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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Pacte civil de solidarité. - Suite de la discussion d'une proposition de loi (p. 8449).

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 8449)

Les amendements nos 793 de M. Lellouche et 794 de M. Dutreil portant articles additionnels avant l'article 1er sont réservés jusqu'après l'article 12.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Article 1er (p. 8449)

M. Henri Plagnol, Mme Christine Boutin, MM. Pierre A lbertini, Bernard Roman, Thierry Mariani, Guy Hascoët.

L'Assemblée, consultée en application de l'article 57 du règlement, décide de clore la discussion sur l'article 1er

Rappels au règlement (p. 8455)

MM. Henri Plagnol, José Rossi, Jean-Louis Debré, le président.

Suspension et reprise de la séance (p. 8457)

Amendements de suppression nos 55 de Mme Boutin, 272 de M. Mariani, 419 de M. Accoyer, 441 de M. MasdeuArus, 488 de M. Baguet, 537 de M. Goulard, 549 de M. Goasguen, 633 de M. Dutreil, 674 de M. Birraux, 734 de M. Kossowski, 742 de M. Plagnol, 817 de M. Vannson, 820 de M. Jean-Claude Lemoine et 823 de

M. Doligé : Mme Christine Boutin, MM. Thierry

M ariani, Bernard Accoyer, Pierre-Christophe Baguet, François Goulard, Claude Goasguen, Dominique Dord, Maurice Leroy, Jacques Kossowski.

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

M M. Pierre Albertini, François Vannson, Jean-Claude Lemoine, Eric Doligé.

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

MM. Eric Doligé, Jean-Pierre Michel, rapporteur de la c ommission des lois ; Mme la garde des sceaux, MM. Jacques Floch, Bernard Birsinger, Pierre Lellouche, le président, Claude Goasguen, Mme Catherine Tasca, p résidente de la commission des lois ; M. Pierre Lequiller. - Rejet, par scrutin, des amendements de suppression.

Amendement no 169 de M. Albertini, avec le sousamendement no 1026 de M. Cazenave : MM. Pierre Albertini, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, MM. Richard Cazenave, Dominique Dord. - Rejet du sous-amendement et de l'amendement.

Amendements identiques nos 56 de Mme Boutin, 688 de M. de Courson et 743 de M. Plagnol : Mme Christine Boutin, MM. Charles de Courson, Pierre-André Wiltzer, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, MM. Jean-Claude Lefort, Dominique Dord, Patrick Devedjian. - Rejet.

Amendements en discussion commune : Amendement no 57 de M. Myard : M. Jacques Myard.

Amendement no 689 de M. de Courson : M. Charles de Courson.

Amendement no 825 de M. Doligé : M. Eric Doligé.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

M. le président, Mme la présidente de la commission.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 8478).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures quinze.)

1 PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ Suite de la discussion d'une proposition de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité.

Discussion des articles

M. le président.

Hier soir, l'Assemblée a rejeté la motion de renvoi en commission.

J'appelle maintenant dans, les conditions prévues, par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Avant l'article 1er

M. le président.

A la demande du Gouvernement, les amendements no 793 de M. Lellouche et no 794 de M. Dutreil, portant articles additionnels avant l'article 1er , sont réservés jusqu'après l'article 12.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, avant que commence notre discussion sur les articles, je voudrais vous indiquer la façon dont le Gouvernement va se déterminer par rapport aux amendements. Je vais rappeler devant vous les principes généraux qui me guideront dans la discussion de ce texte. C'est sur la base de ces orientations que je vous donnerai la position du Gouvernement sur les amendements à venir.

Premièrement, le Gouvernement souhaite que soient affirmées des valeurs : le respect des personnes dans leur vie privée sans discrimination, la responsabilités des citoyens - il n'y a pas de droits sans devoirs -, la solidarité dans la vie quotidienne - l'Etat, les signataires et la société y ont intérêt.

Deuxièmement, avec ce texte nous voulons accorder de nouveaux droits pour simplifier et rendre plus facile la vie des couples non mariés qui ont décidé de s'engager. Il ne s'agit pas de modifier les règles fondamentales de la vie en société.

Troisièmement, j'affirmerai clairement la nature du pacte. Il s'agit d'un contrat que deux personnes qui vivent ensemble peuvent, si elles le souhaitent, signer, et dont le contenu peut, dans le respect des règles d'ordre public, être aménagé par elles. Il ne s'agit pas d'une institution, modèle déterminé par l'Etat, qui s'imposerait à tous, tant dans son contenu que dans son mode de fonctionnement, dès lors que l'on y aurait adhéré.

Quatrièmement, je veillerai à la cohérence avec les règles du code civil et leur logique. Le pacte est un contrat et, sauf disposition particulière, les règles du droit commun des contrats, et elles seules, lui sont applicables.

Cinquièmement, je veux que le pacte ne puisse pas être comparé avec le mariage. Il n'en est ni un décalque, ni un substitut, ni un ersatz. Le pacte est fondamentalement différent du mariage. Je me suis exprimée sans ambiguïté sur ce point. Reconnaître un engagement différent de celui du mariage, une possibilité d'organisation nouvelle de la vie de couple, ne justifie ni ne nécessite aucune comparaison avec le mariage. Chaque fois que la confusion sera suscitée ou entretenue, je ne pourrai donc que m'y opposer avec vigueur.

Sixièmement, je veillerai à ce que le pacte civil de solidarité reste dissocié du droit de la famille. Beaucoup de couples sont mariés, d'autres qui vivent en concubinage ne voudront pas conclure de pacte. Ils ont souvent des enfants et d'autres personnes, pour des raisons différentes, élèvent seules un enfant. Tous ont une famille et c'est pour tous que j'ai choisi de réfléchir aux adaptations nécessaires de notre droit de la famille. C'est pour cela que j'ai mis en place un groupe de travail pluridisciplinaire présidé par une universitaire, Mme Dekeuwer-Defossez, qui doit déposer son rapport et me faire des propositions de textes avant le milieu de l'année prochaine. Ici, il ne peut pas s'agir de toucher au droit de la famille.

M. Richard Cazenave.

C'est une incantation !

Mme la garde des sceaux.

Enfin, je réaffirme que nous voulons reconnaître de nouveaux droits, sans retour en arrière sur les droits acquis et sans provocation par rapport à des situations juridiques existantes. Nous voulons une avancée sociale, sans risques et sans arrièrepensées, un vrai progrès.

Voilà les points forts qui vont déterminer les positions du Gouvernement. Pour la clarté de nos débats, je tenais à vous en faire part d'emblée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Article 1er

M. le président.

« Art. 1er . - Le livre Ier du code civil est complété par un titre XII ainsi rédigé :

«

TITRE

XII

« DU PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ

« Art. 515-1. - Un pacte civil de solidarité peut être conclu par deux personnes physiques, quel que soit leur sexe, pour organiser leur vie commune. »


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« Art. 515-2. - A peine de nullité, il ne peut y avoir de pacte civil de solidarité :

« 1o Entre ascendant et descendant en ligne directe, entre alliés en ligne directe et entre collatéraux jusqu'au troisième degré inclus ;

« 2o Entre deux personnes dont l'une au moins est engagée dans les liens du mariage ;

« 3o Entre deux personnes dont l'une au moins est déjà liée par un pacte civil de solidarité ».

« Art. 515-3. - Le pacte civil de solidarité fait l'objet, à peine de nullité, d'une déclaration écrite conjointe des partenaires organisant leur vie commune et remise par eux à la préfecture du département dans lequel ils établissent leur résidence d'un commun accord.

« Les services de la préfecture l'inscrivent sur un registre et en assurent la conservation.

« Ils font porter mention de la déclaration sur un registre tenu à la préfecture du lieu de naissance de chaque partenaire ou, en cas de naissance à l'étranger, à la préfecture de Paris.

« L'inscription sur le registre du lieu de résidence confère date certaine au pacte.

« Les partenaires annexent au pacte une copie de leur acte de naissance et un certificat de la préfecture de leur lieu de naissance attestant qu'ils ne sont pas déjà liés par un pacte.

« Les modifications du pacte font l'objet d'un dépôt, d'une inscription et d'une conservation à la préfecture qui a reçu l'acte initial.

« A l'étranger, la réception, l'inscription et la conservation du pacte, liant deux partenaires dont l'un au moins est de nationalité française, sont assurées par les agents diplomatiques et consulaires français. Le dépôt, l'inscription et la conservation des modifications du pacte sont également assurées par ces agents. »

« Art. 515-4. - Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s'apportent une aide mutuelle et matérielle.

Les modalités de cette aide sont fixées par le pacte.

« Les partenaires sont tenus solidairement à l'égard des tiers des dettes contractées par l'un d'eux pour les besoins de la vie courante.

« Art. 515-5. - A défaut de stipulations contraires de l'acte d'acquisition, les biens des partenaires acquis à titre onéreux postérieurement à la conclusion du pacte sont soumis au régime de l'indivision. Les biens dont la date d'acquisition ne peut être établie sont également soumis au régime de l'indivision.

« Art. 515-6. - Les dispositions des articles 832 à 832-4 sont applicables en cas de dissolution du pacte civil de solidarité.

« Art. 515-7. - Le pacte civil de solidarité prend fin par la volonté, le mariage ou le décès de l'un des partenaires.

« Art. 515-8. - Lorsque les partenaires liés par un pacte civil de solidarité décident en commun d'y mettre fin, ils remettent une déclaration conjointe écrite à la préfecture du département dans lequel l'un d'entre eux au moins a sa résidence. Les services de la préfecture inscrivent cette déclaration sur un registre et en assurent la conservation. Ils en font porter mention sur l'acte initial, en marge du registre sur lequel a été enregistré celui-ci, ainsi qu'en marge du registre prévu au troisième alinéa de l'article 515-3.

« Lorsque l'un des partenaires décide de mettre fin au pacte civil de solidarité, il notifie à l'autre sa décision. Il informe également de sa décision, ainsi que de la notification à laquelle il a procédé au moins trois mois auparavant, les services de la préfecture qui ont reçu le pacte pour qu'il en soit porté mention sur celui-ci, en marge du registre sur lequel cet acte a été inscrit, ainsi qu'en m arge du registre prévu au troisième alinéa de l'article 515-3. En cas de mariage, il adresse également une copie de son acte de naissance sur lequel est porté mention du mariage.

« Lorsque le pacte civil de solidarité prend fin par le décès de l'un au moins des partenaires, le survivant ou tout intéressé adresse copie de l'acte de décès à la préf ecture qui a reçu l'acte initial pour qu'il en soit porté mention sur celui-ci, en marge du registre sur lequel ce pacte a été inscrit, ainsi qu'en marge du registre prévu au troisième alinéa de l'article 515-3.

« A l'étranger, la réception, l'inscription et la conservation de la déclaration, de la décision ou de la copie de l'acte mentionné aux premier, deuxième et troisième alinéas ainsi que leur mention en marge de l'acte initial sont assurées par les agents diplomatiques et consulaires français.

« Les partenaires déterminent eux-mêmes les conséquences que la rupture du pacte entraîne à leur égard.

A défaut d'accord, celles-ci sont réglées par le juge. »

Mes chers collègues, plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 1er . Ils disposent chacun de cinq minutes.

La parole est à M. Henri Plagnol.

M. Henri Plagnol.

L'article 1er résume à lui tout seul toutes les incohérences admirablement mises en évidence hier par Patrick Devedjian.

M. Maurice Leroy.

Très bien !

M. Henri Plagnol.

En effet, il institue dans notre code civil ce monument qui a fait et qui fait encore l'admiration du monde entier, un statut unique au monde, une de ces nouvelles exceptions françaises dont la majorité raffole, qui consiste à assujettir tous les couples au même statut juridique et fiscal. Et quand je dis « tous les couples », il faut donner à ces mots la connotation la plus neutre possible puisque le texte parle de partenaires, comme s'il s'agissait d'un jeu ou d'une partie de tennis.

En fait, deux personnes, quels que soient les liens entre elles, peuvent s'apparier...

M. Jean-Pierre Brard.

Quelle vulgarité !

M. Henri Plagnol.

Ce n'est pas moi, c'est le texte ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Non, ce n'est pas écrit dans le texte !

M. le président.

Mes chers collègues, un peu de silence ! Laissez parler M. Plagnol !

M. Henri Plagnol.

Ces personnes peuvent désormais souscrire un PACS. Puique je n'ai que cinq minutes,...

M. Jean-Pierre Brard. Pour dire des bêtises, c'est toujours trop !

M. Henri Plagnol.

... je poserai une seule question.

Est-il juste et équitable de donner à tous les couples les mêmes droits indépendamment des engagements qu'ils souscrivent l'un vis-à-vis de l'autre, indépendamment de leurs devoirs envers la société et indépendamment du fait de savoir s'ils ont vocation ou non à accueillir des enfants ?

M. Jacques Floch.

Oui !


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M. Henri Plagnol.

Donner les mêmes droits à tous les couples sans exiger d'eux les mêmes devoirs aboutira non seulement à multiplier toutes les formes de fraude, mais surtout, et c'est beaucoup plus grave, à « entériner » en quelque sorte une société atomisée...

M. Bernard Roman.

C'est faux ! Ce ne sont pas les mêmes droits ! M. Henri Plagnol ... qui ne repose plus que sur le principe du bon plaisir. Le plus faible ne sera plus protégé : ce sera la conséquence la plus néfaste.

L'esprit du mariage républicain était d'assurer une parfaite communauté et réciprocité des droits et des devoirs entre les deux contractants. C'est tout le sens de l'évolution de notre code civil. Avec ce texte, pour la première fois, on effectue un formidable retour en arrière en permettant au plus fort des deux, au moment où il l'aura décidé, de rompre le pacte sans la moindre protection pour bon partenaire. Et bien entendu, le texte ne dit pas un mot des conséquences éventuelles pour les enfants.

Nous allons vous poser toutes sortes de questions au cours du débat. Par exemple, qu'en sera-t-il des enfants en cas de séparation ? Faudra-t-il s'adresser au juge des contrats,...

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

On vous a répondu !

M. Henri Plagnol.

... ce qui serait conforme à la logique contractuelle du PACS, ou au juge des affaires familiales ? Nous n'en savons rien !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Mais si !

M. Henri Plagnol.

L'article 1er est tellement incohérent, tellement lourd de conséquences, qu'il est très difficile de l'amender. C'est la raison pour laquelle nous estimons qu'il n'y a pas d'autre solution que de le rejeter en bloc.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Merci, monsieur Plagnol, d'avoir respecté votre temps de parole ! La parole est à Mme Christine Boutin.

M. Jean-Pierre Brard.

Mais c'est pourtant l'heure des matines !

Mme Christine Boutin.

Monsieur le président, mes chers collègues, l'article 1er est très important puisqu'il crée le pacte civil de solidarité, définit les empêchements à sa conclusion, les modalités de la réception, de l'inscription et de la conservation du pacte civil, les obligations résultant du pacte civil, du régime des biens acquis postérieurement à sa conclusion, le régime des biens après dissolution du pacte civil, les causes et les modalités de dissolution du pacte civil.

M. Jean-Pierre Brard.

Vous auriez dû mettre « pacte civil » en facteur commun ! (Sourires.)

Mme Christine Boutin.

Sans doute pour empêcher l'opposition de s'exprimer avec précision sur chaque nouvel article du code civil, les rédacteurs du texte ont préféré opérer un regroupement dans un même article de la proposition de loi.

Ils ont aussi choisi de faire figurer ce PACS au livre Ier du code civil, consacré aux personnes et dans lequel on trouve les dispositions sur le mariage, la filiation et l'adoption. Ce choix n'est pas neutre : le PACS prendrait ainsi sa place à côté du mariage. Il en est d'ailleurs très proche ; c'est bien ce qui lui vaut son surnom de

« mariage bis ».

M. Gérard Terrier.

Bavardage !

Mme Christine Boutin.

Mais ce n'est qu'un mauvais plagiat du mariage. On a cherché à dématrimonialiser le texte en évitant d'en reprendre toutes les dispositions, ce qui le rend impraticable et boiteux. Je tiens à souligner la merveilleuse démonstration que nous en a fait hier Patrick Devedjian (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

A y regarder de près, les parallèles entre l'institution du mariage et le PACS sont évidents. Le PACS n'en est qu'une timide reproduction, mais cela sent bien le mariage. Les « pactisés » ne s'apportent qu'une aide mutuelle et matérielle, alors que les époux se doivent fidélité, secours et assistance. Ces deux formules ont quelque chose de commun, la première n'étant qu'une forme édulcorée de la seconde.

La « bipacsie » comme la bigamie est interdite. On ne peut être contractant d'un PACS et engagé dans les liens du mariage et le PACS est dissous du seul fait du mariage.

Le PACS comme le mariage est interdit entre ascendants et descendants en ligne directe, entre alliés en ligne directe et entre collatéraux jusqu'au troisième degré inclus. Les empêchements faits au mariage sont les mêmes que ceux avancés pour le PACS.

Les seules différences qui séparent le PACS du mariage sont : d'une part le fait que le PACS soit accessible à deux personnes du même sexe ; d'autre part, le fait que le PACS soit facilement rompu au point que la répudiation se trouve ainsi instaurée dans notre droit. Le PACS refuse toute forme de contrainte.

Par ailleurs, pourquoi ne pas accepter l'ouverture du PACS à plus de deux personnes : trois, quatre ou cinq ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Est-ce parce que, avec le PACS on ne veut officialiser, voire institutionnaliser que l'union de deux personnes ? (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. le président.

Mme Boutin a la parole, et elle seule.

Un peu de silence !

Mme Christine Boutin.

Craindrait-on de légaliser la polygamie ? Le PACS connaîtra d'ailleurs une difficulté d'application dans l'île de Mayotte à laquelle personne n'a apparemment songé. En effet, les habitants n'y sont pas soumis au code civil métropolitain, mais à un statut civil local qui autorise la polygamie. Le PACS à deux ne les intéressera pas. Faut-il prévoir au PACS un nombre de partenaires illimités uniquement pour les habitants de l'île de Mayotte ?

M. Jean-Pierre Brard.

Une mission à Mayotte pour Mme Boutin !

Mme Christine Boutin.

Mais pourquoi l'objectif du PACS est-il de reconnaître une relation sexuelle ? Certaines de ses dispositions s'étendraient à deux frères ou soeurs - à moins qu'il ne s'agisse de donner un cadre juridique à l'inceste.

En outre, toutes les règles de publicité, de nullité et d'opposabilité ont été omises. Cela manquera pas de poser de grands problèmes à l'égard des tiers.

Le lieu d'enregistrement du PACS a donné lieu à de nombreuses discussions, et toute les composantes de la gauche plurielle ne sont même pas d'accord entre elles.

La mairie avait naturellement un sens très symbolique.


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Après, ça a été la préfecture ; maintenant le tribunal. La grande question est de savoir, messieurs et mesdames de la gauche plurielle, quel lieu vous allez choisir. Quoi qu'il en soit le problème du fichier reste entier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je vous remercie, madame, d'avoir respecté votre temps de parole.

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'article 1er nous place en effet au coeur du dispositif. Je voudrais, sur un plan juridique, prolonger ce que Patrick Devedjian a dit hier remarquablement.

Sur trois points, le coefficient d'incertitude juridique de la proposition est extrêmement élevé, ce qui nous fait dire que le pseudo-statut que l'on veut conférer aux couples non mariés sera pour eux une source très importante d'illusions, ou plutôt de désillusions.

Il existait d'autres moyens pour répondre à de légitimes préoccupations et à des situations concrètes qui méritaient un meilleur traitement juridique. Mais, chers collègues de la majorité, vous fournissez de mauvaises réponses à de vraies questions.

La première porte sur la nature juridique du PACS dont, madame la garde des sceaux, vous venez de rappeler qu'il s'agissait d'un contrat. Pourquoi, alors, ne pas l'insérer dans le livre III du code civil qui comporte de très nombreuses dispositions relatives aux contrats ?

M. Patrick Devedjian.

Très bien !

M. Pierre Albertini.

Ce serait un moyen d'affichage sans doute beaucoup plus explicite que toutes les précautions oratoires que vous avez prises tout à l'heure avant la discussion, qui s'engage de ce fait dans un certain flou juridique.

M. Patrick Devedjian.

Très juste !

M. Pierre Albertini.

Je considère que le PACS n'est pas un contrat, pour une raison extrêmement simple, rappelée cette nuit : un contrat ne peut être rompu unilatéralement que dans les cas définis par la loi. Or votre article ne définit nullement les cas dans lesquels la rupture unilatérale peut avoir lieu.

L'article 1134 du code civil reste - quoi qu'en dise Jean-Pierre Michel - une construction juridique ayant sa cohérence, même si, par endroits, elle doit d'être toilettée, dépoussiérée. Mais est-il judicieux d'agir comme un éléphant dans un magasin de porcelaine pour préciser les règles juridiques qui s'appliquent à notre société ? Cet article est extrêmement clair : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. »

Or vous n'avez pas précisé les causes de rupture du PACS. En la matière, l'incertitude juridique est grande.

Le deuxième incertitude concerne le contenu du pacte.

La proposition que vous nous soumettez prévoit deux règles relativement précises, concernant l'aide mutuelle et matérielle que les partenaires doivent s'apporter mutuellement, et le régime des biens - l'indivision n'étant sans doute pas le meilleur moyen de résoudre pacifiquement et rapidement les conflits d'intérêts.

M. Pierre Lellouche.

En effet !

M. Pierre Albertini.

Mais, en vertu d'un principe juridique inébranlable selon lequel tout ce qui n'est pas interdit est permis, toutes les stipulations non contraires à ces deux règles que les contractants, ou plutôt les partenaires, pourront introduire dans le pacte seront valides.

Vous aurez donc, nécessairement, des PACS à contenu juridique variable.

Là encore, qui risque de faire les frais de cette démarche ? Ce sont naturellement ceux qui ont le plus difficilement accès au droit, madame la ministre. Ce ne sont pas les personnes les plus favorisées, qui trouveront toujours les subtilités juridiques pour parer aux situations les plus critiques. Ce sont les plus faibles ou les plus démunies qui seront les premières victimes de cette situation incertaine.

Enfin, la dernière incertitude juridique concerne le rôle du juge, juge du contrat - c'est ce que je déduis de votre affirmation de principe. La construction jurisprudentielle qui s'est opérée autour du divorce a demandé beaucoup de temps. Les choses ont été précisées chemin faisant, au fur et à mesure que les textes demandaient à être interprétés et que les problèmes apparaissaient. En l'occurrence, quelles sont les règles, quels sont les repères que le juge aura à sa disposition pour trancher les cas résultant, notamment, d'une rupture unilatérale du PACS ? C'est extrêmement difficile à dire. En fait, on ne peut pas aujourd'hui baliser le terrain sur lequel s'engagent des partenaires qui concluraient entre eux un PACS. Et c'est une source probable de désillusions.

M. le président.

Pouvez-vous conclure, monsieur Albertini !

M. Pierre Albertini.

Le statut que vous nous proposez est donc illusoire. D'autres voies étaient possibles. Personnellement, je pense que si l'on était revenu à l'idée initiale d'un certificat de vie commune auquel on aurait attaché des conséquences juridiques, fiscales, on aurait abouti à un dispositif juridique plus précis, assurant un certain confort, et en tous les cas une certaine stabilité aux couples qui en auraient bénéficié.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

C'est faux !

M. Pierre Albertini.

Sans être un grand analyste juridique, je prévois que votre texte, s'il va jusqu'au Conseil constitutionnel, en sortira en charpie. C'est la raison pour laquelle nous demandons que la méthode et le fond soient complètement corrigés.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman.

Madame la ministre, monsieur le président, chers collègues, nous voilà enfin au texte de la proposition de loi sur le PACS - enfin, car l'opposition aura tout tenté pour nous empêcher d'y parvenir.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

Vous nous y avez aidés !

M. le président.

S'il vous plaît ! Allez-y, monsieur Roman.

M. Bernard Roman.

Nous sommes, avec l'article 1er , au coeur du dispositif.


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Pour la droite, c'est du moins l'explication qu'elle a avancée, il n'y avait pas lieu de légiférer sur cette question.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Pas dans ces conditions !

M. Bernard Roman.

Il faudrait se résigner à ce que la société bouge, à ce que le monde avance plus vite que le politique ? Nous estimons au contraire que le politique doit bouger, doit accompagner les mouvements de la société. Il est de notre devoir de garantir les droits et les garanties qu'ils attendent d'un Etat républicain et laïc à tous ceux qui le demandent et chaque fois que cette demande est massivement exprimée, comme c'est le cas en ce qui concerne le PACS.

La question a été évoquée à de nombreuses reprises.

M. Devedjian l'a fait hier soir. Mais les arguments avancés par l'opposition sont les mêmes que ceux qu'on avait entendus dans cet hémicycle lorsque deux parlementaires - de droite, je le reconnais volontiers : M. Neuwirth, il y a trente ans, et Mme Veil, il y a vingt ans, avaient essayé de faire avancer la société.

M. Pierre Lellouche.

Vous y étiez ?

M. Maurice Leroy.

Vous dites toujours la même chose !

M. Bernard Roman.

Si ces deux parlementaires de droite ont porté ces projets visant à mettre le droit en accord avec le mouvement de la société en reconnaissant enfin aux femmes le droit de maîtriser leur corps, leur sexualité, leur grossesse,...

M. Jean-Antoine Leonetti.

Il y a vingt ans et ce n'est pas le débat !

M. Bernard Roman.

... c'est parce que, à l'époque, la gauche unanime a soutenu ces textes contre une grande partie de la droite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Richard Cazenave.

C'est nous qui l'avons fait, c'est tout !

M. Pierre Lellouche.

Vous réécrivez l'histoire !

M. Richard Cazenave.

Révisionniste !

M. Bernard Roman.

Vous aimeriez laisser croire que la gauche, que les socialistes s'apprêteraient à voter ce texte du bout des doigts et à le défendre du bout des lèvres !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Ils ne sont pas bien nombreux !

M. Bernard Roman.

Or, puisque nous sommes, avec cet article 1er , au coeur du texte, je voudrais vous dire que nous allons légiférer avec une grande fierté. Car il y a tout, dans ce texte, pour rendre fiers les républicains de gauche que nous sommes : la laïcité, la liberté de l'Etat, celle de l'individu, la solidarité. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Maurice Leroy.

Et l'absurdité !

M. Jean-Louis Debré.

Et la confusion !

M. Bernard Roman.

Oui, ce texte honore la laïcité de la République !

M. le président.

Venez-en à votre conclusion, s'il vous plaît.

M. Bernard Roman.

De la Déclaration des droits de l'homme de 1789 à la Constitution de 1958, ce concept est chaque fois rappelé. Et au regard de cette loi de la République, je veux le dire clairement à cette tribune, les hommes et les femmes ne sont pas des fidèles, ce sont des citoyens et nous devons les traiter comme tels. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Concluez, s'il vous plaît !

M. Bernard Roman.

Je vais conclure, monsieur le président, mais reconnaissez que je suis interrompu ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Puisqu'il s'agit de la liberté individuelle, l'un de nos biens les plus précieux,...

M. Pierre Lellouche.

C'est du bla-bla !

M. Bernard Roman.

... je voudrais dire notre fierté de soutenir cette proposition de loi. (Exclamations sur les mêmes bancs.)...

M. Pierre Lellouche.

Il faut procéder différemment ! Il y a des problèmes de droit que vous ne réglez pas !

M. Bernard Roman.

... qui permettra, enfin, de sortir l'homosexualité du ghetto dans lequel l'absence de cadre juridique la place.

M. Dominique Dord.

Ce n'est pas sûr !

M. Bernard Roman.

Il est vrai que c'est d'abord pour reconnaître juridiquement l'existence de couples homosexuels que cette formule du contrat, puis du PACS, a été imaginée. Et il est évident que les couples homosexuels souffrent infiniment plus de leur situation de non-droit que les couples hétérosexuels.

Dans notre pays, c'est uniquement grâce à la gauche que l'homosexualité n'est plus considérée comme un délit.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) En effet, ce n'est qu'après 1981 qu'ont été abrogées les discriminations légales à l'égard des homosexuels. Si le droit français, donc, est passé de la notion de délit à la notion de tolérance, il est plus que temps qu'il franchisse le stade de la reconnaissance juridique.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Très bien !

M. Bernard Roman.

C'est ce que nous faisons !

M. le président.

Concluez, monsieur Roman !

M. Bernard Roman.

Les couples homosexuels font partie de notre société ! Tous les jugements moraux et autres anathèmes n'ont plus de place, ici, au sein de l'Assemblée nationale, dans le cadre de la loi ! Pour conclure (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), je veux dire combien j'ai été scandalisé d'entendre les propos de compassion ou de condescendance tenus à cette tribune à l'égard des homosexuels ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Par qui ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1998

M. Bernard Roman.

Ce n'est ni de compassion ni de condescendance dont ont besoin les homosexuels, c'est tout simplement de reconnaissance !

M. Jean-Louis Debré.

Vous êtes un manipulateur !

M. Bernard Roman.

Ces propos ne peuvent que nous renforcer (Exclamations sur les mêmes bancs)...

M. le président.

Il faut conclure, vraiment, monsieur Roman !

M. Bernard Roman.

... dans notre volonté d'aller de l'avant ! Dans ce domaine, le progrès ne détruit pas, il construit, au contraire, les bases d'une société ouverte et tolérante (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) capable d'assumer l'épanouissement personnel de tous les citoyens en dehors de toute discrimination ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Pierre Lellouche.

C'est indigne du débat !

M. Bernard Roman.

Nous allons voter ce texte, nous allons le soutenir ! C'est notre rôle, c'est notre volonté, ce sera notre fierté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

J'espérais qu'abordant l'article 1er , nous allions enfin en venir aux problèmes juridiques. Or, mesdames et messieurs de la majorité, vous nous ressortez pour la énième fois le catalogue des combats menés quasiment depuis la République romaine ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Cela fait vingt fois que vous parlez de la lutte pour la pilule. Vous revenez même au débat sur la laïcité ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. le président.

Un peu de silence, s'il vous plaît ! M. Mariani a seul la parole !

M. Thierry Mariani.

Il serait temps que vous arrêtiez de citer le passé pour justifier le présent.

M. Serge Janquin.

C'est à M. Devedjian que ce conseil s'adresse ?

M. Thierry Mariani.

Et il serait temps que vous arrêtiez de faire défiler les mots de solidarité, d'égalité, de liberté , alors que, franchement, jusqu'à présent, personne ne s'est trouvé dans une situation affligeante.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Avec l'article 1er , nous abordons, en fait, l'ossature de votre proposition...

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

C'est vrai !

M. Thierry Mariani.

... et nous allons mettre en évidence toutes les lacunes de ce texte.

Première lacune : vous avez décidé de placer les dispositions de cette proposition dans le livre Ier du code civil, celui qui traite du statut des personnes. Cette décision pose deux séries de questions, la première de nature juridique, la seconde de nature philosophique.

Tentons d'abord de préciser la nature juridique réelle de votre pacte. S'agit-il d'un contrat ? Dans ce cas, il faudrait le situer dans le livre qui traite des biens et plus particulièrement des contrats. S'agit-il d'un nouveau statut à part entière, qui se situerait entre le mariage et le concubinage ? Dans ce cas, votre texte est incomplet, notamment en ce qui concerne les incapacités et les empêchements. Devrons-nous appliquer le droit des contrats, c'est-à-dire que les mineurs, les majeurs protégés ne pourront pas conclure un pacte, mais que cette possibilité sera ouverte aux mineurs émancipés ? Sur tous ces points essentiels, votre texte est muet et contient, comme l'ont dit les précédents orateurs, de sérieuses lacunes.

De plus, permettez-moi d'avoir des doutes sur les explications du rapporteur. Vous affirmez en effet, monsieur Michel, que le PACS ouvrira, à terme, un droit à l'adoption en faveur des couples homosexuels, alors que Mme la ministre nous dit exactement le contraire. Lequel des deux faut-il croire ? C'est ainsi que, sur de nombreuses questions, nous n'avons toujours aucune réponse. Comment accepter encore qu'un mineur, même émancipé, puisse conclure un PACS ? Cela me semble impensable.

En ce qui concerne les nullités, que va-t-il se passer en cas de dol, de violence ou d'erreur ? Les conditions de validité du consentement applicable en matière contractuelle le seront-elles en matière de PACS ? Ici encore, nous pouvons nous poser la question. Or votre texte manque singulièrement de clarté.

Sur le plan philosophique, vous nous annoncez que le PACS n'est pas un mariage bis, mais vous le placez dans le livre du code civil qui contient précisément les dispositions relatives au mariage, au divorce et à l'adoption. Cela est, pour ma part, totalement inacceptable. Une fois de plus, vous employez un double discours préjudiciable à l'ensemble de votre texte. Alors, monsieur le rapporteur, madame la ministre, il est plus que temps que vous nous précisiez très clairement vos intentions et que vous accordiez vos violons.

Vous ne l'ignorez pas, les débats que nous avons aujourd'hui ne seront pas sans incidences sur la manière dont sera appliquée la loi. En effet, en matière d'interprétation des dispositions législatives non claires - et Dieu sait qu'il y en a dans ce texte ! - le juge se fonde sur les travaux préparatoires de la loi qui comprennent, entre autres, nos discussions dans cet hémicycle.

Vous ne pouvez plus à ce stade rester dans le flou comme vous le faites. Vous devez préciser vos intentions réelles sur la nature du PACS. Vous devez nous faire savoir s'il s'agit d'un véritable contrat ou d'un cadre juridique novateur situé entre le mariage et le concubinage.

Cette discussion sur l'article 1er doit être l'occasion de recadrer le débat afin de poursuivre nos travaux dans des conditions satisfaisantes.

En conclusion, avec cet article, nous avons l'illustration du détournement de procédure que la majorité a effectué pour réinscrire à l'ordre du jour de notre assemblée une proposition de loi jugée irrecevable le 9 octobre dernier.

A quelques modifications mineures près, les huit premiers articles de la version précédente sont repris dans cet article 1er . Est-ce ce qui vous fait dire que votre proposition est différente ? De qui vous moquez-vous ? Le Président Mitterrand parlait volontiers de coup d'Etat permanent pour qualifier la méthode de gouvernement du général de Gaulle et les institutions de la Ve République. Avec la majorité plurielle, c'est à un détournement permanent de procédure que nous assistons. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassem-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1998

blement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Guy Hascoët.

M. Guy Hascoët.

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, je m'étonne que M. Mariani tourne en rond dans sa cage (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. François Goulard.

Ce n'est pas admissible ! M. Guy Hascoët ... et répète tous les arguments que nous avons entendus depuis dix-sept ou dix-huit heures.

M. Bernard Accoyer.

Nous parlons du fond !

M. le président.

Faisons attention à nos propos ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Franck Borotra.

C'est difficile pour M. Hascoët !

M. Guy Hascoët.

J'y fais attention, monsieur le président.

M. le président.

Veuillez poursuivre, monsieur Hascoët !

M. Guy Hascoët.

Je pensais que nos collègues n'étaient pas tout à fait réveillés. Apparemment, ils le sont complètement ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

C'est incroyable ! Vous nous provoquez, monsieur Hascoët !

M. le président.

Ne vous interpellez pas les uns les autres, sinon nous n'en sortirons pas ! Monsieur Hascoët, exprimez-vous sur le fond, s'il vous plaît !

M. Pierre Lellouche.

Oui, sur le fond !

M. Guy Hascoët.

L'article 1er vise, à partir des principes qui ont fait l'objet de la discussion que nous avons eue des heures durant, à créer un cadre juridique. Certains diront qu'il n'est pas ce qu'ils auraient souhaité, d'autres lui reprocheront d'être trop flou. On pourra retourner tous les arguments.

Au bout du compte, il est le premier article d'un texte qui accompagne le mouvement de la société. Et l'opposition en est réduite à faire des contorsions pour expliquer pourquoi il ne faudrait pas bouger.

M. Pierre Lellouche.

Parlez du fond !

M. Guy Hascoët.

Comme je l'ai dit la nuit dernière, plutôt que d'accompagner le mouvement, vous avez choisi, mesdames, messieurs, de vous replier sur une position de refus.

M. Dominique Dord.

Parlez de l'article 1er !

M. Pierre Lellouche.

C'est ça la discussion au fond !

M. Bernard Accoyer.

Il n'a rien à dire !

M. Maurice Leroy.

C'est de l'obstruction !

M. Guy Hascoët.

Sur le fond, nous aurions préféré, quant à nous, que le PACS puisse être signé dans les mairies, dans les services d'état civil de la République.

Cela fera l'objet d'un amendement car nous continuerons de défendre cette position. Pourquoi refuserait-on à nos concitoyens la possibilité de faire jouer les dispositions d'un texte de loi auprès du service public le plus proche d'eux, c'est-à-dire la mairie ?

M. Pierre Lellouche.

Où sont vos arguments ?

M. Guy Hascoët.

Cet article lance le débat, il pose les fondements du PACS. Bien évidemment, nous le soutiendrons.

Un certain nombre d'arguments ont d'ores et déjà été développés. Aussi, monsieur le président, en vertu du premier alinéa de l'article 57 du règlement, dans la mesure où plusieurs avis contraires ont déjà été exprimés, je vo us propose de clore la discussion sur l'article 1er . (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Richard Cazenave.

Censeur !

M. Maurice Leroy.

Les Verts sont pour la censure !

M. le président.

La clôture vient d'être proposée, en vertu de l'article 57 du règlement. Deux orateurs d'avis contraire sont en effet intervenus.

Conformement à l'alinéa 3 de l'article 57 du règlement, l'Assemblée est appelée à se prononcer sans débat.

M. Richard Cazenave.

Censure !

M. le président.

Je vais donc la consulter à main levée.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Henri Plagnol et M. José Rossi.

Rappel au règlement !

M. Pierre Lellouche.

C'est scandaleux !

M. Dominique Dord.

Quel mépris pour la démocratie !

M. Pierre Lellouche.

C'est le règne de la censure ! (La proposition est adoptée.)

M. le président.

Je prononce donc la clôture de la discussion sur l'article 1er . (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Rappels au règlement

M. le président.

La parole est à M. Henri Plagnol, pour un rappel au règlement.

M. Henri Plagnol.

Je voudrais que, sur tous les bancs de cette assemblée, chacun mesure la gravité de ce que la majorité est en train de faire avec ce texte, étape après étape. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Pierre Brard.

C'est l'heure des prêches mais pas le lieu !

M. Henri Plagnol.

On ne peut pas, d'un côté, prétendre qu'il s'agit d'un texte de progrès social, comparable à tous les grands textes votés depuis la Libéra-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1998

tion - c'est le discours que vous nous répétez orateur après orateur - et, de l'autre, monsieur le président, empêcher systématiquement le débat. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Il s'agit de l'article 1er , qui est le coeur du texte. Il tend à instituer un régime juridique sans précédent qui bouleverse notre code civil. Après avoir bafoué le droit dans notre assemblée en redéposant la même proposition de loi que celle qui avait été rejetée pour inconstitutionalité, après avoir, hier, interrompu brutalement un orateur qui défendait une motion, ce qui ne s'était jamais fait (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) vous allez, aujourd'hui, jusqu'à censurer car il s'agit bien d'une censure - (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) en abusant des pouvoirs que vous confère notre règlement, en violant la coutume et tous les usages de cette assemblée.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Absolument pas !

M. Henri Plagnol.

Cela s'appelle bâillonner les droits de l'opposition ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Pierre Michel.

Pantin !

M. Henri Plagnol.

Tout cela parce que vous ne voulez pas que le débat ait lieu.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

C'est risible !

M. Henri Plagnol.

Vous ne voulez pas que les Français puissent mesurer les conséquences de ce texte.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. le président.

Un peu de silence ! M. Plagnol va conclure son rappel au règlement.

M. Henri Plagnol.

Le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, a prétendu qu'il ne réformerait pas brutalement la société française, qu'il donnerait le temps au débat, qu'il restaurerait les droits du Parlement.

Vous-même, monsieur le président, en commençant votre mandat, avez annoncé que vous entendiez respecter les droits de l'opposition.

M. Charles de Courson.

C'est tout le contraire !

M. Henri Plagnol.

Dans ce débat, la majorité révèle son vrai visage, celui de l'intolérance et de l'idéologie.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je demande une suspension de séance.

M. le président.

La parole est à M. José Rossi, pour un rappel au règlement.

M. José Rossi.

Monsieur le président, en vertu de l'article 58, alinéa 3, de notre règlement, je voudrais à mon tour protester contre le fait que vous interprétez notre règlement dans des conditions qui créent, incontestablement, une innovation.

M. Jean-Pierre Brard Il faut toujours innover !

M. José Rossi.

Vous multipliez les occasions dans lesquelles vous considérez que l'Assemblée est suffisamment informée. Vous l'avez fait hier dans des conditions qui ont jeté le trouble et suscité la polémique à un moment où le débat était serein. Vous récidivez aujourd'hui au terme d'une discussion extrêmement courte sur l'article 1er , qui recouvre pratiquement tous les problèmes que nous allons soulever dans ce débat, et après n'avoir entendu qu'un orateur par groupe.

Pourtant, nous avions encore beaucoup de choses à dire et tous nos collègues inscrits sur l'article 1er avaient prévu de présenter des interventions complémentaires.

(« Eh oui ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

Ainsi, vous privez incontestablement d'expression tous ceux qui s'étaient organisés pour informer complètement l'opinion publique car, nous l'avons dit et répété, au-dela des propos que nous tenons ici, celle-ci doit être complètement et très précisément informée.

Monsieur le président, je vous demande donc de faire preuve du même esprit d'ouverture, que vous avez manifesté dans un passé récent en mettant en place, par exemple, une commission de réflexion dont l'objet est de renforcer le poids de l'Assemblée nationale face à l'exécutif, au moment où le déséquilibre des pouvoirs semble s'accentuer et en souhaitant que les droits de l'opposition soient respectés.

Je vous le dis très sereinement et sans excès, notre sentiment aujourd'hui est que vous êtes sorti de cette voie à laquelle vous nous aviez habitués et sur laquelle j'espère que vous allez revenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Louis Debré, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Louis Debré.

Deux remarques, monsieur le président. Tout d'abord, hier, vous avez interrompu un orateur de l'opposition alors qu'il s'exprimait sur une motion de procédure, ce qui était inhabituel et scandaleux.

Ensuite, aujourd'hui, vous arrêtez la discussion sur l'article 1er

Plusieurs députés du groupe socialiste.

« Nous » arrêtons ! C'est l'Assemblée qui décide !

M. Jean-Louis Debré.

Alors que, 26 orateurs devaient encore s'exprimer, un de la majorité, M. Mamère, et 25 de l'opposition (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), vous avez fait en sorte, en établissant l'ordre qui est fixé par vous, par la présidence, de repousser les orateurs de l'opposition à la fin. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Est-ce ainsi qu'on défend les droits du Parlement ? Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Non !

M. Jean-Louis Debré.

Monsieur le président, vous êtes le garant du bon fonctionnement de cette assemblée mais vous êtes aussi, comme le veut la démocratie et la République, le garant des droits de l'opposition.

Or aujourd'hui, et contrairement au souhait du Gouvernement qui voulait qu'on prenne son temps, vous faites en sorte que nous ne puissions plus nous exprimer.

Vous n'étiez pas là hier soir, mais M. Devedjian a posé en séance de nuit des questions juridiques précises. La discussion sur l'article 1er était pour nous l'occasion d'entendre les réponses que le Gouvernement pouvait


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1998

apporter. Vous nous empêchez de le faire, ce n'est pas bien, monsieur le président ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste.) C'est pourquoi je demande une suspension de séance d'une heure pour réunir l'ensemble des groupes de l'opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Un mot avant de me prononcer sur la suspension puisque, bien que ce ne soit pas la coutume, la présidence a été, si j'ai bien compris, mise en cause.

(« Oui ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Arnaud Lepercq.

Complètement mise en cause !

M. Rudy Salles.

Et à juste titre !

M. le président.

En ce qui concerne la journée d'hier, des explications ont déjà été données.

(« Non ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Nous n'avons pas eu de réponse !

M. le président.

En tout cas, ceux qui étaient là les ont entendues. La clôture a été prononcée après trois heures et demie d'intervention, alors que l'Assemblée était suffisamment informée.

M. Richard Cazenave.

Autoritarisme !

M. le président.

Alors, les droits de l'opposition sontils respectés ? (« Non ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je fais observer, m'étant tourné préalablement vers le secrétariat général...

M. Franck Borotra.

C'est vous qui présidez, pas le secrétaire général !

M. le président.

... que treize heures ont été consacrées aux motions de procédure, et que l'opposition a parlé trois fois plus que la majorité.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Richard Cazenave.

Evidemment, la majorité n'a rien à dire !

M. le président.

Si vous estimez que vous ne pouvez pas exprimer en huit heures ce que vous avez à dire, c'est effectivement gênant.

M. Jean-Pierre Brard.

Ils n'ont rien à dire !

M. Bernard Birsinger.

Ils ne font que du vent !

M. le président.

S'agissant de la clôture de la discussion de l'article 1er , référez-vous à notre règlement. Je rappelle les termes du troisième alinéa de l'article 57 :

« Lorsque la clôture est demandée en dehors de la discussion générale, l'Assemblée est appelée à se prononcer sans débat. » Il est clair qu'il ne s'agit pas d'une possibi-

lité offerte au président mais d'une nécessité. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Patrick Devedjian et M. Robert Lamy.

Qui l'a demandée ?

M. le président.

Le rôle du président se borne donc à consulter l'Assemblée qui doit se prononcer sans débat.

M. Richard Cazenave.

Tartuffe !

M. le président.

Quant à la liste des orateurs, elle est établie par le secrétariat général, qu'il n'est pas question de mettre en cause.

(Mouvements divers.)

M. Arnaud Lepercq.

Qui est le patron ?

M. le président.

Enfin, dernier élément, mes chers collègues, beaucoup d'entre vous ont proposé des amendements de suppression de l'article 1er

M. Jean-Louis Debré.

C'est notre droit !

M. le président.

Effectivement. Ils pourront donc prendre la parole sur l'article 1er en les soutenant.

Encore une fois, je n'ai fait qu'appliquer strictement l'article 57, alinéa 3. Personne ne peut le contester.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Quant à la suspension de séance, je vais l'accorder mais pour quinze minutes, car pour une heure ce serait dilatoire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures dix, est reprise à dix heures trente-cinq.)

M. le président.

La séance est reprise.

Je suis saisi de quinze amendements identiques nos 55, 203, 272, 419, 441, 488, 537, 549, 633, 674, 734, 742, 817, 820 et 823.

L'amendement no 55 est présenté par Mme Boutin, MM. Dord, Myard, Gengenwin, Perrut, Christian Martin ; l'amendement no 203 est présenté par M. Estrosi ; l'amendement no 272 est présenté par M. Mariani ; l'amendement no 419 est présenté par MM. Accoyer, Jacob, Muselier, Delnatte, Demange, Fromion, Ferrand et Schneider ; l'amendement no 441 est présenté par M. Masdeu-Arus ; l'amendement no 488 est présenté par M. Baguet ; l'amendement no 537 est présenté par M. Goulard ; l'amendement no 549 est présenté par MM. Goasguen, Herbillon et Teissier ; l'amendement no 633 est présenté par M. Dutreil ; l'amendement no 674 est présenté par M. Birraux ; l'amendement no 734 est présenté par M. Kossowski ; l'amendement no 742 est présenté par M. Plagnol et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance ; l'amendement no 817 est présenté par M. Vannson ; l'amendement no 820 est présenté par M. Jean-Claude Lemoine ; l'amendement no 823 est présenté par MM. Doligé, Dupont, Audinot et Devedjian.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'article 1er »

La parole est à Mme Christine Boutin, pour soutenir l'amendement no

55.

Mme Christine Boutin.

L'article 1er dont la suppression est demandée par cet amendement est le plus important, le plus fondamental de ce PACS no 2 ou no 3 - on ne sait plus - qui nous est proposé aujourd'hui.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1998

Comme je me suis déjà beaucoup exprimée depuis l'ouverture de ce débat, je vais laisser à mes collègues signataires des autres amendements le soin de développer nos arguments. Je me borne à souligner que cet article, qui vise à créer une nouvelle forme d'union dans le droit des personnes, constitue un plagiat du mariage et bouleverse tout le fondement de notre droit et de notre société. C'est la raison pour laquelle nous demandons sa suppression.

M. le président.

L'amendement no 203 n'est pas défendu.

La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l'amendement no 272.

M. Thierry Mariani.

L'article 1er , chacun en convient, constitue l'ossature du texte. Est-il utile de rappeler qu'il reprend à lui seul huit articles de la version précédente ? Malgré tout, la nouvelle mouture contient de très nombreuses lacunes et imperfections. L'article 1er en est l'illustration.

D'abord, vous avez décidé de placer les dispositions de votre proposition de loi dans le livre premier du code civil, celui qui traite du statut des personnes. Ainsi nous ne savons toujours pas si le PACS est un contrat ou une institution.

Devrons-nous appliquer le droit des contrats, c'est-àdire que les mineurs et les majeurs protégés ne pourront pas conclure un pacte, cette possibilité étant ouverte aux mineurs émancipés ? Sur tous ces points essentiels, votre texte est muet. Peut-être allons-nous enfin être éclairés.

En ce qui concerne ensuite les nullités, que va-t-il se passer en cas de dol, de violence ou d'erreur ? Les conditions de validité du consentement applicables en matière contractuelle le seront-elles en ce qui concerne le PACS ? Nous ne pouvons continuer à débattre d'un texte, surtout d'un article qui en constitue l'essentiel, sans en saisir toutes ses conséquences.

Par ailleurs, vous prévoyez une totale liberté dans la fixation des obligations que devront remplir les partenaires. Ainsi que nous l'avons souligné à de nombreuses reprises, le plus fort dictera certainement sa loi au plus faible. Pour nous cela est intolérable. Votre texte vise à déguiser les lois de la République en lois du plus fort.

Nous pourrions multiplier les exemples. Nous aurons l'occasion d'en débattre - si on nous en laisse la possibilité ! - au cours de la discussion qui nous attend.

Enfin, cet article 1er est l'illustration du détournement flagrant de procédure que votre majorité a effectué pour inscrire à nouveau à l'ordre du jour de notre assemblée cette proposition de loi, que la majorité des présents avait jugée irrecevable le 9 octobre dernier. En un seul article vous reprenez, à quelques modifications mineures près, les huit premiers articles de votre version précédente. Est-ce ce qui vous fait prétendre que votre proposition est différente ? De qui vous moquez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l'amendement no 419.

M. Bernard Accoyer.

Cet article contient l'essentiel des dispositions de ce texte pratiquement identique à celui qui a été déclaré irrecevable le 9 octobre ici même. Ces dispositions remettent en cause les fondements de notre code civil et, par là même, les fondements de notre société.

Ainsi le deuxième article qu'il propose d'inclure dans le code civil et qui édicte les cas dans lesquels le pacte ne peut être conclu, montre bien qu'il s'agit d'un succédané du mariage. En effet, l'inceste, la polygamie, restent, même pour le PACS, les limites, donc les tabous de notre société. Je ne vois pas comment, compte tenu de ces exclusions du cadre du PACS, on peut soutenir qu'il ne s'agit pas d'un mariage au rabais.

Les dispositions proposées pour l'article 515-3 du code civil aboutissent à la création d'un fichier des contractants de PACS qui suivra toute leur vie, dans la ou les préfectures de leurs résidences successives, les « pacsés », leurs choix, leurs décisions. Le PACS sera, qu'ils le veuillent ou non, considéré comme une marque déterminant ou évoquant fortement leurs choix les plus intimes et les plus personnels, lesquels devraient être respectés, contrairement à ce qui est prévu dans votre texte.

Quant aux dispositions proposées pour l'article 515-4, elles montrent qu'il s'agit d'un contrat à la carte qui va, une fois de plus, privilégier le plus fort, celui qui a accès aux conseils juridiques, qui connaît les fondements de notre droit et pourra, tout à loisir, puisque le contrat est passé sous seing privé, malmener le plus faible.

L'indivision aussi posera des problèmes insurmontables et, là encore, au détriment des plus faibles.

La répudiation, car c'est bien de cela qu'il s'agit, malgré l'exigence d'une lettre recommandée ou d'une information préalable à trois mois, menacera surtout le plus faible, qu'il s'agisse d'un couple homosexuel ou, ce qui nous inquiète davantage, de la femme, de la mère du ou des enfants.

Pour toutes ces raisons, nous considérons que cet article qui contient l'essentiel des dispositions de ce PACS 2 est extrêmement dangereux. Compte tenu de ces dispositions et de l'ensemble de cette proposition de loi, notre pays et le Parlement méritaient mieux que la procédure choisie,...

M. Jacques Myard.

Ô combien !

M. Bernard Accoyer.

... mieux qu'une crypto-procédure avec une élaboration confidentielle du rapport, par un rapporteur partisan, mieux que le mépris des droits du Parlement, en bafouant notre règlement et notre Constitution, mieux qu'une attitude inadmissible du Gouvernement qui, n'écoutant pas les interventions, n'a évidemment pas apporté la moindre réponse aux questions p ertinentes, comme tout le monde s'est plu à le reconnaître, posées par ceux qui ont présenté les motions de procédure dont, cette nuit, Patrick Devedjian. Il s'agissait pourtant de questions de fond, notamment celles relatives à l'adoption et à l'accès à la procréation médicalement assistée pour les couples homosexuels.

Parce qu'il y a, dans la façon d'imposer à la nation cette révolution de notre code civil, quelque chose d'insupportable, il convient de supprimer cet article. Tel est le but de cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques MasdeuArus, pour défendre l'amendement no 441.

M. Jacques Masdeu-Arus.

La mise en place d'un pacte de solidarité ouvert aux couples homosexuels n'a pas sa place dans le code civil, en particulier dans le livre premier qui traite de l'ensemble des droits relatifs aux personnes, avec un titre réservé au mariage. Si l'Etat reconnaît le mariage et accorde aux mariés des avantages


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spécifiques, c'est en contrepartie de leur contribution au développement de la société dont l'élément le plus important est la filiation. Ce ne saurait donc être le cas d'un couple homosexuel contractant un PACS.

Le PACS donne naissance à un véritable mariage d'homosexuels et ouvre la porte à trois grands écueils : l'adoption d'enfants, le recours à la procréation médicalement assistée pour les couples d'homosexuelles, une légalisation massive des clandestins présents sur notre sol.

Un tel projet se justifie d'autant moins que les problèmes qu'il est censé régler peuvent l'être plus simplement par des textes réglementaires ou des dispositions inscrites dans la loi de finances. Ainsi les personnes qui ne veulent pas ou ne peuvent pas se marier, mais qui souhaiteraient bénéficier d'une plus grande sécurité juridique, ont la possibilité de conclure un contrat de droit privé devant un notaire.

C'est pour toutes ces raisons que cet amendement vise à supprimer l'article 1er . (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour soutenir l'amendement no 488.

M. Pierre-Christophe Baguet.

L'article 1er est le fondement même de cette proposition de loi. Je demande sa suppression parce qu'il n'est pas conforme à l'esprit de notre Constitution, qui organise la solidarité entre les citoyens. En cela, Jean-François Mattei, Christine Boutin, Jean-Claude Lenoir et Patrick Devedjian l'ont démontré, il n'est pas conforme à la Constitution et à l'esprit de solidarité.

Par ailleurs, l'article 1er tend à introduire une série de nouveaux articles, 515-1 à 515-8, dans le livre premier du code civil qui traite des personnes, donc du mariage et des enfants. Ce n'est pas leur place, puisque le PACS est un contrat. On pourrait à la rigueur les concevoir dans le livre deuxième, auquel cas ces articles devraient être dénommés 1581-1 à 1581-8. Ce serait la seule solution éventuellement envisageable pour ne pas modifier la partie du code civil qui touche aux personnes, au mariage et aux enfants.

Pour toutes ces raisons, je propose la suppression de l'article 1er . (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. François Goulard, pour soutenir l'amendement no 537.

M. François Goulard.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je fais observer que je suis le premier orateur du groupe Démocratie libérale et Indépendants à m'exprimer ce matin.

M. Jean-Claude Lenoir.

Parfaitement !

M. François Goulard.

L'interruption de la discussion sur l'article 1er (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert)...

Si les vociférations pouvaient cesser... (Mêmes mouvements.) Monsieur le président, vous avez tout à l'heure décidé d'interrompre la discussion sur l'article 1er , avant que le premier orateur de notre groupe, Gilbert Gantier, n'intervienne. Hier, vous aviez également interrompu, d'une façon à notre sens irrégulière, l'orateur du groupe Démocratie libérale, Jean-Claude Lenoir, qui défendait une question préalable. Nous payons tout simplement le prix de la victoire remportée le 9 octobre par Jean-François Mattei dont la motion, également présentée au nom du groupe Démocratie libérale, avait alors été adoptée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Peut-être me trouverez-vous présomptueux de mettre ainsi mon groupe en avant...

Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe communiste.

En effet !

M. François Goulard.

De fait, la vérité m'oblige à reconnaître que notre victoire du 9 octobre était avant tout la défaite de votre groupe, incapable de défendre ses propres idées.

M. Christian Cuvilliez.

Quelle victoire !

Mme Catherine Picard.

Une victoire à la Pyrrhus !

M. Arnaud Lepercq.

Et ils ont décidé de vous bâillonner !

M. François Goulard.

L'article 1er dont nous proposons la suppression concentre toutes les données du problème que nous examinons aujourd'hui.

Madame la garde des sceaux, nous sommes un certain nombre à penser que vous auriez dû répondre hier soir aux interventions entendues pendant toute la journée, et notamment à la motion de renvoi en commission de Patrick Devedjian. Mais vous avez préféré laisser le rapporteur le faire à votre place en développant une argumentation qui, en toute objectivité, est apparue extraordinairement faible par rapport aux arguments assénés - avec quel talent et quelle force de conviction ! - par Patrick Devedjian. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Exclamations sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Ce matin, dans un bref propos liminaire, vous nous avez fait état de la position du Gouvernement. Mais, pardonnez-moi, votre intervention est restée cursive, superficielle et fort peu convaincante.

M. Alain Bocquet.

Ça suffit, monsieur le professeur !

M. François Goulard.

Vous répétez que le PACS ne doit pas être comparé au mariage. Mais que faisons-nous à longueur de débats, sinon justement de le comparer au mariage ? Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe communiste.

C'est vous qui le faites !

M. le président.

Un peu de silence, s'il vous plaît.

M. François Goulard.

Vous affirmez que le PACS n'est pas une institution ; or tous les juristes disent et diront que vous êtes bel et bien en train d'instaurer une institution. Vous assurez qu'il n'a rien à voir avec le droit de la famille ; or nous voyons à tout instant les questions qu'il soulève au regard de la famille. Assez de faux-semblants ! Acceptez d'engager réellement la discussion sur tous les problèmes essentiels que pose ce texe.

L'article 1er est à cet égard révélateur. Il limite à deux le nombre de cocontractants d'un PACS ; il interdit de conclure un PACS entre ascendants et descendants, de même qu'entre alliés et collatéraux. C'est un de ses points faibles qu'illustre d'ailleurs votre revirement sur la question des fratries. Car enfin, s'il s'agit d'accorder, au nom d'un principe de solidarité, des avantages fiscaux à ceux qui font acte de communauté de vie afin de bénéficier d'une solidarité mutuelle qui, sinon, pourrait être à la


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charge de la collectivité, comment justifier cette limitation alors même que trois ou quatre personnes peuvent fort bien choisir de nouer des relations solidaires ?

M. Arnaud Lepercq.

Tout à fait !

M. François Goulard.

Autre contradiction, autre illustration de ce masque derrière lequel vous avancez : cet aller-retour entre la préfecture et le tribunal de grande instance. Pourquoi pas une autre administration ?...

M. Arnaud Lepercq.

Pourquoi pas La Poste ?

M. François Goulard.

Pourquoi ne pas simplement faire comme pour le mariage, comme pour tous les actes de l'état civil ? Si vous estimez la création d'un pacte civil de solidarité nécessaire à la société, pourquoi refuser qu'i l soit conclu devant le seul organisme aujourd'hui habilité à constater les actes de l'état civil ? C'est bien la preuve de l'hypocrisie qui marque fondamentalement votre texte.

M. Arnaud Lepercq.

Très bien !

M. Félix Leyzour.

Vous êtes mauvais !

M. François Goulard.

Pardonnez-moi d'être long, monsieur le président, mais l'article 1er concentre l'essentiel du texte en regroupant huit articles de la proposition précédente.

La question du registre a été hier soir évoquée en termes parfaitement mesurés, mais combien touchants, par Patrick Devedjian. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Alain Bocquet.

Vous allez pacser avec Patrick Devedjian ?

M. François Goulard.

Ce registre est lourd de menaces pour les libertés individuelles, pour la protection des garanties fondamentales de l'individu. Que dire de ce dispositif qui pourrait permettre un jour à des gouvernants certes moins bien intentionnés que vous (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Alain Néri.

Merci !

M. François Goulard.

... de désigner les signataires à la vindicte publique ? Que dire des risques qu'il fait courir ? Que dire également de la rupture du pacte par un seul de ses contractants, sans consentement mutuel, que l'on peut à juste raison assimiler à une répudiation par simple lettre recommandée, répudiation qui fait fi des droits du plus faible des deux contractants ? En vérité, l'article 1er concentre sur lui seul toutes les critiques que nous pouvons porter sur cette proposition de loi, sur sa lettre même, sur la procédure adoptée. C'est la raison pour laquelle j'en demande la suppression.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Claude Goasguen, pour soutenir l'amendement no 549.

M. Claude Goasguen.

Que ce texte de loi donne lieu à contestation, c'est le moins qu'on puisse dire. Mais de tous les articles qui le composent, l'article 1er , qui en regroupe en fait les dispositions fondamentales, par un mécanisme dont on a d'ailleurs démontré la légèreté, est celui qui apparaît le plus particulièrement frappé d'imperfection. Frappé d'imperfection mais aussi, mon collègue Goulard l'a fait remarquer, marqué au coin d'une certaine hypocrisie. J'en donnerai quelques rapides exemples.

Le premier a trait à son intitulé même. Pourquoi la notion même de pacte, relativement peu usitée dans notre droit civil, intermédiaire au fond entre l'institution et le contrat ? Le droit civil utilise généralement le terme de contrat ; vous-mêmes n'avez du reste pas hésité à insister à plusieurs reprises sur ses aspects contractuels.

En réalité, vous avez employé le terme de pacte parce que vous n'osiez pas parler d'institution. Car l'institution, c'est le mariage. Et comme vous ne vouliez évidemment pas être accusés d'avoir institué un mariage bis, que vous ne pouviez pas davantage annoncer à vos commettants que vous vous contentiez d'un simple contrat - au demeurant, si vous aviez promis un simple contrat, l'affaire n'aurait servi à rien, car on peut parfaitement en passer un en l'état actuel du droit -, vous avez ressorti la notion de pacte, davantage utilisée en droit international qu'en droit interne. Ce faisant, vous avez inventé une supercherie juridique aux conséquences jurisprudentielles fort peu appréhendables. Du reste, notre aimable rapporteur, que j'avais interpellé sur cet aspect de la question, m'a rétorqué que le droit était fait pour évoluer et que, pour les éventuelles imperfections, on verrait plus tard...

Voilà, convenez-en, qui n'est guère sécurisant pour un texte de loi qui, par ailleurs, suscite quelques observations, voire quelques réticences.

La notion de pacte apparaît bien comme une solution intermédiaire et hypocrite entre celle de contrat, qui n'était pas assez, et celle de l'institution, que vous ne pouviez adopter.

Deuxième exemple d'imperfection : l'incertitude absolue sur ce que donneront pour l'avenir nombre de dispositions du PACS, cas de nullités, indivision, répudiation, que vous introduisez dans un texte à l'évidence insuffisamment affiné. On peut du reste s'en étonner ; je sais tout le travail réalisé depuis 1990 dans ce domaine. Nous sommes plusieurs à la commission des lois à rester frappés par la faiblesse technique de l'argumentation qui nous a été opposée, sans pour autant mésestimer le talent des rédacteurs. Patrick Devedjian l'a souligné hier : visiblement, les aspects touchant au droit civil n'ont pas été correctement maîtrisés. M. le rapporteur est un pénaliste : il est l'auteur de l'article-clé du code pénal, qui reconnaît le droit à la différence. Mais, je le répète, les conséquences civiles de ce texte n'ont pas été assez mûrement réfléchies.

Je ne trahis aucun secret, les documents de la commission des lois le relatent amplement, en rappelant les réponses données par les rapporteurs à vos questions d'ordre technique sur les nullités, par exemple, dont on se borne à poser le principe alors que celui-ci mérite à l'évidence d'être nuancé cas par cas. « Les gens n'ont qu'à passer contrat devant notaire », nous a-t-on dit. En d'autres termes, notre proposition d'un contrat devant notaire, rejetée alors qu'elle aurait pu être admise par tous, devenait soudainement valable dès lors que le caractère quasi institutionnel du pacte aurait été préalablement reconnu ! Il y a, reconnaissez-le, quelque supercherie à déclarer dans un premier temps, le notaire incompétent et, dans un deuxième temps, à renvoyer au notaire pour toutes les explications et les sécurités complémentaires moyennant finances, bien entendu ! Ce qui, entre parenthèses, revient à priver de la sécurité juridique toute une partie de la population qui n'ira pas devant notaire et se contentera des dispositions légales, beaucoup trop générales.


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M. François Goulard et M. Jean-Claude Lenoir.

C'est vrai !

M. Claude Goasguen.

Voilà quelques exemples de ce qui résultera de ce texte, insuffisamment pensé sur le plan de ses conséquences en droit civil. Une certaine catégorie de la population saura évidemment se prémunir de tout risque sur le plan patrimonial en recourant aux services du notaire ; mais nombre de gens qui, pour des raisons liées au manque d'information ou à la précipitation, ne le feront pas, se retrouveront victimes des dispositions insuffisamment définies de votre article 1er . C'est précisément en raison de cette imperfection, de la discrimination qu'il opère au détriment d'une population insuffisamment avertie, que nous en demandons la suppression.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Dominique Dord, pour dévendre l'amendement no 633.

M. Dominique Dord.

L'essentiel du texte sur le pacte civil de solidarité est contenu dans cet article pléthorique, comme plusieurs orateurs l'ont souligné.

Vous y établissez en effet non seulement le principe du nouveau contrat, mais également son contenu et ses contours. Notre groupe, je l'ai rappelé hier, est bien sûr favorable aux nécessaires évolutions des différentes réglementations incriminées, mais il refuse le principe du contrat. Vous ne serez donc pas étonnés que nous plaidions pour la suppression de l'article 1er

En admettant même que nous soyons comme vous d'accord pour instituer un contrat nouveau dans le droit civil, dans le but, peut-être, de stabiliser certains couples - j'ai entendu cette expression et je vois Mme Tasca opiner - nous pensons, et avec nous des professeurs de droit civil, qu'il n'y a pas place pour un nouveau contrat entre l'union libre et le mariage. A ce titre également, il convient de supprimer l'article 1er

En effet, dans l'hypothèse où nous souhaiterions instaurer un nouveau contrat, notre objectif commun devrait être d'offrir le meilleur outil juridique possible pour entériner l'union de deux personnes. Il revient donc de notre responsabilité d'imaginer le cadre le plus protecteur, le plus sophistiqué, le plus précis possible afin de ne pas conduire ceux qui d'aventure y souscriraient dans une impasse ou dans un piège. Nous devrions donc imaginer des dispositions précises pour organiser la conclusion du nouveau contrat, la vie de ce contrat et plus encore le moment de sa dissolution, en envisageant l'ensemble de ses conditions de responsabilité et de publicité. Hélas ! celui que l'on nous présente en ces quelques lignes ne répond en rien à ces objectifs. Au demeurant, si nous entreprenions de suivre cette démarche juridique sophistiquée, bon an mal an, petit à petit, nous aboutirions à un contrat qui ressemblerait à s'y méprendre au mariage civil.

Voilà pourquoi il ne nous paraît pas y avoir de place pour un nouveau dispositif qui se retrouverait au bout du compte similaire, sinon identique à celui du mariage civil.

Celui-ci, contrairement à ce que nous entendons, n'a rien d'un outil ringard et désuet : le mariage civil est en fait une construction juridique extrêmement sophistiquée, qui s'est adaptée au fur et à mesure des années et qui épouse, c'est le cas de le dire, les situations particulières les plus hétérogènes.

Montesquieu prévenait qu'il ne fallait toucher aux lois qu'avec des mains temblantes. J'ai entendu hier M. JeanPierre Michel revendiquer la technique de la pelle mécanique, en déboulant dans ce magasin de porcelaine avec ses gros sabots !

M. Félix Leyzour.

Cette fois-ci, les éléphants étaient de votre côté !

M. Dominique Dord.

N'est-il pas présomptueux de prétendre inventer en quelques heures, en quelques lignes, dans des conditions, convenons-en, peu marquées par la sérénité, un nouvel outil, un nouveau contrat que les notaires n'hésitent pas à qualifier de véritable nid à fraudes, de source de contentieux à ce jour encore inestimable ? Votre nouveau contrat affaiblira le mariage civil, puisqu'il offre à peu près les mêmes avantages avec beaucoup moins d'obligations. Il piégera les nombreux Français qui s'y engageront, croyant devoir faire confiance aux travaux de notre Assemblée et à la société en général.

C'est la raison pour laquelle, plutôt que pleurer des larmes de crocodile sur le prétendu affaiblissement d'un mariage civil déclaré inadapté aux réalités d'aujourd'hui...

M. le président.

Il faut conclure !

M. Dominique Dord.

... nous ferions mieux de concentrer notre énergie à revaloriser cette institution. A vouloir à toute force bricoler un dispositif intermédiaire entre l'union libre et le mariage civil, on affaiblira ce dernier et l'on entraînera nombre de nos concitoyens de France dans un véritable piège !

M. Pierre Lellouche.

Très bien !

M. Dominique Dord.

C'est la raison pour laquelle, au nom de M. Dutreil, empêché, j'ai l'honneur de défendre cet amendement et de vous demander de bien vouloir, en l'adoptant, supprimer l'article 1er

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Maurice Leroy, pour soutenir l'amendement no 674.

M. Maurice Leroy.

Il est heureux que l'opposition joue son rôle, tout son rôle, qui est notamment d'éclairer la représentation nationale.

M. Jean-Claude Lefort.

Et la lumière fut !

M. Maurice Leroy.

Les deux rapports mis en distribution sont, en effet, particulièrement pauvres. C'est même assez rare dans cette assemblée. Que l'on en juge : quatre pages uniquement pour le rapport de M. JeanPierre Michel, et pour celui de Bloche, qui a travaillé un peu plus, cinq pages ! Tout le reste n'est que le comparatif ! Par conséquent, heureusement que nous sommes là pour poser les questions ! Heureusement que les orateurs de l'opposition se sont succédé à la tribune, et non pas pour faire de la procédure ! L'exception d'irrecevabilité, la question préalable et le renvoi en commission, en effet, à moins que l'on modifie notre règlement, font partie du débat normal que nous devons avoir dans cette assemblée ! Or on peut dire que nous ne sommes pas très éclairés par les deux rapports.

Cela a sans doute une signification, tant la forme est toujours indissociable du fond. Si vous n'avez même pas pris la peine de faire semblant de déposer un nouveau rapport avec un véritable travail en commission, ce travail que nous vous demandons depuis le début de nos travaux, c'est bel et bien, et nous le voyons effectivement avec l'article 1er , parce qu'il ne fait que reprendre le texte qui a été rejeté ici le 9 octobre.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1998

M. Jean-Claude Lefort.

Vous êtes éblouissant. J'en suis aveugle.

M. Maurice Leroy.

Je constate que le PACS tel qu'il nous est présenté aujourd'hui n'a plus rien à voir avec les conclusions du rapport remis à Elisabeth Guigou et Martine Aubry par la sociologue Irène Théry, qui avait pourtant travaillé sur le statut du couple homosexuel.

M. Jean-Claude Lenoir.

Elle, au moins, avait travaillé.

M. Maurice Leroy.

Dans son rapport intitulé « Couple, filiation et parenté aujourd'hui », Mme Théry montre qu'il y a une vraie lacune concernant le couple homosexuel dont l'existence, en tant que couple de fait, c'est-àdire comme concubins, n'est pas reconnue par la jurisprudence de la Cour de cassation.

Oui, par conséquent, il fallait poser le problème au plan législatif, mais pas dans un débat à la sauvette qui ne traite pas au fond les problèmes vécus par les 5 millions d'individus qui vivent en dehors du mariage.

Oui, il faut tenir compte des problèmes des couples homosexuels ! Oui, il faut trouver des solutions pour les concubins hétérosexuels ! Or, avec le PACS tel qu'il nous est soumis, vous créez une catégorie juridique incertaine, floue, à côté du mariage républicain, mais, cela a été di t excellement notamment hier soir, sans aucune des protections juridiques prévues par le mariage pour le plus faible, et tout particulièrement pour l'enfant.

D'ailleurs, Mme Théry pose les véritables questions dans un entretien accordé au Figaro du 3 octobre dernier : « Est-ce un contrat, sorte de troisième voie entre l'union libre et le mariage ? Ou est-ce un constat, c'est-àdire une forme d'officialisation du concubinage ? L'art du compromis politique qui a conduit à cette nouvelle version du PACS empêche de répondre clairement à cette question. On ne pourrait parler que de contrat. » Le

PACS, poursuit-elle, engage à une solidarité mutuelle, matérielle - on a enlevé le soutien moral dans la deuxième version - et à la solidarité pour dettes. En réalité, dit-elle, cet engagement n'en est pas un. Ce n'est pas nous qui le disons !

M. le président.

Veuillez conclure.

M. Maurice Leroy.

Je conclus, monsieur le président.

En effet, un contrat est source de droits dès sa signature. Ici, les droits sont soumis à des délais allant d'un à trois ans. Surtout, il est reconnu la possibilité d'une rupture unilatérale. On n'est donc pas du tout dans la logique d'un contrat avec un engagement juridique mutuel. C'est une illusion de contrat.

Voilà pourquoi la suppression de cet article, comme je le propose avec mes collègues du groupe UDF, se justifie pleinement.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Kossowski, pour soutenir l'amendement no 734.

M. Jacques Kossowski.

Je ne vous apprendrai rien en vous disant que je suis favorable à la suppression de cet article.

M. Yann Galut.

C'est un scoop !

M. Jacques Kossowski.

En effet, il me semble paradoxal de vouloir faire reconnaître officiellement par l'Etat des couples ayant choisi précisément de vivre en union libre. Par définition, les personnes qui privilégient ce style de vie souhaitent n'avoir aucun compte à rendre à leur partenaire et aux pouvoirs publics.

M. Richard Cazenave.

Ils nationalisent la vie privée !

M. Jacques Kossowski.

En conséquence, je ne vois pas ce qui justifie les différents avantages offerts par le PACS.

Je vous rappelle qu'il existe un principe républicain simple selon lequel l'octroi de droits va de pair avec celui des devoirs. Où sont définis précisément les devoirs des partenaires ? Ils sont quasiment inexistants.

Mais votre stratégie est habile. Vous offrez des avantages financiers aux couples hétérosexuels vivant en union libre pour essayer de rendre populaire auprès d'eux votre proposition de loi, et votre objectif est atteint, car qui refuserait de payer moins d'impôt sans aucune contrepartie ? Personne, bien entendu. Vous achetez donc en quelque sorte le soutien d'une partie des Français. En échange, vous leur demandez de fermer les yeux sur l'objectif essentiel du PACS qui est la reconnaissance du c ouple homosexuel. Quel machiavélisme politique ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Par ailleurs, vous n'avez rien prévu pour les membres d'une même famille. Pourtant, s'il existe un lien qui justifie la solidarité et qui fait vivre des personnes en communauté, c'est bien la famille. Les fratries ne sont vraiment qu'un alibi que vous avez greffé à la dernière minute sur votre texte.

Dois-je en conclure que, pour les partisans du PACS, la solidarité familiale aurait moins de valeur que celle des hétérosexuels ou homosexuels vivant en union libre ? N'avez-vous pas pensé que certains parents veufs peuvent être âgés, voire dépendants, que nombre d'entre eux seraient heureux d'avoir l'un de leurs enfants à leur côté pour les aider dans la vie quotidienne ? Pourquoi cet enfant qui fait oeuvre de solidarité entre les générations n'aurait-il pas droit, lui aussi, à une reconnaissance et à des aides de l'Etat ? Malheureusement, votre article n'envisage la solidarité liée à la vie commune que sous l'unique dimension sexuelle.

Enfin, que faites-vous des célibataires dont certains souffrent de ne pas avoir la chance de vivre à deux ? Pourquoi, dans ces conditions, ne vous occupez-vous pas de leur situation personnelle, eux qui doivent payer seul un loyer ou des factures diverses et qui sont assujettis à une lourde fiscalité, d'autant que ce sont eux qui vont financer vos largesses fiscales liées au PACS ? Ces Français, certainement, ne vous intéressent pas.

Peut-être n'ont-ils pas suffisamment su faire pression, comme d'autres, sur la gauche plurielle ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

(M. Raymond Forni remplace M. Laurent Fabius au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice-président

M. le président.

La parole est à M. Jacques Floch.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

A quel titre ?

M. le président.

Mes chers collègues, jusqu'à preuve du contraire, je préside la séance et c'est à moi de décider qui doit intervenir, en fonction de nos règles bien entendu, pas seulement de mon bon vouloir.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1998

M. Franck Borotra.

Faites preuve d'un peu d'indépendance !

M. le président.

M. Floch souhaite s'exprimer sur les différents amendements...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française.

Ils n'ont pas tous été défendus !

M. le président.

En effet ! J'ose croire que vous me pardonnerez cette légère erreur. Je viens d'arriver.

M. Jacques Myard.

Oui, car nous, nous sommes magnanimes et tolérants !

M. Franck Borotra.

Le président est mal conseillé !

M. le président.

La parole est à M. Pierre Albertini, pour défendre l'amendement no 742.

M. Pierre Albertini.

Monsieur le président, vous êtes pardonné pour cette erreur d'optique, à condition que ce soit la seule et qu'elle soit due au fait que vous venez d'arriver à la présidence, dont nous comprenons les contraintes.

Je voudrais vous dire, au nom du groupe UDF, pour q uelles raisons nous souhaitons la suppression de l'article 1er

A l'évidence, nous sommes en train de manquer une occasion d'améliorer la situation d'un certain nombre de concubins ou de couples homosexuels. La rapidité avec laquelle vous avez engagé le débat, l'imperfection du texte que vous nous soumettez, vont en effet conduire inévitablement à ce qu'il soit mis en lambeaux par le Conseil constitutionnel. Tous ceux auxquels vous vous êtes adressés ces jours derniers et ces semaines dernières seront dans une très grande perplexité.

Pourquoi passer aussi vite, pourquoi passer au pas de charge...

M. Jacques Myard.

Au forceps !

M. Pierre Albertini.

... alors que notre réflexion pourrait être conduite parallèlement à celle de la commission sur le droit de la famille que vous avez installée, madame la ministre, droit qui mérite, en effet, d'être réformé ? Nous aurions au moins l'avantage d'une réflexion sereine et globale.

Je voudrais simplement souligner les problèmes que pose cet article sur le plan de la philosophie du droit.

Il pose d'abord un problème de partage entre ce qui relève de la sphère privée, c'est-à-dire de la spère de la liberté, et ce qui relève de la sphère publique, celle qui conduit le législateur à prévoir un cadre juridique pour des situations légitimes. Cet équilibre se modifie au fil du temps. Est-ce une raison pour le rompre rapidement, sans en avoir mesuré toutes les conséquences ? Il y a aussi un équilibre à trouver, que votre texte ne trouve pas, entre l'autonomie de la liberté, ce que l'on appelle notamment les droits subjectifs, et le principe de responsabilité, qui fonde une société. Vous le savez, l'homme a une double dimension : une dimension individuelle qui le pousse à défendre ses droits, mais aussi une dimension sociale. Il n'existe que parce qu'il est un élément d'une société fondée sur des règles, sur des institutions. Vous ne répondez pas à cet objectif d'équilibre tant votre texte repose sur de nombreuses imprécisions.

En réalité, c'est une mauvaise réponse, non équilibrée, instable juridiquement, à de légitimes préoccupations, tout cela pour une raison essentielle, c'est que vous proposez le même dispositif juridique à des couples dont la situation est différente.

On ne m'enlèvera pas de l'idée que la relation entre un homme et une femme n'est pas de même nature juridiquement, affectivement, au nom de l'avenir de la société, que la relation entre deux hommes ou deux femmes.

Or, en leur offrant le même dispositif, vous êtes tombés dans le piège que dénonçait dans un rapport de 1992 ou 1993 le Conseil d'Etat lui-même, c'est-à-dire une sorte de droit mou, de droit indécis, une sorte de droit à l'état gazeux, a-t-on dit (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...

M. François Vannson.

C'est vrai !

M. Arnaud Lepercq.

De toute façon, c'est une usine à gaz.

M. Pierre Albertini.

... parce qu'il n'offre pas l'essentiel de la vertu du droit qui est la précision et la stabilité. Or les relations entre les hommes et les femmes, comme les relations à l'intérieur d'une société, ont besoin de stabilité, de précision et de concision.

Il est donc tout à fait nécessaire de reprendre cette discussion. Je ne doute pas que, si vous en aviez la volonté, nous pourrions aboutir à une solution commune. Il n'est pas question de conserver le statu quo.

Cela supposerait que le débat s'engage sur le fond, de manière sereine, comme c'est le cas par éclipses.

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Albertini, s'il vous plaît ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Albertini.

Oui, monsieur le président, je vais conclure, sans oublier que vous avez failli me priver de parole ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Des raisons simples et sereines nous conduisent donc à dire, mesdames, messieurs de la majorité, que vous ne remplirez pas les objectifs que vous vous êtes fixés, ce qui suffit à justifier la suppression de l'article 1er

C'est la position du groupe UDF.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. François Vannson, pour soutenir l'amendement no 817.

M. François Vannson.

Il y a trois raisons majeures qui me poussent ce matin à défendre cet amendement.

Le premier argument, naturellement, c'est l'incohérence juridique, qui a été brillamment dénoncée par nombre de mes collègues hier et ce matin. Je crains fort que, dans quelques semaines, quelques mois, le Gouvernement ne soit déçu de la décision du Conseil constitutionnel.

M. François Goulard.

C'est clair !

M. François Vannson.

Deuxième argument, je suis surpris que le volet bioéthique ait été totalement passé sous silence. Nous votons une loi de la République importante et il est inconcevable qu'il n'y ait pas eu de débat sur un problème aussi grave. Je pense, comme M. Albertini, que la relation entre deux hommes ou deux femmes est une relation particulière qui aurait nécessité un débat de fond.

Par manque de courage, on n'a bien sûr pas abordé ce volet.

Troisième argument, je demeure convaincu qu'à travers ce dispositif, que je qualifie de mariage hybride, on va renforcer les plus forts et affaiblir les plus faibles.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1998

M. Albert Facon.

Dans ce domaine, vous êtes des spécialistes !

M. François Vannson.

Ce texte n'offre aucune couverture juridique, aucune protection à ceux qui, du jour au lendemain, après la rupture d'un PACS, se retrouveront dans la rue, les enfants n'ayant aucune protection matérielle.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

N'importe quoi !

M. François Vannson.

Nous sommes des députés de terrain, nous rencontrons quotidiennement dans nos permanences des personnes qui sont plongées dans de grandes difficultés sociales après un divorce ou une séparation. Cela va à l'encontre de vos idées et de vos convictions profondes.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Plusieurs députés du groupe socialiste.

C'est nul.

M. Bruno Le Roux.

Zéro !

M. Yann Galut.

C'est n'importe quoi !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Affligeant !

M. François Vannson.

C'est pour toutes ces raisons, et sans aucun esprit polémique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) que je demande la suppression de l'article 1er

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Lemoine, pour soutenir l'amendement no 820.

M. Jean-Claude Lemoine.

Je suis convaincu que créer un nouvel état juridique en plus du mariage est inutile, bien sûr, mais surtout dangereux pour notre société. Si des aménagements étaient envisageables dans les domaines de la fiscalité ou des droits successoraux par exemple, on pouvait les mettre en place par d'autres voies permettant de régler les situations difficiles et les problèmes particuliers rencontrés par certains.

Voilà pourquoi, en plus de toutes les raisons qui ont déjà été évoquées, je demande la suppression de l'article 1er (Applaudissements de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

M. le président.

Merci pour votre brièveté, monsieur Lemoine.

La parole est à M. Eric Doligé, pour soutenir l'amendement no 823.

M. Eric Doligé.

Je pense que vous serez surpris, mais je souhaite, au nom de mes collègues, demander la suppression de l'article 1er (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) , pour une bonne raison, c'est que nous ne savons toujours pas ce qu'il cache. (Exclamations sur divers bancs.)

M. Albert Facon.

C'est un cache-sexe !

M. Eric Doligé.

Nous avons essayé ce matin d'entamer une discussion pour en savoir plus, mais vingt-six de mes collègues ont été privés de parole. Cela nous aurait certainement éclairés et aurait peut-être permis à l'opposition de rejoindre un peu la majorité, voire à la majorité de rejoindre l'opposition. Aujourd'hui, vous nous demandez un chèque en blanc.

Des questions très pertinentes ont été posées hier, et je suis très fier et très heureux que Patrick Devedjian se soit associé à moi pour présenter cet amendement. J'aurais aimé avoir des réponses.

Hier nous avons posé une question importante : le pacsé reste-il ou non célibataire ? Nous attendons une réponse claire de M. le rapporteur...

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Il vous a répondu.

M. Eric Doligé.

... qui aurait dû soit infirmer, soit confirmer les explications données par Mme la garde des sceaux.

M. le rapporteur nous a simplement dit, hier soir, qu'il aimerait bien être un éléphant dans un magasin de porcelaine ! A chacun ses fantasmes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), je vais dire quel est le mien !

M. Bruno Le Roux.

Non.

M. Didier Boulaud.

Les vôtres, c'est l'horreur.

Mme Raymonde Le Texier.

Pas le dimanche matin !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Pas de Freud avant midi.

M. le président.

Monsieur Doligé, vous me faites très peur, soyez bref. (Sourires.)

M. Eric Doligé.

Effectivement, il peut vous faire peur.

Ce serait d'être président de l'Assemblée nationale, de donner la parole à l'opposition et de ne pas l'interrompre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et indépendants Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Vous ne nous avez pas répondu non plus sur l'adoption. Comme certains d'entre nous, je pense aux enfants.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

(M. Laurent Fabius remplace M. Raymond Forni au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. Eric Doligé.

Vous dites que ce texte concerne les adultes et qu'il n'est pas question d'y parler des enfants.

Personnellement, j'en ai cinq, dont une petite fille (« Bravo ! » sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Arnaud Lepercq.

Bel exemple !

Mme Yvette Benayoun-Nakache et M. Yann Galut.

Nous aussi, nous avons des enfants !

M. Eric Doligé.

... et je me demande ce qu'il adviendrait s'il arrivait par malheur quelque chose à ses parents et si elle devait être adoptée. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Il me paraîtrait insupportable qu'elle puisse l'être par deux hommes ou par deux femmes. (Exclamations sur les mêmes bancs.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1998

M. le président.

Un peu de silence.

M. Eric Doligé.

Et si par malheur je venais à divorcer, et que je me « pacse » avec un homme (Rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe communiste), que penserait mon épouse si la garde de ma fille m'était confiée ? (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Une telle perspective est un cauchemar, je ne peux pas l'envisager, alors ne comptez pas sur moi pour vous suivre sur cette voie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Didier Boulaud.

Pacser avec Doligé, quelle horreur !

M. le président.

Mes chers collègues, un peu de calme.

Quel est l'avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République sur tous les amendements de suppression ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Je vais essayer de répondre le plus brièvement possible aux orateurs qui se sont exprimés, mais auparavant je tiens à faire quelques mises au point.

Depuis hier soir, Mme la ministre est mise en cause, quelquefois de façon très discourtoise et en tout cas toujours déplacée.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Paul Charié.

Voyez plutôt comment elle se comporte avec nous.

M. Arnaud Lepercq.

Elle lit !

M. René André.

Elle est assez grande pour se défendre !

M. le président.

S'il vous plaît, ne vous interpellez pas.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Je ne vois pas pourquoi quand le rapporteur parle, vous vous croyez obligés de hurler !

M. Pierre Lellouche.

Vous êtes rapporteur ou employé du ministre ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Je dis ce que j'ai envie de dire, monsieur Lellouche.

(« Nous aussi » sur plu-s ieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) En l'occurrence, le Gouvernement ne défend pas un projet de loi, il soutient une proposition de loi. C'est donc à la commission des lois qu'il appartient d'abord de donner son avis et d'apporter des réponses aux questions posées.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Arnaud Lepercq.

Pour une proposition de loi, on ne demande pas l'avis du Conseil d'Etat !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Bien entendu, comme je l'ai indiqué hier soir en réponse à M. Devedjian, les rapporteurs sont prêts à un dialogue. Encore faut-il que ce dialogue puisse avoir lieu : les quinze orateurs qui sont intervenus ne s'en sont pas tenus à des arguments juridiques ! L'opposition est notamment revenue à de nombreuses reprises sur ce qu'elle appelle des « incidents de procédure ». Cela n'a rien à voir avec les questions juridiques qui peuvent se poser à propos de l'article 1er . (Exclamations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Enfin, je voudrais ajouter, m'adressant notamment à M. Albertini et à M. Goasguen, que ce texte est une construction juridique nouvelle et qu'il faut pour l'appréhender s'évader du culte du précédent...

M. Jean-Paul Charié.

S'évader avec qui ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... ou du raisonnement par analogie, cher aux professeurs de droit, notamment aux civilistes.

D'ailleurs nous ne sommes pas ici dans une République des experts, mais dans une République où je revendique la primauté du politique.

Mme la garde des sceaux.

Exactement !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

J'estime qu'entre le concubinage notoire et le mariage il y a place pour un nouveau statut quelle que soit l'opinion de tel ou tel professeur de droit civil dont les articles pseudo-juridiques ne sont pas toujours politiquement neutres. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Paul Charié.

Voilà un argument juridique !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Ce texte propose un statut juridique nouveau que je qualifie de convention solennelle et qui repose sur un élément contractuel : l'accord de volonté, mais aussi sur une certaine solennité, qui n'est pas liée à l'institution, mais que confère le lieu où ce contrat se conclut.

Pourquoi proposons-nous d'insérer ces articles dans le livre Ier du code civil ? Parce qu'il est normal que les dispositions qui règlent le statut de couple figurent dans le titre relatif au statut des personnes, sans pour autant, bien entendu porter ombrage - mais pourquoi serait-ce le cas ? - aux autres dispositions du livre Ier qui concerne notamment le mariage.

J'ajoute, pour répondre aux arguments qui ont été avancés par certains orateurs, que les dispositions du livre Ier concernant tant les incapables mineurs, - notamment l'émancipation - que les incapables majeurs, s'appliquent, et que seuls les mineurs émancipés pourront conclure un PACS.

Pour les majeurs, les règles de la tutelle, de la curatelle, de la protection des incapables majeurs, contenues dans le livre Ier du code civil s'appliqueront.

Enfin, les dispositions relatives au contrat s'appliqueront à l'ensemble du code civil. C'est si vrai que le livre consacré aux contrats reprend certaines des dispositions c ontenues dans le livre Ier , notamment celles qui concernent les incapables mineurs ou les incapables majeurs.

Je rappelle, en ce qui concerne la rupture, qu'elle peut être unilatérale. Ce qui est d'ailleurs le cas dans la plupart des contrats.

M. Jacques Myard.

C'est bien ce qu'on reproche à votre texte !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Au surplus, monsieur Albertini, dans les contrats encadrés - c'est un peu le cas ici - la rupture n'a pas à être justifiée du tout.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1998

Lorsqu'un locataire quitte son logement, il n'a pas à donner la raison pour laquelle il le quitte. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Charles de Courson.

Quelle comparaison !

Mme Christine Boutin.

Incroyable !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Enfin, c'est un contrat !

M. le président.

Un peu de silence, s'il vous plaît !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Lorsqu'un salarié quitte son entreprise, il n'a pas non plus à donner de justifications !

M. Claude Goasguen.

Ce n'est pas un partenariat !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Il existe donc toute une série de contrats que l'un des deux contractants peut rompre sans avoir à donner aucune raison.

M. Jacques Myard.

Il en existe de moins en moins !

M. Claude Goasguen.

Et alors ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Bref, puisque les règles du contrat s'appliquent à l'ensemble du code civil, les règles relatives à la nullité ou aux ruptures abusives s'appliqueront également, protégeant ainsi ceux qui s'estimeraient abusivement « dépacsés ».

M. Richard Cazenave.

Qu'est-ce qui sera jugé abusif ?

Mme Christine Boutin.

C'est indigne !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Cette protection, si elle est différente de celle qu'offre le mariage, est bien supérieure à la protection qui peut exister dans les cas de concubinage notoire ou d'union libre. Les concubins notoires vivant ensemble depuis des années et qui ont des enfants ne bénéficient d'aucune protection en cas de rupture.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Absolument !

Mme Christine Boutin.

C'est vraiment scandaleux !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Cessons de raisonner par analogie avec le mariage. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Pensons aux situations de concubinage notoire qui n'offrent aucune protection.

M. Jacques Myard.

Et la jurisprudence de la Cour de cassation ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Enfin, M. Albertini, M. Goasguen, M. Devedjian ont demandé quel était le juge compétent ?

M. Edouard Landrain.

Ce n'est pas vous !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Le juge compétent, c'est le juge de droit commun, c'est-à-dire le juge du tribunal de grande instance, sauf lorsque la loi en dispose autrement.

Oublions ces dispositions, que pour ma part j'ai toujours trouvées absolument inopportunes, prévoyant des juges spécialisés. Le tribunal de grande instance est le juge compétent.

M. Edouard Landrain.

Le juge du PACS !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Si le tribunal compte plusieurs chambres, c'est au président du tribunal qu'il appartiendra de renvoyer l'affaire devant telle ou telle chambre spécialisée.

Telles sont les réponses que je souhaitais vous apporter.

B ien entendu, votre commission des lois a rejeté l'ensemble des amendements de suppression de l'article 1er

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, ces quinze amendements remettent en question le principe même du texte, sur la base des mêmes arguments que ceux que nous entendons depuis une vingtaine d'heures. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jacques Baumel.

Vous lisiez !

Mme la garde des sceaux.

J'ai expliqué, mardi, dans mon discours introductif, je l'ai redit ce matin, pourquoi le Gouvernement était favorable au pacte de solidarité qui permet à deux personnes qui vivent ensemble, sans être mariées, d'organiser leur vie commune.

Je me contenterai donc de rappeler que le droit ne peut ignorer les quelque cinq millions de nos concitoyens qui ne veulent pas ou ne peuvent pas se marier et qui vivent sous le même toit.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Il serait par ailleurs hypocrite de se contenter de dispositions éparses dans certains secteurs comme la fiscalité, le logement ou les prestations sociales. Cette absence de visibilité ne ferait que désavantager ceux de nos concitoyens, les moins bien informés, et ceux qui n'ont pas les moyens de s'offrir les services d'un avocat.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Il est normal de reconnaître davantage de droits à ceux des concubins qui décident de s'engager sans un projet de vie en commun.

Telles sont les raisons pour lesquelles je ne peux qu'être défavorable à ces amendements de suppression de l'article 1er , dont je rappelle qu'il définit ce qu'est le pacte de solidarité, qui y a accès, comment on le conclut, quels sont les devoirs qu'il implique.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Mes chers collègues, comme le prévoit notre règlement, je vais d'abord donner la parole à un orateur contre les amendements, M. Floch. Ensuite, comme la présidence en a la faculté, je donnerai la parole à M. Birsinger pour répondre à la commission et à

M. Lellouche pour répondre au Gouvernement.

La parole est à M. Jacques Floch.

M. Jacques Floch.

Nos collègues de l'opposition ont déposé quinze amendements qui tendent en fait à interrompre le débat.

M. Jean-Louis Debré.

C'est leur droit !

M. Jacques Floch.

Je reconnais votre droit. Je n'ai rien dit contre cela.

M. Jean-Louis Debré.

Je ne l'indique qu'à titre de précaution.

M. Jacques Floch.

Si vous les acceptez, mes chers collègues, le débat sera terminé. Nous rentrerons chez nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1998

M. le président.

Je dois dire, monsieur Floch, que c'est un argument qui... (Rires.)

M. Jacques Floch.

Un argument qui pourrait tenter certains ! C'est la raison pour laquelle je demande à mes collègues de la majorité de repousser ces amendements.

Certains semblent ignorer le contenu de l'article 1er . Pour le connaître, il leur suffit simplement de le lire. Je précise à M. Vannson, qui ne l'a pas bien lu, qu'il ne faut pas proposer, par des faux arguments, d'interdire le divorce et de rendre obligatoire le mariage.

M. Thierry Mariani.

Il n'a jamais dit cela ! C'est une caricature !

M. Jacques Floch.

Enfin, mes chers collègues de l'opposition, vous vous plaignez de la manière dont est conduit ce débat et dont la majorité vous traite. (« Oui ! »s ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) J'ai l'honneur de sièger sur ces bancs depuis quelques décennies. (Rires sur les mêmes bancs.)

M. le président.

Je vous en prie.

M. Jacques Floch.

J'ai connu la position de majoritaire et celle de minoritaire. Je me rappelle de quelle manière nous avons été traités de 1993 à 1995 ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Louis Debré.

Et en 1981, comment cela s'est-il passé ?

M. le président.

S'il vous plaît !

M. Patrick Ollier.

C'est un provocateur, monsieur le président.

M. Jacques Floch.

Je n'ai pas oublié le temps de parole que vous nous donniez.

En conclusion, mes chers collègues, je vous demande de repousser ces quinze amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Birsinger, pour répondre à la commission.

M. Bernard Birsinger.

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, le groupe communiste est bien sûr opposé à ces amendements de suppression.

Je ne suis pas professeur de droit, je suis électrotechnicien.

M. Pierre Lellouche.

Vous êtes député avant tout !

M. Bernard Birsinger.

Mais ce dont je suis sûr, c'est que le PACS peut permettre à des millions de personnes d'obtenir des droits nouveaux, qui amélioreront concrètement leur vie quotidienne. Les gens nous le disent dans nos permanences.

Avec tout le respect que je dois aux notaires, je préfère que notre assemblée vote des droits nouveaux et mette fin au flou de la jurisprudence.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

Je dirai un mot du faux débat que certains voudraient instaurer sur les menaces que le PACS ferait courir à la famille.

Des avancées de civilisation qui répondent aux besoins des individus, à leurs libertés sont des progrès pour leur prise de conscience et leur responsabilité. Les droits des enfants, la liberté de la femme et de l'homme viennent enrichir la notion de famille républicaine.

Evidemment, son contenu se modifie de génération en génération, mais qui le critiquerait, à moins de se figer sur une image obsolète de la famille et surtout de vouloir l'imposer à des couples qui n'en veulent pas ? La famille est essentielle, et si elle est mise en cause aujourd'hui, c'est par la crise de la société, le chômage, la précarité du travail.

C'est la raison pour laquelle les députés communistes défendent avec force le droit aux allocations familiales dès le premier enfant.

M. Arnaud Lepercq.

Et alors ?

M. Patrick Ollier.

Hors sujet !

M. Bernard Birsinger.

La valeur qu'apporte la République, c'est précisément de n'exclure personne, de refuser toutes les inégalités et d'accepter toutes les différences, notamment celles concernant la dimension religieuse que les parents donnent ou non à leur vie familiale. La famille républicaine acceptant ces différences n'en dévalorise aucune, elle n'en survalorise aucune, respectueuse qu'elle est de la liberté individuelle et de la vie privée. C'est en cela que le droit civil de la France a une valeur universelle, il est exclusif de toute métaphysique et ne risque pas d'enfermer les individus dans des communautés ou des ghettos. (« Ah ! ».)

C'est donc bien en tout attachement à ce qu'on appelle la famille républicaine que les députés communistes souhaitent faire avancer le droit au rythme de notre temps et donner aux unions de fait, aux couples non mariés, à ceux qui ne peuvent pas ou qui ne veulent pas se marier un certain nombre de droits nouveaux qui ne briment personne et qui ne sont dirigés contre personne.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche, pour répondre au Gouvernement.

Un député du groupe socialiste.

L'employé de Chirac !

M. Pierre Lellouche.

Ma tâche est un peu compliquée, monsieur le président.

M. Félix Leyzour.

C'est vrai !

M. Pierre Lellouche.

Vous avez rappelé la faculté que vous avez, en vertu de l'article 56, alinéa 3, de notre règlement, de donner la parole à un orateur pour répondre au Gouvernement et à un autre orateur pour répondre à la commission. Or je constate que c'est un orateur de la majorité qui a répondu à la commission...

Mme Muguette Jacquaint.

Et alors ?

M. Pierre Lellouche.

... et que, en toute logique, il l'a soutenue. Par conséquent, comme aucun député de l'opposition n'a pu répondre à la commission - pourtant, nous avions demandé à le faire -, je vais m'efforcer de répondre à la fois, s'y vous m'y autorisez, au Gouvernement et à la commission. A moins que vous n'ayez l'extrême générosité de laisser à un autre membre de l'opposition le soin de répondre à cette dernière.

M. le président.

Monsieur Lellouche, je ne fais qu'appliquer le règlement mais, compte tenu de l'importance du débat, je donnerai ensuite la parole à M. Goasguen et à M. Lequiller.

M. Jean-Louis Debré.

Quel libéral !

M. Pierre Lellouche.

Je vous en remercie, monsieur le président.

Je rappellerai d'abord à M. Floch, qui est bien plus ancien que moi dans cette maison, que même si Mmes et MM. les députés de la majorité nous faisaient l'honneur


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1998

de voter nos quinze amendements de suppression, nous ne rentrerions pas chez nous pour autant, puisque l'article 1er repoussé, il resterait à examiner tous les autres articles de la proposition de loi. Je le précise, car je ne voudrais pas que la majorité rejoue à son insu la même partition que le 9 octobre. (Rires sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ma deuxième remarque s'adresse à M. Michel et a trait à l'observation qu'il nous a faite sur la procédure : le fait que ce soit un texte d'origine parlementaire qui soit en discussion n'autorise pas pour autant le ministre concerné à lire ostensiblement un roman pendant la durée des discussions (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Arnaud Lepercq.

Ce n'est pas convenable !

M. Jacques Baumel.

Elle est mal élevée !

M. Pierre Lellouche.

Quand le Gouvernement ne répond pas à un des orateurs principaux de l'opposition, comme cela a été le cas hier - et pourtant M. Devedjian avait présenté un exposé juridique remarquable -, il fait preuve, là aussi, d'un mépris total pour l'opposition.

A ce sujet, j'ouvrirai une parenthèse pour rappeler un précédent récent qui est très intéressant. Lors de la discussion de la proposition de loi, qui était également d'origine socialiste, sur la reconnaissance du génocide arménien, discussion à laquelle j'ai participé avec Patrick Devedjian, le ministre des affaires étrangères n'était même pas venu. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Calmat.

Vous êtes gonflé ! Vous avez refusé ce texte pendant des années !

M. Pierre Lellouche.

Il avait envoyé le ministre du logement, qui s'est contenté de prendre acte des déclarations des députés de la majorité et de l'opposition. Mais il a tout de même fallu que je fasse un rappel au règlement pour faire remarquer au Gouvernement que nous étions en train de voter une loi et que celle-ci s'appliquerait aussi au Gouvernement.

M. Maurice Leroy.

C'est vrai !

M. Pierre Lellouche.

Donc, ne jouons pas sur les mots, cette affaire est extrêmement importante.

Je voudrais faire une observation simple pour répondre au Gouvernement et à la commission : depuis le début de cette discussion, j'ai le sentiment très net qu'aux arguments de droit, que nous avançons en ce qui concerne l'état civil, le droit des personnes, la transmission de patrimoine, les conditions de rupture, il est répondu par des déclarations idéologiques enflammées sur la déperdition du mariage ou sur l'évolution des moeurs. Vous nous entraînez dans une espéce d'aventure sociale que vous n'avez nullement codifiée ! Le problème n'est pas tant de refuser d'accorder des droits - nous ne sommes pas homophobes, je l'ai dit hier soir et je le répète - que de les encadrer, que de savoir où nous allons, de savoir quel sera le statut des personnes et des enfants à naître au regard de l'état civil, mais aussi celui des biens. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Monsieur Lellouche, je vous demande de conclure.

M. Pierre Lellouche.

Permettez-moi d'être un peu long, monsieur le président (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), car nous examinons le point essentiel de ce texte. L'article 1er pose en effet la question anthropologique de base de toute cette affaire : faut-il, au nom de l'égalité des droits des personnes, accorder les mêmes droits à tous les couples ?

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Oui !

Mme Nicole Bricq.

C'est le fond du texte !

M. Pierre Lellouche.

C'est là la différence entre nous, la réponse du rapporteur pour avis en témoigne.

La Constitution considère une forme de couple : la famille.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

A quel article ?

M. Pierre Lellouche.

A cet égard, j'avais d'ailleurs proposé un amendement, mais il a été réservé à la demande du Gouvernement.

Le point capital, c'est la famille.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Qu'est-ce que la famille ?

M. Pierre Lellouche.

Le couple qui forme une famille mérite d'être aidé en raison des fonctions qu'il remplit dans la société : transmission de la mémoire, éducation des enfants, renouvellement des générations. Les autres couples ont peut-être des droits, mais pas du même ordre, et c'est sur ce point que votre texte est terriblement ambigu.

M. Dominique Dord.

Terriblement !

M. Pierre Lellouche.

Ce que vous appelez, monsieur le rapporteur, une convention solennelle n'est rien d'autre qu'un fatras, pardonnez-moi de vous le dire ! J'ai fait un peu de droit, moi aussi.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Il y a si longtemps !

M. Pierre Lellouche.

Dans les alinéas de ce texte, il est fait tantôt allusion à un contrat, tantôt à une institution.

Dans le texte proposé pour l'article 515-2 du code civil, il est fait mention de la nullité, ce qui renvoie au mariage.

Dans le même texte, il est précisé qu'il ne peut y avoir de pacte civil entre ascendants et descendants - c'est le 1o - ni entre deux personnes dont l'une au moins est engagée dans les lois du mariage ; ce sont des clauses identiques à celles qui s'appliquent pour le mariage.

Le texte proposé pour l'article 515-2 du code civil dispose également que le pacte civil de solidarité fait l'objet, à peine de nullité, d'une déclaration écrite conjointe des partenaires. Donc, en plus d'un contrat, le PACS est un acte que l'on doit déclarer.

Puis il est fait mention d'un « registre », et là on

« retombe » sur le mariage.

Pour ne pas allonger la discussion, je ne citerai pas tous les alinéas de l'article 1er , mais tantôt ils renvoient à un contrat, tantôt au mariage.

M. le président.

Voulez-vous conclure ?

M. Pierre Lellouche.

Je conclus, monsieur le président.

Nous ne sommes pas une assemblée de technocrates, mais nous devons aussi penser à la stabilité de l'état civil, des biens et des personnes.

Mme Christine Boutin.

Eh oui !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1998

M. Pierre Lellouche.

Tous les notaires, tous les avocats que nous avons consultés - car nous aussi, nous avons travaillé - nous ont dit que le système proposé est ingérable.

Vous allez créer une insécurité juridique maximum.

(« Voilà ! » et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) C'est pour toutes ces raisons, mes chers collègues, que nous vous demandons, sans esprit polémique, sans intention de dresser une partie des Français contre les autres - contrairement à ce que vous faites avec ce texte - de voter les amendements de la suppression de l'article 1er

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Sur les amendements nos 55, 203, 272, 419, 441, 448, 537, 549, 633, 674, 734, 742, 817, 820 et 823, je suis saisi, par le groupe Démocratie libérale et Indépendants, d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen.

Je voudrais présenter quelques remarques sur les déclarations du rapporteur. Deux de ses observations me paraissent en effet de nature à compliquer les choses plutôt qu'à les simplifier.

Quand nous vous avons interrogé sur la nature juridique du PACS, dispositif intermédiaire entre le contrat et l'institution du mariage, vous nous avez répondu, monsieur le rapporteur, qu'il s'agissait d'une convention solennelle.

Accessoirement, Mme le garde des sceaux a ajouté que le PACS était une invention destinée à répondre à une situation nouvelle, mais que l'institution créée était mal maîtrisée.

J'ai été très choqué par un un des arguments que vous nous avez opposé, monsieur Michel, et selon lequel ce qui fait la nature solennelle du pacte, c'est le lieu où il est conclu. Par conséquent, ce qui distingue le PACS de l'institution matrimoniale ou du contrat, c'est le fait qu'il soit officialisé dans une préfecture, ou dans un tribunal si l'amendement de la commission des lois est adopté.

Permettez-moi de m'inquiéter de la solidité du fondement sur lequel repose votre argumentation juridique ! C'est bien la première fois qu'en matière de droit des personnes, j'entends dire que le lieu de déclaration est constitutif du fondement juridique. Les déclarations de créations d'associations se font bien dans une préfecture, mais il s'agit de personnes morales ; tout comme les entreprises dont les déclarations de créations se font au tribunal de commerce. Où allez-vous chercher que le lieu où est déclaré le lien unissant deux personnes physiques est constitutif d'un fondement juridique ?

M. le président.

Vous pouvez conclure, monsieur Goasguen ?

M. Claude Goasguen.

En vérité, monsieur Michel, vous êtes en porte-à-faux. Vous ne voulez pas parler de mariage. Mais il aurait été très simple de retenir la mairie comme lieu de déclaration.

En fait, vous avez décalqué à moitié le mécanisme qui est attaché à cette institution traditionnelle qu'est le mariage. Il s'agit tout simplement d'une demi-mesure.

Permettez-moi de vous signaler que les tribunaux vont être confrontés à des difficultés considérables d'interpré tation.

Enfin, pour répondre à une question qui concernait les relations entre les personnes, la seule comparaison qui vous soit venue à l'esprit, monsieur le rapporteur, faisait référence à un appartement ! (Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblemet pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme Christine Boutin.

C'est scandaleux !

M. Claude Goasguen.

Permettez-moi de m'en étonner, même si je mets cela sur le compte de la fatigue. En tout cas, d'autres s'en sont irrités. Bref, si le PACS se résume à un problème d'appartement, vous avez une singulière conception du droit des personnes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour une très brève intervention.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

A ce stade de notre discussion, je tiens à relever quelques points.

A plusieurs reprises, il a été fait état de la confidentialité qui a entouré l'élaboration de cette proposition de loi et de l'insuffisance des études juridiques sur lesquelles elle repose.

M. Rudy Salles.

C'est vrai !

M. Pierre Lellouche.

Le rapport ne fait que quatre pages !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois.

Je tiens, aux côtés des rapporteurs et de l'ensemble des commissaires qui ont travaillé sur ce texte, à m'inscrire en faux contre une telle assertion.

Le nombre des auditions...

M. Thierry Mariani.

Confidentielles ! Seul le rapporteur a procédé à des auditions.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois.

Non, elles n'ont jamais été confidentielles !

M. Thierry Mariani.

Elles ont été privées !

M. Arnaud Lepercq.

Où sont les comptes rendus ?

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois.

Le nombre des auditions auxquelles la commission a procédé, montre que ce texte a été élaboré après que d es experts ont été consultés. Je tenais à le rappeler.

En second lieu - et je pense que cette remarque peut au moins être entendue par une partie des parlementaires de l'opposition -, l'examen de l'article 1er montre qu'il y a matière à discuter entre nous sur le fond du texte.

M. Jacques Myard.

Il n'y a pas de fond !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois.

Ce qui ressort des interventions de ce matin de l'opposition, si l'on exclut quelques déclarations, heureusement assez rares, témoignant d'une incompréhension et d'une homophobie caractérisées (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1998

M. Pierre Lellouche.

Cessez de donner des leçons !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois.

... c'est qu'il y a bien matière à discuter entre nous.

D'ailleurs, nombre d'entre vous reconnaissent que la situation ne peut pas être laissée en l'état et qu'il y a lieu de légiférer.

M. Dominique Dord.

Cela fait des mois que nous le disons !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois.

Le débat a fait un grand pas en avant.

Cala dit, l'échange que nous avons eu à propos des amendements de suppression...

M. Rudy Salles.

Pourquoi criez-vous ?

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois.

Je parle fort, cher monsieur, parce que vous hurlez ! Ce qui me paraît s'être clarifié ce matin - et c'est fondamental dans le débat parlementaire que nous avons -, c'est le fait qu'une majorité de membres de l'opposition nie la nécessité de reconnaître, entre le célibat et le mariage, un cadre juridique à la vie commune à deux.

M. Dominique Dord.

C'est exact !

M. Arnaud Lepercq.

Ce n'est pas un bon cadre !

M. François Vannson.

Nous ne voulons pas d'un statut élaboré n'importe comment !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois.

La majorité, elle, veut résoudre ce problème. Il y a aujourd'hui des choix de vie à deux qui doivent pouvoir s'inscrire dans notre Etat de droit.

Ce texte n'est pas la révolution de notre droit civil, c'est une réforme de fond. C'est pour cela qu'il faut l'aborder avec un peu moins de passion, mais avec un peu plus de raison et aussi un peu plus d'imagination.

(« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lequiller.

M. Pierre Lequiller.

Madame Tasca, si toutes les consultations auxquelles il aurait dû être procédé avaient eu lieu,...

M. François Vannson.

Eh oui !

M. Pierre Lequiller.

... nous ne serions peut-être pas en présence...

M. Arnaud Lepercq.

D'une usine à gaz !

M. Pierre Lequiller.

... d'un texte aussi fragile sur le plan juridique, et qui sera d'ailleurs sanctionné par le Conseil constitutionnel.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Braine.

Lequiller à la sacristie !

M. Pierre Lequiller.

Je crois que le législateur s'égare aujourd'hui en légiférant dans un domaine relevant strictement de la sphère de la vie privée. Votre texte n'est rien d'autre que le déguisement législatif d'une revendication particulière émanant d'une communauté particulière de la société française. Or la valeur supérieure de la loi tient à ce qu'elle incarne la volonté générale et garantit le bien commun. C'est sur elle que repose l'ensemble de notre édifice républicain. Parce que la loi doit être exemplaire, montrer la norme, et être soucieuse du bien du plus grand nombre, elle n'a pas à tenir compte de tous les états de fait, sauf quand ils portent atteinte à l'ordre public.

Philosophiquement, votre texte est contestable, et juridiquement, il est inutile, voire dangereux.

Inutile, car si le législateur n'avait jamais posé clairement un statut du concubinage, ce qui aurait ipso facto officialisé le concubinage au même titre que le mariage, il avait tout de même pris soin d'en déterminer quelques règles. Pourquoi, dès lors, ne pas avoir tout simplement réfléchi à ce que nous pourrions faire pour améliorer le quotidien des concubins, quel que soit leur sexe, car, de toute façon, la loi interdit les discriminations sexuelles, notamment en matière de succession et droit au bail ? Votre texte est également dangereux. Il est dangereux par ses silences en cas de rupture du PACS, notamment s'agissant des droits de l'enfant. Si le divorce est si encadré, c'est que l'enfant est justement au coeur du mariage républicain et que ses droits doivent être protégés.

Il est également dangereux car vous institutionnalisez à nouveau la répudiation, là où le divorce est la conquête de la République laïque. Vous croyez être modernes, vous êtes, en fait, rétrogrades. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)

M. le président.

Pouvez-vous conclure, monsieur Lequiller ?

M. Pierre Lequiller.

Là où vous croyez faire avancer la France, c'est la République et la loi qui reculent ! En court-circuitant le droit commun, en affichant une fausse pudeur linguistique, vous ne légiférez pas, mais vous créez de nouvelles zones de non-droit ! Si votre texte est complètement bancal, c'est qu'il souffre d'un mal originel, celui d'être la réponse à une revendication communautariste, soucieuse d'une reconnaissance sociale que, seul, le mariage républicain à la mairie peut apporter. Or, vous le savez, ni sur ce point ni sur celui de la filiation, la société française n'est prête à accepter cette révolution

C'est pourquoi nous voterons les amendements de suppression de l'article 1er . (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 55, 203, 272, 419, 441, 488, 537, 549, 633, 674, 734, 742, 817, 820 et 823.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même, et, le cas échéant, pour son déléguant.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

449 Nombre de suffrages exprimés .................

449 Majorité absolue .......................................

225 Pour l'adoption .........................

194 Contre .......................................

255 L'Assemblée nationale n'a pas adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Pierre Brard.

Les députés de l'opposition peuvent rentrer à la maison !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1998

M. le président.

M. Albertini a présenté un amendement, no 169, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 1er :

« Il est délivré à deux personnes physiques majeures qui en font la demande conjointe un certificat de vie commune attestant qu'elles partagent des mêmes conditions matérielles ou un projet de vie commune.

« Ce certificat est délivré par les services fiscaux et enregistré à la mairie du lieu de résidence dans les conditions définies par un décret en Conseil d'Etat.

« A peine de nullité, ce certificat ne peut être délivré à deux personnes dont l'une au moins est engagée dans les liens du mariage. »

Sur cet amendement, M. Cazenave a présenté un sousamendement, no 1026, ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa de l'amendement no 169 par les mots : "ou dans un autre certificat de vie commune". »

La parole est à M. Pierre Albertini, pour soutenir l'amendement no 169.

M. Pierre Albertini.

Cet amendement reprend une disposition d'une proposition de loi que j'ai déposée au début du mois d'octobre avec quelques-uns de mes collègues du groupe UDF.

Il est évident que le statu quo n'est plus possible.

M. Alain Barrau.

Très bien !

M. Pierre Albertini.

Il est absolument évident que certaines situations doivent être corrigées et méritent de recevoir une réponse juridique plus ferme, plus précise, pour éviter les drames qui ont été rapportés dans cette enceinte ou ailleurs.

M. Alain Barrau.

Absolument ! Mais la tentative que vous avez entreprise de nous faire passer pour des conservateurs à tout prix...

M. Jean-Pierre Brard.

Ce n'est pas difficile !

M. Pierre Albertini.

... ou pour des ringards est en train d'échouer.

En réalité, la modernité à laquelle vous vous référez, dans une incantation extraordinaire, se partage probablement sur tous les bancs de cette assemblée. Elle n'est pas, en tout cas, l'exclusivité d'une partie de l'hémicycle. Il faut que l'opinion le sache.

Vous vous êtes engagés dans une voie stérile, pleine d'incertitudes et qui provoquera des désillusions. Une autre voie était possible qui aurait évité de mettre en place un statut chimérique que l'on ne parvient pas à situer, car à cheval entre l'union libre et le mariage.

M. Jean-Pierre Michel a expliqué qu'il s'agissait d'une catégorie juridique nouvelle, mais elle est pour le moins hybride, puisqu'elle emprunte des traits à chacune des situations que nous avions réussi à stabiliser, progressivement, par l'apport de lois successives et grâce à une jurisprudence qui s'est adaptée au fil de l'évolution des moeurs et des nécessités. La situation vous échappe, vous entrez de plain-pied dans un « vide juridique sidéral ».

Cela se retournera contre vous.

A un moment où le lien social se délite - tout le monde le reconnaît -, les enfants méritent mieux que des familles éclatées, des couples à géométrie variable ou des rencontres éphémères. Tout ce qui peut concourir à accroître le risque de déstabilisation de la société devrait être systématiquement évacué. Ce n'est pas le cas du texte que vous nous proposez.

La proposition de loi que j'ai déposée s'est perdue pendant une quinzaine de jours dans les arcanes de la recevabilité financière alors que d'autres ont franchi l'obstacle en l'espace de quelques heures. Vous avez expliqué pourquoi, monsieur le président, je vous en donne volontiers acte, mais je n'ai pas été entièrement convaincu.

J e voudrais que la notion de certificat de vie commune, qui avait constitué le point de départ de nos réflexions, soit au moins abordée dans le débat de manière sereine et approfondie. Pourquoi rechercher une voie statutaire très difficile à définir ? Un régime déclaratif, reposant sur un constat de vie commune, est une voie plus pacifique, plus tolérante, qui ne ferait courir aucun risque de discrimination, contrairement à votre texte, aux couples homosexuels.

Le législateur devrait se montrer neutre sur le plan fiscal.

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Albertini.

M. Pierre Albertini.

Je termine, monsieur le président.

Ce qui intéresse le législateur, c'est la réalité économique que représentent certains couples. A cet état de fait doivent s'attacher des conséquences, notamment fiscales.

L e vrai problème est moins celui de l'imposition commune que celui des successions. C'est là que le bât blesse le plus.

La solution que nous proposons est beaucoup plus avantageuse pour les couples, personne ne pourra le contester, que la vôtre, qui implique un statut fiscal à michemin entre celui de l'union libre et celui du mariage.

Le passage en force que vous tentez va froisser terriblement le tissu social et laissera incontestablement des traces dans notre société dont on ne mesure pas aujourd'hui les conséquences.

Voilà pourquoi nous soutenons une autre voie.

M. Hervé de Charette.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Parmi les mille amendements qui ont été déposés, neuf cents sont des amendements d'obstruction et cent méritent d'être discutés. L'amendement no 734 fait partie de ceux-là, même s'il a été rejeté par la commission des lois.

M. Albertini et certains de ses collègues ont déposé une proposition de loi qui a l'intérêt de montrer qu'il faut faire quelque chose pour les couples homosexuels.

M. Edouard Landrain.

Bien sûr !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Mais elle ne répond pas à toutes les questions posées.

D'abord, vous n'ouvrez que deux sortes de droits : la déclaration fiscale commune, donc la neutralité fiscale, et un régime successoral qui n'est pas plus favorable que celui que nous proposons. Vous gardez en effet le taux des droits de mutation à 60 % tandis que nous prév oyons, par amendement, un abattement de 300 000 francs et un taux moindre.

M ais, surtout, vous n'ajoutez aucun autre droit, sociaux notamment, comme la possibilité de rapprochement pour les fonctionnaires ou de régularisation pour les étrangers et l'ouverture du droit à la naturalisation.

Sur le reste, il y aurait beaucoup à dire. Le certificat de vie commune que vous proposez repose sur un constat.

Vous ouvrez ainsi la porte à des difficultés juridiques importantes, car qui dit constat, dit qu'il faudra prendre en compte l'antériorité de la vie commune au moment


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1998

où on la fera constater. Nous voulons, au contraire, pour simplifier les choses au moment de conclure un PACS, ne pas tenir compte de ce qui a pu se passer avant. La date est certaine et les droits commencent à courir, pour certains d'entre eux, passé un délai.

M. Richard Cazenave.

Quel intérêt ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Votre proposition de loi a le mérite d'exister, de poser le problème mais elle apporte une solution incomplète sur le plan des droits ouverts. C'est la raison pour laquelle la commission des lois a repoussé cet amendement ainsi que les suivants qui reprennent d'autres dispositions de votre proposition de loi.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Le Gouvernement n'est pas non plus favorable à cet amendement qui rejette le principe même du pacte civil de solidarité pour préférer la solution de la délivrance d'un certificat de vie commune.

Il s'agit d'une autre logique. Je ne pense pas que l'on doive traiter pareillement ceux qui s'engagent dans un projet de vie commune et ceux qui ne prennent pas cet engagement. Il me paraît naturel de faire bénéficier les premiers de droits autres. C'est la philosophie du PACS et c'est celle que je soutiens.

M. le président.

La parole est à M. Richard Cazenave, pour soutenir le sous-amendement no 1026.

M. Richard Cazenave.

Ce sous-amendement vise à aider le Gouvernement et la majorité à sortir de l'impasse juridique dans laquelle ils se sont engagés avec le PACS.

Celle-ci, présente dès l'exposé des motifs, transparaît dans tous vos propos, dans la cabotage permanent auquel nous assistons entre le pseudo-mariage, pour renforcer la symbolique, et le pseudo-contrat, pour minimiser les engagements.

Une majorité de concubins, une majorité d'homosexuels ne veulent pas d'un engagement. Ils veulent garder la liberté que leur offre l'union libre. La proposition que nous faisons leur permet de conserver cette liberté, tout en réglant certains problèmes pratiques.

Elle permet également de sortir de l'impasse que révèlent les contradictions flagrantes apparues encore tout à l'heure dans le discours du rapporteur.

Monsieur Michel, vous nous avez dit : « C'est un statut du couple et rien d'autre. » Vous nous avez dit aussi qu'il

fallait s'évader du raisonnement par analogie. Pourquoi la question des enfants devrait-elle dès lors être traitée comme dans les autres cas ? A partir du moment où les conflits de cette catégorie juridique que vous souhaitez mettre en place ne doivent pas être réglés par analogie avec les autres catégories juridiques, il y a un vide juridique.

Vous dites ensuite que ce contrat s'apparente à un contrat de location. Dans ces conditions, comment peut-il y avoir de rupture abusive ? Comment peut-il y avoir réparation si c'est un simple contrat pour lequel la faculté de résiliation est unilatérale et n'a pas à être mot ivée ? En quoi le juge aurait-il à se saisir d'un conflit quelconque ? Puisque vous nous dites que l'on ne doit pas raisonner par analogie, aucun élément ne peut lui permettre d'intervenir.

Nous sommes bien dans une impasse.

Avec ces dispositions mélangeant différentes catégories de couples, c'est un cheval de Troie que vous introduisez.

Mme la garde des sceaux a dit, en ouvrant le débat, qu'il fallait régler les problèmes de discrimination mais que la non-discrimination n'était pas l'indifférenciation. En mettant dans la même catégorie juridique des couples hétérosexuels et des couples homosexuels, vous allez au-delà de la non-discrimination, vous allez vers l'indifférenciation. Vous posez ipso facto le problème de l'adoption par les homosexuels, que vous le vouliez ou non. Et, en affirmant le contraire, vous faites vraiment preuve d'hypocrisie.

M. Thierry Mariani.

Tout à fait !

M. Richard Cazenave.

La jurisprudence, à partir du moment où elle ne pourra pas traiter différemment les couples hétérosexuels et les couples homosexuels, devra reconnaître à ces derniers le droit à l'adoption.

Tel est le contour de ce que vous ébauchez, mes chers collègues. Je vous appelle à la raison et à la réflexion sur votre devoir de législateur : saisissez l'occasion qui vous est offerte de sortir de cette impasse juridique et de cette imposture ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

La commission n'a pas examiné ce sous-amendement mais, à titre personnel, j'y suis hostile. Je souhaite donc que l'Assemblée vote contre.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Ayant rejeté le principe de l'amendement, je ne peux naturellement pas accepter un sous-amendement qui ne fait qu'en modifier une modalité.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Albertini, pour répondre à la commission.

M. Pierre Albertini.

Monsieur le rapporteur, je répondrai à votre argument qui consiste à reconnaître l'existence de deux logiques différentes. La proposition que nous avons cosignée s'inscrit, il est vrai, dans une perspective différente de celle que vous avez choisie.

Je soulignerai simplement les avantages de la voie que nous proposons. A mon avis, elle respecte la liberté et le sens des responsabilités de ceux qui choisissent tel ou tel mode de vie, respectable par principe, sans le flou qui entoure votre pseudo-contrat.

En effet, bien que vous ayez répété à plusieurs reprises que le PACS n'était ni assimilable au mariage ni à un sous-mariage, vous vous référez sans cesse, pour déterminer les bénéficiaires du PACS et les conditions de la rupture, au mariage qui est la véritable institution.

Respecter la liberté de choix de chacun sans créer d'illusion d'optique est une nécessité mais il convient de l'assortir de conséquences juridiques et notamment fiscales. Cela présente l'avantage de la clarté, en même temps cela appelle au sens des responsabilités qui doit guider la conduite de tous les hommes.

Que deviendra la société si la permissivité s'étend audelà de certaines limites ? Toute société repose sur des règles et des cadres juridiques bien définis. Il est de notre honneur d'essayer de les proposer en toute sérénité et ensuite de les faire évoluer.

En ce sens, la proposition que je défends marque une étape importante dans le débat car elle est pacifique. En effet, elle ne crée pas de risques de conflit, elle ne dévalorise pas le mariage et elle ne déstabilise pas les relations sociales. Elle est une alternative claire à la solution que vous tentez de nous imposer.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1998

Le débat doit être serein car les valeurs que vous défendez et celles que nous défendons sont par essence respectables. Aucune valeur n'est jamais totalement partagée dans une société et nous n'avons pas l'illusion de croire, j'espère que la gauche non plus, que certaines peuvent s'imposer à l'ensemble de la société. L'essentiel est que la confrontation des idées et des valeurs se fasse d'une manière pacifique.

M. François Loncle.

Une soutane pour Albertini !

M. Pierre Albertini.

La majorité n'en donne pas l'illustration la plus claire !

M. le président.

S'il vous plaît, concluez, monsieur Albertini.

M. Pierre Albertini.

Cette confrontation pacifique des valeurs permettrait à la fois l'avancée sociale, qui est souhaitable, et la stabilité juridique, qui est indispensable à la compréhension par la société de son propre fonctionnement. Voilà pourquoi nous sommes attachés à la fois à l'amendement no 169 et au sous-amendement no 1096.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

M. le président.

La parole est à M. Dominique Dord, pour répondre au Gouvernement.

M. Dominique Dord.

L'amendement no 169 et le sousamendement no 1096 reflètent, Mme la ministre l'a souligné, une philosophie différente de l'organisation nouvelle qui nous est proposée. Ils répondent à la position que nous ne cessons de défendre depuis des mois, qui consiste à passer d'une logique de consécration à une logique de constat, d'une logique de contrat à une logique d'attestation. Ils méritent d'être soutenus pour quatre raisons.

Premièrement - Pierre Albertini s'est exprimé longuement sur ce point, je ne m'étendrai donc pas - il nous semble que cette attestation présente moins de risques juridiques car c'est une construction plus modeste. Il me paraît en effet extrêmement présomptueux de vouloir refaire une institution ou un contrat d'union civile ou d'union sociale entre deux personnes en quelques jours et en quelques lignes.

Deuxième raison, vous avez souligné, monsieur le rapporteur que l'attestation prévue dans la proposition déposée par M. Albertini n'ouvrait pas les mêmes droits. Mais qu'à cela ne tienne ! Si ce n'est que cela, nous pouvons la sous-amender et ouvrir les mêmes droits que le PACS à ceux qui la signeront, qu'il s'agisse du logement, à la sécurité sociale, du droit du travail, du régime fiscal des successions, des pensions de réversion. Cette attestation répondrait exactement de la même manière à l'évolution des moeurs à laquelle vous faites sans arrêt allusion. Elle consacrerait la même avancée sociale que le PACS.

Troisième raison, qui à mon avis, devrait emporter votre adhésion : vous nous dites sans cesse que le PACS est censé répondre à une situation qui concerne cinq millions d'individus en France. Mais personne ne vous croit et vous-même ne le croyez pas. Vous savez déjà que le PACS ne sera vraisemblablement utilisé que par quelques centaines de personnes chaque année. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, citoyen et Vert.)

En effet, certains homosexuels ne cherchent pas une relation stable impliquant des effets de droit. Quant aux concubins hétérosexuels, les jeunes en particulier c ommencent pour la plupart d'entre eux leur vie commune en union libre, et à ce moment-là ils ne sont pas demandeurs de droits. Ils vivent cette période d'union libre comme une période de fiançailles civiles qui se terminera soit par la rupture, soit par le mariage, soit par une union libre durable, mais pour un faible pourcentage. Ils ne concluront donc pas de PACS, alors qu'ils pourraient être intéressés par une attestations de vie commune qui entraînerait beaucoup moins d'effets, qui les engagerait beaucoup moins.

Quatrième raison enfin, mais je ne sais pas si elle vous intéresse : plutôt que diviser tout le pays, comme le fait le PACS, l'attestation de vie commune serait une étape plus modeste qui permettrait un large rassemblement sur un débat de société. Cela me semble valoir la peine. Vous rassembleriez ainsi non seulement beaucoup de députés, mais au-delà, une grande majorité de Française et de Français. (Appaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Mes chers collègues, nous avons été éclairés par les arguments des uns et des autres.

Je mets aux voix le sous-amendement no 1026.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets au voix l'amendement no 169.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 56, 688 et 743.

L'amendement no 56 est présenté par Mme Boutin, M. Dord, M. Myard ; l'amendement no 688 est présenté par M. de Courson ; l'amendement no 743 est présenté par M. Plagnol et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« I. Supprimer les trois premiers alinéas de l'article 1er

« II. En conséquence, dans cet article, supprimer les références : art. 515-1, art. 515-2, art. 515-3, art. 515-4, art. 515-5, art. 515-6, art. 515-7, art. 515-8. »

La parole est à Mme Christine Boutin, pour soutenir l'amendement no

56.

Mme Christine Boutin.

Cet amendement a été déposé par M. Dominique Dord, M. Jacques Myard et moimême au nom du groupe « Oser la famille ».

Si le Gouvernement et la majorité des députés ne veulent vraiment pas d'un sous-mariage, comme pourrait l'attester le refus d'une célébration devant le maire, nous vous proposons de pousser cette logique jusqu'au bout et de faire du PACS une disposition extérieure au code civil, qui recouvre les institutions de base de la société : famille et propriété. Ce serait naturellement un symbole, exactement comme le choix du lieu d'enregistrement du PACS.

Mais les symboles sont importants dans une société. En outre, contrairement au code civil, le PACS n'assure aucune protection aux faibles - libre rupture, absence de pension alimentaire. Il faut donc éviter que des citoyens qui auraient pu se marier ne concluent le PACS en se croyant protégés par le code civil, car ils n'auront en réalité ni protection, ni sécurité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson, pour défendre l'amendement no 688.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1998

M. Charles de Courson.

Je tiens à dire avant toute chose combien j'ai trouvé choquante la réponse que nous a faite M. le rapporteur tout à l'heure s'agissant de la nature juridique du PACS. Il a fait appel à un concept qui n'existe pas : la convention solennelle. Non ! Disons que c'est purement et simplement un contrat, cher collègue ! Votre comparaison entre un contrat de location de logement et le PACS a d'ailleurs révélé la vraie nature de celui-ci. Cette comparaison est très insultante pour les personnes. Si vivre en couple est pour vous assimilable à louer un logement, faut-il comprendre que vous iriez jusqu'à dire que conclure un PACS c'est louer un partenaire ?

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois.

Ce n'est pas ça, vous le savez !

M. Charles de Courson.

Est-ce là votre thèse ? Ce serait extrêmement grave ! Nous sommes nombreux sur les bancs de l'opposition à avoir été très choqués par votre comparaison. J'ai d'ailleurs lu sur les visages de membres de la majorité le même effarement que le nôtre.

On nous dit ensuite que le PACS sera un cadre juridique intermédiaire entre le concubinage, qui est une situation de fait, et le mariage. Mais il est un débat qui divise la majorité et l'opposition : à supposer que ce cadre juridique soit créé, ne va-t-il pas déstabiliser le mariage ? Vous répondez non et certains d'entre vous vont même jusqu'à prétendre que cela va le revigorer par un effet de concurrence. J'ai entendu cela sur les bancs de la majorité. Or, les fait ont déjà tranché. En effet, lorsqu'il a é té décidé, à mon initiative, de supprimer l'inégalité, sur le plan fiscal, entre couples concubins et couples mariés, qui encourageait le concubinage au détriment du mariage, que s'est-il passé ? On a assisté à une hausse de 10 % du nombre de mariages la première année et de 2 % encore l'année suivante, ce qui montre bien que nos concitoyens, à raison d'ailleurs, réfléchissent sur les avantages et les inconvénients des différentes situations, sur les droits et les devoirs qu'elles impliquent. La vraie question, qui n'a toujours pas été débattue dans cet hémicycle, consiste à se demander s'il fallait réformer le mariage ou créer un PACS. La réponse est simple : il faut réformer le mariage, et il faudra bien y venir ! Vous voyez donc bien qu'avec ce PACS a minima, dont les avantages ne varient pas selon son contenu, vous allez complètement déstabiliser le mariage. En effet, pourquoi voulez-vous que les gens se marient s'ils peuvent avoir pratiquement les mêmes avantages que les couples mariés sans en supporter la contrepartie en termes de devoirs ? C'est le problème de fond.

Par ailleurs, tous les droits fiscaux ou sociaux doivent être financés. D'où la question : qui paiera ? Les droits sociaux, comme les droits fiscaux ne tombent pas du ciel, mes chers collègues ! Ils sont financés par le reste de la société.

M. Jacques Myard.

Eh oui !

M. Charles de Courson.

Voilà pourquoi nous proposons, par l'amendement no 688, de supprimer toute référence au code civil.

Mes chers collègues, vous tous qui soutenez le PACS devez tirer toutes les conséquences de l'analyse de votre rapporteur quant à sa nature juridique. Il a dit une chose extrêmement grave ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre-André Wiltzer, pour soutenir l'amendement no 743.

M. Pierre-André Wiltzer.

Cet amendement vise à ne pas inclure dans le code civil les dispositions relatives au PACS. En effet, une analyse précise de ces dispositions révèle qu'elles n'en ressortissent pas toutes, loin de là. De plus, elles sont d'une grande diversité et même si certaines d'entre elles relèvent effectivement du code civil, il serait préférable de faire en sorte qu'elles n'y soient pas intégrées pour éviter tout mélange. En effet, à supposer que l'on en défende la logique, ce qui n'est pas notre cas, le PACS doit faire d'objet d'un texte autonome.

J'ajoute que lorsqu'on examine nombre des dispositions relatives à ce pacte, ce que nous avons fait, on est frappé de voir à quel point sont démentis les propos tenus tout au long du débat, en particulier par le rapporteur, qui a toujours indiqué qu'il ne fallait pas en permanence se référer au mariage. Quoi qu'il en soit, pour des raisons de clarté juridique, il nous paraît nécessaire de décrocher de telles dispositions du code civil. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

La commission a repoussé ces amendements, mais je me réjouis qu'ils aient été déposés. C'est en effet une très bonne nouvelle, car ils montrent que leurs auteurs sont favorables au PACS, p uisqu'ils maintiennent l'intégralité des dispositions contenues dans la proposition de loi mais visent à les extraire du code civil. Je remercie donc particulièrement Mme Boutin, M. de Courson et M. Wiltzer, qui sont favorables aux dispositions du PACS.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Bernard Roman.

Ils ne sont pas à une contradiction près !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Je remarque d'ailleurs que ces amendements sont de pure obstruction, car ils sont en complète contradiction avec un amendement qui, lui, avait une cohérence et une consistance, celui défendu tout à l'heure par M. Albertini...

M. Jacques Myard.

Vous ne méritez qu'une ironie cinglante !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... et qui proposait un autre système.

M. Jacques Myard.

Dérisoire !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

On ne peut en effet à la fois proposer un autre système et accepter tout de suite après le PACS en demandant simplement qu'il ne figure pas dans le code civil. La commission a donc repoussé ces trois amendements d'obstruction.

Par ailleurs, on m'a déjà crédité d'une certaine bonne foi et d'une certaine franchise. J'aimerais donc que l'on ne me réponde pas avec mauvaise foi, comme vient de le faire à l'instant, M. de Courson.

M. Jacques Myard.

Chochotte !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

On m'a dit tout à l'heure : « Mais comment ! Votre PACS est un contrat qui peut être rompu sans motif ! » J'ai répondu qu'il existait d'autres contrats que l'on pouvait rompre de la sorte, mais je n'ai pas porté de jugement sur le fond. J'ai illustré mon propos en évoquant le contrat de location et le


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1998

contrat de travail pour lesquels pas plus le salarié que le locataire n'ont à donner des motifs de rupture. Mais bien entendu, il ne me viendrait jamais à l'esprit, ni à celui d'aucun de ceux qui voteront ce texte, de mettre le PACS au même niveau qu'un simple contrat de location. Le PACS est un contrat sui generis, solennel, qui permettra la reconnaissance du couple, hétérosexuel ou homosexuel.

On ne peut donc le placer sur le même plan que les autres contrats. C'était une simple illustration. Je vous demande, mes chers collègues, de faire preuve vous aussi d'un peu de bonne foi dans vos interpellations. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Les auteurs de ces trois amendements ne veulent pas voir figurer le PACS dans le code civil. Je ne peux pas souscrire à cette démarche. En effet, où les citoyens iraient-ils chercher les dispositions sur le pacte civil de solidarité si ce n'est dans le code civil ? A partir du moment où le PACS est une nouvelle forme d'organisation de la vie entre les personnes, sa place est dans ce code.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Christine Boutin.

Donc, c'est un sous-mariage ! Merci, madame la garde des sceaux !

M. le président.

Comme le règlement m'en fait obligation, je donne la parole à M. Jean-Claude Lefort, contre les amendements.

M. Jean-Claude Lefort.

Depuis le début du débat, nous entendons nos collègues opposés au PACS expliquer, avec une certitude absolue, que le Conseil constitutionnel le rejettera.

M. Bernard Accoyer.

Il y a des chances, oui !

M. Jean-Claude Lefort.

Chers collègues de l'opposition, si vous êtes vraiment contre le PAC (« Le PACS ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Vous oubliez la solidarité !

M. Jean-Claude Lefort.

... plutôt que faire de l'obstruction ici, sachant que le texte passera, mieux faudrait faire en sorte qu'il soit vite adopté pour qu'il arrive le plus rapidement possible devant le Conseil constitutionnel.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. Jacques Myard.

Les pilules sont toujours amères !

M. Jean-Claude Lefort.

Donc, si vous êtes vraiment contre le PACS, compte tenu des rapports de force ici, il faut faire vite.

M. Jacques Myard.

Quelle pauvreté d'argumentation !

Mme Michèle Alliot-Marie.

C'est très soviétique de vouloir bâillonner l'opposition !

M. Jean-Claude Lefort.

Nos collègues savent que le Conseil constitutionnel ne retoquera pas cette proposition devenue loi.

Mme Christine Boutin.

Nous pensons pouvoir vous convaincre, monsieur Lefort !

M. Jean-Claude Lefort.

Ils connaissent les rapports de force dans l'hémicycle, et savent que cette proposition sera amendée ; qu'ils ne peuvent donc rien faire. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Robert Lamy.

Il y a toujours quelques chose à faire !

M. Jean-Claude Lefort.

En réalité, s'ils font de l'obstruction, c'est pour une raison simple : ils sont pour le PACS, mais ils ne peuvent pas le dire à leurs électeurs ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) De deux choses l'une : ou l'on est vraiment contre et il faut faire vite, ou l'on est pour mais on ne peut pas le dire, et alors il faut ralentir les débats.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je suggère de laisser le Conseil constitutionnel en dehors de tout cela. Il décidera comme il l'entendra ! La parole est à M. Dominique Dord.

M. Dominique Dord.

Chacun appréciera le morceau de bravoure de M. Lefort qui vient de psychanalyser l'opposition en lui attribuant ses propre fantasmes. C'est une v éritable imposture de stalinien, monsieur Lefort ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Protestations sur les bancs du groupe communiste.)

Quant à M. Jean-Pierre Michel, qui feint de croire - là aussi, c'est une imposture, naturellement - que nos collègues ayant présenté ces trois amendements seraient en fait favorables au PACS, il ne lui a évidemment pas échappé que la tactique parlementaire veut que l'on défende d'abord des amendements de suppression, que vous venez, hélas, de rejeter, et ensuite, pour limiter la casse, des amendements de repli. Or nous sommes évidemment dans ce dernier cas. Mais sans doute êtes-vous fatigué, monsieur le rapporteur ! Nous sommes pour notre part favorables à ces amendements qui s'inscrivent dans votre propre logique et répondent à votre propre intérêt. Vous passez votre temps à nous dire que le mariage n'est pas menacé, que nous sommes en plein fantasme. Mais alors, mes chers collègues, pour mettre très nettement les choses au point, séparons le mariage et ce nouveau contrat que vous voulez introduire dans notre droit. Et, si vous ne savez pas, madame la garde des sceaux, où ranger ce contrat nous pouvons vous faire des propositions.

En matière de sécurité sociale, il existe un code. En matière sociale, il existe le code du travail. En matière fiscale, il existe un autre code, que vous connaissez par coeur. Par conséquent, nous pourrions reprendre, telle une litanie, les différents aménagements que nous souhaitons apporter à la vie des partenaires homosexuels et des concubins hétérosexuels sans pour autant les faire figurer dans le code civil.

On peut tout expliquer, on peut tout dire. La mauvaise foi est souvent au rendez-vous sur tous ces bancs.

Mais là, vous faites fort !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1998

M. Jacques Myard.

C'est le cas de le dire ! Il fait Lefort ! (Sourires.)

M. Dominique Dord.

C'est la raison pour laquelle, naturellement nous voterons ces amendements.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Monsieur Lefort, ce débat est d'autant plus nécessaire que le PACS est une institution nouvelle et qu'il faut essayer de comprendre de quoi il s'agit.

Hier, on s'est demandé si un pacsé était ou n'était pas un célibataire. C'est une question majeure, parce qu'elle est génératrice ou non de droits.

Tout à l'heure, Jean-Pierre Michel et le Gouvernement ont dit que le PACS était un contrat. Le célibat et le mariage sont quant à eux des statuts. En passant un contrat, on n'adhère pas à un statut, on ne change donc pas de statut.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

C'est spécieux ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Patrick Devedjian.

Ce n'est pas spécieux, c'est logique. Ce que n'est pas votre proposition de loi. Dans un système de statut, on ne peut sortir d'un statut que pour relever d'un autre.

De deux choses l'une : ou le PACS est un statut et, dans ce cas-là, le pacsé change de statut et n'est plus célibataire. Ou bien le PACS est un contrat, comme vous l'avez dit tout à l'heure, et le pacsé garde son statut antérieur et reste célibataire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 56, 688 et 743.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je suis saisi de quatorze amendements, nos 57, 689, 825, 826, 841, 60, 58, 59, 276 rectifié, 489, 728, 727, 61 et 840, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 57, présenté par M. Myard, Mme Boutin et M. Dord, est ainsi libellé :

« I. Rédiger ainsi les trois premiers alinéas de l'article 1er :

« La première partie du code de la consommation est complétée par un livre V, comportant les articles 423 à 423-8, ainsi rédigé :

« Livre V.

« Du pacte civil de solidarité. »

« II. En conséquence, dans cet article, substituer :

« à la référence : "art. 515-1", la référence : "art. 423-1" ;

« à la référence : "art. 515-2", la référence : "art. 423-2" ;

« à la référence : "art. 515-3", la référence : "art. 423-3" ;

« à la référence : "art. 515-4", la référence : "art. 423-4" ;

« à la référence : "art. 515-5", la référence : "art. 423-5" ;

« à la référence : "art. 515-6", la référence : "art. 423-6" ;

« à la référence : "art. 515-7", la référence : "art. 423-7" ;

« à la référence : "art. 515-8", la référence : "art. 423-8". »

La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard.

Chacun sait qu'il n'y aurait pas de PACS si la finalité ultime n'était pas la reconnaissance des unions homosexuelles auxquelles on octroie des créances sans aucune contrepartie. Et la société en est toute entière débitrice, comme on l'a fait remarquer à de multiples reprises.

Je l'ai dit hier, c'est une vision stérile de la société, qui débouche sur une impasse ! On pourrait d'ailleurs lui appliquer le fameux mot de Paul Valéry : « Voici donc la civilisation de la jouissance, sans aucune contrepartie. »

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Il est évident que le PACS n'a pas à figurer au livre premier du code civil qui traite du statut des personnes. Lequel risque d'être galvaudé par ce qui n'est pas un projet mais un monstre juridique - cela a été démontré à l'envi - qui créera de multiples contentieux et qui finira par se retourner contre ceux qui adopteraient ce système pervers.

Je voudrais qu'on aille au bout de la logique, monsieur Michel, pour une fois. Vous n'en manquez pas, et je reconnais par la même occasion votre franchise.

Ce projet est bâtard. D'un côté il veut donner un statut aux unions libres hétérosexuelles, de l'autre, il veut reconnaître ce qui pourtant n'a pas à être reconnu par la société, à savoir les pratiques sexuelles de chacun.

Allons jusqu'au bout, qualifions et insérons le PACS dans le code de la consommation. A l'évidence, il ne crée que des droits sur la société, des droits que la société sera la seule à payer.

Tel est le sens de l'amendement no

57.

M. le président.

L'amendement no 689, présenté par M. de Courson, est ainsi libellé :

« I. Rédiger ainsi les trois premiers alinéas de l'article 1er :

« Le livre troisième du code civil est complété par un titre XXI comportant les articles 2284 à 2291 ainsi rédigé :

« Titre XXI. - Du contrat civil de solidarité ».

« II. En conséquence, dans cet article, substituer :

« à la référence : "art. 515-1" la référence : "art. 2284" ;

« à la référence : "art. 515-2" la référence : "art. 2285" ;

« à la référence : "art. 515-3" la référence : "art. 2286" ;

« à la référence : "art. 515-4" la référence : "art. 2287" ;

« à la référence : "art. 515-5" la référence : "art. 2288" ;

« à la référence : "art. 515-6" la référence : "art. 2289" ;

« à la référence : "art. 515-7" la référence : "art. 2290" ;

« à la référence : "art. 515-8" la référence : "art. 2291". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1998

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

L'opposition a proposé de supprimer l'article 1er . Vous vous y êtes refusés. Elle a proposé ensuite de sortir les dispositions relatives au PACS du code civil. Vous vous y êtes encore refusés. Elle vous propose aujourd'hui, par ses amendements, de maintenir l'article 1er dans le code civil, non pas sous un titre spécifique, mais dans le livre qui dispose des contrats.

Que la majorité assume les conséquences de ses actes !

M. le rapporteur ne peut pas dire que c'est un contrat, en l'assimilant d'ailleurs à des contrats assez banals, et refuser d'adopter la position de l'opposition qui propose de la faire figurer dans les contrats de droit commun.

L'enjeu de l'amendement no 689 est important. Vous risquez de rencontrer, en cas de rupture du PACS, de vrais problèmes. Que vous le vouliez où non, il s'agit bien de personnes, et on ne peut pas les traiter comme on traite les biens. Or vous refusez de mettre dans le texte l'ensemble des garanties permettant aux personnes d'être respectées dans le cadre de ce contrat.

M. le rapporteur a parlé de rupture. La création du PACS aboutira à introduire dans notre système juridique le droit de la répudiation, qui existe malheureusement dans d'autres pays et d'autres cultures. Eh bien, allez jusqu'au bout de votre démarche, chers collègues de la majorité, et déposez des amendements visant à protéger le plus faible, comme cela se passe en cas de rupture du contrat de mariage. Votre position deviendrait alors cohérente et vous pourriez placer le dispositif du PACS sous un titre spécifique.

Mme Christine Boutin.

Très bien !

M. le président.

L'amendement no 825, présenté par MM. Doligé, Jean-Pierre Dupont, Devedjian et Accoyer, est ainsi libellé.

« I. - Rédiger ainsi les trois premiers alinéas de l'article 1er :

« Le livre troisième du code civil est complété par un titre XXI comportant des articles 2284 à 2291 ainsi rédigé :

« Titre XXI. - Du pacte civil de solidarité. »

« II. - En conséquence, dans cet article, substituer :

« à la référence "art. 515-1", la référence "art. 2284" ;

« à la référence "art. 515-2", la référence "art. 2285" ;

« à la référence "art. 515-3", la référence "art. 2286" ;

« à la référence "art. 515-4", la référence "art. 2287" ;

« à la référence "art. 515-5", la référence "art. 2288" ;

« à la référence "art. 515-6", la référence "art. 2289" ;

« à la référence "art. 515-7", la référence "art. 2290" ;

« à la référence "art. 515-8", la référence "art. 2291". »

La parole est à M. Eric Doligé.

M. Eric Doligé.

Cet amendement est de la même veine que les précédents.

Si nous avons proposé d'inscrire les trois premiers alinéas de l'article 1er dans le livre troisième du code civil, ce n'est pas pour reconnaître la validité du PACS. C'est simplement pour poursuivre notre réflexion et pour tenter d'engager une discussion avec la majorité.

Je m'oppose absolument à l'analyse du rapporteur comme à celle de M. Lefort, dont l'intervention avait pour seul but de bâillonner l'opposition et de l'empêcher de s'exprimer.

Je répondrai par ailleurs à M. Michel que nous ne sommes pas tous des juristes. Il nous a été reproché tout à l'heure de n'avoir utilisé que des arguments juridiques.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Je n'ai pas dit cela !

M. Eric Doligé.

Mais je ne pense pas que M. Bloche ou M. Lefort l'ait fait ! On peut utiliser aussi des arguments de société, ou de bon sens. Et parmi nous, heureusement - et souffrez-le, monsieur le rapporteur - il n'y a pas que des fonctionnaires ou des juristes. Il y a des gens qui représentent la société française et l'ensemble des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vous nous avez dit à plusieurs reprises que le PACS n'était pas assimilable au mariage ni au sous-mariage. J'ai d'ailleurs remarqué que les communistes l'appelaient le PAC, c'est-à-dire qu'ils en avaient ôté l'élément de solidarité.

M. Jacques Myard.

Il n'y en a pas !

M. Eric Doligé.

Si le PACS n'est pas assimilable au mariage ni au sous-mariage, c'est donc bien qu'il s'agit d'un contrat. Il est alors logique de vous demander de le faire figurer dans le livre troisième du code civil.

Les juristes cherchent bien souvent à se faire plaisir, comme nous avons eu l'occasion de le remarquer. Or il me semble qu'à plusieurs reprises, vous avez été mis en difficulté par Patrick Devedjian et que vous n'avez pas toujours répondu aux questions très précises qui vous ont été posées...

M. Jacques Myard.

Eh oui !

M. Eric Doligé.

... et qui auraient pu nous permettre d'éclairer le débat.

Je vous demande donc, par cet amendement, mes chers collègues, de bien vouloir faire passer dans le livre troisième tous les articles dont on vous a demandé de changer les références. La majorité, qui est quasiment minoritaire maintenant, pourrait facilement l'accepter.

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Mes chers collègues, avant de donner la parole à Mme la présidente de la commission des lois, j'ai deux annonces à vous faire.

Premièrement, j'indique à ceux qui n'ont pas pris d'autres dispositions qu'ils peuvent déjeuner à la présidence. Ils y sont les bienvenus.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1998

Deuxièmement, hier, en fin de matinée, après que j'eus levé la séance, les tribunes de la presse ont été évacuées dans des conditions tout à fait discutables. (« C'est vrai ! », « Scandaleux ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je l'ai appris après coup et je demande à nos amis de la presse de bien vouloir accepter mes excuses.

M. Pierre Lellouche.

N'oubliez pas le cas de l'assistante parlementaire, monsieur le président !

M. François Vannson.

Qui a été expulsée manu militari !

M. le président.

Comme président, il est normal, même si je l'ai appris après coup, que j'assume.

La parole est à Mme la présidente de la commission des lois.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois.

Le monde existe en dehors de cet hémicycle. Ayant eu l'honneur d'être rapporteur de la loi constitutionnelle portant statut de la Nouvelle-Calédonie, je tiens à donner les résultats du référendum auquel elle a donné lieu et qui ont été proclamés ce matin : les trois quarts du corps électoral ont pris part au scrutin et le « oui » l'a emporté à 70 %. (Applaudissements.)

Je pense que c'est une nouvelle heureuse et que le vote quasi unanime du Parlement en faveur de cette révision constitutionnelle a très certainement conduit nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie à se retrouver sur le « oui ».

2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion des propositions de loi : de M. Jean-Pierre Michel ; de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues ; de M. Alain Bocquet et plusieurs de ses collègues ; de M. Guy Hascoët ; de M. Alain Tourret ; relatives au pacte civil de solidarité, nos 1118, 1119, 1120, 1121 et 1122).

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1138) ; M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 1143).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1998

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL de la 1re séance du 8 novembre 1998 SCRUTIN (no 136) sur les quinze amendements tendant à supprimer l'article premier de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité (créat ion d'un pacte civil de solidarité).

Nombre de votants .....................................

449 Nombre de suffrages exprimés ....................

449 Majorité absolue ..........................................

225 Pour l'adoption ...................

194 Contre ..................................

255 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (251) : Contre : 202 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-votants : MM. Laurent Fabius (président de l'Assemblée nationale) et Jean Glavany (membre du Gouvernement).

Groupe R.P.R. (137) : Pour : 91 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Contre : 1. - M. Michel Péricard.

Groupe U.D.F. (68) : Pour : 65 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (44) : Pour : 38 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe communiste (36) : Contre : 29 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Radical, Citoyen et Vert (33) : Contre : 23 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-inscrits (5).

Mise au point au sujet du présent scrutin (Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4, du règlement de l'Assemblée nationale) MM. Michel Péricard, qui était présent au moment du scrutin a fait savoir qu'il avait voulu voter « pour ».