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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

1. Loi de finances pour 1999 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 7885).

EMPLOI ET SOLIDARITÉ Ville M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la ville.

M. Roland Carraz, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la ville et l'intégration.

M. André Santini, rapporteur pour avis de la commission de la production, pour la ville et l'intégration.

MM. Pierre Cardo, Michel Pajon, Michel Vaxès, Jean-Claude Mignon, Maurice Leroy, Patrick Rimbert.

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

Réponses de M. le ministre aux questions de : MM. Michel Meylan, Yves Daugé, Pierre Cohen, Mme Annette-Peulvast-Bergeal, MM. Patrick Braouezec, Jacques Brunhes, Gilbert Meyer, Jean-Luc Warsmann, Mmes Nicole Bricq, O dile Saugues, Gilberta Merin-Moskovitz, Odette Grzegrzulka, M. Laurent Cathala.

EMPLOI ET SOLIDARITÉ III. - Ville

Etat B

Titres III et IV. - Adoption (p. 7915)

Etat C

Titres V et VI. - Adoption (p. 7915)

Renvoi de la suite de la discussion à une prochaine séance.

2. Ordre du jour de l'Assemblée (p. 7915).

3. Calendrier des travaux (p. 7915).

4. Ordre du jour des prochaines séances (p. 7915).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1 LOI DE FINANCES POUR 1999 (DEUXIÈME PARTIE) Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078, 1111).

EMPLOI ET SOLIDARITÉ Ville

M. le président.

Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité, concernant la ville.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie et du Plan pour la ville.

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan pour la ville.

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à la ville, mes chers collègues, en exergue de son rapport Demain, la ville, remis à l'époque à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, Jean-Pierre Sueur citait judicieusement Fernand Braudel : « La Ville est mouvement ».

En consolidant l'année dernière dans le budget pour 1998 les moyens alloués à la politique de la ville, le Gouvernement a choisi de se donner le temps de réfléchir avant de relancer sa politique sur des bases solides et renouvelées. Le travail d'analyse et de proposition mené dans le rapport, dont je tiens une fois de plus, ici, à saluer la qualité, nous permet de disposer d'une feuille de route pour les années à venir et pour inscrire dans la durée une politique par ailleurs trop souvent, hélas ! soumise aux tensions d'urgence.

Aujourd'hui donc, après cette année de transition et de réflexion, est venu le temps du mouvement et de la mobilisation de l'ensemble des partenaires qui, au quotidien, font la ville. Votre nomination, monsieur le ministre, il y a quelques mois, témoigne de l'engagement du Gouvernement de relancer fortement la politique de la ville. Le programme législatif des prochains mois - projet de loi sur l'aménagement du territoire, sur l'intercommunalité et, plus tard, sur l'urbanisme - renforcera le cadre d'intervention des pouvoirs publics et contribuera à une meilleure prise en compte du fait urbain dans notre pays.

De tout cela, je me félicite, d'autant que ce budget et c e programme législatif représentent, d'une certaine manière, un changement d'optique de la politique de la ville et un élargissement de son champ d'intervention.

Une des orientations fortes du rapport Sueur a consisté à proposer une intervention des pouvoirs publics combinant plus harmonieusement, d'une part, la politique de la ville entendue au sens d'une politique sociale et réparatrice, et, d'autre part, les politiques urbaines, c'est-à-dire des politiques prenant en compte la globalité des enjeux de notre société, qui est aujourd'hui majoritairement une société de villes.

En effet, le traitement spécifique des quartiers dits sensibles a trop souvent buté sur cette nécessaire articulation entre politique de la ville et politique urbaine. Et les instruments n'étaient pas toujours appropriés. C'est pourquoi les politiques de zonage ont, au final, plus montré du doigt qu'elle n'ont permis une réelle prise en main.

Cette combinaison entre politique de la ville et politiques urbaines est aussi la recherche d'une intervention équilibrée entre l'urgence et la durée, entre les problèmes du quotidien et la construction du cadre de vie. Je crois que l'année qui vient et le budget qui nous est présenté permettront d'affiner les outils utiles pour cette intervention à la fois réparatrice et constructive d'un environnement urbain au service de la qualité de vie de nos concitoyens.

C'est l'enjeu dessiné par ce budget et c'est, à mes yeux, ce que le Gouvernement en présentant ses orientations en ce domaine, à l'occasion du conseil interministériel des villes du 30 juin dernier, a nommé « une nouvelle ambition pour les villes ».

Ce budget de la ville pour 1999, mes chers collègues, porte pleinement cette ambition. Sans avoir éprouvé la nécessité d'invoquer la mémoire du général George Catlett-Marshall, sans avoir eu besoin, depuis Paris, de tirer des traits supplémentaires sur du papier millimétré, pour déterminer de quel côté de la rue l'argent public devait impérativement se rendre, le Gouvernement a su en effet dégager les moyens nécessaires pour une politique de la ville qui soit aussi une politique des villes.

Ainsi, le budget de la ville est cette année celui qui connaît la plus forte progression. C'est écrit partout, mais il faut le dire et le redire : les moyens mis à la disposition du ministère de la ville seront, en 1999, réévalués de 32 % et atteindront le cap du milliard de francs. Les financements publics concourant à la politique de la ville atteindront un total de plus de 31 milliards, soit 7 milliards de plus que pour l'exercice 1998.

Je ne vais pas rentrer ici dans le détail de la ventilation des crédits. Celle-ci est retracée dans mon rapport écrit, auquel je me permets de vous renvoyer. Vous y trouverez une analyse de l'affectation des crédits. A ce titre d'ail-


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leurs, je tiens à dire que je regrette très vivement que le

« jaune » budgétaire nous ait été transmis hier seulement, soit quelques heures avant ce débat.

M. André Santini, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges pour la ville et l'intégration.

C'est vrai !

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial.

Je trouve le procédé pour le moins cavalier alors même que nulle contrainte ne peut expliquer ce retard, si ce n'est celle que nous a imposée l'administration centrale du budget, plus soucieuse de son confort que des conditions de travail parlementaire. Cela étant, ce budget, je l'ai dit, marque pleinement l'ambition qui est celle du Gouvernement.

Aucun gouvernement jusqu'ici n'avait mobilisé des moyens financiers aussi conséquents pour la ville. Cet engagement financier décline trois modes opératoires qui, articulés au sein des services de l'Etat, des collectivités locales et avec les partenaires du développement social urbain, permettront de renouer avec l'intuition initiale de la politique de la ville, qui est de privilégier une approche à la fois globale et transversale des questions relatives aux malaises urbains. On peut les appeler les trois P : P comme projet, P comme partenariat et P comme proximité.

Le projet tout d'abord. Je l'ai dit, la politique de la ville a souffert d'être enfermée dans une géographie prioritaire, nécessaire certes et efficace en certains domaines, mais trop souvent stigmatisante pour nos concitoyens et trop corsetée pour permettre de règler les problèmes au niveau le plus pertinent.

A ce titre, les orientations du Gouvernement sont en rupture avec une vision par trop jacobine et trop technocratique de la politique de la ville, même si, bien sûr, il y a respect des engagements de l'Etat en matière notamment d'exonérations fiscales. L'évaluation en cours, en particulier des Zones Franches Urbaines, nous permettra d'y voir plus clair prochainement. C'est du territoire que naît le projet et, d'une certaine manière, c'est le projet qui dessine le territoire d'intervention de la politique de la ville.

Ce budget et les orientations du Comité interministériel pour la ville de juin dernier consacrent cette approche, qui marie le développement local et la solidarité nationale.

C'est aux élus localement et à l'ensemble des partenaires concernés de dire : « C'est là qu'il faut agir en priorité, c'est là qu'il faut concentrer les moyens financiers pour désenclaver, réhabiliter, remodeler, soutenir, favoriser le tissu économique, consolider le tissu associatif, développer fortement les activités péri et parascolaires, i mplanter des équipements, etc. » Cette démarche,

appuyée sur les statistiques-taux de chômage, taux de c hômage des jeunes, pourcentage de logements sociaux, etc., mais aussi sur la capacité de mobilisation et les dynamiques de projet, me semble capitale. Je crois avoir le droit de dire que les élus locaux et les acteurs de la ville s'y retrouvent pleinement.

C'est en effet avec une telle approche, variant les périmètres en fonction du sujet traité, partant du quartier sans l'enfermer sur lui-même, inscrivant la mixité sociale et urbaine au niveau pertinent de l'agglomération, que des projets de ville pourront se développer.

C'est une démarche pragmatique car il s'agit de répondre le plus précisément possible aux problèmes rencontrés quotidiennement par nos concitoyens vivant dans les grands ensembles. C'est aussi une démarche volontaire en ce sens que l'intervention au niveau de l'agglomération est privilégiée.

La relance de la fonction d'administration de mission qui caractérise la Délégation interministérielle à la ville, l'effort important consacré dans ce budget aux moyens de fonctionnement, d'intervention et d'ingéniosité permettront de faire émerger, de soutenir et de consolider ces projets locaux.

Enfin, une intervention publique soucieuse des projets locaux, au-delà des zonages, mais aussi respectueuse des priorités locales, est plus à même d'apporter la contribution de la solidarité nationale aux villes les plus en difficulté.

La spécificité de la politique de la ville n'a pas toujours permis de répondre aux besoins des villes, qui connaissent de lourdes difficultés financières. Pour certaines d'entres elles, la question immédiate est de savoir non pas si telle ou telle opération innovante peut être utile sur le territoire de la commune, mais comment, au prochain budget, ne pas être dans l'obligation de différer à nouveau la nécessaire réhabilitation d'une école primaire.

Je me félicite à cet égard, monsieur le ministre, que vos services, avec volontarisme et pragmatisme, répondent désormais aux attentes de certaines de ces communes. En encourageant, et en orientant et en contenant les dynamiques locales de projets, la politique de la ville, entendue au sens de méthode, de culture partenariale et de moyens spécifiques, rejoint d'une certaine manière le droit commun de la décentralisation.

J'en viens au deuxième axe du projet de loi, le partenariat.

Mille neuf cent quatre-vingt-dix-neuf sera l'année de la contractualisation : en plus des contrats de plan Etatrégions et des contrats de ville, une nouvelle strate sera prochainement introduite par le projet de loi sur l'aménagement du territoire, avec les contrats d'agglomération.

Cette architecture, bien agencée - c'est l'enjeu des débats qui s'ouvrent à tous les niveaux d'organisation du territoire - devra permettre de poursuivre les objectifs de la politique de la ville. L'implication plus forte des départements et des régions à tous les niveaux de ces procédures contractuelles est d'ailleurs impérative.

Profitons de cette année de débats et de négociations pour clarifier les rôles respectifs des divers partenaires à chacun des niveaux d'intervention. On se félicitera d'ailleurs que le Gouvernement ait décidé d'assouplir le calendrier initial de préparation des contrats de plan Etatrégions. Il faut savoir, en effet, prendre le temps de l'étude et du débat pour mener à bien des projets qui engagent pour six années.

Profitons donc de l'expérimentation de cette nouvelle génération de contrats de villes dans quinze sites pilotes pour, au final, - j'en exprime ici le voeu, monsieur le ministre - parvenir à des procédures simplifiées et une mobilisation effective des crédits. Sur le terrain, les élus, les partenaires et les associations ont besoin d'argent pour mettre en oeuvre leur projet. Evitons qu'ils ne gaspillent leur énergie à courir après les crédits ou à les attendre trop longtemps. Mais je sais que vous êtes particulièrement sensible à cet aspect des choses.

La troisième et dernière orientation que développe ce budget a trait à la prise en compte des impératifs de la proximité. La politique de la ville doit être visible à l'oeil nu pour celles et ceux qui vivent dans les quartiers dits sensibles. Les priorités qui sont celles du Gouvernement - le logement, l'éducation, l'emploi, la sécurité - doivent


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pouvoir se vérifier concrètement au niveau local. Des mesures d'ampleur ont été engagées, je pense notamment au programme emplois-jeunes et à la mise en place d'une police de proximité.

Je tiens ici à insister sur ce dernier élément. La sécurité et la tranquilité publique sont des dimensions essentielles de la politique de la ville. Nous savons bien que tous les efforts menés localement peuvent être soufflés d'un coup par un excès de violence ou s'engluer dans un sentiment prégnant et diffus d'insécurité ou bien encore du fait d'une mauvaise réputation, qui colle au quartier et à ses habitants.

La sûreté - le Premier ministre l'a rappelé à plusieurs reprises - est un droit fondamental de chaque citoyen. La mise en oeuvre des contrats locaux de sécurité portera ses fruits dans les mois et les années qui viennent, j'en suis convaincu, tant il est vrai qu'en ce domaine comme dans d'autres, le partenariat et la coproduction d'une politique sont seuls à même de déboucher sur des résultats concrets.

L'articulation avec les dispositifs de prévention doit être rapidement organisée. Faisons, en effet, attention de ne pas dissocier prévention et sécurité, de ne pas laisser en jachère l'appel à la citoyenneté et au civisme collectif.

La lutte contre l'insécurité est affaire de prévention, de sécurisation des espaces urbains et de répression. Il est donc indispensable de doser les trois éléments en même temps, sinon on n'obtiendra, au mieux, que des résultats ponctuels et sans lendemain.

Le renforcement et l'adaptation des conseils communaux de prévention de la délinquance dans un cadre contractuel, aujourd'hui renouvelé, est un chantier qu'il faudra traiter dans les mois qui viennent. Il est indissociable, bien que plus restreint, de celui de la participation des habitants à la vie locale.

La gestion urbaine de proximité et les opérations de constructions-démolitions doivent, elles aussi, contribuer à améliorer la qualité de vie dans les grands ensembles.

M. le président.

Il faut penser à conclure, monsieur le rapporteur.

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial.

Les enveloppes financières, disponibles pour ces opérations, soulignent l'ambition qui doit être celle du pays pour remodeler les villes et les quartiers hérités d'un urbanisme aujourd'hui inadapté.

Dans ces domaines, le partenariat entre l'Etat, les collectivités locales, les acteurs locaux et les associations est essentiel.

Je crois aussi nécessaire que l'Etat et l'ensemble des services publics affermissent leur présence et la qualité de leurs prestations dans les communes concernées par la politique de la ville. Plus de déconcentration, plus d'adaptation des services aux populations concernées sont nécessaires pour faire en sorte que les habitants des cités ne se sentent pas abandonnés par la puissance publique.

La dimension interministérielle de votre mission, monsieur le ministre, doit trouver à s'exercer pleinement.

Mes chers collègues, ce budget est un bon budget par son ampleur, je l'ai souligné, et par l'effort sans précédent qu'il consacre. Il s'inscrit dans un cadre plus large de montée en puissance du traitement des questions des villes au niveau des agglomérations urbaines et d'un renforcement des dotations de solidarité. Il peut permettre de répondre aux attentes de nos concitoyens. Il oriente et facilite la mobilisation de l'ensemble des intervenants de la ville. L'enjeu qui le sous-tend est d'offrir à chacun de nos concitoyens l'égalité des chances, quels que soient son lieu de naissance, son adresse ou son niveau de revenu.

C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose de suivre la commission des finances et d'adopter les crédits de la ville.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Chers collègues, je vous rappelle que nous devons impérativement voter les crédits de la ville avant treize heures. Je vous demande, en conséquence, de respecter scrupuleusement votre temps de parole afin que je ne sois pas amené à vous interrompre.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la ville et l'intégration.

M. Roland Carraz, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la ville et l'intégration.

Quel changement, monsieur le ministre, depuis le débat budgétaire de l'an dernier ! En premier lieu, vous êtes ici. (Sourires.) Et vous êtes ici pour conduire la politique du Gouvernement et mettre en oeuvre les nouvelles orientations de la politique de la ville, incarnant ainsi la rénovation des outils qui sont à votre disposition.

Le conseil national des villes, qui a été renouvelé, la délégation interministérielle à la ville, qui a été redyn amisée, sont en effet à nouveau en situation de travailler et de vous soumettre des propositions ; et nous sommes d'ores et déjà engagés dans la préparation d'un séminaire national sur la prévention et la sécurité.

Le conseil de sécurité intérieur, quant à lui, à la suite de la décision de Villepinte d'en faire un outil essentiel de la politique gouvernementale, est devenu, pour la politique de la ville, une espèce de plaque tournante où se mettent en oeuvre des décisions interministérielles. A cet égard, j'évoquerais simplement les réunions particulièrement importantes qu'il a tenues : celle du 27 avril relative à la police et à la gendarmerie, celle du 8 juin concernant la délinquance des mineurs, enfin, celle plus récente du 12 octobre.

Nous disposons donc, aujourd'hui, d'instances et d'outils opérationnels et renouvelés. C'est un premier point particulièrement important que je tenais, monsieur le ministre, à souligner.

Nous disposons désormais d'outils conceptuels grâce à diverses missions confiées par le Gouvernement à des parlementaires. Animateur de la première - « Demain, la ville » - M. Sueur a remis son rapport au printemps, lequel donne des perspectives claires et fortes pour la ville du XXIe siècle. Les conclusions de cette mission devraient faciliter votre action et éclairer notre réflexion car il est évident que nous devons avoir une grande ambition en la matière.

Une autre mission a été confiée à Mme Lazerges et à M. Balduyck sur le dossier particulièrement préoccupant de la délinquance des mineurs.

Enfin, je me permets de faire référence à la mission sur une meilleure répartition des effectifs de police et de gendarmerie que j'ai conduite conjointement avec mon collègue sénateur Jean-Jacques Hyest.

Ces différentes missions et d'autres constituent un ensemble de référence pour notre réflexion collective et pour l'action du Gouvernement. Apportant un souffle nouveau, elles ont déjà servi de base à certaines décisions.

Cela a notamment été le cas lors du conseil interministériel de la ville du 30 juin qui a défini et positionné les grands axes de la politique gouvernementale.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Le premier doit être la restauration du pacte républicain. Il est en effet évident que la première de nos préoccupations est le retour à une plus grande cohésion sociale dans nos villes, particulièrement dans nos banlieues, par la mobilisation des acteurs de terrain et par la responsabilisation démocratique des habitants.

Dans le domaine des décisions une place prépondérante est évidemment occupée par les mesures budgétaires qui sont l'objet de notre débat de ce matin. A cet égard votre budget est incontestablement bon, monsieur le ministre. Comment dire le contraire ? D'ailleurs, qui songerait à dire le contraire ? En effet le budget du ministère de la ville proprement dit atteint la somme symbolique du milliard de francs, comme vous l'avez souhaité.

Globalement, les crédits, qui intègrent d'autres ressources, atteignent les 31 milliards de francs, soit une augmentation de plus de 30 %. Je constate que, pour la première fois, concourent à la politique de la ville des moyens financiers d'origines diverses particulièrement importants : ceux des ministères s'élèvent à 12,2 milliards de francs, la DSU atteint près de 4 milliards de francs et les fonds structurels européens, que l'on a trop souvent tendance à négliger, représentent 1 milliard de francs.

Avec les dépenses fiscales, la participation des collectivités locales aux contrats de ville et l'effort très significatif de la Caisse des dépôts, votre ministère dispose désormais d'un ensemble de moyens financiers combinés constituant un outil puissant au service d'une grande politique de la ville.

J'ajoute que, conformément au souhait que vous avez exprimé, vos collègues du Gouvernement ont également intégré la dimension de la ville dans leurs orientations budgétaires. Ainsi le budget du ministère de la justice prévoit des créations de postes et des actions qui répondent très directement à ce que vous souhaitez. De même le ministère de l'éducation nationale, en recentrant sa priorité sur les zones d'éducation prioritaire, concourt, lui aussi, très fortement à la mise en oeuvre d'une grande politique de la ville.

Monsieur le ministre, je terminerai en émettant quelques voeux et en faisant état de certaines préoccupations, parce que, même si votre budget est particulièrement bon, nous ne devons pas cesser de réfléchir et de travailler pour autant.

Le premier souci que je veux exprimer est relatif à la vie quotidienne. En effet, pour réussir la politique de la ville, il faut améliorer la vie quotidienne des Françaises et des Français qui vivent dans les villes, surtout dans les banlieues. Pour cela, il est urgent que les moyens en effectifs de police et de gendarmerie que nous attendons dans les périphéries urbaines y arrivent. Je compte donc sur vous, monsieur le ministre, pour hâter ce mouvement car nos villes et nos banlieues ont besoin de ce redéploiement pour résoudre leurs difficultés en la matière.

En ce qui concerne ensuite la délinquance des mineurs, nous souhaitons que le Gouvernement aille plus vite, plus loin et mette en oeuvre les solutions que nous attendons.

Certes, des avancées considérables ont été accomplies cette année, mais nous voudrions que la concrétisation sur le terrain soit plus forte et plus rapide, en particulier dans le domaine des transports. Ce problème de vie quotidienne est au coeur de la politique de la ville car nous devons le régler si nous voulons crédibiliser le projet qui est le vôtre.

Je souhaite également que nous puissions conforter l'autonomie financière des collectivités locales. D'une manière un peu paradoxale, j'ai écrit, dans mon rapport, que la dotation de solidarité urbaine restait insuffisante.

Cette forme de provocation est tout à fait amicale, monsieur le ministre, car je rends hommage aux efforts spectaculaires que vous avez accomplis. Ainsi, il est bien d'avoir obtenu un milliard, mais je veux appeler votre attention sur le rapport entre la péréquation au titre de la DSU et l'ensemble de l'enveloppe normée de la dotation globale de fonctionnement.

En effet, sur une centaine de milliards, 2 à 3 % seulement sont affectés à la DSU, ce qui est encore trop peu.

Il faudrait donc que, dans les années qui viennent, nous obtenions une meilleure répartition avec un renforcement de l'enveloppe de la DSU. Cela témoignerait d'un plus grand volontarisme.

Il conviendrait également que nous réfléchissions à la situation des communes surendettées car, paradoxalement, elles ne peuvent bénéficier que difficilement des nouvelles mesures et des nouveaux moyens financiers, parce qu'il ne leur est pas toujours facile de trouver les 10 % nécessaires.

Par ailleurs il me semble indispensable de consacrer davantage de moyens à la restructuration des centres commerciaux de quartier, points d'appui déterminants pour la restructuration urbaine. A cet égard j'attends beaucoup de l'Etablissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux, l'EPARECA, dont il faudrait renforcer les crédits. J'attends également beaucoup du Gouvernement qui doit concrétiser sa volonté en installant des administrations d'Etat dans les quartiers difficiles. Cela lui permettrait d'économiser beaucoup d'argent et constituerait un signe de confiance fort dans l'avenir de ces quartiers.

M. le président.

Il faut conclure, monsieur le rapporteur.

M. Roland Carraz, rapporteur pour avis.

Je suis en train de conclure, monsieur le président.

Enfin, si je souscris à l'idée d'un retour à une certaine horizontalité des politiques gouvernementales - il y a eu trop de zonage dans le passé - je voudrais aussi que les engagements pris, en particulier avec la création des zones franches urbaines, soient tenus. Elles ont en effet permis au moins de maintenir des emplois, peut-être d'en créer ; nous le saurons bientôt.

Bien évidemment, monsieur le ministre, je conclus à l'adoption de vos crédits, au service d'une grande politique de la ville qui s'amorce et dont vous serez le grand animateur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges pour la ville et l'intégration.

M. André Santini, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges pour la ville et l'intégration.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les députés, je commencerai immodestement par relire le début du rapport que j'ai présenté à la commission de la production et des échanges. Vous avez certainement lu ce rapport, monsieur le ministre, mais vous l'avez oublié sur votre table de nuit ! (Sourires.)

Mesdames et messieurs, votre rapporteur avait regretté que « le projet de loi de finances pour 1998 n'accorde pas à la politique de la ville des crédits proportionnés à l'étendue de ses missions.


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« La nomination d'un ministre délégué à la ville au printemps dernier, dont les crédits du département progressent de plus de 30 % pour atteindre le seuil symbolique du milliard de francs, ne peut qu'être saluée comme rendant justice, avec quelque retard, à la pertinence des critiques adressées l'année dernière.

« Votre rapporteur est donc en droit d'espérer que les observations que lui inspire le projet de loi de finances pour 1999 seront entendues dans un moindre délai. »

L'an dernier, beaucoup de mes collègues avaient ironisé sur mes critiques, mais je vois qu'elles avaient été suivies d'effets. Ma méthode était donc peut-être meilleure que la vôtre, mes chers collègues.

Ce débat budgétaire sur les crédits de la politique de la ville s'engage dans des conditions assez étranges. Nous nous apprêtons, en effet, à discuter de dotations sans savoir précisément en quoi consistera, demain, la politique de la ville et tout en étant conscients que de profondes mutations se préparent.

Si la boîte à idées est ouverte, on doit constater qu'aujourd'hui l'incertitude règne quant à vos projets. Cette incertitude est d'autant plus grande que la majorité élue au printemps 1997 n'a encore pris aucune mesure significative dans le domaine qui nous intéresse aujourd'hui, si ce n'est la suppression des emplois ville.

A cet égard, permettez au député d'opposition que je suis de souligner le constraste qui existe entre nos deux dernières législatures.

En 1993, la majorité nouvellement élue avait fait de la politique de la ville l'un de ses dossiers prioritaires en organisant, dès le 28 avril, un grand débat d'orientation à l'Assemblée nationale et en arrêtant, en juillet, un plan d'urgence doté de 5 milliards de francs de crédits. Ces premières décisions témoignaient d'un engagement en faveur d'une opération de solidarité nationale pour les quartiers difficiles qui ne s'est trouvée démentie à aucun moment entre 1993 et 1997.

Les actions engagées au cours de ces années ont en effet permis de mettre en place une politique de la ville à la fois pérennisée dans ses principes, consolidée dans ses moyens - l'effort public global en faveur de la politique de la ville étant passé de 8 milliards de francs en 1994 à 14 milliards de francs en 1997 - et complétée dans ses objectifs par la prise en compte de la nécessaire redynamisation économique des zones urbaines en difficulté grâce, notamment, au pacte de relance pour la ville.

L a majorité précédente s'était également efforcée d'améliorer les procédures en unifiant - le mot est important - les dispositifs contractuels et en mettant en place le fonds interministériel d'intervention pour la politique de la ville, le FIV, mécanisme destiné à introduire une plus grande souplesse dans la gestion des crédits en favorisant leur fongibilité et leur utilisation déconcentrée.

Face à ce bilan, positif chacun le reconnaîtra, on nous annonce aujourd'hui de profonds changements. S'il s'agit d'améliorer les mécanismes, de les rendre plus efficaces, tout le monde ne peut qu'approuver votre démarche, mais permettez-moi, monsieur le ministre, de formuler quelques interrogations.

D'abord, entendez-vous remettre en question la nécessité de ramener l'activité économique dans les quartiers ? Sur ce point, jusqu'en 1993, rien de conséquent n'avait été prévu et le principal mérite de la majorité pré cédente a été, à mes yeux, de mettre en place un dispositif ambitieux, doté de moyens importants, dont on peut toujours critiquer les modalités mais qui a l'immense mérite d'exister.

Ensuite, les incertitudes actuelles sont gênantes, voire démobilisantes, pour les acteurs de terrain. La politique de la ville met en effet face à face l'Etat et les communes.

Il conviendrait donc que la nouvelle forme de contractualisation qui doit être mise en oeuvre permette de reconnaître le rôle des élus locaux, notamment des maires, et que la nouvelle génération des contrats de ville puisse prendre harmonieusement le relais des dispositions existantes. Les communes doivent, en effet, pourvoir disposer d'un laps de temps raisonnable pour élaborer leurs propositions.

Par ailleurs, je considère qu'il serait dommage de supprimer des mécanismes mis en place très récemment sans leur laisser le temps de faire la preuve de leur efficacité. Je pense bien évidemment aux exonérations fiscales et sociales liées aux zones de redynamisation urbaine et aux z ones franches urbaines. Pensez-vous, monsieur le ministre, supprimer ces instruments de redynamisation économique...

M. Maurice Leroy.

Non ! Il faut les maintenir !

M. André Santini, rapporteur pour avis.

... et, dans l'affirmative, par quoi entendez-vous les remplacer ? Enfin, je tiens à dire que la politique de la ville a longtemps constitué un champ d'application privilégié pour une pratique fort prisée dans notre pays, à savoir l'inventivité administrative. Dans son rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 1994, M. Eric Doligé avait procédé à un recensement des instruments mis en place au titre de la politique de la ville. J'ai choisi 1994 pour ne pas vous gêner (Sourires.)

. Il avait abouti à une liste de vingt-sept procédures mises en oeuvre par des organismes très variés, répondant à des logiques sectorielles, accompagnées de financements spécifiques et concernant des territoires différents. Je pense que chacun reconnaîtra que cette situation, heureusement largement corrigée depuis, n'était pas satisfaisante.

La sophistication et l'extrême diversité des instruments mis en place, le caractère abscons du langage utilisé, avaient débouché sur des mécanismes peu lisibles et critiqués, à juste titre, pour leur complexité et leur absence de cohérence.

Le rapport Sueur, à son tour, a regretté la stratification et la segmentation des dispositifs.

Je souhaite que les réformes à venir n'aboutissent pas à nous faire retomber dans ces travers ce qui implique, à mes yeux, que l'on écoute davantage les acteurs de terrain, responsables associatifs ou élus locaux, qu'une certaine technostructure qui se prétend spécialiste des questions urbaines et qui a beaucoup sévi dans le passé.

Je tenais à formuler ces quelques observations car l'avenir de la politique de la ville est une question très importante. Je pense que chacun s'accorde à reconnaître, sur l'ensemble de ces bancs, que les actions engagées à ce titre depuis la fin des années 70 ont sans nul doute permis à nos villes d'éviter une évolution à l'américaine, même - et là encore je suppose que tout le monde s'accordera sur le constat - si la situation des quartiers demeure encore très difficile.

J'en viens aux crédits qui nous sont proposés aujourd'hui.

Avant de les aborder, permettez-moi, comme mon collègue rapporteur de la commission des finances, de souhaiter que, dans les années à venir, le jaune budgétaire, instrument indispensable à la compréhension des dotations budgétaires concourant à la politique de la ville, soit


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

mis à la disposition de mes collègues suffisamment tôt pour qu'ils puissent préparer dans de bonnes conditions la discussion en séance publique.

Cette année encore, même si vos services ont eu la gentillesse de me faire parvenir, il y a plusieurs semaines, une version provisoire de ce document, le jaune a été distribué la veille du débat en séance publique, ce qui n'est pas satisfaisant.

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est vrai !

M. André Santini, rapporteur pour avis.

S'agissant des crédits spécifiques de la politique de la ville, leur évolution est globalement satisfaisante puisqu'ils augmentent de près de 26,9 % en moyens d'engagement et de 32,7 % en moyens de paiement, les crédits de paiement affichant un léger recul de 0,77 %.

En conclusion, les incertitudes qui pèsent sur l'avenir de la politique de la ville me semblent appeler un avis négatif sur les crédits.

Toutefois, je me dois d'indiquer que la commission de la production et des échanges n'a pas partagé cette opinion et a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la politique de la ville pour 1999.

M. Maurice Leroy.

Très bien !

M. le président.

Merci, monsieur Santini, pour votre concision ! Dans la discussion, la parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo.

Enfin, un interlocuteur pour traiter de ce problème très spécifique qui concerne toute la société française ! Si votre nomination était souhaitable, monsieur le ministre, elle ne suffira évidemment pas à régler les problèmes que rencontrent les habitants de nos quartiers en difficulté. Le bouleau argenté de ministre ne doit pas nous cacher la forêt des hêtres malades de la pollution urbaine.

Le 30 juin dernier, le Premier ministre a annoncé que la politique de la ville était une priorité. Ce n'est pas la première fois que j'entends un tel discours. Ce n'est pas la première fois non plus que la majorité des quartiers ne verrait pas grand-chose changer ! Vous avez expliqué que vous disposiez désormais de moyens importants et que votre budget pour 1999 s'inscrivait dans la droite ligne du rapport Sueur. Puisque je partage l'essentiel du contenu de ce rapport, de quoi me plaindrais-je ? Je vais vous le dire.

En ce qui concerne d'abord les emplois-jeunes, si je suis d'accord sur leur principe et sur leur utilité sociale, je suis opposé depuis le début à la non-limitation des qualifications, car cela a une incidence dans nos quartiers. En effet, l'écrémage que cela provoque et la déqualification qui s'ensuit pour les diplômés sont quelques-uns des effets pervers de la mesure. Les jeunes exclus de nos quartiers restent aussi exclus de ce système et de la reprise économique, ce qui a une influence sur la violence de leurs revendications.

Les adultes en chômage de longue durée sont également exclus du dispositif, notamment du champ de la médiation sociale dans les quartiers. C'est une erreur au moment où nous devons réhabiliter leur autorité de toute urgence.

Je ne vois pas non plus dans votre budget ce qui permettra de favoriser les initiatives intéressantes en matière d'emploi, particulièrement dans le secteur socio-économique. Lors de l'examen de la loi sur les exclusions, j'avais proposé un projet d'entreprise socio-économique mais il est, pour l'instant, resté lettre morte.

Sur le plan financier, vous consentez un effort important en faveur des treize grands projets urbains. Or ils sont déjà avantagés par rapport aux 214 contrats de ville et aux 750 zones urbaines sensibles. D'une certaine façon, vous leur en mettez une troisième couche avec une enveloppe de 45 millions de francs au titre de leur fonctionnement spécifique. A cela s'ajoute la mise en place de seize sites pilotes qui auront, eux aussi, des moyens supplémentaires.

Dans mon département, le GPU est aussi zone franche. Il bénéficie également du PIC urbain et d'autres financements européens, du projet Seine aval, d'un effort supplémentaire en tant que GPU, du fond spécial et des dotations pour sites pilotes. Les contrats de ville - dont celui de ma commune - se contentent du reste, c'est-àdire des miettes.

Vous créez une nouvelle inégalité de traitement entre les villes en difficulté, ce qui est dommageable.

Or vous affirmez dans le même temps que l'égalité d'accès au service public figure au rang de vos priorités.

Je partage votre souci mais le service public ne se résume pas à La Poste, même si celle-ci a fait, je le reconnais, de gros efforts, dans les quartiers. Il y a aussi le service communal et ce qui en découle. Comment peut-on parler d'égalité de traitement entre les citoyens quand une ville en GPU consacre 5 000 francs par habitant à son service public et qu'une autre, en contrat de ville, ne peut y affecter que 1 800 francs ? La mairie peut-elle dans ces conditions être considérée comme le premier acteur de la politique de la ville ? Qui finance les écoles, les associations, les équipements sportifs et culturels ? J'en viens maintenant à la problématique « préventionrépression-éducation ».

La sécurité est une des priorités du Gouvernement.

Mais je ne crois pas, au vu des prévisions budgétaires, que les moyens supplémentaires dont vous disposez soient de nature à combler de joie les acteurs de terrain que sont les policiers, les magistrats et les enseignants. Pourtant, un sérieux effort doit être engagé en ce domaine.

Une vraie prévention suppose un important travail en amont, donc très tôt, et en réseau. Elle doit s'organiser partout où des expériences seront tentées et devra s'accompagner de moyens financiers.

Nous démarrerons en 1999 dans les Yvelines des projets pilotes : des pôles d'accueil pour les jeunes en difficulté - les PAJD - et des maisons de l'espoir. J'espère qu'ils ne bénéficieront pas que du soutien moral du Gouvernement.

J'aimerais aussi voir l'éducation nationale disposer de plus d'enseignants formés à la spécificité du travail dans nos quartiers et des projets de classes-relais mailler davantage notre territoire. Ils revêtent, nous le savons, une grande importance dans nombre de circonstances.

L'éducation relevant également et avant tout des parents, il convendrait que, au-delà de l'aide que nous devons apporter à ceux qui sont en difficulté, l'on se donne les moyens de responsabiliser davantage ceux qui ne veulent pas assurer leur mission éducative. Les parents n'ont pas, de par la loi, une obligation de résultat pour leurs enfants, mais une obligation de moyens. Il en a toujours été ainsi. Il est choquant que notre société, au nom du politiquement correct, refuse de sanctionner ceux qui abandonnent le soir et la nuit leur progéniture aux dangers de la rue. J'ai déclenché un tollé il y a huit ans en demandant des sanctions financières à leur encontre pouvant aller jusqu'à la suppression des allocations familiales.


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Je n'ai cessé depuis de le réclamer. Aujourd'hui, tout le monde en parle. Même le Gouvernement semble s'y intéresser. Mais, comme soeur Anne, je ne vois rien venir ! Peut-être faudrait-il aussi, en attendant que l'on ait le courage de sanctionner les manquements graves de quelques adultes - leur nombre est faible mais les conséquences de leurs actes sont lourdes - que vous exigiez de chaque parquet qu'il définisse clairement une politique pénale en direction des mineurs. Vous éviteriez ainsi que naissent, selon les cas, des sentiments d'impunité ou d'injustice, lesquels sont inévitables quand les règles ne sont pas posées clairement.

Par ailleurs, je m'interroge comme le rapporteur de la commission de la production et des échanges sur l'opportunité d'une énième instance de réflexion : l'institut pour la ville. Il y a déjà le conseil national des villes, la déléga tion interministérielle à la ville, le rapport Sueur qui est presque à lui tout seul une institution, le Parlement, devant lequel je m'exprime, l'association des maires des villes de banlieue, dont le président siège sur ces bancs et vous voulez créer une instance de plus. Je ne sais pas si le budget est à la hauteur du mal, mais les structures, oui.

Que va-t-on y faire ? Réfléchir ? On l'a déjà fait. Evaluer le travail associatif et celui des mairies ? Des gens très intelligents vont nous faire perdre notre temps à nous expliquer ce qu'on a déjà compris et que ceux qui nous dirigent ne veulent pas comprendre.

M. André Santini, rapporteur pour avis.

Très bien !

M. Pierre Cardo.

Si vous voulez faire un travail d'évaluation utile, monsieur le ministre, prenez les moyens de le faire sur l'action de la police, de la justice et de l'école ainsi que sur la santé mentale de nos quartiers. A mon avis, rien qu'avec cette action, vous resterez à jamais le plus courageux et le plus efficace des ministres de la ville de ce siècle !

M. Michel Meylan.

Très bien !

M. Pierre Cardo.

On dépense des sommes colossales à évaluer et réévaluer l'action des maires. Des bureaux d'études, des chercheurs, des sociolgoues, des intellectuels sont chargés de cette tâche. C'est très intéressant, mais, bien qu'ils reprennent tout ce que nous avons déjà fait, nous n'avançons pas pour autant.

M. Michel Meylan.

Tout à fait !

M. André Santini, rapporteur pour avis.

C'est exact !

M. Pierre Cardo.

Les institutions qu'il serait utile d'évaluer me semblent être en priorité la justice, qui a tendance à s'autoévaluer, la police et la santé mentale qui, dans le cadre d'un partenariat nécessaire en réseaux sur le terrain, ne jouent pas toujours le jeu. Réfléchissons donc aux moyens de remédier à ce problème. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Monsieur le ministre, c'est vous qui avez été chargé de ces actions transversales. Assumez-les et nous vous en serons extrêmement reconnaissants.

Je m'interroge enfin sur les procédures.

Avez-vous donné des instructions aux services instructeurs pour plus de célérité dans leur travail ? Pensez-vous que les subventions seront versées plus rapidement et selon des procédures simplifiées ? Comment envisagez-vous l'intercommunalité pour les communes en difficulté dont personne ne veut ? Ne craignez-vous pas qu'elles se retrouvent seules, et donc lésées, ou englobées dans un ensemble intercommunal, où, minoritaires, elles seront maltraitées par leurs voisines, intéressées par leurs subventions, mais pas par leurs problèmes ? C'est un sujet d'angoisse permanent pour moi : si je suis seul à m'occuper des problèmes de quartiers en difficulté au sein d'un ensemble résidentiel qui n'en a strictement rien à faire, n'étant intéressé par l'intercommunalité que pour l'argent qu'il peut en tirer, il est clair que cela se passera très mal pour les habitants de ces quartiers et l'on n'aura pas réglé le problème, loin s'en faut.

Telles sont mes inquiétudes et mes questions sur votre budget, monsieur le ministre et, au-delà, sur la politique de la ville que vous voulez impulser.

L'aspect positif est l'augmentation des moyens que vous avez obtenue, quoique j'en aie dit. Nous ne pouvons qu'en être satisfaits même si nous pouvons nous interroger sur la nature des sommes additionnées dans le conglomérat de ce budget. Positive également est votre volonté d'avancer.

L'aspect négatif réside dans les éléments que je viens de souligner.

Depuis quinze ans que je m'occupe de la politique de la ville, je ne cesse de critiquer les différentes actions qui sont menées parce qu'elles sont inadaptées aux réalités du terrain. Je continuerai.

Compte tenu de cette position, le groupe Démocratie libérale et Indépendants s'abstiendra dans le vote sur votre budget, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

Merci !

M. le président.

La parole est à M. Michel Pajon.

M. Michel Pajon.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis heureux de commenter une nouvelle fois, au nom des députés socialistes, les crédits affectés à la politique de la ville et ce d'autant plus que c'est l'un des budgets prioritaires de l'Etat pour l'année 1999. Je suis heureux aussi parce que c'est celui qui connaît la plus forte hausse et parce que, dans un contexte économique toujours difficile, le Gouvernement a su respecter et concrétiser ses engagements. Je suis heureux enfin parce que ce budget se double d'une approche nouvelle et globale des problèmes.

Monsieur le ministre, il y a tout juste un an, je qualifiais le budget 1998 de « budget de raison et de transition » car il était porteur d'une dynamique nouvelle et d'espoir pour nombre de nos concitoyens.

L'examen attentif des crédits affectés cette année à la politique de la ville le prouve : le budget 1999 est, sans conteste, un budget d'impulsion et d'innovation.

Dans un domaine où les effets d'annonce et la précipitation ont trop souvent prévalu, où les plans d'urgence souvent inefficaces - ont succédé aux « mesures gadgets », le Gouvernement a pris le temps, ô combien nécessaire, de la réflexion.

Je rends hommage à ce sujet au remarquable travail de Jean-Pierre Sueur, qui a établi dans son rapport un diagnostic exhaustif et proposé des mesures concrètes.

Cette réflexion, quoi qu'aient pu en dire certains, était indispensable pour dresser un bilan lucide d'une politique arrivée « à bout de souffle » et surtout, elle préfigurait votre action : une action qui s'inscrit dans la durée, évite toute démagogie et prend en considération tous les


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acteurs de la politique de la ville ; une action qui s'appuie sur les potentialités de chaque territoire et privilégie la participation de tous, et en particulier celle des habitants.

Votre nomination en avril dernier, l'installation du Conseil national des villes, le Comité interministériel consacré exclusivement à la politique de la ville, en juin, l'engagement personnel du Premier ministre, tout cela a constitué, à nos yeux, un signal fort et est la preuve de la volonté de l'ensemble du Gouvernement d'agir en faveur d'une « nouvelle ambition pour nos villes ».

L'augmentation des crédits est à la hauteur de nos attentes. Elle vient servir notre ambition, de voir la ville devenir ce que vous avez récemment appelé « le champ du possible, un espace d'opportunités et de solidarités, qui organise le droit permanent à la réussite. »

Cette augmentation est considérable, tant du point de vue des crédits spécifiques « ville » que de l'effort public global.

Elle est de 30 % pour les crédits spécifiques, ce qui est sans précédent depuis la création du ministère de la ville.

Elle permet ainsi de franchir un cap symbolique puisque votre budget, monsieur le ministre, atteint le milliard de francs.

En outre, vous avez su décliner cette augmentation exceptionnelle de manière équilibrée, en privilégiant trois axes importants : l'animation de la politique de la ville, le soutien aux initiatives locales et aux expérimentations et l'égalité d'accès au service public.

La conception et l'animation de la politique de la ville bénéficient d'un apport supplémentaire de plus de 30 millions de francs, qui se traduira par des moyens nouveaux pour le conseil national des villes et pour des crédits pour la création de l'« Institut de la ville » que vous mettez actuellement en place.

Nous espérons que ce premier effort budgétaire profitera directement aux acteurs de terrain, notamment en facilitant leurs échanges avec l'ensemble des représentants de l'Etat au niveau local.

Mais, comme vous le savez, les attentes sont également fortes en matière de formation et de création de nouveaux lieux d'échanges à caractère professionnel. Le secteur des métiers de la ville est en plein essor et les besoins des collectivités locales dans ce domaine sont importants.

Le soutien aux initiatives locales et la rénovation de la contractualisation constituent le deuxième volet des priorités affichées dans votre budget et c'est un volet central.

A cet égard, le choix de seize sites pilotes permettra d'expérimenter des méthodes innovantes d'élaboration et de mise en oeuvre des nouveaux contrats de ville.

En désignant ces sites, vous permettez que soient pris en compte, enfin, l'ensemble des problèmes relatifs à la crise urbaine et surtout, vous privilégiez une nouvelle démarche, qui consiste à placer au coeur des processus de décision tous les acteurs de terrain sans exception.

Parallèlement aux sites pilotes, vous proposez d'accroître les moyens attribués aux contrats existants et aux grands projets urbains pour des actions concernant en priorité l'emploi, la sécurité et l'éducation.

Il va de soi que nous nous rallions à cet ensemble de ces propositions dès lors qu'il s'accompagnera d'un effort réel de l'Etat en faveur de la simplification de ses procédures, comme l'a réclamé M. Cardo tout à l'heure, et de la clarification de ses modes de financement.

L'égalité d'accès au service public est la troisième priorité inscrite dans votre budget et ce n'est pas la moindre ! Le développement de services publics de proximité permettra d'assurer une présence publique qui, malheureusement, fait parfois défaut dans de nombreux quartiers.

Cette présence incombe d'abord aux administrations décentralisées, nous le savons. Mais, ici encore, nous comptons sur votre détermination pour que l'Etat assure pleinement son rôle d'animateur et facilite la participation de ses personnels aux initiatives locales. Il est important en effet d'ancrer dans les quartiers tous les services publics ou collectifs.

Notre pays se doit de garantir un égal accès au service public pour tous les habitants, quel que soit leur lieu d'habitation.

Quand je pense à « service public », je pense aussi, naturellement, aux services de police.

Il ne s'agit pas de stigmatiser tel ou tel quartier ou d'établir un amalgame - trop souvent fait, malheureusement - entre « banlieues » et « insécurité ».Il s'agit plutôt de comprendre que la crise urbaine est marquée aussi par la violence dans les cités, les centres commerciaux ou, comme l'ont montré de récents événements, dans les transports.

Je peux attester, en tant que maire, que le climat d'insécurité et de violence réduit bien souvent à néant tous les efforts menés en matière d'animation ou de développement urbain.

Les services de police - tout comme ceux de la justice doivent donc trouver des modes de réponse nouveaux, adaptés aux situations particulières auxquelles ils sont confrontés.

A ce sujet, monsieur le ministre, puisque vous venez d'être chargé d'une réforme des dispositifs de prévention et de sécurité, nous comptons sur vous pour trouver une meilleure articulation de ces dispositifs avec la politique de la ville et pour contribuer à faire de la sécurité un droit pour tous.

Quant à l'effort public global consacré à la politique de la ville, il passe, en 1999, à plus de 30 milliards de francs contre 23 milliards l'année dernière.

Trois ministères apportent une contribution remarquée : l'emploi et la solidarité - au titre notamment des emplois-jeunes dans les quartiers difficiles - l'éducation nationale et l'intérieur.

Ces contributions sont conformes aux attentes que nous avions formulées à l'égard de ces trois grandes administrations l'an passé.

Le « jaune budgétaire » révèle d'autres efforts significatifs à côté de ceux de l'Etat.

Je pense notamment aux collectivités locales.

Soutenues par la progression de la dotation de solidarité urbaine de plus d'1 milliard de francs, elles porteront leur participation à la politique de la ville de 2,5 milliards à 3,1 milliards de francs en 1999.

Je pense également aux enveloppes exceptionnelles de prêts de la Caisse des dépôts et consignations pour les projets urbains et les opérations de reconstruction-démolition.

Nous avons remarqué, enfin, l'apport significatif des fonds structurels européens. Ils atteindront en effet plus d'1 milliard de francs en 1999, signe d'une plus grande implication de l'Europe en faveur de la ville.

D'autres réformes importantes sont également en préparation qui exigeront toute votre attention.

Je pense tout d'abord à la réforme de la taxe professionnelle et des valeurs locatives et à ses conséquences sur les capacités financières des villes nouvelles notamment.


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Le programme TRACE à destination des jeunes, la relance des zones d'éducation prioritaires et le redéploiement des forces de police et de gendarmerie méritent aussi, bien entendu, de notre part et de la vôtre, une attention particulière.

Enfin, je voudrais évoquer l'aménagement du territoire et la politique en matière d'habitat et de logement.

Ces réformes, annoncées ou esquissées, devront permettre d'instituer des outils plus adaptés à l'évolution du phénomène urbain.

Voilà en quelques mots, monsieur le ministre, mes réflexions sur le budget que vous soumettez aujourd'hui à notre assemblée.

Comme je l'ai dit, c'est un budget d'impulsion et d'innovation, à la hauteur de nos ambitions.

Au nom des députés socialistes, je peux vous assurer de notre soutien. Nous voterons avec enthousiasme votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis les dispositifs habitat et vie sociale, vingt années d'interventions au titre de la politique de la ville n'ont pas permis d'enrayer les tendances lourdes qui ont conduit à plus de ségrégation, plus d'exclusion, plus de souffrance, dans la majorité des territoires concernés.

S'il nous révolte, ce constat inquiétant ne nous surprend pas.

Depuis longtemps, les députés communistes répètent que la crise urbaine, le chômage, la pauvreté, l'insécurité, dont la traduction la plus visible se manifeste par de récurrentes explosions de violence, sont symptomatiques du mal profond qui ronge notre société.

Ce mal est bien celui que nourrissent et aggravent les dogmes ultra-libéraux. Le libéralisme est disqualifié pour résoudre la crise de la ville qu'il a lui-même générée.

Les stratégies guidées par l'objectif souvent exclusif de l'accumulation financière de placements spéculatifs, de la réduction coûte que coûte de la rémunération du travail au bénéfice de celle du capital portent en elles les déséquilibres majeurs, socio-économiques et spatiaux, que reflète en l'amplifiant la crise urbaine.

La logique de l'argent facile a poussé les plus démunis d'entre nous à la périphérie des villes, en même temps qu'elle les a mis au ban de la société.

Pour ces raisons de fond, les élus communistes ont toujours considéré que, pour être réellement efficace, la politique de la ville devait s'inscrire dans une politique d'ensemble économique et sociale donnant la priorité à l'emploi, à l'aménagement équilibré du territoire national à l'égalité effective des droits, en un mot, ramenant l'homme au centre de toutes les préoccupations.

Pas plus qu'hier, une politique du moindre mal ne saurait constituer, aujourd'hui, un projet de société.

Il y a bien là, pour la gauche dans sa pluralité, un devoir d'innovation et de citoyenneté, un devoir de justice et de solidarité et l'exigence d'un positionnement clair, affichant, au-delà des mots, les actes forts de ces ambitions majeures.

Des ambitions majeures mais des ambitions lucides.

Lucides parce qu'elles sont partagées par ceux qui, sans perdre de vue l'essentiel, savent qu'il faut nécessairement et simultanément agir dans le court terme et dans l'urgence.

Nous ne sommes pas partisans du tout ou rien. Nous sommes pour la mise en oeuvre des procédures contractuelles avec l'objectif d'en tirer le meilleur parti pour les habitants.

Nous l'avons fait avec tous les acteurs de la politique de la ville, anonymes, souvent bénévoles, toujours sur le terrain, au plus près des problèmes, qui ont déployé une activité exemplaire au service de celles et ceux qui en ont le plus besoin.

Ils méritaient d'être salués, encouragés, reconnnus, soutenus, mais ce qu'ils attendent le plus, ce n'est pas seulement une reconnaissance formelle de la nation, ce sont des moyens à la hauteur des enjeux et l'engagement du Gouvernement de la France, d'assurer jusqu'au bout ses missions de service public.

Le Comité interministériel des villes du 30 juin dernier et le présent budget témoignent heureusement de l'intention du Gouvernement.

Vous affirmez - et nous l'apprécions - que la crise urbaine appelle une approche politique globale et à long terme, une approche qui redonne au service public son rôle d'intégration dans le corps social et affirme l'impérieuse nécessité de poursuivre simultanément des objectifs de réhabilitation, de requalification urbaine, de redynamisation économique et de justice sociale.

Les huit mesures qui nourrissent les orientations du Gouvernement en matière de mixité urbaine et sociale vont dans le bon sens. De telles ambitions ont pour corollaire l'engagement de moyens nouveaux, en croissance significative.

Les crédits de votre ministère progressent globalement de plus de 30 %. Cet effort est d'autant plus louable qu'il porte pour l'essentiel sur les interventions publiques.

Ajouté aux 8 milliards d'évolution de l'effort public global qui passe de 23 à 31 milliards, le budget de la politique de la ville devrait dès 1999 commencer à rendre perceptible dans le vécu de millions de personnes concernées la volonté politique qui le sous-tend.

Pour avoir, depuis toujours, porté cette volonté, les députés communistes apprécient cette évolution. L'effort exceptionnel qu'elle représente devrait, à notre avis, être exemplaire de ce qu'il serait nécessaire de faire au-delà du budget du ministère de la ville. Au fond, notre seul regret, mais il n'est pas mineur, c'est que la loi de finances pour 1999 ne soit pas dans son ensemble nourrie de la même ambition.

Monsieur le ministre, vous qui êtes au chevet de villes malades, vous devez savoir mieux que quiconque combien restent insuffisantes les réponses aux besoins d'emploi, de pouvoir d'achat, de santé, d'éducation, de logement, de sécurité, de justice des populations de ces villes. Vous savez combien il manque d'agents dans les transports, dans les hôpitaux, à La Poste, dans les services sociaux.

Vous mesurez du même coup combien la politique de la ville peut être pénalisée par un budget de la nation qui n'est pas créateur d'emplois nets. Vous le mesurez d'autant mieux que, dans le même temps, votre ministère s'engage, et c'est très bien, dans la mise en place de services publics de quartier et plus généralement dans l'aide au développement d'activités au sein des territoires les plus fragilisés.

A ce propos, je rappelle que nous avions critiqué, en leur temps, les dispositifs dérogatoires des zones franches.

Nous ne sommes toujours pas convaincus que ces coûteuses exonérations fiscales et sociales - 2,6 milliards de francs - aient montré une efficacité perceptible et proportionnelle en terme d'emplois.


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Vous savez aussi combien sont démunis de moyens les villes qui ont pourant consenti les plus gros efforts pour l'accueil des populations les plus modestes. Si l'évolution significative de l'enveloppe de dotation de solidarité urbaine doit être saluée, il faudra pourtant aller beaucoup plus loin pour permettre à ces villes de s'engager avec l'audace nécessaire dans les contrats de plan de la nouvelle génération.

Vos crédits de fonctionnement progressent de plus de 47 % tandis que ceux pour l'investissement n'évoluent pas. Vous l'expliquez en rappelant que des reliquats importants des années précédentes n'ont pas été consommés. Mais n'est-ce pas justement là le signe des dramat iques difficultés financières des communes qui ne trouvent plus les moyens de réaliser les équipements qu'elles continuent pourtant de juger indispensables ? Vous avez enfin mis l'accent, avec une conviction que nous partageons, sur le nécessaire développement de la démocratie locale.

La participation des citoyens à l'élaboration et à la mise en oeuvre de projets de reconquête de leur ville est à l'évidence la garantie la plus sûre de leur efficacité. La commune, foyer de la démocratie, reste le cadre le plus approprié de l'expression de cette volonté populaire.

Nous ne nions pas, bien au contraire, la nécessité de poser à l'echelon pertinent les questions d'aménagement, de reconquête économique, d'équipements structurants, afin de construire les cohérences nécessaires au développement harmonieux des territoires. Mais si l'Etat doit fortement encourager et aider au développement des coopérations intercommunales, il ne peut pour autant mettre à mal le droit à la ville, un droit marqué par une histoire nationale qui a précisément érigé la commune précisément en cadre protecteur de la démocratie, face à des pouvoirs centraux délégués et éloignés des habitants.

La commune, foyer de démocratie, est aussi le creuset qui féconde la vie associative. En retour, le tissu associatif joue un rôle de cohésion sociale, d'animation, d'épanouissement des solidarités concrètes, sans lesquels toute politique de la ville perdrait de son efficacité. Ces associations doivent être encouragées et assurées de la continuité de leurs contrats, de leurs financements et de l'allégement de la fiscalité qui pèse sur les salaires de leurs employés.

Pour conclure, monsieur le ministre, le budget que vous nous présentez est sans conteste l'un des meilleurs de la loi de finance pour 1999. Le groupe communiste le votera et nous nous engagerons, avec l'ensemble des acteurs de la politique de la ville, à lui donner le maximum d'efficacité. Mais nous ne renoncerons pas pour autant à poursuivre dans la vie des réformes structurelles nécessaires, le plus souvent urgentes, les prolongements réellement transformateurs qu'elle appelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Mignon.

M. Jean-Claude Mignon.

Monsieur le ministre, gérer une ville est une tâche bien exaltante. Tous nos collègues qui ont encore le privilège d'être aussi des maires le savent et ne s'y trompent pas : c'est l'école indispensable pour affronter, appréhender, régler tous les problèmes auxquels nous devons faire face.

Dans nos villes, dans nos quartiers, il devient certes difficile d'assumer les responsabilités qui nous ont été démocratiquement confiées par nos concitoyens pour aménager un lieu de vie où ils puissent s'épanouir avec leur famille en toute sérénité et dans un climat de tolérance et de paix sociale.

De plus en plus, la culture occupe une place privilégiée dans notre société ; nous ne pouvons que nous en réjouir.

Aussi permettez-moi la comparaison que je vais développer.

La musique est un facteur essentiel d'épanouissement.

Je suis toujours impressionné, lorsque j'assiste à un concert, par le travail du chef d'orchestre et celui de ses musiciens. Ils forment un ensemble indissociable et leur prestation exige une entente parfaite. La moindre fausse note ternit le morceau exécuté et la réputation des musiciens.

Vous êtes, monsieur le ministre, une partie de l'orchestre, les maires et les conseils municipaux en sont une autre mais l'ensemble serait incomplet sans toutes les forces vives que constituent les représentants de la vie associative et tous les services de l'Etat.

Diriger un tel ensemble, monsieur le ministre, doit être un réel plaisir. Mais attention : la ligne mélodique de certains violons solos et autres premiers violons du Gouvernement auquel vous appartenez n'est pas forcément la même que celle écrite dans votre partition ! Il nous arrive assez fréquemment d'entendre le contre-chant de seconds violons pas du tout dans le ton, qui transforment votre orchestre en un ensemble totalement disparate ! Dans de telles conditions, comment voulez-vous que la population f rançaise puisse compléter, en harmonie, ce grand ensemble ? Les instruments de l'orchestre du Gouvernement de la France ne sont pas accordés ; souvent, trop souvent, on ne peut que constater que celui qui le dirige, par ses méthodes trop autoritaires et son entêtement doctrinaire, ne fait qu'aggraver la cacophonie. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Faites comme les Français : faites-nous confiance !

M. Jean-Luc Warsmann.

Décidément, madame, c'est la méthode Coué !

M. Jean-Claude Mignon.

Le projet de budget de votre ministère, tel que vous nous l'avez présenté, devrait connaître une augmentation de 32 % et atteindre ainsi le cap symbolique du milliard de francs. Ce à quoi, avezvous souligné, doit s'ajouter l'effort public global consenti en faveur de la politique de la ville, qui atteindra un peu plus de 31 milliards de francs contre 23 l'année dernière.

A en croire le Gouvernement, il s'agirait du premier signal fort de la mobilisation générale pour la politique de la ville, du jamais vu - ce qui sous-entend qu'auparavant rien n'était fait.

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est autre chose que feu le plan Marshall pour les banlieues !

M. Jean-Claude Mignon.

Rappelons que le Premier ministre, lors de sa déclaration de politique générale, n'a jamais évoqué la politique de la ville ; il aura attendu plus d'un an pour mesurer l'intérêt de nommer un ministre délégué à la ville, contrairement à ses prédécesseurs.

M. Maurice Leroy.

Cela, c'est incontestable.

M. Jean-Claude Mignon.

Encore cette décision, cela n'aura échappé à personne, est-elle intervenue après que le Président de la République a pris l'initiative de réunir autour de lui un groupe de réflexion sur la politique de la ville composé de douze maires de toutes tendances politiques, à la suite des tragiques événements survenus dans certaines villes de banlieue fin 1997.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

M. Jean-Luc Warsmann.

Cela aussi, c'est vrai !

M. Jean-Claude Mignon.

Ainsi, voilà qu'on nous annonce, à coups d'effets médiatiques, un effort sans précédent, une véritable aubaine pour les élus locaux et nos concitoyens qui, pour la première fois ne pourront qu'en percevoir les effets sur le terrain.

Hélas ! Monsieur le ministre, en regardant de près les chiffres évoqués dans votre projet de budget, nous constatons qu'il s'agit une fois de plus d'un habillage.

Vous annoncez une augmentation des crédits de 245 millions de francs et soulignez la volonté du Gouvernement de renforcer l'animation et les actions de la politique de la ville, et de conforter l'égalité devant le service public dans les quartiers difficiles.

Objectif louable, certes, mais, parmi les mesures annoncées, nous recherchons toujours celles qui pourraient améliorer la situation de nos villes. En réalité, sur cette enveloppe supplémentaire, 30 millions de francs seront consacrés au fonctionnement de votre ministère, à la délégation interministérielle à la ville, à la mise en place du nouveau comité national des villes et à la création d'un institut pour la ville : toujours plus de frais de fonctionnement, toujours plus de fonctionnaires. Pourquoi créer deux nouvelles structures alors que plusieurs établissements remplissent déjà les mêmes missions ? Pourquoi abonder de 22 millions de francs les crédits d'étude, d'ingénierie et de formation, alors que les collectivités locales supportent mal de devoir les cofinancer, et encore plus de se trouver dans l'obligation de justifier à l'Etat leurs projets locaux par des études préalables ? Votre mesure, à l'inverse, ne peut que satisfaire pleinement les cabinets d'étude en tous genres...

Vous annoncez également une dotation supplémentaire de 192 millions de francs, financée pour partie par une diminution de 10 % du fonds social urbain, afin de conforter les moyens alloués aux contrats de ville et aux grands projets urbains, dans le cadre du fonds interministériel de la ville. Ces fonds, dont les enveloppes sont déconcentrées, interviennent également dans le financement des projets situés dans le périmètre des zones urbaines sensibles.

Considérant le réel intérêt du fonds interministériel à la ville pour nos villes, nous espérions un signal fort et une nouvelle ambition. Espoir vain, puisque l'enveloppe de ce fonds se verra en partie absorbée par un soutien de l'Etat aux treize grands projets urbains, le solde étant réparti entre les 214 sites en contrat de ville et les 750 zones urbaines sensibles, soit une dotation moyenne par site d'environ 100 000 à 200 000 francs.

Dernier volet du budget de la ville : les crédits prévus au titre de l'égalité devant le service public sont en hausse de 24 millions de francs. S'il apparaît légitime que les quartiers en difficulté bénéficient d'une densité de services publics supérieure à la moyenne, encore faut-il prévoir des mesures efficaces pour éviter que ces équipements ne restent la cible privilégiée des délinquants.

Monsieur le ministre, je crains malheureusement que ces 245 millions de francs supplémentaires ne produisent localement qu'un effet extrêmement limité et sans rapport avec le signal fort tant attendu. Du reste, conscient des limites de ses ambitions, le Gouvernement a décidé de globaliser l'effort public pour les villes afin d'atteindre l'objectif de 31 milliards de francs, soit 8 milliards de plus qu'en 1998. Quelle aubaine...

Mme Odette Grzegrzulka.

Ah ! Quand même ! Vous le reconnaissez !

M. Jean-Claude Mignon.

Mais, une fois de plus, l'examen de cette globalisation révèle l'habileté de nôtre Gouvernement à manier les effets d'annonce. En effet, dans ces 31 milliards de francs, vous intégrez notamment 7 milliards provenant de la Caisse des dépôts et consignations dont les enveloppes de prêts sont rarement consommées, du fait du manque de capacité des villes à emprunter davantage, 1 milliard provenant des fonds structurels européens, 3 milliards versés par les collectivités locales au titre d'une contribution de solidarité imposée...

M. Alain Barrau.

Ça baisse !

M. Jean-Claude Mignon.

... et douze milliards provenant des différents ministères et déjà comptabilisés dans leur budget propre, notamment ceux relatifs au financement des emplois jeunes, que l'on retrouve aussi dans les budgets de l'éducation nationale, de l'intérieur et des affaires sociales.

Enfin, vous soulignez l'augmentation d'un milliard de la dotation solidarité urbaine, alors que cet effort repose exclusivement sur les collectivités contributrices.

M. Alain Barrau.

Grâce à une loi de qui ?

M. Jean-Claude Mignon.

Toujours le même habillage ! Par ailleurs, vous passez sous silence les efforts négatifs de la transformation du pacte de stabilité en contrat de croissance et de solidarité, qui aura pour conséquences une diminution de la dotation de compensation de la taxe professionnelle et une évolution de la dotation globale de fonctionnement inférieure à plus de deux fois la croissance, puisque nos villes sont malheureusement, pour la plupart, éligibles à la garantie minimale.

Vous n'évoquez pas davantage l'inquiétude légitime des élus locaux depuis l'annonce, sans concertation, de la suppression du dispositif d'aménagement des rythmes scolaires, initié avec succès par le précédent gouvernement et par d'autres, ni les incertitudes qui pèsent sur le financement des nouveaux contrats éducatifs locaux. Pourquoi vouloir à toute force changer un dispositif qui avait fait ses preuves ? Vous ne parlez pas non plus des conséquences financières pour les villes de l'effet d'annonce du ministre Claude Allègre, à propos du développement des technologies d'information et de communication et de la mise en réseau du matériel informatique des établissements scolaires des premier et second degrés.

Mme Odette Grzegrzulka.

Quel rapport avec la ville ?

M. Jean-Claude Mignon.

M. Allègre annonce une dotation de 500 millions de francs sous forme de prêts à taux zéro pour aider les collectivités à remplacer dans les établissements scolaires les moyens informatiques devenus obsolètes, rompant ainsi avec le principe d'un cofinancement de l'Etat jusqu'alors acquis en ce domaine. Du jamais vu ! Une fois de plus, les collectivités locales vont être durement mises à contribution. Je ne vois pas comment les élus locaux pourront être rassurés, lorsqu'ils seront confrontés à l'épreuve difficile de l'équilibre budgétaire.

Vous avez mis en doute, monsieur le ministre, l'efficacité du dispositif des zones franches, estimant qu'elles suscitent des effets pervers.

Mme Odette Grzegrzulka.

Il y a de quoi ! Il a raison !

M. Jean-Claude Mignon.

C'est votre avis, madame ! Les statistiques prouvent, au contraire, que ces zones ont permis de revitaliser le tissu économique des quartiers et d'insérer la dimension économique dans la politique de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

l a ville, que vous négligez. Grâce à ce dispositif, 20 000 emplois nouveaux ont été créés, permettant notamment de maintenir les commerces et les entreprises dans des quartiers réputés difficiles.

M me Odette Grzegrzulka.

Mensonge ! C'est une contre-vérité !

M. Jean-Claude Mignon.

Madame, je ne crois pas que votre expérience vous autorise à de telles affirmations !

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est justement par expérience que je le sais !

M. le président.

Monsieur Mignon, ne vous laissez pas interrompre !

M. Jean-Claude Mignon.

Pourquoi, au contraire, ne pas en élargir le dispositif alors que l'emploi créé dans ces z ones et aidé temporairement par l'Etat revient à 80 000 francs et reste inférieur au traitement social d'un chômeur ? Politique interministérielle par excellence, la politique de la ville concerne également un autre domaine : celui du rétablissement de la sécurité des personnes et des biens dans les quartiers, préoccupation majeure chez nos concitoyens.

M. Jean-Luc Warsmann.

Absolument !

M. Jean-Claude Mignon.

Le 8 juin dernier, le conseil de sécurité intérieure avait annoncé un plan gouvernemental de lutte contre la délinquance juvénile. Les propositions du Gouvernement pour 1999 sont loin, malheureusement, d'être à la hauteur de cette ambition.

Les moyens de la police ne cessent de décroître par rapport aux réels besoins, des milliers de titulaires ne seront pas remplacés et les crédits budgétaires affectés au financement de ces postes seront redéployés pour permettre leur remplacement par des emplois jeunes labellisés adjoints de sécurité...

La violence en milieu urbain est en constance augm entation. Chaque jour, des citoyens honnêtes se trouvent dans l'obligation de quitter leur logement, excédés par les actes de délinquance dont ils sont régulièrement l'objet. Les victimes ne portent plus plainte par peur des représailles et le taux de classement sans suite ne cesse de progresser. Cette situation renforce le sentiment d'impunité, favorise l'accroissement des zones de nondroit et, par voie de conséquence, l'émergence de ghettos, à la plus grande joie des délinquants... Lorque la société laisse des traces aussi visibles de son impuissance, on ne peut guère s'étonner d'une telle situation.

Une politique ambitieuse pour les villes, c'est celle qui permettra à nos concitoyens de vivre normalement en toute sécurité, qui mettra un terme à cette pernicieuse tendance à ériger les auteurs d'actes de délinquance en victimes de la société.

C'est également celle qui permettra aux élus d'alléger la fiscalité locale par une réelle compensation par l'Etat des transferts de charges, celle qui favorisera, au sein de nos villes, la mixité sociale et qui enrayera le phénomène grandissant de paupérisation que connaissent nos villes de banlieues.

Monsieur le ministre, force est de constater que les mesures annoncées ne tiennent pas compte des expériences des politiques antérieures et ne permettront pas de répondre aux réelles inquiétudes des élus locaux et de nos c oncitoyens. Malgré vos effets d'annonces, l'on se demande ce que veut réellement le Gouvernement et l'on recherche toujours ce « signal fort » tant attendu. Pour toutes ces raisons, le groupe RPR ne votera pas ce budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Maurice Leroy.

M. Alain Barrau.

Il sera plus modéré !

M. Maurice Leroy.

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je veux pour commencer vous faire part de ce que je ressens dans ce débat, alors qu'il m'est donné, pour la première fois, de m'exprimer à la tribune sur la politique de la ville au nom du groupe UDF.

Sans doute me trouvera-t-on un peu naïf, comme tout nouveau venu,...

M. André Santini, rapporteur pour avis.

Mais oui ! (Sourires.)

M. Maurice Leroy.

... à faire état d'un peu, pour ne pas dire de beaucoup de frustration. Car ce débat, à mes yeux, a quelque chose d'assez frustrant.

Dans tous les colloques et ailleurs, chacun s'accorde à reconnaître que la politique de la ville est un enjeu majeur, que d'ici peu, quatre Français sur cinq vivront dans les villes et que c'est là un phénomène planétaire. Et l'on ne nous accorde que quatre petites heures pour débattre de ce sujet majeur ! Vous n'y êtes pour rien, monsieur le président, ni vous, monsieur le ministre...

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial.

Vous n'y êtes pour rien non plus, rassurez-vous !

M. Maurice Leroy.

C'est ainsi, mais je tenais à le relever.

Et dans ces quatre heures, dix grandes ou dix petites minutes pour traiter de tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la politique de la ville sans jamais oser le demander. Voilà pour l'enjeu...

M. Roland Carraz, rapporteur pour avis.

Et vous en avez déjà perdu deux !

M. Alain Barrau.

Programme alléchant, mais concentrez vos propos !

M. Maurice Leroy.

Je me suis reporté aux débats de l'an dernier. Le rapporteur de la commission de la production et des échanges, notre collègue André Santini, aura finalement été entendu sur un point...

M. André Santini, rapporteur pour avis.

C'est le seul, d'ailleurs !

M. Maurice Leroy.

... puisque nous avons enfin un interlocuteur, un ministre de la ville, et que les crédits progressent. C'est une bonne chose.

M. André Santini, rapporteur pour avis.

Grâce au rapporteur ! (Sourires.)

M. Maurice Leroy.

Monsieur le ministre, je vous l'ai dit en commission des affaires sociales : nous souhaitons sincèrement que vous réussissiez, que votre politique réussisse. Aucun de nous ici n'a intérêt à voir échouer la politique de la ville. Sinon, nous le savons tous, les violences urbaines, l'exclusion sociale progresseront. Et cela, je ne le souhaite pas.

Mme Odette Grzegrzulka.

Voilà un propos constructif !

M. Maurice Leroy.

Nous aurons l'occasion, dans d'autres débats - et pas plus tard qu'aujourd'hui d'ailleurs - de nous confronter, cela ne fait aucun doute. Mais s'il est un domaine où nous devons tous tirer dans le même sens, c'est bien celui de la politique de la ville, je tiens à le dire avec une certaine fermeté à cette tribune.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

La politique de la ville, sans la continuité, c'est impossible ! Et je suis heureux de parler devant notre collègue Yves Dauge qui fut, je crois, le premier délégué interministériel à la ville. Il faut de la continuité parce que le temps des projets sur le terrain ne correspond pas au temps médiatique.

Mon discours est peut-être un peu décousu, tant pis !

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est la passion !

M. Maurice Leroy.

J'avais prévu quelque chose de bien structuré mais je préfère dire les choses du coeur. Je préfère évoquer les problèmes qui remontent du terrain, qui sont de vrais problèmes.

Donc il faut de la durée. On parle toujours du rapport Sueur. Ses deux tomes volumineux ont réuni bien des choses. Mais il faut l'inscrire dans la continuité du rapport Idrac-Duport qui était déjà un excellent rapport.

Sinon, on risque de perdre le fil ! Pour ma part, je me félicite que, de Michel Delebarre, qui a été un très bon ministre de la ville, jusqu'à vous, en passant par Eric Raoult et Jean-Claude Gaudin...

Mme Odette Grzegrzulka.

Qui avait un très bon collaborateur !

M. Maurice Leroy.

... avec le pacte de relance pour la ville - André Santini a eu raison de le rappeler - il y ait eu continuité dans la politique de la ville. C'est un acquis. Ne le bazardons pas ! Préservons-le, au contraire.

Nous aurons bien d'autres sujets sur lesquels nous opposer ! Je souhaiterais, monsieur le ministre, vous poser des questions précises et pointues, pour que nous puissions avancer.

Comme mes collègues, j'ai parcouru le « bleu ». Mais les chiffres, on peut leur faire dire à peu près tout ce qu'on veut, on le sait bien. Soyons honnêtes : quels que soient les gouvernements en place, on a tendance à "labelliser" des lignes de crédits. Je ne vais donc pas m'amuser à les décortiquer et à vous faire un procès d'intention en vous faisant le même reproche. Il est incontestable qu'il y a des crédits nouveaux. Eric Raoult, avant vous à ce banc, avait obtenu aussi des crédits nouveaux.

J'aurais aimé que Laurent Cathala, qui était l'orateur du groupe socialiste à l'époque, le reconnût lui aussi.

Ce petit jeu est la règle entre opposition et majorité malheureusement pour la politique de la ville ! Je vous ai interrogé en commission, monsieur le ministre, à propos des sous-préfets à la ville. On n'en parle plus ! Les situations sont très différentes selon les départements.

Sur le terrain, il y a d'abord des chefs de projet, dont on ne parle jamais mais qui font un boulot remarquable avec trois élastiques et deux trombones ! Les milliards de crédits, ça leur passe largement au-dessus de la tête, à eux qui n'ont parfois que quelques milliers de francs pour se débrouiller.

Parfois, le sous-préfet à la ville est complètement courtcircuité par le secrétaire général d'une préfecture ou par le sous-préfet d'arrondissement, qui ne veut surtout pas le voir venir sur son terrain.

Mme Odette Grzegrzulka.

Vous avez raison !

M. Maurice Leroy.

Je suis sûr qu'Yves Dauge ne me contredira pas, lui qui l'a vécu en tant que délégué à la ville, tout comme ses successeurs.

Il faut que les sous-préfets à la ville deviennent vraiment votre bras armé, monsieur le ministre, qu'ils puissent relayer votre action et faire fonctionner la boîte à outils sur le terrain. C'est une question majeure. Sinon, vous aurez beau avoir des crédits supplémentaires, l'an prochain, je suis prêt à vous donner rendez-vous, je pourrais relire mon intervention ! Et il vous en faudra encore.

Quant aux chefs de projet de quartier, ils s'épuisent ! Il faut se la taper, la permanence de quartier ! Le rideau baissé, souvent - accueillant ! - ou obligé, à l'antenne jeunesse, d'être barricadé pour ne pas se faire piquer l'ordinateur dans la nuit ! Il faut leur donner un vrai statut.

Pourquoi ne pas relancer la modernité de l'Etat, qui s'est arrêtée en route ? Pourquoi ne pas ouvrir, par exemple - voilà une proposition concrète - le corps des sous-préfets à la ville à certains de ces chefs de projets de quartier dont on connaît la compétence, le savoir-faire et l'expérience ? Croyez-moi, il vous seraient utiles, car ils connaissent le terrain. Pourquoi ne pas bousculer ce corps de la préfectorale pour ces gens qui connaissent bien la boîte à outils, savent la porter et sauront s'en servir.

Mes chers collègues, il faut faire l'Institut pour la ville.

Voyez le nombre de colloques qui se tiennent dans notre pays. Des architectes, des ingénieurs sociaux « soli-colloquent » entre eux ! Tout le monde dit que c'est transversal mais on ne voit jamais réunis dans une même salle le sociologue, l'architecte et le flic !

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Leroy.

M. Maurice Leroy.

Cela dit, les critiques sont fondées : il ne faudrait pas ajouter une couche supplémentaire dans la lasagne déjà compliquée des procédures de la politique de la ville. Faisons en sorte que cet institut puisse rassembler toutes les compétences.

Je dirai quelques mots, enfin, sur les zones franches.

J'ai bien entendu les critiques, en commission comme en séance, en particulier celles d'Odette Grzegrzulka. Mais ne soyons pas dogmatiques, il est des quartiers, M. Carraz l'a signalé, où elles ont permis de maintenir de l'activité.

Moi qui suis un élu rural et qui suis en situation de vivre les deux difficultés, je trouve qu'il est aussi difficile de faire venir ou de maintenir une activité économique dans une zone 5 b que dans un quartier difficile. Le Président de la République, en son temps, a eu raison de dire que l'économique - vous l'avez rappelé vous aussi en commission, monsieur le ministre - était le chaînon manquant de la politique de la ville.

M. le président.

Monsieur Leroy, il vous faut conclure.

M. Maurice Leroy.

Il ne sert à rien d'envoyer des bataillons d'assistantes sociales et de travailleurs sociaux s'il manque ce maillon économique, s'il manque l'emploi.

Sans doute, il y a eu des travers. Les chasseurs de prime, par exemple. Eh bien ! réglons-leur leur compte, mais ne bazardons pas ce dispositif des zones franches urbaines qui a eu pour mérite, dans la politique de la ville, d'ajouter ce chaînon manquant de l'économie.

Mme Odette Grzegrzulka.

Est-ce que l'UDF votera le budget ?

M. Maurice Leroy.

Dans ma passion, j'ai oublié de dire que le groupe UDF s'abstiendrait sur les crédits pour la ville.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Rimbert.

M. Patrick Rimbert.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget est un moment privilégié pour dresser un bilan et faire des projets. C'est d'autant plus vrai aujourd'hui pour celui de la ville que l'année 1999 sera décisive pour la préparation des futurs contrats de ville.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

La croissance de votre budget, de 30 % monsieur le ministre, est un signe politique évident. Que les autres ministères renforce leur prise en compte de la politique de la ville en est un autre. Enfin, l'activité législative passée, avec la loi emploi-jeunes et la loi contre les exclusions notamment, mais aussi future, avec les deux projets de loi relatifs à l'aménagement durable et à l'intercommunalité, ont contribué ou contribueront à renforcer la politique de la ville, « politique des politiques », comme vous l'avez déclaré, monsieur le ministre.

Quel bilan peut-on tirer des contrats de ville ? Voyons d'abord le négatif. Cette procédure contractuelle a mal fonctionné. Mal engagé, mal négocié, ou peu opératoire, le contrat de ville 1994-1998 ne laissera pas beaucoup de bons souvenirs. Pire, alors que les acquis du développement social des quartiers, DSQ, nous montraient que la politique de la ville devait s'appréhender au-delà du quartier, c'est-à-dire au niveau de la commune et de l'agglomération, les mesures du pacte de relance ont eu pour effet d'accentuer les zonages, bousculant le principe d'un contrat local censé rétablir le lien entre les quartiers défavorisés et leur système urbain d'appartenance.

Toujours en négatif, le niveau d'agglomération est resté quasiment nul, ce qui est dû, à mon avis, à une intercommunalité trop faible. Les compétences de cohésion sociale sont laissées au volontariat, faute de moyens financiers issus de la péréquation nécessaire à la solidarité intercommunale. A cet égard la mise en place d'une taxe professionnelle d'agglomération me semble indispensable et urgente.

Quant à l'animation, elle est quasiment inexistante.

Chaque ville fut livrée à elle-même. Nous avons besoin, certains de nos collègues l'ont dit, de monteurs de projets plutôt que de greffiers et de censeurs.

Il y a du positif, malgré tout : les acquis du développement social urbain et le développement des collaborations partenariales. Sur le thème de l'emploi et de l'insertion, à travers les PLIE - plans locaux pour l'insertion par l'économique - de la sécurité, avec les contrats locaux de sécurité de l'habitat avec les programmes locaux de l'habitat, les collectivités et l'Etat ont pris de bonnes habitudes partenariales : travailler et mettre des financements en commun.

Il reste maintenant à mettre un peu d'ordre dans tout cela, qui s'apparente parfois à un fourre-tout ou à une usine à gaz, pour que la politique de la ville ne soit pas

« un SAMU social mais un projet de société ».

Après ce constat que vous pouvez ne pas partager, ou nuancer, j'aimerais avoir des précisions sur plusieurs points.

Quelle sera la dimension prise en compte par le futur contrat de ville : l'agglomération, la commune ou/et le quartier ? Comment les contrats de ville s'insèrent-ils dans le cadre des futures lois et plus particulièrement dans le contrat d'agglomération on à ses côtés ? Quelles orientations comptez-vous proposer pour que l'Europe soit l'un des éléments moteurs de la politique de la ville dans le cadre de la réforme des fonds structurels ? Déjà, 90 contrats de ville sur 214 ont été financés sur les crédits FEDER et FSE et treize sites ont bénéficié du programme Urban. Pouvons-nous aller plus loin sur un sujet commun à l'ensemble des Européens ? J'aimerais à présent, monsieur le ministre, vous faire quelques suggestions sur ce qui me semble au coeur de la politique de la ville, je veux parler du logement.

Les cités d'habitat social se paupérisent. Je citerai l'exemple de l'office HLM dont je suis administrateur. Il gère 25 000 logements. Sur près de 3 000 attributions, les flux entrants et sortants sont les suivants : pour les personnes seules, respectivement 48 % et 42 % ; pour les actifs avec emploi, 55 % et 63 % ; pour les chômeurs, 17 % et 11 % ; pour les inactifs non retraités, 18 % et 9 %.

En 1998, la détente du marché locatif privé, grâce aux mesures gouvernementales, mais aussi, malheureusement, la réputation de certains sites ont accéléré les départs des locataires les plus favorisés. Ce qui a deux conséquences : d'une part, l'augmentation de la vacance, qui diminue les recettes des bailleurs, d'autre part, l'accueil de personnes de moins en moins solvables, qui nécessitent la mise en oeuvre de moyens accrus par les bailleurs.

Deux orientations me semblent nécessaires pour mieux aborder ces problèmes. L'une consiste à généraliser les programmes de l'habitat à partir d'une démarche de projet pour les villes au sens large : un diagnostic pour connaître réellement les problèmes du logement, une stratégie pour inscrire l'action dans le temps et des programmes. Aujourd'hui, la LOV ne rend cette démarche obligatoire que pour les agglomérations de plus de 200 000 habitants. Cela me semble insuffisant. L'autre consiste à permettre la fongibilité totale des aides au logement adossées à ces projets. Encore faudrait-il que l'Etat ne soit pas uniquement le greffier des décisions sectorielles du Gouvernement.

La boîte à outils est là, encore faut-il s'en servir et avoir un projet partagé. Le volet « habitat » du contrat de ville sera ainsi le garant du pacte républicain assuré par l'Etat et de son adéquation à la variété des territoires et des partenaires.

En conclusion, monsieur le ministre, soyez cet obstacle au puissant mouvement de nos villes en crise et réorientez-le dans le bon sens, car la ville c'est aussi « la matrice chaude et fertile de la création », comme l'écrivait Fernand Braudel. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gilbert Meyer.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à la ville.

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, la ville constitue désormais le cadre de vie de plus de trois Français sur quatre. Elle est donc devenue un enjeu majeur pour le développement de notre pays, et l'avenir de notre société s'y joue.

Quelle ville voulons-nous pour demain ? La « balkanisation » de nos agglomérations est-elle une réalité irréversible, interdisant aux plus fragiles d'accéder aux potentiels de la civilisation urbaine ? Comment serait-il possible de refonder le pacte républicain et de conforter nos valeurs démocratiques dans une ville qui exclut au lieu de rassembler ? Voilà quelques-unes des questions dont nous débattons aujourd'hui en examinant le budget de mon ministère pour 1999.

Le projet du Gouvernement est de mettre la politique d e la ville au service d'une nouvelle ambition : reconstruire des villes équilibrées, espaces de richesses et de solidarités, qui organisent le droit permanent à la réussite.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Ce projet politique s'accompagne de moyens et de mesures concrètes, qui doivent se traduire dans le quotidien des habitants.

Il n'y a plus lieu d'opposer, comme dans le passé, les modes de vie ruraux aux modes de vie urbains. Car la ville est aujourd'hui le cadre de vie de la majeure partie de la population. Il faut l'accepter, car elle représente le meilleur de notre avenir.

Nos agglomérations tendent à devenir un système c omplet d'échanges et de production de richesses, façonné par les moyens modernes de transport et de communication.

Or, à mesure que les villes s'étendent et que les échanges sont plus faciles, le libéralisme sans frein et la crise économique ont érigé de nouvelles frontières intérieures, conduisant à la disqualification de la partie la plus fragile de la population et à la dérive de certaines portions de territoire.

Le développement de la précarité, la multiplication des violences urbaines, la montée du sentiment d'insécurité, le repli dans une sorte de patriotisme de cage d'escalier, constituent à n'en pas douter une menace mortelle pour notre société et ses valeurs. L'abstention et le vote extrémiste en portent le sombre présage.

Nous refusons le modèle américain, où des villes privées se développent à côté de véritables cités carcé rales, ghettos ou prisons, où l'on enferme les plus pauvres et les minorités.

Une telle évolution n'est pas inéluctable, heureusement, et l'on peut encore rééquilibrer nos villes, pour permettre au plus grand nombre d'accéder à leurs potentiels et de s'enrichir dans la différence.

C'est tout l'enjeu de la politique de la ville, née en France il y a une vingtaine d'années et progressivement structurée, à travers les alternances politiques.

La politique de la ville a certes joué un rôle essentiel d'amortisseur dans la période de chômage de masse et de mutations sociales que nous avons traversée, grâce à l'action de milliers d'acteurs de terrain, fonctionnaires, élus, travailleurs sociaux, responsables associatifs, chefs de projet, qui, chaque jour, se battent contre la fatalité de l'exclusion.

Il nous faut aujourd'hui les aider à repousser les limites de la politique de la ville et dépasser l'étape de la seule réparation des quartiers d'habitat social dégradés.

Cette politique a parfois conduit à stigmatiser encore d avantage certains quartiers identifiés comme des

« zones » : ZUP, ZEP, ZUS, ZRU, ZFU. Et qui a envie d'habiter dans une zone ? Elle n'a pas toujours joué sur les véritables ressorts de l'exclusion, au niveau des villes et des agglomérations, en matière d'habitat ou de transports. Qui pourrait croire, par exemple, que la solution à l'exclusion par le travail passe seulement par des incitations fiscales à l'implantation d'activités dans les quartiers, et non par une réflexion globale, au niveau des bassins d'emplois, sur le développement économique et l'insertion professionnelle ?

M. Maurice Leroy.

Par les deux.

M. le ministre délégué à la ville.

Nous y reviendrons.

L'agglomération doit devenir le nouvel horizon de la politique de la ville.

La politique de la ville n'a pas toujours su non plus mobiliser tous les acteurs concernés autour d'un véritable projet de territoire. Trop souvent, elle est même devenue une politique de guichet parmi d'autres, qui plus est tatillonne.

Les habitants demandent du concret. Ils peuvent comprendre que les solutions à leurs difficultés prendront du temps, mais à condition d'avoir la certitude qu'ils ont été entendus et de voir les effets de l'action publique dans leur vie quotidienne.

C'est le sentiment que j'ai eu à la lecture des excellents rapports de Pierre Bourguignon et de Roland Carraz et, même si c'est toujours compliqué d'être rapporteur en appartenant à l'opposition, dans celui de M. André Santini qui, tout en maniant la critique avec la diplomatie qui est la sienne, montre bien l'évolution de la politique de la ville dans le cadre de ce budget.

Ces limites de la politique de la ville, nous devons aujourd'hui les dépasser, dans un contexte de reprise économique. Il y a de nombreuses raisons d'espérer, grâce notamment au potentiel formidable de ces quartiers jeunes, en mouvement, riches d'initiatives et de solidarité.

Cet espoir ne doit pas être déçu car, si les frémissements de la croissance s'arrêtent à l'entrée des quartiers, le fossé entre les deux France s'élargira...

M. Pierre Cardo.

Eh oui !

M. le ministre délégué à la ville.

... et, du pacte républicain, il ne restera bientôt plus que le communautarisme des ghettos.

M. Pierre Cardo.

Exact !

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial.

C'est très juste !

M. le ministre délégué à la ville.

Je veux croire en particulier que la société française sait encore intégrer dans la République les populations issues de l'immigration.

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial.

Très bien !

M. le ministre délégué à la ville.

La politique de la ville a un nouveau cap, fixé par le comité interministériel des villes du 30 juin 1998 que présidait Lionel Jospin.

Les grands programmes d'action décidés à cette occasion s'appuieront notamment sur les différentes mesures prises par le Gouvernement depuis juin 1997, qui ont considérablement renforcé les outils de la politique de la ville.

Pour reconquérir le coeur de nos agglomérations, le programme de renouvellement urbain mobilisera dans les années qui viennent une énergie et des moyens comparables à ce qui avait été nécessaire pour adapter nos villes à l'industrialisation et à l'exode rural.

Il faudra pour cela envisager des opérations lourdes de remodelage urbain, pouvant comprendre des destructions de logements sociaux, lorsque les seules personnes qui acceptent d'habiter certains quartiers sont celles qui n'ont pas, qui n'ont plus le choix, et que la vacance se développe dans le parc social.

Mais la destruction de logements sociaux ne doit pas conduire à se débarrasser de la misère, ou plutôt à la disperser sur le territoire des communes voisines. Ces opérations de remodelage devront donc impérativement s'inscrire dans une politique de peuplement et d'habitat définie à l'échelle intercommunale, et n'être qu'une étape dans la réalisation d'un projet plus global de requalification et de mixité sociale. C'est pour cette raison que je préfère parler d'opérations de reconstruction-démolition.

Cette politique de renouvellement urbain doit aussi être celle de la proximité et associer les habitants à sa réalisation. Le temps de l'attente, pour des projets souvent longs à mettre en oeuvre, est aussi, souvent, le temps de la désespérance, quand ils ne représentent pour les habitants qu'une simple maquette entrevue des années auparavant.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Il faut accorder autant d'attention à la qualité de l'éclairage public, à l'entretien des espaces publics ou des cages d'escalier, qu'à la réhabilitation lourde du cadre bâti. C'est le sens de la théorie du carreau cassé, qui, lorsqu'il n'est pas immédiatement réparé, contribue à la dégradation du cadre de vie et au sentiment d'insécurité.

Cette ambition du concret se retrouvera dans les grandes priorités retenues pour la politique de la ville à l 'occasion du conseil interministériel pour la ville.

L'emploi, la sécurité et l'éducation sont les principales préoccupations des habitants, et doivent mobiliser tous les efforts des acteurs concernés.

L'emploi et le développement économique ne sont apparus que tardivement dans le champ de réflexion des acteurs de la politique de la ville. Le mérite des zones franches urbaines a sans doute été d'accélérer cette prise de conscience, je le reconnais.

La politique de la ville doit désormais pouvoir s'appuyer sur tous les outils de la politique publique à l'échelle des quartiers, des villes et des agglomérations, pour contribuer au développement économique local, à la formation professionnelle et à l'accès à l'emploi. C'est ainsi, par exemple, qu'il a été décidé que 20 % des emplois-jeunes profiteraient aux quartiers en difficulté, ainsi que l'essentiel des 10 000 premiers parcours Trace.

Il conviendra également de mobiliser les entreprises privées, pour créer des emplois et lutter contre la discrimination à l'embauche. Elles doivent savoir qu'il n'y a pas de développement possible dans une société aux tensions exacerbées.

Les emplois-ville, monsieur Cardo, n'ont pas été supprimés. Ce dispositif, mis en place dans le cadre du plan de relance pour la ville, a été remplacé par les emploisjeunes. Deux évolutions me paraissent d'ailleurs très significatives en l'occurrence : la participation de l'Etat était de 55 % sur trois ans pour les emplois-villes alors qu'elle est de 80 % sur cinq ans pour les emplois-jeunes.

Je pense que les employeurs apprécient.

M. Pierre Cardo.

C'est vrai. Ils en abusent d'autant plus.

M. le ministre délégué à la ville.

Par ailleurs, le recrutement des emplois-villes était lié au zonage en ZUS alors que le dispositif emplois-jeunes s'adresse à tous les jeunes quelle que soit la domiciliation. L'effet pervers du zonage sur les questions de l'emploi a toujours été dénoncé. Je veux insister sur ce point parce que je crois beaucoup à l'insertion par l'économique et par l'emploi. C'est l'un des éléments qui ont été longuement discutés sur les bancs de cette assemblée. C'est aux décideurs et aux acteurs locaux, et c'est une preuve de confiance du Gouvernement, dans le cadre de la décentralisation, de bien définir les projets pour éviter que les jeunes ayant connu l'échec dans leur scolarité se voient exclus des emploisjeunes. C'est aux décideurs locaux de rencontrer les jeunes avant d'établir un projet pour que cet instrument d'insertion et de retour à l'emploi serve à ces jeunes qui en ont tant besoin.

La sécurité constituera également un axe prioritaire. Le rapport Hyest-Carraz nous a permis de faire un grand pas et de mieux voir le problème et les efforts qu'il reste encore à accomplir pour répondre à cet enjeu dans de bonnes conditions. Le droit à la sécurité, tel qu'il a été réaffirmé de manière solennelle par le Premier ministre à Villepinte, mérite, plus encore dans les quartiers en difficulté qu'ailleurs, de devenir une réalité concrète.

La montée inquiétante des violences urbaines, aujourd'hui plus diffuses mais aussi plus fréquentes et plus aiguës, la multiplication des incivilités et des délits commis par des mineurs, sont des phénomènes qui perturbent gravement la vie de nos concitoyens et alimentent le sentiment d'insécurité que procure un cadre de vie dégradé. Michel Pajon a insisté sur ce point, je n'en dirai pas plus.

L'Etat doit garantir l'égalité devant la sécurité, qui est un droit pour tous, mais la sécurité est aussi l'affaire de tous, et chacun doit en assumer sa part de responsabilité : organismes de logement social, transporteurs, travailleurs sociaux, municipalités, associations.

Nous le savons, ces efforts doivent être menés dans la durée. Les politiques de prévention de la délinquance sont vite décriées, au premier incident, parce que leurs effets, par nature, ne passent pas la rampe des médias. Le long et patient travail de maillage social doit être renforcé pour empêcher une dérive vers l'affrontement entre plusieurs catégories de la population : habitants de la périphérie contre habitants du centre ville, jeunes contre représentants de l'autorité, enfants contre adultes. Cette fracture-là, qui apparaît parfois au sein d'un même quartier, interdirait toute identification aux valeurs de la République, et serait la plus grave.

Nous la combattrons en construisant une réponse d'ensemble, en recherchant ce qui unit et non en exacerbant ce qui oppose. Pour que le rappel à la loi soit compris, il faut que des règles de vie communes soit admises, et que la réponse à leur violation soit intelligible et intelligente.

La sécurité repose sur trois piliers que la politique de la ville permet d'articuler : la sanction pour les actes les plus graves, car il faut empêcher que certains se croient impunis et que d'autres désespèrent de la justice, la réparation et la médiation pour les incivilités, ces faits qui gênent la vie quotidienne et qui ne se régleront qu'en rétablissant le dialogue et le respect entre habitants, mais aussi, car ce n'est qu'ainsi que l'on préviendra l'émergence de la violence, l'organisation d'une réponse collective et solidaire des habitants, et de tous ceux qui ont une responsabilité dans l'éducation des enfants.

M. Pierre Cardo.

Pour l'instant, la réponse collective, c'est la peur et le silence !

M. le ministre délégué à la ville.

L'éducation est un autre axe prioritaire de la politique de la ville.

L'école, seul service public partout présent dans les quartiers, doit être confortée dans sa mission. C'est le sens de la réforme des ZEP entreprise par Claude Allègre et Ségolène Royal, à laquelle les élus locaux doivent être étroitement associés. La politique de la ville peut également y contribuer, en mettant en place une véritable chaîne éducative avec les parents, les enseignants et les associations. On oublie souvent que l'élève est aussi un enfant.

Afin de prendre en compte ces différentes priorités, le Gouvernement a décidé de prolonger en 1999 les actuels contrats de ville. Les acteurs locaux auront ainsi plus de temps pour élaborer de véritables projets territoriaux, en phase avec les grands choix d'aménagement du territoire.

La politique de la ville doit en effet recouper toutes les politiques sectorielles. Les prochains contrats de plan

Etat-région, 2000-2006, devront être l'occasion d'un débat pour mettre davantage l'accent sur les politiques de solidarité, en privilégiant les lieux plutôt que les liens, les villes et les agglomérations plutôt que les routes, les transports de proximité plutôt que les grands réseaux.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Pour autant, l'année 1999 ne sera pas une année blanche, mais, au contraire, une année de réalisations et d'expérimentations concrètes. Seize site pilotes, en métropole et en outre-mer, préfigureront les futurs contrats de ville. Mais, au-delà, toutes les actions innovantes seront soutenues, afin de favoriser à travers des réalisations concrètes un changement d'échelle de la politique de la ville.

Cette politique de la ville, vous l'avez compris, mesdames et messieurs les députés, je ne la ferai pas seul, et c'est heureux. Les moyens financiers qui lui seront consacrés en attestent.

L'ambition que je vous propose au nom du Gouvernement a un coût, que Jean-Pierre Sueur, lors de la présentation de son excellent rapport, avait estimé à 35 milliards par an, pendant dix ans. Le projet de loi de finances pour 1999 vous propose d'entamer l'effort dès cette année, en faisant passer l'effort global en faveur de la politique de la ville, tel qu'il est récapitulé chaque année dans le

« jaune » - et je vous prie d'excuser le retard avec lequel il a été présenté au Parlement -, de 23 milliards de francs en 1998 à 31 milliards en 1999. L'objectif de 35 milliards devrait être atteint à mi-chemin des futurs contrats de ville.

Arrêtons-nous sur les composantes majeures de cet effort supplémentaire, au-delà de mon budget propre.

L'implication plus forte de tous les ministères concernés devrait se traduire par une augmentation de leurs crédits en loi de finances de près de 3 milliards en 1999.

Vous noterez également le coût important des exonérations fiscales et sociales consenties dans le cadre des zones franches urbaines et des zones de redynamisation urbaine, qui atteint 2,6 milliards de francs.

Les concours de la Caisse des dépôts et consignations, qu'il s'agisse de ses interventions sur fonds d'épargne ou sur fonds propres, seront en augmentation de près de 3 milliards de francs. Une convention avec l'Etat, signée en octobre, a fixé les priorités pour l'utilisation du programme de renouvellement urbain, dont les crédits passent de 150 à 300 millions de francs par an, et des deux enveloppes exceptionnelles de prêts bonifiés de 10 milliards, qui serviront aux projets urbains et aux opérations de reconstruction-démolition.

Ces différentes sommes, monsieur Mignon, ne sont pas dues à des redéploiements, c'est de l'argent neuf qui va alimenter les différents outils de la politique de la ville pour nous permettre de mener une action plus forte au service de cette ambition qui, comme le soulignait Maurice Leroy tout à l'heure, devrait être collective. Si l'on a parfois une impression d'empilement, de « lasagne », c'est pour donner une cohérence, dans le cadre du « jaune » budgétaire, exercice réalisé maintenant depuis de nombreuses années, à l'ensemble des dépenses consenties par l'Etat pour la politique de la ville. Dans le « bleu » budgétaire, vous pouvez facilement constater que ces lignes budgétaires sont alimentées par des crédits nouveaux.

Franchement, s'il y a un budget où il y a peu de redéploiement, c'est celui-ci. Je ne comprends donc pas pourquoi votre critique a été si virulente, alors que le Gouvernement a fait un geste nouveau et significatif pour la politique de la ville.

M. Pierre Cardo.

Nouveau, non. Significatif, oui !

M. le ministre délégué à la ville.

La politique de la ville ne réussira que s'il y a un approfondissement de la décentralisation, seize ans après les lois Defferre. On peut observer une plus grande implication des collectivités locales à travers la montée en puissance des actuels contrats de ville, dont 1999 sera la dernière année d'exécution, mais elle reste en deçà des enjeux.

Je souhaite en particulier que les départements, en raison de leurs compétences en matière sociale notamment,...

M. Maurice Leroy.

C'est vrai !

M. le ministre délégué à la ville.

... soient systématiquement associés à la définition et à la mise en oeuvre de la politique de la ville.

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial.

Très bien !

M. le ministre délégué à la ville.

Une plus grande solidarité entre communes riches et communes pauvres et une répartition plus équitable des dotations de l'Etat leur permettront de mieux répondre à la gravité des problèmes qu'elles rencontrent. Michel Vaxès a eu l'occasion d'insister sur ce point, et vous avez été nombreux à insister sur la nécessité de permettre aux communes d'avoir les moyens de répondre au plus près aux besoins de la population.

C'est le sens du projet de loi sur l'intercommunalité, de l'augmentation d'un milliard de francs de la dotation de solidarité urbaine ou de la réforme décidée par le CIV des contingents communaux d'aide sociale.

Comme Pierre Cardo l'a fait remarquer, ce milliard est un premier signe, une première orientation, un renforcem ent de la solidarité entre communes riches et communes pauvres. Je suis persuadé qu'une telle péréquation devra être renforcée. C'est un premier signal, qui, compte tenu de son ampleur par rapport au montant de la DSU jusqu'à présent, doit être apprécié à la fois comme une réalité et comme piste qu'il faudra approfondir dans les prochaines années.

Enfin, la participation des fonds structurels européens à la politique de la ville, Patrick Rimbert l'a évoqué dans son intervention, avec plus d'un milliard de francs, est devenue une composante très importante pour les sites éligibles. La réforme en cours des fonds structurels doit être l'occasion pour la France de promouvoir le principe d'une intervention plus soutenue de l'Europe en faveur des villes. Une prochaine réunion européenne devra nous permettre de renforcer ce message et notre volonté de montrer que la construction des villes est une préoccupation au niveau européen.

Venons-en aux crédits de mon ministère, et je me félicite que, grâce au retour à un « bleu » budgétaire, nous puissions avoir un débat approfondi au Parlement.

Grâce à leur extrême souplesse sur le plan local, les crédits spécifiques de mon ministère sont le ciment indispensable de milliers de projets portés chaque année par les acteurs de terrain. Ces crédits devront à l'avenir venir à l'appui d'une véritable logique de projet au niveau des quartiers, des villes et des agglomérations, et ne plus rester dans une logique de guichet. Des simplifications seront introduites dans leur gestion dès 1999.

L'augmentation de plus de 32 % des crédits spécifiques, sans précédent depuis la création d'un ministère de la ville, est donc le signal de la mobilisation générale.

Le cap du milliard de francs dans le projet de loi de finances constitue un symbole fort.

Mon budget sera même supérieur, puisqu'il sera abondé en outre de 485 millions de francs supplémentaires en provenance notamment du fonds d'aménagement de la région d'Ile-de-France et des différents ministères contributeurs au fonds interministériel d'inter-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

vention pour la ville. Il sera consacré à plus de 93 % à des actions concrètes sur le terrain et servira à financer trois types de priorités en 1999. Voilà, monsieur Mignon, qui devrait apaiser votre peur d'une bureaucratie renaissante.

Le premier volet concernera l'animation de la nouvelle politique de la ville en augmentation de 30 millions de francs, soit plus 86 %. Les capacités d'animation, de formation, d'ingénierie et de recherche des institutions en charge de la politique de la ville doivent être considérablement renforcées, si l'on veut que cette politique monte en puissance.

Ce sera le cas, en particulier, de la délégation interministérielle à la ville qui doit être pleinement en mesure d'assurer ses fonctions de coordination des actions interministérielles, d'animation des réseaux d'acteurs, de valorisation et de diffusion des bonnes pratiques.

Les moyens du conseil national des villes, dont la composition a été renouvelée, seront également renforcés pour lui permettre de jouer pleinement son rôle de conseil et de proposition.

A cette occasion, je salue ici l'un de ses vicesprésidents, M. Laurent Cathala, mais je n'oublie pas pour autant l'autre vice-président, également membre de votre assemblée, M. Gilles de Robien.

De même, la création d'un Institut pour la ville et de centres de ressources régionaux permettra de capitaliser les savoirs et d'échanger les pratiques. L'Institut pour la ville a vocation à devenir une passerelle entre le monde de la recherche et les acteurs publics, que l'on a tant de mal à établir en France.

Dès que l'on parle d'une structure nouvelle, on pense généralement « cathédrale en béton ». Non ! l'Institut sera une structure souple qui permettra aux différentes associations d'élus, aux chercheurs de toute sorte, à toutes celles et tous ceux qui sont passionnés, qui agissent pour la politique de la ville, d'échanger, de porter, au-delà des instances gouvernementales, un oeil critique ou positif sur les actions entreprises. Ainsi nous sortirons de l'expérimentation pour passer à la fabrication en série de mesures qui donnent des résultats...

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial. Tout à fait !

M. le ministre délégué à la ville.

... et en abandonnant ce qui ne fonctionne pas. Croyez-moi, il sera plus facile que la décision vienne des élus locaux et des acteurs de terrain plutôt que de l'échelon central. (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Le volet principal de mon budget visera le soutien des initiatives locales - plus 191 millions de francs. L'essentiel des moyens supplémentaires en 1999 sera en effet affecté au financement d'actions menées dans le cadre des contrats de ville et des grands projets urbains, selon les priorités définies par le CIV.

Les crédits d'investissement accompagneront les opérations de renouvellement urbain.

Les initiatives en matière de gestion urbaine de proximité et le développement de nouvelles formes de participation des habitants seront également soutenues, en vue de leur diffusion à grande échelle dans les futurs contrats de ville.

Afin que les financements de la politique de la ville prennent mieux en compte les difficultés de certaines communes à faire face aux investissements nécessaires à la politique de la ville, le Gouvernement a décidé la création d'une nouvelle ligne budgétaire de fonctionnement, dotée de 45 millions de francs, pour les communes impliquées dans un grand projet urbain.

Monsieur Cardo, je connais votre commune et je comprends que vous désiriez parfois bénéficier de moyens comparables.

Cela renvoie aux propos tenus par bon nombre d'intervenants, depuis ce matin, sur la continuité des décisions prises par l'Etat. Les GPU ont été décidés, ils doivent donc fonctionner. Malheureusement, les communes préfèrent parfois bloquer l'utilisation des crédits d'investissement, parce qu'elles craignent, en investissant, d'augmenter leurs besoins en fonctionnement et de ne pas avoir les moyens d'y faire face. Donc, dans un premier temps, tirons les conclusions de nos votes passés et permettons aux GPU de réussir. Servons-nous de cet exemple pour commencer à réfléchir, et c'est ce qui est proposé pour 1999, à notre ambition pour les futurs contrats de ville sur la période 2000-2006.

J'ai eu l'occasion de vous le dire tout à l'heure, ce budget doit être avant tout un signal. Toutefois je me rends compte que, pour les élus locaux pour les acteurs de terrain comme pour le Gouvernement, cette année 1999 doit non seulement être une année d'action mais surtout une année de bilan des réalisations de la période qui vient de s'écouler.

En étant capables d'opérer des choix collectifs au moment des contrats de plan Etat-régions, nous serons en situation de mieux définir et l'effort et la règle du jeu des futurs contrats de ville, mais aussi de savoir quelles villes seront concernées par cet effort indispensable qui leur permettra de retrouver le chemin de l'espérance.

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial.

Tout à fait.

M. le ministre délégué à la ville.

Les opérations Ville, Vie, Vacances bénéficieront de crédits supplémentaires, et une mission d'inspection en cours permettra de les recentrer sur les territoires et les publics les plus en difficulté.

Ce dispositif a donné des résultats, et depuis sa mise en oeuvre les acteurs de la ville et les élus ont su améliorer cet outil de la politique de la ville.

Mais aujourd'hui il devient trop général, il touche trop de départements et banalise l'action que nous voulons mener en faveur des plus défavorisés. C'est le moment de tenir compte des réussites enregistrées, mais aussi celui de recentrer ce dispositif pour lui permettre, notamment sur les périodes de grandes vacances, de répondre à l'attente des jeunes les plus en difficulté.

Le troisième volet de mon budget concernera des actions de terrain contribuant à rétablir l'égalité devant le service public.

Il s'agira de financer des projets d'implantation et d'amélioration du fonctionnement des services publics, en partenariat avec les collectivités locales ou d'autres prestataires, comme La Poste ou les transporteurs publics.

Mesdames, messieurs les députés, je voudrais pour conclure insister sur l'importance d'une vaste mobilisation autour de l'enjeu de la ville de demain et sur la nécessité d'y consacrer un effort financier plus important. C'est à mon sens le chantier du

XXIe siècle, en même temps qu'un défi du quotidien pour les habitants des quartiers en difficulté.

Vous avez devant vous un ministre de la ville résolu à donner corps à cette ambition nouvelle du Gouvernement, aux côtés de Martine Aubry et avec tous ceux qui, dans l'exercice de leurs responsabilités, peuvent contribuer à la cohésion sociale et territoriale de nos agglomérations.

Le chemin parcouru est déjà important, avec l'installation du CNV renouvelé et la tenue du CIV en juin dernier, la nomination d'une nouvelle déléguée à la ville, qui s'emploie à redonner son lustre à cette institution, la dési-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

gnation des seize sites pilotes en septembre et la convention avec la Caisse des dépôts en octobre. D'autres échéances nous attendent, comme la signature prochaine d'une convention avec La Poste, ou la tenue du prochain CIV en décembre, qui devrait lancer la préparation des prochains contrats de ville et annoncer un premier train de simplifications administratives.

La politique de la ville est en marche. Elle porte en elle une transformation profonde des pratiques publiques.

Nos concitoyens doivent être entendus et sentir que leur quotidien change, que nous faisons ce que nous disons.

L'action publique sera plus discutée, mais aussi plus légitime, et la démocratie en sortira renforcée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Gilberte Marin-Moskovitz et M. Michel Meylan.

Très bien !

M. le président.

Nous en arrivons aux questions.

Je vous rappelle que les questions doivent être posées en deux minutes, le Gouvernement disposant de trois minutes pour répondre. Faisons en sorte de respecter les temps impartis.

Pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants, la parole est à M. Michel Meylan.

M. Michel Meylan.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a décidé de prolonger en 1999 les actuels contrats de ville et les dispositifs déjà en place de la politique de la ville. Ma question porte sur l'application de ces dispositifs de développement social urbain aux petites villes d'environ 10 000 habitants.

En effet, la problématique urbaine s'étend et évolue rapidement. De plus en plus d'agglomérations, notamment des petites villes, sont confrontées à ces difficultés.

Nous avons été nombreux, dans cet hémicycle, à souligner l'inadaptation des critères de classement en zones urbaines sensibles et en contrats de villes. En particulier, ce système a conduit à exclure du champ des aides de l'Etat toutes les petites villes confrontées à des problèmes qui relèvent de la politique de la ville.

La problématique urbaine prend également des formes nouvelles. Une croissance démographique forte et une urbanisation rapide ont entraîné, dans certaines régions, la constitution de conurbations importantes. Du fait de la petite taille des communes et de la diffusion relative des tensions urbaines sur un territoire limité, ces nouvelles agglomérations urbaines échappent au classement dans les zones prioritaires.

Pourtant, la violence, l'insécurité, la délinquance, le malaise des jeunes, la concentration de familles dites « à problèmes », les difficultés liées à la mixité culturelle, la question de l'insertion dans l'emploi, l'exclusion, le mauvais état de l'habitat ou les difficultés d'aménagement urbain sont bien des réalités vécues avec intensité par un nombre de plus en plus important de petites villes.

Des dynamiques locales se mettent en place pour engager des actions autour de priorités fortes : l'emploi, la sécurité, l'éducation, l'aménagement urbain. Ce sont les conseils intercommunaux de prévention de la délinquance, communauté de communes, plan local de l'habitat, pays. Mais, faute de donner aussi aux petites villes, les moyens suffisants de soutenir ces dynamiques locales, l'Etat laisse se développer des foyers d'instabilité où se renforce un sentiment d'exclusion.

Si les actions de développement urbain restent concentrées en direction des grandes villes, c'est une politique de la ville à deux vitesses qui risque d'apparaître : celle des grands ensembles urbains et celle des petits ensembles urbains.

Enfin, le défi urbain passe par une véritable intégration de tous les habitants de la ville. Pour cela, la relance de l'emploi et le développement économique sont des enjeux déterminants. Il est essentiel que le budget pour 1999o ffre des perspectives claires de développement et d'emploi : c'est une des principales clés pour améliorer les conditions de vie des Françaises et des Français des quartiers sensibles, y compris dans les petites villes.

Quels moyens budgétaires l'Etat entend-il engager, pour soutenir les actions de politique de la ville conduites par des petites villes, notamment dans le cadre des pays ?

M. Maurice Leroy et M. Pierre Cardo.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la ville.

Monsieur Michel Meylan, je suis conscient comme vous de l'évolutionr apide de la problématique urbaine. Permettez-moi cependant de rectifier un de vos propos. Non, la politique de la ville n'est pas la politique des seules grandes villes ! Nombreuses sont aussi les villes moyennes avec lesquelles l'Etat s'est engagé dans le cadre de contrats de ville, par exemple, dans la région Rhône-Alpes, Oyonnax, Villefranche-sur-Saône, Aubenas, Annonay, et de pactes urbains en liaison avec la DATAR.

Pour autant, vous avez raison, les phénomènes que vous pointez, et qui semblent se développer de façon inquiétante dans les petites villes, doivent sans doute être plus largement pris en compte à l'avenir.

L'inscription de la politique de la ville dans la politique d'aménagement durable du territoire doit nous permettre à partir de 2000 de proposer une réponse cohérente.

En effet, dans le cadre des contrats de pays, que localement vous élaborerez avec les autres acteurs concernés, un volet de solidarité urbaine pourra, le cas échéant, être intégré. Je vous renvoie donc à la négociation locale qui s'engagera à partir de 1999.

C'est à vous d'identifier les difficultés, de bâtir un projet, mais aussi de hiérarchiser les actions à mener et les territoires sur lesquels elles doivent être conduites, en différenciant bien ce qui relève de l'action de proximité - le social - et ce qui requiert une échelle plus vaste comme la zone d'emploi, par exemple, si on veut conduire une action de développement économique.

Vous le savez d'ailleurs, dans votre circonscription, c'est bien dans une démarche intercommunale au niveau de la vallée de l'Arve qu'une véritable politique de développement local, articulant politique sociale et politique économique, doit être conduite.

La politique de la ville n'est pas une question de taille.

Je vous confirme que des contrats de ville pourront être conclus sur des territoires urbains inférieurs à 50 000 habitants. L'intensité d'un problème ne se mesure pas selon une référence nationale, mais en fonction de son environnement local. Les petites villes, confrontées à de graves difficultés, ne seront pas oubliées grâce à la démarche concertée de la politique de la ville et de la politique d'aménagement du territoire.

M. le président.

Nous en arrivons aux questions du groupe socialiste.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge.

Monsieur le ministre, comment mettre en place - je sais que vous la souhaitez - une réforme radicale des procédures et des contrats ? Pourrait-on, par exemple, dans l'esprit de décentralisation que vous avez rappelé, jouer totalement la confiance avec les collectivités ? On se met d'accord sur les objectifs, on définit les moyens et on part pour la durée sans obliger les communes et les chefs de projet à monter de multiples dossiers pour toucher de multiples subventions, dans des délais toujours trop longs.

Nous ferions faire ainsi un très grand progrès au dispositif. Je pense que c'est possible, même si, techniquement, ce n'est pas simple. La mise en place de relais institutionnels, ou des accords avec des institutions financières pourraient donner cette souplesse. En tout cas, c'est bien l'esprit de la décentralisation qui devrait présider à cette réforme.

Sommes-nous prêts à aller au bout de cette logique, et à vérifier, bien sûr a posteriori , que les objectifs fixés ont été atteints ? Il faut intégrer ma remarque aux contrats de plan, la région et le département étant parties prenantes du montage financier. Finalement, pourrait-on constituer un fonds auquel tout le monde apporterait son concours, qui travaillerait dans la durée, sans procédure particulière ? L'autre volet du contrat porte, bien sûr, sur les engagements de l'Etat. Et c'est là qu'il faut être plus précis : l'Etat ne peut pas se contenter, dans un contrat, d'indiquer des intentions de façon assez générale. Il faut qu'il précise ce à quoi il s'engage, en matière de justice, en matière de sécurité, en matière d'éducation nationale.

Entre nous soit dit, c'est encore dans ce dernier domaine que ça marche le mieux, notamment dans les zones d'éducation prioritaire.

Enfin, à propos d'une rubrique qui nous est chère à tous, la santé, je trouve inadmissible que, dans les contrats de ville, nous n'arrivions pas à faire sortir les hôpitaux de leurs murs, pour des consultations sur le terrain, dans les domaines médicaux traditionnels, notamment en pédopsychiatrie.

M. Maurice Leroy.

Tout à fait !

M. Yves Dauge.

L'Etat a un rôle à jouer avec les partenaires. Il faut absolument faire en sorte que des budgets publics aussi considérables que ceux de l'éducation nationale - c'est évident - mais aussi de la santé, bénéficien t prioritairement à ces quartiers. En clarifiant les règles de ces dispositifs, vous pouvez faire grandement progresser les choses.

M. Maurice Leroy.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la ville.

Monsieur Yves Dauge, vous parlez d'or, mais comment s'en étonner lorsque l'on sait que vous êtes l'un des pères fondateurs de la politique de la ville ? Ma préoccupation, dès ma nomination à ce poste, a été de refuser de préparer les futurs contrats de ville sur les bases qui ont prévalu pour ceux qui se terminent, notamment en ce qui concerne la simplification administrative et l'amélioration du circuit des financements. Il faut que nous fassions de grands progrès.

C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à Georges Cavallier de créer un groupe de travail, qui doit me remettre un rapport d'ici à la fin de l'année.

Ainsi nous serons en mesure d'étudier une simplification du fonctionnement de ces contrats de ville afin d'éviter que les élus et les acteurs de terrain passent un temps inoui à monter des dossiers compliqués - et différents pour les fonds européens - et soient obligés d'attendre que tous ces montages soient bouclés pour pouvoir répondre aux besoins de la population.

Ces futurs contrats de ville devront permettre, à un

Etat déconcentré, à travers les sous-préfets de ville, de parler d'une seule voix.

Après avoir confronté le point de vue de l'Etat à celui des acteurs locaux, une fois le projet défini, il n'aura plus à évaluer les actions à mettre en oeuvre mais à exercer en amont une série de vérifications.

Tel est le mode d'emploi des futurs contrats de ville.

Nous devons éviter l'agacement - je préfère employer cette expression plutôt qu'une autre - de tous les acteurs de terrain et la désespérance notamment des petites associations, qui font souvent le bonheur de leurs banquiers compte tenu des agios qu'elles touchent et qui sont dus au retard avec lequel leur parviennent les subventions.

M. Maurice Leroy.

C'est vrai !

M. le ministre délégué à la ville.

Nous devons tenir compte de tout cela dans la préparation et le suivi des futurs contrats de ville, qui devront être empreints de beaucoup plus de souplesse que de rigueur tatillonne.

Mme Odette Grzegrzulka.

Très bien !

M. le ministre délégué à la ville.

Quant à l'Etat, il devra, en amont des contrats de ville, procéder à une évaluation des implantations des services publics pour déterminer précisément quels engagements il devra prendre afin de faire en sorte que chacune des villes et chacun des quartiers concernés se sentent placés en ce domaine sur un pied d'égalité.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen.

Monsieur le ministre, après quelques années d'inquiétude, où la politique de la ville se réduisait d'année en année tant dans son budget que dans ses ambitions,...

M. Maurice Leroy.

C'est faux !

M. Pierre Cohen.

... après une année d'attente mise à profit pour engager une vaste réflexion et une large concertation qui a débouché, entre autres, sur l'excellent rapport de Jean-Pierre Sueur, nous retrouvons enfin l'espoir de mettre la ville au coeur de nos préoccupations, d'abord avec la création d'un ministère, puis avec l'annonce des grandes orientations du Gouvernement.

Avec une progression du budget de plus de 30 %, nous affichons la ferme volonté de nous attaquer aux dysfonctionnements profonds qui s'aggravent dans nos cités.

En déterminant un périmètre d'agglomération, en globalisant les domaines d'intervention comme l'emploi, la sécurité, la prévention, l'éducation ou l'urbanisme, vous mettez en perspective un projet politique global et à long terme. Nous ne pouvons que souscrire à votre démarche.

Le Gouvernement a décidé de proroger en 1999 les contrats de ville existants afin de préparer une nouvelle génération de contrats plus ambitieux, dans le cadre de la prochaine contractualisation Etat-régions.

C ette décision me paraît présenter trois intérêts majeurs.

Le premier est de sortir les contrats de ville des simples dispositifs de paix sociale pour les intégrer dans un ensemble qui recouvre tout le territoire et reprend nos


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

thèmes prioritaires : l'emploi, l'aménagement du territoire et l'éducation. Mais comment comptez-vous articuler la politique de la ville avec les autres contrats ? Ensuite, votre décision vous permettra dès 1999, année de prorogation des anciens contrats, d'afficher des ambitions en matière d'innovation et d'expérimentation. A ce titre, seize sites pilotes ont été retenus.

Les autres contrats de ville qui traduisent vos objectifs pourront-ils, eux aussi, exprimer de nouvelles dynamiques et des innovations participant à la définition de la nouvelle génération du contrat de ville ? Enfin, parmi les quatre objectifs fixés par le Gouvernement, le quatrième me semble particulièrement ambitieux - il sera pour moi le gage de la réussite : construire un nouvel espace démocratique avec les habitants.

Les centres de ressources décentralisés que vous préconisez offriront la possibilité de revaloriser les professionnels sur le terrain. Comment comptez-vous mettre en oeuvre cette nouvelle dynamique démocratique ? Certes, de nombreuses expériences ont déjà été tentées, mais avez-vous l'intention d'y donner suite par des engagements précis ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la ville.

Monsieur le député, vous m'avez en fait posé plusieurs questions.

Je ferai d'abord le point des différentes procédures contractuelles, sujet qui a été abordé par plusieurs orateurs.

Il est bien entendu que nous essaierons d'harmoniser ces procédures. Mais nous ne devons pas oublier que l'un des enjeux des futurs contrats de ville est d'éviter une rupture qui renverrait leur prorogation ou leur signature à l'apparition des contrats d'agglomération, par exemple, dont le calendrier d'installation est différent.

Mais parce que nous voulons que les contrats de ville soient portés par l'idée de projet, nous espérons réussir, au travers de la dimension intercommunale, à donner envie aux élus d'agglomérations pertinentes de gagner le pari en termes d'habitat, de sécurité ou de transport. Ce pari ne peut être pris qu'au niveau d'agglomérations. Une fois que les contrats d'agglomération auront été signés, les contrats de ville prendront leur dimension de solidarité, la dimension solidaire étant indispensable à ce genre de contrat.

Vous avez insisté sur la participation des habitants.

Cela ne m'étonne pas compte tenu de l'activité qui est la vôtre dans la ville de Ramonville-Saint-Agne et dans le cadre du GIP qui permet de donner, sur une partie de votre région, une dimension forte à la politique de la ville.

Comme vous, je suis profondément convaincu que le thème de la démocratie participative est devenu l'un des enjeux majeurs de la politique de la ville. Si des expériences ont été conduites dans certaines villes, dont la vôtre, il est aujourd'hui de notre responsabilité de réaliser cette grande ambition qu'est le renforcement de la démocratie de proximité.

L'ampleur du sentiment d'abandon ainsi que les conséq uences de l'incompréhension entre les citoyens et l'action publique justifient que l'on fixe comme objectif central des futurs contrats que chacun puisse être reconnu comme acteur de la cité.

Quels sont les enjeux ? Il s'agit surtout des avancées de la démocratie locale, qui doivent s'inscrire pleinement dans la modernisation de notre vie politique engagée par le Premier ministre. En inventant de nouvelles formes pour notre démocratie, nous nous plaçons dans une nouvelle étape de la décentralisation. Cette étape se franchira dans la proximité.

Certains osent parler de « préférence nationale ». Les républicains que nous sommes doivent leur opposer la

« préférence démocratique ».

J'en viens aux outils.

La définition de modalités concrètes de participation des habitants conditionnera l'engagement de l'Etat dans les futurs contrats.

Le fonds d'initiative des habitants, le développement de lieux de débats et d'expression collective, la formation des habitants - il ne servirait à rien de donner la parole aux habitants sans se préoccuper de savoir comment on peut leur permettre et de se saisir de cette parole -, l'association de la population dans la continuité au suivi des contrats de ville, la gestion urbaine de proximité, par la contractualisation des engagements des différents partenaires présents dans les quartiers, l'engagement supplémentaire de l'Etat pour le financement d'agents favorisant le développement social par la participation, tous ces outils doivent nous servir à faciliter la prise de parole par les habitants et donc la démocratie locale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Annette Peulvast-Bergeal.

Mme Annette Peulvast-Bergeal.

Monsieur le ministre, nous ne pouvons que vous féliciter de l'augmentation de votre budget. Celle-ci, qui va dans le bons sens, ne peut que réconforter les élus de terrain que nous sommes.

Ma question se situe à la confluence de la politique de la ville et de l'aménagement du territoire.

Le XIe Plan avait vu naître treize sites GPU. A ma connaissance un seul, celui de Mantes-la-Ville, dans les Yvelines, réalisait une intercommunalité à trois communes, ce qui est assez exceptionnel, et avec un niveau d'engagement des dépenses de 55 %, ce qui est énorme. Cela est naturellement dû à la volonté et aux investissements des collectivités publiques et de l'Etat, ainsi qu'à la volonté des fonctionnaires et des élus locaux. Voilà qui montre que, lorsqu'on a la volonté et les moyens de faire avancer les choses, elles avancent. Elles n'avancent cependant pas aussi vite qu'on le souhaiterait.

Vous avez dit tout à l'heure que l'attente, ce peut être la désespérance. C'est vrai mais alors, les choses vont très vite.

Récemment, en présentant vos orientations, vous avez insisté sur de nouveaux périmètres de cohérence de quinze sites pilotes. A ce propos, j'ai relevé trois élements nouveaux.

Premièrement, le rôle participatif des citoyens est essentiel, surtout dans une phase d'intercommunalité forte.

Deuxièmement, l'intégration fiscale nous semble primordiale, compte tenu d'une TPU sans laquelle rien de constructif ni de solide ne pourra se faire.

Troisièmement, les choix politiques doivent renforcer sur le terrain l'attractivité de nos régions, de nos sites et de nos agglomérations en difficulté, auprès des investisseurs et des entreprises comme de tous ceux qui peuvent être porteurs d'emplois.

Très souvent, quand on parle de redynamisation urbaine, on pense à de grandes entreprises industrielles, oubliant ce qui fait le coeur des agglomérations, c'est-à-


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dire les centres commerciaux, qu'il s'agisse du commerce ou de l'artisanat, confrontés eux aussi à des problèmes de sécurité, de solvabilité, de compétitivité et d'attractivité

Monsieur le ministre, quelles mesures concrètes envisagez-vous de prendre pour relancer nos centres commerciaux ? J'en ai en tête quelques-uns, mais mon propos n'est pas de les développer ici. Quoi qu'il en soit, on ne peut laisser mourir nos centres commerciaux alors que l'on réalise des opérations très fortes dans le secteur du logement - démolitions, reconstructions, réhabilitations.

On doit absolument redonner une âme à nos quartiers, dont font partie les centres commerciaux.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la ville.

Madame la députée, compte tenu de votre expérience au sein d'un GPU, toutes vos remarques partent de la constatation de ce qui existe sur le terrain.

Vous avez eu raison de rappeler, et c'est l'une des motivations de la nouvelle orientation que le Gouvernement souhaite donner à la politique de la ville, que nous souhaitons ramener de la vie dans un certain nombre de quartiers. A côté des grandes opérations de rénovation urbaine et d'investissement, qui sont souvent réalisées dans le cadre des GPU, nous souhaitons réimplanter les activités nécessaires au rétablissement d'une vie normale.

La gestion de proximité est, certes, un moyen, comme je l'ai dit tout à l'heure. Mais il convient d'oeuvrer également en faveur du retour à l'emploi, des différentes activités et des services publics. Ces éléments sont au coeur même de la préoccupation du Gouvernement.

Nous souhaitons, au travers des outils qui sont à notre disposition, répondre à ces différents besoins, à ces différentes ambitions.

S'agissant du retour à l'emploi, le Gouvernement a la volonté de démontrer que chacun peut être acteur de sa propre vie, et pas seulement en être spectateur. Cela est indispensable sur le plan social dans un certain nombre de cas. Quoi qu'il en soit, la réinsertion par l'économie c'est-à-dire par l'emploi, est essentielle.

C'est la raison pour laquelle j'ai beaucoup insisté sur l'impact que peuvent avoir les emplois-jeunes, en particulier dans les quartiers. Mais le retour à l'emploi suppose aussi que l'on soutienne les activités commerciales.

Laurent Cathala, aujourd'hui président de l'EPARECA, l'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux, pourrait en parler bien mieux que moi. Le Gouvernement a donné à l'EPARECA les moyens d'étudier la situation d'un certain nombre de centres commerciaux, pour leur permettre de continuer d'exister ou de redémarrer.

Le commerce de proximité fait partie intégrante d'une vie normale à laquelle aspirent les populations des quartiers. C'est la raison pour laquelle deux réunions du conseil d'administration de l'EPARECA se sont tenues pour examiner les moyens qui peuvent être mobilisés afin de permettre au commerce de proximité de se maintenir ou de renaître car il est, je le répète, une dimension indispensable dans les quartiers dont vous avez parlé.

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe communiste.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec.

Monsieur le ministre, je ne reviendrai pas sur l'appréciation générale que notre groupe porte sur votre budget, mon ami Michel Vaxès l'ayant excellement exprimée.

Ma question portera sur le nécessaire élargissement de vos prérogatives interministérielles pour faire véritablement de votre ministère qui devrait être, à mes yeux, un ministère d'Etat, le lieu de cohérence entre les interventions de l'Etat dans le champ urbain.

M. Maurice Leroy.

Tout à fait !

Mme Odette Grzegrzulka.

Très juste !

M. Patrick Braouezec.

Je souhaiterais que vous nous précisiez votre conception de votre travail avec les autres ministères.

Vous devez être le garant du réengagement de l'Etat et non le réparateur ou l'amortisseur de ses carences ou de ses manques - je pense notamment aux budgets de l'éducation nationale, de la justice, du logement et de l'intérieur en matière de sécurité. Autant de secteurs qui sont marqués, comme le rapport Sueur l'a démontré après d'autres, par des sous-dotations en services publics dans certains quartiers, lesquelles relèvent de la discrimination négative.

On a vu par le passé de fortes augmentations des crédits spécifiques tenter de pallier, voire de camoufler dangereusement le recul de l'Etat en ces domaines.

Il faut rompre radicalement avec cette vision « quasi » humanitaire de la politique de la ville...

Mme Nicole Bricq.

C'est vrai !

M. Patrick Braouezec.

... et ses actions conjoncturelles pour lui substituer l'impératif structurel de l'égalité de traitement sur le territoire, en fonction des besoins des habitants.

Plus que la mixité souvent incantatoire ou mythifiée, c'est l'accès de tous, quelle que soit leur situation personnelle, aux équipements collectifs et à l'ensemble des services publics qui est plus que jamais indispensable.

A Saint-Denis, la mobilisation des élus et des habitants et le travail accompli avec La Poste ont ainsi permis l'ouverture de nouveaux bureaux. Les services d'une plus grande proximité sont vécus comme un progrès vers l'égalité d'accès aux services publics. Mais, là encore, l'action publique manque de cohérence puisque, dans le même temps, ce travail n'a pas permis d'empêcher une dégradation du service rendu dans les communes voisines de L'Ile-Saint-Denis ou de Villetaneuse.

Je sais prêcher un convaincu qui entend faire de l'égalité républicaine des chances le fil rouge de son action.

Mais j'attends que vous nous éclairiez sur les moyens dont vous disposez pour nous rapprocher chaque année davantage de l'objectif.

Pour illustrer l'impératif de cohérence entre les objectifs de la politique de la ville et l'action de l'ensemble du Gouvernement, je prendrai l'exemple de l'article 26 de la première partie de la loi de finances.

Cet article prévoit l'élargissement de la taxe annuelle sur les bureaux en Ile-de-France aux locaux commerciaux et de stockage, sans tenir compte des différences de valeurs locatives et commerciales en région parisienne.

Alors que la taxe sur les bureaux fixe des tarifs distincts aux trois circonscriptions, cette extension légitime devrait s'exprimer avec des taux indifférenciés qui pénaliseront de f ait le Nord et l'Est parisien, et notamment les communes les moins favorisées.

Le risque est grand d'accélérer la dématérialisation de l'économie en Ile-de-France, et donc de raréfier davantage encore le nombre d'emplois peu qualifiés qui font déjà cruellement défaut.


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Là encore, il ne s'agit pas d'une discrimination positive, mais bien d'une exigence d'équité et de cohérence inspirée par un souci de rééquilibrage dans la région parisienne.

Cet exemple m'amène à une question concrète sur le nécessaire renforcement de vos prérogatives interministérielles car il paraît en effet impératif que les orientations budgétaires soient passées dès l'année prochaine au crible du comité interministériel des villes, ce qui n'a pas été le cas le 30 juin dernier.

Ce travail de coordination et d'orientation est essentiel car, l'année prochaine, ce ne sera pas seulement sur le budget propre de votre ministère que nous apprécierons votre action, mais aussi sur la cohérence de l'ensemble de l'action gouvernementale, dont vous devez être non pas le secouriste mais le garant.

Votre ministère, au coeur des mutations de société, doit en effet pouvoir disposer des moyens de peser sur les choix stratégiques des autres ministères concernés par la politique de droit commun à laquelle chacun a droit.

Mme Nicole Bricq et M. Maurice Leroy.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la ville.

Monsieur Patrick Braouezec, il est délicat de répondre à votre question...

M. Patrick Braouezec.

Préférez-vous que je la pose à Lionel Jospin ? (Sourires.)

M. le ministre délégué à la ville.

S'il y a une question à laquelle je ne peux répondre que d'une manière positive, c'est bien celle-là.

Dès ma nomination, j'ai précisé que je ne voulais pas que mon ministère soit celui du « SAMU social ». Il ne peut être le ministère des banlieues. Et je ne veux pas quant à moi être un ministre-alibi pour l'absence de prise en compte globale de l'exclusion dans nos villes. Je ne suis ni un ministre de la parole, ni un ministre en charge d'une politique sectorielle. Mon rôle, tel qu'il a été défini par le Premier ministre, est à la fois modeste et ambitieux.

M. Maurice Leroy.

Surtout ambitieux !

M me Nicole Bricq.

L'ambition n'empêche pas la modestie !

M. le ministre délégué à la ville.

Il est modeste parce que l'impossibilité de vivre normalement dans certains quartiers de nos villes à la dérive ne relève ni d'un plan

M arshall ni d'un quelconque plan d'urgence. Les exemples décevants de 1994 et 1996 en portent le témoignage.

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial.

Certes !

M. le ministre délégué à la ville.

La solution passe à l'évidence par une approche politique à long terme.

Mon rôle et aussi modeste car il n'est pas de faire à la place des autres, mais de faciliter la convergence des actions de tous ceux qui ont une part responsabilité : chacun a sa place dans la cohésion sociale et territoriale de nos villes et de nos agglomérations.

L'ambition que je porte au nom du Gouvernement tient à la volonté de celui-ci de changer l'échelle de la politique de la ville, comme en témoigne l'augmentation d'un tiers de tous les crédits qui concourent à la mise en oeuvre de cette politique.

Notre projet est de sortir de la seule politique de réparation des quartiers en difficulté, pour jouer sur les véritables leviers de l'exclusion au niveau des agglomérations, des quartiers, et pour rééquilibrer les villes afin d'en faire des territoires de développement solidaires.

Ce que nous disons, nous le ferons et les habitants en ressentiront les effets concrets dans leur vie quotidienne.

A travers ces modes de décision, qui doivent davantage associer les habitants et les réalisations concrètes, la politique de la ville est porteuse d'un approfondissement de la démocratie locale. En donnant une légitimité nouvelle à l'action publique, elle contribuera à renouveler la confiance des citoyens dans le projet démocratique et permettra de lutter contre l'abstention et l'extrémisme.

Monsieur Braouezec, vous avez évoqué un point extrêmement intéressant. Je sais bien que ce projet de budget pour 1999 marque une relance, mais je sais bien aussi l'importance qu'aura le débat que nous mènerons en 1999 pour préparer la période 2000-2006.

Nous verrons alors si nous avons été capables, au travers des discussions sur les contrats de plan Etat-régions, au travers des décisions que chacun d'entre nous aura pris, d'introduire plus de cohérence dans nos décisions et dans nos actions. Nous verrons alors si nous sommes en situation de franchir la « marche qualitative » que vous évoquez. Au-delà de cet amortisseur social qu'a été la politique de la ville pendant ces périodes de crise urbaine, saurons-nous franchir un cap en termes de qualité ? C'est p our nous un véritable projet de société pour le

XXIe siècle.

(« Très bien » ! sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes.

Monsieur le ministre, vous centrez votre politique de la ville sur la nécessité d'assurer la cohésion sociale. Vous vous attachez à établir les règles et les objectifs d'une nouvelle étape de contractualisation avec les collectivités et l'ensemble des partenaires du développement social urbain. Mais, dans le même temps, il me semble indispensable de tracer plus précisément les objectifs stratégiques que l'Etat entend proposer à ses partenaires et la concertation qu'il entend mener avec les populations concernées.

Il en est ainsi de la mixité sociale dans les territoires urbains en difficulté. Un véritable système d'apartheid social est en effet à l'oeuvre. Il s'exerce à travers des straté gies de peuplement qui concentrent des familles en difficulté en un même lieu,...

M. Michel Voisin.

C'est vrai !

M. Jacques Brunhes.

... par des politiques très inégalitaires de gestion des patrimoines sociaux et par la volonté des bailleurs de logements de se désengager de certains territoires. Les problèmes de financement pèsent lourd et entravent la nécessaire diversification de la construction et de l'occupation du logement social. Sans compter l'inefficacité des mesures législatives contraignant les collectivités qui refusent de développer leurs parcs sociaux sur leur territoire.

Monsieur le ministre, le résultat de ces comportements est dramatique. La vacance de logements s'accentue. Le départ de familles qui peuvent envisager un autre avenir augmente. La composition des quartiers s'homogénéise sur la base de la relégation générant des règles de vie et des stratégies d'évitement qui sont de moins en moins celles d'un véritable pacte républicain.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Le bien-être des habitants, leur capacité à vivre ensemble dans la tranquillité, la perception qu'ils doivent avoir de ne pas être enfermés dans des processus d'exclusion impliquent que nous fassions progressivement des quartiers stigmatisés par toutes les facettes de la crise urbaine des quartiers comme les autres, mêlés certes, mais où les règles de vie en commun sont d'autant mieux acceptées que l'accès aux droits fondamentaux est assuré à chacun. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, par quels moyens le Gouvernement entend avancer dans cette voie ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la ville.

Monsieur Brunhes, en matière de mixité sociale, la loi d'orientation pour la ville votée en 1991 a constitué une première étape importante. Grâce à un ensemble de mesures incitatives, parfois coercitives, elle a permis une véritable prise de conscience collective, en particulier au niveau local. Aujourd'hui, il faut effectivement aller plus loin. Car lorsque la ségrégation spatiale progresse, c'est la compréhension et le respect de l'autre qui reculent, l'abstention, le vote extrémiste et le rejet des institutions par ceux qui sont assignés à résidence qui se développent.

La réussite d'une vraie politique de mixité sociale passe d'abord par une incitation à davantage de solidarité entre les communes d'une même agglomération. C'est l'objectif du projet de loi déposé par le ministre de l'intérieur.

Mais déjà, sur certains sites, des intercommunalités de projets se manifestent autour du thème de l'habitat et la p olitique. La ville encourage fortement une telle démarche, notamment sur les sites pilotes. Les engagements pris en matière de PLH intercommunaux devront donc se traduire concrètement et l'Etat jouera son rôle.

Pour les villes où une telle intercommunalité de projets ne pourrait se dégager, il faudra accroître la pression.

Après la loi de lutte contre les exclusions qui a imposé les chartes intercommunales d'attribution, je pourrais envisager, avec Louis Besson, de modifier la loi d'orientation pour la ville dans un sens plus favorable à l'intercommunalité. De la même manière, là où il n'y a même pas de PLH communal, le renforcement des sanctions prévues dans le cadre de la LOV pourrait être jugé à l'aune des évolutions en termes d'intercommunalité.

Cela dit, monsieur le député, j'ai évoqué tout à l'heure la nécessaire péréquation entre communes riches et communes pauvres et l'égalité devant le service public. Je pense, en effet, qu'on ne peut pas promettre aux populations qu'elles accéderont au bonheur une fois qu'elles auront déménagé dans une autre comme. Je fais la différence entre la population qui demeure déjà dans un quartier et les actions que nous pouvons conduire pour diversifier la population qui viendra y habiter dans les mois et dans les années prochaines. Pour cette population, déjà installée, le bonheur n'est pas dans l'ailleurs.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Très bien !

M. le ministre délégué à la ville.

Nous devons, par la gestion de proximité, assurer l'égalité de tous devant le service public. Par l'amélioration de la sécurité, de la justice, de l'emploi de proximité, nous devons démontrer aux habitants qu'ils ont le droit à une vie normale. C'est aussi comme cela que l'on favorisera la mixité sociale.

Lorsque nous proposons un logement à une famille, que fait celle-ci avant d'accepter ou de refuser ? Elle considère l'état de propreté du quartier et du hall, le niveau de sécurité et l'état de l'école, instrument fondamental de l'égalité républicaine.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Tout à fait !

M. le ministre délégué à la ville.

La famille n'accepte le logement que si elle se rend compte qu'elle pourra y trouver, dans le quotidien, les éléments d'une vie normale. Sinon, elle refuse et nous ne retrouvons plus dans ces quartiers que des familles « assignées à résidence ».

M. Maurice Leroy.

Il y aussi ceux qui partent !

M. le ministre délégué à la ville.

Il faut donc améliorer ces conditions de vie, pour réellement donner, à court et à long terme, du sens à l'idée de mixité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en arrivons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

La parole est à M. Gilbert Meyer.

M. Gilbert Meyer.

Monsieur le ministre, le Moniteur du 30 octobre dernier a publié la circulaire du 22 octobre 1998 que vous avez signée avec votre collègue M. Besson. Ce document concerne, entre autres, les modalités de calcul et d'attribution des subventions accordées pour changement d'usage de surfaces de logements HLM.

Les informations que j'avais pu obtenir auparavant laissaient entendre que ces subventions pourraient atteindre 35 % du montant TTC des travaux, quelle que soit la nature de l'activité nouvelle implantée. Or il ressort de la circulaire qu'une distinction est faite entre l'implantation d'activités privées et l'implantation d'activités publiques.

Ainsi, alors que, dans le premier cas, le taux maximum de subvention est de 35 %, il ne serait que de 20 % dans le second.

Je m'interroge sur le bien-fondé de cette différence et les propos que vous venez de tenir, monsieur le ministre, n'ont fait que renforcer ma perplexité. En effet, vous avez mis en exergue la nécessité de la présence administrative et municipale dans ces quartiers difficiles. Pourquoi dès lors pénaliser la mise en place des services publics dans les zones d'habitat défavorisé ? Nos concitoyens attachent la plus grande importance à la proximité des services publics. La disposition prise va freiner considérablement les initiatives destinées justement à rapprocher les Français de leurs administrations. Ne serait-il pas nécessaire, monsieur le ministre, d'accorder à tous les projets, qu'ils soient publics ou privés, le même concours ?

M. Jean-Claude Mignon.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la ville.

Monsieur Meyer, vous vous réjouissez de l'augmentation du taux de subvention octroyé pour changement d'usage de logements HLM. Comme vous l'avez signalé, ce taux est passé à 35 % pour l'implantation d'activités privées.

Je suis tout à fait d'accord avec votre remarque. En matière d'implantations d'activités publiques, ce taux s'élève encore à 20 %. Mais dans le cadre du prochain comité interministériel des villes, même si d'autres modes de financement existent pour le service public, je proposerai au Premier ministre d'aligner ce taux sur celui des implantations d'activités privées, soit à un taux unique de 35 %.

M. Gilbert Meyer.

C'est très bien, monsieur le ministre !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

M. Jean-Luc Warsmann.

Monsieur le ministre, je souhaite vous transmettre l'inquiétude des petites villes sur l'évolution de la politique de la ville. Je prendrai l'exemple de Sedan, qui est la plus importante de ma circonscription.

Un contrat de ville a été signé en 1994. Or, depuis 1996, l'effort de l'Etat dans le cadre de ce contrat de ville tend à reculer ; les crédits ont baissé de 11 % en 1997 et de 8 % en 1998.

Dans le cadre de la prolongation des contrats de ville en 1999, les villes de la taille de Sedan - 22 000 habitants pourront-elles bénéficier d'une aide conséquente qui, en l'occurrence, permettrait d'effacer le recul des années précédentes ? Quand pourrons-nous connaître le montant de ces dotations ? Par ailleurs, est-ce qu'une commune comme Sedan, qui compte donc 22 000 habitants, qui a bénéficié d'un contrat de ville portant initialement sur 3 quartiers - le centre-ville, Torcy-cité et la ZUP -, pourra continuer à bénéficier de l'outil que constitue le contrat de ville ? En effet, quand bien même on envisagerait une action d'agglomération, quand bien même on prendrait en compte les 3 cantons de Sedan qui s'étendent largement dans des zones rurales, on n'atteindrait pas le seuil de 50 000 habitants.

En répondant à cette dernière question, vous pourrez peut-être apaiser l'inquiétude exprimée par certains de mes collègues et partagée par tous les élus, quels que soient leur étiquette et leur niveau de compétence.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la ville.

Monsieur le député, à vos deux premières questions je répondrai oui. Dès le début de l'année où seront notifiés les crédits alloués a ux différents contrats de ville, Sedan, comme toutes les villes de taille identique, pourra constater, au travers des 93 % de crédits déconcentrés, l'augmentation des moyens affectés à la politique de la ville.

A votre dernière question, je répondrai également oui.

Sans préjuger bien entendu des périmètres qui seront arrêtés dans le cadre des futurs CIV qui retiendront la géographie prioritaire, je peux vous assurer que des villes comme Sedan, qui ont déjà conclu un contrat de ville, auront toujours la possibilité d'en signer un autre.

Nous nous servirons de ces contrats de ville pour faire une publicité positive en faveur des agglomérations. Mais, quelquefois, ces contrats de ville seront signés sur un périmètre qui ne sera pas celui de l'agglomération, si ce dernier n'est pas pertinent. A l'inverse, lorsqu'une politique de la ville sera nécessaire et lorsqu'un périmètre nous paraîtra pertinent, même sur la limite d'une ville, la signature d'un contrat de ville pourra avoir lieu.

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Meyer, pour une seconde question.

M. Gilbert Meyer.

Monsieur le président, monsieur le ministre, ma première question était d'ordre général ; la deuxième sera davantage d'ordre local.

La ville de Colmar n'a pu bénéficier d'un contrat de ville dans le cadre de l'actuel contrat de plan. Pour autant, elle n'est pas restée inactive. En effet, elle a signé un contrat d'agglomération avec l'Etat ; elle a mis en chantier un plan local d'insertion par l'économique ; elle a enfin conclu un contrat local de sécurité avec l'Etat et les services de la justice.

Par ailleurs, une partie du périmètre urbain a été clas-s ée en zone urbaine sensible par un décret du 28 mai 1996, puis le 1er janvier 1997, en zone de redynam isation urbaine. Auparavant, une décision du 10 mai 1996 avait retenu le secteur le plus sensible de ce périmètre pour l'opération « cinquante quartiers » initiée par le comité de pilotage de la Caisse des dépôts et consignations et l'Union nationale des fédérations d'organismes des HLM. Cette qualification nous conduira à proposer une action de restructuration totale, et cela après concertation avec tous les locataires concernés.

L'option retenue correspond à une orientation, pour la politique urbaine, qui tend à garantir le respect du pacte républicain sur tout le territoire ; à renforcer la cohésion sociale dans les villes ; à mobiliser autour d'un projet collectif toute la population ; enfin, à construire un nouvel espace de démocratie avec les habitants.

Notre volonté est de poursuivre ces efforts. L'engagement est très fort : le projet global mis en débat avec la population concernée s'élève à plus de 100 millions de francs. Pourtant, les plus grandes incertitudes pèsent sur la possibilité pour Colmar de bénéficier d'un contrat de ville, dans la mesure où elle n'était déjà pas éligible dans le contrat de plan actuel. Prendra-t-on en compte l'engagement du conseil municipal et l'effort réalisé par le conseil d'administration de la « Colmarienne du logement » en conformité avec vos objectifs ? Nous souhaitons en effet participer à votre politique d'aménagement urbain selon les options que vous avez déterminées.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la ville.

Monsieur le député, le jeu nouveau est entièrement ouvert. Bien entendu, nous aurons l'occasion d'évaluer l'action qui a été menée dans les différents contrats de ville et de prendre en compte les résultats qui auront été enregistrés. Mais concernant votre de ville de Colmar, je ne saurais vous répondre en séance. Je vous suggère donc de vous rapprocher de votre préfet pour examiner les propositions qui pourraient être retenues. Dans le cadre de l'examen de la future géographie de la politique de la ville, nous prendrons certainement en considération la demande émanant de votre conseil municipal. Quoi qu'il en soit, les actions de votre ville, telles que vous les avez décrites, ressemblent étrangement aux futurs contrats de ville que j'appelle de mes voeux. (Sourires.)

M. le président.

Nous en revenons aux questions du groupe socialiste.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq.

Monsieur le ministre, je souhaite-r ais vous interroger sur les mécanismes ou plutôt l'absence de mécanismes d'évaluation des zones franches urbaines concernant des paramètres qui m'apparaissent essentiels : la création d'activités pérennes ou d'emplois pour les habitants des quartiers ; le rapport entre le coût de ces mesures - vous avez parlé tout à l'heure d'exonération fiscale et de charges sociales - qui relèvent de la solidarité nationale, qui sont payées par tous les contribuables et la création effective d'emplois.

Je participe deux fois par an, en tant que parlementaire, au comité de surveillance de la zone franche de Meaux. Nous nous sommes tous rendu compte qu'il n'y a pas de corrélation statistique entre l'INSEE, l'ANPE, l'administration fiscale, ce qui nuit à la lisibilité du dispositif et à son évaluation.

Je vais vous citer un exemple que je connais bien, qui a eu un écho dans la presse régionale et qui a été récemment traité aux prud'hommes. Il est lié aux effets un peu pervers inhérents au système, en l'occurrence l'effet d'aubaine des délocalisations.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Il s'agit d'une surface commerciale, qui a repris une activité en gardant le personnel. Mais un an plus tard, ce personnel a été soit poussé à la démission, soit licencié , afin d'embaucher du personnel travaillant dans des conditions encore plus précaires. Or, dans un tel cas, il n'y a eu aucune liaison entre la direction du travail et de l'emploi, l'inspection du travail et les administrations qui sont censées surveiller ces zones franches. C'est tout de même un enjeu national. Ce dispositif peut être utile, dès lors qu'on a en tête les objectifs qui ont été fixés à la politique de la ville.

Quels mécanismes comptez-vous donc mettre en oeuvre pour que l'on puisse disposer à la fois d'un bilan site par site et d'un bilan consolidé intégrant la nouvelle définition de la politique de la ville que vous avez donnée le 30 juin et que vous avez rappelée tout à l'heure à la tribune ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la ville.

Madame la députée, les zones franches urbaines sont un des dispositifs du pacte de relance pour la ville du précédent gouvernement.

Il est mis en oeuvre depuis le 1er janvier 1997, soit moins de deux ans. Le but recherché était de favoriser l'implantation d'activités économiques et la création d'emplois en faveur des habitants des quartiers et à l'intérieur des quartiers. Or le choix a été fait à l'époque par les responsables de ne mettre en place aucun dispositif de suivi et de mesure des effets.

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est regrettable ! Mais peut-être pas innocent !

M. le ministre délégué à la ville.

Cette décision, assez surprenante, place le gouvernement actuel dans l'incapacité de disposer d'informations précises et scientifiquement incontestables lui permettant de décider de l'avenir de ce dispositif.

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est fait exprès !

M. le ministre délégué à la ville.

C'est pourquoi, le Premier ministre a décidé, le 30 juin dernier, de confier à une inspection de l'IGAS, de l'IGA et de l'IGF le soin de procéder à une expertise très approfondie des quarantequatre zones franches afin d'en évaluer les résultats, mais aussi d'en recenser les dérives, dont nombre d'entre vous ont fait état, et de faire des propositions susceptibles de faire évoluer le dispositif.

Mme Nicole Bricq.

Bonne nouvelle !

M. Maurice Leroy.

Et dans les contrats de villes, il n'y a pas de dérive ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le ministre délégué à la ville.

Ils devront, eux aussi, faire l'objet d'évaluation. Il serait temps que, dans cette assemblée, on cesse de considérer que le mot « évaluation » est un gros mot ! (Sourires.) Voter la loi mais aussi être informé de son application ont toujours été les revendications du législateur.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Bien sûr !

M. le ministre délégué à la ville.

L'instauration de zones franches urbaines ayant été décidée, il est donc logique de chercher à savoir comment ont été utilisées les 2,6 milliards de francs que cette mesure implique. L'importance du coût rend d'ailleurs encore plus indispensable ce contrôle.

Je vous le dis très clairement, nous voulons être responsables. La politique de la ville a trop longtemps souffert d'une multiplicité de mesures qui se sont succédé dans le temps et n'ont pas permis de prouver ou non leur efficacité.

A mon arrivée au gouvernement, j'ai donc décidé de ne pas interrompre le dispositif des zones franches pour quatre raisons. Tout d'abord, par souci de pragmatisme.

Ensuite pour ne pas mettre brutalement en difficulté des entreprises et des territoires, alors que l'Etat avait donné sa parole. Par ailleurs, parce qu'en matière d'activité économique et d'emploi, l'action demande du temps.

Enfin, parce que ce dispositif a introduit une dimension économique dans la politique de la ville. Or, depuis le rapport de Martine Aubry et Michel Praderie, rédigé en 1991 à la demande de Michel Delebarre, la question des entreprises et de leur implication dans les quartiers avait progressivement disparu de la politique de la ville.

Pour autant, comme vous, madame la députée, je n'ignore pas que le dispositif des zones franches est coûteux et a engendré certains effets pervers particulièrement inquiétants : aubaine, concurrence déloyale et délocalisations. Ces dérives doivent être condamnées sans ambage et il nous faut trouver les moyens de les faire cesser.

Faut-il revoir les contreparties demandées par les entreprises ?

Mme Odette Grzegrzulka.

Oui !

M. le ministre délégué à la ville.

Faut-il renforcer le rôle des comités d'orientation et de surveillance ?

Mme Odette Grzegrzulka.

Absolument !

M. le ministre délégué à la ville.

J'attends avec beaucoup d'impatience le rapport d'inspection pour savoir très précisément quelle est l'importance de ces dérives, mais aussi, soyons sans a priori , quels résultats on a pu remarquer dans les quartiers.

Mme Nicole Bricq.

Il y en a, en effet !

M. le ministre délégué à la ville.

J'en attends également des propositions pour faire évoluer, le cas échéant, le dispositif. Car si le développement économique est un aspect essentiel de la politique de la ville, l'usage de mesures d'exonération pour développer ou maintenir le tissu des entreprises n'est peut-être pas la seule approche à retenir.

Le CIV du 30 juin a donné une nouvelle orientation.

La question du développement de l'activité économique suppose que de nombreuses compétences soient mobilisées. Il faut, en effet, travailler sur plusieurs fronts : en aménageant l'espace, notamment les infrastructures de communication ; en soutenant la recherche et la veille technologique, pour détecter de nouveaux produits, de nouveaux services et de nouveaux marchés ; enfin, en améliorant l'information et l'accompagnement des créateurs d'entreprise. Aussi le ministère de la ville souhaitet-il s'associer avec d'autres acteurs, en particulier la Caisse des dépôts et consignations, pour mener une politique plus globale en faveur de l'emploi dans les quartiers.

En tout état de cause, les conclusions du rapport d'inspection vous seront communiquées, dans le cadre du bilan que la loi nous impose de vous présenter. Ce sera l'occasion d'un débat, au cours duquel vos propositions seront également les bienvenues, afin d'améliorer l'efficacité de l'action de l'Etat au profit du développement économique des quartiers.

Mme Nicole Bricq.

Merci.

M. Pierre Cohen.

Très bien !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Mme Odette Grzegrzulka.

Vivement ce jour !

M. le président.

La parole est à Mme Odile Saugues.

Mme Odile Saugues.

Monsieur le ministre, la politique de la ville a quinze ans cette année et vous nous présentez un budget dont l'ambition est de reconstruire, avec les habitants, les villes et les agglomérations de demain et d'enrayer la montée de l'intolérance dans nos quartiers.

Je veux insister sur l'effort engagé en faveur de l'égalité devant le service public. Les habitants des quartiers en difficulté ressentent particulièrement l'inégalité, qui se traduit par un déficit qualitatif et quantitatif des services publics. J'ai noté les efforts qui seront apportés dès 1999 en direction des projets exemplaires de renforcement ou d'animation du réseau des services publics dans les quartiers.

Nous savons, par ailleurs, toute la difficulté que connaissent les entreprises pour s'installer dans des quartiers longtemps tenus à l'écart d'une logique de développement. Nous savons aussi toute la difficulté que connaissent des commerçants pour s'y maintenir. Dans ce contexte, les services publics peuvent tirer ces quartiers vers le haut, en diffusant, au plus près des difficultés sociales, des services, des informations, des moyens humains et technologiques.

J'ajoute, pour l'avoir vécu dans un quartier de l'agglomération clermontoise, que des pôles de services publics de proximité constituent un outil précieux au service de l'intégration, de la formation, mais également un référent respecté, dans des quartiers où les repères ont tendance à s'estomper. Face à la montée des extrémismes et des intolérances, le service public de proximité dédramatise l'accès aux institutions, il affirme au sein des quartiers les principes républicains d'égalité et de laïcité.

Pour conduire cette reconquête des quartiers par l'Etat républicain, cet effort devra être engagé sur la durée mais, compte tenu de l'urgence sociale que l'on connaît, il doit être rapidement perceptible. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser dans quels délais cet effort budgétaire en direction du service public se traduira dans les faits sur le terrain.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la ville.

Madame la députée, la répartition géographique des administrations et des agents, la nature des services et la formation des agents publics ne sont qu'imparfaitement adaptées aux évolutions sociales et démographiques des vingt-cinq dernières années. Malgré les efforts entrepris dans le cadre de la politique de la ville, le rapport Sueur a souligné que ce déficit qualitatif et quantitatif est resté plus marqué dans les quartiers en difficulté où les violences urbaines de plus en plus fréquentes à l'égard des institutions témoignent d'un certain rejet des valeurs intégratices portées par le service public.

Le programme décidé par le CIV du 30 juin a donc prévu d'intensifier les efforts afin d'améliorer l'égalité devant le service public et cela se fera sentir dès l'année 1999. C'est ainsi qu'un diagnostic de l'offre des services publics accessibles aux habitants des quartiers en difficulté sera effectué dans les mois qui viennent. Ce diagnostic permettra, à partir d'une consultation des habitants, de fixer des objectifs d'amélioration de la desserte, de la présence et de la qualité des services bénéficiant aux habitants des quartiers. Grâce à cette démarche, l'Etat, les collectivités locales et leurs établissements publics, mais aussi d'autres prestataires de services collectifs, pourront élaborer des projets communs pour les années à venir, notamment dans le cadre de la prochaine génération des contrats de ville.

L es crédits supplémentaires consacrés aux services publics dans les quartiers, dès 1999 - plus 32 % -, tendront à soutenir plus de réalisations concrètes, comme les plates-formes ou maisons de services publics qui permettent à plusieurs services de travailler ensemble et d'apporter une réponse de proximité aux habitants.

C'est ainsi qu'à Roubaix, la maison des services du quartier installée dans un bâtiment HLM que l'on s'apprêtait à détruire accueillera, cette année, treize institutions, comme la caisse d'allocations familiales, le conseil général, la ville de Roubaix, l'ANPE ou une base d'îlotage de la police nationale. Les habitants pourront effectuer plusieurs démarches successives sans devoir effectuer de longs déplacements, tandis que les agents des services auront des lieux de rencontres où pourra s'effectuer un travail en commun.

Une convention sera également signée avec La Poste dans les prochaines semaines pour renforcer sa présence dans les quartiers en difficulté et mieux adapter sa réponse aux besoins spécifiques des habitants.

L'égalité devant le service public sera donc un axe majeur de la politique de la ville. Elle contribuera à lui assurer une meilleure présence sur le territoire, à en transformer les pratiques afin que les usagers aient leur mot à dire et à donner plus de sens à l'action des agents publics. Le service public doit retrouver sa vocation d'intégration dans le corps social.

M. le président.

Nous en arrivons à une question du groupe Radical, Citoyen et Vert.

La parole est à Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Je me réjouis tout d'abord de pouvoir m'adresser à un ministre de la ville.

Sa nomination est une chance pour la mise en oeuvre de la politique de la ville dans notre pays.

Le développement social constitue un élément fort de la réussite de la politique de la ville. Je peux en témoigner pour tenter de le mettre en pratique dans ma ville.

C'est, en effet, en devenant ou en redevenant acteur de sa vie, ou dans son quartier que l'on retrouve sa citoyenneté.

C'est bien dans ce sens qu'il faut agir.

Aujourd'hui, devant certains actes d'incivilité ou de violence, la parentalité est décriée ; on parle de démission des familles et d'irresponsabilité. Pourtant, j'en suis convaincue, le rôle de la famille, ou des adultes qui la composent, est primordial pour assurer le maintien de la cohésion sociale.

M. Jean-Claude Mignon et M. Maurice Leroy.

On en parlera cet après-midi !

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Soit ! Mais moi je souhaite évoquer ce sujet dans le cadre de la politique de la ville.

Or, on n'apprend pas à être parent. On ne peut transmettre que ce que l'on a reçu. Ainsi, c'est à l'école et aux parents, dans la mesure du possible, qu'il appartient d'éduquer correctement les enfants et de transmettre les règles et les valeurs républicaines. Il est donc indispensable d'accompagner les parents qui rencontrent de grandes difficultés avec leurs enfants.

Monsieur le ministre, quels moyens et quelles mesures envisagez-vous pour développer la citoyenneté et la parentalité et éviter que la politique de la ville ne soit un alibi ? Aurez-vous une réelle autorité pour coordonner les


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

actions des différents ministères concernés, notamment en direction des départements qui mettent en place la politique de la ville ? Je pense plus particulièrement au ministère de la justice dont le rôle est extrêmement important dans la coordination des acteurs sur le terrain, que ceux-ci agissent dans le cadre du développement social ou du contrat local de sécurité.

J'aimerais aussi que vous nous disiez comment vous allez mobiliser les acteurs de la socialisation afin d'agir en amont de la délinquance. Pour avoir mis en oeuvre dans un quartier de ma ville un dispositif en ce sens, je sais que c'est extrêmement difficile, mais lorsque les acteurs sont convaincus et mobilisés, on arrive à accomplir de grandes choses et à faire en sorte que les habitants prennent en charge eux-mêmes leurs propres problèmes.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la ville.

Madame la députée, comme vous vous en doutez, nous avons pris en considération avec toute l'attention qu'il méritait le rapport de Dominique Gillot au Gouvernement. En effet, il nous semble extrêmement important de connaître les moyens qui doivent être mis en oeuvre pour permettre aux parents de retrouver la plénitude de leur rôle, et ce dans des secteurs très divers. C'est, en particulier, l'un des enjeux forts de l'égalité républicaine que de reconnaître leur rôle dans l'institution scolaire. On sait que certains parents sont restés très à l'écart de celle-ci. La création de salles des parents au sein des établissements permettra de combler le fossé qui s'est ainsi creusé entre eux et l'école.

Par ailleurs, la Conférence de la famille, qui s'est tenue sous la présidence du Premier ministre à Matignon et à l aquelle j'ai participé, a fait apparaître que c'est l'ensemble des différentes actions visant à soutenir les parents qui doivent être prises en compte dans le cadre de la politique de la ville. C'est afin de mieux les définir, et de cerner plus précisément le rôle de tous les services publics, sociaux, municipaux - que nous avons décidé au niveau de la délégation interministérielle à la ville, de signer une convention avec les grandes associations familiales. Notre objectif est de mettre en application dès 1999 les premières mesures qui démontreront notre volonté d'aider les parents.

Cela nous ramène à l'intervention de Pierre Cardo et à la question de savoir s'il faut ou non sanctionner les parents, notamment par la suspension du versement des allocations familiales. Mesdames, messieurs les députés, la justice a, actuellement, la possibilité de mettre sous tutelle les allocations familiales.

M. Michel Terrot.

Non, pas vraiment !

M. le ministre délégué à la ville.

Et dans de nombreux cas, elle le fait d'ores et déjà. Mais je ne pense pas que ce soit la bonne réponse. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ecoutez-moi donc, vous qui prétendez soutenir la famille ! A ggraver, en effet, la situation de familles qui connaissent déjà des difficultés morales et financières ne me paraît pas être la solution.

M. Pierre Cohen.

Bien sûr !

M. le ministre délégué à la ville.

Au-delà des décisions de mise sous tutelle des allocations familiales, qui peuvent, encore une fois, être prononcées par la justice, nous devons être aux côtés des parents pour leur permettre de retrouver leur rôle d'acteurs dans l'éducation de leurs enfants. Tel sera le but des actions que nous allons mettre en oeuvre avec les grandes associations du mouvement familial.

M. le président.

Nous en revenons à une question du groupe RPR.

La parole est de M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord vous interroger sur les contrats de ville.

Certes, tout le monde a reconnu leur impact extrêmement positif. Mais on a pu constater certaines difficultés dans leur mise en oeuvre, notamment au niveau du déblocage des fonds, difficultés qui étaient encore accrues dans le cas de cofinancements du FAS ou du FEDER.

Vous avez manifesté tout à l'heure votre intention de faciliter les démarches. Quelles procédures concrètes allezvous mettre en place pour faciliter le déblocage de ces fonds ? Par ailleurs, vous avez fait allusion à l'intervention de l'association des présidents de conseils généraux dans la définition des périmètres et de la politique de la ville. Je souhaiterais savoir quand, à quel niveau, à quel stade de la discussion et dans quelle instance les conseils généraux pourront être associés à la relance de la politique de la ville dans le cadre du calendrier prévu pour 1999.

M. Maurice Leroy et M. Jean-Claude Mignon.

Bonne question !

M. le président.

La parole et à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la ville.

Monsieur le député, je l'ai signalé tout à l'heure, à l'issue du CIV du 30 juin dernier, nous avons mis en place un groupe de travail présidé par Georges Cavalier, qui doit nous remettre en décembre une proposition relative à la simplification administrative et des crédits de financement. L'objectif est de parvenir à une structure unique permettant d'éviter les complications que vous avez évoquées et qui amènent parfois les actions de la politique de la ville à connaître des délais de mise en oeuvre inacceptables. J'attends donc les conclusions de ce rapport que je communiquerai aux différentes commissions compétentes. Ainsi, elles pourront, après le Conseil national des villes, donner leur avis si elles le souhaitent.

S'agissant des conseils généraux, j'ai eu l'occasion, dès m a nomination, de rencontrer les représentants de l'APCG en vue de mieux associer les départements à la politique de la ville, et non de leur faire jouer le rôle de roues de secours. Leurs compétences en matière sociale le justifient pleinement, De ce fait, j'ai souhaité, comme je l'ai proposé à l'APCG, qu'un certain nombre de départements soient en mesure de passer des conventions intermédiaires pour 1999, afin de marquer cette nouvelle orientation. Il serait bon que les conseils généraux soient associés aux futurs contrats de ville dès la période d'évaluation et de définition des projets pour la période 2000-2006. Ainsi, ils n'auront pas le sentiment que le Gouvernement veut uniquement les associer à la facture. Ils doivent être partie prenante de notre action !

M. Maurice Leroy.

Dans les Hauts-de-Seine, c'est déjà fait !

M. le ministre délégué à la ville.

C'est exact.

M. le président.

Nous en revenons au groupe socialiste, pour les deux dernières questions.

La parole est à Mme Odette Grzegrzulka.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Mme Odette Grzegrzulka.

Monsieur le ministre, je veux vous interroger sur la culture. Cela peut paraître paradoxal dans la mesure où, dans nos quartiers, les principaux problèmes que rencontrent les habitants sont le logement, les transports, l'emploi, l'accès aux soins.

M. Jean-Claude Mignon et M. Michel Terrot.

Et la violence !

Mme Odette Grzegrzulka.

Je fais partie de ceux et de celles pour lesquels la culture est l'outil indispensable pour tisser les liens sociaux qui permettent à nos concitoyens de se repérer, de se valoriser, de retrouver leur identité.

Quand je parle de culture, je veux parler de culture de proximité et non pas de culture plaquée, d'une culture participative, comme celle qu'offre à Sotteville-lès-Rouen notre collègue rapporteur Pierre Bourguignon, dont je salue l'initiative exemplaire, que je vous invite à aller voir : « Les arts dans la rue ».

Monsieur le ministre, pourquoi, dans les quartiers en difficulté, les équipements culturels sont-ils toujours des annexes ou des antennes : bibliothèques annexes, antennes de l'école de musique...

Mme Nicole Bricq.

Quand il y en a !

Mme Odette Grzegrzulka.

... cinémas, mais mobiles ? Quand les élus et les pouvoirs publics auront-ils le courage d'implanter des équipements culturels centraux dans les quartiers périphériques ? Pourquoi les temps forts culturels de l'année excluent-ils systématiquement les quartiers ? Par exemple, citez-moi une ZUP qui soit concernée par la fête du cinéma puisque, la plupart du temps, il n'y a pas de cinéma, une ZUP qui soit concernée par la journée du patrimoine, puisqu'il n'y a pas de monument historique ? Il est temps, monsieur le ministre, de faire tomber les murs de Berlin qui séparent trop souvent la culture pure des centres-villes de la culture de seconde zone de la périphérie. Comme le demandait Yves Dauge pour les équipements de santé, il faut faire sortir les équipements culturels de leurs murs afin qu'ils rayonnent dans les quartiers et dans la périphérie.

Ayant observé, comme vous, que les habitants des quartiers ont besoin de lieux de proximité pour se rencontrer entre jeunes, entre anciens ou entre générations, je vous suggère de négocier avec les organismes d'HLM pour qu'ils transforment les fameux locaux collectifs résidentiels, maintenant désuets et souvent abandonnés, en locaux collectifs à vocation culturelle favorisant le développement de cette culture de proximité. Les jeunes seraient plus tentés de s'y rendre, au lieu de se retrouver dans les fameuses caves maudites ou les abribus dégradés dans lesquels ils se rassemblent actuellement.

Enfin, vous avez beaucoup insisté sur la participation des habitants et sur la communication entre eux. A cet égard, je souhaiterais savoir comment fonctionnera le fonds d'initiatives habitants dont vous avez annoncé la création lors du comité interministériel de la ville du 30 juin dernier. J'ai cru comprendre qu'il ne concernera que des sites pilotes. C'est pourquoi, en conclusion, j'ai envie de vous demander que fleurissent 100 000 sites bénéficiant du fonds d'initiatives habitants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la ville.

Madame la députée, l'ambition de la culture au service de la politique de la ville est simple : elle consiste à donner de la vie dans nos villes, en faisant avec et pour les habitants.

M. Daniel Marcovitch.

Très bien !

M. le ministre délégué à la ville.

La culture n'est pas la cerise sur le gâteau. Elle n'est pas le petit plus populaire qui fait plaisir ; c'est, au contraire, une dynamique inscrite dans la durée et qui vise à la participation des habitants. Mon ambition est donc de faire de la culture, en partenariat notamment avec Catherine Trautmann, un élément fort de la stratégie globale au coeur de la nouvelle contractualisation.

La période qui s'ouvre, avec le lancement des sites pilotes, mais bien au-delà, constitue un temps fort de mobilisation pour démontrer que la politique culturelle est un atout de la politique de la ville. Elle en est même un atout concret et immédiat. C'est d'ailleurs l'une des raisons qui doit nous inciter à renforcer les initiatives en étant à l'écoute des projets issus de nos villes.

Il faut faire avec les habitants afin d'avoir une politique culturelle dans la ville qui permette de mobiliser les acteurs de la politique de la ville. Le défilé de la biennale organisé à Lyon est un exemple intéressant. En effet, l'organisation d'un grand défilé, dans la tradition des arts de la rue, qui mobilise tous les quartiers de la ville et, audelà, l'agglomération dans son ensemble, crée une dynamique inscrite dans la durée puisque ce projet ne se limite pas au jour du défilé. Il est l'aboutissement d'un an de travail avec la participation des habitants, le brassage des générations et des cultures. Cet événement a su mobiliser les gens dans la durée autour d'un projet créateur de vie, de fête, de richesse, de solidarité. Il est d'ailleurs révélateur de constater que la région Rhône-Alpes a, cette année, refusé toute subvention à cette action pourtant si réussie.

M. Michel Meylan.

Vous avez voté avec le Front national en Rhône-Alpes !

M. le ministre délégué à la ville.

Vous savez très bien que nous voterons contre tous les projets de ce conseil régional parce que nous n'acceptons pas l'accord qui existe dans cette région entre une partie de la droite qui se perd, qui perd son orientation républicaine, et le Front national ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Meylan.

Quel accord ?

M. Pierre Cardo.

S'il y avait un accord, il n'y aurait pas de problème !

M. le ministre délégué à la ville.

Faire avec les habitants, c'est aussi mobiliser les institutions culturelles pour qu'elles sortent de leurs murs et s'inscrivent dans le projet de ville. Comment ne pas suivre avec enthousiasme l'initiative de Stanislas Nordey à Saint-Denis qui vise à faire du théâtre un lieu de vie, ouvert sur la ville, accessible au public, bien au-delà d'une simple logique de programmation.

Il faut aussi faire pour les habitants, car la politique culturelle ne doit évidemment pas dénier l'offre de spectacles. Le droit d'accéder à des spectacles fait partie de cet objectif que je poursuis : le droit à une vie normale.

Mesdames, messieurs, il est normal de pouvoir accéder à des spectacles, il est normal de disposer d'une offre suffisamment diversifiée pour attirer les publics. J'inscris


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

donc mon action en parfaite complémentarité avec l'objectif de la ministre de la culture sur la volonté de démocratisation de l'accès à la culture. Celle-ci ne peut véritablement prendre tout son essor que si nous savons mobiliser, sur le terrain, tous ceux qui contribuent à cette dynamique.

La politique culturelle au service de la ville n'établira donc pas une nouvelle zone décidée d'en haut. Elle encouragera, notamment dans la période de contractualisation, les acteurs engagés sur le terrain à penser leurs projets dans la durée en les intégrant au projet de ville dans son ensemble.

Mesdames, messieurs, faire sortir la culture de son volet restrictif permet de démontrer qu'elle contribue, audelà du loisir et du spectacle, à créer du lien social, de l'intégration, de la sécurité. C'est parce qu'elle génère du beau, parce qu'elle favorise la rencontre, l'échange, qu'elle est un pilier indispensable de la stratégie d'ensemble de la politique de la ville.

Madame la députée, vous avez raison : la culture de la politique de la ville doit être une culture de proximité.

Elle est forcément participative et doit se combiner avec les actions fortes dans le domaine de l'accès aux institutions culturelles.

Vous vous êtes interrogée sur des opérations « ciné » dans les quartiers. Même si, dans ce domaine, beaucoup reste à faire, des acteurs de la politique de la ville se sont engagées dans des opérations de ce type.

M. Jean-Claude Mignon.

Cela se fait depuis longtemps.

M. le ministre délégué à la ville.

Je pense en particulier à l'action du collectif 12 de Mantes-la-Jolie, qui, précisément cet été, a travaillé sur ce thème dans le cad re d'une friche industrielle.

Vous avez également évoqué la question des locaux collectifs de bas d'immeubles. Nous devons certainement travailler avec les bailleurs sociaux pour permettre à des associations, quelle que soit leur vocation, d'être aidées dans les actions qu'elles entreprennent au service des habitants.

M. Jean-Claude Mignon.

Cela aussi se fait depuis longtemps !

M. le ministre délégué à la ville.

Il est bien évident que, dans ce cadre, même si des actions ont déjà été entreprises, les actions culturelles peuvent trouver un moyen utile à leur expression.

M. le président.

La parole est à M. Laurent Cathala.

M. Laurent Cathala.

Monsieur le ministre, vous avez, à juste titre, dénoncé l'amalgame qui a été opéré lors des manifestations lycéennes entre casseurs et jeunes des banlieues. En effet, le danger est qu'un tel amalgame, s'il était généralisé, n'attise des ressentiments entre groupes sociaux, entre jeunes et adultes.

Le risque est encore accentué par le fait que certains médias qui font des reportages dans nos cités, ne respectent pas tout à fait les règles déontologiques.

M. Jean-Claude Mignon.

C'est le moins qu'on puisse dire.

M. Laurent Cathala.

Parfois, en effet, des reportages tronqués tendent à présenter tous les jeunes de nos quartiers comme des délinquants, des voyous ou des casseurs.

M. Michel Terrot.

Qui dit ça ?

M. Laurent Cathala.

Il est néanmoins indéniable que la violence urbaine évolue dans ses formes : les déprédations sont effectuées non seulement pour casser, mais souvent aussi pour voler, des raisons économiques motivant un certain ressentiment contre la société.

Comment le Gouvernement envisage-t-il de lutter contre cet amalgame qui risque de mettre en cause la cohésion sociale ? Comment entend-il adapter son action aux nouvelles formes de violence urbaine qui s'apperentent davantage à du banditisme qu'à de simples déprédations ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Claude Mignon et M. Michel Terrot.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué à la ville.

Cette question aurait pu nous mobiliser des heures entières tant elle est importante, mais je me dois d'être précis. Trop souvent, en effet, on essaie de faire l'amalgame entre banlieues et casseurs. Tel a été le cas au moment de la dernière manifestation des lycéens. Or chacun a pu remarquer qu'une grande majorité des jeunes qui défilaient dans la rue, et dont certains ont fait partie de la délégation reçue par le ministre de l'éducation nationale, venaient des banlieues.

Ainsi que la presse l'a rappelé aujourd'hui, les jeunes filles ont pris une part importante dans la structuration du mouvement pour réclamer l'égalité des chances et l'école de la réussite. La plupart venaient aussi de banlieues.

M. Alain Cacheux.

C'est vrai !

M. le ministre délégué à la ville.

Toute tentative d'opérer un amalgame entre casseurs et banlieues ne peut qu'avoir de mauvais effets pour la cohésion sociale que nous voulons tous assurer. Celles et ceux qui n'ont rien à voir, qui ne veulent rien avoir à voir avec les casseurs auraient l'impression d'être ternis par cette image.

Cela étant, il est évident que l'Etat doit apporter une réponse forte aux problèmes posés par la violence : les casseurs doivent être sanctionnés, qu'ils viennent des banlieues ou d'ailleurs. Cela est indispensable pour bien faire comprendre que l'on ne saurait accepter certains actes et laisser planer un sentiment d'impunité pour certains dans la société française.

Cependant, au-delà de la nécessité d'édicter des sanctions fortes et de réprimer systématiquement tous les actes de petite délinquance et d'incivilité, nous devons nous poser la question évoquée dans le rapport HyestCarraz, celle de la localisation des forces de gendarmerie et de police. Elle doit, en effet, répondre à une certaine cohérence au regard des lieux où les problèmes sont les plus fréquents.

Il faut également prendre des mesures spécifiques en matière de formation et de déroulement des carrières de ces personnels de sécurité. Je suis en effet persuadé que, pour éviter une éventuelle jonction entre ces jeunes des banlieues qui n'ont rien à voir avec la violence et cette petite minorité qui commet des actes irresponsables, il est indispensable que les policiers aient en main tous les atouts, y compris pédagogiques et psychologiques, pour intervenir et faire la différence entre la grande violence et ce qui peut être évité grâce à une présence quotidienne.

Au-delà de ce point particulier, monsieur le député, j'ai interprété le cri qui montait de ces manifestations comme une demande de la jeunesse de pouvoir mener une vie normale. Les jeunes veulent être les acteurs de leur propre vie et ils savent que, pour cela, pour être pleinement inté-


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grés dans notre société, notamment par le travail et en espérant gagner leur place dans la société par l'élitisme républicain, ils ont besoin d'une école de qualité et d'enseignants formés.

Mesdames, messieurs les députés, s'il est indispensable, quand certains actes sont commis, de distribuer des cartons jaunes ou des cartons rouges en expliquant bien les raisons motivant ces sanctions, il faut aussi montrer à la grande majorité de cette jeunesse qu'elle peut trouver sa place dans la société, société que nous voulons préparer pour elle, afin qu'elle y trouve la possibilité d'y mener une vie normale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en avons terminé avec les questions.

EMPLOI ET SOLIDARITÉ III. Ville

M. le président.

J'appelle les crédits du ministre de l'emploi et de la solidarité concernant la ville.

ETAT B Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires des services civils (mesures nouvelles)

« Titre III : 27 970 000 francs.

« Titre IV : 220 000 000 francs. »

ETAT C Répartition des autorisations de programme et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital des services civils (mesures nouvelles) TITRE V. INVESTISSEMENTS EXÉCUTÉS PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 18 000 000 francs.

« Crédits de paiement : 16 000 000 francs. »

TITRE VI. SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT ACCORDÉES PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 386 230 000 francs.

« Crédits de paiement : 115 870 000 francs. »

Je mets aux voix le titre III.

(Le titre III est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le titre IV.

(Le titre IV est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V sont adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)

M. le président.

Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité concernant la ville.

2

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

M. le président.

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 20 novembre 1998 inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.

Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.

La conférence des présidents a décidé, en application de l'article 65-1 du règlement, que les explications et le vote par scrutin public sur le projet de loi de finances pour 1999 auront lieu le mercredi 18 novembre, après les questions au Gouvernement.

Par ailleurs, la procédure d'examen simplifiée a été engagée sur la proposition relative aux centres de soins infirmiers gérés par la mutualité sociale agricole et le texte de la commission mixte paritaire du projet relatif aux animaux dangereux, textes inscrits à l'ordre du jour du matin du jeudi 19 novembre.

3 CALENDRIER DES TRAVAUX

M. le président.

La conférence des présidents propose à l'Assemblée de suspendre ses travaux, en application de l'article 28, alinéa 2, de la Constitution, du 27 décembre 1998 au 17 janvier 1999, du 21 au 28 février et du 11 au 25 avril 1999.

Je constate qu'il n'y a pas d'opposition.

Il en est ainsi décidé.

4

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Discussion des propositions de loi : de M. Jean-Pierre Michel ; de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues ; de M. Alain Bocquet et plusieurs de ses collègues ; de M. Guy Hascoët ; de M. Alain Tourret, relatives au pacte civil de solidarité (nos 1118, 1119, 1120, 1121 et 1122) : M. Jean-Pierre Michel, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1138.)


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M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 1143) ».

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures quarante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

ORDRE DU JOUR ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS (réunion du mardi 3 novembre 1998) L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 20 novembre 1998 inclus, a été ainsi fixé : Mardi 3 novembre 1998 : Le matin, à neuf heures : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078, 1111 à 1116) : Ville.

L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (nos 1106, 1148, 1147).

Discussion des propositions de loi relatives au pacte civil de solidarité (nos 1118, 1119, 1120, 1121, 1122, 1138, 1143).

Mercredi 4 novembre 1998 : Le matin, à neuf heures : Suite de la discussion de la deuxième partie du partie du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078, 1111 à 1116) : Logement.

L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement et le soir, à vingt et une heures : Aménagement du territoire.

Jeudi 5 novembre 1998 : Le matin, à neuf heures : Fonction publique, réforme de l'Etat et décentralisation.

L'après-midi, à quinze heures , et le soir, à vingt et une heures : Intérieur.

Vendredi 6 novembre 1998 : Le matin, à neuf heures : Anciens combattants.

L'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Défense.

Samedi 7 novembre 1998 : Le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Dimanche 8 novembre 1998 : Le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Suite de la discussion des propositions de la loi relatives au pacte civil de solidarité (nos 1118, 1119, 1120, 1121, 1122, 1138, 1143).

Lundi 9 novembre 1998 : Le matin, à dix heures : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078-1111 à 1116) : Tourisme.

L'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Solidarité et santé.

Mardi 10 novembre 1998 : Le matin, à neuf heures : Travail et emploi.

L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Explications de vote et vote, par scrutin public, sur les propositions de loi relatives au pacte civil de solidarité (nos 1118, 1119, 1120, 1121, 1122, 1138, 1143).

Suite de l'ordre du jour du matin.

Jeudi 12 novembre 1998 : Le matin, à neuf heures : Jeunesse et sports.

L'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Agriculture et pêche ; BAPSA.

Vendredi 13 novembre 1998 : Le matin, à neuf heures : Communication.

L'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Industrie, Poste et télécommunications.

Légion d'honneur et Ordre de la libération.

Justice.

Lundi 16 novembre 1998 : Le matin, à dix heures : Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat.

L'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Eventuellement, suite Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat.

Economie et finances : charges communes, services financiers, monnaies et médailles, comptes spéciaux du Trésor, taxes parafiscales ; commerce extérieur.

Articles non rattachés.

Mardi 17 novembre 1998 : Le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Suite des articles non rattachés.

Mercredi 18 novembre 1998 : Le matin, à neuf heures : Eventuellement, suite des articles non rattachés.

L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Explication de vote et vote par scrutin sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078, 1111 à 1116).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage (no 941).

Jeudi 19 novembre 1998 : Le matin, à neuf heures : Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à étendre aux centres de soins infirmiers gérés par la Mutualité sociale agricole la subvention prévue à l'article L. 162-32 du code de la sécurité sociale (no 766).

Eventuellement, discussion, sur rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux.

(Ces deux textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.)


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L'après-midi, à quinze heures : Discussion : de la proposition de loi instituant un médiateur des enfants (no 1144) ; de la proposition de loi organique relative à l'inéligibilité du médiateur des enfants (no 1145).

(Ces deux textes faisant l'objet d'une discussion générale commune.)

Discussion de la proposition de loi visant à interdire l'achat par les établissements scolaires et les collectivités locales des fou rnitures fabriquées par des enfants dans des pays où les droits de l'enfant ne sont pas respectés (no 1069).

Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux.

Vendredi 20 novembre 1998 : Le matin, à neuf heures : Discussion de la proposition de loi organique modifiant l'ordonnance no 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances (no 1151).

(Séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par l' Assemblée, en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution.) L'après-midi, à quinze heures : Suite de l'ordre du jour du matin.

(Ordre du jour complémentaire.)