page 08398page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

1. Pacte civil de solidarité. - Suite de la discussion d'une proposition de loi (p. 8399).

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) (p. 8399)

M.

Alain Tourret, Mme Bernadette Isaac-Sibille,

MM. Jean-Marie Le Guen, Philippe Houillon, Mme Nicole Bricq, M. le président,

MM. Jacques Kossowski, Charles de Courson, Jean-Pierre Blazy, Marc Laffineur, Mmes Yvette Benayoun-Nakache, Roselyne Bachelot-Narquin, M. le président,

MM. Christophe Caresche, Jacques Myard, Yann Galut, Eric Doligé, Alain Vidalies, Jacques Masdeu-Arus, Gérard Lindeperg, Jean-Jacques Guillet, Mme Marie-Françoise Clergeau,

M.

Jacques Pélissard.

Clôture de la discussion générale.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION (p. 8422)

M otion de renvoi en commission de M. Debré : MM. Patrick Devedjian, le président, Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois ; Jacques Floch, Pierre Lellouche, Bernard Perrut, Alain Clary, Mme Bernadette Isaac-Sibille, M. Guy Hascoët. - Rejet, par scrutin.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Fait personnel (p. 8442).

M. Jean-Claude Lenoir.

3. Ordre du jour des prochaines séances (p. 8442).


page précédente page 08399page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1 PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ Suite de la discussion d'une proposition de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité (no 1138).

Discussion générale (suite)

M. le président.

Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Je vais donner la parole est à M. Alain Tourret.

M. Louis Mexandeau.

Il n'y a pas de meilleure façon de commencer !

M. Maurice Leroy.

Heureusement que le vote n'intervient pas maintenant car les députés de la majorité sont peu nombreux !

M. le président.

Puis-je me permettre, avant que vous ne commenciez, monsieur Tourret, d'inviter les orateurs à respecter, dans la mesure du possible, leur temps de parole. Je sais que cinq minutes, c'est court, mais je leur demande de respecter cette durée.

Vous avez la parole, monsieur Tourret.

M. Alain Tourret.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, ministre de la justice, mes chers collègues, je suis donc le premier des barbares à s'exprimer.

M. Maurice Leroy.

Le premier... de la soirée !

M. Alain Tourret.

Etant député normand, je dirai le premier des Vikings.

M. Maurice Leroy.

Remettez un peu de calva !

M. Alain Tourret.

J'essaierai d'expliquer pourquoi les députés radicaux, que je représente ici, sont favorables à la proposition de loi sur le PACS.

Première observation : la société française n'est ni figée ni immuable et il appartient au Parlement de légiférer dès lors que les évolutions de cette société se sont cristallisées.

M. Jean-Yves Besselat.

Il faut épouser son temps !

M. Alain Tourret.

Cette notion de cristallisation était employée par un groupe de juristes pour signifier qu'à partir du moment où des faits s'accumulaient, le législateur devait intervenir.

M. Jacques Myard.

Il y a aussi les zoophiles !

M. Alain Tourret.

Comme stupidité, on ne peut mieux trouver.

Comment ne pas prendre en compte le fait que cinq millions de Français vivent en couple sans être mariés ?

M. Jean-Yves Besselat.

Et les autres 55 millions ?

M. Alain Tourret.

Comment ne pas prendre en compte le fait qu'un enfant sur trois naisse hors mariage ?

M. Maurice Leroy.

On va le savoir !

M. Jean-Yves Besselat.

Les deux tiers naissent de parents mariés !

M. Alain Tourret.

Comment ne pas prendre en compte le fait que des couples homosexuels existent et revendiquent des droits ?

M. Maurice Leroy.

Les députés de la majorité travaillent au carbone !

M. Alain Tourret.

Le pacte civil de solidarité n'est certes pas la réponse unique à tous les problèmes de solidarité et de société. Il reste beaucoup plus modeste et, à mon sens, ne mérite pas véritablement les passions qu'il déchaîne actuellement.

Comme Mme le garde des sceaux l'a fort bien souligné dans son discours de mardi, il apporte des solutions à des problèmes parfois cruciaux rencontrés par deux personnes non mariées mais ayant ensemble un projet de vie en commun, et il a pour but d'assurer une stabilité à ceux qui le signeront. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il est donc utile et comble à l'évidence un vide juridique, souligné par l'ensemble des juridictions françaises, tant par la cour d'appel de Paris, dans des arrêts sur le droit au bail devenus célèbres que, bien évidemment, par la Cour de cassation, qui a toujours refusé tous droits aux couples homosexuels.

M. Jacques Myard.

Ce ne sont pas des couples.

M. Alain Tourret.

Ainsi, le PACS crée un socle de référence et, par là même, un espace de liberté.

M. Christian Cabal.

Ah !

M. Alain Tourret.

J'étais personnellement persuadé qu'un certain nombre d'entre nous pouvaient se retrouver sur cet espace de liberté.

M. Christian Cabal.

Non !

M. Alain Tourret.

Cela n'a pas été possible, parce que les passions s'en sont mêlées.


page précédente page 08400page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

M. Jacques Myard.

Non, le bon sens !

M. Alain Tourret.

Et, même s'il y eut un moment où un grand nombre de grands responsables du parti conservateur,...

M. Maurice Leroy.

Des noms !

M. Alain Tourret.

... à commencer par M. Balladur, ont reconnu la nécessité de faire évoluer la société sur ce sujet, il n'en a pas été ainsi. C'est regrettable, mais c'est vous qui l'avez voulu.

M. Maurice Leroy.

Mais non !

M. Alain Tourret.

Le texte qui nous est soumis aujourd'hui est un texte à la fois de bon sens et de modération.

M. Christian Cabal.

Non !

M. Christian Jacob.

Allons donc !

M. Alain Tourret.

Il ne concerne qu'un petit nombre de droits.

Vous vous demandez sans doute pourquoi, dès lors, nous ne nous sommes pas bornés à proposer quelques modifications législatives. Parce que cela ne saurait être suffisant : toutes ces personnes, nombreuses, demandaient qu'il y ait, au-delà des modifications législatives nécessaires, un contrat solennel, ce que certains ont appelé un pacte, et ils ont eu raison.

Il nous faudra réfléchir ensemble sur deux ou trois problèmes et j'espère que nous en aurons l'occasion au cours de la discussion.

Il vous faudra, tout d'abord, nous mettre d'accord sur le lieu où le pacte devra être déposé. J'espère, pour ma part, que notre choix se portera sur le tribunal d'instance.

C'est, à mon sens, la seule bonne solution.

Notre réflexion devra également porter sur la rupture du PACS. J'étais, personnellement, totalement opposé au recours à la lettre recommandée...

M. Christian Cabal.

C'est trop cher.

M. Alain Tourret.

... parce que je voulais qu'il y ait une certaine solennité. Nous avons proposé un acte extrajudiciaire. Je pense que c'est une bonne solution. Cela donne en particulier date certaine et, vis-à-vis des tiers, c'est important.

M. Robert Lamy.

Il va falloir réinventer le divorce !

M. Alain Tourret.

Le divorce est un jugement. Cela n'a rien à voir avec un acte extrajudiciaire.

M. Jacques Myard.

C'est bien ça le problème !

M. le président.

Monsieur Tourret, ne vous laissez pas interrompre, parce qu'il vous faut conclure.

M. Alain Tourret.

Nous avons également discuté en commission du mode de régime de biens. Certains prônaient l'indivision, d'autres la séparation. La commission a tranché en faveur de la première. Une discussion intéressante pourra intervenir.

C'est le premier grand projet sociétal qui nous est soumis, madame le garde des sceaux.

M. Jacques Myard.

C'est un raté !

M. Robert Lamy.

On est mal partis !

M. Jacques Myard.

Renvoi en commission !

M. Alain Tourret.

Non, messieurs.

Nous devrons réfléchir pour aller plus loin (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) dans l'évolution du droit du divorce, dans l'évolution du droit de l'adoption,...

M. Robert Lamy.

Nous y voilà !

M. Alain Tourret.

... plus loin dans l'évolution du droit des régimes matrimoniaux et plus loin, enfin, dans la protection indispensable et nécessaire et de la famille et de l'enfant, car celui-ci est malheureusement trop souvent absent de nos discussions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Lellouche.

Il a dit quelque chose de juste à la fin !

M. le président.

La parole est à Mme Bernadette IsaacSibille.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les différents orateurs ont prouvé avec un grand talent que l'on peut être contre le PACS pour de multiples raisons : juridiques, fiscales, morales, mais aussi philosophiques.

L'engagement politique correspond à une certaine philosophie de la vie. Nous voulons chacun promouvoir un certain type de société, selon notre propre réflexion.

Nous sommes fiers de lire sur les frontons de nos édifices publics : liberté, égalité, fraternité.

M. Jacques Myard.

Bravo !

M me Bernadette Isaac-Sibille.

Mais, hélas, nous voyons que le PACS ne respecte pas cette devise.

En effet, la liberté, ce n'est pas faire ce que l'on veut, selon ses pulsions, ses désirs ou ses envies. C'est vouloir ce que l'on fait. L'exemple des héroïques victimes des dictatures de droite ou de gauche en porte témoignage. Elles ont voulu aller jusqu'au bout de leur idéal. Il ne peut donc pas y avoir liberté sans volonté d'exercer sa responsabilité.

Dans le mariage républicain, il y a prise de responsabilité de chacun envers l'autre. Les mots « mutuel » et

« ensemble » apparaissent dans chacun des articles du code civil. « Les époux se doivent mutuellement... », «

ils assurent ensemble... »

! A chacun des articles du code civil, nous retrouvons ces termes. Est-ce prendre en responsabilité son conjoint que de pouvoir le ou la répudier du jour au lendemain par simple lettre ?

M. Robert Lamy.

Bien sûr que non !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Que deviendront les enfants d'une première union, qui pourront avoir été confiés à l'un des pacsés, au moment de cette nouvelle séparation ? Se rend-on compte de la succession des chocs psychologiques pour ces enfants ? Que deviennent-t-ils ? Le mariage n'est pas un simple contrat, c'est une alliance. La preuve en est que, même s'ils signent un contrat chez un notaire, les postulants au mariage doivent passer aussi devant M. le maire pour sceller cette alliance républicaine.

Quelle qu'en soit la forme, liée à une coutume ou à une culture, la société a toujours pris en compte le mariage. C'est en effet le rôle de la loi de servir de référence pour la conduite d'une société dont le mariage assure la pérennité. Il est vrai qu'aujourd'hui, comme d'ailleurs autrefois, les moeurs ne sont pas ajustées aux lois.

Le Haut commissariat à la santé tire la sonnette d'alarme : il estime en effet que 35 % des enfants violents et délinquants sont des enfants qui n'ont plus aucune


page précédente page 08401page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

référence et ont des repères complètement brouillés. Pour notre jeunesse, le PACS ne fera qu'ajouter un embrouillamini légal supplémentaire à la confusion des relations affectives.

En tant que législateur, je souhaite que le mariage reste la référence de liberté, de responsabilité, et donc de bonheur, pour toute la jeunesse, dont nous sommes responsables.

M. Arthur Dehaine.

Très bien !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Ce n'est pas le PACS qui leur donnera les moyens du bonheur auquel tous aspirent en fondant une famille, première cellule d'apprentissage du bonheur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Nicole Bricq.

Vous semblez oublier les divorces !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen. Je l'invite à prendre exemple sur Mme IsaacSibille, qui a parlé moins de cinq minutes.

M. Robert Lamy.

Et qui a fait une très bonne intervention !

M. Jacques Myard.

Sans être interrompue !

M. Jean-Marie Le Guen.

Je vais essayer de suivre cet exemple, monsieur le président, mais je ne suis pas sûr d'y parvenir.

M. Pierre Lellouche.

Prenez votre temps, monsieur Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, il est certains textes qui nous interpellent plus que d'autres : ceux qui qualifient ou modifient le statut des relations entre les individus en font partie. Ils nous concernent tous et, au-delà, touchent à ce qui constitue le fondement de notre organisation sociale. La proposition qui vous est soumise aujourd'hui est de ces textes importants, fondamentaux.

Ce projet est l'aboutissement d'une longue démarche amorcée devant notre assemblée en 1992. A l'époque, nous avions été quelques députés à déposer une proposition de loi visant à créer un contrat d'union civile.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Tout à fait.

M. Jean-Marie Le Guen.

Je suis heureux que la réforme que nous avions initiée alors et que les espoirs que nous avions suscités puissent se concrétiser dorénavant dans le PACS.

M. Robert Lamy.

Il n'y a pas de quoi pavoiser !

M. Jean-Marie Le Guen.

Les adversaires du PACS lui opposent le mariage. C'est ignorer volontairement la spécificité des deux statuts. La finalité du mariage est évidemment d'ordre familial. Il marque l'union de deux lignées, pose la solidarité entre ascendants et descendants, l'ensemble étant consacré symboliquement par la fusion patronymique.

Rien de tel avec le PACS. Il n'introduit aucune disposition en termes de filiation ou d'adoption. En vérité, le PACS n'est pas un « sous-mariage », « un mariage au rabais », comme on a pu le lire ici ou là. Il est tout simplement d'une autre nature.

M. Pierre Lellouche.

C'est un mariage du troisième type.

M. Jean-Marie Le Guen.

Je veux saluer ceux d'entre vous qui refusent de se laisser enfermer dans une conception irréelle et surannée de la famille, ceux qui refusent la trop évidente homophobie qui a trop souvent cours,...

M. Patrice Martin-Lalande.

Pas du tout !

M. Jean-Marie Le Guen.

... ceux qui refusent l'opposition idéologique, les attitudes sectaires et caricaturales.

M. Pierre Lellouche.

Pas de caricature, monsieur Le Guen !

M. Christian Cabal.

Ça vous va bien de dire ça !

M. Robert Lamy.

Vous savez de quoi vous parlez !

M. Jean-Marie Le Guen.

Ceux-là nous demandent pourtant de ne pas légiférer globalement, nous suggérant de traiter les problèmes posés cas par cas.

M. Christian Cabal.

Eh oui !

M. Jean-Marie Le Guen.

Le PACS serait ainsi inutile, car il suffirait de quelques ajustements, au coup par coup, pour raffermir la situation des couples non mariés.

M. Robert Lamy.

Le PACS n'est pas seulement inutile, il est nuisible.

M. Jean-Marie Le Guen.

Mes chers collègues, il y a quelque incohérence à défendre aujourd'hui ce qu'on a toujours combattu.

M. Jacques Myard.

Risible !

M. Louis Guédon.

Votre position, mesdames, messieurs de l'opposition, serait plus crédible si vous ne vous étiez attachés à vous opposer ces dernières années à toute évolution de la situation des concubins ou des cohabitants.

M. Bernard Roman.

Très juste !

M. Jacques Myard.

Arrêtez vos sottises !

M. Robert Lamy.

Vous ne pouvez pas dire ça !

M. Bernard Roman.

Myard, à la manif !

M. Jean-Marie Le Guen.

Quand, en 1992, j'ai défendu, au nom du groupe socialiste, le principe de l'extension de la sécurité sociale aux cohabitants, qui en étaient démunis, vous vous y êtes opposés. (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Lorque j'ai proposé un amendement à un texte portant DMOS permettant le maintien dans les lieux du cohabitant survivant après le décès du tituaire du bail, vous l'avez refusé.

M. Maurice Leroy.

Non.

M. Jean-Marie Le Guen.

Vous avez décidément la mémoire bien courte ou alors très sélective.

M. Jacques Myard.

M. Le Guen est devenu pétainiste.

M. Jean-Marie Le Guen.

Selon vous, le PACS contribuerait à installer l'instabilité dans la société en dévalor isant le mariage. Votre argumentation, à mon avis, inverse l'ordre des propositions. Ce n'est pas le PACS qui dévalorise le mariage, mais c'est parce que de plus en plus de nos compatriotes font un autre choix que celui du mariage qu'il devient nécessaire de créer le PACS, pour recréer du lien social.

M. Bernard Roman.

Très juste !


page précédente page 08402page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

M. Robert Lamy.

Voilà qui est brillant.

M. Jacques Myard.

Billevesées !

M. Jean-Marie Le Guen.

Pour ma part, il me semble paradoxal de considérer qu'on crée l'instabilité en accordant un statut à ceux qui n'en ont pas. Je ne vois pas en quoi la précarité et le non-droit serait les garants de l'ordre.

Je vous rappelle, enfin, que toutes les clauses du PACS ne s'appliquent pas immédiatement. Je pense en particulier à l'imposition commune. Le PACS n'instaure donc pas l'instabilité. Il garantit plutôt la stabilité, ce qui traduit le souci d'écoute et d'équilibre dont nous avons fait preuve.

M. Jacques Myard.

Il a besoin d'un sonotone.

M. Robert Lamy.

Il n'a surtout pas lu le texte.

M. Jean-Marie Le Guen.

Mesdames et messieurs les députés, la liberté sexuelle est un des aspects de la liberté individuelle, qui relève strictement de la sphère privée.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Absolument !

M. Pierre Lellouche.

Justement, n'y touchez pas !

M. Robert Lamy.

Laissez les Français libres.

M. Jean-Marie Le Guen.

Notre proposition concerne de manière égale tous les couples, y compris les couples homosexuels. Depuis les années quatre-vingt et l'arrivée de la gauche au pouvoir, l'homosexualité n'est plus l'objet d'une discrimination.

M. Pierre Lellouche.

Laissez la sexualité être une affaire privée. Nous sommes pour sa privatisation !

M. Jean-Marie Le Guen.

Mais vivre son homosexualité au quotidien est toujours difficile.

M. Jacques Myard.

C'est de l'électoralisme !

M. Robert Lamy.

De la démagogie !

M. Jean-Marie Le Guen.

Quand, dans un couple, l'un est fonctionnaire et ne peut invoquer le rapprochement de conjoint pour retrouver l'être aimé, est-ce juste, est-ce humain ?

M. Jacques Myard.

Arrêtez !

M. Bernard Roman.

Myard, à la manif ! Avec le Front national ! C'est ta place !

M. Jean-Marie Le Guen.

Quand l'un des deux part, quelquefois définitivement, et que l'autre est rejeté hors de l'appartement commun, est-ce juste, est-ce humain ? Oui, cette loi est nécessaire, puisque vous avez systématiquement rejeté toute avancée.

Oui, c'est une loi d'égalité et de justice et j'oserai même dire de paix sociale. C'est notre honneur et notre fierté.

M. Robert Lamy.

On se demande si vous avez lu le texte !

M. Jean-Marie Le Guen.

Après le mariage, d'autres brandissent l'atteinte portée à la famille. Je crois qu'il y a là un mauvais procès, que je ne reprendrai pas ici.

M. Jacques Myard.

Il y a surtout un mauvais discours !

M. Robert Lamy.

Et un mauvais texte !

M. Jean-Marie Le Guen.

Je conclurai en formulant un espoir car ce qui caractérise le fond de votre argumentation, c'est un pessimisme fondamental...

M. Christian Cabal.

Pas du tout. C'est de l'optimisme !

M. Jean-Marie Le Guen.

... non seulement vis-à-vis de la société et des individus, mais également des institutions. Selon vous, le PACS affaibirait encore un peu plus le mariage.

M. Robert Lamy.

Ne prenez pas vos désirs pour des réalités !

M. Jean-Marie Le Guen.

Je ne le crois pas. Si vous aviez simplement confiance dans les valeurs que vous défendez, vous n'auriez pas ce type d'argumentation.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jacques Myard.

On ne ferait pas des sottises.

M. Jean-Marie Le Guen.

Dans nos sociétés, mes chers collègues, la solitude et l'isolement progressent. Je crois que le PACS peut contribuer à retisser des liens là où ils n'existent plus.

M. Robert Lamy.

Ce n'est pas vrai !

M. Jacques Myard.

C'est la meilleure !

M. Jean-Marie Le Guen.

J'aimerais vous faire part d'une expérience personnelle. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Robert Lamy.

Non, merci ! Pas d'exhibitionnisme !

M. le président.

Rapidement, monsieur Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen.

Ce sera ma conclusion, monsieur le président.

En 1992, au moment de l'initiative sur le contrat d'union sociale, j'ai reçu des courriers d'habitants de ma circonscription, comme d'autres en ont cité tout à l'heure. Je garde en mémoire l'une de ces lettres, particulièrement émouvante. Son auteur m'expliquait qu'il formait avec un ami une association particulière : l'un était handicapé physique, l'autre ce qu'on appelle un handicapé de la vie.

M. Robert Lamy.

C'est du Zola !

M. Christian Cabal.

L'aveugle et le paralytique !

M. Jean-Marie Le Guen.

Séparément, aucun n'aurait pu vivre. Ensemble, ils s'entraidaient ; ils ne désiraient rien d'autre qu'un cadre stable pour leur projet de vie.

Chacun de nous connaît des situations de détresse et de solitude...

M. Patrice Martin-Lalande.

Ce n'est pas une raison !

M. Jean-Marie Le Guen.

Je suis persuadé que le PACS, proposition d'avenir, saura les aider à vivre ensemble leur projet de vie.

M. Daniel Marcovitch.

Très bien ! Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Non !

M. Jean-Marie Le Guen.

En définitive, je ne sais si le vote de cette proposition de loi verra s'affronter le parti des modernes et celui des anciens (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

M. Bernard Roman.

Si !


page précédente page 08403page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

M. Jean-Marie Le Guen.

... le parti de ceux qui ont du coeur et celui de ceux qui en ont moins.

(Mêmes mouvements.)

M. Bernard Roman.

Eh, oui !

M. Pierre Lellouche.

Vous n'avez même plus le monopole de cela !

M. Jean-Marie Le Guen.

Mais il fera assurément le partage entre ceux qui veulent plus de justice, d'égalité et de solidarité, et ceux qui le refusent.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, si j'ai bien compris, sur le fond, globalement tout le monde est d'accord,...

M. Jacques Myard.

Sur le fait que le PACS est une bêtise !

M. Maurice Leroy.

Nous, nous sommes les méchants !

M. Philippe Houillon.

... je veux dire dans le pays. Car ici, manifestement, la majorité est en décalage avec le pays.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Oui, il existe des homosexuels. Et alors ? Personne ne leur conteste cette liberté. Oui, le concubinage hétérosexuel constitue une réalité sociale reconnue et, lorsqu'il y a des enfants, une forme de famille. Et tout le monde est évidemment d'accord pour combler si nécessaire telle ou telle lacune de la situation juridique fiscale ou sociale de cette famille-là.

En revanche, personne ou presque n'est d'accord pour consacrer, pour institutionnaliser le couple homosexuel.

Vous avez beau expliquer que le PACS est aussi fait pour les vieilles dames, il reste d'abord dans l'opinion, malgré tous vos efforts, une forme de mariage pour les homosexuels...

M. Yann Galut.

Toujours la même rengaine !

M. Bernard Roman.

C'est parce qu'ils sont fatigués !

M. Robert Lamy.

Et vous n'avez toujours pas compris !

M. Philippe Houillon.

... dont le lobby a porté ce projet, alors que paradoxalement ils risquent de peu l'utiliser de peur d'être fichés.

M. Jacques Myard.

La contradiction, c'est leur fort !

M. Bernard Roman.

C'est nous qui avons supprimé les fichiers !

M. le président.

Monsieur Roman, je vous en prie !

M. Philippe Houillon.

Contre l'intérêt général, vous avez cédé à la pression d'un groupuscule.

Madame la garde des sceaux, je veux vous croire sincère lorsque vous nous dites que vous refusez l'accueil et l'adoption d'enfants dans les foyers et les couples homosexuels. Sincère, mais pas lucide.

M. Jacques Myard.

Bravo !

M. Philippe Houillon.

Ecoutez ce qu'en a dit notre rapporteur lui-même.

M. Yann Galut.

Encore ?

M. Jacques Myard.

Très bien, monsieur le rapporteur !

M. Richard Cazenave.

C'est la vérité !

M. Philippe Houillon.

Regardez ce qui se passe en Suède. Nous en avons parlé tout à l'heure.

Mme Nicole Bricq.

Merci pour les Suédois, ils vont apprécier !

M. Philippe Houillon.

L'engrenage est irréversible ; or, pardonnez-moi, cet engrenage-là est celui de la décadence. Il n'y a pas de honte, madame la garde des sceaux, à refuser la décadence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Jacques Myard.

Il est normal que les socialistes se reconnaissent dans la décadence ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Philippe Houillon.

Et puis, quel mépris par la majorité des règles du jeu démocratique ! Une véritable gestion à la Robespierre. Alors que le règlement de notre assemblée imposait un délai d'un an, on a immédiatement redéposé un texte identique. Et très tranquillement, cela passe comme une lettre à la poste !

M. Robert Lamy.

C'est un scandale !

M. Philippe Houillon.

Et tout le monde a dû le signer ; chacun se débrouillera pour expliquer dans sa circonscription qu'il n'était pas vraiment d'accord, et que, d'ailleurs, s'il l'avait été, il serait venu voter la première fois...

M. Maurice Leroy.

Bien sûr !

M. Philippe Houillon.

Tout cela n'est pas très digne et, honnêtement, pour pas grand-chose.

Vous nous direz que si le texte passe,...

M. Bernard Roman.

Il passera !

M. Philippe Houillon.

... nous pourrons toujours saisir le Conseil constitutionnel.

M. Bernard Roman.

Vous le ferez !

M. Philippe Houillon.

A lire ce que je lis en ce moment, je me félicite d'au moins une chose : c'est que son président, issu de votre majorité, semble avoir une vision plus naturelle de la question. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépend ants, bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Je voterai évidemment contre ce texte, rejoignant le message donné tout à l'heure par des milliers de jeunes à Paris. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Bernard Roman.

Avec le Front !

M. Louis Mexandeau.

Triste sire ! Ignoble individu !

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq.

La société a profondément évolué.

Le nombre de divorces a fait ces dernières années un bond spectaculaire chez les jeunes couples.

M. Maurice Leroy.

C'est toujours la même intervention !


page précédente page 08404page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

M. Hervé Gaymard.

Les portes ouvertes sont toujours enfoncées !

Mme Nicole Bricq.

Et de nombreux couples hétérosexuels choisissent un mode de vie commune hors mariage.

Par ailleurs, si la vie sociale, du fait de l'évolution des moeurs, connaît les couples homosexuels, le droit quant à lui ne les reconnaît pas. De ce fait, avec les familles monoparentales, ils se retrouvent les plus fragilisés face aux aléas les plus graves de la vie.

On a fait souvent référence aux enquêtes et aux sondages. Ce n'est pas un hasard si les femmes, quand elles sont interrogées sur le PACS, se déclarent massivement favorables à cette évolution législative.

M. Robert Lamy.

Ou avez-vous vu ça ?

M. Hervé Gaymard.

Vous n'avez pas non plus le monopole des femmes !

Mme Nicole Bricq.

Et si Mme Bachelot n'a pas hésité à se singulariser au sein de son groupe parlementaire, c'est bien qu'elle a d'emblée compris qu'il s'agissait aujourd'hui de la même lutte qu'elle mène par ailleurs pour la reconnaissance des droits des femmes.

M. Robert Lamy.

Vous êtes vraiement sûre que ce sont des femmes qui veulent le PACS ?

Mme Nicole Bricq.

Il est intéressant, à l'occasion de ce débat de société, de se pencher sur les arguments utilisés par les opposants à cette évolution du droit. On trouve d'abord des arguments fortement teintés d'ordre moral, tels ceux que nous a présentés de manière outrancière

Mme Boutin.

M. Jacques Myard.

Nul !

Mme Nicole Bricq.

On a vu à quels excès cette révolution conservatrice a conduit la vie publique aux EtatsUnis.

M. Yann Galut.

Exactement !

Mme Nicole Bricq.

Heureusement est venue cette réaction positive de l'opinion, vérifiée à l'occasion de la consultation législative de la semaine dernière.

M. Bernard Roman.

Exactement !

M. Jacques Myard.

N'importe quoi !

M. Pierre Lellouche.

Vous mélangez tout !

M. Robert Lamy.

Votre argumentation est à pleurer !

Mme Nicole Bricq.

En réalité, ces arguments sont de même nature que ceux que nous avons entendus lors du débat sur la loi Neuwirth et, en 1974, sur la loi Veil qui reconnaissait aux femmes le droit de disposer enfin de leur corps. A chaque fois, c'est une attitude réactionnaire, au sens étymologique du terme, qui l'a emporté majoritairement dans le camp conservateur.

M. Louis Guédon.

C'est fou !

Mme Nicole Bricq.

Deuxième argument avancé, le PACS saperait la famille et le mariage. Si, comme je le crois, c'est l'enfant qui fait la famille, alors le texte donne toutes les garanties à ce sujet.

M. Pierre Lellouche.

Le mot enfant n'est même pas écrit dans le texte !

Mme Nicole Bricq.

En fait, cet argument n'est que le faux nez d'une déjà longue histoire.

M. Jacques Myard.

Qu'est-ce que Cyrano a à faire làdedans ?

M. Daniel Marcovitch.

Myard, va manifester avec le Front !

Mme Nicole Bricq.

Dès le XIXe siècle, les conservateurs ont toujours accusé les socialistes et d'une manière générale le camp progressiste de ne pas aimer la famille.

Animé de l'esprit des Lumières, ce camp du progrès a toujours défendu l'émancipation de l'homme en lui donnant la liberté de ses choix d'organisation de sa vie privée. Le camp progressiste s'est toujours battu pour la transformation de la société en ce sens.

Et cette aspiration ancienne trouve sa traduction contemporaine dans la montée de l'autonomie dans notre société et la recherche de choix diversifiés pour vivre tant sa vie de femme ou d'homme que sa vie de couple. Elle bouscule sans doute le confort intellectuel bourgeois...

M. Jean-Yves Besselat.

Et la gauche caviar ? Où estelle là-dedans ?

Mme Nicole Bricq.

... mais c'est l'honneur du législateur de la prendre en compte.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Absolument !

Mme Nicole Bricq.

Si nous ne le faisions pas, nous accroîtrions le risque de repli communautaire et d'exclusion.

Mme Boutin nous a abreuvés d'une revue de presse abondante. Sans doute n'avait-elle pas lu l'article de la philosophe Sabine Prokhis dans le journal Le Monde du 3 novembre. Il est vrai que la lecture de cet article requérait un effort intellectuel. (Vives exclamations et claquements de pupitres sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Hervé Gaymard.

Mais pour qui se prend-elle ?

M. Christian Cabal.

C'est stupide !

M. Pierre Lellouche.

Nous n'allons pas nous laisser insulter par elle, quand même !

Mme Nicole Bricq.

Mme Prokhis rappelait une évidence : il n'y a pas de famille idéale. Et une idée plus originale : la société invente toujours de nouvelles formes de vie sans pour autant qu'il n'y ait plus d'ordre. (Exclamations prolongées sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Seulement, celui-ci est toujours en mouvement. (Claquement de pupitres sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et indépendants.)

M. Robert Lamy.

Vous nous prenez pour des imbéciles ?

M. Pierre Lellouche.

Elle nous insulte, monsieur le président !

M. le président.

Personne n'a été cité, messieurs.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Mais si !

M. Bernard Roman.

Ils se sont reconnus !


page précédente page 08405page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

M. le président.

Par conséquent, ne vous sentez pas visés. Je demande à Mme Bricq de bien vouloir poursuivre et de conclure.

Mme Nicole Bricq.

Quant à l'argument honteux selon lequel un homosexuel serait incapable d'aller vers quelque chose qui est différent...

M. Louis Guédon.

C'est vous qui êtes honteuse !

Mme Nicole Bricq.

... nous savons bien, depuis des années, que tout homme porte en lui une part de féminité et que toute femme porte en elle une part de masculinité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jacques Myard.

Ça y est ! Comme les escargots, maintenant !

M. Pierre Lellouche.

C'est le cirque Pinder !

Mme Nicole Bricq.

Ainsi, et cela vous arrangerait, la droite protégerait les familles et la gauche serait l'avocate des homosexuels. Ce raisonnement simpliste ne correspond pas à la réalité. Et les esprits les plus éclairés de l'opposition, après avoir exprimé des opinions plus nuancées, se sont finalement laissé emporter par la partialité des extrêmes. C'est dommage pour le débat de société, c'est dommage pour le Parlement qui, une fois n'est pas coutume, a l'occasion de parler de la vraie vie.

M. Bernard Roman.

Très bien !

Mme Nicole Bricq.

Je note d'ailleurs une grande contradiction chez ceux qui se réclament du libéralisme, où l'individu doit se débrouiller avec le moins d'aides possible de l'Etat, et le refus de ce même camp libéral à reconnaître l'autonomie dans notre société.

M. Pierre Lellouche.

Quel raisonnement !

Mme Nicole Bricq.

Je vous invite, monsieur Lellouche, à relire Tocqueville. Cela ne devrait pas être trop dur pour vous !

M. Bernard Roman.

Il faudrait déjà qu'ils l'aient lu !

M. Christian Jacob.

Et cela, ce ne sont pas des insultes, monsieur le président ?

M. Louis Guédon.

Ce n'est qu'un tissu d'injures ! Inconséquent et inconsistant !

M. Jacques Myard.

Un peu de Valium !

Mme Nicole Bricq.

Il est un troisième type d'arguments, que je qualifierai de juridique. Il se résume dans la formule : « il n'y a pas lieu de légiférer » ou bien : « on pourrait faire autrement ». C'est nier que la jurisprudence bloque la reconnaissance du couple homosexuel, qui ne bénéficie pas des droits liés au concubinage. Cela montre bien que la véritable résistance à ce texte porte précisément sur cette reconnaissance. Il s'agit d'un nouveau type de croisade...

M. Christian Cabal.

Croisade ?

Mme Nicole Bricq.

... mais honteuse, celle-là, car elle n'avoue pas clairement son objectif.

M. Bernard Roman.

Très bien !

Mme Nicole Bricq.

Eh bien, nous, nous revendiquons cette reconnaissance.

M. Jean-Yves Besselat.

Quelle médiocrité ! C'est effrayant !

Mme Nicole Bricq.

Elle participe de ce long combat que j'évoquais plus haut, celui pour la liberté, la laïcité et la fraternité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Mes chers collègues, j'essaie un instant de me mettre à la place de celui qui parle...

M. Jacques Myard.

Ah non ! Pitié !

M. le président.

Les interruptions, qu'elles viennent d'un bord ou de l'autre, sont extrêmement désagréables.

Il me semble que ce débat mérite mieux.

M. Pierre Lellouche.

Dites-le à Mme Bricq !

M. Jacques Myard.

C'est une caricature !

M. le président.

Je vous invite à respecter les orateurs et à respecter les arguments qui sont développés, quels qu'ils soient.

Mme Christine Boutin.

Quand ils sont bons !

M. Maurice Leroy.

Pas les propos qui viennent d'être tenus !

M. Richard Cazenave.

Ce ne sont pas des arguments !

M. le président.

En définitive, chacun agira en conscience à la fin de ce débat.

La parole est à M. Jacques Kossowski.

M. Jacques Kossowski.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ne nous y trompons pas : la novation essentielle qu'apporte ce pacte civil de solidarité est la reconnaissance juridique d'une nouvelle définition du couple. En effet, dans l'esprit des partisans du PACS, le couple ne doit plus uniquement reposer sur un homme et une femme. Il peut être désormais composé de deux hommes ou de deux femmes.

M. Bernard Roman.

Tout à fait.

M. Jacques Kossowski.

Pour eux, il convient donc de mettre sur un pied d'égalité les couples homosexuels et les couples hétérosexuels, ces derniers n'étant plus qu'une des formes de ce que certains qualifient en langage politiquement correct de « nouvelle conjugalité ».

Pour ma part, je conteste fermement cette vision niant le principe biologique et la fonction de reproduction qui caractérisent le couple aux yeux des pouvoirs publics. La notion juridique de couple doit demeurer dans le cadre de la relation naturelle homme-femme.

Cette définition est la conséquence d'une des vocations essentielles de l'Etat : assurer la pérennité de la société et de son mode de civilisation en veillant notamment au bon renouvellement des générations.

Il faut rappeler que la France connaît une grave crise démographique, que seule une politique familiale ambitieuse est susceptible d'enrayer.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Ah ! Ah !

M. Jacques Myard.

Bravo !

M. Jacques Kossowski.

Soyons clairs, l'hétérosexualité n'intéresse pas l'Etat en tant que pratique sexuelle.

L'hétérosexualité est reconnue du seul fait qu'elle est susceptible d'engendrer la vie, ce qui n'est évidemment pas le cas de l'homosexualité.


page précédente page 08406page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

M. Jacques Myard.

Très bien !

M. Jacques Kossowski.

D'après l'historien Michel Rouche, professeur à la Sorbonne, il n'existe historiquement aucune société humaine qui ait reconnu dans ses modèles sociaux l'homosexualité et qui l'ait inscrite dans son droit, même dans la très permissive Rome impériale.

M. Jacques Myard.

Eh oui !

M. Jacques Kossowski.

Je considère qu'il n'est pas dans la logique des pouvoirs publics de donner un statut à deux êtres de sexe identique, même s'il peut exister entre eux un lien d'amour ou d'amitié. Ce lien affectif ne relève pas du code civil.

Les sentiments, aussi nobles soient-ils, concernent la sphère privée et non la sphère publique. La société n'a pas de raison légitime de les subventionner, notamment par des allégements fiscaux. Nous devons privilégier avant tout le modèle marital, celui dessiné par le code civil, et son corollaire, la famille.

Il convient aussi d'aider fiscalement, certes dans une moindre mesure que pour les personnes mariées, les couples hétérosexuels vivant en union libre et qui ont un ou plusieurs enfants à charge. Il n'y a pas besoin de créer le PACS pour y parvenir.

L'objectif essentiel de l'Etat est de tout mettre en oeuvre pour favoriser dans notre pays l'accueil et le respect de l'enfant.

En revanche, des aménagements législatifs étaient possibles pour les homosexuels vivant ensemble, afin de faciliter la transmission de leur patrimoine ou la continuation de leur bail. Grâce à des mesures simples, nous pouvions parfaitement régler des situations pénibles sur le plan humain.

M. Alfred Recours.

Vous ne l'avez pas fait !

M. Jacques Kossowski.

Autre question éthique importante qui apparaît en filigrane dans ce texte : celle de l'éventuel droit d'adoption pour les homosexuels ou le recours par eux à la procréation médicalement assistée.

Quoi qu'on en dise, la question se posera forcément à partir du moment où deux personnes de sexe identique formeront juridiquement un couple. Certains ne se priveront pas de réclamer légitimement une stricte égalité de droits qui passera aussi par une possibilité à terme d'accéder au mariage, suivant un aboutissement logique.

C'est bien d'ailleurs ce risque de dérapage qui a amené quelque 750 maires socialistes ou apparentés à signer une pétition en faveur du mariage républicain - source : Marianne du 2 au 8 novembre 1998.

D'ailleurs, de nombreux partisans du PACS ne dissimulent pas leur intention, notamment dans le domaine du droit à la filiation pour les couples homosexuels.

Ainsi, Mme Tasca déclarait le 28 mai dernier, lors de la présentation du rapport d'étape relatif au PACS : « Il n'ouvrira pas le droit à l'adoption, mais il faudra qu'un jour on en vienne à parler de l'adoption homosexuelle.

Nous préférons, dans un premier temps, ne pas essayer de soulever cette montagne, si nous voulons faire passer ce texte au plus vite. »

M. Arthur Dehaine.

Quel aveu !

M. Jacques Kossowski.

Quant à notre collègue JeanPierre Michel, il ne cesse de défendre un point de vue identique.

La stratégie est donc claire, même si, mardi dernier,

Mme Guigou a tenu des propos rassurants. Je sais, madame la garde des sceaux, que je ne vous intéresse pas, mais je vais continuer quand même. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Vous avez en effet affirmé devant la représentation nationale qu'un couple homosexuel n'avait pas de droit à avoir un enfant en dehors de la procréation naturelle.

Ce raisonnement ne tiendra pas longtemps. En effet, madame la garde des sceaux, comment allez-vous dire aux couples homosexuels masculins qu'ils n'ont aucun droit d'avoir des enfants alors que vous le reconnaissez de facto aux couples féminins pouvant procréer avec l'aide d'un tiers. Vous instituez une discrimination sexuelle. C'est pour cette raison que, tôt ou tard, même si vous vous en défendez, vous serez obligée d'aller plus loin.

Le PACS est donc bien une première étape vers un droit à la filiation pour tous les homosexuels. Les conséquences en seraient très néfastes pour l'éducation des enfants concernés, comme l'affirment de nombreux spécialistes.

Ainsi, d'après le philosophe Luc Ferry, « les enfants ont besoin de pouvoir disposer très tôt dans leur vie de ces deux grands repères que sont le masculin et le féminin ».

Ce double repère apparaît fondamental, ajoute-t-il.

Pour le professeur de psychiatrie Serge Lebovici, « la situation oediplienne reste un modèle essentiel au processus d'élaboration de l'individu ».

Je crois pour ma part qu'il est important qu'un enfant apprenne à être confronté à l'autre sexe. Cette dialectique lui est nécessaire pour se forger une identité et devenir un sujet en tant que tel.

Il est essentiel de conserver, au sein d'une famille, les deux piliers ancestraux de l'humanité que sont la féminité et la masculinité. Et dire cela n'est en rien « homophobe ». Votre texte va donc menacer gravement cet édifice millénaire qu'est la famille.

A une époque où tout devient fragile, atomisé, où les actes de délinquance juvénile se multiplient, la famille restait un point d'ancrage, une communauté de vie qui faisait le lien entre l'individu et la nation.

Cette cellule de base dans notre société, vous allez la désacraliser au nom d'une idéologie du progrès, vieille lune socialiste.

M. le président.

Pouvez-vous conclure ?

M. Jacques Kossowski.

Je termine.

M. Louis Guédon.

C'est très intéressant !

M. Jacques Kossowski.

Vous allez aussi rompre le plus sûr élément d'équilibre de la société française : la distinction de l'ordre public et de l'ordre privé.

Pour conclure, comme le faisait remarquer le professeur Jean Hausser, créateur du PIC, vous avez cédé « à des groupes de pression qui ne voient que leurs intérêts de boutiquiers et n'ont ni la compétence ni la largeur de vues nécessaires pour fabriquer des lois dans des domaines compliqués. Tout cela est de l'amateurisme. »

Sur un sujet de société aussi important, vous commettez une grave faute politique, dont vous ne maîtriserez pas les conséquences dramatiques.

Mes chers collègues, en votant ce texte, vous porterez une lourde responsabilité au regard de l'histoire de notre civilisation et de notre nation.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.


page précédente page 08407page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

M. Charles de Courson.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, aux arguments philosophiques, éthiques et sociaux, qui conduisent à rejeter le PACS, je voudrais ajouter un ensemble d'arguments d'ordre financier. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

En effet, on s'est peu intéressé à un problème simple : qui profitera du PACS ? Quel est le coût du PACS ? Qui financera le PACS ?

M. Jacques Myard.

Nous !

M. Charles de Courson.

La réponse à ces trois questions montre que ce projet est injuste.

En effet, le PACS profitera surtout aux riches, sera facteur de fraudes et se substituera partiellement au mariage.

M. Patrick Ollier.

Le PACS est injuste !

M. Charles de Courson.

Comme le note le rapporteur, le PACS ne profitera pas, en matière d'impôt sur le revenu, aux gens modestes, mais aux couples fortunés.

Prenons l'exemple de l'impôt sur le revenu. Un couple de « pacsistes » sans enfant dont l'un a 200 000 francs de revenus fiscaux et l'autre aucun revenu, aura une réduct ion de 43 % du montant de son impôt, soit 23 000 francs, de 54 000 à 31 000 francs ; alors que deux pacsistes qui gagnent le SMIC subiront une augmentat ion de leur impôt sur le revenu de l'ordre de 2 400 francs, soit 130 %. Aussi est-il paradoxal de voir une majorité de gauche qui se prétend, bien à tort, le défenseur des gens modestes proposer un texte qui profite avant tout aux gens aisés, voire riches. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Patrick Ollier.

La gauche cachemire !

M. Charles de Courson.

En deuxième lieu, le PACS encouragera la fraude fiscale.

Avez-vous réfléchi au problème suivant, mes chers collègues : le PACS est un contrat dont le contenu est à géométrie variable. Le PACS a minima se réduit à deux éléments : une aide mutuelle et matérielle, dont les modalités sont fixées par le contrat, et une solidarité à l'égar d des dettes contractées par l'un des deux contractants pour les besoins de la vie courante. Le PACS a maxima est un quasi-mariage. Pour cela, il suffit de mettre dans le c ontrat toutes les obligations du mariage : fidélité, communauté de vie, etc. Or le PACS accorde les mêmes avantages financiers à tous les pacsistes, quel que soit le contenu de leur PACS. Il incitera donc les pascistes à faire les PACS a minima, ce qui rendra quasiment impossible le contrôle par les services fiscaux de la réalité du PACS.

Prenons un exemple. Un jeune député célibataire (Rires et exclamations sur de nombreux bancs) qui conclurait un PACS a minima avec une étudiante sans revenus...

Un député du groupe socialiste.

Fais pas ça Amédée ! M. Charles de Courson ... dans le seul but de partager moitié, moitié, l'économie d'impôt, réduira son impôt sur le revenu de 24 000 francs, soit de 40 %.

M. Albert Facon.

Et s'il l'épousait ?

M. Charles de Courson.

Soit la différence entre l'imposition d'un député célibataire, 60 000 francs, et celui d'un député pacsiste dont la copacsiste n'a pas de revenu, 36 000 francs.

M. Jacques Myard.

C'est incroyable !

M. Charles de Courson.

De même, un riche grandoncle qui voudrait donner sa fortune à sa petite-nièce ou à un son petit-neveu conclura un PACS et transmettra ses biens avec des droits de succession très réduits.

Plus grave encore, le PACS se substituera partiellement au mariage. En effet, le PACS sera un cadre juridique concurrent de celui du mariage, au lieu de le conforter.

Pourquoi ? Tout simplement parce que les avantages en matière d'impôt sur le revenu du PACS sont identiques à ceux du mariage et ceux en matière de succession très proches pour les petites et moyennes successions alors que les devoirs des copacsistes peuvent être réduits à leur plus simple expression.

Le test grandeur nature a été réalisé, lorsque, fin 1995, j'ai été l'initiateur du rétablissement de l'égalité fiscale entre les couples concubins et les couples mariés. Quelles en ont été les conséquences ? Alors qu'il baissait continuellement, le nombre de mariages s'est redressé, passant de 256 000 en 1995 à 280 000 en 1996, puis à 284 000 en 1997.

(Applaudissements sur les bancs du groupe l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

Bravo !

M. Charles de Courson.

Les quatre cinquièmes de cette hausse de 30 000 mariages correspondent à des mariages avec légitimation d'enfants.

Et comme l'indique le vingt-septième rapport sur la situation démographique de la France présenté par l'actuel ministre de l'emploi et de la solidarité, c'est le changement de législation fiscale qui explique cette hausse. Ce n'est pas moi qui le dis, mais Mme Aubry, mes chers collègues.

(Ah ! sur les bancs du groupe socialiste.) Ainsi les avantages fiscaux donnés aux pacsistes en contrepartie d'engagements réduits sont disporportionnés au regard de l'équilibre existant entre les avantages fiscaux et les devoirs des couples mariés.

Deuxièmement, le coût du PACS est bien plus important qu'on pourrait le croire et il contribuera à la dégradation des finances publiques.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Le coût des deux avantages fiscaux principaux dont bénéficieront les pacsistes est évalué entre 6 et 7 milliards par la présidente de la commission des lois.

En fait, cette estimation est erronée. L'évaluation du coût du PACS nécessite de répondre à une première question : quel est le pourcentage de personnes susceptibles de passer un PACS qui en signeront un ? Selon que la proportion des concitoyens concernés qui signent un PACS est d'un tiers, des deux tiers ou la totalité, le coût sera de 3,6 ou 9 milliards.

Mais ce coût - et j'appelle votre attention sur la grave responsabilité que vous prenez - sera multiplié par trois avec l'extension des pensions de réversion.

M. Pierre Lellouche.

Eh oui !

M. Charles de Courson.

Car inéluctablement vous devrez donner aux copacsistes le bénéfice de la pension de réversion.

M. François Goulard.

Il a raison !

M. Charles de Courson.

Jamais vous ne pourrez refuser à des couples hétérosexuels, copacsistes, avec enfants, le bénéfice de cette pension de réversion que vous accordez


page précédente page 08408page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

aux couples mariés avec enfants ! Jamais ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mes chers collègues, savez-vous quel sera le coût de la pension de réversion ?

M. Alfred Recours.

Et l'amendement de Courson, combien il nous a coûté ?

M. Charles de Courson.

Au minimum 18 milliards, alors même que l'avenir des régimes de retraites est menacé.

M. Pierre Lellouche.

Très juste !

M. Charles de Courson.

Vous prenez là une énorme responsabilité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jacques Myard.

Ils s'en moquent ! Ils sont irresponsables !

M. Charles de Courson.

Enfin, mes chers collègues, qui paiera le PACS ? Le coût du PACS sera supporté par des majorations d'impôts car vous n'aurez pas le courage de réduire les dépenses à due concurrence et vous ne pourrez pas majorer les déficits publics.

Et qui paiera ? C'est très simple : les couples mariés et les vrais célibataires.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mais le coût du PACS n'apparaîtra pas tout de suite. Il ne sera supporté par le budget qu'à partir de 2002, voire 2003.

C'est assez habile, mes chers collègues, car ce sont vos successeurs qui assumeront les conséquences de vos actes, si le PACS est créé. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Jacques Myard.

C'est toujours la même chose avec la gauche !

M. Charles de Courson.

Parce que le PACS profitera aux riches et se substituera partiellement au mariage tout en étant facteur de fraudes et parce que le PACS contribuera à la dégradation des finances publiques et sera supporté par les couples mariés et les vrais célibataires, il faut voter contre le PACS.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, M. Lenoir, que je ne vois plus parmi nous ce soir, a prétendu à tort ce matin longuement, trop longuement, que les socialistes n'avaient pas pris d'engagement public sur le PACS avant les élections.

Je voudrais, mes chers collègues, vous démontrer le contraire rapidement.

C'est au cours de la convention nationale du Parti socialiste intitulé « Les acteurs de la démocratie », au mois de juin 1996 que nous avons retenu le principe du contrat d'union sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

C'est à la page 30 de la publication Vendredi, datée du 10 juin 1996, no 287, que je tiens à la disposition de M. Lenoir. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Robert Lamy.

Personne ne l'a lu !

M. le président.

Mes chers collègues, puis-je me permettre de vous faire remarquer que M. de Courson a été écouté dans un silence (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Jean-Yves Besselat.

Ce n'est pas la même chose !

M. le président.

... que justifiait sans doute l'intérêt des propositions qu'il vous faisait. Et j'aimerais qu'il en soit de même pour tout le monde.

Monsieur Blazy, poursuivez s'il vous plaît.

M. Jean-Pierre Blazy.

Mes chers collègues de l'opposition, cet engagement que nous avons pris publiquement il y a plus d'un an, nous allons le tenir.

M. Patrick Ollier. Hélas ! M. Jean-Pierre Blazy. Nous allons faire ce que nous avons dit et seulement ce que nous avons dit.

Q u'on le déplore ou non, il existe aujourd'hui deux sortes de couples : le couple institué qu'est le couple marié et le couple de fait qu'est le couple hors mariage.

Qu'on le veuille ou non, plus de deux millions de couples appartenant à tous les milieux sociaux ont ainsi fait le choix de construire leur projet commun de vie en dehors des liens du mariage.

M. Richard Cazenave. Arrêtez ! M. Jean-Pierre Blazy. Au total, ce sont aujourd'hui près de 5 millions de personnes qui sont concernées. Certaines d'entre elles, par la précarité d'une vie commune hors statut légal, doivent attirer notre attention. Cette précarité est vécue de manière douloureuse notamment par les couples homosexuels. Dans de nombreux cas, la tragédie du sida a mis en évidence la vulnérabilité du partenaire survivant qui, parfois, a accompagné pendant des années, jusqu'aux derniers instants, la vie de son partenaire.

Ceux qui condamnent le PACS redoutent en fait essentiellement que l'on institue un cadre légal au concubinage homosexuel. Cette opinion est fondée avant tout sur un préjugé d'essence religieuse qui considère l'homosexualité comme un comportement contre nature. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Robert Lamy.

Ça n'a rien n'a voir ! M. Jean-Pierre Blazy. C'était déjà l'argument avancé en 1982 par Jean Foyer lors du débat sur la dépénalisation de l'homosexualité.

M. Richard Cazenave. Arrêtez de caricaturer ! M. Jean-Pierre Blazy. Mme Boutin, au début du chapitre VI de son livre passionnel, affirme ni plus ni moins qu'avec le PACS, c'est « la civilisation européenne qui est menacée ». Ces propos sont à peine moins outranciers que ceux d'un Jean-Marie Le Pen (Vives protestations sur


page précédente page 08409page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) qui, dès 1984, affirmait que l'homosexualité conduit à la fin du monde.

M. Jacques Myard et M. Richard Cazenave. C'est scandaleux ! M. Robert Lamy. C'est grâce à lui que vous êtes là !

M. Maurice Leroy.

Vous avez signé un PACS avec lui !

M. Jean-Pierre Blazy.

Certains d'entre vous - je pense en particulier à Mme Boutin et à M. de Villiers - se font les porte-parole d'un courant intolérant de l'Eglise, qui n'est pas toute l'Eglise. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Richard Cazenave. Où sont les arguments ? M. Jean-Pierre Blazy. Voyez les prises de position de l'hebdomadaire La Vie ! Vous ne pouvez prétendre avoir ni le monopole du couple ni celui de la famille.

Je relisais le compte rendu des débats portant sur la loi autorisant l'IVG. Il y a près de vingt-cinq ans, vos prédécesseurs sur ces mêmes bancs intervenaient avec un esprit tout aussi nuancé. Hector Rolland parlait de

« génocide » et de « Saint-Barthélémy », Jacques Médecin dénonçait le « meurtre » et « l'arrêt de mort », sans oublier Michel Debré, plus modéré dans ses propos, mais pas moins résolu dans l'hostilité à l'IVG. M. Loïc Bouvard, qui n'est pas là ce soir, s'exclamait à l'époque :

« C'est la famille que nous sommes en train de miner ».

Mme Sylvia Bassot. Très bien ! M. Jean-Pierre Blazy. Sur de tels débats de société, hier comme aujourd'hui, ce sont les mêmes arguments, les mêmes confusions,...

M. Patrick Ollier. Evidemment, vous persévérez dans vos erreurs.

M. Jean-Pierre Blazy. ... les mêmes amalgames, les mêmes phantasmes et les mêmes peurs que l'on agite. Ce sont les mêmes combats d'arrière-garde. L'IVG n'a remis en cause ni la famille ni la société ! M. Pierre Lellouche. On n'a pas attendu les socialistes pour voter la loi Veil.

M. Jean-Pierre Blazy.

Or des millions de citoyens désirent avant tout pouvoir bâtir en commun un projet de vie.

M. Jean-Yves Besselat. C'est du baratin !

M. Jean-Pierre Blazy.

Ne pensez-vous pas, mes chers collègues, que notre devoir est de faire la loi sans fermer les yeux sur les tendances et les attentes d'une société laïque et respectueuse des libertés individuelles ? « Ce n'est pas à nous d'imposer une règle morale ou philosophique » : M. Bernard Pons, qui a voté l'IVG en 1974, s'exprimait ainsi.

M. Patrick Ollier.

Bernard Pons avait raison !

M. Jean-Pierre Blazy.

La reconnaissance d'une réalité quotidienne désormais banale est indispensable afin que ceux de nos concitoyens concernés puissent, dans de biens meilleures conditions, assumer une pleine citoyenneté et donner une plus grande stabilité à leur couple.

Il est plus que temps d'offrir aux couples qui ont fait le choix d'une union hors-mariage un cadre juridique nouveau, protecteur et adapté.

Le PACS n'est pas un mariage, il ne change pas la situation juridique des personnes sur des points essentiels tels que la procréation médicalement assistée ou l'adoption.

M. le président.

Monsieur Blazy, je vous demande de conclure.

M. Jean-Pierre Blazy.

Je vais conclure, monsieur le président, mais j'ai été interrompu à de nombreuses reprises.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la d émocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Concernant la famille, qui relève d'un tout autre débat, Mme la garde des sceaux a confié à Mme Dekeuweer-Defossez, expert en droit familial, le soin de lui faire des propositions pour le mois de juillet 1999.

On le voit bien, le type de dispositif que nous proposons aujourd'hui concerne tout le monde, il semble donc indispensable de donner au PACS une large portée, conformément à la tradition républicaine qui refuse d'appréhender l'individu à travers une communauté.

M. Robert Lamy.

Vous ne croyez pas ce que vous dites !

M. Jean-Pierre Blazy.

Il est donc exclu de se doter d'une législation spécifique, comme dans certains pays scandinaves, pour l'enregistrement des couples homosexuels.

Le PACS est essentiellement un progrès social. Cette avancée apporte une stabilité juridique nécessaire à un engagement durable entre deux personnes.

Cette avancée repose sur la solidarité, le respect de la liberté personnelle et la neutralité de l'Etat, notamment à l'égard de la nature des relations sexuelles qui relève de la conscience de chaque individu.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

En conclusion, mes chers collègues, je voudrais dire que dans une société qui exclut encore, où le lien social se délite, où la famille éclate, où ce qui nous est étranger est quasi systématiquement mal perçu voire méprisé, il nous paraît indispensable que les législateurs favorisent l'essentiel : la liberté pour l'individu d'assurer et d'assumer ses choix de vie et notamment de vie amoureuse.

Notre société y aspire. Elle en a besoin. Un Etat démocratique, laïque et républicain doit pouvoir y répondre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur.

Madame la garde des sceaux, ce texte est inopportun, parce qu'il est inutile, inéquitable et dangereux.

Il est inutile parce que l'union libre ne soulève aucune difficulté qui ne puisse être réglée par un acte notarié. Les concubins bénéficient déjà du statut d'ayants droit social et d'un droit à reprise de bail. Quelques modifications a uraient sans doute été nécessaires, notamment en matière fiscale. Mais la loi de finances aurait permis de les régler. La seule justification de ce texte est donc bien de donner un ersatz de mariage aux homosexuels. Vous avez essayé d'« habiller » cette proposition, mais la réalité est là, et le rapporteur d'ailleurs l'a reconnu spontanément.

Vivre en concubinage, hétérosexuel ou homosexuel, est un choix que je respecte, mais ce choix a un prix. Il n'est pas raisonnable de vouloir accorder à ces couples les


page précédente page 08410page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

mêmes avantages financiers qu'aux couples mariés dès lors qu'ils n'ont ni les mêmes engagements ni les mêmes devoirs vis-à-vis des enfants ou du partenaire.

Ce texte est inéquitable puisque le PACS peut être résilié du jour au lendemain par simple déclaration. Les plus faibles en paieront les conséquences, le partenaire le plus vulnérable ou les enfants seront encore sacrifiés.

Ce texte est, enfin, dangereux. D'abord parce qu'en le présentant dans la précipitation, en plein milieu du débat sur le budget, vous voulez monter les Français les uns contre les autres. Ensuite, comme l'a très bien dit Charles-Amédée de Courson, parce qu'il va entraîner des fraudes fiscales ; certains couples concluront un PACS uniquement pour détourner de l'argent public, par le biais de réduction d'impôts. Enfin, tout comme il existe des mariages blancs, des PACS blancs seront signés simplement pour pouvoir bénéficier d'une carte de séjour.

Mais ce qui fait le plus peur - nous en avons déjà longuement débattu - c'est l'impossibilité dans laquelle vous allez vous trouver, bien que vous vous en défendiez, d'échapper à la possibilité d'adoption pour des couples homosexuels - M. le rapporteur a d'ailleurs reconnu qu'il s'agirait d'une étape.

Telles sont les raisons pour lesquelles, avec le groupe Démocratie libérale et Indépendants, je voterai contre ce texte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les députés, nous allons arriver enfin au vrai débat après les mauvais épisodes de procédure qui, contrairement aux fausses espérances de certains et de certaines d'ailleurs, revient aujourd'hui avec encore plus de force et nous a permis, depuis ce fameux vendredi, un vrai échange, un vrai dialogue dans nos circonscriptions respectives.

M esdames, messieurs de l'opposition, soyez-en remerciés.

M. Maurice Leroy.

De rien !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Ceux qui ont un peu de mémoire se souviennent des débats sur le droit de vote des femmes, sur la pilule abortive, sur le droit à l'avortement (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République)...

M. Jean-Louis Debré.

De Gaulle ! Chirac !

M. Franck Borotra.

Neuwirth ! Veil !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

... ou sur la peine de mort.

Tout ce qui touche aux moeurs, aux valeurs, et finalement à une certaine vision du monde et de l'homme, a toujours suscité maints débats, et c'est bien naturel. Car,

« quand le vieux meurt et que le neuf hésite à naître », comme dit Antonio Gramsci pour définir ce moment que l'on appelle une crise, les différentes conceptions du monde en présence ne peuvent pas ne pas s'opposer.

Le pacte civil de solidarité ne peut échapper à cette règle, et le débat en cours est très révélateur de l'état de l'opinion et de la classe politique à l'égard de certains faits socioculturels problématiques.

Donner à cette loi une portée uniquement sexuelle est une aberration complète, et il n'est même pas utile de discuter. Il n'est en outre question ni d'adoption, ni de mariage, ni de quoi que soit d'autre touchant à l'ordre symbolique des représentations sexuelles traditionnelles.

L'objectif est tout autre, et même si, comme pour la peine de mort, l'euthanasie ou les dons d'organes, il représente un véritable enjeu de civilisation, il est aussi plus simple.

Il est fondé sur le constat que cinq millions de personnes vivent à deux sous le même toit, mais sans droits : deux frères, deux soeurs, un frère et une soeur, deux amis, deux personnes simplement qui, pour des raisons de convenance personnelle, d'amitié ou de relation amoureuse, ont une vie commune et, par conséquent, ont droit à des garanties juridiques élémentaires.

C'est là le seul ressort de ce texte, qui ne vise qu'à mettre de l'ordre juridique dans un état de fait, et qui se soucie surtout de ne pas léser cinq millions de personnes de droits tout à fait communs. Qu'il s'agisse du logement ou des droits de succession, ces foyers ont, comme n'importe quel autre foyer, besoin de quelques garanties élémentaires, que le PACS leur donnera enfin.

Que certains, la droite, les différents clergés, se fassent les gardiens des valeurs qui sont les leurs est naturel, et je dirai même que c'est sain. Ils sont dans leur rôle et, en affirmant leur différence, ils contribuent à ce qu'un débat démocratique, c'est-à-dire contradictoire, s'instaure.

Je pense en revanche que leur point de vue est faussé par une vision tout à fait restrictive, et sans doute quelque peu dépassée, de la question.

M. Jean-Yves Besselat.

Je ne pense pas !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Crier haro sur le PACS, déplorer la fin de la famille, la fin du mariage ou la décadence homosexuelle ne contribue qu'à tromper la population sur les enjeux véritables de ce débat.

Madame la ministre, je soutiens de toutes mes forces cet extraordinaire projet de loi (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Proposition !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

... et, je le répète à nouveau, nous ne vous avons pas lâchée. Nous sommes là et bien là, ici et maintenant.

Quant à vous, mesdames, messieurs les députés de droite, du fait de cette péripétie, vous nous avez, certes, fait épingler par toutes celles et tous ceux qui attendent le PACS,...

M. Charles Cova.

Qui vous dit qu'ils sont majoritaires ?

M. Richard Cazenave.

Et ceux qui n'en veulent pas ?

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

... mais cela aura eu le mérite de mettre au jour la force citoyenne qui nous pousse, celle des femmes et des hommes qui font évoluer notre société et les lois qui la régissent.

M. Robert Lamy.

Ils ne veulent pas du PACS !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Ce sont ceux qui, aujourd'hui, vont vous juger ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Charles Cova.

Vous faites de l'intox !


page précédente page 08411page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

M. le président.

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, c'est l'honneur d'un parlementaire de voter selon sa conscience, et c'est l'honneur d'un groupe parlementaire d'accepter les différences.

M. Jacques Myard.

Très bien !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Alors que, seule du groupe du Rassemblement pour la République, je m'apprête à voter le pacte civil de solidarité, je veux dire très simplement ma fierté d'appartenir au RPR et à son groupe parlementaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Je veux remercier Philippe Séguin et Jean-Louis Debré de m'avoir proposé de m'exprimer en toute liberté ; je ne sais pas s'il est beaucoup d'autres formations qui en auraient fait autant. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Oui, il est utile qu'existe dans notre droit une structure de compagnonnage, impliquant une solidarité globale entre deux personnes qui ont choisi de vivre ensemble.

Eclatement et rétrécissement des familles, allongement de la durée de la vie, affaiblissement des solidarités de voisinage, refus du mariage par certains jeunes parents, volonté d'homosexuels d'inscrire leurs relations dans un cadre stable, qui de nous ne connaît de telles situations ? Qui de nous n'a repéré ce besoin d'un cadre protecteur que ressentent deux personnes qui vivent ensemble ? C'est le sens de la réflexion que j'ai menée au cours de ces dernières années et du cadre normatif que je souhaite voir dans ce nouveau statut.

Ce contrat, tout d'abord, doit être clairement distinct du mariage. Il est paradoxal d'entendre certains craindre une parodie du mariage pour regretter, ensuite, que ce contrat ne présente pas les mêmes contraintes.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Très juste !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Le mariage est à respecter et à protéger dans sa dimension symbolique unique. Il est, je le redis avec force, la structure la mieux adaptée à l'accueil des enfants, car il inscrit le couple parental dans la durée et il établit la filiation non seulement avec le père et avec la mère, mais aussi avec la famille paternelle et maternelle.

M. François Goulard et M. Patrick Ollier.

Très bien !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Mais le moindre avantage de notre débat n'aura pas été de nous conduire à nous interroger sur le sens du mariage républicain, qui ne saurait se résumer à la procréation, ni simplement à resituer l'individu comme sujet de droit dans un couple puisque - et c'est heureux - nous n'utilisons plus nos enfants comme objet de troc ou comme objet de pouvoir quand ils se marient.

M. Alain Néri.

Très bien !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Nous serions plus sereins pour discuter si nous n'avions pas, collectivement, laissé le mariage républicain perdre sa substance.

M. Alain Néri.

Tout à fait !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Il nous faut, comme le proposait Georges Duby, retrouver dans le mariage l'image de notre propre perfection et, ainsi, bien des questions ne se poseront même plus.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

C'est autre chose que Mme Boutin !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

J'en viens tout naturellement à mon deuxième concept fondateur. Cette structure nouvelle n'est pas, en tant que telle, un lieu d'accueil de l'enfant. Il est également paradoxal d'entendre dénoncer une dérive ultérieure vers un droit à l'adoption ou à la procréation médicalement assistée, et regretter que le statut de l'enfant ne soit pas prévu dans le nouveau contrat ; pour cause ! Cependant, les enfants qui pourraient naître de parents compagnons entre eux ou avec d'autres auront les droits inaliénables qui leur sont reconnus, et qui sont les droits de tous les enfants nés de parents concubins ou mariés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) , ni plus, ni moins, et les parents qui les auront conçus auront vis-à-vis d'eux les mêmes devoirs de prise en charge matérielle et morale, ni moins, ni plus.

Mais ce statut du compagnonnage ne peut-être l'addition de mesures éparses, comme je l'entends avancer parfois. Il doit refléter une vision large de solidarité. On peut partager un appartement avec un ami ou souhaiter faire hériter un proche sans, pour autant, prendre un engagement d'entraide vis-à-vis de lui. Se pose alors une autre question : faut-il donner aux contractants des droits f iscaux, sociaux et successoraux, puisque ces droits seraient le corollaire de services rendus à la société ? J'affirme que ces droits sont légitimes puisque, durant la durée du pacte, l'engagement d'entraide supplée et remplace tout ou partie des dispositifs sophitiqués de notre protection sociale. Il y a donc bien service rendu.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Le texte qui nous est proposé aujourd'hui est certes perfectible - ô combien ! -, il mérite d'être éclairé, approfondi et prolongé, mais il correspond aux critères que j'avais fixés : une entité nouvelle de solidarité, large, nettement différente du mariage, et ne constituant pas une structure d'accueil de l'enfant.

M. Alain Néri.

Très bien !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Enfin, pour lever toute ambiguïté, je tiens à répondre à cette question : le pacte de solidarité a-t-il pour origine une revendication portée par des associations homosexuelles ? Eh bien oui ! Mais qui mieux que les homosexuels pouvait, à partir d'une expérience de solitude, de rejet et de mépris faire le diagnostic des difficultés qui rongent notre société ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yann Galut.

Quel courage !

M me Roselyne Bachelot-Narquin.

Ils et elles ne veulent ni le dégoût des saintes nitouches ni la commisération des dames patronesses. (Murmures sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Très bien !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Cela a été l'honneur de ces associations de faire des propositions qui refusaient les solutions communautaristes, forcément stigmatisantes, pour bâtir un projet où chacun et chacune d'entre nous pourra se retrouver, avec ses enfants, ses parents, à un moment où un autre de sa vie, car finalement nous ne reconnaissons ici qu'une communauté : la République.

(Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Plusieurs députés du groupe socialiste se lèvent et continuent d'applaudir. - Mme la garde des sceaux applaudit.)


page précédente page 08412page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

M. Philippe Séguin et M. François Goulard.

Très bien !

M me Yvette Benayoun-Nakache.

Bravo, madame Bachelot ! Ça, c'est une femme !

M. le président.

Il n'est pas dans la tradition de la présidence de sortir de sa neutralité mais, madame Bachelot, vous avez récemment dit que vous auriez souhaité être ici, dans le passé, pour voter certaines lois ; pour ma part, je me réjouis d'être aujourd'hui à la place où je suis.

(Murmures sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Michel Couve.

C'est scandaleux !

M. le président.

La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis heureux, bien évidemment, d'intervenir après Mme Bachelot, qui a montré qu'un débat serein et sérieux est possible sur cette question, et je veux saluer sa prise de position courageuse, qui fait effectivement honneur à notre assemblée.

M. Patrick Ollier.

Ce n'est pas à vous de lui rendre hommage !

M. Christophe Caresche.

Je voudrais revenir sur la reconnaissance de l'homosexualité.

On ne peut nier que le PACS marque une avancée symbolique dans ce domaine. Le nierait-on, d'ailleurs, qu'on ne comprendrait pas pourquoi cette proposition suscite autant le débat et la passion, pourquoi, ici même, son examen constitue un moment de cristallisation.

Le PACS est né en effet, cela a été rappelé par les rapporteurs, d'une renvendication de la communauté homosexuelle. Comment faut-il comprendre cette revendicat ion ? S'agit-il d'une volonté de différenciation, d'affirmation d'un particularisme ? Ou s'agit-il de la volonté d'être mieux compris, mieux accepté par la société française ? Il me semble que l'évolution récente des homosexuels et des mouvements qui les représentent, même s'ils sont divers, plaident pour la deuxième interprétation.

Que nous disent-ils ? Nous voulons être reconnus par la communauté nationale, pour nous sentir membres à part entière de cette communauté. Il suffisait de lire l'article de Dominique Fernandez paru cet été pour comprendre qu'on était loin, et même à l'opposé, du discours sur le désordre amoureux, et donc sur le désordre social, qui semble tant inquiéter certains sur les bancs de l'opposition.

M. Jacques Myard.

Ce n'est pas le problème !

M. Christophe Caresche.

Cette revendication, posée en termes d'intégration et de citoyenneté, correspond à une évolution récente et importante, qu'il nous faut bien mesurer.

Il est probable qu'il y a vingt ans les homosexuels ne se seraient pas mobilisés de la même façon pour soutenir le PACS.

C ette évolution est liée, bien évidemment, aux épreuves qu'a connues cette communauté. Mais elle est aussi liée à un mouvement plus général qui a touché l'ensemble des communautés ces dernières années : celles-ci veulent vivre leur particularisme en harmonie avec la communauté nationale, et non en contradiction avec elle.

Doit-on rejeter cette revendication, au risque d'affaiblir fortement le modèle d'intégration républicain qui est le nôtre et de rejeter, comme l'a dit Georges Sarre, les homosexuels dans le communautarisme ? Ou doit-on y répondre positivement, comme nous le faisons avec le PACS, afin que nous vivions tous dans l'acceptation de l'autre ? Certains nous disent que nous aurions pu faire autrement. Précisément non ! Faire autrement, c'eût été ne pas assumer la dimension symbolique de ce projet. Or nous l'assumons.

Nous l'assumons dans un cadre universel, républicain, qui intéresse les hétérosexuels comme les homosexuels, dans l'esprit de la logique d'intégration que j'ai évoquée.

Nous le faisons dans le respect de la famille et des liens essentiels entre l'enfant et ses parents, qui ne sont nullement remis en cause par ce texte.

Je suis certain, pour ma part, que, loin de déstructurer la société, le PACS contribuera au renforcement de sa cohésion.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard.

Madame la ministre, vos laborieuses et vaines explications pour faire croire que le PACS est une avancée sociale n'ont convaincu personne, et sans doute pas vous-même. J'ai le sentiment que vous avez fait vôtre le fameux mot d'Edouard Herriot : « Il faut bien que je les suive puisque je suis leur chef. »

Quel est donc l'objectif de votre projet ? Cela a été dit - merci, monsieur Michel, de votre franchise -, c'est la reconnaissance par la société de l'union des homosexuels.

C'est cela que nous combattrons, et j'irai pour ma part jusqu'au bout.

Les choses sont claires : personne ici, sur ces bancs, ne montrera du doigt des pratiques sexuelles privées. Chacun est libre de ses choix. Ils relèvent totalement de la vie privée, et d'elle seule. Mais que la société reconnaisse ces pratiques et leur confère un statut, et l'on prend un risque très grave, celui de l'immixtion de l'Etat dans la sphère privée.

Les fondements anthropologiques de notre société sont constitués de deux piliers : la différence des sexes et la différence des générations, qui ensemble constituent la famille. Tous les anthropologues, tous les ethnologues ont mis en évidence cette stucture fondamentale que constitue la famille. Et Lévi-Strauss, dans un article célèbre paru en 1956, a parfaitement défini la famille comme une union entre un homme et une femme, plus ou moins durable et socialement approuvée, en vue de la procréation et de l'éducation des enfants.

La reconnaissance sociale de la famille par le mariage ne porte pas simplement sur la reconnaissance du couple mais sur celle des enfants. Elle assure la protection de ses membres : protection de l'enfant, d'abord, et protection du conjoint, ensuite.

Car nous savons tous que la famille est irremplaçable, qu'elle contribue au lien social et à la cohésion de la société. Elle est l'entité stable grâce à laquelle la nation peut perdurer.

Tous les services rendus à la société par la famille sont la contrepartie des avantages liés au mariage, et c'est là l'équation de base.


page précédente page 08413page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

Quant au PACS, il ressortit à une autre démarche, à sens unique, qui consiste à retirer le maximum de droits sans être soumis à l'obligation de la solidarité sociale ou, comme l'affirme Evelyne Sullerot : « pour le meilleur et sans le pire » ! Le PACS est la manifestation extrême d'une société que nos sociologues qualifient de « postmoderne », une société qui pose en primat absolu l'individu, fût-ce au détriment du plus faible, fût-ce au détriment de la collectivité tout entière.

Nous le savons, la société se construit et continuera de se construire sur l'altérité, donnée immuable de la nature.

Les relations entre deux êtres ne justifient pas tout et ne sont pas d'emblée sujets de droits. L'Etat n'a pas à reconnaître les liens affectifs entre deux individus quels qu'ils soient, il doit s'en désintéresser.

Le PACS est malheureusement le produit du discours pseudo-libérateur et triomphant de l'individu tout-puissant contre la société, l'ordre institutionnel et symbolique.

Il est poussé en avant par une génération révolue, celle de 1968, qui, après avoir revendiqué une sexualité libérée et indifférenciée, revendique aujourd'hui la sexualité subventionnée.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Le PACS accroît la confusion au sein d'une jeunesse en quête de sens. Notre jeunesse aspire à davantage de repères que vous ne lui en donnez. Elle attend du législateur des choix clairs pour son avenir, et non un message de désenchantement, qui est la défaite de la pensée.

M. Robert Lamy.

Bravo !

M. Jacques Myard.

Le PACS, c'est un coup bas porté aux familles et à la société ; il traduit une véritable confusion mentale rare.

Madame la ministre, vous lisez, je crois, un livre intitulé Avec le temps.

Eh bien, prenez un peu de temps, et retirez ce texte, sinon, vous entrerez dans l'histoire comme la ministre de l'antisocial et de l'antijustice.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Yann Galut.

M. Yann Galut. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je ne peux commencer mon intervention sans dire l'émotion qui m'a saisi, en tant que jeune parlementaire, en entendant la leçon de démocratie que nous venons de recevoir de l'une de nos collègues.

En effet, si de nombreuses caricatures ont émaillé ce débat et si de nombreuses interventions, préparées à l'avance, étaient purement politiciennes, vous venez, madame, de redonner des lettres de noblesse au Parlement. Je vous en remercie.

M. Patrick Devedjian.

Faites donc la même chose au PS !

M. Jean-Yves Besselat.

Soyez aussi libres !

M. Charles Cova.

C'est un peu démago !

M. Yann Galut.

Mes chers collègues, intervention après intervention, la droite ne nous oppose qu'un seul argument pour refuser ce texte : le PACS serait un mariage pour les homosexuels.

M. Charles Cova C'est Jean-Pierre Michel lui-même le dit !

M. Yann Galut.

Vous l'avez brandi avant même que la discussion ne soit entamée à l'Assemblée nationale.

Le débat a été quelque peu évacué dans la société.

Nous vous avons en effet coupé l'herbe sous le pied pendant un certain temps en décidant que le PACS ne serait pas signé à la mairie.

M. Jean-Yves Besselat.

Demandez aux Français !

M. Yann Galut.

Maintenant, vous nous parlez de choses qui ne sont pas dans le PACS, tout simplement parce que vous n'avez pas lu ce texte. Vous refusez de lire ce texte.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

Où est-il question d'adoption dans ce texte ? Où est-il question de procréation médicalement assistée ? Vous êtes en plein fantasme ! Vous rêvez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations et claquements de pupitres sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Pourquoi n'y a-t-il rien de tout cela dans ce texte ? Tout simplement, Mme Guigou l'a employé lors de sa première intervention, parce que dans notre société, il n'y a pas de droit à l'enfant, il y a un droit de l'enfant. C'est ce qui fait la différence fondamentale entre le mariage et le PACS ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert).

M. Jacques Myard.

C'est ce que nous disons !

M. Yann Galut.

Alors, pourquoi êtes-vous opposés au PACS ?

M. Jacques Myard.

Bonne question !

M. Yann Galut.

Tout simplement parce que vous êtes c ontre le pacte qui pourrait lier des homosexuels.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. -

« Absolument ! » sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) D'ailleurs, madame Boutin, vous le dites très bien, vous allez jusqu'au bout de votre logique - et on peut vous reconnaître, à vous aussi, un certain courage politique ; vous êtes homophobe, tout simplement ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Mme Christine Boutin.

Non !

M. Patrick Ollier.

Vous êtes ridicule !

M. François Vannson.

Qu'on lui donne une pension d'adulte handicapé !

M. Yann Galut.

Nous ne pensons pas, quant à nous, mes chers collègues, que l'homosexualité soit une tare congénitale. Nous ne pensons pas non plus que les homosexuels souffrent et que nous leur devons pardon et repentance.

M. Christian Estrosi.

Il est obsédé.

M. Yann Galut.

Vous avez un discours moralisateur.

Les dérapages de cet après-midi ont montré comment vous traitez ces concitoyens.

M. Jacques Myard.

Nous ne les traitons pas, voilà la différence !

M. le président.

Monsieur Myard, puis-je me permettre de vous faire remarquer que vous avez été écouté dans un silence relatif ? (Sourires.)

Je souhaiterais qu'il en


page précédente page 08414page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

soit de même pour M. Yann Galut, si ce n'est pas trop vous demander, pour la dignité au Parlement.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

Monsieur Galut, je vous en prie, poursuivez.

M. Yann Galut.

Pourquoi se fonder sur la morale ? Je m'inquiète, en tant que député de la République mais aussi en tant que citoyen, de cette dérive au sein même de notre assemblée.

Non ! les valeurs religieuses, pour respectables qu'elles soient, ne peuvent inspirer les principes organisateurs de la société. Elles sont uniquement d'ordre privé. C'est comme cela depuis 1905 et c'est heureux.

Oui ! la République doit protéger tous ses membres ! Le PACS est un nouvel acte juridique qui a pour but de permettre à deux personnes physiques, quel que soit leur sexe, d'organiser leur vie commune, et c'est la force de notre République que de le favoriser.

Mais ce texte n'aurait pas pu voir le jour sans la détermination d'un petit nombre de militants, relayés par quelques élus qui le défendent depuis de nombreuses années. Je tiens à rendre hommage à M. Jean-Luc Mélenchon qui fut le premier à déposer au Sénat une proposition de loi dans ce sens, en 1990.

Le débat a été lancé dès 1990, et vous nous dites que le société n'a pas eu l'occasion de débattre ? Dès 1996, comme l'a rappelé mon collègue Blazy, cette proposition était inscrite dans notre programme politique, mesdames et messieurs de l'opposition.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République du groupe de l'Union pour la démocratie français-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Pour que le PACS soit porteur de tous les droits qu'il entend créer, je crois pour ma part qu'il faut le renforcer, madame la ministre, sur des points précis.

Ainsi un PACS doit-il permettre à un étranger lié à un ressortissant français de se voir ouvrir le droit au séjour.

Mme Christine Boutin.

Ah !

M. Robert Lamy.

On y est !

M. Yann Galut.

De la même manière, il me semble important de rester dans les limites de la définition initiale du PACS.

La nouvelle rédaction de la proposition de loi propose d'ouvrir le PACS aux fratries. Certes, il s'agit d'une question sérieuse qu'il ne faut pas négliger. Pour autant, il me semble légitime de régler cette question par la réforme du droit de la famille que vous nous présenterez dans quelques mois, madame la ministre. Ouvrir le PACS aux fratries risque de brouiller notre message et de rendre illisible notre démarche.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Madame la ministre, mes chers collègues, le débat que nous avons sur le PACS ne doit pas laisser comme seule image le spectacle que nous avons livré cet après-midi.

L'adoption du PACS par notre assemblée n'est pas simple. Nous allons pourtant voter un texte fondamental, créateur de nouvelles solidarités. Il est la première reconnaissance du couple homosexuel. Il apporte une sécurité juridique à tous ces couples qui ont un projet de vie en commun. Il participe au progrès social.

Ce texte renforce la République. Je suis fier et heureux de le défendre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jacques Myard.

Elle a bon dos la République !

M. le président.

La parole est à M. Eric Doligé.

M. Eric Doligé.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, en préambule, j'aimerais indiquer à M. Jean-Pierre Michel, et à certains de ses collègues qui en appellent régulièrement à la tolérance, que, sur le terrain, ceux qui veulent exprimer leurs convictions en montrant leur attachement au mariage sont régulièrement agressés par leurs amis.

Mme Christine Boutin.

Eh oui !

M. Eric Doligé.

M. Yann Galut distribuant les bons points à la tribune donne un exemple frappant.

Q uand le président du collectif pour le CUCS demande la tête d'une journaliste du Monde qui a fait référence dans un article aux signatures des maires opposés au PACS, fait-il preuve de tolérance ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

En écrivant dans une tribune, à propos de la mobilisation des familles opposées au PACS, « c'est la même population qui conduit sur nos côtes les enfants à la m ort, sous prétexte d'éducation marine et virile », Mme Tasca est-elle tolérante ?

M. Patrick Ollier.

Et les attaques contre Mme Chirac ?

M. Eric Doligé.

Ces débordements ne vous gênent visiblement pas. Une fois de plus, nous découvrons que l'intolérance est de votre côté. Pour être moderne, il faut penser comme vous. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) C'est là le seul espace de liberté que vous nous accordez.

M. Bernard Roman.

On vous a entendu pendant neuf heures !

M. Eric Doligé.

Le déroulement des débats montre que vous refusez la contradiction. Votre vision du dialogue est bien étriquée.

Le texte que vous nous présentez devrait, selon vous, définir un nouveau modèle de société pour le

XXIe siècle.

Après les enfants nés hors mariage, héritage de la génération Mitterrand (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), vous nous proposez, au détour de ce texte, pour les années à venir, la génération des enfants ayant soit deux mères, soit deux pères. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Permettez-moi de rester perplexe quant à l'avenir de cette génération qui restera dans l'histoire comme la génération Jospin.

M. Bernard Roman.

Ah, les leçons de morale !

M. Eric Doligé.

En souhaitant la reconnaissance du couple homosexuel, vous avez suscité, sous l'impulsion de quelques activistes, une controverse dont les conséquences interpellent les consciences des Français.

M. Bernard Roman.

Encore des leçons de morale ?

M. Eric Doligé.

Vous tentez, non sans difficulté, de faire croire que votre proposition n'est en rien un sousmariage homosexuel et qu'elle s'adresse à tous. Vous voudriez faire croire aujourd'hui à l'opinion que le Parlement


page précédente page 08415page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

a à se prononcer sur un projet asexué.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Vous voulez faire passer en force les aspirations d'une minorité appartenant elle-même à une minorité.

En législateurs soucieux de l'intérêt général et donc de l'intérêt national, nous nous devons, nous, députés de l'opposition, d'exposer aux Français les vrais enjeux du débat.

Faut-il, oui ou non, légitimer l'homosexualité comme modèle social ? Faut-il, oui ou non, nier toutes les conséquences qui en découlent et mobiliser tous les effets que cela implique ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Faut-il considérer que l'intérêt des enfants est de l'ordre de l'accessoire ? Ma réponse est non.

Mais, soyons clairs, reconnaître que le couple est par essence fait d'un homme et d'une femme n'implique pas de ma part une discrimination à l'égard de quiconque.

M. Daniel Marcovitch.

Non, mais...

M. Eric Doligé.

J'estime que le législateur n'a pas à inscrire dans la loi la confusion des relations et des sexes.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Qu'est-ce que cela veut dire ?

M. Eric Doligé.

Quel intérêt aurait-il à affaiblir la relation homme-femme à l'origine de la société et de son renouvellement ?

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

C'est d'une bêtise rare.

M. Eric Doligé.

Ecoutez, monsieur le président, tout ce que vous dites ne me plaît pas mais quand vous parlez, je vous écoute. Faites de même.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Je m'efforce d'être plus intelligent.

M. le président.

Chers collègues, du calme.

M. Eric Doligé.

Imaginons un seul instant une société composée de couples d'hommes et de couples de femmes.

Expliquez-moi comment seront alors conçus les enfants ? (Rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Alfred Recours.

Nul !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

On vous expliquera !

M. Didier Boulaud.

Comme le petit Jésus !

M. le président.

Je vous en prie, mes chers collègues, conservez votre calme.

M. Patrick Ollier.

Ils ne connaissent pas la tolérance !

M. Eric Doligé.

Ils feraient mieux de garder leur vigueur pour faire des enfants ! On en aura bientôt besoin.

M. le président.

Monsieur Doligé, poursuivez s'il vous plaît. La réponse à la question que vous avez posée vous sera donnée ultérieurement. (Sourires.)

M. Eric Doligé.

Mais si je la pose, c'est que j'ai la réponse (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) : par procréation médicalement assistée. (Exclamation sur les mêmes bancs).

Mais, alors, expliquez-moi comment des enfants nés de l'artificiel pourront s'épanouir ? Quel sera l'avenir des générations issues de deux pères ou de deux mères ? Monsieur le rapporteur, vous justifiez ce texte par la nécessité de prendre en compte un fait de société. Mais alors pourquoi, demain, ne faudrait-il pas encadrer juridiquement d'autres comportements de notre société ? La polygamie officielle ou officieuse n'est-elle pas un fait de société ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Une femme ayant un mari et un amant ne mériteraitelle pas quelques avantages matériels comme compensation des difficultés et souffrances que lui occasionne sa double vie ? (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Nicole Bricq.

Parce que les hommes n'ont pas de maîtresses, peut-être ?

M. Eric Doligé.

Monsieur le rapporteur, vous nous avez fait une démonstration savante en commission, selon laquelle il fallait absolument adapter le droit aux faits. Je vais donc donner quelques exemples pour vous montrer le ridicule de la situation, et ce raisonnement par l'absurde pourrait être développé à l'infini.

Pour ma part, je ne me reconnais en aucune façon dans votre vision de la société.

Comme l'écrit sous le pseudonyme de Sébastien, un homosexuel, dans un ouvrage que nous avons tous reçu, et qui s'intitule Ne deviens pas gay, tu finiras triste...

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Pas ça !

M. Eric Doligé.

...

« l'homosexualité est un fait qui n'est pas à combattre, mais sa propagation et sa publicité le sont ».

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Quelle honte !

M. Eric Doligé.

Depuis quelques jours, vous avez, mesdames et messieurs de la majorité, tendance à adopter un profil bas. Vous essayez de camoufler les déclarations, peut-être malheureuses mais sincères, de M. le rapporteur sur l'indispensable ouverture du droit à l'adoption ou de la PMA pour les couples homosexuels.

Malgré votre attitude ambiguë, je garde le très faible espoir d'obtenir de votre part, madame la ministre, la prise en compte d'amendements limitant ces risques.

Nous pourrons juger, lors de leur présentation, de votre bonne ou mauvaise foi. Comme des milliers de Français, je n'ose pas croire que vous imaginez nous faire vivre dans une telle société.

Mesdames et messieurs de la majorité, nous espérons que vous prendrez conscience que vous mettez gravement en cause l'avenir de vos enfants et de nos enfants.

M. Alfred Recours.

L'examen de conscience !

M. Eric Doligé.

Ressaisissez-vous, demain il sera trop tard ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les Français se sentent concernés par notre débat, parce que, au-delà des couples homosexuels ou hétérosexuels qui pourront bénéficier de ce nouveau statut, il y a les familles, qui, comme chacun d'entre nous, sont attentives au statut de leurs proches,


page précédente page 08416page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

qu'il s'agisse d'un fils, d'une fille, d'un frère, d'une soeur, d'un parent. Que, demain, leurs proches puissent vivre dans plus de sécurité et de solidarité leur importe plus que les discours qui ignorent la réalité de notre temps.

« Si nous ne prenons pas garde, écrit Irène Théry, il est à craindre que nous ne soyons pas en mesure de nous extirper de l'opposition entre défenseurs de la famille et défenseurs de l'individu, dont l'anachronique tandem fournit encore le cadre invisible et obligé de nos débats. »

La vraie question la seule - est de savoir si, entre l'individu et la famille, il faut reconnaître une existence juridique au couple. Nous pensons que oui, et c'est l'objet de notre proposition de loi.

Fidèle à la posture dénoncée par Irène Théry, la droite s'arc-boute sur la défense de la famille pour diaboliser un texte dont l'unique objet est de donner des droits, de créer de la solidarité entre des individus qui vivent en couple et que la loi ignore.

Il ne s'agit pas de proposer un modèle mais de répondre à une attente.

Qui peut se sentir agressé par une proposition de loi qui tend à créer un lien social, à affirmer une solidarité, à stabiliser un lien affectif ? Faut-il rappeler que personne ne sera obligé de signer un PACS ?

M. Jacques Myard et M. François Goulard.

Encore heureux !

M. Alain Vidalies.

Ceux qui refusent tout engagement pourront demain continuer à vivre en union libre quasiment sans droits ni devoirs. Ceux qui choisiront de fonder une famille choisiront comme aujourd'hui l'institution du mariage, dont l'essence est la potentialité à devenir parents.

Mais, avec le PACS, plusieurs millions de nos concitoyens qui vivent aujourd'hui en couple auront à leur disposition un cadre juridique nouveau.

Ce texte ne traite pas de la question de la filiation, tout simplement parce qu'il y a bien longtemps que les difficultés qu'il aurait pu soulever on été réglées par le droit positif sur le statut de l'enfant naturel. Il est d'ailleurs tout à fait paradoxal que ceux qui ont, avec nous, contribué à l'élaboration du statut de l'enfant naturel et à son alignement sur celui de l'enfant légitime réaniment un débat qui me semblait faire l'objet d'un large consensus républicain.

Plus étonnant encore est l'argument dit de la répudiation, c'est-à-dire des conditions de sortie du PACS.

La vraie difficulté aujourd'hui, c'est la fin du concubinage. C'est une zone de non-droit, sans responsabilité pour les concubins entre eux, sans solidarité pour les dettes contractées, avec le recours obligé à la théorie de la société de fait pour régler les problèmes matériels.

Demain, les partenaires d'un PACS pourront régler par convention particulière le sort des biens ou, à défaut, seront soumis de par la loi au régime légal de l'indivision.

La rupture, contrairement au divorce, résultera d'un acte de volonté mais les conséquences pourront être arbitrées, voire sanctionnées par le juge, sur le fondement de la faute prévue à l'article 1382 du code civil.

Oui, il existe aujourd'hui des répudiations, mais elles concernent la rupture du concubinage qu'au fond vous préférez voir subsister plutôt que de vous associer à un projet qui crée pour les couples un espace de droit, de devoir et de solidarité.

Le plus extraordinaire, c'est qu'au-delà de la polémique sur la filiation, parfaitement étrangère au texte, et à l'argument sur la répudiation, vous devez consentir votre accord de principe sur les droits et les devoirs ouverts par le PACS. Mais vous ne voulez pas d'un statut prévu par le code civil. Vous préféreriez l'hypocrisie de droits éparpillés dans la législation sociale et fiscale ou encore une convention de droit privé passée dans le secret d'une étude notariale.

Chacun a le droit de choisir librement son mode de vie, pour autant qu'il n'attente pas à la liberté d'autrui, rappelait fort opportunément M. Mattei à cette tribune le 7 octobre.

Qui pourra se sentir agressé parce que, demain, les quatre millions de Français qui vivent en couple auront à leur disposition un statut qui leur permettra d'accéder à plus de sécurité, à plus de solidarité, à une reconnaissance de leur engagement affectif.

M. Jacques Myard.

Pour les hétérosexuels, oui !

M. Alain Vidalies.

Les Français n'ont aucune intolérance face à l'union libre. Pourquoi faudrait-il que de nos débats surgissent un affrontement, une division de la société, alors qu'il s'agit de reconnaissance, là où il y a encore parfois de l'exclusion, de solidarité possible face à un égoïsme exarcerbé, de liberté et de respect du mode de vie de chacun, face à l'intolérance.

Nous avons choisi une réponse universaliste conforme aux principes de notre République.

J'ai entendu avec stupeur certains nous accuser de ne pas avoir le courage de voter une législation spécifique pour les homosexuels.

Il convient d'abord de rendre hommage aux associations d'homosexuels qui ont porté cette revendication, tout naturellement parce qu'ils étaient les premiers, et dans des circonstances souvent effroyables, confrontés à cette absence de statut du couple.

Mais, bien évidemment, personne ne peut songer à un statut qui, une fois obtenu, enfermerait l'individu dans l'étroitesse d'un véritable état civil d'homosexuel.

Un homme ou une femme ne se résume pas à sa sexualité et sur cette question, comme sur d'autres, la réponse communautariste n'est pas celle de notre modèle républicain.

Demain, chaque citoyen aura à sa disposition une nouvelle législation dont l'ambition est de permettre à chacun, dans la liberté, de mieux vivre ses engagements affectifs et à la société tout entière de bénéficier des effets de nouveaux liens de solidarité et de responsabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques MasdeuArus.

M. Jacques Masdeu-Arus.

Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs, les dangers du PACS sont innombrables. Le PACS attaque gravement l'institution du mariage et les bases traditionnelles de la famille. Le PACS donnera des droits quasi équivalents à ceux du mariage civil, sans contrepartie, sans les devoirs.

En effet, les signataires d'un PACS pourront disposer d'avantages fiscaux importants sans qu'aucune vérification de vie commune puisse avoir lieu.

Ils bénéficieront, par exemple, de 250 000 francs d'abattement fiscal en cas de succession contre 330 000 francs seulement dans le cas d'un couple marié, d'une imposition commune, d'un transfert de bail immédiat en cas de décès ou de séparation, de droits identiques à ceux des couples mariés en matière de droit du travail mutations, congés.


page précédente page 08417page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

Le coût de l'imposition commune dans le cadre du PACS a été évalué entre 6 et 7 milliards de francs à la charge de l'ensemble de la société. Et, dans le même temps, vous allez prélever 5 milliards de francs supplémentaires aux familles en abaissant le plafond du quotient familial.

S i les contractants d'un PACS déclarent vivre ensemble, s'engagent à se soutenir moralement et matériellement et deviennent solidaires des dettes de leur

« conjoint », le point commun avec le mariage s'arrête là.

Ils ne sont pas tenus à la fidélité, ne se jurent pas secours et assistance et le PACS peut être rompu par la seule volonté de l'une des deux parties, sans intervention d'un juge, donc sans sécurité juridique.

Les principales associations familiales, les grands mouvements religieux de notre pays ont umanimement demandé le retrait du PACS. Et vous ne les avez pas écoutés.

Vous ignorez volontairement que la famille est la forme universelle de l'organisation humaine et que le mariage a pour fonction d'en assurer le renouvellement.

Vous ignorez volontairement l'un des devoirs premiers de l'Etat, inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946 : favoriser la stabilité et la cohésion de la famille en vue d'assurer la pérennité de la société.

Le PACS, n'en doutez pas, déstructurera notre société en accélérant la fragmentation sociale et en accroissant les phénomènes communautaires, contraires à l'intérêt géné ral du corps social. Une autre conséquence sera la modification anthropologique de l'union d'un homme et d'une femme. Au lieu de l'union sérieuse et réfléchie du mariage, le PACS va faire naître une union hédoniste que l'on pourra nouer ou dénouer aisément dès que l'on s'ennuiera.

Il faut que vous sachiez qu'en vous attaquant à la famille, vous vous attaquez à une institution gardienne de notre équilibre social et de la sécurité de l'ensemble des citoyens. Au lieu d'un PACS, il aurait donc été plus sage de prévoir simplement dans la loi de finances des mesures spécifiques adaptées aux problèmes fiscaux des couples vivant en union libre ou même de faciliter la signature devant notaire d'un pacte d'intérêt commun - PIC organisant un minimum de solidarité matérielle. C'est pourquoi, le précédent gouvernement, après avoir engagé une réflexion approfondie sur ce sujet, avait conclu à l'abandon du contrat d'union social.

Vous n'avez pas fait preuve de la même sagesse. Vous avez préféré soutenir un texte parcellaire, volontairement opaque, au lieu d'engager un débat national sur cette question qui divise nos concitoyens. La grande réforme de la famille que vous annoncez à cor et à cri en aurait pourtant fourni l'occasion. Vous avez choisi un texte lourd de menaces qui porte irrémédiablement atteinte aux principes fondamentaux du mariage et au noyau familial.

Le PACS est un texte discriminatoire qui ne mérite pas le terme de solidarité. En effet, le fait qu'il ne puisse pas y avoir de PACS entre membres d'une même famille prouve bien que celui-ci est, avant tout, un « mariage bis » pour les homosexuels et non un instrument juridique destiné à faire naître une solidarité entre deux personnes.

Certes, l'article 10 de votre nouvelle version donne aux fratries quelques avantages fiscaux, mais de manière limitée et sans les autoriser à conclure un PACS. Il s'agit seulement d'un trompe-l'oeil, d'une nouvelle manoeuvre destinée à faire croire à l'opinion publique que le PACS ne se réduit pas à la consécration d'une union homosexuelle, ce qui aurait pourtant eu le mérite de la clarté.

Je pense sincèrement que c'est l'un des aspects les plus choquants de ce texte qui révèle votre mauvaise foi et l'objectif discriminatoire que vous poursuivez.

Le PACS est un texte discriminatoire qui instaure dans notre droit une ségrégation positive contraire à notre tradition juridique. Alors que la loi vise à défendre l'intérêt général, le PACS inscrit dans notre législation une discrimination positive, contraire à tous nos principes juridiques. Le PACS n'est que l'aboutissement des revendications de certaines associations homosexuelles qui se sontr endu compte que, pour obtenir satisfaction, elles devraient demander un statut pour l'ensemble des couples vivant hors mariage.

Votre texte défend les intérêts d'une minorité, au risque de provoquer un déséquilibre de la société tout entière. Qui plus est, vous semblez ignorer que la majorité des homosexuels rejettent le PACS et ne souhaitent q u'une chose : le respect de leur vie privée, sans reconnaissance officielle de la société par la loi. Pour les autres, minoritaires, il répond imparfaitement à leur demande et va bouleverser l'horizon de cinq millions de concubins hétérosexuels. En effet, que se passera-t-il pour les concubins désireux de ne pas contracter un PACS ? Feront-ils partie de la catégorie des « mauvais concubins », ceux qui auront refusé le PACS ? Ces questions demeurent sans réponses, madame la ministre.

Le PACS ouvre une porte à l'adoption d'enfants et à la procréation médicalement assistée pour et par des couples homosexuels. Catherine Tasca disait, en commission des lois : « Il faudra qu'un jour on en vienne à parler de l'adoption homosexuelle. » Quant à Jean-Pierre Michel,

notre rapporteur, il s'est exprimé en ces termes : « A partir du moment où le PACS sera voté, je pense que l'Etat devra ouvrir l'adoption à ces couples-là (...). On ne voit pas pourquoi on ne pourrait ouvrir un tel droit qu'aux couples hétérosexuels, même si cela prendra un certain temps. »

M. le président.

Pouvez-vous conclure, mon cher collègue !

M. Jacques Masdeu-Arus.

J'en ai encore pour deux minutes, monsieur le président. (Exclamations sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Irène Théry, sociologue, a pris conscience de ce danger. Elle déclare ainsi : « Le PACS, c'est la porte ouverte à l'adoption pour les homosexuels. On voit mal comment les concubins hétérosexuels pacsés se verraient refuser le droit d'adopter accordé aux gens mariés. Et, s'ils l'obtiennent, les homosexuels pacsés le réclameront à leur tour : on ne va pas créer de discriminations entre pacsés ». Une telle évolution serait condamnable et contre nature.

Le PACS inscrit la répudiation et la loi du plus fort dans notre législation.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Mais non !

M. Jacques Masdeu-Arus.

Le PACS offre un statut très précaire entre union libre et mariage. Ainsi, il autorise l'un des contractants à rompre unilatéralement le contrat, sans se soucier de son partenaire. Comme l'a souligné Philippe Malaurie, professeur de droit, ...

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Il est gâteux !

M. Jacques Masdeu-Arus.

... le PACS est non seulement un « sous-mariage », mais aussi un « sous-divorce », ce qui a pour effet « la vulnérabilité dans le couple du partenaire le plus faible et le plus aimant, qui ne bénéfi-


page précédente page 08418page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

cierait pas de la protection médiocre qu'offre actuellement la procédure judiciaire du divorce. Vive la répudiation unilatérale ! Malheur aux faibles et aux aimants ! Le précédent coranique est connu : la résiliation unilatérale de l'union conjugale est une épée de Damoclès qui pèse surtout sur la femme, la réduisant à un état de subordination. »

M. le président.

Je vous demande instamment de conclure !

M. Jacques Masdeu-Arus.

Le PACS représente une nouvelle atteinte à la maîtrise des flux migratoires. Il va en effet faciliter la régularisation de couples étrangers en situation irrégulière.

J'en arrive à ma conclusion, monsieur le président.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous direz sans doute qu'il faut adapter le droit à l'évolution des moeurs et des usages. Je ne le crois pas. Au contraire, les règles juridiques ont pour fonction de préciser la limite à ne pas franchir, de fixer des repères et d'assurer la préservation de nos valeurs. Je ne cesserai de défendre les valeurs morales et les intérêts des familles. Je m'opposerai à toutes les mesures qui iront à l'encontre de ces deux piliers de notre société. C'est pourquoi je voterai contre ce texte en mon âme et conscience. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Gérard Lindeperg.

Monsieur Lindeperg, je n'ose pas vous inviter à respecter votre temps de parole, M. Masdeu-Arus l'ayant très largement dépassé. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Gérard Lindeperg.

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, le débat qui nous occupe n'est pas un débat sur la famille. C'est la présence de l'enfant qui fonde l'existence de la famille, et d'enfant il n'est pas question dans cette proposition de loi. Alors, parlons du texte et non de fantasmes ! Le texte dont nous débattons se rapporte au couple, à deux personnes physiques qui font le choix d'un projet de vie commune. C'est donc le couple qui est concerné, le fait qu'il soit hétérosexuel ou homosexuel étant très secondaire au regard de la volonté de vivre ensemble et de bâtir un avenir commun fondé sur un amour partagé.

L'idée selon laquelle l'extension de la notion juridique de couple détruirait le mariage ne tient pas. Il suffit d'ailleurs de constater que plusieurs années de concubinage se prolongent souvent par un mariage en bonne et due forme. Nous avons tous été les témoins de mariages qui se déroulent en présence de grands enfants nés en dehors du mariage. Mais force est de constater aujourd'hui que le mariage a cessé d'être la norme.

M. Jean-Yves Besselat.

Ça, c'est faux !

M. Gérard Lindeperg.

Il est devenu un choix parmi d'autres et c'est cette situation nouvelle qu'il faut prendre en compte. La loi n'est pas faite pour brider les libertés individuelles et collectives.

M. Georges Hage.

Au contraire !

M. Gérard Lindeperg.

Elle est faite pour élargir les possibilités de choix et permettre à la liberté de s'épanouir.

M. Georges Hage.

Bravo !

M. Gérard Lindeperg.

A entendre certains discours, tout se passe comme si l'homosexualité était considérée tantôt comme une maladie qu'il faut soigner, tantôt comme une perversion qu'il convient de condamner ou, pour le moins, un sujet qu'il vaut mieux laisser dans l'ombre malsaine des déviances sociales et sexuelles.

Je voudrais le répéter : les homosexuels n'ont pas besoin de commisération. Ils sont capables de trouver leur équilibre et leur bonheur par eux-mêmes sans avoir besoin de la compassion attristée des bonnes âmes charitables dont le discours relève plus des propos de dames patronnesses que de législateurs conséquents. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Le moment est venu de dire clairement que le couple ne peut plus être défini comme l'union exclusive de deux personnes de sexe opposé.

Il nous appartient, en tant que législateurs, de fixer les conditions dans lesquelles le couple doit être juridiquement reconnu, quelle que soit sa composition, afin qu'un régime spécifique puisse être établi tant en termes de fiscalité, de succession que de droit au bail. Tel n'est pas le cas aujourd'hui et la jurisprudence de la Cour de cassation montre que les homosexuels ne sont pas reconnus au même titre que les concubins.

Après avoir entendu certains de nos collègues, je ne peux m'empêcher de penser aux débats des années 60 sur la contraception et des années 70 sur l'interruption volontaire de grossesse.

M. Jean-Yves Besselat.

Ça y est, ça recommence !

M. Richard Cazenave.

C'est nous qui avons fait ces lois !

M. Gérard Lindeperg.

Je sais que ce petit retour en arrière vous gêne, mais vous disiez déjà à l'époque que l a famille était en cause. La société était déjà menacée d'éclatement et, déjà, les pires turpitudes sexuelles devaient submerger la jeunesse et emporter toutes les valeurs qui fondent notre vie sociale. Je vous invite à relire les discours tenus par les orateurs de la droite dite bien pensante à cette tribune et vous constaterez que, vingt ans après, ils ont été démentis par les faits. Non seulement la contraception n'a pas détruit la famille, mais elle a permis au couple de mieux s'épanouir et de créer les conditions d'un meilleur accueil des enfants.

M. Jacques Myard.

Ce n'est pas le sujet !

M. Gérard Lindeperg.

Si, c'est le sujet, parce que, derrière, c'est la même argumentation qui est développée de façon sous-jacente.

Quant à l'IVG, ultime recours, elle a permis de lutter contre le fléau de l'avortement clandestin qui a mutilé tant de femmes, privant souvent les plus jeunes de toute possibilité de maternités ultérieures. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Robert Lamy.

Ce n'est pas vous qui avez fait voter la loi sur l'IVG !

M. Gérard Lindeperg.

Parmi les contempteurs du PACS, le primat des Gaules n'a pas hésité à nous reprocher de vouloir « légaliser » l'homosexualité, lapsus sans doute, mais lapsus révélateur d'une volonté d'assimiler à un délit un choix de vie qui, faut-il le rappeler, n'a rien d'illégal dans notre pays depuis que la législation discriminatoire réintroduite par Vichy a été abolie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) De même, ce n'est pas sans malaise que j'ai lu les déclarations de Guy Teissier, membre de Démocratie libérale, jugeant que le PACS « a été inventé par un


page précédente page 08419page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

député gay pour satisfaire les revendications du lobby homosexuel et honorer une promesse électorale prise devant la communauté gay ».

M. Jacques Myard.

C'est la vérité !

M. Gérard Lindeperg.

Passons sur la rhétorique nauséeuse des attaques contre les « lobbies homosexuels » pour en venir au terme de « communauté ». C'est dans la bouche d'un homme d'église, l'abbé Sieyès,...

M. Georges Hage.

Ah oui ! Très bien !

M. Gérard Lindeperg.

... que l'on trouve la plus parfaite expression des idéaux défendus par les révolutionnaires de 1789. Se fondant sur le principe de l'égalité entre tous les citoyens, Sieyès avait déclaré : « Les juifs ne sont rien en tant que communauté, ils sont tout en tant que citoyens. » Cette formule pourrait parfaitement s'ap-

pliquer aujourd'hui aux homosexuels. Faire des homosexuels des citoyens à part entière, telle est notre volonté qui honore ainsi par une nouvelle avancée législative la devise de la République.

Ce n'est pas un hasard si, pour vaincre l'obscurantisme, on a parlé des « Lumières » et si, pour combattre le conservatisme, on a parlé de progressisme. Se situer dans la filiation des Lumières, c'est d'abord regarder la société telle qu'elle est et légiférer en tenant compte des nouvelles aspirations de nos compatriotes, en permettant à leur liberté de choix de s'exercer sans pénalisation d'aucune sorte. Le progressisme c'est, aujourd'hui comme hier, étendre sans cesse le champ des libertés et la responsabilité, reconnaître et faire respecter la dignité des personnes.

La reconnaissance de la diversité des couples fait partie du grand mouvement de libération de l'humanité et je suis fier de voter une loi qui garantira pour tous le droit d'aimer, le droit de vivre et de vieillir ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Guillet.

M. Jean-Jacques Guillet.

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous arrivons au terme de la discussion générale, durant laquelle, hélas, l'atmosphère aura été marquée par une très grande intolérance.

Je le regrette, car le sujet est loin d'être anodin et il aurait mérité beaucoup plus de dialogue et de compréhension entre nous. Cet affrontement, que le Gouvernement et la majorité ont, il faut bien le dire, délibérément provoqué, aura sans nul doute pour effet d'abaisser encore le Parlement dans l'opinion, qui ne voit de nos débats que l'image déformée et caricaturale que lui offrent les médias.

M. Jacques Myard.

Socialistes !

M. Jean-Jacques Guillet.

Après le vote du 9 octobre, fruit de votre démobilisation et, à l'inverse, de notre conviction, n'eût-il pas été préférable de prendre le temps de la réflexion ? Le Gouvernement ne l'a pas voulu, non seulement animé par la volonté de démontrer la cohésion de la majorité sur un sujet de société, mais aussi aiguillonné par des lobbies qui, semble-t-il, ont plus de poids que près de la moitié de la représentation nationale.

M. Daniel Marcovitch.

C'est le lobby de la famille, le lobby de l'UNAF, qui vous incite à rejeter le texte !

M. Jean-Jacques Guillet.

Il aurait dû pourtant s'interroger sur les raisons profondes qui motivent notre rejet de votre texte, au lieu d'en tirer prétexte pour recréer une artificielle confrontation droite-gauche, puisant ses références, au nom d'une prétendue vision progressiste dont on nous rebat les oreilles depuis des heures, dans les tréfonds de notre histoire.

Etes-vous si éclairés que vous ne supportiez pas le dialogue ? Etes-vous si éclairés que les étapes du Conseil d'Etat et du Conseil économique et social vous semblent sans intérêt ? Etes-vous si éclairés qu'il vous paraisse inutile d'entendre les représentants des grandes confessions religieuses, les associations philosophiques, des sociologues, des juristes ? En définitive, vous avez, avec ce débat, inventé une nouvelle règle constitutionnelle, celle de l'automaticité de la validité d'une loi dès lors qu'elle est présentée par la majorité plurielle, entraînant de facto l'inutilité de la réflexion comme celle, je le crains, des amendements. C'est le théorème de Laignel, que nous connaissons bien : « Vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaires. »

Et qu'en sera-t-il demain si, devant les nombreux motifs d'inconstitutionnalité que nous avons démontrés, le Conseil constitutionnel était amené à censurer la loi une fois votée, comme nous le pensons ? Le PACS justifiera-t-il alors que vous proposiez une révision de la Constitution ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Ce n'est pas Maastricht !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Qu'en pense Pasqua ?

M. Jean-Jacques Guillet.

On peut le craindre, tant sont incompréhensibles la logique qui vous pousse, la hâte qui vous entraîne, le sentiment d'urgence absolue qui s'est emparé de vous. Jusqu'où n'irez-vous pas dans le déchaînement des passions ? Il eût été facile de l'éviter, tant les problèmes qui sont posés, et sur la réalité desquels chacun s'accorde, pourraient être résolus sans la création d'un PACS, dont tout Français doué de bon sens voit bien qu'il n'est qu'un substitut au mariage civil. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Pourquoi ne pas avoir cherché le rapprochement des points de vue, un consensus facile à trouver,...

M. Didier Boulaud.

C'est de la politique politicienne ! M. Jean-Jacques Guillet ... permettant d'améliorer la situation des homosexuels, qui est à la source de la proposition.

Je suis convaincu qu'en leur âme et conscience, beaucoup de nos collègues de la majorité, quoi qu'ils disent en ce moment, se posent la question et regrettent d'avoir été entraînés dans cette mécanique infernale, d'autant plus infernale qu'elle se nourrit d'artifices, dont le principal est celui de la fausse protection qu'apporterait le PACS aux personnes qui le souscriraient.

Au bout du compte, à supposer que l'obstacle du Conseil constitutionnel soit levé, cette législation bâtarde et confuse ne pourra qu'échouer. Vous devrez ou nous devrons la remettre sur le métier, à moins de laisser faire la jurdisprudence, ce qui est bien aléatoire pour un texte aussi mal préparé.

Il ne fera que des mécontents : les célibataires, les veufs qui se retrouveront relégués dans l'inégalité fiscale et sociale ; les concubins en union libre, qui y verront une atteinte à leur volonté, à leur choix de liberté et se trouveront transformés en citoyens de seconde zone ; les couples mariés, qui y verront une dégradation de l'institution du mariage ; les familles dont le pouvoir d'achat,


page précédente page 08420page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

au même moment, sera amputé de 6 milliards de francs ; les homosexuels eux-mêmes, qui n'y verront que le risque de se retrouver répertoriés et fichés et seront insatisfaits de ne pas y voir l'aboutissement immédiat de la revendication, au demeurant minoritaire, de l'adoption d'enfants ou de la procréation médicalement assistée qu'ils solliciteront alors avec plus de force.

Cet échec programmé ne peut guère être une satisfaction pour les législateurs que nous sommes, mais le Parlement devra l'assumer. Quoi qu'il advienne, un aspect du projet demeurera : la mise en place d'un autre droit, d'une forme de discrimination positive, étrangère à notre tradition républicaine et lourde de conséquences, alors que nous sommes tous conscients du risque de communautarisation de notre société. C'est bien là ce qui explique votre hâte de voir le débat se refermer au plus vite. Vous avez mauvaise conscience ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Car je ne doute pas de vos sentiments républicains, comme vous ne pouvez douter des nôtres ! Vous sentez bien que, derrière le fallacieux et irrecevable argument de l'adaptation du droit aux moeurs et en prenant le risque de mettre en place une forme de discrimination positive, vous vous attaquez à des symboles puissants - qui n'ont rien d'oripeaux ! - dans lesquels se retrouve notre peuple, parce qu'ils sont fondateurs de notre République : la liberté de la personne humaine, l'égalité de tous devant la loi ! Je suis confiant, pour ma part, dans la pérennité de ces valeurs. Mais je suis aussi persuadé que, si la nation ne fait pas en sorte de les transmettre, les générations futures ne disposeront pas des repères nécessaires à leur épanouissement. Or c'est à l'avenir que nous devons sacrifier, mes chers collègues, et non à la mode qui est, par nature, éphémère. A ce propos, j'ai entendu M. Le Guen parler de la querelle des anciens et des modernes. Les modernes, souvenez-vous, c'était Fontenelle et Perrault ; les anciens, c'était Racine et Boileau, lesquels, au bout du compte, ont gagné la bataille de l'avenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.

Mme Marie-Françoise Clergeau.

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le ministre des relations avec le Parlement, mes chers collègues, nous voici à la fin de la discussion générale d'un texte attendu par plus de cinq millions de nos concitoyens qui ont un projet de vie commun, qui désirent sortir de l'inexistence juridique et organiser leur vie de couple, leurs solidarités réciproques et concrétiser ce lien qui les unit par un contrat formel et légal sans pour autant passer devant le maire.

Où est l'insulte à la nature ? Où est le mauvais coup porté à la famille ? Où est le crime contre la société ?

M. Jacques Myard.

Partout !

Mme Marie-Françoise Clergeau.

Que n'a-t-on pas entendu ! Que n'a-t-on pas lu ! Si j'ai tenu à intervenir dans ce débat, c'est d'abord parce que les valeurs qui animent ma réflexion et mon action politique me conduisent à respecter mes engagements et à faire évoluer notre société vers plus de solidarité, plus de reconnaissance des aspirations de nos concitoyens ; en l'occurrence lorsque, par des choix affectifs et sexuels, ils sont encore victimes des discriminations ou que, pour des raisons qui leur appartiennent et que nous n'avons pas à juger, ils ne peuvent ni ne veulent choisir l'institution du mariage et ne se satisfont pas de l'union libre.

Ensuite, parce que comme l'a expliqué notre collègue Mme Gillot dans son rapport sur la famille adressé au Premier ministre - je signale que, si elle n'est pas avec nous aujourd'hui, c'est qu'elle a le plaisir d'assister au mariage de sa fille.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jacques Myard.

Ce n'est pas un PACS ?

M. Pierre Lellouche.

Nous sommes contents de le savoir...

M. Arnaud Lepercq.

Vous lui présenterez nos félicitations !

M. le président.

Je vais résumer les interventions diverses : félicitations ! (Sourires.)

Poursuivez, madame Clergeau.

Mme Marie-Françoise Clergeau.

Dans son rapport donc, Mme Gillot explique pourquoi nous désirons une politique familiale rénovée, qui tienne compte de l'évolution des comportements et des conditions de vie des hommes et des femmes après l'arrivée des enfants.

Aujourd'hui, le mariage est de moins en moins la seule réponse au souhait de construire un projet de vie commun. A ceux qui s'horrifient qu'on ouvre des droits aux homosexuels et qu'on leur reconnaisse droit de cité, je dirai simplement que beaucoup de familles sont concernées. Les homosexuels ne naissent pas dans les choux...

M. Maurice Leroy.

Ni dans les roses !

Mme Marie-Françoise Clergeau.

... et ne se reproduisent pas (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) ... et beaucoup de ces couples

« non labellisés » vivent une relation de qualité, marquée par le dévouement et la fidélité.

Je leur rappellerai également que depuis vingt ans, l'homosexualité a été rayée de la liste des désordres mentaux, qu'elle n'est plus un délit entre majeurs et consentants et que depuis 1985 toute discrimination professionnelle ou commerciale fondée sur les moeurs est interdite.

Donc, il n'y a pas de quoi alerter les populations. Il n'y a aucun danger d'épidémie. L'homosexualité n'est pas une maladie, a fortiori transmissible et accorder des droits aux couples homosexuels n'aboutira pas à contaminer toute notre jeunesse ! Si le PACS trouve ses origines, à la fin des années 80, dans les revendications de la communauté homosexuelle, décimée par l'épidémie du sida, il a cependant une portée universelle. S'appuyant sur un engagement de solidarité réciproque dans la durée, offrant une alternative au mariage sans concurrencer celui-ci, le PACS permettra d'organiser la relation entre deux personnes adultes et ne remet pas en cause la famille ; je pense même qu'il peut la favoriser.

U n point essentiel recueille un large consensus : aujourd'hui, ce qui fait la famille, c'est l'enfant. De nombreux couples se forment hors du mariage, recomposent une famille après un mariage manqué et il n'y a pas que la conjugalité qui créé la filiation.


page précédente page 08421page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

La famille, les modes d'organisation familiale sont marqués par la diversité selon les périodes historiques, les coutumes régionales, les aléas, l'allongement de la vie...

P atriarcale ou nucléaire, aujourd'hui recomposée, monoparentale, la famille reste malgré tout un espace de solidarité et le maillon central de la cohésion sociale.

(« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socaliste.)

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Très bien !

Mme Marie-Françoise Clergeau.

Nous ne pouvons pas idéaliser une forme de famille, ni le contrat qui préside à l'union d'un homme et d'une femme qui désirent en fonder une. Admettons donc qu'elle peut prendre plusieurs formes, sans que cela débouche sur une remise en cause de sa fonction fondamentale, notamment celle qui inscrit l'enfant dans sa généalogie.

Aujourd'hui, si la famille n'est plus le lieu de transmission des valeurs patrimoniales et sociales que certains continuent d'ériger en modèle, elle est le lieu où se construisent les repères, où se structurent les individus, protégés par l'affection de leur entourage. Elle est un lieu d'amour, où les seuls liens indissolubles sont ceux de la filiation et de la parentalité.

Le PACS est totalement neutre quant au droit de l'enfant et il faut arrêter de construire des images absurdes et négatives pour effrayer les populations. Ni l'adoption ni la procréation médicalement assistée pour les homosexuels ne sont prévues par cette proposition de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Dans un environnement marqué par l'accroissement de la vulnérabilité, de la précarité, de l'individualisme pour beaucoup de nos concitoyens fragilisés, tout ce qui peut apporter douceur de vivre, sécurité matérielle, et un lien durable n'est-il pas à encourager dans la construction du lien social ? Et si cette stabilité, éprouvée dans un cadre moins contraignant que l'institution maritale, permet à ces personnes de comprendre que le contrat peut être renouvelé au point de durer plus longtemps que certains mariages dont, je vous le rappelle, un sur trois échoue, voire un sur deux dans certains secteurs -, qui aurait à y perdre ? Sûrement pas la société, encore moins les enfants qui pourraient naître naturellement de ce couple à stabilité reconduite dans le temps.

M. Yves Fromion.

Conclusion : il faut supprimer le mariage !

M. le président.

Pouvez-vous conclure, madame Clergeau, s'il vous plaît ?

Mme Marie-Françoise Clergeau.

Rien n'empêchera ces adultes de choisir l'institution du mariage. Et je vois dans le PACS entre hétérosexuels non pas un sous-mariage, mais à la fois un encouragement effectif pour les réticents à faire le grand pas du mariage, en passant de l'union libre à un statut impliquant plus de solidarité réciproque, et un test efficace de la solidité de leur relation.

Chercher l'affrontement sur cette question, déchaîner les passions en s'arc-boutant sur la défense d'un modèle unique et obligatoire de la famille, c'est refuser de voir que la famille évolue et que la politique se doit de trouver des réponses adaptées à cette évolution. C'est utiliser le sujet pour concrétiser un clivage droite-gauche et reconstruire une union factice de l'opposition.

La solidarité, qui est au coeur de ce texte fondateur, qui guide l'action du Gouvernement comme l'engagement de la majorité qui le soutient, mérite mieux que ces débordements récurrents.

Elue depuis 1997, je vous avoue que je suis choquée, ainsi que de nombreux collègues, du comportement inadmissible de certains élus de l'opposition qui, par leur attitude dans l'hémicycle. (« Des noms ! Des noms ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-alliance et du groupe démocratie libérale et indépendants)...

M. le président.

Ne vous laissez pas distraire, madame Clergeau. Concluez, s'il vous plaît !

Mme Marie-Françoise Clergeau.

Je vous avoue que je suis choquée du comportement de certains élus de l'opposition, qui,...

M. Jacques Myard.

Cinq minutes !

Mme Marie-Françoise Clergeau.

... par leur attitude dans cet hémicycle, donnent à nos concitoyens une image déplorable, qui ne peut que nourrir l'antiparlementarisme.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Charles Cova.

Parce que vous, vous en donnez une belle image ?

Mme Marie-Françoise Clergeau.

Attachée à la cohésion sociale, défenseur d'une politique familiale rénovée, je soutiens, bien sûr, cette proposition de loi qui offrira la reconnaissance juridique et la protection de l'Etat à des couples hors mariage.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

J'ai vraiment tenu compte des interruptions dont vous avez été victime, madame.

La parole est à M. Jacques Pélissard, dernier orateur inscrit dans la discussion générale - ce qui, bien entendu, ne le dispense pas de respecter le temps de parole de cinq minutes qui lui est accordé.

M. Jacques Pélissard.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre des relations avec le Parlement, mes chers collègues, chacun a le droit de choisir librement son mode de vie. Et s'agissant de la vie privée, personne ne peut prétendre s'immiscer dans des choix affectifs, des choix sexuels, des choix personnels, donc des choix individuels.

Mme Odette Grzegrzulka.

Vous avez raison !

M. Jacques Pélissard.

Tout cela relève de la sphère privée, de la liberté et de la responsabilité de chacune et de chacun d'entre nous.

M. Georges Hage.

Très bien !

Mme Odette Grzegrzulka.

Allez jusqu'au bout de votre logique !

M. Jacques Pélissard.

Dans ce contexte, une société laïque, un Etat républicain doivent-ils s'intéresser à ce qui se passe au sein des couples, alors que, précisément, ces liens affectifs ne sont pas de la compétence de l'Etat, sauf à régresser vers une société d'inquisition ? Le rôle de l'Etat est d'apporter un cadre légal aux liens interpersonnels qui assurent le renouvellement des générations et garantissent l'avenir de la société. Notre rôle, en


page précédente page 08422page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

tant que législateurs, est de nous demander, en toute sérénité, en tout lucidité, si cette proposition de loi est souhaitable pour notre société ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Première question : est-elle souhaitable pour le couple ? Pendant sa durée, le PACS, contrat sans devoirs et sans droits, sans engagements, constitue en fait un simple arrangement. Lors de sa rupture, il s'analyse comme un véritable délaissement. Le droit du mariage républicain soumet la rupture du lien conjugal à une procédure judiciaire qui prohibe la répudiation unilatérale.

M. Daniel Marcovitch.

Ce n'est pas la même chose ! Ce n'est pas un mariage !

M. Jacques Pélissard.

Le divorce pour rupture de la vie commune n'est possible qu'à l'issue d'un délai de six ans - c'est l'article 237 du code civil - et le demandeur doit supporter les charges du divorce, en particulier le devoir de secours.

En revanche, le PACS, lui, peut prendre fin sans motif, sans que soit appréciés les cas de rupture abusive ou les cas de rupture impossible pour cause d'exceptionnelle dureté, sans que soient appréhendées les conséquences de la rupture - par exemple sur la maladie du cocontractant -, sans que soient prévues des prestations compensatoires.

Deuxième question : le PACS est-il favorable aux enfants ? En réalité, l'enfant, chers collègues, est le grand absent de ce texte. Le gêneur, l'oublié, le refoulé de l'ensemble des articles, c'est l'enfant ! Rien n'est prévu sur la présomption de paternité ou sur l'autorité parentale, par exemple. Pour le moment, et afin de ne pas effrayer l'opinion publique, on affirme qu'il ne saurait être question de permettre aux « pacsistes » d'adopter des enfants ou de recourir à la procréation médicalement assistée.

Mais le rapporteur de la commission des loi lui-même ne dissimule pas que ce sera l'étape suivante.

Quel sera alors, chers collègues, l'équilibre d'enfants élevés par deux pères ou deux mères ? Quels seront les repères offerts à des jeunes auxquels la société proposera, au choix, le mariage hétéro, le PACS, c'est-à-dire le mariage « dégriffé » ou le « sous-mariage homo » ? Comment pourra-t-on assurer un cadre affectif stable à des enfants, après avoir encouragé leurs parents à s'engager dans un contrat temporaire, dont le préavis de rupture est de trois mois ? Or c'est l'enfant qui justifie l'intervention de la société par une politique familiale, laquelle est bafouée par le texte qui nous est soumis.

Telle est d'ailleurs l'analyse faite par l'Union nationale des associations familiales lors de son dernier congrès, qui s'est tenu en présence du Président de la République, Jacques Chirac.

Troisième question : le PACS sera-t-il un élément d'équité fiscale ?

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Non !

M. Jacques Pélissard.

Je n'évoquerai pas le coût fiscal du PACS - 3 à 6 milliards de francs, supportés in fine par les familles, les veuves, les divorcés, les célibataires. Je soulignerai simplement l'opportunisme fiscal ou successoral que le PACS favorisera, du fait de l'absence de tout contrôle. Il s'agit en effet d'un simple régime déclaratif sur la réalité de la vie commune. Compte tenu des conditions très souples dans lesquelles le PACS pourra être rompu, l'avantage fiscal consenti constituera une véritable incitation à la fraude fiscale. Ainsi un célibataire aisé pourra-t-il réduire désormais son impôt en toute légalité en concluant avec une personne à faibles ressources un PACS fictif, aisément réversible mais à forts bénéfices fiscaux. A l'inverse, le régime de l'imposition unique sera moins avantageux que celui de l'imposition séparée pour les contribuables titulaires de revenus modestes, en raison du mécanisme de la décote. Le PACS est ainsi porteur d'effets pervers sur le terrain fiscal.

Ces effets pervers, même si cela vous gêne, pourront également être constatés sur le terrain de l'immigration.

S'il se confirmait qu'être contractant d'un PACS ouvre droit à un titre de séjour au profit d'un étranger, cela serait une formidable incitation à l'immigration.

Voici ce qu'on lit dans le rapport sur le « PACS modèle 1998 de la commission des lois » : « La conclusion d'un PACS dûment enregistrée s'imposera à l'administration comme l'un des éléments de preuve de l'existence de liens personnels en France et rendra recevable sans contestation possible les demandes présentées par des é trangers faisant état d'une relation homosexuelle. »

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Charles Cova.

C'est une ignominie !

M. Jacques Pélissard.

Et j'ajoute pour ma part :

« hétérosexuelle », parce que ce n'est pas dans le texte.

C'est un lapsus par omission, révélateur de la préoccupation principale des auteurs de la proposition de loi.

Les PACS « blancs » seront d'autant plus nombreux que le PACS n'impliquera que des obligations sans conséquences pour les contractants et pourra être aisément rompu.

Je conclus. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ainsi, à l'examen des quatre exemples auxquels je me suis cantonné, le PACS n'est pas un progrès mais une régression ; il n'est pas porteur de solutions, mais vecteur de difficultés nouvelles.

Certes, chers collègues, notre droit des cohabitants a besoin d'ajustements, qu'il s'agisse, par exemple, du logement ou de la transmission successorale. Mais pour répondre à des problèmes d'ordre privé, il faut des solutions de droit privé. A des choix de vie qui relèvent de la sphère privée, nous devons apporter des réformes nécessaires sans bouleverser les fondements de notre société.

Nous ne voterons pas ce texte mal préparé, inopportun, inquiétant et injuste pour notre société, pour son avenir et pour ses enfants qui sont, chers collègues, l'avenir de l'homme. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La discussion générale est close.

Motion de renvoi en commission

M. le président.

J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe du Rassemblement pour la République une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, avant de m'engager dans mon propos, j'ai une inquiétude dont je voudrais vous faire part. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) La feuille de séance de mardi dernier m'avait attribué un temps de parole de deux heures.

M. Didier Boulaud.

C'est largement suffisant !

M. Patrick Devedjian.

Or celle d'aujourd'hui ne comporte plus aucune indication.


page précédente page 08423page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

M. François Liberti.

C'est bien !

M. Jacques Myard.

Magouille !

M. Jean-Claude Lenoir.

On m'a fait le même coup !

M. Patrick Devedjian.

Je voudrais demander à la présidence, qui est responsable de l'établissement de ces feuilles, ce que signifie la disparition de cette indication.

M. Yves Nicolin.

Magouille !

M. Daniel Marcovitch.

Pas de réclamation à partir des feuilles jaunes !

M. Patrick Devedjian.

Etant entendu que je parlerai très largement moins que le temps que j'avais indiqué de deux heures,...

M. Didier Boulaud.

Très bien !

M. Patrick Devedjian.

... je voudrais savoir si j'encours nonobstant le risque d'être interrompu, comme c'est arrivé ce matin, soit que la présidence trouve mon propos trop long, soit qu'il ait l'heur de déplaire à une moitié de l'Assemblée. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Nicolin.

M. Fabius n'est pas là, il n'y a rien à craindre !

M. le président.

Monsieur Devedjian, puisque vous avez sollicité une réponse, je vais vous la fournir. C'était sans doute par erreur que le temps de deux heures avait été indiqué dans la première mouture du document que vous avez cité. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Goulard.

C'est sûrement l'informatique ! (Sourires.)

M. le président.

Je rappelle en outre que ces données sont toujours indicatives.

M. Patrick Ollier.

Le temps est illimité pour les motions de procédure !

M. le président.

Le fait que toute mention de durée ait disparu vous redonne une certaine liberté...

M. Patrick Devedjian.

Monsieur le président, j'avais moi-même indiqué ce temps de deux heures, j'en porte donc la responsabilité.

M. Alain Néri.

Vous avez le droit de faire moins. Cela compensera les quelque six heures de Mme Boutin !

M. Patrick Devedjian.

C'est de ma propre volonté également, pour épargner les instants de cette assemblée, dont je perçois la lassitude, que j'ai décidé de le réduire.

Pour autant, je ne voudrais pas que mon propos soit interrompu. Je vous le dis immédiatement, si tel devait être le cas, je préfère y renoncer d'ores et déjà, car nous serions dans une véritable parodie de démocratie. Or je n'entends pas servir d'alibi. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Christian Cuvilliez.

Il joue les victimes avant même d'avoir commencé !

M. le président.

Rassurez-vous, monsieur Devedjian, vous ne serez pas interrompu compte tenu des indications que vous avez fournies, de la bonne volonté que vous manifestez et de l'impatience de nos collègues à vous entendre.

(Sourires.)

M. Patrick Devedjian.

Je vous remercie, monsieur le président.

Voyez-vous, mon inquiétude vient de que nous avons connu dans ce débat des moments difficiles. En particulier, et la partie gauche de l'hémicycle en conviendra, le 9 octobre 1998, même si le PACS n'est pas un mariage, nous avons vécu ce que le librettiste de Mozart appelle une folle journée.

M. Georges Hage.

Vous n'êtes pas au prétoire !

M. Patrick Devedjian.

Ce n'est pas un si mauvais lieu, monsieur Hage, et certains s'y retrouvent sans l'avoir voulu, méfiez-vous ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Louis Fousseret.

Vous êtes mal placé pour faire ce genre de remarque !

M. Patrick Devedjian.

Tout avait commencé la veille du 9 octobre par un appel vibrant du Premier ministre à ses députés pour soutenir un projet que le Gouvernement n'a pas encore eu le courage de prendre à son compte. Le résultat est qu'il s'est trouvé le lendemain tel le général de Soubise cherchant avec une lanterne son armée évanouie.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Le résultat, c'est 750 maires socialistes signant la pétition contre le PACS. Le résultat c'est le feuilleton quotidien d'un texte dépourvu de la moindre fiabilité juridique.

On aura vu le président du groupe socialiste recevoir vertement, à cette tribune, un camouflet du président de l'Assemblée...

M. Christian Jacob.

Tiens, M. Ayrault s'en va ! La honte ! Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Au revoir M. Ayrault !

M. Patrick Devedjian.

... qui lui refusait le privilège de parler très au-delà du temps imparti et remiser honteusement son discours dilatoire dans sa poche. On l'entendra, peu après, accuser tout le monde de son échec et expliquer l'opposition par le souhait « de donner des gages à l'extrême droite ».

(Plusieurs députés du groupe socialiste se lèvent et quittent l'hémicycle.)

M. Jacques Myard.

Scandaleux !

M. Patrick Devedjian.

La gauche pharisienne ne connaît pas l'autocritique, ni même la critique, elle ne connaît que M. Le Pen, sans lequel elle perdrait toute légitimité à ses propres yeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jacques Myard.

Et quatre-vingts députés !


page précédente page 08424page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

M. Patrick Devedjian.

On lira le même expliquer laborieusement dans un journal du matin qu'il faut modifier le règlement de l'Assemblée nationale, qui serait, à ses yeux, l'unique cause d'un échec dont tout un chacun a compris qu'il était d'abord personnel. On le verra ultérieurement, enfin, s'en prendre physiquement au président de séance.

M. Arnaud Lepercq.

Ce qui ne s'était jamais fait !

M. Patrick Devedjian.

On avait vu un autre président de séance...

M. Dominique Dord.

Cochet !

M. Patrick Devedjian.

... retarder le vote, compter et recompter le résultat, annoncer son contraire et attendre l'indignation pour se corriger : on a appelé ça un lapsus.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

On aura entendu la garde des sceaux relire avec un sourire moqueur deux fois son discours, pour essayer, en vain, de donner à ses camarades de parti le temps d'assurer leur devoir de majorité. Un ministre faisant de l'obstruction à la tribune, à l'Assemblée, a-t-on souvent vu un tel abaissement de la fonction ? (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Puis-je rappeler, madame, que vos fonctions dépassent vos intérêts de parti ? Il est vrai que vous n'avez jamais été parlementaire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Durand.

C'est nul !

M. Patrick Devedjian.

Le respect de notre institution a seulement été appris dans les livres, ceux que vous lisez peut-être en séance, afin d'afficher un mépris ostensible quand l'opposition s'exprime. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Il est vrai que le titre du livre que vous lisez est de circonstance, puisqu'il s'appelle Avec le temps.

M. Jacques Myard.

Il est mauvais, le temps !

M. Patrick Devedjian.

Quel crédit apporter à vos protestations devant la longueur des débats quand vous avez donné vous-même un si mauvais exemple ? Tous les parlementaires chevronnés vous le diront : le Gouvernement et sa majorité sont toujours responsables du climat qui règne à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Et ils en ont fait beaucoup. Tandis que la gauche refusait d'assumer son devoir de majorité, le même ministre reprochait à la droite d'être ferme dans son opposition, l'insulte à la bouche. Souffrez que j'y réponde. Lisons-la dans le Journal du Dimanche du 11 octobre 1998...

M. Alain Bocquet.

Ce n'est pas le Journal officiel !

M. Patrick Devedjian.

...

« Moi, je ne "mégote" jamais.

Quand j'ai quelque chose à défendre, je le défends. Je ne supporte pas la lâcheté de ceux qui, à droite, ont peur de passer pour des ringards et font dire au texte ce qu'il ne dit pas ».

Permettez-moi, madame la ministre, de vous rappeler que la lâcheté est du côté de ceux qui ne viennent pas défendre leur conviction. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Nicolin.

Quelle leçon ! C'est une fessée !

M. Patrick Devedjian.

Quant au contenu du texte, il est tellement variable, qu'il faut effectivement ne pas

« mégoter » pour se croire ferme sur ses principes.

Pour ce qui est de la ringardise, je me contenterai de rappeler que, depuis cinquante ans, les plus grandes modernisations de la société ont été réalisées par la dro ite.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Le vote des femmes, c'est nous avec de Gaulle ! (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.) La sécurité sociale, c'est nous ! (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.) La décolonisation, c'est nous ! (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.) La libéralisation du divorce, c'est nous ! (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.) Le droit à la contraception et à l'interruption de grossesse, c'est nous ! ( Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)

Le vote à dix-huit ans, c'est nous ! (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.) La loi sur la bioéthique, c'est encore nous ! (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)

Vous n'avez pas fait le quart de cela ! Pas le quart ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Didier Boulaud.

La dissolution, c'est vous ! Et ça ne vous arrange pas !

M. Patrick Devedjian.

Je comprends que ça vous gêne.

J'entends bien que des hommes et des femmes de gauche ont aussi voté ces lois.

Mme Muguette Jacquaint.

Encore heureux !

M. Patrick Devedjian.

Mais c'est précisément l'honneur de la droite...

M. Bernard Roman.

Il n'y a que des ringards !

M. Patrick Devedjian.

... d'avoir compris que les grandes lois de modernisation de la société...

Plusieurs députés socialistes.

Les quarante heures ?

Mme Véronique Neiertz.

Les congés payés ?

M. Patrick Devedjian.

... doivent rassembler au-delà des clivages partisans, au-delà des intérêts électoraux, au-delà des passions idéologiques. Et c'est ce que vous ne faites pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vous n'êtes même pas capables de vous mettre d'accord à l'intérieur de votre majorité pour déposer une seule proposition. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Et vous ?

Mme Véronique Neiertz.

Balayez devant votre porte !

M me Yvette Benayoun-Nakache.

Parlez-nous de Charles Millon !

M. Patrick Devedjian.

Il vous en faut cinq. Comment pourriez-vous engager un dialogue avec l'opposition sur des sujets de société ?


page précédente page 08425page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

Vous avez félicité Roselyne Bachelot de son opinion dissidente.

Mme Nicole Bricq.

Oui !

M. Patrick Devedjian.

Mais chez nous, cela ne demande aucun héroïsme.

Mme Nicole Bricq.

Elle pleurait !

M. Patrick Devedjian.

Nous avons même accordé à Mme Bachelot un temps de parole dans la discussion générale sur les cinquante minutes qui nous étaient imparties. Nous pratiquons la liberté de conscience.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations et rires sur les bancs du g roupe socialiste.) Nous pratiquons la liberté de conscience, là où vous imposez la discipline de vote.

Quand je dis discipline, je devrais dire obéissance.

Nous n'imposons pas à nos députés de venir en rang serré apposer au cours d'une réunion de groupe leur signature sous un texte flou et durablement variable, mais qu'ils ne pourront plus désavouer. A quoi bon le débat puisque chacun d'entre vous s'est engagé par écrit à voter un texte dont il ne connaît même pas le dernier avatar...

Mme Christine Boutin.

Absolument !

M. Patrick Devedjian.

... tandis que certains, comme M. Desallangre, vont proclamer dans la presse locale leur hostilité au texte ? Vous mettez en oeuvre toutes les conditions du mandat impératif mais, impavides, vous continuez à donner des leçons à la terre entière. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) C'est par de tels procédés politiciens que les réformes deviennent de plus en plus difficiles, parce que, en faisant une bataille politique, vous contribuez, vous, réellement à l'archaïsme de la société française. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.) Malgré vos prétentions et votre morgue, sur la manière même de légiférer, nous sommes plus modernes que vous.

M. Georges Tron.

Ce n'est pas difficile !

M. Patrick Devedjian.

Je n'hésite pas à vous dire, que si vous en aviez le talent et si votre cause était juste, à la seconde même, je pourrais être convaincu.

Mme Christine Boutin.

Absolument !

M. Patrick Bloche.

rapporteur pour avis.

On s'en fout !

M. Patrick Devedjian.

Tel est l'esprit du mandat représentatif ! Mais hélas ! votre texte n'a cessé de varier, parfois plusieurs fois dans la même semaine, pour tenter de satisfaire les différents et contradictoires groupes de pression, au point de conduire - ce qu'on avait jamais vu - le secrétaire général du Parti socialiste à leur présenter des excuses, oubliant qu'ici le Parlement fait la loi pour tous.

M. Pierre Lellouche.

Absolument !

M. Patrick Devedjian.

Les divisions, les désaccords, les revirements de votre majorité sont tels que nous sommes depuis longtemps dans le domaine de toutes les incertitudes juridiques.

C'est pourquoi, en prenant la parole sur cette motion, je n'utilise pas un moyen de procédure, j'exprime la position de fond du RPR : il y a d'autant plus de raisons de retravailler le texte en commission que le projet n'atteint pas les buts qu'il proclame et que les solutions proposées aggraveront les problèmes réels qui ont été relevés.

Mme Christine Boutin.

C'est vrai !

M. Alain Clary.

Tartuffe ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Patrick Devedjian.

L'injure est votre seule réponse ! Cela en dit long sur votre pensée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Le texte qui nous est soumis a donné lieu à de nombreuses discussions, mais aucune n'a réussi à lui donner une logique, ni même une cohérence.

M. Jacques Myard.

Très bien !

M. Patrick Devedjian.

Bien loin d'être polie par le débat, la proposition de loi n'a cessé de changer de philosophie. Ses avatars mettent en lumière la confusion d'esprit des rédacteurs dont l'intention initiale s'est manifestement égarée dans des débats que plus personne ne maîtrise, et surtout pas le Gouvernement, mais où chacun s'entête pour tenter de sauver la face.

Avant même le 9 octobre 1998, la gauche avait d'ores et déjà subi une première défaite : le Front national a été éliminé d'un débat qui avait pour objet de le mettre en valeur au point que toute opposition était qualifiée de

« lepénisation de l'esprit » par M. Ayrault. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il est vrai que l'agitation de cet épouvantail est indispensable au rassemblement du peuple de gauche.

Le Front national est l'adversaire préféré de la gauche, elle le recherche car il est le plus facile à battre.

M. Didier Boulaud.

A Dreux ! A Vitrolles !

M. Patrick Devedjian.

Mais la majorité s'apprête à subir rapidement un nouveau revers car, malgré la destination du texte, il ne divisera pas l'opposition qui, à quelques très rares exceptions près, votera massivement contre.

Il faut dire que votre discours a de quoi mobiliser même une opposition à laquelle auraient pu échapper les incohérences de cette aventure.

Le dépôt de la proposition de loi s'est accompagné d'un délire idéologique à la Bourdieu où les dominants étaient les mariés, les concubins étant les dominés. Le snobisme le plus bête s'en est mêlé, quand on a invoqué l'évolution de la société et des moeurs, et le caractère démodé du mariage et de ses adeptes.

Il s'agit bien évidemment d'une cuistrerie, car il n'y a rien de nouveau sous le soleil. L'homosexualité est une donnée permanente de toutes les sociétés. Socrate proclamait sa passion pour Alcibiade, que Platon raconte sans complexe.

M. Michel Péricard.

Ils ne savent même pas qui c'est !

M. Patrick Devedjian.

On ignore peu de chose des amours de l'empereur Hadrien et d'Antinos. MichelAnge découvrait dans son lit, chère Christine Boutin (Rires), les corps musclés qu'il peignait au plafond de la Sixtine. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


page précédente page 08426page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

Mme Christine Boutin.

Eh oui !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois, et M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Très bien !

M. Patrick Devedjian.

Frédéric II de Prusse couchait avec ses grenadiers et Voltaire ne s'en étonnait pas. Verlaine a écrit ses plus beaux poèmes pour Arthur Rimbaud. Et nous n'aurions pas la sublime Recherche du temps perdu, sans l'homosexualité de Marcel Proust.

Mme Nicole Bricq.

Ça c'est vrai !

M. Patrick Devedjian.

Les homosexuels ont apporté, de tout temps, suffisamment de richesses à la culture et à la civilisation, pour n'avoir besoin ni de réhabilitation ni d'un statut social particulier et, encore moins, d'une commisération hypocrite. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Quant au concubinage, faut-il rappeler qu'il est une institution romaine, juridiquement définie, et que c'est seulement en 1563 qu'il y a été mis fin, par le concile de Trente ? Il était fatal qu'il reprenne ses droits avec l'affaiblissement du poids de l'Eglise dans notre société et malgré la laïcisation du mariage. C'était d'autant plus inévitable qu'on a refusé de moderniser le mariage, en particulier au regard du conjoint survivant, et que trop rares, beaucoup trop rares sont les mairies qui accordent au mariage républicain le décorum qu'il mérite. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Christine Boutin.

Absolument !

M. Patrick Devedjian.

Nul étonnement non plus, au fait que le droit ait bâti progressivement un véritable statut du concubinage : les concubins ne le savent pas toujours mais ils prennent de vrais engagements, en tout état de cause.

Le concubinage n'est pas plus une facilité que le mariage, et il suppose un renouvellement quotidien de l'engagement, en même temps qu'un grand respect de la liberté de l'autre. Notre opposition au PACS n'est pas une condamnation du concubinage ; elle est au contraire motivée par la volonté de ne pas perturber les acquis du droit dans ce domaine.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Lesquels ?

M. Patrick Devedjian.

On va en parler ! Le PACS déstabilisera autant le concubinage que le mariage.

M. Pierre Lellouche.

Absolument !

M. Patrick Devedjian.

Mais ses promoteurs ne s'en rendent même pas compte !

M. Jacques Myard.

Ce sont des innocents !

M. Patrick Devedjian.

A partir d'un vrai problème, douloureux, injuste, mais simple à résoudre, la gauche se trouve entraînée, presque malgré elle, à une réforme profonde du code civil, sans même avoir réfléchi aux conséquences.

M. Jacques Myard.

Ils ne réfléchissent pas !

M. Patrick Devedjian.

Le problème douloureux est celui qui nous a été révélé par le sida : à la mort d'un homosexuel, son compagnon peut en effet être privé du droit au maintien dans les lieux, du fruit du travail commun et même d'une simple libéralité successorale.

Beaucoup l'ont rappelé.

La question du maintien dans les lieux avait été pratiquement résolue par la loi du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social à la suite de l'adoption d'un amendement qui prévoyait une modification de la loi du 23 décembre 1986 en autorisant la continuation du bail locatif au profit de toute personne vivant avec le locataire décédé.

M. Jean-Jacques Guillet.

C'est scandaleux, Mme la ministre lit ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

Elle est nulle !

M. Michel Terrot.

C'est une attitude scandaleuse !

M. Jacques Myard.

Inadmissible !

M. Patrick Devedjian.

Qu'un membre du Gouvernement lise ostensiblement un livre pendant qu'un orateur s'exprime en dit long sur sa conception de la démocratie.

(Applaudissements et huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Arnaud Lepercq.

C'est de la goujaterie !

M. Patrick Devedjian.

Je suis même un peu jaloux, madame la garde des sceaux, de voir que vous préférez à mon discours la lecture de Jean Daniel, qui a plus de talent que moi... (Sourires.)

Mme Nicole Bricq.

Ça, c'est vrai !

M. Pierre Lellouche.

Qu'elle quitte l'hémicycle et aille se coucher !

M. Arnaud Lepercq.

Qu'elle aille lire à la bibliothèque !

M. Michel Terrot.

Aux archives !

M. Patrick Devedjian.

Or la disposition ainsi introduite par amendement en 1993 a été annulée par le Conseil constitutionnel pour une raison de procédure.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

La faute à qui ?

M. Patrick Devedjian.

Le Conseil constitutionnel a pour vocation de faire respecter la Constitution.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Qui a saisi le Conseil constitutionnel ?

M. Patrick Devedjian.

Il n'y a pas de faute ; c'est le droit et le Conseil constitutionnel a bien fait d'annuler une disposition irrégulière.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

S'il n'avait pas été saisi, il n'aurait pas annulé la mesure. La saisine a été l'oeuvre de vos amis du Sénat. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jacques Myard.

De quel droit intervient-il, monsieur le président ?

M. Arnaud Lepercq.

Les interpellations ne sont pas autorisées que je sache !

M. Patrick Devedjian.

Monsieur Bloche, peu importe le requérant : l'essentiel est le respect de la règle de droit, l'essentiel est d'avoir raison en droit. (Applaudissements sur


page précédente page 08427page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Le Conseil ne l'aurait pas annulée s'il n'avait pas été saisi !

M. Patrick Devedjian.

D'après vous, monsieur Bloche, selon que l'on serait dans l'opposition ou dans la majorité, on pourrait ou non ne pas faire respecter le droit ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Monsieur Bloche et monsieur Devedjian, s'il vous plaît, n'engagez pas de dialogue particulier.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Georges Tron.

Qui interrompt ?

M. le président.

Je souhaite que M. Devedjian puisse continuer.

M. Patrick Devedjian.

Le Conseil constitutionnel n'ayant annulé cette disposition que pour de pures raisons de forme, il n'y avait rien de plus facile que de la reprendre en suivant une procédure régulière.

Il est également très aisé de modifier le taux d'imposition confiscatoire de 60 % pour toute libéralité à l'égard d'un tiers. C'est en effet le droit de celui qui n'a pas d'enfant de disposer d'au moins une partie de son bien suivant son appréciation, sans devoir subir une fiscalité pénalisante, parce que moralisatrice, que la gauche a instituée en 1984. Les 60 %, c'est vous ! (Applaudissements sur d ivers bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Arnaud Lepercq.

C'est l'arroseur arrosé !

M. Patrick Devedjian.

En réalité, comme le proclame le rapporteur Jean-Pierre Michel, à partir des revendications de la communauté homosexuelle, il s'agit de donner une portée universelle à cette disposition. On n'en est plus au droit au bail ! Or, d'une part, les homosexuels n'ont jamais constitué une communauté, car on n'établit pas une communauté sur une simple pratique sexuelle qui, en fait, appartient d'abord à la vie privée ; d'autre part, il s'agit pour une petite minorité parmi les homosexuels d'obtenir une reconnaissance sociale par l'obtention d'un statut comparable au mariage. Pour cela, on met en avant l'évolution des moeurs et la situation des concubins hétérosexuels qui, pourtant, ne demandaient rien.

(Mme la garde des sceaux quitte l'hémicycle. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

Scandaleux !

M. Patrick Devedjian.

L'idée de départ est de prévoir un même statut pour tous les concubins. Au prétexte de donner des droits nouveaux à l'union libre des hétérosexuels, les mêmes droits seront accordés aux homosexuels en affectant le tout d'un peu de symbolisme afin de compenser l'absence de mariage.

On n'en est pas à un paradoxe près dans la définition de ce statut commun : tandis que les hétérosexuels veulent s'éloigner du mariage, les homosexuels veulent s'en rapprocher. On est toujours le ringard de quelqu'un ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

CUC, CUS, CUCS, PIC, PACS 1, PACS 2, bientôt PACS 3, et ce n'est pas fini quand on voit les amendements proposés ! En réalité, la gauche est atteinte de logorrhée législative et elle ne sait plus comment sortir de l'aventure dans laquelle elle s'est engagée.

Tout avait effectivement commencé au Sénat en 1990, avec le dépôt d'une proposition de M. Mélenchon tendant à accorder aux concubins les mêmes droits, qu'ils soient hétérosexuels ou homosexuels.

Les activistes homosexuels ne s'en contentent pas et veulent obtenir les mêmes droits que les gens mariés. On continue donc par une proposition de loi, à l'origine non parlementaire, mais déposée par M. Autexier en 1992, portant création d'un contrat d'union sociale, le CUS.

Cette fois, il s'agissait de permettre un quasi-mariage, avec inscription à l'état civil, et un quasi-divorce, avec recours au juge.

Cette proposition est reprise en 1993 par le Mouvement des citoyens et en 1997 par le groupe socialiste.

Cette même année, les communistes proposent d'aligner les droits de tous les concubins sur ceux du mariage : il s'agit clairement de rendre ce dernier inutile.

Le temps, pas si lointain, où L'Humanité de Roland Leroy voyait dans l'homosexualité une manifestation de la pourriture capitaliste, n'est plus dans la ligne. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Puis M. Jean-Pierre Michel dépose en 1997 une proposition de loi en faveur du contrat d'union civile et sociale, le CUCS. La novation est dans l'institution de la communauté réduite aux acquêts qui accentue la similitude avec le mariage.

En 1998, le rapport Hauser, établi à la demande des deux derniers gardes des sceaux, propose le pacte d'intérêt commun, le PIC, qui a pour caractéristique de pouvoir être conclu avec n'importe qui, ascendant ou descendant, collatéraux ou personnes déjà mariées. En revanche, il n'affecte plus l'état civil mais, paradoxalement, il exige, lui, une communauté de vie que le CUS ne prévoyait pas.

Le rapport Théry, lui aussi commandé par le garde des sceaux et qui avait auparavant donné lieu à une note de la fondation Saint-Simon, exclut que l'on puisse avoir un même statut juridique pour les homosexuels et les hétérosexuels.

C'est dans cette confusion intellectuelle que la commission des lois et la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale examinent la première proposition de pacte civil de solidarité dont nous avons été saisis. Ces commissions n'étaient pas d'accord entre elles. On a même vu une proposition de PACS entre ascendants, entre parents et certains enfants qu'ils auraient pu choisir en niant le principe de l'égalité des enfants devant l'héritage. Belle avancée sociale de la gauche que celle qui aurait permis le rétablissement du droit d'aînesse ! (Riress ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) On voit maintenant s'agiter le PACS des fratries.


page précédente page 08428page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

La majorité a déploré que le texte du 9 octobre ait été repoussé par un « rapport numérique momentanément favorable » selon l'euphémisme employé par Jean-Pierre Michel, auquel je suis obligé de rappeler que le propre de l a démocratie, c'est qu'une majorité est toujours

« momentanée ». Il n'existe pas de majorité métaphysique ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Mais la majorité momentanée d'aujourd'hui ne peut pas avoir réellement de regret, puisque M. Michel nous a assuré que le texte avait depuis été « enrichi ». Mme Tasca a même souligné que cette nouvelle proposition répondait mieux que la précédente aux objectifs de la gauche et qu'elle avait été « améliorée ». Nous vous proposons donc de poursuivre cet intéressant travail d'enrichissement et d'amélioration. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Christine Boutin.

Ils doivent encore l'améliorer !

M. Patrick Devedjian.

Il me semble qu'après trois ou quatre aller-retour, on pourra enfin en parler plus sérieusement. (Sourires.)

Pour saisir tout l'intérêt d'un nouveau renvoi en commission, essayons de mesurer ce que le dernier a apporté en comparant les rapports et les comptes rendus.

L'indivision est réduite - c'est une bonne chose, croyez-moi, étant donné le caractère de cette institution ; l'attribution préférentielle est simplifiée - c'est encore une bonne chose ; la dénonciation du PACS fait désormais l'objet d'un préavis de trois mois, la résidence commune est renforcée, les abattements sont relevés.

M. Bloche a dû concéder, ici même, que le préavis de trois mois était une obligation constitutionnelle issue du préambule de la Constitution de 1946.

M. Pierre Lellouche.

Eh oui !

M. Patrick Devedjian.

Notre motion d'irrecevabilité avait donc des bases constitutionnelles que vous venez enfin de reconnaître. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie françaises-Alliance, et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jacques Myard.

Ça fait mal !

M. Patrick Devedjian.

En revanche, des dispositions nouvelles viennent compliquer davantage encore le dispositif : le concept de fratrie et le lieu d'enregistrement du PACS. Les fratries peuvent bénéficier d'un demi-PACS, mais elles sont exclues des dispositions successorales. Je vois que nos avertissements sur le rétablissement du droit d'aînesse ont été en partie entendus. Mais pourquoi limiter la fratrie à deux dès lors qu'ils ne sont pas réellement dans le PACS, dès lors qu'il n'y a évidemment pas de dimension sexuelle ?

Mme Christine Boutin.

Bien sûr !

M. Patrick Devedjian.

Cela constitue une rupture de l'égalité parmi les fratries sans qu'aucun intérêt généra l ne le justifie.

M. Jacques Myard.

Le Conseil constitutionnel jugera !

M. Patrick Devedjian.

Il y a un désaccord sur ce point avec le Gouvernement qui a déclaré : « Deux personnes qui, sans enfreindre la loi, ne peuvent partager le même lit, ne doivent pas pouvoir conclure un pacte de solidarité. »

Le changement de lieu pour l'enregistrement du PACS ressemble un peu au jeu du mistigri : chacun se le repasse car personne n'en veut. Le choix des greffes des tribunaux d'instance est une fausse bonne idée, car ils sont très fortement encombrés. On leur avait destiné les procédures du surendettement mais on a dû y renoncer. Ils sont en particulier submergés par la gestion de la tutelle qui demande, elle aussi, à être réformée. Alors que les tribunaux d'instance doivent se soumettre à une rationalisation de la carte judiciaire, ils sont loin d'être une priorité dans l'affectation de nouveaux crédits.

Sur le fond des choses, le changement de lieu ne modifie rien à l'enregistrement public et perpétuel que je continue à considérer comme très dangereux pour les intéressés.

Le texte n'a cessé de varier sur ses orientations les plus fondamentales et je ne doute pas qu'il se transforme encore au point que plus personne ne sait vers quel concept juridique on évolue. On est en présence d'un OJNI, un objet juridique non identifié. (« Très bien ! »s ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française- Alliance et du groupe démocratie libérale et Indépendants.) En effet ses promoteurs défendent, avec la même assurance, des modifications qui se contredisent et donnent le sentiment que certains ne sauront plus comment sortir du marécage juridique dans lequel ils pataugent et où l'intention initiale se perd chaque jour un peu plus.

On a connu le PACS sans obligation de vie commune, puis avec ; on a connu le PACS impliquant de fait une relation sexuelle, excluant donc les frères et soeurs, puis les réintégrant ; on a connu le PACS avec délai d'un an puis sans délai ; le PACS du week-end, puis maintenant le PACS à trois mois ; on a connu le PACS avec rupture conjointe et recours au juge, puis la rupture unilatérale, le PACS répudiation ; on a connu le PACS à la mairie, au tribunal de grande instance, à la préfecture - le PACS police - et maintenant au tribunal d'instance.

Tout cela démontre l'insuffisance de la réflexion pour une si vaste ambition. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Terrot.

Dommage que Mme la ministre ne soit plus là !

M. Patrick Devedjian.

Il semble que les conséquences de cette proposition n'ont pas été envisagées par ses auteurs, parce que le PACS nuira d'abord au concubinage.

Ce dernier est d'ores et déjà reconnu juridiquement comme une possession d'état. Il faut d'ailleurs rappeler que les concubins hétérosexuels ne réclamaient rien.

Pourtant il faudrait améliorer la situation des concubins au regard du droit à la pension de réversion ou de la fiscalité successorale par exemple.

Mme Christine Boutin.

Absolument !

M. Patrick Devedjian.

Mais tel n'est pas le cas. On s'est emparé de la situation des concubins pour d'autres fins qu'eux-mêmes, sans avoir réellement en vue l'amélioration de leur état. Ils ont servi, comme d'autres situations


page précédente page 08429page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

ajoutées au fil du débat, à dissimuler un peu plus que l'on voulait légiférer d'abord pour les homosexuels.

Ceux qui invoquent l'air du temps à propos du concubinage ont oublié l'air de la chanson de ce qu'est réellement l'union libre. Georges Brassens chantait déjà :

« J'ai l'honneur de ne pas te demander ta main,

« Ne gravons pas nos noms au bas d'un parchemin.

« Laissons le champ libre à l'oiseau,

« Nous serons tous les deux prisonniers sur parole. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Paul Bret.

Très bien !

M. Patrick Devedjian.

Telle est l'essence du concubinage : sur parole ! On ne peut et on ne doit pas réglementer tous les rapports sociaux. La vie deviendrait un enfer. Mais, direzvous, personne n'oblige tous les concubins à passer un PACS. Oui, mais alors les droits qui sont clairement affirmés pour les concubins passés sous le régime d'un PACS risquent d'être remis en cause pour les autres, car les tribunaux considéreront que les droits que le législateur accorde au PACS doivent lui être réservés, sous peine de rendre la loi inutile.

M. Jacques Myard.

Eh oui !

M. Michel Terrot.

Et voilà !

M. Patrick Devedjian.

Jusqu'à présent, la plupart de ces droits résultaient bien souvent d'une appréciation jurisprudentielle à partir d'un constat de fait. Dans la mesure où vous définissez le concubinage par un constat de droit, vous affaiblissez la situation des autres, à moins que vous ne vouliez les contraindre à entrer dans votre cadre pour conserver des droits qu'ils ont déjà. Mais vous porteriez alors une grave atteinte à la liberté du plus grand nombre.

Votre passion du contrôle de la vie sociale vous conduit à soumettre à l'Etat toutes formes de vie privée.

M. Jean-Paul Charié.

Eh oui !

M. Georges Tron.

Exactement !

M. Patrick Devedjian.

Entre vos mains, la liberté dépérit inéluctablement, comme ces fleurs chez ceux dont ont dit qu'ils n'ont pas la main verte, bien que vous ayez des écologistes avec vous ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Par ailleurs, le PACS nuira aussi aux homosexuels.

En effet, il est un droit élémentaire pour les homosexuels de ne pas vouloir déclarer leur situation et de vivre discrètement, sans être fichés à vie. C'est donc leur droit de ne pas souscrire de PACS.

M. Michel Vergnier.

Exact !

M. Patrick Devedjian.

Je pense même, compte tenu de l'expérience des autres pays, qu'ils seront une majorité à ne pas se déclarer. Dans ce cas, vous n'aurez rien réglé des drames révélés par le sida et qui sont à l'origine de votre démarche. Singulier aboutissement que celui qui consiste à bouleverser le code civil pour ne pas régler le vrai problème de la majorité de ceux pour lesquels on prétend agir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) La finalité, certes involontaire, de votre texte, est de ficher les homosexuels et, par un inconscient freudien, pour tenir le registre, vous aviez choisi la préfecture, c'està-dire le siège de la police.

M. Maurice Leroy.

Très bien !

M. Patrick Devedjian.

Pour sauver l'humanité, vous finissez toujours par lui passer les menottes.

(Vifs applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jacques Myard.

C'est le PACS menottes !

M. Patrick Devedjian.

Le PACS étant opposable aux tiers, les registres seront consultables par n'importe qui, comme l'état civil, et la vie durant !

M. Yves Nicolin.

Evidemment !

M. Patrick Devedjian.

Celui qui aura changé de vie, pourra se voir opposer, très longtemps après, l'état de ses moeurs anciennes.

Si l'on suit le principe énoncé par le Gouvernement suivant lequel il faut « partager le même lit » pour pouvoir conclure un PACS, la consultation du registre public n'exigera beaucoup de sagacité, cher Jean-Pierre Michel, pour distinguer les couples homosexuels des couples hétérosexuels. Cela ne sera pas très difficile.

(Rires et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Georges Tron.

C'est évident.

M. Patrick Devedjian.

Il n'est pas besoin d'être dans l'opposition pour penser cela. Lisez M. Badinter. Il a écrit : « Une chose est de proclamer le principe de nondiscrimination entre homosexuels et hétérosexuels, autre chose est de les inscrire à la faveur d'un PACS dans une nsemble hétéroclite de "partenaires" aux situations diverses dont aucune, contrairement à l'homosexualité, n'a jamais fait l'objet d'hostilité, voire de persécution. »

C'était dans le Nouvel Observateur du 8 octobre 1998.

(Mme la garde des sceaux revient dans l'hémicycle et reprend sa place au banc du Gouvernement.)

Souvenons-nous que les homosexuels ont été déportés pendant l'Occupation, marqués avec un triangle rose. Ils ont subi une véritable persécution. On ne saurait donc prendre trop de précautions. J'appartiens à une minorité ethnique. Je n'ai pas envie, même dans ce pays paisible qu'est la France aujourd'hui, d'être fiché comme tel.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

C'est insupportable !

M. Patrick Devedjian.

La vérité est qu'il fallait avoir le courage politique de légiférer pour les seuls homosexuels,...

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois.

Alors, ils seraient fichés ! M. Patrick Devedjian ... contre les discriminations dont ils font l'objet, et non pas tenter de les dissimuler honteusement derrière des paravents qui, devenant de plus en plus nombreux, créent un labyrinthe d'incohérence. Il eût


page précédente page 08430page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

suffi de dire que, contrairement à la jurisprudence de la Cour de cassation, le concubinage n'était pas réservé à des sexes opposés. Vous n'avez su avoir ni cette simplicité ni ce courage ! Plus grave même, alors que M. Tourret avait, en commission des lois, déposé un amendement no 813 en ce sens le 29 octobre 1998, il y a peu de jours, Mme Neiertz lui a fait observer « que l'adoption de cet amendement vidait le PACS de sa raison d'être et donnait des arguments aux opposants ». (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Et ce brave M. Tourret a obtempéré en retirant son amendement.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Eh voilà !

M. Christian Cabal.

C'est la liberté !

M. Patrick Devedjian.

On ne pouvait mieux faire comprendre qu'on ne légifère que pour les homosexuels et même pour une partie d'entre eux, ceux qui acceptent de se déclarer comme tels et de porter le panneau ! En définitive, la situation des homosexuels, le drame que vous évoquez en invoquant le sida, tout cela importe moins que votre opération politicienne.

M. Jean de Gaulle.

Absolument !

M. Patrick Devedjian.

Le PACS nuira aussi, on l'a dit, je serai donc bref sur ce point, au mariage.

Contrairement à certaines affirmations le mariage n'est pas seulement un choix de vie. Il est l'institution qui protège le mieux les plus faibles : le conjoint sans ressource et l'enfant.

M. Léonce Deprez.

Très juste !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

N'importe quoi !

M. Patrick Devedjian.

En cas de divorce et en cas de décès, c'est encore le mariage qui protège le mieux le conjoint sans ressource.

M. Christian Estrosi.

Et, oui !

M. Patrick Devedjian.

Quand un enfant naît d'un mariage, son père est présumé automatiquement être le mari.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Même si ce n'est pas le père !

M. Patrick Devedjian.

Hors mariage, il lui faut un acte de reconnaissance.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

C'est mieux !

M. Patrick Devedjian.

Nous savons, hélas, qu'il n'a pas toujours lieu. Un enfant a intérêt à naître de parents mariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jacques Myard.

Ça vous fait mal d'entendre ça mesdames, messieurs de la majorité.

M. Patrick Devedjian.

Voilà pourquoi tout ce qui affaiblit le mariage aggrave la situation des plus faibles. La famille éclatée est la première cause de l'affaiblissement du lien social, de l'absence d'éducation et de formation des enfants. Il y a un rapport caractérisé entre l'instabilité de la famille et la délinquance, tous les avocats savent cela.

M. Jacques Myard.

Et, oui. C'est malheureusement vrai !

M. Robert Lamy.

Mme la garde des sceaux n'est pas avocat !

M. Patrick Devedjian.

Ce qui est une fatalité sociale ne doit pas être encouragé. Craignons même que, suivant la loi de Gresham pour laquelle la mauvaise monnaie chasse la bonne, le mauvais mariage chasse le bon.

Le Gouvernement a commandé à Mme Irène Théry, qui se réclame de la gauche, un rapport intitulé « Couple, filiation et parenté aujourd'hui. Le droit face aux mutations de la vie privée ». La Conférence de la famille l'a pratiquement entériné.

Analysant son propre rapport dans la revue Commentaire, Mme Théry réitère son refus de tout statut du concubinage par une mise en garde se référant au professeur Carbonnier dont elle cite le passage suivant, sur lequel vous pourriez peut-être utilement méditer : « Le concubinage qui, réclamant un statut, se donne pour idéal d'imiter le mariage ne saurait cacher, se cacher, que ce qu'il repousse n'est pas en réalité le mariage, mais le mariage civil. La question est alors celle-ci : y a-t-il place, en France, pour deux mariages à égalité d'effets de droit ? C'est une question politique et même, pour une large part - le pouvoir laïc s'étant attribué depuis 1792 le monopole des effets civils du mariage -, une question de politique religieuse. Les spectateurs ne peuvent se tenir de rire en voyant les partis qui se veulent les héritiers des Lumières s'évertuer à détruire une institution que les Lumières leur ont léguée et à préparer à plus long terme - certes plus loin que le bout de leur nez - le lit du droit canonique ».

Eh oui ! La prochaine étape ne serait-elle pas de permettre le mariage religieux sans obligation du mariage civil. Il suffirait d'un amendement dans ce texte sur le PACS pour retrouver l'autonomie du mariage religieux.

On n'en est pas loin.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Quel délire !

M. Patrick Devedjian.

La bonne direction d'une réforme est au contraire de moderniser tant l'institution du mariage que celle du divorce pour que la famille ne devienne pas non plus une contrainte insupportable. Le droit de la famille a parfois un siècle de retard. En matière successorale, les dispositions du code civil datent de 1804. Le droit fiscal et le droit social sont souvent dissuasifs du mariage. Combien de retraités sont contraints de vivre en concubinage pour ne pas perdre leur pension d e réversion ? Combien de conjoints survivants se trouvent dépouillés, parce que, en l'absence de disposition testamentaire, ils ne bénéficient que d'un usufruit sur le quart de la succession ? L'évidence est que les gens se marient d'abord par amour et non pas à cause du statut du mariage mais, en fait en dépit de celui-ci, puisqu'il est de plus en plus désavantageux par rapport à l'union libre.

(Plusieurs députés du groupe socialiste reviennent dans l'hémicycle.)

M. Georges Tron.

Silence, messieurs de la majorité ! Nous n'entendons plus M. Devedjian.

M. Pierre Lellouche.

C'est scandaleux !

M. Georges Tron.

Faites-les taire, monsieur le président. Ils arrivent et font du bruit.


page précédente page 08431page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

M. Philippe Séguin.

C'est de la provocation.

M. Patrick Devedjian.

Nos collègues socialistes reviennent de la buvette. Leur retour est un peu bruyant !

M. Pierre Lellouche.

Ils ne connaissent que le mépris et l'injure.

M. le président.

Il y a malheureusement eu plusieurs moments dans la journée où les orateurs n'ont pas pu se faire entendre dans de bonnes conditions.

Je souhaite que chacun prenne sa place pour que

M. Devedjian puisse poursuivre calmement.

M. Patrick Devedjian.

Que M. de Courson me pardonne mais je suis en désaccord avec lui lorsqu'il préconise de rapprocher la fiscalité des concubins de celle des gens mariés.

Je considère, à l'inverse, qu'il faut rapprocher la fiscalité du mariage de celle du concubinage.

Un couple d'employés payé au SMIC ne paie pas d'impôt s'il vit en concubinage, mais il paie 4 000 francs s'il est marié.

Mme Christine Boutin.

Eh oui !

M. Patrick Devedjian.

Je souhaite que, comme en Autriche, au Danemark, en Finlande, en Belgique, en Grèce, aux Pays-Bas, soit instituée, pour les couples mariés, une possibilité d'opter pour une imposition séparée. Nous trouverons ainsi l'égalité par cette manière-là.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ce n'est visiblement pas la voie que vous avez choisie.

Mme Christine Boutin.

Eh non !

M. Patrick Devedjian.

Avec le PACS, il est possible d'établir un véritable guide fiscalo-social de la vie commune. Il pourrait être le suivant : concubinage simple au début de la vie commune afin d'avoir des impositions séparées, puis PACS avec l'arrivée des enfants, si la femme arrête de travailler ; retour au concubinage simple quand les enfants grandissent et permettent le retour à l'emploi des deux parents ; deux ans de mariage ensuite pour obtenir le bénéfice de la pension de réversion et favoriser la donation entre époux, enfin retour au concubinage pendant la retraite si les pensions sont équivalentes, mais PACS si elles sont disparates. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ma conviction est que la fiscalité ne doit pas avoir pour objet de déterminer la conduite des couples. Une vraie modernisation, une vraie laïcité consiste à ce que la fiscalité soit neutre au regard du comportement des couples. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Georges Tron.

Absolument !

M. Patrick Devedjian.

Le PACS aggrave les disparités et s'éloigne encore plus de l'égalité fiscale des couples devant l'impôt.

Comment ne pas lier l'affaiblissement du mariage par le PACS, la précarisation de la famille par votre refus d'en faire évoluer le droit, et les dispositions fiscales que vous prenez contre elle : réduction de la déduction pour garde d'enfants, l'AGED, plafonnement du quotient familial, qui rapportera 4 milliards de francs à l'Etat l'année prochaine, tandis que le PACS lui en coûtera au moins six ? Comment ne pas lier tout cela et s'effrayer de la concomitance ?

Mme Michèle Alliot-Marie.

C'est vrai !

M. Patrick Devedjian.

En réalité, vous n'avez pas aperçu que le PACS est dangereux parce qu'il est incohérent.

J'ai beaucoup d'estime pour Jean-Pierre Michel, le rapporteur de ce texte. C'est un bon spécialiste du code de procédure pénale et nous sommes souvent tous deux d'accord sur ses perspectives d'évolution. Mais je lui demande d'ouvrir de temps à autre le code civil. (Sourires.) C'est le fruit de deux mille ans de réflexions subtiles sur l'organisation de la vie privée.

M. Patrick Bloche.

Deux cents ans.

M. Patrick Devedjian.

C'est un magasin de porcelaine où il faut, bien sûr, faire quelques réparations et un peu de ménage, mais ne prenons pas une pelle mécanique ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Le malheur du texte vient de ce qu'on veut à toute force traiter dans un même statut juridique des situations de plus en plus disparates. On veut à la fois traiter par un même régime juridique des unions ayant prioritairement une cause sexuelle et des unions ayant prioritairement une cause financière.

M. Georges Tron.

Exactement.

M. Patrick Devedjian.

Il en résulte de nombreuses inégalités et contradictions. Ainsi, des gens vivant en union libre peuvent pacser avec des tiers, des gens mariés ne le peuvent pas.

Mme Christine Boutin.

Eh oui !

M. Patrick Devedjian.

Une femme pacsée avec un homme peut faire reconnaître son enfant par un tiers.

C'est possible tout cela ! (Sourires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Christine Boutin.

Eh oui !

M. Patrick Devedjian.

Evidemment, vous me dites que c'est volontairement que l'on n'a pas parlé des enfants.

On nous a expliqué, avec beaucoup d'hypocrisie, que la proposition de loi créant le PACS était faite principalement dans l'intérêt des couples vivant en union libre, lesquels représentent entre quatre et cinq millions de personnes. Et d'ajouter que c'est un signe de l'évolution des moeurs que de vouloir traiter cette situation sans se satisfaire des solutions qui existent déjà pour les intéressés.

C'est en vain que le Gouvernement allègue soudainement que c'est volontairement et parce qu'elle viendrait plus tard que la situation des enfants n'est pas traitée. Il ne peut y avoir une cloison étanche entre un couple et ses enfants.

Mme Christine Boutin.

Bien sûr.

M. Patrick Devedjian.

Vous ne pouvez pas créer une séparation rigide entre le père et la mère et les enfants et les traiter par des régimes juridiques différents.

(Applau-


page précédente page 08432page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

dissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

Le mot « enfant » n'est même pas écrit dans la proposition, qui l'ignore totalement.

M. Alfred Recours.

Vous n'avez rien compris !

M. Patrick Devedjian.

Il y en a pourtant deux millions qui sont issus de l'union libre. Si l'intention est véritablement celle qui est proclamée - agir dans l'intérêt de tous les concubins - le plus important dans l'union libre, n'est-ce pas la situation des enfants ?

Mme Christine Boutin.

Bien sûr que si.

M. Patrick Devedjian.

Or, on a manifesté davantage de souci pour les impôts, auxquels sont consacrés cinq articles détaillés, que pour les enfants (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

Que peut-on stipuler dans un PACS à propos des enfants ? Aucun interdit n'est posé.

Est-il licite de prévoir, comme Jean-Jacques Rousseau qu'on les abandonnera à l'Assistance publique ou à la DDASS ? (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Est-ce que c'est permis ou est-ce que c'est interdit ? Vous ne le dites pas.

Quel sera le régime juridique des enfants issus d'un PACS ? Auront-ils plus de garanties de bénéficier d'une pension alimentaire en cas de dissolution du PACS ? Celui-ci s'impose-t-il aux enfants mineurs au moment de sa conclusion et dans quelle mesure ? Nous ne le savons pas.

Quel sera le juge compétent en cas de conflit à leur propos : le juge des enfants aux affaires familiales ou le juge du contrat ? Vous ne le dites pas.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

C'est dans le code.

M. Patrick Devedjian.

Aucune de ces questions, pourtant capitales, n'est même effleurée.

M. Jacques Myard.

Que la majorité refasse sa copie !

M. Patrick Devedjian.

Parlons de l'adoption.

Curieusement, dans le débat, on s'est davantage préoccupé des enfants à adopter dans le futur que des enfants existant déjà dans l'union libre. Le texte ne contient, il est vrai, aucune disposition sur l'adoption ni pour la permettre ni pour l'interdire. Mais, malgré les déclarations du Gouvernement, le rapporteur de la proposition a la franchise de déclarer que « ce texte ouvrira l'adoption plénière à tous les couples ayant choisi un tel statut ». Il a raison de le dire.

Il est vrai que, à partir de l'instant où, dans le même statut juridique, certains ont le droit à l'adoption, les

« pacsés » hétérosexuels, comment refuser ce même droit au seul prétexte de l'homosexualité ? A l'intérieur du même régime juridique, les uns ont le droit à l'adoption, les hétérosexuels, les autres n'y ont pas droit. Ils sont dans le même PACS, le même régime.

M. Philippe Séguin.

C'est vrai !

M. Patrick Devedjian.

Vous allez dire aux uns qu'ils y ont droit et aux autres qu'ils n'y ont pas droit. Et pourquoi ? Parce qu'ils sont homosexuels ? C'est une discrimination.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Henri Cuq.

Il y en a qui sont ébranlés à gauche ! Ils ne pipent mot !

M. Patrick Devedjian.

La bataille de l'adoption est donc déjà terminée.

J'ajouterai que, dès lors que l'article 343-1 du code civil autorise l'adoption par un célibataire de plus de vingt-huit ans, je ne vois pas comment on pourrait lui refuser ce droit de manière discriminatoire, au prétexte qu'il bénéficie d'un PACS.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Vous ne comprenez pas tout, je le sais bien.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Prétentieux !

M. Alain Vidalies.

Quelle suffisance !

M. le président.

Chers collègues, un peu de silence, s'il vous plaît. Monsieur Devedjian, poursuivez !

M. Patrick Devedjian.

Mesdames, messieurs de la majorité, vous souhaiteriez que je m'arrête. (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Il n'y aurait plus d'opposition, ce serait merveilleux.

Laissez-moi au moins essayer de vous expliquer. Vous pourrez ensuite contester ce que je dis. Je vous écouterai avec beaucoup d'intérêt.

J'aimerais, en tous les cas, avoir une réponse sur cette situation juridique. Un célibataire reste célibataire, qu'il

« pacse » ou non. Vous êtes d'accord ?

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Non !

M. Patrick Devedjian.

Comment non ?

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Non, il est

« pacsé ».

M. Patrick Devedjian.

Voilà une nouvelle catégorie juridique : le « pacsé » qui n'est pas un célibataire.

Je suis prêt pour ma part à vous suivre quelques instants sur ce terrain. Je demande donc que, dans la loi, le Gouvernement précise que les « pacsés » homosexuels n'auront pas le droit à l'adoption.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

On l'a déjà entendu !

M. Patrick Devedjian.

Dites-le, si c'est aussi évident pour vous ! Je pense, quant à moi, qu'un célibataire reste célibataire, même s'il est « pacsé ». Or, rien ne le précise dans la proposition de loi qui nous est proposée.

Donc, un « pacsé » peut bénéficier de l'article 343-1 du code civil, qu'il soit hétérosexuel ou homosexuel. A un célibataire, vous n'allez pas lui dire : que vous lui refusez le droit à l'adoption parce qu'il est homosexuel. Ce serait une discrimination illicite.

Donc, la bataille de l'adoption est déjà terminée par la combinaison du PACS et de l'article 343-1. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la


page précédente page 08433page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jacques Fleury et

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

C'est faux !

M. Patrick Devedjian.

Je comprends que cela vous trouble, mais il faut répondre et non protester. Vous pourrez le faire tout à l'heure et je vous écouterai avec beaucoup d'intérêt.

Je suis sûr que Jean-Pierre Michel, qui a l'habitude du raisonnement juridique, saura m'expliquer pourquoi et en vertu de quelle disposition de sa proposition de loi un Pacsé n'est plus un célibataire. Je serai très attentif.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Patrick Devedjian.

C'est le droit qui le dit d'ores et déjà : de mon point de vue, l'on ne pourra pas s'opposer à l'adoption par un homosexuel.

M. Jean-Marie Le Guen.

Mais c'est déjà le cas aujourd'hui !

M. Patrick Devedjian.

C'est aussi la conviction du rapporteur qui, non sans naïveté, avec sincérité en tout cas, ajoute à la tribune : « Pour ma part, je n'ai jamais entendu un seul argument convaincant selon lequel l'intérêt de l'enfant serait, dans tous les cas, d'être élevé par un homme et une femme. » Cette proposition, cher Jean-

Pierre Michel, a indigné le Parti communiste ; M. Floch pourra le constater, même les révolutionnaires sont devenus des petits-bourgeois. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Christian Bataille.

C'est nul !

M. Patrick Devedjian.

J'ai bien entendu, madame la garde des sceaux, que vous avez condamné sévèrement ces propos de vos amis politiques : « Ce vocabulaire de contrebande avez-vous dit des propos de M. Michel (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), qui fait croire que ce texte cacherait autre chose et que vos rapporteurs et le Gouvernement exerceraient une fraude à la loi, est inacceptable. » Et au cas où

Jean-Pierre Michel n'aurait pas bien entendu, vous avez pris le soin de préciser : « Mon refus de l'adoption pour l es couples homosexuels est fondé sur l'intérêt de l'enfant. »

Je conviens que le discours du Gouvernement est clair ; mais le texte, lui, ne l'est pas.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Si !

M. Patrick Devedjian.

Et si vous voulez qu'il le soit, madame, il suffit...

M. Richard Cazenave.

De le renvoyer en commission !

M. Patrick Devedjian.

C'est ce que je vous propose. Il suffit d'écrire que les couples homosexuels ne pourront pas adopter d'enfants. Si vous ne le faites pas, c'est bien que vous entendez profiter de l'ambiguïté et du flou de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Pas du tout.

M. Patrick Devedjian.

Le PACS est un sous-mariage, sa fin par une rupture unilatérale est un sous-divorce, proche de la répudiation en dépit du préavis de trois mois. Je sais que la gauche est choquée de l'emploi de ce terme de répudiation...

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Il est faux.

M. Patrick Devedjian.

Mais dans notre droit, ni le mariage ni aucun contrat ne peuvent être dénoncés par la seule volonté d'une des parties : il faut recourir au juge.

Avec le PACS, on ne s'adresse au juge qu'après la rupture...

M. Yves Fromion.

Parfaitement !

M. Jacques Fleury.

Et les concubins ? Comment fontils ?

M. Patrick Devedjian.

... si l'on est en désaccord sur les modalités, mais pas sur le principe. Et il n'est pas précisé à quel juge on doit s'adresser ! Cette procédure très brutale à peine adoucie par le nouveau préavis de trois mois est en réalité pire que la répudiation. Même en droit islamique, la répudiation oblige à une réparation que vous ne prévoyez même pas !

M. Yves Fromion.

Exact !

M. Patrick Devedjian.

Or la brutalité de la rupture n'est pas, comme dans le cas du concubinage, susceptible de donner lieu à réparation devant les tribunaux.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Comment font les concubins ?

M. Patrick Devedjian.

Dans le cas du PACS, la rupture à court délai est un droit organisé...

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Et les conséquences ?

M. Patrick Devedjian.

... car dans un contrat, la rupture ne peut par définition être fautive.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Mais si elle peut l'être !

M. Patrick Devedjian.

Le régime de l'indivision qui est prévu est le cauchemar des praticiens : ce n'est pas un service que vous rendez aux plus modestes qui ne seront pas allés consulter un professionnel pour établir leur PACS.

Un homme qui a signé un PACS avec une femme peut, si celle-ci se trouve enceinte, rompre sans problème le PACS en trois mois désormais. Cela est profondémént immoral !

Mme Véronique Neiertz.

Ça a toujours été comme ça !

M. Patrick Devedjian.

Evelyne Sullerot a pu dire qu'il était un contrat non pas de solidarité mais de « bon plaisir ».

De surcroît, l'introduction nouvelle d'un délai de trois mois pour rompre vient limiter la liberté de se marier.

Mme Christine Boutin.

Eh oui !

M. Patrick Devedjian.

Votre préavis pose bel et bien un problème constitutionnel. En effet, pour publier les bans, il suffit d'un mois. Or, il faut un délai de trois mois pour dénoncer le PACS. En d'autres termes, on ne peut pas se marier dans le délai d'un mois, puisqu'il faut au moins


page précédente page 08434page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

attendre trois mois. C'est donc une limitation au droit de se marier et elle est inconstitutionnelle. (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française Alliance et sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendant.)

M. Jacques Myard.

Ce sont des Pieds Nickelés !

M. Patrick Devedjian.

Je vous épargne la fraude, qui suscite l'éloquence de bien trop de gens. Parlons plutôt de la fiscalité.

L'imposition commune que va permettre le PACS fait l'économie de la nécessaire remise à plat des conditions de fiscalisation. Le résultat est qu'en raison de la progressivité de l'impôt, le PACS ne favorise que les plus aisés.

M. Charles de Courson l'a expliqué très pertinemment tout à l'heure. Les revenus modestes perdent la décote ou la demi-part supplémentaire. Le système favorise essentiellement les unions dans lesquelles un seul a des revenus.

Mme Christine Boutin.

Eh oui !

M. Patrick Devedjian.

Et l'on se garde bien d'annoncer le coût fiscal des nouvelles dispositions. Tout à l'heure, M. Strauss-Kahn était là ; plusieurs parlementaires lui ont demandé l'estimation de Bercy sur le coût de cette mesure. Il est parti sans répondre. Pourtant, M. StraussKahn sait d'ordinaire répondre quand on lui pose des questions. Mais là, il a oublié !

M. Yves Nicolin.

Silence radio !

M. Patrick Devedjian.

Un mot sur le droit international auquel on n'a même pas pensé. J'ai du reste l'impression de dire quelque chose d'incongru en posant la question de l'opposabilité du PACS en droit international.

Mme Christine Boutin.

Je n'avais pas eu le temps d'en parler !

M. Patrick Devedjian.

Le mariage crée des effets de droit sur le plan international. Il est opposable aux tiers.

Le PACS quant à lui sera opposable aux tiers en droit interne, mais il ne le sera pas au regard du droit international, puisque nous serons les seuls à bénéficier, si j'ose dire, de cette particularité ! Quelle cohérence y aurat-il entre le national et l'international, notamment en matière de régimes sociaux ? Mystère, le point n'est pas évoqué !

M. Charles Cova.

Ce sera une spécificité française !

M. Patrick Devedjian.

J'en viens à ma conclusion.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Je conçois que cela vous fasse plaisir, mais vous devez encore patienter un petit peu...

M. François Vannson.

Il a des vérités qui font mal ! M. Patrick Devedjian. Le PACS est un monstre juridique à géométrie variable qui dissimule ses véritables intentions derrière certains archaïsmes du droit français en matière de mariage, de divorce, de succession et de fiscalité. Certes ces archaïsmes existent bel et bien ; mais le PACS ne résout aucun de ces problèmes. Plus grave, il dissuade même de réformer en voulant faire croire que tout ira mieux après.

Après avoir expliqué que la première cause réside dans l'archaïsme du droit successoral, M. Jean-Jacques Dupeyroux, lui aussi de gauche, écrivait dans Libération :

« Alors, le PACS dans tout ça ? Je ne sais ce qui sortira du bricolage hasardeux » - ce n'est pas gentil -...

M. Yves Nicolin.

Il est réaliste !

M. Patrick Devedjian.

...

« auquel il donne lieu. Si des solutions moins hasardeuses au plan successoral sont adoptées en faveur des "pacsés", tant mieux pour eux ! Mais le problème restera entier pour les autres. » Eh oui

! le vrai problème est dans l'archaïsme de notre droit successoral.

En 1995, le gouvernement d'Edouard Balladur avait déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, sous la signature de Pierre Méhaignerie, un vaste projet qui procédait à une refonte totale du droit des successions, dont certaines dispositions n'ont pas changé depuis 1804. Ce travail était le fruit de la très importante étude d'une commission animée par les professeurs Carbonnier et Catala. C'était une oeuvre de profonde modernisation, sans aucun caractère partisan ; vous avez eu tort de ne pas la reprendre à votre compte, quitte à la modifier. C'est de cela dont nous avons besoin, non des charlataneries du PACS. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Didier Boulaud. Mais Juppé est arrivé !

M. Alain Néri.

Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?

M. Patrick Devedjian.

En proposant le PACS, vous prétendez légiférer sur la protection sociale alors qu'on nous a annoncé la couverture médicale universelle qui a pour objet de régler toutes les situations. Le Gouvernement a même eu le cynisme d'en comptabiliser déjà le coût - cinq milliards - dans la loi sur l'exclusion, afin de montrer combien il était généreux ; mais l'ordre du jour de 1998 n'en prévoit toujours pas l'examen.

La garde des sceaux annonce, une fois de plus, une grande réforme, celle du droit de la famille pour 1999.

Quelle sera son incidence sur la situation des enfants de concubins ? Quelle sera sa compatibilité avec le PACS ? A l'évidence, la proposition d'aujourd'hui ne s'inscrit pas dans une vue d'ensemble.

En réalité, nous sommes en face d'une pure gesticulation qui ne peut juridiquement prospérer, destinée sans doute à connaître le sort de la plupart des propositions de lois parlementaires. Que sont devenus les textes qui nous ont été soumis durant la onzième législature à l'initiative des parlementaires ? Moins du tiers ont été définitivement adoptés. Les autres se sont perdus dans le triangle constitué par le boulevard Saint-Germain, le Sénat et l'Assemblée nationale.

Pour ma part, je me souviendrai longtemps de la proposition sur le génocide arménien, votée à l'unanimité ici, mais qui ne figure pas à l'ordre du jour du Sénat. On l'a oubliée.

(Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Rochebloine.

Eh oui !

M. Jean-Marie Le Guen.

La faute à qui ? A vos amis du Sénat !

M. Michel Terrot.

Le Gouvernement n'a pas demandé l'inscription à l'ordre du jour du Sénat !

M. Patrick Devedjian.

Il est scandaleux d'avoir fait croire aux enfants du génocide arménien qu'on légiférait sur leur problème et d'enterrer ainsi le texte entre l'Assemblée nationale et le Sénat.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


page précédente page 08435page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

M. Christian Bataille.

Menteur ! Imposteur !

M. Patrick Devedjian.

Toute cette agitation autour du PACS est destinée à alimenter un débat irréel en détournant l'opinion d'autres problèmes, beaucoup plus graves, comme la loi de finances en cours d'examen, aux hypothèses surréalistes au regard de la crise internationale qui se développe. Et pendant que nous discutons, on ne la regarde pas. Parce que là, cela fait mal ! (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Christian Bataille.

Imposteur !

M. Patrick Devedjian.

Dans le meilleur des cas, vous n'avez pas réfléchi à ce que vous faites.

M. Jacques Myard.

Ils ne réfléchissent jamais !

M. Patrick Devedjian.

Il est vrai qu'on ne peut réformer un des fondements du code civil en si peu de temps.

En revanche, il est possible de trouver une solution simple et cohérente à des problèmes qui sont réels. La loi n'est pas un exorcisme capable de régler d'un coup les problèmes de la société. Vous craignez de perdre la face devant l'opinion ; voilà tout ce qui vous anime. Mais vous la perdrez de toute façon, et d'abord devant le Conseil constitutionnel...

Mme Christine Boutin.

Eh oui !

M. Patrick Devedjian.

... si vous n'améliorez pas profondément votre texte.

Le président de cette assemblée et la gauche ont cru pouvoir soutenir que les textes déposés après le 9 octobre n'étaient pas littéralement identiques à celui qui a donné lieu à l'adoption d'une exception d'irrecevabilité. En conséquence de quoi, les nouvelles propositions ne tomberaient pas sous le couperet de l'article 84, alinéa 3, du règlement de l'Assemblée qui oblige à ne pas examiner pendant un an les propositions ainsi repoussées.

Suffirait-il donc de changer quelques mots pour éviter l'application du règlement ? Ce serait dénier toute portée au texte. C'est nier la philosophie de l'ensemble du droit français qui considère que la signification de l'échange des volontés est plus importante que le formalisme abêtissant.

M. Jean-Paul Charié.

Très juste !

M. Patrick Devedjian.

C'est choisir la lettre qui tue contre l'esprit qui vivifie.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jacques Myard.

Ça fait mal !

M. Patrick Devedjian.

L'esprit de l'article 84, alinéa 3, veut que l'Assemblée s'interdise les revirements brutaux qui conduiraient à la déconsidérer. Il n'y a pas dans cette règle de droite ni de gauche, avec leurs jeux quotidiens, mais seulement la dignité du peuple souverain. Et le p euple souverain ne change pas d'avis à quelques semaines d'intervalle sans abaisser la démocratie ellemême. Tel est le sens de la règle.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Dès lors, la question est simple : les cinq propositions déposées ont elles le même objet que celle qui a été repoussée ? La réponse est oui, quels que soient les détails. Et c'est tellement vrai que le Gouvernement et tous les représentants de la gauche l'ont dit et répété.

Mais surtout, tous les exposés des motifs des nouvelles propositions de loi font référence à l'adoption de l'irrecevabilité comme cause de leur dépôt : après avoir rappelé et commenté le rejet de la proposition précédente, ...

M. Pierre Albertini.

C'est inique !

M. Patrick Devedjian.

... tous indiquent : « C'est pourquoi nous déposons une nouvelle proposition de loi. » Si

vous n'aviez pas compris, c'est écrit ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Terrot.

C'est cruel !

M. Patrick Devedjian.

L'article 84, alinéa 3, s'applique donc nécessairement.

Mieux encore, l'exception d'irrecevabilité a été adoptée parce que l'Assemblée, à tort ou à raison, a juridiquement considéré que les motifs d'inconstitutionnalité soulevés par M. Jean-François Mattei étaient pertinents.

Mme Nicole Bricq.

Tu parles !

M. Patrick Devedjian.

Je vous les rappelle : « Le texte apparaît incompatible avec le préambule de la Constitution de 1946, qui dispose que "la nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement" et "garantit à tous, notamment à l'enfant et à la mère, la protection de la santé et la sécurité matérielle". »

M. Mattei ajoutait : « La Cour européenne des droits de l'homme n'a jamais admis que le couple homosexuel puisse être protégé au titre du droit à la famille. » Je cite

toujours : « La proposition contient un autre motif d'inconstitutionnalité : elle est contraire au principe d'égalité... Il apparaît que des situations totalement différentes comme le sont celles des couples hétérosexuels et homosexuels n'ont pas à être traitées de la même manière. »

Il ne s'agit pas de savoir si ces objections sont pertinentes, bien qu'elles le soient à mon sens ; l'essentiel est que l'Assemblée les ait fait siennes pour un an. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et indépendants.)

Mme Christine Boutin.

Absolument !

M. Patrick Devedjian.

Les cinq nouvelles propositions de loi visant le même objet étaient-elles modifiées au point de ne pouvoir encourir les mêmes objections ? La réponse est à l'évidence non.

Avec un peu de cynisme, mais exactitude, M. Michel a rappelé que le règlement de l'Assemblée nationale n'appartenait pas en tant que tel au bloc de constitutionnalité ; en d'autres termes, il sous-entend que l'on peut donc le violer impunément (Exclamations sur divers bancs du groupe socialiste) puisqu'il est dépourvu de sanction.

Seule la majorité de cette Assemblée pouvant décider qu'il y a eu violation, elle ne saurait se condamner ellemême.

M. Pierre Albertini.

C'est bien ce que cela voulait dire !

M. Patrick Devedjian.

C'est là une nouvelle variation de l'aphorisme de M. Laignel : « Vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaires. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


page précédente page 08436page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

Cela aussi, mes chers collègues, c'est un archaïsme : parce que le droit est d'abord destiné à protéger les minorités.

M. Pierre Albertini.

Et les plus faibles !

M. Patrick Devedjian.

C'est la vocation première du droit. Quelle que soit l'intelligence de votre argumentation, monsieur Jean-Pierre Michel, lorsque vous excipez de la non-appartenance du règlement de l'Assemblée nationale au bloc de constitutionnalité, je voudrais vous rappeler que le règlement de l'Assemblée nationale est bel et bien une loi, même s'il est qualifié de « petite loi ». Or la loi s'impose à tous, y compris à l'Assemblée.

Si cette violation de la loi n'était pas sanctionnable, il y aurait rupture du principe d'égalité devant la loi, ce qui est contraire à l'article VI de la Déclaration des droits de l'homme qui dispose que la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. La violation de l'article VI est d'ordre constitutionnel. Nous y revoilà ! Même par un petit détour, on y revient... (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) L'opposition, par voie d'amendements à la loi de finances ou par une proposition de loi, a proposé de régler, facilement et pour tous, les archaïsmes de notre fiscalité successorale ou de notre droit au bail.

La gauche a choisi dans cette affaire d'introduire une discrimination positive en faveur des homosexuels qui acceptent de se déclarer comme tels. Comme elle avait honte, elle y a progressivement introduit d'autres situations afin de dissimuler cette intention. Et comme il avait honte, malgré tout, le Gouvernement a laissé la responsabilité politique du texte à l'initiative parlementaire.

Comme les députés socialistes avaient honte devant leurs électeurs, ils se sont échappés du débat. Il a fallu des c ontraintes exceptionnelles, que je rappelais tout à l'heure, pour qu'ils soient là aujourd'hui.

Le résultat de cette triple honte est un texte difforme qui n'a juridiquement aucun sens. Privé de l'examen préalable et critique du Conseil d'Etat et de la CNIL, il encourt les plus grands risques devant le Conseil constitutionnel. C'est un grand malheur que les propositions de loi des assemblées ne puissent bénéficier de l'examen du Conseil d'Etat.

Après tout l'Etat, ce n'est pas que le Gouvernement, ce n'est pas que l'exécutif.

M. Pierre Albertini.

Très bien !

M. Patrick Devedjian.

Le groupe RPR vous a proposé de régler d'une manière générale et conforme à l'Etat de droit les problèmes réels qui sont posés. Vous le refusez pour des raisons politiciennes dont vous serez finalement les victimes. Il ne suffit pas de convictions idéologiques pour faire de bonnes lois. Ce serait trop simple.

C'est pourquoi nous vous invitons à reprendre la question à la base en vous entourant de conseils juridiques oh oui ! - et en recherchant un accord avec l'opposition, comme nous l'avions fait dans les grandes lois de modernisation de la société (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Bataille.

Quel culot !

M. Patrick Devedjian.

Oui ! Dans ces grandes lois, nous avons recherché votre consentement ! Nous avons fait les efforts pour que vous puissiez les voter avec nous, parce qu'il s'agit de légiférer durablement et utilement.

M. Jean-Claude Boulard.

Demandez à Simone Veil !

M. Patrick Devedjian.

Nous espérons que vous prendrez les choses au sérieux, que vous ne vous moquerez pas du monde, et que vous n'essayerez pas de le distraire de soucis plus consistants, de préoccupations plus graves.

En tout état de cause, cette proposition ne mérite pas d'être examinée dans l'état où elle est. Sur le métier, remettez votre ouvrage. Le RPR et l'opposition voteront la motion de renvoi en commission,...

M. Charles Cova.

Absolument !

M. Patrick Devedjian.

... pour nous permettre de l'améliorer et de la rendre tout simplement enfin viable. (Les députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants se lèvent et applaudissent longuement.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Jacques Myard.

Quelle leçon il a reçu !

M. le président.

Monsieur Myard, évitez d'intervenir à tout instant, de manière intempestive.

M. Jacques Myard.

Cela me fait plaisir !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur Devedjian, je suis conscient avec vous que sur des textes de cette importance il est souhaitable que le dialogue se noue entre la majorité et l'opposition (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

Encore faut-il que nous ayons un interlocuteur.

En commission des lois, le dialogue a commencé à se nouer...

M. Arnaud Lepercq.

Il faut continuer !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... puisque lors de la première réunion l'opposition s'est longuement exprimée ; nous avons répondu à tous ses arguments, et un certain nombre d'amendements ont été examinés.

Mme Nicole Catala.

Et rejetés !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Par la suite, l'opposition a été totalement absente en commission, déclarant vouloir réserver ses arguments pour la séance publique.

(Exclamation sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Arnaud Lepercq.

C'est faux, c'est faux !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

J'espère qu'en séance publique, lors de l'examen des articles, le dialogue saura se rétablir.

M. Dominique Dord.

Quelle hypocrisie !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

En tout cas, les rapporteurs sont à votre disposition.

M. Patrick Ollier.

Répondez aux questions !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Le texte qui vous est soumis aujourd'hui, mon cher collègue, n'a pas tellement varié par rapport à la première version que j'avais déposée


page précédente page 08437page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

en 1992. (Applaudissements et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Quel aveu !

M. le président.

Laissez terminer M. le rapporteur !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Je sais, mes chers collègues, qu'il est tard et que votre patience a été mise à rude épreuve.

M. Arnaud Lepercq.

Nous, nous avons tout notre temps !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Cette première version comprenait déjà les fratries, elle ne faisait appel au juge que sur les conséquences de la rupture, et prévoyait les mêmes empêchements. Certes, par la suite, des améliorations sont intervenues sur le régime de l'indivision, sur le régime successoral,...

M. Gilbert Gantier.

Vous essayez de vous rattraper !

M. Jean-Pierre Michel.

... sur le régime de la rupture.

Mais, le fond n'a pas varié et, je retrouve tout à fait mon enfant dans le texte qui vous est aujourd'hui proposé.

(Exclamations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Eric Doligé.

Félicitations !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Depuis presque dix ans, le débat se déroule dans la société, il vient seulement devant notre assemblée. Vous le savez aussi bien que moi, car, comme moi, vous lisez la presse, car comme moi, vous écoutez la radio et vous regardez la télévision, comme moi vous participez à des colloques nombreux dans les universités, dans les instituts d'études politiques. Vous savez que depuis huit ans, quelles que soient les solutions juridiques qu'on lui donne, ce sujet a f ait l'objet de nombreux colloques, de nombreux mémoires de fin d'études, de thèses de faculté de droit.

(Protestations sur les bancs du groupe de Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Nicolin.

Pourquoi sommes-nous là si les colloques peuvent suffir ?

M. Richard Cazenave.

La question n'est pas là, monsieur le rapporteur !

M. Jean-Pierre Michel.

On ne peut donc pas dire aujourd'hui que la discussion n'ait pas eu lieu !

Mme Christine Boutin.

C'est faux !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

J'ai bien entendu les arguments des différents orateurs qui se sont exprimés dans la discussion générale. J'y fais référence puisque, dans le cadre d'une proposition de loi, le Gouvernement n'a pas à répondre aux orateurs.

De tous les arguments que j'ai entendus je tire la conclusion qu'hormis quelques extrémistes...

M. Arnaud Lepercq.

Qu'est-ce que ça veut dire !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... vous êtes d'accord sur l'essentiel : il faut faire quelque chose pour les couples homosexuels, pour les concubins mais...

M. Charles Cova.

Mais pas une loi !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... soit il fallait attendre pour que le débat soit mieux préparé,...

Mme Françoise de Panafieu.

Et plus démocratique.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... soit il fallait se contenter de mesures ponctuelles. C'est le sens de la proposition de loi qui a été déposée par M. Albertini, notamment.

Monsieur Devedjian, la loi du 27 janvier 1993 avait prévu deux mesures ponctuelles, issues d'ailleurs de la première proposition de loi déposée en 1992, sur l'affiliation à la sécurité sociale et sur le droit au bail. Mais c'est la droite qui a déféré ce DDOS, au Conseil constitutionnel. Ce n'est pas la gauche ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Richard Cazenave.

Parce que c'était mal ficelé !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Le Conseil constitutionnel, pour des raisons purement...

M. Jean-Claude Lenoir.

Juridiques !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... formelles de cavalier législatif et que, je récuse totalement, a déclaré inconstitutionnelle une des dispositions.

Puis il y a eu les élections de 1993 et vous avez eu la majorité jusqu'en 1997. Et si, entre 1993 et 1997, vous aviez pris les mesures ponctuelles que vous réclamez aujourd'hui, vraisemblablement, nous ne serions pas ici à discuter de cette proposition de loi. (Vifs applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs et du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Absolument !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Je le regretterais profondément...

M. Charles Cova.

Ce n'était pas une priorité pous nous, c'est tout !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... car si, vous l'aviez fait, nous n'aurions traité que la moitié du sujet, nous aurions répondu à quelques situations, en matière d'impôts, de logement, de sécurité sociale ou de travail...

M. Jacques Myard.

Ce n'est pas notre objectif !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... mais nous n'aurions pas modifié la notion de couple en l'étendant à toutes les personnes homosexuelles ou hétérosexuelles.

C'est pourquoi cette proposition de loi se trouve aujourd'hui en discussion. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Françoise de Panafieu.

Vous le reconnaissez, c'est le vrai problème !

M. Jacques Myard.

C'est cela que vous recherchez !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Cela m'amène à dire, monsieur Devedjian, que cette proposition est bien une loi nouvelle. Il faut se mettre cela dans la tête, si j'ose dire. Mais je sais que vous vous l'êtes déjà mis ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Elle entraînera, bien entendu, une modification de la jurisprudence de la Cour de cassation sur le concubinage.

Jusqu'ici la Cour dit en effet, que le couple, en droit


page précédente page 08438page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

français, n'existe que dans le mariage, que c'est un homme et une femme, et donc que les concubins homosexuels ne forment pas un couple.

M. Jacques Myard.

C'est le bon sens ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Bernard Roman.

Voilà, c'est ça la droite ! Elle s'est démasquée !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Dès le vote de cette proposition, la Cour de cassation ne pourra plus dire que le couple n'existe que dans le mariage ; désormais le couple sera aussi dans le PACS. Je le dis très nettement, la jurisprudence de la Cour de cassation devra considérer que le concubinage, l'union libre - avec les droits qui lui sont afférents aujourd'hui, et qui, vraisemblablement, n'augmenteront pas en dépit de l'existence du PACS est ouvert également aux homosexuels.

Et nous nous trouverons face à trois situations : le concubinage pour tous, le PACS pour tous et le mariage, uniquement, tout le monde l'a dit, pour le couple hétérosexuel. Le mariage demeure, et je suppose que le Gouvernement, dans la loi qu'il prépare, l'encouragera même et lui donnera plus de tonus. Sur ce point, tout le monde est d'accord.

Vous avez dit, avec raison - mais nous nous rejoignons sur beaucoup de points -...

M. Claude Goasguen.

C'est vrai !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... que je n'étais pas un spécialiste de droit civil. Mais j'aime bien jouer à l'éléphant dans un magasin de porcelaine ! (Rires et exclamations sur de nombreux bancs.)

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

L'état du droit civil en France - et de ceux qui l'enseignent -, me fait dire qu'il est bon, de temps en temps, de bousculer un peu ces petites porcelaines ! (Rires.) Alors, avec mes grosses pattes d'éléphant, j'entre dans le droit civil que je connais mal, mais que voulez-vous, on est toujours tributaire des études universitaires qu'on a faites.

Il faut bien comprendre que le pacsé n'est pas un célibataire.

M. Bernard Accoyer.

C'est une interprétation !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Tout votre raisonnement se fait par référence au mariage. Appliquez-le au concubinage et à l'union libre ! Le concubin reste un célibataire, il n'a aucun devoir ; on peut être concubin plusieurs fois, d'un père, d'une mère, d'un frère, d'une soeur, d'un neveu ou d'une nièce.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Charles Cova.

Quelle belle société !

M. Arnaud Lepercq.

La famille Tuyau-de-Poêle !

M. Jacques Myard.

J'espère qu'ils seront très heureux !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Sauf les interdictions (Exclamations sur les mêmes bancs)...

M. Georges Tron.

C'est inimaginable !

M. Jean-Pierre Michel.

rapporteur.

... apportées par le code pénal, mais encore faut-il qu'elles soient constatées ! On ne peut être pacsé deux ou trois fois, on ne peut être pacsé et être marié. Dans la proposition Hauser, le PIC, le pacsé restait un célibataire, car il signait un contrat devant notaire, et il pouvait d'ailleurs en signer plusieurs.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Mais, dans la proposition de loi, le pacsé n'est plus un célibataire, et il faut en tirer, je crois, un certain nombre de conclusions.

Vous dites que la rupture du PACS est - je n'aime pas ce terme - immorale. C'est vrai par rapport au mariage...

M. Yves Nicolin.

Vous parlez d'un progrès social !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... qui donne plus de protection à celui ou à celle qui est opposé au divorce, ou aux enfants. Mais par rapport au concubinage, le PACS est très moral, puisque la rupture est organisée et que les droits des enfants sont beaucoup mieux affirmés.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Patrick Ollier.

Les enfants, il n'en est question nulle part !

Mme Françoise de Panafieu.

Avec le PACS, les enfants ne sont pas protégés !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Je ne pense pas qu'il faille toujours comparer le PACS au seul mariage, il faut le comparer à la fois au mariage et au concubinage et le voir comme une nouvelle institution (Exclamations sur les mêmes bancs) qui générera des droits et une logique propres.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Arnaud Montebourg.

Très bien !

Mme Françoise de Panafieu.

C'est n'importe quoi !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Notre règlement est très bien fait.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

S'il vous plaît ! Un peu de calme !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Il prévoit trois motions de procédure. Donc, il a permis aux trois groupes de l'opposition de s'exprimer. Fort heureusement, car on a pu vérifier qu'entre le discours de Mme Boutin, celui de M. Lenoir et celui de M. Devedjian,...

Mme Odette Grzegrzulka.

N'oubliez pas Mme Bachelot-Narquin !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... il y avait plus qu'un fossé, un abîme ! Nous avons une oppsition très divisée.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Richard Cazenave.

C'est faux !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Mes chers collègues, au nom de la commission des lois, je vous demande donc de repousser cette notion de renvoi en commission et de dire qu'il y a lieu d'examiner les articles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)


page précédente page 08439page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Jacques Floch, pour le groupe socialiste.

M. François Rochebloine.

Et la garde des sceaux ?

M. Jacques Floch.

Le groupe socialiste considère que, comme d'habitude, la commission des lois a bien fait son travail et il ne votera pas la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche, pour le groupe du RPR.

M. Pierre Lellouche.

Il est difficile d'ajouter quoi que ce soit à cette magistrale leçon de droit civil...

M. Félix Leyzour.

Que vous avez reçue !

M. Pierre Lellouche.

... que mon excellent collègue Patrick Devedjian vient de donner tant au garde des sceaux qu'au rapporteur de la proposition de loi.

Au fond, c'était la leçon d'un brillant avocat à un substitut plus expert en syndicat de la magistrature qu'en droit civil. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Lamentable.

M. Arnaud Lepercq.

Il ne faut pas en rougir !

M. le président.

Veuillez poursuivre, monsieur Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Je voudrais préciser les principales raisons qui conduiront le groupe RPR à soutenir la motion de renvoi en commission défendue par Patrick Devedjian.

D'abord, parce que ce texte est fondamental et que les conditions du débat sont indignes de l'enjeu.

On a d'abord essayé de faire voter en catimini un vendredi matin, en trois heures, un texte fondamental pour l'état des biens et des personnes notamment les enfants.

La manoeuvre a raté.

Aujourd'hui, au mépris de notre règlement, un texte qui est, M. Michel vient de le rappeler, quasi identique au précédent (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), est à nouveau présenté devant notre assemblée dans des conditions de débat parfaitement scandaleuses.

On commence à discuter le mardi, on s'interrompt pour reprendre l'examen du budget, on recommence le samedi et le dimanche, puis on s'interrompra à nouveau.

(Protestations sur les mêmes bancs.)

On annonce le vote pour le mardi suivant, mais ce vote n'aura pas lieu. On va donc trouver une autre date, et on continuera ainsi en saucissonnant les motions, les articles, les amendements pour rendre ce texte, déjà incohérent, complètement inintelligible.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ce sont des méthodes indignes de la démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Nous avons vu la garde des sceaux humilier ouvertement les orateurs de l'opposition, les injurier en lisant un livre devant eux et en faisant mine d'ignorer le contenu de leurs remarques. C'est vraiment indigne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Deuxième raison du renvoi en commission : ce texte, qu'on soit d'accord ou pas, mérite d'être examiné dans la sérénité (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) , il mérite mieux que l'injure. Nous n'avons cessé, depuis ce matin neuf heures, comme le 9 octobre, comme mardi dernier, d'entendre des invectives.

M. Albert Facon.

A la maison !

M. Pierre Lellouche.

Depuis ce matin, nous sommes traités de ringards, de tenants de l'ordre moral, de lepénistes. Nous avons été traités de papistes et de passéistes ! (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Patrick Ollier.

C'est un procès scandaleux !

M. le président.

Mes chers collègues, puis-je vous demander, aux uns et aux autres, de conserver votre calme ? Nous en arrivons au terme de ce débat sur la motion de renvoi en commission. Chaque orateur dispose de cinq minutes. (« Pas plus ! sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Je demande à M. Lellouche de conclure, afin que nous puissions passer à l'orateur suivant.

M. Pierre Lellouche.

Monsieur le président, je vais m'efforcer de conclure, si ce brouhaha cesse.

Je disais donc que la façon dont on a traité l'opposition toute la journée est inacceptable.

M. Didier Boulaud.

Vous n'étiez pas là !

M. Pierre Lellouche.

Ce n'est pas parce que nous ne sommes pas d'accord avec vous que nous sommes nécessairement des lepénistes, des ringards ou des papistes.

C'est honteux de présenter les choses de cette façon ! La troisième raison pour laquelle nous allons voter cette motion de renvoi en commission, c'est parce que ce texte, comme Patrick Devedjian l'a démontré, est parfaitement inutile. Nous avons amendé la loi de 1986 sur les baux et le dispositif fiscal relatif aux successions, qui règlent des problèmes que nous n'ignorons pas, car nous ne sommes ni aveugles, ni sourds, ni homophobes, monsieur Michel.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Où sont-ils, ces amendements ?

M. Pierre Lellouche.

Mais nous avons des méthodes plus simples, plus concrètes, qui ne cassent pas le code civil pour régler les problèmes auxquels certains couples sont confrontés dans notre pays.

Enfin, le vote de la motion de renvoi en commission s'impose parce que ce texte repose, M. Michel vient encore une fois de le démontrer dans son intervention, sur une formidable confusion. Au nom des libertés individuelles, nous reconnaissons à chacun sa liberté M. Devedjian l'a rappelé, ainsi que tous les orateurs de l'opposition -,...

M. Bernard Roman.

Non ! Pas tous !

M. Pierre Lellouche.

... y compris la liberté de vivre sa sexualité.

Mais ne nous demandez pas de mettre sur le même plan l'égalité des individus dans leur vie privée et l'égalité des droits des couples. C'est là que le bât blesse. A partir du moment où vous mettez à égalité toutes les formes de couple, vous en déduisez une égalité des droits...


page précédente page 08440page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

M. le président.

Et c'est là, monsieur Lellouche, que vous concluez.

M. Pierre Lellouche.

... en ce qui concerne la sécurité sociale, la nationalité et le travail, qui est inacceptable.

Au fond, avec ce texte, vous êtes en train de privatiser la famille. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), puisque vous considérez qu'élever des enfants est une affaire privée, tout en nationalisant la vie privée et le sexe.

M. le président.

Merci, monsieur Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de voter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

C'est ce que nous avions cru comprendre.

Pour le groupe Démocratie libérale, la parole est à

M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut.

De nombreux arguments justifient ce renvoi en commission. Le PACS est un projet mal identifié, qui confond solidarité et sexualité, et dont la construction doit plus à l'opportunité qu'à un véritable débat de fond, un texte conçu dans l'amateurisme, comme l'a dit Jean Hauser, l'auteur du PIC.

Le travail au fond n'a jamais été véritablement entrepris au sein des commissions compétentes et l'opinion publique a été mal informée. Les auteurs du texte ont, avec la complicité du Gouvernement, manié l'art de la dissimulation comme s'ils n'avaient pas le courage d'afficher leurs véritables intentions.

Mais son but est aujourd'hui très clair. Notre collègue Devedjian a cependant parfaitement démontré toutes ses insuffisances et ses incohérences.

Comment peut-on parler de débat loyal et démocratique lorsqu'un texte d'une telle importance est soumis à notre assemblée sans avoir été approfondi, sans qu'aucune audition ait eu lieu, même pas celle des représentants des a ssociations homosexuelles qui auraient pu nous convaincre ?

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois.

Il y a eu vingt-quatre auditions !

M. Bernard Perrut.

Heureusement que la presse merci, mesdames, messieurs les journalistes - a fait son travail au travers d'enquêtes, de reportages, en donnant la parole aux sociologues, aux médecins, aux associations familiales et aux hommes politiques.

M. Alain Calmat et M. Christian Bataille.

Démago ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

Fayot !

M. Bernard Perrut.

Mais pourquoi, chers collègues de la majorité plurielle, avez-vous voulu confisquer le vrai débat aux députés ? Pourquoi traiter ce texte urgent en un week-end, alors qu'il touche des questions fondamentales ? Les Français s'interrogent devant vos pratiques.

Mais peut-être, dans votre esprit, le travail législatif doit-il se borner à enregistrer l'état des moeurs. Le rapporteur a lui-même déclaré que le fait crée le droit. Cette conception serait dangereuse car le droit, à mon sens, est fait pour introduire une hiérarchie entre les valeurs. Mais peut-être n'avons-nous pas les mêmes valeurs sur certains bancs et sur d'autres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Plusieurs députés du groupe socialiste.

C'est vrai !

M. Bernard Perrut.

Si votre souci - et nous avons le même, rappelons-le - est de reconnaître des droits aux couples non mariés, nous aurions pu imaginer ensemble des dispositions nouvelles pour nos concitoyens, qu'elles soient fiscales, sociales ou successorales, sans qu'il soit besoin de créer un sous-mariage, d'ériger en institution ce qui relève du droit privé. Mais nous n'en avons jamais parlé ! Le PACS pose des questions vraiment fondamentales pour notre société, et c'est pourquoi il convient de les évoquer sereinement devant les commissions, car la famille est au coeur du débat.

Il ne s'agit pas de remettre en cause le mariage, mais d'en rappeler le fondement, et la commission des finances doit évoquer toutes les questions financières liées au PACS, comme l'a très bien dit notre collègue de Courson.

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Perrut.

M. Bernard Perrut.

Enfin le PACS ignore complètement l'enfant, et je ne comprends pas comment le président de l'Assemblée nationale, M. Laurent Fabius, qui a présidé pendant plusieurs mois la commission d'enquête sur les droits de l'enfant,...

M. Jean-Paul Bret.

Cela n'a rien à voir !

M. Bernard Perrut.

... peut accepter aujourd'hui que le texte sur le PACS ignore l'enfant, l'enfant qui est victime d'une union précaire, laquelle est l'illusion d'une consolidation sans obligation ! Quelle étrange morale de la responsabilité est la vôtre ! C'est la raison pour laquelle le groupe Démocratie libérale et Indépendants souhaite le renvoi de ce texte en commission.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance).

M. le président.

Pour le groupe communiste, la parole est à M. Alain Clary.

M. Alain Clary.

Après plusieurs séances consacrées aux motions de procédure et à la discussion générale, au cours desquelles toutes les sensibilités ont pu s'exprimer, nous pensons que le renvoi de cette proposition de loi en commission ne se justifie absolument pas.

Au contraire, sur ce débat de société qui intéresse les Français, et dont notre assemblée se fait l'écho, les arguments de fond des uns et des autres ont été largement présentés. Le renvoi en commission ne se justifie donc pas ; point n'est besoin d'ajouter un chapitre supplémentaire à un texte qui a la cohérence de ses ambitions, même s'il ne fait pas l'unanimité ici et s'il doit être amendé.

Ce que les députés communistes souhaitent, c'est que nous abordions les articles du dispositif sur le fond, avec un esprit constructif, sans polémiques inutiles, pour que le pacte civil de solidarité soit vraiment l'avancée législative que les intéressés attendent.

Il y a effectivement place pour de vrais débats, par exemple sur le lieu d'enregistrement du PACS, sur la question du délai pendant lequel le PACS produit des effet ou sur les dispositions à l'égard des partenaires étrangers.


page précédente page 08441page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

Bien évidemment, nous sommes attachés à la famille, même s'il n'y a pas de modèle, et nous sommes convaincus qu'au moment de son adoption, la loi ne contiendra aucune mesure qui y porterait atteinte. Au contraire, la solidarité des liens affectifs ne peut que s'enrichir de la liberté effective de chaque individu. Affirmer le contraire, ce serait accuser par exemple la loi sur le divorce par consentement mutuel d'être responsable de l'éclatement de nombreuses cellules familiales constaté aujourd'hui.

Or, que nous sachions, depuis plus de vingt ans, aucun député n'en a demandé la suppression. Simplement, ne soyons pas intolérants envers les autres, bannissons l'ostracisme qui étiquette les individus en portant un jugement sur leur vie privée.

Estimant que le débat a lieu pleinement, les députés communistes voteront contre le renvoi en commission.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert).

M. le président.

Pour le groupe UDF, la parole est à

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

M me Bernadette Isaac-Sibille.

L'intervention de Patrick Devedjian était si riche et si profonde dans tous les domaines. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert)...

M. Albert Facon.

Il faudrait le canoniser !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

... que tous ceux qui ont eu l'intelligence et la bonne éducation de l'écouter auront compris la nécessité de renvoyer ce texte en commission.

Je ne citerai que trois raisons qui justifient ce renvoi.

Premièrement, depuis mardi, Mme la garde des sceaux n'a fait que lire son livre. Il faudrait qu'elle puisse prendre connaissance de tout ce qui a été dit par la représentation nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Didier Boulaud.

Et Sarkozy, qu'est-ce qu'il faisait pendant l'examen du budget ?

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Les députés représentent chacun 100 000 Français. Ça vaut donc la peine d'écouter ce qu'ils disent ! Une telle attitude est indigne de l'Assemblée nationale !

M. Arnaud Lepercq.

On méprise les députés !

M me Bernadette Isaac-Sibille.

Deuxièmement, les insuffisances, les incohérences et les injustices de cette proposition sont telles qu'il faudra un long délai à la commission pour la rendre loi acceptable. Le fatras est tel que personne ne peut s'y retrouver. Le PACS est comme la gauche, vraiment pluriel.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Notre ami Devedjian a eu le courage d'aller jusqu'au bout des difficultés, réelles, que pose ce texte, et qui nécessitent son renvoi en commission.

Enfin, le fait que le sort réservé aux enfants, dont on a parlé avec tant de compétence et d'émotion, soit totalement ignoré est la troisième des raisons qui motivent notre demande de renvoi en commission, renvoi que l'UDF-Alliance votera de tout son coeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Avant de donner la parole au dernier orateur inscrit dans les explications de vote, j'indique d'ores et déjà que, sur le vote de cette motion, je suis saisi par le groupe RPR d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Pour le groupe RCV, la parole est à M. Guy Hascoët.

M. Guy Hascoët.

Comme dit une grande actrice dans un film que j'adore : « Que tout cela fut bon ! » Monsieur Devedjian, que vous fûtes brillant orateur ! Que vous fûtes remarquable dans le rôle de celui qui est chargé, tel un entomologiste, de planter l'insecte vivant sur la planche de liège ! (Sourires.)

Vous avez dressé la liste de tous les textes progressistes depuis la guerre et, si j'en excepte deux, dont vous reconnaîtrez qu'ils sont issus d'un accord dans le cadre de l'union nationale du premier gouvernement de l'aprèsguerre,...

M. Jean-Claude Lefort.

Tout à fait !

M. Guy Hascoët.

... tous les autres, qui émanaient de la droite, laquelle ne soutenait pas dans son ensemble ces textes, ont nécessité de la part de la gauche une attitude d'ouverture, une attitude intelligente, pour faire en sorte qu'un progrès soit réalisé, et que ceux qui étaient progressistes se rassemblent pour l'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Pour en revenir au sujet d'aujourd'hui, vous avez décrit, dans une cascade verbale admirable, le pierrier du PACS, une succession de textes, d'affinages, d'hésitations.

Mais vous oublié de dire que, à l'inverse de l'attitude que je viens de décrire, une partie des vôtres a en permanence travaillé à déstabiliser notre démarche. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je vous demande de reconnaître que, quand vous êtes dans l'opposition, vous n'êtes pas capables d'adopter la même attitude que celle que la gauche a eue à l'égard de textes proposés dans le passé par la droite. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste. - Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Et pour ces raisons simples, mais ô combien pertinentes, vous en conviendrez, nous voterons contre cette motion de renvoi en commission. Car, quand un pierrier roule, il faut savoir l'arrêter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Je vais mettre aux voix la motion de renvoi en commission présentée par M. Jean-Louis Debré.

M. Christian Bataille.

On ne vote qu'une fois, messieurs de l'opposition !

M. Didier Boulaud.

Ils ne sont pas à leur place, monsieur le président !

M. le président.

Mes chers collègues, je vous prie de rejoindre vos places.

M. Didier Boulaud.

M. Fromion s'apprête à voter à deux mains !


page précédente page 08442page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

M. le président.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant é té couplés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

Le scrutin est clos.

M. Patrick Ollier.

Ils ont voté trois fois !

M. Charles Cova.

C'est une honte !

M. le président.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

489 Nombre de suffrages exprimés .................

489 Majorité absolue .......................................

245 Pour l'adoption .........................

198 Contre .......................................

291 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2 FAIT PERSONNEL

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour un fait personnel.

M. Jean-Claude Lenoir.

Monsieur le président, j'ai exprimé ce matin l'étonnement de l'opposition devant l'empressement de la majorité à voter un texte qui n'était annoncé nulle part, ni dans les bulletins électoraux des membres de la majorité, ni dans le discours du Premier ministre, ni dans le programme du Parti socialiste.

M. Christian Bataille.

Ce n'est pas un fait personnel !

M. Jean-Claude Lenoir.

Tout à l'heure, un membre de la majorité, M. Jean-Pierre Blazy, a brandi à la tribune un exemplaire d'un magazine confidentiel intitulé Vendredi dans lequel il serait fait état de cette proposition.

Je dispose de la photocopie de toutes les professions de foi de la majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Rudy Salles.

Très bien !

Mme Odette Grzegrzulka.

Vous voulez qu'on vous les dédicace ?

M. Jean-Claude Lenoir.

Aucun élu de la majorité, pas même M. Michel, pas même M. Bloche, pas même

M. Ayrault, n'a parlé aux électeurs de cette proposition.

M. Arnaud Montebourg.

Ce n'est pas un fait personnel !

M. Jean-Claude Lenoir.

Même la profession de foi de M. Blazy, dont j'ai ici la photocopie, ne contient pas un mot de cette proposition. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

En revanche, les députés seront sans doute intéressés de savoir que notre collègue du Val-d'Oise s'était engagé l'an dernier auprès de tous ses électeurs, dans son journal de campagne, pour l'arrêt immédiat de l'extension de Roissy.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Monsieur Lenoir, il vous est donné acte de votre fait personnel.

3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à neuf heures quinze, première séance publique.

Suite de la discussion des propositions de loi : de M. Jean-Pierre Michel ; de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues ; de M. Alain Bocquet et plusieurs de ses collègues ; de M. Guy Hascoët ; de M. Alain Tourret ; relatives au pacte civil de solidarité (nos 1118, 1119, 1120, 1121 et 1122).

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1138) ; M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 1143).

A quinze heures, deuxième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le dimanche 8 novembre 1998, à une heure vingt.

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT


page précédente page 08443

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL de la 3e séance du samedi 7 novembre 1998 SCRUTIN (no 135) sur la motion de renvoi en commission, présentée par M. Devedjian, de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité.

Nombre de votants .....................................

489 Nombre de suffrages exprimés ....................

489 Majorité absolue ..........................................

245 Pour l'adoption ...................

198 Contre ..................................

291 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (251) : Contre : 225 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-votant : M. Jean Glavany (membre du Gouvernement).

Groupe R.P.R. (137) : Pour : 113 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe U.D.F. (68) : Pour : 42 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (44) : Pour : 41 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe communiste (36) : Contre : 35 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Radical, Citoyen et Vert (33) : Contre : 31 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-inscrits (5) : Pour : 2. - MM. Charles Millon et Philippe de Villiers