publique et laïque.

Pour conclure, monsieur le ministre, nous notons avec satisfaction votre volonté de ne pas sacrifier le qualitatif au quantitatif. Nous apprécions que ce budget reste le p remier budget de l'Etat mais, pour permettre à l'ensemble des générations d'élèves d'accéder aux savoirs les plus élevés, il faudra à la fois des augmentations budgétaires et, nous semble-t-il, une nouvelle loi d'orientation. C'est là un choix politique fort. Ce doit être celui de la gauche plurielle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Bruno Bourg-Broc.

M. Bruno Bourg-Broc.

Je ne saurais trop vous dire, monsieur le ministre, madame la ministre, tout le plaisir qui est le nôtre de vous rencontrer dans cette enceinte, plaisir trop rare, je ne vous le cacherai pas. Depuis un an et demi que vous êtes au ministère de l'éducation nationale, nous n'avons eu, en effet, que très peu d'occasions de débattre avec vous des orientations de la politique éducative du Gouvernement. Si l'on excepte les questions d'actualité, c'est la deuxième fois que nous nous retrouvons en séance publique. Peut-être serait-il intéressant de nous associer à vos réflexions, et à vos déboires parfois.

Je sais que vous allez me répondre que l'emploi du temps de l'Assemblée étant ce qu'il est, il n'a pas été possible de trouver une séance pour organiser un débat.

Outre le fait que j'ai du mal à croire qu'en l'espace d'un an et demi, il ait été difficile de libérer un après-midi, j'ajoute qu'il n'a pas été difficile de libérer quelques séances pour réinscrire le PACS à l'ordre du jour. Certes, le PACS est important, mais je ne crois pas que le bac mérite moins d'attention de notre part, surtout en ce moment - mais je reviendrai dans quelques instants sur cette actualité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Au-delà de l'aspect anecdotique, cette absence de débat est caractéristique d'une dérive pour le moins dangereuse de la gestion des affaires scolaires. Depuis combien d'années n'y a-t-il pas eu de discussion entre un ministe et la représentation parlementaire ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jacques Fleury.

Sous Bayrou, il n'y avait aucun risque !

M. Bruno Bourg-Broc.

Les parlementaires sont mis totalement hors jeu de toutes les évolutions du système scolaire et universitaire.

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Tout à fait !

M. Bruno Bourg-Broc.

Nous ne décidons de rien et nous découvrons ces évolutions au mieux dans le Journal officiel, au pire dans la presse.

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Absolument !

M. Bruno Bourg-Broc.

Chacun, pourtant, reconnaît que l'évolution de l'école est cruciale pour le devenir même de notre société, qu'il s'agit d'un enjeu majeur, si ce n'est l'enjeu majeur.

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Tout à fait !

M. Jean-Luc Warsmann.

Il a raison !

M. Bruno Bourg-Broc.

Les élèves qui manifestent, et que nous avons reçus hier, sont d'ailleurs dans la rue pour nous le rappeler.

C'est, en effet, à notre capacité de savoir faire évoluer l'école et l'université, de savoir répondre aux attentes nouvelles des élèves et des étudiants, des entreprises et, plus globalement, de la société, que nous serons tous collectivement jugés. Je regrette que les députés soient écartés du débat. Je regrette que toutes les discussions ne se déroulent qu'entre le ministre, ses services et les syndicats, sans que nous ayons le moindre mot à dire, le moindre amendement à déposer. Depuis le plan Juppé, nous discutons de la sécurité sociale et de son avenir, nous ne le faisons pas pour l'éducation, à moins de considérer que la codification souvent annoncée et toujours repoussée est une réforme de grande ampleur.


page précédente page 07129page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

Mais revenons à notre discussion budgétaire du jour.

Au nom du groupe RPR, je veux m'arrêter sur quelques points particuliers de votre budget, et bien entendu aussi, quelques instants, sur les manifestations lycéennes et sur les mesures que vous venez d'annoncer au début de l'après-midi, dans une totale improvisation, comme l'a déclaré notre collègue Jacques Valade au Sénat.

Comment ne pas être déçu par des mesures qui repoussent à plus tard des solutions auxquelles on aurait pu penser plus tôt, surtout lorsqu'on se donne comme objectif en début d'année « zéro défaut ».

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Très juste !

M. Jean-Luc Warsmann.

On s'en souvient !

M. Bruno Bourg-Broc.

Comment ne pas être déçu par des mesures en trompe-l'oeil en direction des conseils régionaux auxquels on annonce des milliards mais pour lesquels on ne déboursera que quelques millions puisqu'il s'agit de prêts à taux bonifié.

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Des rustines !

M. Bruno Bourg-Broc.

Comment ne pas être déçu alors que les jeunes réclament dans leurs classes des enseignants et que vous leur proposez des emplois-jeunes et des soldats du contingent ?

M. Jean-Louis Idiart.

C'est une caricature !

M. Jean-Luc Warsmann.

Non ! Il a raison !

M. Bruno Bourg-Broc.

Pour en revenir au budget pour 1999, voici quelques questions.

Comment va-t-on financer les nouveaux emploisjeunes ? Est-il normal de payer les 40 000 qui existent avec la baisse des heures supplémentaires ? On peut d'ailleurs noter qu'aucun traitement particulier n'a été réservé aux professeurs des classes préparatoires en la matière. Le système de ces classes préparatoires aux grandes écoles ne vous convient peut-être pas et peut-être envisagez-vous de les supprimer, mais vous allez sans doute nous rassurer sur ce point.

Vous avez pris, dans la précipitation, monsieur le ministre, un décret sur la déconcentration de la gestion des personnels à partir de la rentrée de 1999. Je ne vois aucune mesure budgétaire correspondante dans votre budget et je ne peux imaginer qu'une telle révolution n'ait aucune conséquence budgétaire, notamment en matière de redéploiement et de déconcentration des personnels.

Le niveau des crédits réservés à l'introduction des nouvelles technologies semble relativement faible. Devonsnous en conclure qu'il ne s'agit plus d'une priorité ? Comment, concrètement, allez-vous financer les emplois supplémentaires annoncés, qui ne sont d'ailleurs pas des emplois d'enseignants ? C omme l'a demandé Mme Isaac-Sibille, quelles mesures pensez-vous prendre pour améliorer la prévention et la santé scolaire ?

M. Jean-Luc Warsmann.

Bonne question !

M. Bruno Bourg-Broc.

Je ne vois aucune mesure concernant les rythmes scolaires. Qu'en est-il des contrats éducatifs locaux ? L'objectif n'est-il pas de faire payer davantage encore les collectivités locales ? Qu'en est-il des ZEP ou plutôt des REP ? Que vont devenir les primes versées aux professeurs qui exercent dans ces quartiers difficiles et qui sont un encouragement réel, même si elles sont au demeurant bien maigres ? Les établissements qui étaient en ZEP et qui ne seront plus en REP conserveront-ils les avantages liés à leur ancien statut ? Quelles mesures de fond envisagez-vous pour régler les problèmes liés au statut des enseignants de l'enseignement privé ? Je pense en particulier à leur retraite.

Qu'en est-il des postes vacants de cette rentrée que vous avez annoncée à zéro défaut ? A titre d'exemple, nous recevions hier une délégation d'enseignants de l'académie de Créteil qui nous expliquaient que, le 7 octobre dernier, 300 postes étaient vacants dans leur académie.

Comment expliquer un tel dysfonctionnement ? Est-il normal que les jeunes aient à descendre dans la rue pour que le problème trouve un début de solution ? Permettez-moi une dernière remarque d'ordre général.

Vous vous félicitez d'avoir un bon budget car il augmente fortement. En somme, votre budget serait bon pour la seule et simple raison qu'il est en augmentation. J'oserais presque vous dire le contraire. Il ne servira pas à grandchose d'augmenter les moyens budgétaires de l'éducation nationale tant qu'une réforme d'envergure ne sera pas mise en place. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jean-Pierre Baeumler.

Vous ne l'avez pas menée !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Il fallait le dire avant !

M. Bruno Bourg-Broc.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, peut-être un peu trivialement, le fond du problème, ce n'est pas seulement le fric. Il ne sert à rien d'empiler les milliards sur les milliards tant que l'on ne s'attaque pas au problème de fond.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Zéro pointé ! Tout le monde le sait, même M. Bayrou.

M. Bruno Bourg-Broc.

En l'espace de dix ans, le budget est passé de 198 à 350 milliards, et ce sans compter les 120 milliards dépensés par les collectivités locales.

En 1997, la dépense totale d'éducation dans notre pays a été de 591 milliards de francs. Le système marche-t-il mieux pour autant ? Nos enfants savent-ils mieux lire et écrire en sixième ? Y a-t-il moins de violence à l'école ? Les inégalités culturelles et sociales ont-elles été réduites ? L'insertion professionnelle est-elle meilleure ?

M. Jean-Luc Warsmann.

Bonne question !

M. Bruno Bourg-Broc.

A toutes ces questions, on peut répondre non.

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Exactement !

M. Bruno Bourg-Broc.

L'augmentation budgétaire a permis de faire face à une massification au lycée et à l'université. Elle n'a pas permis de gérer la qualité mais seulement la quantité, et encore...

Il n'est pas impossible que notre système éducatif manque parfois de moyens, et c'est probablement le cas pour le supérieur, mais ce donc je suis sûr, c'est que les milliards nouveaux ne serviront pas à grand-chose tant qu'une réforme qualitative n'aura pas été menée. La seule réponse juste et honnête que des hommes politiques responsables doivent apporter aux lycéens - et c'est ce que nous voulons faire au RPR -, c'est qu'il ne faut pas répondre à coup de milliards, mais engager une véritable réforme du système scolaire.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Que ne l'avez-vous fait !

M. Bruno Bourg-Broc.

Je voudrais indiquer quelques pistes simplement.

Première piste, l'autonomie et la déconcentration.

L'une ne va pas sans l'autre. Il n'est plus possible de gérer depuis Paris un million d'enseignants. Le résultat est


page précédente page 07130page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

simple ! Il y a des classes sans prof et des profs sans classe. Ce n'est pas acceptable.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine David.

Que ne l'avez-vous fait !

M. Bruno Bourg-Broc.

Il n'est pas acceptable que 65 000 enseignants n'enseignent pas. Cette déconcentration, le RPR la réclame depuis fort longtemps. Elle est amorcée. Il faut la continuer. On ne gère pas le lycée de

M antes-la-Jolie de la même façon que le lycée Louis-le-Grand.

Mme Martine David.

Ce n'est pas un scoop !

M. Bruno Bourg-Broc.

Les « bons effectifs » dans un lycée ne sont pas forcément les « bons effectifs » dans un autre lycée. Il faut des pédagogies différentes, une organisation différente et une gestion différente de chaque établissement. L'équité, ce n'est pas forcément l'égalité.

M. Jean-Pierre Balligand.

Bourg-Broc La Palice !

M. Bruno Bourg-Broc.

Deuxième piste, une décentralisation globale et complète de l'entretien. On continue, bien sûr, pour la construction des bâtiments, mais on pourrait peut-être aller plus loin et confier aux régions, aux départements et aux communes la gestion du personnel non enseignant.

Troisième piste, enfin, une refonte totale et complète des programmes scolaires du CP à la terminale. Cela veut dire réorganiser complètement les programmes en fonction de la chronologie des enfants. A sept ou huit ans, on n'est pas du tout réceptif à un programme d'histoire encyclopédique. On est, en revanche, tout à fait réceptif, et bien plus qu'à treize ou quatorze ans, à l'enseignement des langues, des nouvelles technologies ou des sciences naturelles.

Nous devons imaginer une nouvelle organisation du temps scolaire et poursuivre ce qui s'est fait jusqu'à présent, sous forme d'expérience, l'aménagement des rythmes scolaires, mais nous devons aussi imaginer un a ménagement du temps de la chronologie des programmes.

Plus globalement, les programmes scolaires du collège ou du lycée sont dignes de l'agrégation. On demande aux lycéens d'avoir autant de connaissances qu'un agrégé, mais dans toutes les matières. Il faut recentrer tous les programmes sur les fondamentaux et uniquement les fondamentaux, tant en maths qu'en historie ou en géographie. Il faut faire moins, peut-être, mais beaucoup mieux, car qui se souvient de ce qu'il a appris au lycée, ne serait-ce que deux ou trois mois après le baccalauréat ? Il faut arrêter le bachotage et donner aux jeunes les clés de la compréhension.

En tout état de cause, il est scandaleux de promettre, comme vous venez de le faire cet après-midi, une réorganisation des programmes du lycée pour la Toussaint, en pleine année scolaire. C'est de la foutaise et de la démagogie.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Revoir les programmes ne se fait pas à la légère en deux semaines et en pleine année scolaire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Il faut cesser de gérer l'éducation dans l'urgence sous la pression des événements.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Il faut faire tout ce qui n'a pas été fait pendant quatre ans !

M. Bruno Bourg-Broc.

Je m'adresse spécialement à M. Allègre : arrêtez de faire des annonces et des promesses tonitruantes. Arrêtez les colloques et autres rapports. Respectez davantage les enseignants.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Le système scolaire s'en portera mieux. Arrêtez de défaire ce que vos prédécesseurs ont fait,...

Mme Marie-Jo Zimmermann et M. Jean-Luc Warsmann.

Très bien !

M. Jacques Fleury.

Ils n'auront pas de mal !

M. Bruno Bourg-Broc.

... comme la nécessaire réforme des rythmes scolaires, celle des collèges ou encore celle de l 'Université.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Je vous prie de conclure, monsieur Bourg-Broc.

M. Bruno Bourg-Broc.

Pour toutes ces raisons, et à cause de la méthode Allègre, très contestable, le groupe RPR votera contre ce budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Baeumler.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Monsieur le président, madame et monsieur les ministres, mes chers collègues, l'actualité lycéenne de ces derniers jours rappelle, s'il en était besoin, l'importance que revêt l'examen par notre assemblée du projet de budget de l'enseignement scolaire.

Celui-ci traduit les orientations politiques majeures définies par le Gouvernement dans le domaine éducatif. Il confirme les réformes courageuses et ambitieuses engagées depuis juin 1997, après quatre années d'immobilisme et de promesses non tenues. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Attaché à la consolidation et à la démocratisation d'un système éducatif performant, le Gouvernement entend poursuivre et accélérer la nécessaire et attendue rénovation du service public de l'éducation. L'arrivée dans nos établissements de dizaines de milliers d'emplois-jeunes, l'introduction des nouvelles technologies, la nécessaire déconcentration du mouvement des personnels enseignants du second degré, la charte de l'école du XXIe siècle illustrent, à titre d'exemple, cette volonté.

Je tiens à souligner également la qualité d'écoute dont font preuve le Gouvernement et ses ministres de l'éducation nationale à l'égard de nos jeunes lycéens, qui, hier encore, foulaient le pavé de nos principaux centres-villes.

Ces jeunes ont rappelé avec force leurs souhaits en matière de locaux ou de création de foyers lycéens. Ils ont dénoncé des emplois du temps trop lourds, des classes trop chargées. Ils ont mis en avant leurs exigences justifiées en matière de citoyenneté lycéenne et d'évolution des pratiques pédagogiques. Ils ont surtout demandé que soient concrétisés les espoirs exprimés lors de la consultation du printemps dernier.

Des réponses leur ont d'ores et déjà été apportées, par exemple, à travers la mise en place des conseils de la vie lycéenne. Il appartient maintenant aux lycéens de faire vivre ces outils d'une vie démocratique encouragée. La mise en oeuvre d'une déconcentration accrue du ministère permettra, par ailleurs, de remédier aux dysfonctionnements encore trop fréquents de notre système éducatif.

Surtout, vous venez, monsieur le ministre, de présenter un ensemble cohérent de mesures portant sur les locaux, l'amélioration de la qualité de vie lycéenne, les programmes et les effectifs, notamment.

Vous avez par ailleurs annoncé la mise en oeuvre de la réforme des lycées.


page précédente page 07131page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

Ce sont là des engagements précis et forts, dont la mise en oeuvre amplifiera les effets bénéfiques attendus par la conduite de votre politique et que traduit votre budget.

En augmentation de 4,1 %, le budget de l'enseignement scolaire confirme la priorité qu'accorde le Gouvernement de Lionel Jospin à l'éducation, et par là même aux attentes de nos jeunes. Dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques et de réduction du nombre d'élèves, l'effort financier mérite d'être souligné. Pour mémoire, en 1996, le budget affecté à l'enseignement scolaire a été réduit de 1,47 % et, en 1997, 5 212 postes d'enseignants étaient purement et simplement supprimés.

M. Jacques Guyard, rapporteur spécial.

C'est vrai !

M. Jean-Pierre Baeumler.

Ceux qui critiquent aujourd'hui haut et fort la légèreté des mesures annoncées pour les lycées devraient s'en souvenir.

M. Jean-Pierre Balligand.

M. Bourg-Broc, par exemple !

M. René Mangin.

C'est vrai !

M. Jean-Pierre Baeumler.

Ainsi, le Gouvernement a pris toute la mesure des défis que doit relever l'école du

XXIe siècle. Replaçant l'élève au coeur du système éducatif, il a compris que si l'école est par excellence le lieu de transmission du savoir, elle est aussi lieu de socialisation et d'émancipation. Répondre à cette ambition suppose de courageux arbitrages politiques, que nous retrouvons dans ce budget pour 1999.

Je vais en rappeler rapidement les grandes priorités.

Une des orientations majeures de ce budget est la poursuite des efforts en matière d'encadrement de nos établissements.

Il s'agit ensuite d'améliorer les perspectives de carrière des enseignants. De leur réussite dépend la réussite de l'école de demain.

E nfin, vous entendez, madame et monsieur les ministres, accentuer la lutte contre toutes les formes d'exclusion et consolider l'école citoyenne, grâce à des décisions tendant à améliorer la vie quotidienne dans les établissements.

Tout d'abord, malgré la baisse des effectifs, aucune suppression de postes d'instituteur ou de professeur n'est programmée. Bien au contraire, le budget prévoit la création pour la rentrée prochaine de 3 050 emplois d'enseignants du second degré. Cet effort permettra d'alléger les effectifs, d'améliorer les conditions de travail des élèves et des personnels de nos établissements, et aussi de concrétiser les engagements ministériels contractés en faveur des DOM-TOM et du département de la Seine-Saint-Denis.

Par ailleurs, la création de 250 emplois de CPE vise à améliorer l'organisation des services de la vie scolaire.

Celle de 1 000 assistants supplémentaires confirme la volonté de généraliser l'enseignement d'une langue étrangère en cours moyen.

En vertu du principe de gel des emplois publics, les postes créés sont gagés. Mais, contrairement à certaines déclarations, ce procédé budgétaire ne se traduira nullement par une diminution du nombre des surveillants.

Mieux, 3 000 postes supplémentaires seront créés.

Néanmoins, une réflexion doit s'engager sur le statut de ces personnels, qui date de 1937. Une redéfinition de leurs missions et des tâches qui leur incombent doit être engagée, prenant en compte notamment l'arrivée des aides-éducateurs.

Mais cet effort financier conséquent ne doit pas vous dispenser d'inscrire votre politique de recrutement dans u ne perspective pluriannuelle, ainsi que le stipule l'article 16 de la loi d'orientation de 1989. En effet, il y a lieu d'identifier, d'apprécier et de satisfaire les besoins de chaque académie dans chacune des disciplines enseignées, afin d'apporter une réponse efficace aux prochains départs en retraite et d'éviter l'embauche, à laquelle on a encore dû recourir cette année, de nouveaux contractuels.

Cette planification sur le long terme serait de nature à rassurer ceux qu'inquiètent légitimement la baisse du nombre de postes de professeurs ouverts au concours et l'évolution du nombre de professeurs stagiaires. En outre, au-delà du réemploi des maîtres auxiliaires décidé dès la rentrée 1997, une politique active de résorption de l'auxiliariat est conduite.

De même, le projet de budget pour 1999 programme la création de 616 emplois de non-enseignants, et de 216 emplois d'administratifs, de techniciens et d'ouvriers de service. Cet effort est significatif, mais il ne permettra pas de répondre à des besoins recensés. Là aussi, des solutions novatrices devront être recherchées.

Enfin, l'amélioration de l'encadrement et du fonctionnement de nos établissements est assurée par le recrutement des aides-éducateurs. Ceux-ci assurent l'animation des foyers socio-éducatifs, l'accès aux nouvelles technologies, le suivi d'élèves en difficulté.

Cette initiative, à laquelle les équipes pédagogiques ont adhéré, constitue une réussite incontestable. L'opposition nous reprochait hier de précipiter les choses. Elle ne peut aujourd'hui que s'incliner devant le succès de cette politique ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Pierre Lequiller.

Il prend ses désirs pour des réalités.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Je tiens aussi à insister sur la nécessité d'assurer la formation de ces jeunes. Des crédits de l'ordre de 8 millions de francs sont d'ailleurs inscrits à ce titre à votre budget, monsieur le ministre. Mais il importe aussi de réfléchir à une insertion professionnelle durable des aides-éducateurs.

On ne peut bâtir l'école de la qualité - c'est la seconde orientation - sur le découragement, sur les incertitudes professionnelles de ceux qui y enseignent ou y apportent la contribution de leur travail. C'est avec le personnel, dont je tiens à rappeler le sens des responsabilités et la disponibilité, grâce à un dialogue constant avec leurs organisations syndicales que nous construirons cette école moderne et ouverte dont notre société a besoin. Il est donc nécessaire d'être à l'écoute de leurs légitimes revendications. C'est ce que vous faites, monsieur le ministre.

Ainsi, le budget prévoit une notable accélération de l'intégration des instituteurs dans le corps des professeurs des écoles.

En outre, la mise en oeuvre des différents plans de revalorisation établis par Lionel Jospin et Jack Lang, ou encore ceux prévus par l'accord du 9 février 1990 se poursuit.

Par ailleurs, la revalorisation du statut des personnels de direction du second degré et des inspecteurs continue.

Mais là aussi, je tiens à rappeler que près de 900 postes de personnels de direction ne sont pas pourvus par des titulaires. Cette situation préoccupante appelle une analyse sérieuse. Pour le moins, il y a lieu de redéfinir la


page précédente page 07132page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

mission et la place de ces personnels de direction, qui ne veulent pas être tenus pour responsables de toutes les difficultés de l'institution scolaire.

M. André Schneider.

Vous avez raison !

M. Jean-Pierre Baeumler.

Je souhaiterais mentionner brièvement trois revendications essentielles, qui mériteraient une meilleure prise en considération : premièrement, les décharges des directeurs d'écoles primaires ; deuxièmement, l'accès au hors classe des personnels de second degré ; troisièmement, les mesures timides relatives aux ATOS, qui ne sont pas à la hauteur des revendications justifiées de ces personnels.

M. Pierre Lequiller.

Nulles !

M. Jean-Pierre Baeumler.

Troisième orientation : la solidarité. La solidarité passe d'abord par la relance des zones d'éducation prioritaires - ZEP - et la création des réseaux d'éducation prioritaire - REP : donner plus là où la tâche est la plus difficile, là où la contrainte sociale est la plus forte. Les efforts financiers sont significatifs, alors que les crédits avaient été régulièrement baissés après 1993. Les ZEP retrouvent, grâce à ces moyens nouveaux, le rôle qu'elles n'auraient jamais dû quitter, d'être pour les territoires en difficulté les fers de lance d'une action en profondeur et un indispensable préalable à toute rénovation sociale ou économique.

La solidarité, ce sont également les décisions audacieuses prises dans le domaine des bourses ainsi que celles prises en matière de fonds sociaux et du fonds des cantines. Dans cette optique, un bilan de la mise en place des fonds tendant à juger de la pertinence de leurs interventions serait le bienvenu.

Quatrième orientation : l'amélioration de la vie quotidienne des établissements. Je note, à cet égard, la volonté de renforcer le partenariat avec les familles. Ils sont des relais précieux de l'institution scolaire, avec les ambitions d'éducation au civisme et à la citoyenneté, de lutte contre l'échec et la violence scolaires.

La prévention de la violence à l'école mobilise également les autorités ministérielles : présentation d'un plan de lutte exceptionnel et pragmatique contre ce fléau, lutte contre le racket, organisation de classes relais, renforcement des actions d'éducation citoyenne... Ces actions ne porteront leurs fruits que si les conduites non citoyennes sont sanctionnées dans des délais significatifs. Dans ce cadre, je me réjouis du renforcement de la coordination entre les interventions du ministère de la justice et du ministère de de l'éducation.

La volonté d'améliorer la vie quotidienne est confortée par l'importance enfin reconnue de la santé scolaire, qui fait par ailleurs l'objet d'un plan de relance. Cependant, les personnels médicaux restent trop peu nombreux. Le recrutement prévu au présent budget de trente postes de médecins scolaires ne permet pas la conduite d'une politique efficiente, car concertée, de prévention, d'éducation à la santé. Des collègues reviendront d'ailleurs sur cette question.

Dernier point : l'ouverture des établissements. Elle est encouragée par le développement des activités périscolaires formalisées dans les contrats éducatifs locaux.

Ainsi, l'école ne se cantonne plus à son unique mission, néanmoins primordiale, d'enseignement. Elle s'implique dans la structuration individuelle et sociale des élèves, à qui elle apprend à affronter, avec les meilleurs atouts, la vie professionnelle et sociale.

J'en viens à ma conclusion. Le budget pour 1999 traduit une volonté forte de poursuivre et d'intensifier la rénovation et la modernisation du système éducatif. Votre budget, madame et monsieur les ministres, s'inscrit dans une dynamique de réforme profonde et nécessaire engagée depuis dix-sept mois. L'engagement de la réforme des lycées en est l'illustration. Le Gouvernement a enfin donné un sens à l'idée-phare de la loi d'orientation de 1989, celle qui consiste à replacer l'enfant au coeur du système éducatif. Nos lycéens, notre jeunesse peuvent commencer à croire dans leurs chances de réussite dans l'avenir.

Le Gouvernement et sa majorité parlementaire veilleront à ce que les générations d'aujourd'hui scolarisées acquièrent les moyens de trouver leur place dans une société en évolution constante.

Madame et monsieur les ministres, mes chers collègues, vous l'aurez compris, c'est avec confiance, résolution et enthousiasme que le groupe socialiste votera votre budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Guy Hermier.

M. Guy Hermier.

Monsieur le président, madame et monsieur les ministres, mesdames, messieurs, après la levée en masse des lycéens, ces derniers jours et hier encore, rarement discussion du budget de l'éducation nationale aura été aussi attendue que celle qui s'ouvre aujourd'hui.

Des centaines de milliers de lycéens, de collégiens, mais aussi d'enseignants, de parents - et avec eux l'opinion publique, qui, à 88 %, soutien leur action - en espèrent des réponses à la mesure de leurs attentes et de l'enjeu.

L'enjeu est, en effet, considérable. Nous vivons une époque où la formation est devenue une question centrale dont dépend l'avenir de chacun et de tous. Elle met notre pays face à un défi de la même taille que celui qu'il a fallu relever en posant les fondements de l'école obligatoire à la fin du siècle dernier, ou en jetant les bases de l'école pour tous, après la Seconde Guerre mondiale. Une nouvelle étape est à franchir, celle d'une école réellement ouverte à tous, d'une école encore plus ambitieuse sur les contenus qu'elle enseigne, les comportements qu'elle éduque, les valeurs qu'elle porte, bref, d'une école de la réussite pour tous. Il ne s'agit donc pas seulement de préserver, mais de moderniser, de transformer notre système éducatif à la mesure de ces enjeux.

Il y a un an, lors de la discussion de votre premier budget, j'avais affirmé avec force que vous trouveriez toujours le groupe communiste à vos côtés dès lors qu'il serait question de nourrir cette ambition rénovatrice.

Mais j'avais également tenu à vous dire que des annonces tous azimuts qui dégageaient mal vos priorités - peut-être, aujourd'hui, les dégagent-elles un peu trop bien - et surtout les moyens de les mettre en oeuvre, le sentiment que vous donniez d'être peu porté sur le dialogue social, comme certains propos inutilement agressifs à l'égard des enseignants, ne nous semblaient pas de bonne méthode. « Vous courez le risque, disais-je, de désorienter, de décevoir, de diviser alors qu'il faudrait rassembler les acteurs du monde éducatif autour de choix de transformation et de progrès mobilisateurs. »

Je regrette que, pour une part, vous ne nous ayez pas entendus.

Cette rentrée a vu l'expression du mécontentement et, plus profondément, d'un mal-être des enseignants, que vous auriez grand tort de sous-estimer. Et puis, il y a


page précédente page 07133page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

cette déferlante lycéenne, qui traduit l'inquiétude de toute une jeunesse face à un avenir incertain, par ces temps de chômage, de petits boulots, d'exclusion.

Les lycéens vous le disent, nous le disent : ils ne veulent pas travailler moins, mais étudier mieux, dans de b onnes conditions. Ils veulent réussir. Or ils sont confrontés au manque de professeurs, aux effectifs surchargés, à l'insuffisance des personnels non enseignants et de surveillance, à des conditions de travail souvent détestables. Ils en ont assez ! Et ils ont raison.

Ils veulent du même pas vivre et apprendre au lycée comme de jeunes adultes. Ils revendiquent d'être des acteurs d'une véritable vie démocratique. Or les droits n ouveaux d'expression conquis après le mouvement lycéen de novembre 1990 sont restés limités et très peu mis en oeuvre. Ils veulent aujourd'hui être considérés - au sens fort du terme - comme des lycéens-citoyens. Ils ont raison ! Vous avez déclaré, monsieur le ministre, comprendre le message qu'ils vous adressaient. C'est bien. Mais après la consultation nationale de l'an dernier, vous n'avez pas su prendre la mesure de ces attentes et leur apporter les réponses qu'il fallait, quand il le fallait. Il n'est pour s'en convaincre que d'examiner le projet de budget pour 1999 que vous nous avez soumis avant les mesures prises ce matin par le Gouvernement, sous la pression du mouvement lycéen - et sur lesquelles je reviendrai dans un instant.

Le budget des enseignements scolaires, qui ne sera pas sensiblement modifié par ces mesures, s'élève pour 1999 à environ 300 milliards de francs, soit une progression de 4,1 %. Cette augmentation, apparemment substantielle, est toutefois très relative, car il faut prendre en compte les mesures déjà acquises, les transferts comme celui des crédits de bourses, la répercussion mécanique de l'accord salarial ou de l'augmentation des départs en retraite. En fait, les crédits pouvant servir à des mesures réellement nouvelles se limitent à 1,6 milliard, soit moins de 0,5 % du budget total des enseignements secondaires. C'est pour le moins modeste.

Certes, votre budget permet de satisfaire des revendications auxquelles nous sommes attachés, comme le maintien de l'allocation de rentrée scolaire, ou encore la réforme des bourses des collèges, l'accès des plus démunis à la cantine, le plan anti-violence et, du moins, dans ses objectifs, le projet de l'école du XXIe siècle. Mais, dans l'ensemble, nous trouvons qu'il ne répond pas aux besoins.

C'est vrai pour les emplois d'enseignants. Si, dans le primaire, les mesures de suppression de postes un moment envisagées ont heureusement été abandonnées et si 1 000 équivalents temps plein d'assistants étrangers sont créés, mais encore rémunérés sur crédits - j'en p arlerai tout à l'heure -, dans le second degré, en revanche, la situation est très préoccupante. Vous mettez en avant la création de 3 300 emplois d'enseignants, mais ceux-ci ne le seront que par redéploiement intégral.

Le projet de budget conduit même à la suppression de 300 millions de francs de crédits de remplacement, soit 1 350 équivalents temps plein. Sans parler de l'engagement pris de doter la Seine-Saint-Denis et les DOM de 3 800 emplois en trois ans, dont ils ont un urgent besoin mais dont le financement se fera là encore par redéploiement. C'est dire que, dans la plupart des cas, la rentrée 1999 ne s'opérera même pas à moyens constants.

A cela, il faut ajouter la réduction des postes aux concours, qu'il s'agisse du gel total des emplois de stagiaires dans le second degré ou de la suppression de 490 emplois de stagiaires dans le premier degré. C'est l'avenir qui est ainsi compromis, en tout cas les prochaines années.

Enfin, la poursuite de la transformation de certains emplois en simple ligne de crédits nous pose un réel problème. Ce processus fragilise l'emploi public, estompe la référence à un statut et rend plus difficile le contrôle de l'utilisation de ces crédits déconcentrés.

Cette question de l'emploi se pose avec encore plus d'acuité en ce qui concerne les personnels non enseignants, réduits à la plus simple expression dans votre budget : 216 emplois d'ATOS et 400 emplois dans les services sociaux et de santé - 185 infirmières, 30 médecins - où sont vos engagements, madame la ministre ? 185 assistantes sociales. Au regard de l'immensité des besoins exprimés par les lycéens, ces mesures ont un peu fait l'effet d'une provocation.

Enfin, s'agissant des transformations d'emplois, les engagements pris par le Gouvernement sont tenus dans le premier degré puisque le contingent annuel des professeurs d'école passe d'un peu plus de 14 000 à un peu plus de 20 000. Voilà une bonne mesure, qui mérite d'être prolongée.

Il n'y a, par contre, aucune transformation d'emplois de certifiés en agrégés. Le retard accumulé s'élève à 9 438 possibilités de promotions annuelles. Les enseignants du second degré se voient toujours refuser l'application intégrale du protocole de revalorisation signé par M. Lionel Jospin en son temps, en 1989. C'est tout à fait inacceptable.

Encore un mot pour vous demander que toutes les dispositions soient prises, notamment en matière de formation, pour ouvrir aux emplois-jeunes dans l'éducation nationale la perspective d'une pérennisation de leur parcours professionnel, notamment dans les emplois statutaires.

Parlant des emplois-jeunes, comment ne pas dire notre total désaccord avec votre décision de les financer pour l'essentiel par une réduction de 17 % du taux des heures supplémentaires qui, rappelons-le, peuvent être imposées aux enseignants. Amputer ainsi la rémunération des enseignants du second degré au moment où certains envisagent d'alourdir leur charge de travail n'a tout de même pas grand-chose à voir avec une politique de gauche !

M. Claude Goasguen.

Ni avec une politique de droite !

M. Guy Hermier.

Pourtant, vous nous avez habitués à ce genre de chose quand vous étiez au pouvoir !

M. Claude Goasguen.

Nous n'avons jamais supprimé les heures supplémentaires !

M. Guy Hermier.

Nous vous demandons, monsieur le ministre, de revenir sur cette décision et de transformer, comme le demandent de longue date les syndicats, l'essentiel de ces heures supplémentaires en emplois.

Un dernier mot pour dire que ni pour la scolarisation en maternelle des enfants dès l'âge de deux ans, ni pour l'amélioration tant attendue des ZEP - sur ce point, nous a ttendons vos explications -, ni pour l'éducation physique et sportive, où la diminution de 2 millions de francs de la subvention allouée à l'Union nationale des sports scolaires va entraîner une augmentation des cotisations demandées aux familles, votre budget ne répond vraiment aux attentes.


page précédente page 07134page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

M. Bruno Bourg-Broc.

Nous ne sommes pas les seuls à le dire !

M. Guy Hermier.

Alors, monsieur le ministre, sous le feu de la contestation lycéenne, vous vous êtes efforcé de justifier votre politique et votre budget par des arguments pour le moins discutables.

Nous nous inscrivons par exemple en faux contre l'idée, que vous tentez d'accréditer, selon laquelle l'investissement éducatif aurait atteint une sorte de plafond dans notre pays. Vous ne cessez de répéter que le budget de l'éducation nationale est passé de 198 milliards de francs en 1988 à 345 milliards de francs en 1998.

C'est vrai. Mais ce que vous oubliez de dire, c'est qu'après un net fléchissement au milieu des années 80, notamment en 1988, la part du budget de l'éducation nationale dans le PIB - ce qui importe - retrouvera en 1999 son niveau de 1982, c'est-à-dire environ 3,5 %. Or les besoins se sont considérablement accrus. Le pourcentage de bacheliers dans une génération, qui n'était encore que de 43 % au début des années 90, est aujourd'hui de 65 %. Et nous n'avons pour notre part pas abandonné - j'espère que c'est le cas du Gouvernement l'objectif fixé par la loi d'orientation de 1989 de porter 80 % d'une classe d'âge au niveau du bac.

Notre pays est loin d'en avoir fini avec les efforts à consentir pour un investissement éducatif à la mesure de nos besoins de développement.

Notre problème n'est donc pas désormais, comme vous l'affirmez avec une belle constance, de simplement mieux répartir des moyens pour l'essentiel suffisants. Qui peut sérieusement accorder crédit aux faux-semblants d'une statistique qui, en mêlant tout - cours, options, modules et TP - vous permet d'afficher le chiffre d'un enseignant pour environ dix lycéens ? Ces derniers savent compter, et vous feriez mieux d'annoncer un calendrier de réduction significative du nombre d'élèves par classe dans les lycées. C'est ce qu'ils attendent.

Qui peut, par ailleurs, sérieusement penser que la déconcentration du mouvement des enseignants contribuera à résoudre les problèmes cruciaux des lycées et des collèges, dont vous ne dites d'ailleurs pas grand-chose ? Cela ne permettra pas d'ajouter un enseignant de plus.

En outre, on sait les difficultés que rencontrent aujourd'hui les rectorats pour la seule gestion des titulaires académiques.

Enfin, une chose est d'engager une réflexion sur les programmes, une autre chose serait de tailler dans les modules, les options et les filières auxquels les lycéens manifestent leur attachement. J'emploie à dessein le conditionnel car j'ai bien entendu les propos que M. le ministre a tenus tout à l'heure.

A ce sujet, je tiens à vous mettre en garde, contre la tentation que vous pourriez avoir d'utiliser le mouvement des lycéens pour faire passer en force votre propre réforme des lycées.

Déjà, avant les vacances, nous avions contesté le fait que le rapport Meirieu et vos onze principes de référence expriment la volonté qui s'est majoritairement dégagée de la consultation nationale des lycées et des enseignants.

Nous vous avions demandé, que, au-delà des moyens dont nous parlons aujourd'hui, la réforme des lycées, qui s'impose d'urgence en matière de contenu des enseignements, de filières, d'horaires, d'effectifs et de vie démocratique, fasse l'objet des concertations nécessaires et d'un véritable débat au Parlement. Vous en avez pris l'engagement. Il est temps, grand temps de le tenir. Je vous le demande à nouveau avec insistance. De toutes parts, on avance que le problème des lycées n'est pas que quantitatif mais tout autant qualitatif. C'est vrai. Raison de plus pour en débattre ici.

Pour en revenir au budget qui nous occupe aujourd'hui, notre groupe avait annoncé que si ce budget restait dans l'état que je viens d'analyser, si aucune mesure n'était prise dans l'immédiat et à moyen terme pour répondre aux attentes lycéennes, il voterait contre.

Les mesures que vous venez d'annoncer portent pour une part la marque du mouvement des lycéens. Je pense notamment à ce qui concerne la démocratie lycéenne, le fonds exceptionnel pour les régions ou le rapport annuel sur l'évolution de l'investissement éducatif - ce dernier point correspond à une demande de notre groupe.

Pour autant, s'agissant de la démocratie, les choses commencent mal si j'en crois l'information selon laquelle trois délégués de la coordination des lycées Marseilleveyre, Victor-Hugo et Ampère à Marseille viennent d'être renvoyés.

M. Jean-Paul Bret.

Ce n'est pas le ministre qui les a renvoyés !

M. Guy Hermier.

Certes, ce n'est pas le ministre qui les a renvoyés, mais je souhaite mentionner cette situation, y compris pour que celui-ci précise ce qu'il convient de dire dans ces affaires. Il ne faut pas que nous nous retrouvions demain en présence de mesures qui, en fait, n'auraient pour seul objet de freiner le mouvement des lycéens. Si c'est la démocratie, il faut que ce soit la démocratie ! Il convient également d'ajouter que l'effort financier portera essentiellement sur les régions et très peu sur le budget de l'Etat.

En ce qui concerne l'allégement des programmes, je renouvelle notre demande que, conformément aux engagements pris, la réforme des lycées ne soit pas laissée à la seule discrétion du ministre, mais fasse l'objet d'une concertation avec les acteurs concernés et d'un débat à l'Assemblée nationale.

Enfin, sur deux questions qui sont au coeur du mouvement des lycéens - les postes d'enseignants et les effectifs -, vos réponses ne sauraient nous satisfaire, monsieur l e ministre. Vous n'avez annoncé aucune création d'emplois d'enseignants ni même, si j'ai bien compris mais peut-être va-t-on éclairer ma lanterne -, de personnels ATOS, alors que les besoins sont à l'évidence criants.

Par ailleurs, nous souhaiterions obtenir des précisions sur les 10 000 emplois-jeunes annoncés. S'agit-il d'une mesure nouvelle ? De même, les 3 000 postes de surveillants seront-ils financés par des moyens supplémentaires ou par de nouveaux redéploiements ? Quoi qu'il en soit, on reste assez loin du compte.

Du coup, la réduction des effectifs par classe risque d'être limitée. D'ailleurs, si vous annoncez une réduction à 35 élèves par classe pour les terminales en 1999 - ce dont nous vous félicitons, mais il faudra aller au-delà -, vous ne dites pas grand-chose sur les autres classes, notamment sur celles de secondes, dont on sait que ce sont les classes les plus surchargées.

Monsieur le ministre, notre groupe prend acte des premières avancées qui sont à mettre au crédit du mouvement des lycéens, des enseignants, des parents et de toutes les forces, dont nous sommes, qui ont apporté à ce mouvement leur soutien. Vos mesures restent cependant insuffisantes pour répondre pleinement aux attentes.


page précédente page 07135page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

Notre groupe s'abstiendra donc sur votre budget et continuera son action solidaire avec tous les acteurs du système éducatif pour donner une autre ambition à la politique éducative de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. Jean-Luc Warsmann.

Ça, c'est la majorité plurielle !

M. le président.

La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen.

Monsieur le ministre, madame le ministre, au fond, depuis cet après-midi, de quel budget parlons-nous ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Vous allez nous le dire ! M. le président. Continuez, monsieur Goasguen, ne vous laissez pas interrompre !

M. Claude Goasguen.

De toute façon, les interruptions ne seront pas décomptées sur mon temps de parole ! (Sourires.) Mais si la majorité le souhaite, l'opposition peut se taire ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

Non, parlez, parlez !

M. Jean-Louis Idiart.

On n'est pas au conseil de Paris !

M. le président.

Vous avez la parole, monsieur Goasguen.

M. Claude Goasguen.

Jusqu'à quatre heures de l'aprèsmidi, ce budget était sans doute le budget de la République, mais il ne l'est plus puisque selon une dépêche de l'AFP, que j'ai lue avec quelque étonnement, le ministre a annoncé le jour même de la discussion des on budget devant l'Assemblée nationale, ce qui, reconnaissons-le, ne manque pas d'une certaine saveur,...

M. Jean Launay.

Mais vous le saviez déjà depuis hier !

M. Claude Goasguen.

... le recrutement de 3 000 surveillants, de 10 000 emplois-jeunes et de 1 000 appelés - ce qui, bien entendu, coûte moins cher -, la création d'un fonds de 4 milliards de prêts bonifiés pour les régions - ça non plus, ça ne coûte pas cher - et l'embauche de 1 000 lecteurs étrangers pour aider dans l'enseignement des langues.

Bref, comme l'a rappelé M. Hermier tout à l'heure, il s'agit tout de même de dispositions de nature budgétaire.

Or nous n'avons aucune estimation du coût de telles mesures, aucune notion de l'endroit où nous allons trouver les crédits pour les financer.

Deux solutions se présentent. Ou bien ces crédits sont pris sur des lignes du budget initial, et vous comprendrez que, dans ces conditions, il est légitime que l'Assemblée nationale pose quelques questions. Ou bien il s'agit de mesures nouvelles, mais alors lesquelles ? Et, en tous cas, où sont les recettes ? En toute hypothèse, même si je sais bien que les circonstances s'y prêtent, je trouve le procédé pour le moins cavalier.

Le ministre aurait pu envisager - ça aurait été exceptionnel, mais pourquoi pas ? - un report de l'examen de son budget, de manière à bien harmoniser les promesses qu'il a faites cet après-midi - et qui, je l'espère, seront tenues - et la réalité budgétaire telle que nous allons l'examiner.

J'avais déjà noté l'an dernier que les emplois-jeunes n'étaient pas budgétés. On a bien constaté d'ailleurs qu'ils ne l'étaient pas puisque, en cours d'année, le ministre a été obligé de faire une de ces pirouettes budgétaires dont on n'a pas le secret normalement dans les finances républicaines.

Mme Nicole Bricq.

Et vous, les pirouettes, vous ne connaissez pas !

M. Claude Goasguen.

On a payé les emplois-jeunes, M. Hermier l'a rappelé, en réduisant de 17 %, et ce sans concertation préalable, le taux des heures supplémentaires des enseignants.

M. Jean-Louis Idiart.

C'est un putsch, comme au conseil de Paris !

M. Claude Goasguen.

Ce n'est ni une politique de droite ni une politique de gauche. C'est une politique exceptionnelle ! Les emplois-jeunes ont bien été payés, mais, en vérité, il y avait un vide budgétaire.

Le présent budget est tout à fait à l'opposé des propos que tient le ministre. Autant le ministre dresse un tableau rutilant de l'avenir qu'il ouvre au système éducatif, autant ce budget est d'un conformisme étonnant.

Et je le soulignerai en quatre points.

Premièrement, vous faites état, monsieur le ministre, d'une progression des crédits de 4,1 %. En vérité, il n'en est rien. Comme 3 % de la croissance du budget sont dus à une augmentation automatique, la croissance réelle du présent budget n'est que de 1,1 % ! D euxièmement, vous nous parlez de créations d'emplois. Or il n'y en a pas.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Mais si !

M. Claude Goasguen.

Non, puisque le nombre de ces créations d'emplois est équivalent à celui des suppressions d'emplois ! Dans ces conditions, ce n'est donc pas la peine de nous annoncer qu'il y aura un meilleur encadrement, puisque l'on est à budget « enseignants » constant.

C'est la vérité des chiffres.

Troisièmement, vous nous aviez annoncé que, dans le pachyderme auquel on fait référence en général, c'était l'administration centrale qui devait être dégraissée en priorité. Or, sur les 3 474 personnes formant cette administration, vous avez supprimé 104 postes, essentiellement ceux de directeurs qui ne partagent pas vos opinions politiques. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Baeumler.

Ces propos sont scandaleux !

M. Bruno Bourg-Broc.

Non, ils sont exacts. Vous ne pouvez pas dire le contraire !

M. Claude Goasguen.

Quatrièmement, rien dans ce budget n'améliore la carrière des professeurs.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Si !

Mme Nicole Bricq.

Vous n'avez pas bien regardé !

M. Claude Goasguen.

Non, rien dans ce budget n'améliore la carrière des professeurs, et je le regrette. Les professeurs ont été profondément choqués par certains propos du ministre. Vous ne pourrez pas faire la réforme de l'enseignement à laquelle, désormais, n'aspirent pas seulement les lycéens, mais, je crois, la plupart des enseignants et l'ensemble de la population, si vous continuez à maltraiter ainsi le personnel enseignant. Car il n'y aura pas de réforme de l'enseignement - ni primaire, ni secondaire, ni supérieur - sans la participation active des enseignants. Vous avez négligé cela, et c'est sur cet écueil que viennent échouer toutes les ambitions réformatrices du Gouvernement : d'une part, l'opinion désire un nouveau lycée, et les lycéens vous le font savoir massivement


page précédente page 07136

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

dans la rue ; d'autre part, la réalité de votre politique, on le voit bien, ne suit ni votre discours ni la volonté réformatrice de l'opinion. De fait, vous avez eu des mots malheureux et votre politique ne prend pas suffisamment en considération les enseignants.

Aujourd'hui, vous êtes dans une situation exceptionnelle, non pas à cause des manifestations, il y en a souvent dans l'enseignement et dans l'éducation,...

M. Jean-Pierre Baeumler.

Vous vous souvenez de votre ancien copain Bayrou !

M. Claude Goasguen.

... mais parce que nous sommes à la fin d'un siècle où, désormais, notre système éducati f, hérité d'un passé glorieux, a atteint ses limites, et où des réformes profondes d'organisation peuvent être envisagées. L'opinion est prête à les suivre, et je crois que vous ne pourriez pas, l'an prochain, revenir avec un budget aussi conformiste que celui que vous nous présentez aujourd'hui.

Je crois que, désormais, vous avez l'intention d'appuyer la déconcentration - et nous vous soutiendrons si vous allez dans cette direction -, mais la déconcentration n'est p as une fin en soi. La déconcentration prépare l'autonomie.

Mme Nicole Bricq.

Ah ! ça y est !

M. Claude Goasguen.

L'autonomie prépare le choix.

Le choix prépare la qualité. Et ce système-là, qui est celui du

XXIe siècle, est le contraire de celui qui a fait ses preuves, mais qui ne les fait plus, c'est-à-dire un système fondé sur la centralisation, la dépendance et l'obligation.

Monsieur le ministre, nous voterons bien entendu contre votre projet de budget, parce que nous croyons vraiment que, si vous êtes inégal à l'oral, vous êtes très mauvais à l'écrit, et que, dans le système français, on ne peut pas réussir à l'oral quand on n'a pas d'abord réussi à l'écrit. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants, vous êtes collé, et nous voterons contre votre budget ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999, no 1078 : M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1111).

Enseignement scolaire (suite) : Education nationale : M. Jacques Guyard, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 17 au rapport no 1111). Enseignement scolaire : M. Yves Durand, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 1112, tome V).

La séance est levée.

(La séance est lévée à dix-neuf heures quarante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT