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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

YVES

COCHET

1. Loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 7622).

M. le président.

DISCUSSION

DES ARTICLES (suite) (p. 7622)

Article 13 (suite) (p. 7622)

Amendement no 162 de M. Accoyer : M. Bernard Accoyer, Mmes Dominique Gillot, rapporteur de la commission des affaires culturelles, pour la famille ; Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité ; M. Serge Janquin, Mme Muguette Jacquaint. - Rejet.

Adoption de l'article 13.

Article 14 (p. 7624)

MM. Jacques Barrot, Jean-Luc Préel, Mmes Muguette Jacquaint, Hélène Mignon.

Amendement no 235 de M. Goulard : M. François Goulard.

Amendement no 236 de M. Goulard : M. François Goulard, Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption de l'amendement no 235 ; rejet de l'amendement no 236.

Amendement no 317 de M. Préel : M. Jean-Luc Préel,

Mmes le rapporteur, la ministre. - Rejet.

Adoption de l'article 14 modifié.

Après l'article 14 (p. 7627)

Amendement no 280 de M. Sauvadet : M. Jean-Luc Préel, Mme le rapporteur, M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. - Rejet.

Article 15 (p. 7627)

M

M. Jean-Luc Préel, Bernard Accoyer, Yves Bur, Mme Muguette Jacquaint, MM. Jean Bardet, Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles, pour l'assurance maladie et les accidents du travail ; le secrétaire d'Etat.

Amendement no 40 rectifié de la commission des affaires culturelles : M. le rapporteur.

Amendements nos 41, 42 et 43 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption des amendements nos 40 rectifié, 41, 42 et 43.

Amendement no 135 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 324 de M. Bur : MM. Yves Bur, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Jean-Luc Préel. - Rejet.

Amendements nos 323 de M. Foucher et 411 corrigé du Gouvernement : MM. Jean-Pierre Foucher, le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Retrait de l'amendement no 323 ; adoption de l'amendement no 411 corrigé et rectifié.

Adoption de l'article 15 modifié.

Après l'article 15 (p. 7634)

Amendement no 186 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, François Goulard, Mme Jacqueline Fraysse. - Rejet.

Amendement no 325 de M. Préel : MM. Jean-Luc Préel, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, François Goulard. - Rejet.

Amendement no 132 de M. Préel : MM. Jean-Luc Préel, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Article 16 (p. 7637)

MM. Jean-Luc Préel, Bernard Accoyer.

Amendement de suppression no 326 de M. Gengenwin : MM. Jean Bardet, le rapporteur, Mme la ministre, M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles. - Rejet.

Amendement no 44 de la commission : M. le rapporteur.

Amendement no 45 de la commission : M. le rapporteur, Mme la ministre, M. Bernard Accoyer. - Adoption des amendements nos 44 et 45.

Amendement no 136 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

MM. le président, M. François Goulard.

Amendements nos 237, 238 et 239 de M. Goulard : MM. François Goulard, le président de la commission, Mme la ministre. - Rejet des amendements nos 237, 238 et 239.

Amendement no 137 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 240 de M. Goulard : MM. François Goulard, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 139 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendements identiques nos 46 de la commission et 241 de M. Goulard : MM. le rapporteur, François Goulard,

Mme la ministre. - Adoption.

Amendement no 47 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Amendement no 138 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 48 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Amendements identiques nos 49 de la commission et 242 de M. Goulard : M. le rapporteur, Mme la ministre,

M. François Goulard. - Adoption.

Adoption de l'article 16 modifié.

M. Bernard Accoyer.

Suspension et reprise de la séance (p. 7643)

Article 17 (p. 7644)

M. Jean-Luc Préel.

Amendement de suppression no 140 de M. Accoyer : MM. Jean Bardet, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. Rejet.

Amendement no 50 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Bernard Accoyer. - Adoption.

Amendement no 51 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Bernard Accoyer. - Adoption de l'amendement no 51 rectifié.


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Amendement no 243 de M. Goulard : MM. François Goulard, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 163 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 328 de M. Bur : MM. Jean-Luc Préel, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Bernard Accoyer. - Rejet.

Amendement no 329 de M. Préel : MM. Jean-Luc Préel, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 164 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 165 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 166 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

A mendement no 244 de M. Goulard : M. François Goulard. - Retrait.

Amendement no 327 de M. Bur : MM. Yves Bur, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 438 du Gouvernement : MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur, François Goulard. - Adoption.

Adoption de l'article 17 modifié.

Article 18 (p. 7652)

MM. Jean-Luc Préel, Bernard Accoyer.

Amendement no 52 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances. - Adoption.

Amendement no 167 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 53 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 54 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 169 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendements nos 176 de M. Barrot et 330 de M. Préel : MM. Jacques Barrot, Jean-Luc Préel. - Retrait de l'amendement no 176.

MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet de l'amendement no 330.

Adoption de l'article 18 modifié.

Article 19 (p. 7654)

M M. Bernard Accoyer, le secrétaire d'Etat, François Goulard, Jean Bardet, Denis Jacquat, le secrétaire d'Etat.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 7657).


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(1) Le texte de cet article figure dans le compte rendu intégral de la première séance du jeudi 29 octobre 1998.

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures quinze.)

1

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 1999 Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (nos 1106, 1148).

Mes chers collègues, je vous invite à être concis et précis dans vos interventions. En effet, nous avons encore plus de 280 amendements à étudier. Je vous indique que, si le rythme de leur examen ne s'accélère pas, nous risquons d'être encore sur ce texte dans la nuit de samedi à dimanche ! Discussion des articles (suite)

M. le président.

Ce matin, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles et s'est arrêtée à l'amendement no 162, à l'article 13 (1).

Article 13 (suite)

M. le président.

L'amendement no 162, présenté par M. Accoyer et M. Hamel, est ainsi rédigé :

« Compléter le I de l'article 13 par l'alinéa suivant :

« Le versement de tout ou partie des allocations familiales peut être suspendu sur décision de justice après une étude sociale et familiale approfondie. »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, monsieur le secrétaire d'Etat à la santé, mes chers collègues, je ne doute pas que cet amendement suscitera un débat animé dans notre hémicycle. C'est d'ailleurs pour cela que je l'ai déposé.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il n'y avait pas besoin de cet amendement pour animer le débat !

M. Bernard Accoyer.

Le sujet concerné, vous n'avez pas manqué de le remarquer, a fait l'objet de discussions dans le pays, en particulier entre les responsables politiques. Il s'agit de la délinquance des mineurs, qui est devenue un problème particulièrement inquiétant en France. Nous sommes tous à la recherche de solutions pour essayer d'en atténuer la gravité.

Au-delà du travail social sur le terrain, au-delà du travail éducatif, au-delà des efforts faits en matière d'urbanisation et d'animation des quartiers, force est de constater une certaine déresponsabilisation des parents, encore qu'il faille atténuer le sens donné à ce terme. En effet, souvent pour des raisons sociales, parfois pour des raisons familiales, quand il ne s'agit pas de raisons psychiatriques, l'autorité parentale ne peut être exercée pleinement. Dans de tels cas, les parents ne sont malheureusement pas les seuls en cause. Il est d'autres exemples en revanche nous en avons tous connus à travers tel ou tel drame dans lesquels on peut reprocher aux parents plus qu'une simple défaillance de surveillance. Il arrive même parfois que certains incitent leurs enfants à des dérapages qui peuvent aboutir à des actes véritablement délictuels.

J'ai donc présenté l'amendement no 162 avec Gérard Hamel qui, en tant que maire de Dreux, est confronté quotidiennement au problème de la délinquance des mineurs et de ses effets délétères sur l'équilibre de notre société, et même, on peut le dire, sur l'équilibre de notre démocratie.

Il propose la suppression, sur décision de justice, du versement de tout ou partie des allocations familiales.

Cela signifie que seul le juge pourrait prononcer une telle décision. En outre, cette dernière ne pourrait intervenir qu'après une étude sociale et familiale approfondie.

Nous avons tenu à apporter cette précision pour faire pièce aux arguments de certains selon lesquels une telle mesure serait contradictoire avec la nécessité d'aider les familles en difficulté. La plupart du temps, en effet, la délinquance des mineurs est le fait d'enfants de familles en difficulté.

Par cet amendement, je veux donc ouvrir le débat sur la délinquance des mineurs et sur la nécessité d'accompagner la prévention au niveau de la famille par une éducation et une aide appropriée. Ne voulant pas qu'il soit dénaturé dans son fond, j'insiste sur le fait qu'il faudra une décision de justice, après une étude sociale et familiale approfondie. Il est bien clair qu'il qu'il s'agit non pas de punir les parents mais de les responsabiliser face à un problème dont l'évolution à terme est particulièrement préoccupante.

M. le président.

La parole est à Mme Dominique Gillot, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la famille, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no 162.

Mme Dominique Gillot, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la famille.

Cet amendement a été rejeté par la commission au motif qu'il n'entre pas dans les objectifs de la politique familiale de sanctionner des familles qui seraient déclarées disquali-


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fiées, démissionnaires, avant même d'avoir pu vérifier qu'elles avaient bien la capacité d'exercer leurs obligations et leur responsabilité parentales.

Or tel est l'objet de la nouvelle politique en direction des familles qui sera mise en oeuvre dans le cadre de conventions de développement avec les CAF et du partenariat avec les collectivités territoriales et les associations.

Il s'agira surtout de valoriser et de développer les lieux d'écoute, d'accompagnement et de soutien aux parents rencontrant des difficultés.

Cela étant, cette orientation de la politique familiale ne nous dispense pas de prêter une attention soutenue aux jeunes qui sont déjà sur le chemin de la marginalité ou de la délinquance afin de pouvoir intervenir rapidement.

La situation est évidemment plus grave quand de tels parcours sont favorisés par le fait que les familles n'exercent pas leurs responsabilités, voire, car cela arrive malheureusement, quand elles encouragent les enfants dans cette voie pour qu'elles profitent de leurs petits larcins ou de leurs comportements délictueux.

Mme la garde des sceaux, Mme Guigou, a engagé un travail de restructuration et d'affermissement des services concourant à la protection judiciaire de la jeunesse, au développement de mesures de réparation et d'accompagnement des familles dans l'éducation ou la rééducation des enfants. Elle a été amenée à plusieurs reprises à pré ciser la définition de cette politique. Il est donc hors de question que la politique familiale comporte des mesures coercitives à l'encontre des familles au motif qu'elles seraient reconnues défaillantes dans l'éducation de leurs enfants. Il faut, bien au contraire, les encourager et les soutenir dans l'exercice de leurs obligations.

M. Michel Meylan.

Cela ne veut rien dire ! On voit que vous n'êtes pas maire d'une ville !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Même avis, pour les mêmes arguments que ceux développés par

Mme le rapporteur.

M. Michel Meylan.

Vous refusez de traiter les vrais problèmes ! Vous n'avez rien compris.

M. le président.

La parole est à M. Serge Janquin.

M. Serge Janquin.

Assurément, mes chers collègues, votre amendement démontre une fois de plus, s'il en était besoin, que nous n'avons pas la même conception des choses et de la vie dans cette société.

M. Michel Meylan.

Qu'est-ce que cela veut dire ? Ce n'est pas sérieux !

M. Serge Janquin.

Vous avez parlé, monsieur Accoyer, de « déresponsabilisation » des parents. Certes, je vous donne acte du fait que vous avez cherché à atténuer le poids de ce terme, mais le mot a été lâché. Si vous voulez les responsabiliser, c'est bien que vous les considérez comme des irresponsables.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Meylan.

Pas de leçons de morale !

Mme Martine David.

Laissez-le s'exprimer !

M. Serge Janquin.

En l'occurrence, il faut approfondir le débat. Nous connaissons bien les raisons qui pousent les jeunes à commettre des actes d'incivilité ou de délinquance. Les principales sont le chômage...

M. Michel Meylan.

Que vous avez créé ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Serge Janquin.

... et le manque de maîtrise dans le développement de nos cités. Je ne cherche pas à imputer les responsabilités à qui que ce soit ; je regarde l'état des lieux et j'essaie de comprendre ce qui se passe.

Face à ce constat, quelle est la nature des réponses que vous proposez ? Quelle est la nature de celles que nous proposons ? A l'évidence, vous ne voyez de solution que dans la sanction. Or, si elle s'exerce à l'encontre des familles, elle frappera aussi les enfants eux-mêmes, qui sont pourtant les premières victimes de cette situation.

M. Bernard Accoyer.

C'est de l'irénisme !

M. Serge Janquin.

Ce n'est pas ainsi que nous pourrons régler le problème.

Certes, je conviens qu'il est des cas dans lesquels le prononcé de sanctions - par la voie judiciaire - s'impose.

Cependant, il est bien d'autres dispositions à prendre avant d'en arriver là.

Notre conception se situe à l'opposé de la vôtre. Elle consiste à faire acte de foi et d'espoir en notre jeunesse, à l'accompagner et à aider les structures familiales à reprendre les choses en main. Il ne saurait être question de responsabilisation, parce que nous savons bien que les familles concernées sont elles-mêmes démunies face aux détresses qu'elles rencontrent. Il faut donc avant tout les aider.

En fin de compte, mes chers collègues, il s'agit d'une question de confiance en l'homme. Voilà où réside la différence. Quelle que soit la difficulté des situations renc ontrées, nous avons désespèrement confiance en l'homme. Faisant référence à Camus, je dirai que, si difficile soit-il de remonter ce rocher au sommet de la montagne, nous sommes persuadés que, grâce à notre détermination, nous parviendrons à l'y fixer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Rires et exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

M. le président.

La parole et à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Monsieur le président, j'ai demandé la parole pour intervenir contre l'amendement no 162. D'ailleurs, M. Accoyer a bien senti, dès ce matin, que je m'opposerais à cet amendement. Je le fais avec d'autant plus de force que nous savons, ici, que des familles sont en très grande difficulté - les parents euxmêmes et, parfois, les enfants - et que la tendance est à l'abandon et à baisser les bras.

Face à cette situation, devons-nous essayer de prendre toutes les mesures de nature à leur permettre de sortir la tête hors de l'eau et à assurer leurs responsabilités au mieux, ou les sanctionner en leur supprimant différentes allocations, ce qui pénalisera en premier lieu les enfants ? Vous parliez des droits de l'enfant, monsieur Accoyer, mais ceux qui feront les frais de votre mesure, ce seront d'abord les enfants ! Et ce qui m'encourage à être encore plus offensive, c'est que, lors du débat sur l'exclusion, de nombreuses associations familiales ou caritatives, et le président de la CAF lui-même, nous ont demandé de prévoir l'insaisissabilité des diverses allocations et prestations.

M. François Goulard.

Vous mélangez tout !

M. Michel Meylan.

Tout ça c'est fini ! C'est d'un autre temps !


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Mme Muguette Jacquaint.

On ne peut pas changer à ce point d'attitude à quelques mois d'intervalle et prendre une décision aussi injuste pour les familles et les enfants ! Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe communiste s'opposera à l'amendement de M. Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, je voudrais répondre.

M. Michel Meylan.

Il en a le droit, monsieur le président !

M. le président.

En principe non, puisque je ne devrais, selon la règle, donner la parole que contre l'amendement ! Mais selon l'usage, lorsqu'on a le temps, le président peut laisser parler un orateur pour répondre au Gouvernement et un autre pour répondre à la commission.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Je vous remercie, monsieur le président, de vous attacher à laisser l'opposition s'exprimer.

Mme Martine David.

Elle le fait abondamment !

M. Bernard Accoyer.

Si ce n'était pas le cas, nous serions contraints de quitter l'hémicycle, ce qui serait déplorable dans un lieu voué à la discussion. Et que l'on ne nous oppose pas l'ordre du jour surchargé quand on vient le surcharger du deuxième examen d'un texte déclaré ici-même irrecevable pour inconstitutionnalité !

Mme Martine David.

Il ne parle pas sur l'amendement !

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l'équilibre général.

« PACS » tecum ! (Sourires.)

M. Bernard Accoyer.

Mme Jacquaint s'est exprimée avec sagesse et mesure. En réalité, il s'agissait pour nous d'attirer l'attention de l'Assemblée sur la nécessité pressante d'adapter les règles qui régissent les outils permettant d'aider les familles, dont les plus importants sont les allocations familiales. Un Etat doit pouvoir répondre à l'évolution de son tissu social. Or notre société connaît une évolution tout simplement « physiologique » : les jeunes, aujourd'hui, mûrissent plus vite, sont pubères plus tôt, sont agressifs plus tôt et prennent des responsabilités plus tôt également.

Mme Dominique Gillot, rapporteur.

Mais ils sont dépendants plus longtemps.

M. Bernard Accoyer.

Ils sont confrontés à des contextes différents de celui dans lequel a été publiée l'ordonnance de 1945, qui prévoyait un arsenal juridique pour s'attaquer à une délinquance qui débutait à l'âge de la majorité pénale. Aujourd'hui, elle laisse un vide préoccupant car elle ne permet pas de traiter des questions qui ne se posaient pas à l'époque.

Je n'entends nullement rationner quelque allocation que ce soit. Mais il faut bien comprendre que le don que la société fait aux familles par l'octroi notamment d'allocations familiales oblige les parents à des devoirs. Pour ces enfants devenus plus tôt que jadis des adultes, et donc responsables, l'arsenal juridique doit être adapté. C'est l'objet de cet amendement, dont je répète qu'il ne pourrait être mis en oeuvre qu'après décision du juge et après enquête sociale et familiale approfondie.

M. Gérard Terrier.

Vous montrez votre vrai visage, messieurs !

Mme Muguette Jacquaint.

Les allocations familiales ne sont pas une faveur !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 162.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article no

13. (L'article 13 est adopté.)

Mme Dominique Gillot, rapporteur.

Il est adopté à l'unanimité !

M. le président.

En effet ! Article 14

M. le président.

« Art. 14. - I. - Au chapitre III du titre IV du livre V du code de la sécurité sociale, l'article L. 543-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 543-1 . - Une allocation de rentrée scolaire est attribuée au ménage ou à la personne dont les ressources ne dépassent pas un plafond variable en fonction du nombre des enfants à charge, pour chaque enfant inscrit en exécution de l'obligation scolaire dans un établissement ou organisme d'enseignement public ou privé.

« Elle est également attribuée, pour chaque enfant d'un âge inférieur à un âge déterminé et dont la rémunér ation n'excède pas le plafond mentionné au 2o de l'article L. 512-3, qui poursuit des études ou qui est placé en apprentissage.

« Le niveau du plafond de ressources varie conformément à l'évolution des prix à la consommation des ménages hors les prix du tabac, dans des conditions prévues par voie réglementaire. Son montant est fixé par décret et revalorisé par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale, du budget et de l'agriculture. »

« II. L'article L. 543-2 du code de la sécurité sociale est abrogé.

« III. Les dispositions du présent article entrent en vigueur pour l'allocation due à compter de la rentrée 1999. »

Sur l'article 14, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Jacques Barrot.

M. Jacques Barrot.

Je ne veux pas entrer dans la polémique ouverte ce matin, même si, je vous l'accorde, madame la ministre, l'équilibre de la branche famille est essentiel. Et je reconnais que la loi de 1994, à cet égard, avait été imprudente en instituant des avancées qui, évidemment, exigeaient des financements.

M. Alfred Recours, rapporteur.

C'est bien de le dire !

M. Jacques Barrot.

Mais, mes chers collègues, je vous le dis avec sérénité et objectivité, vous ne devez pas tenir pour négligeable ce qui a été fait, notamment l'allocation parentale d'éducation. Je rappelle que, fin janvier 1997, au titre du seul régime général, les CAF versaient l'allocation parentale d'éducation à 305 252 familles. Je n'ai été que celui qui a mis en oeuvre ce droit à l'APE. Vous ne l'avez pas remis en cause, madame la ministre. Et je crois que vous avez bien fait. Il faut donc relativiser les choses.

Nous ne sommes pas là seulement pour disputer des joutes politiques, mais aussi pour essayer de faire avancer les choses. Et si j'interviens sur l'article 14, c'est précisément pour parler de l'avenir.

Vous l'avez dit vous-même, madame la ministre, il faut faire des choix. Personnellement, je trouve que les

« grands enfants », si je puis dire, devraient faire l'objet


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d'une vraie priorité. L'un des mérites de la loi de programmation de 1994 avait été d'admettre qu'il fallait p rolonger les allocations familiales, et simplifier et augmenter les aides personnelles au logement pour eux.

L'article 14 majore l'allocation de rentrée scolaire.

C'est un choix. Vous avez évoqué plusieurs pistes. Je persiste à penser que ce qui était inscrit dans la loi de 1994 était une piste très importante pour l'avenir. Même si nous versons les AF jusqu'à l'âge de vingt ans, il faudrait que d'autres prestations soient elles aussi prolongées, comme le complément familial, l'allocation logement familiale, l'aide personnalisée au logement ou l'allocation d'éducation spéciale.

Par ailleurs, même si un effort d'actualisation du barème de l'allocation logement a été fait, il faut malgré tout essayer de fusionner les aides personnelles au logement, ou en tout cas les barèmes. Je me permets d'insister sur ce point parce qu'il me semble que la période pendant laquelle la famille a en charge les grands enfants devenus adultes est particulièrement difficile pour elle.

J'ai entendu tout à l'heure des appels au versement des AF au premier enfant. Je continue néanmoins à privilégier la priorité retenue par la loi de 1994 et j'aimerais connaître les intentions du Gouvernement à cet égard. Il y a, dans cette loi, une première étape ; je souhaiterais vivement que l'on aille au-delà.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

La rentrée scolaire de chaque enfant a un coût. Or de nombreuses familles - 350 000 - ne bénéficiaient pas de l'allocation de rentrée scolaire, parce qu'elles ne percevaient pas une autre prestation. Pour avoir demandé à plusieurs reprises ces dernières années l'extension de cette allocation, je me félicite qu'elle soit accordée cette année.

Cependant, j'ai été étonné et même presque choqué qu'on en ait fait l'annonce en juin, après la conférence nationale de la famille. C'était certes très médiatique, mais beaucoup de familles ont compris que cela valait dès la rentrée 1998.

C'est l'éternel problème des annonces médiatiques.

Lorsque, un mercredi, à la sortie du conseil des ministres, on annonce qu'une nouvelle loi a été étudiée par le Gouvernement, tout le monde en France a l'impression qu'elle est déjà applicable, alors qu'il peut se passer des années avant qu'elle le soit, et, quelquefois, elle ne le sera jamais, parce qu'elle ne sera jamais discutée ni votée.

M. Bernard Accoyer.

Ce sera le sort du PACS !

M. Jean-Luc Préel.

J'ai donc été étonné que cette mesure n'ait pas été appliquée dès cette rentrée et que vous vous soyez accordé un an de plus avant de supprimer cette injustice.

Aujourd'hui se pose, à mon sens, la question de la modulation de l'ARS en fonction de l'âge. On considère que le coût d'une rentrée est le même pour la famille, que l'enfant soit en primaire, au collège, au lycée, ou dans un cycle d'études supérieures. Ce n'est pas exact.

M. Cahuzac - qui n'est pas là cet après-midi - nous a demandé ce matin si nous voterions l'élargissement de l'allocation de rentrée scolaire. Je veux le rassurer : pour ma part, je le voterai. Cela vaut-il approbation de votre volet famille ? Ma réponse est clairement non. Pas plus que cela ne vaut approbation de la loi de financement de la sécurité sociale.

Je crains que Mme Gillot ne m'ait pas bien compris.

Dois-je répéter ?

M. Jean-Paul Bacquet.

Surtout pas !

M. Bernard Accoyer.

Mme Gillot est empêtrée dans ses contradictions !

M. le président.

Poursuivez votre propos, monsieur Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Je le répète, nous acceptons volontiers l'extension de l'allocation de rentrée scolaire, ce qui ne signifie pas que nous approuvons tout le volet familial non la loi de financement de la sécurité sociale dans son ensemble. M. Cahuzac devra bien admettre que nous sommes parfaitement cohérents.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

L'allocation de rentrée scolaire représente pour l'ensemble des familles un apport financier essentiel à cette époque de l'année. Nombre d'articles dans la presse ont montré, à l'occasion de la dernière rentrée, que, quand les allocations de rentrée sont importantes, les familles ne les placent pas en bourse ! Elles les consacrent immédiatement à ce qui est nécessaire à leurs enfants.

On nous propose aujourd'hui son élargissement aux enfants des familles qui en étaient jusqu'à présent écartées. Nous avions depuis longtemps soulevé la question parce que nous trouvions les critères mal établis. L'erreur est réparée pour certaines familles puisque - et ce n'est pas négligeable - 330 000 familles n'ayant qu'un enfant vont pouvoir en bénéficier dès la rentrée 1999.

Cependant, il subsiste une incertitude : cette allocation sera-t-elle reconduite d'année en année ? Si, sur le principe, nous la considérons comme essentielle, il faudrait qu'elle soit institutionnalisée et qu'elle fasse partie intégrante du code de la sécurité sociale.

Quant aux plafonds qui conditionnent son versement, ils soulèvent encore des problèmes, puisqu'il y aura encore des familles aux ressources très modestes qui n'en bénéficieront pas.

Comme Mme Gillot, je pense qu'une certaine modulation de l'allocation de rentrée scolaire est souhaitable. Il est bien évident que le coût de la rentrée est différent selon que l'enfant est à l'école primaire, au lycée ou au lycée professionnel. J'aimerais néanmoins avoir la certitude que la modulation ne consisterait pas à verser pour l'enfant en primaire le montant de 428 francs et de moduler les allocations pour les autres. En effet, cela a urait l'inconvénient de pénaliser des familles qui auraient, par exemple, pu percevoir certaines années trois fois 1 600 francs.

Par ailleurs, il nous faudra bien débattre des plafonds pour les différentes prestations versées aux familles, car un lissage, une mise à jour sont nécessaires.

M. le président.

La parole est à Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon.

Cette année, à nouveau, les familles ont été heureuses de percevoir l'allocation de rentrée scolaire. Elle est très attendue par les parents, qui se trouvent, à cette époque de l'année, soumis non seulement à des sollicitations marchandes mais à des nécessités d'achat de fournitures scolaires. J'apprécie l'annonce du versement de cette allocation dès le premier enfant. Ainsi, 350 000 enfants de plus en bénéficieront.

Mais, madame la ministre, comme Muguette Jacquaint l'a dit, les familles nous font remarquer, à juste titre, que les frais ne sont pas identiques selon que les enfants ont


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six ans ou dix-huit ans et que les achats sont fort différents selon qu'ils sont dans l'enseignement technique, au lycée professionnel ou au lycée « cycle long », même si l'âge est le même.

Je le disais ce matin, la politique de la famille est en marche. Le chantier est grand. Nous constatons des avancées successives au fur et à mesure de la discussion. M. le délégué interministériel à la famille a encore beaucoup de pain sur la planche. Tout ne se fera pas immédiatement, mais les discussions avec les associations familiales continueront, et les priorités seront ainsi définies dans la concertation.

M. le président.

M. Goulard a présenté un amendement, no 235, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du dernier alinéa du I de l'article 14, substituer aux mots : "par voie réglem entaire", les mots : "par décret en Conseil d'Etat". »

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps mon amendement no 236.

M. le président.

Volontiers ! L'amendement no 236, présenté par M. Goulard, est ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase du dernier alinéa du I de l'article 14, après les mots : "arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale, du budget et de l'agriculture", insérer les mots : "chaque année".

Vous avez la parole, monsieur Goulard.

M. François Goulard.

Monsieur le président, pour rédactionnels qu'apparaissent les amendements nos 235 et 236, je pense que leur portée n'échappera à personne.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Dominique Gillot, rapporteur.

L'amendement 235, purement rédactionnel, a été accepté par la commission, mais je reviens un instant sur l'article, puisqu'un certain nombre de questions ont été posées.

L'allocation de rentrée scolaire a deux sources de financement : 428 francs au titre de la branche famille et un complément apporté cette année encore par le Gouvernement, qui permet d'arriver à un montant de 1 600 francs.

Une première question se pose : quand on réfléchit à son adaptation, réfléchit-on sur la partie institutionnelle ou sur le montant global de l'allocation de rentrée scolaire ? Allons-nous obtenir l'institutionnalisation et la budgétisation de l'allocation de rentrée scolaire dans le budget de la CNAF ? Cette décision n'est pas encore prise. Nous en sommes à une participation du budget de l'Etat, un remboursement de 6 à 7 milliards de francs pour compenser la dépense engagée à la rentrée scolaire pour quadrupler cette allocation.

Cela dit, tout le monde le sait, la rentrée d'un enfant en cours préparatoire n'a pas le même coût que celle d'un élève qui entre en terminale ou d'un étudiant qui est à l'université. L'idéal serait donc qu'on arrive à moduler cette allocation de façon à coller à la réalité des besoins des familles. C'est pourquoi je proposerai par un amendement au rapport annexe qu'à partir des 420 francs d'allocation de base, nous puissions majorer en fonction de l'âge des enfants et des engagements financiers pour l'entrée au primaire, au collège, au lycée et à l'université

L'état de la concertation avec l'administration et le mouvement familial ne nous permettait pas d'inscrire très précisément aujourd'hui les modalités d'une telle modulation. Je vous proposerai un amendement au rapport annexe visant à engager très fortement la réflexion afin qu'elle fasse l'objet d'une décision consensuelle lors de la prochaine conférence de la famille et puisse être appliquée à la rentrée de 1999.

Ce souci de mieux faire correspondre l'allocation de rentrée scolaire aux besoins réels des familles fait partie de nos préoccupations. Mme la ministre y sera favorable, j'espère. C'est en tout cas notre logique.

Monsieur Préel, si l'opinion publique a mal compris, ce qui peut se concevoir, il nous appartient de rétablir les choses. Le calendrier mis en place par le Gouvernement était le suivant : concertation pour préparer la conférence de la famille, annonce des orientations d'une nouvelle politique familiale à la conférence de la famille, introduction de ces orientations dans la préparation du budget de la sécurité sociale pour 1999. Nous tenons ce calendrier.

Il n'y a pas lieu de dire que les décisions annoncées en juin auraient dû être appliquées à la rentrée de 1998.

Vous savez très bien que ce n'était pas possible sur le plan budgétaire et qu'il fallait des décisions réglementaires et législatives sur lesquelles nous travaillons pour l'instant.

Concernant l'allocation parentale d'éducation, nous sommes nombreux à considérer que c'est un outil intéressant pour encourager les familles à accueillir deux ou trois enfants. Cependant, c'est un dispositif qui coûte très cher et qui a des dérives néfastes, notamment pour les mères de famille qui s'arrêtent après avoir eu un deuxième enfant et s'éloignent de leur emploi.

J'ai fait des propositions dans le cadre de mon rapport sur la famille. Elles ont été intégrées dans la réflexion et suivent leur chemin aujourd'hui. Je pense que nous pourrions faire des propositions l'année prochaine pour mieux adapter l'APE. Le but est de permettre aux mères de famille qui le souhaitent d'adapter leur temps professionnel à l'accueil du deuxième ou du troisième enfant, tout en gardant un lien très précis et très concret avec l'activité professionnelle pour que les femmes qui décident d'opter pour l'APE à taux plein ou à taux partiel nes oient pas définitivement éloignées du marché de l'emploi, ce qui serait tout de même un grand gâchis économique.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Quelques mots seulement car Mme la rapporteur a répondu, comme d'habitude, excellemment.

Je n'ai pas critiqué l'APE, monsieur Barrot. Peut-être faut-il regarder quelques-unes de ses modalités comme nous allons le faire pour l'ensemble des prestations familiales, mais elle existe. Nous pourrions voir comment mieux utiliser ces fonds pour permettre aux femmes de retrouver une place sur le marché du travail.

Les jeunes adultes, c'est la priorité des priorités. Certains d'entre eux continuent de vivre dans leur famille.

Cela pose des problèmes de cohabitation. En outre, lorsqu'ils n'ont pas de travail et ne sont pas étudiants, ils n'ont absolument aucune aide. Nous ne voulons pas aller vers une aide générale comme un RMI-jeunes, bien évidemment, mais il faut aider les familles à traiter ce problème. C'est l'un des sujets majeurs sur lesquels travaille actuellement le délégué interministériel à la famille. J'espère que nous pourrons apporter des réponses lors de la conférence de la famille.

Je ne reviens pas sur ce qu'ont dit les différents intervenants concernant l'allocation de rentrée scolaire et son rôle majeur, sur le plan social mais aussi sur le plan


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économique, pour soutenir la consommation et l'activité.

Il était très important, effectivement, de prendre une mesure qui s'adresse à 350 000 familles. Dorénavant, toutes les familles d'un enfant, et pas seulement celles qui touchent des prestations familiales, pourront toucher l'allocation de rentrée scolaire. Ce sera chose faite, je l'espère, dans quelques instants, et je m'en réjouis pour elles.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 235.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 236.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Préel a présenté un amendement, no 317, ainsi rédigé :

« Supprimer le III de l'article 14. »

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Il s'agit de simplifier le texte législatif en supprimant un paragraphe inutile. Dans la mesure où nous discutons de la loi de financement pour 1999, les dispositions votées s'appliqueront automatiquement en 1999. Certes, madame Gillot, certains avaient cru, après la conférence de la famille, qu'elles pourraient peutêtre s'appliquer en 1998, mais, puisque la rentrée de 1998, est passée, il est évident que l'élargissement aura lieu en 1999. Le paragraphe III est donc devenu inutile, je pense que vous en conviendrez sans difficulté.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Dominique Gillot, rapporteur.

Cet amendement a été rejeté. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Luc Préel.

Pourquoi ?

M. Michel Meylan.

Expliquez pourquoi !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Si vous étiez la commission, vous devez le savoir ! (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 317.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 14, modifié par l'amendement no 235.

(L'article 14, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 14

M. le président.

M. Sauvadet a présenté un amendement, no 280, ainsi rédigé :

« Après l'article 14, insérer l'article suivant :

« L'avant-dernier alinéa de l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale est ainsi modifié :

« I. - Après les mots "le recouvrement", sont insérés les mots : "contre le donataire ou " ;

« II. - Après les mots : "s'exerce sur", sont insérés les mots : "le montant de la donation ou". »

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour soutenir cet amendement.

M. Jean-Luc Préel.

Actuellement, l'Etat, le département, ou la commune peuvent exercer un recours en récupération de l'aide sociale contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande de prestation, ou dans les dix ans précédents. La récupération peut alors être opérée quel que soit le montant de la donation et sur la totalité de celle-ci.

Il en va différemment pour la succession du bénéficiaire de l'aide sociale, la récupération ne s'exerçant que sur la partie de l'actif successoral excédant 300 000 francs, et il est souhaitable d'harmoniser les deux régimes.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Dominique Gillot, rapporteur. Cet amendement a été repoussé par la commission. Il ne paraît pas judicieux de faire la confusion entre la donation et la succession.

De plus, ce serait une atteinte au régime de la récupération de l'aide sociale.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 280.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.

Même avis !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 280.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 15

M. le président.

Je donne lecture de l'article 15 : Section 2 Branche maladie

« Art. 15. - I. - L'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale est modifié comme suit :

« 1o Au 1o , après les mots : "frais d'analyses et d'examens de laboratoire" sont insérés les mots : "y compris la couverture des frais relatifs aux actes d'investigation individuels" ;

« 2o Après le 7o , il est ajouté un 8o ainsi rédigé :

« 8o La couverture des frais relatifs aux examens de dépistage effectués dans le cadre des programmes arrêtés en application des dispositions de l'article L. 55 du code de la santé publique. »

« II. L'article L. 322-3 du code de la sécurité sociale est complété par un 16o ainsi rédigé :

« 16o Pour les frais d'examens de dépistage effectués dans le cadre des programmes mentionnés au 8o de l'article L. 321-1. »

« III. L'article L. 615-14 du code de la sécurité sociale est modifié comme suit :

« 1o Le premier alinéa est complété par un 12o ainsi rédigé :

« 12o Des frais relatifs aux actes d'investigation exécutés ou réalisés à des fins de dépistage » ;

« 2o Le deuxième alinéa est complété par un 5o ainsi rédigé :

« 5o La couverture des frais relatifs aux examens de dépistage effectués dans le cadre de programmes arrêtés en application des dispositions de l'article L. 55 du code de la santé publique. »


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« IV. A l'article L. 615-18 du code de la sécurité sociale, les mots : "des 10o , 11o et 12o de l'article L. 322-3" sont remplacés par les mots : "des 10o , 11o , 12o et 16o de l'article L. 322-3".

« V. - Après le titre II du livre Ier du code de la santé publique, il est inséré un titre II bis rédigé comme suit :

«

TITRE II BIS

«

LUTTE CONTRE LES MALADIES AUX CONSÉQUENCES MORTELLES ÉVITABLES

« Art. L. 55 . - Au vu des conclusions de la conférence nationale de santé, des programmes de dépistage organisé de maladies aux conséquences mortelles évitables sont mis en oeuvre dans des conditions fixées par voie réglementaire, sans préjudice de l'application de l'article 68 de l a loi de finances pour 1964 (no 63-1241 du 19 décembre 1963).

« La liste de ces programmes est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, après avis de l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé et de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés.

« Les professionnels et organismes qui souhaitent participer à la réalisation des programmes susmentionnés s'engagent contractuellement auprès des organismes d'assurance maladie, sur la base d'une convention-type fixée par arrêté interministériel pris après avis de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, à respecter les conditions de mise en oeuvre de ces programmes. Celles-ci concernent notamment l'information du patient, la qualité des examens, des actes et soins complémentaires, le suivi des personnes et la transmission des informations nécessaires à l'évaluation des programmes de dépistage dans le respect des dispositions de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

« Un décret fixe la liste des examens et tests de dépistage qui ne peuvent être réalisés que par des professionnels et des organismes ayant souscrit à la convention-type mentionnée à l'alinéa précédent.

« L'Etat participe aux actions d'accompagnement, de suivi et d'évaluation de ces programmes. »

Sur l'article 15, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

En France, nous sommes assez bons pour le curatif, on en a parlé à plusieurs reprises, mais franchement mauvais pour le préventif. Les sommes consacrées aux soins sont de l'ordre de 12 150 francs par an et par habitant, contre 17 francs pour l'éducation, 250 francs pour la médecine préventive.

En agissant en amont sur les facteurs et les comportements à risques, nous pourrions faire des économies financières, mais surtout éviter de nombreux drames de santé. Aujourd'hui, et j'y avais consacré mon rapport sur le budget de la santé pour 1998, notre système de prévention se caractérise par une totale absence de cohérence, avec de nombreux acteurs. Plusieurs ministères interviennent ; chaque caisse a son programme ; les mutuelles, les associations ont chacune leur politique. Il se caractérise aussi par une absence de moyens, puisque nous ne votons pas chaque année une enveloppe pour la prévention et l'éducation.

Certes, monsieur le secrétaire d'Etat, vous proposez une amélioration, mais celle-ci me paraît bien modeste, car le nombre des intervenants ne sera aucunement modifié, la cohérence de la prévention ne sera pas renforcée.

La seule solution logique, à mon sens, est de créer une agence nationale de prévention et d'éducation de la santé, avec une enveloppe votée par le Parlement, agence déclinée en amont et en aval au niveau régional, avec création d'agences régionales de santé regroupant ARH, URCAM et AREPS. L'important est de regrouper tous les acteurs pour définir des programmes pluriannuels et lutter notamment contre la mortalité prématurée évitable. Je plaide fermement pour une telle organisation. Nous y viendrons sans doute un jour. Mais que de temps perdu et que de vies perdues ! Dans cet article, monsieur le secrétaire d'Etat, vous voulez améliorer le dépistage, notamment du cancer du sein, en définissant des critères de qualité. Je souscris à ce souhait et je ne doute pas de votre bonne volonté. Le cancer du sein est la première cause de mortalité prématurée évitable des femmes dans de nombreux départements - 16 %, contre 6 % pour les accidents. Il est donc indispensable de s'atteler à ce problème.

Le dépistage est aujourd'hui en oeuvre dans trente départements, avec des résultats variables en raison des difficultés rencontrées. Pour que ce soit une réussite, il convient, j'en suis convaincu, de mobiliser et de fédérer tous les acteurs. Il faut veiller à toucher toutes les femmes, veiller à la qualité de la mammographie par deux ou trois lectures, ainsi qu'au suivi des femmes lorsqu'on leur remet le résultat. Les caisses participent, le conseil général finance en général l'association de fonctionnement, les généralistes, les radiologues, les gynécologues, les établissements publics et privés sont concernés.

Dans certains départements, le dépistage fonctionne bien, notamment dans le Calvados et en Mayenne. En Mayenne, le dépistage est organisé par canton, ce qui me paraît une très bonne façon de mobiliser l'ensemble des acteurs et les femmes concernées.

Je vous demande instamment de prendre en compte ce qu'il y a de meilleur dans les expérimentations et de ne pas généraliser le dépistage en en confiant simplement la mise en oeuvre à la CNAM. Vous obtiendrez un effet médiatique certain, mais vous n'aurez peut-être pas le succès attendu. Pour réussir, il faut fédérer toutes les bonnes volontés, toutes les compétences, dans le cadre d'associations enracinées localement. L'enjeu est trop important pout tout gâcher. Il faut de la qualité, qu'il s'agisse de la mobilisation lors des invitations au dépistage, de la technique de la mammographie, du suivi pour ne pas laisser les femmes dans l'angoisse, de la relance de celles qui ne sont pas venues au dépistage, de l'évaluation de ce dépistage. Tels sont les critères essentiels d'un dépistage réussi. Sommes-nous d'accord, monsieur le secrétaire d'Etat ?

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Bien entendu, l'intention est louable puisqu'il s'agit de faire progresser la politique de dépistage des affections entraînant une mortalité précoce, mais, comme je l'ai souligné à plusieurs reprises depuis le début de la discussion de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, troisième du genre, on procède vraiment par petites touches, sans avoir véritablement un pilotage d'ensemble.

Jean-Luc Préel le répète à l'envi : il n'y a pas de politique d'éducation sanitaire ni de prévention cohérente en France. Et nous sommes probablement le dernier pays européen en ce domaine. Pourtant, nous consacrons des sommes considérables à la médecine curative.


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En décidant de financer à l'intérieur de l'ONDAM les opérations de dépistage, auxquelles, bien entendu, on ne peut que souscrire sur le principe, on continue d'aller dans la même direction.

Depuis des années, sur tous les bancs de cette assemblée, nous dénonçons l'extrême faiblesse du budget de la santé et l'absence d'éducation sanitaire. D'ailleurs, y a-t-il déjà eu une réelle volonté politique en ce domaine ? On peut en douter, car aucun moyen n'a jamais été dégagé à cet effet.

S'affranchir de la nécessité d'organiser la prévention, le dépistage, l'éducation sanitaire et décider de faire financer des campagnes de dépistage sur l'ONDAM, cela me paraît irrationnel, même si je suis favorable au dépistage.

Ce n'est pas logique car nous ne pourrons pas dégager des marges financières supplémentaires ni déployer une politique de prévention cohérente dans tout le pays pour telle ou telle pathologie.

Certes, l'affichage politique de l'article 15 est positif.

Mais, avec le temps, que va-t-il rester ? Plusieurs initiatives ont déjà été conduites, en particulier la création du fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaires. Vous le réactivez d'ailleurs un peu dans ce texte. Mais en voulant faire jouer tous les rôles à l'assurance maladie, vous surchargez la barque. L'assurance maladie, création des partenaires sociaux, de par la volonté du général de Gaulle, est destinée à s'occuper de la maladie. L'éducation sanitaire et la prévention sont une responsabilité d'Etat. Vous êtes en train de mettre sur le dos de l'assurance maladie des responsabilités d'Etat. Comme on a fait ça depuis des décennies, nous avons détruit petit à petit un certain nombre de pans de l'activité de santé dans ce pays. J'en donnerai pour seul exemple le médicament. En ne privilégiant pas des décisions politiques d'Etat, on a laissé faire le gestionnaire de l'assurance maladie. Il a fait son travail de bonne façon et attentivement. Mais, parce que ce n'est pas son rôle de définir de grandes politiques, il l'a fait en gérant les finances que les salariés et les entreprises mettaient à sa disposition pour couvrir les dépenses maladie.

Le résultat est que, cinquante ans plus tard, notre système n'a pas de pilotage dans des domaines aussi essentiels que l'éducation sanitaire et la prévention.

Je crains que l'article 15 n'aille dans la même direction, que je n'approuve pas.

M. le président.

La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur.

Il y a, sur nos bancs et parmi tous les responsables de la santé publique, un consensus sur la nécessité de développer une véritable politique de santé publique, qui fait encore trop défaut dans notre pays et qui soit autre chose que la démarche hésitante qui prévaut actuellement.

Pour mettre en oeuvre les recommandations de la Conférence nationale de santé, il faudra bien un jour en venir à créer l'Agence nationale de la prévention et de l'éducation à la santé que propose régulièrement M. Préel

Une telle agence devrait être déclinée, au moins au niveau régional, où elle jouerait le rôle de relais des conférences régionales de santé.

Il est difficile pour les acteurs que sont les services de l'Etat - qui ne disposent d'ailleurs pas de grands moyens en personnel pour assumer cette lourde responsabilité -, les caisses de sécurité sociale, les associations, les professionnels de santé, les collectivités locales, et même l'école, de s'y retrouver dans le foisonnement des initiatives désordonnées où se succèdent les réunions, les colloques, les programmes, les assises. Il est temps de coordonner ces volontés afin d'instaurer une véritable politique de santé publique et de prévention, et d'améliorer la situation sanitaire de notre pays, notamment dans les secteurs où il y a surmortalité.

En dépit de ces difficultés, certains conseils généraux se sont engagés dans une démarche de prévention sanitaire, en veillant surtout à la proximité de sa mise en oeuvre. Le département du Bas-Rhin a ainsi mis en place une démarche de prévention et de dépistage des cancers du côlon, de l'utérus, du sein, une lutte très efficace contre la tuberculose et un soutien aux professionnels de l'hygiène bucco-dentaire auprès des écoles. Il serait souh aitable d'associer les conseils généraux, et aussi l'ensemble des professionnels de santé, à des actions spécifiques. Sans le concours tant des collectivités que des professionnels de santé, je ne suis pas certain que nous progresserons de manière rapide si nous devons simplement nous reposer sur les services de l'Etat, dont les moyens, je le rappelle, sont vraiment très faibles.

M. Bernard Accoyer.

Dérisoires !

M. Yves Bur.

Il nous intéresse aussi de savoir ce qui sera mis à la charge de l'assurance maladie. Sera-ce simplement le coût des examens ? Ou bien aussi celui de la mise en oeuvre de toutes les actions de prévention sanitaire, notamment celles menées par les départements, les associations et les professions de santé ?

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

La politique de santé publique et le dépistage, dont la place est prépondérante - nous concernent tous. A ce titre, nous devons davantage promouvoir la prévention pour qu'elle soit au centre des préoccupations de l'Etat mais aussi des départements.

A cet égard, dans mon département de la Seine-SaintDenis, des efforts ont été réalisés en matière de prévention bucco-dentaire et de dépistage du cancer du sein.

Nous ne serons pas jamais trop nombreux pour mettre la santé publique au coeur des préoccupations d'aujourd'hui.

C'est donc avec satisfaction que nous accueillons les programmes qui nous sont proposés. Le dépistage permet de réduire, à terme, l'incidence des pathologies mortelles, dont les pathologies cancéreuses, d'autant plus graves et coûteuses qu'elles sont, très souvent, décelées tardivement.

La mise en place de programmes d'investigation individuelle permettra ainsi de faire des économies, comme tout le monde le souhaite, mais aussi de faire en sorte, dans les années qui viennent, que chaque individu ait une santé meilleure.

Pour qu'elle atteigne pleinement ses objectifs, une politique de prévention doit s'accompagner de moyens, comme le souligne le rapport du Haut comité de santé p ublique. Sur ce point, nous devrons progresser ensemble. Et, lorsque nous évoquerons prochainement une réforme du financement pour dégager des moyens nouveaux, nous pourrons donner un élan supplémentaire à la prévention et l'éducation à la santé.

Par ailleurs, si nous voulons un programme de prévention efficace pour mieux prévenir les cancers féminins, des efforts de communication et d'information devront être entrepris, en particulier en direction des personnes les plus fragiles. Cela sous-tend d'accorder des moyens supplémentaires à la médecine préventive du travail et de garantir son indépendance face à l'employeur, qui peut se montrer très souvent dissuasif. A cet égard, je suis favorable à l'amendement no 411 corrigé du Gouvernement,


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car il tend à impliquer davantage la médecine du travail dans cette bataille de prévention et de dépistage. Dans les entreprises à forte main-d'oeuvre féminine, la médecine du travail est dans un état de précarité tel que, très souvent, le suivi médical des salariées n'est pas assuré.

Certes, la médecine du travail a un rôle précis, mais il y a lieu d'insister : là où le texte mentionne « elle peut », je serais tentée d'écrire de façon plus incisive « elle doit ».

On demande beaucoup aux collectivités locales, aux départements et très peu à la médecine du travail. Il serait également souhaitable que, dans le cadre de la prévention et du dépistage, un effort plus soutenu soit fait en faveur des infirmières, des médecins, des psychologues et des assistances sociales dans les écoles. D'ailleurs, c'était une demande des enfants eux-mêmes, exprimée l'an dernier au Parlement des enfants. Nous avons retenu leur proposition. Je sais bien que tout ne peut pas se mettre en place d'un seul coup, mais souvenons-nous quand même que l'on compte encore au mieux un médecin scolaire pour 10 000 enfants. Cela montre bien que, dans ce domaine, beaucoup d'efforts restent à faire.

Les propositions qui nous sont faites sont en tout cas un premier pas, dont nous voulons croire qu'il constituera un tremplin pour le développement ambitieux d'une politique de santé publique et de prévention de l'Etat.

Le niveau de santé publique dans notre pays doit être considéré comme un enjeu de civilisation et non pas seulement comme un coût, comme beaucoup veulent nous le faire croire. La santé d'un être humain n'a pas de prix.

En tout état de cause, ces précisions n'enlèvent rien à notre volonté de voir, comme vous, mieux appréhender les maladies, et ce le plus tôt possible pour mieux les prévenir et les soigner.

M. le président.

La parole est à M. Jean Bardet.

M. Jean Bardet.

Comme mes collègues, je me réjouis de la prise en charge par la sécurité sociale des frais de dépistage d'un certain nombre de maladies évitables, et en particulier de certains cancers. En effet, cette prise en charge va - du moins, je l'espère - inciter les Français et les Françaises à se soumettre à des actions de dépistage.

Je ne reprendrai pas la question que j'avais posée à M. le secrétaire d'Etat, aussi bien en commission qu'en séance, sur le coût du dépistage de ces cancers. Il a avancé un chiffre, mais je voudrais lui demander sur quels critères repose ce chiffre. En effet, il est précisé dans le projet de loi que les actions seront définies par un arrêté. C'est donc qu'elles ne sont pas, actuellement, définies. Comment, alors, chiffrer leur coût ? A moins que l'on n'ait une vision comptable de ces actions de prévention, et qu'après avoir fixé une enveloppe, on essaie, vaille que vaille, d'y faire entrer ce que l'on peut. Si tel est le cas, on s'y prend à l'envers. Il faudrait, dans un premier temps, définir les besoins des Français en matière de dépistage des cancers, et savoir quelle population on cible. Dans un deuxième temps, il faudrait évaluer le coût des diverses actions. Ce n'est qu'alors que l'on pourrait se fixer un objectif cohérent.

Dans le Val-d'Oise - Mme Gillot le sait bien - nous avons, comme dans d'autres départements, mis en place, il y a déjà quelques années, un programme de dépistage du cancer du sein.

Mme Dominique Gillot, rapporteur.

Très performant !

M. Jean Bardet.

C'est vrai. Le problème était de faire venir les femmes aux mammographies qui leur étaient proposées. Comme Mme Jacquaint le soulignait, les femmes les plus défavorisées, celles qui n'allaient pas spontanément chez le médecin, et moins encore chez le gynécologue, étaient celles qui répondaient le moins aux relances que nous leur adressions.

Il faudrait donc que parallèlement à ce programme de dépistage soit mis en oeuvre - cela est peut-être prévu un vaste programme d'information.

Enfin, la loi de 1983 a donné compétence aux départements en matière de dépistage des cancers. Dans ces conditions, comment la prise en charge de ce dépistage par la sécurité sociale va-t-elle s'harmoniser avec les actions déjà réalisées par les départements ? Ne va-t-il pas y avoir redondance ?

M. le président.

La parole est à M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance maladie et les accidents du travail.

M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance maladie et les accidents du travail.

L'article 15 ouvre un champ nouveau concernant la prévention. Cela dit, il n'a pas vocation à traiter l'ensemble du problème. Je note au passage avec satisfaction que la nécessité de la prévention est reconnue par tous.

Monsieur Accoyer, je ne suis pas certain de partager l'ensemble des points de vue que vous avez exprimés. Il est vrai que notre système de financement de la santé était à l'origine, en 1945, fondé - je n'en fais grief à per sonne - sur le financement des prestations de soins.

Compte tenu du fait que le système de sécurité sociale rembourse de la « consommation » de soins, ce système n'a jamais pris en compte la prévention.

Or les recherches menées dans ce domaine ainsi que les réflexions de l'ensemble des acteurs montrent bien qu'il existe une interaction entre la nécessité de faire de la prévention et celle de soigner, et qu'il faudrait, en effet, trouver des financements qui allient les deux. On verra d'ailleurs, un peu plus loin dans le débat, que des liens de ce type sont possibles. Je pense notamment - mais, je crains que nous ne soyons en désaccord sur ce point - à l'élargissement du champ conventionnel qui permettrait aux partenaires conventionnels de trouver de nouveaux modes de rémunération de la prestation de soins afin d'intégrer une prise en charge plus globale du malade.

Nous voyons bien les uns et les autres - nous en avons longuement discuté en commission - qu'il serait nécessaire d'unifier progressivement et de mieux coordonner l'ensemble des actions de prévention. J'ai moi-même exprimé, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, le désir que l'on s'oriente vers une enveloppe particulière, issue de l'ONDAM éventuellement, qui permette de financer de manière plus cohérente les actions de prévention, rejoignant en cela une préconisation de la Conférence nationale de santé.

Cela étant, cette idée est un peu prématurée, dans la mesure où il existe actuellement des financements d'origines diverses. Mais il faut poursuivre la réflexion pour homogénéiser les réponses, y compris financières, en matière de prévention. Nous répondrons ainsi aux voeux des uns et des autres.

Aujourd'hui, il ne s'agit pas de répondre à l'ensemble de cette ambition, mais les propositions qui sont formulées par le Gouvernement répondent à des préoccupations que nous avions déjà exprimées dans cet hémicycle.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

En cela, chacun reconnaîtra la nécessité d'adopter l'article 15.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Très bien.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Chacun s'accorde aujourd'hui sur la nécessité de la prévention. C'est très nouveau depuis quelques années. Nous sommes également d'accord sur le dépistage, qui fait l'objet de l'article 15.

Vous avez tous demandé, premièrement, que le dépistage soit plus largement étendu à la population, surtout à celle qui n'y a pas accès, en l'occurrence les femmes lorsqu'il s'agit des cancers féminins. Nous sommes en train de le faire.

Deuxièmement, que tous les examens soient évalués et qu'ils soient pratiqués avec une technique qui leur donne suffisamment de crédibilité. C'est ce que nous sommes en train de faire.

S'agissant de la prévention, nous sommes en train de la mettre en oeuvre dans les faits, pour le bénéfice de chacun, et pour diminuer au maximum le nombre des morts évitables, au sujet desquelles, chaque année, M. Préel nous demande - et il a, ô combien, raison - d'accentuer l'effort. Nous sommes en train de le faire pour les cancers féminins et les cancers colo-rectaux. Lorsqu'elle était pratiquée, la prévention se faisait selon deux modalités différentes, qui ne se recoupaient pas, qui ôtaient de la crédibilité à l'une et en enlevaient complètement à l'autre.

J'en viens au rôle des départements. En effet, de l'argent provenait de sources autres que la CNAM et que le ministère de la santé, ce qui donnait un caractère très disparate au dépistage. Cela ne sera plus le cas, puisque le dépistage sera désormais national et qu'il sera remboursé à 100 %. L'argent extérieur ne sera plus nécessaire, à moins que chacun veuille faire des efforts particuliers qui s'harmoniseront avec le nouveau système que nous allons mettre en place et qui, je l'espère, sera plus performant que le précédent.

C'est la CNAM, donc l'assurance maladie, qui prendra en charge le dépistage. L'intervention aura donc lieu en amont de la maladie. Claude Evin a eu raison de dire que le système en vigueur, qui date de 1945, n'envisageait même pas la prévention. A l'époque, les facteurs de risques n'étaient en effet pas connus. A l'heure actuelle, il faut donc attendre que l'affection, le drame personnel, la maladie se déclenche pour que l'ensemble du système de soins se mette en route. C'est évidemment complètement anachronique, nous sommes d'accord.

Sans bouleverser ce système, car ce serait très dangereux, nous sommes déjà en train d'agir en amont, et c'est un progrès considérable, non seulement pour le dépistage, mais aussi pour l'information.

S'agissant d'information, je vous rappelle qu'il existait un fonds national de prévention avec une enveloppe close, laquelle était d'ailleurs à ce point close qu'elle n'a jamais servi. Méfions-nous de cet argent attribué qui ne sert à rien car le système qui en bénéficie n'a ni l'idée ni même la technique pour le dépenser.

Je suis d'accord avec vous, monsieur Préel : la prévention doit être développée dans notre pays. Mais la prévention, ce n'est pas seulement de l'argent attribué au ministère de la santé, même si je partage le sentiment de M. Accoyer, selon lequel ce ministère devrait disposer de d avantage de ressources. La prévention, c'est aussi, comme l'a dit Mme Muguette Jacquaint, une politique conduite en association avec la médecine du travail et la médecine scolaire. Nous sommes en train de travailler à cette transformation, notamment avec Mme Ségolène Royal. Un amendement a d'ailleurs été déposé en ce sens.

La médecine du travail et la médecine scolaire seront donc associées à la politique de prévention. Ce sera une évolution importante car ces deux médecines, médecine scolaire et médecine du travail, ont des statuts dont le cadre est contraignant et qui font qu'elles ne participent ni du système de soins ni du système de prévention générale.

De la prévention, il en faut. Et donc de l'argent pour la prévention, il en faut beaucoup plus.

Nous devons avoir une meilleure coordination avec les différents services, s'agissant des méthodes d'investigation, des méthodes d'information et de suivi de cette information. Nous verrons comment cela devra se faire.

J'en viens au dispositif prévu par l'article 15.

Les cancers du col et ceux du sein seront donc pris en charge. Pour cela, monsieur Bardet, nous disposerons, comme je vous l'ai indiqué hier, de 250 millions. Comment en sommes-nous arrivés à ce chiffre ? Tout simplement en nous référant à la périodicité des dépistages nous avons retenu une périodicité de trois ans, mais nous pourrons la revoir à la baisse, en particulier s'agissant des cancers du col - chez toutes les femmes âgées de vingtcinq à soixante-cinq ans dans le cas des cancers du col et de cinquante à soixante-neuf ans dans le cas des cancers du sein, en prévoyant une participation de la population qui devrait être plus ou moins égale à 85 %. Nous avons également pris en compte le coût des tests et leur nombre. Rien ne relève du hasard. Nous avons calculé au plus juste.

Nous avons donc distingué les différents actes d'investigation faits devant une symptomalogie avec une prise en charge à 100 %. Le surcoût pour l'assurance maladie de 1999 est dû, tous régimes confondus, à la prise en charge pour 105 millions du ticket modérateur pour le cancer du sein et pour 145 millions du ticket modérateur pour le cancer du col, ainsi qu'à l'augmentation du nombre des examens, laquelle est estimée à 10 %, soit, au total, 250 millions. Bien entendu, il est possible de se tromper légèrement, car il ne s'agit pas d'une science complètement exacte. Mais, grosso modo , c'est ça.

Quant à la périodicité du dépistage du cancer du sein chez les femmes âgées de cinquante à soixante-neuf ans, qui a été fixée à trois ans, elle pourra être revue et ramenée à deux ans, mais évidemment, cela coûtera beaucoup plus cher. Quant à la participation de la population, elles peut être évaluée à environ 60 %. Des faux positifs et, en nombre moindre, des faux négatifs avaient été détectés dans notre système. Cela ne se produira plus.

Quel sera le gain de tout cela ? Mille vies sauvées, dont six cents pour le cancer du col et pour le cancer du sein.

Voilà ce que nous attendons de notre système de dépistage. Ce sera la seule campagne de dépistage prise en charge à 100 % sur tout le territoire. De plus, grâce aux listes de la CNAM, il sera possible d'écrire aux femmes qui ne viendraient pas se faire dépister soit chez leur généraliste, soit chez leur gynécologue. C'est ainsi que nous entendons progresser.


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M. le président.

M. Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance maladie et les accidents du travail, a présenté un amendement, no 40 rectifié, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le deuxième alinéa (1o ) du I de l'article 15 :

« 1o Au 1o , après les mots : ", des frais d'analyses et d'examens de laboratoire,", sont insérés les mots : "y compris la couverture des frais relatifs aux actes d'investigation individuels," ».

Monsieur le rapporteur, peut-être pourriez-vous soutenir en même temps vos amendements nos 41, 42, et 43 ?

M. Claude Evin, rapporteur.

Volontiers, monsieur le président.

M. le président.

L'amendement no 41 est ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du II de l'article 15, substituer à la référence : "16o ", le mot : "alinéa" ».

L'amendement no 42 est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le deuxième alinéa (1o ) du III de l'article 15 : » L'amendement no 43 est ainsi libellé :

« 1o Il est inséré après le douzième alinéa (11o ) un alinéa ainsi rédigé :

« Rédiger ainsi l'avant dernier alinéa (2o ) du III de l'article 15 :

« 2o Il est ajouté un alinéa (5o ) ainsi rédigé : » Vous avez la parole, monsieur le rapporteur.

M. Claude Evin, rapporteur.

Ces amendements ne posent aucun problème de fond. Ils tendent simplement à corriger des erreurs.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Favorable !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 40 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

41. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

42. (l'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

43. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 135, ainsi rédigé :

« Compléter le sixième alinéa du V de l'article 15 par la phrase suivante :

« Chaque semestre, les professionnels et organismes concernés établissent un récapitulatif de leurs actions et celles-ci sont soumises à une évaluation financière et sanitaire effectuée par l'ANAES. »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Cet amendement vise à renforcer la qualité et l'efficience sanitaires du dispositif.

En effet, comme tout le monde le sait sur ces bancs, et comme M. Evin s'est plu lui-même à le répéter, notre pays souffre d'un manque de coordination dans le domaine du dépistage et de la prévention. Les interv enants sont multiples : associations, dont certaines peuvent dépendre de collectivités territoriales, structures relevant du ministère. Bref, tout cela contribue à créer un flou, ce qui fait que toutes les subventions allouées à ces structures n'ont pas toujours, en termes de qualité et d'efficience sanitaires, le rendement souhaitable.

Par conséquent, il ne faudrait pas que les dispositions introduites dans l'article 15 manquent de rigueur. C'est pourquoi je propose que, chaque semestre, les professionnels et organismes concernés établissent un récapitulatif de leurs actions et que celles-ci soient soumises à une évaluation financière et sanitaire effectuée par l'ANAES, a gence qui a été créée par les ordonnances du 24 avril 1996.

Que l'on me permette de revenir sur la confusion qui est faite entre les crédits de l'assurance maladie et les crédits d'Etat. Il me semble que le secrétariat d'Etat à la santé, comme son nom l'indique et contrairement à ce qu'avançait M. le secrétaire d'Etat, doit disposer de crédits clairement identifiés comme destinés à l'éducation sanitaire et à la prévention. A l'inverse, l'assurance maladie, qui, comme son nom l'indique, est un système d'assurance financé en grande partie par les cotisations des assurés - et même s'il y a eu des évolutions en la matière, la notion d'assurance doit persister -, doit concentrer ses efforts sur la prise en charge des prestations pour soigner les Français qui sont malades.

J'insiste sur la nécessité qu'il y a à structurer tout cela et à bien distinguer les efforts financiers de l'Etat de ceux de l'assurance maladie.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

La commission n'a pas retenu cet amendement.

Toutefois, je partage totalement les préoccupations de M. Accoyer. Il est évident que les actions de prévention doivent être conduites avec grande rigueur, tant sur le plan des procédures que sur celui de l'utilisation des deniers publics.

Cela dit, je ne reviens pas sur le débat concernant la distinction qui doit être faite, s'agissant des actions de prévention, entre ce qui relève du ministère et ce qui ressortit à la sécurité sociale. Je prends seulement acte qu'il existe un désaccord.

Bien entendu, nous sommes d'accord pour préconiser une grande rigueur et la mise en oeuvre d'une évaluation.

Toutefois, je rappelle que l'ANAES remplit déjà cette fonction puisqu'elle fait des recommandations concernant les politiques de dépistage.

Enfin, il me paraît difficile que les professionnels fassent parvenir chaque semestre un tableau récapitulatif de leurs actions à l'ANAES. Au demeurant, je ne suis pas certain qu'il faille donner une mission d'évaluation financière à cette agence.

Pour toutes ces raisons, je demande le rejet de l'amendement de M. Bernard Accoyer.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Même avis que la commission.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 135.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Bur, Foucher, Gengenwin, Préel, Blessig et de Courson ont présenté un amendement, no 324, ainsi rédigé :

« Compléter le sixième alinéa du V de l'article 15 par les deux phrases suivantes :

« Cette généralisation s'appuiera sur les expériences en cours. En effet, des associations départementales regroupant les divers partenaires sont indispensables pour la réussite du dépistage. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur.

Cet amendement vise à inscrire dans la loi que la généralisation de la politique de dépistage doit prendre appui sur les expériences en cours depuis de nombreuses années dans les régions et départements.

Je crois en effet qu'il est important de continuer à mobiliser l'ensemble des acteurs au sein des associations, lesquelles ont donné jusqu'à présent de bons résultats en mobilisant des spécialistes médicaux, les caisses primaires, les caisses d'assurance maladie, les conseils généraux. Il s'agit par là de favoriser le suivi et de privilégier la proximité.

Afin de développer la qualité de la prévention et notamment faire en sorte qu'elle repose sur une démarche vraiment scientifique, il faudrait peut-être envisager la généralisation des registres, tels que les registres du cancer qui existent dans certains département. A mon avis, ces registres constituent des sources fort intéressantes permettant de cibler au mieux les actions de prévention, car il ne s'agit pas forcément d'en faire des actions généralisées.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

L'intention est très louable.

Toutefois, cela ne relève pas du domaine de la loi. Je demande donc le rejet de cet amendement, même si les orientations qui y sont proposées me paraissent bonnes.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Je suis d'accord avec le rapporteur.

Cela dit, je vous signale, monsieur Bur, que ce système, très imparfait, puisque nous sommes en train de l'améliorer - tout au moins, je l'espère -, n'existe que dans vingt-huit départements. Ce chiffre vous donne l'ampleur du manque. Pour autant, il n'est pas question de refuser l'aide des associations, telles que la Ligue ou l'ARC ; bien au contraire. Dans le domaine de la prévention, elles ont encore un rôle à jouer.

S'agissant de l'élaboration du registre des cancers, vous avez tout à fait raison, monsieur Bur. Le ministère et les associations doivent se rencontrer pour que cela se fasse.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous venez de citer l'ARC et la Ligue contre le cancer. Mais ce ne sont pas ces associations qui sont visées par l'amendement de M. Bur, mais celles qui ont été mises en place dans les départements, comme l'association ICONE en Loire-Atlantique ou l'association Camélia en Mayenne, lesquelles fédèrent l'ensemble des partenaires qui se préoccupent de dépistage du cancer du sein chez les femmes de ces départements.

De telles associations présentent un intérêt fondamental, là où elles fonctionnent bien. Elles fédèrent les généralistes, les radiologues, les gynécologues, les caisses locales - la caisse primaire, la MSA - le conseil général.

Pour que le système fonctionne bien, il serait préférable de s'appuyer sur tous ces acteurs du terrain plutôt que de vouloir imposer un système général imposé par la CNAM.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

J'ai cité la Ligue et l'ARC en faisant référence au registre des cancers qu'il conviendrait d'établir dans chaque département. Je suis sûr que c'est un dispositif qu'il faut développer.

Quant aux associations, elles continueront de travailler de la même manière, et avec davantage de moyens.

M. Claude Evin, rapporteur.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Cela permettra aux réseaux dont vous avez parlé, qui sont constitués, entre autres, de médecins, de généralistes, de gynécologues, de radiologues, de continuer à travailler ensemble. Et dans les départements où ces réseaux n'existent pas, ces nouveaux moyens seront incitatifs.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 324.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 323 et 411 corrigé, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 323, présenté par MM. Foucher, Gengenwin, Bur, Préel et de Courson, est ainsi rédigé :

« Après le sixième alinéa du V de l'article 15, insérer l'alinéa suivant :

« La médecine du travail participe aux programmes de prévention visant à réduire les risques de maladies mortelles évitables. »

L'amendement no 411 corrigé, présenté par le Gouvernement, est ainsi rédigé :

« Après le sixième alinéa du V de l'article 15, insérer l'alinéa suivant :

« La médecine du travail peut accompagner par des actions de prévention les programmes de dépistage visant à réduire les risques de maladies mortelles évitables par des actions de sensibilisation collectives ou individuelles. »

La parole est à M. Jean-Pierre Foucher, pour soutenir l'amendement no 323.

M. Jean-Pierre Foucher.

Cet amendement a pour but de se servir de tous les outils qui sont disponibles pour conduire une véritable politique de prévention. La médecine du travail est l'un d'entre eux. Il serait donc souhaitable qu'elle participe aux programmes de prévention, pour lutter contre les maladies aux conséquences mortelles évitables comme le saturnisme, les maladies dues à l'amiante et l'alcoolisme.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour soutenir l'amendement no 411 corrigé.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

L'intention de M. Foucher est louable, mais je crois que l'amendement du Gouvernement présente l'avantage de mieux préciser la place que doit occuper la médecine du travail dans le dispositif de prévention.

Les médecins du travail ne pratiquent pas eux-mêmes des actes comme les frottis.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Claude Evin, rapporteur.

La commission n'avait pas retenu l'amendement de M. Foucher, qui ne lui était pas apparu suffisamment précis.

M. Jean-Pierre Foucher.

Mais ce n'est pas le même !

M. Claude Evin, rapporteur.

En revanche, l'amendement du Gouvernement, qui prévoit qu'il s'agit d'actions de sensibilisation collectives et individuelles, me semble fort utile. Certes, la commission ne l'a pas examiné, mais je pense qu'elle l'aurait accepté. Toutefois, il serait souhaitable que le Gouvernement rectifie le texte de l'amendement afin de préciser qu'il s'agit de « risques de maladie aux conséquences mortelles ».


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Bien sûr ! Je suis d'accord.

M. le président.

L'amendement no 411 corrigé doit donc se lire ainsi :

« Après le sixième alinéa du V de l'article 15, insérer l'alinéa suivant :

« La médecine du travail peut accompagner par des actions de prévention les programmes de dépistage visant à réduire les risques de maladies aux conséquences mortelles évitables par des actions de sensibilisation collectives ou individuelles. »

La parole est à M. Jean-Pierre Foucher.

M. Jean-Pierre Foucher.

J'indique simplement au rapporteur que l'amendement que je viens de défendre n'est pas le même que celui que j'avais déposé en commission, qui parlait du dépistage et non de la prévention.

Selon moi, l'amendement du Gouvernement est plus restrictif. Cela étant, je retire mon amendement au bénéfice de celui du Gouvernement tel qu'il vient d'être rectifié.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Merci !

M. le président.

L'amendement no 323 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement no 411 corrigé, tel qu'il vient d'être rectifié.

(L'amendement, ainsi rectifié, est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité. Je mets aux voix l'article 15, modifié par les amendements adoptés.

(L'amendement 15, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 15

M. le président.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 186, ainsi libellé :

« Après l'article 15, insérer l'article suivant :

« L'article L. 162-1-3 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Le patient doit présenter son carnet de santé à chaque médecin appelé à lui donner des soins. La non-présentation du carnet de santé entraîne une diminution du remboursement de ces soins de 10 % » La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Cet amendement vise à responsabiliser le patient sans le pénaliser et à améliorer la coordination des soins. Je propose que le patient soit obligé de présenter son carnet de santé à chaque médecin appelé à lui donner des soins, le défaut de présentation entraînant une diminution de 10 % du niveau de remboursement des actes.

Il s'agit bien entendu d'un amendement de témoignage.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

J'avais compris !

M. Bernard Accoyer.

Mais quelle n'a pas été ma surprise, en lisant la presse spécialisée, de découvrir que la caisse d'assurance maladie semblait avoir trouvé avec un syndicat de médecins un accord où il est fait mention d'une présentation en quelque sorte contractuelle de ce document.

Ce que je vise, c'est une meilleure coordination des soins et une absence de maladies iatrogènes dues à la prescription de soins ou de médicaments. Nous devons, à l'occasion de la discussion de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, discuter de cette coordination et de la nécessité de disposer d'un document traduisant une continuité afin de contredire la thèse du gaspillage, souvent développée par les adversaires de la sécurité sociale.

Ce n'est pas parce qu'il y a eu conflit au moment de la distribution du carnet de santé - nous étions à un moment de grande turbulence - qu'il ne faut pas reprendre le chemin. J'appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat et de l'Assemblée sur le document qui semble être devenu le document de référence pour la coordination des soins, je veux parler de l'hypothétique carte Sesam-Vitale 2.

Cette carte devrait à la fois permettre l'identification de l'assuré et du professionnel, assurer la transmission des données, administratives et financières, en direction des caisses, et contenir des informations relatives à l'état de santé du patient et à ses antécédents. Monsieur le secrétaire d'Etat, croyez-vous qu'il soit sérieux d'annoncer que sa mise en place sera rapide ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Elle se fera en 1999 !

M. Bernard Accoyer.

Bien sûr que non ! Je prends le pari, au vu des travaux de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur l'informatisation des cabinets de santé, que Sesam-Vitale 2 ne sera pas mise en place en 1999.

Pire : nous avons appris que Sesam-Vitale 1 ne fonctionnait pas, d'abord parce que les outils ne sont pas distribués, ensuite parce que, depuis seize mois, le Gouvernement n'a toujours pas résolu le problème de la compensation du transfert de charge de travail et de responsabilité des caisses vers les cabinets des professionnels de santé. Il suffirait pourtant de peu de chose pour que ce différend s'apaise.

Plus grave : cette carence et cet immobilisme ont c onduit à établir un nouveau record. Au total, 3 000 feuilles de soins ont été télétransmises, avec un investissement, pour la CNAM et les professionnels de santé, d'environ 3 milliards de francs - ce sont les chiffres constatés par la mission -, soit 1 million de francs par feuille télétransmise. Et on prétend que seuls les médecins sont responsables des dérapages ! J'aurai l'occasion de revenir sur ce point lors de l'examen des articles qui suivent, mais vous voyez bien que nous sommes en train de perdre la raison.

Pour revenir à la raison, je vous propose une disposition extrêmement simple, qui peut être mise en place immédiatement : l'utilisation obligatoire du carnet de santé. Cela permettrait de dépister les incohérences, les incompatibilités et les contre-indications, et en même temps de disposer d'un outil de coordination formidable.

Il suffit d'une décision politique : c'est vous qui avez le pouvoir.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?

M. Claude Evin, rapporteur.

Chacun a bien pris conscience que M. Accoyer propose de rendre obligatoire la présentation du carnet de santé au médecin. A défaut, les remboursements seront diminués de 10 %.

M. Bernard Accoyer.

Cela fait 7,5 points sur la consultation, c'est-à-dire dix francs !

M. Claude Evin, rapporteur.

Vous auriez pu vous abstenir de préciser dans l'exposé sommaire que cet amendement visait à ne pas pénaliser les assurés sociaux.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

M. Bernard Accoyer.

C'est son but.

M. Claude Evin, rapporteur.

Mais vous préconisez bien une pénalisation.

M. Bernard Accoyer.

Au contraire ! Il y a une garantie car, si le patient est allergique à tel ou tel produit, le médecin le saura !

M. Claude Evin, rapporteur.

Je suis favorable au carnet de santé...

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. Yves Bur.

Nous aussi !

M. Claude Evin, rapporteur.

... car il garde effectivement en mémoire la santé de chaque assuré social.

M. Yves Bur.

Le carnet de santé fonctionne très bien pour les enfants !

M. Claude Evin, rapporteur.

Je ne reviens pas sur les conditions dans lesquelles il a été lancé. Même si c'était une bonne idée, les conditions étaient telles qu'elles n'ont pas assuré sa réussite. Mais ce carnet existe, les assurés sociaux l'ont et, malheureusement, ils ne l'utilisent pas suffisamment. Il conviendrait à cet égard de lancer une action pédagogique, en liaison avec les caisses de sécurité sociale.

Je ne veux pas avoir un débat avec le Gouvernement sur le calendrier de la mise en place de Sesam-Vitale 2 mais je ne suis pas certain qu'on pourra vraiment respecter les échéances, qui sont proches. Plaider pour le développement du carnet de santé me paraît une bonne chose mais il n'est pas acceptable de pénaliser l'assuré social qui ne le présenterait pas, eu égard aux conditions dans lesquelles il a été lancé.

Je rappelle enfin que, lors de l'examen de la première loi de financement de la sécurité sociale, un certain nombre de députés de la majorité de l'époque avaient eux aussi préconisé une telle mesure, mais que M. Barrot, qui était à ce moment là au banc du gouvernement, avait demandé à l'Assemblée de repousser un tel amendement.

Il est nécessaire de faire de même aujourd'hui.

M. Bernard Accoyer.

J'avais retiré cet amendement à la demande du ministre !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Nous sommes tous attachés au carnet de santé, et M. Barrot le premier,...

M. Jacques Barrot.

Absolument !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

... mais le moins qu'on puisse dire est que sa mise en oeuvre n'est pas évidente. Certains proposent donc une solution simple : pénaliser les pauvres gens qui n'en ont pas compris l'extrême importance.

M. Bernard Accoyer.

C'est ça, l'éducation sanitaire !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

De même, certains proposent, lorsque les enfants sont un petit peu à la dérive, de pénaliser les familles. Je ne crois pas que ce soit la bonne méthode. En tout cas, je ne vois pas comment vous pourriez expliquer au pays que ceux qui n'ont pas compris la nécessité de faire figurer leurs consultations, l'état de leur santé et leur histoire médicale sur un document doivent être pénalisés de 10 %.

M. Bernard Accoyer.

Vous avez raison !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

C'est une thèse absolument impossible à défendre.

Par ailleurs, vous nous avez reproché, à propos de Sesam-Vitale et du réseau santé-social, un certain immobilisme.

M. Bernard Accoyer.

J'ai parlé de Sesam-Vitale 1 !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Ne reprenons pas un débat que nous avons déjà eu à maintes reprises. Nous avons trouvé en arrivant une situation particulière, et nous verrons ce qu'il en sera en 1999.

Même si les difficultés que vous avez soulignées sont parfois réelles, Sesam-Vitale 2 sera plus moderne, plus efficace, et ne pénalisera personne, puisqu'il sera impossible de ne pas l'utiliser. Nous aurons ainsi à notre disposition un recueil de données sur chaque malade, dès 1999, je l'espère, et les feuilles de soins seront transmises électroniquement. Les chiffres que vous avez indiqués sont anciens. Maintenant, 54 % des médecins sont informatisés, ce qui est un énorme progrès. Ainsi, nous n'aurons bientôt plus besoin de ce carnet de santé que, sur le principe, j'approuvais.

M. le président.

Monsieur Accoyer, maintenez-vous votre amendement ?

M. Bernard Accoyer.

Bien sûr ! D'autant qu'il va être sous-amendé de façon très intéressante !

M. le président.

Nous allons voir.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

L'amendement de notre collègue Accoyer provoque en moi des sentiments mitigés.

Je suis d'abord frappé par la cohérence de sa démarche.

En effet, un carnet de santé n'est utile que s'il est utilisé : c'est une lapalissade !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est important !

M. François Goulard.

Merci, monsieur le président de la commission, de souligner la profondeur de ma pensée ! Je sais que je peux toujours compter sur vous ! Le carnet de santé n'est utilisé, en pratique, que s'il y a une obligation ou un intérêt à le faire. Je salue donc, je le répète, la cohérence de la démarche de Bernard Accoyer.

Mais, d'un autre côté, je suis gêné par tout ce qui est coercitif, obligatoire, et je préfère de beaucoup l'incitation à la coercition.

M. Bernard Accoyer.

Vous avez raison !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Bravo !

M. François Goulard.

Mais, dans le système d'assurance maladie qui est le nôtre, un système qui est unitaire et monopolistique - cette loi en témoigne par beaucoup de ses articles - , il est assez souvent nécessaire de recourir à la loi et à l'obligation pour obtenir des résultats.

Avec un autre mode d'organisation de l'assurance maladie, il est certain qu'on pourrait éviter ce type de contrainte, parce que la relation serait beaucoup plus contractuelle qu'obligatoire. Mais enfin, acceptons notre sécurité sociale telle qu'elle est. Et, pour passer de la coercition à l'incitation, je suggère au Gouvernement de disposer un sous-amendement. Si je le fais, c'est parce qu'on risque de m'opposer à moi l'article 40 de la Constitution, car ce sous-amendement engendrerait des dépenses. Je propose, en effet, non pas une pénalisation en cas de non-présentation du carnet de santé, mais, au contraire, une amélioration du remboursement quand le patient présente le carnet de santé.

La rédaction serait la suivante : « Le patient présente son carnet de santé à chaque médecin appelé à lui dispenser des soins. La présentation du carnet de santé


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

entraîne une amélioration de 5 % du remboursement de ces soins. » J'ai choisi le pourcentage de 5

% pour être économe des deniers de la sécurité sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

On pourrait même proposer 10 % ! C'est excellent ! C'est du grand Goulard ! (Sourires sur les mêmes bancs.)

M. le secrétaire d'Etat.

On pourrait même donner le médicament !

M. le président.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse.

J'aurais pu me contenter de voter contre cet amendement, sans rien dire. Mais je ne résiste pas à la nécessité d'exprimer mon sentiment, tant les propos qui ont été tenus sont méprisants à l'égard de la population en général et des patients en particulier.

Si les gens comprennent l'intérêt du carnet de santé, ils l'utiliseront sans aucune incitation ni pénalité financière.

D'ailleurs, le carnet de santé des enfants est utilisé, et les parents qui l'oublient - car il y en a qui oublient, c'est la vie - disent au médecin : « Excusez-moi, j'ai oublié le carnet. »

Votre intervention montre que vous ne connaissez pas très bien le fonctionnement de l'activité médicale.

M. Jean Bardet.

Et là, qui est méprisant ?

M. Bernard Accoyer.

Fait personnel, monsieur le président !

Mme Jacqueline Fraysse.

En second lieu, elle traduit le mépris dans lequel vous tenez la population.

Troisièmement, elle montre que vous perséverez dans l'autoritarisme qui a prévalu lors de l'élaboration du plan Juppé. Et cette impression d'autoritarisme - M. Evin et M. Kouchner l'ont rappelé - était due pour une part non négligeable au fait que ce fameux carnet de santé, qui devrait être un élément positif aux yeux de la population, un instrument permettant d'aller dans le sens de la qualité de la santé, est apparu comme un moyen de surveiller, de compter, de mesurer.

Par conséquent, si le carnet de santé ne fonctionne pas comme nous le souhaiterions, c'est essentiellement de votre faute, parce que le plan Juppé en a fait un instrument traduisant le mépris et l'autoritarisme. Et voilà maintenant que vous y ajoutez la coercition ! Ça ne grandit vraiment pas la droite française !

M. le président.

Monsieur le secrétaire d'Etat, reprenez-vous la proposition de sous-amendement de M. Goulard ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Bien évidemment non, monsieur le président.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 186.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Préel a présenté un amendement, no 325, ainsi rédigé :

« Après l'article 15, insérer l'article suivant :

« A compter du 1er janvier 1999, une délégation de gestion du risque, limitée géographiquement, pourra être expérimentée par les assureurs, selon un cahier des charges précis et strict interdisant toute sélection des patients et des professionnels.

« Un rapport d'évaluation sera annexé au projet d e loi de financement de la sécurité sociale pour 2002. »

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Je vais essayer d'être bref car, au train où nous allons, nous serons encore là dimanche soir.

M. le président.

J'incite tout le monde à faire un effort !

M. Jean-Luc Préel.

Comme l'a fait remarquer M. Jacques Barrot il y a quelques instants, ce débat est très intéressant et il n'aurait pas été possible y a quelques années. C'est grâce à Alain Juppé et Jacques Barrot que nous pouvons débattre longuement des problèmes de la protection sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Alliance, démocratie libérale et Indépendants.)

Alors, tant pis, ou tant mieux, si nous sommes encore là dimanche ! L'amendement no 325 propose une délégation de gestion limitée géographiquement, selon un cahier des charges strict, interdisant toute sélection, mais avec une évaluation.

Nous avons clairement dit que nous n'étions favorables ni à l'étatisation ni à la privatisation, pour de nombreuses raisons que je n'ai pas le temps de développer à nouveau.

L'UDF est clairement favorable, et même plus, à la volonté de sauvegarder notre système de protection sociale à la française, dans le cadre de l'autonomie des branches et de la responsabilisation des acteurs.

Nous sommes convaincus qu'une privatisation conduirait à une sélection des malades et des professionnels, et n'aboutirait probablement pas à des économies sur les dépenses de gestion, car les pays dont les dépenses de santé par rapport au PIB sont supérieures à celles de la France, c'est-à-dire les Etats-Unis, le Canada, l'Allemagne et la Suisse, ont précisément des systèmes de concurrence.

Nous sommes néanmoins favorables à une expérimentation consistant à déléguer la gestion du risque, à la condition expresse, je le répète, que cette expérimentation soit limitée géographiquement, qu'il y ait un cahier des charges strict, interdisant toute sélection des patients et des professionnels, et qu'il y ait ensuite une évaluation. Il nous paraît indispensable de faire figurer ces précisions dans la loi.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

Cet amendement ouvrirait la porte à la privatisation de l'assurance maladie. La commission l'a rejeté, ne serait-ce que pour cette raison, sans même examiner les considérations techniques qui ont été développées.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Défavorable également.

M. François Goulard.

Juste un mot, monsieur le président.

M. le président.

Monsieur Goulard, comme l'a dit

M. Préel, si nous ne voulons pas être ici dimanche soir,...

M. Bernard Accoyer.

Ça fera deux dimanches de suite !

M. le président.

Tous ces amendements sont certes i ntéressants, mais d'autres articles importants nous attendent. Je vous propose donc d'avancer.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

M. François Goulard.

Je serai bref, monsieur le président.

M. le président.

Alors, une minute.

M. François Goulard.

J'ai une raison particulière d'intervenir et je me contenterai de défendre les amendements suivants pour le principe.

J'avais déposé un amendement extrêmement voisin, qui a été écarté par la commission, que j'ai jugée particuliè rement sévère...

M. Claude Evin, rapporteur.

Mais juste !

M. François Goulard.

... à l'égard des amendements de l'opposition, dont beaucoup ont été écartés pour des motifs qui me paraissent limites.

Je ne reprendrai pas le débat, car j'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur la délégation de gestion et sur l'expérimentation concernant la gestion du risque. Je déplore vivement la position du rapporteur, qui est totalement bloquée car il refuse toute expérimentation, tout ce qui est différent de ce qui existe actuellement.

M. le président.

Monsieur Goulard, votre amendement n'est pas le seul à avoir été déclaré irrecevable : cela a égal ement été le cas pour des amendements de Mme Mignon.

Mme Hélène Mignon.

Tout à fait !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Et pour d'autres aussi !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 325.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Préel, Gengenwin, Bur et Foucher ont présenté un amendement, no 132, ainsi rédigé :

« Après l'article 15, insérer l'article suivant :

« Le Gouvernement étudiera l'opportunité de financer des mesures de sécurité anesthésique et des mesures de sécurité sur la périnatalité. »

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Cet amendement vise à étudier l'opportunité de financer des mesures de sécurité anesthésique et des mesures de sécurité concernant la périnatalité.

Deux décrets ont été pris pour améliorer la sécurité des malades. Au cours de discussions récentes, les anesthésistes, au-delà de revendications légitimes concernant leur mode d'exercice, leur avenir professionnel et leur nombre dans les établissements, ont insisté pour que les moyens financiers correspondant à ces deux décrets très importants pour la santé de la population soient prévus.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement, qui n'est pas strictement législatif. Au mieux, il pourrait éventuellement trouver sa place dans l'annexe, mais certainement pas à cet endroit du texte.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Je mesure la surcharge de travail qu'imposent les normes de sécurité sanitaire, qui sont indispensables. Mais je tiens à vous préciser que, dans l'ONDAM qui vous est proposé, les conséquences financières des normes de sécurité sanitaire ont été prises en compte et que des consignes très particulières ont été adressées aux agences régionales d'hospitalisation pour qu'elles vérifient que ces normes pourront, compte tenu des budgets, être adaptées et appliquées.

M. Jean-Luc Préel.

Merci, monsieur le secrétaire d'Etat ! Vous êtes plus positif que M. le rapporteur !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 132.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 16

M. le président.

« Art. 16. - I. - A la section IV du chapitre 1er du titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale, sont insérés les articles L. 161-28-1 à L. 161-28-4 ainsi rédigés :

« Art. L. 161-28-1 . - Il est créé un système national d'information interrégimes de l'assurance maladie qui contribue :

« 1o A la connaissance des dépenses de l'ensemble des régimes d'assurance maladie par circonscription géographique, par nature de dépenses, par catégorie de professionnels responsables de ces dépenses et par professionnel ou établissement ;

« 2o A la transmission en retour aux prestataires de soins d'informations pertinentes relatives à leur activité et leur revenu, et s'il y a lieu à leurs prescriptions.

« Le système national d'information interrégimes est mis en place par les organismes gérant un régime de base d'assurance maladie. Ces derniers transmettent au système national d'information interrégimes de l'assurance maladie les données nécessaires.

« Les modalités de gestion et de renseignement du système national d'information interrégimes de l'assurance maladie, définies conjointement par protocole passé entre au moins la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, la caisse centrale de mutualité sociale agricole et la caisse nationale d'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés, sont approuvées par un arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.

« Les données reçues et traitées par le système national d'information interrégimes de l'assurance maladie préservent l'anonymat des personnes ayant bénéficié des prestations de soins.

« Art. L. 161-28-2 . - Afin de garantir la qualité dur ecueil et du traitement des données relatives aux dépenses d'assurance maladie, il est créé auprès des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale un conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie.

« Ce conseil est composé du président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale ou son représentant, du président de la commission des affaires sociales du Sénat ou son représentant, du secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale, de représentants des caisses nationales d'assurance maladie, des professions de santé et de personnalités qualifiées dans les domaines de l'information de santé ou des statistiques.

« Les modalités d'application du présent article sont déterminées par décret.

« Art. L. 161-28-3 . - Le conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie est chargé :

« 1o De veiller à la qualité du recueil et du traitement des informations statistiques produites par l'assurance maladie, relatives aux soins de ville ;

« 2o De donner un avis sur la qualité des informations statistiques produites par les organismes d'assurance maladie dans le domaine des soins de ville et de contribuer


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

par ses avis à définir la nature et les destinataires des productions statistiques dans le domaine des soins de ville, utiles à la connaissance des pratiques de soins et des dépenses de santé ;

« 3o De donner aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale un avis sur la mise en oeuvre des dispositions du premier alinéa de l'article L. 161-29, notamment sur les conditions d'élaboration du codage des pathologies ainsi que sur les modalités de collecte, de traitement et d'utilisation des données issues de ce traitement.

« Le conseil établit chaque année un rapport aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.

Pour l'information du Parlement, le Gouvernement lui présente ce rapport, chaque année, pendant cinq ans, lors du dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

« Art. L. 161-28-4 . - Les organismes d'assurance maladie sont tenus d'adresser communication au conseil de la description précise des traitements des informations statistiques relatives aux soins de ville qu'ils mettent en oeuvre ainsi que les informations statistiques qu'ils produisent dans le domaine des soins de ville. »

« II. L'article L. 161-29 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

« 1o Au cinquième alinéa, les mots : "l'article 378 du c ode pénal" sont remplacés par les mots : "les articles 226-13 et 226-14 du code pénal" ;

« 2o Au sixième alinéa, les mots : "du comité national p aritaire de l'information médicale visé à l'article L. 161-30" sont remplacés par les mots : "du conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie mentionné à l'article L. 161-28-2".

« III. L'article L. 161-30 du même code est abrogé. »

Sur l'article 16, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Je tiens à saluer l'arrivée du SNIIRAM, le système national d'information interrégimes de l'assurance maladie, qui vient compléter les SNIR, les systèmes nationaux interrégimes. Nous progressons ! (Sourires.) Mais j'ai bien peur, madame la ministre, que vous ne nous proposiez une nouvelle usine à gaz.

M. Bernard Accoyer.

Les écolos vont être contents !

M. Jean-Luc Préel.

Ce matin, M. Recours nous a exposé tout l'intérêt que présentaient les usines à gaz dans le paysage, et particulièrement au soleil couchant. Eh bien ! en voilà une, avec le SNIIRAM, le Conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie et tous les rapports prévus ! Si l'on veut faire en sorte que l'ONDAM soit respecté et prévoir une individualisation des clauses de sauvegarde qui prenne en compte les bonnes pratiques médicales et l'activité de chaque praticien, un codage des actes et des pathologies fiable est indispensable. J'ajoute que je suis de ceux qui regrettent le retard pris, personne n'ayant souhaité mettre réellement en place les différents codages, alors qu'ils auraient pu être appliqués depuis longtemps.

Vous vous orientez vers une clause de sauvegarde coll ective, qui sanctionne indifféremment le médecin consciencieux et celui qui l'est moins. Dans ces conditions, le SNIIRAM ne présente aucun intérêt puisque, pour vous, seul compte le bilan comptable. Ainsi, tous les quatre mois, vous sanctionnerez par l'application des l ettres-clés flottantes, selon le niveau des dépenses nationales.

Quel est donc l'intérêt d'un SNIIRAM qui étudiera les actes dans chaque secteur et, bientôt, de chaque praticien ? V ous vous orientez, d'après ce que nous avons compris, vers des sanctions collectives. Il est donc inutile de monter une telle usine à gaz !

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Il est vrai que, face à un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui prétend maîtriser les dépenses de santé, mais qui oublie de qualifier le mot « maîtrise » par l'adjectif « médicalisée », il importe de s'occuper des chiffres.

Jusqu'à présent, il y avait les SNIR, qui fonctionnaient tant bien que mal. Or nous apprenons brutalement que ces instruments n'étaient pas fiables. Espérons qu'ils ne sont pas les seuls à voir leur efficience mise en doute. Il est écrit dans le rapport de M. Evin que les travaux du professeur Stasse suggèrent la création d'une structure de cette nature, ainsi que celle d'un conseil pour la transparence des statistiques concernant le secteur des soins, et notamment des soins ambulatoires. Mais ne doutons pas qu'en mettant en place ces structures on essaie de se prémunir contre les contentieux innombrables qui naîtront du système purement comptable, fiscal, collectif et systématique de reversement qui est prévu à l'article 21, que nous examinerons dans quelques heures.

Disons-le clairement, en ne qualifiant pas la maîtrise d e « médicalisée », en mettant en place, après un ONDAM insuffisant et d'ores et déjà dépassé, un système de lettres-clés flottantes, en instaurant un reversement au franc le franc proportionnel au revenu des praticiens, on crée un système arithmétique qui induira non seulement un rationnement des soins, mais aussi une baisse de la valeur unitaire de ces soins, ce qui, hélas, causera des drames humains dans les cabinets des professionnels de santé, pour les malades - ils ne jouiront plus du même accès aux soins -, et probablement des dérapages dans le bon fonctionnement du système de santé. En réalité, c'est bien un double système de soins que l'on veut mettre en place.

Madame la ministre, l'article 16, qui prétend garantir plus de transparence et plus de sécurité, est un aveu : il s'agit d'avoir des arguments à opposer au juge en cas de contestation d'appels de reversements, ou plutôt de

« contributions conventionnelles », comme vous dites, voulant éviter de parler de sanction collective.

Mais qu'est-ce qui nous garantit que le dispositif sera plus sûr que les précédents et qu'il contribuera à la qualité des soins ? Rien ! P our toutes ces raisons, nous ne voterons pas l'article 16.

M. le président.

MM. Gengenwin, Préel, Foucher, Bur et de Courson ont présenté un amendement, no 326, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 16. »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

La commission a rejeté l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur Accoyer, vous avez ce matin prononcé un plaidoyer, que je partageais d'ailleurs, sur la nécessité d'une très grande transparence des données statistiques. Vous venez cependant de nous expliquer qu'un mécanisme qui vise à cette transparence va dans le mauvais sens. Très franchement, je ne comprends pas ! L'article 16 ne comporte aucune invention. Il s'est agi simplement de prévoir une coordination de données existantes grâce aux différents SNIR - il existe des SNIR médecine de ville et des SNIR cliniques.

L'ensemble des organisations syndicales de médecins, réunies au sein des groupes SAS, ont réclamé une coordination de toutes les données afin que l'on connaisse mieux la réalité et le type des dépenses.

Telle est la réalité, qui va dans le sens de ce que vous demandiez ce matin. Mais il est vrai qu'il vous est toujours difficile d'être favorable à ce que nous faisons car, même quand nous allons dans votre sens, vous nous critiquez.

Il n'a jamais été dans notre esprit d'utiliser un mécanisme comme celui que nous proposons pour un contrôle individuel des médecins. Ce ne serait d'ailleurs pas possible.

J'ai expliqué hier, en répondant à M. Barrot, que, contrairement à lui, je ne croyais pas qu'on puisse procéder à un contrôle individuel des médecins, considérant que tel médecin serait vertueux alors que tel autre ne le serait pas, tant les choses dépendent de la clientèle et du lieu où l'on se trouve.

Les risques que vous avez dénoncés n'existent pas et vos craintes sont infondées.

M. Claude Evin, rapporteur.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Bien que je ne veuille pas allonger la discussion, je voudrais dire deux ou trois choses à M. Accoyer.

Mon cher collègue, il faut être cohérent ! M. Mariani a demandé la création d'une commission d'enquête sur la fiabilité des statistiques. Or l'article 16 répond à ce souci de fiabilité.

Vous vous interrogez, vous demandez une commission d'enquête, on vous apporte des éléments de réponse, et vous êtes contre. J'ai moi aussi du mal à comprendre ! Je signale par ailleurs que, dans les orientations stratégiques adoptées par le conseil d'administration de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés le 13 octobre dernier, le souci de transparence est sans cesse évoqué. Dans un document non moins important, le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution du budget de 1997, la transparence est également mentionnée, et pratiquement à toutes les pages.

L'article 16 prévoit la création d'outils permettant d'aller vers la transparence, sans parler, bien que ce ne soit pas négligeable, de la participation du président de la commission des affaires sociales ou de son représentant, ce qui facilitera un meilleur débat au Parlement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 326.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Evin, rapporteur, M. Bacquet, Mmes Génisson, Andrieux et les commissaires membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 44, ainsi rédigé :

« Dans le troisième alinéa (2o ) du texte proposé pour l'article L. 161-28-1 du code de la sécurité sociale, substituer aux mots : "leur revenu", les mots : "leurs recettes". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Evin, rapporteur.

Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l'amendement no

45.

M. le président.

Je vous en prie, mon cher collègue.

Je suis en effet saisi par M. Evin, rapporteur, et les commissaires membres du groupe socialiste, d'un amendement no 45, ainsi rédigé :

« Avant le dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 161-28-1 du code de la sécurité sociale, insérer l'alinéa suivant :

« Cet arrêté, pris après avis motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, tient lieu d'acte réglementaire des organismes d'assurance maladie au sens du premier alinéa de l'article 15 de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. »

Vous avez la parole, monsieur le rapporteur.

M. Claude Evin, rapporteur. Ces deux amendements n'ont pas posé de problème et n'ont pas fait l'objet de longs débats en commission.

Le premier tend, dans le texte proposé pour l'article L. 161-28-1 du code de la sécurité sociale, à substituer aux mots : « leur revenu », les mots : « leurs recettes ». Le second vise à rendre cohérent ce même texte avec la loi qui a créé la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Je dirai d'abord que je n'ai pas bien compris le contenu de l'amendement no 45, car il ne nous a été réellement présenté...

M. Claude Evin, rapporteur.

Mais si !

M. Bernard Accoyer.

Quant à l'amendement no 44, il est loin d'être anodin : il traduit l'esprit dans lequel le projet de loi a été rédigé.

Dans les articles, la terminologie utilisée pour désigner les dépenses de l'assurance maladie fait alterner l'expression « dépenses remboursables » et l'expression « dépenses maladie ». Il y a là un flou sur lequel je voudrais revenir car il importe que les choses soient bien claires.

Les ordonnances du 24 avril 1996 ne concernent pas les dépenses de santé : comme l'avait dit le Président de la République, celles-ci n'ont pas vocation à être plafonnées. La santé est l'un des rares secteurs qui donnera lieu dans les années à venir à création d'activité, de richesse e t d'emplois. C'est un des secteurs où de plus en plus de nouvelles missions et de nouveaux postes de travail seront offerts à nos concitoyens et où de nouveaux projets de production et de développement industriel verront le jour. Il faut par conséquent laisser aux dépenses de santé une marge pour respirer et permettre l'expansion de notre société.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

Quant aux dépenses de l'assurance maladie, c'est-à-dire les dépenses remboursées, elles procèdent de la solidarité, assurancielle, certes, mais de la solidarité quand même.

Elles ont de ce fait un caractère parapublic.

M. Claude Evin, rapporteur.

Cela n'a rien à voir !

M. Bernard Accoyer.

Et celles-là doivent bien entendu être maîtrisées, ce qu'elles sont désormais d'une certaine façon. En tout cas, elles sont placées sous la vigilance de l'Assemblée nationale depuis la publication des ordonnances du 24 avril 1996.

Ainsi, dans le texte proposé pour l'article L. 161-28-1 du code de la sécurité sociale, en écrivant, comme par hasard, « leur revenu », on commet une nouvelle fois une confusion.

On pourrait évidemment divaguer sur l'intérêt de contrôles de toute sorte. Je m'en tiendrai pour ma part à la nécessité impérieuse de distinguer les différents types de dépenses, à savoir celles qui concernent la santé, les dépenses remboursables et les dépenses remboursées, qui sont les dépenses de l'assurance maladie.

S'agissant du SNIIRAM, j'accepte volontiers les arguments de Mme la ministre sur l'évolution du dispositif.

Néanmoins, il faut reconnaître que, dans le système comptable où nous sommes, les chiffres prennent de plus en plus d'importance.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

44. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

45. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 136, ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé pour l'article L. 16128-1 du code de la sécurité sociale par l'alinéa suivant :

« Les frais inhérents à la création et au fonctionnement des systèmes nationaux d'information interrégimes de l'assurance maladie sont couverts par des économies de gestion des caisses d'assurance maladie. »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

L'enveloppe correspondant à l'objectif national d'évolution des dépenses d'assurance maladie sera cette année de 17 ou 18 milliards de francs, soit un montant équivalent à l'exonération de cotisations que le Gouvernement a décidé de ne pas compenser.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ça y est ! C'est reparti !

M. Bernard Accoyer.

Le Gouvernement a désigné deux responsables : d'abord, les médecins et, accessoirement, les laboratoires pharmaceutiques, qui dispensent un certain nombre de produits remboursés par l'assurance maladie sur le territoire national.

Mais il semble qu'il y ait d'autres responsables du dépassement de l'enveloppe, et au premier chef, la demande. Or la demande, ce sont les patients. A cet égard, l'amendement concernant le carnet de santé ne me paraissait pas aussi déplacé qu'on a bien voulu le dire car il serait de nature à responsabiliser les patients.

Il y a également les organismes de remboursement euxmêmes, y compris les organismes d'assurance complémentaire qui, notamment en multipliant les systèmes de tiers payant, ne contribuent pas, vous en conviendrez, à responsabiliser les patients. Ces organismes ont plutôt un effet inflationniste sur le volume des dépenses.

Et il y a nous, représentants désignés des consommateurs, du fait de nos décisions. Quand nous décidons de telle ou telle avancée, de telle ou telle nouvelle campagne, nous déclenchons de nouvelles dépenses, le Parlement et le Gouvernement jouant en l'occurrence leurs rôles respectifs.

On pourrait citer d'autres responsables : les campagnes médiatiques, par exemple, qui vantent telle ou telle technique.

Enfin, il existe des facteurs que nous ne maîtrisons pas : le vieillissement de la population, qui gagne chaque année trois mois d'espérance de vie, et cela à une période où les dépenses sont particulièrement élevées en matière de santé puisqu'elles atteignent plusieurs milliards.

Il faut également compter avec l'arrivée de nouveaux produits qui ont reçu une autorisation de mise sur le marché sans être pour autant remboursés, notamment parce que le laboratoire concerné a décidé qu'en France le remboursement présentait plus d'ennuis que d'avantages.

C'est la cas du viagra et du xénical. Qu'en sera-t-il demain des molécules qui auront des effets importants sur le pronostic des maladies ? Mais il est d'autres décisions pour lesquelles le Gouvernement a une pleine responsabilité. Quand, par exemple, il augmente le nombre de ceux qui seront couverts par l'assurance maladie, il doit assumer cette décision et au moins compenser les nouvelles dépenses ainsi créées. C'est le cas avec les 70 000 régularisations de sans-papiers qui ont eu lieu cette année. (M. le président de la commission s'exclame.)

Voilà pourquoi on ne peut pas engager de nouvelles dépenses en créant de nouvelles structures, comme le SNIIRAM, et assurer le financement de leur fonctionnement uniquement par des économies de gestion des caisses d'assurance maladie.

M. Gérard Terrier.

Vous montrez votre vrai visage !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

La commission n'est pas favorable à l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable ! J'admire le talent de M. Accoyer qui, alors que nous parlons du SNIIRAM, est parvenu à nous entretenir de la réduction de la durée du travail et des sans-papiers. Cela suppose un talent assez prodigieux ! (Sourires.)

M. François Goulard.

C'est du grand art !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 136.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Goulard a présenté trois amendements, nos 237, 238, 239. Leur auteur acceptera sans doute de les défendre globalement...

M. François Goulard.

Volontiers, monsieur le président.

M. le président.

L'amendement no 237 est ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article L.

161-28-2 du code de la sécurité sociale, supprimer les mots : "auprès des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

L'amendement no 238 est ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article L.

161-28-2 du code de la sécurité sociale, supprimer les mots : "du président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale ou son représentant, du représentant de la commission des affaires sociales du Sénat ou son représentant, du secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale". »

L'amendement no 239 est ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article L.

161-28-3 du code de la sécurité sociale, supprimer les mots : "relatives aux soins de ville". »

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Comme je m'y suis engagé, monsieur le président, je serai très bref.

A travers l'article 16 du projet de loi on met une nouvelle fois la loi à contribution alors que les choses pourraient être réglées autrement.

Une phrase de l'exposé des motifs a retenu mon attention : « Aucune règle n'oblige l'ensemble des régimes à transmettre les données nécessaires à la caisse qui gère ces systèmes, à savoir la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés. »

Il n'y a donc aucune règle qui s'impose à cet égard à l'ensemble des régimes. En faudrait-il une ? Peut-on nous expliquer pourquoi, de façon contractuelle, de façon volontaire, il n'existe pas de centralisation des données comme celles dont il s'agit ici ? S'il y a un obstacle juridique, du type de ceux qui renvoient à la protection des libertés, qu'on nous le dise ! Et, si tel était vraiment le cas, je comprendrais fort bien que la loi intervienne. Mais quand il ne s'agit que de recueillir et de centraliser des données, alors même que la normalisation existait déjà dans les systèmes antérieurs, je trouve qu'il est excessif de légiférer.

Quant au conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie, je trouve tout à fait charmant que l'on nous dise qu'il est destiné à contribuer à la meilleure information du Parlement. Mais qui peut sérieusement croire que c'est pour la meilleure information du Parlement que l'on crée un organe de plus alors que nous savons très bien que les problèmes que nous posent les systèmes d'information viennent de leur fonctionnement ? C'est en effet souvent l'incapacité de nos régimes d'assurance maladie de concevoir et de faire fonctionner de bons systèmes d'information que nous devons déplorer. Il ne s'agit donc pas d'un problème législatif.

Voilà ce que je voulais signifier par mes trois amendements, et je m'en tiendrai, monsieur le président, à ces explications générales.

M. le président.

Je vous en sais gré, monsieur Goulard.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ces trois amendements n'ont pas été adoptés par la commission. Mais l'amendement no 238 m'a fait beaucoup de peine, monsieur Goulard.

M. François Goulard.

J'en suis navré !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

En effet, vous vous opposez à la présence du président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, ou de son représentant, dans cette structure d'information sur la fiabilité des statistiques, alors que vous soutiendrez probablement la création d'une commission d'enquête sur la fiabilité des statistiques proposée par M. Mariani. Dès lors, vous ne pouvez être en désaccord à ma présence sur le fond. C'est donc contre moi personnellement que vous en avez et j'en suis vraiment désolé ! (Sourires.)

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 237.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 238.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 239.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 137, ainsi rédigé :

« Compléter le deuxième alinéa (1o ) du texte proposé pour l'article L. 161-28-3 du code de la sécurité sociale par les mots : "et à l'hospitalisation". »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Avec cet amendement, je souhaite simplement attirer l'attention de l'Assemblée sur l'importance des informations relatives à l'hospitalisation.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

Défavorable !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Même avis que la commission !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 137.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Goulard a présenté un amendement, no 240, ainsi rédigé :

« Dans le troisième alinéa du texte proposé pour l'article L. 161-28-3 du code de la sécurité sociale, supprimer par deux fois les mots : "dans le domaine des soins de ville". »

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

L'amendement est défendu ! M. Claude Evin rapporteur.

Avis défavorable !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 240.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 139, ainsi rédigé :

« Dans le troisième alinéa (2o ) du texte proposé pour l'article L. 161-28-3 du code de la sécurité sociale, après les mots : "dans le domaine des soins de ville", insérer les mots : "et de l'hospitalisation". »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

L'amendement est défendu !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable ! M. Claude Evin rapporteur.

Défavorable !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 139.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 46 et 241.

L'amendement no 46 est présenté par M. Évin, rapporteur, et les commissaires membres du groupe socialiste ; l'amendement no 241 est présenté par M. Goulard.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'avant-dernier alinéa (3o ) du texte proposé pour l'article L. 161-28-3 du code de la sécurité sociale. »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

46.

M. Claude Evin, rapporteur.

Le Gouvernement propose de mettre en place un conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie, dont la compétence serait limitée, dans un premier temps du moins, à la médecine de ville. Il ne s'agit pas, pour l'instant, d'associer l'hospitalisation à cette démarche. Ce n'est pas que le besoin d'introduire également de la transparence dans les statistiques concernant l'hospitalisation ne se fasse pas sentir, mais, compte tenu des différents modes de financement, il n'est pas possible, pour l'heure, de mettre en place une commission qui aurait cette vocation élargie.

Nous examinerons un peu plus tard un amendement de conséquence de la commission visant à maintenir le Comité national paritaire de l'information médicale institué par l'article L. 161-30 du code de la sécurité sociale,e t dont la vocation est notamment de faire des recommandations relatives au codage des actes et des pathologies, y compris pour l'hôpital. L'hospitalisation n'entrant pas dans le champ de compétences du Conseil pour la transparence des statistiques, la commission estime qu'il n'a pas à se substituer au Comité national paritaire de l'information médicale comme le prévoit le projet. L'amendement no 46 a donc pour objet de supprimer cette substitution.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard, pour soutenir l'amendement no 241.

M. François Goulard.

Je tiens avant tout à dire au président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales que, naturellement, mon amendement no 238 n'était pas une attaque ad hominem. (Sourires.)

Sérieusement, je ne crois pas que la bonne information du Parlement et le bon exercice de son pouvoir de contrôle passent par la présence tous azimuts de ses représentants dans des instances qui relèvent plutôt de la fonction exécutive. Certes, il faut renforcer les moyens de contrôle du Parlement, mais ce n'est pas en l'associant étroitement à la gestion des données de la sécurité sociale, par exemple, que nous y parviendrons. C'est au contraire en confrontant nos propres observations à celles du Gouvernement que nous serons le plus efficaces. Voilà ce que je voulais dire pour rebondir sur l'observation du président Le Garrec.

Quant à l'amendement no 241, c'est toujours une erreur que de séparer l'hôpital de la médecine de ville, y compris en matière de statistiques. Il faut au contraire les rapprocher pour une plus grande efficacité de notre système de soins.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Dans un premier temps, le Gouvernement avait pensé fondre ces deux instances, mais, après réflexion, il n'est pas opposé à ces amendements.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 46 et 241.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

M. Évin, rapporteur, les commissaires membres du groupe socialiste et M. Accoyer ont présenté un amendement, no 47, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi la dernière phrase du dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 161-28-3 du code de la sécurité sociale :

« Pour l'information du Parlement, ce rapport est rattaché à l'annexe visée au b du II de l'article LO 111-4. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Evin, rapporteur.

C'est un amendement de précision.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Favorable !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

47. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 138, ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé pour l'article L. 16128-3 du code de la sécurité sociale par l'alinéa suivant :

« Ce rapport comprend quatre parties : une partie hospitalisation, une partie soins ambulatoires, une partie secteur médico-social et une partie gestion des caisses. »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Le suivi de l'évolution des données, c'est-à-dire en gros des dépenses, doit clairement décomposer les différents postes. Il est donc proposé que le rapport établi chaque année par le conseil pour la transparence des statistiques comprenne quatre parties : une partie pour l'hospitalisation, une partie pour les soins ambulatoires, une partie pour le secteur médico-social qui sera sous enveloppe après le vote de cette loi, et une partie pour la gestion des caisses d'assurance maladie. Cette précision permettrait à chaque parlementaire, mais également à tous les citoyens, de connaître exactement l'évolution des données chiffrées que ce rapport entend cerner et faciliterait la prise de conscience de l'importance de tous ces secteurs.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

Défavorable !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 138.

(L'amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

M. le président.

M. Evin, rapporteur, et les commissaires membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 48, ainsi rédigé :

« Dans le texte proposé pour l'article L. 161-28-4 du code de la sécurité sociale, substituer aux mots : "sont tenus d'adresser communication au conseil de", les mots : "communiquent au conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Evin, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Favorable !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

48. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 49 et 242.

L'amendement no 49 est présenté par M. Evin, rapporteur, et les commissaires membres du groupe socialiste ; l'amendement no 242 est présenté par M. Goulard.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer les II et III de l'article 16. »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

49.

M. Claude Evin, rapporteur.

Amendement de conséquence !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Favorable !

M. le président.

L'amendement no 242 est identique, monsieur Goulard !...

M. Bernard Accoyer.

Il m'a été distribué un amendement no 242 de M. Mariani et je souhaite le défendre, monsieur le président !

M. le président.

L'amendement dont il est question dans notre débat porte le nom de M. Goulard et il est identique à celui de la commission.

M. Bernard Accoyer.

Il m'a été distribué un amendement de M. Mariani !

M. le président.

Ce dernier porte sur un autre texte, dont nous discuterons un week-end, dans une dizaine de jours !

M. Bernard Accoyer.

Comment se fait-il, alors, qu'il ait été distribué ?

M. le président.

C'est une erreur technique.

M. Bernard Accoyer.

De quel week-end s'agit-il, monsieur le président ?

M. le président.

Nous commencerons la semaine prochaine. L'amendement dont vous parlez porte sur un autre texte. Il n'a rien à voir avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

M. Accoyer est capable de le défendre même sur ce texte ! (Sourires.)

M. Bernard Accoyer.

Il s'agirait donc du PACS ?...

M. le président.

Voilà ! Vous aurez l'occasion de parler, monsieur Accoyer, si vous êtes là le week-end des 7 et 8 novembre.

M. Bernard Accoyer.

C'est un amendement important !...

M. le président.

Je n'en doute pas !

M. Bernard Accoyer.

C'est une erreur freudienne ! (Sourires.)

M. le président.

Cela ne se reproduira plus.

M. Daniel Marcovitch.

M. Accoyer est capable de défendre la veuve, l'orphelin et n'importe quel amendement ! (Sourires.)

M. le président.

Monsieur Goulard, vous avez la parole.

M. François Goulard.

Monsieur le président, je souhaite un éclaircissement. J'apparais sur la feuille jaune comme l'auteur de l'amendement no 242 et je voudrais plaider non coupable : je ne suis pas l'auteur de l'amendement Mariani ! (Sourires.)

M. le président.

Mais il ne s'agit pas d'un amendement Mariani ! Les amendements nos 49 et 242 sont identiques.

M. Jean Bardet.

Avec la pagaille qui règne, on ne peut pas savoir !...

M. Daniel Marcovitch.

Mettez de l'ordre sur vos tables et dans vos têtes, messieurs !

M. Bernard Accoyer.

On ne peut pas se prononcer sur un amendement qu'on ne connaît pas !

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 49 de la commission et 242 de M. Goulard.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 16, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 16, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, voilà maintenant presque trois heures que nous travaillons intensément. Serait-il possible de disposer de quelques minutes de repos pour nous livrer à des libations élémentaires ? (Rires.)

M. Claude Evin, rapporteur.

Bonne idée !

M. le président.

Si je comprends bien, vous demandez une suspension de séance, monsieur Accoyer !

M. Bernard Accoyer.

C'est cela, monsieur le président !

M. le président.

Avez-vous une délégation de pouvoir pour réunir votre groupe ?

M. Bernard Accoyer.

Oui, monsieur le président ! Je suis le porte-parole de mon groupe !

M. le président.

Alors, la suspension est accordée, pour cinq minutes.

M. Bernard Accoyer.

Merci, monsieur le président ! Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.)

M. le président.

La séance est reprise.

Nous arrivons à l'article 17.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

Article 17

M. le président.

« Art. 17. - I. - Après le 11o de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, il est créé un 12o et un 13o ainsi rédigés :

« 12o Le cas échéant,

« a) Les conditions particulières d'exercice propres à favoriser la coordination des soins par un médecin généraliste choisi par le patient, et les modes de rémunération, autres que le paiement à l'acte, y afférents ;

« b) Les conditions particulières d'exercice permettant la prise en charge globale de patients dans le cadre de réseaux de soins, et les modes de rémunération des médecins participant à ces réseaux ;

« c) Les droits et obligations respectifs des médecins, des patients et des caisses, ainsi que des modalités d'évaluation associées aux formes d'exercice et modes de rémunération mentionnés aux a et b ci-dessus ;

« 13o Le cas échéant, les modes de rémunération, autres que le paiement à l'acte, des activités de soins ainsi que les modes de rémunération des activités non curatives des médecins, et notamment de prévention, d'éducation pour la santé, de formation, d'évaluation, d'études de santé publique, de veille sanitaire, prévus par des contrats passés entre les médecins concernés et les organismes d'assurance maladie et définissant les obligations relatives aux conditions d'exercice qui en résultent pour les intéressés. »

« II. L'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour la mise en oeuvre des 12o et 13o , il peut être fait application des dérogations mentionnées au II de l'article L. 162-31-1. »

L a parole est à M. Jean-Luc Préel, inscrit sur l'article 17.

M. Jean-Luc Préel.

Avec l'article 17 apparaît dans la loi le médecin référent. Il ne s'agit plus explicitement d'une expérimentation, comme nous l'avions souhaité auparavant.

Chacun reconnaît qu'il est nécessaire de coordonner les soins, de disposer d'un dossier médical exhaustif. C'est l'intérêt du malade que nous devons d'abord avoir à l'esprit. Il est donc souhaitable qu'un médecin dispose de l'ensemble des informations le concernant : antécédents cliniques, examens de laboratoires, radios, traitements et, bien entendu, éventuelles incompatibilités et allergies rencontrées. Ainsi sera évité le renouvellement inutile d'examens récents déjà effectués. Ainsi seront mieux contrôlées les éventuelles et fréquentes contre-indications de diverses thérapeutiques.

Mais cette organisation par le médecin référent, qui bouleversera la pratique, doit, dans un premier temps, demeurer expérimentale, la coordination pouvant se faire dans le cadre de réseaux ou de filières centrés sur le malade, la pathologie ou la zone géographique.

L'accès direct auprès de certains spécialistes doit demeurer possible.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Il le demeure.

M. Jean-Luc Préel.

Il en est ainsi, à l'évidence, de l'ophtalmologue, de l'ORL, du pédiatre, du gynécologue, et plus encore peut-être du psychiatre, pour des raisons bien compréhensibles. Se pose aussi le problème de l'accès direct au cardiologue et à d'autres spécialistes dans le cadre de l'urgence.

Est aussi en cause l'accès direct à l'hôpital. Lorsque l'on constate la dérive des services d'urgence hospitaliers parce que les malades sont sûrs d'y être soignés, on comprend qu'il est indispensable de revoir l'organisation des urgences ambulatoires. Combien de généralistes font encore de la petite chirurgie, celle qui précisément encombre les urgences de l'hôpital ? Tous ces problèmes et bien d'autres, que faute de temps je ne pourrai développer, méritent une réelle attention. Or, si la coordination est indispensable, votre précipitation à légiférer pour autoriser le médecin référent tient surtout à votre souhait d'obtenir la signature d'une convention généraliste avec l'un des syndicats.

Le deuxième point important de l'article 17 est la modification du mode de rémunération. S'il apparaît nécessaire de prévoir un mode de rémunération spécifique pour les activités non curatives des médecins, il ne semble pas souhaitable de modifier celui des activités de soins.

Surtout, si je ne suis pas opposé à ce que le médecin référent ait une rémunération ou des avantages liés à sa fonction de coordination, je trouverais choquant que le malade ne soit pas remboursé de la même façon quel que soit le médecin consulté. Vous prendriez un risque que je ne saurais accepter, celui d'aggraver les inégalités quant à l'accès aux soins, inégalités générales et inégalités territoriales.

M. François Goulard.

C'est vrai !

M. le président.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 140, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 17. »

Cet amendement est-il défendu ?

M. Jean-Pierre Foucher.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

Monsieur Préel, l'article 17 a pour objet d'élargir le champ conventionnel. Il s'agit de donner aux partenaires conventionnels la possibilité, le cas échéant, de mettre en oeuvre divers outils de modernisation du système de soins.

L'annulation des conventions médicales par le Conseil d'Etat a montré que le code de la sécurité sociale comportait un certain nombre de verrous qui s'étaient mis en place progressivement et empêchaient les partenaires conventionnels de promouvoir des mécanismes de modernisation, sauf à recourir à la procédure un peu complexe de l'expérimentation, dans le cadre fixé par la commission Soubie. Avec l'article 17, nous permettons aux partenaires conventionnels de décider eux-mêmes le recours à des mécanismes nouveaux, par exemple d'autres modes de rémunération.

S'opposer à cet article reviendrait à restreindre le champ ainsi ouvert aux partenaires conventionnels. C'est pour cette raison que la commission est hostile à sa suppression.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Défavorable, bien entendu, mais je voudrais répondre à l'intervention de M. Préel sur l'article.

Vous avez laissé entendre, monsieur le député, que nous étions en quête de signatures au bas d'une convention. Je vous rappelle donc que la convention relative au médecin référent avait été signée précédemment et q ue le dispositif était déjà en place. De toute façon, ce qui vous inspire uniquement dans ce projet de loi de financement, c'est l'intérêt général.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

Il faut absolument, selon vous, que les patients puissent consulter sans restriction des spécialistes s'ils en ressentent le besoin. C'est toujours possible. Mais nous souhaitons que, par l'intermédiaire du médecin référent, ils puissent constituer un dossier unique qui soit à leur disposition pour organiser et harmoniser les soins. Nous n'avons donc pas attendu la convention signée il y a quelques jours entre un syndicat et la CNAM, et nous n'avons restreint ni le libre choix ni la liberté des malades d'aller consulter eux-mêmes un spécialiste.

Grâce à l'élargissement de son champ d'intervention, la convention permettra, progrès considérable, d'établir de nouveaux modes de fonctionnement et singulièrement - vous en êtes partisan - de nouveaux modes de rémunération. J'ai donné l'exemple de la prise en charge de la consultation d'une heure, nécessaire pour l'évaluation des douleurs chroniques rebelles.

J'espère que des expérimentations seront bientôt lancées dans ce cadre. Le conseil d'expérimentation, dit comité ou commission Soubie, permettait déjà de déroger au tarif des honoraires prévus par la convention médicale, à la règle du paiement direct des honoraires par le malade, au champ des frais couverts par l'assurance maladie et à la participation de l'assuré, c'est-à-dire aux règles concernant le ticket modérateur. Mais tout cela était extrêmement lourd.

Nous autorisons certains de ces projets d'expérimentation directement par convention. Il me semble qu'il s'agit d'un progrès considérable non seulement au regard du contenu des conventions, mais encore pour une prise en charge plus performante des pathologies qui, à l'intérieur d'un même réseau, verront se déplacer les malades et surtout les médecins complémentaires l'un de l'autre, en liaison sans aucun doute - mais ce n'est pas obligatoire - avec l'hôpital.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 140.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Evin, rapporteur, et les commissaires membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 50, ainsi rédigé :

« Avant le I de l'article 17, insérer le paragraphe suivant :

« I A. - Après le cinquième alinéa (2o ) de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 2o bis . - Le cas échéant, les conditions tendant à éviter à l'assuré social de payer directement les honoraires aux médecins. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Evin, rapporteur.

En adoptant cet amendement, la commission a souhaité adresser aux partenaires conventionnels un message politique fort. Il ne s'agit pas, naturellement, de rendre obligatoire la généralisation du tiers payant, mais de donner aux partenaires conventionnels, lorsqu'ils le souhaitent, la possibilité de mettre en place des mécanismes de tiers payant généralisé, non seulement pour les personnes les plus en difficulté face à l'accès aux soins, mais pour l'ensemble des actes médicaux en médecine ambulatoire.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

L'amendement de la commission préconise le développement du tiers payant. Il nous semble que cet outil ne doit pas être galvaudé, car il a aussi pour conséquence de déresponsabiliser le patient et de remettre en cause l'un des éléments fondamentaux du système français qui est le paiement à l'acte. Nous ne sommes pas des adversaires du tiers payant, mais nous considérons qu'il faut y recourir dans certaines circonstances bien précises, notamment pour tenir compte des obligations sociales qui sont les nôtres.

M. Claude Evin, rapporteur.

Pas uniquement.

M. Bernard Accoyer.

Même si le rapporteur prend la précaution de dire qu'il ne s'agit pas de le généraliser, il nous semble dangereux d'étendre le tiers payant à des situations autres que celles de personnes ayant des difficultés d'accès aux soins, souffrant de pathologies coûteuses ou de longue durée ou nécessitant des actes dont le coût excède un certain seuil. J'observe d'ailleurs qu'il existe déjà des mécanismes de dispense d'avance des frais qui permettent de répondre à nos obligations, notamment sociales, en matière d'accès aux soins.

L'article 17 opère à l'évidence un changement fondamental de notre système de soins. Jusqu'à présent, les médecins référents étaient partie intégrante de l'expérimentation de filières négociée de manière conventionnelle, qui permettait d'offrir des choix après évaluation.

On est en train, avec cet article et les amendements qui l'accompagnent, en particulier celui-ci, de faire glisser notre système de soins vers un autre système où prévaudront des obligations de passage par le médecin généraliste, où prévaudront également des modes de paiement qui ne correspondent pas à la tradition française des soins ambulatoires à laquelle nos concitoyens sont très attachés.

Les ordonnances de 1996 avaient prévu des expérimentations débouchant, après bilan, si cela le méritait, sur le développement de filières ou de réseaux auxquels nous ne sommes pas opposés par principe, mais dont nous entendons savoir au préalable s'ils sont efficaces et s'ils n'ont pas d'effets pervers, notamment sur la qualité et le coût des soins. L'important, c'est l'évaluation. Il n'en est plus fait état désormais, puisque le caractère expérimental, que l'on nous a dit en commission être toujours présent, paraît désormais ne plus être inscrit dans l'esprit des auteurs de ce texte.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

50. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Evin, rapporteur, et les commissaires membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 51, ainsi libellé :

« Avant le I de l'article 17, insérer le paragraphe suivant :

« I B. Après le sixième alinéa (3o ) de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 3o bis Le cas échéant, les conditions de valorisation des actions d'évaluation des pratiques professionnelles individuelles ou collectives. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Evin, rapporteur .

Il s'agit, là encore, d'élargir le champ conventionnel en permettant aux partenaires, selon les conditions qu'ils détermineront euxmêmes, de valoriser les actions d'évaluation des pratiques professionnelles individuelles ou collectives que nous mettrons en oeuvre à l'article 20.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Je partage le souci du rapporteur pour que l'évaluation soit mise en valeur par voie conventionnelle. Mais je ne pense pas une


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

seconde que le rapporteur ait supposé que sa rédaction pouvait laisser évoquer un possible financement supplémentaire. C'est pourquoi je lui suggère de rectifier son amendement en substituant au mot « valorisation », qui peut prêter à confusion, le mot « promotion ». On y gagnerait en transparence.

M. le président.

Acceptez-vous de rectifier ainsi votre amendement, monsieur le rapporteur ?

M. Claude Evin, rapporteur.

Bien volontiers. Je confirme à M. le secrétaire d'Etat et à Mme la ministre que l'intention de la commission n'était nullement d'autoriser les partenaires conventionnels à promouvoir les actions d'évaluation au travers d'une valorisation financ ière. Le positionnement de cet amendement à l'article L. 162-5 en témoigne.

Par contre, il est nécessaire que les partenaires conventionnels assurent la promotion des actions d'évaluation des pratiques individuelles et collectives.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

« Valorisation » et « promotion », ce n'est pas tout à fait pareil. La promotion est une forme de publicité.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Pas nécessairement.

La racine est le verbe promouvoir, au sens de faire connaître, informer, développer.

M. Bernard Accoyer.

Quelle acception donnez-vous à ce mot, monsieur le rapporteur ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

C'est moi qui l'ai proposé, mais enfin...

M. le président.

On sollicite vos explications, monsieur le rapporteur.

M. Claude Evin, rapporteur.

Je suis étonné de voir des gens qui se réclament, par ailleurs, d'un certain libéralisme considérer que, quand on ouvre aux partenaires conventionnels des possibilités de négocier sans aucune contrainte, la conclusion à en tirer, c'est qu'on les invite à faire de la publicité.

Non, je l'ai dit à deux reprises, c'est dans le cadre d'un champ conventionnel élargi que les partenaires choisiront les meilleures formules permettant de promouvoir les actions d'évaluation des pratiques professionnelles.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 51, le mot « promotion » étant substitué au mot « valorisation ».

(L'amendement, ainsi rectifié, est adopté.)

M. le président.

M. Goulard a présenté un amendement, no 243, ainsi rédigé :

« Substituer aux deuxième à avant-dernier alinéas du I de l'article 17 l'alinéa suivant :

« 12o des actions proposées par les partenaires conventionnels dans le cadre des actions visées à l'article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale. »

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Quand M. le rapporteur vise ses collègues qui se réclament du libéralisme, je me sens visé !

M. Claude Evin, rapporteur.

Ah !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

A juste titre !

M. François Goulard.

Je tiens donc à lui dire que, en tant que libéral, je ne considère pas que les négociations et les conventions auxquelles il fait allusion soient une expression parfaite du libéralisme. En effet, il s'agit de trouver un syndicat dont la représentativité peut être limitée et de signer avec lui. Là se borne le champ de la négociation, ce qui n'est pas grand-chose.

Quant à l'idée de médecin référent, je ne suis ni pour ni contre.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ah !

M. François Goulard.

En revanche il me semble que l'erreur est de vouloir l'imposer dans un système unifié.

En effet, la négociation à laquelle vous faites allusion sera, en fin de compte, terriblement uniformisatrice. C'est cela que je condamne, en appelant de mes voeux davantage d'autonomie des caisses, davantage de décentralisation, afin qu'une formule comme celle du médecin référent puisse être expérimentée par telle caisse ou telle mutuelle, tandis que d'autres s'engageraient dans des voies différentes. Il faut éviter d'avoir un modèle unique, d'autant que personne n'est certain - j'ai personnellement quelques doutes - que le vôtre soit la panacée.

Sur le fond, telle est la divergence profonde qui me sépare non seulement du rapporteur, mais aussi de la plupart de mes collègues de la majorité.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

Je tiens à indiquer à M. Goulard, comme j'aurais pu le dire à M. Accoyer ou à M. Préel, qu'il n'est fait nulle part mention de la notion de médecin référent dans l'article 17. En outre, je rappelle que la négociation de nouvelles formes d'organisation de la médecine ambulatoire n'est qu'une possibilité offerte aux partenaires conventionnels.

A l'opposé des idées libérales que vous affichez, monsieur Goulard, votre amendement aurait pour conséquence de restreindre la liberté des partenaires conventionnels, puisque vous leur refusez la possibilité de mettre en place directement, dans un cadre conventionnel, de nouveaux modes d'exercice de la médecine ambulatoire, en leur imposant de passer par le conseil d'expérimentation, dit commission Soubie.

Or l'existence de ce conseil est justifiée par la nécessité d'examiner certains dossiers, mais, lorsque les partenaires conventionnels peuvent se mettre d'accord sur de nouv eaux modes d'exercice, il faut leur en laisser la possibilité.

A cet égard, monsieur Goulard, vous avez souligné qu'il suffisait d'un seul syndicat. Mais, à moins d'être contre la politique conventionnelle - il faudrait alors en tirer toutes les conséquences - on ne peut donner au législateur le pouvoir d'apprécier la validité des partenaires appelés à négocier les conventions médicales. En la matière, des procédures existent. Elles doivent être respectées et elles le sont. Le reste ne relève pas de notre responsabilité.

Notre rôle est d'élaborer le code de la sécurité sociale, de donner aux partenaires conventionnels des possibilités de négocier de nouvelles conventions médicales. C'est à cet objectif que répond l'article 17 et je suis particulièrement étonné de votre attitude et de votre position sur cet élargissement du champ conventionnel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Absolument identique.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 243.

(L'amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

M. le président.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 163, ainsi rédigé :

« Compléter le deuxième alinéa (12o ) du I de l'article 17 par les mots : "et à titre expérimental, soumis à évaluation sanitaire, médicale et financière par le conseil d'orientation des filières et réseaux de soins expérimentaux". »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Je serais bref, car nous avons déjà évoqué cette question.

Avec cet amendement, nous voulons soumettre l'expérimentation à évaluation sanitaire, médicale et financière par le conseil d'orientation des filières et réseaux de soins expérimentaux, autrement dit par la commission Soubie, dont notre rapporteur vient de parler.

Faire évoluer notre système de soins ambulatoires, pourquoi pas ? Mais dans la liberté, dans le cadre d'expérimentations librement consenties et évaluées de façon objective sur le plan médical et sanitaire avant tout, sur le plan financier également.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

Défavorable.

Je rappelle à M. Accoyer que l'évaluation est déjà prévue au c de l'article 17.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Vous aurez davantage de possibilités d'évaluation, monsieur Accoyer, puisqu'elles relèverons des caisses et des partenaires, et pas seulement de la commission Soubie. Je vous rappelle d'ailleurs que les résultats de quelques mois d'évaluation les ont satisfaits puisqu'ils veulent continuer.

Je ne comprends donc pas que vous vouliez les insérer dans ce carcan, car l'introduction de l'expérimentation dans le cadre de la commission Soubie est relativement lourde. Il faut du temps pour la réaliser.

Dans notre système de soins, un nombre très respectable de praticiens veulent s'engager dans une voie très précise, qui n'est pas contraignante, qui n'oblige pas le malade, mais qui les autorisent à tenter d'autres expériences que vous saluez, que vous appelez de vos voeux et qui, comme vous l'avez souhaité, ne pénaliseront pas le système dit à la française caractérisé par le libre choix et par le paiement à l'acte.

Je précise d'ailleurs que lorsque j'ai parlé de forfait pour des pathologies, je n'ai pas pour autant remis en question le paiement à l'acte. On peut combiner les deux systèmes et même aller plus loin dans la prise en charge du malade. Cet essai va être tenté beaucoup plus souplement, beaucoup plus rapidement et nous pourrons vite en évaluer les conséquences.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 163.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Bur, Préel, Foucher, Gengenwin, Blessig et de Courson ont présenté un amendement, no 328, ainsi rédigé :

« I. A la fin du troisième alinéa (a) du I de l'article 17, supprimer les mots : ", et les modes de rémunération autres que le paiement à l'acte y afférents,". »

« II. En conséquence, dans le dernier alinéa (13o ) du I, supprimer les mots : "les modes de rémunérations autres que le paiement à l'acte, des activités de soin ainsi que". »

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Il est évidemment souhaitable que l'on progresse dans ce domaine en présentant des propositions intéressantes.

Chacun peut constater que, lorsque l'on veut mettre en place des réseaux, en particulier pour réaliser des actes de prévention demandés par le ministère de la santé, les médecins ont souvent du mal à participer parce que le temps passé n'est pas rémunéré.

Par conséquent, nous sommes d'accord pour que des actes de prévention ou d'éducation soient rémunérés non pas selon un système de paiement à l'acte, mais selon un système de forfait.

En revanche, nous refusons que l'on revienne sur le mode de rémunération pour le curatif. Ce domaine ne doit en effet relever que du colloque singulier, du contact direct entre le médecin et son malade. Nous ne voyons donc pas d'un oeil favorable le principe d'une forfaitisation de cette rémunération.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

La commission n'est pas favorable à cet amendement et si nous avions davantage de temps nous pourrions avoir un excellent débat sur ce sujet. Malheureusement nous l'aurons une autre fois.

M. Jean-Luc Préel.

Nous avons tout notre temps !

M. Bernard Accoyer.

Nous sommes à votre disposition, monsieur le rapporteur.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

M. le rapporteur a raison : nous n'avons pas le temps, et cela est bien dommage.

M. Bernard Accoyer.

Mais si, nous sommes ici pour débattre, monsieur le secrétaire d'Etat !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Peut-être, mais j'ai cru comprendre que vous ne vouliez pas vous coucher trop tard demain soir.

M. Jean-Pierre Foucher.

Pas du tout !

M. Jean-Luc Préel.

Nous n'avons rien demandé.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Je serai donc très bref parce que nous n'avons malheureusement pas suffisamment de temps pour traiter à fond d'un tel sujet, sur lequel il nous faudrait des heures.

M. Bernard Accoyer.

On a tout le week-end !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

De nombreux pays ont expérimenté d'autres modes de paiement. Je vous rappelle d'ailleurs que le colloque singulier dont vous parlez a également eu lieu à l'hôpital où il n'y a pourtant pas de paiement à l'acte. Or personne ne remet en question, monsieur Préel, la façon dont nous sommes soignés à l'hôpital sans sortir directement de l'argent de notre poche. Nous sommes plutôt satisfaits de cette formule, surtout lorsque les pathologies sont lourdes. Le colloque - singulièrement dit « singulier » - est un dogme français qu'il conviendrait au moins de réexaminer.

Par ailleurs, je le répète, il n'est pas question de supprimer systématiquement la pratique du paiement à l'acte, même s'il s'y ajoute le colloque singulier très nécessaire pour la prise en charge des douleurs. On peut envisager, vous en êtes convenus, un autre mode de rémunération qui autoriserait le praticien à avoir le temps nécessaire pour parler, prendre en charge, écouter, proposer.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

J'ai déjà parlé des douleurs chroniques rebelles, mais on peut également penser aux soins palliatifs, domaine dans lequel il est absolument nécessaire que nous développions de nouvelles formules, car il faut beaucoup de temps.

Ne voyez donc pas malice dans notre démarche. Nous ne voulons nullement nous lancer dans des expérimentations hasardeuses. Nous entendons seulement assurer la prise en charge des douleurs et garantir l'entière disponibilité de l'être.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le secrétaire d'Etat, on ne peut pas comparer la médecine ambulatoire et l'hospitalisation. Par définition, l'hôpital dispense des actes lourds et coûteux.

M. Claude Evin, rapporteur.

Pas seulement !

M. Bernard Accoyer.

Il n'y a donc pas débat sur les modes de paiement puisqu'ils sont presque tous, depuis longtemps, réglés par le système du tiers payant, d'abord par l'assurance maladie obligatoire, mais également, bien souvent, par un régime complémentaire.

Nous limitons donc notre propos au cadre de cet article, c'est-à-dire aux soins ambulatoires, à l'acte médical de ville. En la matière, il est clair que, s'il doit y avoir des expérimentations, puisque telle est votre volonté, nous demandons qu'elles soient au moins évaluées et réversibles s'il n'est pas démontré qu'elles apportent un avantage médical, sanitaire et financier.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est le cas de toute expérimentation !

M. Bernard Accoyer.

Sinon, quel serait l'intérêt de remettre en cause le système ambulatoire de dispensation des soins dans notre pays, admis, accepté par l'immense majorité de nos concitoyens et fondé sur le principe de la médecine libérale dont l'un des éléments est le paiement à l'acte ? Ce débat est extrêmement important et, si nous ne pouvons l'avoir ici, je me demande où il pourra se dérouler ! Nous sommes précisément à un moment où nous pouvons l'engager et nous y sommes prêts car il est fondamental.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Jean-Luc Préel.

Quand il aura parlé, pourrons-nous répondre ?

M. le président.

Non !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

C'est le danger...

(Sourires.)

M. le président.

Ce n'est pas un « danger », parce que l'Assemblée a un règlement !

M. Bernard Accoyer.

Nous sommes là pour débattre ! Il n'y a pas de « danger » !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

De toute façon, c'est un débat que nous aurons l'occasion de poursuivre.

Monsieur Accoyer, vous avez additionné des concepts qui ne me semblent pas tous équivalents : forfait, paiement à l'acte, tiers payant. En effet, on peut aussi bien, avec un tiers payant, prendre en charge le forfait ou l'acte.

Je veux souligner que si, en général, les pathologies sont plus lourdes à l'hôpital, cela n'est pas toujours le cas.

Au contraire, les consultations hospitalières amènent à régler l'hôpital, et non pas le médecin à l'acte, et elles sont bien distribuées. Qu'un médecin voit cinq patients ou quinze, il n'est pas payé différemment.

M. Bernard Accoyer.

C'est un autre débat !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Qu'un médecin examine cinq ou dix malades en consultation hospitalière, sa rémunération est la même, qu'il soit payé au mois ou à la vacation.

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas la même chose !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Considérez que ce dogme français n'a nulle part son équivalent. Il faut absolument qu'une évolution intervienne pour le bien des patients, pas pour celui des médecins. Mettons une fois pour toutes le patient au centre du dispositif, et, juste à côté, le médecin - mais le patient d'abord.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Tout à fait !

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Evin, rapporteur.

Le sujet est incontestablement important. En la matière, chacun doit se déterminer par rapport au mode de fonctionnement de notre système de soins, lequel a été fondé, à l'origine, sur un séquençage des actes médicaux, ce qui a abouti à un financement en fonction du type d'acte. Or, aujourd'hui, la médecine doit de plus en plus souvent prendre en charge le malade d'une manière plus globale.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Exactement !

M. Claude Evin, rapporteur.

Compte tenu de l'évolution du mode de prise en charge, il est nécessaire d'imaginer celle du financement. Voilà le coeur du débat.

Plaider pour que le financement à l'acte soit le seul mode à retenir dans notre système de santé revient à considérer que la prise en charge globale du malade est impossible. Or cette position est l'un des éléments - sans doute pas le seul - qui font obstacle à cette prise en charge plus globale. Pourtant, chacun sait très bien que, face à l'évolution de certaines pathologies, il est nécessaire d'envisager de nouveaux modes de rémunération pour permettre aux praticiens de mieux répondre à l'ensemble des problèmes posés par le malade.

Pour traiter à fond de ce sujet, il faudrait sans doute un débat beaucoup plus long. Je regrette donc de devoir présenter en trois phrases une appréciation peut-être un peu simpliste sur ce problème fondamental auquel nous sommes confrontés, car il faut apporter des réponses nouvelles.

En élargissant le champ de la négociation, nous permettons aux syndicats médicaux et aux caisses de sécurité sociale d'imaginer de nouveaux modes d'exercice et de rémunération, s'ils le souhaitent. Votre position montre que vous êtes opposés à toute évolution de notre système de soins, au nom de principes dont certains ont été définis dans la charte de la médecine libérale, c'est-à-dire en 1927 ! Nous sommes aujourd'hui à la fin du XXe siècle et nous devons imaginer d'autres solutions, sans remettre en cause les principes déontologiques. A cet égard, je souligne que le paiement à l'acte n'en a jamais été un.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Au contraire !

M. Claude Evin, rapporteur.

Le président du conseil de l'ordre s'est d'ailleurs exprimé publiquement en ce sens.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

Nous devons rechercher d'autres modes de rémunération. Revenir en permanence à des textes de 1927 ne témoigne guère d'une volonté de modernisme.

M. Bernard Accoyer. Cette réflexion est inadmissible !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 328.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Préel, Bur, Foucher, Gengenwin, Blessig et de Courson ont présenté un amendement, no 329, ainsi rédigé :

« Compléter le troisième alinéa (a) du I de l'article 17 par la phrase suivante :

« Le recours au médecin référent ne saurait être obligatoire ».

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Monsieur Evin, ne soyez pas caricatural !

M. Claude Evin, rapporteur.

Parce que vous, vous ne l'êtes pas ?

M. Jean-Luc Préel.

Vous êtes meilleur quand vous êtes plus souple, plus ouvert, plus compréhensif. En effet, caricaturer les positions de l'opposition n'est pas une bonne façon de débattre. Nous sommes là pour examiner la loi de financement de la sécurité sociale qui concerne la protection sociale, et la santé de tous les Français. Il n'y a aucune raison de ne pas prendre tout le temps nécessaire pour parler de ce point majeur.

J'ai déjà exposé de manière nuancée, me semble-t-il, pourquoi nous souhaitions une meilleure coordination des soins. Je le répète parce que je n'ai pas l'impression que M. Evin l'ait compris : nous sommes favorables à ce qu'un médecin ait le dossier complet du malade. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.) Vous ne l'avez pas compris, puisque vous semblez dire que nous ne voulons pas évoluer. Nous sommes donc favorables à une meilleure coordination des soins et à la mise à disposition du médecin de l'ensemble du dossier d'un malade afin qu'il puisse connaître aussi ses antécédents.

M. Claude Evin.

Cela figure dans le code de déontologie ! Il n'y a pas besoin de le dire !

M. Jean-Luc Préel.

Je le répète pour montrer que nous savons évoluer, monsieur Evin.

Cependant, nous ne voulons pas que ce médecin référent soit obligatoire.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Il n'est pas obligatoire !

M. Jean-Luc Préel.

Vous pouvez évidemment dire qu'aujourd'hui rien n'est obligatoire en la matière.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Absolument !

M. Jean-Luc Préel.

Mais, dans votre volonté d'aller plus loin, un jour viendra où vous le rendrez obligatoire, ne serait-ce que pour un problème de rémunération des médecins et de remboursement des malades. Or nous souhaitons que le malade puisse continuer à choisir son médecin, avoir un accès direct aux spécialistes qu'il souhaite - cela est évident pour l'ORL, l'ophtalmo, le gynéco, voire le psychiatre - et un accès direct à l'hôpital lorsqu'il le désire. Cela nous paraît fondamental.

Puisque votre intention n'est pas de rendre obligatoire le médecin référent, précisez-le dans la loi.

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. Jean-Luc Préel.

Ainsi, nous serons d'accord.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Et l'autonomie des partenaires ?

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

Il n'est écrit nulle part que le médecin référent sera obligatoire. Cet amendement n'a donc pas lieu d'être, et il faut voter contre. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Identique !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 329.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 164, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa (13o ) du I de l'article 17, après les mots : "Le cas échéant", insérer les mots : "et à titre expérimental, soumis à évaluation sanitaire, médicale et financière par le conseil d'orientation des filières et réseaux de soins expérimentaux". »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Claude Evin, rapporteur.

Cet amendement a déjà été défendu !

M. Bernard Accoyer.

Je reviens sur le sujet car il n'est jamais inutile de répéter ce qui est important.

Les expérimentations doivent être soumises à évaluation. Or, dans l'opposition, nous redoutons qu'au travers de ce texte on essaie de changer notre système de soins en le faisant passer de la médecine libérale à un système qui, par la mise en oeuvre de certaines dispositions, d'abord facultatives, puis incitatives, enfin plus ou moins obligatoires, contraindrait les Français à suivre un cadre extrêmement précis pour accéder aux soins. Nul doute que si tel était le cas, les Français par nature épris de liberté, les Français recherchant toujours la meilleure qualité de soins, parce que cela est humain, normal et naturel, finiraient par accepter un système parallèle.

Si nous n'y prenions garde, les dispositions contenues dans l'article 17 pourraient bien être le début de l'instauration d'un double système de soins, d'une médecine à deux vitesses, dont, pourtant, personne ici ne veut.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

Pour l'évaluation mais contre l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Contre l'amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 164.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 165, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa (13o ) du I de l'article 17, supprimer les mots : ", des activités de soins ainsi que les modes de rémunération". »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Vous me pardonnerez, mes chers collègues, d'être quelque peu redondant. Il s'agit, là encore, de se prémunir contre l'instauration de la capita-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

tion. On connaît l'attachement de certains membres de cette assemblée et de certains hauts responsables d'institutions d'assurance maladie à ce mode de paiement. Nous avons observé que, dans l'article 17, il est fait état expressément de la possibilité de rémunérer des activités de soins autrement que par le paiement à l'acte. Cela reviendrait bien à changer de système de soin. Voilà pourquoi mon amendement doit être accepté.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

La commission n'est pas favorable à cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Lui non plus n'y est pas favorable.

M. Bernard Accoyer.

Pourtant, c'est important !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 165.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 166, ainsi rédigé :

« Compléter le I de l'article 17 par l'alinéa suivant :

« 14o Le paiement par carte bancaire offrant la possibilité d'un différé de règlement, constituant un mode de paiement substituable à d'autres modes de rémunération. »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Les partisans des mécanismes du paiement forfaitaire ou par capitation arguent du fait qu'il dispense de l'avance de frais. Il est vrai que celle-ci pose souvent des problèmes, notamment pour les familles nombreuses, quand consultations et prescriptions se multipliant et ces sommes s'ajoutant aux autres dépenses auxquelles les ménages ont à faire face, l'addition devient lourde.

Il est primordial, à nos yeux, de rechercher un mode de paiement qui respecte ce à quoi les Français sont attachés, c'est-à-dire le paiement à l'acte mais, en même temps, permette une certaine dispense d'avance de frais.

Depuis longtemps des associations de médecins ont mis à l'étude des systèmes alternatifs, parmi lesquels le paiement par carte bancaire qui, avec certains aménagements, permettrait de différer le paiement des actes, délai pendant lequel l'assurance maladie et les systèmes complémentaires auraient tout loisir de procéder au remboursement.

Une telle proposition devrait recueillir notre assentiment unanime parce qu'elle respecte l'attachement d'une très grande majorité de Français au système du paiement à l'acte pour la médecine ambulatoire, et permettrait tout de même un différé d'encaissement, donc une dispense d'avance de frais.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

M. Accoyer prétend que la quasi-unanimité des Français sont favorables au paiement à l'acte. Ce n'est pas vrai ! En revanche, qu'un certain nombre de professionnels soient opposés au tiers payant et souhaitent que se poursuive le paiement à l'acte, ça, c'est vrai !

M. Jean-Marie Le Guen.

De moins en moins !

M. Claude Evin, rapporteur.

Je suis convaincu que si, d emain, le tiers payant était généralisé, que, par conséquent, l'avance de frais par l'assuré social n'était plus obligatoire, les Français applaudiraient.

Par l'adoption d'un amendement, tout à l'heure, nous avons ouvert aux partenaires conventionnels la possibilité de généraliser le tiers payant. Je ne m'en suis jamais caché, et je l'ai déclaré à plusieurs reprises, s'il ne tenait qu'à moi, il le serait. Mais je connais l'opposition des organisations syndicales de médecins.

M. Bernard Accoyer.

C'est caricatural !

M. Claude Evin, rapporteur.

Disons-le clairement : c'est elles qui sont opposées à la généralisation du tiers payant, qui ne veulent pas que les Français soient dispensés de l'avance de frais. C'est elles qui veulent que se perpétue un système archaïque que nous sommes quasiment les seuls en Europe à garder encore : on paye quand on va chez le médecin ; l'assuré social envoie sa feuille de sécurité sociale à la caisse et la caisse le rembourse. Il serait autrement plus simple que, puisque des relations conventionnelles existent entre les caisses et les syndicats de médecins, les flux monétaires soient réglés dans ce cadre, de manière directe.

Cela étant, je connais les pesanteurs. Nous offrons la possibilité, dans le cadre de la convention médicale, d'avancer vers une éventuelle généralisation. Mais vous, vous proposez de traiter dans ce cadre le paiement par carte bancaire. Il faut être sérieux ! Si l'on adoptait votre amendement, monsieur Accoyer, il faudrait admettre l'Association française des banques au sein de la négociation conventionnelle, au même rang que les caisses de sécurité sociale et les syndicats de médecins ! Je sais que ce n'est absolument pas votre intention.

Il ne saurait revenir au champ conventionnel, donc à l'article L.

162-5 du code de la sécurité sociale, de traiter le problème que vous posez.

Si, par ailleurs, en dehors du champ conventionnel, des accords de ce type pouvaient être trouvés, je n'y verrais pour ma part aucun inconvénient. Mais, je le répète, votre amendement tendant à introduire ce dispositif dans le champ conventionnel n'est pas recevable. Et pour cette raison, je demande à l'Assemblée de le rejeter.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Je suis bien sûr d'accord avec M. le rapporteur.

Et il n'y a pas que les patients à être favorables à l'évolution des modes de paiement. Les jeunes médecins aussi, ceux qui vont s'installer, et même ceux qui souhaitent rester à l'hôpital - la négociation avec les internes, qui a duré huit mois, nous a permis de nous faire une bonne idée - sont très favorables à ces changements.

Le paiement à l'acte ne fait pas du tout partie des motivations ni des exigences de ces jeunes médecins. Au contraire, ils sont d'accord pour faire évoluer cette pratique.

Demandez-leur s'ils seraient prêts à adhérer au forfait ou à n'importe quel autre type de paiement qui leur serait proposé. Ils adhéreront ! Car ils ne veulent pas être liés à cette machine infernale et perverse qui fait qu'on est rémunéré au nombre de malades et qu'on passe de moins en moins de temps avec chacun.

Vous savez que ce n'est pas caricatural, monsieur Accoyer. Selon une statistique, anglo-saxonne justement - en France ce doit être encore pire ! -, lors du fameux colloque singulier, c'est au bout de dix-huit secondes que le médecin interrompt son malade ! Dix-huit secondes !

M. Yves Bur.

C'est faux !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

C'est dans un article de Nature que vous avez sans doute lu, puisque vous êtes si savant !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

M. Jean Bardet.

Dès qu'on n'est pas d'accord avec vous, tout de suite les invectives !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

C'est le « visitus interruptus » ! (Rires.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Ce débat est extrêmement important, il doit donc rester à un certain niveau.

M. le rapporteur a une vision un peu manichéenne de la situation. Aujourd'hui, le système de soins français est fragile.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Justement ! Confortons-le !

M. Bernard Accoyer.

Tel qu'il est, il peut être mis à bas par des décisions remettant en cause certains principes. Par cet amendement, nous proposons une mesure alternative et consensuelle.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ce n'est pas alternatif !

M. Bernard Accoyer.

Monsieur Evin, vouloir instaurer le tiers payant systématique dans ce pays, c'est aller à l'encontre d'un des principes essentiels de son système de soins. En outre, il aurait probablement pour conséquences de nous empêcher de contrôler l'évolution des dépenses, et aussi de faire émerger un système de soins parallèle.

M. Claude Evin, rapporteur.

Ce n'est pas vrai !

M. Bernard Accoyer.

Certains de nos compatriotes veulent pouvoir accéder à leur médecin ou à leurs professionnels de santé dans certaines conditions. On ne peut, comme vous voudriez le faire, tirer un trait sur ce principe.

Nous ne sommes pas fermés pour autant à une évolution.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Je n'ai fait que citer une statistique.

M. Bernard Accoyer.

M. le secrétaire d'Etat à la santé a critiqué la manière de travailler des professionnels de santé. Venant de lui, cela m'a fait beaucoup de peine.

Oui, le colloque singulier, c'est de l'écoute. Mais il y a des questions précises à poser, ne serait-ce que : pourquoi venez-vous consulter ? Ne dévoyons pas ce débat car il est fondamental. Il ne faudrait pas que nos propos, aux uns et aux autres, soient excessifs et caricaturaux. La pérennité de notre système de soins pourrait en souffrir.

En tout état de cause, il me semble qu'il serait intéressant d'ouvrir des voies expérimentales, telles que le paiement par la carte bancaire.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 166.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Goulard a présenté un amendement, no 244, ainsi rédigé :

« Supprimer le II de l'article 17. »

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Je retire l'amendement.

M. le président.

L'amendement no 244 est retiré.

MM. Bur, Préel, Foucher, Gengenwin, Blessig et de Courson ont présenté un amendement, no 327, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 17 par le paragraphe suivant :

« III. - Les dispositions du présent article ne sauraient conduire à une différenciation de traitement entre les assurés sociaux concernant le remboursement des actes médicaux. »

La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur.

Le c du I de l'article 17 parle des droits et obligations respectifs des médecins, des patients et des caisses. S'il doit y avoir constitution de filières, de réseaux, ou évolution du mode de prise en charge, il faut que cela se fasse sur le mode de l'adhésion volontaire, sans qu'il puisse y avoir discrimination dans les différentes possibilités d'accès aux soins, ni surtout dans les remboursements. Si une coordination des soins est souhaitable, elle ne saurait exclure l'accès direct aux spécialistes ou en tout cas à certains spécialistes.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

La commission n'est pas favorable à l'amendement no 327.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 327.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 438, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 17 par le paragraphe suivant :

« III. - Les dispositions du présent article sont applicables à compter du 3 juillet 1998. »

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

L'article 17 permet aux parties conventionnelles de définir des modalités de coordination des soins, dans le double souci d'améliorer la qualité des soins et l'utilisation des ressources.

Il importe que les dispositions de cet article puissent trouver application dans la convention en cours de négociation.

Le Conseil d'Etat a annulé, par décision du 3 juillet 1998, la convention applicable aux médecins généralistes au motif que certaines dispositions conventionnelles et notamment celles relatives au médecin référent manquaient de base légale. Cet amendement prévoit donc que les dispositions de l'article 17 entrent en vigueur au 3 juillet 1998.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

La commission n'a pas examiné cet amendement mais elle a beaucoup travaillé sur le problème posé par l'annulation des conventions médicales. Elle aurait bien compris la cohérence de cet amendement, et lui aurait donné, je crois, un avis favorable.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

J'ai dit tout à l'heure que le projet de loi comportait un nombre élevé d'articles visant à corriger des annulations probables par les tribunaux.

Avec le présent amendement, je trouve qu'on va très loin. Non seulement il s'agit très explicitement de corriger une décision de justice mais la date en est expressé-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

ment précisée. Il aurait mieux valu écrire : « Le législateur entend revenir sur la décision du Conseil d'Etat du 3 juillet 1998 ». C'eût été encore plus clair !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 438.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 17, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 127, ainsi modifié, est adopté.)

Article 18

M. le président.

« Art. 18. - I. - Avant le dernier alinéa de l'article 8 de la loi no 93-8 du 4 janvier 1993 relative aux relations entre les professions de santé et l'assurance maladie, sont insérées les dispositions suivantes :

« Les unions des médecins exerçant à titre libéral contribuent, en liaison avec l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, à l'information des médecins libéraux sur les pratiques professionnelles individ uelles et collectives. Elles organisent des actions d'évaluation des pratiques de ces médecins et contribuent à la diffusion des méthodes et référentiels d'évaluation.

« Pour l'exercice de cette mission, les unions ont recours à des médecins habilités à cet effet par l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé et notamment à des experts mentionnés à l'article L. 791-4 du code de la santé publique. Les médecins habilités procèdent, à la demande des médecins libéraux intéressés, à des évaluations individuelles ou collectives des pratiques.

« Les unions établissent chaque trimestre, avec le concours de l'union régionale des caisses d'assurance maladie, une analyse de l'évolution des dépenses médicales et communiquent les conclusions à l'ensemble des médecins libéraux de leur ressort.

« Les modalités de mise en oeuvre des présentes dispositions sont fixées par voie réglementaire. »

« II. L'article L. 791-2 du code de la santé publique est complété par un 7o ainsi rédigé :

« 7o D'apporter son concours à la mise en oeuvre d'actions d'évaluation des soins et pratiques professionnelles. »

Sur l'article 18, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le rapporteur, vous avez refusé l'amendement prévoyant que le recours au médecin référent ne serait pas obligatoire.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Il n'est pas obligatoire !

M. Jean-Luc Préel.

Vous venez de refuser celui qui précisait que les remboursements ne pourraient pas être différents. C'est dire que le référent deviendra obligatoire et que vous souhaitez des disparités de remboursement ! Sinon vous les auriez acceptés tous les deux.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Fausse évidence !

M. Jean-Luc Préel.

Cela me paraît très clair !

M. François Goulard.

C'est rationnel !

M. Jean-Luc Préel.

Quant à l'article 18, il prévoit d'étendre les missions des unions régionales.

Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous dresser un rapide bilan du fonctionnement de ces unions ? Qu'apportent-elles ? Quelles sont leurs difficultés ? A mon avis, elles ne fonctionnent pas toutes très bien.

Tous mes collègues de l'UDF et sans doute aussi ceux de l'Alliance, et moi-même, nous sommes favorables à une extension des missions des unions, mais en affirmant clairement que nous souhaitons une auto-évaluation de la profession, une autodiscipline dans le cadre d'une réelle responsabilisation. C'est, là encore, dans le but de sauvegarder notre système de protection sociale, mais aussi, et surtout, dans l'intérêt des malades.

S'il y a évaluation des pratiques, les sanctions ne devraient s'appliquer qu'aux praticiens qui ne respectent pas les bonnes pratiques et les bonnes références médicales.

Dans notre logique de plus de responsabilité de la personne et de plus de responsabilité de la profession, le renforcement des pouvoirs des unions se justifie. Il va même au-delà.

Mais dans votre logique de sanction collective, de ce que j'appelle "l'impôt social sur le revenu", quel que soit le mode d'exercice du praticien, n'est-ce pas une hypocrisie ?

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, l'article 18 confie de nouvelles mission aux unions régionales de médecins libéraux. J'y suis favorable.

Cependant, s'il s'agit d'évaluer les pratiques des médecins libéraux, j'insiste pour que les experts désignés pour travailler pour ces unions avec l'accord de l'ANAES, soient eux-mêmes des médecins libéraux en exercice.

Nous avons trop vu, par le passé, de ces experts qui se permettaient de juger des gaspillages alors que, depuis longtemps, ils n'exerçaient plus, n'avaient plus été réveillés la nuit pour aller dispenser des soins en urgence, qu'ils n'étaient plus confrontés à des consultations ou des interventions dans des conditions difficiles et qu'ils ne devaient plus faire face à des demandes de prescription délicates. Il est important de garder le contact avec la réalité. C'est pourquoi nous voudrions que cet article spécifie que les médecins engagés en qualité d'experts pour évaluer la pratique de leurs collègues, dans le cadre des nouvelles missions des unions, exercent encore une activité de soins libérale.

S'agissant des unions, nous savons qu'il y a des transferts de soins et de dépenses du secteur hospitalier vers la médecine ambulatoire. Cela a été mis récemment en évidence par l'évolution du nombre des actes de radiologie pratiqués en médecine de ville, et par l'évolution du montant des prescriptions, avec, notamment, l'irruption dans le secteur des soins ambulatoires de médicaments qui étaient jusqu'à présent délivrés par la pharmacie centrale des hôpitaux.

Il est donc absolument indispensable, pour la transparence du fonctionnement de notre système de soins ambulatoires que les transferts soient connus et que les unions régionales de médecins exerçant à titre libéral en soient informées.

M. le président.

M. Evin, rapporteur, M. Bacquet, Mme Génisson, Mme Andrieux et les commissaires membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 52, ainsi libellé :

« I. - Rédiger ainsi le début du deuxième alinéa du I de l'article 18 ;

« Les sections constituant les unions..." (le reste sans changement).

« II. - En conséquence, dans la première phrase du troisième alinéa du I, après les mots : "cette mission", insérer les mots : "les sections constituant".


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

« III. - En conséquence, rédiger ainsi le début de l'avant-dernier alinéa du I :

« Les sections constituant les unions..." (le reste sans changement.)

La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Evin, rapporteur.

Il s'agit de confier à chacune des sections constituant les unions les missions confiées aux unions afin que les dépenses des généralistes soient évaluées par des généralistes et celles des spécialis tes par des spécialistes.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

A chaque fois qu'on distingue les généralistes des spécialistes, je suis un peu perplexe. Je pense qu'on pourrait considérer les choses un peu plus largement. Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée, mais, à mon avis, moins il y a de cloisonnement, mieux c'est.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Je voudrais tenter de répondre à l'argument pseudo-logique de M. Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Tout à fait logique !

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis.

Selon vous, monsieur Préel, si une mesure n'a pas de caractère obligatoire, elle n'est jamais appliquée. Si vous aviez raison, il faudrait en déduire que, notre présence dans l'hémicyle n'étant pas obligatoire, nous ne pouvons jamais y être.

Nous démontrons, ô combien, que tel n'est pas le cas.

(Rires.)

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

M. François Goulard.

C'est un sophisme !

M. Bernard Accoyer.

Cela ne va pas raccourcir le débat !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

52. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Accoyer a présenté un amendement no 167, ainsi libellé :

« Après les mots : "à des médecins", rédiger ainsi la fin du troisième alinéa du I de l'article 18 : "dépendants des unions et sélectionnés sur les critères définis par l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé et les Unions". »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

L'amendement est défendu !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

La commission n'est pas favorable à cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Pas favorable non plus.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 167.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Evin, rapporteur, et les commissaires membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 53, ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase du troisième alinéa du I de l'article 18, après le mot : "habilités", insérer les mots : "qui exercent parallèlement une activité médicale". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Evin, rapporteur.

Cet amendement a été défendu tout à l'heure par M. Accoyer. Il est souhaitable que les médecins évaluateurs exercent une activité médicale.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

53. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

M. Evin, rapporteur, et les commissaires membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 54, ainsi rédigé :

« Compléter l'avant-dernier alinéa du I de l'article 18 par les mots : "ainsi qu'à l'Etat qui en assure la synthèse et la diffusion à toutes fins utiles". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Evin, rapporteur.

Les unions professionnelles de médecins procéderont, avec les unions régionales des caisses d'assurance maladie, à un regroupement des synthèses sur l'évaluation des pratiques. Il semble opportun que ces évaluations soient exploitées au niveau national.

Nous proposons de confier à l'Etat le soin d'en assurer la synthèse et la défense. Il faudra préciser vers quel organisme les faire remonter mais il serait dommage qu'elles restent au niveau régional.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

54. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 169, ainsi rédigé :

« Avant le dernier alinéa du I de l'article 18, insérer l'alinéa suivant :

« Les Unions de médecins exerçant à titre libéral sont tenues informées de l'évolution des dépenses d'hospitalisation de la région et spécialement de toute pratique tendant à transférer des dépenses de l'hospitalisation vers la médecine de ville et réciproquement. »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

C'est la traduction de ce que j'exprimais tout à l'heure dans mon intervention sur l'article et cela me paraît très important. Il y a un débat sur la fongibilité, la fusion des enveloppes. Je n'y suis pas, pour le moment, favorable, mais il faut s'attacher maintenant à identifier clairement le contour de ces enveloppes.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

La commission n'est pas favorable à cet amendement, mais elle souhaite qu'on clarifie progressivement les transferts qui peuvent exister entre l'hospitalisation et la médecine ambulatoire.

M. Bernard Accoyer.

Alors, adoptons cet amendement !

M. Claude Evin, rapporteur.

A cette fin, la commission proposera un amendement au rapport annexé.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

M. Bernard Accoyer.

Cela ne sert à rien !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Je pense que tout le monde doit être informé des dépenses, en particulier les unions. Je serai donc favorable à une proposition de la commission en ce sens et je suis défavorable à cet amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 169.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 176 et 330, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 176, présenté par MM. Barrot, Préel et Bur, est ainsi rédigé :

« Avant le dernier alinéa du I de l'article 18, insérer l'alinéa suivant :

« Cette évaluation fera l'objet d'une expérimentation pendant un an. Un bilan sera présenté au Parlement à l'issue de cette année. »

L'amendement no 330, présenté par MM. Préel, Foucher, Gengenwin, Bur et de Courson, est ainsi rédigé :

« Compléter le I de l'article 18 par l'alinéa suivant :

« Ce dispositif est instauré à titre expérimental pour une durée de un an. Un rapport d'évaluation sera fourni au Parlement à l'issue de cette année. »

La parole est à M. Jacques Barrot, pour soutenir l'amendement no 176.

M. Jacques Barrot.

La démarche est bonne, monsieur le secrétaire d'Etat, mais il faut regarder de près ce qui va se passer. Comment se comporteront les unions ? Vontelles diffuser les informations concernant tel ou tel praticien ? Bref, je ne suis pas contre votre démarche, mais je pense qu'il serait opportun de l'évaluer au bout d'un an, et j'aurais préféré qu'on l'expérimente. Si vous me garantissez qu'il y aura une évaluation sérieuse au bout d'un an,...

M. Bernard Accoyer.

Ce serait sage !

M. Jacques Barrot.

... je veux bien faire preuve de confiance. Mais, j'insiste tout de même : c'est une démarche novatrice, certes, mais il faut l'évaluer de manière très précise.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour défendre l'amendement no 330.

M. Jean-Luc Préel.

L'argumentaire de M. Barrot est excellent et personne, bien entendu, ne doute de l'excellence de son diagnostic. Nous souhaitons, quant à nous, qu'un rapport d'évaluation soit fourni au Parlement à l'issue de cette année d'évaluation. Ce sera tout de même très important pour juger de l'efficacité de l'évaluation.

M. Jacques Barrot.

Monsieur le président, je retire l'amendement no 176 au profit de l'amendement no 330 de M. Préel.

M. le président.

L'amendement no 176 est retiré.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement no 330 ?

M. Claude Evin, rapporteur.

La commission n'est pas favorable à cet amendement.

Le Gouvernement veut élargir les compétences des unions professionnelles de médecins et souhaite qu'elles mettent en place des actions d'évaluation des pratiques.

C'est une démarche nouvelle. La commission n'y est pas du tout opposée, même si elle est un petit peu sceptique sur la capacité des unions professionnelles à mettre en place de tels mécanismes. Il faut voir concrètement la réalité des choses. Les unions professionnelles de médecins sont sans doute une bonne chose, mais on ne peut pas dire qu'elles aient réellement fonctionné jusqu'à présent de façon totalement satisfaisante.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

En effet !

M. Claude Evin, rapporteur.

Demander une évaluation au bout d'un an du mécanisme qui va être adopté pour le 31 décembre prochain ne me semble pas tout à fait réaliste.

En revanche, parce que nous désirons tous que se mette en place une évaluation des pratiques professionnelles, nous veillerons à pouvoir revenir régulièrement sur ce dispositif. Nous en aurons l'occasion l'année prochaine au moment de l'examen de la loi de financement mais je ne pense pas que nous serons capables de l'évaluer réellement dans un an.

Je ne souhaite donc pas l'adoption de cet amendement, mais nous suivrons attentivement ensemble, au sein de la commission, la vie des unions professionnelles des médecins et la manière dont elles mettront progressivement en place le dispositif.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Le rapporteur a parlé d'or, monsieur le président.

L'article 18 est destiné en particulier à établir les bases de l'évaluation. M. Accoyer demandait tout à l'heure qu'y soient associés des médecins qui ne sont pas des spécialistes de l'évaluation et qui poursuivent leur pratique libérale. C'est prévu. L'ANAES aidera les unions régionales de médecins libéraux dans cette évaluation. Les unions auront recours à des médecins évaluateurs, mais sans monopole.

M. Jean-Luc Préel.

On demande que ce soit expérimental, avec un rapport.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

On ne veut pas que ce soit expérimental. Vous aurez la possibilité de juger de la qualité de l'évaluation, qui se fera dans les unions, mais avec l'aide de l'ANAES. Seules, en effet, les unions ne pourraient pas assumer une telle mission.

M. Jean-Luc Préel.

Comment serons-nous informés ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Vous serez, bien sûr, informés.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 330.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 18, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 18, ainsi modifié, est adopté.)

Article 19

M. le président.

« Art. 19. - I. - L'article 4 de la loi no 88-16 du 5 janvier 1988 relative à la sécurité sociale est modifié comme suit :

« 1o Au I, les mots : "avant le 31 décembre 1999" sont remplacés par les mots : "avant le 31 décembre 2004" ;


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

« 2o Il est inséré, après le premier alinéa du I, un alinéa ainsi rédigé :

« A compter du 1er juillet 1999, l'allocation peut n'être attribuée que pour certaines zones géographiques d'exercice, qualifications de généraliste ou de spécialiste, ou spécialités compte tenu des besoins, appréciés par zone, qualification ou spécialité ; elle peut être modulée selon les mêmes critères. »

« 3o Le dernier alinéa du III est ainsi rédigé :

« A défaut de convention conclue dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi no du de financement de la sécurité sociale pour 1999, les dispositions nécessaires à l'application du présent article, à compter du 1er juillet 1999, sont fixées par décret. »

« II. Au 7o de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, après les mots : "la reconversion professionnelle des médecins exerçant à titre libéral et les conditions d'attribution d'une aide à la reconversion", sont insérés les mots : "dont le montant peut varier en fonction de la zone géographique et de l'exercice, par le médecin, d'une spécialité ou de la médecine générale". »

Sur l'article 19, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

C'est un article important puisqu'il s'agit du mécanisme d'incitation à la cessation d'activité anticipée des médecins libéraux.

Selon un certain nombre de mes collègues, dont notre rapporteur, et selon de hauts responsables de l'assurance maladie, l'une des raisons pour lesquelles il est difficile d'équilibrer les comptes serait la démographie des professions de santé, en particulier la démographie médicale.

Les ordonnances refondatrices de 1996 ont prévu des actions de fond, et notamment le mécanisme baptisé MICA. Il a eu du succès puisque 3 000 médecins y ont eu recours. Il faut aujourd'hui en tirer les conclusions et l'on constate malheureusement deux choses : il a fallu baisser les allocations et augmenter les cotisations, et ce sont surtout les médecins les plus fatigués, les plus usés par leur exercice, c'est-à-dire ceux qui appartiennent à des spécialités où il y a plutôt pénurie qu'excès, qui y ont eu recours. Une réflexion a été engagée et le Gouvernement a décidé de réserver le MICA aux spécialistes situés dans des zones où ils étaient trop nombreux. Tout cela nous paraît rationnel.

Toutefois, le Gouvernement a prévu que les nouvelles dispositions s'appliquent à partir du 1er juillet 1999, et le délai est trop court. La cessation d'activité, pour un médecin libéral, c'est une mutation extrêmement importante dans sa vie. Il doit s'y préparer et préparer en particulier la transmission à un jeune confrère des consignes relatives à ses patients. Pour cela, il faut au moins une année. C'est pourquoi nous avons demandé que la date d'application soit repoussée au 31 décembre 1999 et nous remercions le président de la commission et la majorité des commissaires de nous avoir suivis.

Vous me permettrez d'ajouter quelques mots sur la démographie, élément essentiel. En ce domaine, il ne faut pas agir de manière impulsive, monsieur le secrétaire d'Etat.

Vous avez décidé d'augmenter le numerus clausus. Sur le fond, je ne sais pas si vous avez raison. Ce que je sais, c'est qu'il n'y a pas d'étude prospective sérieuse. Ce que je sais aussi, c'est que, pendant que 3 000 médecins bénéficiaient du MICA, 3 000 autorisations à exercer dans les hôpitaux étaient accordées à des médecins ayant eu leur diplôme dans un pays hors CEE. Je n'ai rien contre ces médecins - je sais quel argument va être avancé -, mais il existe un réel problème en termes de qualité des soins et d'équité vis-à-vis des professionnels de santé.

Il est un autre point sur lequel il faut insister, c'est que ces décisions risquent d'entraver l'adaptation de notre système d'hospitalisation. Dans un certain nombre de petits établissements hospitaliers où des postes restent vacants, l'activité est extrêmement faible, les rémunérations sont celles des carrières, qui doivent être réévaluées, et les postes sont déqualifiants tellement les praticiens y travaillent peu. S'il en est ainsi, c'est probablement que ces établissements doivent faire l'objet d'une restructuration.

En pourvoyant ces postes avec des diplômés hors CEE, vous allez compliquer les restructurations indispensables.

Il faudrait travailler une bonne fois pour toutes de façon consensuelle et prospective sur ces problèmes, le but étant d'avoir des soins de qualité sur tout le territoire et de bien utiliser les moyens dans l'hospitalisation publique.

M. Jacques Barrot.

Très bien !

M. le président.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous souhaitez répondre du tac au tac ?...

(Sourires.)

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Non, pas du tac au tac ! Sur le même ton, extrêmement courtois et intéressé.

Plusieurs questions ont été posées, qui nous ont déjà permis d'échanger un certain nombre d'arguments.

A propos des médecins étrangers, vous avez dit vousmême que leur qualification n'était pas en cause, mais qu'il fallait faire une évaluation. Je vous ai déjà répondu que ces médecins qui n'ont pas de diplômes de l'Union européenne étaient très utiles dans un certain nombre de nos établissements, lesquels sont divers, avec des activités diverses, situés dans des villes petites ou moyennes, avec des plateaux techniques différents. Ces médecins sont indispensables pour le moment au fonctionnement de nos hôpitaux, en particulier pour les gardes, et il serait bon, humainement, de le reconnaître.

Leurs qualifications, si elles ne sont pas en cause, doivent de toute façon être évaluées. Nous ne voulons pas qu'il y ait une déqualification et que les diplômes soient équivalents, c'est évident.

Ces médecins, au nombre de 6 000, posent des problèmes humains considérables et font fonctionner nos services. Ceux-là - il n'y en aura pas d'autres, nous souhaitons que viennent se former chez nous, avec des bourses particulières, des médecins venus d'ailleurs, mais c'est autre chose -, nous essaierons de faire en sorte qu'ils soient plus nombreux à accéder à la normalité. Lorsque nous expliquons que les PAC deviendront des praticiens hospitaliers, c'est s'ils le peuvent, après avoir passé le même concours que tout le monde, bien entendu. Ils ne bénéficieront d'aucune faveur. C'est simplement la justice élémentaire. Nous ne faisons pas preuve de laxisme.

Il faudrait évaluer le numerus clausus , dites-vous.

Selon le rapport Choussat, il y aura, dans les années 2005-2006, une pénurie de praticiens hospitaliers. C'est pourquoi nous avons décidé, cette année, de fixer à 3008 le nombre des étudiants qui pourront se présenter dans nos facultés.

Certaines spécialités manquent d'étudiants. Il est vrai que le statut de praticien hospitalier n'est pas suffisamment attractif. Je vous ai dit dans quelle situation nous sommes après six mois de négociation. Nous allons donc essayer d'abord de prendre en charge la pénibilité de meilleure façon, certaines spécialités étant défavorisées par rapport à d'autres. D'une façon générale, oui, le statut doit être certainement revu.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

Tout cela fait qu'au lieu de nous pénaliser, nous allons disposer, à travers le territoire, pour rétablir une égalité plus grande, de meilleurs techniciens et de meilleurs plateaux techniques. Certes, je déborde l'objet de l'article 19, mais comme vous avez soulevé ces points, je voulais vous répondre.

M. le président.

Je précise que j'ai donné la parole à

M. le secrétaire d'Etat en vertu de l'article 56, alinéa 1, du règlement, qui stipule que les membres du Gouvernement peuvent prendre la parole quand ils le souhaitent, de même d'ailleurs que les rapporteurs et les présidents de commission.

La parole est à M. François Goulard inscrit sur l'article 19.

M. François Goulard.

L'intervention du secrétaire d'Etat nous a écartés de l'objet précis de l'article 19, mais ses développements, forts intéressants, donneront sans doute lieu à d'autres échanges.

Pour revenir au mécanisme d'incitation à la cessation d'activité, je dirai, comme Bernard Accoyer, que c'est un dispositif très heureux, instauré par le Gouvernement précédent ; il convient de le saluer, car il permet de gérer en douceur la démographie médicale.

Comme mon collègue, je n'ai pas d'opposition de principe à la régionalisation ni à l'incorporation du facteur de spécialité. Nous jugerons sur pièce de leur application, mais, dans leur principe, ces mesures ne sont pas contestables.

En revanche, ce qui l'est davantage, c'est le changement de pied opéré par le Gouvernement, puisque, après de multiples déclarations de Mme Martine Aubry, après une baisse sensible de l'allocation de remplacement, qui avait été déplorée par les médecins concernés, après l a publication au Journal officiel du 5 septembre d'un décret du 31 août 1998, il est assez surprenant que le texte du Gouvernement ait prévu de changer au 1er juillet 1999 un mécanisme qui trouvait déjà à s'appliquer. Un tel changement pénalisera un certain nombre de médecins qui avaient prévu d'en bénéficier après cette date.

Par conséquent, les amendements que nous avons présentés sont de nature à rétablir les médecins concernés dans leurs droits et à permettre que cette modification, voulue par le Gouvernement, se fasse dans le respect des droits des personnes concernées.

M. le président.

La parole est à M. Jean Bardet.

M. Jean Bardet.

La politique que l'on veut mener en matière de démographie médicale me semble souffrir d'un problème de cohérence.

Selon le rapport Choussat, il faudrait augmenter le numerus clausus . C'est ce que vous avez fait cette année en augmentant d'un nombre certes relativement modeste le nombre d'étudiants au numerus clausus . Je vous rappelle, monsieur le secrétaire d'Etat, que le directeur actuel de la CNAM est favorable à un renforcement du numerus clausus . Entre deux personnes bien placées pour parler de ces problèmes, M. Choussat et M. Johanet, il y a donc une certaine divergence. Quoi qu'il en soit, depuis des années, il semble qu'une des pistes d'économie de la sécurité sociale soit une diminution de l'offre par une diminution du nombre des médecins.

A l'autre bout de la chaîne, le MICA, qui s'adresse aux médecins de plus de cinquante-sept ans, était une autre manière de diminuer l'offre médicale, et donc de réduire les dépenses médicales. Mis en place sous le gouvernement d'Alain Juppé par M. Barrot, ministre de la sécurité sociale à l'époque, le MICA a eu, vous l'avez reconnu, un certain succès. Vous êtes en train d'en modifier les règles.

Après avoir diminué de 25 % l'allocation donnée aux médecins partant en retraite au mois de juillet, maintenant vous modifiez les conditions de ce départ en retraite.

L orsque je vous ai dit que les médecins étaient mécontents de ce changement, vous m'avez répondu qu'à votre avis ils étaient contents. J'ai ressorti tous les courriers de médecins que j'ai reçus - je pense que vous avez reçu les mêmes. En effet, il y a un certain mécontentement de la part de ceux qui se sont engagés sur cette voie ou même de ceux qui, n'ayant pas encore les cinquantesept ans requis, l'envisageaient et qui s'aperçoivent que la règle du jeu est complètement changée.

Après Bernard Accoyer, je vous demande comment, on peut concilier l'augmentation du numerus clausus , les entraves à la mise en oeuvre du mécanisme du MICA et j'y reviens parce que les arguments que vous nous avez donnés ne nous ont pas convaincus - la régularisation de 8 000 médecins étrangers, puisque c'est le chiffre que vous avez avancé.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

6 000 !

M. Jean Bardet.

Vous dites 6 000 aujourd'hui, mais vous en avez annoncé 8 000 précédemment. Vous nous dites qu'ils rendent service. Je suis d'accord avec vous.

Entre avoir un médecin à titre étranger hors CEE, dont les compétences ne sont malheureusement pas - tout le monde le reconnaît - identiques à celles de médecins CEE.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Elle sont souvent meilleures !

M. Jean Bardet.

Non, elles ne sont pas identiques.

Avoir ces médecins, dis-je, c'est mieux que de n'avoir personne. Mais ce qu'il faudrait, c'est avoir de vrais PH.

Vous dites avoir discuté avec les internes. Moi aussi je l'ai fait, et vous savez très bien qu'une de leurs demandes, c'est que ces fameux médecins à titre étranger passent un concours.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Oui.

M. Jean Bardet.

Oui, mais pas un concours tel que vous l'envisagez, un concours qui soit équivalent à celui de l'internat.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Il le sera !

M. Jean Bardet.

Ce n'est pas du tout le cas.

Vous dites aussi qu'il faut revaloriser les PH, mais savez-vous combien de postes de PH sont prévus cette année à l'Assistance publique des hôpitaux de Paris ? Six postes ! Croyez-vous qu'en mettant six postes pour toute l'Assistance publique des hôpitaux de Paris pour une année, vous incitez les jeunes à s'orienter vers une carrière hospitalière ? Je ne le crois pas, monsieur le secrétaire d'Etat, et cette politique me semble relativement incohérente.

M. le président.

La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance vieillesse.

Ces dernières années, on a constaté qu'il y avait trop de médecins et nous étions tous d'accord pour dire qu'il fallait en diminuer le nombre. A cet égard, des mesures avaient été envisagées.

On avait pensé à des passerelles vers la médecine scolaire, la médecine du travail, en rappelant que la médecine du travail dépend d'un diplôme très spécifique, et aussi au MICA, dont on peut dire que c'est un excellent système.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1998

Maintenant, on nous indique que le système coûte cher et qu'il doit être adapté en fonction de critères géographiques et par spécialité. Nous sommes ici pour débattre de la possibilité d'adapter le MICA en rappelant qu'il est très important que les médecins, qui ont fait acte de partir par l'intermédiaire du MICA, puissent encore le faire. Certains sont très affolés car ils ont peur que les mesures prises soient trop rapides et se fassent à leur détriment.

Je voudrais aussi intervenir sur le problème du numerus clausus, évoqué par M. Bardet. Pendant des années, et l'année dernière encore, on nous a dit qu'il y avait à peu près 20 000 médecins de trop dans notre pays.

M. Bernard Accoyer.

Oui !

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Grâce aux statistiques médicales, on peut savoir, en fonction de l'âge des médecins installés et de ceux qui sont en université, quand la situation pourrait se régulariser. C'est ce qu'on nous disait en tout cas l'année dernière. Or, quand j'ai découvert récemment dans la presse que le numerus clausus allait augmenter de 300 environ, j'avoue que j'ai été sceptique. Je me suis dit que c'était complètement stupide d'augmenter le numerus clausus. Mais on m'a répondu qu'il fallait prévoir à dix ou douze ans.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Je vais vous expliquer !

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Ce que je ne comprends pas, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est qu'à partir de statistiques identiques, l'année dernière on n'avait pas besoin d'augmenter le numerus clausus - 20 000 médecins de trop et 3 000 qui sont partis grâce au MICA - et que, cette année, il faut l'augmenter. Alors, je me suis posé la question de savoir - on sait être impertinent de temps en temps - si l'élargissement du numerus clausus n'était pas dicté par les besoins en personnels de certains hôpitaux.

M. Jacques Barrot.

Ça peut être ça, hélas !

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Sur l'inquiétude des médecins, il faut clarifier les choses.

S'agissant du MICA, la date du 1er juillet 1999 n'est en rien une date couperet. Si les partenaires veulent différer de trois ou de six mois l'application de la mesure, ils en auront le loisir. Soyons bien clairs : il est évident que tous les médecins qui avaient déposé ou qui veulent encore déposer un dossier de MICA, c'est-à-dire de départ à la retraite anticipée, peuvent le faire. Il sera examiné selon des modalités que nous avons dû rendre plus strictes, sans quoi il nous manquait 200 millions, mais il le sera. Il n'y a pas de raison de colporter des bruits qui entretiennent l'inquiétude du corps médical.

Quant aux critères géographiques et de spécialités, ils s'appliqueront, si les partenaires en sont d'accord, à partir de juillet.

D'autres modalités seront progressivement mises en place. Vous avez eu raison d'approuver ces dispositions dans la mesure où on ne peut pas favoriser le départ de gens dont on a absolument besoin, même si leur métier a été pénible, comme le disait M. Accoyer. Il faut procéder quand même à quelques aménagements dans l'organisation de ces départs. Jusqu'à juillet - et encore une fois la date n'est pas fixée de manière rigide - il n'y a aucune inquiétude à avoir : les dossiers seront pris en compte.

Après juillet, ils le seront, mais selon d'autres modalités.

Deuxièmement, je comprends que les modalités du numerus clausus paraissent un peu contradictoires par rapport aux départs en retraite anticipée, mais il faut bien comprendre que nous n'avons fait qu'appliquer le rapport de M. Choussat, dont on ne peut pas dire qu'il soit révolutionnaire l'homme n'était pas de ce genre. Ce rapport nous dit simplement que les médecins qui, installés en ville, partent à la retraite et sont concernés par le dispositif MICA ne sont pas les mêmes que ceux dont on a besoin dans les hôpitaux. Or, à partir de 2005 et les groupes de travail dirigés par le professeur Nicolas l'ont confirmé - nous aurons besoin d'un grand nombre de médecins dans les hôpitaux, plus que le numerus clausus ne permettait d'en employer. Or la durée de leur formationets de huit à dix ans.

Puisque ces deux catégories ne se recoupent pas, puisque les médecins libéraux n'ont pas forcément vocation à aller s'installer dans les hôpitaux, nous avons mis en place des filières ; c'est le sens de la réforme, inachevée, de l'internat, et c'est l'esprit dans lequel nous rouvrons le grand chantier des études médicales. En attendant, nous serions mal inspirés de laisser s'installer une situation dans laquelle le nombre de médecins serait insuffisant.

Nous essayons de les former et de faire en sorte que l'hôpital public soit plus attractif pour eux : c'est tout l'enjeu du chantier du statut des praticiens hospitaliers.

Mais, comprenez-le bien, ce ne sont pas les mêmes médecins qui sont concernés, et leurs intérêts ne les poussent pas à s'insérer dans le même circuit.

Je voulais, enfin, vous communiquer les chiffres à propos du MICA. En application du décret du 31 août 1998, les cotisations ont augmenté. Nous ne l'avons pas fait pour le plaisir, mais parce que nous risquions de manquer de 200 millions de francs cette année. Nous avons donc simplement augmenté les cotisations de 0,704 % à 1,76 %, et les plafonds entre cinquante-sept et cinquanteneuf ans ont été alignés sur celui de soixante ans. C'est tout ce que nous avons fait. Et ainsi, les choses seront plus claires.

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de la discussion du projet de loi, no 1106, de financement de la sécurité sociale pour 1999 : MM. Alfred Recours, Claude Evin, Denis Jacquat et Mme Dominique Gillot, rapporteurs au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1148, tomes I à IV) ; M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis no 1147).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT