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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 OCTOBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

1. Loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 7471).

DISCUSSION GE NE RALE (suite) (p. 7471)

Mme Catherine Génisson,

M.

Jean-Pierre Blazy, Mme Sylvie Andrieux,

M.

Francis Hammel, Mmes Nicole Feidt, Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

Clôture de la discussion générale.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION (p. 7477)

Motion de renvoi en commission de M. José Rossi : MM. François Goulard, Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé ; Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, pour les recettes et l'équilibre général ; Pascal Terrasse, Bernard Accoyer, Jean-Pierre Foucher, Jean-François Mattei, Maxime Gremetz. - Rejet.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

M. le secrétaire d'Etat.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Rappel au règlement (p. 7502)

M. Bernard Accoyer, Mme la ministre.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 7503).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 OCTOBRE 1998

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 1999 Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (nos 1106, 1148, tomes I à IV).

Discussion générale (suite)

M. le président.

Hier, l'Assemblée a continué d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à Mme Catherine Génisson.

M me Catherine Génisson.

Monsieur le président, madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, monsieur le secrétaire d'Etat à la santé, mes chers collègues, l'examen du volet assurance maladie de la loi de financement de sécurité sociale pour 1999 montre que notre système de santé, en prenant en charge non seulement les soins curatifs, mais également la prévention, franchit une étape décisive ; ce point a été longuement développé hier par Philippe Nauche.

Ce projet de loi permet de mettre en place des réformes structurelles. Ainsi, malgré les interventions négatives de certains de nos collègues, nous pouvons acter favorablement les crédits définis au titre de l'ONDAM et leur augmentation significative. En ce qui me concerne, je m'attacherai plus particulièrement à l'étude de l'enveloppe hospitalière pour souligner l'importance de sa nécessaire modulation en fonction de l'état sanitaire des régions.

Cette modulation favorise l'adaptation de notre système de soins dans son fonctionnement quotidien et permet de mieux répondre aux exigences de notre politique de santé : égalité d'accès aux soins, qualité, sécurité sanitaire.

Comme vient de le montrer le rapport du Haut comité de la santé publique en dressant le bilan de l'état sanitaire de la France, les dimensions géographique, économique et sociale, politique et institutionnelle jouent un rôle important dans l'évolution du contexte sanitaire.

Il est important d'assurer une meilleure péréquation dans la répartition des moyens afin de corriger des inégalités : inégalités d'état de santé, inégalités d'offre de soins

L'étude de notre tissu sanitaire montre des disparités régionales importantes. Si elle n'est pas la seule, la région Nord Pas-de-Calais en est un exemple criant : elle se trouve, au dernier rang des régions françaises avec 135 % de plus de cirrhose du foie chez les femmes, 62 % de plus de bronchites chroniques et de pathologies pulmonaires chez les hommes.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Eh oui !

Mme Catherine Génisson.

... au dernier rang aussi pour la prise en charge des tumeurs en général et des affections cardio-vasculaires. L'espérance de vie à la naissance y est inférieure de trois ans par rapport à la moyenne nationale, et je pourrais continuer la liste.

En parallèle, on y observe un sous-équipement hospitalier, une densité de médecins spécialistes inférieure à la moyenne nationale, un déficit de 80 postes d'hospitalouniversitaires, même si l'on peut se réjouir de l'affectation de 4 postes sur les deux prochaines années.

Ces données pourraient paraître incongrues si elles n'étaient authentiques. Pour autant, je le souligne, le défaitisme n'est pas mieux dans cette région où la rareté rend vertueux, commme nous le disait récemment le directeur du CHU de Lille, et je préciserai : vertueux, mais aussi combatif et innovant. Mais j'en reparlerai.

M. Jean-Paul Bacquet.

Très bien !

Mme Catherine Génisson.

La situation de la région Nord Pas-de-Calais n'est pas unique. Il exite d'autres disparités régionales et intrarégionales, notamment en Ilede-France.

Ce constat rappelle, ô combien, la nécessité de mettre en place un système de péréquation. Un tel système doit s'appuyer sur des critères transparents, objectifs, reproductibles. La péréquation, à elle seule, ne peut pas faire évoluer notre système de santé ; elle en permet cependant le rééquilibrage.

La recomposition, le remodelage du tissu hospitalier est le deuxième point que je souhaite évoquer.

Ce remodelage ne doit pas être subi, mais réapproprié par l'ensemble des acteurs de santé. Personne ne doit y perdre : ni les professionnels, ni les usagers qui sont, eux aussi, les acteurs de leur santé. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Les personnels de santé doivent être des moteurs innovants de la réorientation de leur fonction dans une logique de réseaux et de complémentarité des soins. On ne peut séparer l'exigence de qualité et de sécurité de la politique de recomposition.

J'illustrerai le bien-fondé de cette politique innovante par deux exemples : au niveau régional et au niveau national.

Pardonnez-moi de faire encore référence à ma région en vous présentant le projet de création d'une unité de chirurgie cardiaque commune entre un centre hospitalier, celui de Lens, et une clinique privée située à quelques kilomètres.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !


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Mme Catherine Génisson.

Les lits sont pour moitié publics et pour moitié privés. Les médecins ont le statut de praticien hospitalier à temps partiel, avec activité privée en contrat avec la clinique. L'ensemble du personnel paramédical, quant à lui, garde un statut public. La forme juridique est celle d'un groupement de coopération sanitaire.

Je ne m'étendrai pas sur la réussite qui a suivi de longs mois de négociations, rendues parfois difficiles, voire rebutantes, du fait de la complexité des problèmes juridiques rencontrés. Mais, cet exemple prouve qu'il est nécessaire de continuer notre réflexion pour améliorer les instruments juridiques et financiers, qui, s'ils ont fait la preuve de leur efficacité, seraient plus attractifs s'ils étaient simplifiés.

Mon second exemple, au niveau national, concerne le plan d'ensemble de réorganisation de prise en charge de la maternité et de la périnatalité.

Le dispositif proposé a pour objectifs la diminution de la mortalité maternelle de 30 %, un abaissement de la mortalité périnatale de 18 %, une réduction de l'hypotrophie du nouveau-né et un suivi généralisé des femmes pendant leur grossesse.

Le critère de maintien de l'activité d'une maternité, fixé à 300 accouchements par an, est une base permettant l'adaptation progressive des moyens et non un couperet qui empêcherait tout suivi de proximité. Une meilleure organisation dans la surveillance, dans la prise en charge des grossesses à risque, le développement des réseaux, la mise en place des maisons de naissance, le suivi postnatal effectué par des sages-femmes : c'est un projet d'envergure qui illustre l'engagement politique au service de la qualité et de la sécurité sanitaire de nos concitoyens.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Absolument !

Mme Catherine Génisson.

Nous sommes loin de l'appréciation de notre collègue Jean-Michel Dubernard qui parle de « restructuration timorée ».

M. Bruno Bourg-Broc.

Il sait de quoi il parle, lui ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gérard Hamel.

Mme Génisson aussi !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme le « docteur » Génisson !

M. Jean-Paul Bacquet.

Elle est médecin. Elle ne greffe pas les mains, mais elle exerce.

M. le président.

Monsieur Bourg-Broc, laissez conclure

Mme Génisson, je vous prie.

Mme Catherine Génisson.

Comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, cela suppose un changement culturel profond. Cela suppose aussi une information et la mise en place d'une large concertation citoyenne.

Une démarche transparente, partagée, permettant d'ouvrir le débat avec les élus, les acteurs institutionnels, les usagers doit présider, entre autres, à l'élaboration des SROS de deuxième génération.

M. le président.

Il faut conclure, madame !

Mme Catherine Génisson.

Je ne saurais terminer mon propos sans évoquer un sujet qui me tient à coeur : la situation des médecins hospitaliers à haute pénibilité de travail. Je pense notamment aux urgentistes et aux anesthésistes. La réorganisation de l'hôpital permettant de limiter la dispersion de leur activité et, par là même, de rendre plus efficiente leur action. Mais le problème est plus global et fera l'objet d'un amendement.

Votre projet, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, met en place de profondes réformes. Vous aurez le soutien du groupe socialiste qui enrichira le débat et fera des propositions tout au long de la discussion qui vient de s'engager. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bonne manière d'engager le débat !

M. Jean-Paul Bacquet.

Quel talent !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme Mme Génisson, je souhaite également parler de l'hôpital public et appeler l'attention du Gouvernement et de la représentation nationale sur la situation spécifique des établissements hospitaliers et médico-sociaux de l'Ile-de-France, deux ans après la mise en oeuvre de la réforme du financement de la sécurité sociale.

Je ne suis pas médecin, je ne suis pas chirurgien, ...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Cela ne vous empêche pas de réfléchir !

M. Jean-Pierre Blazy.

... mais je suis président du conseil d'administration d'un centre hospitalier et président de la conférence sanitaire du secteur 12 de la région. Je souhaite aussi intervenir au nom de quelques collègues franciliens, dont M. Yves Tavernier qui est absent parce qu'en mission à l'étranger.

Il ne s'agit pas pour nous de contester l'indispensable volonté des pouvoirs publics de réduire les déficits des comptes sociaux de la nation, notamment, ceux de l'assurance maladie. Les engagements qui ont été pris doivent être tenus. Le redressement des comptes sociaux constitue la meilleure garantie pour que les droits fondamentaux, auxquels les Français sont très attachés, soient préservés.

Je pense, entre autres, aux prochaines générations.

Il ne s'agit pas non plus de remettre en cause le dispositif de péréquation entre régions ; je suis également partisan d'un réduction des inégalités entre celles-ci. Ni d'alimenter des oppositions stériles qui faussent le débat entre les hôpitaux franciliens et ceux de la province.

Toutefois, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, l'hôpital public en Ile-de-France est en réelle difficuté et c'est ce que démontre le Livre blanc qui vient d'être signé entre l'AP-HP et l'UHRIF.

La fraction de l'ONDAM affectée aux établissements de santé est ventilée entre les régions par le Gouvernement. Or, dès le départ, cette répartition s'est effectuée de la manière la plus défavorable pour la région Ile-deFrance. Malgré un taux national de 2,1 % en 1997, les budgets hospitaliers franciliens ne progressent effectivement que de 0,35 %, taux qui rend impossible la simple reconduction de l'existant.

De cette manière et depuis deux ans, l'hôpital public francilien supporte l'essentiel de l'effort de péréquation nationale pour une ponction d'environ 1,2 milliard de francs, ce qui correspond, selon le Livre blanc, à la perte de 5 000 emplois équivalents hospitaliers.

Le programme de médicalisation du système d'information, le PMSI, principal outil d'analyse utilisé par le Gouvernement pour procéder à la répartition régionale des moyens, doit être amélioré. Les rapports successifs de la Cour des comptes de 1997 et de 1998 sur la sécurité sociale avaient déjà constaté « les limites inhérentes à ce dispositif ». En effet, le PMSI ne mesure que très partiellement la réalité des besoins et reflète de manière insatisfaisante la qualité de la production de soins.


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S'il est incomplet pour certaines spécialités telles que la réanimation, le PMSI ne prend pas suffisamment en compte les urgences, les consultations externes, la psychiatrie. C'est précisément dans ces domaines que l'Ilede-France présente des particularités. En outre, la médecine libérale assurant plutôt moins souvent qu'ailleurs une permanence médicale, le recours aux urgences des hôpitaux y est plus important.

Selon l'enquête annuelle SAE, les activités de court séjour en médecine, chirurgie et obstétrique comparées aux activités globales de l'hôpital représentent 60 % des journées d'hospitalisation en Ile-de-France, contre 45 % dans la plupart des autres régions. Ces chiffres illustrent que les hôpitaux franciliens constituent des recours pour les pathologies lourdes et rares des établissements de province.

Eu égard à la volonté de créer des complémentarités et d'améliorer la qualité des soins, la constitution de ces pôles d'excellence est pertinente du point de vue, d'une part, de la politique de la santé et, d'autre part, de la nécessaire mise en oeuvre des programmes hospitaliers de restructuration. Cependant, monsieur le secrétaire d'Etat, cette concentration a un coût dont le point ISA ne rend pas compte.

La caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France a évalué ces transferts interrégions à 1,5 milliard de francs assumé par les hôpitaux franciliens.

De nombreuses études montrent que la consommation de soins et les besoins sanitaires évoluent avec la richesse de la région. Or l'INSEE, dans une étude comparative, a établi que la région Ile-de-France est la première région européenne pour son PIB. Si la frange aisée de la population réclame les meilleures pratiques médicales, l'hôpital public francilien se doit aussi d'accueillir - comme ailleurs - des populations pauvres et précaires et répondre aux pathologies plus développées dans les grandes villes - dépressions, toxicomanie, sida.

Une fois encore, aucune de ces charges n'est prise en compte par le point ISA. Quoi qu'on en dise, l'Ile-deFrance n'est pas une région comme les autres.

M. Jean-Paul Bacquet.

C'est vrai !

M. Jean-Pierre Blazy.

Le redéploiement budgétaire sur des bases purement comptables tient insuffisamment compte des besoins de la population, de la sécurité et de la qualité des soins.

Continuer à vouloir aligner en quelques années le point ISA de l'Ile-de-France sur une moyenne arithmétique sans tenir compte de ces spécificités c'est, à terme, compromettre la qualité des soins effectués par l'hôpital public francilien et prendre le risque de détériorer les conditions de travail des personnels et la stabilité sociale des établissements.

Comprenez bien, mes chers collègues, que si l'effort est nécessaire, il doit être pondéré, mesuré et réparti dans le temps.

D'une part, je considère avec notre rapporteur Claude Evin que « les critères actuels de répartition manquent de lisibilité et de transparence » ; d'autre part, que la représentation nationale ne dispose pas clairement d'une évaluation des effets de la répartition régionale sur l'hôpital public.

M. le président.

Monsieur Blazy, il vous faut conclure !

M. Jean-Pierre Blazy.

Je conclus, monsieur le président.

Enfin, des inégalités de traitement persistent entre les hôpitaux publics de la banlieue parisienne et l'AP-HP, du fait de l'existence, pour celle-ci, d'un régime particulier de tutelle financière totalement exorbitant du droit commun. On constate d'importantes différences entre les valeurs des points ISA : 14,04 francs en Ile-de-France contre 15,17 francs pour l'AP-HP et 12,14 francs en moyenne nationale - soit respectivement, un différentiel de 15,8 % et de 24,95 %.

M. Jean-Paul Bacquet.

C'est inacceptable !

M. Jean-Pierre Blazy.

Même si l'AP-HP joue un rôle spécifique dans notre système de santé, je rejoins les propos, madame la ministre, que vous teniez au moment du débat budgétaire de l'année dernière : « la transparence est nécessaire partout ».

Il est urgent maintenant d'agir en ce sens, en alignant sur le droit commun la compétence de l'agence régionale d'hospitalisation d'Ile-de-France sur l'Assistance publiquehôpitaux de Paris. A ce titre, les propositions contenues dans le rapport de M. Evin doivent être enfin mises en oeuvre. Il en est grand temps !

M. le président.

Monsieur Blazy, je vous demande de conclure, s'il vous plaît !

M. Jean-Pierre Blazy.

En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande de nous donner des garanties suffisantes pour l'année 1999 sur les trois points suivants : d'abord la prise en compte de la spécificité francilienne et la nécessité de retenir un taux régional satisfaisant pour l'Ile-de-France ; ensuite, la nécessité d'une évaluation nationale annuelle des résultats des efforts de péréquation ; enfin, la réforme de l'Assistance publique.

M. le président.

Mes chers collègues, je vous demande instamment de respecter votre temps de parole.

La parole est à Mme Sylvie Andrieux.

Mme Sylvie Andrieux.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après les éclairages donnés par Catherine Génisson et Jean-Pierre Blazy sur la situation de leur région, vous aurez le mien sur la région PACA.

Le système hospitalier français, tout le monde le reconnaît, est une composante essentielle, voire majeure, de notre système de soins : 14 millions de personnes sont h ospitalisées chaque année et 200 000 franchissent chaque jour la porte des hôpitaux. Il persiste néanmoins des inégalités en matière de sécurité, de qualité des soi ns et de répartition géographique des lits et des spécialités médicales.

Le projet de loi de financement propose un certain nombre de mesures pour adapter le système hospitalier aux besoins réels de santé. Nous ne pouvons que nous réjouir de celles dont le but est d'adapter l'offre aux besoins, de promouvoir la qualité et la sécurité, de réduire les inégalités. Nous devons toutefois prendre garde de ne pas tomber dans le travers de mesures fortes sur le plan budgétaire, mais qui ne tiendraient pas suffisamment compte des caractères locaux. J'appuierai ma démonstration sur un exemple que je connais bien, celui de Marseille.

Alors qu'en France 70 % des lits sont dans le public et 30 % dans le privé, à Marseille la répartition est de 50/50.


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Le budget global imposant à l'hôpital public des contraintes supplémentaires - je ne citerai que la tarification des dépenses de médicaments - ne risque-t-on pas, pour maintenir l'équilibre, de faire diminuer la qualité des soins ?

M. Jean-Paul Bacquet.

Très juste !

M. François Goulard.

Bonne remarque !

Mme Sylvie Andrieux.

De la même façon, nous ne pouvons que nous féliciter de l'ouverture de services d'urgence sociale, mais il faut les accompagner de nouveaux moyens financiers.

M. Jean-Paul Bacquet.

Bien sûr !

Mme Sylvie Andrieux.

Dans le cas particulier de Marseille, la fréquentation des services d'urgence a augmenté de plus de 6 % par an dans les dernières années, alors que la population a diminué, que le nombre d'hospitalisations après passage aux urgences est à peu près stable et que les grands marginaux ne représentent que 2 % environ de ces entrées. Cette progression correspond, pour 15 % des entrées, à des urgences trop tardives qui touchent les populations les plus démunies et, pour 30 %, à des consultations qui devraient se faire dans les réseaux de ville, mais dont les patients se sont volontairement privés, faute de solvabilité.

Nous voyons combien l'adaptation de l'offre aux besoins et la diminution des inégalités doit tenir compte d'une meilleure connaissance de la sociologie des patients et des données sociales. En effet, dans les quartiers les plus défavorisés de Marseille, la surmortalité atteint 25 % par rapport au reste de la ville pour les cancers, maladies cardio-vasculaires et maladies pulmonaires, pathologies pour lesquelles on constate souvent qu'aucun effort de prévention n'a été conduit envers une population qui méconnaît et son état de santé, et son besoin de soins.

Si l'espérance de vie est, dans notre région, supérieure à la moyenne nationale, la conférence régionale de la santé a mis en évidence une forte surmortalité des jeunes de quinze à vingt-quatre ans.

A Marseille, les inégalités sont aussi plus contrastées que dans le reste de la France, avec plus de 15 % de la population dont les ressources sont inférieures au seuil de pauvreté.

De même, l'étude que mène actuellement M. Smirou tend à démontrer la répartition préférentielle des maladies pneumo-allergologiques dans les quartiers défavorisés.

Alors oui, monsieur le secrétaire d'Etat, il faut réduire les inégalités, et les mesures que vous envisagez vont dans le bon sens.

Oui, il faut accélérer la recomposition du tissu hospitalier pour promouvoir la qualité et la sécurité.

Oui, il faut adapter l'offre de soins hospitalière aux besoins de santé, mais il faut aller plus loin en se donnant les moyens de véritables analyses sociologiques sur la répartition des maladies, pour toucher de façon préférentielle les populations à risque.

Il faut mettre en place une véritable politique de réseaux de soins entre l'hôpital et les professionnels de santé.

Il faut, certes, restructurer pour améliorer la cohérence, mais il ne faut pas que les regroupements qui se profilent à Marseille se traduisent par la mise en état de veille des hôpitaux.

Depuis dix ans, les collectivités territoriales ont investi 15 à 25 millions de francs par an dans des équipements lourds de type innovant. Et je sais qu'elles continueront leurs efforts pour favoriser la qualité des soins.

Alors, monsieur le secrétaire d'Etat, pour une meilleure efficience du système de soins, je souhaite que vous preniez pleinement en compte non seulement les inégalités régionales, mais aussi les inégalités sociales.

Et c'est sans réserve, bien sûr, que je soutiendrai votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Merci, madame Andrieux, pour votre concision.

La parole est à M. Francis Hammel, pour cinq minutes.

M. Francis Hammel.

Monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de loi de financement de la sécurité sociale concerne certes l'ensemble de nos concitoyens, mais c'est sur une catégorie d'entre eux que je centrerai mon propos : les personnes handicapées.

Ce n'est pas que je veuille en faire une catégorie particulière : notre objectif - et je sais que c'est aussi le vôtre est au contraire de renforcer l'exercice de leur citoyenneté et la dignité à laquelle elles ont droit.

Après quatre années de stagnation, voire de régression, la politique envers les personnes handicapées a pris un nouveau visage à partir de 1998, même si, en ce domaine, la loi de finances pour 1998 était nécessairement une loi de transition.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est un peu dur !

M. Francis Hammel.

Les dispositions annoncées pour 1999 et le projet de réforme de la loi de 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales contribueront à mieux répondre aux aspirations des personnes handicapées et de leurs associations représentatives.

Je note, sans être exhaustif, qu'en 1998 l'effort d'insertion des personnes handicapées s'est traduit en particulier par la création de 500 places en atelier protégé et de 2 000 places en CAT.

Les crédits pour la formation ont enregistré une hausse de 5 %.

Une étude sur l'amélioration des modalités de fonctionnement des COTOREP a par ailleurs été engagée.

En outre, l'intégration scolaire des enfants handicapés a été facilitée par la création de postes d'accompagnement, dans le cadre de la loi relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes. Il reste que cette intégration souffre encore d'incontestables lacunes et que son amélioration implique le développement de services d'éducation spécialisée et de soins à domicile. A cet égard, le message transmis à l'APAJH par Mme Aubry, conjointement avec Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire, lors de la conférence de presse du 10 septembre dernier, nous donne l'espoir d'une sensible amélioration. Permettez-moi d'en citer un très court extrait : « La politique conduite par le Gouvernement vise à permettre une socialisation et une intégration des jeunes handicapés aussi précoce que possible, notamment grâce au programme, en cours, d'équipement en centres d'action médico-sociale précoce et grâce à l'amélioration de leur niveau de formation générale et professionnelle. »

La prise en compte du handicap lié à la surdité doit être mieux assurée.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance vieillesse.

C'est vrai !

M. Francis Hammel.

La mission confiée à l'une de nos collègues permettra de définir les dispositions adaptées à cette forme de handicap.


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Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, outre les mesures générales dont bénéficieront les personnes handicapées au même titre que l'ensemble de nos concitoyens, on peut relever également des avancées et des engagements significatifs en faveur du monde du handicap.

En premier lieu, les mesures annoncées pour la prévention et la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles contribueront à la fois à protéger les travailleurs exposés et à améliorer les conditions de vie des personnes mutilées ou intoxiquées. Le renforcement des moyens de l'inspection du travail et la clarification des missions de la médecine du travail, d'une part, la transparence des conditions de reconnaissance des taux d'incapacité permanente de travail et l'attribution d'un capital décès sous certaines conditions aux ayants droit, d'autre part, constituent autant de mesures favorisant l'égalité et la justice sociale.

En second lieu, la politique d'intégration que vous entendez mener pour permettre aux personnes handicapées, à tous les âges de la vie et dans tous les aspects de la vie collective - école, emploi, vie sociale - tend à réaf firmer une grande ambition nationale.

La réponse, adaptée et durable, nécessaire pour pallier l'insuffisance chronique des solutions d'accueil par le biais d'un plan pluriannuel de création de places en maisons d'accueil spécialisées, en foyers, en CAT et en ateliers protégés, facilitera de nouvelles prises en charge au profit de personnes présentant de lourds ou de nouveaux handicaps.

M. Jean-Paul Bacquet.

Très juste !

M. Francis Hammel.

Je pourrais, bien sûr, poursuivre mon propos sur les ambitions que le Gouvernement affiche pour apporter des solutions cohérentes, volontaristes et efficaces aux situations de handicap. Il est clair, en particulier, que la réforme annoncée de la loi de 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales prolongera ce débat. Mais je ne pourrais conclure...

M. le président.

Il faut conclure, en effet.

M. Francis Hammel.

... sans me faire l'écho des revendications immédiates des personnes handicapées et du monde associatif, même si quelques-unes de ces revendications sortent du champ de la loi de financement de la sécurité sociale.

C'est d'abord la création de postes d'auxiliaires de vie pour aider les personnes handicapées dans leurs gestes quotidiens. Les 1 864 postes créés entre 1981 et 1986 et financés par l'Etat sont très largement insuffisants pour répondre aux besoins des personnes handicapées sur l'ensemble du territoire. De plus, créer des postes d'auxiliaires de vie, c'est aussi créer des emplois et lutter contre le chômage.

C'est ensuite une revalorisation significative de l'allocation aux adultes handicapés. Son montant actuel, qui correspond à peu près à 65 % du SMIC net, subit une dégradation régulière depuis quinze ans.

C'est également un meilleur accès aux transports collectifs et aux logements.

C'est encore l'amélioration des conditions et des modalités d'attribution des aides techniques indispensables à l'autonomie des personnes handicapées.

C'est enfin la prise en considération des personnes handicapées vieillissantes qui sortent des établissements médico-sociaux sans solution d'accueil adaptée.

M. le président.

Monsieur Hammel...

M. Francis Hammel.

Je conclus, monsieur le président.

Monsieur le secrétaire d'Etat, si ces cinq demandes pouvaient être prises en compte...

M. Jean-Paul Bacquet.

Elles le seront !

M. Francis Hammel.

... le sort des personnes handicapées se trouverait, à l'évidence, bien amélioré.

En conclusion, il est incontestable qu'une nouvelle et puissante énergie doit être déployée pour développer une véritable politique favorisant l'insertion et répondant aux aspirations des personnes en situation de handicap. C'est à cette condition que l'on pourra rendre à toutes celles et à tous ceux que l'on dit « handicapés », au-delà de leurs spécificités, leur dignité de citoyens à part entière.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Feidt, pour cinq minutes.

Mme Nicole Feidt.

Monsieur le secrétaire d'Etat, la discussion sur le financement de la sécurité sociale nous permet, au-delà des enjeux de la nouvelle organisation sanitaire et sociale, de mettre l'accent sur quelques secteurs et de préciser quelle politique sera engagée demain en direction des personnes âgées et des handicapés, qui sont au nombre de cinq millions.

Notre rapporteur, Alfred Recours, a présenté hier matin notre demande d'un petit coup de pouce pour les handicapés. J'irai dans le même sens.

Dois-je rappeler la situation des jeunes dépendant des instituts médico-pédagogiques ou médico-professionnels ? Dois-je poser, surtout la question de leur avenir : que deviennent ces jeunes handicapés qui, à la suite d'une orientation décidée dans le cadre d'une commission départementale de l'éducation spécialisée, sont pris en charge pratiquement dès leur plus jeune âge par la sécurité sociale ? A leur majorité, que deviennent les enfants souffrant d'une déficience mentale légère ? Trop peu nombreux sont ceux à qui l'on propose des solutions satisfaisantes.

Même si notre gouvernement a fait des efforts significatifs en 1998 pour en augmenter le nombre, les places en centre d'adaptation par le travail, en atelier protégé ou en foyer occupationnel ne suffisent pas. Il nous faut accélérer le programme d'ouverture d'établissements spécialisés pour résorber le nombre des handicapés en attente relevant des amendements Creton : ceux-là mêmes qui restent dans des institutions inadaptées à leur âge et à leur situation. Trouver des solutions d'accueil et d'insertion pour tous, voilà ce que doit être notre ambition.

En attendant, le projet de réforme de la loi de 1975 relatif aux institutions sociales et médico-sociales mérite quelques réflexions concernant l'insertion des jeunes handicapés : il devrait comprendre des mesures leur permettant des aller et retour plus faciles entre le milieu spécialisé et le milieu ordinaire. Il devrait exister une solution entre le « tout institution » et le « tout domicile ». C'est d'ailleurs une des demandes des associations de parents d'élèves.

S'agissant toujours de l'accueil de ces jeunes, c'est à vous, madame la ministre de l'emploi, que je m'adresse maintenant, car il nous faut faire appliquer la loi sur l'intégration des handicapés dans le monde du travail. Trop souvent, les entreprises ne s'acquittent pas de leur obligation d'embauche, préférant payer la contribution plutôt qu'aider à l'insertion. Nous pourrions trouver des coopérations et des partenariats pour qu'une prise en charge efficace soit mise en place en faveur des jeunes handicapés et de leurs familles.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 OCTOBRE 1998

De manière plus globale, un système d'intégration des handicapés, tant social que culturel ou sportif, devrait trouver sa place dans une politique de la ville. Il faut s'inspirer des expériences étrangères pour favoriser l'intégration au sein de la ville des jeunes handicapés non pris en charge par les institutions pour adultes handicapés.

Pour bien agir, il faut avoir connaissance réelle des situations. Pourquoi ne pas prévoir un avis budgétaire sur les handicapés, qui nous éclairerait sur la vie des établissements spécialisés et sur les résultats des politiques conduites ? En tout état de cause, les objectifs d'équité et de solidarité qui sont ceux de ce gouvernement, et les nôtres, permettront probablement de trouver des solutions, y compris dans ce budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler, pour cinq minutes.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez, avec humanité, fait part de votre volonté de mettre en place une vraie politique des soins palliatifs, parlant de la souffrance à faire reculer, voire à supprimer pour les personnes en fin de vie, et du soulagement qui en résulterait pour les soignants et pour les familles. Nous ne pouvons que vous en féliciter.

Mais j'insisterai, madame la ministre, sur un autre secteur tout aussi important, celui des personnes âgées. Ce projet de loi le concerne au travers des dispositions relatives aux retraites ou à la santé, et il nous faut aussi évoquer, même si ce n'est pas l'objet de ce texte, la prestation spécifique dépendance à propos de laquelle de nombreux collègues ont manifesté leur inquiétude.

Je ne parlerai pas des retraites. D'autres l'ont fait avec talent, en particulier Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse.

Merci !

M. Jean Le Garrec, président de la commission, et

M. Jean-Paul Bacquet.

Très bien !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

J'aimerais donner un autre éclairage sur la nécessité de relever le minimum vieillesse.

La vieillesse est le temps d'un équilibre fragile. Il faut peu de chose pour le rompre. La faiblesse des revenus des personnes âgées est très souvent une des raisons de déséquilibre. Quand on est seul avec un très faible revenu, comment faire pour avoir une alimentation équilibrée, où trouver l'argent pour aller voir ou recevoir ses enfants, sa famille ? Il est donc nécessaire, madame la ministre, d'augmenter le minimum vieillesse. Donner la priorité, comme vous le faites, aux faibles retraites, aux faibles revenus est essentiel. C'est un élément de santé publique pour les personnes âgées.

Quant à la dépendance, le débat politique auquel elle a donné lieu a été, depuis des années, principalement occupé par le problème de son financement, occultant par là même la question des réponses aux besoins des personnes âgées dépendantes. Ce débat a abouti la loi instituant la PSD, prestation qui n'aide qu'une trop faible part des personnes âgées dépendantes, qui a permis aux conseils généraux de faire des économies et qui a introduit des inégalités d'un département à l'autre. Nous devons fixer un tarif minimum, comme vous le souhaitez, et relever le minimum de récupération sur succession.

M. Pascal Terrasse.

Très bien !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

C'est, me semblet-il, le moins que l'on puisse faire avant d'aller plus loin.

M. Pascal Terrasse.

En effet.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

J'aimerais, madame l a ministre et monsieur le secrétaire d'Etat, vous convaincre qu'il faut conjointement améliorer le système de financement de l'aide à l'accompagnement et la qualité de la réponse à la dépendance.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

Nous ne ferons progresser la situation des personnes âgées dépendantes qu'en nous inscrivant dans une double logique : améliorer le financement et améliorer la réponse à la dépendance.

M. Pascal Terrasse.

Très bien !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

Depuis des années, des associations d'aide à domicile, des médecins, gérontologues ou pas, des responsables de centres de séjour ou de maisons de retraite ont pris des initiatives pour répondre à ce que leur semblait être les besoins des personnes âgées dépendantes, aussi bien à domicile qu'en hébergement.

La qualité d'une revue comme Entourage , les projets développés dans les maisons de retraite, toutes ces avancées ont contribué à préciser cette réponse. Mais elles ont été insuffisamment portées par les pouvoirs publics.

Je vous donnerai à cet égard trois exemples.

Premièrement, combien de gériatres ou de médecins formés à la gérontologie font partie, dans les départements, des équipes d'évaluation de la dépendance des personnes âgées ?

M. Jean-Paul Bacquet.

Aucun.

M me Paulette Guinchard-Kunstler.

Trop souvent encore, ce sont des pédiatres et non des gériatres qui assurent ce rôle.

M. Jean-Paul Bacquet.

C'est inacceptable !

M. Yves Bur.

Vous noircissez le tableau.

M me Paulette Guinchard-Kunstler.

Deuxièmement, quand les départements procèdent dans le cadre de la PSD, par gré à gré, cela veut dire qu'ils acceptent d'envoyer des gens non formés à la dépendance auprès des personnes âgées les plus en difficulté.

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

Très juste !

M. Jean-Paul Bacquet.

Scandaleux !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

L'amendement de Pascal Terrasse, retenu par la commission, concernant les charges sociales en direction des associations prestataires, permettra de faire un pas en direction de la qualification des aides ménagères.

D'autre part, le rapport Hespel-Thierry a montré que le système d'aides et d'exonération des emplois à domicile ne favorise pas la professionnalisation dans le secteur des personnes âgées.

Troisièmement, pour soigner une personne âgée, les médecins sont confrontés à des polypathologies, à des problèmes affectifs et sociaux souvent d'une grande complexité, Combien de médecins généralistes sont formés à cette complexité ? Si j'ai insisté sur ces exemples, c'est pour montrer la nécessité, parallèlement à l'amélioration du financement de la dépendance, de mettre en place une réelle politique gérontologique fondée sur la professionnalisation et la coordination.


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Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Bien sûr.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

L'ensemble des dispositifs mis en place favorisant les réseaux, le fonds sur la qualité des soins et les SROS nouvelle génération doivent permettre l'évolution sur le terrain du secteur de la gérontologie. S'il faut, certes, faire évoluer et améliorer le système de prise en charge de la PSD, il faut conjointement lancer une vraie politique gérontologique.

En conclusion, je souhaite, madame la ministre, mon-s ieur le secrétaire d'Etat, que notre Gouvernement s'engage sur une telle voie.

Des médecins, des responsables d'associations de l'aide à domicile et des soignants l'attendent. Des personnes âgées et des familles en ont besoin. Tous savent que santé et social, grâce à une politique de maîtrise des coûts et de qualité des soins, pourront enfin se conjuguer, comme vous le souhaitez. Nous vous soutiendrons dans cette direction.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.

)

M. le président.

La discussion générale est close.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le président.

J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'un des mérites de la réforme constitutionnelle de 1996 est de nous donner une fois par an l'occasion d'avoir un grand débat...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Ça, c'est vrai !

M. François Goulard.

... sur l'un des sujets de préoccupation majeur de tous les Français : l'avenir de la protection sociale, et plus particulièrement de la sécurité sociale.

Sujet de préoccupation, car, face aux incertitudes du monde d'aujourd'hui et à la situation de notre pays, nous devons non seulement réaffirmer la nécessité d'une sécurité sociale couvrant tous les Français contre les grands risques de l'existence, mais nous devons encore faire le constat des insuffisances des régimes actuellement en vigueur, et c'est bien là, à mon sens, la perspective que nous devons donner à notre discussion. Si nous n'y prenons garde, nous allons vivre, au cours des prochaines années, une crise de la protection sociale...

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

Très juste.

M. François Goulard.

... et il n'est pas excessif de se demander comment nous allons sauver la sécurité sociale à laquelle tous les Français sont, légitimement, attachés.

Les retraites d'abord.

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

Excellent sujet.

M. François Goulard.

Le Gouvernement vient de botter en touche et de renvoyer à un énième rapport sur le sujet. Mais, tout citoyen normalement informé sait aujourd'hui que l'équilibre de nos régimes de retraite est menacé - et l'excellent rapport de M. Jacquat l'a bien montré - par l'évolution divergente entre le nombre des actifs d'une part et des retraités de l'autre. Alors que la durée de la vie ne cesse de s'allonger, de deux mois par an actuellement, la perspective de voir le montant des retraites s'amenuiser au fil des ans est proprement angoissante.

La santé ensuite.

Notre assurance maladie coûte de plus en plus cher, les remboursements sont de moins en moins élevés et, pourtant, la qualité de l'offre de soin est loin d'être irréprochable. Là aussi, l'augmentation de la population âgée, mais aussi le progrès médical, qui introduit des techniques de plus en plus coûteuses, ne laissent pas de faire planer une inquiétude des plus sérieuse sur l'avenir de notre sécurité sociale.

La famille, troisième grande branche de l'édifice mis en place en 1945 et 1946, n'est sans doute pas la priorité numéro un du Gouvernement. Elle appelle, à notre avis, un élan nouveau, dont on ne voit pas avec quelle ressource il pourrait aujourd'hui être donné, d'autant plus que des questions se posent aujourd'hui de façon plus aiguë, comme celle de la dépendance, évoquée hier et que certains n'hésitent pas à qualifier de quatrième risque.

Face à une situation aussi difficile appelant une prise de conscience collective et des réponses renouvelées dans leur approche, vous opposez un optimisme confiant en ce qui concerne les perspectives financières. Vous affichez une confiance très grande dans des solutions qui ont démontré leur inefficacité. Vous refusez la discussion dès qu'elle requiert un minimum de remise en cause des schémas traditionnels.

Bref, vous niez les problèmes dès qu'ils sortent de l'horizon du très court terme et c'est la raison majeure qui a conduit le groupe Démocratie libérale à déposer conformément au règlement de notre assemblée cette motion de renvoi en commission.

En premier lieu, et en ce qui concerne l'équilibre économique de votre projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous émettons les mêmes réserves que celles émises sur les hypothèses économiques retenues par le Gouvernement dans son projet de loi de finances.

Les recettes, que vous anticipez, dépendent directement de la croissance économique, de la masse salariale et des différentes composantes des revenus des Français. Moins de croissance que prévu et tout l'équilibre de votre projet de loi en sera compromis.

Cela d'autant plus qu'en matière de dépenses vous supposez, si j'ose dire, le problème résolu avant de l'avoir vraiment posé, en considérant que les mécanismes de sanctions, particulièrement lourds en effet, suffiront à calmer la fièvre - nous y reviendrons. Cela ne nous paraît pas acquis d'avance.

Au surplus, tous vos objectifs de progression de dépenses sont définis par rapport aux estimations du projet de loi de l'année 1998. Or nous savons, par les premiers chiffres parus sur l'évolution des dépenses de santé au début de cette année, que ces estimations initiales seront largement dépassées. Votre objectif sera difficile à atteintre, sauf à contenir les dépenses de santé à un point tel, que vous risquez de provoquer de forts remous au sein des professions de santé quand il s'agira de mettre en oeuvre les mesures coercitives que vous envisagez.

Le sujet de l'équilibre financier global est évidemment grave pour la sécurité sociale elle-même. Mais il l'est aussi pour l'ensemble de notre politique économique et moné-


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taire, puisque le déficit des régimes sociaux est pris en compte pour la détermination des critères dits de Maastricht, pour l'euro.

Le gouvernement précédent, il faut le rappeler, avait mis la France en situation d'entrer dans l'euro. Il ne faudrait pas, en étant trop optimiste, par un excès de confiance, que ce gouvernement nous mette en situation d'en sortir un jour.

Entre parenthèses, à propos des hypothèses économiques retenues par le Gouvernement pour le bouclage d'ensemble du projet de loi, j'indique que nous, parlementaires, disposons de moyens d'expertise particulièrement faibles. Vous me permettrez de le regretter, à un moment où le président de notre assemblée, Laurent Fabius, a pris l'heureuse initiative de créer un groupe de travail sur le contrôle parlementaire et l'efficacité de la dépense publique.

Nous devons avoir conscience, les uns et les autres, sur tous les bancs de cet hémicycle, que nous ne pouvons pas sérieusement exercer notre contrôle sans des moyens d'expertise qui nous manquent, en particulier quant il s'agit d'apprécier les hypothèses économiques avancées par le Gouvernement.

L'évaluation de l'équilibre d'ensemble appelle la question de l'impact des 35 heures, instaurées par la loi du 13 juin 1998, en particulier celle de la compensation des allégements de charges prévus à l'article 3 de ce projet de loi. La compensation des allégements de charges ne fait l'objet d'aucune indication dans les documents mis à la disposition de l'Assemblée par le Gouvernement.

Or la réforme des trente-cinq heures impliquerait que le Gouvernement fasse paraître des prévisions : combien d'accords conclus au sein des entreprises françaises, et combien d'emplois créés ? Nous pourrions ainsi apprécier l'impact de cette réforme sur l'équilibre d'ensemble de la sécurité sociale et sur le volet recettes. Mais ces prévisions ne sont manifestement pas à la portée du Gouvernement et je crois savoir pourquoi.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Pourquoi ?

M. François Goulard.

Vous allez nous le dire, monsieur le président ! (Sourires.)

Il n'y a pas que le poids des charges sociales qui met en cause l'équilibre d'ensemble de la sécurité sociale, mais aussi leur poids global et leur répartition. Les dépenses de protection sociale dans leur ensemble rapportées au produit intérieur brut, atteignent 30 %. Il faut savoir qu'elles ne dépassaient guère 20 % il y a vingt ans. Nous sommes devant tous les grands pays européens pour ce ratio, dépassés seulement par les pays de l'Europe du Nord.

L'année dernière, le transfert des cotisations des salariés vers la CSG s'est accompagné d'un accroissement de la pression des prélèvements sociaux de 5 milliards de francs. Les contribuables en font actuellement le triste constat.

Au total, vous avez procédé, l'année dernière, à un alourdissement de 15 milliards de francs de prélèvements.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, le

« toujours plus de prélèvements », et votre projet de loi de financement va dans ce sens, est devenu insupportable.

Je prendrai un exemple : dans l'article 5 de votre projet, vous entendez lutter contre un montage juridique qui permettrait à un artisan ou à un commerçant d'échapper à toute cotisation sociale par la mise en location-gérance de son fonds de commerce. On ne peut évidemment encourager l'évasion fiscale ou sociale, mais vous devriez avoir conscience que si des artisans ou des commerçants en arrivent à de telles extrémités, c'est qu'ils ont le sentiment d'être littéralement écrasés d'impôts et de cotisations sociales. J'y vois pour ma part la traduction d'un sentiment de « ras le bol » à l'égard des prélèvements obligatoires.

Si le niveau des charges, en général, est en cause, celui de leur répartition l'est aussi. Vos déclarations au cours de l'été, madame la ministre, succédant à l'annonce que vous aviez faite à cette tribune en 1997 d'une réforme des charges patronales ouvraient un certain espoir. Cet été, le rapport Malinvaud, confirmait l'intérêt de baisser les charges sociales sur les bas salaires pour favoriser la création d'emplois. Après avoir longtemps nié cet effet, au point de limiter l'année dernière la ristourne progressive, la gauche, du moins la gauche socialiste, ...

M. Pascal Terrasse.

C'est quoi, la gauche socialiste ?

M. François Goulard.

... a semblé admettre cette évidence que le coût salarial complet, c'est-à-dire le salaire plus les charges, avait une incidence sur l'emploi. Vous avez alors annoncé que vous envisagiez d'opérer un transfert de charges en allégeant les bas salaires et en faisant peser le coût de cet allégement sur les plus hauts salaires.

Ce transfert n'aurait pas rencontré notre accord. Mais toujours est-il que cette réforme des charges patronales, avec toutes ses conséquences, qui auraient pu être heureuses sur l'emploi, est remis à plus tard. Nous ne pouvons que le déplorer pour tous les chômeurs de ce pays.

Nous regrettons d'ailleurs que dans votre projet de loi, la seule mesure relative aux charges sociales - à l'article 4 du projet - soit le plafonnement au SMIC de l'exonérat ion des cotisations patronales pour la première embauche. C'est une erreur de ne prendre en compte que les bas salaires. Les entreprises françaises, y compris les plus petites, sont en effet extrêmement variées et dans certains secteurs, elles peuvent embaucher un premier salarié à un salaire moyen ou élevé. Le plafonnement au SMIC n'est donc pas une mesure favorable à l'embauche.

Au moins aussi importantes que les questions touchant à l'équilibre général : les questions posées par l'avenir de chacune des branches de la sécurité sociale. Je commencerai par l'avenir de nos retraites, auquel est consacré l'article 2 de votre projet après un article 1er d'approbation du rapport annexé, consacré, comme le veut la loi organique, aux orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et aux objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier. Soit dit en passant, ce rapport est particulièrement indigent puisque de vingt pages l'année dernière, déjà bien insuffisantes, il passe à dix malheureuses pages de glose administrative.

Fermons cette parenthèse et revenons-en aux retraites.

Chacun le sait, et je l'ai déjà dit, l'avenir de nos retraites est menacé par un déséquilibre démographique : tout se conjugue dans un avenir très proche pour affecter sérieusement le rapport entre nombre d'actifs et nombre de retraités, déterminant principal de l'équilibre d'un régime de retraites. Après une phase de stagnation de sa population autour de quarante millions d'habitants avant la dernière guerre, notre pays a connu une phase d'expansion démographique après 1945, le baby-boom, qui s'est terminée aux environs de 1965. Ses effets induits ont continué de faire progresser la population française qui a atteint 52 millions d'habitants en 1975 et 60 millions aujourd'hui.

Aujourd'hui arrivent sur le marché du travail, de plus en plus tard, des classes relativement creuses, nées après 1965, alors que vont bientôt partir en retraite, de plus en


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plus tôt, les classes nombreuses de l'après-guerre. L'année fatidique n'est pas 2020 ou 2025, mais 2006, qui marquera le départ en retraite des hommes et des femmes nés en 1946. L'échéance est donc dramatiquement proche dans un domaine où les évolutions sont inéluctables et les conséquences programmées. Les plus de soixante ans au nombre de 10 millions en 1990 seront 17 millions en 2020. Nous verrons ainsi au fil des années, à partir du siècle prochain, le rapport du nombre d'actifs sur le n ombre de retraités s'abaisser dangereusement pour atteindre 1,3 actif pour 1 retraité, ce qui rend le financement des retraites tel que nous le connaissons dans notre régime de répartition absolument impossible.

Assurer l'équilibre du seul régime général d'assurance vieillesse en 2015 exigera dix points de cotisation retraite supplémentaires. Peut-on imaginer que les actifs accepteront une telle ponction ? A défaut, peut-on imaginer que les retraités accepteront un tel effondrement de leur pouvoir d'achat ? A ces deux questions, la réponse est à l'évidence non. Il est urgent d'agir - il y avait en fait urgence à agir depuis déjà longtemps. Autant dire que la solution que vous proposez, madame la ministre, en l'occurrence le renvoi à un rapport, nous paraît totalement inadaptée.

Mme Hélène Mignon.

Et vous, vous demandez le renvoi en commission !

M. François Goulard.

L'acceptation passive d'une telle catastrophe annoncée est d'autant plus inacceptable que nous ne laissons pas aux générations qui nous suivent, pour employer un terme comptable, une situation nette positive. N'oublions pas que nous imposons aux actifs à venir, jusqu'en 2014, la charge de la CADES, c'est-à-dire une dette de plus de 200 milliards de francs, dont la responsabilité est d'ailleurs partagée entre les gouvernements qui se sont récemment succédé.

Le Livre blanc sur les retraites, rédigé à l'époque du gouvernement de Michel Rocard...

M. Pascal Terrasse.

L'excellent Livre blanc !

M. Bernard Davoine.

On peut le dire !

M. le président.

Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Goulard.

M. François Goulard.

... comportait cet avertissement :

« Ne rien faire est exclu. » Le gouvernement d'Edouard

B alladur, sous l'impulsion de Simone Veil, l'avait entendu en faisant voter la loi courageuse du 23 juillet 1993. Du reste, la plupart des pays, eux aussi confrontés aux mêmes évolutions, ont pris ou s'apprêtent à prendre des mesures également courageuses. Et vous, de votre côté, vous inventez le fonds de réserve, destiné à sauver nos régimes de retraite par répartition.

Une observation d'abord sur le principe. Je ne critique pas l'intention de constituer des provisions pour détérioration prévisible de l'équilibre des régimes de retraite par répartition ; bien au contraire, je la trouve parfaitement fondées d'un point de vue économique. En comptabilité privée, on oblige une entreprise à provisionner ses indemnités de départ en retraite, y compris pour celles à verser dans plusieurs décennies ; pourquoi ne prévoirait-on pas une obligation équivalente pour un régime de retraite dont on sait d'ores et déjà qu'il aura affaire à un retournement complet du rapport entre cotisants et bénéficiaires ?

M ais après cette approbation de principe, une deuxième observation, d'ordre pratique cette fois. Je ne crois pas que les gouvernements, de quelque opinion qu'il soient, soient vertueux au point de se plier à une telle discipline. Pour le seul régime général, il faudrait constituer très rapidement une provision de 200 milliards de francs au bas mot pour faire face au déséquilibre prévisible, à supposer qu'aucun autre élément défavorable ne se manifeste d'ici là. Peut-on sérieusement croire qu'un gouvernement, quel qu'il soit, confronté à des difficultés de bouclage de ses comptes publics et sociaux, soit prêt à doter chaque année un fonds de réserve de plusieurs dizaines de milliards de francs ? Pour ma part, je ne ne le pense pas.

Troisième observation, directement liée à la précédente : affecter 2 milliards de francs à ce fonds de réserve est, pardonnez-moi l'expression, monsieur le secrétaire d'Etat, à proprement parler dérisoire.

Quatrième observation : pas plus le dispositif choisi que la ressource affectée ne me paraissent convenir. Le fonds de solidarité vieillesse, conformément à la loi du 22 juillet 1993 qui l'a institué, a trois missions : il enregistre les dépenses d'allocations aux personnes âgées correspondant au minimum vieillesse, il prend en charge les m ajorations de pensions accordées en fonction du nombre d'enfants et pour conjoint à charge, il sert enfin à couvrir les dépenses correspondant aux périodes validées gratuitement - service national et chômage - au titre de l'assurance vieillesse.

Aucune de ces catégories de dépenses, on le voit bien, ne présente la plus petite analogie avec la constitution de réserves pour assurer l'avenir du régime général de retraite.

En d'autres termes, la création d'une section au sein du FSV pour y loger le fonds de réserve ne donne pas à la constitution de celui-ci l'importance « visuelle » qu'il doit revêtir.

Inadéquation du dispositif, inadéquation aussi de la ressource affectée : le produit de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés assise sur le chiffre d'affaires. Ni son potentiel, ni son assiette, ni son origine ne les désignent comme la première à choisir. Enfin, le mode de répartition de l'excédent de la C3S retenu par le Gouvernement manque lui aussi singulièrement de solennité. C'est le partage des fonds de tiroirs...

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.

Oh !

M. François Goulard.

Un milliard pour le BAPSA - article 2, paragraphe II -, 2,9 milliards de francs pour corriger une assez surprenante imprécision statistique qui a privé le régime d'assurance vieillesse des travailleurs salariés de la contribution normalement due par le FSV au titre des périodes de chômage des personnes résidant dans les départements d'outre-mer, objet de l'article 3 de votre projet de loi ; et comme il restait 2 milliards de francs, on les a affectés au fonds de réserve. C'est, si j'ose dire, le résidu du reliquat...

Autant dire que le fonds de réserve n'apparaît pas la réponse adéquate au problème majeur que tous les Français auront à affronter dans les prochaines années.

Et pourtant, une réponse existe, sans doute partielle et à coup sûr imparfaite, qui non seulement mérite d'être mise en oeuvre mais aurait dû l'être depuis longtemps : je veux parler des fonds de pension. Elle a suscité, et encore hier, des critiques très acerbes parmi vos rangs ; mais le Gouvernement a semblé esquisser l'amorce d'une ouverture.

Pour ma part, je ne crois pas que les fonds de pension méritent un tel dénigrement systématique. J'observe pour commencer qu'ils existent déjà, mais qu'ils restent malheureusement réservés à des catégories qui ne sont pas,


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reconnaissons-le, socialement les plus menacées. Le PRÉFON, par exemple, dont bénéficient les agents publics, est exactement calqué sur le modèle des fonds de pension, et sa générosité est remarquable, puisqu'il n'existe aucune limite à la contribution déductible de l'impôt sur le revenu.

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

Très juste !

M. François Goulard.

Je dois vous avouer que nous n'en demandons pas tant ! Il existe d'autres régimes similaires : ainsi les plans d'épargne entreprise, destinés à accueillir la participation et l'intéressement, permettent aujourd'hui, dans des sociétés suffisamment importantes et prospères, d'amasser des réserves pour l'avenir et aux salariés, de se constituer des compléments de retraite.

Mais ces dispositifs eux aussi restent de facto réservés à quelques catégories.

Les adversaires des fonds de pension mettent en avant les risques que la gestion des sommes collectées pourraient faire courir à leurs bénéficiaires. Cet « épouvantail Maxwell » est régulièrement agité. Pourtant, tous les spécialistes savent qu'il existe des parades techniques : c'est ce qu'on appelle les règles prudentielles, indispensables et qui, s'agissant d'argent collectif, doivent être particulièrement sévères.

Le paritarisme dans la gestion des fonds de pension me semble être une très sérieuse garantie pour la sécurité mais aussi pour l'orientation de la gestion et de la destination des fonds. Il pourrait trouver là matière à s'exercer de façon efficace ; je rapporterai la réflexion d'un grand chef d'entreprise française : le terme « patron » n'est plus à la mode...

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

C'est fini depuis hier soir !

M. Pascal Terrasse.

Il n'y a plus de patrons !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Plus de lutte de classes !

M. François Goulard.

Tant mieux, monsieur le président ! Ce grand chef d'entreprise remarquait tout récemment que des fonds de pensions à la française, gérés de façon paritaire, auraient l'énorme avantage d'introduire dans les marchés financiers des sommes prêtes à s'investir sur des objectifs de moyen terme et de surcroît avec une culture, une orientation fort différentes de celles qui animent les fonds de pension à l'anglo-saxonne. Ce serait un atout extrêmement bénéfique pour nos entreprises.

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

Excellent exposé !

M. François Goulard.

D'une certaine façon, l'exclusivité des régimes de retraite par répartition se concevait à une époque de stabilité de l'emploi, très souvent au sein d'une seule entreprise, avec des carrières en progression régulière ; dans un tel contexte, les règles de calcul des retraites trouvent tout leur sens.

Aujourd'hui, malheureusement, la situation de l'emploi a changé, les carrières sont devenues beaucoup moins linéaires. Du coup, les régimes de capitalisation, qui permettent de faire plus d'efforts en période faste, apparaissent comme un complément adapté au régime traditionnel.

Sauvegarder nos régimes de retraite par répartition, bien sûr, mais en les confortant par l'addition d'un régime d'épargne retraite et en sensibilisant enfin nos compatriotes aux difficultés à venir au lieu d'endormir leurs craintes : voilà quelles devraient être les grandes lignes d'une politique courageuse en matière de retraite.

Hélas ! monsieur le secrétaire d'Etat, je ne retrouve aucune de ces grandes lignes dans votre projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

Très bonne démonstration !

M. François Goulard.

Je vous remercie, monsieur le rapporteur ! L'assurance maladie concentre le plus souvent les discussions relatives à la sécurité sociale, au point d'occulter les autres problèmes. Elle en est sinon l'unique, du moins le premier objet. Quoi d'étonnant dans la mesure où la santé est un bien essentiel de l'homme ? Quoi d'étonnant dans la mesure aussi où les problèmes d'équilibre, de maîtrise des dépenses, d'adéquation de l'offre de soins et de leur qualité, constamment posés, n'ont jusqu'à présent jamais été résolus ! Aujourd'hui, comment se présente la situation de notre assurance maladie ? Son coût est évidemment l'une des préoccupations premières. On se perd à compter les hausses de cotisation de l'assurance maladie : une vingtaine au moins depuis 1945, à en croire les meilleurs experts. Par chance, je ne les ai pas toutes connues ! (Sourires.)

Avant le basculement des cotisations salariées vers la CSG l'an passé, le taux de cotisation de l'assurance maladie avait eu le temps d'être multiplié par plus de deux en cinquante ans.

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

Eh oui !

M. François Goulard.

Nous faisons trop souvent abstraction de ce qui se passe en dehors de nos frontières, et les documents gouvernementaux eux-mêmes souffrent cette critique de rester par trop exclusivement francofrançais. Or, dans les comparaisons internationales, nous ne faisons pas si bonne figure. Classés dans la moyenne en 1970, nous sommes aujourd'hui, avec l'Allemagne, le pays qui consacre en Europe la plus forte fraction de sa richesse nationale à la santé, avec près de 10 % du produit intérieur brut. Ce n'est pas en soi forcément critiquable, à ceci près que nous ne sommes ni les mieux remboursés ni les mieux soignés.

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

En effet.

M. François Goulard.

Le taux de remboursement baisse régulièrement pour n'atteindre désormais que 71 % en moyenne.

M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance maladie et les accidents du travail.

73 % !

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

Je confirme.

M. François Goulard.

Je vous l'accorde, messieurs lesr apporteurs : 73 %. Je le tiens également de bons auteurs...

M. Gérard Terrier.

Un peu de rigueur, allons !

M. Claude Evin, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail.

Le rapport de la commission des comptes de la santé !

M. François Goulard.

Il est donc à peine supérieur à 70 %, soit sensiblement plus faible qu'en Grande-Bretagne et qu'en Allemagne, pays où il dépasse 90 %. Il est également plus faible qu'aux Pays-Bas...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 OCTOBRE 1998

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Vous ne prenez pas les mutuelles en compte.

M. François Goulard.

Naturellement, monsieur le secrétaire d'Etat. Sans les mutuelles, cela va de soi. Mais les hausses de cotisation que j'évoquais ne les prenaient pas en compte non plus.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

C'est cela qui fausse les choses à chaque fois !

M. le président.

Monsieur le secrétaire d'Etat, si vous souhaitez interrompre l'orateur, il faut lui en demander l'autorisation.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Mais cet échange est intéressant !

M. François Goulard.

Tout à fait.

Je vous en prie, monsieur le secrétaire d'Etat.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé, avec l'autorisation de l'orateur.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.

Moi aussi, je vis sur ces chiffres, que nous voyons reproduits d'année en année, comme un dogme, dans la presse et dans nos documents.

Vous avez parfaitement raison : le taux moyen est bien de 73 %. Mais il ne tient pas compte du fait que, dans notre pays, ce qui n'existe pas dans les autres, nous avons une prise en charge par les mutuelles. Cela, évidemment, ne suffit pas et nous allons justement nous employer à gommer cette insuffisante prise en charge, en jouant éventuellement sur le ticket modérateur ou le forfait hospitalier.

Les autres pays ne connaissent pas ce système de mutuelles ; parfois ils nous le reprochent, d'ailleurs. Il ne faut pas oublier cette particularité française lorsque l'on parle des performances de notre système de santé.

M. Claude Evin, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail.

Mais il faudrait aussi le prendre en compte dans le taux des cotisations.

M. le président.

Monsieur Goulard, veuillez poursuivre votre intervention.

M. François Goulard.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie d'autant plus que vous me fournissez une excellente transition avec le point suivant, ...

M. Jean-Pierre Foucher.

Voilà un bon ministre !

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

Quelle connivence ! M. François Goulard ... en l'occurrence le problème majeur de tous ceux qui ne peuvent accéder à une protection complémentaire. C'est ainsi que nous voyons non seulement perdurer, mais même s'accentuer le drame d'une couverture maladie à deux vitesses : d'un côté, les plus protégés qui, grâce à leur mutuelle, continuent à bénéficier d'une couverture sociale proche de 100 %, et de l'autre, près de 20 % de nos compatriotes, souvent les plus démunis, ...

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

Il faut l'assurance médicale universelle !

M. François Goulard.

... qu'une couverture insuffisante prive tout bonnement de soins dans certains cas.

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

Bonne remarque !

M. François Goulard.

Le Premier ministre a confié, et vous y faisiez allusion, monsieur le secrétaire d'Etat, à M. Jean-Claude Boulard un rapport sur les conditions de mise en oeuvre de la couverture maladie universelle. Nous en avons d'ailleurs abondamment parlé lors de l'examen de la loi sur l'exclusion. M. Boulard relève que « l'écart tend à s'accroître entre droit et réalité en matière de santé ». Il note aussi, s'appuyant sur une enquête du CREDES, qu'en 1996 un Français sur quatre déclarait avoir renoncé à se soigner une fois dans l'année pour des raisons financières. L'accès aux soins à deux vitesses n'est pas un fantasme c'est, hélas !, devenu une réalité.

Quant à la qualité des soins, notre médecine reste certes d'un niveau remarquable.

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Merci !

M. François Goulard.

Je ne pourrais dire autre chose devant certains collègues, éminents représentants de cette profession. Mais si notre médecine est d'un niveau remarquable, elle n'est pas pour autant irréprochable, pour s'en tenir aux indicateurs globaux. Et dans la comparaison avec les pays européens, nous nous situons même, il faut le dire, très moyennement, une particularité française mise à part : l'exceptionnelle longévité des Françaises.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Ce n'est pas un hasard ! (Sourires.)

M. François Goulard.

Peut-être y sommes-nous pour quelque chose, messieurs (Sourires.)

Mais, pour le reste, les chiffres ne sont guère rassurants. Notre taux de mortalité infantile, de 0,58 en 1995 - la date est un peu ancienne, mais les comparaisons europennes, ne font malheureusement pas état des données les plus récentes -, classe la France en onzième position au sein des pays de l'OCDE.

M. Pascal Terrasse.

Nous n'avons pas les mêmes chiffres !

M. François Goulard.

Ce sont des chiffres de l'OCDE ; ils me paraissent difficilement contestables. La France s'y trouve en onzième position, derrière la Suisse...

M. Pascal Terrasse.

Effectivement.

M. François Goulard.

... l'Allemagne, le Danemark et les Pays-Bas.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

D'où le plan que nous mettons en oeuvre.

M. François Goulard.

En matière d'espérance de vie également, le cas des femmes mis à part, nos performances sont moyennes. Toujours en 1995, la France était classée en huitième position sur douze pays européens, sur la base d'un indice synthétique reflétant le niveau sanitaire global. Force est de constater que ce n'est pas satisfaisant.

On peut donc conclure que la France se caractérise aujourd'hui tout à la fois par un niveau élevé de dépenses publiques de santé, par une prise en charge importante des dépenses par les patients eux-mêmes, et par une situation sanitaire seulement moyenne.

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

Bonne analyse !

M. François Goulard.

Gilles Johannet, le directeur général de la CNAM, qu'on a déjà cité hier, auteur d'un excellent ouvrage Sécurité sociale : l'échec et le défi, dresse ce constat : « Cinquante ans après la création du régime général, les Français paient leur assurance maladie beaucoup plus cher que les assurés des autres pays développés pour être moins bien remboursés qu'eux ».

M. Gérard Terrier.

Il ne dit pas que cela !


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M. François Goulard.

Je pourrais en citer d'autres passages fort intéressants, mon cher collègue ! Selon nous, libéraux, notre assurance maladie appelle donc de profondes réformes, car personne ne peut tenir pour satisfaisante une situation comme celle-là.

M. Claude Evin, rapporteur pour l'assurance maladie.

Il faudra en tirer les conséquences lorsque nous examinerons les articles, monsieur Goulard !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Voilà ! Nous arrivons au coeur du débat !

M. François Goulard.

On s'y est essayé par le passé.

Jean-François Mattei a rappelé hier soir la litanie des plans successifs qui étaient d'ailleurs davantage des plans d'économie, de tentative de maîtrise des dépenses que des plans d'ensemble visant à réformer l'assurance maladie.

Plus récemment, le gouvernement d'Alain Juppé s'est attelé à cette tâche avec courage, détermination et cohérence.

M. Gérard Terrier.

Et maladresse !

M. François Goulard.

C'est grâce à lui qu'ont lieu ces débats qui nous réunissent aujourd'hui, qui représentent sans doute une charge pour nos ministres, mais qui nous permettent de débattre publiquement et longuement.

Prenant le relais en juin 1997, l'actuel gouvernement a feint, dans un premier temps, de nier la difficulté de l'exercice. Il a fort peu parlé de l'assurance maladie dans les premiers mois de sa prise de fonctions. Ce qui ne l'empêchait pas de tenir un discours fort critique sur l'action de ses prédécesseurs, en particulier de son prédécesseur immédiat.

Naturellement, les mêmes causes produisant les même effets, après une accalmie en 1997 certainement imputable au plan Juppé, les dépenses de l'assurance maladie s'emballaient à nouveau au début de 1998. Et vous avez eu, madame la ministre, une réaction qui était dans la ligne de celle de plusieurs de vos prédécesseurs, avec un peu plus de fermeté encore ; les laboratoires, les radiologues, les chirurgiens-dentistes ont subi les premiers les rigueurs de vos décisions.

Très logiquement, vous nous proposez aujourd'hui d'inscrire dans la loi un mécanisme qui reproduit la teneur de vos décisions de l'été, à savoir la baisse tarifaire en cours d'année en cas de dépassement des objectifs nationaux de dépenses de santé.

Très logiquement aussi, vous reprenez, mais sur un mode plus sévère, moins souple et sensiblement plus contraignant, les mesures collectives à l'encontre des professions de santé, pour le cas où l'objectif national de dépenses serait dépassé. Vous baptisez ce mécanisme, du moins dans les médias, « clause de sauvegarde ». Dans le texte de votre projet de loi, il est devenu la « contribution conventionnelle » qui n'a d'ailleurs de conventionnelle que le nom. Mais peu importent les mots. Il ne s'agit ni plus ni moins que d'une sanction pécuniaire collective visant à contraindre l'ensemble du corps médical à l'économie.

Nous sommes certains, pour notre part, comme l'a dit avec beaucoup de talent Jean-François Mattei hier que, hélas ! vous échouerez.

Disant cela, je n'entends pas proférer une attaque contre le Gouvernement. Je me borne à prévoir que ce qui a échoué hier échouera demain, pour les mêmes raisons. La première raison de l'échec auquel est voué votre p lan, c'est qu'une réforme ne réussit pas contre l'ensemble des professions concernées.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous sommes bien d'accord !

M. François Goulard.

Et je ne considère évidemment pas que la signature de tel ou tel accord avec tel ou tel syndicat, plus ou moins représentatif, vous assure la compréhension de la profession. Nous savons tous que les professions de santé éprouve un sentiment de profonde hostilité à l'égard des sanctions collectives. Attendons la première application pratique de l'accord et nous verrons les réactions qu'elle suscitera.

L'échec de ce plan est certain parce qu'il prétend régir une réalité complexe par des mesures uniformes, nationales et centralisées, mais aussi parce qu'il entend contraindre les acteurs à se plier à des règles au lieu de les mettre en mesure d'exercer leurs responsabilités et parce qu'un ensemble aussi complexe, aussi étendu que notre système de soin et notre assurance maladie ne se gouverne pas par oukases, mais grâce à la mise en oeuvre de mécanismes de régulation décentralisés, en faisant appel à l'initiative et à la responsabilité individuelle de tous les acteurs.

Les systèmes de responsabilité collective encouragent, à l'évidence, les pires comportements. Chacun peut le comprendre, avec le mécanisme de contribution conventionnelle que vous prévoyez de mettre en place, le médecin vertueux, celui qui cherche à bien soigner, mais en économisant les deniers de l'assurance maladie, sera autant pénalisé que le médecin laxiste. Est-ce juste ? Est-ce efficace ? Si l'application d'enveloppes globales était efficace, aurions-nous, dans les hôpitaux publics, qui en font l'objet depuis des années, des situations de véritable pénurie ? En effet, je l'affirme et les médecins hospitaliers nous le disent, certains services de nos grands hôpitaux connaissent des situations kafkaïennes : ils sont obligés parfois de fermer une consultation un jour par semaine faute de moyens ! Que dire aussi de l'incapacité de l'Etat à gérer ne serait-ce que la démographie médicale, ce qui devrait pourtant être à sa portée ? Que dire de la pénurie, qui est connue, constatée, qui était prévisible, de chirurgiens ? Elle appelle des réponses simples, mais jusqu'à présent l'Etat n'a pas été en mesure de les donner.

Que dire de la pénurie d'anesthésistes ? L'Etat n'est décidément pas un gestionnaire à la hauteur des exigences du monde d'aujourd'hui.

Nous devons donc tenir pour acquis que les mesures de contrainte ne nous permettront pas de résoudre les problèmes de l'assurance maladie, tels qu'ils se posent - et surtout tels qu'ils se poseront - de façon pressante.

Ce constat, évidemment, nous ne sommes pas les seuls à le faire. D'autres pays, comparables au nôtre par leur culture, par leurs traditions, aussi exigeants que nous en matière de protection sociale, aussi performants - sinon plus - que nous du point de vue sanitaire, ont conduit cette analyse et ont abouti à des conclusions semblables.

Les Hollandais, peuple sage et avisé, les premiers sans doute, ont, depuis près de dix ans, mis au point une alternative au système antérieur. La réforme DekkerSimmons a posé un certain nombre de principes très clairs. Le premier a été l'extension de l'assurance maladie à toute la population. Le deuxième a été de supprimer le monopole des caisses mutualistes d'assurance maladie obligatoire, ce qui a été fait en 1992. Antérieurement à cette réforme, on comptait aux Pays-Bas quarante caisses régionales auxquelles l'affiliation était obligatoire en fonction du lieu de résidence.


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Ensuite, obligation a été faite aux assureurs privés qui peuvent concourir à l'assurance maladie, tout comme aux caisses, d'accepter tout candidat assuré sur la base d'un contrat standard avec cotisation maximale identique pour tous les concurrents. Je dis « maximale » parce que la possibilité existe d'une cotisation plus faible.

En outre, ont été mis en place des contrats entre les assureurs et les offreurs de soins.

Quant à la concurrence, toujours aux Pays-Bas, elle est régie par l'interdiction de la sélection des risques et un système de compensation financière est institué pour tenir compte des différences de profils des assurés, cette compensation étant faite par deux caisses nationales qui perçoivent une contribution assise sur l'ensemble des revenus.

En Allemagne, deux lois, de 1989 et de 1993, ont organisé la santé sur le modèle suivant : d'abord, liberté de choix pour les assurés entre trois solutions, la caisse locale, une caisse corporative organisée par profession, ou une caisse d'entreprise. Comme aux Pays-Bas, il existe une compensation financière pour assurer à chaque caisse ce que l'on appelle, en Allemagne, un financement moyen normalisé, lui aussi différencié selon le profil des assurés.

En Suisse, depuis 1996, un système concurrentiel a été mis en place, qui repose sur les mêmes principes de compensation financière, partielle d'ailleurs, et de nonsélection des risques.

Ces pays, mes chers collègues, ne sont pas des épouvantails sociaux. Leurs performances en matière de santé sont supérieures aux nôtres, à en croire les indicateurs synthétiques disponibles. Ces réformes sont, pour l'instant, jugées positives.

Quelles leçons en tirer pour notre pays ? D'abord, que le sacro-saint modèle issu de 1945 n'est pas l'unique possibilité d'organiser une assurance maladie socialement avancée. Ensuite, que si nous nous orientons vers des solutions comparables à celles mises en oeuvre par nos voisins, des conditions particulièrement strictes devraient être posées : la première, c'est le principe absolu de la non-discrimination des assurés ; la seconde, c'est l'existence d'un système de compensation financière, pour tenir compte des différences de profil entre les assurés de c haque caisse ou de chaque mutuelle ; l'ensemble implique, naturellement, une surveillance précise, pour éviter toute dérive dommageable à nos compatriotes.

Enfin, il nous paraît indispensable que de telles solutions soient assorties d'un système efficace d'appréciation des performances médicales.

Cela étant posé, quel bénéfice peut-on attendre de l'int roduction d'une certaine concurrence entre caisses, mutuelles, organismes d'assurance maladie ? De toute évidence, elle incitera à mieux gérer. Pour le démontrer, je prendrai l'exemple - ce n'est pas une provocation ! - des mutuelles d'étudiants. Elles ont défrayé la chronique, mais là n'est pas mon propos. Il existe des gens malhonnêtes partout, et c'est affaire de justice et non de débat parlementaire.

Les mutuelles d'étudiants sont aujourd'hui en concurrence pour leurs prestations administratives. Or leurs performances économiques sont de très loin les meilleures de l'ensemble de notre système d'assurance maladie.

M. Albert Facon.

Les jeunes sont moins malades !

M. François Goulard.

L'objection est facile ! Et je vous remercie de m'apprendre que les jeunes sont en meilleure santé que les personnes âgées ! Mais je ne parle pas de la consommation médicale, qui, c'est bien évident, est plus faible chez les étudiants que chez les personnes âgées ; je parle des seuls coûts de gestion administrative.

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l'équilibre général.

Et ce qu'il faut faire pour obtenir des parts de marché, ça coûte très cher !

M. François Goulard.

Savez-vous, mes chers collègues, que le délai de paiement des mutuelles d'étudiants est de deux jours ? Dans ce tout petit secteur de notre assurance maladie, la gestion administrative est aujourd'hui, sans doute grâce à la concurrence, nettement plus efficace selon tous les indicateurs, que dans notre système global d'assurance maladie.

La concurrence permettrait aussi d'introduire l'initiative - qui résulte de l'autonomie - et l'imagination dans les solutions mises en oeuvre, ainsi que l'expérimentation qui est génératrice de progrès.

Il existe dans nos caisses primaires d'assurance maladie et dans les mutuelles, des ressources d'initiative qui sont a ujourd'hui brimées. Les professions de santé sont capables de faire mieux que multiplier les actes pour compenser des tarifications insuffisantes. Elles ont la capacité de mieux organiser les soins et d'en dispenser de m eilleure qualité, à condition que cet effort soit récompensé, ce qui n'est pas le cas pour le moment.

Mais cette réforme-là, elle s'appelle confiance, responsabilité et liberté.

Nous constatons de telles divergences dans les principes mis en oeuvre que, naturellement, votre projet, madame la ministre, ne peut trouver grâce à nos yeux.

Votre projet est, dans sa propre cohérence, centralisateur, uniformisateur, marqué par la défiance à l'égard de tous les acteurs de la santé et de l'assurance maladie. J'en veux pour preuve la taxation encore accrue des laboratoires pharmaceutiques, grands Satans parmi les grands S atans, mais qui, devant l'accumulation par strates annuelles de nouveaux prélèvements, auront tôt fait de s'implanter ailleurs qu'en France, malheureusement ! Je relèverai aussi comme signe d'impuissance chronique, l'incapacité de l'assurance maladie de tenir une comptabilité en droits constatés - un article de votre projet de loi en fait de nouveau le constat cette année c'est-à-dire une comptabilité digne de ce nom. Ce qui est interdit à un petit commerçant, qui n'a pas le droit aujourd'hui de s'en tenir à une comptabilité de caisse, est autorisé pour un ensemble qui gère plus de 600 milliards de francs ! Je relèverai aussi l'incapacité de procéder autrement que par la voie autoritaire d'une administration, qui veut, par exemple - c'est l'objet de l'article 6 de votre projet de loi - se faire payer par virement. Que ne discute-t-elle avec les entreprises un sujet comme celui-là ? Je relèverai aussi l'incapacité d'une administration à se mettre d'accord avec les acteurs de l'assurance maladie sur la forme des données à transmettre et qui recourt, pour ce faire, à la contrainte de la loi, sous le contrôle d'un dérisoire conseil de la transparence des statistiques de l'assurance maladie. C'est l'objet de l'indigeste article 16 de votre projet.

Quant à l'article 19, il remanie de manière choquante le mécanisme d'incitation à la cessation d'activité des médecins, contrariant des projets qui ont été légitimement bâtis sur le fondement des dispositions précédentes.

L'article 20, lui, instituant un fonds d'aide à la qualité des soins de ville, ne le conçoit que national et centralisé.


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Je vois dans toutes ces dispositions des indices de mauvaise administration, d'incapacité du système à être géré rationnellement. Nous sommes à des années-lumière d'une gestion efficace et moderne, et ces lacunes sont autant de signes que notre assurance maladie n'est pas performante.

Enfin, l'article 13 consacré à la famille, marque un des plus extraordinaires aller-retour qu'il nous ait été donné d'observer de la part d'un gouvernement.

Mme Dominique Gillot, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la famille.

Cela vous gêne !

M. Pascal Terrasse.

Nous, nous tenons compte de l'avis des Français !

M. François Goulard.

Décidée l'année dernière, défendue avec la dernière énergie par vous-même, madame la ministre, et par de nombreux orateurs dans les rangs de la majorité, la mise sous condition de ressources des allocations familiales est abandonnée cette année.

Mme Dominique Gillot, rapporteur pour la famille.

Et vous le regrettez !

M. Bernard Accoyer.

Pourquoi, sur ce point, les dispositions ne sont pas rétroactives, alors qu'elles le sont sur tant d'autres ?

M. François Goulard.

Naturellement, elle est compensée par le plafonnement plus sévère de l'avantage conféré par une demi-part de quotient familial.

Mme Dominique Gillot, rapporteur pour la famille.

C'est cela, la justice sociale !

M. François Goulard.

Neutre, l'opération ne l'est sans doute pas pour les coûts de gestion et nous aimerions savoir combien a coûté cet aller-retour en frais administratifs totalement inutiles.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Et le carnet de santé ?

M. Bernard Accoyer.

Et la carte Sésame-Vital ? Et l'informatisation ?

M. François Goulard.

Madame la ministre, on ne peut se prévaloir des turpitudes des autres pour justifier les siennes ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Si vous le permettez, mes chers collègues, j'aimerais pouvoir terminer !

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Plus on est long, plus on prend le risque d'être interrompu !

M. François Goulard.

Au-delà de cette péripétie, je note, pour le déplorer, qu'à l'exception de l'heureuse extension de l'allocation de rentrée scolaire, il n'y a aucune amorce d'une grande politique familiale.

Mme Dominique Gillot, rapporteur pour la famille.

Oh !

M. François Goulard.

... alors même qu'à tous points de vue, elle serait nécessaire, nécessaire pour les familles, qui sont les grandes perdantes dans la distribution du pouvoir d'achat, nécessaire pour les enfants et leur épanouissement, nécessaire pour notre avenir collectif qui devrait revêtir d'autres traits demain que ceux d'une France dépeuplée.

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Pour les allocations familiales aussi, la mise en concurrence !

M. François Goulard.

Notre sécurité sociale, qui est un bien précieux, est menacée d'une crise qui pourrait, si nous n'y prenions garde, en saper les bases les plus essentielles.

Pour y remédier, il faut des solutions courageuses, neuves, fondées sur les responsabilités individuelles, la confiance, l'autonomie des acteurs au profit de la performance économique et, c'est au moins aussi important, de la qualité des prestations. Cela suppose de rompre avec le moule dans lequel est figée la politique gouvernementale.

C'est pourquoi je demande le renvoi en commission de ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Jean-Luc Préel.

Bravo ! Très brillant !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l'équilibre général.

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l'équilibre général.

Un renvoi en commission, monsieur Goulard, suppose toujours quelque part que la commission n'a pas fait son travail. Je veux donc insister sur le travail très dense réalisé par l'ensemble des rapporteurs et des fonctionnaires de l'Assemblée nationale, qui ont travaillé, pour des raisons qu'on a déjà évoquées, dans des conditions acrobatiques, mais avec un excellent résultat sur le plan technique.

M. Pascal Terrasse.

Absolument !

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Je profite de cette occasion pour remercier les fonctionnaires de l'Assemblée nationale et en particulier ceux de la commission.

(Applaudissements.)

Dans la logique du travail que nous avons déjà effectué en commission avec des commissaires de tous les groupes, je souhaite que l'on passe le plus rapidement possible à l'examen des articles et des amendements.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Pascal Terrasse, pour le groupe socialiste.

M. Pascal Terrasse.

Monsieur Goulard, vous nous proposez un renvoi du projet de loi en commission. J'ai noté dans vos propos un certain nombre de contradictions, mais je tiens auparavant à souligner que je ne comprends pas très bien la raison de cette demande dans la mesure où l'opposition a été peu nombreuse en commission pour examiner ce texte. Comme l'a dit M. Recours, les fonctionnaires ont bien travaillé, la majorité également.

Revenons à vos contradictions.

Vous nous rappelez que les Français sont très attachés à leur régime de protection sociale, et nous sommes tous d'accord sur ces bancs, mais vous n'expliquez pas comment maîtriser les dépenses de santé. Le Gouvernement que vous souteniez il y a encore quelques mois proposait une maîtrise comptable, nous vous proposons, nous, une maîtrise médicale, dans la plus grande transparence et, surtout, dans la concertation. Il me semble qu'il y a là un véritable changement.

Vous avez ensuite évoqué les inquiétudes légitimes des Français face au financement de leurs régimes de retraite et considéré qu'on n'allait pas assez vite. Je vous rappelle qu'il s'agit d'un dossier qui nécessite réflexion et sérénité

Le Premier ministre a demandé à M. Charpin, commis-


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saire général du Plan, de réfléchir aux problèmes et de faire des propositions, et j'espère que l'année 1999 sera une année forte pour les régimes de retraite. Nous n'avons pas l'intention de faire la même chose que le gouvernement d'Alain Juppé qui a jeté près de deux millions de personnes dans les rues parce qu'il n'a pas été capable de régler le problème des retraites.

M. Bernard Accoyer.

Ça viendra !

M. André Angot.

Les lycéens commencent, les autres vont suivre !

M. Pascal Terrasse.

Voilà donc des changements qui méritaient d'être soulignés ici. Nous voulons réformer nos systèmes de protection sociale en profondeur de manière durable et structurelle et le Gouvernement nous engage dans cette voie : un budget en équilibre pour la première fois - depuis 1987, nos budgets étaient en déséquilibre et en large déficit -, une meilleure garantie sociale, avec l'instauration d'une couverture maladie universelle, ce qui n'est pas rien, et, contrairement à ce qui a été dit, des familles mieux soutenues, mieux aidées, et il faut remercier Mme Gillot pour le travail qu'elle a réalisé.

Voilà des signes forts qui marquent à l'évidence une rupture avec vos propositions. Nous ne voulons pas, nous, les socialistes, substituer l'assurance privée à l'assurance maladie, gage de solidarité, nous ne voulons pas substituer les fonds de pension à l'américaine à nos systèmes de régime de retraite par répartition.

M. François Goulard.

Ai-je dit cela ?

M. Pascal Terrasse.

Voilà pourquoi le groupe socialiste votera contre votre motion de renvoi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour le groupe RPR.

M. Bernard Accoyer.

Le groupe RPR votera la motion de renvoi en commission brillamment présentée par François Goulard, tout simplement parce qu'avec la réforme constitutionnelle et les ordonnances de 1996, le précédent gouvernement a mis à la disposition du Parlement un outil refondateur de la protection sociale en France que vous détournez de son objet et que vous n'utilisez pas pleinement. Pourtant, c'était le seul moyen de sauver la protection sociale, et cet outil peut se déployer parfaitement par une vaste concertation. C'est précisément le travail de la commission des affaires sociales, qui n'a pas pu le faire.

Le Gouvernement, en effet, malmène la réforme constitutionnelle qui a réformé le travail de notre assemblée en créant une session unique afin que le rythme de travail soit plus régulier, ...

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Ça, c'est vrai !

M. Bernard Accoyer.

... plus pondéré et plus productif, ...

Mme Odette Grzegrzulka.

Arrêtez donc de déposer des amendements et des motions de procédure !

M. Bernard Accoyer.

... respecte mieux les fonctionnaires de cette maison, auxquels je rends hommage, ...

M. Pascal Terrasse.

Bravo !

M. Bernard Accoyer.

... et afin que les élus puissent travailler sereinement.

Alors que la commission était saisie de cette tâche qui est probablement la plus importante de celles qu'elle doit assumer chaque année,...

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Raison de plus pour ne pas renvoyer en commission !

M. Bernard Accoyer.

... il est totalement inadmissible que son ordre du jour ait été perturbé par l'examen en extrême urgence du PACS.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Enrichi, pas perturbé !

M. Bernard Accoyer.

Y a-t-il une priorité pour ce texte qui, de manière tout à fait inconstitutionnelle, est à nouveau imposé au Parlement alors que celui-ci l'a déclaré inconstitutionnel démocratiquement parce que vous étiez absents et que vous avez ce jour-là voté avec vos pieds ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Cela a eu pour conséquence de perturber gravement le travail de notre commission lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Vous radotez, monsieur Accoyer !

M. Bernard Accoyer.

Mais il y a également d'autres raisons. Ce texte ne comporte rien sur la réforme des cotisations, et c'était en commission que nous aurions dû examiner ce sujet.

M. Pascal Terrasse.

Vous n'y étiez pas ! (Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Je m'excuse, monsieur Terrasse, mais je n'ai pas manqué une minute des séances de la commission alors que vous, vous y avez brillé non seulement par votre absence...

M. Albert Facon.

Il était présent !

M. Bernard Accoyer.

... mais en plus par les graves erreurs que vous avez avancées et que vous avez d'ailleurs répétées hier à la tribune. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Vous avez une parfaite méconnaissance de ce dossier et vous auriez dû être davantage en commission. Cela vous aurait permis d'apprendre ce qui est devenu l'une de ses tâches essentielles.

Rien sur la réforme des cotisations, rien sur la réforme des retraites, parce qu'il est tout à fait malhonnête de faire croire aux Français que le régime par répartition serait sauvegardé par la création du fonds de réserve de la retraite par répartition.

M. Gérard Terrier.

Qui a dit ça ?

M. Bernard Accoyer.

Rien ! Un silence assourdissant sur la réforme de l'hospitalisation.

M. Gérard Terrier.

Mensonges !

M. Bernard Accoyer.

Par contre, une nouvelle fois, ce texte est l'occasion pour le Gouvernement de régler des comptes, avec les professions de santé libérales, dont nous aurions dû examiner les conditions de travail et les conditions de « dispensation » des soins ambulatoires dans notre pays en commission, et nous ne l'avons pas fait, ...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 OCTOBRE 1998

Mme Muguette Jacquaint.

Qu'est-ce qu'on va faire ici pendant ce débat, sinon cela ?

M. Bernard Accoyer.

... et avec les familles, puisque, cette fois encore, les seuls Français qui paieront plus d'impôts sont ceux qui ont eu des enfants.

Mme Odette Grzegrzulka.

Caricature !

M. Gérard Terrier.

Aberration !

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Il vous arrive d'être meilleur, cher collègue !

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est rare !

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Cela arrive !

M. Bernard Accoyer.

Pour toutes ces raisons, madame la ministre, il y a lieu que la commission des affaires sociales puisse examiner à nouveau cet important projet de loi de financement de la sécurité sociale et utiliser pleinement cet outil que la réforme Juppé a mis à la disposition du Parlement. Le groupe RPR votera donc la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est incohérent !

M. Gérard Terrier.

Une fois de plus, vous nous avez déçus !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Foucher, pour le groupe UDF.

M. Jean-Pierre Foucher.

Je ne peux que m'associer aux propos de François Goulard et de Bernard Accoyer. La loi que vous nous proposez aujourd'hui, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, est un pari osé...

Mme Odette Grzegrzulka.

Ça, c'est vrai !

M. Jean-Pierre Foucher.

... car vous faites preuve d'un optimisme qui ne peut que nous rendre admiratifs. Tout le monde sait, en effet, que vous ne pourrez pas tenir les hypothèses que vous avancez, puisque la croissance, que nous souhaitons tous, ne sera malheureusement pas à la hauteur que vous prévoyez.

Nous vous avons questionné et nous n'avons pas eu de réponses.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Vous allez les avoir !

M. Jean-Pierre Foucher.

J'espère, mais, si le texte est renvoyé en commission, nous ne les aurons pas aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat.

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Alors ne renvoyez pas en commission !

M. Jean-Pierre Foucher.

Les mesures concernant l'assurance maladie que vous nous proposez ont été prises sans concertation avec les professionnels de santé. Pour la médecine de ville comme pour les laboratoires pharmaceutiques, elles conduisent à des sanctions collectives, aveugles, donc déresponsabilisantes et injustes. Nous voulons, nous, un autre système, individuel, responsabilisant chacun.

Vous mettez à bas la politique conventionnelle, en remettant en cause les conventions pluriannuelles tous les quatre mois. Vous vous acharnez sur la médecine de ville et vous allez chasser de France l'industrie pharmaceutique alors qu'il faut la protéger.

Pour les retraites, je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit de façon excellente M. Goulard, mais je vous rappelle qu'on ne réglera pas ce problème si on n'admet pas un autre système complémentaire ouvert à tous, par exemple la capitalisation. Nous souhaitons aussi l'autonomie réelle de la branche pour renforcer le rôle des partenaires sociaux.

S'agissant des familles, vous prétendez qu'il n'y aura pas de prélèvement supplémentaire sur les ménages. Ce n'est pas vrai puisque la réforme du quotient familial les pénalise d'ores et déjà. Nous voulons une simplification des vingt-trois prestations familiales. Vous ne revenez pas sur l'AGED ni sur les emplois familiaux.

Pour nous, ce projet n'est pas bien préparé. Il faut retourner en commission pour examiner nos propositions.

C'est la raison pour laquelle le groupe UDF votera la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-François Mattei pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Jean-François Mattei.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le groupe Démocratie libérale votera, naturellement, la motion de renvoi en commission qui a été brillamment défendue par notre collègue François Goulard.

Je ne reviens pas sur les arguments qu'il vient de développer. Si la motion était refusée, il faudrait maintenant entrer dans le vif du sujet. Je tiens à féliciter à mon tour les fonctionnaires pour le travail qu'ils ont accompli. J'y associe l'ensemble des élus qui, sur tous les bancs, ont tenté de progresser dans ce domaine difficile. Nous venons de consacrer une discussion générale à l'un des sujets fondamentaux dont dépend probablement l'avenir de notre société.

Si nous votons le renvoi en commission, ce n'est pas pour critiquer le fond du travail qui a été réalisé en commission. Il n'est pas mauvais.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Merci, monsieur Mattei !

M. Jean-François Mattei.

Simplement, il nous semble que ce projet n'apporte pas suffisamment d'ouverture et ne prépare pas suffisamment l'avenir. Il nous semble que nous n'avons pas été suffisamment au fond sur certains sujets dont j'ai eu l'occasion de vous entretenir hier. Telle est la raison pour laquelle nous voterons le renvoi en commission.

M. Alfred Recours.

Viendrez-vous en commission, si c'est voté ? On ne vous a pas vu une seule fois !

M. Jean-François Mattei.

Je sais qu'il est parfois difficile sur ces bancs de garder son calme et de ne pas interrompre. Sur un sujet comme celui-ci, nous avons nos convictions, qui sont différentes manifestement, mais personne ne peut faire de procès d'intention aux uns ou aux autres sur notre préoccupation essentielle, qui est la santé des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme Dominique Gillot, rapporteur pour la famille.

Des procès d'intention, c'est ce que vous faites à longueur d'année !

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe communiste.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 OCTOBRE 1998

M. Maxime Gremetz.

Evidemment, le groupe commun iste votera contre cette proposition de renvoi en commission, pour plusieurs raisons.

D'abord, la commission a travaillé sérieusement.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Merci, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Quand c'est bien, il faut le dire.

Quand c'est mal aussi ! (Sourires.)

En l'occurrence, c'est bien.

La droite, toutes tendances confondues, explique que ce n'est pas un bon projet et qu'il faut le renvoyer en commission. Nous, nous voulons l'améliorer. Nous avons fait des propositions et nous allons continuer ici, au cours des jours et des nuits que nous allons passer ensemble.

Personne ne dit que ce texte est parfait, loin s'en faut, mais il faut travailler sérieusement pour l'améliorer, ...

M. Robert Pandraud.

En commission !

M. Maxime Gremetz.

... pour développer une sécurité sociale moderne et solidaire.

La droite n'a pas voté les amendements que nous avons proposés en commission...

M. Bernard Accoyer.

Si !

M. Maxime Gremetz.

... sur un nouveau mode de financement, par exemple en frappant les revenus financiers qui ne cotisent pas à la sécurité sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Ça non ! Mais pour les allocations familiales, on a voté !

M. Maxime Gremetz.

D'accord, mais je vous parle d'une chose essentielle qui est le financement de la sécurité sociale. Je vous parle d'élargir l'assiette des cotisations sociales, de frapper un peu plus les revenus du capital, qui ne sont pas touchés aujourd'hui, ou si peu.

Vous répétez que les communistes proposent des amendements. Oui, et nous avons même un amendement qui a le même objet, mais ce que vous voulez, vous, ce sont des fonds de pension.

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

C'est la destruction de la protection sociale !

Mme Odette Grzegrzulka.

Ils sont démasqués !

M. Maxime Gremetz.

Vous avez mené pendant des jours et des jours la bataille sur ce thème, avec tout ce que cela signifie. Nous, nous n'en voulons pas du tout et c'est le sens de notre amendement. Nous avons une divergence fondamentale, mais chacun le savait. Je voulais simplement le rappeler, et c'est pourquoi nous votons contre cette motion de renvoi en commission.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

Mme Odette Grzegrzulka.

L'opposition s'en va ! Vous êtes les figurants du Parlement ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, nous répondrons, Bernard Kouchner et moimême, assez longuement aux intervenants car nous sommes tous d'accord au moins sur un point, c'est que les ordonnances Juppé ont eu le mérite de permettre chaque année un débat parlementaire sur l'avenir de notre protection sociale.

M. Michel Terrot.

Ce n'était pas le seul !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

S'il vous plaît, monsieur le député, ne commençons pas comme ça. J'essaie de répondre sérieusement à l'ensemble de la représentation nationale. Si l'on pouvait avoir un débat à la hauteur de celui que certains députés de l'opposition ont bien voulu instaurer et que la majorité a voulu, je pense que la démocratie y gagnerait. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Racical, Citoyen et Vert.)

Encore une fois, c'est bien un tel débat que vous avez souhaité. Soyons donc à la hauteur de ce que mérite la sécurité sociale dans notre pays.

Je tiens tout d'abord à remercier l'ensemble de la commission, ses rapporteurs, dont les remarques et les suggestions enrichiront le projet, ainsi que les membres de la majorité, et aussi un certain nombre d'intervenants de l'opposition, au premier rang desquels, M. Barrot, même si je ne partage pas son point de vue, et M. Mattei.

M. Thierry Mariani.

Et M. Accoyer.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous avons senti un certain malaise de la part de l'opposition face à ce projet de loi, malaise qui se retrouve dans certaines contradictions. Je vais les soulever sans acrimonie pour montrer combien, quand on parle des problèmes de la sécurité sociale dans notre pays, il est difficile d'avoir un débat calme. Et pourtant cela serait nécessaire.

Certains nous ont reproché de n'avoir rien fait, ...

M. Thierry Mariani.

C'est vrai !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... d'autres, d'en avoir trop fait, et même d'être allés jusqu'à l'étatisation. M. Accoyer a parlé pour sa part d'un immobilisme social pendant dix-huit mois.

M. Thierry Mariani.

Il a eu raison.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

M. Bur a expliqué qu'à force de ne rien décider le système s'est emballé, comme à chaque fois que la volonté politique faiblit. Nous comprenons qu'il aurait fallu faire plus. Je reviendrai sur ce que nous avons fait. Mais, dans le même temps, certains orateurs de l'opposition, et parfois les mêmes d'ailleurs, nous ont reproché d'être trop intervenus. Je pense à M. Préel, à M. Bur, qui s'est demandé s'il n'eût pas mieux valu faire plutôt confiance à la CNAM, aux partenaires conventionnels, après nous avoir dit que nous avions trop fait.

M. Laurent Dominati.

Ne faites pas de la caricature, si vous voulez un débat sérieux !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Bien sûr, mais il n'en demeure pas moins que si nous avons été conduits à intervenir au mois de juillet, c'est bien parce que les conventions ont été annulées par le Conseil d'Etat ainsi d'ailleurs qu'une partie des ordonnances du plan Juppé. Alors, devant les dérapages de certaines professions, fallait-il attendre les bras croisés ? Que ne nous


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 OCTOBRE 1998

auriez-vous dit aujourd'hui ? Ou fallait-il réagir, même dans un domaine où j'aurais préféré que les conventions soient légales, que le travail ait été bien fait et qu'avec les radiologues, par exemple, on puisse avancer dans le cadre d'une politique conventionnelle ? Mais ce n'est pas moi qui ai fait les ordonnances Juppé, qui ont été annulées pour des raisons juridiques. Soyons sérieux. Nous avons entendu certains dire que nous étions trop laxistes, et d'autres que nous étions au contraire trop sévères et trop coercitifs.

Je donnerai un seul exemple de ces incohérences.

M. Préel a déclaré que l'enveloppe « hôpital » permettrait tout juste de financer les restructurations. M. Bur, au contraire, estime que les efforts pèsent uniquement sur la médecine de ville et pas sur l'hôpital qu'il faudrait contraindre.

M. Laurent Dominati.

C'est de la caricature !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

M. Dubernard et M. Goulard dénoncent la pénurie qui menace le système hospitalier.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Messieurs de l'opposition : cette enveloppe est-elle suffisante ou insuffisante ?

M. Franck Dhersin.

C'est vous qui êtes insuffisante !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous, qui venez juste d'être élu, commencez par éviter les insultes et par montrer ce dont vous êtes capable ! Ça donnerait une autre image de vous.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Bref, vous n'arrivez pas à vous mettre d'accord sur notre position par rapport au plan Juppé. Pour certains, nous l'aurions cassé ; pour d'autres, nous ferions du super-Juppé ou du Juppé bis . Je vais vous dire très simplement les choses : le plan Juppé, ce n'est pas mon problème, je ne suis ni pour ni contre, je veux simplement faire mieux fonctionner le système de santé et sauver la sécurité sociale. J'aurais pu sortir les dossiers sur le coût du carnet médical ou de l'informatisation, je ne l'ai pas fait - la Cour des comptes s'en chargera d'ailleurs dans quelques jours - car la sécurité sociale vaut mieux que cela. Depuis un an, Bernard Kouchner et moi-même nous sommes mis au travail afin d'améliorer les outils existants, de modifier ce qui devait l'être - les partenaires de santé l'ont d'ailleurs reconnu - et d'en mettre en place de nouveaux.

Tout cela sans a priori ni tabou. Eh bien, qu'en est-il aujourd'hui ? Dans le fond, la différence profonde que je ressens, peut-être à tort, avec ce que vous avez proposé précédemment ne tient pas tellement aux objectifs, parce que j'ai bien cru comprendre que tout le monde était d'accord sur la nécessité d'une maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Mais ce qui m'intéresse d'abord, c'est un système de santé plus sûr, accessible à tous et au coût le moins important possible, c'est-à-dire qu'il faut éviter les gâchis, les doubles emplois, les surconsommations, mais pas au détriment de la santé. Là-dessus, nous sommes tous d'accord.

M. Jean-Michel Dubernard.

Oui, nous sommes d'accord.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Contrairement à Alain Juppé, qui croyait - c'est en tout cas ce que nous et les acteurs de santé avons ressenti qu'une seule clause de reversement, qu'une seule vision coercitive pouvaient faire changer les comportements, nous considérons que c'est grâce à des réformes structurelles, pas faciles certes, qui nécessitent des actes plutôt que des paroles que l'on peut y parvenir. C'est pour cela que Bernard Kouchner et moi n'avons pas beaucoup parlé pendant un an. Mais je vais vous expliquer ce que nous avons fait : nous, nous pensons que ce sont ces réformes structurelles qui doivent peu à peu apporter des changements de comportement et nous permettre de rentrer dans les clous, c'est-à-dire d'avoir un système de santé meilleur, pour tous et à moindre coût. C'est pour cela que nous nous sommes opposés sur certains des dispositifs du plan Juppé. Je prends l'exemple de la clause de reversement et de l'informatisation. Quand nous sommes arrivés au gouvernement - et M. Barrot le sait bien -, l'ensemble du corps médical était opposé à l'informatisation. Non parce que les médecins sont des ringards qui ne croient pas à l'informatisation, mais parce qu'ils avaient reçu un énorme dossier de la CNAM, que je tiens à votre disposition, qui leur expliquait qu'il s'agissait d'abord de transmettre les ordonnances et les feuilles de soins pour qu'on puisse les contrôler individuellement.

Ils se sont donc opposés, et avec raison, à l'informatisation car ils ne voulaient pas - je reviendrai sur la clause de reversement - que l'on puisse les mettre en cage et traiter de la même manière un médecin du 5e arrondissement dont les patients sont jeunes et relativement bien portants et un médecin exerçant à Nice, avec des personnes âgées dont les besoins sont particuliers ou dans un quartier en difficulté, où les maladies sont parfois graves et souvent traitées au dernier degré.

Nous avons alors repris le dossier de l'informatisation et expliqué aux médecins que, selon nous, la télétransmission n'avait pas pour objectif le contrôle individuel et la coercition, ce qui n'a aucun sens...

M. Jean-Paul Bacquet.

Très bien ! Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité ... mais qu'il s'agissait avant tout d'un outil de veille épidémiologique, d'aide au diagnostic, d'aide au protocole auprès des médecins et de suivi des malades.

M. Bernard Accoyer.

C'est exactement ce qui est écrit dans les ordonnances !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Oui, mais ce n'est pas ce qu'ils ont compris.

M. Yves Bur.

Vous croyez qu'ils ont mieux compris aujourd'hui ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous savez, on n'a jamais raison contre tout le monde. Si les médecins ne l'ont pas compris, c'est que ce n'est pas ce qui leur a été présenté à l'époque. Nous avons alors repr is patiemment le dossier de l'informatisation et chargé M. Renaudin de travailler aussi bien avec la CNAM qu'avec les professionnels de santé. Le résultat c'est la carte Sesam-Vitale qui est en train de se mettre en place, c'està-dire un réseau santé-social qui va être alimenté de logiciels d'aide au diagnostic et au protocole - les premiers seront disponibles dans quelques semaines - à partir d'une commission de transparence éthique et médicale que nous avons mise en place pour que n'importe quel logiciel ne rentre pas sur la table du médecin en faisant par exemple de la publicité déguisée.

M. Bernard Accoyer.

On en reparlera dans un an.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ainsi, grâce au groupe de travail que nous avons mis en place avec les médecins, ceux-ci sont en train de se rendre


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compte de l'intérêt qu'ils ont à s'informatiser. Les chiffres sont là : de moins de 30 % quand nous sommes arrivés, nous sommes passés à 50 % en six mois. Nous connaissons ces chiffres car ils correspondent à une demande d'aide médicale.

M. Jean Delobel.

Bien sûr !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Dès que les logiciels seront là, le bouche à oreille montrera aux médecins tout l'intérêt qu'il y a d'être au courant dès qu'un virus apparaît quelque part, qu'une innovation médicale se fait jour, et de disposer d'une aide au protocole pour utiliser au mieux les génériques et éviter les interactions médicamenteuses. Au vu de tout ce que les logiciels leur apporteront, je suis convaincue que les médecins poursuivront leur informatisation.

M. Jean Delobel.

Très bien !

M. Bernard Accoyer.

Il n'y a rien de nouveau !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Voilà un exemple de ce que nous avons fait durant un an sans en parler.

Il en est un autre qui concerne la démographie médicale. Vous avez dit, à juste titre que nous manquions d'anesthésistes alors que d'autres spécialitées étaient trop pourvues. Ni Bernard Kouchner, ni moi-même n'avons dit aux internes, en juillet dernier, de rentrer de force dans des spécialités. Après avoir négocié pendant dix mois, nous nous sommes mis d'accord en juin dernier pour que des quotas soient mis à l'internat en fonction des besoins de santé de la population. On aurait pu en parler avant, mais on aurait eu des grèves dans tous les hôpitaux. Vous nous auriez dit ! « Arrêtez-tout ! ». On aurait tout arrêté et on continuerait à manquer d'anesthésistes et à avoir trop de spécialistes ailleurs. Eh bien, notre méthode n'est pas celle-là. Nous avons travaillé, nous nous sommes concertés et nous avons avancé avec les internes comme avec d'autres professions. Je pourrais dire la même chose sur beaucoup d'autres points.

M. Jean-Michel Dubernard.

Et avec les PH ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Avec les PH aussi, six mois !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Notre souci, pendant un an, a porté sur l'informatisation, sur la démographie médicale, sur la formation professionnelle continue, sur les mises en réseau et en coopération, sur le renforcement des unions régionales de médecins, que vous trouverez d'ailleurs dans le projet de loi, sur le codage et la nomenclature qui seront terminés en l'an 2000. Je remercie certains d'avoir, contrairement à d'autres, considéré que nous avions avancé dans la mise en place de ces outils structurels.

Pour la ville comme pour l'hôpital, où l'accréditation commencera en 1999, nous avons procédé à la révision des schémas régionaux d'hospitalisation, à partir des besoins de santé dans les bassins de vie, et pas dans des directions d'ARH avec des techniciens en chambre, mais en concertation avec les élus et les personnels de santé.

M. Jean Charroppin.

Avec les élus, ça m'étonnerait !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

De même, nous avons développé les réseaux - certains d'entre vous l'ont dit, Mme Génisson notamment - entre l'hôpital privé et l'hôpital public, entre la ville et l'hôpital. Voilà les réformes structurelles que nous avons mises en place.

Sur ce point, je voudrais répondre à M. Jean-François Mattei. Vous dites, monsieur le député, que la maîtrise des dépenses a échoué.Mais par manque de temps les outils n'étaient pas en place ! Seuls les outils de coercition l'avaient été. Ceux que nous mettons en place actuellement aussi bien sur l'hôpital que sur la ville n'existaient pas. La maîtrise médicalisée n'a donc pas été essayée. J' ai parlé de l'information, de la démographie médicale. La mise en réseau et la coopération ne commencent que maintenant. La réunification d'un certain nombre d'hôpitaux, la prise en charge du sanitaire et social à côté de l'hôpital, tout cela n'avait pas commencé. Peut-être l'auriez-vous fait, mais ces outils n'étaient pas là. Comment dire, dans ces conditions, monsieur Mattei, que la maîtrise a échoué tant qu'on ne l'a pas tentée ? Certes, les réformes structurelles sont difficiles à mettre en place. Il n'est pas aisé de changer les habitudes de nos concitoyens et de leur expliquer que ce n'est pas une longue ordonnance qui soigne mieux, pas plus que consommer deux fois plus d'antibiotiques que nos voisins constitue un gage de meilleure santé. Mais cela viendra peu à peu, notamment grâce aux états généraux de la santé.

C'est comme cela, je crois, que nous ferons évoluer notre système de soins afin qu'il réponde mieux aux besoins de la population, que, en même temps, il coûte moins cher et que, en définitive, il puisse être maintenu dans un système de sécurité sociale.

Ces réformes, cela va de soi, ne sont pas faites contre les professionnels de santé.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

C'est vrai.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous avez été bien payé, monsieur Goulard, pour savoir qu'une réforme ne marche pas contre l'ensemble des professions.

Nous en avons tiré un certain nombre de leçons. C'est la raison pour laquelle, dès le départ, nous avons travaillé avec les médecins. Tout le monde n'est pas d'accord d'un coup. C'est normal que des gens continuent à ne pas être d'accord quand on leur demande de contribuer en termes de solidarité. Prenez l'exemple de ce qui s'est passé l'année dernière : toutes les associations familiales étaient contre la mise sous condition de ressources des allocations. Aujourd'hui, elles se sont prononcées à l'unanimité pour le quotient familial. Comme quoi, quand les mesures sont justes, on peut obtenir la solidarité de la part de nos concitoyens.

(Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) En tout cas, c'est ce que nous croyons. Et c'est peut-être pour cela que les Français sont plus prêts à faire des efforts, dès lors que ceux-ci sont justes et bien répartis. Nous continuerons dans cette optique de solidarité et non dans celle qui consiste à soutenir des corporatismes, car ce n'est pas ainsi que la France avancera ni dans le domaine de la sécurité sociale ni dans les autres !

Mme Odette Grzegrzulka.

Très bien !

M. Pascal Terrasse.

Excellent.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous avons donc mis en place des groupes de travail de médecins, présidés par François Stasse. Nous avons négocié avec les internes et aussi avec les pharmaciens. Nous avons mis en place aussi des groupes de travail sur l'hôpital, que préside actuellement M. Bacquet, et nous avons


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travaillé avec la CNAM, non pas pour étatiser - encore une fois, c'est l'annulation des conventions qui nous a obligés à intervenir - mais pour accroître l'autonomie de la caisse.

Nous avons signé au mois de juillet un avenant avec elle qui lui confère une plus grande souplesse dans les nominations et dans l'édiction d'un certain nombre de règles financières domaine dans lequel elle était encadrée par des décisions a priori -, afin qu'elle ait le pouvoir d'aller plus vite et plus loin.

Enfin, nous souhaitons, nous aussi et peut-être plus que vous - que les partenaires conventionnels jouent un rôle plus important car c'est bien avec les acteurs de santé que nous arriverons à faire évoluer notre système de soins. C'est pour cela d'ailleurs que nous souhaitons que les pharmaciens puissent aussi conclure des conventions avec la CNAM.

Le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui ouvre des possibilités aux partenaires conventionnels : grâce à la mise en place de filière autour d'un médecin référent, la création de réseaux, le financement d'activités non curatives telles que la prévention, l'éducation pour la santé, l'évaluation, grâce au financement d'activités curatives hors paiement à l'acte, à la négociation infra-annuelle pour apprécier l'évolution des dépenses et aussi grâce à un fonds d'aide à la qualité qui permettra les évolutions souhaitées par les partenaires conventionnels.

Toutes ces mesures ne font pas aujourd'hui l'unanimité, nous le savons très bien, mais elles ont quand même permis d'avancer. Je voudrais vous donner là aussi quelques exemples.

Quand, au mois de juillet, nous nous sommes rendu compte que certaines professions dérapaient, nous avons signé - car il n'est pas logique qu'en cas de dérapages injustifiés on ne puisse pas être capable d'en discuter avec les professions concernées - des déclarations communes avec la plupart d'entre elles, avec les masseurs-kinésithérapeutes, les orthophonistes, les biologistes, avec l'industrie du matériel biomédical.

M. Jean Charroppin.

Pas avec les radiologues.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je regrette qu'ils n'aient pas souhaité rentrer dans notre logique qui consiste à essayer de mettre fin à des actes autoprescrits. Nous sommes quasiment le seul pays à le faire. Nous savons bien qu'il faut amortir des machines mais nous savons aussi que l'on n'a pas à faire des examens qui ne sont pas utiles. Cependant, la porte de la négociation reste ouverte. Nous pourrons discuter avec eux.

Il n'en reste pas moins que les professions auxquelles nous avons demandé de faire des efforts, ont accepté de signer des déclarations communes. Les internes, avec qui nous poursuivons les discussions, ont montré leur maturité et leur capacité à avancer. Tous les syndicats de pharmaciens ont signé un accord avec nous en septembre 1998 pour devenir des véritables acteurs de santé et pour travailler non seulement autour de la substitution du générique mais aussi sur la place du pharmacien dans notre système de soins. Nous avons annoncé, au mois de juillet, un certain nombre de mesures concernant l'industrie pharmaceutique qui n'étaient pas destinées à lui taper dessus.

M. François Goulard.

Pourtant, c'est ce que vous faites !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ces mesures partaient d'une logique médicale conventionnelle. Nous avions remarqué qu'un certain nombre de laboratoires n'avaient pas respecté les accords qu'ils avaient signés, notamment les accords volume-prix. Nous leur avons demandé de restituer les sommes à la sécurité sociale. Ils ont signé.

M. Thierry Mariani.

Ils n'avaient pas le choix !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Comment ça, ils n'avaient pas le choix ? Vous ne trouvez pas normal que lorsqu'on ne respecte pas un accord que l'on a signé avec l'Etat, on paye ? C'est une drôle de façon de défendre la politique conventionnelle !

Mme Odette Grzegrzulka.

Très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Aux autres, nous avons fait des propositions. Jusqu'à présent, la politique conventionnelle - j'y reviendrai tout à l'heure - avait consisté à maintenir parfois des prix artificiels, à ne pas mettre de cohérence entre les prix et les taux de remboursement en fonction de l'effet thérapeutique des médicaments. Je peux vous dire aujourd'hui que nous avons signé avec la totalité des laboratoires, sauf trois de petite taille. Cela signifie que 98 % des sommes que nous attendions ont effectivement donné lieu à un accord dans les jours passés.

Voilà ce que l'on peut appeler un travail sans coup d'annonce, qui correspond à une logique qui a été comprise par les laboratoires, qui est une logique médicale et non pas une logique de coercition, comme vous le dites jusqu'à présent. C'est parce que nous croyons que ces réformes structurelles menées avec les partenaires acteurs de la santé porteront leurs fruits, qu'il faut maintenir le système actuel. Nous ne pouvons donc pas suivre M. Mattei lorsqu'il nous demande de mettre en concurrence le secteur public et le secteur privé.

Je voudrais d'ailleurs revenir un instant sur le rapport du CREDES car il n'y a pas de raison de ne pas regarder ce qui se passe à l'étranger.

Pour ce rapport, « La concurrence entre les assureurs, même restreinte, entraîne toujours un risque de sélection et, partant, d'inéquité. D'autre part, les économies générées sont de court terme. La concurrence entre assureurs ne permet pas de maîtriser l'inflation des dépenses médicales. En outre, ces économies sont plus que compensées par les surcoûts liés à la concurrence. » Le rapport ter-

mine sur ces mots : « La concurrence entre les assureurs entraîne un risque de sélection et d'inéquité. Les expé-r iences néerlandaise et de medicare aux Etats-Unis montrent que, pour contrer ce risque, il a fallu vider la concurrence entre assureurs de l'essentiel de ses incitations à mieux gérer le risque. » Comment mieux dire que

ce que certains appellent une voie d'avenir s'avère de toute évidence une impasse ? Une impasse du point de vue financier, mais aussi parce que cette situation crée de l'injustice et de l'inéquité.

Telles sont les réponses que je souhaitais faire aux critiques de fond, eu égard à notre conception du système de soins et de santé.

J'en viens à des points plus précis. J'indique à M. Le Garrec, président de la commission des affaires sociales, que nous partageons les critiques qu'il a formulées sur la façon dont les statistiques et les comptes sont présentés aujourd'hui, et que nous sommes d'accord sur les propositions qu'il a faites.

Nous avons mis en place une mission de l'IGAS, qui fait le point sur les statistiques des dépenses de l'assurance maladie, de la CNAM, mais aussi des autres caisses. Par ailleurs, un conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie a été créé par ce projet de loi.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 OCTOBRE 1998

M. Goulard a dit qu'il n'avait aucun sens, mais l'ensemble des partenaires médicaux ont demandé sa création et sont ravis.

S'agissant des comptes à proprement parler, j'ai confié une mission à M. Deniel, conseiller-maître à la Cour des comptes, en vue de proposer une harmonisation des plans comptables des différents régimes, ce qui permettra d'améliorer l'homogénéité des chiffres examinés par la commission des comptes. Celle-ci a insisté à juste titre sur ce point, comme Jean Le Garrec, de même que le Parlement. Il a surtout été demandé d'accélérer le traitement et la consolidation de ces chiffres. Il est vrai que notre débat sera d'autant plus clair que nous disposerons plus tôt de statistiques plus fiables. C'est en ce sens que nous travaillons.

J'en arrive aux critiques concernant l'équilibre des comptes. Je rappelle que, lors du débat d'octobre 1997, vous avez soulevé les mêmes critiques qu'aujourd'hui.

Vous aviez dit que les recettes étaient surestimées.

M. Accoyer estimait qu'elles étaient fondées « sur une croissance hypothétique de 4 % de la masse salariale », et M. Douste-Blazy qu'elles n'étaient pas prudentes. M. Préel nous donnait rendez-vous dans un an, pour juger de la réalité des recettes.

Force est de constater aujourd'hui que les objectifs ont été tenus. Je suis donc prête à prendre le rendez-vous de l'année prochaine. M. Bur a affirmé qu'on pouvait douter de la sincérité de l'équilibre proposé, et que les prévisions de recettes reposent sur un taux de croissance bien tropo ptimiste, même si les organismes internationaux viennent de confirmer ces prévisions pour la France. Pour M. de Courson, les recettes sont surestimées. Je lui rappelle que le secrétaire de la commission des comptes, membre de la Cour des comptes, nous a demandé si nous n'avions pas un peu sous-estimé les recettes de la CSG, ce qui montre que les avis sont partagés. Pour

M. Bardet, les hypothèses économiques sont irréalistes, pour M. Accoyer, il s'agit d'un pari risqué, et, pour

M. Préel, de prévisions non réalistes.

Je le dis simplement : personne n'a intérêt à gonfler les chiffres ; nous croyons aux chiffres de l'année dernière et nous croyons à ceux de cette année.

Quant à ceux qui prétendent que la réduction de la durée du travail va diminuer la masse salariale, ils voudront bien m'excuser de leur rappeler cet élément purement économique : plus il y aura de chômeurs qui travaillent, plus la masse salariale s'accroîtra.

M. Bernard Accoyer.

Sous réserve que les 35 heures créent des emplois !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

On ne peut pas dire une chose et son contraire ! Ou la réduction de la durée du travail ne marche pas, et la masse salariale ne diminuera pas, ou elle marche, et la masse salariales'accroîtra. Mais vous ne pouvez pas soutenir les deux thèses en même temps, il faut choisir. Or, vous le savez, les 485 contrats signés ont abouti à un accroissement de 8 % des effectifs, ce qui va plutôt dans le sens d'une augmentation de la masse salariale.

J'en arrive à l'intervention de M. Barrot. C'est vrai que l'ONDAM est rigoureux. Sa progression, de 2,6 %, est inférieure à la croissance générale de l'économie. Mais je crois qu'il répond aux besoins en consacrant 16 milliards supplémentaires aux soins, en soins de ville, avec le remboursement à 100 % des actes de dépistage, à l'hôpital, avec le financement de l'accord salarial dans la fonction publique et des mesures statutaires comme la revalorisation de la carrière des aides soignantes, dans le secteur médico-social, avec la création de 7 000 places de section de cure médicale pour personnes âgées, la création de 2 000 places de services de soins infirmiers à domicile pour les personnes âgées, la première tranche du plan de création de places pour adultes handicapés - je réponds là aux diverses interventions des députés de la majorité - et avec la reprise, par l'assurance maladie, des centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie, en application de la loi contre les exclusions.

L'ONDAM est donc rigoureux, mais nous avons essayé de déterminer des priorités, notamment au bénéfice des plus fragiles.

En ce qui concerne la clause de sauvegarde, j'entends des choses très différentes de ce que j'ai entendu l'année dernière. Pour M. Bardet, « l'opposition peut renier ses propres réformes et avoir le courage de dire que la responsabilité collective ne fait pas partie de ses références ».

C'est vraiment incroyable ! Dire cela alors que la plupart de vos collègues ont dit le contraire est tout de même étonnant ! Cela signifie-t-il que personne n'est responsable de rien ? Avez-vous eu les mêmes scrupules quand vous déremboursiez des médicaments ? Y aurait-il des bons et des mauvais consommateurs ? Je parle simplement. On ne peut pas tenir un discours général, vouloir que la sécurité sociale soit l'affaire de tous, des acteurs de santé, croire à la médecine libérale et dire que la sécurité sociale doit solvabiliser le patient, tout en soutenant qu'il y a une irresponsabilité économique.

M. Pascal Terrasse.

Quelle contradiction !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais nous devons faire en sorte que cette responsabilité soit la plus juste possible car, sinon, nous n'allons pas dans le bon sens.

Je répondrai sur ce point aux critiques de M. Barrot car il y a là un vrai débat de fond et une véritable opposition quant au contrôle individuel des professionnels.

Vous dites que la clause de sauvegarde est injuste car elle traite les médecins vertueux comme les médecins non vertueux. Elle devrait selon vous être individualisée.

Toutes les réformes structurelles que nous mettons en place visent à accroître la responsabilité individuelle et collective des médecins. Individuelle par l'information et la formation collective, par exemple par le renforcement des unions régionales de médecins, pour que celles-ci se livrent elles-mêmes à une évaluation des pratiques, les abus étant contrôlés par la CNAM.

Mais si leur première responsabilité est de bien soigner, la seconde est de soigner au meilleur coût, nous ne pouvons pas à la fois vouloir que la sécurité sociale rembourse et faire n'importe quoi. Aussi, nous entendons que les médecins prennent leurs responsabilités au regard des réformes structurelles.

Mais leur responsabilité économique est globale et, de ce fait, nécessairement collective. Je l'ai dit, on ne distingue pas les assurés vertueux et les assurés non vertueux.

Tout le monde est conduit à contribuer lorsqu'on augmente les cotisations ou qu'on dérembourse.

Il est normal que les médecins, dont les revenus sont pour l'essentiel financés par la sécurité sociale, contribuent, avec la collectivité, à l'équilibre de l'assurance maladie. D'ailleurs, il ne faut pas oublier que cette exigence a une contrepartie : la solvabilisation des malades.

Mais revenons à l'individualisation, souhaitée par certains.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 OCTOBRE 1998

Comment apprécier la vertu du médecin ? Un médecin dont la clientèle croît fortement parce qu'un confrère du voisinage a pris sa retraite est-il non vertueux ? Un médecin qui accueille dans sa clientèle des personnes atteintes du sida, nécessitant des soins lourds et coûteux, et dont les prescriptions vont croître, est-il moins vertueux que le voisin ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Goulard.

Donc c'est la responsabilité aveugle !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Un médecin dont l'activité se développe parce qu'il est apprécié de ses patients est-il non vertueux ? Comment qualifier le médecin en fonction de sa clientèle ? Vraiment, l'individualisation du médecin serait un syst ème bureaucratique, technocratique, et elle irait à l'encontre des meilleurs soins pour la population.

(« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis.

Tout à fait !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il ne faut pas figer les clientèles. Il ne faut pas montrer du doigt le vice et la vertu. Il faut évidemment sanctionner les comportements aberrants - la CNAM doit s'en charger, davantage qu'aujourd'hui, - mais, pour le reste, il doit y avoir une responsabilité collective.

Vous avez remarqué que nous rendons celle-ci plus juste, parce que les médecins contribueront en fonction de leurs revenus, et que nous sortons du tout-médecin pour traiter aussi le problème de l'industrie pharmaceutique.

Tout dépend du discours qu'on tient. Nous préférons quant à nous le discours de la responsabilité, et nous voulons avancer avec les médecins pour changer le système de soins.

V ous avez également déploré que cette loi ne contienne rien sur l'hôpital. Mais une loi modifie des dispositions lorsque c'est nécessaire. Or, dans ce domaine, les outils existent depuis longtemps, et nous n'allons pas écrire des articles de loi pour le plaisir.

Aujourd'hui, nous avons les outils de la politique hospitalière. Nous l'avons dit à plusieurs reprises et nous avons pris un engagement concernant la rénovation des schémas régionaux d'organisation de la santé, nous souhaitons développer, à partir des besoins de la population, dans les bassins de vie, une réflexion sur l'organisation hospitalière, afin que chaque région dispose de plateaux techniques et professionnels de haut niveau pour les maladies les plus lourdes et les plus difficiles, et que les critères de sécurité et de proximité soient pris en compte pour les maladies chroniques ou pour le médico-social, que nous devons continuer à développer car la dépendance nécessite, dans beaucoup de cas, une médicalisation. Tel est notre objectif.

Ce que je remarque, c'est que, cette année, 2 900 lits ont été fermés. A ceux qui ont prétendu que nous étions en recul, je répondrai que nous sommes non seulement en augmentation quantitative, mais que ce sont de vrais lits qui ont été fermés, et pas simplement des autorisations qui n'ont pas été utilisées.

Au-delà, 330 établissements négocient actuellement des regroupements ou des reconversions. Nous n'en parlons pas sans cesse et nous ne disons pas tous les jours :

« C'est formidable, on a fermé un service ! » Cela n'aurait aucun sens. Mais nous faisons en sorte que les choses avancent sur le terrain, après avoir donné aux directeurs d'ARH des consignes pour évaluer les besoins de la population, en concertation avec les élus ainsi qu'avec le personnel médical et hospitalier.

Que remarquons-nous ? Une fois de plus que, sur le terrain, les choses avancent plus vite que dans les discours généraux. Aujourd'hui, le privé se rapproche du public et est capable d'établir des coordinations là où c'est nécessaire. La médecine de ville et l'hôpital sont en train de créer des réseaux autour d'un malade, autour d'une pathologie, et c'est comme cela que nous travaillerons mieux.

Catherine Génisson, Jean-Pierre Blazy et Mme Fraysse ont évoqué le problème de la coordination entre régimes.

Dans ce domaine, nous allons beaucoup plus vite que prévu. Il ne faut pas, comme auparavant, partir uniquement du nombre de lits par malade ou du nombre de malades par lit. Il faut - et nous avons adopté cette solution l'anne dernière - prendre en compte les mouvements de malades d'une région à l'autre. Mais il faut désormais aller au-delà, à partir de critères objectifs, en prenant en compte l'état de santé de la population et l'espérance de vie observés par les conférences régionales de santé. Nous avons recomposé les indicateurs, ce qui nous permet de conclure que trois régions - et peut-être quatre - sont très en retard aujourd'hui : le Nord-Pas-de-Calais, la Picardie et Poitou-Charentes.

On note par ailleurs, au sein de l'Ile-de-France, des différences majeures...

M. Pascal Terrasse.

Considérables !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... qui ne sont pas acceptables. Nous espérons que l'Ile-deFrance aura un taux proche de 1 %, mais il y a des différences importantes entre les hôpitaux de l'AP et de certains départements, et, au sein des départements, certains hôpitaux sont particulièrement mal dotés. Nous souhaitons, dans les cinq à sept prochaines années, faire bénéficier l'ensemble des régions mal dotées d'un rattrapage, car on note un décalage entre ces régions et certains départements de l'Ile-de-France et le reste du pays. Nous allons engager ce mouvement de manière très volontariste.

J'en arrive aux médicaments. On ne peut pas, monsieur Accoyer, monsieur Préel, nous accuser d'attentisme, de négligence ou d'approche comptable. Nous avons travaillé sur quatre axes prioritaires : la sécurité et la qualité des produits, l'amélioration des conditions d'accès à certains médicaments, l'aide à la recherche pour de nouveaux médicaments - je rejoins sur ce point M. Barrot : c'est un élément essentiel - et la rationalisation de la prescription et du remboursement. Nous devons garantir la sécurité, M. Kern l'a souligné hier. C'est en fonction de cet objectif que nous avons orienté les travaux de l'Observatoire national des médicaments, qui a été mis en place à la fin de 1996 mais n'avait pas produit d'effets jusqu'à présent. C'est aussi pour cela que nous organisons une couverture complémentaire systématique et prévoyons une dispense d'avance de frais pour les plus démunis.

Claude Evin et M. Kern ont posé la question de la recherche, et ils ont eu raison. Nous avons associé, sous l'autorité du professeur Cros les chercheurs et les industriels afin d'améliorer et d'accroître la recherche dans notre pays. Claude Allègre a d'ailleurs donné cette année la priorité à la recherche médicale.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 OCTOBRE 1998

En troisième lieu, des mesures structurelles ont été mises en place pour permettre une meilleure utilisation des ressources. Pour lutter contre les surconsommations injustifiées, nous mettons en place, comme M. Kern l'a souhaité, un référentiel public sur le médicament, qui sera accessible dès le début de l'année prochaine, sur les réseaux santé-social.

Tout le travail que nous avons fait, et qui a donné lieu à ces premiers accords, va rapporter 1,5 milliard de francs à la sécurité sociale, et, surtout, va nous permettre d'avancer vers une logique médicalisée du médicament.

Nous reprenons les classes thérapeutiques mais nous formulons une exigence quant à l'effet médical. Nous introduisons une cohérence à la fois en ce qui concerne les prix et les taux de remboursement, et je réponds sur ce point à M. Barrot, qui s'est fait l'écho d'une plainte largement partagée.

Je vous le dis comme je le pense : parce que nous avons eu un système de prix administrés, parce que nous avons maintenu artificiellement des prix élevés pour sauvegarder certains laboratoires, sous la pression de tel ou tel, nous avons abouti à un coût trop important pour la sécurité sociale et à des médicaments dont l'effet médical était très mauvais.

M. Yves Bur.

Pour certains !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Pour certains. L'autre effet, c'est que nous n'avons pas aidé l'industrie pharmaceutique la plus innovante, en lui permettant d'avoir des prix conformes au marché international.

Nous avons donc repris les classes thérapeutiques et, si les laboratoires ont signé l'accord, ce n'est pas parce qu'ils n'avaient pas le choix, mais parce qu'ils ont bien compris quelle était notre logique.

Il s'agit d'une logique liée à l'effet médical et d'une logique économique. Nous devons redonner une chance à l'industrie pharmaceutique française, relancer la recherche médicale, lui donner des prix lui permettant de combattre sur le marché mondial, l'aider à retrouver une force d'innovation.

Nous entrons donc dans la politique du médicament par la voie de la santé et par la voie économique. Nous tournons le dos au malthusianisme. Mais, bien évidemment, cela passera par une politique conventionnelle.

Comme beaucoup l'ont souligné, il faudra renforcer le comité économique du médicament, afin que cette politique conventionnelle soit la plus ouverte possible. Je le répète, je crois que les laboratoires et le Syndicat national d e l'industrie pharmaceutique ont compris notre d émarche, puisqu'ils ont pris des engagements qui n'étaient pas faciles, mais qui entrent dans le cadre d'une politique bien meilleure à terme.

De nombreux orateurs sont intervenus sur les cotisations patronales, notamment Mme Fraysse. Je répète que l'objectif du Gouvernement est de poursuivre la réforme des cotisations, pour que le financement de la sécurité sociale devienne plus pérenne, plus juste et favorable à l'emploi, et pour qu'il permette à la sécurité sociale de répondre aux besoins. Nous n'avons pas réussi, contrairement à l'espoir que j'avais formulé l'année dernière, à faire en sorte que la première étape de cette réforme soit intégrée dans la loi de financement de la sécurité sociale, et cela pour une raison simple : beaucoup de ceux qui souhaitaient à la fois élargir l'assiette pour moins peser sur l'emploi et alléger les charges sociales - ces objectifs font l'objet d'un assez large consensus - pensaient que l'on pouvait modifier l'assiette en remplaçant à 100 % les salaires par la valeur ajoutée. Le rapport Malinvaud a eu le mérite de nous montrer que cette substitution à 100 % aurait des effets pervers. Nous devons donc étudier d'autres modalités, c'est-à-dire parvenir à une substitution sans que l'assiette soit constituée à 100 % par la valeur ajoutée. Il n'y a pas encore d'accord sur ces modalités même s'il y a un accord, notamment au sein de la majorité, sur les objectifs à atteindre.

A ccordons-nous quelques semaines supplémentaires pour trouver des solutions qui agréent à la fois aux entreprises de main-d'oeuvre, aux commerçants et aux artisans, comme aux organisations syndicales, qui souhaitent une assiette plus pérenne et plus juste des cotisations de sécurité sociale. C'est dans cette perspective que je considère avec intérêt un amendement de la commission, qui définit plus clairement que nous ne l'avons fait l'objectif du Gouvernement.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'en viens à la famille.

Contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur Préel, la famille est pour nous une priorité. J'ai entendu dans la bouche de plusieurs orateurs de l'opposition nombre des propos que Mme Gillot et moi-même avions tenus l'année dernière, que le Premier ministre a tenus devant la conférence de la famille et que le Gouvernement tient encore aujourd'hui devant vous.

La famille, je le répète, n'est la priorité de personne en particulier. La famille est l'entité de base où l'enfant se construit, où il se choisit ses repères, où il s'éduque, où il apprend la solidarité.

L'année dernière, nous avions pris un certain nombre d'engagements, dont celui de revenir sur le plafonnement des allocations familiales. Mme Gillot a mené, avec les associations familiales et les organisations syndicales, une large concertation allant bien au-delà du problème luimême. Nous avons réuni une conférence de la famille où nous nous sommes mis d'accord avec l'ensemble des partenaires sur les axes majeurs d'une politique ambitieuse.

Je n'y reviendrai pas puisque Mme Gillot a très longuement évoqué le sujet, comme je l'avais fait moi-même dans mon exposé liminaire.

Nous avons respecté nos engagements et nous disposons aujourd'hui des bases de notre politique. Nous savons que tout n'est pas pour autant réglé. D'ailleurs, nous avons fixé des objectifs pour l'année prochaine.

Faut-il faire quelque chose pour le premier enfant, pour les jeunes adultes qui restent dans la famille, ce qui pose des problèmes, pour les modes de garde, notamment des plus défavorisés, et pour une meilleure adéquation entre vie familiale et vie professionnelle ? La délégation interministérielle à la famille travaille sur tous ces sujets.

Mme Gillot et Mme Jacquaint ont par ailleurs suggéré que les dispositifs de certaines prestations, telles que l'allocation de rentrée scolaire, l'APE ou d'autres, soient remodelés. Nous sommes prêts à engager à cet égard une réflexion dans le cadre de la délégation interministérielle à la famille, dans la perspective de la conférence de la famille qui se réunira l'année prochaine.

Hélène Mignon a insisté très fortement sur le fait que nous consacrions 1 milliard de plus à l'action sociale de la CNAF, afin d'aider les modes de garde dans les communes les plus défavorisées, de créer des lieux d'accueil et d'écoute des parents qui n'arrivent plus à assumer leurs responsabilités et qui ont donc besoin d'être aidés, et de ménager des lieux de rencontre parents-enfants.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 OCTOBRE 1998

Nous nous y étions engagés, et c'est là une meilleure façon d'aider les parents à prendre leurs responsabilités que celle qui consiste à les montrer du doigt quand ils sont dépassés.

S'agissant, enfin, de la retraite, nous posons, depuis des dizaines d'années, les mêmes problèmes. Nous pouvons nous reprocher mutuellement d'avoir perdu du temps.

Nous souhaitons pour notre part que, comme sur la famille, un grand débat public s'instaure (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste) afin que puisse être établi un diagnostic partagé, clair, incontestable.

Il ne sert à rien de montrer du doigt telle ou telle catégorie d'agents du service public sans avoir auparavant pris en considération leurs salaires, la hauteur de leur contribution et leurs avantages. Des contrats sont passés avec des agents du service public où, si les salaires sont moins élevés que dans le secteur privé, les retraites sont plus confortables.

M. Yves Bur.

Ce n'est pas toujours le cas !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

On ne peut mettre à bas ces contrats pour une simple logique comptable ! Il convient d'examiner l'ensemble des éléments qui résultent des contrats collectifs passés depuis des années avec les salariés concernés.

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Très juste !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Quant à moi, je me refuse à montrer du doigt tel ou tel. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé au Commissariat général du Plan de procéder, en plus des études ponctuelles existantes, à une analyse complète des avantages contributifs, des contributions versées, du niveau des salaires et des retraites et du contrat global qui a été conclu.

A partir de là, nous souhaitons, mesdames, messieurs de l'opposition, qu'ensemble - quand j'entends M. Jacquat,...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

L'excellent M. Jacquat !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... je me dis que cela est possible - nous trouvions les scénarios possibles pour demain. Nous devons, d'une part, conforter les régimes par répartition et, d'autre part, mettre en place une épargne salariale à long terme,...

M. Bernard Accoyer.

Par capitalisation !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... qui permette aux retraités de vivre mieux.

M. Bernard Accoyer.

Vous ne pourrez donc qu'accepter celui de nos amendements qui va dans ce sens...

M. le président.

Monsieur Accoyer, je vous en prie !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Comment conforter ces régimes par répartition ? Sans doute serait-il possible de diminuer les retraites ou d'augmenter les cotisations patronales de 5 ou 10 %.

M. Yves Bur.

Tout est possible !

M. la ministre de l'emploi et de la solidarité.

En théorie, ce serait possible. Mais serait-ce la bonne solution ? Ne devons-nous pas plutôt réfléchir sur la façon dont nous pourrions trouver des moyens financiers qui nous aident, dès maintenant, à consolider et à faire évoluer les régimes par répartition dans les quatre ou cinq ans qui nous séparent des difficultés les plus lourdes ? C'est toute la logique du fonds de réserve.

J'ai entendu les quolibets qu'ont suscités les 2 milliards de francs. Mais l'important est que les Français sachent que le Gouvernement et une grande partie des élus du pays veulent défendre la retraite par répartition et consolider le système. Bien sûr, des évolutions et des aménagements seront nécessaires, mais il faudra aussi alimenter les retraites par des fonds extérieurs.

La somme de 2 milliards de francs est peut-être symbolique, et nous aurions pu l'afficher comme excédent de la sécurité sociale l'année prochaine. Mais nous préférons qu'elle aille prioritairement aux retraites par répartition.

Les 15 à 20 milliards de francs des fonds sociaux des caisses d'épargne, que le ministre de l'économie a évoqués, pourraient également, au lieu d'être placés à la Caisse des dépôts et consignations, alimenter le fonds de réserve.

Vous nous reprochez de n'avoir pas prévu l'ensemble des éléments de gestion. Certes ! Mais quelle en est la raison ? C'est qu'un grand débat public s'engagera dès le mois de janvier. Nous souhaitons réfléchir, avec vous tous et avec l'opinion publique, sur la façon dont nous gérerons le passage vers les difficultés auxquelles nous serons confrontés en matière de fonds de retraite.

Pour l'instant, nous avons placé le fonds de réserve au sein du FSV parce qu'il concerne la sécurité sociale et la vieillesse.

Le conseil de surveillance du FSV comprend des parlementaires, des représentants des caisses, des personnalités qualifiées et de hauts fonctionnaires. Nous sommes prêts à élargir dès à présent, si vous en êtes d'accord, ce con seil à des représentants patronaux et syndicaux. Point n'est besoin d'attendre six ou huit mois !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien ! Un amendement a d'ailleurs été déposé dans ce sens !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Excellent !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Notre souci est de faire en sorte que des fonds extérieurs viennent conforter notre régime par répartition. Quoi qu'il en soit, restons très ouverts en la matière.

Je vais maintenant répondre à M. Sarre sur la PSD, dont j'ai longuement parlé lors d'une réunion du comité de gérontologie, il y a quelques semaines.

Le nombre des bénéficiaires augmente, et c'est heureux : nous sommes passés de 35 000 fin mars à 60 000 fin juin, pour atteindre peut-être 80 000 ou 100 000 avant la fin de l'année. Cela dit, des problèmes majeurs continuent de se poser. J'y reviendrai car nous vous ferons des propositions à cet égard.

L'aide à domicile doit être modifiée et prendre mieux en compte la dépendance et la qualification de la dépendance.

Mme Guinchard-Kunstler a, à juste titre, parlé de

« professionnalisation » des métiers de la dépendance.

Nous savons qu'il existe, notamment pour ce qui concerne la PSD en établissement, des différences inacceptables selon les départements. Pour ma part, Monsieur Jacquat, je souhaite faire les choses correctement, en concertation avec les conseils généraux. Mais dans la mesure où certains d'entre eux ont récemment changé de présidence, j'ai voulu leur laisser le temps de réagir.

Nous allons sortir dans quelques jours les décrets sur la tarification des établissements.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 OCTOBRE 1998

Ces décrets permettront d'éclairer le paysage, comme nous l'avions promis. Nous pourrons ainsi, au mois de janvier, dresser, avec les conseils généraux, un dernier bilan. Si l'amélioration n'a pas été nette et précise, nous ferons paraître les décrets qui fixeront les minima de placements par établissement et par niveau GIR. Ainsi, nous n'aurons plus la rupture d'égalité sur le territoire que je déplorais à l'instant.

Enfin, je rappelle que nous travaillons sur les métiers de la dépendance chers à Mme Guinchard-Kunstler et à nombre d'entre vous, notamment à M. Terrasse. En effet, nous savons que les personnes âgées auront besoin d'avoir face à elles des professionnels.

Mon intervention a été un peu longue, mais cela nous permettra peut-être de procéder plus rapidement à la discussion des articles.

Nous avons parlé hier de la famille. On peut dire ce que l'on veut, mais la branche famille accusait un déficit de 12 milliards quand nous sommes arrivés au gouverment alors qu'elle connaît aujourd'hui un excédent de 3 milliards. De plus, des négociations ont été engagées avec l'ensemble de nos partenaires en vue de la tenue avant l'été prochain d'une nouvelle conférence sur la famille, qui devait permettre de nouvelles avancées.

Il n'est pas facile de gérer un système de santé, et je ne dis pas que nous réussirons à tout coup. Mais nous faisons en tout cas en sorte que les réformes structurelles soient engagées et nous nous efforçons d'avancer avec les acteurs de santé.

L'année prochaine, je l'espère, des décisions concernant les retraites seront prises et nous aurons ainsi traité progressivement l'ensemble des branches qui posent un problème.

Je n'oublie pas les maladies professionnelles. Nous avons réalisé cette année un gros travail tendant à mieux les indemniser - je pense notamment à l'amiante, qui est la cause d'un drame majeur dont beaucoup de nos concitoyens subissent les conséquences.

Enfin, nous continuerons de rechercher un financement pérenne pour la sécurité sociale.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce que je souhaitais vous dire. J'ai été un peu longue, mais le sujet et notre débat de qualité...

M. François Goulard.

De très grande qualité !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... le méritaient.

Nous traitons le dossier de la sécurité sociale avec modestie, car il est difficile, mais aussi avec une grande détermination, convaincus que nous sommes que la sécurité sociale est garante non seulement de la cohésion sociale, mais également de la démocratie dans notre pays.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je trouve que notre débat s'améliore d'année en année et que nous progressons vers le vif du sujet.

M. François Goulard.

Le secrétaire d'Etat s'améliore lui aussi ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Je vous remercie, monsieur Goulard, de faire mention de mon amélioration personnelle.

(Sourires.)

Nous savons tous que notre système, que nous critiquons, et c'est légitime, pour l'améliorer, n'est pas, par rapport à ce qui existe dans les autres pays européens, si mauvais que cela. Bien sûr, je ne ferai pas en l'occurrence allusion à ce qui n'existe pas dans les pays du tiers monde. Il demeure que la majorité de la planète aurait envie de bénéficier d'un dispositif de prise en charge et de soins tel que le nôtre.

Je commencerai par formuler quelques remarques à propos des chiffres qui sont un peu sempiternellement brandis pour nous faire valoir que nous pourrions faire mieux. Bien entendu, nous pourrions faire mieux, et nous sommes là pour tenter de réaliser les progrès nécessaires.

Mais il faut faire la part des exagérations de séance de part et d'autre, et reconnaître les améliorations.

Vous avez parlé, monsieur Goulard, de la mortalité maternelle et de la mortalité infantile. Je voudrais insister sur le fait que nous avons réalisé, durant les dix dernières années, d'énormes progrès qui nous ont placés, en Europe, au quatrième rang. L'Allemagne et d'autres pays européens sont passés loin dernière nous. C'est en tout cas ce qu'affirme le Haut comité de la santé publique dans son rapport, que je tiens à votre disposition.

Vous avez déploré, monsieur Goulard, en avoir pris connaissance un peu trop tard, puisque vous ne l'avez eu en votre possession que jeudi. Mais la situation que je viens de rappeler n'a pas dû vous échapper. Percevant dans les regards quelques éclairs dubitatifs, je citerai quelques chiffres.

Notre taux de mortalité infantile a chuté de manière spectaculaire : de 7,3 en 1990, il est tombé à 4,9 en 1995 et à 4,8 en 1996. Je m'en félicite. Certes, ce n'est pas assez, mais nous sommes maintenant devant l'Allemagne, devant les Pays-Bas, que l'on cite toujours en exemple, et devant le Canada. Les choses vont donc mieux qu'on ne le dit.

J'invite chacun à faire attention à la manière dont nous critiquons notre système car celui-ci s'améliore tout de même. Nous devons ajuster nos chiffres.

Quant au taux de mortalité périnatale en général, il s'est également amélioré. Le reste du monde nous envie notre système. Nous devrions veiller - tel est d'ailleurs l'objet de notre débat - à le maintenir et à le perfectionner.

Je remercie les rapporteurs, qui nous ont éclairés.

Comme d'habitude, je ferai une part plus belle à mes détracteurs, à ceux qui pensent que nous n'en faisons pas assez, ce qui est tout à fait injuste. Je ne manquerai cependant pas de relever qu'un certain nombre de députés, sans nous féliciter, ce que nous ne méritons pas forcément, ont reconnu sur certains points une nette amélioration dans le domaine de la santé publique. Je leur en sais gré.

Que dit par ailleurs le rapport du Haut comité de la santé publique ? Que les inégalités entre les régions de notre pays et à l'intérieur de ces régions sont grandes et que ces inégalités affectent la prise en charge individuelle.

Il reconnaît aussi, et de cela on ne parle jamais, que les conduites à risques sont, en France, extraordinairement spécifiques. C'est un phénomène qui n'existe pas dans d'autres pays. Qu'il s'agisse du tabac, de l'alcool ou des accidents de la route, les conduites à risques grèvent considérablement notre mortalité. Or, à cet égard, notre cécité est totale !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 OCTOBRE 1998

M. Jean-François Mattei.

C'est vrai !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Merci de le reconnaître, monsieur le député, et dans la mesure où c'est vrai, il faut en tenir compte, le reste étant positif.

Le Haut comité de la santé publique reconnaît que l'amélioration est manifeste, en dehors de ces deux critiques très lourdes, sur lesquelles nous reviendrons : l'inégalité régionale et l'inégalité par rapport aux familles et aux individus, compte tenu des revenus et des conduites à risques.

Une petite ironie consiste à dire que la durée de vie, ce n'est pas suffisant. Pardonnez-moi, mais cela est tout de même le reflet très direct des prises en charge en matière de santé publique.

M. Yves Bur.

Et la qualité de vie ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Nous ne la négligeons pas non plus. Nous tentons d'améliorer la prise en charge des personnes âgées et nous continuerons d'oeuvrer en ce sens tous ensemble. Mais la durée de vie, s'accompagnant d'un renforcement de la qualité de vie, est l'indicateur majeur. De ce point de vue, le rang que nous occupons est particulièrement significatif dans le monde : nous gagnons trois mois de vie chaque année. Avouez que ce n'est pas mal ! M. François Goulard Plutôt deux mois !

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

Il s'agit bien de trois mois !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Disons entre deux et trois mois par an. (Sourires.)

Je remercie M. Terrier d'avoir exposé avec tant de clarté les enjeux du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. C'est bien pour améliorer la prise en charge et la santé publique que nous avons orienté ce projet dans cette direction.

Monsieur Mattei, je vous suis reconnaissant du ton avec lequel vous avez ouvert une discussion que nous devons avoir. Personne ici ne se cache la nécessité de regarder les expériences des autres - Martine Aubry vient d'ailleurs de reconnaître cette nécessité - pour ce qui concerne l'assurance maladie, mais pas seulement. Personne ne se cache la nécessité de comparer les prises en charge au sein de l'évolution du monde moderne. Je n'irai pas jusqu'à reprendre les exemples que vous avez cités - Axa et Groupama. Mais nous considérons comme vous que le débat est indispensable.

Vous dites avec raison que l'on peut soit augmenter les recettes, soit diminuer les remboursements, ce que le Gouvernement ne veut pas. En revanche, je ne suis pas d'accord avec vous pour ce qui concerne le contrôle et la manière de maîtriser les dépenses - la maîtrise « médicalisée ».

Ne nous gargarisons pas trop avec le mot « médicalisée »...

M. Jean-François Mattei.

Vous avez raison !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Le contrôle est le contrôle, et la dépense est la dépense !

M. Jean-François Mattei.

Nous sommes d'accord !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Il vaut mieux médicaliser car cela va dans le sens d'un bon usage de la dépense. Mais il ne suffit pas de dire, en sautant comme un cabri, qu'il convient de médicaliser si nous contrôlons ! Car il importe alors de ne pas dépasser l'enveloppe, à moins que vous ne me proposiez un autre système !

M. Jean-François Mattei.

Nous sommes d'accord !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Il est tout à fait clair que le contrôle strict est celui de la dépense, du gâchis. Il concourt à la meilleure utilisation du dispositif et va dans le sens de l'égalité sanitaire.

Permettez-moi de vous dire que nous ne sommes pas au bout de notre effort. Nous souhaitons, c'est tout le sens de notre démarche, aller plus loin.

Quant à l'égalité des chances sur notre territoire, c'est facile à dire mais difficile à faire. Mais nous devrions parler pendant des heures de l'égalité des chances dans l'urgence, d'une part, et dans les maladies chroniques, d'autre part, car ce n'est pas la même chose. Autant la prise en charge pour des pathologies d'urgence, de la manière le plus égalitaire possible, est déjà très difficile car les distances comptent terriblement, autant l'harmonisation est possible pour les maladies chroniques, par le biais d'une mise en réseau telle que nous tentons de la faire, ce qu'ont rappelé certains d'entre vous.

Ainsi que Martine Aubry l'a dit, la fermeture de 2 900 lits ne nous fait pas plaisir, même si cela était nécessaire. Mais ce qui nous touche surtout, ce sont les 390 mouvements d'harmonisation dans les SROS. Nous publierons bientôt le document qui articule entre les hôpitaux, entre les hôpitaux et les cliniques, entre la ville et l'hôpital, ces mouvements, suivis irrégulièrement, en tout cas d'une manière qui n'est pas complètement homogène, par les agences régionales d'hospitalisation, mais très significativement.

Le débat sur la prise en charge par les mutuelles est important.

Les taux de remboursement moyen atteignent 73 % seulement, ce qui nous place loin derrière d'autres pays.

Mais ces derniers n'ont pas de mutuelle. Et si, comme l'a rappelé Claude Evin, les cotisations augmentent, ce qui compte, c'est le résultat. En France, ceux qui n'ont pas de mutuelle vont se voir pris en charge d'une meilleure manière par les projets que nous allons vous proposer au début de l'année, avec la couverture maladie universelle pour certains et le remboursement du ticket modérateur pour cinq millions de nos concitoyens. Ainsi, les inégalités, sans disparaître, seront considérablement gommées.

Mais la vraie réforme à mettre en oeuvre doit tendre à supprimer les inégalités de formation, dans toutes les professions de santé, et tout particulièrement pour les médecins. Personne n'en parle parce que cela paraît éloigné du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Mais ça ne l'est pas ! Il faudra attendre l'achèvement de la réforme que Claude Allègre et moi-même avons engagée pour en être convaincu, mais sa mise en oeuvre prendra du temps car nous nous heurtons à tous les corporatismes au plus haut niveau de la hiérarchie médicale.

Nous essayons de faire une réforme de la formation initiale et une réforme de la formation continue. Cette dernière était jusqu'à présent complètement bloquée ; elle passera par une loi. C'est en modifiant, en proposant d'autres systèmes de formation que nous nous rapprocherons de l'égalité.

La solution consistant à mettre en concurrence les caisses a été appliquée dans certains pays. Vous avez parlé des Etats-Unis et de la Hollande. Mais leur situation n'est pas comparable.

L'exemple des Etats-Unis me paraît très significatif.

M. Jean-François Mattei.

Mais je l'ai refusé !

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Mais sans dire pourquoi !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 OCTOBRE 1998

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

On vient en effet de s'apercevoir, à en croire les dernières dépêches diplomatiques, que les dépenses de prise en charge du système de soins augmenteraient d'un facteur 2,5, ce qui n'est absolument pas compatible avec une maîtrise médicalisée des dépenses de santé, du moins dans notre système. Et un tel dérapage a eu lieu, alors même que les indicateurs de santé publique ne se sont pas améliorés. Les Etats-Unis ne sont donc pas un exemple. Ou plutôt, ils sont l'exemple que nous fuyons.

En revanche, en produisant l'exemple de la Hollande, vous avez eu raison, monsieur Mattei. Certaines personnes sont assurées dans des caisses différentes suivant leurs revenus. C'est exactement ce que nous ne voulons pas ! Que les caisses soient mises en concurrence, ce n'est peut-être pas inenvisageable, mais qu'on soit assujetti différemment en fonction de ses revenus, cela ne nous plaît pas.

L'exemple d'Israël, que vous n'avez pas cité, mériterait d'être considéré. Le Gouvernement travailliste avait en effet mis en concurrence des caisses qui étient gérées par les syndicats.

Ces expériences me semblent dignes d'intérêt. Examinons sans a priori ce qui se passe en Europe. Vous serez surpris de constater que non seulement nos résultats s'améliorent, mais qu'ils nous placent presque à chaque fois en tête des performances européennes. Cela signifie que notre système, si on ne le gâche pas, a fait suffisamment ses preuves pour qu'on puisse le conserver.

Monsieur Accoyer, vous parlez de coercition et d'immobilisme - formule adoptée aussi par M. Préel.

Mme Dominique Gillot, rappoteur pour la famille.

Il parlait de la politique de ses amis !

M. Bernard Accoyer.

Je n'ai pas parlé de coercition.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Martine Aubry a répondu sur ce point. Mais, concernant la coercition, monsieur Accoyer, je vous rappelle que le plan Juppé prévoyait un reversement collectif !

M. Bernard Accoyer.

Individualisé !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Individualisé par le chèque mais collectif sur la profession...

M. Bernard Accoyer.

Il n'était pas lié aux revenus !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Non, et cela me paraissait encore plus injuste.

Quoi qu'il en soit, le reversement sur la vertu du médecin que vous réclamez n'était absolument pas envisagé. Il était d'ailleurs strictement impossible dans un premier temps, ce qui revient au même.

Monsieur Accoyer, vous avez dénoncé une agression contre les professions de santé. Je ne peux pas le laisser dire ! Nous rencontrons en permanence les professionnels.

Martine Aubry vient de parler des internes, avec lesquels nous négocions depuis huit mois. Nous sommes d'ailleurs parvenus à un accord avec eux. Pour la première fois, leurs gardes ont été revalorisées et personne ne s'en est plaint. Nous avons même été jusqu'à leur faire accepter, nombre d'entre vous l'ont souligné, des filières en gynéco-obstétrique, en pédiatrie et en anesthésiologie.

M. Jean-Michel Dubernard.

Certes. Mais leur grève est bien tombée : au moment de celle d'Air France !

M. le président.

Monsieur le secrétaire d'Etat, ne vous laissez pas interrompre et laissez le président donner la parole à ceux qui doivent la prendre. Pour l'instant, c'est vous qui l'avez.

M. Gérard Terrier.

M. le secrétaire d'Etat est courtois !

M. Jean-Luc Préel.

Et il adore dialoguer !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

La grève, que je ne souhaite pas du tout, n'a pas été nécessaire car la négociation a eu lieu et a abouti. Nous butons encore sur un obstacle important, à savoir comment pourraient être distribuées dans les régions les spécialités en fonction des besoins. Nous devons absolument y parvenir. Tout le monde est d'accord, monsieur Dubernard, sauf les internes. Mais nous continuerons cette négociation. Il faut pouvoir mettre des anesthésistes ou des chirurgiens à l'endroit où l'on en manque. Sinon, autant fermer l'hôpital.

Et ce n'est pas ce que nous souhaitons.

En tout cas, une harmonisation s'impose. Ce ministère ne doit plus être le ministère du soin, pour devenir enfin celui de la santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Très bien !

M. Bernard Accoyer.

Belle formule, mais il y a du chemin à faire !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Pour cela, il conviendrait de modifier complètement notre façon de voir.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Je vous signale d'ailleurs, sans polémiquer outre mesure...

M. Jean-Luc Préel.

Sans polémiquer du tout ...

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

... que les médecins ne sont pas descendus dans la rue lorsque nous étions aux reponsabilités et que, jusqu'à maintenant, la négociation a permis de l'éviter.

M. Robert Pandraud.

Cela peut revenir !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

On verra...

Merci, monsieur Accoyer, d'avoir souhaité l'équilibre en 1999.

M. Bernard Accoyer.

Il n'y a pas de quoi ! Je le souhaite vivement.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Si vous le souhaitez, on va y arriver.

M. Robert Pandraud.

Bravo, Accoyer !

M. Jean-Pierre Foucher.

Si c'était vrai...

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Et vous direz à vos correspondants actuels, qui tentent de vous séduire, aux médecins qui voudraient aller dans la rue, que ce n'est pas nécessaire. Car l'intérêt est que le système fonctionne.

Mme Dominique Gillot, rapporteur pour la famille.

Bravo !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Une telle démonstration ne ferait en rien avancer le système.

M. Robert Pandraud.

On adore la rue !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Ce que vous avez dit à propos de la pénalisation des laboratoires français n'est pas juste.

Martine Aubry vous a parlé de notre politique du médicament. Je n'y reviendrai pas, sauf sur un point. Il est en effet extraordinaire que ce « marché captif », qui était à la portée des laboratoires, les ait pénalisés dans leurs recherches et ne leur ait pas permis de disposer de molécules innovantes. La recherche française en fut tétanisée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 OCTOBRE 1998

Nous avons soutenu - vous et nous, - pendant trop longtemps des laboratoires dont les médicaments n'étaient pas suffisamment performants pour traiter les Françaises et les Français. Nous les avons maintenus en l'état. Ce n'était pas une bonne politique.

Maintenant, nous allons prendre chaque produit, catégorie par catégorie, et déterminer quel service médical il pourrait rendre. Mais nous n'avons pas l'intention de pénaliser les laboratoires français, malgré leur manque de performance. Combien de groupes français possèdent actuellement des molécules innovantes dans leur système de recherche ? Cela dit, nous nous sommes félicités de la mise sur le marché, il y a dix jours, d'un produit qui, sans constituer une révolution, jouera un rôle capital dans le domaine de la douleur des enfants. C'est un mélange de paracétamol et de codéine, qui s'appelle le Codenfant. Je me suis d'ailleurs rendu dans le laboratoire.

M. Robert Pandraud.

Ah !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Cela ne vous paraît pas beaucoup mais, pour ce laboratoire, c'était très important. Cela signifie que les enfants en France pourront moins souffrir. Actuellement, on prend en charge 1 % de leur douleur alors qu'on pourrait en prendre en charge 80 %. Il n'y a donc pas de quoi sourire.

M. Robert Pandraud.

Comment s'appelle ce nouveau médicament ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Le Codenfant.

M. Jean-Marie Le Guen.

Vous n'êtes plus un enfant, monsieur Pandraud. (Sourires.)

M. Robert Pandraud.

On aura appris quelque chose !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

On a parlé d'innovat ion française en matière de vaccins, de thérapies géniques. Nous sommes très heureux de l'apparition de celles-ci et nous sommes très heureux de les soutenir.

Vous le savez, Claude Allègre et nous-mêmes avons décidé que la recherche médicale, la recherche pharmaceutique en particulier, serait le premier budget de recherche en France. Cela aussi, c'est nouveau et cela ne s'était pas fait depuis une trentaine d'années.

Quant aux fermetures en milieu hospitalier, ne croyez pas, monsieur Accoyer, que cela nous amuse. Nous avons pris, et je réponds là à Mme Fraysse, un décret concernant les maternités. Mais je vous rappelle que l'harmonisation des maternités date de 1972. Marie-Madeleine Dienesch a été à l'origine de la première circulaire. Rien n'a été fait depuis.

Le seuil de 300 accouchements par an n'est pas magique : à moins un, on ferme ; à plus un, on laisse ouvert... Sûrement pas !

M. Gérard Hamel.

C'est intéressant !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Ce chiffre indique la fréquentation nécessaire non seulement pour que l'expérience des praticiens, des sages-femmes, des infirmiers et des infirmières soit suffisante, mais encore pour que la sécurité soit assurée.

Il n'est pas question de l'utiliser comme une guillotine.

Nous souhaitons plutôt harmoniser les petites maternités qui, ainsi, se renforceront. Nous en avons absolument besoin parce que, dans notre pays, 15 à 20 % seulement des enfants de moins de trente-trois semaines et de moins de quinze cents grammes naissent dans une maternité où une réanimation néonatale est possible. Dans les pays environnants, la proportion est de 80 %. Renforcer la sécurité maternelle et la sécurité des enfants, tel est donc notre objectif. S'il existe des domaines où nous sommes encore en retard, il faut le reconnaître. Eh bien, oui, pour les maternités, nous sommes en retard ! Voilà le sens de notre démarche. Nous n'avons pas voulu fermer brutalement les maternités. Les SROS pédiatriques et des SROS périnataux nous serviront de cadre. Et les états généraux offriront l'occasion de débattre des mesures nécessaires. Car nous n'entendons pas laisser à la disposition des mamans et des familles des maternités dangereuses.

Je ne voudrais pas citer les événements de ces dernières semaines, mais, je vous assure, hélas ! qu'il y avait de quoi se féliciter de la sortie de ces décrets.

Mme Jacqueline Fraysse.

Il faut moderniser ces maternités !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Bien sûr. Et vous nous trouverez l'argent ? On peut bien sûr, les moderniser mais en les mettant en réseau.

Mme Jacqueline Fraysse.

En les mettant en réseau, mais pas en les fermant !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Nous n'avons pas l'intention de fermer, si l'on peut faire autrement. Et nous avons connaissance de certains mouvements opérés par les maternités pour se mettre en réseau. C'est tout à fait satisfaisant.

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

C'est très bien !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Mme Fraysse demandait si l'on pouvait améliorer la santé des Français.

Bien évidemment si, comme je l'ai dit tout à l'heure, les conduites à risque et les inégalités régionales sont prises en compte.

Je suis, pour ma part, très surpris de constater que les médecins ne « s'emparent » pas, si j'ose dire, des accidents de la route. Malgré les 150 000 blessés graves et les 8 300 morts de l'année, la réduction de cette mortalité ne constitue pas un objectif médical.

Madame Fraysse, vous avez parlé du retard des états généraux. Je n'y crois pas que ce soit le cas. Quarante réunions relativement importantes, c'est-à-dire regroupant plus de 300 personnes à chaque fois, se sont récemment déroulées dans notre pays. Et nous pourrons passer à une deuxième étape. Car les comités de pilotage régionaux ont adopté leur régime de croisière. C'est assez satisfaisant.

Nous avons du temps devant nous. Ne nous précipitons pas. Que chacun des élus, et nous sommes à la disposition de ceux-ci, organise de façon contradictoire des réunions dans sa ville ou dans sa région. Nous devons pouvoir débattre de projets qui intéressent tous les Français.

S'agissant des médicaments génériques, je répondrai à plusieurs d'entre vous.

Je ne vois pas pourquoi la mesure qui les concerne provoque tant de méfiance. Elle était attendue par tous, non seulement pour des raisons d'économies, mais aussi pour des raisons liées au progrès qu'on en attend. Le système fonctionne dans tous les pays du monde.

Comment se fait-il qu'on ne fasse pas confiance aux médecins qui l'ont enfin accepté et aux pharmaciens ? Les syndicats ont tous signé. Ne soyons pas plus royalistes que le roi !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 OCTOBRE 1998

Que peut-il arriver ? Que les personnes âgées qui ont l'habitude d'utiliser certains comprimés, certaines couleurs de gélules etc. soient un peu déroutées. Nous veillerons à y remédier. Nous aurons des piluliers à notre disposition et nous demanderons aux pharmaciens d'être particulièrement attentifs.

Au-delà, 15 % des médicaments français sont maintenant « génériqués » et 50 % sont « génériquables ». Et ce n'est pas 4 milliards que l'on pourrait gagner, mais 11 milliards ! Nous sommes tous d'accord pour favoriser le recours aux médicaments génériques. Encore une fois, il s'agit de mêmes médicaments, au même dosage, des mêmes molécules, etc. Ne nous méfions donc pas de ce progrès, qui a été appliqué dans tous les pays du monde.

Vous avez été assez critiquée à propos de la prise en charge de la douleur et des soins palliatifs. C'est une question à laquelle je suis attaché. Nous avons mis en place un plan triennal contre la douleur. C'est la première fois que nous allons pouvoir disposer d'une prise en charge quasi systématique de la douleur puisqu'un livret sera remis à chaque malade entrant à l'hôpital.

Avant, on ne se sentait pas le droit de se plaindre, on masquait sa douleur pour éviter d'être considéré comme un « douillet ». Tout cela, c'est fini.

Le carnet à souche sera supprimé et il sera possible de faire prescrire sous contrôle médical, par les infirmiers et les infirmières, la nuit quand il n'y a pas de médecin et l'après-midi quand il faut le chercher partout, des antalgiques majeurs pour les patients qui souffrent. Ce n'est pas déchoir. Figurez-vous qu'il y a longtemps qu'on le fait dans le reste du monde, sans que cela ait entraîné aucun accident. En cette matière, l'excès de hiérarchie et de pouvoir médical est nuisible.

Il est évident que ces prescriptions ne pourront avoir lieu sans indication thérapeutique dans les services d'urgence. Les conduites générales à tenir seront édictées par les médecins, appliquées par les infirmiers et les infirmières ; sans compter des consignes individuelles, quand les patients le demanderont.

M. Jean-Michel Dubernard.

Où ont disparu les 200 postes promis ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Ils n'ont pas disparu.

Et ce ne sont d'ailleurs pas 200, mais 140 praticiens qui seront désignés l'année prochaine dans les services d'urgence.

M. Jean-Michel Dubernard.

C'était déjà voté dans le budget de l'année dernière ! M. le secrétaire d'Etat à la santé.

On a créé cette année un certain nombre de postes.

L'ennui, monsieur Dubernard - et c'est pour cela que nous avons modifié notre système - c'est que lorsqu'on désigne un praticien hospitalier pour les soins palliatifs, la lutte anti-douleur ou toute autre spécialité, il est absorbé par l'hôpital.

M. Bernard Accoyer.

On l'a compris !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Alors, ne me posez pas la question ! (Sourires.)

Vous avez bien compris ? Voilà un aveu que j'aime...

Concernant les soins palliatifs, donc, jamais dispositif aussi ambitieux n'aura été mis en place. Nous allons disposer cette année d'équipes mobiles et d'équipes fixes dans toutes les régions de France. Nous avons consenti pour cela un effort financier important. Et je pense que notre politique et notre formation en matière de soins palliatifs seront bien vite reconnues.

M. Préel a parlé d'immobilisme. Nous n'avons pas été immobiles, je crois que notre plaidoyer vous en aura convaincu...

M. Jean-Luc Préel.

Pas vraiment !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Pas vraiment ? Alors je vais faire une nouvelle tentative.

Comme Martine Aubry vient de vous le dire, nous n'avons pas voulu étatiser la CNAM. Je vous assure que ce n'est pas notre souci. Elle est déjà bien assez importante comme ça. Au contraire, nous lui avons donné la liberté, lors du dialogue que nous avons eu avec elle, de s'ouvrir à certaines décisions...

M. Jean-Luc Préel.

Est-ce que M. Fragonard a compris ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Mais, justement, son successeur semble le comprendre. Je ne sais pas si vous avez vu qu'une succession s'était opérée entre-temps... Je pense que vous ne serez pas déçu sur ce point. D'ailleurs, la répartition des enveloppes a été discutée avec la CNAM et ce dialogue sera renouvelé.

En ce qui concerne les morts évitables, vous avez tout à fait raison, monsieur Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Merci !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Je vous l'avais déjà dit l'année dernière. Mais reconnaissez que depuis lors, nous avons fait, concernant le dépistage du cancer, la prise en charge de l'hépatite C et certaines pathologies lourdes, des efforts considérables.

S'agissant du tabac, nous allons poursuivre nos efforts.

Je déplore que les accidentés de la route ne soient pas mieux pris en charge.

Sur les morts évitables, on peut encore faire des progrès. Nous voulons gagner 1 000 vies sur le cancer du sein...

M. Jean-Luc Préel.

Vous savez qu'il manque une coordination !

M. le président.

Monsieur Préel, s'il vous plaît ! Poursuivez, monsieur le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Je poursuis... Ajoutons 250 millions de francs pour le dépistage systématique du cancer du sein et du cancer de l'utérus. Cela n'avait jamais été fait dans notre pays, nous nous occuperons du cancer colo-rectal aussitôt après.

Tout cela est financé, monsieur Préel, et vous aurez satisfaction si nous évitons chaque année, à partir de l'année prochaine, 1 000 morts d'un côté, 600 morts de l'autre. J'espère en tout cas que la manière dont les examens, les frottis et les dépistages seront pris en charge constitue pour vous un progrès.

Sans attendre que des expérimentations soient faites, nous allons mettre un forfait à la disposition de ceux qui le veulent. Ce forfait permettra, à l'intérieur du réseau, de se déplacer d'un spécialiste à un autre, d'un généraliste à un autre, d'un nutritionniste à un kinésithérapeute.

Nous allons commencer par la douleur, qui sera probablement prise en charge au forfait. Et nous continuerons pathologie par pathologie.

Le dossier des spécialités était entièrement vierge. Je réponds ainsi à M. Goulard et à M. Dubernard qui a posé une question sur le travail à l'hôpital. Les spécialités allaient à vau-l'eau. Il n'y avait aucune volonté de changer les filières. Comment peut-on former des spécialistes si on n'a pas à notre disposition une filière renouvelée de l'internat ? Nous l'avons fait.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 OCTOBRE 1998

Ce n'est pas suffisant. Mais, dans les spécialités qui m anquent cruellement d'effectifs, l'anesthésie par exemple, nous allons pouvoir, dans quelques années, le temps de les former, disposer de suffisamment de praticiens hospitaliers. C'est une nouvelle perspective.

M. Jean-Luc Préel.

Et le statut des personnels hospitaliers ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

J'y viens. Mais c'est curieux, dès que je peux faire une réponse positive, vous passez à autre chose ! Je comprends votre souci de perfectionnisme. C'est pour cela, d'ailleurs, que je réponds surtout aux détracteurs et à peine à ceux qui approuvent, ce qui est tout à fait injuste, je le répète.

les PH mènent une discussion avec le ministère depuis six mois. Nous avons entre-temps valorisé le travail de certaines catégories d'aides-soignantes. C'était légitime et urgent. Nous passons progressivement d'une catégorie à l'autre, parce que nous n'avons pas à notre disposition un budget suffisant pour augmenter tout le monde d'un seul coup. Je sais la nécessité de travailler très profondément sur le statut de certaines spécialités dont l'exercice est particulièrement pénible. C'est une évidence et nous sommes en train de le faire. Une discussion très serrée a été engagée avec les services du budget.

Nous avons revalorisé les praticiens adjoints contractuels et les praticiens à temps partiel. Nous avons également revalorisé les gardes des internes et nous réformons leur statut. De même pour la périnatalité, puisque nous avons augmenté, par exemple, le prix de l'accouchement.

Nous avons reçu les urgentistes la semaine dernière encore, et nous sommes, je l'espère, en train de trouver une solution avec eux. Mais je vous pose une question, monsieur Préel...

M. Jean-Luc Préel.

Je ne pourrai pas y répondre !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

En effet, vous n'en avez pas le droit. (Sourires.)

Devons-nous créer une spécialité d'urgentiste comme dans certains autres pays ? Voilà un beau débat. Est-ce nécessaire ? Il y a eu beaucoup de publications sur les urgences.

Un ami me souffle : « Tu as été très bon, maintenant arrête-toi ! » (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je croyais qu'il fallait que je tienne jusqu'à une heure ! Je ne comprends plus les consignes ! (Rires.)

M. le président.

Monsieur le secrétaire d'Etat, poursuivez vos réponses, s'il vous plaît. Le reste n'est que discussion de couloir !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

C'est vrai, monsieur le président. Mais je voudrais savoir si dans cette assemblée, les questions sont posées pour qu'on y réponde...

M. Bernard Accoyer.

Vous avez répondu à tout !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

... ou simplement pour être posées. S'il s'agit d'un pur exercice de style, je me tais. Si elles appellent de vraies réponses, je suis à votre disposition.

M. Bernard Accoyer.

Vous avez déjà très bien répondu !

M. Jean-Luc Préel.

Oui, mais pas à tout !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Sur le MICA, j'ai répondu hier, vous vous en souvenez ?...

M. Bernard Accoyer.

Oui, oui, on s'en souvient !

M. François Goulard.

C'était d'une clarté lumineuse !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Votre mémoire va jusque-là ? Merci ! J'ai répondu à la question posée à peu près dans les mêmes termes par M. Evin et M. Préel sur les rapportse ntre l'ARH d'Ile-de-France et l'Assistance-publique Hôpitaux de Paris. Nous travaillons à les améliorer.

M. Bernard Accoyer.

Cette question-là, nous ne l'avons pas posée !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Il n'empêche qu'elle est peut-être importante.

Puisque M. Dubernard et M. Evin m'ont interrogé sur cette harmonisation, est-ce que vous savez, les uns et les autres, combien il y a à Paris de services de chirurgie digestive ?

M. Bernard Accoyer.

Oui, on le sait !

M. Jean-Michel Dubernard.

Evidemment !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Si vous le savez, c'est que je vous l'ai dit hier ! Quarante-deux services de chirurgie digestive, est-ce raisonnable ? Non ! Ce n'est pas raisonnable !

M. François Goulard.

Il faut être plus précis ! Citez-les un par un...

M. le président.

Messieurs...

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Cette situation est évidemment le symbole de ce que nous devons petit à petit changer. Il faut que les hôpitaux d'Ile-de-France soient mieux équilibrés par rapport à l'AP-HP. Il faut plus de justice dans la répartition. M. Vergnes, qui est le président des directeurs de CHU, a proposé, et nous l'avons acceptée, une idée intéressante : il pense que, dans les CHU, majesté, excellence de notre système hospitalier, il ne doit plus y avoir division spécifique des spécialités.

Cette redondance, cette façon qu'ont certains patrons de diviser les services en petites unités de soixante lits, puis de quarante, puis de vingt, pour nommer leurs élèves chefs de service n'est plus acceptable.

M. Jean-Michel Dubernard.

C'est une question de sens des responsabilités.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Vous êtes d'accord, monsieur Dubernard, ce n'est plus acceptable. Vous avez d'ailleurs proposé hier de remettre en route les centres de responsabilité hospitaliers.

M. Jean-Luc Préel.

Avec délégation de gestion !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Je ne réponds pas à

M. Georges Sarre...

M. Bernard Accoyer.

Pas la peine, il n'est plus là !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

... puisque Martine Aubry l'a fait.

M. Bernard Accoyer.

Voilà ! C'est fini !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Mais partez donc, monsieur Accoyer, je ne vous retiens pas !

M. Bernard Accoyer.

J'y suis, j'y reste ! Je fais mon travail !

M. le président.

Monsieur Accoyer, laissez M. le secrétaire d'Etat achever ses réponses.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Surtout qu'il est très bon !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 OCTOBRE 1998

M. Bernard Accoyer.

Moi, je le trouve un peu long !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

M. Laffineur demandait l'individualisation du contrôle, l'autocontrôle des médecins. Nous avons déjà répondu. L'autocontrôle, c'est la définition même de la maîtrise dite médicalisée. Nous le souhaitons tous même si, jusqu'à présent, il n'a pas donné de vrais résultats.

M. Jean-Luc Préel.

Il n'a jamais vraiment été essayé.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Mais si ! Nous avons tenté l'expérience de la médicalisation du contrôle, ...

M. Jean-Luc Préel.

Nous aussi !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

... à partir de Claude Evin et de René Teulade, et dans un premier temps nous avons obtenu d'excellents résultats. Aujourd'hui, c'est toujours nécessaire, mais ce n'est plus suffisant. Est-il possible d'aller jusqu'à l'autocontrôle ? Soyons clairs, cette vertu reconnue, médecin par médecin, n'est peut-être pas souhaitable, comme l'a dit Martine Aubry. Elle est de toute façon impossible pour le moment, dans l'état actuel du système, malheureusement.

Monsieur Dubernard, je vous ai répondu sur tout, sauf sur le climat qui se dégrade à l'hôpital. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Mais comment peut-on dénoncer la dégradation du climat, ...

M. Jean-Michel Dubernard.

Je ne la dénonce pas, je la vis !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

... ce qui sousentend, pour la combattre, un renforcement des statuts, une amélioration de l'organisation hospitalière et des recrutements, et demander en même temps que l'on maintienne l'ensemble du système en l'état ? Comment pouvez-vous régler ce problème à enveloppe close ? Comment pouvez-vous penser que si on n'harmonise pas, si on ne complète pas un service par rapport à l'autre, on pourra améliorer les choses ? C'est impossible, tout le monde le sait. Pour assurer une prise en charge égalitaire dans tout le pays, il faut harmoniser les services. Des spécialités redondantes doivent disparaître. Et il faut aller plus vite, en effet, dans la réforme hospitalière.

M. Jean-Michel Dubernard.

Commencez par appliquer la loi !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Monsieur Terrasse, vous avez parlé du psychosocial et des 7 000 places pour les handicapés, mais vous avez souhaité que tous puissent accéder au secteur protégé. C'est le même problème que nous évoquons actuellement : il faut l'accès pour tous à des services égaux, à qualité égale. On peut toujours maintenir de petits services dont le plateau technique est insuffisant et où certaines spécialités ne sont pas représentées, ce serait facile ! Mais ce n'est pas assurer l'égalité, c'est au contraire creuser les inégalités.

Alors, nous essayons de revoir les SROS en ouvrant le débat, en cherchant à prouver que, parfois, faire quelques kilomètres de plus est une sécurité assurée pour les patients.

M. Jacques Barrot n'est plus là. Martine Aubry lui a répondu.

Je vous remercie, monsieur Perrut, pour ce que vous avez dit à propos du dépistage du cancer. J'ai noté en effet que vous aviez lu intégralement ce que M. Préel n'avait lu que partiellement. Les morts évitables, nous sommes en train de nous y atteler. Le dispositif de dépistage du cancer en est l'exemple.

S'agissant des RMO, monsieur Bacquet, nous avons bien conscience que les opposer de manière négative aux pratiques médicales était une erreur. Il faut être positif. Il faut proposer des conduites, des prises en charge, des réseaux et des forfaits, probablement par pathologie.

Vous avez parlé des génériques pour vous en féliciter, et je vous en remercie.

Quant à l'informatisation, nous avons déjà souligné qu'elle faisait des progrès.

Sur la substitution des génériques aux spécialités plus coûteuses, monsieur Foucher, j'ai déjà répondu. La signature des syndicats de pharmaciens est suffisamment éclairante à ce propos.

Lier le remboursement à l'activité du médicament est un vrai problème. Qu'est-ce que l'activité du médicament, quand une bonne moitié de notre pharmacopée est sujette à discussion quant à ses effets médicaux ? Est-ce pénalisant pour les patients de se demander à quoi sert une part importante, sinon la majorité des médicaments qu'ils absorbent ? De penser qu'une ordonnance de dixhuit produits est trop lourde ? Non ! Tout cela va de soi, maintenant. Tant pis pour certaines pratiques, mais elles étaient sans doute pathogènes en elles-mêmes et il faut diminuer la consommation médicamenteuse en privilégiant les molécules performantes.

M. Jean-Pierre Foucher.

Et l'article 7 ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Ecoutez, je ne vais quand même pas répondre à tous ceux qui m'ont dit des choses gentilles à ce propos !

M. Jean-Pierre Foucher.

Vous ne m'avez pas répondu sur l'article 7 !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Si, monsieur Foucher, et très précisément.

M. Nauche a évoqué les droits des patients et la prévention. La manière dont, pour la première fois, la CNAM va prendre en charge, dans la convention, les mesures de prévention, d'information et de mise en réseau est ce qu'il y a de plus nouveau dans nos propositions. J'aurais aimé que ce soit mis plus en évidence.

M. Nauche l'a fait et je l'en remercie. Les dispositifs non prescriptifs qui pourront être remboursés par la CNAM, la mise en réseau, la prise en charge au forfait de la pathologie, tout cela est non seulement nouveau, mais portera très vite ses fruits.

M. Robert Pandraud.

Et nous en arrivons à l'article 7 ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Oh ! je vous comprends. Quand on parle le dernier, on vous sent plus fatigués ! (Rires et exclamations.)

M. Jean-Pierre Foucher.

Non ! Non !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

On ne se lasse pas !

M. Bernard Accoyer.

Mais on aimerait quand même faire avancer le débat !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Je crois avoir répondu à M. Blazy.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous en prie ! Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Madame Génisson...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 OCTOBRE 1998

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Voilà, terminez en répondant à Mme Génisson !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Non, je veux aussi répondre à Sylvie Andrieux, à Francis Hammel, à Nicole Feidt.

Madame Génisson, vous avez souligné la nécessité de la prévention. Nous vous avons répondu, je crois.

M. Bernard Accoyer.

Oui !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Vous pensez que, pour l'égalité d'accès aux soins, beaucoup reste à faire.

M. Bernard Accoyer.

Oui !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Je l'ai dit, c'est notre inégalité principale.

M. Bernard Accoyer.

Vous l'avez déjà dit, en effet !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Mais l'avez-vous bien compris ? Je n'en suis pas sûr ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Robert Pandraud.

La pédagogie est l'art de la répétition !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Mais oui, et de temps en temps, cela finit par rentrer !

M. Bernard Accoyer.

Même au compte rendu intégral, ils seront obligés de faire une synthèse !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

S'agissant des maternités, je vous remercie, madame Génisson, d'avoir souligné que 300 accouchements n'était pas un chiffre guillotine.

Faut-il créer une spécialité de médecine d'urgence ? Je n'en sais rien. Le débat doit avoir lieu. Ce qu'il faut reconnaître et s'efforcer de réduire - d'ailleurs, nous l'avons déjà fait - c'est la pénibilité de l'exercice de cer taines spécialités, comme celles d'urgentiste ou d'anesthésiste. Il est certain qu'on ne peut pas maintenir, ne serait-ce que pour la sécurité des malades, le dogme français qui veut que l'on fasse, après une journée de travail, une garde la nuit, et que l'on reprenne le lendemain comme si de rien n'était.

Vous avez souligné, madame Andrieu, la surmortalité que l'on constate dans certains quartiers. Oui, c'est là une inégalité absolument insupportable, et nous essayons d'y remédier. D'abord par la médecine scolaire, que nous sommes en train de renforcer en collaboration avec le ministère de l'éducation nationale.

M. Jean-Luc Préel.

Et l'article 7 ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

L'article 7 ? J'ai répondu sur tout et ils s'en plaignent...

M. Jean-Pierre Foucher.

Sauf sur l'article 7 !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

... mais ils voudraient que je réponde encore sur l'article 7 !

M. le président.

Monsieur Préel et monsieur Foucher, laissez parler M. le secrétaire d'Etat !

M. Robert Pandraud.

N'ayez crainte, nous attendons sa réponse sur l'article 7 !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Mme GuinchardKunstler a parlé de la politique des soins palliatifs. Je crois que nous allons très vite en connaître les effets.

M. Aschieri a évoqué un point important : la réintroduction de l'éducation sanitaire à l'école primaire. C'était u ne demande de la conférence nationale de santé publique de 1997. On y avait demandé vingt heures d'éducation sanitaire dans les collèges, et c'est ce qui est en train d'être mis en place, sous forme expérimentale, par le ministère de l'éducation nationale.

Nous manquons de médecins de prévention et de médecins scolaires. Oui, nous le savons. Il faut aussi parler de leur statut, qui doit être renforcé. Nous allons lancer une enquête conjointe des inspections générales de l'éducation nationale et des affaires sociales sur la médecine scolaire pour savoir où nous en sommes. Elle débutera dans quelques semaines.

Je vous rappelle, enfin, que Mme Odette Grzegrzulka et M. André Aschieri ont presque accompli la mission que le Premier ministre leur avait confiée sur l'environnement et la santé. Voilà !

M. Robert Pandraud.

Très bien ! Vous allez pouvoir nous parler de l'article 7 !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Je pourrais vous parler encore du débat portant sur l'ensemble du système de soins, mais, vous l'avez peut-être compris, je n'ai rien fait d'autre que d'en parler. Je vous remercie de l'avoir noté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Pierre Foucher.

Décidément, ils jouent la montre !

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, je vais vous demander de lever la séance et je voudrais m'en expliquer.

D'abord, je remercie Mme la ministre et M. le secrétaire d'Etat pour la qualité de leur exposé et leur souci de répondre à chacun des intervenants, y compris, monsieur Foucher, sur l'article 7. On ne peut pas se lasser, monsieur Kouchner, de vous écouter à la tribune. (Rires.)

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est le Bernard show ! (Sourires.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Cela dit, p ourquoi demandé-je de lever la séance ? A quatorze heures quinze, je réunirai la commission au titre de l'article 88 du règlement. Nous avons encore une cinquantaine d'amendements à examiner, dont certains sont très importants. Je souhaite que les rapporteurs puissent les étudier, d'autant qu'ils nous sont parfois parvenus très t ardivement, ayant transité par la commission des finances.

Si nous voulons maintenir la qualité du débat en commission, nous avons besoin d'un peu de temps pour préparer la discussion des articles.

M. le président.

Avant de lever la séance, je vais donner la parole à M. Accoyer pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, alinéa 1, relatif au déroulement de la séance.

Je trouve que depuis deux heures, ce qui se passe dans l'hémicycle est particulièrement insultant pour notre assemblée. Mme la ministre et M. le secrétaire d'Etat ont fait de l'obstruction parlementaire. C'est une nouveauté ! (Protestions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 OCTOBRE 1998

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est vous qui osez dire cela ? C'est indécent !

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Vous avez déposé trois motions de procédure !

M. Bernard Accoyer.

J'entends bien dénoncer cette attitude. Certes, vous faites de l'obstruction avec plus d'amabilité qu'à l'accoutumée, madame la ministre, avec encore plus d'humour que d'habitude, monsieur le secrétaire d'Etat, mais le fait est là.

Mme Dominique Gillot, rapporteur pour la famille.

Le Gouvernement répond à vos questions !

M. Bernard Accoyer.

La majorité plurielle, à l'évidence, cherche à gagner du temps, car elle doit résoudre ses contradictions. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) C'est son problème, mais c'est tout à fait inacceptable.

Mme Odette Grzegrzulka.

Arrêtez votre obstruction !

M. Bernard Accoyer.

Quant à notre excellent président de commission, il s'est plaint, à de nombreuses reprises, des conditions de travail de la commission.

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Quatre heures de débats de procédure !

M. Bernard Accoyer.

Nous prenons acte de l'attitude du Gouvernement, qui démontre une nouvelle fois que sa majorité hétéroclite commence à se fissurer. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Malheureusement, ceux qui paient les conséquences de cette situation politique, ce sont les Français et les assurés sociaux.

Mme Odette Grzegrzulka.

Vous n'êtes pas digne de représenter les Français !

M. Bernard Accoyer.

Nous aurons l'occasion, dans les jours qui viennent, de défendre leurs intérêts fondamentaux.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Vous êtes décevant, monsieur Accoyer !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Très franchement, monsieur Accoyer, je trouve cette déclaration totalement déplacée, même si elle est faite avec humour, ce que je n'ai pas cru comprendre. Nous avons décidément deux conceptions différentes de la démocratie, y compris des ordonnances Juppé telles qu'elles ont été votées. Je croyais que ces ordonnances avaient eu pour principal effet de susciter un vrai débat démocratique au Parlement. Depuis hier, Bernard Kouchner et moi-même avons essayé d'écouter l'ensemble de vos arguments et, ce matin, nous nous sommes efforcés d'y répondre le plus complètement possible. Même si vous estimez faire de l'humour, je ne l'apprécie pas en tant que tel, et je considère que, si vous posez des questions pour qu'on n'y réponde pas, c'est que la démocratie et vous-même, cela fait deux. Pour nous, cela ne fait qu'un ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Nomination d'un vice-président de l'Assemblée nationale ; Questions au Gouvernement ; Suite de la discussion du projet de loi, no 1106, de financement de la sécurité sociale pour 1999 : MM. Alfred Recours, Claude Evin, Denis Jacquat et Mme Dominique Gillot, rapporteurs au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1148, tomes I à IV) ; M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis no 1147).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

(La séance est levée.)

(La séance est levée à douze heures quarante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT