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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

YVES

COCHET

1. Saisine pour avis d'une commission (p. 7207).

2. Loi de finances pour 1999 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 7207).

ÉQUIPEMENT ET TRANSPORTS M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les transports terrestres.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis de la commission de la production, pour l'équipement et les transports terrestres.

M. François d'Aubert, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les transports aériens et la météorologie.

M. François Asensi, rapporteur pour avis de la commission de la production, pour les transports aériens.

M. Guy Lengagne, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la mer.

M. André Capet, rapporteur pour avis de la commission de la production, pour les transports maritimes et fluviaux.

MM. Gilbert Biessy, Marc-Philippe Daubresse, Jacques Fleury, Guy Hascoët, Francis Delattre, Michel Bouvard, Daniel Paul, Jean-Pierre Blazy, Jacques Desallangre, Dominique Bussereau, Michel Inchauspé, Jean-Claude Daniel, Aloyse Warhouver, Julien Dray, Mme Odile Saugues.

Suspension et reprise de la séance (p. 7239)

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

3. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 7253).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1998

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1 SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION

M. le président.

J'informe l'Assemblée que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a décidé de se saisir pour avis des propositions de loi de M. JeanPierre Michel (no 1118), de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues (no 1119), de M. Alain Bocquet et plusieurs de ses collègues (no 1120), de M. Guy Hascoët (no 1121) et de M. Alain Tourret (no 1122) relatives au pacte civil de solidarité.

M. Michel Bouvard.

C'est un remake ! (Sourires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

2 LOI DE FINANCES POUR 1999 (DEUXIÈME PARTIE) Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078, 1111).

ÉQUIPEMENT ET TRANSPORTS

M. le président.

Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'équipement, des transports et du logement concernant l'équipement et les transports.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les transports terrestres.

M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les transports terrestres.

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'équipement, des transports et du logement, mes chers collègues, le budget des transports pour 1999 a un mérite essentiel, celui d'être clair. Il dégage, en effet, trois priorités : le transport ferroviaire, les transports collectifs urbains et l'entretien des routes. Les autres actions ne sont pas sacrifiées, mais simplement reconduites à leur niveau de 1998, avec quelques légères diminutions.

La politique est l'art de faire des choix, compte tenu de multiples contraintes ; et la contrainte budgétaire n'est pas la moindre. Mais vos choix, monsieur le ministre, portent avant tout la marque du volontarisme. Vous privilégiez des actions qui concernent le plus grand nombre de nos concitoyens. J'aurai l'occasion d'y revenir.

Examinons d'abord les crédits. Les dotations des transports terrestres, des routes et de la sécurité routière s'élèvent pour 1999 à 5,968 milliards de francs en autorisations de programme et à 52,643 milliards de francs en crédits de paiement, soit, respectivement, une diminution de 2,7 % et de 0,3 %. Mais cette réduction est en partie compensée par les dotations du Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, qui, sur la base d'une prévision de recettes de 3,93 milliards de francs, affectera 1,59 milliard pour le réseau routier national, 450 millions pour les voies navigables et 1,89 milliard aux transports ferroviaires et au transport combiné.

Si l'on intègre le FITTVN, on relève donc une quasistabilisation des crédits avec 9,89 milliards de francs en autorisations de programme et 56,57 milliards de francs en crédits de paiement.

Permettez-moi, avant toute chose, de faire part à notre assemblée de la réticence croissante des membres de la commission des finances à l'égard du FITTVN. Ce fonds, faut-il le rappeler, est un artifice du gouvernement Balladur, afin de financer à la fois un lourd programme de TGV, le canal Rhin-Rhône et de nouvelles opérations routières. Il était évident, dès le départ, que ni le budget général, ni le fonds, ne pouvaient, même ensemble, assurer un programme s'élevant à plus de 200 milliards de francs.

M. Michel Bouvard.

Maintenant, il n'y a plus de programme !

M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial.

Or le canal Rhin-Rhône a été abandonné...

M. Michel Bouvard.

Les TGV aussi !

M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial.

... et le Gouvernement a eu le courage, au mois de février dernier, de déterminer le programme TGV dont il pouvait assumer le financement. Cela a eu le mérite de mettre fin aux chimères entretenues çà et là. Mais tirez-en les conséquences sur le plan budgétaire et supprimez ce marché de dupes qu'est le FITTVN. Sa seule gloire est d'avoir alourdi la fiscalité sur les sociétés concessionnaires d'autoroutes et les gestionnaires d'ouvrages hydroélectriques,s ans apporter de réponse aux problèmes essentiels.

Finance-t-il des politiques nouvelles, comme c'était sa vocation ? Non ! Il conviendrait d'avoir le courage de le supprimer et de rétablir l'unité budgétaire.


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Ensuite, le Gouvernement, en liaison avec le Parlement, devra poursuivre la réflexion sur ses choix et établira le schéma directeur des transports, qui contiendraclairement les projets d'infrastructures que la nation souhaite retenir, compte tenu des moyens budgétaires.

Ces moyens seront ensuite inscrits aux différentes lignes du seul budget du ministère des transports, dont la vocation est de retracer les dépenses de l'Etat.

Venons-en justement aux dépenses de l'Etat et aux priorités que vous dégagez. Avec le rail, notre pays dispose d'un mode de transport moderne, rapide, et qui contribue à la lutte contre la pollution. Les investissements demeurent cependant lourds, et il en est de même des dépenses de fonctionnement. Aussi est-il nécessaire de poursuivre la réforme du financement des infrastructures.

A ce titre, les premiers pas de Réseau ferré de France, qui sont certes rassurants puisque l'établissement s'est mis en place, suscitent déjà des interrogations.

Ainsi, les prévisions pour 1998 établissent un résultat net négatif de 14,5 milliards de francs. Cet état prévisionnel reflète la montée en charge de RFF et le déséquilibre structurel de ses finances, compte tenu du niveau des péages versés par la SNCF, du coût de l'entretien du réseau, du poids de la dette vis-à-vis de la SNCF et du niveau des investissements.

Pour 1999, les prévisions du budget de RFF sont marquées par la fin du régime transitoire de détermination des redevances d'utilisation des infrastructures. Le montant des redevances d'utilisation de l'infrastructure perçues par RFF a été plafonné par le décret du 5 mai 1997 à 6 milliards en 1998. Quant à l'évolution des péages pour les années à venir, les différents acteurs travaillent aujourd'hui à la définition d'un niveau de redevances permettant de mettre en place une tarification conforme à la réalité économique et d'améliorer l'équilibre du compte d'exploitation de RFF.

L'effort demandé à la SNCF devra cependant ne pas remettre en question le retour à l'équilibre de l'entreprise.

Les négociations qui ont cours actuellement sont donc cruciales. Quoi qu'on en dise, le transfert de la dette à Réseau ferré de France est un procédé comptable qui n'allège pas la charge financière de la puissance publique.

Rappelons que la dette ne s'éteindra qu'en 2023, si la situation financière ne s'aggrave pas.

Q uant à la SNCF, sa situation financière s'est incontestablement redressée en 1997, sous l'effet de la croissance des recettes de trafic et de nouveaux modes de gestion. L'essentiel de ce redressement est néanmoins dû à la création de RFF, qui a hérité de 134,2 milliards de francs d'endettement, ainsi qu'à un complément de désendettement par l'Etat, avec effet au 1er janvier 1997, par transfert au service annexe d'amortissement de la dette. Le résultat net enregistre donc une perte de 606 millions de francs au 31 décembre 1997, à comparer à 17,53 milliards à la fin de 1996.

Le volontarisme de l'Etat se traduit par la confirmation de ses engagements financiers mais le Gouvernement a souhaité réviser le schéma des investissements ferroviaires pour l'ajuster aux réalités financières. Les sept projets du schéma directeur des liaisons à grande vitesse représentaient un coût de 200 milliards de francs. A moins d'accroître inconsidérément les dettes de la SNCF et de RFF, il était donc irréaliste de pouvoir les financer simultanément. Aussi a-t-il décidé, lors du conseil interministériel du 4 février 1998, de privilégier les TGV-Est et Méditerranée. Les autres projets feront l'objet d'études plus approfondies.

Pour 1999, les concours de l'Etat enregistrent une infime diminution des dotations, avec une progression très faible de la dotation aux transports collectifs parisiens. La dérive du financement du transport en Ile-deFrance s'atténue, mais demeure.

Deuxième priorité de votre politique : les transports urbains. La dotation de l'Etat aux transports urbains de province augmente de 14 %, principalement allouée aux infrastructures et à l'amélioration de la qualité des transports. A cet égard, je relève la mise en place de la taxe sur les grandes activités polluantes, prévue par l'article 30 du projet de loi de finances pour 1999. L'instauration d'une taxe sur le diesel coûtera en effet 45 millions de francs environ aux autorités organisatrices de transport en province.

M. Michel Bouvard.

C'est scandaleux !

M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial.

Or le budget ne tient pas compte, dans ses dotations, de ces charges nouvelles. Ainsi, la taxe induira paradoxalement un effet pervers, car elle retardera le renouvellement du matériel roulant actuel par des véhicules moins polluants.

M. Michel Bouvard et M. Dominique Bussereau.

Très juste !

M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial pour les transports terrestres.

Les rigueurs de l'article 40 ne me permettaient pas de déposer un amendement, mais monsieur le ministre, si l'objectif d'une politique des transports est de décongestionner nos villes et de limiter la pollution, le Gouvernement trouve là l'occasion de confirmer son engagement en majorant seulement de 0,1 % le budget des transports.

En ce qui concerne l'Ile-de-France, on relève une augmentation des concours de l'Etat de 1 %, principalement due à l'indemnité compensatrice versée à la RATP. Plus de 5,6 millions de francs sont versés aux transports de cette région, et je reprends mes remarques de l'an passé.

Quand le Gouvernement opérera-t-il la réforme de l'organisation des transports d'Ile-de-France, pour qu'il soit mis fin à la dérive permanente de son coût ?

M. Francis Delattre.

Voilà une vraie question !

M. Michel Bouvard.

Il serait temps ! Il y a d'ailleurs un rapport intéressant sur le sujet !

M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial.

Nous espérons que les quelques changements intervenus ces derniers mois permettront d'aller plus vite que par le passé. En effet, le déficit permanent que couvre l'Etat s'effectue au détriment des liaisons en banlieue et entrave le développement des transports de province.

J'en viens enfin à l'aménagement routier, pour souligner, monsieur le ministre, que la commission des finances s'est émue du retard persistant dans l'exécution des contrats de plan, retard pris avant votre arrivée, je le précise.

M. Francis Delattre.

Mais qu'il n'a pas rattrapé !

M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial.

Comme c'est facile, monsieur Delattre ! Il est évident que le rythme des paiements n'était pas réaliste. L'endettement des sociétés d'autoroutes constitue un autre problème majeur, même s'il ne relève pas du budget au sens strict.

Le projet de budget accorde la priorité à l'entretien des routes. Le Gouvernement confirme donc une action annoncée l'an dernier, après plusieurs années de déclin. Il était temps, car nombre de voiries et d'ouvrages d'art présentaient de sérieuses déficiences.


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Sur un plan global, les autorisations de programme, comme les crédits de paiement des routes, sont en diminution, respectivement de 3,5 % et de 5,3 %. Et si l'on inclut le FITTVN, la diminution dépasse 6 %.

M. Michel Bouvard.

Eh oui !

M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial.

Cela repose le problème de ce fonds, et de manière criante. Alors qu'il devait financer de nouveaux programmes, il assure le plan routier du Massif central. Rien de nouveau, donc. Le Fonds a permis en réalité de diminuer les crédits du bleu budgétaire. Je devine en fait ce qui vous attache à ce fonds : l'affectation à votre ministère de la CNR. Mais si l'on diminue corrélativement vos crédits, je ne vois pas trop où est le bénéfice.

En conclusion, le budget que vous présentez est...

M. Michel Bouvard.

Plumé par Bercy !

M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial.

... sérieux, cohérent et politique. Vous donnez la primeur aux transports collectifs, et votre budget en est la traduction. C'est donc tout à fait logiquement que la commission des finances, sur ma proposition, a adopté les crédits des transports terrestres pour 1999 et demande à l'Assemblée d'en faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour l'équipement et les transports terrestres.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour l'équipement et les transports terrestres.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors du premier budget de cette législature, vous avez voulu, avec le Gouvernement, montrer votre détermination à améliorer la politique des transports, par une augmentation de la dotation budgétaire, comme je le rappelais à cette tribune il y a un an. Vous avez aussi allégé la dette de la SNCF de 20 milliards de francs supplémentaires, afin de contribuer au rétablissement financier de l'entreprise publique, en lui ménageant de nouvelles marges de manoeuvre.

Ces mesures étaient attendues. Elles ne doivent pas être oubliées aujourd'hui dans le commentaire de la loi de finances pour 1999. Ces mesures y sont intégrées et elles participent à l'évolution du budget de l'équipement et des transports terrestres. Ainsi, par le maintien de leur niveau, auquel il paraît naturel d'ajouter la dotation de 13 milliards de francs dont bénéficiera RFF, ces crédits poursuivent la politique engagée par le Gouvernement.

Je vais résumer en quelques mots les lignes de force de votre budget : stabilité de la dette ferroviaire pour au moins trois années, rééquilibrage en faveur des transports collectifs de province et du ferroviaire, diminution des investissements autoroutiers au bénéfice du réseau des routes nationales, limitation des baisses d'emplois dans les services de l'équipement, et, enfin, un bel effort pour la sécurité routière.

Nous avons donc affaire à un budget cohérent, par la mise en adéquation des priorités et des moyens attribués, et qui accentue les choix d'un rééquilibrage vers les transports collectifs et la multimodalité. Il est, en outre, particulièrement attentif à l'emploi, dans un secteur d'activité qui a en effet trop perdu d'emplois, et depuis trop longtemps.

M. Michel Bouvard.

Ça continue dans les DDE !

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis.

Ces choix sont à mon avis déterminants pour que soit mise en oeuvre la grande politique des transports que j'appelle de tous mes voeux. Ils sont déterminants pour trois raisons, monsieur le ministre. La première renvoie au fait désormais admis que notre pays ne peut pas poursuivre son développement en faisant l'économie d'une vaste politique des transports. La deuxième rappelle que la complémentarité des modes est indispensable devant la multiplicité des modes de transport et leur implication dans l'aménagement du territoire, pour transporter plus de machines et plus d'usagers. La troisième est dû au fait que notre pays est à lui seul une grande plate-forme multimodale. Cette réflexion nationale sur les transports doit placer la France au coeur de l'Europe.

Les enjeux sont à la hauteur de notre ambition. Après ce budget de stabilisation et les schémas de service inclus dans la loi d'orientation sur l'aménagement du territoire, le budget de l'an 2000 viendra, qui s'engagera, je l'espère, dans cette direction.

M. Michel Bouvard.

C'est toujours mieux demain !

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis.

La remob ilisation autour du rail reste l'événement fort de l'année 1998. La confiance en l'avenir, les efforts tenus et engagés et le retour de la croissance participent à cette reconquête sur tout le territoire.

Ainsi, le fret a gagné près de 9 % en 1997 et 3,7 % au cours du premier semestre 1998. Au cours des mêmes périodes les gains ont été respectivement de 1,6 % et 1,3 % pour le réseau voyageurs en Ile-de-France, de 3,8 % et 9 % pour le réseau principal. La part des trafics régionaux a été prépondérante dans cette reprise, sans oublier les services confirmés d'Eurostar, de Thalys et des TGV, qui ont connu une croissance de près de 15 % en cours du premier semestre de cette année.

En conséquence, le chiffre d'affaires de la SNCF devrait progresser de 1,8 milliard de francs. Ces résultats encourageants sont porteurs de progrès et d'espoir. Néanmoins il faudra beaucoup d'efforts et d'opiniâtreté, sans parler de volonté politique, pour résoudre l'ensemble des problèmes qui perdurent malgré tout dans cette branche d'activité. Je me bornerai à en citer deux.

Le premier est celui de la dette ferroviaire et de ce que l'on appelle plus communément les péages d'usage de l'infrastructure. Je ne reviens pas sur les engagements gouvernementaux ; ils sont indispensables et courageux. Il n'en reste pas moins que le poids de cette dette pèse sur l'avenir de RFF et de la SNCF car elle constitue une sacrée épine dans le pied du ferroviaire. Il faudra bien l'en extirper un jour. A la fin de cette année, elle atteindra environ 153 milliards de francs pour RFF et environ 45 milliards de francs pour la SNCF. Toutefois, celle du premier établissement relève uniquement de l'Etat, puisqu'il a été admis que cette dette d'infrastructure était à sa charge.

Malgré l'effort du Gouvernement qui a décidé d'affecter 37 milliards en trois ans à RFF, cette dette étouffe les possibilités d'investissement, dont on a dit, par ailleurs, qu'ils sont nécessaires pour une politique durable des transports. Les péages ou les redevances d'utilisation perçus par RFF sont liés à cette situation. Alors que le Gouvernement précédent avait délibérément sous-estimé leur montant à 6 milliards de francs en 1998, c'est le double qui est estimé nécessaire aujourd'hui. Or cette dotation financière ne peut pas, à mon avis, dépasser ses propres capacités contributives, soit entre 250 millions et 400 millions de francs. Le Gouvernement tranchera, mais, surtout, il devra certainement encore ajouter une dotation supplémentaire afin de débloquer la situation.


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A tous les niveaux, le Gouvernement a été omniprésent pour accompagner, faciliter et relancer les volontés dans ce domaine. La création du conseil national du service public ferroviaire, largement ouvert, devrait faciliter une m eilleure coordination et la transparence entre les deux organismes que sont RFF et la SNCF.

Revenant aux articles du budget pour 1999, je veux souligner que le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, et le fonds pour l'aménagement de la région Ile-de-France, le FARIF, sont mieux dotés encore cette année. Ainsi les moyens du premier augmentent de 30 millions de francs et l'essentiel de l'effort est porté sur les investissements en transport ferroviaire et sur le transport combiné.

Ce choix permettra d'accélérer le rééquilibrage en faveur du rail qui avait été amorcé l'an dernier face aux i nvestissements routiers neufs, qui diminuent par conséquent de 13 %. Cette augmentation de 15 % des crédits alloués au fer permettra de poursuivre le programme des lignes à grande vitesse et d'améliorer le réseau. Quant aux moyens du FARIF, ils sont destinés à favoriser davantage le réseau des routes nationales en Ile-de-France.

M. Michel Bouvard.

Avec une nouvelle taxe !

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis.

L'augmentation de 24 % des investissements en leur faveur permettra de mieux exécuter le contrat de plan qui s'achève en 1999, dans un secteur qui a pris beaucoup de retard. De plus, la contribution de l'Etat au fonctionnement des transports de la région parisienne est en augmentation par rapport à 1998.

M. Michel Bouvard.

Eh oui !

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis.

Elle profite à la RATP, afin de compenser les mesures tarifaires récemment mises en oeuvre en faveur des demandeurs d'emplois, des scolaires et des étudiants.

Le trafic brut de la RATP - ferré, bus, tramway - a enregistré une hausse de 2,7 % en 1997 et de 2,8 % pour les six premiers mois de 1998. Ces améliorations encourageantes dans une région où la baisse était de règle ces dernières années, prouvent que les lourds investissements réalisés ou en cours, comme METEOR ou EOLE, et les achats de matériels performants et propres sont positifs. Toutefois, l'ampleur de la reprise du transport collectif pourrait être remise en cause en Ile-de-France par la persistance de la délinquance qui occasionne des mouvements sociaux des personnels de la SNCF et de la RATP.

Ces casses déplorables et violents créent deux types de victimes : les agents et les voyageurs. L'émotion des personnels et de la population est légitime, car il n'entre pas dans leurs conditions de travail ou de trajet qu'ils soient exposés à des risques de cette nature.

Monsieur le ministre, en annonçant l'accroissement des effectifs de sécurité recrutés tant dans le cadre du statut qu'en emplois-jeunes, vous démontrez la détermination des pouvoirs publics à réagir. Pour la seule SNCF, 400 postes seront créés en 1999 et autant en 2000. En plus des 37 gares actuelles, 107 autres gares de banlieue d isposeront d'un personnel après vingt heures.

L'accompagnement sera renforcé à bord des trains. En outre, le Premier ministre a annoncé le dépôt d'un projet de loi qui alourdirait les sanctions à l'encontre des agresseurs.

Pour la RATP, le coût de la sécurité est estimé entre 400 et 500 millions de francs par an, ce qui correspond à plus de 10 % de la subvention d'équilibre apportée par l'Etat. Dans cet établissement public, beaucoup a été fait dans ce domaine, soit en coordination avec les forces de police, soit en interne avec le développement des agents de sécurité, tant dans le métro qu'en surface. Cependant, la RATP ne peut plus mobiliser, me semble-t-il, des moyens supplémentaires. Aussi l'Etat devra-t-il y suppléer.

Toutes ces mesures sont bien ressenties par la population et l'intérêt envers le transport collectif ne faiblit pas.

Il me paraît décisif de poursuivre l'effort contre le vandalisme et l'insécurité. Il faudrait encore plus d'agents dans les trains et les gares.

J'évoquerai, cette année encore, le problème récurrent du mode de financement de la RATP. Cette entreprise a réalisé de gros efforts pour atteindre ses objectifs en termes de sécurité, nous l'avons vu, mais aussi au regard de l'amélioration des conditions d'accès, de la propreté, du renouvellement des machines par du matériel moins polluant. Néanmoins, le mode de financement est peu clair et il apparaît problématique pour l'Etat, qui est amené à payer une indemnisation compensatrice calculée comme une différence entre les dépenses et les recettes sans la possibilité d'une vision à moyen terme.

A un régime d'équilibre régulièrement assuré, on pourrait substituer une situation d'équilibre durablement restauré. Les modalités de financement des investissements et de clarification du budget d'exploitation en constitueraient les fils directeurs.

La province n'est pas en reste quant à la recrudescence d'intérêt pour les transports ferroviaires et collectifs. Si la LOTI avait jeté les bases du partenariat entre les régions et la SNCF, c'est à partir des orientations contenues dans la loi de février 1995 et des conventions passées avec les six régions tests - suivies récemment par le Limousin -, que la reconquête du rail a pris toute son ampleur. Le Gouvernement accompagne cette évolution : la contribution de l'Etat à l'exploitation des services régionaux de voyageurs correspond à la compensation du déficit d'exploitation réparti entre la SNCF et les régions. En légère augmentation, elle atteindra 5,2 milliards en 1999.

Les transports en site propre des grandes villes ou agglomérations voient leurs crédits progresser de 10 % avec une dotation de l'Etat de 719 millions de francs. Les crédits de paiement de l'article 21 augmentent de 40 %. Cet apport, salué de toute part, montre la détermination à faire aboutir les projets en cours et à en développer d'autres dans le secteur des transports collectifs urbains et interurbains.

Les choix ferroviaires, collectifs et combinés, dans une masse budgétaire stabilisée, entraînent une baisse des crédits routiers. M. Idiart vient de le souligner. En la matière, l'effort est porté sur le programme de réhabilitation et de renforcement des chaussées qui bénéficie d'une dotation augmenté de 26 %. Chacun en comprendra la nécessité.

Le bel effort pour la sécurité routière et contre l'insécurité se traduit par une progression de 4 % après celle de 2,35 % mise en oeuvre en 1998. Cette augmentation permet d'abonder les crédits de maintenance des équipements d'exploitation et d'alerte, de développer l'éducation routière dans les établissements scolaires et de soutenir les plans départementaux. Ce budget permettra également de moderniser l'examen du permis de conduire.


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Je vais clore mon intervention sans avoir abordé bien d'autres sujets comme celui des engagements pour la modernisation et l'adaptation des entreprises de transport routier de marchandises, sans avoir poussé plus avant les analyses sur le fret et ses goulets d'étranglement, sur le transport combiné, la multimodalité et les moyens des services de l'équipement et, enfin, sur la nécessité absolue d'adosser nos ports à des infrastructures dignes d'un pays qui doit poursuivre sur la voie d'une politique de modernisation des transports et de ses infrastructures...

M. Michel Bouvard.

Très juste !

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis.

... apte à faire circuler les voyageurs et les marchandises plus vite et mieux, tout en étant en mesure de satisfaire la demande sociale des femmes et des hommes qui vivent du et par le transport au quotidien.

Je sais combien le Gouvernement s'implique dans cette politique en faveur des transports. C'est pourquoi la commission a donné un avis favorable à l'adoption des c rédits de l'équipement et des transports terrestres pour 1999.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Francis Delattre.

Elle a eu tort !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les transports aériens et la météorologie.

M. François d'Aubert, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les transports aériens et la météorologie.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux avant tout souligner le contraste entre le budget et les débats qui agitent l'opinion publique sur les questions relatives à l'aviation civile. D'un côté, un peu plus de 9 milliards de francs consacrés à ce secteur, avec une augmentation du budget de 2,8 % - ce qui n'est pas forcément un exploit à une époque où l'on devrait plutôt essayer de diminuer la dépense publique - ainsi qu'à la construction aéronautique ; de l'autre, des enjeux industriels essentiels qui ne font malheureusement pas partie du débat budgétaire au sens strict - mais vous n'y pouvez rien, monsieur le ministre - alors que le Parlement ne saurait s'en désintéresser.

Je commencerai malgré tout par ces enjeux industriels, car ils touchent à la fois aux capacités technologiques de notre pays et à l'emploi.

La construction aéronautique a toujours fait l'objet de soins attentifs des gouvernements et le gouvernement actuel ne fait pas exception à la règle. Les dotations prévues par le budget des transports sont maintenues à un bon niveau. Elles se combinent avec le cinquième programme cadre communautaire futur, que nous souhaitons voir plus encore - mais cela ne sera pas très difficile affecté aux transports aériens et aux nouveaux avions.

M ais là commencent nos inquiétudes. En effet, l'ensemble des crédits français et communautaires n'atteint pas le niveau de recherche des Etats-Unis où les restructurations successives, en particulier la récente fusion entre McDonnell Douglas et Boeing, lancent un défi d'ampleur aux industriels européens et nationaux.

A cet égard, nous apprenons que nos efforts pour constituer une entreprise européenne d'envergure pourraient être remis en cause par une éventuelle fusion entre DASA et British Aerospace, qui donnerait à ce nouvel ensemble la majorité au sein d'Airbus. Cette annonce, par voie de presse, n'a rien d'officiel, mais elle est significative d'une irritation, pour le moins, de nos partenaires allemands et anglais devant les lenteurs de la France à restructurer son industrie de défense.

L'irritation est sans doute calculée et elle est loin d'être innocente, mais si la fusion devait s'opérer, elle irait à l'encontre de l'idée française selon laquelle aucune entreprise nationale ne devrait avoir une position dominante au sein d'un futur ensemble européen, qu'il s'agisse d'Airbus ou de la société européenne intégrée d'aéronautique et de défense. Je crois que telle est la position que vous défendez, monsieur le ministre.

Surtout, la France, qui a initié l'idée d'Airbus, qui l'a portée, se retrouverait avec des industriels sans pouvoirs décisionnaires. La question est posée : où en sommesnous exactement ? Avons-nous la garantie que les gouvernements allemand et britannique tiennent compte de la position française ? Enfin, même si je devine un peu votre réponse, notre « étatisme » - je mets le mot entre guillemets parce que je suis rapporteur au nom de la commission des finances - n'est-il pas la cause du retard constaté de l'émergence d'un pôle européen d'aéronautique ? Second thème, seconde inquiétude : la compétitivité de nos aéroports, en particulier celle de la société Aéroports de Paris.

Elle constitue un outil considérable pour l'économie française puisque chaque million de passagers génère environ mille emplois. La plate-forme francilienne dispose des plus vastes réserves foncières d'Europe. Malgré de légitimes interrogations sur les nuisances dues au bruit, la troisième piste est presque achevée et la quatrième est en préparation. Cela est positif. Pourtant, le compte d'exploitation d'ADP révèle une perte de compétitivité, notamment pour l'assistance aéroportuaire.

Or trois modifications du droit communautaire vont contraindre ADP à consentir de nouveaux efforts : l'ouverture de l'auto-assistance le 1er janvier 1998, en totalité dans les aérogares et partiellement du côté des pistes ; la libéralisation de l'assistance aux tiers le 1er janvier 1999, totalement dans les aérogares et partiellement du côté des pistes ; enfin, le 1er janvier 2001, l'un des partenaires autorisés pour l'assistance aux tiers du côté des pistes devra être indépendant de l'entité gestionnaire de l'aéroport et des compagnies majeures opérant sur l'aéroport.

De nouveaux opérateurs vont donc avoir accès au marché dès 1999, ce qui va modifier profondément la situation actuelle et accélérer les ajustements déjà engagés par ADP sur ses tarifs d'assistance et sur les prestations offertes. Ainsi la baisse prévisible des prix entraînée par l'ouverture à la concurrence devrait-elle se traduire par une perte de chiffre d'affaires de l'ordre de 200 millions de francs, cumulativement d'ici à 2001. Si je considère que la baisse des prix est un effet bénéfique de la concurrence, je ne suis pas sûr des capacités d'ADP à bien réagir.

Il est en revanche un dossier communautaire qu'il faudrait rouvrir, celui des ventes hors taxes. En effet, le Conseil, sur proposition de la Commission, a décidé la suppression des ventes hors taxes pour les vols intracommunautaires à partir du 30 juin 1999. Si la suppression des ventes hors taxes concerne l'ensemble des aéroports communautaires, la France sera la plus touchée, puisque 40 % des produits vendus sont fabriqués dans notre pays. On estime que 18 000 à 23 000 emplois sont en jeu.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1998

En ce qui concerne les aéroports, à titre de comparaison, la perte de ressources est évaluée à 52 % pour Heathrow, 45 % pour Bruxelles, 21 % pour Amsterdam.

ADP a indiqué que sa perte annuelle serait de 250 millions de francs à partir de 1999, ce qui se traduirait par une augmentation de 10 % à 15 % de ses redevances.

Pour l'heure, la Commission européenne refuse de modifier sa position, considérant que le commerce hors taxes intracommunautaire constitue une subvention du contribuable. Or l'on constate l'existence d'enclaves où les ventes hors taxes sont autorisées dans la Communauté : en Finlande, dans les îles Anglo-Normandes et à Ceuta.

M. Michel Bouvard.

Eh oui !

M. François d'Aubert, rapporteur spécial.

Ne pour-r ait-on considérer les aéroports comme des zones commerciales spéciales, dans la mesure où il faut posséder un titre de transport pour y accéder ? Le nombre d'emplois menacés justifierait que le Gouvernement, qui proclame sans cesse l'impératif de lutte, contre le chômage, relance ce dossier.

La dernière question relative aux aéroports est celle du troisième aéroport en région parisienne. Où est-on avec le p rojet de Beauvilliers ? Est-il abandonné - comme Mme Voynet le laisse entendre - ou est-il maintenu quel que soit le calendrier ? Cette question intéresse tout le pays et pas seulement les habitants d'Eure-et-Loire.

Troisième thème qui, pour une fois, redonne de l'optimisme : la situation du transport aérien.

Mon rapport dresse un bilan de la libéralisation en Europe et montre que le nombre de lignes a augmenté, que le consommateur a bénéficié d'une déduction des prix de l'ordre de 20 à 30 %, selon le type de parcours.

Toutefois la libéralisation a entraîné une restructuration du marché, dans le but de faire des économies d'échelle et d'atteindre une taille critique.

Dans le domaine aérien, cet objectif a pris la forme de rachat de compagnies, de partages de codes ou de participations croisées. Ainsi, se sont constitués de grands pôles, comme clui qui réunit Lufthansa et SAS. En France, British Airways a racheté TAT et Air Liberté afin de drainer sur ses vols internationaux la clientèle française et les a lliances s'étendent souvent au-delà de l'espace communautaire.

Par ailleurs, les compagnies doivent d'autant plus comprimer leurs coûts qu'elles seront contraintes à court terme de renouveler leurs flottes, en raison du droit de l'environnement ou du vieillissement des appareils.

Face à ce mouvement, la situation d'Air France devient paradoxale, c'est le moins qu'on puisse dire. Ses comptes se sont certes un peu redressés, mais l'endettement d emeure malgré les 20 milliards payés par les contribuables.

La compagnie a retrouvé le chemin de la croissance, le hub de Roissy est un succès, mais elle ne figure dans aucun système d'alliance globale. Il est vraisemblable qu'elle ne pourra pas constituer de grand pôle avec participation croisée de capital tant qu'elle conservera un statut public. Or l'Etat constitue un actionnaire inutile pour la compagnie, car il n'a pas les moyens financiers de développer une entreprise fortement capitalistique, ce qui obère toute perspective d'avenir pour Air France. En effet, chacun sait que si le programme d'investissement d'Air France pour les années à venir est d'environ 40 milliards, dont 30 milliards pour des achats d'avions, l'Etat qui devrait en payer la moitié, aura du mal à trouver les 15 ou 20 milliards de francs nécessaires.

Des actionnaires privés seraient mieux à même de développer la compagnie dans un domaine qui n'a plus la moindre caractéristique du service public chacun en convient. A cet égard, rappelons, mes chers collègues, quelques principes simples : est service public ce qui est indispensable à la vie de la nation et qui ne peut être assuré dans de bonnes conditions par le secteur marchand. Or, de nos jours, l'offre de transport aérien est partout, y compris sur le territoire français.

J'ajouterai deux remarques monsieur le ministre.

La première porte sur ce qu'il est convenu d'appeler l'appui, peut-être un peu excessif, que vous apportez à Air France dans l'affaire d'Orly et qui provoque des réactions du côté de la concurrence. Sont-elles légitimes ou non ? Peut-être nous le direz-vous ? La seconde est relative à l'accord passé avec les pilotes.

Le rapporteur que je suis n'est guère satisfait d'en avoir appris l'existence par la presse lundi dernier seulement.

Nous sommes jeudi et nous n'en savons pas plus sur cet accord assez compliqué. Il est complètement anormal que nous soyons sous-informés sur ce sujet qui a fait l'objet de plusieurs mois de négociations.

C'est d'autant moins bien que cet accord n'est pas sans poser quelques problèmes, et notamment que les personnels au sol, mis à l'écart des discussions, se sentent un peu grugés, c'est le moins qu'on puisse dire. Je suis persuadé, monsieur le ministre, que vous chercherez à réconforter non seulement la représentation nationale, comme il est convenu de dire, mais également tous les intéressés.

Ma dernière remarque sera un peu plus complexe ; elle porte sur la modification de la fiscalité sur le transport aérien et les aéroports. Je sais que, en raison de la date des arrêts du Conseil d'Etat, les services concernés des finances et des transports ont travaillé d'arrache-pied cet été pour mettre en place un nouveau dispositif. Celui-ci a fini par arriver, sous la forme d'un amendement de dernière minute ; et mon travail de rapporteur spécial est rendu d'autant plus difficile que l'amendement en question doit être discuté ce soir alors que je devrai présider la séance à la place du président Cochet... Si celui-ci m'y autorise, je prendrai une ou deux minutes supplémentaires pour vous exposer ce qu'aurait été ce soir l'avis du rapporteur spécial sur cet amendement très important.

La commission des finances ne l'a pas examiné. Je pense que la majorité l'aurait voté, comme elle a voté en séance publique, samedi dernier, la taxe de l'aviation civile.

M. Michel Bouvard.

Comme elle vote toutes les taxes !

M. François d'Aubert, rapporteur spécial.

A titre personnel, j'émets cependant de sérieuses réserves à l'encontre de cet amendement, pour des raisons de forme et des raisons de fond, tenant à sa constitutionnalité.

Réserves de forme en premier lieu. Cet amendement fait partie d'un ensemble qui réforme complètement la fiscalité assise sur les compagnies aériennes et les aéroports. Or cette réforme n'est pas issue d'une réflexion sur une fiscalité optimale qui renforcerait la compétitivité de nos compagnies et de nos industriels : elle est imposée par des arrêts du tribunal administratif de Nice et du Conseil d'Etat, à l'encontre de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne, qui, en tant que redevance, ne pouvait financer des missions d'intérêt général comme la sécurité, la sûreté ou la lutte contre l es incendies. Donnons acte au Gouvernement de respecter le droit, mais rappelons qu'en cette affaire, cela faisait


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huit ans que le Parlement et la Cour des comptes s'étaient élevés contre les irrégularités constatées en matière de redevance. En revanche, en procédant par amendements successifs, le Gouvernement s'est dispensé de l'avis du Conseil d'Etat, a échappé aux travaux des c ommissions et se contente d'un débat en séance publique, espérant que sa majorité lui donnera quitus en toute confiance.

Pourtant, un examen liminaire montre que les deux taxes posent un problème de constitutionnalité. La taxe sur l'aviation civile votée samedi modifie en effet la part des ressources fiscales affectées au budget annexe de l'aviation civile. Vous ne semblez pas tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel du 30 décembre 1997, qui avait certes rejeté un recours de l'opposition, mais qui avait, en forme d'avertissement, posé une limite en se référant aux articles 20 et 21 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959. Le Conseil avait rappelé que les ressources d'un budget annexe doivent être constituées de rémunération pour services rendus, et que la part des ressources fiscales qui leur sont affectées doit demeurer réduite. L'an dernier, le Conseil avait toléré un seuil de 15 %. Mais avec votre réforme, la part fiscale atteint presque 30 % de la section exploitation du budget annexe et, si l'on se réfère à une durée plus longue, on s'aperçoit que la part fiscale des ressources est passée de 550 millions en 1992 à 2,5 milliards pour 1999, soit un quasi-quintuplement en sept ans.

Quant à l'amendement que vous déposez aujourd'hui, j'en comprends la raison, mais j'émets quelques réserves.

Personne ne niera qu'il est vital de trouver un financement pour assurer dans les aéroports les missions de lutte contre les incendies, de sûreté et de sécurité des passagers, notamment à l'encontre des actes terroristes. Ces missions étant considérées comme correspondant à une mission d'intérêt général, on ne peut plus les assurer par une redevance, mais par l'impôt. Il est normal, à cet égard, de créer une taxe. Celle-ci, comme vous venez de l'expliquer, est assise sur les passagers qui embarquent dans les aérodromes.

Juste une question : êtes-vous sûr de la légalité du paragraphe VI de l'amendement, dont l'origine est la situation particulière d'Aéroports de Paris, et qui consiste à donner au comptable d'un établissement public le pouvoir de recouvrir une taxe ? Bien que j'approuve le but de cet amendement, je ne puis en recommander le vote. La raison fondamentale en est que votre taxe ressemble à une redevance masquée. Je préfère le dire ici, sinon le Conseil constitutionnel risque fort de le faire : de ce fait, elle me paraît contrevenir au principe d'égalité et à l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme.

Redevance masquée ou pas, on verra. A lire le texte de l'amendement, cela ressemble à une taxe. Mais l'exposé des motifs nous indique qu'il s'agit d'assurer le financement des dépenses d'incendie, de sécurité et de sûreté.

Qui paie la taxe ? Le passager. Qui profite de la taxe ? Le passager également, pour qui sont effectuées toutes ces dépenses. Ne sommes-nous pas en présence d'un système de prix pour service rendu, devant une redevance ? Or c'est le recours à la redevance pour ce type de dépense qui a justement été condamné dans le passé par le Conseil d'Etat.

M. Michel Bouvard.

C'est vrai !

M. François d'Aubert, rapporteur spécial.

Le Conseil a bien précisé que la sécurité et la sûreté constituaient d es dépenses d'intérêt général. Dès lors, c'est par la contri bution générale qu'elles doivent être financées, et la taxation des seuls passagers ne présente pas, à l'évidence, hélas ! ce caractère général.

Votre amendement ne respecte pas, à mes yeux, le principe d'égalité. Si l'objectif est d'assurer la sécurité des passagers, mais également les dépenses d'incendie, la taxe ne peut être assise sur les seuls passagers, mais également sur les entreprises de fret. Pourquoi les en dispenser ? A ma connaissance, le dimensionnement des services d'incendie est déterminé par la fréquence des mouvements d'aéronefs, non par leur taille. L'aéroport de Roissy reçoit les 747 et les A 340 d'Air France, mais aussi les longcourriers de Federal Express. Ce transporteur de fret profitera bien des services d'incendie, sans les payer. Où est le caractère général de la taxe ? Où est le principe d'égalité ? Deuxième motif, le non-respect de l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme de 1789. Le texte est limpide : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. » Monsieur le

ministre, la protection des passagers est bien une dépense de police, de sécurité publique. C'est la nation dans son ensemble qui doit la financer, non une fraction de celle-ci. C'est un peu comme si vous aviez estimé que la protection des stades durant la Coupe du monde était une dépense spécifique qu'il aurait fallu assurer en instituant une taxe sur les billets d'entrée.

Monsieur le ministre, chers collègues, particulièrement vous, de la majorité, comprenez bien ma position. Nul n'a de profit à tirer de l'éventuelle irrégularité du dispositif proposé par le Gouvernement. Il ne fait qu'hériter d'erreurs de ses nombreux prédécesseurs.

C'est l'Etat qui se trompe et qui probablement continue de se tromper ! Le Conseil d'Etat a statué en droit, mais ne s'est pas rendu compte des conséquences de sa décision.

Nous sommes en effet en présence d'une contradiction fondamentale : la modernité fiscale voudrait que les missions des aéroports soient financées sur redevances, le droit public s'y oppose. Pourquoi, en ce cas, sans préjuger du travail accompli cet été par vos services et ceux de Bercy, n'avoir pas tenté de remettre à plat le système ? Monsieur le ministre, ne pourriez-vous vous donner le temps de la réflexion en retirant cet amendement, quitte à en présenter un autre à nos collègues du Sénat ou devant notre assemblée en nouvelle lecture ? L'incertitude juridique qui s'y attache est en effet un véritable problème, c'est le moins qu'on puisse dire.

Monsieur le président, je tiens à vous remercier de m'avoir accordé ce supplément de parole.

M. le président.

Mais votre temps de parole est désormais écoulé, monsieur le rapporteur.

M. François d'Aubert, rapporteur spécial.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, les incertitudes sur les ressources du budget annexe m'ont conduit à proposer le rejet des crédits des transports aériens de l'aviation civile.

La majorité ne m'a pas suivi ; cela arrive lorsqu'on est un des rares rapporteurs spéciaux de l'opposition. Aussi, heureuse nouvelle pour vous, monsieur le ministre, la commission des finances a-t-elle, contre mon avis, proposé d'adopter les crédits des transports aériens et du budget annexe de l'aviation civile pour 1999. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1998

M. le président.

La parole est à M. François Asensi, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour les transports aériens.

M. François Asensi, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour les transports aériens.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec près de 9 milliards de francs, le budget de l'aviation civile s'inscrit en hausse de 2,8 % par rapport à 1998. La subvention du budget général est reconduite à 215 millions de francs, confirmant ainsi votre volonté de refuser la logique du désengagement de l'Etat dans le transport aérien.

L'analyse de ce budget est rendue difficile cette année en raison de l'imminence d'une réforme de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne, suite à un arrêt du Conseil d'Etat du 20 mai dernier. Mon prédécesseur vient de le rappeller.

Les crédits affectés à la construction aéronautique civiler estent stables. Les autorisations de paiement sont reconduites à hauteur de 1,85 milliard de francs et les crédits de paiement s'élèvent à 1,43 milliard de francs.

Une analyse plus fine des crédits affectés à la construction aéronautique civile montre que votre effort porte principalement sur la recherche amont et sur les avances remboursables consenties aux constructeurs aéronautiques.

Signalons que les recettes et les dépenses du fonds de p éréquation des transports aériens sont estimées, pour 1999, à 51 millions de francs, soit une hausse de 5 % par rapport à l'exercice précédent.

La commission de la production et des échanges a émis un avis favorable au vote de vos crédits, monsieur le ministre.

La présentation des crédits du budget des transports aériens et du budget annexe de l'aviation civile est aussi l'occasion, pour notre assemblée, de faire le point sur les changements qui ont lieu actuellement dans toute la filière aéronautique. Depuis plus d'une décennie, le vent de la libéralisation a plongé le secteur des transports aériens dans la tourmente. Cette mutation a provoqué un bouleversement sans précédent des règles du jeu applicables au transport aérien.

A la différence de la situation qu'ont traversée les

Etats-Unis, la marche vers la déréglementation sur le vieux contient s'est faite par étapes. Le ciel communautaire est ainsi devenu l'un des plus concurrentiels au monde. Les compagnies aériennes n'ont pas hésité à se livrer une véritable guerre commerciale acharnée qui s'est traduite par des plans de restructurations, des plans sociaux et des suppressions massives d'emplois. Aujourd'hui, les risques de délocalisation, d'externalisation d'activités et de filialisation demeurent réels.

Tétatinées par l'idéologie libérale, l'Europe n'a pas voulu doter les transports aériens d'un volet social malgré les appels lancés à cette tribune. A l'absence d'une Europe sociale dans ce secteur s'ajoute l'absence d'une politique c ommune du transport aérien. La Commission de Bruxelles n'a pas élaboré de politiques vis-à-vis de l'extérieur, notamment à l'égard des Etats-Unis qui ont réussi à diviser les Européens en signant des accords à ciel ouvert. Notre pays, pour sa part, n'a pas cédé aux pressions outre-Atlantique puisqu'il est parvenu, après deux années de rencontres bilatérales, à signer un accord avec les Etats-Unis. Pour avoir plaidé en faveur de cette solution, je me félicite du résultat obtenu et je vous remercie, monsieur le ministre, du rôle positif que vous avez joué au nom du Gouvernement français pour y parvenir.

Désormais, et pendant cinq ans, les relations entre les deux pays seront encadrées, avec des augmentations graduelles de capacité. Air France peut désormais desservir quarante-cinq destinations aux Etats-Unis Cependant, il reste à la France et aux autres pays de l'Union européenne à travailler sur un socle d'exigences publiques pour donner du sens à l'Europe et atteindre les objectifs démocratiques et sociaux indispensables à la construction européenne. C'est d'autant plus urgent que se profilent encore des turbulences financières sur les marchés mondiaux. L'hypothèse d'une récession et d'une concurrence exacerbée n'est pas exclue, malgré les efforts de modulation des Etats. Et pourtant, les compagnies européennes et américaines devraient, pour l'année 1998, enregister une activité record. L'évolution du trafic confirme les tendances observées depuis 1994 ; celui-ci ne s'est jamais aussi bien porté et continue de s'accroître de près de 8 % en 1997, 8,4 % en 1996 sur les lignes régulières internationales. Il devrait augmenter de 5,4 % jusqu'à l'an 2000.

L es limites d'une concurrence destructrice ont contraint les compagnies aériennes à s'orienter vers une politique d'alliances qui constitue aujourd'hui l'un des principaux instruments de leur développement. Le transport aérien est devenu un écheveau d'alliances d'où émergent de grandes familles de réseaux couvrant bientôt la quasi-totalité du trafic mondial.

Dans ce contexte fluctuant, Air France a poursuivi son redressement et doit relever aujourd'hui un double défi : l'ouverture du capital et le développement d'une stratégie d'alliances qui maintienne la compagnie dans le peloton de tête des transporteurs aériens mondiaux.

Le Gouvernement a décidé, sur votre proposition, l'ouverture du capital. Sauf à estimer que l'Etat doit financer à fonds perdus, l'ouverture du capital était une nécessité.

C'est incontestablement un « plus culturel » pour l'entreprise et son essor économique. Mais, à mes yeux, en aucun cas cette ouverture du capital ne peut être considérée comme un pis-aller avant la privatisation totale.

L'Etat, actionnaire majoritaire, doit faire la démonstration de son efficacité afin que le contribuable ne soit pas sollicité en permanence. La mixité des capitaux, avec une prise de participation majoritaire de l'Etat, peut maintenir Air France dans le statut public, même dans un univers extrêmement concurrentiel. Ce qui doit nous guider, c'est l'efficacité économique de l'entreprise, son projet social et non le credo de la pensée unique ultralibérale.

Je profite d'ailleurs de ce débat pour réaffirmer, devant la représentation nationale, mon opposition à la privatisation d'Air France.

Air France est une entreprise de statut public qui peut le rester. Après vingt ans de déréglementation, il est nécessaire de faire émerger, dans l'économie, des contretendances mondiales à l'ultralibéralisme. La puissance publique a donc encore les moyens d'affirmer sa place dans ce secteur de l'économie.

Le maintien du statut public d'Air France est compatible avec le rayonnement de l'entreprise, y compris avec sa présence sur les marchés les plus concurrentiels pour contracter des alliances internationales. Je ne pense pas que l'ouverture du capital et le maintien du statut public soient un obstacle à la conclusion d'alliances internationales. Vous me le confirmerez, je l'espère, tout à l'heure, monsieur le ministre.

Evoluant dans un contexte fortement concurrentiel, l'entreprise publique Air France doit pouvoir développer des coopérations avec d'autres compagnies aériennes.

C'est la raison pour laquelle elle a tout intérêt à recher-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1998

cher des partenaires fiables, notamment en Europe, les a lliances constituant désormais le seul facteur de croissance.

Après des années de pertes records, la compagnie nationale renoue avec la croissance de son activité. Les ailes françaises affichent un résultat positif avant impôts de plus de 1,3 milliard de francs.

L'ouverture du capital permettra de financer, pour la période 1998-2002, une politique très volontariste d'investissement, évaluée à 40 milliards de francs.

Les 20 milliards de francs de recapitalisation apportés par l'Etat, les efforts de la direction et des personnels ont permis à l'entreprise publique de s'engager sur la voie du redressement. Ces résultats encourageants vont lui permettre de faire face aux défis de son avenir.

Monsieur le ministre, la qualité des relations sociales est également un facteur décisif pour le redressement de la compagnie Air France. Le conflit qui a opposé les pilotes et la direction, à propos de la double échelle des salaires ou l'échange d'actions, a montré l'importance d'aboutir, par la négociation, à un nouveau type de relations sociales. A cet égard, la mise en place d'un gouvernement d'entreprise me paraît un concept séduisant pour faire participer les salariés à la gestion. C'est également un espace démocratique nécessaire pour faire reculer - encore un combat à mener - les corporatismes désuets et conservateurs au sein de la compagnie Air France.

Je me félicite de ce dialogue social qui a permis la signature de l'accord avec les pilotes. La compagnie doit impulser la même richesse de rapports sociaux avec les autres catégories de personnel, des agents de piste au personnel navigant, car les atouts de cette entreprise résident dans la diversité de son personnel.

La croissance du trafic prévue dans les prochaines années, tout comme le redressement des compagnies aériennes produisent des effets sur l'ensemble de la filière aéronautique.

En aval de cette filière, l'augmentation du nombre de p assagers nécessite des adaptations de la politique aéroportuaire.

Un développement maîtrisé et durable des infrastruct ures aéroportuaires était devenu indispensable pour maintenir l'aéroport Charles-de-Gaulle dans l'arène internationale. C'est la seule voie possible pour conjuguer au mieux aménagement du territoire, développement économique et respect de l'environnement.

J'estime que les propositions que vous avez faites pour la complémentarité des aéroports parisiens vont dans la bonne direction. Le soutien d'Air France, dans sa stratégie de développement, ne vaut que si la compagnie reste dans le secteur public Cependant, avec la croissance soutenue du trafic, les objectifs en termes de mouvements d'avions risquent d'être dépassés avant l'an 2000, notamment pour RoissyCharles-de-Gaulle, selon les prévisions mêmes d'Aéroports de Paris ; Ils le seront peut-être également en termes de passagers : les 55 millions risquent d'être atteints à l'horizon 2008. Je vous le dis avec une certaine fermeté, monsieur le ministre : prenons garde à ne pas dépasser les objectifs que vous vous êtes fixés le 23 septembre 1997.

Pour ma part, à la fois comme parlementaire et maire d'une ville riveraine de l'aéroport, je m'opposerai à toute extension des projets aéroportuaires, la multiplication des mouvements d'avions risquant d'entraîner un niveau de bruit insupportable pour les riverains. A cet égard, la réalisation d'expertises contradictoires sur les problèmes liés au bruit me paraît devoir être poursuivie.

La question cruciale du développement des capacités aéroportuaires françaises est ainsi posée. Il faudra alors trancher le débat entre la création d'un troisième aéroport ; pour desserrer la concentration du trafic aérien en région parisienne ; et le développement des plates-formes aéroportuaires existantes, notamment celles de province.

C'est là, je le sais, un chantier qui vous tient à coeur, monsieur le ministre ; il est juste devant vous. Ce choix sera forcément complexe. Pour ma part, ma préférence ira à une solution économe de l'espace, la moins pénalisante pour l'environnement, rationnée en coût, une solution enfin en rupture avec une démarche productiviste et hyper-concentrée de la région parisienne.

En amont de la filière aéronautique, l'embellie du transport aérien promet la reprise des plans de charge des constructeurs aéronautiques.

L'année 1998 aura été celle des grandes manoeuvres à l'échelle européenne. Essentielles tant en termes d'emploi que de commerce extérieur, de développement technologique et d'indépendance, les industries aéronautiques européennes sont aujourd'hui confrontées à la concurrence des groupes d'Amérique du Nord.

Il est regrettable que les salariés des entreprises concernées n'aient pas été suffisamment informés et n'aient pu participer à la prise des décisions relatives aux concentrations dans la filière de la construction aéronautique. C'est la raison pour laquelle je souhaite que soit organisé au Parlement un débat public sur la restructuration de la filière aéronautique.

En décembre 1997, les gouvernements européens ont i nvité les industriels à unir leurs capacités. Après réflexion, les industriels ont remis un rapport aux gouvernements concernés pour la création d'un pôle européen.

Des divergences sont apparues sur les modalités de constitution du futur groupe dont le coeur serait Airbus.

D e nouvelles propositions devraient être formulées prochainement.

Dans ce cadre, le Gouvernement a annoncé sa volonté de créer deux grands pôles : l'un spécialisé dans l'électronique de défense et l'autre spécialisé dans l'aéronautique.

Pour parvenir à cet objectif, vous aviez approuvé, en juillet dernier, à la surprise générale, la cession de Matra Technologies à Aérospatiale.

La privatisation de ce fleuron de notre industrie n'est pas sans susciter des interrogations. Selon certains économistes, le groupe Lagardère aurait apporté des actifs valant entre 5 et 10 milliards de francs contre 30 à 40 % d'un ensemble valant 100 à 150 milliards de francs. Le Gouvernement ne s'est-il pas précipité ? Cette fusion ne va-t-elle pas rendre plus difficile la constitution des deux pôles aéronautique et défense ? Cette opération, qui s'est faite dans le plus grand secret, n'a pas empêché un accord entre British Aérospace et DASA et une fusion qui risque de bouleverser l'équilibre d'Airbus, de modifier notamment la place que tient la France dans ce consortium. Voilà des interrogations auxquelles je souhaite que vous apportiez des réponses.

Telles sont les observations d'ordre général que je tenais à présenter, monsieur le ministre, avant de rappeler que la commission de la production et des échanges a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'aviation civile. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie et du Plan, pour la mer.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1998

M. Guy Lengagne, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la mer.

Monsieur le ministre, dans quelques instants, je proposerai à l'Assemblée de voter votre budget et cette précision m e met à l'aise pour faire quelques remarques préliminaires.

Un rocher au milieu des océans donne au pays auquel il appartient la propriété d'une portion de mer d'une surface équivalente aux quatre cinquièmes de la France.

C'est une conséquence de l'instauration des zones économiques exclusives.

Je le dis au passage, c'est pour cette raison qu'il nous faut être très attentif au maintien de notre souveraineté sur certains îlots qui n'ont jamais été habités et qui appartiennent à la France.

M. Michel Inchauspé.

Clipperton !

M. Guy Lengagne, rapporteur spécial.

C'est ainsi que notre pays, par la superficie des eaux placées sous sa souveraineté, est la troisième puissance maritime du monde.

Hélas ! notre pays n'est pas, dans l'esprit de nos compatriotes, une grande puissance maritime, ni dans celui de ses gouvernants d'ailleurs, mais ce n'est pas votre cas, monsieur le ministre.

Monsieur le président, je profite de l'occasion pour vous faire part de ma stupéfaction indignée ; alors que les rapporteurs spéciaux de la commission des finances ont droit à quinze minutes, dès l'instant qu'il s'agit du rapport sur la mer, on n'en accorde que dix ! Alors, ne serait-ce que par principe, je parlerai quinze minutes ! (Rires.)

C'est aussi un moyen de défendre le fait que la France est une grande nation maritime !

M. François d'Aubert, rapporteur spécial.

C'est marée haute ! (Rires.)

M. le président.

Monsieur le rapporteur, je m'efforcerai évidemment d'écourter votre propos, mais pour l'instant, je vous en prie, continuez !

M. Guy Lengagne, rapporteur spécial.

La création d'un grand ministère de la mer en 1981 était le symbole de cette reconnaissance.

Au fil des années - et des gouvernements - cette volonté s'est effilochée et aujourd'hui les différentes activités maritimes sont éparpillées entre trois, quatre ou même cinq ministères.

De 500 navires en 1975, notre flotte est passée à 210 aujourd'hui. La reconquête du trafic portuaire est restée très modérée et les investissements ont pris un retard important, comme on le verra dans quelques instants.

L'annualisation du budget ne permet pas de travailler correctement dans un domaine où l'importance des investissements s'accommode mal du découpage en années.

Il faudrait faire une loi-cadre regroupant toutes les activités maritimes et engageant tous les partenaires pour une période de dix ou quinze ans. Certains investissements, notamment dans le domaine des infrastructures portuaires, ne peuvent s'amortir que sur des périodes de l'ordre de cinquante ans. Ne conviendrait-il pas d'adapter en conséquence la durée des emprunts ? C'est une idée que je lance, qui me paraît importante pour développer tout le domaine maritime.

Monsieur le ministre, vous n'êtes en rien responsable de ce manque de volonté maritime pour notre pays, mais je tenais à le souligner.

J'en viens maintenant au budget proprement dit.

Comme les années précédentes, les trois quarts de ce budget sont absorbés par les crédits consacrés à l'ENIM qui souffre d'un déséquilibre considérable entre actifs et p ensionnés : un peu plus de 42 000 actifs pour 123 000 pensionnés. Seuls 14,8 % des recettes sont payées par les marins, pensionnés ou employeurs, 37,3 % proviennent d'un transfert d'autres régimes et 43,5 % de l'Etat.

Ainsi, sur les 6,2 milliards de crédits inscrits au budget, les dotations hors ENIM ne sont que de 1 584,32 millions de francs, en faible recul par rapport aux crédits votés en 1998 - moins 1,78 %. Cette évolution est cependant fortement contrastée, puisqu'elle combine une forte régression, celle des crédits consacrés à la flotte de commerce, avec la fin du programme d'aide à la consolidation et à la modernisation, conformément aux règles imposées par l'Union européenne, et une légère progression pour l'ensemble des autres agrégats.

Il y a deux priorités dans ce budget : l'amélioration de la formation et le renforcement de la sécurité.

Pour faciliter une meilleure adaptation aux besoins et se conformer à la réglementation internationale, les formations dans les écoles maritimes et dans les écoles nationales de la marine marchande sont profondément rénovées et les équipements pédagogiques modernisés.

Mais les armateurs évaluent au minimum à 300 le n ombre d'officiers de la marine marchande qui manquent. C'est l'illustration du manque de prévision à moyen ou long terme dont je parlais tout à l'heure : il y a une bonne dizaine d'années, même le major de l'une de nos grandes écoles d'officiers ne trouvait pas d'embarquement. Vous « héritez » d'un important retard qu'il vous faut combler au plus vite.

Le renforcement de la sécurité constitue également une impérieuse nécessité. Elle relève de nos engagements internationaux avec l'entrée en vigueur, depuis le 1er juillet 1998, du code international de gestion de la sécurité, mais également elle doit permettre de faire face aux dangers sur le plan écologique, créés par l'augmentation du trafic.

L'année 1998 voit également la mise en place de l'insp ection maritime. Un plan pluriannuel de vingtcinq emplois d'inspecteur de la sécurité des navires est programmé sur la période 1998-2001. Pour l'année 1999, dix emplois d'inspecteurs des affaires maritimes seront créés. En 1998, un recrutement exceptionnel sur titre de huit inspecteurs sera effectué.

En raison notamment de la substitution progressive des officiers aux appelés, les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, les CROSS, verront les crédits de fonctionnement augmenter de plus d'un tiers.

J'ajoute que je me réjouis -, et je crois être là l'interprète de tous mes collègues -, de constater que, pour la deuxième année consécutive, la subvention à la SNSM n'aura pas besoin d'être abondée par la réserve parlementaire. Cela montre que le Gouvernement a pris conscience de la nécessité d'aider cette prestigieuse et utile société.

(Applaudissements sur divers bancs.)

M. Michel Bouvard.

C'est un progrès !

M. Charles Cova.

Très bien !

M. Guy Lengagne, rapporteur spécial.

J'en arrive à la filière portuaire qui constitue l'un des éléments majeurs de la politique maritime.

Permettez-moi de resituer notre politique portuaire au sein de l'Europe. A lui seul, le port de Rotterdam a un trafic annuel de 310 millions de tonnes, tandis que celui de tous nos ports réunis est de 323,9 millions de tonnes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1998

M. Michel Bouvard.

Eh oui !

M. Guy Lengagne, rapporteur spécial.

J'ai évoqué tout à l'heure la situation dont vous héritez, monsieur le ministre. Depuis 1990, les crédits de fonctionnement a ffectés aux ports autonomes ont baissé en francs constants de 27 %, ceux des ports d'intérêt national de 21 % et les crédits d'investissement pour l'ensemble de nos ports nationaux de 53 % ! Le projet de budget qui vous est présenté, mes chers collègues, prévoit des dotations dont le niveau permettra tout juste de réaliser des opérations qui auraient déjà dû être exécutées. Les crédits serviront souvent à remettre en état des installations - digues, quais ou chenaux - qui ont été négligées pendant des années. Certes, un certain nombre d'opérations de modernisation sont inscrites dans ce budget, mais un effort beaucoup plus important sera nécessaire pour lutter contre la concurrence des ports étrangers.

Je voudrais, au passage, évoquer un domaine particulier. Depuis quelques années on assiste à une véritable explosion de la croisière sur de superbes paquebots. Alors que beaucoup d'entre eux sont construits en France, très peu battent pavillon français. Je le déplore.

M. Michel Bouvard.

La remarque est juste !

M. Charles Cova.

Demandez à la CGT pourquoi ! Elle a coulé le France !

M. Guy Lengagne, rapporteur spécial.

De plus, nos ports ne sont pas équipés pour accueillir les navires de la nouvelle génération. Seul le port de Marseille a créé un quai spécial pour accueillir ces navires. Il faudrait que d'autres ports de la façade atlantique s'équipent également.

L'activité générale des ports a bien progressé l'an dernier, mais le rythme faiblit au premier semestre 1998.

Mais je ne tiens pas à noircir la situation. En effet, nos ports disposent d'atouts qui peuvent leur permettre d'accéder au rang de véritables pôles économiques si on leur en donne les moyens.

Le premier élément d'une telle politique consiste à améliorer la desserte terrestre, car nos concurrents européens sont eux aussi desservis depuis longtemps. Il y a dans les budgets de votre ministère des crédits consacrés à cette amélioration.

En second lieu, la maîtrise des coûts de passage portuaire constitue un élément substantiel de l'amélioration de la compétitivité des ports français. Elle implique une mobilisation de tous les acteurs de la filière que l'Etat doit avoir pour objectif de coordonner.

Avant d'aborder l'examen des crédits consacrés à la flotte de commerce, j'évoquerai la situation très préoccupante de l'un de nos ports nationaux, celui de Boulogne. Je précise que je le fais non parce que je suis le maire de cette ville, mais parce que sa place dans la filière portuaire vaut qu'on s'y arrête.

J'ai eu l'occasion, monsieur le ministre, d'évoquer cette question avec vous la semaine dernière. Permettez-moi en quelques mots de rappeler en quoi ce port est menacé.

Premier port de pêche de France, port transmanche, Boulogne est le dixième port de commerce français. L'ouverture du tunnel sous la Manche, décidée par le Gouvernement, lui a porté un coup très rude puisque 55 % des recettes du port, toutes activités confondues, provenaient du trafic transmanche. Quand, pour lutter contre le tunnel, le trafic maritime s'est replié sur Calais, la chambre de commerce, gestionnaire du port, s'est retrouvée dans une situation financière très difficile lui interdisant pratiquement tout investissement.

Grâce aux efforts et à l'esprit d'innovation exemplaire des travailleurs portuaires, Boulogne avait réussi à capter un important trafic de farine à destination des pays du Moyen-Orient. Soudain, alors que, quelques mois auparavant, les Grands Moulins de France avaient signé avec la SAGA un engagement de faire transiter chaque année par Boulogne un minimum de 350 000 tonnes de farine, ils annonçaient en juillet de cette année que l'exportation se ferait dorénavant par Rouen, invoquant, ce qui est réel, une baisse de près de 50 % de leurs exportations.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Ils ont été roulés dans la farine !

M. Guy Lengagne, rapporteur spécial.

Ce trafic représentait 40 % de l'activité des dockers et une part importante de celle des autres travailleurs portuaires. Pour compenser cette perte, le risque est donc grand que les tarifs portuaires pratiqués sur Boulogne augmentent, ce qui empêcherait le port d'être compétitif. La SNCF, qui achemine la farine, est peu disposée à améliorer ses tarifs.

Monsieur le ministre, il est indispensable que votre ministère mette tout en oeuvre pour éviter les licenciements, d'autant qu'en 1992 et 1994 de nombreux dockers ont déjà cessé leur activité. Il faut que vous permettiez à ce port, qui est d'intérêt national, je le rappelle, de se moderniser et de réaliser l'extension demandée par les acteurs portuaires.

Reste enfin la question de la flotte de commerce. La suppression l'an dernier du régime des quirats et son remplacement par un GIE fiscal, votés dans le cadre de la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et fiscal, sont trop récents pour que l'on puisse en mesurer l'impact.

Les dotations destinées à soutenir l'investissement dans la flotte de commerce ont été supprimées, conformément aux nouvelles orientations communautaires. Le soutien apporté prend exclusivement la forme de la diminution ou de l'annulation des charges fiscales et sociales applicables au personnel navigant.

En premier lieu, il a été décidé de reconduire en 1999 et pour les deux années suivantes les remboursements de la part maritime de la taxe professionnelle.

En outre, est créé un dispositif de remboursement par l'Etat des contributions sociales patronales.

La situation des armements s'était améliorée ces dernières années, mais la crise financière actuelle, la crise asiatique, ont eu sur eux des conséquences très négatives.

Je demande au Gouvernement d'être très attentif. N'oublions pas l'importance stratégique pour notre pays d'une flotte de commerce de bonne qualité.

M. Michel Bouvard.

C'est sûr !

M. Guy Lengagne, rapporteur spécial.

Quelques mots sur un problème crucial pour les armements concernés, celui de la disparition des ventes hors taxes sur les liaisons européennes à compter du 1er juillet 1999. Cette disparition aura des conséquences très graves sur les armements français, mais notre collègue et ami André Capet, qui est l'auteur d'un excellent rapport sur cette question, en parlera plus longuement dans quelques instants.

J'ajouterai simplement, monsieur le ministre, que, même si la proposition d'un retour progressif, étalé sur cinq ans ou dix ans, au droit commun sur la TVA et les


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accises était acceptée par l'Union européenne, il faut prévoir dès maintenant des mesures financières pour sauvegarder nos armements.

Notre pays, je le répète, se doit d'avoir une ambition maritime forte. Il nous faut mettre en place les moyens qui lui permettront de la concrétiser.

Je suis convaincu que le Gouvernement saura montrer sa volonté dans ce domaine.

C'est pourquoi, mes chers collègues, la commission des finances vous invite à adopter les crédits de la mer.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Charles Cova.

C'est un grand ministère de la mer qu'il faut !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour les transports maritimes et fluviaux.

M. André Capet, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour les transports maritimes et fluviaux.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient la délicate responsabilité de vous présenter cette année l'avis de la commission de la production et des échanges relatif aux transports maritimes et fluviaux.

Délicate, car notre pays, fort d'une façade maritime immense, porte naturelle de l'Europe vers l'Atlantique Nord et largement ouvert sur la Méditerranée et le Moyen-Orient, ne porte pas assez attention à la richesse qu'il possède ainsi.

Je sais que mon discours n'est pas le premier à regretter cette réalité, mais mon devoir était néanmoins, sans illusion mais aussi sans faiblesse, d'attirer à nouveau votre attention sur les conséquences immenses pour notre développement économique, pour l'emploi, mais aussi pour notre rayonnement, du manque d'ambition maritime de la France.

Cela étant dit, et malgré les limites qu'il vient d'indiquer, votre rapporteur pour avis ne saurait sous-estimer la croissance constante que connaît l'activité de nos ports maritimes depuis quelques années. Cette situation favorable nous permet de regarder désormais avec confiance la reprise d'une activité qui peut contribuer efficacement au rééquilibrage entre nos régions.

S'agissant de nos ports autonomes, les dotations prévues dans le projet de loi de finances, en se maintenant à leur niveau de 1998 à 392,5 millions de francs, devraient permettre la réalisation des obligations de l'Etat en ce qui concerne les charges d'entretien.

Les comptes de nos ports sont globalement équilibrés, en dépit d'un tassement de leur excédent brut d'exploitation, et ils se désendettent tout en accroissant leurs capacités d'autofinancement.

Cependant, le contexte mondial du transport maritime est extrêmement concurrentiel et particulièrement sensible aux fluctuations de l'économie mondiale. La crise asiatique, comme l'a souligné mon ami M. Lengagne, a entraîné une réduction de la demande de la part des chargeurs, ce qui a des conséquences très directes sur les taux de fret. Cette situation aboutit à une baisse des marges qui oblige à une contraction permanente des coûts, ainsi qu'à une concentration des armements.

Dans ces conditions, la compétitivité de nos ports repose également sur la qualité globale de leurs prestations : fiabilité, rapidité, importance économique de leurs hinterlands.

Après une longue période de déficit, et notamment grâce à votre action, monsieur le ministre, les ports français se sont engagés dans une réduction significative de certains de leurs postes de dépenses afin de réduire leur décifit d'exploitation.

A partir de 1996, le résultat net global des ports autonomes s'est redressé, pour atteindre un solde positif à hauteur de 85,5 millions de francs, grâce à la progression d es chiffres d'affaires des ports du Havre et de Nantes Saint-Nazaire. Poursuivant sa progression, il a atteint près de 160 millions de francs en 1997, sous l'effet cumulé d'une bonne tenue des trafics pétroliers et de la poursuite de la progression relative du transport conteneurisé.

Ces bons résultats se constatent aussi sur les soldes intermédiaires de gestion des ports autonomes, qui ont connu l'année dernière une progression importante. Ainsi, leur marge brute d'autofinancement a atteint, en 1997, plus de 734 millions de francs, en progression de 17,3 % par rapport à 1996, tandis que leur marge nette, de 525 millions, augmentait de 26,7 % sur la même période.

Cet accroissement réussi de la productivité, dans un contexte difficile, ne doit cependant pas faire oublier la pression des chargeurs en faveur d'une hiérarchisation des ports. Face à cette situation, les politiques doivent avoir pour but de faire se rejoindre les objectifs des utilisateurs et les options publiques de développement équilibré et d'aménagement du territoire.

La réforme de 1992 du régime de travail dans les ports maritimes, ainsi que la loi de 1994 autorisant la constitution de droits réels dans le domaine public maritime, constituent deux éléments essentiels de la modernisation de nos places portuaires, gage essentiel de gains de productivité.

Afin de favoriser un rajeunissement des effectifs des dockers, le comité interministériel de la mer du 1er avril dernier a décidé de mettre en oeuvre différentes mesures d'âge et d'embauche corrélative. La possibilité de partir en préretraite progressive sera ainsi ouverte à tous les dockers volontaires nés avant le 1er février 1948. Ils pourront bénéficier, dans leur cinquante-cinquième année d'une dispense d'activité jusqu'à l'âge du départ en retraite.

Ainsi, l'embauche de jeunes sera favorisée.

Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, si, d'une part, vous envisagez de pérenniser ou d'étendre ce dispositif aux années ultérieures, d'autre part, si vous avez engagé une étude de faisabilité quant à l'adoption de mesures d'âge plus hardies, à partir de cinquante ans.

Sans se limiter à attendre leur avenir de l'Etat, les grands ports français se sont engagés, à leur niveau, dans la recherche d'une organisation plus efficace, face à une a ctivité qui a profondément évolué. A cet égard, l'exemple des négociations engagées dans le port de Dunkerque permet peut-être de franchir une nouvelle étape vers la modernisation de l'emploi portuaire.

Dans les grands ports d'Europe du nord, tels Rotterdam ou Anvers, une conception intégrée du passage fait fonctionner, au sein d'une même entité, les outillages - portiques, grues, bandes, transporteurs - et les engins de manutention, tels les chariots élévateurs. A cette conception qui évite des distorsions d'horaires et de conditions de travail entre les personnels, s'oppose dans notre pays une division traditionnelle du travail. Le chargement et le déchargement des navires sont toujours opérés par des personnels portuaires responsables du fonc-


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tionnement des outillages, d'une part, par les dockers pour ce qui concerne la manutention proprement dite, d'autre part.

Le port de Dunkerque est en pointe dans la recherche d'une conception intégrée, qui respecte les droits de chacun. L'opération en cours, au quai pondéreux Ouest, est fondée sur la constitution d'une société de manutention locale, qui emploiera à la fois les personnels de la manutention et ceux de l'outillage, avec un droit à retour au port autonome en cas de difficulté et dans le cadre des conventions collectives. Une telle initiative doit être encouragée car elle contribuera à la reconquête des trafics.

En même temps, elle serait insuffisante si l'Etat ne poursuivait pas de manière résolue l'intégration de nos ports au sein de la filière des transports, c'est-à-dire dans le maillage des transports terrestres.

Dans le cadre d'un transport le plus souvent de bout en bout, les ports maritimes réalisent le transfert des marchandises entre le transport maritime et les différents moyens de transport terrestre, au sens large, c'est-à-dire le rail et la route aussi bien que les voies navigables. Les ports constituent, en effet, le maillon essentiel d'une chaîne de transport multimodale vers lequel doivent converger les divers modes de transport terrestre. Parmi les facteurs de leur compétitivité, la qualité de la desserte terrestre est déterminante. C'est en effet sur le transport terrestre que peuvent être réalisés d'importants gains de productivité, en termes de temps et de respect des délais, et aussi de coûts. Dans le cas, par exemple, de l'acheminement de conteneurs, le coût de l'acheminement terrestre d'un conteneur peut, sur des distances de cinq cents kilomètres, représenter cinq à six fois celui de son passage portuaire.

Pour certains types de trafic, en particulier pour les trafics intercontinentaux de conteneurs, les grandes lignes maritimes sont désormais contraintes de faire escale dans un nombre limité de ports. La réduction du nombre d'escales et leur massification impliquent une extension des régions européennes desservies à partir du port, extension favorisée par l'intégration progressive de l'économie européenne. Elles impliquent également le recours accentué aux modes de transport privilégiés pour les grandes quantités et les grandes distances que sont notamment le cabotage maritime, les transports fluviaux et ferroviaires.

Or l'essentiel, environ 85 %, des pré et post-acheminements des ports français se fait par la route, ce qui constitue une faiblesse. En effet, la desserte ferroviaire des ports français reste insuffisamment développée par rapport aux pays voisins, notamment le Belgique et les Pays-Bas, où il existe une réelle synergie entre les modes.

C'est pourquoi la question de la stratégie et des actions concrètes de la SNCF et de Réseau ferré de France à court et moyen terme est vitale pour l'avenir des ports français. En effet, si les pré et post-acheminements ferroviaires des ports français représentent un bon tiers du fret ferroviaire international sur notre territoire, ils offrent un p otentiel de croissance de plusieurs milliards de tonnes/kilomètre. Ainsi, il importe que la SNCF et RFF soient des acteurs à part entière du développement du transit des marchandises dans les ports français.

S'agissant du soutien à la flotte de commerce et à l'emploi maritime, le projet de budget que vous nous proposez, monsieur le ministre, comporte des évolutions notables, dictées en particulier par la réglementation européenne qui nous oblige à modifier les modalités d'aide à la flotte. Celle-ci prendra désormais exclusivement la forme de diminutions ou de remises de charges fiscales et sociales applicables aux équipages.

Permettez-moi de relever à cet égard que si l'Europe applique l'accord OCDE qui interdit toute subvention à la construction à partir de 2001, les Etats-Unis n'ont pas encore ratifié cet accord. Nous avons bien noté que vous vous êtes engagé à ce que les dotations consacrées à ces financements, qui s'élèvent à 81 millions de francs pour 1999, soient abondées en loi de finances rectificative. Il conviendra, même si ces aides doivent être effectivement réservées au soutien au pavillon national - ce qui implique un contrôle a priori des dossiers - que les reversements interviennent dans les meilleurs délais afin de préserver leur efficacité.

Pour ce qui concerne l'enseignement maritime, comme l'a souligné M. Lengagne, je suis heureux moi aussi de noter une augmentation sensible des crédits prévus en 1999 pour les écoles nationales de la marine marchande, qui progresseront de 13 %, s'agissant des crédits de fonctionnement et de 14,3 % en autorisations de programme, s'agissant des investissements. Il est indispensable en effet de renforcer, dans cette période d'embauche dans le secteur, non seulement le nombre d'élèves formés, mais aussi la qualité de l'enseignement, compte tenu de la modernisation des techniques mises en oeuvre à bord des navires.

Pour terminer, j'aborderai deux points particulièrement sensibles, la disparition programmée des ventes hors taxes et le Livre vert européen sur les ports et les infrastructures maritimes.

L'autorisation de vendre des produits hors taxes sur les relations intra-communautaires disparaîtra le 1er juillet prochain. Cette suppression pénalisera directement les liaisons transmanche. La brutalité de la mesure risque d'entraîner la perte de l'armement français Sea-France, dont la moitié des recettes provient de ces ventes. C'est d'autant plus inadmissible que le dynamisme de l'entreprise, relayé par la qualité exemplaire de nos équipages, pourrait à juste titre tirer profit de la croissance continue du transport maritime, notamment en matière de fret de c amions, lequel progresse régulièrement depuis cinq années à un taux de croissance de 4 % par an et qui devrait favoriser indéniablement, en accompagnement du renouvellement de la flotte, l'éventualité de la qualité de s'approprier les nouvelles zones de fret par la création d'une cinquième unité.

Si la disparition des ventes hors taxes semble inévitable, sauf événement imprévu que je souhaite, mais dont je doute qu'il se produise, elle devrait toutefois s'effectuer conjointement avec l'harmonisation des droits d'accises et des taux de TVA au sein de la Communauté. Or, sur ce dernier point, c'est plutôt l'inverse qui s'est produit.

Aussi, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez nous apporter quelques assurances. Je connais votre action. Je sais que, sur votre initiative, le Conseil des ministres européens des transports a voté à l'unanimité pour qu'une étude économique et sociale sur les conséquences de la disparition des ventes hors taxes soit diligentée par Bruxelles. C'est ainsi que le ministre français des finances est parvenue à faire inscrire le principe d'une telle étude lors de la réunion de l'ECOFIN d'avril dernier. C'était la première fois que la France faisait une telle demande à la Commission européenne. Malheureusement, en arrivant au port, nous ne fûmes que cinq à voter cette demande. Il n'empêche, la France a pris ses responsabilités. Elle a donné l'acte fort que d'aucuns attendaient mais elle ne fut pas suivie. Ne désespérons pas que d'autres se rallient à l'intelligence de l'initiative du ministre des transports, reprise par le ministre des finances, afin d'en assurer la réussite.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1998

M. Michel Bouvard.

Mais c'est vous qui avez accepté cela en 1991 !

M. André Capet, rapporteur pour avis.

Nous, nous agissons, à la différence de vous ! Enfin, je sais votre attachement, monsieur le ministre, à voir garanti, au sein de la Communauté, le respect de la diversité des situations. Les frais de dragage et d'entret ien des chenaux d'accès maritime, l'entretien des ouvrages de protection contre la mer, participent de cette mission de sécurité et de service public et ne sauraient être externalisés.

C'est pourquoi, même si chacun convient de la nécessité d'une concurrence saine et loyale entre les ports, tout dumping ayant en fait des conséquences désastreuses, notamment dans le domaine social, il ne saurait être mis en place une politique portuaire européenne centralisée qui n'aboutirait dans la réalité qu'à une guerre des prix et, à moyen terme, à une centralisation accrue des trafics, allant à l'encontre des objectifs de développement harmonisé des régions et des Etats membres.

Le temps qui m'est imparti m'a obligé à limiter mes observations à mes questions, monsieur le ministre. Mais, au-delà des remarques que j'ai formulées, et dans l'attente des réponses que vous voudrez bien nous apporter, votre budget, pour ce qui concerne les transports maritimes et fluviaux, est positif et confirme l'efficacité de votre action, comme en témoigne la croissance constante que connaît l'activité actuelle de nos ports maritimes.

C'est pourquoi la commission de la production et des échanges a donné un avis favorable à l'adoption des crédits des transports maritimes et fluviaux pour 1999.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Chers collègues, les rapporteurs ont dépassé leur temps de parole de vingt minutes. Je suis sûr que les orateurs inscrits auront à coeur de respecter le leur.

La parole est à M. Gilbert Biessy, pour dix minutes.

M. Gilbert Biessy.

Monsieur le ministre, l'an dernier à la même époque, j'avais concédé, que les crédits de votre ministère n'étaient pas sous votre pleine maîtrise.

M. Michel Bouvard.

Le budget n'en était que meilleur !

M. Gilbert Biessy.

En effet, ce budget était, pour l'essentiel, bouclé par le gouvernement précédent. J'avais ajouté : « Attention, cet argument vaut pour cette année...

pas pour les suivantes ! » C'est donc votre premier budget à part entière que nous examinons ici. Il est évidemment marqué par les orientations générales du Gouvernement en matière d'affectation des fruits de la croissance, de gestion de l'emploi public de politique budgétaire. Il augmente toutefois de près de 4 % en moyens d'engagement et en moyens de paiement, ce qui le situe plutôt mieux que la moyenne des autres budgets, si je puis dire.

La question pertinente est de savoir si, dans le cadre de ces contraintes réelles, ce budget contribue à une réduction des inégalités sociales, à un développement durable du territoire, à une réponse concrète aux besoins auxquels notre pays est confronté.

Nous avons besoin d'un coup d'arrêt au démantèlem ent du réseau ferré, particulièrement les lignes secondaires, et d'une relance du fret ferroviaire et du d éveloppement de plates-formes multimodales. Nous avons besoin que cesse l'hémorragie des emplois dans l'administration de l'équipement qui avait planifié 1 000 suppressions d'emplois par an, depuis plusieurs années. Nous avons besoin d'une amélioration concrète de la sécurité des déplacements pour en finir avec l'hécatombe de la route, 8 000 morts par an.

Nous avons besoin, dans le secteur des transports sans doute plus que dans tout autre, d'une vision européenne dynamique et ambitieuse. Nous avons besoin de désengorger les villes d'un trafic saturé.

En matière fluviale, nous avons besoin d'abandonner les projets pharaoniques au profit d'axes efficaces pour le territoire, tel l'axe Seine-Nord.

Enfin, nous avons besoin d'un changement majeur de mentalité en matière de transports dans ce pays, pour mettre enfin en cause la toute-puissance de l'automobile et de la route, dans une logique de développement durable. Ce changement de mentalité, chez les usagers, ne s'obtiendra pas par décret, mais grâce à une offre de transport dense et efficace et grâce à des conditions tarifaires compétitives.

Voilà les questions qui nous sont posées et voilà les choix politiques dont nous avons besoin ! Tout cela est-il lisible dans le budget qui nous est soumis ?

M. Marc-Philippe Daubresse.

Non !

M. Gilbert Biessy.

Sans hésiter, je réponds « oui » ! Bien sûr, un budget ne s'élabore pas dans l'idéal. Il n'est pas exempt de contraintes, certaines d'ordre gouvernemental, d'autres extérieures. Il laisse cependant apparaître un certain nombre de choix politiques forts.

Nous mesurons un inversement de tendance au profit des transports collectifs. Malgré les nombreux discours que j'ai pu entendre, c'est la première fois, depuis que je suis les crédits du ministère des transports, que je vois une priorité donnée au rail et à l'intermodalité en matière de déplacements. La part du secteur ferroviaire dans le FITTVN passe de 42 % à 48 % ; celle des routes recule de 47 % à 40 %. Ce choix se retrouve au niveau du budget consolidé, avec une augmentation pour les transports terrestres de 6,5 % en moyens d'engagement et autant en moyens de paiement.

Des efforts supplémentaires sont engagés pour stabiliser la dette de RFF. Pour autant, le patrimoine n'est pas délaissé. Le programme de réhabilitation et de renforcement des chaussées augmente de 26 % en autorisations de programme et de 22 % en crédits de paiement.

Par ailleurs, un effort très sensible est conduit en matière de sécurité routière, dont les crédits progressent de 4 %, en complément des investissements de sécurité classiques, et des nouvelles mesures du projet de loi qui sera bientôt examiné dans les commissions.

Enfin, les autorisations de programme pour les transports collectifs de province augmentent de 11,5 % après une progression de 11 % l'an dernier, confirmant ainsi le développement des transports urbains en site propre.

Ce choix s'accompagne d'un développement de la politique contractuelle, notamment en matière de plans de déplacements urbains, dans une logique de complémentarité des modes de transport, y compris les cycles.

Toutefois, des taches sombres subsistent. Premièrement, la suppression planifiée de 1 000 emplois annuels par les précédents gouvernements est abandonnée. C'est évidemment une décision majeure, mais elle reste cependant masquée par la doctrine de la « stabilisation globale des effectifs publics » du Gouvernement.

Ainsi, les créations d'emplois dans un ministère étant compensées par des suppressions dans un autre, de

« gros » ministères se retrouvent avec un solde d'emplois


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très largement négatif, comme c'est le cas à l'équipement.

Nous ne pouvons pas nous résoudre à une telle logique comptable en matière d'emplois, car la charge de travail, elle, ne diminue pas. Si nous n'y prenons pas garde, nous irons au-devant de sérieuses difficultés dans les services.

Deuxièmement, nous ne sommes pas en mesure de rattraper les retards précédemment accumulés en matière d'infrastructures liées au contrat de plan qui s'achève l'an prochain. Il faut évidemment le regretter d'un point de vue économique et social, tout en sachant que la mission était extrêmement difficile.

Nous demandons que le maximum d'équipements du plan soient toutefois pris en compte en fonction des priorités.

Par ailleurs, nous voyons là une raison supplémentaire pour travailler sérieusement à la planification à venir, reprenant les priorités que nous venons de dégager, et pour orienter notre pays dans un certain nombre de directions, à la fois nouvelles et fortes, qui exigent un certain nombre de remises à plat fondamentales.

Sur ce dernier point, nous devons revoir le système de financement des routes et des concessions autoroutières.

Nous devons accentuer encore le partenariat entre l'Etat et les régions dans une logique de développement, notamment pour le rail.

En matière de développement urbain, nous devons passer à un autre rythme et à une autre dimension. Cela implique de rendre une partie de la ville aux piétons, aux cyclistes, mais aussi de changer d'échelle quant au taux de couverture des transports collectifs urbains.

Or nous ne pourrons pas, nos collectivités ne pourront pas mettre en oeuvre ce changement d'échelle si de nouveaux moyens ne sont pas dégagés pour en financer non seulement l'investissement mais aussi le fonctionnement.

Dans la plupart des pays de l'Europe du Nord, l'Etat aide au fonctionnement des transports publics urbains.

En France, seule la région parisienne jouit de ce

« privilège »,...

M. Michel Bouvard.

Exorbitant !

M. Guy Hascoët.

Absolument, monsieur Bouvard !

M. Gilbert Biessy.

... qui a d'ailleurs été remis en cause par vos prédécesseurs, monsieur le ministre.

Dans ces conditions, quels moyens utiliser ? Depuis de nombreuses années, avec d'autres, élus, responsables des transports dans des agglomérations de province, je propose qu'une partie de la taxe intérieure sur les produits pétroliers soit affectée au fonctionnement des transports urbains de province pour permettre enfin aux autorités organisatrices d'adopter des politiques tarifaires incitatives et de réunir les conditions d'un renforcement massif de l'offre des réseaux. Une telle aide ne s'appliquerait qu'aux réseaux développant des lignes en site propre, priorité étant donnée, cela va de soi, aux transports publics.

Non seulement cette proposition est financièrement réalisable, mais de plus elle est, à mon avis, d'une grande portée politique. Enfin, elle rendrait « lisible » la TIPP auprès des usagers, qui sauraient enfin pourquoi, pour une partie tout au moins, ils payent l'essence si cher ! Je vous demande, monsieur le ministre, de prendre l'engagement de faire examiner cette question en concertation avec la représentation nationale.

Je l'ai souligné, votre budget n'a pas été élaboré dans une situation idéale : il subit les contraintes d'un contexte plus général. Cependant, en faisant certains grands choix politiques, en pratiquant la concertation et le dialogue selon une aptitude qui vous est largement reconnue, vous avez su, monsieur le ministre, faire de ce budget un bon budget, soucieux du présent et riche de perspectives.

C'est la raison pour laquelle le groupe communiste et partenaires votera votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

Merci, monsieur Biessy. Vous n'avez dépassé votre temps de parole que de quarante-trois secondes.

La parole est à Marc-Philippe Daubresse.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois de plus, nous devons examiner un budget hautement stratégique et politique. Au nom du groupe UDF-Alliance, je concentrerai mon propos sur les infrastructures et les rééquilibrages entre modes de transports, que le Gouvernement entend définir et inscrire dans l'espace et dans le temps pour notre pays.

Monsieur le ministre, lors de votre audition devant la commission de la production et des échanges, vous avez utilisé un aphorisme qui, à vos yeux, caractérise bien votre budget, en disant que « ce budget n'est qu'une étape qui s'inscrit dans une perspective ». Cette formule habile vous a permis de surfer sur les événements depuis seize mois, tout en laissant aller au fil de l'eau, sous le regard intéressé de nos partenaires européens, la France des transports.

Il y a un an, j'avais affirmé que mon groupe attendrait pour juger votre budget et votre politique, puisque le budget de 1998 se situait dans la droite ligne du travail qu'avaient accompli M. Bernard Pons et Mme AnneMarie Idrac, dans le précédent gouvernement.

Aujourd'hui, vous nous laissez sur notre faim, en prétextant qu'il faut attendre la mise en place des schémas de service pour que la France ait une politique en matière d'infrastructures et de transports. Il faut donc attendre, à vous en croire, le futur débat sur la loi Voynet d'aménagement du territoire et les nouveaux contrats de plan qui devraient théoriquement en découler si tout va bien, c'est-à-dire si les députés de la majorité plurielle sont suffisamment nombreux dans l'hémicycle pour voter cette loi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Filleul.

Combien de députés de l'opposition étaient présents hier pour examiner le budget de l'éducation nationale ?

M. Marc-Philippe Daubresse.

Si un tel projet recueille une majorité cohérente et une approbation de la part des régions ce qui sera plus difficile, car elles verront bien à quelle sauce elles seront mangées -, nous pouvons peutêtre espérer, à vous entendre, avoir à terme une politique d'équipement et de transport. Toutefois, ce terme, vous ne le fixez pas ; c'est certes pratique pour ne pas prendre de coups, mais c'est inacceptable au regard des enjeux et des urgences qui se présentent devant nous.

L'appréciation modérée que nous avions portée en octobre 1997 à cette même tribune sur un budget de transition ne peut plus aujourd'hui se satisfaire de promesses sur le financement des infrastructures, sur la réforme de la SNCF, sur l'intermodalité dont vous êtes devenu brutalement le héraut converti comme saint Paul sur le chemin de Damas. (Sourires.)

M. Jean-Claude Gayssot ministre de l'équipement, des transports et du logement.

C'est flatteur !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1998

M. Marc-Philippe Daubresse.

Qu'en est-il, en effet, un an plus tard, des promesses et des déclarations d'intention, qui ont un temps laissé espérer que vous appliqueriez une politique ambitieuse et novatrice pour la France des transports ? La réforme des concessions autoroutières est au point mort. Les crédits autoroutiers sont en baisse sensible dans votre budget...

M. Guy Hascoët.

Tant mieux !

M. Marc-Philippe Daubresse.

... au moment où il faudrait développer précisément les liaisons européennes.

Le transport combiné est également au point mort. Il faut le courage et l'abnégation des opérateurs pour ne pas jeter l'éponge devant une pareille démission de l'Etat, lequel laisse des irresponsables prendre en otage les véhicules et les marchandises dans les terminaux de transport combiné et les triages.

M. Jacques Desallangre.

Le droit de grève, ça existe !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Vous nous dites que les crédits affectés aux opérateurs du transport combiné dans le FITTVN seraient en hausse de 10 %. En fait, la réalité est tout autre.

Vous n'avez pas réglé, et je défie quiconque de me prouver le contraire, le problème des plates-formes multimodales qui sont les noeuds stratégiques du transport combiné. Vous n'avez pas non plus réglé le problème des saturations ferroviaires et des points noirs du transport combiné, que nous avions listés et chiffrés en 1996...

M. Guy Hascoët.

C'est vrai !

M. Marc-Philippe Daubresse.

... et qui sont cités dans le rapport de M. Filleul. J'avais estimé à l'époque qu'il fallait 5 milliards de francs pour résoudre ce problème. Il est impératif de lancer des travaux d'infrastructure. Or Réseau ferré de France n'a pas le premier franc, puisque sa dotation ne lui permet même pas de couvrir les annuités de la dette qu'il a reprise. Pourtant chacun sait que la charge des infrastructures lui revient en propre depuis la réforme de la SNCF.

Vous utilisez en fait l'argument de l'intermodalité et du transport combiné pour donner un peu plus d'argent à la SNCF, mais vous n'exigez pas, par contrat, que soient favorisés en son sein les promoteurs sincères d'un véritable projet intermodal.

Bref, vous privilégiez un fonctionnement non maîtrisé à un investissement indispensable et vous offrez ainsi des arguments de poids aux partisans du statu quo.

Cela ne peut déboucher à terme que sur l'éclatement du rail français.

Permettez, monsieur le ministre, à l'auteur de deux rapports ministériels sur le développement du transport combiné, dont vous avez habilement fait résumer, sous un autre nom, les analyses et les recommandations dans une contribution récente, de vous rappeler quelques vérités incontournables pour qui veut, à droite comme à g auche, faire avancer notre pays sur les voies de l'intermodalité.

Pour développer le transport combiné, et plus généralement les alternatives modales, c'est-à-dire pour avoir moins de camions sur nos routes et un peu plus de conteneurs sur les trains et sur les péniches, il faut un puissant effet de levier. Or ce levier, on ne le trouve pas dans votre budget.

Il est impératif d'ajouter aux 350 millions déjà affectés par les gouvernements précédents à ce poste dans le FITTVN un investissement annuel d'au moins 300 millions de francs, pour financer ces équipements essentiels que sont les plates-formes multimodales, les terminaux de transport combiné qui y seront localisés. Ajoutez à cela les investissements nécessaires pour éliminer les saturations ferroviaires et assurer la qualité de service à Paris, à Dijon et à Lyon, ainsi que sur l'axe Nord-Sud.

Ce ne sont donc pas les 50 petits millions frileux qu'on annonce dans ce budget qui vont déclencher le

« sursaut intermodal » que proclame votre déclaration d'intention, monsieur le ministre.

Prenons l'exemple de la plate-forme multimodale de Dourges, souhaitée par nos collègues de Calais et de Boulogne, qui viennent de s'exprimer. Cette plate-forme, installée sur 530 hectares, devrait coûter 1,3 milliard de francs, notamment parce qu'il s'agit de reconvertir des terrains miniers et des friches minières dans une région qui a beaucoup donné à la France. Ce projet est idéalement placé sur les corridors européens. Or, aujourd'hui, alors que la région et les acteurs économiques souhaitent la mise en place d'une telle plate-forme, le XIe Plan prévoit que l'Etat limitera son financement à hauteur de 10 %. Dans le même ordre d'idées, comment allez-vous faire, monsieur le ministre, en n'affectant que 450 millions de francs à Voies navigables de France en 1999, pour donner le signal fort que constituerait la liaison Seine-Nord, dont les derniers chiffrages tournent autour de 18 milliards de francs, et pour lancer ensuite les études de la liaison Seine-Est, qui intéresse directement le Havre et sa liaison avec l'est de l'Europe ? Je reviendrai sur la réforme de la SNCF et sur Réseau ferré de France. J'ai déjà précisé au début de mon propos que RFF avait le dos au mur, avec une dotation qui ne lui permet même pas de couvrir ce que cet établissement doit rembourser chaque année. M. Filleul, rapporteur pour avis, a dit lui-même que cette dette étouffe toutes les possibilités d'investissement.

M. le ministre de l'équipement, du logement et des transports.

Il avait été prévu 8 milliards de francs en 1997 !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Dans ces conditions, comment faire pour faire face aux nouveaux investissements que réclame le développement des nouvelles lignes TGV dont la facture va naturellement s'allonger ? Comment faire pour régler le problème du péage d'infrastructures ferroviaires ? Comment relever, en effet, les tarifs de péage qui pourraient assurer la survie du RFF mais qui grèveront un peu plus encore les comptes d'une SNCF déjà pénalisée par des péages qui sont pourtant, pour certains, les plus bas d'Europe ? La réponse est d'abord - et c'est là où nos opinions divergent - dans une réduction des frais de fonctionnement de la SNCF, et certainement pas dans une nouvelle prise en charge par l'Etat, sous forme de compensation.

S'agissant des corridors de fret ferroviaire, l'Europe de l'économie, du commerce et des transports n'attendra pas la France ; elle l'a déjà montré lors des grèves de 1995.

Les trains du fret passeront le long de nos frontières et ils iront jusqu'à des ports sûrs, notamment ceux de la Belgique ou des Pays-bas, en évitant les nôtres, lesquels montrent pourtant un beau dynamisme.

Alors ne serait-il pas préférable, comme le font l'Allemagne et le Benelux et comme sont en train de le faire la Suisse et l'Italie, d'adopter une stratégie volontariste d'alliances et de se positionner à des années-lumière de la querelle hexagonale actuelle de l'unicité ferroviaire ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1998

Enfin, pour faire face au manque de moyens obtenus pour votre ministère, vous avez opté, monsieur le ministre, pour une méthode chère à la gauche : vous avez décidé d'augmenter les taxes.

Qui va payer - et le rapporteur pour avis a posé la question - la compensation des taxes sur le gazole, qui curieusement ne bénéficie pas aux transports collectifs ? Le contribuable, bien sûr, et la collectivité !

M. Charles Cova.

C'est le moment de faire des stocks !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Vous créez une nouvelle taxe sur les locaux commerciaux en Ile-de-France : qui va payer ? Les entreprises, déjà lourdement taxées ? Qui va trinquer ? L'emploi, bien sûr ! Pour financer les aéroports - et François d'Aubert a expliqué tous les inconvénient du système que vous proposez -, vous allez substituer aux redevances habituelles le financement par l'impôt. Qui va payer et trinquer ? Le contribuable, bien sûr !

M. Michel Bouvard.

Comme d'habitude !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Il pourra ainsi vérifier ce que la gauche plurielle entend par maîtrise des dépenses publiques et baisse réelle des impôts.

Pour ce qui touche justement aux transports aériens, où en est le désengorgement de Roissy, alors qu'il y aura 55 millions de passagers en 2015 ? Où en est le déclin annoncé d'Orly ? Où en est le dossier du troisième aéroport qui doit assurer la prise en charge du trop-plein sur les deux aéroports existants ? Est-il vrai que la SNCF s'est alliée récemment avec une compagnie aérienne étrangère, alors qu'elle se révèle incapable de maîtriser une vraie intermodalité dans le transport des voyageurs avec Air France.

J e n'insisterai pas sur les transports maritimes, M. Lengagne nous ayant donné toutes les raisons de voter contre en concluant son intervention en disant qu'il fallait voter pour.

Je n'insisterai pas non plus sur le duty-free.

Malgré ler apport décapant d'André Capet, les ministres des finances de l'Europe ne sont parvenus à aucune solution.

Monsieur le ministre, nous sommes dans un monde de concentration. Faire vivre le pavillon français, ce n'est pas se cacher frileusement derrière le concept facile de l'exception française. Je l'ai déjà dit à cette même tribune, si la France des transports persiste à ne pas préparer l'avenir, en 2010 l'Europe ferroviaire sera allemande et non française comme elle aurait pu le devenir, l'Europe maritime sera néerlandaise et non française, malgré nos grands ports et notre situation géographique idéale, l'Europe de l'aérien sera britannique et non française, car vous aurez, en refusant la privatisation, préféré le statu quo au développement économique et à l'emploi.

M. Jacques Desallangre.

Pour eux, la privatisation, c'est la panacée !

M. Marc-Philippe Daubresse.

C'est une lourde responsabilité. Nous vous la laissons.

La logique de votre budget ne répond absolument pas à ce qui se passe aujourd'hui en Europe et plus largement dans le monde. Vous n'avez pas les moyens des ambitions que vous mettez en exergue.

Le groupe UDF-Alliance votera résolument contre ce budget : d'abord parce qu'il reste dans le domaine du discours quand il faudrait agir ; ensuite parce qu'il endort notre pays quand il est urgent de relever les défis de nos concurrents européens et mondiaux (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...

M. Jean-Jacques Filleul et M. Jean-Noël Kerdraon.

Et vous, qu'avez-vous fait ?

M. Marc-Philippe Daubresse.

Nous avons fait beaucoup de choses. Au moins, nous avons doté l'intermodalité d'un vrai budget.

M. Jean-Noël Kerdraon.

Vous n'avez rien fait !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Nous attendons que vous en fassiez autant ! Enfin, nous voterons résolument contre ce budget car, comme je l'ai démontré pour le transport combiné, il ne répond en rien aux coûts sociaux et environnementaux que représentent les saturations routières de nos villes et de nos grands axes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Fleury.

M. Jacques Fleury.

J'ai été étonné d'entendre M. Daubresse nous faire la leçon, quand on sait le bilan que la droite nous a laissé ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.- Exclamations sur les travées du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Charles Cova.

Vous allez nous le reprocher encore combien de temps, ce bilan ?

M. Jacques Fleury.

Les excellents rapports de M. Idiart et M. Filleul sur les transports terrestres vont me permettre d'être plus bref.

Le budget que vous nous proposez pour l'équipement et le transport, même s'il ne constitue pas, monsieur le ministre, une des priorités retenues cette année par le Gouvernement,...

M. Dominique Bussereau.

Hélas !

M. Jacques Fleury.

... donne des inflexions à la politique dans ce domaine, dans le sens souhaité par le groupe socialiste.

C'est ainsi que nous enregistrons avec satisfaction l'effort consenti en faveur de la stabilisation de la dette ferroviaire, grâce à la nouvelle dotation de 13 milliards de francs à RFF, venant après celle de 10 milliards l'an dernier. Il faut souligner en effet que si on en était resté aux 8 milliards prévus lors de la mise en place de la réforme Pons, la dette de RFF se serait à nouveau aggravée, interdisant tout espoir de voir cet établissement répondre à sa vocation qui doit être d'investir dans les infrastructures ferroviaires.

Votre budget marque votre volonté de rééquilibrer l'effort de l'Etat en faveur du transport ferroviaire puisque, à l'intérieur du FITTVN, l'essentiel de l'effort est porté sur les investissements en transport ferroviaire et en transport combiné dont les crédits dépassent pour la première fois ceux qui sont affectés à l'investissement sur le réseau routier. Il s'agit là de la traduction d'une volonté, maintes fois réaffirmée, de ne plus orienter notre politique sur le tout routier dont nous connaissons les limites et les nuisances.

M. Michel Bouvard.

Cela va être le zéro routier !

M. Jacques Fleury.

Pour le moment, ces crédits sont essentiellement consacrés au TGV, ce dont chacun se réjouira, mais nous savons que les besoins sont énormes dans d'autres secteurs de l'activité ferroviaire si nous vou-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1998

lons offrir au fret des lignes compétitives, assurer à nos ports des liaisons satisfaisantes avec l'arrière-pays et multiplier les plates-formes multimodales.

Il faudra donc trouver pour RFF les moyens non seulement de gérer la dette, mais aussi de répondre aux immenses besoins de modernisation du réseau ferré, sachant que les péages que peut verser la SNCF, dont le budget reste grevé d'une dette importante, doivent demeurer compatibles avec le maintien de l'équilibre du compte d'exploitation de cette entreprise.

C hacun aura noté également l'effort particulier consenti en faveur des transports collectifs en province, en faveur des infrastructures en site propre et de la modernisation des transports collectifs urbains.

M. Michel Bouvard.

La taxe sur le gazole va beaucoup nous aider ! (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Jean-Jacques Filleul.

Plus 40 % en deux ans !

M. Jacques Fleury.

Sur le plan communautaire, ma satisfaction est grande de voir que, en matière de transport ferroviaire, la France refuse, sous votre égide, monsieur le ministre, l'ouverture à l'ultralibéralisme dogmatique de la Commission, pour lui opposer une véritable politique de coopération qui a déjà permis d'obtenir des résultats concrets.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Absolument !

M. Jacques Fleury.

S'agissant du transport routier, votre budget prend les dispositions nécessaires au respect des engagements pris par l'Etat depuis 1996 envers la profession.

L'annulation par le Conseil d'Etat du décret pris par le gouvernement Juppé en décembre 1996 sur la rémunération des transporteurs pour les temps de coupure, décision dont le gouvernement actuel n'est évidemment pas responsable, a pu être accueillie comme une provocation par les intéressés. Je souhaite comme vous-même, monsieur le ministre, que la négociation débouche sur des accords qui se substituent à ce décret, mais, à défaut, je voudrais que vous nous indiquiez les dispositions que vous comptez prendre pour combler le vide juridique qui s'installe.

Je n'ignore pas qu'il serait préférable, pour éviter toute distorsion de concurrence en matière de transport routier, que la question soit débattue à l'échelon européen, dans le cadre d'une négociation sur l'harmonisation des conditions de travail et, plus généralement, des conditions du transport. Je sais que votre action volontaire avait débouché sur une négociation à l'échelle européenne entre les représentants du patronat des transports et ceux des travailleurs. Malheureusement, le projet d'accord portant sur la réduction à 48 heures en moyenne de la durée de travail hebdomadaire, qui pourtant, se limitait aux salariés du transport pour compte d'autrui, n'a pas pu être finalisé, certains transporteurs revendiquant des possibilités de dérogation nationale qui en réduisaient totalement la portée.

Il faut dorénavant que la question soit réglée par une directive européenne. Il serait surprenant qu'au moment où treize pays sur quinze, en Europe, sont gouvernés à gauche, nous n'arrivions pas à obtenir satisfaction.

M. Michel Bouvard.

Oui, mais les gouvernements de gauche ne sont pas tous idéologiques !

M. Jacques Fleury.

Sachant pouvoir compter sur votre détermination, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous nous indiquiez dans quels délais pourrait être adoptée une telle directive, directive ne comportant pas de dérogations nationales susceptibles de fausser encore une fois la concurrence.

Cette concurrence ne trouve d'ailleurs pas seulement son origine dans les divergences de politique de rémunération ou de durée du travail. On sait que de multiples distorsions interviennent souvent en défaveur des transporteurs français. Nos partenaires appliquent de façon plus laxiste que nous certaines réglementations européennes, multiplient au contraire les contrôles tatillons et abusifs contre nos propres transporteurs, utilisent des matériels qui sont interdits en France : par exemple, chez nos concurrents, les cars de tourisme peuvent être plus longs, les tonnages des poids lourds plus élevés, les tachygraphes réglés suivant des normes différentes. C'est donc d'une harmonisation technique que nous avons également besoin pour obtenir des conditions de concurrence loyale qui nous permettraient de sauvegarder le transport français, tout en exigeant un meilleur respect des conditions de travail de nos conducteurs et de meilleures conditions de sécurité. A défaut, il n'y aurait pas de raisons que nous nous montrions plus naïfs que nos concurrents.

Ce sont les sujets sur lesquels je souhaitais plus particulièrement vous interroger ou appeler votre attention, monsieur le ministre, sachant que, par ailleurs, le groupe socialiste votera votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Guy Hascoët.

M. Guy Hascoët.

Votre budget, monsieur le ministre, confirme un certain nombre de choix. Je ne commenterai pas les chiffres, puisque d'autres collègues l'ont fait, mais j'observe la concrétisation de quelques priorités qui sont au coeur de la volonté du Gouvernement.

On note, d'abord, la volonté très nette de conforter les transports en commun, et en particulier le transport ferroviaire. La volonté, aussi, de mettre l'accent sur la sécurité routière et de préparer les conditions de l'audace qui viendra, soyez-en sûr, monsieur Daubresse.

Vous confirmez de manière claire la volonté du Gouvernement de permettre le redressement de la SNCF en accélérant son désendettement. Certains assument une décision que d'autres n'auraient pas prise, mais il faut sortir d'un débat par trop manichéen. Il est impossible d'imaginer une stratégie d'investissement forte concernant le fret ou la reconquête du trafic voyageurs sans une consolidation des fondations de la maison SNCF.

M. Jean-Jacques Filleul.

Très bien !

M. Guy Hascoët.

C'est ce que vous avez commencé à faire ; cette action se poursuit et c'est tout à l'honneur d'un grand pays ferroviaire comme le nôtre.

M. Jean-Jacques Filleul.

C'est vrai !

M. Guy Hascoët.

C'est en effet le seul moyen de donner à la SNCF des possibilités de reconquête et de conquête, et je suis certain qu'elle a des projets en préparation.

On observe également un effort en faveur des transports en commun dans les agglomérations et du TER.

Il n'est pas normal que la dotation TER pour l'ensemble des régions de France dépasse à peine le montant de l'intervention de l'Etat en faveur des seuls transports de la région Ile-de-France.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1998

On peut en effet estimer que, dans les dix ans qui viennent les besoins de renouvellement du matériel avoisineront 15 milliards de francs, sans compter la remise à niveau d'un certain nombre d'infrastructures dont on connaît l'état.

Je ne vois pas pourquoi une région comme la mienne, qui dispose d'un potentiel fiscal à peu près égal à la moitié de celui de l'Ile-de-France, devrait investir massivement pour faire face à ce type de besoin, tandis que la région dont le PIB est le plus important bénéficierait d'une aide de l'ensemble de l'Hexagone.

M. Michel Inchauspé et M. Michel Bouvard.

Très juste !

M. Guy Hascoët.

Le dossier est délicat, j'en conviens, mais je crois que le rééquilibrage est à la fois nécessaire et juste.

M. Jean-Luc Warsmann.

Absolument !

M. Guy Hascoët.

Si les investissements prévus en faveur du transport de fret restent timides, je ne doute pas qu'après l'adoption de la loi d'orientation pour l'aménagement durable du territoire et la définition des schémas de services, ces investissements connaîtront une forte augmentation. Ne voyez dans cette remarque qu'une manifestation d'impatience à propos d'un objectif que je sais partagé.

Ces jours-ci, on évoque souvent l'idée d'un plan de relance européen. Si l'on imagine un soutien à l'économie par un léger endettement du budget de l'Europe, ce ne peut être qu'un soutien tourné vers des objectifs de développement durable. Ce serait une catastrophe si, par malheur, certains envisageaient un quelconque schéma autoroutier européen. Ce serait, par contre, la grandeur d'un pays comme le nôtre, situé au coeur de l'Europe, de définir les contours d'un schéma français et européen multimodal permettant de s'attaquer une fois pour toutes aux conditions permettant au fret de circuler sur les longues distances autrement que sur des rubans de bitume. C'est une décision qu'il faut mûrir, mais il faut savoir que, pour 50 %, le transport de fret desservant la France passe dans notre région, la façade maritime étant ce qu'elle est.

Nous ne voulons plus d'autoroutes car nous en avons déjà dix ou onze ! Il y a pléthore ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Nicolin et M. Dominique Bussereau.

Vous avez bien de la chance !

M. Guy Hascoët.

Vous n'êtes pas dans notre situation : un camion sur deux, un conteneur sur deux desservant l'Hexagone passent sur notre territoire ! Il ne s'agit pas de s'entêter dans des débats de ce type, nous sommes disponibles pour une plate-forme multimodale, calibrée, et je me félicite que les trois groupes de conseillers régionaux Verts du Nord Pas-de-Calais, d'Ilede-France et de Picardie se soient réunis et aient adopté un position commune sur le projet Seine-Nord.

M. Yves Nicolin.

Vous êtes des égoïstes !

M. Guy Hascoët.

Certains, y compris parmi mes collègues, voudraient remplacer le tout-autoroutier par un autre tout-quelque chose, mais nous ne sommes plus dans une telle culture et je suis convaincu que c'est la diversité de l'offre modale qui permettra des solutions alternatives à la route et une réponse efficace du point de vue économique.

M. André Capet.

Absolument !

M. Guy Hascoët.

Nous poursuivrons par conséquent dans ce sens, même si cette option donne lieu à débat.

Dans l'immédiat, une impulsion pourrait être donnée en faveur des axes prioritaires et de la mise à niveau des réseaux, car l'ouverture vers le Nord-Ouest européen, avec la branche vers l'Angleterre ou la façade maritime du Nord Pas-de-Calais, n'est pas très clairement définie, en ce qui concerne les priorités retenues et les coûts de remise à niveau des infrastructures. Il y a là un travail de p réparation gigantesque et il faut commencer sans attendre.

L'administrateur de Voies navigables de France que je suis se félicite que, pour la seconde année consécutive, les crédits qui leur sont attribués soient en hausse, même si je considère, comme d'autres, que les besoins sont plus importants. Le patrimoine fluvial mérite cette attention, tant le chantier de restauration est gigantesque, et on ne peut pas imaginer deux gestionnaires pour s'occuper d'un réseau dont la cohérence est une.

Profitant de l'occasion, j'appelle votre attention, monsieur le ministre, après avoir attiré celle de Mme la ministre de l'aménagement du territoire, sur le fait que les nouvelles programmations européennes devraient intégrer de façon plus nette toutes ces différentes préoccupations, ce qui n'a pas toujours été le cas dans le passé.

Enfin, à l'heure où les contrats de plan se dessinent, il est important que vous ayez le souci de faire entrer toutes ces nouvelles logiques dans les programmations pluriannuelles. Retenez vos DRE, monsieur le ministre, pour qu'elles n'élaborent pas des programmes où la route mange 90 % des crédits, et qu'elles prévoient des ports, des plates-formes intermodales, des liaisons ferroviaires, des voies d'eau, des projets permettant le développement de la façade maritime. Bref, il faut qu'elles diversifient la palette des programmes et aient un peu plus d'imagination qu'elles n'en ont manifesté dans un passé récent.

Je terminerai par les contrats de ville. Si nous voulons donner à l'Etat un rôle d'animateur et permettre des solutions pour nos agglomérations, sans doute faut-il imaginer de soutenir des programmes pilotes ou expérimentaux, encourager des interventions très volontaristes concernant la place du deux-roues ou des piétons, et développer les expériences de véhicule partagé, car les collectivités hésiteront à s'engager seules. Si l'Etat leur apporte son soutien, cela permettra de valider leur démarche, qui pourra se développer, voire se généraliser à travers le pays.

Nous voterons bien entendu ce budget et nous sommes à la fois attentifs et disponibles pour traduire toutes ces ambitions, avec vous.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Francis Delattre.

M. Francis Delattre.

Monsieur le ministre, les rapporteurs ont mis beaucoup de soin à ne pas citer certains éléments de leur rapport, et c'est regrettable. Probablement ont-ils voulu vous être agréables et décerner un satisfecit général.

M. Jean-Louis Idiart.

Pas du tout !

M. Francis Delattre.

Mais celui-ci dissimule mal la réal ité d'un budget dont la capacité d'investissement régresse. Or c'est bien la donnée essentielle pour un ministre de l'équipement et des transports.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1998

Ce satisfecit masque également mal une absence d'ambition. On se contente de gérer, d'accompagner des projets lancés depuis longtemps, mais il n'y a plus de souffle.

Votre budget s'élève, hors logement, à 85,2 milliards de francs. Il n'enregistre donc aucune progression par rapport à 1998, si on n'y intègre pas les ressources financières, les comptes d'affectation spéciale et les dotations en capital.

S'agissant des transports terrestres, même si le document budgétaire affirme une forte priorité pour les transports collectifs et ferroviaires, je suis obligé de constater qu'en fait de priorité il ne s'agit que d'une maigre progression des crédits budgétaires, de l'ordre de 0,6 %, ce qui fait que, en francs constants, votre budget n'est pas reconduit.

Le principal bénéficiaire sera Réseau ferré de France, le gestionnaire des infrastructures de la SNCF, puisque sa dotation en capital passera de 10 à 13 milliards de francs dans le cadre d'un effort, effectivement important, qui vise à le doter de 37 milliards afin de stabiliser sa dette à hauteur de 150 milliards.

Néanmoins, cet effort financier destiné à contribuer au désendettement de la SNCF se voit partiellement remis en cause par d'autres décisions qui freinent la gestion des effectifs. On peut toujours dire qu'il faut s'occuper de l'emploi, et nous sommes d'accord. Mais la SNCF a des difficultés structurelles, et la totalité de ses recettes commerciales sont absorbées par la masse salariale.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Que proposez-vous ?

M. Jacques Desallangre.

Une SNCF sans cheminots !

M. Francis Delattre.

Non ! Avec des cheminots, mais affectés aux bons endroits, et ayant conscience qu'il faut être concurrentiel. Là est le fond du problème, d'autant qu'il ne s'agit pas uniquement aujourd'hui de sacrifier les investissements au profit du fonctionnement, ce qui caractérise en général une gestion de gauche, mais de relever d'autres défis, comme ceux de la fiabilité et de la qualité. Il convient de gagner cette bataille, notamment en région parisienne.

En effet, la situation des transports collectifs dans la région parisienne appelle des remarques particulières, eu égard au climat de tension qui prévaut depuis des semaines. L'insécurité ne date pas d'aujourd'hui, elle est latente depuis longtemps et c'est un véritable défi de circuler sur certaines lignes de banlieue après vingt heures.

M. Jean-Claude Daniel.

Qu'est-ce que vous avez fait lorsque vous étiez au pouvoir ?

M. Francis Delattre.

L'orateur précédent a souligné que les investissements et les actions dans le domaine des transports en commun ne pouvaient pas s'analyser sur une ou deux années, car il s'agit d'infrastructures très lourdes, mais sur une dizaine d'années.

Pendant la période 1988-1998, vous avez été très exactement six ans et demi aux affaires, alors que nous n'y avons été que quatre ans.

M. Jean-Jacques Filleul.

C'est un aveu d'impuissance ! En quatre ans, qu'avez-vous fait ?

M. Francis Delattre.

La responsabilité est donc largement partagée. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Charles Cova.

Ça vous gêne qu'on dise ça !

M. Francis Delattre.

Le transport constitue une des préoccupations essentielles des habitants de notre région.

Lorsqu'ils se rendent de leur domicile à leur lieu de travail, ils sont confrontés à des désagréments multiples : inconfort des rames, surchargées aux heures de pointe, retards de plus en plus fréquents des trains, infrastructures mal entretenues, insécurité croissante.

Ce sont donc la fiabilité et la sécurité qui sont les améliorations prioritaires pour la majorité des habitants d'Ilede-France, car leur mobilité dépend largement, sinon totalement, des transports en commun.

A ux conditions de transport souvent déplorables s'ajoutent des mouvements de grève - en particulier dans la région Nord - qui affectent périodiquement la fiabilité du service public. Il n'est pas question de remettre en cause le droit de grève, mais on pourrait tout de même s'interroger sur le principe de la continuité du service public.

M. Jean-Pierre Blazy.

Ce ne serait pas très libéral !

M. Francis Delattre.

Face à ce constat, que proposezvous dans votre budget ? La vraie question est de savoir qui dirige l'ensemble du dispositif des transports en commun dans la région parisienne. J'ose le dire, ce n'est pas vous ! Ce n'est pas non plus la région parisienne.

C'est à peine le syndicat des transports parisiens. Qui dirige ? Un groupe de nomenklaturistes issus des Ponts et chaussées et de certains services du ministère de l'économie et des finances. Car il faut que vous sachiez, chers collègues de province, que nous demandons l'application de l'article 6 de la loi de 1976 qui a créé la région parisienne. Les élus de cette région souhaitent avoir les moyens de gérer les transports, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

M. Jean-Louis Idiart.

Qu'ils le fassent !

M. Jean-Jacques Filleul.

On a l'impression qu'ils ont du mal à atterrir !

M. Francis Delattre.

Je prendrai un ou deux exemples, pour montrer que ce ne sont pas les élus qui gèrent les transports en commun. Ils sont consultés mais pas du tout associés aux véritables décisions.

Vous venez, monsieur le ministre, d'inaugurer la ligne METEOR. C'est l'exemple parfait qui montre à quel point les élus sont peu associés aux grandes décisions d'aménagement concernant les transports en commun de la région parisienne. Cette ligne est tout à fait remarquable, elle constitue une très belle vitrine. Mais quelle est aujourd'hui la priorité ? Croyez-vous vraiment qu'il faille ouvrir de nouvelles radiales vers le centre de Paris ? Ça fait vingt ans que nous disons, au conseil régional d'Ile-de-France - où je vous écoutais, il y a quelques années - que la priorité, ce sont les transports interbanlieues. Or aussi bien METEOR qu'EOLE ne font que desservir la toute petite couronne parisienne ces liaisons sont réalisées au détriment de la desserte interbanlieues.

On a créé des villes nouvelles pour rééquilibrer la région parisienne et réalisé la Francilienne pour assurer la desserte routière mais, pour aller de Saint-Quentin-enYvelines à Cergy-Pontoise, il faut passer par le centre de Paris ! Je suis persuadé que si les décisions étaient prises par les élus, l'avis de ceux qui représentent huit millions d'habitants aurait peut-être prévalu sur l'opinion de ceux qui n'en représentent que deux millions.

Voilà un exemple de dysfonctionnement de la région parisienne. Dès lors, allez-vous donner la responsabilité de la définition de la politique des transports à la région, avec les conséquences financières qui s'attachent à cette décision, afin de mettre un terme à de telles aberrations


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1998

et de permettre une véritable politique d'association, comme celle qui a été définie dans une dizaine de régions ces dernières années, dans le cadre de la décentralisation, notamment avec la SNCF ? Et l'on voit les inconvénients d'une mauvaise maîtrise des décisions de la région parisienne reparaître à l'occasion de la mise en oeuvre d'une excellente idée, celle des tangentielles. Pour rompre avec les pénétrantes, ces ouvrages remarquables, extraordinairement coûteux, qui ont pompé tous les crédits de la région parisienne ces dernières années, vous avez imaginé les tangentielles, qui sont les premiers projets de véritable desserte interbanlieues. Or le premier projet qui se dessine me semble mauvais. Il démarre peut-être bien du côté d'Argenteuil, mais le terminer à quelques encâblures du périphérique ne me paraît pas conforme à l'idée qu'on peut avoir d'une tangentielle. La première tangentielle qu'il faudrait réaliser, c'est Cergy-Le Bourget-Roissy. J'en appelle à votre vigilance, monsieur le ministre, car, actuellement, on assiste au détournement d'une très bonne idée.

J'en viens aux crédits en faveur de la route, toutes ressources confondues.

M. le président.

J'espère que vous avez bientôt terminé, monsieur Delattre.

M. Francis Delattre.

Vous êtes vous-même élu de la région parisienne, monsieur le président, vous devriez donc être hautement intéressé par ce que je dis.

M. le président.

Ce n'est pas en cette qualité que j'interviens, mais simplement pour vous demander de respecter votre temps de parole.

M. Jean-Louis Idiart.

Qu'est-ce que c'est que ce lobbying ? Si l'on veut que le Parlement retrouve quelque lustre, il faudrait au moins que les orateurs qui n'ont qu'une fois par an l'occasion de s'exprimer sur des sujets aussi essentiels puissent développer correctement leurs arguments, fussent-ils des orateurs de l'opposition.

Monsieur le ministre, vous avez reconnu vous-même en commission des finances que la diminution des invest issements routiers ne permettait pas d'exécuter les contrats de plan. J'insisterai sur deux chiffres qui figurent dans le rapport de M. le rapporteur spécial de la commission des finances, mais que celui-ci a oublié de citer. Il a reconnu lui-même que les crédits diminuaient de 3,5 % en autorisations de programme et de 5,3 % en crédits de paiement. Il précise même que, si on prend en compte le FITTVN, dont les crédits sont en diminution de 240 millions de francs, la baisse de l'ensemble des crédits routiers est en fait de 6,2 %. La seul poste qui reçoit votre soutien est celui de l'entretien du réseau ; il n'en demeure pas moins que l'ensemble des crédits affectés aux routes est en diminution sensible.

Je dirai un mot rapide de la sécurité routière. Il y a quelques années, on a défini un plan visant à éliminer les points noirs ; mais, aujourd'hui, on en recrée d'autres.

Prenons l'autoroute urbaine souterraine de La Défense, qui rejoint l'autoroute A 14 à péage. On l'appelle le boyau de la mort. Brusquement, on passe de deux voies larges à un boyau sans éclairage où deux camions ne peuvent pas se croiser. Réaliser en 1998 un tel type d'équipement, c'est vraiment créer un point noir, je le répète, et je pourrais multiplier les exemples.

On dépense beaucoup d'argent pour des campagnes de publicité pour la sécurité routière. Mais il n'y a des actions toutes simples qui seraient bien plus efficaces, comme la signalisation au sol du réseau secondaire. On voit en effet parfois des routes nationales rester deux ans sans signalisation au sol convenable après avoir reçu une nouvelle couche de bitume.

Afin d'être en plein accord avec le président de séance, je ne dirai, pour terminer, qu'un mot sur l'aéroport de Roissy.

M. le président.

Je vous l'accorde ! (Sourires.)

M. Francis Delattre.

Compte tenu de l'augmentation du trafic de cet aéroport - 12 % en 1996 - on peut s'att endre à ce que les prévisions jusqu'en 2015 de 500 000 mouvements d'avions et de 55 millions de passagers, chiffres maximum admis avec bien des difficultés lors de la négociation pour les deux pistes supplémentaires, ne soient assez rapidement dépassées.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Elles seront atteintes, pas dépassées !

M. Francis Delattre.

Un des orateurs précédents a parlé de 2007 ou de 2008. On me dit que serait plutôt le cas en 2005. Mais 2005, monsieur le ministre, c'est demain ! Or il faudra bien dix ans pour que puisse être mise en place une troisième plate-forme aéroportuaire du niveau d'Orly ou de Roissy. Et les perspectives de développement de Roissy font penser que les objectifs seront atteints beaucoup plus rapidement que prévu. Vous avez donc forcément des décisions à prendre.

Je ne dis pas que la nouvelle plate-forme devra être dans la région parisienne. Je dis simplement que des décisions devront être rapidement prises. Sinon les engagements pris par l'Etat dans le cadre de la négociation sur les deux pistes supplémentaires ne pourraient être tenus.

Je vous poserai, d'autre part, deux questions concernant Roissy.

Vous avez indiqué que les riverains devaient profiter d'un certain nombre de retombées économiques, et qu'un texte de loi devrait être présenté. Quelles sont vos intentions à ce sujet ? Vous avez, de plus, annoncé qu'une autorité indépendante devrait épauler les populations riveraines. Pouvez-vous nous préciser quand le texte de loi nécessaire nous sera proposé ? Vous aurez compris, monsieur le ministre, que votre budget nous paraît manquer d'ambition. Pour cette raison principale, le groupe Démocratie libérale et Indépendants votera contre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Félix Leyzour.

Vous ne proposez rien d'autre !

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget que nous examinons est l'un des principaux budgets du pays, tant par son volume que par son impact sur l'activité économique.

Le groupe du RPR y a apporté toute son attention, souhaitant en faire une lecture objective avant de se prononcer.

J'exprimerai également, dans mon intervention, la position du Rassemblement quant à l'avenir, dans un contexte européen marqué par la libéralisation progressive du secteur des transports.

Commençons par le budget.

Le contexte de croissance européenne retrouvée devrait dégager entre 60 et 80 milliards de francs de recettes supplémentaires, à constater en loi de finances rectificative


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pour 1998. Bien que l'hypothèse de croissance semble surestimée, il permet d'ores et déjà, d'afficher un budget global de l'Etat en progression de 2,3 % pour 1999.

Dans ces circonstances, chacun pouvait s'attendre à ce que le budget de l'équipement et des transports reflète la position exprimée par le Gouvernement pour une croissance durable favorisant l'emploi. Or, nous constatons que le budget du ministère de l'équipement et des transports est en stagnation par rapport à 1998. Il ne figure d'ailleurs pas dans les priorités du Gouvernement, comme cela est officiellement exprimé dans le document de présentation remis par le ministre des finances.

Les chiffres traduisent cette dure réalité : une progression de 0,4 % sur les services communs, inférieure à l'inflation ; une augmentation de 0,6 % des crédits de transports terrestres, inférieure à l'inflation ; une diminution de 5,3 % des crédits routiers et de 1,1 % des crédits du transport aérien. Seul le budget de la mer, affichant une progression record de 1 %, échappe au régime sec et passe le cap de l'inflation.

Dès lors, je comprends que notre rapporteur spécial de la commission des finances ait préféré commencer son rapport par une réflexion sur les perspectives européennes en matière de transports, plutôt que par la froide réalité des chiffres.

Le budget permet-il néanmoins de remplir le contrat par rapport à un secteur aussi essentiel pour la croissance, la compétitivité des entreprises, les conditions de vie de nos concitoyens, l'emploi et l'aménagement du territoire ? Je ne le crois pas, même si les ressources provenant d'une débudgétisation progressive qui est dénoncée sur tous les bancs de cette assemblée depuis plusieurs années et qui s'amplifie depuis deux ans, depuis qu'on a récupéré la rente du canal Rhin-Rhône, permet de satisfaire à quelques urgences. Seuls, en effet, les moyens mobilisés au travers du FITTVN - presque 4 milliards - et du FARIF, donnent la capacité de faire face aux investissements minimaux dans le secteur des transports terrestres.

Le budget des routes est le grand perdant, accusant une chute de 3,5 % des autorisations de programme et de 5,3 % des crédits de paiement. Les crédits du FITTVN, que le ministère intègre au budget pour masquer une partie de cette baisse, améliorent, certes, l'enveloppe en valeur absolue, mais il faut souligner que ces crédits diminuent eux-mêmes de 240 millions par rapport à 1998.

C ette situation est particulièrement préoccupante, puisque 1999 marque la dernière année du contrat de plan, et que le taux de réalisation du XIe Plan sera à peine satisfait à 80 % dans le secteur routier.

Ainsi, de nombreuses opérations attendues pour l'amélioration des dessertes routières et des conditions de transport ne seront pas réalisées dans les délais, même avec l'allongement d'un an du contrat de plan, alors même que la ministre de l'environnement et de l'aménagement du territoire a déjà annoncé que le prochain contrat de plan serait à la baisse pour le secteur routier.

Monsieur le ministre, le groupe du RPR n'a jamais posé la route et le rail en adversaires. Au contraire, il a toujours considéré qu'il s'agissait de modes de transport complémentaires.

Après la suspension ou l'annulation de plusieurs projets autoroutiers, à la demande d'une partie de la majorité, le budget de 1999 des routes constitue un mauvais coup porté à l'équipement de notre pays, notamment dans les parties du territoire où il n'existe pas d'alternative à la route.

Seule satisfaction : la poursuite de l'action engagée par votre prédécesseur, qui avait été à l'origine d'une inversion de tendance pour accroître les crédits d'entretien et de maintenance du patrimoine routier, avec une progression des crédits dans ce secteur de 74,370 millions au chapitre 53-42 du titre V, cette progression restant toutefois largement inférieure à la chute des crédits d'investissement de 706 millions sur le chapitre 53-43 du même titre.

Même en intégrant les crédits du titre VI, la chute de l'investissement ressort à plus de 650 millions de francs.

L'annonce de la suppression de près de 500 postes supplémentaires au sein des services du ministère, sur laquelle M. Warsmann reviendra, conduit aussi à s'interroger sur les moyens de fonctionnement de la DDE. Je sais qu'il s'agit là d'une évolution ancienne, mais voilà bien longtemps que les gains de productivité ont été atteints. Il y a sans doute une limite à la résorption des effectifs au niveau de l'équipement ! Cette diminution des crédits routiers profite-t-elle aux autres secteurs du budget des transports et constitue-t-elle une réorientation de l'action du ministère ? Là encore, la réponse est non.

L e transport ferroviaire est aujourd'hui constitué, depuis la réforme de 1996, de deux entreprises publiques, la SNCF, exploitant ferroviaire, et RFF. C'est dans ce cadre que sont fixées les interventions budgétaires de l'Etat.

Pour RFF, le poids de la dette d'infrastructure transférée de 134 milliards pèse sur les résultats. Le budget adopté par le conseil d'administration en juillet 1997 prévoyait un résultat négatif de 12,86 milliards. Il aura été de 14,09 milliards après dotation aux amortissements.

Pour 1998, le résultat net négatif devrait s'établir à 14,5 milliards. Les dotations de l'Etat aux charges d'infrastructure et à la contribution à la défense, soit 11,81 milliards et 5 milliards en 1998, ne permettent pas de trouver un équilibre en raison du poids de la dette et des besoins d'infrastructures nouvelles.

La sortie du régime transitoire prévu par le décret de 1997 pour la redevance d'usage va permettre de déterminer avec plus de précision les conditions d'équilibre de la société en charge des infrastructures.

Nous ne nous cachons pas, monsieur le ministre, que l'exercice est délicat. Il convient en effet que la redevance d'usage soit suffisante pour permettre à RFF d'assurer l'entretien des infrastructures et un certain nombre d'investissements, sans pénaliser la SNCF, mais sans non plus créer une référence trop basse de redevance par rapport à d'autres éventuels opérateurs ferroviaires étrangers.

Afin de consolider la situation de RFF, vous avez proposé un apport supplémentaire de l'Etat de 37 milliards au secteur ferroviaire sur la période 1999-2001. Nous saluons cet effort, mais le problème du financement des infrastructures nouvelles continuera de se poser.

A cet égard, nous observons que le financement du TGV-Est, malgré plusieurs annonces, n'est toujours pas assuré.

Le projet louable d'équilibrer les investissements entre les besoins du réseau classique - indispensable pour supprimer les goulets d'étranglement, pour améliorer la régularité des trains aussi bien de voyageurs que de marchandises, et pour assurer la compétitivité du rail en termes de qualité du service - et les lignes nouvelles, risque quant à lui, de ne pouvoir être respecté dans les cadres budgétaires traditionnels. Il faudra alors sacrifier des lignes nouvelles ou pénaliser le réseau classique ou le fret.


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C'est pourquoi le groupe du RPR suggère qu'une réflexion soit menée pour la mobilisation de ressources financières à long terme qui font actuellement défaut pour le financement de tels investissements. La Caisse des dépôts ou les caisses d'épargne, qui ont accès à une ressource privilégiée, pourraient être sollicitées à cet effet, dans des conditions de rentabilité des capitaux investis à garantir. Cela suppose évidemment que l'Etat ne prélève pas abusivement sur les résultats de ces établissements pour assurer ses propres dépenses de fonctionnement, comme on le constate dans le budget qui nous est proposé où est prévu un ponctionnement sur les caisses d'épargne de 5 milliards.

S'agissant des investissements où les arbitrages à rendre seront difficiles, dans le domaine ferroviaire comme dans le domaine routier, je regrette, au nom de notre groupe, que le schéma directeur des transports prévu dans la loi d'aménagement du territoire ait été rejeté, avant même d'avoir vu le jour, par votre collègue de l'environnement, au profit d'un schéma de services collectifs dont on peut craindre que la date tardive à laquelle il sera élaboré ne lui permette pas d'avoir la moindre utilité dans les arbitrages à rendre au moment de la discussion du contrat de plan.

Il est regrettable que des remises en cause de ce type risquent de déboucher sur des investissements qui n'auraient alors pas l'efficacité requise.

La SNCF voit quant à elle ses dotations maintenues, ce qui, compte tenu de l'amélioration des comptes liée à l'allégement de la dette et à la reprise des trafics, doit lui permettre de faire face à ses engagements.

Nous tenons à saluer à cette occasion, mes chers collègues, l'effort accompli par l'entreprise de reconquête de la clientèle - cet effort est bien réel -, même si la conjoncture économique y contribue. A côté de la progression des trafics TGV et fret, il convient de constater l'effet positif de la réforme portant régionalisation des services de voyageurs, que nous avons adoptée, puisque le trafic augmente de 4,6 % dans les régions expérimentales, contre 1,5 % dans les autres, les recettes s'accroissant de 4,9 % dans les premières et de 2 % dans les secondes.

Au bout de deux ans, la réforme qu'au nom du Parti socialiste M. Filleul avait qualifiée ici même d'insuffisante et de dangereuse, se révèle donc positive,...

M. Jean-Louis Idiart. Elle demeure insuffisante !

M. Jean-Jacques Filleul.

Il faut la réformer quand même !

M. Michel Bouvard.

... le projet de réforme de la réforme se limitant à une structure de coordination, si j'ai bien compris, monsieur le ministre, entre les deux entreprises du secteur ferroviaire, à laquelle nous ne sommes pas opposés.

J'en viens aux transports en commun pour constater, monsieur le ministre, que la dérive financière des comptes des transports urbains en Ile-de-France n'est pas enrayée, malgré une amélioration de la fréquentation qui doit d'ailleurs autant à la mise en service des nouvelles infrastructures qu'à la croissance du trafic sur le réseau préexistant à celles-ci.

La dotation d'équilibre aux transports parisiens s'accroîtra encore en 1999 de 50 millions de francs. Si cettes omme paraît limitée au regard d'une dotation d'ensemble de plus de 5 milliards, elle est symbolique puisqu'elle correspond à 10 % près au prélèvement effectué par l'Etat sur les réseaux de transports urbains de province, qui ne bénéficient pas d'une telle dotation d'équilibre, plusieurs l'ont dit avant moi, puisque ces réseaux vont être ponctionnés, au travers de la hausse du gazole, de 45 millions.

Le groupe du RPR souhaite connaître, monsieur le ministre, les intentions du Gouvernement sur le devenir du syndicat des transports parisiens. La prochaine discussion des contrats de plan imposerait que soient clarifiées les compétences de l'Etat et des collectivités : villes, départements et régions. Les erreurs d'investissement qui ont été commises dans le passé, qui sont lourdes de conséquences pour les finances publiques et que les réussites technologiques ne peuvent seules masquer, doivent en effet inciter à une remise en ordre avant que ne soit engagée une nouvelle étape d'investissement.

Les besoins sont importants dans la grande couronne, mais aussi à Paris, avec le projet de tramway que la ville propose. Une plus grande efficacité doit être trouvée si l'on ne veut avoir comme seule solution d'augmenter la dotation d'équilibre de l'Etat, ce qui se fait depuis vingt ans, ou de créer, comme vous le proposez cette année, de nouvelles taxes dans le cadre du FARIF, pour alimenter les investissements.

S'agissant des transports de province, les crédits inscrits au budget ne permettront pas, ainsi que le souligne le GART, d'assurer la participation de l'Etat en 1999 sur les projets à engager.

M. Jean-Jacques Filleul.

Mais si !

M. Michel Bouvard.

Qu'il s'agisse du tram de Bordeaux, de Lyon, de Montpellier, du métro de Toulouse ou du prolongement du tram de Strasbourg, je ne suis pas sûr que les moyens financiers permettent de respecter l es calendriers. Les chiffres démontrent plutôt le contraire.

Là aussi, la réflexion que je suggérais sur la mobilisation de ressources à long terme, dans des conditions privilégiées, permettrait peut-être de satisfaire les besoins en dehors des crédits propres du budget de l'Etat.

La hausse du gazole limitera les capacités de renouvellement du parc des réseaux de transport en province alors que ces réseaux ont souvent été les plus performants en termes d'innovation sur les modes de propulsion écologique. J'ai fait au nom du RPR, en commission des finances et ici même lors de la discussion générale, une suggestion qui, je l'ai constaté avec plaisir, a été reprise par M. Biessy : le prélèvement supplémentaire pourrait abonder un fonds de modernisation des réseaux avec une priorité pour les investissements dans des bus utilisant les énergies propres - électricité, gaz de méthane, gaz naturel - et pour les opérations en site propre, qui ne peuvent, c'est vrai, être partout réalisées. Cette suggestion est, hélas, restée sans réponse de la part de M. Sautter, qui était à votre place la semaine dernière, durant les longues journées que nous avons passées ensemble.

Je dirai maintenant quelques mots sur le budget de l'aviation civile, placé, lui aussi, sous le signe de la rigueur avec une progression limitée à 2,3 % des crédits de paiement consacrés au transport aérien, après une progression de 13 % en 1998, mais surtout avec une stagnation des autorisations de programme et une diminution des crédits de paiement de 13 % dans le secteur de la construction aéronautique.

Je suis plus préoccupé par la dotation aux investissements de l'ONERA, qui diminue de 26 %, après une chute de 37 % en 1998. Je vous poserai, en tant qu'élu de l'un des sites de l'ONERA, une question très intéressée : ces dotations permettront-elles de financer le banc


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TURMA dont l'ONERA a besoin pour doter notre pays d'un outil de recherche important dans le domaine des moteurs d'avion ? La météo elle-même n'a pas été épargnée dans ce budget puisque la subvention d'investissement à Météo France s'établit, en autorisations de programme et en crédits de paiement, à 220 millions, contre 234 millions en 1998.

Enfin, je déplore que le budget prenne bien trop tardivement en compte l'arrêt du Conseil d'Etat du 20 mai dernier qui annule les arrêtés fixant les redevances pour services terminaux de la circulation aérienne. Vous avez été interrogé excellemment par le rapporteur, qui nous a fait une longue démonstration. Aussi n'en dirai-je pas plus.

Le temps qui m'est imparti ne me permet pas de traiter des voies navigables et de la mer. Certains de nos collègues le feront sans doute. Je veux toutefois dire que, si le FITTVN permet l'engagement de travaux sur le c anal du Havre à Tancarville ou sur la liaison Dunkerque-Valenciennes, les crédits consacrés sur le domaine de l'Etat à l'entretien et au fonctionnement, au chapitre 35-41, restent désespérément insuffisants.

Quant à la politique portuaire, je rappellerai l'importance pour celle-ci d'assurer un socle de trafic avec les chargeurs français. A ce sujet, la mesure adoptée l'an dernier par la majorité, s'agissant des quirats, réduira inévitablement notre flotte à terme et elle ne peut être que néfaste, quels que soient les investissements réalisés par ailleurs pour l'amélioration des infrastructures portuaires.

Monsieur le ministre, ce budget, vous l'avez compris, ne recueille pas notre assentiment. En outre, certaines améliorations que nous avons proposées lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, pour les transports, tels que le passage à 50 000 litres de carburant, comme en Hollande, et le remboursement de TIPP aux transporteurs routiers afin de tenir compte de nouvelles conditions d'exploitation en liaison avec la réduction du temps de travail, nous ont été refusées.

Tout cela conduira le groupe du RPR à ne pas voter votre budget.

Mais, au-delà, je voudrais dire que des sujets essentiels pour l'avenir restent aujourd'hui dans le flou, les rumeurs les plus contradictoires circulant parfois.

Ainsi, qu'en est-il de la position de la France par rapport aux futures concessions d'autoroute ? Le système autoroutier français a permis de doter notre pays d'un réseau performant, de qualité et à moindre coût pour le contribuable. Qu'en sera-t-il demain pour assurer la réalisation de nouvelles autoroutes en zone urbaine ou au titre de l'aménagement du territoire ? Michel Inchauspé évoquera ce point dans son intervention.

Qu'en est-il de notre position par rapport aux objectifs de libéralisation des transports ferroviaires, chers au commissaire européen, et de la définition des sillons ? Le RPR, qui réaffirme son attachement au caractère public de la SNCF, souhaite savoir comment le Gouvernement entend permettre à celle-ci d'avoir une position conforme à nos intérêts nationaux dans la mise en oeuvre de la politique des sillons au niveau européen. Ce sont des dizaines de milliers d'emplois qui dépendent de la maîtrise des flux de transports pour laquelle une réelle c oncurrence existe. Des rapprochements s'opèrent à l'étranger entre les chemins de fer allemands et néerlandais, entre les chemins de fer italiens et suisses.

Si le secteur ferroviaire européen reste largement maîtrisé par les Etats, il en va différemment dans le transport aérien, et la situation d'Air France devient à cet égard un handicap dans le passage d'alliances avec les autres sociétés. Mme Edith Cresson elle-même, en poste à Bruxelles, recommande, dans un ouvrage que chacun a lu, une privatisation que le Gouvernement refuse toujours.

M. Jean-Jacques Filleul.

Vous doublez votre temps de parole, monsieur Bouvard ?

M. Michel Bouvard.

J'ai quinze minutes, et je termine !

M. le président.

Chers collègues, je tiens à faire une mise au point. M. Bouvard cumule les dix minutes de temps de parole que lui a accordées son groupe et les cinq minutes de M. Alain Marleix, qui ne s'exprimera pas. Mais il va bientôt conclure !

M. Michel Bouvard.

Sur tous ces secteurs, monsieur le ministre, nous avons le sentiment que le Gouvernement cherche à gagner du temps. Sans doute avez-vous, vousmême, conscience de l'urgence de certaines décisions, mais il semble bien que le Premier ministre ne puisse se résoudre à des réformes de structures comme celles que nous avons engagées en son temps dans l'intérêt du pays pour la SNCF, par exemple, réformes difficiles qui nécessitent parfois d'aller à contre-courant d'un certain nombre d'idées reçues.

Le groupe du RPR souhaite que le Gouvernement engage un débat au Parlement le plus rapidement possible sur la position de la France par rapport aux dossiers communautaires en matière de transport, ainsi que sur le financement des infrastructures au niveau national. En effet, si la relance d'un programme de travaux d'infrastructures communautaires, souhaité par le rapporteur Jean-Louis Idiart comme par vous-même, monsieur le ministre, est intéressante, on ne peut s'en remettre à un hypothétique accord européen pour le financement de ces équipements. La France doit définir une politique de transport ambitieuse. A notre sens, ce projet de budget pour 1999 ne le permet malheureusement pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne saurais commencer mon intervention sans annoncer ici que le deuxième chantier naval civil de notre pays est en ce moment même menacé de disparition. Les ateliers et chantiers du Havre, dont l'avenir devait être précisé le 22 octobre c'est aujourd'hui - sont, au moment où je vous parle, sous le coup de l'annonce qui vient d'être faite par le ministère des finances et de l'industrie qu'il n'y aurait aucun repreneur.

Vous n'avez pas ce secteur en charge, monsieur le ministre, car il relève de l'industrie, mais je veux dire ici que je suis totalement aux côtés des 2 000 travailleurs du Havre concernés par cette décision, que je désapprouve totalement. La responsabilité de la droite depuis 1995 est engagée. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) C'est en effet elle qui avait exigé de ce chantier qu'il prenne une commande qu'il n'était pas en mesure d'assumer. Et c'est cette responsabilité que vous portez aujourd'hui, messieurs !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1998

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est toujours la faute des autres !

M. Daniel Paul.

Une autre méthode était sans aucun doute possible, qui aurait pu conduire à une autre solution. Je l'ai fait savoir dès cet après-midi à M. StraussKahn et à M. Pierret.

La France est un pays maritime. Cette situation a toujours pesé sur son développement, sur l'organisation de son territoire avec la construction de grands ports, sur ses relations extérieures, sur son rôle dans le monde. De grandes politiques maritimes ont jalonné notre histoire, avec de grandes compagnies de navigation, des industries navales puissantes, un nombre important de marins et de p ersonnels portuaires. Aujourd'hui, notre pays, avec 200 navires battant pavillon français, est au 27e rang dans le monde pour sa flotte marchande. L'essentiel de notre commerce maritime se fait sous pavillon étranger. Un port comme le Havre peut rester plusieurs jours sans accueillir un seul navire battant pavillon français. Une part importante de notre commerce maritime se fait par des ports belges et néerlandais.

A u moment où le commerce maritime mondial connaît et poursuit une forte croissance, il est préoccupant de constater que notre pavillon y prend une part faible et que, dans les échanges maritimes de notre pays, cette part a du mal à augmenter. L'indépendance même de notre pays est mise à mal. Dans le domaine des industries navales, la France a payé le plus lourd tribut aux décisions européennes et, aujourd'hui, le deuxième chantier naval de notre pays est menacé dans son existence même. Des politiques successives d'abandon ont conduit à cette situation inadmissible, politiques libérales où les intérêts financiers dominent les activités économiques. Le comité interministériel de la mer du 1er avril dernier a décidé de rompre avec cette logique et a déclaré vouloir mettre en oeuvre « une politique maritime déterminée ».

Diverses mesures se retrouvent dans votre projet de budget, monsieur le ministre, que le groupe communiste soutiendra de son vote parce qu'elles vont enfin dans le bon sens et qu'elles visent à rompre avec la spirale infernale d'un passé d'abandon. Permettez-moi cependant de traduire ici les préoccupations des « gens de mer » et de la filière maritime, ainsi que leur espoir dans le développement d'une politique nouvelle en prise avec les réalités du monde, mais soucieuse de donner à notre pays des perspectives, d'écouter et d'entendre tous ceux qui contribuent aux activités maritimes et portuaires. Il y faudra certes de la volonté, du temps et des moyens.

Au moment où la justice se saisit du dossier CGMCMA, il serait opportun que le Gouvernement intervienne dans cette affaire, afin d'éviter que la fusion n'ait lieu le 19 novembre prochain, consacrant ainsi la dilapidation de fonds publics - plus d'un milliard de francs dénoncée depuis le début de cette affaire, en particulier par les organisations syndicales dont certains d'entre vous, messieurs de la droite, « stigmatisiez » le rôle il y a quelques minutes.

Le refus de l'Etat de participer au plan proposé par Delmas de suppression de 152 postes de marins et d'officiers est une chose positive. Cela n'empêchera pas cet armement de poursuivre son objectif et d'envisager à présent un double statut, sur les mêmes navires français, pour des marins français. L'Etat a donc pris ses distances avec de telles opérations, mais on est loin des concertations permettant de tirer les choses vers le haut, au moins au niveau européen.

L'évolution de nos ports continuera de se faire sous l'égide de la puissance publique. C'est le sens de vos diverses réponses, monsieur le ministre, depuis quelques semaines. C'est le sens aussi du mémorandum du Gouvernement en réponse au Livre vert de la Commission de Bruxelles. Vous êtes aussi, monsieur le ministre, pour la protection des statuts et pour leur développement. Vous savez l'inquiétude et la détermination des personnels portuaires et de la manutention. Nous souhaitons qu'ils soient entendus face aux pressions des établissements portuaires et des entreprises privées. Je ne doute pas que l'on puisse parvenir aux accords nécessaires pour que nos ports poursuivent leur redressement avec leurs personnels, car je n'imagine pas que ce redressement puisse se faire sans eux, et encore moins évidemment contre eux. Les réformes lancées touchant à la composition des conseils d'administration des ports autonomes devraient faciliter les choses par un meilleur équilibre des partenaires concernés au sein de ces instances.

Les établissements de formation maritime dans le projet de budget pour 1999 voient leurs crédits augmenter de façon sensible. Les armateurs posent le problème du nombre insuffisant d'officiers formés qui risquerait d'amener à une pénurie à moyen terme. Dans les lycées maritimes, la précarité est dominante et les personnels posent, en même temps, le problème des postes à créer et celui du rattachement administratif de leurs établissements.

Vous savez l'importance de la compétitivité de nos ports face à leurs concurrents et les enjeux sur l'emploi dans toute la chaîne économique concernée. Les mesures que vous proposez vont dans le bon sens et devraient permettre de lutter à armes égales avec eux. Je pense en particulier à l'exonération de la taxe professionnelle des entreprises de manutention portuaire. Je souhaite malgré tout que cela se fasse en échange de créations d'emplois permettant de bien prendre en compte les évolutions de trafic, les questions de sécurité et les problèmes de pénibilité des tâches. Cela doit aussi inciter les entreprises de la manutention à investir dans les matériels nécessaires à leurs activités, avec l'aide et la participation des budgets des établissements portuaires. Cette mixité des investissements est justifiée par l'intérêt que les entreprises privées tirent de leurs activités et par la nécessité, pour les établissements publics, de veiller à ce que soient maintenus les éléments nécessaires à la compétitivité de l'outil de travail en même temps qu'à sa sauvegarde. On peut d'ailleurs se poser la question de la propriété de ces matériels, y compris dans le cadre de la mixité des investissements, car il faut s'assurer qu'ils demeureront toujours au service du port dans lequel ils se trouvent.

Dans le domaine de la compétitivité de nos ports, il convient, comme l'a recommandé le mémorandum, de bien voir où sont les disparités en matière de tarification.

Mais encore faut-il savoir de quoi l'on parle dans ce domaine de la disparité des tarifs, quels éléments sont à intégrer dans les coûts, afin que les poids ne reposent pas en priorité, comme c'est trop souvent l'habitude, sur les personnels et sur la masse salariale.

Monsieur le ministre, la filière maritime et portuaire peut et doit gagner en cohérence, en efficacité économique et sociale. C'est cela que le groupe communiste appréciera ici aujourd'hui, à l'Assemblée, par son vote, comme il le fera demain sur le terrain avec ses acteurs.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1998

M. Jean-Pierre Blazy.

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, mon intervention concernera essentiellement le budget annexe de l'aviation civile et les choix à faire s'agissant du transport aérien et du développement aéroportuaire.

Le budget annexe de l'aviation civile confirme le point d'arrêt au recul de l'Etat dans ce secteur. En effet, la contribution de l'Etat à ce budget est stabilisée à hauteur de 215 millions de francs. Je m'en félicite. Une part importante de ce budget concerne le produit de la taxe de sûreté et de sécurité, qui s'élève à près de 1,3 milliard de francs. Même si le financement prévu pour la sûreté enregistre une augmentation de 52 millions par rapport à l'année dernière, il n'empêche qu'en volume les 392 millions de dépenses effectivement affectées à des tâches de sûreté représentent une faible partie du produit de la taxe de sécurité et de sûreté. Le reste alimente le fonctionnement de la direction générale de l'aviation civile.

Afin que le Parlement puisse assumer pleinement son rôle de contrôle du budget de l'Etat, je renouvelle avec insistance ma proposition de l'année dernière. En effet, constatant que les nomenclatures actuelles du fascicule budgétaire relatif à l'aviation civile ne permettent toujours pas d'identifier clairement la part des dépenses régaliennes de sécurité et de sûreté, il m'apparaît utile, pour améli orer la lisibilité budgétaire, de créer un compte séparé détaillant les ressources consacrées à la sûreté dans les aéroports.

Le Conseil d'Etat a annulé, le 20 mai dernier, les arrêtés fixant les taux de la redevance pour services terminaux dont le produit est évalué, dans ce budget, à un peu plus d'un milliard et qui permet de financer les services de sécurité incendie et de sauvetage ainsi que les installations affectées à la gendarmerie. Selon le Conseil d'Etat, ces dépenses relèvent de l'intérêt général ; elles doivent donc être financées par l'impôt, non par la redevance, c'est-àdire par l'usager.

S'agissant d'une ressource budgétaire importante, un projet de loi sera prochainement débattu au Parlement afin de réformer l'ensemble des dépenses de sécurité en matière aéroportuaire. Un amendement du Gouvernement après l'article 83 sera examiné tout à l'heure. Le contenu du budget dont nous discutons sera certainement modifié par le projet de loi. Afin d'éclairer notre débat pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser les incidences budgétaires de cette réforme sur le budget annexe de l'aviation civile ? En tant que rapporteur du projet de loi, en cours de discussion, relatif aux enquêtes techniques sur les accidents et les incidents dans l'aviation civile, j'avais souhaité que les moyens du Bureau enquêtes accidents, le BEA, soient renforcés. Cet organisme, constitué d'un corps d'inspecteurs dont la compétence est reconnue internationalement, est chargé d'établir un rapport après chaque accident. L'analyse de tels incidents ou accidents est particulièrement instructive et utile à la prévention des accidents eux-mêmes.

Sous tutelle de la direction générale de l'aviation civile, l'organisme de contrôle en vol, l'OCV, la police des polices du transport aérien, est composé de douze inspecteurs habilités à effectuer des contrôles sans prévenir dans une cabine de pilotage. Même si ce service est relayé au sol par les agents du service de formation aérienne et du contrôle technique, le SFACT, leur faible effectif réduit leur capacité de détecter des fautes graves de pilotage.

Je me félicite que ce budget annexe de l'aviation civile p révoie la création de 227 emplois, dont certains concernent directement ou indirectement la sécurité aérienne. Il est indispensable que des organismes tels que le BEA, l'OCV et la SFACT, destinés à améliorer las écurité aérienne, aient des moyens suffisants en personnel.

De même, parmi les dépenses d'investissement qui marquent une pause cette année, la priorité va à la généralisation de la mise en sécurité de l'accès aux zones réservées des trente-cinq plus grands aéroports et à l'équipement des aérogares en contrôle des bagages de soute. Ces investissements constituent une avancée.

J'aborde maintenant le deuxième point de mon intervention. Un an après la décision d'extension de l'aéroport de Roissy, je constate des avancées quant aux engagements pris, mais également des insuffisances et des retards qui suscitent une inquiétude légitime de la part des élus et des riverains. Il est important, par exemple, que soit enfin engagée une répartition équilibrée des retombées positives économiques et fiscales de la plate-forme. De même, le projet de loi adopté récemment en conseil des ministres, créant une autorité indépendante de contrôle des nuisances sonores, doit être inscrit sans tarder dans le calendrier parlementaire.

Aujourd'hui, il est question, d'un côté de restreindre le développement d'Orly, ce qui suscite l'inquiétude des élus et des salariés - ces derniers manifestent aujourd'hui - et, de l'autre, d'accroître le trafic à Roissy, ce qui a provoqué l'opposition des élus et des riverains. Ces derniers ont manifesté et manifesteront peut-être à nouveau. Désormais, il apparaît que le plafonnement du trafic sur Roissy, que vous avez fixé à 55 millions de passagers à l'orizon 2015, sera dépassé beaucoup plus tôt, dès 2008, selon les dires mêmes d'Aéroports de Paris.

Face à cette situation, il est urgent de repenser la politique aéroportuaire, non seulement au niveau francilien, mais à l'échelle du territoire national. En ayant le souci de mettre en oeuvre une politique équilibrée d'aménagement du territoire, nous devons nous interroger sur l'opportunité d'une meilleure répartition du trafic aérien et aéroportuaire, dans le cadre des futurs schémas de service des transports. La mission constituée au sein de la commission de la production et des échanges participe au débat nécessaire.

L'avenir de la compagnie nationale Air France est également un enjeu important. D'une part, il faut réussir l'ouverture du capital, qui ne doit être que partielle,...

M. Dominique Bussereau.

Oh !

M. Jean-Pierre Blazy.

Je sais bien mes chers collègues, que nous ne sommes pas d'accord sur ce point ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Moi, je suis d'accord avec vous !

M. Jean-Pierre Blazy.

Nous sommes d'accord avec

M. le ministre, que nous soutenons.

Il faut donc réussir cette ouverture partielle du capital.

D'autre part, si l'avenir d'Air France passe par la réussite du hub de Roissy, cette logique commerciale ne peut pleinement justifier les choix en matière de répartition des créneaux, en particulier compromettre le devenir d'Orly.

Enfin, l'avenir d'Air France passe nécessairement par un dialogue social renforcé. A ce titre, la lettre de cadrage de l'Etat demande explicitement qu'« un dialogue social approfondi permette de dégager des projets compris et


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1998

partagés par les salariés de l'entreprise ». Afin de créer les conditions de succès de l'ouverture partielle du capital, il convient de s'assurer que ce dialogue social concerne l'ensemble des salariés, c'est-à-dire à la fois le personnel navigant et le personnel au sol. Bien évidemment, je me félicite de l'accord conclu avec les pilotes.

Des affaires comme celle des 6 000 salariés de l'exUTA, dont beaucoup contribuent désormais au développement d'Air France, sont des affaires de trop.

Aujourd'hui, de multiples procès sont engagés aux prud'hommes et de récents jugements exposent potentiellement la compagnie nationale à devoir verser des sommes importantes.

En conclusion, je dirai que c'est à partir du concept de développement durable qu'il faut penser la politique aéroportuaire et le développement du transport aérien. C'est en instaurant un dialogue social transparent avec toutes les parties qu'Air France sera en mesure de relever les défis de demain. Finalement, et c'est là la différence essentielle entre l'opposition et la majorité plurielle : nous sommes, nous, pour la régulation, et non pour la dérégulation ou la déréglementation, dont on voit aujourd'hui les excès et les risques, dans le domaine précis du transport aérien.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre.

Monsieur le ministre, votre budget traduit le souci de poursuivre la mise à disposition de moyens supplémentaires aux transports ferroviaires.

Cet effort doit être effectivement maintenu et amplifié, afin d'accompagner l'accroissement du trafic, de résorber la dette et de favoriser le dialogue social au sein de l'entreprise.

Dans le contrat de plan, on apprécie le doublement de la participation de l'Etat aux investissements ferroviaires pour le réseau classique, qui déclenche une égale mobilisation de moyens des collectivités territoriales et locales.

Cette dotation devrait permettre une indispensable action de remise en état du réseau, pour faire face aux charges induites par la remarquable progression du trafic. Elle constitue un préalable à la poursuite de la lutte contre la saturation des lignes et au soutien à la politique de volume, que la SNCF souhaite amplifier après la réussite incontestable de la baisse des tarifs.

Vous avez dit, monsieur le ministre, qu'il faut, en réponse aux exigences de la Commission européenne, proposer un accroissement du trafic fer en Europe, avec notamment le développement des corridors de fret. Souhaitons que le budget permette d'intervenir efficacement pour avancer en ce domaine essentiel. Le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables est sollicité pour 1 milliard de francs supplémentaire, et la progression 48 % - de la part du secteur ferroviaire doit favoriser le renouvellement du succès du corridor Nord-Sud. En effet, alors que la Commission européenne préconisait une libéralisation du marché, la France a préféré développer une politique de coopération avec le Luxembourg et la Belgique.

Cette initiative, menée dès l'automne 1997 entre Muinzen et Vénissieux, avec l'instauration de guichets uniques, est une réussite et un puissant atout, favorisant le rééquilibrage de la concurrence entre les différents modes de transports. Cette politique fructueuse de coopération a mis en exergue l'insuccès du corridor libéral souhaité par Bruxelles.

Mais, outre le fait que nous devons poursuivre le développement du corridor Nord-Sud, il reste indispensable de créer des corridors transversaux Ouest-Est, qui permettraient le développement des régions traversées et une meilleure desserte de nos ports. Des amorces de liaisons transversales ont vu le jour avec l'ouverture de sillons, notamment entre Lille et Strasbourg, mais la SNCF doit continuer de faire face à une saturation de son réseau.

Ce corridor Ouest-Est doit rapidement trouver un financement, afin d'être réalisé avant le canal Seine-Nord.

La SNCF disposerait alors d'infrastructures établissant les conditions d'une égale concurrence avec la voie d'eau dans les régions traversées, dont la coopération se trouverait améliorée.

Par ailleurs, on le sait, le rail est en situation largement concurrentielle et défavorable face au transport routier.

Mais l'établissement des conditions d'une concurrence loyale rail-route sur notre territoire ne doit-il pas faire l'objet de réflexions et d'harmonisation au niveau européen ? Sur le thème européen, encore, évoquons le problème des différences de tarifs des péages. En France, les tarifs des péages sont très inférieurs à ceux qui sont fixés dans les autres pays de la Communauté. Le Gouvernement souhaite une hausse progressive sur trois ans, mais une partie de cette hausse dépendrait de l'évolution des recettes de la SNCF, ce qui risque, à mon sens, de contrarier le développement du transport ferroviaire.

Le développement de l'activité doit aussi s'accompagner d'un effort très important de désendettement de la SNCF et de RFF. La SNCF s'est, à votre demande, monsieur le ministre, engagée à ne pas investir au-delà de ses capacités, évitant ainsi d'accroître la dette. Toutefois, des investissements lourds restent nécessaires pour assurer son développement et la préservation de ses performances.

La contrainte dictée par le Gouvernement à la SNCF en matière de stabilisation de sa dette est d'ailleurs à apprécier à l'aune du remarquable effort que vous avez effectué, en consacrant 13 milliards supplémentaires en 1999 la dotation passant de 24 à 37 milliards - au désendettement du secteur ferroviaire avec maintien de l'effort sur trois années. On juge le résultat et on devine au passage la joute rude que vous avez dû livrer pour obtenir ces moyens en augmentation de 30 %. (Sourires.)

Mais cet effort, pour substantiel qu'il soit, ne permettra que de stabiliser la dette à 150 milliards. Certes c'est bien, et vous faites beaucoup mieux que vos prédécesseurs, monsieur le ministre, mais la situation financière problématique de RFF demeure.

Terminons par les relations sociales au sein de la SNCF, élément crucial de la « réforme de la réforme ».

Depuis de très nombreuses années, la SNCF a perdu entre 5 000 et 6 000 emplois par an. Cette rationalisation des coûts salariaux a eu pour conséquence un appauvrissement humain de l'entreprise qui doit faire face aujourd'hui à des carences alors que le volume de trafic augmente. Vous avez décidé de faire chuter en 1999 les réductions d'emplois, et je m'en réjouis. Ce changement de politique doit permettre de favoriser de meilleures relations sociales indispensables à l'accompagnement par les cheminots de la modernisation de la SNCF.

Je forme donc des voeux pour que soient engagées rapidement des négociations entre l'entreprise et les représentants des salariés qui conduisent à la signature d'une convention d'application de la loi sur les 35 heures. Je ne doute pas que cet accord sera loin de celui qui a été signé par l'UIMM, l'Union des industries métallurgiques et


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1998

minières, ou de celui que souhaite France Télécom, c'està-dire des accords qui ignorent le but de la loi : créer des emplois. Je souhaite donc que les efforts du Gouvernement, de la SNCF et des cheminots nous permettent d'adopter demain des budgets qui feront état non plus de régression de la réduction des effectifs mais d'embauches.

Cette politique offensive en faveur de l'emploi devrait aussi permettre de sauver un pilier essentiel du statut des cheminots et du dialogue social : le régime particulier d'assurance maladie et vieillesse. Une politique de relance des embauches, appuyée par une participation du Gouvernement, serait de nature à le pérenniser. Alors le service public aura été préservé et l'entreprise SNCF confortée. C'est votre voeux, je n'en doute pas, monsieur le ministre. C'est aussi le mien, et celui des députés du Mouvement des citoyens qui voteront votre budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialise et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Dominique Bussereau.

M. Dominique Bussereau.

Monsieur le ministre, complétant l'excellent exposé de Francis Delattre, je vous indiquerai, à mon tour, pourquoi le groupe Démocratie libérale et Indépendants ne votera pas ce budget.

M. Jean-Louis Idiart.

A regret, sûrement ! (Sourires.)

M. Dominique Bussereau.

Premier point : les relations entre la région et le Syndicat des transports parisiens, le S TP. Nous vous demandons instamment, et cette demande n'émane pas seulement de l'opposition, de bien vouloir donner enfin pouvoir à la région. Il est anormal, en effet, que, dans une démocratie comme la nôtre, le STP soit l'affaire de l'Etat. Il y a là une grande réforme à proposer.

Sur les routes, permettez-moi trois reproches. Le premier porte sur le fait que vous n'obteniez rien en matière d'harmonisation sociale. C'est un libéral qui vous le dit, on est allé très loin dans le libéralisme, mais en oubliant complètement l'harmonisation sociale. Sur ce terrain vos prédécessseurs ont échoué et vous-même, pour l'instant, agissez malheureusement sans succès.

M. Jean-Louis Idiart.

Vous faites des progrès, monsieur Bussereau ! (Sourires.)

M. Dominique Bussereau.

Le deuxième motif de reproche - mais vous n'en êtes peut-être pas responsable -, concerne l'augmentation du gazole. C'est là une mesure faussement écologiste qui pénalise, en fait, toute la ruralité française, qui n'a que le gazole pour circuler.

Comme l'a excellement souligné Jean-Louis Idiart, elle revient même à pénaliser l'ensemble des réseaux de transport en commun de province. Tout cela pour un résultat écologiquement nul.

Enfin, le dernier reproche, et cela a déjà été souligné, concerne le niveau extrêmement bas des investissements routiers. Certes, vous avez d'autres priorités, et ce choix politique est respectable. Mais il n'empêche que la route, c'est aussi la sécurité, c'est aussi nos provinces et nos départements, et qu'en la matière il y aura cette année, malheureusement, pour la première fois depuis longtemps, une importante régression.

J'en viens à présent au domaine fluvial, qui a été rapidement abordé par Marc-Philippe Daubresse. J'approuve, pour ma part, la décision logique que vous avez prise d'abandonner ce serpent de mer, ou de terre, qu'était le canal Rhin-Rhône. Il est maintenant grandement question du canal Seine-Nord. Mais rien ne se passe. Je crains donc, monsieur le ministre, que le canal Seine-Nord soit un jour abandonné, comme le canal Rhin-Rhône, sans qu'on n'ait vu le moindre début de commencement.

Dans le domaine ferroviaire, la SNCF tient à ce qu'on n'augmente pas trop les péages, ce qui est logique compte tenu de ce qu'elle doit au réseau ferré de France et de l'équilibre auquel elle doit parvenir. RFF, qui a beaucoup investi, souhaiterait, en revanche, des péages importants, avec une montée en régime progressive. Moi, je vous demande d'arbitrer, monsieur le ministre, car nous sommes à la fin de l'année 1998 et la réflexion sur le montant des péages n'est toujours pas achevé. Il faut prendre une décision politique - bonne ou mauvaise. Je considère, quant à moi, qu'il faut augmenter de manière significative le niveau des péages, sans pour autant, bien sûr, gêner la reprise de la SNCF dont les chiffres en matière de trafic sont fort intéressants - Michel Bouvard l'a souligné.

Monsieur le ministre, je souhaiterais également que vous annonciez enfin ce qui va être fait en matière de TGV car, pour l'instant, j'estime que l'Etat ne joue pas tout à fait le jeu. Il ne suffit pas, en effet, que le Gouvernement annonce le TGV-Est, comme l'avaient fait ses prédécesseurs. Encore faut-il qu'il précise comment on va le financer. Or, sans qu'aucun élément n'ait été donné, on commence déjà à parler du TGV Rhin-Rhône. Dans une région qu'une collègue ici présente et moi-même connaissons bien, il est aussi question du TGV ToursBordeaux. S'agissant de ce dernier, des technocrates viennent même d'annoncer aux foules et aux élus que les travaux commenceront en 2004,...

M. Jean-Jacques Filleul.

C'est, en effet, très optimiste !

M. Dominique Bussereau.

... ce qui est absurde quand on sait que le TGV-Est n'est pas encore financé.

Monsieur le ministre, il faut donc en finir avec le schéma débile de 1992 - M. Delebarre était à l'époque ministre des transports si mes souvenirs sont exacts - et établir un véritable échéancier des priorités de l'Etat, don t nous pourrions débattre dans cette assemblée.

Autre point sur lequel je souhaiterais que vous nous annonciez des choses positives, c'est la libéralisation du fret. Je vous le dis clairement, en la matière vous menez une action de retardement. Ce n'est pas en bloquant la libéralisation des corridors de fret que vous rendez service à la SNCF. Si nous voulons, et je le veux comme vous, que le chemin de fer reprenne des parts significatives dans le transport, c'est non pas en bloquant les systèmes de fret à des accords entre les seules compagnies ferroviaires que vous y parviendrez, mais en permettant à tous les opérateurs d'intervenir. Plus ils seront nombreux plus il y aura de fret transporté par chemin de fer et moins il y en aura par voie routière.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Je n'en suis pas sûr !

M. Dominique Bussereau.

Vous me répondrez tout à l'heure, je le sais.

Je terminerai par le transport aérien. La privatisation d'Air France n'est pas une antienne que nous chantons au nom du libéralisme.

M. Jean-Pierre Blazy.

Si !

M. Dominique Bussereau.

D'ailleurs, Laurent Fabius et Edith Cresson, qui ne passent pas pour être des libéraux militants et avancés, m'ont reprise également. Simplement, et François d'Aubert l'a très bien montré, cette compagnie ne pourra pas investir si elle n'en a pas les


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1998

moyens. Or, comme l'Etat ne peut pas les lui apporter, sous peine d'être condamné par Bruxelles, je ne vois pas d'autre solution que la privatisation. Je suis d'ailleurs persuadé - et peut-être en est-il de même pour vous, monsieur Gayssot - que la majorité privatisera Air France au cours de l'actuelle législature pour nous empêcher de le faire au moment de l'alternance.

M. Jean-Louis Idiart.

Nous avons tout notre temps alors ! (Sourires.)

M. Dominique Bussereau.

La privatisation aura d'ailleurs un autre avantage, celui de permettre à Air France de sortir de son système d'alliances. Elle en a tellement, en effet, qu'on ne sait plus lesquelles elle a. Il serait plus intéressant pour elle de n'en avoir que quelques-unes permettant des chassés-croisés capitalistiques.

Je terminerai sur un sujet d'actualité, Orly. Ce matin, craignant un vote défavorable malgré les instructions données aux représentants de l'Etat, vous avez fait reporter un conseil d'administration d'Aéroports de Paris.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Non !

M. André Capet.

C'est faux !

M. Jean-Jacques Filleul.

Cela n'a rien à voir !

M. Dominique Bussereau.

Sans doute vous êtes-vous aperçu que le dossier était mauvais pour Air France et pour la France. En éliminant toute concurrence française à Orly, vous ne rendrez pas service à Air France. Pour réussir ce qu'elle a entrepris, la compagnie a besoin, en effet, de se frotter à la concurrence. En outre, faire démén ager ces compagnies privées au moment où de très importants travaux ont été réalisés à Orly-Sud par Aéroports de Paris n'est pas très judicieux.

M. Jean-Jacques Filleul.

C'est vous qui faites un mauvais procès au Gouvernement !

M. Dominique Bussereau.

Par ailleurs, j'appelle votre attention sur l'excellente lettre de M. le directeur de la concurrence à son collègue de l'aviation civile reproduite hier soir par un grand quotidien du soir, selon l'expression consacrée. Ce haut fonctionnaire du ministère de l'économie et des finances y démontre que cette mesure, contraire aux règles de la concurrence, vaudra certainement à la France des sanctions soit au niveau national, soit au niveau européen.

Monsieur le ministre, est-il bien utile de provoquer la Commission européenne au moment où Air France a besoin qu'elle fasse preuve à son égard d'un peu de compréhension ? Laissez donc Orly rester un grand aéroport français et poursuivez le développement de Roissy, tel que vous l'avez entrepris. Ce matin, vous avez reporté le conseil d'administration d'Aéroports de Paris. J'espère que c'était sine die.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Inchauspé.

M. Michel Inchauspé.

Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord vous faire part de ma satisfaction d'avoir été écouté par vous lors du débat sur le budget pour 1998 à cette même place l'an dernier.

(Sourires.)

La rumeur courait alors que devait être créé un établissement public dénommé Routes de France. Ce nouvel EPIC aurait recueilli tous les produits des péages autoroutiers auxquels se seraient ajoutés les crédits budgétaires normaux, et cela pour régler tous les problèmes d'entretien des routes nationales et la réalisation des quatre voies normales.

En fait, c'eût été la mort du système autoroutier français qui avait permis le rattrapage du retard considérable des autoroutes françaises sans que cela coûte un sou aux contribuables français, puisque toutes les avances de l'Etat ont été renboursées et que les échéances des emprunts actuels - 123 milliards - sont couvertes sans difficulté.

Vous pouvez être rassuré, monsieur Idiart.

De plus, les suggestions que j'ai faites l'an dernier à cette même tribune ont été suivies. Pour obtenir les crédits nécessaires à l'entretien, il faut, en effet, une comptabilité normale pour les sociétés autoroutières avec des amortissements réels grâce à une prolongation des concessions. Je crois savoir, monsieur le ministre, que vous avez entrepris une démarche en ce sens auprès de Bruxelles et vous avez très bien fait. Un apport supplémentaire de l'impôt sur les sociétés vous donnera les crédits nécessaires à l'entretien des routes nationales. Je crois également avoir compris en lisant les journaux que vous avez accepté l'application normale de la TVA qui était une pomme de discorde avec Bruxelles.

Bref, vous avez fait ce qu'il fallait faire, monsieur le ministre, tout en abandonnant l'idée de cet établissement public qui était redouté par beaucoup de parlementaires, qu'ils soient de la majorité ou de l'opposition. Tous attendent maintenant la suite du programme, avec cette exigence démocratique : que le nouveau schéma soit débattu et décidé par le Parlement, et non par décret dans le secret des cabinets. Cela semble de droit. C'était d'ailleurs la proposition du précédent gouvernement avant la dissolution. Nous aimerions vous entendre à ce sujet, monsieur le ministre. Et comme j'ai été très convaincant l'an dernier, j'entretiens l'espoir d'être écouté et entendu en janvier prochain, lors de la discussion du projet de loi sur l'aménagement du territoire.

(Sourires.)

Pourrais-je, en deuxième lieu, énumérer les problèmes locaux que connaît le Grand Sud-Ouest. Certes, j'aurais pu le faire quand vous êtes venu dans ma circonscription, l'été dernier. Malheureusement personne ne m'a avisé de votre visite que j'ai apprise par voie de presse. Ce n'est pas de votre fait,...

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Non ! Je n'y suis pour rien !

M. Michel Inchauspé.

... mais avouez que, comme dirait Jean-Pierre Brard, les bonnes manières se perdent ! (Sourires.)

Je voulais donc, en premier lieu, vous interroger sur le TGV Atlantique, le plus rentable de tous, ne l'oublions pas, qui doit être prolongé de Tours à Bordeaux et de Bordeaux à Dax. Les études ont repris, et comme M. Bussereau l'a dit, le début des travaux a été annoncé pour 2004. Est-ce exact ? Deuxièmement, vous allez rouvrir à la circulation la voie ferrée Béziers, Neussargues et Clermont-Ferrand dont le coût s'élève à 1,2 milliard. Mais pourquoi ne pas rouvrir, dans les mêmes conditions, la ligne Pau-Canfanc, dont le coût sera moitié moindre ? Cela répondrait au souhait très fort des élus tant espagnols que français. Il y a au moins un député de la majorité qui demande la réouverture d'une ligne. A cet égard, je vous remercie d'avoir sauvé celle de Saint-Jean-Pied-de-Port...,

M. Jean-Louis Idiart.

Oh oui !

M. Michel Inchauspé.

... qui, malheureusement, n'est pas très rentable.

Troisièmement, vous savez que nous allons livrer bientôt à la circulation le tunnel du Somport, mais la RN 134 qui y accède a besoin de crédits supplémentaires. Evidem-


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ment, nous sommes allés faire la quête à Bruxelles, où l'on nous a promis 10 % de subvention sur l'investissement global, à condition que vos services transmettent le dossier à Mathias Ruettes à la DG VII, avant la fin novembre. Nous comptons sur votre diligence, monsieur le ministre.

Quatrièmement, le projet d'autoroute Pau-Oloron, maintenant inscrit au schéma directeur depuis dix ans cela va devenir un serpent de mer -, n'a toujours pas fait l'objet d'une décision d'utilité publique. Pourquoi ? Dernière question, enfin, quelles sont vos propositions pour le tronçon Pau-Bordeaux, à la suite de la signature solennelle la semaine dernière, d'une lettre commune signée par le président de la région Aquitaine et les cinq présidents des conseils généraux de cette région ? Nous attendons avec impatience vos réponses à ces diverses questions, monsieur le ministre : elles intéressent tous les élus du Grand Sud-Ouest, toutes tendances confondues (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Monsieur Inchauspé, je note que vous êtes le seul, pour l'instant, à n'avoir pas dépassé votre temps de parole.

La parole est à M. Jean-Claude Daniel.

M. Jean-Claude Daniel.

Monsieur le ministre, je n'aborderai qu'un seul thème relatif à votre budget.

Vous vous êtes fixé comme objectif, avec traduction budgétaire 1999, n'en déplaise à certains, puisque ce secteur connaît une augmentation de 10 % des crédits, de développer et d'améliorer l'offre de transport combiné, puisqu'il favorise, à long terme, une meilleure efficacité économique, une meilleure efficacité sociale, une meilleure efficacité environnementale.

Au mois de juillet dernier, Pierre Perrod, président du conseil national des transports, a présenté son rapport qui a, je le sais, retenu toute votre attention. Il précise que le combiné représente désormais 26 % du trafic fret de la S NCF et qu'il possède un fort potentiel de développement.

Cependant, certaines obstacles, qu'il faudra surmonter dans le cadre des imputations budgétaires, s'opposent à son extension : faiblesse comparée des prix du routier par rapport à ceux du ferré, sur longue distance ; coordination insuffisante entre les différents acteurs - transporteurs routiers, gestionnaires des chantiers de transbordement, SNCF, ensembliers ; saturation des chantiers ; difficultés internes techniques de la traction SNCF, avec les problèmes de locomotives ; saturation du réseau ferroviaire, avec concurrence parfois acharnée entre le transport fret et le transport voyageur.

De plus, le réseau français présente, M. Filleul l'a souligné, un grand nombre de goulets d'étranglement, phénomène accentué par l'intensification du trafic régional voyageur. Tel est le cas, en particulier, de la grande ceinture parisienne, des traversées de Dijon, Lyon, Nîmes, Montpellier, de l'axe Ambérieu-Chambéry-Modane, ou de l'accès nord de Bordeaux. Certains de ces goulets limitent l'efficacité du corridor de fret déjà mis en place entre Anvers et Lyon et nuisent à ses prolongements éventuels vers Marseille, l'Espagne et l'Italie.

Le rapport Perrod propose l'amélioration de la gestion des sillons disponibles et l'engagement d'investissements de capacité. Il s'agit d'une des priorités que vous avez affirmées et qui me paraît essentielle.

En effet, alors que la SNCF a concentré son trafic de grandes lignes et du fret sur quelques grands axes bien équipés, le rapport relance l'idée de créer de nouveaux itinéraires pour le fret en réutilisant ou en modernisant des lignes existantes qui servent aussi pour le transport des v oyageurs, par exemple la grande rocade nord-est P aris-Amiens-Reims-Chaumont-Dijon, Paris-Bordeaux par Saintes, Paris-Clermont-Ferrand-Béziers, dont il a été beaucoup question récémment. Ces itinéraires seraient certes plus longs et moins rapides que les itinéraires actuels, mais ils auraient la vertu d'être beaucoup plus fiables.

Je veux également souligner l'importance d'une ligne actuellement reconnue comme une grande ligne voyageurs, Paris-Bâle, car son repositionnement comme ligne d'intérêt international pour le fret, permettrait, avec la mise en oeuvre d'un meilleur séquencement, d'affirmer sa vocation à la fois pour les voyageurs et pour la fret. Elle serait ainsi le second élément de l'alternative pour l'ouverture à l'Est dans le cadre de cette Europe que nous envisageons pour bientôt.

Votre budget, monsieur le ministre, constitue un premier pas décisif pour réaliser les propositions qui vous sont soumises ou que vous soumettez à la représentation nationale et pour assurer un développement durable du transport combiné. Je tiens à en évoquer quatre : Proposition sur les opérateurs de transport combiné, en instaurant, dans le cadre de Réseau ferré de France, une structure pour les chantiers intermodaux, afin de mettre en oeuvre une politique cohérente d'investissement et de coopération au plan national et européen.

Proposistions sur le transport ferroviaire en identifiant les investissements de capacité du réseau ferroviaire nécessaires à la croissance du trafic combiné et la part de leur montant qu'il est justifié d'imputer à cette activité par rapport aux autres trafics ferroviaires.

Proposition sur les relations entre les acteurs en préconisant l'établissement de contrats entre les partenaires concernés gestionnaires de chantiers, opérateurs, entreprises ferroviaires, chargeurs - sur des engagements réciproques de volume et de qualités de services, assortis de c lauses de pénalité en cas de manquement aux engagements.

Proposition sur les interventions de l'Etat en créant un schéma cohérent des chantiers intermodaux, car il faut : les distinguer des plates-formes logistiques dans la définition des projets et dans leur financement tout en favorisant, s'il y a lieu, leur complémentarité ; s'insérer dans la logique et la dynamique des schémas de services prévus dans le projet de loi d'aménagement durable du territoire ; veiller à la cohérence du dispositif avec la politique européenne correspondante.

En définissant des principes stables pour l'intervention financière de l'Etat sur les investissements et l'entretien d es infrastructures ; en améliorant l'enveloppe du FITTVN consacrée aux investissements dans les chantiers, car j'insiste pour que soit effectué un maillage territorial de chantiers et de plateformes ; en favorisant dès à présent la création d'équipements parfois modestes, mais indispensables - je pense tout particulièrement à la ville, cheminotte depuis longtemps, de Chalindrey ; en inscrivant vos propositions budgétaires pour 1999 dans une perspective d'efforts répartis sur plusieurs années, vous donnez, monsieur le ministre, un nouvel élan au transport combiné et vous donnez aussi l'indispensable espoir aux communes et à leurs habitants dont le sort a long-


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temps été lié au chemin de fer, au cours du siècle précédent et du siècle présent, de trouver pleinement leur place dans l'aménagement durable du territoire.

Le paradoxe est redoutable, car, face à ceux qui, avant moi, ont souligné les moins de ce budget, je tiens à mettre en avant ses plus. Il est évident, monsieur le ministre, que vos options ne sont pas celles de vos prédécesseurs et c'est bien pour cela que nous voterons ce budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Aloyse Warhouver.

M. Aloyse Warhouver.

Les deux priorités que vous avez retenues, monsieur le ministre, pour bâtir votre budget reccueille mon approbation. Elles relèvent du principe de la gestion en « bon père de famille ». En effet, il faut d'abord consolider le patrimoine existant, l'entretenir, l'améliorer le rendre plus opérationnel, plus sûr. Cela vaut pour le réseau routier comme pour les voies ferrées et les voies navigables. La création de nouvelles infrastructures ne pouvant s'inscrire qu'en deuxième priorité.

D'ailleurs, la stabilité des crédits prévus démontre que les entreprises auront de quoi remplir leurs carnets de commande.

Par ailleurs, vous privilégiez les transports collectifs notamment par voie ferrée. Cela est judicieux car l'asphyxie des centres-villes, les goulets d'étranglement routiers démontrent qu'il est urgent de transférer les déplacements et les transports de marchandises sur le rail autant au niveau national qu'à l'échelon régional.

Il faut saluer les efforts déployés par la SNCF pour maintenir ses 31 000 kilomètres de voies en parfait état, ce qui nécessite des travaux, certes peu spectaculaires, mais tellement indispensables pour la sécurité des voyageurs. L'augmentation du trafic des voyageurs et des marchandises est un encouragement à persister dans cette politique de sécurité et de confort.

Pour être un usager régulier du train, je constate néanmoins que, dès lors que la durée du déplacement dépasse trois heures en s'éloignant de Paris, les trains se vident, quelles que soient l'heure ou la destination. La clientèle donne alors la préférence à l'avion. Ce seuil de trois heures paraît assez significatif.

Aussi, pour garder son attractivité, la SNCF doit-elle poursuivre son effort de construction de lignes nouvelles pour permettre aux trains à grande vitesse de rallier la capitale dans une fourchette de deux à quatre heures.

Les programmes d'investissement annoncés sont judicieux et je prendrai, avec le même altruisme que mes collègues du Sud-Ouest, le cas du TGV Est, puisque ce dossier est plus avancé avec des financements déjà engagés.

Cette liaison avec l'Est de la France et, par-delà, avec l'Allemagne et l'Europe centrale a fait l'objet de nombreuses tergiversations au niveau des régions traversées, d'où les retards accumulés. La seule question qui reste en suspens est celle de savoir s'il faut se connecter à Vandières, au fil de la Moselle, sur la ligne Metz-Nancy ou bien aller jusqu'à Baudrecourt et se brancher sur la ligne Strasbourg-Metz-Forbach avec utilisation des lignes existantes vers Sarrebrck et Mannheim, gare desservie par l'ICE.

Si la SNCF veut amortir son matériel roulant, il faut chercher la clientèle là où sont les grands bassins de population. Or ce ne sont pas les deux capitales régionales lorraines qui suffiront. Il faut donc desservir au plus près Strasbourg, le bassin houiller et la Sarre, ce qui est parfaitement possible à partir de Baudrecourt. Cela nous éviterait le « train pendulaire », qui aurait été une solution mais qui serait plus approprié dès lors que le TGV irait jusqu'à Baudrecourt.

Je sais que la SNCF est très favorable à cette solution, mais il faut quelques millions supplémentaires pour boucler le plan de financement. Monsieur le ministre, pourriez-vous prêter toute votre attention à cette requête et aider la SNCF à mener à bien cette liaison capitale pour le quart Est de la France ? Les crédits prévus pour l'amélioration des dessertes régionales sont également un point positif dans votre budget.

Les liaisons intercités, soutenues par les conseils régionaux, du moins par ceux qui ont compris l'intérêt de ce mode de transport, doivent permettre des dessertes cadencées entre les chefs-lieux départementaux par des trains à confort certes moindres, mais avec des fréquences accrues.

Je reprendrai la parole ce soir pour vous poser deux questions, l'une sur le réseau routier, l'autre sur le transport fluvial. Je vous indique néanmoins d'ores et déjà que je voterai ce budget qui relève du bon sens. (Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président.

Je vous remercie, mon cher collègue, pour la brièveté de votre intervention.

La parole est à M. Julien Dray, qui dispose de cinq minutes mais qui est bien connu pour la précision et la concision de ses propos.

M. Julien Dray.

Merci, monsieur le président, de ces compliments. C'est toujours bon à prendre dans cette maison... Je vais donc essayer d'être concis pour vous permettre de gagner un peu de temps.

Monsieur le ministre, parce que nous avons siégé ensemble sur les bancs de cette assemblée dans des périodes précédentes, vous savez que je vais aborder un sujet qui me tient à coeur : la ligne C du RER.

En effet, ses 400 000 usagers déjà pénalisés par l'état déplorable de cette ligne qui ne cesse de se dégrader, l'ont été encore par les grèves du mois dernier. Certes des travaux de rénovation sont prévus, mais ils ressemblent un peu à la ligne d'horizon dont on s'approche toujours sans l'atteindre jamais : chaque année ils sont annoncés pour l'année suivante, mais les années passent et la situation devient de plus en plus difficile.

De plus cette ligne a été paralysée quatorze jours par un conflit social qui a provoqué de multiples perturbations - trains annulés, gares non desservies... - dont la direction de la SNCF porte l'entière responsabilité. En effet, elle a refusé d'engager le dialogue nécessaire pour le résoudre. Il a fallu l'intervention des élus et la vôtre pour que la négociation s'engage et débouche sur certaines solutions positives.

Il n'est pas normal que les usagers aient été pénalisés par cette situation. Vous avez certes commencé à apporter une réponse en indiquant que des mesures d'indemnisation seraient prises. Or il faudrait avoir au moins bac + 5 pour comprendre comment on peut être indemnisé. Il faut notamment présenter un coupon de carte orange, donner une photocopie de cette dernière, apporter la preuve du préjudice, aller à la gare... C'est bien la meilleure manière de ridiculiser une proposition.

Le système d'indemnisation doit être simple. Le conseil régional d'Ile-de-France est intervenu par la voix de son président, comme moi-même et de nombreux parlementaires. Nous vous demandons d'agir auprès du STP pour que cette procédure qui ridiculise la demande soit corrigée.


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Compte tenu des délais nécessaires pour une remise en route complète après la grève, la pénalisation pour les usagers a duré près de trois semaines. Il serait donc normal que les usagers payant plein tarif puissent bénéficier du demi-tarif pendant une durée identique et que l'on accorde la gratuité à ceux bénéficiant déjà du demi-tarif

Ainsi la SNCF s'acquitterait de la dette qu'elle a contracté à l'égard de tous ses usagers.

Avec toute l'affection que je vous porte, je vous dis que si cette réponse n'était pas apportée, la plupart des élus qui vous font confiance seraient extrêmement déçus et vous verriez arriver sur votre bureau de nombreuses pétitions parce que certains sont exacerbés par cette situation. Ceux qui fréquentent la ligne C du RER savent de quoi je parle.

Ma deuxième question concerne la sécurité telle qu'elle est vécue dans les transports en commun. Nous avons longuement discuté de ce sujet et je me bornerai à revenir sur certaines des propositions formulées en la matière.

Je vous indique d'abord que je suis très réticent quant à la généralisation des systèmes vidéo dans la mesure où j'ai pu constater que cela n'est pas très performant en termes de sécurité. Certes, un tel dispositif rassure tous les élus et, après chaque problème, on évoque la mise en place de systèmes modernes de caméras vidéo, de télésurveillance, de bornes d'appel, mais cela n'est pas la vraie réponse pour les voyageurs et les voyageuses. Ils ont davantage besoin d'une nouvelle humanisation des lignes de transport notamment en banlieue, non aux heures de pointe, mais au moment où les agressions sont les plus fréquentes.

Il est donc indispensable de renforcer les effectifs avec des personnels qualifiés. Certes, vous avez pris la décision de mettre en place des emplois-jeunes mais ce n'est pas la solution miracle à tous les problèmes. Nous avons besoin de personnels vraiment qualifiés qui rassurent les voyageurs par leurs compétences et leur maîtrise du fonctionnement du système.

Compte tenu de cette nécessité, la région Ile-de France est prête à discuter avec vous du recrutement de personnels compétents non seulement pour assurer la sécurité, mais aussi pour apporter une aide au transport. En effet, un voyageur victime d'une agression est souvent perdu et ne sait plus à qui s'adresser. Pour assurer une prise en charge minimale il faut un personnel préparé et capable de répondre à ce type de situation pour raccompagner la personne chez elle, lui expliquer où elle doit porter plainte, s'occuper d'elle si elle n'a plus d'argent, ne serait-ce que lui fournir un ticket de bus pour rentrer...

Dans le cadre de l'amélioration des dispositifs de sécurité il est indispensable de prendre en compte cette obligation d'humanisation et de mise en place de personnels qualifiés, en liaison avec les régions, notamment en Ile-de-France. Je suis persuadé que vous serez attentif à cette proposition.

Monsieur le ministre, vous avez présenté ce budget comme un budget de transition en attendant la négociation des contrats de plan. Vous avez expliqué qu'il s'agissait, d'une part, de rompre avec les gestions précédentes et de mettre l'accent sur les transports en commun, d'autre part, de favoriser les liaisons interbanlieues. Vous comprendrez que je ne pouvais pas conclure cette intervention sans vous demander de bien préciser quel sera l'engagement de l'Etat à l'égard de la tangentielle Sud qui tient tant à coeur au département de l'Essonne et qui est un élément essentiel de la liaison interrégionale.

M. le président.

Cinq minutes et vingt et une seconde, monsieur Dray, mais vous avez parlé deux fois plus vite que vos collègues ! La parole est à Mme Odile Saugues qui clôturera la liste des orateurs.

Mme Odile Saugues.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a cent vingt ans, le gouvernement d'alors présentait le plan Freycinet. On prévoyait initialement 8 500 kilomètres de nouvelles lignes de chemin de fer. A l'issue des débats parlementaires, on s'était mis d'accord sur 17 000 kilomètres.

Aujourd'hui encore, reconnaissons-le, nous vivons avec le syndrome Freycinet, chacun à son niveau voulant aller toujours plus loin pour réclamer souvent, et obtenir parfois, sa part de routes, d'autoroutes, d'aéroports ou de TGV. Dans un article récent, l'historien Jean-Michel Gaillard s'interrogeait sur les conséquences de cette stratégie du non-choix.

L'examen de votre projet de budget qui affirme des choix très clairs montre, monsieur le ministre, que nous parvenons peu à peu à nous dégager de ce travers. En effet, malgré des crédits qui demeurent au même niveau qu'en 1998, ce budget permettra de poursuivre le rééquilibrage voulu par le Gouvernement en faveur des transports collectifs et ferroviaires.

Je souhaite appeler votre attention sur quelques points.

Le 4 février dernier, une réunion interministérielle a permis de définir la politique de l'Etat en matière d'infractructures ferroviaires. Elle fait intervenir de nouveaux critéres de choix pour leur planification. A cet égard, le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire devra affirmer une cohérence avec de nombreux textes déjà existants et d'autres en préparation, y compris, bien évidemment, les priorités du budget que nous examinons aujourd'hui.

La volonté du Gouvernement de soutenir le développement des transports ferroviaires permet également de mieux prendre en compte la préoccupation environnementale. A ce titre, je tiens à souligner l'effort consenti en faveur du transport combiné. Actuellement, ce trafic augmente de près de 15 % par an.

Plusieurs pays accordent un soutien important à ce mode de transport pour lequel la France a pris du retard : cet été, face à une demande en forte progression, nous avons vu l'insuffisance des moyens actuels.

Je me félicite donc des orientations nouvelles en la matière, mais il faudra aller plus loin, notamment en créant un schéma cohérent des chantiers intermodaux et, surtout, en définissant des principes stables pour l'intervention financière de l'Etat sur les investissements et l'entretien des infrastuctures.

Le développement de l'intermodalité, encouragé grâce à ce budget, ne sera perceptible par le citoyen que lorsque les gares deviendront vraiment et physiquement le symbole des échanges entre les différents modes de transports.

La SNCF a pris conscience de cet enjeu, mais cet effort doit être accompagné et soutenu.

Je veux également revenir rapidement sur deux décisions récentes.

La première est la notification par la Commission européenne d'un avis motivé concernant les conditions de l'octroi de réductions aux familles nombreuses par la SNCF.

Le Gouvernement français a décidé de se conformer à cet avis. Celui-ci, rappelons-le, ne remettait pas en cause le principe de ces réductions. Mais cet exemple montre


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que nous devons penser davantage les transports publics à l'échelle européenne, tout en confortant les acquis liés à la nature même du service public.

La seconde décision me fournit l'occasion d'évoquer la situation du transport routier de marchandises. Il s'agit de l'annulation, le 5 octobre dernier, par le Conseil d'Etat de l'article 1er du décret du 19 décembre 1996 qui imposait aux entreprises de « rémunérer, au-delà d'un certain seuil, les temps de repos et de coupure compris dans la journée de travail des chauffeurs routiers ».

Monsieur le ministre, je ne doute pas que vous aurez à coeur, au cours de ce débat budgétaire, de rassurer les chauffeurs routiers : l'adaptation de l'offre de transport de marchandises ne doit pas se traduire par la remise en cause de certains acquis obtenus souvent chèrement par les salariés.

Je retrouve cette exigence sociale dans l'effort budgétaire pour mettre en oeuvre les accords sur le congé de fin d'activité, étendu, grâce à ce gouvernement, aux conducteurs routiers de voyageurs. Je me félicite enfin de la création de 23 postes de contrôleurs supplémentaires, qui montre que la volonté du Gouvernement pour assainir ce secteur ne faiblit pas.

Monsieur le ministre, voilà quelques réflexions que m'inspire la lecture de votre budget, sachant que vous aurez certainement à coeur d'aborder beaucoup d'autres questions, comme l'insécurité dans les transports publics, déjà largement évoquée par Julien Dray, ou encore la préparation de la réforme annoncée pour 1999 du financement des concessions autoroutières, dans le cadre de ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

A la demande du Gouvernement, je vais suspendre la séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)

M. le président.

La séance est reprise.

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur le président, mesdames et messieurs, permettez-moi tout d'abord de remercier vos rapporteurs pour la qualité de leur travail et la pertinence de leurs réflexions. Je me félicite également du soutien que, dans leur ensemble, ils ont apporté aux principales orientations et priorités proposées dans mon budget - M. d'Aubert, rapporteur spécial de la commission des finances, ayant fait remarquer que, à titre personnel, il n'y était pas favorable.

Je voudrais enfin vous remercier tous, mesdames, messieurs les députés, pour l'intérêt que vous portez aux questions dont nous débattons aujourd'hui.

Des priorités signifient des choix et des arbitrages.

Dans le cadrage budgétaire, décidé globalement par le Gouvernement et le Premier ministre, la priorité réservée aux transports ferroviaires et collectifs et à l'entretien routier suppose évidemment que d'autres secteurs sont par définition moins prioritaires. Les conséquences de tels arbitrages sont parfois difficiles, d'abord pour moi, mais aussi et certainement davantage pour des élus attachés à défendre tel ou tel dossier, toujours pertinents et essentiels au développement des territoires qu'ils représentent.

Les arbitrages budgétaires, c'est aussi l'occasion, pour moi, comme pour vous, de faire prévaloir ce que nous estimons être l'intérêt général et d'anticiper par rapport aux évolutions à moyen terme.

A ce titre, les orientations et priorités proposées pour le budget 1999 s'inscrivent pleinement dans la démarche initiée par le Gouvernement et surtout par Mme la ministre de l'aménagement du territoire, celle des schémas de service. En rupture avec des pratiques antérieures, l'objectif est de substituer aux schémas sectoriels des routes ou des TGV, par exemple, des schémas de service c ollectifs dans une perspective à vingt ans. Cette réflexion, déjà engagée sur le terrain à l'échelle rég ionale, est déterminante au regard des orientations que je vous propose.

Vos interventions aujourd'hui montrent bien - et je m'en félicite parce que cela veut dire que la concertation, les échanges entre les élus, l'administration et le ministre sont fructueux - que les priorités que j'ai affichées dans le document de cadrage adressé cet été aux préfets correspondent bien à vos attentes et à vos priorités. Il s'agit principalement de l'aménagement de l'espace et des agglomérations et du développement du fret ferroviaire.

Le budget que je vous présente aujourd'hui consolide, je le crois, les orientations de celui de l'an passé. J'y ai insisté devant vos commissions et j'y insiste encore aujourd'hui : il y a continuité entre les engagements pris alors et les priorités.

L'ensemble des crédits dont je dispose dans le projet de loi de finances devrait s'élever à quelque 160 milliards de francs, si l'on fait masse, bien sûr, du budget proprement dit, du budget annexe de l'aviation civile, des comptes d'affectation spéciale et même - je sais que ce n'est pas très orthodoxe en termes budgétaires mais vous me pardonnerez - de la dotation en capital décidée pour Réseau ferré de France. Ces crédits, calculés de la manière que je viens d'indiquer, sont en augmentation de 3,2 % par rapport à l'exercice précédent.

Permettez-moi d'abord d'évoquer les moyens dont dispose le ministère de l'équipement pour remplir ses missions.

Tout d'abord les moyens en personnels. Plusieurs intervenants ont à juste titre attiré l'attention sur la faiblesse des moyens en personnels des directions départementales de l'équipement qui les concernent. Je pense notamment à M. Biessy. Je souscris à ces observations.

Dès ma prise de fonctions, j'ai constaté qu'un programme triennal, pour 1997, 1998 et 1999, prévoyait une réduction de mille postes par an. Faisant suite à 16 000 suppressions d'emplois en quinze ans, cette logique de réduct ion systématique et massive des emplois était inacceptable.

Les conditions de la préparation de la loi de finances p our 1998 n'avaient permis qu'un début d'infléchissement. J'ai donc souhaité disposer des éléments permettant de dégager les perspectives d'évolution des métiers dans le secteur de l'entretien et de l'exploitation de la route, secteur qui a jusqu'à présent contribué très fortement, malgré lui, aux réductions d'emplois. Dans ce but, j'ai ouvert en janvier dernier une conférence nationale sur l'exploitation et l'entretien de la route. Les conclusions de cette conférence, les analyses des autres domaines d'activité de l'équipement, mes visites sur le terrain, ainsi que les rapports que j'entretiens avec vous,


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et avec d'autres élus, qui m'écrivent ou que je rencontre, ont renforcé ma conviction que ce ministère ne pouvait plus continuer à perdre 1 000 emplois par an.

J'ai fait valoir auprès du Premier ministre les enjeux de service public dont l'équipement est porteur, et j'ai obtenu qu'il soit traité plus équitablement que par le passé, dans le cadre, bien entendu, du maintien du niveau des effectifs de l'ensemble de la fonction publique de l'Etat, fixé par le Gouvernement, vous l'avez également souligné.

Le projet de loi de finances pour 1999 traduit cet arbitrage. Il limite la réduction des effectifs à 490 emplois au lieu des 1 000 initialement programmés par le Gouvernement de droite. (Murmures sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Pierre Cardo.

Le ministre est grand ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Et pour les agents d'exploitation, la réduction est même divisée par trois. Je suis décidé à poursuivre dans cette voie du redressement dans les futures négociations budgétaires.

Venons-en maintenant à une des caractéristiques du budget de l'équipement : l'importance des crédits ouverts non sur le budget proprement dit, ce qui a suscité des discussions, mais sur les comptes d'affectation spéciale, principalement le FITTVN - fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables - et le FARIF, le fonds pour l'aménagement de l'Ile-de-France. Citons même, pour mémoire, le FPTA, fonds de péréquation des transports aériens, qui s'inscrit aussi dans cette logique et qui disposera d'une cinquantaine de millions pour aider des liaisons aériennes de service public.

Les deux premiers fonds représentent pour l'Etat près de 5,5 milliards de francs de crédits d'investissement et d'intervention.

Monsieur Idiart, vous vous interrogez, comme l'an dernier - je dois reconnaître que vous faites preuve de constance -, sur le FITTVN, en critiquant son caractère de débudgétisation. Parfois c'est la droite qui l'a critiqué, alors que j'ai trouvé cette situation quand je suis arrivé !

M. Francis Delattre.

Cela fait dix-huit mois, tout de même !

M. Jean-Louis Idiart.

C'est un fonds Pasqua ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Je vais répondre ! D'une part, les comptes d'affectation spéciale font partie intégrante du budget de l'Etat, le Conseil constitutionnel a eu, à plusieurs reprises, l'occasion de le rappeler.

D'autre part, il s'agit d'un outil budgétaire qui remplit pleinement l'objectif d'intermodalité, voire de priorité. Il permet en effet de régler le curseur plus facilement qu'en conférence budgétaire pour donner la priorité aux transports ferroviaires et combinés.

E nfin, le comité de gestion du FITTVN, dont M. Idiart est d'ailleurs membre, ce qui prouve la profondeur de ses convictions, permet aux parlementaires d'être associés aux principales orientations.

Ainsi, sur un volume d'un peu plus de 3,9 milliards de francs en 1999, la part du secteur ferroviaire dans le total du fonds, soit 1,890 milliard, évoluera de 42 % en 1998 à plus de 48 % en 1999, comme l'ont rappelé plusieurs intervenants.

Evidemment, par voie de conséquence, la part des investissements dans le secteur routier national diminuera, avec 1 590 millions de francs.

S'agissant du FARIF, des difficultés particulières apparaissent à partir de 1999, du fait du transfert progressif à la région Ile-de-France d'une partie de ses crédits. Ces difficultés ont pu être résolues par l'article 26 du projet de loi de finances pour 1999, adopté par votre assemblée en première lecture.

Les opérations financées ou cofinancées sur les crédits de ces deux comptes d'affectation spéciale revêtent une importance toute particulière dans l'appréciaton que portent les entreprises du secteur de la construction et des travaux publics sur la situation économique.

Quelques mots, à ce propos, sur l'environnement é conomique du secteur d'activité relevant de mon ministère.

La tendance à l'amélioration de l'activité de construction et d'entretien de bâtiments, perceptible depuis 1997, se poursuit. La progression de la construction de logements neufs et la croissance des travaux d'entretien expliquent en partie sûrement ce dynamisme, facilité par des taux d'intérêt particulièrement attractifs.

Mais cette amélioration est surtout sensible dans le secteur du logement. Au contraire, selon les prévisions, dans le secteur des travaux publics, l'activité des entreprises devrait être stable, voire diminuer, en 1998 d'environ 1 %e n volume, essentiellement en raison du repli des dépenses de travaux publics des grandes entreprises nationales.

Il faut donc rester vigilant, très vigilant, sur le niveau des investissements publics dans ce secteur.

Heureusement, la conjoncture économique est particulièrement favorable dans le secteur des transports : l'activité du transport routier de marchandises pour le compte d'autrui est, depuis le milieu de l'année dernière, en forte progression, supérieure à 5 % - ce n'est pas rien ! Le fret ferroviaire a progressé de 8 % en 1997 ; l'activité des ports français progresse toujours, les tonnages débarqués augmentent de 6 % environ.

En ce qui concerne le transport de voyageurs, le premier semestre 1998 a été marqué par deux événements, la Coupe du monde et le conflit d'Air France. La conjugaison de ces deux événements explique une progression exceptionnelle du transport de voyageurs pour la SNCF, 8,6 % en sept mois.

Cet environnement, lié aux mesures prises par le Gouvernement, est évidemment plutôt favorable à l'emploi qui est l'objectif du Gouvernement - comme l'a rappelé fort justement M. Filleul. Ainsi, pour la première fois depuis cinq ans, l'effectif salarié de la construction est resté stable, alors qu'il reculait chaque année ; dans le transport routier, certaines difficultés de recrutement sont même signalées.

Par ailleurs, la contribution du ministère à la mise en oeuvre du programme « nouveaux services, nouveaux emplois » est tout à fait significative de notre volonté d'avancer dans la bataille pour l'emploi.

Le point qui a été fait lors de la journée nationale du 8 octobre, organisée par Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, un an après le lancement de ce programme, a confirmé les résultats obtenus par la mobilisation des services de l'équipement. A la fin du mois de septembre, près de 7 000 embauches avaient été effectuées dans le secteur du logement, des transports et du tourisme.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1998

L'exercice auquel je dois me livrer à présent devant vous doit intégrer la grande diversité des secteurs dont j'ai la charge : le logement, l'urbanisme, l'équipement, les transports terrestres, le transport aérien, le transport maritime, sans oublier le tourisme.

Je ne présenterai que très succinctement les budgets du logement et du tourisme dans la mesure où, dans quelques jours, les secrétaires d'Etat en charge de ces questions, Louis Besson et Michelle Demessine, viendront vous les présenter.

Le logement et l'aménagement urbain sont parmi les priorités les plus importantes du ministère. En 1999, avec un peu plus de 49 milliards de francs, les moyens d'ensemble du logement, de l'habitat et de la construction progresseront de 2,2 % par rapport à 1998, année où ils avaient déjà connu une augmentation. Je veux rappeler que les réformes structurelles qui sont intervenues je pense, entre autres, à la baisse du taux de TVA pour les travaux de réhabilitation - continuent à jouer et doivent être intégrées dans l'analyse des efforts du Gouvernement pour ce secteur.

Ces moyens permettront une consolidation des programmes physiques de construction et de réhabilitation d es logements sociaux, soit 80 000 PLA neufs et 120 000 logements HLM réhabilités. Ils permettront aussi la réhabilitation de 200 000 logements dans le parc privé ancien et le financement de 110 000 prêts à taux zéro.

Nous poursuivrons également l'effort entrepris dès juillet 1997, répété en 1998, en actualisant les aides au logement en faveur de plus de 6 millions de ménages modestes, rompant ainsi avec de trop nombreuses années sans revalorisation.

Par ailleurs, des augmentations significatives des crédits sur l'objectif prioritaire du droit au logement des plus défavorisés traduiront les engagements pris par le Gouvernement à l'occasion de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.

Mais, au-delà des crédits budgétaires, vous le savez, des mesures fiscales importantes figurent dans le projet de loi de finances, notamment la baisse des droits de mutation et l'application du taux réduit de TVA sur les travaux subventionnés par l'ANAH. Je citerai également la baisse du taux du livret A, intervenue le 15 juin dernier, qui permet d'améliorer la situation des organismes HLM et d'abaisser le coût de production du logement social.

Pour terminer cet éclairage rapide sur le budget du logement, je dirai quelques mots sur deux dossiers délicats dont le règlement est intervenu cet été.

S'agissant, en premier lieu, de l'accession à la propriété et du devenir de la participation des employeurs à l'effort de construction, communément appelé le 1 % logement, la convention quinquennale, signée le 3 août dernier, a permis tout à la fois de garantir sur le long terme les moyens du 1 % en faveur du logement et de définir de nouvelles modalités d'emplois, en particulier celles qui permettent la sécurisation des accédants à la propriété et des locataires.

En second lieu, la mise au point du projet de statut du bailleur privé est une réforme qui permet de mettre en place les conditions pérennes, équilibrées et sécurisées du développement d'un parc de logements à loyers maîtrisés, dans la construction neuve comme dans le parc existant.

C'étaient là deux dossiers assez difficiles, que nous avions reçus en quelque sorte en héritage du précédent gouvernement puisque leur financement n'était prévu que jusqu'à fin 1998.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Et après, débrouillez-vous !

M. Yves Nicolin.

On n'allait tout de même pas faire votre travail ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Mais peut-être, après tout, pensiez-vous déjà que vous ne seriez plus au gouvernement ! A ces dossiers, que certains avaient qualifiés, même à droite, de « bombes à retardement », nous avons apporté une réponse non seulement financière mais aussi sociale, et ce par une double inflexion : davantage de pérennité et de stabilité pour leur financement, davantage de sécurité et de justice sociale pour les accédants à la propriété et les locataires.

Mme Odile Saugues.

Très bien !

M. Francis Delattre.

On est passé de l'ombre à la lumière ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Ainsi, avec ces deux réformes, et un budget positif, nous sommes convaincus que 1998 et 1999 seront les années de la reprise pour l'activité et l'emploi dans le bâtiment, après six années consécutives de déclin, et que le logement social sera conforté et renforcé non seulement cette année mais dans les années à venir.

Enfin, dans le domaine de l'urbanisme, les actions de l'Etat sont consolidées, tant au bénéfice des agences d'urbanisme et de la politique foncière, que des grandes opérations d'urbanisme.

Les politiques d'aménagements urbains bénéficieront par ailleurs d'enveloppes de prêts de la Caisse des dépôts : 10 milliards de prêts à 3,8 % pour la réalisation de proj ets ambitieux de démolition-reconstruction, qui s'ajoutent aux 10 milliards de prêts « projets urbains », mobilisés dans le cadre de la politique de la ville pour financer des projets de reconstruction urbaine. La Caisse des dépôts et consignations, dans une convention récemment signée avec l'Etat, s'engage également à consacrer 300 millions de francs, sur ses fonds propres, au soutien d'opérations de renouvellement urbain. Ces mesures illustrent la volonté, que nous partageons Claude Bartolone et moi, de développer une politique de revalorisation u rbaine, en profondeur, en faveur des quartiers défavorisés.

M. Jean-Pierre Blazy.

Très bien ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

A ce stade de notre débat, je voudrais vous faire part des réflexions qui sont les miennes, sur les problèmes de la ville et des agglomérations.

Les villes, dont l'essence est de rapprocher les individus, de leur permettre de mieux échanger, de mieux communiquer, d'être plus solidaires, d'avoir une vie plus sûre et plus confortable, tendent aussi, de plus en plus fréquemment, à produire des effets contraires : l'isolement pour de larges pans de la population, la ségrégation sociale et spatiale, l'intolérance, la violence, et parfois l'insécurité sous diverses formes.

Cette crise des grands ensembles urbains est d'abord une crise de la société dans son ensemble. C'est la crise d'un certain type de développement, basé de manière trop exclusive, me semble-t-il, sur les règles par trop réductrices de l'économie marchande, singulièrement lorsqu'il s'agit d'aménagement urbain et de recherche de cohésion sociale. C'est aussi la crise d'un aménagement urbain qui a fait une large place à l'automobile.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1998

Mon sentiment est qu'aujourd'hui, en matière d'organisation et de planification urbaine, nous sommes à un moment charnière, à un moment où de nouvelles conceptions et de nouvelles manières de faire devraient se mettre en place.

La logique trop cloisonnée qui prévaut dans les procédures administratives et la réglementation ont contribué parfois à une certaine spécialisation des espaces par fonction qui est contraire à la nécessaire mixité urbaine : ici, la vieille ville, là, les grands ensembles, ailleurs, des zones pavillonnaires, plus loin, la zone commerciale, plus loin encore, les espaces ruraux, alors qu'à l'inverse les quartiers périphériques ont besoin d'activités, d'emplois, d'équipements, de vie collective, en un mot d'urbanité. Et comment ne pas constater que l'éclatement de la ville génère souvent un gaspillage d'espace ? Une vision mieux maîtrisée de l'urbanisme devra intégrer la maîtrise des réseaux de transport. C'est là un sujet décisif pour mon ministère. Pour lancer cette réflexion, un grand débat national sur l'importante question des politiques urbaines et sur les politiques de transport, sur les effets des unes sur les autres, sera très prochainement engagé. A ce débat participeront des experts, des représentants d'associations, d'entreprises de transport, d'organisations professionnelles, des syndicats et, bien entendu, des élus. L'objectif sera à la fois de débattre des orientations qui sont nécessaires, s'agissant en particulier d'une démarche résolument intermodale de développement des transports urbains et de proposer des outils juridiques et financiers qui sont d'ailleurs encore incomplets. Plusieurs orateurs en ont parlé.

A ce propos, j'ai entendu les propositions des intervenants. Des réflexions sont actuellement menées à propos des financements. Certains ont proposé un prélèvement sur la TIPP. Pour ma part, je n'exclus rien.

M. Francis Delattre.

Gouverner, c'est faire des choix ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Dès lors que l'on réfléchit sur un problème, il ne faut pas commencer a priori par exclure du débat tel ou tel aspect. Au printemps prochain, un grand débat sera organisé, notamment avec les élus. Il devrait permettre de synthétiser les réflexions et d'avancer.

Vous s'avez le rôle du tourisme dans le développement économique de notre pays. Son importance trouve sa traduction dans le projet de loi de finances. Grâce à une augmentation de 7,18 % par rapport à 1998d, les crédits de paiement consacrés au tourisme atteindront 372 millions de francs en 1999.

Parmi les priorités de ce budget, je retiendrai en particulier les mesures en faveur du droit aux vacances pour tous, le soutien au secteur du tourisme social et associatif, ainsi que la priorité accordée à Maison de la France.

Cette orientation budgétaire forte permet au secteur touristique de s'inscrire également dans les grands enjeux du débat de société engagé par le Gouvernement : l'emploi, la réduction du temps de travail ou la lutte contre les exclusions.

J'en viens maintenant au budget et au secteur des transports.

Le projet de budget pour 1999 traduit des priorités qui ont été exprimées par notre gouvernement au cours des mois écoulés. Il donne un sens et un contenu à l'intermodalité, aux décisions en faveur du transport ferroviaire et des transports collectifs, et confirme en cela les premières inflexions amorcées en 1998.

Cette continuité se traduit nécessairement par des arbitrages en faveur de certains secteurs tels que le transport collectif et le ferroviaire.

Le budget des transports terrestres, qui retrace en particulier les interventions en faveur des entreprises publiques de transport - SNCF, RFF, syndicat des transports parisiens, qui a été évoqué à plusieurs reprises - ainsi que les mesures sociales en faveur des transporteurs routiers et les aides aux investissements de transports collectifs, s'élève en moyens d'engagement ou de paiement à plus de 60 milliards de francs.

Je suis très attaché, comme vous le savez, au service public et au développement du transport ferroviaire.

M. Yves Nicolin.

On le sait ! Ce n'est pas nouveau.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Le ministre anglais chargé des questions économiques et des transports, dont vous avez sans doute entendu parler, vient de déclarer : « Depuis la privatisation, le chemin de fer est devenu une honte pour notre pays. »

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Deniaud.

C'était déjà le cas avant ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Si cela vous intéresse, je vous ferai passer sa déclaration. Il explique que les trains n'arrivent plus à l'heure.

M. Yves Nicolin.

Chez nous aussi ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Il rêve sûrement à la situation de la France qui, pourtant, reste à améliorer. M. Daubresse est favorable à tout ce qui va dans le sens du libéralisme. C'est son droit, et il est difficile de le convaincre de la pertinence de notre démarche. Mais sachez tout de même que là où des politiques sont menées dans le sens qu'il souhaite, il arrive que ça ne soit pas toujours une réussite.

Le transport ferroviaire présente de multiples atouts en termes de sécurité et de respect de l'environnement. Je suis donc convaincu qu'il faut assurer de façon durable les conditions de son renouveau.

S'agissant de l'organisation du secteur ferroviaire, j'ai souhaité, comme l'a rappelé M. Filleul, confirmer le désendettement de la SNCF et la clarification des rôles, bénéfique à l'ensemble du secteur, mais également renforcer l'efficacité, l'unicité et la pérennité du service public ferroviaire. C'est pourquoi j'ai formulé en juin 1998 des propositions concrètes qui s'articulent autour de trois objectifs principaux et que l'on appelle parfois la réforme de la réforme.

M. Yves Nicolin.

Cosmétique ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Premièrement, il s'agit de stabiliser la situation financière des entreprises ferroviaires sinon nous serons pris à nouveau dans la spirale de l'endettement. Certains d'entre vous ont indiqué que la dette de la RFF s'élevait à 134 milliards de francs lors de sa création. Nous en sommes aujourd'hui à 154 milliards. Ce qui avait été décidé précédemment ne permettait donc pas de résoudre les difficultés et il aurait été irresponsable de repartir dans une dérive infernale. Nous avons donc décidé de ne pas laisser faire et de stabiliser la situation financière de l'entreprise, même si ce n'est qu'un premier pas.

Mon deuxième objectif est de renforcer l'unicité du système public ferroviaire et le troisième de favoriser l'emploi et le dialogue social.

La stabilisation de la situation financière de RFF, qui n'était pas assurée dans le schéma initial, est indispensable pour la pérennité du système ferroviaire. MM. les rappor-


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teurs Idiart et Filleul ont longuement évoqué cette question, à juste titre. Le Gouvernement a décidé de poursuivre et d'amplifier les efforts entrepris en ce sens en 1997 et en 1998, en consacrant un montant de 37 milliards de francs à la stabilisation de la dette de RFF sur les trois prochaines années, 1999-2001.

M. Francis Delattre.

Il n'y a rien de nouveau.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Treize milliards sont d'ores et déjà prévus au titre de 1999 pour aboutir à une dotation globale de 37 milliards en trois ans alors que le précédent gouvernement n'avait prévu qu'un effort triennal de 24 milliards, ce qui n'est tout de même pas la même chose.

L'augmentation des péages est une question difficile qu'il faut aborder avec beaucoup de sérieux. Elle a été évoquée par plusieurs orateurs, et en particulier par M. Idiart et M. Bouvard. Nous y réfléchissons avec les entreprises du secteur ferroviaire. Nous devrions rapidement déboucher sur des solutions satisfaisantes sans remettre en cause les équilibres nécessaires à la SNCF. En France, le niveau des péages ferroviaires est en effet particulièrement faible par rapport à ceux de nos voisins.

Aussi, une rémunération doit s'opérer tout en veillant à ne pas handicaper la SNCF.

Pour renforcer l'unicité du système public ferroviaire, j'ai proposé la création d'un conseil supérieur du service public ferroviaire.

M. Yves Nicolin.

Encore un machin ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Cette instance sera notamment chargée de veiller à l'évolution équilibrée du secteur, au respect des missions de service public de la SNCF et de RFF, et à la cohérence dans la mise en oeuvre par ces deux établissements des orientations fixées par le Gouvernement.

M. Yves Nicolin et M. Jean-Luc Warsmann.

Ce seront des bénévoles ? M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Ce conseil supérieur sera également chargé d'évaluer la réforme, de réfléchir sur les moyens de poursuivre le désendettement, de renforcer l'unicité ainsi que de favoriser de meilleurs rapports sociaux au sein de la SNCF.

Je souhaite que ce conseil supérieur soit opérationnel dès 1999. Je pense que la mobilisation des cheminots est essentielle pour l'entreprise. Etablir de nouveaux rapports sociaux implique l'association de chacun aux progrès nécessaires en matière d'efficacité économique et sociale.

En 1997, l'évolution des effectifs a été sérieusement infléchie, et cela ne fait pas plaisir à tout le monde. Certains rêvent de faire fonctionner la SNCF sans les cheminots. Ils ont même essayé en 1995, mais c'était pousser un peu loin le bouchon ! La réponse en a été d'autant plus forte. En clair, si l'on n'intègre pas la dimension de l'emploi, les mêmes difficultés resurgiront. Il était nécessaire d'en finir avec les 5 000 ou 6 000 suppressions d'emplois par an qui ont caractérisé ces quinze dernières années...

M. Francis Delattre.

Depuis 1981 ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Depuis 1985, il y a eu 81 000 suppressions d'emplois. Voilà la réalité.

Des garanties doivent être apportées au statut des cheminots afin de créer les conditions d'un dialogue social renouvelé dans l'entreprise.

M. Yves Nicolin.

Et la retraite ? M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Le Gouvernement s'engage dans une politique de modernisation des réseaux de lignes classiques. Un opérateur a parlé de lignes secondaires. Je n'utilise plus ce terme-là. Certes, dans le réseau ferré certaines lignes serviront principalement à tel type de trafic - national, voire international - et d'autres à un trafic régional, mais il n'y a pas de lignes secondaires.

Le Gouvernement, disais-je, a décidé la modernisation du réseau de lignes classiques dans une optique d'aménagement du territoire, essentiellement à travers les contrats de plan, et la poursuite maîtrisée du programme de nouvelles lignes à grande vitesse. Il va sans dire que ces engagements n'ont pas été pris sans les moyens financiers correspondants. C'est dans ce cadre qu'il a été décidé le 4 février dernier d'augmenter fortement la participation de l'Etat au financement des infrastructures ferroviaires. Il est ainsi prévu de faire passer de 1 635 millions en 1998 à 1 890 millions en 1999, soit une augmentation de plus de 15 %, les crédits du FITTVN aux investissements en matière de transports ferroviaires et de transports combinés. Un mot sur cette enveloppe : 400 millions de francs pourraient être attribués au réseau classique, ce qui constitue une étape sérieuse vers l'objectif de plus de 500 millions de francs annoncés pour le prochain contrat de plan. Pour le reste, les travaux du TGV-Méditerranée seront poursuivis au rythme nécessaire à sa mise en service en 2001. Les négociations financières entre partenaires du projet sont en cours pour ce qui est du TGV-Est. Les études d'avant projet détaillé et les premières acquisitions foncières pour la ligne du TGV E st-européen devraient prochainement être engagées.

C ette question a été abordée en particulier par

M. Warhouver.

De même, les études préalables à l'enquête publique pour la ligne du TGV Rhin-Rhône se poursuivent au rythme prévu.

J'ai demandé à la SNCF et à RFF de travailler sur les projets d'autres lignes à grande vitesse. Nous travaillons également avec les Espagnols sur la perspective de la liaison Perpignan-Figueras-Barcelone et Madrid, et avec nos amis italiens sur le projet Lyon-Turin.

S'agissant des transports collectifs, j'ai affirmé dès mon arrivée que leur développement constituait également une priorité.

En ce qui concerne les transports collectifs en province, il faut vraiment être de mauvaise foi pour dire que rien ne s'est passé. Le cap que j'avais fixé a été tenu : en dixhuit mois, j'ai signé onze décisions de prise en considération de projets de transports collectifs en site propre : tramways de Nantes, Saint-Etienne, Lyon, Valenciennes, Bordeaux, Caen, Nancy, La Seyne-Toulon, bus en site propre de Saint-Denis-de-la-Réunion, Rennes et Maubeuge. Ces projets représentent 122 kilomètres de voies nouvelles. Dans le courant de l'été, les projets de Nantes, d'Orléans, de Strasbourg et de Lyon ont été déclarés d'utilité publique.

Le budget que je vous présente répond à cette priorité avec une dotation qui atteindra plus de 719 millions de francs d'autorisations de programme, en augmentation de plus de 11 % par rapport à 1998, qui elle-même était supérieure de 11 % par rapport au budget de 1997. Dire qu'il ne se passe rien n'est pas raisonnable.

Ces moyens supplémentaires permettront d'honorer les engagements de l'Etat sur les projets déjà engagés et de lancer, en fonction de leur état d'avancement, les nouvelles opérations que je viens de citer.


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Pour les transports collectifs en Ile-de-France, la contribution de l'Etat à leur fonctionnement - c'est-à-dire l'indemnité compensatrice - s'élèvera à 5,6 milliards de francs. Les aides aux investissements atteindront, avec les moyens dégagés sur le FARIF, 345 millions de francs, ce qui permettra de poursuivre ou d'engager notamment : le prolongement de Météor jusqu'à Saint-Lazare. Il faut aller jusqu'au bout, sinon on perd en efficacité et en rentabilité. On peut discuter le point de savoir si c'était une priorité, s'il fallait le faire ou non. Mais quand un projet est en cours, l'arrêter est un gâchis.

M. Yves Nicolin.

Comme Superphénix ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Nous poursuivons également le déplacement de la gare Masséna afin d'assurer une correspondance entre METEOR et la ligne C du RER ; EOLE, dont la mise en service est prévue pour l'automne 1999, le prolongement de la ligne C du RER à Pontoise, l'aménagement des gares de Lieusaint - ligne D du RER - et de Liesse - ligne C du RER -, le prolongement du TransVal-de-Marne à la Croix-de-Berny. Ce sont là autant der éalisations qui concrétisent les attentes de nos concitoyens.

Monsieur Idiart, vous vous êtes inquiété, avec d'autres députés, de la réforme du Syndicat des transports parisiens et du nécessaire renforcement du rôle de la région Ile-de-France. Des réflexions sont en cours. Lorsqu'on veut réussir une réforme, il faut qu'elle soit progressive et progressiste. Sinon elle se heurte à une hostilité, et c'est l'échec. Il faut garantir que ne seront en aucun cas remis en cause les statuts du personnel des entreprises concernées. Il paraît donc logique de travailler à ce que la région Ile-de-France participe à la gestion du syndicat des transports parisiens.

M. Dray m'a interrogé sur les difficultés que rencontrent les usagers pour se faire rembourser une partie des abonnements et des coupons de carte orange à l'issue de la dernière grève. Je ne peux pas décider ici, mais il convient, selon moi, que le Syndicat des transports, qui a eu une bonne démarche, étudie cependant attentivement les remarques qu'il a formulées.

En matière de transports routiers de marchandises, la conjoncture est favorable depuis un peu plus d'un an.

Nous travaillons à la mise en oeuvre de la loi du 6 février 1998 qui devrait permettre d'adapter profondément les conditions d'exercice de la profession à partir de quelques thèmes forts. Je vous les rappelle : généralisation de la formation, rééquilibrage des relations avec les chargeurs, accès de la profession aux marchés adaptés aux nouvelles règles européennes, contrôles et sanctions renforcés.

Le premier décret sur la formation des artisans est en cours de signature. Les autres dispositions réglementaires ont été regroupées dans un décret unique qui est actuellement soumis au Conseil d'Etat ; je pense qu'il sera signé avant la fin de l'année.

Dans le même temps, nous devons rester vigilants quant à l'évolution des conditions sociales dans ce secteur. On n'oublie pas le conflit de 1997 et ceux qui ont précédé, qui avaient illustré une nouvelle fois le décalage entre la progression du transport routier dans l'économie et les tensions ressenties par les salariés, lesquels ne pouvaient se satisfaire de conditions de vie difficiles et der émunérations insuffisantes, voire de promesses non tenues ou d'accords non respectés.

Je me félicite d'ailleurs de la signature des accords qui ont permis d'achever, en 1998, la mise en place du congé de fin d'activité des conducteurs routiers, notamment pour les voyageurs. Avec ce système, 2 000 conducteurs routiers ont ainsi déjà pu partir en retraite à l'âge de cinquante-cinq ans, dans le cadre du CFA marchandise.

Ces départs ont permis l'embauche d'un nombre équivalent de jeunes conducteurs. Le projet de budget permet de poursuivre dans cette voie, avec 180 millions de crédits budgétaires prévus pour 1999.

Plus généralement, l'objectif que nous poursuivons avec la réduction du temps de travail, largement tournée vers la préoccupation de l'emploi, est l'amélioration des conditions de vie, de travail et de sécurité.

Les résultats dans le domaine de l'emploi sont encourageants parce que nous sommes sur une tendance de créations nettes d'emplois de 5 000 à 6 000 par an dans la branche.

Le processus devant conduire à la transparence, à la progression des rémunérations et à la réduction de la durée du travail est l'axe majeur de modernisation de la profession. Il suppose de gros efforts d'adaptation des entreprises, et nombreuses sont celles, petites ou grandes, qui s'y emploient. J'ai assisté récemment au congrès de l'UNOSTRA et à celui de la FNTR, et j'ai senti cette volonté. Ces entreprises ont également besoin d'être confortées par des aides ou conseils. Pour cela, je vous propose de maintenir en 1999 les aides de l'Etat.

Ces entreprises ont également besoin d'être protégées de la concurrence déloyale, du dumping économique et social. C'est la raison pour laquelle je m'engage devant vous à poursuivre une politique vigoureuse de contrôles et de sanctions en cas de non-respect des règles. Les salariés, leurs syndicats et les entreprises elles-mêmes, tout au moins celles qui jouent le jeu, le réclament.

Le budget qui vous est présenté permet l'augmentation en personnels et en équipements des corps de contrôle.

J'ai donné des instructions pour qu'il soit fait une application ferme et déterminée de tous les moyens mis à notre disposition, notamment ceux créés par la loi du 6 février 1998, comme l'immobilisation ou le retrait de la licence.

Je citerai, par exemple, la décision d'un tribunal de grande instance condamnant, le 20 octobre 1998, un commissionnaire de transport à l'interdiction d'exercice pendant cinq ans et à 300 jours-amende de 200 francs pour délit de travail illégal par dissimulation de salarié.

M. Ferry l'a souligné, la libéralisation du cabotage au plan européen est intervenue le 1er juillet sans que l'harmonisation sociale, qui doit notamment porter sur le temps de travail, soit réalisée. Je me suis fortement engagé sur ce sujet, à Bruxelles, et j'ai d'ailleurs rappelé la position de la France à tous les conseils des ministres des transports européens sans exception.

N ous avons voulu laisser les partenaires sociaux, patrons et syndicats, rechercher un accord à l'échelon européen. Je ne vous cache pas ma déception d'avoir appris l'échec des négociations. Tout à l'heure, quelqu'un me reprochait de ne pas avoir fait avancer l'harmonisation sociale. En tout cas, moi j'ai essayé, et j'ai d'ailleurs commencé à faire bouger les choses. Au reste, la France, qui a toujours été en pointe sur cette question avec des pays comme le Luxembourg et la Belgique, est aujourd'hui rejointe par d'autres pays. Il y avait là une occasion forte à saisir à l'échelle européenne. Si l'accord n'a pas é té obtenu, alors que les négociateurs étaient sur le point d'y


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1998

parvenir, c'est seulement parce que certains patrons ont voulu inscrire tant de dérogations à la règle que, en définitve, ces dérogations seraient devenues la règle.

A ussi, dès le 1er octobre, puisqu'un conseil des ministres des transports se tenait ce jour-là, j'ai demandé, à la suite de cet échec, à M. Kinnock de respecter l'engagement qu'il avait pris à ma demande d'élaborer dans les meilleurs délais une directive sur le temps de travail.

Nous attendons donc, dans les prochaines semaines, la proposition de la Commission, qui devrait, selon ce que nous en savons, reprendre les points qui étaient pratiquem ent acquis à l'issue du comité paritaire patronat-syndicats.

Pour compléter ces orientations en matière de transport de marchandises, je tiens encore à souligner l'importance que j'accorde au transport combiné, comme l'a fait remarquer M. Jean-Claude Daniel.

J'ai confié au président du Conseil national des transports, M. Perrod, une mission de réflexion sur le développement du transport combiné. Celui-ci m'a remis son rapport qui comporte douze propositions pour développer le transport combiné et éclairer les choix du Gouvernement en la matière. Ces propositions sont en cours d'expertise.

D'ores et déjà, les crédits prévus sur le FITTVN seront augmentés de 10 % en 1999 et permettront de soutenir davantage les opérateurs pour l'aménagement des platesformes. Il a été ainsi décidé de soutenir trois chantiers en 1998 : Vaires-sur-Marne, Hourcade et Avignon, au-delà des engagements déjà pris pour celui de Dourges.

M. Daubresse a fait miroiter de grands sites internationaux sur tout le territoire ; il préfère cela au financement des extensions des chantiers les plus encombrés ? Moi, j'ai choisi une autre voie que la sienne.

Enfin, pour terminer sur les transports terrestres, je soulignerai l'intérêt que j'attache à la mise en valeur du potentiel du transport fluvial. Grâce à une dotation accrue au titre du FITTVN - 450 millions au lieu de 430 en 1998, et 350 en 1997 - et aux ressources propres de Voies navigables de France, l'effort indispensable déployé en faveur de la restauration du réseau navigable existant sera augmenté et concentré sur les voies présentant un fort enjeu pour le transport de marchandises et la navigation de plaisance dont M. Hascoët a souligné l'importance.

L'autre volet de la politique que je poursuis en matière fluviale est l'accompagnement de la modernisation de la profession, en particulier dans la perspective désormais très proche de la fin du tour de rôle au niveau européen.

Cela passe par le renforcement de l'organisation commerciale à travers la constitution de groupements et l'aide à la modernisation de la flotte.

Par ailleurs, nous souhaitons compléter et développer le réseau existant ; c'est le sens du projet Seine-Nord. La consultation publique sur le tracé a été très riche. Elle a montré également la diversité des points de vue. Le rapport de conclusion, établi par le préfet coordonnateur, est en cours d'analyse par mes services. De même sont en cours de finalisation des complètements d'étude sur les aspects socio-économiques et sur les segments sud - Vallée de l'Oise - et nord : canal Dunkerque-Escault. C'est en fonction de ces différents éléments qui nous pourrons prendre les différentes décisions s'inscrivant dans l'objectif de développer le transport intermodal vers la voie navigable dans le cadre de l'élaboration des schémas de service.

Après les différents aspects du transport terrestre, je voudrais maintenant vous présenter deux autres secteurs qui participent à la politique des transports : le transport aérien et le transport maritime. Le premier est actuellement en pleine croissance. Le second, trop longtemps délaissé par les pouvoirs publics, commence - ce n'est qu'un début - à se redresser.

Parlons donc du transport aérien, avec ses différents niveaux de responsabilité : celui du budget annexe de l'aviation civile et celui de la construction aéronautique, ce dernier point ayant été évoqué par M. d'Aubert et

M. Daniel Paul.

A cela s'ajoute l'exercice de la tutelle sur les entreprises publiques du secteur aérien, Air France et Aéroports de Paris en particulier. Cette fonction inplique de prendre des décisions et des initiatives de manière à conforter la place de notre pays dans le transport aérien.

Avant d'évoquer chacun des ces points, je veux dès maintenant apporter quelques précisions sur un dossier difficile, évoqué par M. Blazy et M. d'Aubert, celui des redevances aéroportuaires. Les problèmes reposant dans ce secteur ont conduit le Gouvernement à proposer un ensemble de solutions qui sont actuellement soumises au Parlement.

Par un arrêt du 20 mai 1998, le Conseil d'Etat a annulé les arrêtés fixant les taux de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne, perçue au profit du budget annexe de l'aviation civile. Cet arrêt pose le principe selon lequel les services de sécurité incendie, de sauvetage et de sûreté sont des missions d'intérêt généra l qui incombent par nature à l'Etat. Leur coût ne peut être mis à la charge des usagers au moyen de redevances, mais doit être financé par l'impôt.

Cet arrêt a une portée plus large que la seule redevance pour services terminaux de la circulation aérienne. En effet, d'autres contentieux en cours concernent les redevances aéroportuaires perçues par les gestionnaires d'aéroport, c'est-à-dire notamment les chambres de commerce ou Aéroport de Paris.

Les dépenses qui constituent l'assiette de ces redevances comprennent diverses dépenses de sûreté et de sécurité incendie dont font notamment partie les rémunérations des personnels. Les décisions des gestionnaires d'aérodrome en matière de redevances sont donc susceptibles également d'être annulées.

De manière plus générale, l'arrêt du Conseil d'Etat pourrait aussi s'appliquer à d'autres services d'intérêt général comme les visites de sûreté, prises en charge par les gestionnaires d'aéroport, ainsi que la lutte contre le péril aviaire destinée, par des techniques d'effarouchement, à prévenir le risque d'ingestion d'oiseaux dans les réacteurs.

Pour répondre à l'arrêt du Conseil d'Etat il convenait donc de substituer des taxes aux redevances perçues par l'Etat dans le cadre du budget annexe, ou par les gestionnaires d'aéroport. Tel est l'objet du dispositif d'ensemble qui vous est présenté.

Ce dispositif repose sur deux projets de loi : le projet de loi relatif à l'organisation de certains services aux transorts aériens, qui a été adopté par le conseil des ministres du 7 octobre et déposé au Sénat ; le projet de loi de finances pour 1999, pour lequel le Gouvernement a déposé des amendements.

Nous avons souhaité bien évidemment, notamment après les trop nombreux contentieux qui affectent depuis quelques années le transport aérien et l'aviation civile,


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mettre en place un dispositif juridiquement incontestable et qui garantisse les ressources nécessaires aux besoins du transport aérien.

S'agissant des impôts destinés à financer les dépenses considérées d'intérêt général, nous avons délibéré ment fait le choix d'impôts spécifiques, étant donné la spécificité du transport aérien.

Il est donc prévu de créer, au profit des gestionnaires d'aérodrome, une taxe d'aéroport, assise sur le passager et due par les entreprises de transport aérien public. Un amendement du Gouvernement vous sera proposé à cet effet.

Il est également envisagé d'étendre la taxe de sécuritésûreté, rebaptisée taxe d'aviation civile, au profit de l'Etat.

Ce dispositif a fait l'objet d'un amendement du Gouvernement, adopté en première lecture samedi dernier.

Pour les compagnies aériennes, j'y insiste, le dispositif sera neutre puisque les redevances diminueront à due concurrence de l'augmentation d'impôt.

Parallèlement, un dispositif de péréquation permettra de continuer à financer certains investissements - acquisition centralisée des matériels tels que les camions incendie - et de compléter les ressources des aéroports les plus petits pour éviter que leurs taux de taxe d'aéroport soient trop élevés.

Cette péréquation sera assurée par un compte d'affectation spéciale, construit à partir d'un fonds existant, le fonds de péréquation des transports aériens, dont les missions seront élargies. Ce fonds sera dénommé fonds d'intervention pour les aéroports et les transports aériens, le FIATA. Cette extension fera l'objet d'un amendement qui sera examiné ultérieurement au cours de la discussion du projet de loi de finances.

Le projet de loi déposé au Sénat a lui pour objet, d'une part, de préciser les compétences des gestionnaires d'aéroport en matière de sécurité et de sûreté et, d'autre part, d'apurer le passé de manière à assurer la continuité du service du transport aérien.

Tel est, mesdames et messieurs les députés, le dispositif que nous avons dû mettre au point. Il est certes complexe, mais, je le répète, il est neutre pour les compagnies aériennes. En outre, il est destiné à répondre de manière pérenne, au-delà de l'arrêt du Conseil d'Etat, aux critiques soulevées depuis longtemps tant par des parlementaires que par certaines compagnies. Les évolutions que le Gouvernement vous propose devraient permettre de garantir la sécurité et la qualité des services rendus aux usagers du transport aérien.

J e répondrai maintenant aux observations de M. d'Aubert sur l'amendement no 39. Il considère que la taxe d'aviation civile, créée par l'amendement du Gouvernement lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, est inconstitutionnelle car elle accroît la part de financement fiscal au sein du budget annexe. Cette analyse n'est pas juste, car le produit de la taxe sera partagé entre le budget annexe et le compte d'affectation spéciale. La part de la taxe affectée au budget annexe sera égale au produit de la taxe de sécurité et de sûreté qu'elle remplacera. Ainsi, la part des ressources fiscales au sein du budget annexe ne sera pas modifiée.

Elle restera inférieure à 20 %. Le chiffre de 30 % qui a été avancé par M. d'Aubert est erroné.

M. d'Aubert s'interroge sur le paragraphe VI de l'amendement, qui prévoit qu'Aéroports de Paris sera chargé du recouvrement de la taxe d'aéroport pour ce qui le concerne. Je lui indique que ce mode de recouvrement est tout à fait possible. En effet, saisi de la conformité à la Constitution d'une loi créant une contribution reposant sur un dispositif similaire, le Conseil constitutionnel n'a pas censuré ce mode de recouvrement.

M. d'Aubert estime enfin que la taxe d'aéroport va à l'encontre du principe d'égalité car elle ne taxe pas le fret.

Je ne partage pas ce point de vue. Les mesures de sûreté liées au fret sont très différentes de celles nécessaires à l'accueil des voyageurs. La loi les met à la charge des agents de fret ou des compagnies aériennes. Par ailleurs, c'est bien l'existence du voyageur qui détermine l'importance des moyens de sécurité incendie. Il ne peut donc y avoir rupture d'égalité devant les charges publiques. Au demeurant, le Conseil constitutionnel, qui a eu par le passé à apprécier la conformité à la Constitution du budget annexe de l'aviation civile, notamment de la taxe de sécurité et de sûreté, n'a jamais soulevé ce motif alors même que cette taxe n'est également assise que sur les passagers.

Par ailleurs, M. Blazy s'est interrogé sur les incidences de ce dispositif sur le budget annexe de l'aviation civile.

Je peux lui dire que le projet de loi de finances tenait déjà compte de cette préoccupation, en prévoyant une réduction de l'assiette de la redevance pour services terminaux. Les dépenses de sûreté, antérieurement financées sur le budget annexe, restent financées par des ressources à caractère régalien.

J'en viens maintenant au budget annexe de l'aviation civile.

Ce budget est marqué par des gains importants de productivité, 5 % environ, réalisés par les services de l'aviation civile. Ainsi, en 1999, les moyens inscrits à ce budget progresseront de 2,9 %, pour atteindre 8 714 millions de francs, soit une augmentation de moins de 250 millions. Ce budget enregistre une hausse modérée des dépenses de fonctionnement et une baisse globale des dépenses d'investissement, avec un effort marqué sur les emplois et sur la sûreté.

Pour ce qui est des recettes, les compagnies aériennes bénéficieront en 1999 d'une baisse des taux unitaires : de 3 % environ pour la redevance de route, de 4 % pour la redevance pour services terminaux. On doit noter que l'assiette de cette dernière redevance, toutes choses étant égales par ailleurs, a été réduite de 3,6 % en août dernier, en conséquence de l'arrêt du Conseil d'Etat du 20 mai.

Quant aux passagers, ils n'auront pas à subir de relèvement des taux unitaires de la partie de la taxe de l'aviation civile qui sera affectée au budget annexe, en remplacement de la taxe de sécurité et de sûreté.

Cela dit, le produit global de la taxe affectée au budget annexe progresse de près de 8 % du fait de l'amélioration de la gestion de cette taxe et de l'évolution du nombre de passagers transportés.

De même, du fait de l'augmentation du trafic, le produit de la redevance de route devrait progresser de 4,7 % et celui de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne serait pratiquement fixe en francs courants - plus 0,6 % -, et cela malgré la baisse des tarifs unitaires.

Compte tenu de ces évolutions et des besoins de financement, le recours à l'emprunt diminue, pour atteindre 830 millions de francs.

Les dépenses de fonctionnement des services s'élèvent à 847 millions de francs, soit une progression de 1,9 %. Par contre, les dépenses de personnel, qui s'élèvent à 4,2 milliards de francs, progressent de 5,2 %. En effet, ce budget prévoit la création nette de 227 emplois au total,


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pour faire face au développement de l'activité, compenser les départs à la retraite, en nombre important qui interviendront à partir de l'an 2000 et tenir compte des délais de formation.

Dans le domaine de la sûreté, qui est la priorité de ce budget, les subventions en faveur des exploitants d'aéroports s'élèvent à 79 millions de francs, en augmentation de 53 millions de francs : ce budget doit en effet suppléer en 1999 le départ de la DICCILEC en matière d'inspection filtrage des passagers sur les plates-formes de Bordeaux, Mulhouse, Strasbourg, Montpellier et Nantes. Il faut par ailleurs rappeler que l'Etat participe, sur les aéroports de province, aux coûts d'exploitation des installations de contrôle des bagages de soute.

J'en viens aux dépenses d'investissement inscrites à ce budget. Elles représentent 1 683 millions de francs, en diminution de 11,6 % par rapport à 1998.

Notre effort d'investissement reste aussi nécessaire aujourd'hui qu'hier, compte tenu de la croissance du transport aérien, mais des ajustements sont possibles en 1999 en matière de navigation aérienne, compte tenu des nombreuses opérations de modernisation déjà lancées et en grande partie réalisées. La nouvelle couverture radar du pays, par exemple, est pratiquement achevée.

Vous voyez que je ne dis pas que du mal du passé !

M. Jean-Luc Warsmann.

Il a fallu attendre longtemps, mais ça arrive ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Je pensais que vous n'alliez pas le remarquer.

M. Jean-Luc Warsmann.

Si ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Mais je crois que cette décision a été prise sous un gouvernement de gauche, avant que vous n'arriviez ! (Rires.)

M. Jean-Luc Warsmann.

Mais les gouvernements de droite ont bien souvent payé !

M. Marc Laffineur.

Ne remontons pas à 1936 ou à 1924, monsieur le ministre ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

S'agissant des crédits ouverts sur le bugdget civil de recherche développement pour aider la construction aéronautique, nos objectifs sont à la fois de conforter les succès des avions de la famille Airbus ou d'autres avions de transport, mais également d'anticiper sur les besoins futurs.

Le projet de budget, qui s'élève à 1 856 millions de francs en autorisations de programme et à 1 431 millions de francs en crédits de paiement, donne au secteur aéronautique les moyens de poursuivre cette politique de soutien aux programmes.

Il s'agit d'abord des programmes en cours de réalisation comme les Airbus A 340-500 et A 340-600.

La préparation des futurs programmes, comme celui du très gros porteur A 3XX ou du successeur des avions de transport régionaux et des moteurs associés, a également une place importante, notamment grâce à une augmentation sensible de l'effort de recherche en amont.

Cette politique de croissance nécessite de resserrer les liens tissés avec les autres acteurs industriels européens.

Vous le savez, le Gouvernement s'est prononcé en faveur de la transformation du GIE Airbus en société de plein exercice, et en faveur du regroupement de l'ensemble des activités aérospatiales dans une entreprise européenne performante. Je souscris aux propos tenus à ce sujet par plusieurs intervenants.

Certains se sont aussi émus de la possibilité d'une alliance entre British Aerospace et Dasa, qui nous mettrait en difficulté. Le Gouvernement s'est prononcé, et j'ai moi-même eu l'occasion de le faire à Londres, au cours d'une réunion des ministres concernés par Airbus.

La France est bien entendu favorable à la création d'une société de plein exercice, mais il est évident que les équilibres actuels devront être respectés, faute de quoi la situation ne serait pas acceptable, et elle ne serait pas acceptée. Une telle réforme implique que les pouvoirs soient répartis de manière équilibrée, sans donner à un acteur ou à un groupe d'acteurs la possibilité de diriger le futur ensemble à notre détriment. Pour cette raison, la France est attachée à ce que cette société soit réalisée avec l'ensemble des industriels européens du secteur, comme les chefs d'Etat et de gouvernement des pays concernés l'ont affirmé dans leur déclaration commune en décembre 1997.

Je terminerai cette présentation du budget de l'aviation civile en rappelant les faits marquants et les initiatives importantes intervenus dans le transport aérien, puisqu'il en a été aussi question lors de la discussion.

Suite à la décision du 23 septembre de l'an dernier concernant les deux nouvelles pistes de Roissy, j'ai fait régulièrement le point avec les partenaires concernés - élus, riverains et acteurs du transport aérien - sur les engagements que j'avais pris au nom du Gouvernement.

Je m'étais engagé à un plafonnement des nuisances sonores de Roissy, en dépit du développement envisagé du transport aérien et même en tenant compte de la limite à 55 millions de passagers. Les premières mesures qui ont été prises ont permis de tenir cet engagement cette année, malgré une augmentation de 7 % du trafic aérien, et le niveau sonore est demeuré constant.

M. François Asensi, rapporteur pour avis m'a interrogé sur le maintien de l'objectif d'un plafond de 55 millions de passagers. J'affirme que cet engagement sera tenu.

A cette fin, j'ai pris le 18 juin dernier un arrêté pour imposer sur l'aéroport de Roissy une diminution régulière du niveau sonore des avions les plus bruyants.

Pour assurer le contrôle des nuisances sonores et la transparence de l'information relative au bruit autour des principaux aéroports, je m'étais engagé à mettre en place une autorité indépendante. Le conseil des ministres du 7 octobre a adopté un projet de loi portant création d'une autorité de contrôle technique de l'environnements onore aéroportuaire, l'ACTESA. Je rassure donc M. Blazy : les engagements que j'avais pris sont tenus.

M. Blazy a également évoqué la question de la taxe générale sur les activités polluantes, qui intègre la redevance pour nuisances sonores. Cette question, vous le savez bien, relève de Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

La construction des pistes de Roissy avance bien. Je me suis rendu sur le chantier il y a quelques jours. La piste no 4 est quasiment terminée et elle permettra au

« doublet » sud d'être mis en service en avril 1999.

La capacité de Roissy sera donc accrue de 13 % dès le printemps prochain.

M. Jean-Luc Warsmann.

Merci pour les riverains ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

L'extension potentielle de la capacité du trafic de Roissy, avec la piste no 4 puis la piste no 3, représente, je l'ai dit dès le départ, un atout formidable que nous devons exploiter à fond, en tenant compte de tous les enjeux et de tous les défis, y compris la lutte contre les nuisances.


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La France est la première puissance touristique du monde, elle occupe une position stratégique dans l'espacee uropéen. Le transport aérien français doit par conséquent conserver ses caractéristiques d'excellence dans les années qui viennent, et nous devons investir. C'est ce que nous avons fait en construisant deux pistes supplémentaires à Roissy, et il nous faut poursuivre, afin de mieux accueillir et traiter le trafic aérien.

Nous devons anticiper et réfléchir à l'utilisation des aéroports existants, ou à la construction d'un troisième aéroport. Cette réflexion sera menée dans le cadre de la discussion sur les schémas de service.

Nous devons, enfin, accompagner la croissance du trafic aérien et satisfaire au maximum les demandes de créneaux, en liaison avec la préoccupation d'aménagement du territoire, sans accroître les nuisances sonores subies par les riverains.

Ainsi, 50 000 créneaux horaires, émanant de villes de province, sont sollicités sans pouvoir être satisfaits, du fait notamment du couvre-feu décidé la nuit à Orly, et du p lafond fixé à 250 000 créneaux. Du coup, 50 000 demandes de créneaux sont en attente.

Nous avons le souci de conforter la synergie entre les deux aéroports et, même, d'exploiter la chance qui s'offre à nous.

M. Francis Delattre.

La synergie, c'est la surcharge de Roissy ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

C'est dans cet esprit que nous envisageons les é volutions concernant l'aéroport d'Orly. Je voudrais qu'on sorte de la logique de déclin de cet aéroport qui a prévalu auparavant, et qui était préjudiciable au développement économique de l'Essonne et du Val-de-Marne.

Ma démarche au contraire est de passer à une logique de défense et de maintien de l'emploi, à une logique de développement, tout en respectant les demandes très insistantes des chambres de commerce et d'industrie, qui insistent sur les atouts d'Orly, peu distant de Paris par rapport à Roissy. Je dois le dire aussi, il y a beaucoup de demandes de liaisons sur Orly pour des capitales et des grandes villes européennes, telles Zurich et Genève, et 50 000 demandes de créneaux ne peuvent être satisfaites.

C'est dans cet esprit que la concertation que j'ai engagée depuis le 26 mars se poursuit. Nous avons là une chance importante de faire d'Orly, non pas un aéroport de seconde zone, comme certains le pensaient peut-être dans le passé, mais un grand aéroport, dont la dimension internationale serait confirmée. En effet, la distance de 5 000 kilomètres va bien au-delà de ce qui été prévu initialement, c'est-à-dire d'un « aéroport Schengen », puisque l'Afrique et bien d'autres régions du monde seront couvertes. Nous poursuivons en tout cas la concertation.

Je dirai quelques mots d'Air France. Oui, la compagnie ne sera pas privatisée.

M. Jean-Yves Besselat.

C'est une erreur ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Ce n'est pas le choix que nous avons fait. Je sais que certains le regrettent, mais je crois que les décisions que nous avons prises permettent qu'un avenir plus favorable s'ouvre aujourd'hui pour Air France. Un accord est intervenu avec les syndicats de pilotes de ligne ; il précise les modalités pratiques de l'accord-cadre du 10 juin dernier, qui avait mis fin au conflit, et je vous assure que, en lisant cet accord-cadre, on pouvait voir sur quoi il déboucherait.

Cet accord renforce la cohésion de l'entreprise au moment où celle-ci doit rassembler toutes ses énergies pour améliorer encore ses résultats et enclencher un programme de développement.

En 1994, la compagnie était en très grande difficulté.

L'Etat actionnaire a recapitalisé la société à hauteur de 20 milliards de francs, après accord de la Commission européenne. Dans le même temps, la compagnie a entrepris une réorganisation en profondeur de son exploitation et les personnels ont fait, M. Asensi l'a souligné, des efforts considérables et même des sacrifices pour le redressement de leur entreprise. Ainsi, l'exercice financier 19971998 a montré les premiers signes encourageants, avec un retour à un résultat positif et un ratio d'endettement plutôt raisonnable.

Cependant, Air France ne peut s'arrêter en chemin : elle doit faire face à un programme de renouvellement de sa flotte, de l'ordre de 40 milliards de francs, indispensable au maintien de son développement et à la poursuite de l'amélioration de ses résultats.

Je suis également parvenu à un accord avec mon collègue le ministre de la défense pour une meilleure utilisation de l'espace aérien, et le nouvel accord francoaméricain ouvre aux compagnies françaises de nouveaux marchés.

Dans le cadre de l'accord intervenu entre la direction d'Air France et le SNPL, les pilotes vont eux aussi contribuer à cette dynamique. Ils ont consenti un effort important en acceptant un gel de leur salaire sur sept ans en contrepartie d'un échange salaire-actions sur une base volontaire, limité dans le temps, et de l'abandon de la double échelle des salaires.

Ces accords équilibrés permettent de rétablir un climat de confiance dans l'ensemble de l'entreprise et, contrairement à ce qui a été affirmé, les autres personnels ne sont aucunement grugés par cet accord. Je partage l'idée que l'ensemble des personnels d'Air France bénéficiera de ces relations sociales positives.

Je veux redire mon attachement au statut public d'Air France. Dans les conditions qui étaient les siennes en 1994, une entreprise privée, dans une pure logique financière, n'aurait sûrement pas survécu avec son cortège de licenciements et un coût social important pour la collectivité.

Grâce à la recapitalisation et aux efforts de l'Etat actionnaire, cette entreprise a aujourd'hui une tout autre perspective. Elle a fait la preuve qu'une entreprise publique pouvait se redresser et se hisser au rang des meilleurs. C'est pour cela que je suis attaché à ce que l'Etat reste majoritaire dans son capital. Les modalités techniques de l'ouverture du capital de la société vont maintenant être mises au point.

On objecte qu'Air France ne conclut pas d'accords avec les autres compagnies. C'est faux, Air France a noué des liens de coopération avec de nombreuses compagnies, même si je pense qu'il faut les renforcer.

M. Jean-Luc Warsmann.

Vous faites les questions et les réponses ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Je peux même vous dire qu'avec 28 alliances, Air France est la compagnie qui a le plus d'accords au monde. C'est une entreprise attractive. Avec ses partenariats, elle est en passe de couvrir l'ensemble des continents. On voit bien, d'ailleurs, qu'avec son statut public elle a pu opérer son redressement, et son offre pour l'hiver 1998-1999 est en croissance de 10 %. Il est vrai


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qu'elle étudie actuellement une intégration dans une alliance plus globale. Mais une telle alliance est rarement capitalistique, contrairement à ce qui se dit parfois ici ou là. Si c'est nécessaire, l'ouverture de son capital devrait lui donner les marges de manoeuvre dont elle pourrait avoir besoin.

Je dirai quelques mots sur l'établissement Aéroports de Paris, qui inquiète beaucoup M. d'Aubert. Je rappelle que cette entreprise est en pleine expansion, qu'elle est en mesure de réaliser des investissements importants, et qu'elle dégage un résultat financier sans faire appel à des aides de l'Etat.

Cet établissement est tout à fait à même de faire face à l'ouverture progressive du marché de l'assistance en escale.

Concernant enfin les moyens de Météo France, ils permettront en 1999 d'assurer la poursuite de la modernisation de cet établissement et, je le dis à M. Bouvard, le respect des engagements internationaux de la France visà-vis d'Eumetsat et du centre européen de prévision météorologique.

S'agissant maintenant de l'ensemble du domaine maritime et portuaire, je voudrais tout d'abord souligner que les crédits pour l'ensemble du secteur sont maintenus, avec une légère augmentation, à 6,3 milliards de francs en moyens de paiement et en moyens d'engagement.

Le premier objectif, c'est bien évidemment la sécurité : sécurité dans les ports et sécurité sur la mer. Je suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur Lengagne.

Le renforcement de la sécurité dans les ports maritimes est un atout essentiel de leur attractivité en vue d'accueillir en plus grand nombre des marchandises créatrices de valeur ajoutée.

A ce titre, il incombe à l'Etat de remplir pleinement ses missions. C'est pourquoi les crédits destinés à l'entretien des chenaux d'accès, des avant-ports et des infrastructures de base sont reconduits.

De surcroît, les crédits des chapitres 35-34 et 44-34 seront complétés dans le prochain collectif de fin d'année par une dotation de 38,5 milliards de francs pour regrouper sur les chapitres appropriés l'ensemble des crédits nécessaires à l'entretien des profondeurs de chenaux d'accès maritimes, dont une partie était, à tort, imputée sur les crédits d'investissement.

Le maintien de la dotation globale du chapitre 53-30 au niveau de la loi de finances initiale pour 1998 permettra, dès lors que ne seront plus imputés les dragages d'entretien, de disposer d'un supplément de crédits d'investissement d'un montant égal. Ce complément permettra, d'une part, de rattraper les retards que certaines opérations inscrites dans les contrats de plan Etat-régions ont pu subir par le passé, ce qui explique qu'elles ne puissent être différées, d'autre part, de remettre en état des infrastructures portuaires dont l'entretien a été délaissé, pour répondre à une exigence de sécurité.

Le rattrapage de ces retards est une nécessité pour préparer la future génération des contrats de plan.

Le renforcement de la sécurité passe aussi par la réglementation et le contrôle de son application. Les règles de sécurité ont été considérablement renforcées aux niveaux international et européen pour améliorer la sauvegarde des vies humaines en mer et la prévention de la pollution. Il en résulte une intensification du contrôle des navires, notamment de ceux qui battent pavillon de complaisance, et une surveillance accrue du trafic maritime. J'ai obtenu que cette priorité soit traduite concrètement dans le projet de loi de finances pour 1999.

La sécurité, ce sont en effet des contrôles, et donc des moyens en personnel. Dix emplois supplémentaires d'inspecteur des affaires maritimes sont donc prévus dans le projet de loi de finances.

Le sauvetage et la surveillance du trafic maritime constituent une autre mission essentielle de l'Etat. Les accidents récents et, pour ne citer que ceux-là, l'échouement de navires sur notre littoral et les naufrages de navires de pêche, justifient pleinement que les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, les CROSS, soient dotés de moyens matériels adaptés et d'effectifs suffisants pour remplir efficacement leur mission. Le projet de loi de finances double le montant des crédits de fonctionnement spécialisés des CROSS et poursuit la professionnalisation engagée en 1998.

En ce qui concerne les phares et balises, le programme de remplacement des navires de l'Etat chargés du balisage - qui a débouché sur le lancement d'une première réalisation avec le baliseur du Havre - sera poursuivi en 1999.

Un programme de modernisation des bouées sera lancé dès 1999 grâce à l'augmentation sensible des crédits d'investissement. Les autorisations de programme passeront de 41 millions de francs à 52 millions de francs, soit une augmentation de plus de 26 %. Quant aux crédits de paiement, ils passent de 28,8 millions de francs à plus de 35 millions de francs.

Deuxième objectif : la modernisation du service public maritime.

Pour ce qui concerne les effectifs et les moyens des affaires maritimes, la loi de finances pour 1998 a marqué une première inversion de tendance en arrêtant, pour la première fois depuis plus de dix ans, les suppressions d'emplois dans ce secteur. Cette inversion de tendance est confirmée par le projet de loi de finances pour 1999, puisque les effectifs de l'ensemble des affaires maritimes sont stabilisés.

J'ai souhaité un rééquilibrage progressif dans l'accès aux fonctions de direction au profit des fonctionnaires à statut civil, au travers de la création d'emplois fonctionnels de direction et de chef de service, ouverts aux administrateurs des affaires maritimes, aux officiers du corps technique, aux inspecteurs des affaires maritimes et, le cas échéant, à d'autres fonctionnaires civils.

Les moyens supplémentaires de fonctionnement des services des affaires maritimes vont aider à la modernisation, notamment par la constitution de services de proximité, dont les usagers ont besoin.

Le programme d'équipement en vedettes côtières et embarcations légères tractables accompagne la généralisation des unités littorales des affaires maritimes - les ULAM - et permet le remplacement des unités devenues obsolètes. Une première tranche de cinq unités de douze à quinze mètres vient de faire l'objet, au mois d'août dernier, d'un appel d'offres.

Le programme global d'investissement comprendra la construction d'une quinzaine de vedettes de douze à quinze mètres et l'acquisition de vingt-cinq embarcations légères tractables.

L'ensemble de ces investissements représente une dépense globale de 50 millions de francs.

La formation maritime s'inscrit dans la perspective de création d'emplois et d'une économie maritime redynamisée, permettant de préparer notre communauté maritime aux métiers du futur.


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Vous avez insisté, messieurs Daniel Paul, Lengagne et Capet, sur l'augmentation des crédits obtenus au titre de l'année 1999 pour les écoles nationales de la marine marchande. En effet, l'augmentation est de 13 %.

Pour ce qui concerne les écoles maritimes et aquacoles, le Gouvernement a confirmé sa volonté de les intégrer pleinement dans le service public. Il sera prochainement amené à proposer un dispositif pour tirer définitivement les conséquences des lois de décentralisation de 1982 qui répartissent les compétences entre l'Etat et les régions, et pour faire prendre en charge par l'Etat ses propres missions au lieu de les confier à une association. Cela suppose d'aller à terme vers la suppression de l'association pour la gestion des écoles maritimes et aquacoles et d'organiser l'accueil dans un statut public des personnels de ces écoles.

Troisième objectif : l'amélioration de l'efficacité de la filière portuaire.

Le comité interministériel de la mer, qui s'est tenu au mois d'avril, sous la présidence du Premier ministre, a arrêté un ensemble de mesures destinées à créer de meilleures conditions pour un environnement économique favorable au renforcement de la compétitivité de nos ports. Il s'agit maintenant de les faire avancer.

Je me contenterai de citer l'amélioration de la chaîne de transport terrestre à destination ou en provenance des ports maritimes français.

La desserte ferroviaire constitue un enjeu essentiel qui exige une politique volontaire de RFF et de la SNCF. Il en est de même de l'accroissement de la qualité des services offerts dans la chaîne portuaire, et de la réduction des coûts, chaque fois qu'elle est possible.

Ainsi, s'agissant des professions de pilotage, du remorquage et du laminage, un plan pluriannuel d'abaissement des coûts a été demandé à chaque place portuaire. Une première baisse des tarifs a eu lieu en 1998. Ces efforts seront poursuivis.

Dans le domaine de la manutention portuaire, le Gouvernement va, dans le prochain collectif, proposer aux collectivités locales d'exonérer de la taxe professionnelle les grues et portiques, ainsi que les équipements spécifiques de manutention portuaire, avec l'objectif de renouveler les engins et de moderniser les superstructures portuaires.

Par ailleurs, il a été décidé de permettre aux ouvriers dockers de prendre une retraite progressive à compter de cinquante-cinq ans. Cette mesure, pour laquelle des discussions sont ouvertes, doit favoriser le rajeunissement de la profession, et donc l'efficacité de la manutention. A l'issue du délai de cinq ans prévu dans le dispositif, je puis vous assurer, monsieur Capet, qu'une évaluation sera réalisée pour examiner la possibilité d'une prolongation.

Il appartient aux ports eux-mêmes de réaliser des efforts d'efficacité.

En matière de simplification des pratiques administratives et d'harmonisation au niveau européen, des plans d'action sont conduits avec l'administration des douanes ou le ministère de l'agriculture dans le but de réduire les d istorsions de concurrence avec les autres ports européens.

Il convient aussi de simplifier la gestion quotidienne des ports sans que l'Etat abandonne pour autant son rôle de contrôle sur des établissements publics dont il est l'actionnaire privilégié.

Des mesures sont actuellement en préparation pour améliorer la qualité du dialogue social au sein des établissements portuaires. L'une de ces mesures devrait avoir pour effet d'augmenter le nombre des salariés, en le portant de trois à cinq, au sein des conseils d'administration des ports autonomes.

Monsieur Daniel Paul, vous m'avez interrogé sur le devenir des personnels. Je vous indique que c'est bien, notamment, à travers la mobilisation des personnels que nous réaliserons nos objectifs, ce qui signifie que la prise en compte et le respect des statuts et des conventions collectives constituent un élément clé de la démarche que je souhaite voir mise en oeuvre.

Nous avons, dans nos ports, une capacité de dynamisme qui accompagne la reprise des trafics et qui se traduit par de nombreux projets de haut niveau que l'Etat soutiendra. Je citerai en particulier le projet Port 2000, au Havre, qui vise à positionner ce port comme site d'accueil de premier plan pour le trafic de conteneurs.

Afin de trouver leur pleine efficacité, l'ensemble des mesures proposées doit impliquer chacun des acteurs de la place portuaire autour d'une ambition partagée de croissance, qui passe par une organisation cohérente du travail, par la compétitivité, par la fiabilité, par le service à la clientèle et par le dynamisme commercial, en vue de développer les activités logistiques dans nos ports. Cet enjeu est capital pour mettre ceux-ci à même de tenir leur place dans l'ensemble de la chaîne de transport. Il est aussi capital du point de vue de l'emploi, qui demeure l'objectif central du Gouvernement.

Dernier grand objectif du ministre chargé de la mer : le soutien à la flotte de commerce et à l'emploi maritime.

La flotte de commerce française a connu une forte décroissance depuis les années 70. Elle se stabilise difficilement à environ 210 navires. Monsieur Daniel Paul, je suis, comme vous l'avez souligné, particulièrement attentif à l'avenir de nos grands armements et aux difficultés particulières de la CGM.

Lors du comité interministériel de la mer du 1er avril dernier, le Gouvernement a arrêté toute une série de mesures témoignant de sa détermination à redresser la situation de la flotte de commerce française.

En premier lieu, il a été décidé de reconduire en 1999 et les deux années suivantes le remboursement de la part maritime de la taxe professionnelle. Cette mesure est traditionnellement proposée dans le projet de loi de finances rectificative de fin d'année.

En second lieu, pour se mettre en conformité avec les nouvelles orientations communautaires du 5 juillet 1997, le projet de budget pour 1999 intègre un dispositif de prise en charge par l'Etat des contributions sociales patronales.

Conformément à ces orientations, destinées à faire face à la concurrence internationale et à soutenir l'emploi, l'aide au secteur de la flotte de commerce prend dorénavant la forme d'un remboursement partiel ou total des charges fiscales et sociales applicables aux marins des compagnies maritimes.

Sont éligibles au remboursement de charges, les entreprises qui emploient des personnels naviguant sur des navires de commerce battant pavillon français et qui sont directement confrontées à la concurrence internationale.

La dépense totale pour la première année est estimée à 123 millions de francs.

Les années ultérieures, compte tenu de l'ouverture du cabotage et de la concurrence internationale, d'autres armements deviendront éligibles à cette aide, au premier rang desquels se situera la SNCM, la Société nationale maritime Corse-Méditerranée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1998

Sur le plan budgétaire, les fonds nécessaires à ces dépenses en 1999 sont constitués aussi bien des crédits ouverts par la loi de finances initiale de 1999, soit 81 millions de francs, que des crédits qu'il est prévu d'ouvrir en loi de finances rectificative de 1998, et qui seront reportés sur l'exercice 1999.

L'éligibilité des entreprises est subordonnée à un engagement de leur part, sur la définition d'objectifs concernant l'emploi, la formation professionnelle initiale et continue ainsi que la configuration de la flotte sous pavillon français.

Enfin, je rappelle que la loi du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier a mis en place un nouveau dispositif, le GIE fiscal, prenant la suite des quirats. Celui-ci va permettre aux armateurs de renouveler et développer la flotte dans des conditions financières avantageuses.

Comme vous pouvez le constater, ce budget marque clairement, à la suite du comité interministériel de la mer, la volonté du Gouvernement de redresser la situation des ports et de la flotte de commerce pour redonner à notre politique maritime et nos façades maritimes la place qu'elles n'auraient jamais dû perdre.

P lusieurs orateurs - MM. Capet, Lengagne et d'Aubert - ont évoqué les problèmes liés à la suppression des ventes hors taxes. Je rappelle que ce sujet relève de la compétence des ministres des finances de la Communauté. Néanmoins, au sein du Conseil des ministres des transports, j'ai, ainsi que M. Capet l'a rappelé, insisté sur ces difficultés et proposé à mes collègues les solutions avancées dans le rapport de M. Capet. Le Premier ministre a lui-même évoqué cette question avec le président de la Commission européenne. Nous en sommes là.

A l'évidence, la situation dans le transmanche exigera d es interventions des collectivités publiques et communautaires.

M. Yves Nicolin.

Très bien ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur Lengagne, vous êtes intervenu pour souligner les difficultés du port de Boulogne. Je tiens à rappeler, mais vous le savez, que l'Etat apporte un soutien important à la concession portuaire.

Pour conclure sur cette présentation du budget des transports,...

M. Yves Nicolin.

Enfin ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du l ogement.

... je voudrais rappeler combien je reste constamment vigilant sur les problèmes de sécurité.

La sécurité dans les transports est un enjeu de chaque instant pour le ministre des transports, les services et les entreprises du secteur, les usagers et les salariés.

C'est d'abord un enjeu particulièrement fragile et sensible, comme nous l'avons tous constaté ces dernières semaines. Vous en avez longuement parlé, monsieur Filleul, madame Saugues, et je vous en remercie.

Chacun comprend l'émotion tout à fait légitime des agents des entreprises de transports publics face aux agressions et aux incivilités dont ils sont l'objet.

L'an passé, j'avais annoncé douze mesures pour la prévention et la sécurité dans les transports de voyageurs. Le Gouvernement a décidé d'en accélérer la mise en oeuvre.

L'humanisation des réseaux jouera en effet un rôle décisif pour la prévention.

Sur les réseaux SNCF de l'Ile-de-France, le rythme des redéploiements d'effectifs - 400 chaque année jusqu'à l'an 2000 - sera doublé par rapport aux prévisions. De plus, 400 emplois-jeunes seront créés en 1999 et en 2000.

Cela permettra d'ouvrir, dès 1999, 100 gares supplémentaires au-delà de vingt heures, jusqu'à la fin du service et de renforcer l'accompagnement à bord des trains et l'accueil en gare.

Sur les réseaux de la RATP, le rythme des redéploiements observé en 1998, soit 350 agents de plus, sera maintenu pour les années 1999 et 2000. Ces redéploiements concerneront principalement les bus - 200 sur 350 en 1999.

L'objectif initialement fixé pour la création de 1 000 emplois-jeunes en trois ans sera atteint dès la fin de 1999 afin de renforcer rapidement les fonctions de médiation, notamment dans les bus, en fonction des lieux et des heures nécessitant la prévention des risques de conflit.

Les effectifs de police seront renforcés. Ils seront portés à 500 sur les réseaux de la SNCF et à 400 sur ceux de la RATP, auxquels s'ajoutent 100 adjoints de sécurité. Des bureaux de police seront ouverts également dans certaines gares de banlieue : 12 en 1999 et 18 en 2000.

Des dispositions législatives seront prises afin d'aggraver, si le Parlement en est d'accord, les sanctions pour atteintes aux agents des entreprises de transport. Il y aurait donc des circonstances aggravantes, comme en cas d'agression de magistrats ou de policiers.

Des moyens financiers ont été dégagés par les entreprises de transports : 350 millions pour l'Ile-de-France pour un programme de trois ans, qui sera accéléré et achevé en 1999 et qui permettra de réaliser des équipements de sécurité indispensables telles que la radiolocalisation des bus, la vidéo-surveillance et les cabines anti-agression. Pour la province, ce sont 50 millions qui avaient été réservés par l'Etat en 1998 pour contribuer au financement d'un programme de l'ordre de 100 millions.

En 1999, il est proposé de reconduire cet effort, qui est très important, puisqu'il représente 50 % des coûts des équipements. J'invite les autorités organisatrices à maintenir leur implication financière en partenariat avec l'Etat.

S'agissant de la sécurité routière, le budget est en augmentation d'environ 4 % en moyens de paiement et d'engagement. Les crédits permettront notamment d'assurer la gestion du parc des équipements d'information routière et le fonctionnement des centres d'information routière, pour 148 millions, ainsi que le renouvellement d'une partie du matériel dédié à la sécurité routière, comme les bornes d'appel d'urgence, des carrefours à feux et des stations de comptage. Il permettra aussi la mise en place des grands systèmes d'exploitation inscrits aux contrats Etat-régions : SIRUS en Ile-de-France, CORALY à Lyon, MARIUS à Marseille, par exemple.

Par ailleurs, les politiques d'incitation à la sécurité routière menées sur le plan local seront soutenues, telles que la sensibilisation des jeunes au risque de l'alcool à la sortie des boîtes de nuit, la présentation de voitures tonneaux pour inciter au port systématique de la ceinture, l'information sur les risques de la vitesse. Des campagnes de mobilisation sur la sécurité routière auprès des jeunes et des associations seront également lancées.

Mais la sécurité routière, ce n'est pas seulement un budget. Chaque année, en France, la route tue 8 000 personnes et le risque y est deux fois plus élevé que dans d'autres pays européens. Les derniers chiffres sont préoccupants.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1998

Une véritable dynamique est à relancer. Je proposerai donc, comme le Gouvernement s'y était d'ailleurs engagé, qu'un nouveau comité interministériel de la sécurité routière se tienne rapidement, afin de faire le point sur l'état d'avancement des vingt-cinq mesures retenues au CISR de la fin de l'année dernière et d'activer, en tant que de besoin, leur application.

Par ailleurs, un projet de loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière a été présenté en première lecture au Sénat, où il a été adopté à l'unanimité, se ra soumis à l'Assemblée nationale.

Mais la sécurité, c'est aussi le renforcement des procédures d'enquêtes administratives lors des accidents. Un projet de loi concernant le transport aérien est d'ailleurs en débat au Parlement. Je vous rappelle qu'un bureau chargé des enquêtes lors des accidents en mer a été crée en 1998.

D'une manière générale, les investissements de sécurité ont été privilégiés dans les arbitrages.

Un programme pluriannuel de résorption des passages à niveau a été engagé grâce à une contribution de 50 millions de francs inscrite sur le FITTVN. Cet effort sera poursuivi.

Les investissements de sécurité ont été particulièrement développés dans les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage et dans le transport aérien.

L'amélioration de la sécurité, c'est encore le niveau de sécurité offert par les infrastructures routières et par la qualité de l'entretien des axes routiers. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé au Gouvernement de poursuivre et d'amplifier l'orientation à laquelle vous aviez souscrit en 1998 et qui consiste à affecter davantage de crédits à la remise à niveau et à l'entretien du réseau routier existant.

Cette remise à niveau s'imposait. En effet, je rappelle que, de 1988 à 1996, les crédits destinés à l'entretien courant ont été réduits de 10 % et que ceux destinés à la réhabilitation l'ont été de 66 %. Or, dans le même temps, les trafics ont augmenté de 22 % et la consistance des ouvrages à entretenir de 11 %. Compte tenu de cette situation, un premier effort a été réalisé en 1998. Vos commissions l'avaient d'ailleurs demandé, ainsi que la Cour des comptes. Il convient de maintenir cette orientation en 1999. C'est pourquoi les dotations proposées pour les programmes d'entretien de réhabilitation et de mise en sécurité du réseau augmentent globalement de 6,2 % en moyens d'engagement.

Elles s'établissent à environ 3 472 millions de francs si l'on intègre les dotations des comptes d'affectation spéciale, le FITTVN et le FARIF.

L'effort portera plus particulièrement sur les programmes de réhabilitation de chaussées, qui augmentent de 26 %, sur le renforcement des ouvrages d'art et sur l'entretien préventif, dont les crédits augmentent respectivement de 7,6 % et de 7,4 %. Ce choix de l'entretien du patrimoine routier et de la sécurité, que je vous propose de conserver en 1999, n'est évidemment pas sans conséquence pour l'ensemble du budget routier. Celui-ci est en effet globalement stable en moyens d'engagements, et en diminution par rapport à 1998, pour s'établir à 9,2 milliards de crédits de paiement en 1999, compte tenu des crédits disponibles sur le FITTVN et le FARIF.

La poursuite de l'effort en faveur de l'entretien routier signifie donc une diminution des crédits affectés au développement du réseau routier national, c'est-à-dire aux nouvelles opérations.

Ainsi, s'agissant des contrats de plan Etat-régions, le budget de 1999 ne permettra pas de rattraper les importants retards accumulés au cours des années antérieures.

Les autorisations de programme prévues porteront ainsi à 81 % le taux d'exécution de ces contrats.

Vous regrettez, monsieur Idiart, que les crédits du FITTVN soient utilisés pour financer le plan routier du Massif central. Il s'agit effectivement d'engagements qui avaient été pris par mes prédécesseurs, que je n'ai pas remis en cause. En revanche, il m'a semblé conforme à l'esprit du FITTVN de réorienter ses ressources vers le ferroviaire.

La situation du budget routier n'est pas satisfaisante.

Elle résulte des priorités du Gouvernement, soutenues par le Parlement. Nous ne pourrons toutefois en rester là car il n'est pas vrai que l'ensemble des besoins soit satisfait dans le domaine routier.

Il convient sur cette question de se mettre en situation de préparer le budget de l'an 2000, qui sera aussi celui du démarrage des prochains contrats de plan.

La présentation budgétaire qui vient d'être faite ne saurait répondre à l'ensemble des questions que vous avez posées, notamment à la suivante : où en est la réforme du financement des autoroutes ? Plusieurs députés me l'ont demandé. Cette réforme est en cours, même si elle a pris un peu de retard du fait de difficultés dont nous n'avions pas encore connaissance lors du dernier débat budgétaire.

En l'occurrence, le Conseil d'Etat a annulé, en février dernier, les décrets de concession de l'autoroute A 86 à Cofiroute et de TEO à Lyon. Ces annulations nous ont rappelé la force des directives communautaires, que nos prédécesseurs avaient tardé à transposer. Il faut maintenant remettre le système autoroutier sur pied, notamment celui constitué par les sociétés d'économie mixte.

Le système français de concessions autoroutières mérite en effet d'être redressé. Il a permis le développement d'un réseau de 6 700 kilomètres déjà réalisés. Mais aujourd'hui, il rencontre des limites : Son endettement, comme l'a souligné M. le rapporteur Idiart, représente 150 milliards de francs environ ; L'accélération de la réalisation du schéma autoroutier en 1994 s'est traduite par des tensions financières dans certaines sociétés, comme celle du tunnel de Fréjus actuellement en déficit ; La facilité de financement procurée par la technique de l'adossement a conduit à certains choix d'investissement contestables et à créer des biais dans l'allocation des ressources entre réseau concédé et réseau non concédé, entre travaux neufs et entretien ; Le contexte juridique, notamment communautaire, conduit à remettre en cause le mode d'attribution des nouvelles concessions à un moment où la transparence des choix d'investissement public se fait plus exigeante.

J e citerai, enfin, les changements de méthode comptable demandés par la Cour des comptes et la contestation par la Commission européenne du régime de TVA des sociétés autoroutières.

Face à toutes ces difficultés, il faut construire une réforme du système autoroutier permettant de poursuivre le développement du réseau d'autoroutes à un rythme adapté à la demande de transports.

Cette évolution, à laquelle nous travaillons depuis un an, doit bien entendu s'inscrire dans le droit communautaire. Elle doit permettre des mises en concurrence transparentes et non discriminatoires pour l'attribution de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1998

nouvelles concessions et assurer - c'était l'un de nos objectifs de départ - une plus grande neutralité des choix entre types d'investissements et entre modes de transport.

J'attends de cette réforme qu'elle renforce durablement pour l'avenir la place des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes dans la construction et l'exploitation de la route, dans le cadre d'un véritable partenariat public-privé. Il s'agit de préserver, aux côtés d'entreprises privées qui ont évidemment toute leur place, des entreprises publiques dynamiques et renforcées à l'issue de la réforme en cours.

La mise en place de cette réforme, qui passe par des systèmes comptables et fiscaux plus proches du droit commun, ainsi que par la constitution de fonds propres, ne peut se faire sans un allongement des concessions actuelles. A cet effet, des discussions, que j'espère voir aboutir courant novembre, ont été engagées avec la Commission européenne. Comme vous le constatez, cette réforme est importante. Il s'agit de conforter durablement le système des concessions « à la française ». Voilà les principaux éléments d'information que je souhaitais vous apporter.

Pour terminer, je voudrais vous indiquer que ce budget est une étape qui s'inscrit dans une perspective - plusieurs d'entre vous ont souligné la nécessité de travailler sur du pluriannuel - et qu'il ne saurait se comprendre sans les réflexions que nous avons engagées pour l'avenir.

En 1999, nous aurons à discuter des schémas de service. Nous aurons également à négocier les futurs contrats de plan et, pour cela, à clarifier les besoins et les priorités.

Dans cette perspective, et dans le cadre notamment du grand débat que j'évoquais tout à l'heure, nous aurons à mettre au point les outils juridiques et financiers permettant d'apporter des réponses aux différents problèmes qui se posent à nous : l'aménagement urbain et le financement des transports collectifs ; la poursuite du programme autoroutier et des grandes liaisons de maillage permettant d'améliorer l'organisation des espaces régionaux ; les investissements très lourds en matière de fret ferroviaire. La réflexion sur l'aménagement de l'espace et le développement des échanges constitue une démarche globale qui implique un véritable débat de société et qui concerne au premier chef le ministère de l'équipement. Il s'agit tout à la fois d'évaluer les besoins et d'innover en matière de compétences et d'outils de financement.

Je vous invite donc non seulement à approuver ce budget, mais également à participer à cette réflexion et à contribuer à la réussite de notre démarche. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt-deux heures quinze, troisième séance publique : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999, no 1078 : M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1111).

Equipement et transports (suite) : Transports terrestres : M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 30 au rapport no 1111). Equipement et transports terrestres : M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis au nom de la commission de la production et des échanges (avis no 1116, tome XIV). Mer : M. Guy Lengagne, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 27 au rapport no 1111). Transports maritimes et fluviaux : M. André Capet, rapporteur pour avis au nom de la commission de la production et des échanges (avis no 1116, tome XV). Transport aérien et météorologie : M. François d'Aubert, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 29 au rapport no 1111). Transports aériens : M. François Asensi, rapporteur pour avis au nom de la commission de la production et des échanges (avis no 1116, tome XIII).

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quarante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT