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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1998

SOMMAIRE

PRE

SIDENCE DE M. YVES COCHET

1. Loi de finances pour 1999 (deuxième partie). Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 8605).

SOLIDARITE ET SANTE M. Pierre Forgues, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les affaires sociales.

M. Serge Janquin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'action sociale et la lutte contre l'exclusion.

M. Gilbert Mitterrand, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la santé.

M. Bernard Accoyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la santé.

M. Francis Delattre, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les rapatriés.

MM. Jean Bardet, Denis Jacquat, Mme Yvette Benayoun-Nakache,

MM. Jean-Luc Préel, Jean Vila, François Goulard, Mme Catherine Génisson.

M. le président.

Suspension et reprise de la séance (p. 8624)

M.

Jean-Pierre Foucher, Mmes Béatrice Marre, Dominique Gillot,

MM. Philippe Nauche, André Aschieri.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 8642).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1 LOI DE FINANCES POUR 1999 (DEUXIÈME PARTIE) Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078, 1111).

SOLIDARITÉ ET SANTÉ

M. le président.

Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité concernant la solidarité et la santé.

La parole est à M. Pierre Forgues, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les affaires sociales.

M. Pierre Forgues, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les affaires sociales.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat à la santé, mes chers collègues, au moment où nous abordons l'examen des crédits de la solidarité et de la santé, je vois deux importants motifs de satisfaction, mais cela ne m'empêchera pas d'exprimer ensuite quelques inquiétudes sur l'évolution des crédits de certains chapitres.

Premier motif de satisfaction : c'est un bon budget, qui progressera, à structures constantes, de 4,3 % en 1999, pour atteindre près de 71 milliards de francs. Comme l'an passé, il figure parmi les budgets qui ont un taux de croissance supérieur à la moyenne.

L'évolution du budget de la solidarité en 1999 tient à deux facteurs principaux.

Elle est due d'abord à l'importance et à la progression des trois allocations qui sont désormais financées par le budget de la solidarité, à savoir le revenu minimum d'insertion, l'allocation adulte handicapé et l'allocation parent isolé, et qui en représentent 80 %, soit plus de 55 milliards de francs. En effet, le RMI progresse de 4,2 %, l'AAH de 5 % et l'API figure pour la première fois dans notre budget, pour un montant de 4,2 milliards de francs.

Elle s'explique ensuite par la mise en oeuvre de la loi d'orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions. Après l'effort de 1 milliard de francs consenti en faveur des fonds d'urgence sociale, cette année, après le versement d'une provision de 225 millions de francs au titre de 1998, plus de 400 millions de francs de mesures nouvelles sont, en effet, inscrits au budget de la solidarité pour 1999.

Elles se répartissent comme suit : 120 millions pour les fonds d'aide aux jeunes, destinés, dans le cadre du trajet d'accès à l'emploi, TRACE, à des aides versées hors des périodes de travail ou de stage ; 100 millions pour l'accompagnement social individualisé, effort qui sera doublé par le fonds social européen ; 80 millions pour l'hébergement en résidences sociales ; 52 millions permettant d'accroître de 10 % les effectifs en formation de travailleur social ; 40 millions pour les dispositifs d'urgence sociale ; 22 millions de crédits de paiement supplémentaires pour l'équipement des centres d'hébergement et de réadaptation sociale, assortis de 75 millions en autorisations de programme.

Second motif de satisfaction : ce budget comporte des avancées significatives pour les personnes handicapées, pour les retraites agricoles et pour les aides à domicile.

D'abord, les personnels handicapés. J'avais appelé de mes voeux, l'année dernière, le lancement d'un plan pluriannuel de création de places en établissement pour mettre fin aux situations dramatiques que connaissent aujourd'hui nombre de personnes handicapées. C'est aujourd'hui chose faite, le Gouvernement ayant décidé de mettre en oeuvre un programme pluriannuel, de 1999 à 2 003, visant à créer 5 500 places de MAS-FDT, 8 500 places de CAT et 2 500 places en atelier protégé, qui permettra de résorber totalement la situation des jeunes adultes maintenus en établissement d'éducation spéciale.

Ensuite, les retraites agricoles. Bien sûr, elles relèvent en principe du BAPSA. Mais j'avais tenu, l'an passé, à aborder cette question, car nombre de retraités agricoles, compte tenu du montant dérisoire de leur pension, souvent inférieur au minimum vieillesse, voire au RMI, paraissent toujours relever davantage de la solidarité que du BAPSA.

Sans revenir en détail sur les mesures prévues dans le cadre du BAPSA et de la loi d'orientation agricole, je constate que l'effort engagé en 1998 sera accentué en 1999, avec des mesures nouvelles représentant 1,6 milliard de francs en année pleine. Désormais, plus aucune retraite agricole ne sera inférieure à 2 200 francs par mois, mais ce seul chiffre montre tout le chemin qui reste à parcourir. J'insiste également sur le fait qu'il faudrait revoir la règle selon laquelle les majorations pour enfants sont proportionnelles au montant de la pension. Un système forfaitaire serait plus juste. En effet, 10 % sur 2 000 francs ou sur 5 000 ce n'est pas la même chose et la différence n'est pas négligeable.

Troisième avancée, enfin, les aides à domicile. Dans mon précédent rapport spécial, j'avais souhaité que les associations prestataires qui interviennent dans ce secteur, compte tenu de tout ce qu'elles apportent aux personnes


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aidées et à leur personnel, puissent être placées sur un p ied d'égalité avec le système mandataire et lese mployeurs individuels. Ce sera le cas grâce aux articles 3 bis et 3 ter du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, adopté en première lecture par notre assemblée. Faisant siennes les conclusions du rapport Hespel-Thierry, le Gouvernement a accepté un dispositif juste et équilibré. Il prévoit l'exonération totale de cotisations sociales patronales des associations prestataires, tout en plafonnant à quinze heures par semaine et par foyer l'exonération accordée aux particuliers de plus de soixante-dix ans, dès lors qu'elle est seulement fondée sur l'âge.

Un bon budget qui vient à l'appui de la loi de lutte contre les exclusions et les avancées significatives dans trois domaines importants de la politique sociale, tels sont donc les motifs de satisfaction que je souhaitais exprimer.

Cela étant, je ne remplirais pas mon rôle si je m'en tenais à cette seule approche. Je dois donc en venir à des impressions beaucoup plus mitigées. Je voudrais d'abord déplorer une fois de plus la conception étrange que l'on semble parfois se faire des droits du Parlement dans les services des administrations centrales.

M. Francis Delattre, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les rapatriés.

C'est vrai !

M. Pierre Forgues, rapporteur spécial, pour les affaires sociales.

Je veux ici parler de l'éternel problème des questionnaires écrits que le rapporteur spécial adresse chaque année aux services, afin de disposer des éléments d'information nécessaires à son travail. Bien entendu, je n'ignore pas la charge de travail que les questionnaires représentent pour les ministères techniques. Mais n'ai-je pas le devoir, en tant que rapporteur spécial, d'être en mesure de comprendre et d'expliquer la nature et l'évolution de chacun des chapitres et des articles du budget de la solidarité ? A plusieurs reprises, j'en ai donc été réduit à regretter, dans mon rapport écrit, de ne pas disposer des éléments qui me semblent nécessaires à l'information minimale de notre assemblée. Est-il normal que des questions adressées au début du mois de juillet n'aient pas encore trouvé de réponse au début du mois de novembre ? Est-il normal q ue par les moyens de communication les plus divers - télécopie, courrier électronique, pli urgent - des questions aussi fondamentales que celles portant sur les crédits et les actions du service des droits des femmes trouvent in extremis, il y a seulement quelques heures, leur réponse ?

M. Jean-Luc Préel.

Non, ce n'est pas normal !

M. Pierre Forgues, rapporteur spécial, pour les affaires sociales.

J'insiste d'autant plus sur ce point que la finalité des questionnaires parlementaires n'est nullement de nuire au Gouvernement ou de surcharger les administrations. Bien au contraire, outre la fonction de contrôle que le Parlement exerce de façon légitime, je crois qu'elles fournissent également aux administrations l'occasion de faire le point, chaque année, sur les différentes actions qui sont retracées dans leur budget.

Deuxième sujet de préoccupation : les retards de paiement trop nombreux que l'Etat a accumulés à l'égard de diverses personnes publiques ou privées. J'estime que quatre chapitres insuffisamment dotés au cours des dernières années devraient bénéficier de dotations renforcées afin d'apurer progressivement le passif.

Il s'agit d'abord de l'aide médicale. En effet, l'Etat contribue aux dépenses de soins, de forfait journalier et de cotisations à l'assurance personnelle des personnes dépourvues de résidence stable, la gestion de cette aide étant confiée aux organismes d'assurance maladie. De ce fait, les services déconcentrés ne paient pas directement les praticiens et les établissements de soins, mais les crédits d'aide médicale sont répartis sous forme d'acomptes annuels aux caisses, qui assurent le règlement intégral des facturations.

Les crédits resteront fixés à 807 millions de francs en 1999. Certes, les besoins annuels seraient de l'ordre de 650 à 700 millions de francs, de telle sorte que 100 à 150 millions de francs resteraient disponibles pour résorber les retards de remboursement. Mais au 1er janvier 1997, 800 millions de francs - et même plus - de charges avaient été reportés au cours des années précédentes. On voit donc qu'il faudrait, à ce rythme, plusieurs années pour rattraper ce retard.

Le même problème se pose pour l'aide sociale de l'Etat, c'est-à-dire l'hébergement et les allocations des personnes âgées et handicapées sans domicile fixe, les aides aux familles ainsi que les remboursements d'aide à l'enfance aux départements.

Troisième exemple, le chapitre 46-23, article 60, qui rémunère les personnes physiques ou morales qualifiées pour exercer la tutelle d'Etat. Les dépenses financées à ce titre présentent un caractère quelque peu particulier, puisque ce sont les décisions des juges des tutelles, au sein du tribunal d'instance, qui déterminent l'ampleur des moyens requis. Les estimations pour 1998 et 1999 sont, respectivement, de 100 000 et de 113 000 mesures en cours. Le nombre brut des nouvelles mesures a dépassé 21 000 en 1997, contre 17 000 en 1996.

Par conséquent, les dépenses à la charge de l'Etat ont poursuivi leur croissance. Certes, l'écart entre les dépenses constatées et la dotation votée en loi de finances a commencé à se réduire depuis 1997 et l'année 1999 permettra de poursuivre l'ajustement des crédits aux besoins effectifs. En effet, les montants inscrits en loi de finances initiale passeront de 515 millions à 571 millions de francs.

Il faut naturellement se féliciter de ce que le présent projet de loi de finances continue de prendre toute la mesure des aspects financiers du problème. Cependant, je considère qu'il est urgent de réfléchir à un dispositif, éventuellement de nature législative, qui permettrait de contenir en amont la progression des dépenses par un recours plus rigoureux aux mesures de tutelle. A cette fin, il serait souhaitable que l'ensemble des départements ministériels concernés - solidarité, justice, budget - entre prennent une réflexion commune, en concertation avec les associations tutélaires, sur le coût et le devenir de ce dispositif.

Les plus grandes difficultés - et il faut malheureusement que je revienne sur ce point, sur lequel j'avais déjà beaucoup insisté l'an dernier - concernent, à mon sens, les objecteurs de conscience, et ce pour deux raisons au moins.

Tout d'abord, le service national des objecteurs de conscience est, qu'on le veuille ou non, l'une des formes du service national obligatoire, qui ne prendra fin qu'en 2002.

Ensuite, ce sont souvent des petites associations, et non plus des collectivités publiques ou des caisses de sécurité sociale, qui sont victimes des retards de paiement de


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l'Etat. Dès lors, ces retards ont parfois des conséquences irréparables pour les structures qui accueillent les objecteurs de conscience.

L'entretien - nourriture, logement - des objecteurs de conscience était intégralement assuré, jusqu'en 1996, par l'Etat. Cependant, pour les contingents affectés postérieurement au 15 janvier 1997, il a été décidé que les structures d'accueil pourvoiraient à cet entretien. Mais les structures d'accueil avancent déjà les sommes prises en charge par l'Etat, c'est-à-dire la solde, l'habillement, les transports et la santé, ce qui représente en moyenne 3 000 francs par objecteur. Elles sont ainsi les seules à avancer le montant de la solde qui est pourtant due à tout appelé dans le cadre du service national.

L'objection de conscience étant l'une des modalités du service national obligatoire pour tous les jeunes nés avant 1979, il serait logique et juste que l'Etat assure la totalité de son financement.

Depuis 1993, les associations souffrent de l'insuffisance de la dotation inscrite en loi de finances initiale. En 1996 et en 1997, les lois de finances rectificatives ont donc ajusté une dotation largement sous-évaluée. En tout état de cause, il n'est pas de bonne politique d'inscrire en loi de finances initiale des dotations dont on sait par avance qu'elles seront très largement insuffisantes et qu'elles devront être complétées en fin d'exercice par une loi de finances rectificative.

De ce fait, les montants versés aujourd'hui aux structures d'accueil servent à payer des frais parfois engagés depuis près de deux ans. On en arrive à la situation quelque peu absurde, il faut bien l'avouer, dans laquelle une association ne reçoit les premiers remboursements concernant un jeune que lorsque celui-ci vient de quitter son poste. Les jeunes qui se sont vu reconnaître le statut d'objecteur éprouvent même des difficultés à trouver une affectation. Cette situation n'est pas acceptable.

Enfin, il est regrettable qu'au moment où cette forme du service national connaît de graves difficultés, la commission de gestion des objecteurs de conscience, prévue à l'article R.

227-18 du code du service national, ne soit pas réunie avec une régularité suffisante, alors même qu'elle permet d'associer les associations à la gestion de ce service national.

L'an dernier, il m'avait été indiqué que la commission précitée serait appelée à se réunir dans le courant de 1998.

A ce jour - nous sommes bientôt à la fin de l'année 1998 -, elle ne l'a pas encore été. Quelle en est la raison, alors que nous avons de graves difficultés dans ce secteur ? Le service national des objecteurs de conscience sera suspendu, sous sa forme actuelle, en même temps que la conscription, c'est-à-dire en 2002. En attendant, je souhaite que cette forme de service national obligatoire soit maintenue, avec des moyens suffisants, jusqu'à son terme normal.

Au-delà de ces quelques inquiétudes, le budget qui nous est soumis n'en est pas moins globalement satisfaisant...

M. Jean-Luc Préel.

Après toutes ces critiques !

M. Pierre Forgues, rapporteur spécial, pour les affaires sociales.

C'est pourquoi la commission des finances vous recommande, mes chers collègues, de voter les crédits du budget des affaires sociales.

M. Francis Delattre, rapporteur spécial, pour les rapatriés.

La chute de votre intervention est étrange !

M. Jean-Luc Préel.

Ce n'est pas ce que nous avons compris !

M. Pierre Forgues, rapporteur spécial, pour les affaires sociales.

J'ai fait des observations positives. Ce qui compte, c'est la dernière phrase.

M. Jean-Pierre Foucher.

Il n'y a que la dernière phrase qui compte !

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.

C'est ce que j'ai retenu !

M. Pierre Forgues, rapporteur spécial, pour les affaires sociales.

Pour le reste, je vous renvoie à mon rapport dans lequel sont formulées de nombreuses suggestions concernant la réduction du temps de travail dans les CAT ou concernant l'accès des handicapés aux loisirs, par exemple, et sur toute une série de sujets qu'il n'est pas possible de traiter en si peu de temps.

M. Jean-Luc Préel.

Nous saurons qu'il vous faudrait beaucoup plus de temps !

M. Pierre Forgues, rapporteur spécial, pour les affaires sociales.

Bien sûr !

M. Jean-Pierre Foucher.

Le rapporteur est content de son rapport !

M. Pierre Forgues, rapporteur spécial, pour les affaires sociales.

Il faudrait me donner autant de temps qu'à certains pour défendre une question préalable ! (Sourires.)

M. le président.

La parole est à M. Serge Janquin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'action sociale et la lutte contre l'exclusion.

M. Serge Janquin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'action sociale et la lutte contre l'exclusion.

Quelques mots d'abord à votre intention, cher collègue Pierre Forgues, à propos de la situation des objecteurs de conscience et des associations qui s'en occupent. Il convient en effet de rappeler que le manque de crédits pour faire face au remboursement des associations est une situation ancienne.

Elle commence à être résorbée de manière positive...

M. Pierre Forgues, rapporteur spécial, pour les affaires sociales.

Légèrement, mon cher collègue !

M. Serge Janquin, rapporteur pour avis, pour l'action sociale et la lutte contre l'exclusion.

... mais il subsiste une difficulté technique.

En effet, il faut régler non pas une grosse dépense, mais de nombreuses petites factures qui arrivent toutes en fin d'année, nécessitant des vérifications et, souvent, des corrections. Ainsi, il n'est peut-être pas nécessaire de prévoir, pour une année « n », des crédits qui ne pourront être liquidés que l'année suivante.

Cela étant, il ne s'agit que d'une explication technique.

Monsieur le secrétaire d'Etat, l'an dernier, à quelques jours près, j'avais souligné combien, à travers votre budget, mais aussi par les engagements que vous aviez pris devant la représentation nationale de proposer à son débat et à son vote une loi ambitieuse de prévention et de lutte contre les exclusions, vous donniez à espérer que l'on allait commencer à renverser les murs de l'exclusion.

Cette année, non seulement nous pouvons commencer à mesurer les effets de la politique du Gouvernement, mais encore l'action de ce dernier s'amplifie et, par des moyens nouveaux, s'attaque mieux au mal et aux racines du mal, à la prévention.


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Soutien aux populations les plus fragiles, lutte contre les exclusions, la priorité est claire : d'un montant total de 66,6 milliards, à structure constante, c'est-à-dire hors allocation de parent isolé désormais inscrite au budget de votre ministère, la progression de vos crédits est près de deux fois supérieure à la norme de 2,2 % fixée pour le budget de l'Etat en 1999, soit une augmentation de 4,4 % des crédits. Ils comprennent 1,8 milliard de mesures nouvelles, 1 milliard pour ajuster les moyens du RMI et 742 millions pour des interventions à caractère social.

Bien sûr, au coeur de la lutte contre l'exclusion figurent l'emploi, et la mobilisation de tout le Gouvernement pour combattre le chômage. L'impulsion donnée à la consommation des ménages, surtout des ménages les plus faibles, a soutenu la reprise. Les emplois-jeunes et les 35 heures commencent aussi à porter leurs fruits, la baisse constatée du chômage depuis un an l'atteste.

Cette amélioration concerne-t-elle les exclus ? Oui, dans une certaine mesure ; je le montrerai plus tard à propos du RMI et des emplois-jeunes. Toutefois, on sait aussi que, de l'exclusion à l'emploi, il y a souvent des étapes nécessaires. Le recentrage et l'exigence de qualité en termes de formation de certains dispositifs comme les CES ont cet objectif, de même qu'y pourvoient les fonds d'aide aux jeunes, désormais intégrés dans le programme TRACE, doté de 120 millions, et l'accompagnement social individualisé, doté de la même somme.

Les exclus ont subi une violence sociale inouïe et avec des effets durables pour beaucoup. Or le retour à l'emploi suppose un accompagnement et vous avez voulu, par la loi du 29 juillet 1998 et par le plan français d'action pour l'emploi présenté à Cardiff, donner à tous le droit à un nouveau départ. La mobilisation des acteurs, dont il faut saluer les efforts, sur la construction de parcours individualisés et les moyens que vous y mettez doivent donner des résultats significatifs.

Néanmoins, l'urgence sociale comporte aussi d'autres exigences que l'emploi.

Au-delà des mesures prises par le secrétaire d'Etat Louis Besson au titre du logement social, vous poursuivez à bon rythme la création de places de CHRS : 500 pour un coût de 42 millions. S'y ajoutent 15,5 millions de revalorisation des subventions pour leurs crédits de fonctionnement. A ce sujet, plusieurs de nos collègues, ainsi que certaines associations, ont souhaité une amplification.

M. Denis Jacquat.

Absolument !

M. Serge Janquin, rapporteur pour avis, pour l'action sociale et la lutte contre l'exclusion.

On en a parlé en commission, mon cher collègue.

A partir du moment où il est constaté, souvent d'ailleurs pour le regretter, que les CHRS accueillent de plus en plus souvent des familles entières, il convient de proposer à ces dernières des solutions plus adaptées, car je ne suis pas certain que la solution du CHRS soit la meilleure. C'est ce que vous proposez avec les résidences sociales, dont les crédits sont accrus de 80 millions de francs, en transition vers ce qui devrait être la norme, le logement social banal, seule solution réellement et durablement intégrative.

La veille sociale bénéficiera, quant à elle, d'un abondement de 40 millions.

Vous renforcez par ailleurs les moyens en personnel de coordination des CASU, les commissions d'action sociale d'urgence. C'est une très bonne chose, car, si les premiers résultats des enquêtes sur les fonds d'urgence sociale montrent qu'ils ont plutôt bien fonctionné, faisant d'ailleurs apparaître qu'un tiers des demandeurs étaient encore inconnus des services sociaux, il reste qu'il faut rendre plus homogènes les critères de recevabilité, mais aussi - et cela relève également d'autres acteurs publics - le montant des aides.

Ces fonds d'urgence sociale sont venus compléter ce que les minima sociaux - RMI, AAH, API - apportent de solutions, toujours perfectibles, bien entendu, mais représentant un effort budgétaire déjà considérable de 55 milliards de francs, soit 78 % de ce budget.

Pour le RMI, dont les crédits augmentent de plus de 1 milliard, soit une progression de 4,23 %, par rapport à 1998, on constate une évolution intéressante. S'il concerne plus d'un million d'allocataires, dont 117 000 dans les départements d'outre-mer, et plus de deux millions de personnes, au titre de la famille, 50 % sont entrés dans le dispositif depuis moins de deux ans. Les flux d'entrée et de sortie s'accélèrent au point que les sorties annuelles ont représenté 35 % de l'effectif, c'est-àd ire 365 000 personnes en 1997. Ces chiffres se confirment en 1998.

Depuis mars 1998, la tendance est donc à la décrue, ce qui laisse espérer une stabilisation en fin d'année. C'est une première conséquence, avec effet retard, de la baisse du chômage.

Les RMIstes de moins de trente ans ou de moins de vingt-cinq ans chargés de famille ont constitué 4,5 % des jeunes recrutés au titre des emplois-jeunes et l'on peut sans doute faire mieux.

Enfin près de 52 % des RMIstes perçoivent désormais une aide au logement, ce qui traduit aussi une meilleure insertion par le logement.

Non, décidément non, on ne s'installe pas délibérément et définitivement dans le RMI ! V ous avez, monsieur le secrétaire d'Etat, affiché d'autres priorités qui ne peuvent qu'obtenir notre soutien.

Ainsi, 8 millions de francs supplémentaires, soit une progression de 11,6 % sont alloués, en matière de droits des femmes, à l'amélioration de l'égalité professionnelle, à la création d'activités pour les femmes, aux permanences d'écoute en faveur des femmes victimes de violences, et vous disposerez de 20 millions de francs pour une importante campagne de communication sur la contraception.

La prise en charge des mesures de tutelle et de curatelle d'Etat bénéficiera d'une dotation de 571 millions de francs, en hausse de 11 %. Par ailleurs, monsieur Forgues, est programmé le rattrapage du retard de paiement aux organismes d'accueil des objecteurs de conscience.

M. Pierre Forgues, rapporteur spécial, pour les affaires sociales.

Très bien !

M. Serge Janquin, rapporteur pour avis pour l'action sociale et la lutte contre l'exclusion.

Vous disposerez de 359 millions de francs de crédits d'aide sociale et de 807 millions de francs d'aide médicale pour les personnes sans domicile fixe, mais on sait bien que la solution la plus complète viendra de la mise en place de la couverture maladie universelle dont notre assemblée sera appelée à délibérer très prochainement.

En ce qui concerne les personnes âgées, outre les mesures de revalorisation des retraites à compter du 1er janvier 1999 que vous avez annoncées, vous comprendrez que l'élu d'un bassin minier se réjouisse du passage de 52 % à 54 % du taux de pension de réversion des


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veuves de mineurs et de votre état d'esprit à leur égard. Il y a longtemps qu'elles n'avaient pas été traitées avec autant de considération.

Enfin, la croissance continue de l'allocation pour adulte handicapé conduit le Gouvernement à proposer une augmentation des crédits de 5 % pour atteindre 1 180 millions de francs, avec une revalorisation de 1,2 % au 1er janvier 1999.

En ce qui les concerne, l'application du plan pluriann uel s'exécutera normalement par la création de 500 places supplémentaires en ateliers protégés, de 2 000 en centres d'aide par le travail. En outre, 100 millions de francs seront affectés aux sections de maisons d'accueil spécialisées et foyers à double tarification pour les adultes autistes, aux sections d'instituts médico-éducatif et de services d'éducation spécialisée et de soins à domicile pour enfants et adolescents autistes et de centres interrégionaux de ressources et de diagnostic précoce de l'autisme.

Par ailleurs, le programme 1999-2003 va se poursuivre normalement pour régler la situation des jeunes adultes maintenus en établissements d'éducation spéciale en vertu de l'amendement Creton. Ils étaient encore 4 200 au 31 décembre 1997. La situation a été rendue complexe par l'annulation par le Conseil d'Etat de la circulaire du 27 janvier 1995 ; il semble qu'une solution puisse être trouvée par la modification de l'article 6-1 bis de la loi no 75-434 du 30 juin 1975 qui autoriserait la mise en place d'une procédure de tarification forfaitaire dérogatoire et provisoire ; il faut le faire rapidement.

Dans ce domaine de l'action sociale et de la lutte contre l'exclusion, quel rapporteur pourra-t-il dire un jour - et à quel ministre ? - que tout va bien ? Assurément, ce n'est pas demain, car il y a encore tant à faire pour permettre à beaucoup de nos concitoyens d'aller leur chemin, comme tous les autres citoyens. Néanmoins, vous avez obtenu les moyens pour que les choses aillent sensiblement mieux et arracher le plus grand nombre à l'urgence sociale ou les empêcher d'y tomber.

Cela étant, monsieur le secrétaire d'Etat, il est un domaine pour lequel je dirais volontiers, pardonnez ma franchise, que ça ne va pas, celui de l'intégration des handicapés. Pour résoudre cette question, il faut certes prendre en compte les considérants budgétaires, mais il convient surtout - même si le premier point est très préoccupant - de clarifier un choix de société.

Sur le plan budgétaire, s'il est difficile de se faire reconnaître comme devant bénéficier de l'accès au CAT ou à l'atelier protégé, il est encore bien plus difficile d'en sortir.

En ce qui concerne l'accès au dispositif, je sais que le Gouvernement travaille à l'amélioration du fonctionnement des COTOREP et des CDES, mais seulement 7 à 8 % des jeunes parviennent à sortir d'un IMPRO pour trouver un emploi en milieu ordinaire, alors que certaines expériences montrent qu'on peut atteindre 40 % avec un suivi individualisé. Le taux de sortie du CAT vers le milieu ordinaire du travail n'atteint pas 1 %, ce qui est dramatique. Ainsi le dispositif d'aide au travail pour les handicapés devient-il une chausse-trappe, une impasse pour eux ! De réévaluations annuelles des aides publiques en places nouvelles, on ne pourra pas, sur une longue durée, ajouter mécaniquement 5 % chaque année sans risquer l'implosion du dispositif.

Au plan des valeurs, la loi de 1975 qui a fait accomplir un progrès décisif n'a pas arbitré entre, d'une part, une logique d'approche spécifique, globale, comme si les handicapés constituaient un tout indifférencié, donc une démarche au fond marginalisante et, d'autre part, une démarche intégrative, prenant en compte le désir des handicapés d'exister pleinement, comme personnes humaines et comme citoyens.

Les handicapés sont ils une minorité à faire exister ou des personnes à intégrer ? Il faut clarifier leur situation en assurant le respect des concepts républicains : liberté dans le choix de vie, égalité dans les possibilités, fraternité dans la citoyenneté.

En la matière, il est indispensable de développer une dynamique intégrative en considérant l'intégration non comme un remède, mais comme un élément constitutif de la société à construire.

De nos jours 3 500 000 personnes subissent un handicap majeur ou grave et 5 130 000 déclarent éprouver une gêne physique ou mentale.

A propos de cet univers que je pense connaître assez bien, je veux dire non seulement que la société ne peut pas, même si elle s'en occupe, laisser les intéressés de côté, mais aussi qu'elle se mutilerait si elle se privait des potentialités, des savoir-faire, des talents, des capacités physiques, des richesses intellectuelles et morales qui s'y trouvent.

J'aurais beaucoup de questions à poser sur les moyens et le fonctionnement des COTOREP, des EPSR, de l'AGEFIPH, sur les insuffisances de l'AFPA dans ce domaine, sur les possibilités des emplois-jeunes dans l'intégration scolaire, domaine dans lequel je connais votre d étermination, celle de Mme Aubry et celle de Mme Royal, mais cela n'est pas possible dans le cadre de ce rapport.

Néanmoins, je tiens à évoquer la nécessité d'un débat public sur cette question, car j'ai la conviction qu'il est indispensable d'actualiser sinon de réformer la loi de 1975 sur le handicap.

Il faut favoriser l'autonomie, reconnaître le caractère relatif et évolutif du handicap mais reconnaître aussi que, si lourde qu'elle soit, la déficience ne gomme pas la qualité de l'être. Tout cela ne peut évidemment être traité au fond dans le cadre de ce rapport, mais je saisis l'occasion qu'offre son examen pour rappeler la nécessité et l'urgence de la mise en cohérence d'une oeuvre de longue haleine.

Après avoir rappelé que la majorité de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a donné un avis favorable à votre projet de budget, je terminerai en citant Marguerite Yourcenar. Elle faisait poser par Zénon, son héros de L'uvre au noir , la question clé de la liberté dans l'aventure humaine : « Qui serait assez fou pour ne pas vouloir faire le tour de sa prison ? » Je prolongerai cette question par une autre à propos des handicapés : « Qui serait assez criminel pour ne pas leur permettre de sortir de leur prison ? » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Mitterrand, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la santé.

M. Gilbert Mitterrand, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la santé.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen du projet de budget de la santé mérite d'être analysé à l'éclairage d'un doub le q uestionnement : quelle politique de santé publique met-il en oeuvre et quels moyens y consacre-t-il ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1998

Sur le premier point, il a déjà été rappelé par le Gouvernement au cours des débats budgétaires de l'an passé, puis lors de nos différents travaux en commission cette année, que notre politique de santé publique s'articulait autour des objectifs suivants : priorité à la sécurité sanitaire ; garantie d'égal accès aux soins et qualité de ceuxci ; et prévention des risques.

Ces objectifs s'organisent autour de la définition de dix priorités validées par la Conférence nationale de santé en 1996 et retenues par le Haut Comité de la santé publique, pour qui quatre buts principaux devraient être atteints : la réduction des inégaliés de santé, la réduction de la mortalité prématurée et évitable, la réduction des incapacités, suite à maladie ou accident, et enfin l'amélioration de la qualité de vie des malades et des handicapés.

L'accent est mis sur deux thèmes particuliers : la santé des enfants et des jeunes, et la dimension de l'organisation régionale des ressources.

Les objectifs affichés par l'Etat répondent à ces préocc upations. Il l'a illustré de façon particulièrement incontestable, cette année, par l'adoption de deux nouvelles lois : la loi d'orientation du 29 juillet 1998, relative à la lutte contre les exclusions et la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et au contrôle de la sécurité sanitaire, dont les traductions budgétaires sont parfaitement intégrées dans le projet de budget pour 1999 qui vous est présenté.

Il serait bon que la question rituelle qui ne manque pas d'être formulée, à savoir : « Y a-t-il une politique de santé publique en France ? » soit reformulée car, lorsqu'elle est posée année après année, quels que soient les éléments de réponse formulée, soit cette question devient désobligeante - c'est le moindre mal - soit elle est de nature à inquiéter inutilement, ce qui peut être grave.

Parmi les dix priorités d'égale importance définies par la Conférence nationale de santé publique, figurent la nécessité de prévention et de promotion de la santé des enfants et des jeunes, la prévention, le dépistage et la prise en charge des cancers, la réduction des inégalités de santé inter et intra-régionales et l'incidence des affections iatrogènes et des infections nosocomiales. La conférence insiste sur le travail en réseau, et sur l'importance des informations et indicateurs nécessaires.

Votre projet de budget en tient compte - et poursuit les efforts engagés en ce sens.

En un mot, répondre aux besoins définis en matière d'accès aux soins, de qualité de ceux-ci, de sécurité sanitaire, de prévention des maladies ou accidents, de lutte contre les inégalités sociales et les inégalités régionales face à la maladie et à la mort - est une dimension que le projet de budget pour 1999 prend en compte, même si ses crédits ne représentent pas à eux seuls - loin de là tous les moyens qui sont consacrés aux objectifs affichés.

C'est du fait de cette disparité de sources de financement, monsieur le secrétaire d'Etat, que le rôle de l'Etat doit également s'affirmer au regard de la cohérence et de la coordination nécessaires de l'ensemble des actions conduites par les différents acteurs. Il semble qu'en ce domaine on vous demande plus d'Etat, et non moins.

Personnellement, j'y souscris, et ce d'autant plus que je n'ai jamais plaidé pour un repli généralisé de l'Etat, ni dans ses missions, ni dans la prise en charge de la couverture sociale, où certains voudraient que l'assurance privée soit prédominante.

Il n'en demeure pas moins qu'une prise en compte au niveau régional de la politique de santé mérite d'être préconisée, à tout le moins pour son application si ce n'est pour sa définition.

Les objectifs et priorités ayant été rappelés, c'est-à-dire le cadre de la santé publique en France, en quoi notre budget pour 1999 y concourt-il ? Je me bornerai à rappeler quelques chiffres, me permettant de vous renvoyer à mon rapport écrit pour plus de précisions. S'il ne faut retenir qu'un seul trait du budget pour 1999, c'est le fait qu'il traduit les principales priorités que j'ai précédemment énumérées : prévention, veille et sécurité sanitaires, d'une part, égal accès aux soins, d'autre part.

En ce qui concerne la prévention, un plan d'ensemble de lutte contre l'hépatite C sera lancé en 1999. Le budget de la santé consacrera à ce programme 16 millions de francs de moyens nouveaux, dont 3 millions au titre des centres de dépistage anonyme et gratuit.

Le programme national de dépistage des cancers sera intégralement pris en charge par l'assurance maladie. Le dépistage des cancers féminins sera généralisé dans les trois ans et celui du cancer du côlon sera étendu, pour un coût de 250 millions de francs.

Je dois ensuite mentionner la progression de près de 10 % des subventions accordées à l'office de protection contre les rayonnements ionisants, qui lui permettra de renforcer ses interventions sur le terrain ainsi que ses moyens de communication. Les subventions à l'établissem ent français des greffes progressent également de 14,7 %. Les autres actions traditionnelles de prévention, comme celles concernant l'alcool, le tabac, le sida ou la toxicomanie, sont poursuivies non moins traditionnellement. Je ne m'y étendrai donc pas, sauf à dire que quelques efforts pourraient encore être consentis.

Le projet de budget pour 1999 traduit aussi la mise en oeuvre d'une autre loi, celle du 1er juillet 1998, relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme. Les trois nouvelles agences sanitaires pourront fonctionner, dès 1999, car des mesures nouvelles s'ajoutent aux moyens des structures qui existaient déjà.

L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, qui dispose des compétences de l'Agence du médicament élargies à tous les produits de santé, bénéficiera de près de 120 millions de francs, dont 35 millions de moyens nouveaux.

L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, qui n'est pas financée par le seul budget de la santé, disposera d'une subvention de 8 millions de francs, dont 3,1 millions de moyens nouveaux.

Enfin, l'Institut de veille sanitaire, qui succède au Réseau national de santé publique, sera doté de 62,6 millions de francs, dont 24,6 millions de moyens nouveaux.

Par conséquent, les trois nouvelles agences disposeront au total de 190,5 millions, dont 62,7 millions de moyens nouveaux.

S'agissant de l'égal accès aux soins, un élément nouveau et particulièrement important dans le présent projet de loi se traduit par l'intégration de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.

A ce titre, nous pouvons saluer le développement de l'accès aux soins et des lieux d'écoute pour les publics en difficulté, à hauteur de 36,5 millions de francs, 25 millions pour les consultations d'alcoologie au sein même


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d es structures d'hébergement d'urgence, les CHRS, 21,5 millions pour les ateliers d'éducation à la santé mis en place avec les comités régionaux et départementaux d'éducation à la santé, 20,2 millions pour la formation pluridisciplinaire des acteurs des « réseaux santé-social », publics ou privés, 18,5 millions pour la création de 25 points d'écoute dans le cadre de la lutte contre la toxicomanie, 18,3 millions pour répondre aux besoins spécifiques de la psychiatrie dans la prise en charge de la précarité, 12,5 millions pour organiser, dans les dispensaires d'accueil, une prise en charge des pathologies infectieuses longues ou chroniques fréquentes parmi les publics précaires, 4,5 millions destinés à renforcer la lutte contre le saturnisme et 3,5 millions pour les actions spécifiques dans les territoires d'outre-mer.

Ce sont donc 160,5 millions de francs de mesures nouvelles qui sont donc inscrits sur le titre IV du budget de la santé, en 1999, au titre de la loi relative à la lutte contre les exclusions. Et il ne faut pas oublier les 55,3 millions de francs de mesures nouvelles inscrites au titre III, et qui se répartissent ainsi : 23,5 millions pour renforcer la coordination de l'accueil, de la prévention, de la dispensation des soins et de la restauration des droits dans les « réseaux santé-social » sous l'égide des DDASS ; 10 millions permettant de financier l'animation de ces réseaux ; 16,8 millions pour la coordination des aides d'urgence et 5 millions pour l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion créé par la loi d'orientation.

Le budget de la santé et des services communs bénéficie donc d'un abondement total de 215,8 millions de francs de mesures nouvelles, au titre de cette loi.

Concourant à l'échelon régional à un égal accès aux soins et à leur qualité dans le domaine hospitalier, l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES, voit ses crédits stagner en 1999.

M. Jean-Luc Préel.

Hélas !

M. Gilbert Mitterrand, rapporteur spécial, pour la santé.

Le « hélas » arrive un tout petit peu trop tôt.

M. Bernard Charles.

Vous parlez trop vite, monsieur Préel !

M. Gilbert Mitterrand, rapporteur spécial pour la santé.

En fait, il faut replacer cette évolution dans son contexte.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Ah bon !

M. Gilbert Mitterrand, rapporteur spécial, pour la santé.

La précédente majorité a tardé à mettre en place l'agence, dont le décret constitutif n'a été publié qu'en avril 1997.

M. Jean-Pierre Foucher.

Eh oui ! Pas de chance !

M. Denis Jacquat.

La dissolution a tout perturbé !

M. Gilbert Mitterrand, rapporteur spécial, pour la santé.

Oui. On ne pouvait pas deviner.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Avant la dissolution, ce n'était qu'une agence d'évaluation.

M. Gilbert Mitterrand, rapporteur spécial, pour la santé.

Le décret constitutif, disais-je, n'a été publié qu'en avril 1997, soit un an après la création de l'agence, ce qui est, peut-on dire, un délai normal.

Par conséquent, pour revenir à des choses plus terre à terre, la part des dotations pour 1997 et 1998 qui n'aura pas été consommée viendra s'ajouter à la dotation prévue pour 1999, de telle sorte que l'agence disposera des moyens nécessaires pour que le processus d'accréditation puisse fonctionner à plein régime dès l'année prochaine.

L'évolution de la dotation aux observatoires régionaux de la santé, en baisse de 3 millions de francs, relève de la même problématique. Bien entendu, chacun admet que ces observatoires doivent être pérennisés. Mais leur financement soulève la question des compétences en matière de santé publique. Certes, les lois de décentralisation ont posé les principes, mais certaines collectivités locales vont parfois au-delà des obligations qui sont à leur charge - et c'est tout à leur honneur - de telle sorte qu'il devient difficile de mesurer avec précision la participation des différents intervenants dans le champ sanitaire.

Cette évolution n'est pas condamnable en soi, pourvu qu'elle s'inscrive, pour en revenir aux observatoires, dans le cadre des contrats de plan. En revanche, il ne faudrait pas que l'Etat aille jusqu'à renoncer à exercer sa fonction de redistribution et d'équité. S'agissant des observatoires, cela signifie qu'il serait inacceptable que l'Etat ne puisse pas donner à chacun d'entre eux, et plus particulièrement à ceux qui dépendent quasi exclusivement de ses subventions, le minimum nécessaire à leur fonctionnement, d'autant qu'il est essentiel que chaque région soit capable de fournir la même qualité d'information, dans la perspective d'une synthèse nationale des données. Autrement dit, l'Etat est le seul à même de pouvoir assurer une certaine égalité entre les régions.

Ces considérations ne sont pas sans incidence sur l'appréciation que l'on peut avoir de l'évolution des moyens inscrits à ce titre pour 1999 : faut-il préférer à tout prix une hausse du niveau global de la subvention de l'Etat ou une meilleure répartition de l'enveloppe entre les régions ? Votre rapporteur estime que les observatoires doivent eux-mêmes approfondir la réflexion sur cette problématique.

Au demeurant, la baisse de 3 millions de francs constatée en 1999 doit être relativisée par le fait qu'il s'agit d'un simple transfert au nouvel institut de veille sanitaire, qui redistribuera ces crédits en cours d'année, sous la forme d'études commandées aux observatoires.

S'agissant enfin de l'adaptation de l'offre de soins, le fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, créé par la loi de finances pour 1998, a pour vocation d'attribuer des subventions d'investissement aux établissements sous dotation globale qui présentent des projets contribuant à l'adaptation de l'offre de soins hospitaliers à l'échelon régional.

Dès le 28 janvier, une circulaire a posé les critères d'éligibilité à ce fonds : quatre-vingt-onze dossiers ont déjà été soumis, pour un montant total de 4,2 milliards de francs de travaux ou d'équipement. Les demandes de subventions correspondantes s'élèvent à 1,5 milliard de francs. Le fonds est donc un succès et on ne peut donc plus prétendre, comme certains tentent parfois de le faire, que le fonds n'a encore versé aucune aide et, en même temps, qu'il apparaît déjà insuffisant.

Pour 1998 et 1999, ce sont, au total, 700 millions de francs d'autorisations de programme et 300 millions de francs de crédits de paiement qui seront disponibles pour ces opérations. Bien entendu, l'Etat n'aspire en rien à être le financeur unique de l'investissement hospitalier. Sinon il faudrait qu'il trouve chaque année les 17 milliards de francs par an, ce qui serait bien délicat.

En effet, il faut à nouveau replacer ce fonds dans le contexte plus général de la politique de santé. Dès lors, l'Etat est parfaitement dans son rôle lorsqu'il décide de soutenir des opérations d'investissement qui s'inscrivent dans le cadre de la politique globale de régulation de l'offre de soins qu'il définit par ailleurs.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1998

Un regret cependant, avant de conclure, monsieur le secrétaire d'Etat : le remboursement de la dette contractée à l'égard des caisses de sécurité sociale au titre de la prise en charge des dépenses d'interruption volontaire de grossesse laisse encore considérablement à désirer. Certes, la dotation est maintenue à 162 millions de francs alors que les dépenses se révèlent chaque année de l'ordre de 157 millions de francs. Toutefois, comme la dette atteint 75 millions de francs, on voit bien qu'il faudrait, à ce rythme, une quinzaine d'années pour que l'Etat rattrape son retard.

Ce retard ne pèse pas sur les intéressés, qui, eux, sont remboursés. Mais rien ne peut justifier que cet état de fait perdure.

Quelles que soient les orientations de la politique de santé, encore faut-il, une fois qu'elles ont été définies, qu'elles soient respectées d'une année sur l'autre. Tel sera le cas en 1999, car, je le répète, l'effort en faveur de la prévention, de la veille et de l'adaptation de l'offre de soins, déjà commencé en 1998, sera poursuivi.

Par ailleurs, le budget permet de financer la mise en oeuvre des deux nouvelles lois relatives à la lutte contre les exclusions et à la veille sanitaire.

Enfin, le projet de budget qui nous est soumis augmente, à structures constantes, de 4,5 %, compte tenu du transfert des centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie, qui s'appellent maintenant CASEA, au budget de l'assurance maladie, c'est-à-dire dans l'ONDAM, ce dont chacun se félicite.

Par ailleurs, les effectifs des administrations sanitaires et sociales progresseront, pour la seconde année consécutive, ce qui, d'une part, est conforme au souhait de la représentation parlementaire, tel que mon prédécesseur Jérôme Cahuzac l'avait exprimé l'an passé, et, d'autre part, est d'autant plus à souligner que les budgets 1998 et 1999 sont ainsi en rupture avec les évolutions négatives antérieures.

Pour toutes ces raisons, la commission des finances vous recommande, mes chers collègues, d'adopter les crédits de la santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Benard Accoyer, rapporteur pour avis de la commission des afffaires culturelles, familiales et sociales, pour la santé.

M. Bernard Accoyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la santé.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la part du budget de l'Etat consacrée à la santé n'est que de 3,8 milliards de francs.

C'est bien peu comparé aux 700 milliards de dépenses de l'assurance maladie : à peine 0,6 %.

Cette situation n'est pas nouvelle. Elle est particulièrement préoccupante et traduit une double défaillance.

La défaillance de l'Etat, tout d'abord, qui n'a pas développé de politique de santé, financée comme telle, sur des crédits d'Etat, mais a, tout au contraire, transféré à d'autres cette responsabilité pourtant essentielle : à l'assurance maladie, aux collectivités territoriales, aux associations.

La défaillance ensuite qui est cruellement constatée dans le domaine de l'éducation sanitaire et de la prévention, lesquelles ne font l'objet d'aucune identification, planification ni même de budgétisation.

Il est parfois difficile de faire le partage entre les crédits consacrés à la santé et ceux qui relèvent de la solidarité présentés dans le même document, notamment en ce qui concerne les moyens des services.

C'est pourquoi mon rapport est consacré à l'examen des crédits relevant des agrégats intitulés « politique de santé publique » et « offre de soins » qui se substituent, cette année, à l'agrégat unique « interventions sanitaires » utilisé l'année dernière.

Avec 2,22 milliards de francs consacrés à la politique de santé publique et 1,56 milliard à l'offre de soins, le budget de la santé s'élève, pour 1999, à 3,792 milliards de francs et progresse de 2 % par rapport à l'année dernière. C'est une hausse modeste.

Après l'analyse des crédits, je vous livrerai quelques réflexions et ferai quelques propositions sur la santé des jeunes qui relève spécialement de notre politique d'éducation sanitaire.

La progression des crédits est de 2 % par rapport à l'année dernière. Parmi les principales nouveautés de 1999, il y a la priorité affichée à la lutte contre l'exclusion, conformément à l'article 67 de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, dont l'article 71 crée les programmes régionaux pour l'accès à la prévention et aux soins, dits PRAPS. Ce sont 250 millions qui leur sont consacrés, dont 194 millions de mesures nouvelles, ce qui est somme toute fort modeste.

La lutte contre le saturnisme, cela vient d'être évoqué, mobilise 4,5 millions de francs. Cependant, en dépit de la volonté gouvernementale affichée de faire de la lutte contre l'exclusion une priorité budgétaire, les moyens nouveaux qui lui sont affectés dans le budget de la santé ne représentent qu'environ 0,5 % des crédits.

Il convient, par ailleurs, de noter que l'essentiel des mesures nouvelles consacrées aux PRAPS provient du chapitre 47-11 et principalement de son article 40 relatif aux dépenses déconcentrées d'intervention sanitaire en direction des publics prioritaires, dont les crédits avaient fortement régressé en 1998, puisqu'ils avaient subi une baisse de 32 %. Outre que ces évolutions contradictoires d'une année sur l'autre autorisent à s'interroger sur la c ohérence de la politique gouvernementale, elles conduisent à relativiser l'importance des hausses intervenues cette année.

Toujours en application de la loi contre les exclusions, les centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie disparaissent du budget de la santé et seront financés désormais par l'assurance maladie, réalisant ainsi un nouveau transfert de charges.

Autre nouveauté 1999, la mise en oeuvre de la loi du 1er juillet 1998 relative à la veille sanitaire et le financement des trois agences créées par cette loi.

La première agence, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, reprend et élargit les compétences de l'Agence du médicament : 119 millions de francs lui sont attribués ; elle sera aussi financée par des redevances.

A la deuxième agence, l'Agence de sécurité sanitaire des aliments, 8 millions de francs sont affectés, dont 3 millions de moyens nouveaux.

La troisième agence, l'Institut de veille sanitaire, est chargée d'assurer la coordination et l'organisation de la détection et de la surveillance de tout événement susceptible d'affecter la santé humaine. Il est doté de 62,6 millions de francs avec des redéploiements, les observatoires régionaux de santé voyant leur subvention diminuer de 15 %.

Au total, les trois établissements créés par la loi du 1er juillet 1998 bénéficieront d'environ 60 millions de francs de moyens nouveaux, montant inférieur aux 80 millions provisionnés en 1998.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1998

Venons-en aux autres actions financées par ce budget de la santé.

L'Agence française du sang, organisme central de la transfusion sanguine, est dotée de 29,690 millions de francs. L'Office de protection contre les radiations ionisantes, l'OPRI, se voit allouer 55,5 millions de francs, soit une augmentation de 22,4 %. Rappelons que le rapport Le Déaut préconisait une réforme profonde en ce domaine.

Quant aux crédits destinés à la lutte contre les fléaux sanitaires - troisième action -, ils sont en baisse de 4 %, passant de 1,736 milliard de francs à 1,665 milliard de f rancs. Pourtant, il s'agit de la lutte contre la toxicomanie, le tabagisme et l'alcoolisme, contre le sida et les autres affections transmissibles !

M. Pierre Forgues, rapporteur spécial, pour les affaires sociales.

C'est faux ! Les CHAA sont transformés à l'assurance maladie !

M. Bernard Accoyer, rapporteur pour avis, pour la santé.

Il ne faut pas confondre le budget de l'assurance maladie et le budget de l'Etat ! La toxicomanie absorbe un tiers du budget de la santé, en baisse légère de 2 %. Les crédits passent, pour 1998, de 1,74 milliard à 1,52 milliard. L'action de la mission i nterministérielle de lutte contre la toxicomanie, la MILDT, a fait l'objet de vives critiques de la Cour des comptes. Ses crédits sont en baisse en 1999. Mais la réorganisation et la redistribution des missions sont urgentes.

Faut-il rappeler que les moyens consacrés par le budget de l'Etat à ces deux fléaux que sont l'alcoolisme et le tabagisme ne sont que de 90 millions de francs.

Pour l'alcoolisme, la baisse est de 53 %. Certes, elle s'explique par le transfert des CHAA vers l'assurance maladie. Pourtant 40 000 à 50 000 décès sont dus chaque année à l'alcoolisme. Il ne faut pas méconnaître la défaillance grave d'un Etat qui se repose sur un système assurantiel pour remplir les tâches de prévention et d'éducation sanitaire. Les dépenses de l'assurance maladie liées à l'alcoolisme sont de 80 milliards de francs chaque année ! Enfin, seulement 1,5 million de francs sont affectés à la lutte contre le tabagisme alors qu'il s'agit d'une des principales causes d'affections cardio-vasculaires et de cancers, c'est-à-dire les deux premières causes de mortalité en France. La seule action du Gouvernement pour lutter contre le tabagisme consiste à augmenter le coût du tabac.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Alors, vous trouvez ça bien ou pas ?

M. Bernard Charles.

Y êtes-vous favorable ou opposé ?

M. Jean Bardet.

Ce n'est ni bien ni mal, c'est inefficace !

M. Bernard Accoyer, rapporteur pour avis, pour la santé.

Pour la lutte contre le sida et les autres maladies transmissibles, les crédits progressent de 10,7 % atteignant 525 millions de francs. Mais cette augmentation s'explique en partie par la mise en oeuvre du plan national de lutte contre l'hépatite C qui est inclus dans les crédits consacrés précédemment seulement au sida, l'hépatite faisant l'objet d'une mesure nouvelle de 16 millions de francs.

Concernant l'offre de soins, le budget 1999 prévoit une baisse des crédits de l'aide médicale urgente de 36 % : ils passent de 16 millions à 10,5 millions de francs. Or ces crédits servent à couvrir une partie des dépenses de fonctionnement des SAMU - centres 15 sous la forme d'une subvention forfaitaire de 150 000 francs par an et par SAMU. Répondant au questionnaire budgétaire, le ministre nous indique pour toute explication : « La baisse opérée par le projet de loi de finances pour 1999 amènera à reconsidérer le principe d'une subvention forfaitaire à l'ensemble des centres 15, ces crédits devant être redéployés au profit d'actions plus ciblées correspondant a ux objectifs prioritaires de la politique de santé publique ».

Le rapporteur de la commission des finances pour la santé a expliqué que si les crédits de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé demeuraient inchangés, c'était dû au reliquat de crédits inutilisés de l'année dernière. La montée en charge de cet organisme a été extrêmement rapide et forte car il a dû pallier une cruelle défaillance, à cause de laquelle, aujourd'hui, c'est la presse qui procède à l'évaluation des établissements d'hospitalisation ! Les crédits d'équipement sanitaire se répartissent entre le chapitre 66-11, subventions d'équipement sanitaire, et le chapitre 66-12, fonds d'aide à l'adaptation des établissements hospitaliers, le second devant progressivement se substituer au premier dont les crédits baissent régulièrement depuis 1994. Il n'y a plus cette année d'autorisations de programme et les crédits de paiement s'élèvent pour 1999 à 108,5 millions de francs.

Force est de constater que les dotations allouées au f onds apparaissent très insuffisantes par rapport à l'ampleur des besoins.

A l'observation de ce budget, mais également à l'examen des conclusions et des études successives du Haut Comité pour la santé publique, il faut reconnaître que notre système de santé souffre d'une défaillance qui se traduit par un mauvais état de santé de la jeunesse.

L'état de santé des quinze - vingt-quatre ans est préoccupant. Chez les jeunes garçons, les accidents sont à l'origine de plus de 70 % des décès, les suicides 15 % et les maladies 12 %. La comparaison avec nos partenaires européens montre que notre pays, suivi par l'Espagne, est celui où la mortalité due aux accidents et suicides additionnés est la plus élevée. Elle est presque le double de celle de pays comme la Grande-Bretagne. L'ensemble de ces données témoigne d'un mal-être dont la gravité est sous-estimée.

Il faut particulièrement souligner l'importance de la mortalité évitable : la tendance à la diminution du nombre de victimes et de la gravité des accidents ne bénéficie pas à la tranche d'âge des quinze - vingt quatre ans, dont le nombre de tués, hélas ! augmente. Les signes de mal-être sont identifiés. L'augmentation de la consommation d'alcool et de drogue en est probablement une des conséquences. C'est la raison pour laquelle il serait utile de développer, au niveau scolaire, des programmes d'éducation sanitaire qui constitueraient une véritable prévention.

Bien que le secrétaire d'Etat à la santé ait décidé la mise en place d'un programme national de prévention du suicide chez les jeunes, les sommes consacrées par le fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaire aux campagnes nationales de lutte contre le suicide, ont chuté entre 1995 et 1998, où elles s'élevaient respectivement à 4,5 millions de francs et 2 millions de francs.

Malgré mes propres analyses à leur sujet, la commission des affaires sociales a donné un avis favorable aux crédits de la santé pour 1999.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1998

M. le président.

La parole est à M. Francis Delattre, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les rapatriés.

M. Francis Delattre, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les rapatriés.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avant toute chose, je voudrais souligner que, comme l'an dernier, les crédits relatifs au rapatriés sont discutés avec les crédits du ministère de la solidarité et que nous y voyons le symbole de l'impératif politique que représente pour nous la nécessité de faire encore un effort de solidarité pour achever l'intégration dans la communauté nationale de nos compatriotes rapatriés, qui ont connu beaucoup de problèmes lors de leur réinstallation en métropole, et qui se heurtent encore aujourd'hui à bien des difficultés.

Les trois lois d'indemnisation, auxquelles il faut ajouter quelques autres avancées, notamment la loi de 1985 sur les retraites, ont globalement réglé les problèmes. Il reste néanmoins des situations personnelles anormales, en raison notamment du casse-tête qu'est la reconstitution des retraites - beaucoup de rapatriés y sont parvenus, en effet. Les régimes particuliers ne s'y sont pas toujours intéressés suffisamment.

L'ensemble des crédits affectés à des actions en faveur des rapatriés demandés au titre de 1999 sont répartis sur huit fascicules budgétaires, ce qui ne rend pas facile leur suivi. En fait, les véritables crédits d'intervention de votre ministère s'élèvent à 135 millions, ce qui est peu, à peu près comme l'an dernier. Avec tous les crédits affectés, sur tous les ministères, le total atteint 1,657 milliard de francs, en diminution de 19,8 % par rapport à l'an dernier.

On ne peut guère juger si cette diminution traduit une politique favorable ou défavorable aux rapatriés, car elle est l'aboutissement de mesures essentiellement techniques.

Les versements des allocations familiales forfaitaires prévus au profit des harkis, tant dans le cadre de la loi de 1987 que dans celle de 1994, sont achevés. Mais c'est parmi les harkis que nous rencontrons encore les situations les plus inadmissibles.

L'essentiel des dépenses, 1,3 milliard de francs, correspond, comme je vous l'ai indiqué en préambule, pour l'essentiel, à des charges de retraites, qui diminuent par rapport à l'an dernier, en toute logique, du fait de l'évolution de la pyramide des âges.

Si les opérations lourdes sont achevées, cela ne veut pas dire pour autant que, trente-six ans après les événements, certains rapatriés n'ont plus à subir d'injustices. Je vais essayer d'en dresser la liste, monsieur le secrétaire d'Etat, du moins des principales.

Le premier domaine que je souhaite évoquer est celui des retraites, où l'on connaît trois catégories de difficultés.

En premier lieu, il semble que certains organismes de sécurité sociale n'examinent pas avec la bienveillance qui conviendrait les déclarations sur l'honneur prévues par la loi. Des familles entières parties dans l'urgence éprouvent bien des difficultés à réunir tous les documents nécessaires à la reconstitution des retraites. Ainsi, la MSA, dans de nombreux départements, refuse les attestations sur l'honneur. Je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, d'intervenir en leur nom auprès de ces organismes pour réaffirmer certaines instructions.

Le deuxième problème, c'est celui des conditions d'accès des médecins rapatriés à l'assurance volontaire vieillesse. Les médecins en Algérie étaient conventionnés dès 1952. Il est donc curieux de voir leurs caisses de retraite refuser de prendre en compte les dix ans entre 1952 et 1962. Il a fallu un arrêt Di Meglio pour les réintégrer dans leurs droits. Reste un problème tout à fait symptomatique de l'habileté de l'administration française, et des administrations en général. On leur dit, en effet, que si la jurisprudence a confirmé leurs droits, ils doivent les réactualiser, c'est-à-dire racheter leurs points au tarif d'aujourd'hui et non selon le barème en vigueur au moment où ils auraient pu entrer dans le dispositif.

Il serait donc indispensable de mettre « un peu d'huile dans les rouages » par quelques instructions, monsieur le secrétaire d'Etat, pour aider ces médecins arrivés à cette période, difficile pour beaucoup d'entre eux, de la reconstitution de leur retraite.

S'agissant des retraites encore, et enfin, je rappellerai que les rapatriés souhaiteraient également connaître les modalités selon lesquelles il serait possible d'opérer une levée de la forclusion permettant à ceux et à celles qui n'ont pas pu le faire, d'accéder au régime complémentaire de la SORAVIE.

La SORAVIE a été gérée, je crois, par GROUPAMA.

Après la date de forclusion, près de 1 500 dossiers n'auraient pas été traités, et plus de 2 000 autres auraient encore été déposés. Or les fonds existent. Il serait normal que la délégation et le ministère rencontrent les dirigeants de GROUPAMA pour essayer de trouver des solutions équitables.

Le deuxième problème que je souhaite aborder est celui des hypothèques sur les biens réinstallés. Cela peut paraître une question de détail, mais l'accumulation des difficultés tend aujourd'hui à recréer un climat un peu difficile. Certains rapatriés sont inquiets. Dans le cadre des procédures de remise de prêts, l'Etat s'est substitué au débiteur, mais nombre de banques refusent de lever les hypothèques qui restent inscrites sur les biens. On imagine les difficultés qui en résultent au moment des cessions. Je souhaiterais que vous puissiez entrer en contact avec ces établissements financiers pour faire que la loi s'applique.

Le troisième dossier un peu difficile, monsieur le secrétaire d'Etat, est celui des CODAIR - les comités départementaux qui ont étudié les indemnisations de réinstallation. La procédure est aujourd'hui close. Ils ont bien travaillé. Mais tous les dossiers n'ont pu être traités convenablement. Une commission nationale a été annoncée. Quand sera-t-elle mise en place et comment travaillera-t-elle ? Quelle sera notamment la représentativité des rapatriés en son sein ? Il convient de veiller à ce que les dossiers qui sont pendants depuis trente-six ans puissent, enfin, trouver un aboutissement logique.

Il est un autre problème qu'un grand nombre de rapatriés considèrent comme majeur. Les rapatriés indemnisés par la première loi d'indemnisation ont subi des prélèvements fiscaux, effectués pour rembourser les prêts de réinstallation, mais pas ceux qui ont bénéficié de la deuxième loi d'indemnisation en 1987. Ce prélèvement pouvait représenter un tiers, 50 % et même parfois 100 % de leur indemnisation. Cela crée donc, entre deux catégories de rapatriés indemnisés, une injustice criarde que tout le monde reconnaît.

Pour revenir sur cette inéquité, le coût serait d'environ 1,8 ou 1,9 milliard de francs. Tous les rapatriés le souhaitent. La loi de 1987 avait prévu à peu près 30 milliards


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pour indemniser les rapatriés. On doit en être à un peu plus de 27 milliards. On pourrait donc trouver les crédits nécessaires pour supprimer cette inéquité et régler un problème qui fâche un peu tout le monde.

J e voudrais évoquer également un problème de mémoire. Le mémorial de la France d'outre-mer doit trouver un lieu - tout le monde est d'accord pour que ce soit Marseille. Il faut que l'Etat prenne le dossier en main pour trouver une solution. Les crédits existent, puisque l'Etat a voté 50 millions de francs. C'est un problème de management. Les rapatriés y sont très attachés et c'est quelque part leur faire injure que de laisser traîner ce dossier à l'infini.

Enfin, il reste un point particulièrement difficile pour nous tous, qui est celui des harkis. Le plan Balladur de 1994 s'achève et il y a en fait deux grands problèmes ! Près des trois quart des harkis ne bénéficient que d'une retraite équivalente au minimum vieillesse. La loi de 1994 avait prévu des indemnisations en capital et il faudrait essayer de mettre en place un système de retraite complémentaire. Différents systèmes ont été imaginés, mais une sorte de rente viagère pourrait être versée par l'Etat, à côté du minimum vieillesse, pour améliorer la retraite de 75 % de nos compatriotes.

Le second dossier criant, c'est l'intégration de la deuxième et même de la troisième génération des harkis.

Des efforts importants ont été réalisés par le ministère et des résultats satisfaisants sont obtenus dans des opérations de reconversion vraiment significatives, mais pratiquement un tiers des 100 000 harkis sont au chômage et il faudrait déployer davantage de crédits vers cette population qui ne se sentira vraiment intégrée que le jour où son taux de chômage sera équivalent au taux national.

Je suis de l'opposition mais, en tant que rapporteur, et en dépit de ces quelques remarques, je souhaite que ces crédits soient votés par tout le monde, dans la concorde, parce que ce dossier extraordinairement sensible mérite d'être bouclé une fois pour toutes. Il n'y aura alors plus de rapport. Les rapatriés, à travers leurs associations, comptent sur vous pour que les textes existants soient appliqués. Avec un peu de bonne volonté, on pourrait régler l'ensemble du dossier. La commission des finances m'a suivi, et je vous propose donc à tous de voter les crédits des rapatriés. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

M. le président.

Nous passons à la discussion.

Après un Val-d'Oisien, un autre Val-d'Oisien (Sourires) :

M. Jean Bardet, premier orateur inscrit.

Vous avez la parole, monsieur Bardet.

M. Jean Bardet.

Monsieur le président, je vous répondrai que je suis fier que cette séance soit présidée par un Val-d'Oisien ! (Sourires.)

Monsieur le secrétaire d'Etat, depuis le vote de la loi de financement de la sécurité sociale par l'Assemblée nationale, se pose la question du rôle de l'Etat dans les problèmes de santé.

Dois-je vous rappeler que c'est Alain Juppé qui a initié cette réforme de structure capitale qu'a été le vote par le Parlement de la loi de financement de la sécurité sociale, grâce au soutien sans faille de la majorité de l'époque ? Dois-je vous rappeler que l'opposition de l'époque, maintenant majorité, s'est opposée, par tous les moyens que lui permet notre règlement, à cette réforme essentielle, et que, maintenant, cette majorité, non seulement se satisfait de cette nouvelle loi, mais en renforce certaines dispositions ? Si je fais référence à la loi de financement de la sécurité sociale, c'est qu'il est important de savoir qui fait quoi.

La loi de décentralisation de 1983 avait défini de façon claire, en matière de santé et en matière sociale, les responsabilités des uns et des autres. Au département, par exemple, le volet insertion du RMI, et à l'Etat le versement du revenu minimum ; au département la lutte contre les fléaux sociaux et en particulier le cancer, l'Etat s'étant conservé la lutte contre le sida et la toxicomanie, le tabagisme et l'alcoolisme.

Le transfert sur le budget de la sécurité sociale des centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie constitue un désengagement de l'Etat en matière de santé, sans d'ailleurs qu'il y ait compensation financière, et grève le budget de la sécurité sociale de 120 millions de francs, allégeant d'autant le budget de l'Etat.

Cette technique de report de charges est d'ailleurs habituelle au Gouvernement. Je n'en prendrai comme exemple récent que la façon dont M. Allègre s'est défaussé sur les régions du problème des lycées avec son prêt de 4 milliards, certes sans intérêts, qu'il faudra néanmoins rembourser, ce qui n'a pas échappé aux présidents de conseils régionaux, y compris socialistes.

Alors que le Haut Comité à la santé publique appelle l'attention des autorités sur l'état sanitaire de notre pays, il est important que l'Etat prenne ses responsabilités.

En effet, à côté d'un certain nombre de points positifs que sont essentiellement l'espérance de vie moyenne de nos compatriotes, la deuxième du monde après le Japon pour la femme, et un peu moins pour l'homme, il existe de grandes lacunes dans nos résultats en matière de santé.

Ainsi, la mortalité périnatale est, en dépit de progrès récents, l'une des plus fortes des pays développés. Les raisons en sont bien connues : la dispersion des maternités, qui ne font pas assez d'accouchements, et, surtout, le trop petit nombre de services de réanimation périnatale, qui, de plus, sont souvent éloignés géographiquement des maternités.

Si, dans la tranche intermédiaire de l'enfance, c'est-àdire de un à quatorze ans, la mortalité en France est voisine de celle des autres pays développés, la mortalité des adolescents et des adultes jeunes est bien souvent le double de celle des autres pays, en particulier la GrandeBretagne.

Cette surmortalité des quinze vingt-quatre ans sur laquelle a déjà insisté M. Accoyer est très préoccupante et nécessiterait un effort particulier du Gouvernement, que je ne vois pas dans ce projet de budget.

A quoi est-elle liée ? A deux grandes causes qui traduisent malheureusement la désespérance de toute une génération.

Les accidents de la circulation représentent la première cause de mortalité de cette tranche d'âge et, bien que l'on parle d'accidents, ces morts sont le plus souvent liées aux excès de vitesse, à l'alcoolisme, ou aux deux, et sont donc évitables.

La deuxième cause de mortalité des adolescents et des adultes jeunes est le suicide. Quel drame abominable que le suicide d'un jeune, et quel échec pour la société.

Lutter contre la mortalité périnatale, lutter contre les morts évitables des quinze vingt-quatre ans, voilà l'un des objectifs prioritaires que doit avoir le Gouvernement.

La tranche d'âge atteignant la cinquantaine, surtout chez les hommes, a une surmortalité qui devrait être évitable. Certes, les Français sont moins que les Anglo-


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saxons sujets aux maladies cardiovasculaires. C'est le

« paradoxe français ». Il a pour origine des raisons variées, mais deux sont habituellement retenues, la consommation d'huile d'olive et la consommation de vin, du moins de façon modérée, car, à l'opposé, les Français sont exposés beaucoup plus que d'autres aux conséquences de l'alcoolisme : accidents de la circulation, cirrhose du foie, maladies psychiatriques.

Je ne suis pas sûr que le désengagement de l'Etat au profit de la Caisse nationale d'assurance maladie rende plus lisible et plus efficace la lutte contre l'alcoolisme.

Les crédits accordés pour la lutte contre l'alcoolisme au chapitre 47-17 apparaissent nettement insuffisants, même si l'on tient compte du transfert de 120 millions de francs non compensés sur le budget de la sécurité sociale.

Le tabagisme est aussi un fléau social qui fait des ravages en France, du fait de ses conséquences sur la santé dans des domaines aussi variés que sont les maladies pulmonaires, les cancers du poumon, bien sûr, mais aussi les broncho-pneumopathies chroniques, qui, si elles sont moins redoutées du public, n'en sont pas moins graves et pénibles et coûteuses pour la société.

La responsabilité du tabac n'est plus à démontrer dans les maladies cardiovasculaires, qu'il s'agisse d'infarctus du myocarde ou de maladies vasculaires périphériques tout aussi redoutables, surtout lorsqu'elles se traduisent par des accidents vasculaires cérébraux handicapants sur le plan personnel, et entraînant des charges financières énormes pour la sécurité sociale, car, bien souvent, ces malades ne peuvent jamais réintégrer la vie active.

Mais là ne s'arrêtent pas les ravages du tabac. Il est responsable des cancers des voies aériennes supérieures, il est un facteur favorisant des cancers de l'estomac, des cancers de la vessie et de bien d'autres.

Si je me suis longuement étendu sur les dangers du tabac que vous connaissez tous bien, c'est pour souligner que les crédits liés à la lutte contre le tabagisme inscrits au chapitre 47-17 sont tout à fait insuffisants : 1,5 million de francs sans qu'il y ait de moyens nouveaux. Ce ne sont pas les taxes supplémentaires qui ont été votées lors de la loi de financement de la sécurité sociale qui ferontr éculer ce fléau. D'ailleurs, les fabricants ont déjà annoncé qu'ils diminueraient leurs prix en proportion des augmentations décidées.

C'est vers les jeunes que les campagnes d'information doivent se faire, car toutes les études montrent que plus la consommation de tabac est commencée précocément, plus le risque de toxicomanie est à craindre pour l'avenir.

Dans ce domaine, je ne suis pas sûr que les déclarations irresponsables de certains membres du Gouvernement se vantant d'avoir consommé des drogues douces en voulant les dépénaliser aillent dans le bon sens.

J'en viens donc à la lutte contre la toxicomanie qui est l'objet des chapitres 47-15 et 47-16.

L'évolution inverse de ces deux chapitres traduit un certain flottement de l'action du Gouvernement dans ce d omaine. Le chapitre 47-15 est abondé de 815 730 000 francs et est donc en augmentation de 36 041 000 francs. Par contre, le chapitre 47-16, qui a trait aux crédits accordés à la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, baisse de 57 642 000 francs alors qu'il avait augmenté entre 1997 et 1998. Il faut dire que tous les crédits n'avaient pas été utilisés, traduisant un dysfonctionnement dans la mission interministérielle qui a d'ailleurs fait l'objet d'un rapport très sévère de la Cour des comptes. Je ne suis pas sûr que le projet d'étendre les compétences de cette mission à la lutte contre l'alcool et le tabac clarifie son action.

Les crédits consacrés à la lutte contre le sida, qui fait l'objet du chapitre 47-18, augmentent de 50 718 000 francs, mais ils serviront également à la lutte contre les maladies transmissibles et en particulier l'hépatite C.

L'épidémiologie de l'hépatite C est voisine de celle du sida, se faisant par transfusion, relations sexuelles et utilisation de seringues souillées par des drogués infectés.

Cette affection tire sa gravité du fait qu'elle est souvent insidieuse mais évolue dans 80 % des cas vers la chronicité : cirrhose et cancer du foie. On estime actuellement à 400 000 ou 500 000 le nombre de personnes atteintes d'hépatite chronique. L'extension au dépistage de l'hépatite C des centres de dépistage gratuit et anonyme du sida apparaît donc souhaitable et nécessaire.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

C'est juste !

M. Jean Bardet.

Je ne vous le fais pas dire.

Vous comprendrez, mes chers collègues, que dans ce budget de la santé, dans le cadre plus général du budget du ministre de l'emploi et de la solidarité, je me sois principalement étendu sur les problèmes purement médicaux, mais je voudrais cependant, dans le temps qui m'est imparti, évoquer quelques chapitres qui me semblent particulièrement importants.

Le chapitre 46-21 a trait aux crédits afférents au revenu minimum d'insertion. Je constate que les sommes allouées, qui étaient déjà de plus de 25 milliards l'année dernière, augmentent de 1,073 milliard, c'est-à-dire de 4,2 %. Certes, ce milliard est expliqué pour une part par une augmentation du taux du RMI de 1,2 % mais, pour le reste, 3 %, par l'augmentation du nombre des allocataires.

Alors que la politique du Gouvernement est, nous dit-on, orientée contre le chômage, cette augmentation de 3 % du nombre d'allocataires en un an, ce qui est loin d'être négligeable, me semble, et je le déplore, un lamentable aveu d'échec, car, au-delà des divers moyens plus ou moins artificiels utilisés pour gonfler les chiffres de l'emploi, les pauvres apparaissent toujours plus pauvres.

Au chapitre 36-81, je dirai un mot de l'article 70 portant sur l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation de la santé. Cette agence, qui a été créée par les ordonnances de 1996, voit ses compétences sans cesse élargies alors que, parallèlement, sa dotation de fonctionnement par l'Etat n'est pas augmentée.

Les autres articles de ce chapitre ont pour objectif de mettre en oeuvre la loi du 2 juillet 1998 sur la sécurité sanitaire, Les trois établissements créés, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments et l'Institut de veille sanitaire, bénéficieront au total de 60 millions de francs de moyens nouveaux, donc 20 millions de moins que ce qui avait été provisionné en 1998.

Pour conclure, mes chers collègues, et pour résumer, je rappellerai que le budget de la santé ne représente que 3,8 milliards de francs, c'est-à-dire une infime partie des dépenses de santé votées dans la loi de financement de la sécurité sociale - 700 milliards de francs - et seulement 4 % du budget de la santé et de la solidarité. De plus, les objectifs de ce budget sont imprécis, les financements croisés peu clairs et les frontières entre ce qui relève de la santé et de la solidarité mal définies. C'est pourquoi le groupe RPR votera contre.

(Applaudissements sur les bancs


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du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

M. le président.

La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, notre rendez-vous budgétaire annuel a, cette année, une importance particulière car, dans le cadre de la solidarité et de la santé, nous assistons à la mise en oeuvre de la loi d'orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions.

A ce propos, il ne faut pas oublier que la pauvreté et la précarité existent toujours dans notre pays, et, surtout, guettent énormément de personnes. L'exclusion hante la conscience nationale. Un sondage souligne d'ailleurs cette inquiétude : 57 % des personnes interrogées la redoutent pour elles-mêmes.

Un certain nombre de places sont créées en CHRS, mais, aux yeux des professionnels de ce secteur, elles sont encore en nombre insuffisant. Nous devons continuer à écouter les acteurs de terrain, qui font un travail en profondeur, au contact des gens, et qui souhaitent que leurs appels soient entendus.

Dans ce domaine, la veille sociale est importante.

Celle-ci doit être traitée par des personnels formés dans nos instituts de travailleurs sociaux, et ces établissements doivent, d'une part, pouvoir accueillir plus de personnes en formation initiale ou continue et, d'autre part, recevoir des subventions d'investissement et de fonctionnement compatibles avec un enseignement de qualité.

Les dépenses du RMI augmentent de 1,1 milliard de francs, pour atteindre 26,4 milliards. La somme est isubstantielle, mais nécessaire.

Cependant, je tiens à redire, une fois de plus, l'importance que nous attachons au « I » du RMI.

Nous nous sommes battus, en son temps, pour son existence.

M. Pierre Forgues, rapporteur spécial, pour les affaires sociales.

Pas trop, tout de même !

M. Denis Jacquat.

Je me suis battu pour que le RMI soit voté, et en particulier pour qu'il ait un « I », car, en commission, certains voulaient un « RM », un revenu minimum. La plupart des membres de l'Assemblée s'occupant du domaine social ont voté pour un RMI.

M. Serge Janquin, rapporteur pour avis, pour l'action sociale et la lutte contre l'exclusion.

C'est tout à fait exact.

Dont acte, mon cher collègue.

M. Denis Jacquat.

Nous voulons toujours qu'il soit obligatoire, que cela soit une insertion sociale ou une insertion professionnelle. Le I doit être le marchepied pour le retour vers un emploi stable et un logement décent.

Il en est de même pour l'API. Cette prestation familiale, qui vise à garantir un revenu minimal à toute personne isolée assumant seule la charge d'enfants de moins de trois ans, doit être aménagée de façon que la maman bénéficiaire ne se retrouve pas du jour au lendemain avec une baisse très importante de ses revenus et surtout sans emploi.

M. Pierre Forgues, rapporteur spécial, pour les affaires sociales.

Bien sûr !

M. Denis Jacquat.

Une transition, professionnelle par exemple, doit être mise en place au moins les six derniers mois.

Dans les moyens mis en oeuvre pour lutter contre l'exclusion, la pauvreté et la précarité, je tiens à insister sur l'importance du volet « emploi ». Il faut, en effet, toujours privilégier l'activité par rapport à l'assistance. Il faut au maximum activer les dépenses passives. Il convient de renforcer les moyens d'insertion afin que les personnes les plus éloignées du marché du travail ne restent pas les oubliées de l'amélioration de la situation économique.

En ce qui concerne les handicapés, le manque chronique de places en CAT persiste, et ce malgré les habituelles dotations annuelles. Par ailleurs, je rappellerai mon intervention lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 : nous devons nous pencher rapidement sur cette nouvelle catégorie de personnes que sont les handicapés vieillissants. (Approbation de M. François Goulard.)

M. Serge Janquin, rapporteur pour avis, pour l'action sociale et la lutte contre l'exclusion.

C'est vrai !

M. Denis Jacquat.

Merci, mon cher collègue.

M. Pierre Forgues, rapporteur spécial, pour les affaires sociales.

Un plan pluriannuel a été prévu !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

M. Jacquat a tout de même raison !

M. Denis Jacquat.

Vous savez fort bien que, entre le nombre de places proposées par les COTOREP et le nombre de crédits accordés, on note une discordance extrêmement importante. Nous devons nous fixer pour but d'essayer de combler les demandes non satisfaites.

Nous en discutions en commission des affaires sociales : dans certains départements frontaliers, les familles de personnes handicapées sont parfois obligées de recourir aux établissements des pays voisins. C'est le cas du Nord avec la Belgique. Nous voulons satisfaire nos propres besoins.

M. Serge Janquin.

rapporteur pour avis, pour l'action sociale et la lutte contre l'exclusion.

Les frontaliers préféreraient trouver des établissements en France !

M. Denis Jacquat.

C'est exactement cela.

M. Pierre Forgues, rapporteur spécial, pour les affaires sociales.

Il y a un plan pluriannuel jusqu'en 2003 !

M. Denis Jacquat.

S'agissant de la santé, nos efforts doivent porter prioritairement dans deux directions : d'une part, l'éducation sanitaire et, d'autre part, la santé des jeunes.

Dans le domaine de l'éducation sanitaire, où beaucoup reste à faire dans notre pays, on ne peut que déplorer la multiplicité des acteurs. Une rationalisation s'impose d'urgence afin d'aboutir à une réelle efficacité. A ce propos, il est bon de rappeler que l'éducation sanitaire doit commencer en amont, c'est-à-dire à l'école.

La santé des jeunes est une réelle préoccupation s'accentuant malheureusement avec le temps. Le taux de suicide est inquiétant ainsi que celui des accidents de la route, et ça a été dit encore il y a quelques instants. Si, dans le premier cas, on peut évoquer « un mal vivre », dans le deuxième cas, on note de plus en plus la polytoxicomanie comme responsable.

Sida, drogue, hépatite C, maladie d'Alzheimer sont des autres chapitres du domaine sanitaire qu'il convient de traiter avec efficacité et qui seront évoqués par d'autres intervenants.

Solidarité et santé sont indissociables dans la vie de l'homme. Solidarité et santé sont indispensables à l'homme. Notre devoir d'élus de la nation est d'améliorer encore plus ces domaines.


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Aussi, le groupe Démocratie libérale et Indépendants, cohérent avec lui-même, s'abstiendra sur le chapitre concernant la solidarité comme il s'était abstenu sur la loi relative à la lutte contre les exclusions. En revanche, il déplore la faiblesse des crédits consacrés à la santé et don c ne les votera pas.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la progression très substantielle de 10,5 % des moyens consacrés à ce budget d'un montant de 70,8 milliards de francs ne peut que nous satisfaire, tant elle témoigne de la volonté du Gouvernement de donner à la lutte contre les exclusions les moyens de son ambition.

Je ne citerai, pour rappel, que l'augmentation des crédits alloués à l'urgence sociale, la création de quatrevingts emplois de niveau A, ou l'amélioration de la qualité des filières de formation ainsi que des effectifs.

Toutefois, la satisfaction de voir cette loi mise en oeuvre par ce budget ne doit pas occulter l'attente qui demeure quant à la parution de l'ensemble des décrets d'application. Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous en préciser la date de parution ? Outre cette priorité budgétaire, la poursuite de l'effort de création de places dans les établissements sociaux est également un motif de satisfaction. Les 2 000 places nouvelles dans les centres d'aide par le travail ou les 100 places supplémentaires dans les CADA - centres d'accueil des demandeurs d'asile - en témoignent.

Pour autant, l'effort consenti pour les centres d'hébergement et de réinsertion sociale, CHRS, ne me semble pas à la mesure des besoins. En effet, bien que 500 places nouvelles soient budgétées, que la subvention de fonctionnement accordée annuellement aux CHRS soit revalorisée, les missions nouvelles confiées à ces centres par la loi relative à la lutte contre les exclusions imposent de plus amples moyens. A titre de rappel, la création du dispositif de veille sociale - article 157 - ou la prise en compte des ateliers de CHRS dans le secteur de l'insertion par l'activité économique - article 18 - soulignent l'efficacité de ces derniers.

Aussi, au regard de ces nouvelles missions, il paraîtrait utile de porter le nombre de créations de places de 500 à 1 000, et de retrouver ainsi le niveau de créations de 1997. Pour ce faire, je vous propose d'amender ce budget et de transférer la somme de 42 millions, correspondant à la création de 500 places supplémentaires, du chapitre 47-21 relatif aux programmes d'action sociale de l'Etat sur le chapitre 46-23, article 22, qui concerne les CHRS. Il s'agit de diminuer l'augmentation des crédits relatifs aux dépenses déconcentrées consacrées à l'intégr ation et à la lutte contre les exclusions, et de transférer les crédits prélevés sur le chapitre relatif au CHRS. Ces deux lignes sont similaires pour leur objet, mais celle relative au CHRS présente l'avantage d'assurer le financement d'actions moins précaires et plus précises car encadrées par ces centres.

Pour le reste, l'intégration de l'allocation de parent isolé, qui permet d'assurer à celle-ci un financement plus stable et pérenne, les actions en faveur du droit des femmes et l'augmentation de l'enveloppe de prise en charge des mesures de tutelle et de curatelle sont autant d'orientations budgétaires qui ne peuvent que nous satisfaire.

Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, l'effort soutenu de ce budget en faveur des minima sociaux ne peut occulter la réalité de la vie quotidienne de celles et de ceux qui vivent ou plus exactement qui survivent avec moins de 3 000 francs par mois, et qui, de fait, sont exclus du droit à la santé, du droit à l'éducation, du droit à la culture, du droit à la pratique du sport. C'est vers ces personnes que toute notre énergie doit porter, notamment en contribuant à améliorer leur niveau de vie, à l'instar de ce qui a été fait pour les personnes âgées, et c'est tant mieux.

Cependant, j'aurais souhaité qu'un geste plus fort soit fait en direction de ces dernières. En effet, si la contribution de l'Etat au programme de rénovation et d'humanisation des hospices représente un effort non négligeable, une réelle contribution de l'Etat envers les établissements d'accueil des personnes âgées dépendantes est souhaitable, en particulier dans la perspective des futurs contrats de plan Etat-régions.

A ce propos, il faut souligner l'effort déjà consenti par certain conseils généraux. C'est pour cette raison qu'il ne faut pas laisser s'installer un décalage entre l'engagement de l'Etat et la réalité du financement. Il serait sans doute nécessaire d'augmenter les enveloppes en direction de ceux qui se sont déjà engagés dans cette direction.

Le financement de 2 000 nouvelles places de CAT par an est une mesure importante, mais qui ne règle pas le problème global des handicapés. Il faut aller plus loin, d'autres l'ont souligné.

L'allocation adulte handicapé est une bonne mesure d'ordre social. Toutefois, un relèvement significatif des crédits est nécessaire dans le cadre d'une politique globale d'accueil et de participation de ces personnes à la vie de notre pays.

Ces quelques remarques, monsieur le secrétaire d'Etat, qui ont porté en particulier sur les CHRS, les chômeurs, les personnes âgées et les handicapés ne visent qu'à parfaire ce budget, qui est en augmentation par rapport à l'an dernier. Par les moyens qu'il met en oeuvre, il est satisfaisant.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous venons de débattre pendant près d'une semaine de la protection sociale du pays à l'occasion de la discussion de la loi de financement de la sécurité sociale et de voter pour la politique de la santé, de la famille et des retraites près de 2 000 milliards de francs de crédits.

Par comparaison, le budget du ministère de la santé est modeste, très modeste même : à peine 3,8 milliards.

Certes, il progresse de 4,5 %, soit plus que l'inflation et plus que la moyenne d'augmentation des crédits des autres ministères. Est-ce pour autant un bon budget ? Je ne le pense pas, car un budget ne se mesure pas à l'aune de l'augmentation mais à celle de l'utilisation des crédits.

M. Jean-Pierre Foucher.

Bien !

M. Jean-Luc Préel.

Or, comme l'a fait remarquer le rapporteur spécial, Gilbert Mitterrand, les dépenses de fonctionnement augmentent et les dépenses d'investissement diminuent de moitié. C'est rarement le signe d'un bon budget.


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En réalité, ce budget permet-il de répondre aux questions majeures qui se posent aujourd'hui au pays ? La première question concerne la santé publique. C'est l'un de mes thèmes préférés. Je lui avais d'ailleurs consacré mon rapport l'année dernière, en tant que rapporteur pour avis du budget de la santé.

S'agissant de la prise en compte de la mortalité prématurée évitable, la prévention et l'éducation à la santé, ce budget représente-t-il un progrès ? Je ne le pense pas.

En France, si nous sommes bons aujourd'hui pour le curatif, nous sommes médiocres pour la prévention et l'éducation à la santé. Contrairement à d'autres pays, nous n'avons pas de politique coordonnée, pas de politique pluriannuelle. Nous ne consacrons que 17 francs par an et par habitant pour la prévention et 250 francs pour la médecine préventive, soit des sommes dérisoires au regard des 12 500 francs dépensés pour les soins.

Nous constatons une grande disparité des intervenants dans le domaine de la prévention, ce qui conduit à l'absence de cohérence. Plusieurs ministères sont concernés. et chacun a sa propre politique : ministères de la santé, de la jeunesse et des sports, de l'éducation ntaionale, de la justice, des transports, de l'agriculture, de l'économie, de l'environnement, entre autres.

Les missions, direction, ou délégations interministérielles sont multiples, ainsi que les intervenants : les caisses - CNAM, MSA -, les sociétés mutualistes, le tissu associatif, le CFES, les collectivités locales, notamment les conseils généraux.

La disparité des intervenants, chacun d'entre eux suivant sa propre politique, ne permet aucune action coordonnée, d'autant que les moyens consacrés à la prévention sont très modestes.

Compte tenu de ce constat, le ministère devrait avoir la volonté de remédier à une telle situation. Or que proposez-vous cette année ? Les ORS - observatoires régionaux de la santé -, dont la mission est pourtant essentielle, manquent cruellement de moyens et doivent le plus souvent rechercher des travaux pour s'autofinancer, travaux qui sont souvent éloignés de leur missions d'observation. Ils survivent, et c'est déjà beaucoup.

Contrairement à un amendement au rapport annexé voté à la demande du groupe UDF les crédits des ORS n'augmenteront pas. Ces observatoires n'auront toujours pas les moyens de leurs missions.

Les conférences régionales de santé, dont le rôle devrait lui aussi être majeur, et qui permettent de réunir toutes les personnes intéressées pour étudier l'offre et les besoins à l'échelon de la région et de préparer les travaux de la conférence nationale, n'auront toujours pas le temps et les moyens de fonctionner. Est-ce volontaire, monsieur le secrétaire d'Etat ? Le CFES, dont le budget dit régulier atteint 35 millions de francs, est alimenté par une subvention d'Etat de 23,3 millions. Celle-ci demeure stable. Il n'y a donc pas d'amélioration pour 1999 ! Le présent projet de budget prend-il en compte les vraies priorités de santé publique ? L'alcool, d'abord. Cinq millions de personnes ont un problème médical lié à l'alcool, 2 millions en sont dépendantes, 190 000 séjours hospitaliers sont dus à l'alcool, 40 à 50 000 décès en sont la conséquence, sans compter le coût social considérable. Que proposez-vous cette année ? La prise en charge des CHAA est transférée à l'assurance maladie. Mais les crédits de l'Etat ne seront plus que de 90 millions de francs, alors que les taxes sur les alcools rapportent 95 milliards. Quelle différence ! Le tabac, ensuite. Il fait 60 000 morts par an avec une progression préoccupante chez les femmes. Certes, vous proposez d'augmenter le prix du tabac, mais la politique des prix ne saurait constituer une politique de prévention et d'éducation. Il serait pourtant plus que temps de s'en préoccuper dans notre pays et de mettre en place une politique coordonnée et pluriannuelle pour traiter la mortalité prématurée évitable.

Il est indispensable de réunir tous les intervenants de ce domaine au sein d'une Agence nationale de prévention et d'éducation, et de la décliner au niveau régional, en créant des agences régionales de santé, regroupant l'ARH et l'URCAM. Il faudra ensuite se donner les moyens en faisant voter par le Parlement, en même temps que l'ONDAM, une enveloppe dédiée à la prévention.

M. Jean-Pierre Foucher.

Oui !

M. Jean-Luc Préel.

Je suis sûr, avec mes collègues de l'UDF, d'avoir raison. C'est pourquoi je vous invite, monsieur le secrétaire d'Etat, à ne pas attendre davantage.

Que de temps perdu déjà, que de morts ! Je poserai maintenant quelques questions concernant la santé.

Q ue proposez-vous pour les médecins de santé publique qui sont aujourd'hui en crise et doivent faire grève ces prochains jours ? Ils attendent une reconnaissance de leur rôle et de leur mission.

Les crédits concernant les IFSI et les écoles de puéricultures sont stables, et pourtant vous savez qu'ils manquent de moyens. Certains sont en situation précaire.

L'Etat, renonçant à son rôle, fait supporter la charge de l'enseignement aux hôpitaux et donc à l'assurance maladie. Les IFSI adossés à des établissements hospitaliers peuvent s'en sortir, mais quel est l'avenir des autres ? Que proposez-vous ? L es subventions d'équipement sanitaire diminuent chaque année et atteignent un niveau ridiculement bas.

L'Etat ne participe donc quasiment plus à l'adaptation de l'offre de soins pourtant indispensable. Lorsque l'on sait qu'il perçoit par ailleurs la TVA, on pourrait espérer de la part de l'Etat un effort plus en rapport.

La subvention de l'ANAES - plusieurs de mes collègues y ont déjà fait allusion - demeure inchangée alors que son rôle est essentiel pour les références médicales, pour l'évaluation, l'accréditation des établissements. Pourquoi ne pas l'avoir renforcée ? Je n'évoquerai pas ici les problèmes majeurs de la formation initiale et continue des médecins, laquelle doit prendre en compte la capacité d'écoute, d'analyse, de synthèse, ni la nécessité de favoriser le contact précoce de l'étudiant avec le malade plutôt que la mémorisation d'une formule chimique. Je n'évoquerai pas non plus le statut du praticien hospitalier, statut qui doit prendre en compte la pénibilité du travail pour remédier aux drames des spécialités sinistrées. En revanche, j'évoquerai deux problèmes concernant la dépendance : la réforme de la tarification et les aides ménagères.

Si vous poursuivez la transformation des hospices, vous ne rattrapez pas le retard pris par l'Etat dans la mise en oeuvre des contrats de plan. Les décrets concernant la réforme de la tarification doivent en principe être publiés prochainement. Le souhait de tous est d'aller vers une simplification et la prise en compte de l'état réel des personnes hébergées plutôt que du statut juridique des établissements.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1998

Il semble que les décrets soient d'une rare complexité.

Quoi d'étonnant ? Nous ne savons pas faire simple, et pourquoi faire simple quand on peut faire compliquer ?

M. François Goulard.

Très juste !

M. Jean-Luc Préel.

Mais surtout, la mise en oeuvre se fera à enveloppe constante. Or selon les chiffres publiés par le ministère en février 1998, 19 000 lits de cure médicale autorisés par les CROSS ne sont pas financés.

Vous en prévoyez 7 000. Mais que deviendront les 12 000 autres. Comment sera prise en charge la médicalisation des établissements qui n'avaient pas déposé de dossier ou qui n'avaient pas reçu d'autorisation parce que, dans la région où ils sont situés, les autorisations sans financement sont refusées ? En fait, les besoins réels de place avoisinent probablement les 40 000.

Par ailleurs, les infirmières libérales pourront-elles continuer à intervenir dans les établissements en étant rémunérées à l'acte ? Que prévoyez-vous pour l'application des 35 heures dans les établissements ? Il s'agit là, vous le savez, d'un réel problème. Le surcoût devra-t-il être payé par le forfait hébergement ? Les personnes accueillies pourront-elles, avec leurs retraites souvent modestes, faire face à ce surcoût ? Les aides ménagères sont le pivot du maintien à domicile. Or les disparités de prise en charge demeurent fortes, selon la caisse dont dépend le bénéficiaire, ce qui est source d'injustice et d'incompréhension.

D eux solutions sont possibles : transformer l'aide ménagère en prestation légale obligatoire ou étendre la

PSD au GIR 4. Pensez-vous corriger cette injustice ? Bien d'autres sujets pourraient être abordés. Ils le seront par mes collègues de l'UDF, notamment par mon collègue Jean-Pierre Foucher, soit dans la discussion soit à l'occasion des questions.

Monsieur le secrétaire d'Etat, nous avons une médecine curative performante, même si des progrès sont possibles en ce qui concerne l'amélioration de l'organisation, avec un fonctionnement coordonné en réseau, notamment, mais nous péchons cruellement au niveau de la prévention et de l'éducation à la santé.

Je ne vous reprocherai pas de vous préoccuper du saturnisme ou de l'amiante, mais les vraies priorités pour notre pays sont de prendre à bras le corps la prévention et l'éducation de la santé, de dépasser les querelles de chapelle, de créer une agence nationale regroupant tous les intervenants pour définir une politique pluriannuelle coordonnée, de prendre en compte la mortalité prématurée évitable, de se donner des moyens en votant une enveloppe dédiée à l'éducation parallèlement à l'ONDAM et de décliner cette agence au niveau régional dans le cadre d'ARS.

Le budget ne prend en compte, cette année, aucune des priorités essentielles de santé publique. Il ne donne même pas des moyens réels à l'ANAES, pivot de la politique d'évaluation et d'accréditation, pour mettre en oeuvre une politique de qualité.

C'est pourquoi le groupe UDF votera contre ce budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Vila.

M. Jean Vila.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce budget enregistre une réelle progression par rapport à l'an dernier, avec une augmentation de 4,5 %. Nous approuvons cet effort car nous savons à quel point nos concitoyens sont attachés aux questions de santé et de solidarité.

Cette progression traduit la volonté du Gouvernement de mieux appréhender les enjeux liés à la santé publique.

La France doit avoir une politique de santé moderne, ouverte, assurant une réelle complémentarité des pratiques préventives et curatives pour répondre aux besoins des Français, comme vous l'avez déjà dit, monsieur le secrétaire d'Etat.

Même si, devant cette détermination du Gouvernement, nous pouvons nous étonner de certains transferts de charges entre l'Etat et la sécurité sociale, cela n'enlève rien à l'impérieuse nécessité de mener des actions fortes dans le domaine de la santé publique ; je pense, par exemple, aux actions de prévention et d'éducation à la santé.

Nous partageons pleinement les axes prioritaires dégagés par ce budget : être solidaire à l'égard des personnes handicapées et des personnes âgées, renforcer les moyens de santé publique et de sécurité sanitaire, lutter contre les exclusions, même si d'autres priorités auraient pu être dégagées.

Sur le premier point, une revalorisation de 1,2 % de l'allocation pour adulte handicapé de 1,2 % est prévue.

Nous ne négligeons pas cette revalorisation, mais elle reste encore insuffisante. Hors inflation, elle est de 0,2 %, ce qui est loin de répondre aux besoins et aux attentes.

En outre, elle ne doit pas atténuer la volonté des pouvoirs publics de favoriser l'insertion de ces personnes.

Il faut leur reconnaître un véritable statut d'usager, leur permettant de jouer pleinement un rôle d'acteur et de responsable dans un projet de vie, comme vous vous étiez engagé à le faire, monsieur le secrétaire d'Etat.

Nous apprécions l'augmentation du financement des centres d'hébergement et de réadaptation sociale, les CHRS, de 3,2 %, qui permettra la création de 500 places, et des centres d'accueil pour les demandeurs d'asile, les CADA, avec la création de 100 places. Est-ce suffisant ? Je ne le pense pas, mais c'est un premier pas qui en appellera d'autres.

Nous saluons également les efforts en faveur des personnes âgées. Celles-ci, après avoir témoigné leur solidarité à l'égard des autres pendant toute leur vie, sont en droit d'attendre la même chose en retour. Les crédits de l'Etat pour l'aide sociale aux personnes âgées et handicapées s'élèveront à 350 millions de francs, ce qui permettra de soulager quelques-uns, mais restera insuffisant pour mener une réelle politique d'aide sociale répondant aux besoins.

Concernant le second axe prioritaire, nous notons avec satisfaction les efforts poursuivis pour lutter contre les grands fléaux sanitaires comme la toxicomanie et le sida.

Même si des transferts de charges importants ont été opérés, il ne faudrait pas que cela conduise l'Etat à se désengager de ses missions de prévention.

Comme vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous voulons que des mesures soient mises en oeuvre pour dépister l'ensemble des malades et favoriser l'accès à la prévention.

Je ne reprendrai pas tout ce que vous avez dit lors du débat sur le financement de la sécurité sociale, mais sachez que nous soutenons des actions comme le dépis-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1998

tage des cancers, la prévention pour la santé des jeunes, la prévention et le dépistage gratuit du HIV et de l'hépatite C.

Enfin, la lutte contre les exclusions trouve sa traduction financière dans le volet santé de ce budget. Au total, près de 650 millions y seront consacrés, dont 157 millions au titre du volet sanitaire et 434 millions au titre des interventions sociales. Nous espérons que cela suffira pour faciliter l'accès aux soins des plus démunis. Mais ces dispositifs devront être accompagnés rapidement de la couverture maladie universelle, qui les complétera.

S'agissant de la solidarité, vous revalorisez le RMI de 1,2 %. Là encore, c'est insuffisant : le Gouvernement doit faire davantage pour aider les personnes concernées et étendre le bénéfice du RMI aux jeunes adultes. Augmenter le RMI et les minima sociaux de façon significative serait un geste fort, apprécié, qui redonnerait espoir à des millions de Français ; nous vous encourageons à le faire. N'oublions pas que cette volonté politique relève de la mission de l'Etat dans sa politique de solidarité nationale. Il ne s'agit pas de développer l'assistanat, mais d'être solidaire des personnes vivant dans la précarité, pour qui vivre dignement est une difficulté permanente. C'est une mission de l'Etat de leur redonner espoir et de mettre en oeuvre des dispositions leur permettant de retrouver le chemin de l'insertion.

Je ne terminerai pas sans dire quelques mots sur les états généraux de la santé et la situation de nos hôpitaux.

Les états généraux devaient être l'espace où chacun pourrait donner son avis, son sentiment, développer ses conceptions sur la politique de santé de notre pays. Ils doivent constituer un moment fort de démocratie en vue de dresser un état des lieux, afin de répondre aux attentes de nos concitoyens et des professionnels de santé. Ces débats devaient avoir lieu avant la discussion du financement de la sécurité sociale et du budget de la santé, pour prendre en compte les avis et les traduire dans la loi. Cela n'a pas été le cas ; nous ne pouvons que le regretter.

Nous nous interrogeons sur le décalage entre les mots et les faits, comme en témoignent les décisions qui ont été prises par décret, sans consultation de la représentation nationale. Nous savons que, dans certains endroits, ces espaces citoyens se mettent en place, mais cela reste timide et manque de souffle. Il serait bon, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous preniez des dispositions pour aider les quartiers, les communes, les villes et les départements à mettre en place ces lieux de discussion.

Dans les hôpitaux, la situation est préoccupante. Les c onditions de travail sont mauvaises, nos hôpitaux manquent de moyens matériels et humains. Le personnel vit de plus en plus mal les situations dues à la gestion quotidienne de la pénurie. Ils sont nombreux à nous dire qu'ils travaillent à la limite de la sécurité, et le recours aux heures supplémentaires est de plus en plus important.

Il faut leur donner les moyens d'assurer leur mission. Ce n'est pas en fermant des établissements ou des services que les problèmes seront résolus. J'en veux pour preuve la situation de Perpignan. La création du dernier hôpital public de France est prévue mais les moyens qui lui seront accordés seront très en retrait par rapport aux besoins.

Selon un rapport de la DATAR, les vingt prochaines années verront un accroissement d'un tiers de la population locale, en particulier une forte augmentation de la population de personnes âgées, et le tourisme accentuera le phénomène. La structure hospitalière publique doit être à la hauteur de cette poussée démographique. Dès lors, les 673 lits actuels ne peuvent représenter qu'un seuil minimum. Or c'est une capacité inférieure de 20 % qui est prévue. Nous avons donc toutes les raisons d'être inquiets concernant la capacité de cet hôpital à répondre aux exigences de qualité des soins d'un grand service public de la santé.

Quelles mesures comptez vous prendre pour renforcer le personnel et appliquer la réduction du temps de travail, pour moderniser davantage les centres hospitaliers et assurer une formation continue du personnel, pour mieux appréhender la prise en charge des malades ? Cela pose en particulier la question du maintien des écoles d'infirmières, qui sont aujourd'hui menacées, et d'une meilleure formation des médecins, que vous avez commencé à entreprendre avec le relèvement du numerus clausus, que nous soutenons.

La décision que vous avez prise de fermer certaines maternités ne va pas sans poser des problèmes dans mon département. Nous avons deux maternités, l'une qui effectue 280 accouchements, à Céret, et l'autre qui en effectue 220, à Prades. Si ces maternités étaient fermées, car elles effectuent moins de 300 accouchements, la seule maternité qui resterait serait celle de Perpignan, mais elle est à deux heures de route des villages les plus éloignés. Je veux bien admettre qu'avec la technologie et les progrès de la médecine on peut prévoir le jour de l'accouchement et prendre ses dispositions, mais la nature humaine est très contrariante et le risque zéro n'existe pas. Ainsi, il est dangereux pour la santé de la mère et de l'enfant à naître de faire deux heures de voiture en pleine montagne pour accoucher. Ces risques ne doivent pas être écartés. L'organisation des maternités en fonction des grossesses difficiles et des risques qui leur sont liés est légitime mais, en fermant les petites maternités, vous encombrez, dans le même temps, certains services qui s'occuperont des cas difficiles. Même chose pour les urgences. Les urgentistes reconnaissent prendre en charge des soins qui ne relèvent pas de leurs missions, ce qui n'est pas sans conséquences sur la qualité des soins dispensés.

En conclusion, je rappelle notre conviction que la santé doit être considérée comme un enjeu de civilisation, et non comme un coût, que les attentes de nos concitoyens et des personnels de santé doivent être entendues afin que des solutions soient trouvées. C'est la condition pour que notre pays dispense des soins de qualité, dans des établissements de qualité, avec du personnel qualifié et en nombre suffisant.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. Jean-Luc Préel.

Un orateur remarquable !

M. François Goulard.

Toujours la tactique de l'interruption, mais vous y mettrez bon ordre, monsieur le président ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

M. Préel dit que vous êtes bon ! C'est pour vous désarçonner ! (Sourires.)

M. Serge Janquin, rapporteur pour avis, pour l'action sociale et la lutte contre l'exclusion.

Ce sont vos amis qui vous interrompent !

M. François Goulard.

Je le déplore, mais on n'est jamais trahi que par les siens ! (Sourires.)

M. le président.

Laissez parler M. Goulard.

M. François Goulard.

J'allais dire, en commençant, que mon propos serait extrêmement modeste dans ce rituel de la discussion budgétaire, au cours de laquelle on déplore que les crédits ne progressent pas ou, au contraire, on se


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1998

réjouit lorsqu'ils progressent de 5 ou 6 %. Je ne suis pas sûr que ce soit un excellent moyen pour notre assemblée de contrôler la dépense publique et de consentir à l'impôt. On se prend parfois à rêver d'autres méthodes, qui ne sont pas encore d'actualité au Parlement français...

J'illustrerai mon propos d'un exemple. Un de nos collègues me faisait remarquer que, sous une autre majorité, M. Vila, dont l'intervention a d'ailleurs été très intéressante, aurait tenu le même discours, mais qu'il aurait voté contre le budget ! Et il va voter pour. Cela relativise la portée de nos propos,...

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Et le vôtre aussi !

M. François Goulard.

... et nous devons donc, je le répète, être très modestes.

Les rapporteurs ont fait un excellent travail et j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les rapports de mes collègues Bernard Accoyer et Francis Delattre,...

M. Pierre Forgues, rapporteur spécial, pour les affaires sociales.

Et les nôtres ?

M. Gilbert Mitterrand, rapporteur spécial, pour la santé.

Vous avez pris l'ordre alphabétique ! (Sourires.)

M. François Goulard.

J'aurais effectivement pu citer d'autres rapporteurs.

J e voudrais très simplement développer quelques points.

En ce qui concerne les handicapés, nous devrions entamer une réforme des lois de 1975. Je pense en effet que, plus de vingt ans après, il est absolument nécessaire qu'un nouvel élan soit donné à la politique en faveur des handicapés. C'étaient de très grandes lois, qui ont mis fin à des situations tout à fait anormales. Il serait vraiment souhaitable que vous soyez à cet égard animé par un esprit de décentralisation.

Mais je connais un peu Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, pour laquelle j'ai le plus grand respect et la plus grande admiration,...

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Ce sera transmis ! (Sourires.)

M. François Goulard.

J'y compte bien, et c'est pour cela que je le dis, monsieur le secrétaire d'Etat ! (Sourires.)

M. Serge Janquin, rapporteur pour avis, pour l'action sociale et la lutte contre l'exclusion.

Attendons la suite !

M. François Goulard.

... et j'ai souvent noté chez elle une vision très centralisatrice des problèmes de notre pays. Elle a tendance à penser que de son esprit fécond peuvent naître les bonnes idées qui régleront les problèmes en tous points du territoire et qu'il suffit ensuite, par voie de circulaires, de faire appliquer par les préfets une politique qu'elle estime bonne.

Je pense quant à moi que, eu égard à la complexité des situations, à la difficulté de faire passer les idées, quelles qu'elles soient, en pratique, il est au contraire nécessaire de miser sur les acteurs locaux.

Ainsi, il n'y a pas très longtemps, un responsable d'association de mon département, le Morbihan, disait au préfet : « Il faudrait passer de la logique de tutelle à la logique de contrat. » Je forme le voeu que, pour la prépa-

ration de ces lois si importantes, vous soyez animés par un esprit de décentralisation et de contractualisation, en particulier avec les associations.

J'établirai un parallèle avec la loi contre l'exclusion. Il est trop tôt pour en faire le bilan, mais il ressort des premières indications dont nous pouvons disposer qu'elle ne change pas radicalement la situation des plus démunis dans notre pays.

M. Serge Janquin, rapporteur pour avis, pour l'action sociale et la lutte contre l'exclusion.

Laissez du temps au temps !

M. François Goulard.

Il est effectivement encore trop tôt pour le dire mais le reproche majeur que nous avons formulé à l'époque, c'est que vous n'avez pas assez misé sur les acteurs locaux dans des actions qui relèvent avant tout des collectivités locales et des échelons les plus décentralisés.

M. Serge Janquin, rapporteur pour avis, pour l'action sociale et la lutte contre l'exclusion.

Vous conviendrez que le Gouvernement n'a pas mis longtemps avant de faire voter cette loi ! L'ancienne majorité a mis quatre ans pour présenter la sienne !

M. François Goulard.

Merci de cet intéressant développement, mon cher collègue ! En ce qui concerne l'ANAES, il est vraiment indispensable que se mette rapidement en place une vraie politique d'évaluation des hôpitaux et des politiques de santé.

Car nos concitoyens ne comprennent plus que l'on s'en remette finalement à des journaux pour évaluer les hôpitaux. Ils ont droit à la transparence, et l'ANAES doit absolument contribuer à cette transparence.

Il faut souligner, car on ne le dit peut-être pas assez, qu'il y a en matière de santé de très grandes inégalités entre nos compatriotes.

M. Serge Janquin, rapporteur pour avis, pour l'action sociale et la lutte contre l'exclusion.

Vous avez raison !

M. Gilbert Mitterrand, rapporteur spécial, pour la santé.

C'est ce que j'ai dit !

M. François Goulard.

Lors de la discussion de la loi de financement de la sécurité sociale, on a évoqué les inégalités entre ceux qui sont très bien couverts, grâce à des mutuelles, et ceux qui, au contraire, ne sont pas couverts.

Mais il y a aussi des inégalités flagrantes en fonction des structures hospitalières auxquelles nos compatriotes ont accès. Ceux qui ont la chance d'être dans le ressort d'un CHU parisien doté de services à la compétence remarquable ne sont pas soignés comme ceux qui relèvent d'un hôpital rural, bien que je n'aie rien contre les hôpitaux ruraux.

M. Serge Janquin, rapporteur pour avis, pour l'action sociale et la lutte contre l'exclusion.

Il y a incontestablement trop d'établissements lourds à Paris !

M. François Goulard.

Certaines inégalités considérables apparaissent parfois au grand jour, et je crois que, dans ce domaine, l'évaluation est la première étape de la réduction des inégalités.

Un mot, enfin, des ARH. J'appartiens au petit nombre de ceux qui pensent que la tutelle des hôpitaux, et en tout cas la régulation financière de la dépense hospitalière, ne devrait pas incomber à l'Etat, mais à l'assurance maladie ; or tel n'est pas le cas. Je suis très critique sur ce point, mais comme vous n'avez pas l'habitude de recourir à des arguments polémiques, vous ne me rappellerez pas que c'est la majorité à laquelle j'appartenais qui a décidé de les créer. En tout cas, j'estime qu'on a le droit d'avoir des divergences avec son propre camp sur des sujets techniques et je crois que les ARH sont une assez mauvaise solution en ce qui concerne les hôpitaux. Je plaide, quant à moi, pour un rapprochement entre l'assureur qu'est l'assurance maladie et l'offre de soins.

J'émets le voeu que, pour les inévitables restructurations hospitalières en cours et celles qui auront lieu,...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1998

M. le président.

Ce sera votre dernier voeu, monsieur Goulard !

M. François Goulard.

Je vous remercie, monsieur le président, de votre complaisance.

M. le président.

De ma tolérance ! (Sourires.)

M. François Goulard.

Pardon ! (Sourires.)

J'émets, disais-je, le voeu que, pour les éventuels regroupements ou fermetures de services, des critères strictement médicaux soient pris en compte, fondés sur la compétence et les capacités, qu'il n'y ait pas d'interférences politiques et qu'on n'utilise pas des règles trop mécaniques, commes celles auxquelles notre collègue Vila a fait allusion à propos des maternités, qu'on s'efforce d'avoir un raisonnement moins administratif et plus proche des réalités hospitalières. Je conclurai sur cet espoir. (Applaudisssements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Voilà au moins un espoir que nous avons en commun !

M. le président.

La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson.

Monsieur le président, mes chers collègues, le projet de budget pour 1999 pour la santé connaît, à structure constante, une augmentation de 3,6 % pour atteindre 3,792 milliards de francs. Certains souligneront que l'augmentation dans l'absolu se limite à 0,3 % mais il convient de rappeler qu'à l'occasion de la loi de finances pour 1998, le Gouvernement avait fait un effort financier très important en faveur du budget de la santé, avec une hausse des crédits de plus de 10 %. De la même manière, nous aurons l'occasion de le répéter, le budget de la santé ne peut être pris en compte sans que soit fait référence à la loi de financement de la sécurité sociale. Ces deux éléments combinés sont l'expression conjointe de la politique de santé publique de notre pays.

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas du tout pareil !

Mme Catherine Génisson.

Ainsi le budget du ministère de la santé revêt-il, dans cette structuration de la politique de santé, un caractère particulier qui se décline autour de quatre axes essentiels et prioritaires.

La majorité et le Gouvernement ont depuis dix-huit mois manifesté à plusieurs reprises leur attachement à la lutte contre l'exclusion et la loi que nous avons adoptée cette année consacre, dans son volet accès aux soins, une place essentielle à la santé. La création des programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins, les PRAPS, est à cet égard significative. Le budget met intégralement en place les moyens annoncés : 250 millions de francs.

Mais l'essentiel se situe non pas dans le montant des crédits, bien qu'il soit déjà important, mais dans la démarche engagée par le Gouvernement : une prise en charge médicale globale de la lutte contre les exclusions, par la mise en réseaux des acteurs médicaux, paramédicaux et sociaux, la valorisation d'initiatives, dans des domaines aussi importants pour des publics précarisés que l'éducation à la santé, l'accompagnement et la prévention, les mesures facilitant l'accès aux soins.

La prochaine loi relative à la couverture maladie universelle permettra de compléter ce dispositif, mais je veux aujourd'hui insister particulièrement sur les nécessaires efforts de coordination à mettre en place au niveau local.

Ils permettent à l'ensemble des hommes et des femmes concernés de mieux se connaître et de travailler ensemble pour faire en sorte que les personnes en situation précaire retrouvent avec dignité l'égalité d'accès aux soins.

Deuxième axe prioritaire du budget, la démarche de globalisation et de cohésion qui anime le Gouvernement dans son combat contre les maladies infectieuses et les toxicomanies.

Ainsi, un milliard de francs est consacré à la lutte contre les toxicomanies, tant au niveau de la direction générale de la santé que de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et les toxicomanies, réorganisée, et dont les compétences ont été élargies à l'alcool et au tabac. Une prise en charge globale de toutes les dépendances est en effet indispensable. L'usage de ces substances est souvent combiné et un travail immense reste à faire dans la sensibilisation des consommateurs et de leur entourage. Nous ne devons pas ralentir notre effort.

La lutte contre les maladies infectieuses se voit affecter 523,5 millions de francs. Nous ne pouvons que nous réjouir de la progression des crédits alloués à la lutte contre le sida au moment où le nombre de nouveaux cas constatés depuis 1995 baisse de manière significative, de même que le nombre de décès. L'effort est maintenu et étendu à la lutte contre l'hépatite C, qui touche 4 000 à 5 000 personnes dans notre pays, dont 20 % seulement évoluent vers la guérison, alors que pour 80 %, c'est la chronicité, c'est-à-dire l'hépatite chronique, la cirrhose, le cancer du foie : 16 millions de francs y sont consacrés, pour pallier l'absence de vaccin par une meilleure prévention et par l'extension à l'hépatite C du dépistage anonyme et gratuit pratiqué aujourd'hui pour le VIH.

Troisième priorité, l'organisation du système de soins avec un budget pour 1999 de 1,56 milliard de francs. La mise en réseaux des acteurs de santé, la modernisation des hôpitaux, autant d'axes importants qui président à la mise en cohérence et à la valorisation de l'offre de soins.

L'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé - ANAES - joue à ce niveau un rôle essentiel. Elle est chargée, de par sa double mission d'évaluation et de validation, de mettre en place la procédure d'accréditation des établissements de santé, publics et privés.

La première version du manuel d'accréditation existe.

Les premiers tests de la procédure commencent dans une cinquantaine d'établissements de santé, afin de lancer la démarche début 1999 avec une version consolidée du manuel d'accréditation. Lors de leur audition en commission, les représentants de l'ANAES nous ont indiqué pouvoir conduire leurs travaux. Leur planning sera avancé par rapport à ce qui avait été annoncé dans les ordonnances de M. Juppé.

M. Gilbert Mitterrand, rapporteur spécial, pour la santé.

Tout à fait !

Mme Catherine Génisson.

L'ANAES offre les outils de la réorganisation, de la modernisation de notre système de santé. Là est tout son rôle, rien que son rôle ! Pour répondre aux besoins de santé de nos concitoyens, il revient aux acteurs de santé d'entreprendre, de réaliser les mutations nécessaires afin de mettre en adéquation offres de soins et bassins de vie. Cette requalification de notre système de soins est l'affaire de tous ! Enfin, quatrième priorité - et les Français ne cessent de marquer leur intérêt pour ce sujet - la veille et le contrôle de la sécurité sanitaire connaîtront en 1999, avec l'application de la loi sur la veille sanitaire, une progression de 42 millions pour atteindre 338 millions. Ces cré-


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dits sont alloués aux trois agences récemment créées que sont l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments et l'Institut de veille sanitaire, doté de 35,8 millions contre 27,4 millions l'an dernier.

Cette détermination à assurer à nos concitoyens la qualité des services offerts, tant d'un point de vue humain, technique, thérapeutique que sanitaire, nous paraît essentielle. Elle s'inscrit dans la volonté de rapprocher le système de soins et de santé des usagers, dans une démarche de transparence et de qualité dont l'intérêt bien compris doit être commun aux deux parties.

Ces axes prioritaires constituent une démarche cohérente que le groupe socialiste soutient. Il n'en reste pas moins que des attentes et des interrogations légitimes persistent.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Ah ! nous y sommes !

Mme Catherine Génisson.

Je ne doute pas que le Gouvernement nous apportera les réponses les mieux à même de nous satisfaire.

J'évoquerai trois préoccupations essentielles, monsieur le secrétaire d'Etat.

La première concerne les crédits des services d'aide médicale urgente. Nous craignons une remise en cause de l'allocation forfaitaire de l'Etat aux centres 15. Nous aimerions être rassurés, tant du point de vue de la qualité du service de soins urgents, que la loi relative à la lutte contre les exclusions permet d'ouvrir à tous, que du point de vue des nouvelles actions menées sur cette ligne budgétaire comme la lutte contre la douleur et le cancer.

Deuxièmement, j'aimerais connaître plus précisément les objectifs du Gouvernement en matière de réorganisation interne des hôpitaux. J'évoquerai les sujets suivants : l'amélioration de leur fonctionnement, par la mise en place des centres de responsabilité qui devraient favoriser le partenariat, les relations transversales entre administratifs et soignants, à condition qu'elles existent à tous les niveaux de responsabilité ; la prise en compte de la pénibilité de l'exercice de certaines spécialités comme la chirurgie, l'obstétrique, l'anesthésie réanimation, l'oxyologie ; la nécessité du maintien des services de médecine générale à l'hôpital ; la prise en compte du handicap des sourds, lors de leur accueil, sujet précis mais important, en particulier pour communiquer - cette demande a d'ailleurs été largement explicitée dans la conclusion du rapport de notre collègue Dominique Gillot.

Troisièmement, je souhaiterais évoquer avec vous, monsieur le secrétaire d'Etat, la simple reconduction des crédits alloués à la formation des personnels paramédicaux, notamment les infirmières. Elle suscite des inquiétudes étant donné que leur démographie augmente.

La solidarité nationale doit aussi s'exprimer clairement vis-à-vis des départements et territoires d'outre-mer, et la progression de plus de 12 % qui porte les crédits pour les TOM, en intégrant Mayotte, à 179 millions, mérite de ce point de vue d'être soulignée.

Je ne doute pas que notre rapporteur ait informé notre collègue, le député de Wallis-et-Futuna, de l'importance de l'effort consenti par le Gouvernement pour apurer dans le temps la dette du service de santé de Wallis-etFutuna, tout en lui donnant les moyens de fonctionner correctement : 16 millions de francs de dotation supplémentaire en 1999, après les 18 millions de francs en 1998, alors que, fin 1997, la dette constatée était de 56 millions.

Je terminerai en abordant un sujet d'une importance extrême, la prise en compte de la nécessaire prévention des risques à mener vis-à-vis de la jeunesse.

De constats en rapports, tout montre que notre pays n'a pas mené assez d'actions préventives à l'égard de ses adolescents, tant du point de vue des accidents mortels que du suicide. Le suicide est la deuxième cause de décès en France des jeunes dans la tranche d'âge des quinze à vingt-quatre ans, et la première pour les vingt-cinq à trente-quatre ans. Il est plus fréquent chez les hommes que chez les femmes. Ainsi, on compte 160 000 tentatives de suicide par an et plus de 11 000 décès.

Ce problème est un réel enjeu de société, tout autant qu'une préoccupation majeure de santé publique.

Le Gouvernement met en oeuvre un programme national de prévention du suicide chez les adolescents et les jeunes adultes de 1998 à 2000. Il s'appuie sur les expériences menées notamment dans neuf régions françaises ayant fait de ce dossier une priorité de santé publique, et nous ne pouvons que nous en féliciter. Nous souhaiterions néanmoins obtenir quelques précisions sur le caractère national du programme et son déroulement dans les mois et années à venir, ce sujet étant vraiment prioritaire.

Comme l'an dernier, 2 millions de francs sont affectés à la lutte contre le suicide. On peut regretter, objectivité d'information oblige, le seul maintien de la même enveloppe que l'an dernier à ce sujet, mais on ne peut, comme certains le font, dénoncer une baisse de ces crédits de 4,5 millions de francs en 1995 à 2 millions de francs en 1998, quand on sait que, pendant deux ans, ce sont ces mêmes personnes qui ont affecté à la lutte contre le suicide 1 million de francs en 1996 et 0,1 million en 1997. Les efforts doivent être poursuivis dans ce domaine, comme dans tant d'autres.

Compte tenu des avancées importantes présentées par ce budget, le groupe socialiste lui apportera son soutien.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Serge Janquin, rapporteur pour avis, pour l'action sociale et la lutte contre l'exclusion.

Voilà une intervention documentée et intelligente !

M. le président.

A la demande du Gouvernement, je vais suspendre la séance pour une dizaine de minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)

M. le président.

La séance est reprise.

La parole est à M. Jean-Pierre Foucher.

M. Jean-Pierre Foucher.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après l'annonce d'objectifs prioritaires qui devraient normalement requérir des crédits conséquents, le budget de la santé pour 1999 semble bien modeste avec son augmentation de 2 % seulement et ses 3,790 milliards de francs de crédits. Loin d'être novateur et ambitieux, il donne l'impression de viser uniquement à la mise en place du programme prévu par la loi de juillet dernier relative à la veille sanitaire et au contrôle de la sécurité


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sanitaire des produits destinés à l'homme. Il est vrai que les crédits consacrés à la santé sont pour la plupart hors de ce budget. Ce dernier ne représente d'ailleurs que 0,35 % de l'ensemble des dépenses de santé ! Les trois cinquièmes environ du budget sont consacrés à la politique de santé publique, le reste allant à l'offre de soins qui bénéficie donc d'une part réduite. Je le regrette parce que les quatre priorités que vous avez annoncées, monsieur le secrétaire d'Etat, me paraissent mériter mieux. En effet, la lutte contre l'exclusion par la mise en oeuvre de programmes d'accès à la prévention et aux soins - PRAPS - exige malheureusement un effort grandissant puisque l'exclusion se développe. Je crains que les 250 millions alloués à cette tâche ne soient largement insuffisants et en outre dispersés, ce qui réduira considérablement leur efficacité. Les moyens nouveaux consacrés à cette première priorité ne représentent que 0,5 % des crédits de la santé. Peut-on donc dire que les PRAPS sont une priorité ? Les maladies infectieuses et les toxicomanies sont considérées comme votre deuxième priorité. En ce qui concerne la toxicomanie, j'avais déjà noté l'année dernière un manque très net d'ambition. Ma remarque sera la même cette année. En effet, les crédits affectés à la mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie sont en baisse de 20 %, ce qui est particulièrement inquiétant puisque ces crédits déconcentrés dans les DDASS avaient permis en 1998 de développer des actions utiles dans le domaine du dispositif spécialisé des soins, notamment en ambulatoire, de financer des centres de soins en ambulatoire avec un rôle de conseil auprès des professionnels de santé et de rééquilibrer les budgets de certains centres. Le manque d'évaluation de la consommation des crédits, que nous avions déjà souligné, a été noté par la Cour des comptes. Ne serait-il pas grand temps de procéder à une telle évaluation, avant de réduire les crédits qui pourraient peut-être être mieux répartis et mieux utilisés ? J'aimerais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous puissiez nous éclairer sur ce point : la réduction des crédits est-elle due à la constatation de l'inefficacité des réseaux, auquel cas il faudrait d'urgence les réorganiser, ou à une mauvaise évaluation des besoins, ce qui conduirait à mener avec diligence une enquête ciblée ? En effet, si les crédits ne sont pas consommés alors que la toxicomanie constitue un fléau évident, notamment pour les jeunes, sachant qu'il touche des personnes de plus en plus jeunes, le problème se pose de savoir si les actions de prévention et de soin qui devraient être menées le sont ou si le problème est ailleurs. Une nouvelle fois, donc, nous réclamons une évaluation sérieuse et la publication de ses résultats.

La toxicomanie est loin d'être le seul fléau. Le tabagisme et l'alcoolisme grandissant, qui lui sont souvent liés, sévissent eux aussi parmi les jeunes et la population féminine. Alors que plus de cinq millions de personnes sont atteintes de troubles liés à l'alcoolisme, les crédits sont particulièrement faibles. Rappelons que l'alcoolisme reste la troisième cause de décès en France et que les populations en difficulté sont plus atteintes que les autres.

Si en moyenne les Français boivent moins, ceux qui le font boivent plus. Il est donc nécessaire de réactualiser les campagnes de prévention et de cibler tout particulièrement les actions sur les jeunes et sur la création de consultations d'alcoologie dans les centres de réadaptation sociale. En ce qui concerne le tabagisme, des campagnes nationales sont également nécessaires. A mon avis, sévir en augmentant le prix du tabac n'est pas la solution puisqu'on constate que le tabagisme commence de plus en plus tôt chez les jeunes, qui ne devraient théoriquement pas disposer de moyens financiers illimités et que les fabricants ne répercutent pas la hausse sur le prix de vente.

Autre fléau hélas bien connu : le sida. De gros efforts de prévention sont encore à fournir, car l'on constate que 41 % des malades ne sont pas détectés avant la phase clinique, malgré les campagnes publicitaires ou les émissions nombreuses traitant du sujet. Une évolution positive est cependant à noter, due certainement aux nouvelles thérapeutiques et à la prise de conscience qui s'est fait jour dans certains milieux particulièrement touchés. Mais les jeunes, notamment en raison de la drogue, sont des victimes potentielles. C'est pourquoi il serait certainement u tile de lier en partie les grandes actions contre l'ensemble des fléaux, l'un allant souvant avec un autre au moins. C'est d'ailleurs ce que vous réalisez, monsieur le secrétaire d'Etat, en ce qui concerne l'hépatie C, les crédits alloués à l'activité des centres de dépistage anonymes pour le sida étant abondés pour servir également au dépistage de cette maladie.

Enfin, d'autres fléaux ne me semblent pas retenir votre intérêt, comme la tuberculose ou la consommation de psychotropes, auxquels vous vous étiez attaché l'an dernier. Pourriez-vous nous préciser, monsieur le secrétaire d'Etat, où en sont les actions qui devaient être mises en place par la loi contre l'exclusion que nous avions votée en avril 1996 ? Là encore, les populations exclues sont une cible privilégiée, chacun sachant que le manque de moyens économiques mène la plupart du temps à un laisser-aller fatidique sur le plan de la santé. Pour les psychotropes, en attendant la loi sur le dopage, la prévention doit déjà être engagée, et ce d'autant plus que leur consommation est une cause importante d'accidents de la route.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

C'est vrai !

M. Jean-Pierre Foucher.

Je souhaiterais insister maintenant sur les problèmes que rencontrent les jeunes. Bizarrement, notre pays tient la première place en Europe pour le suicide des jeunes, et c'est un bien triste record.

Sans doute, je vous le concède, est-il très difficile de lutter en ce domaine et, face à la démission des familles, à l'angoisse de l'avenir, aux facilités que procurent la drogue ou l'alcool, il est difficile de proposer une solution viable. Il faut que nous y réfléchissions tous ensemble, en attendant que les pouvoirs publics, notamment au sein de l'ensemble des centres de dépistage et de prévention, proposent une écoute plus attentive et des explications plus nettes sur les conséquences de certains comportements.

Le mal-être des jeunes ne peut qu'empirer avec la toxicomanie, l'alcoolisme, l'agressivité. Les accidents de la route composent quant à eux une autre cause très importante de décès des jeunes. En la matière, une politique ferme et ambitieuse sur la conduite trop rapide ou en état d'ébriété ne pourrait que recueillir notre accord.

La politique de prévention et d'éducation sanitaire souffre de deux maux principaux qui sont, comme l'a dit fort justement mon collègue Jean-Luc Préel, un manque très net de moyens financiers et une absence de coordination par la dispersion exagérée des acteurs. Je suis tout à fait favorable à la création de l'Agence nationale d'éducation et de prévention à la santé qu'il propose, car ce serait là le seul moyen d'élaborer des orientations cohérentes afin d'établir une politique ambitieuse, ciblée et fructueuse.

Enfin, la petite enfance reste, pour ce qui concerne la mortalité infantile, un problème majeur. Après un effort louable fait ces dernières années dans certains domaines


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comme celui de la mort subite du nourrisson, la France est retombée à un niveau inadmissible. La prévention est plus que jamais d'actualité. Là encore, des campagnes nationales devraient être mises rapidement en place, accompagnées et relayées par les centres de PMI.

Comme les années précédentes, parce que c'est un sujet qui me tient à coeur et parce qu'il est de plus en plus lié à l'exclusion dont souffrent certaines familles, j'aimerais dire un mot de la médecine scolaire, qui ne me paraît pas être soutenue comme elle le mérite. Vous aviez reconnu, en 1997, que les vacations non attrayantes ne favorisaient pas les actions en ce domaine. Je rappelle que de nombreux enfants ne sont suivis que par la médecine scolaire et que l'insuffisance de celle-ci les laisse de côté.

La médecine scolaire devrait donc être une action prioritaire et coordonnée à laquelle, je pense, vous serez sensible.

Revenant à l'organisation de l'offre de soins, les crédits alloués à l'ANAES sont très insuffisants puisqu'ils sont simplement maintenus alors que les missions d'intervention de cet organisme sont étendues. Comme l'ont fait plusieurs collègues, on peut regretter le retard pris dans l'évaluation des établissements, ce qui a entraîné certains magazines à proposer un classement des établissements de santé selon des critères arbitraires. Mis en place en avril 1996, cet organisme n'a pas encore terminé l'étude des trente-deux programmes en cours alors qu'il va fonctionner en 1999 pour la première fois en année pleine. Plus ou moins embourbé, il ne procède que trop lentement aux accréditations, à l'évaluation et à la mise en place de référentiels. La qualité des soins à l'hôpital doit être la même sur l'ensemble du territoire, et c'est la mission principale de l'ANAES que de garantir cette qualité égale.

Or, actuellement, un constat s'impose que l'UDF ne peut accepter : les inégalités régionales entraînent de graves inégalités dans l'accès aux soins.

L es investissements d'équipement sanitaire me paraissent également trop modestes en comparaison des besoins. Le taux moyen de subventions reste faible alors que, dans le même temps, les critères de sélection des programmes sont restrictifs. Cela démontre un manque de crédits évident. Pourtant, les restructurations à accomplir dans le cadre de l'adaptation des établissements hospitaliers représentent une oeuvre de grande ampleur et correspondent à une amélioration sensible du réseau de santé français. Je souhaite pour ma part que l'accord entre le Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière et les organisations syndicales concernant le fonds d'accompagnement social pour la modernisation des hôpitaux recueille rapidement l'acceptation de la Caisse nationale d'assurance maladie. En effet, la mise en oeuvre de ce fonds complétera utilement l'action de l'ANAES.

Enfin, je dirai un mot des crédits consacrés à la mise en place de la loi de juillet 1998 sur la veille sanitaire.

Etrangement, alors qu'il s'agit d'une loi toute récente, les crédits ne correspondent déjà plus aux engagements pris en 1998. Seuls 60 millions de francs sont consacrés aux missions nouvelles de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, de l'Institut de veille sanitaire et de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, alors que 80 millions de francs avaient été provisionnés.

Les compétences sont pourtant multiples et essentielles, notamment pour l'action d'expertise que ces organismes sont censés donner aux pouvoirs publics. Je crains donc un mauvais démarrage, sous le sceau de l'étroitesse des moyens.

Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, les réflexions que m'inspire votre budget. Il est dommage que les crédits ne correspondent pas aux nécessités de la santé des Français et aux ambitions, certes dispersées, mais affichées ces derniers mois. Le problème est que nous n'entrevoyons pas la direction générale que prend votre politique de santé publique. Mais y en a-t-il une de définie ? Cela est d'autant plus inquiétant que, ainsi que je viens de le souligner, plusieurs indicateurs sont mauvais. D'énormes progrès sont à faire rapidement, et nous en attendons les résultats avec impatience.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Béatrice Marre.

Mme Béatrice Marre.

Monsieur le secrétaire d'Etat, s'il est vrai que le taux de féminisation dans la vie publique et le monde du travail s'améliore lentement, un effort spécifique doit toutefois, me semble-t-il, être maintenu afin d'assurer le respect des droits des femmes et l'égalité des chances entre les hommes et les femmes dans une société encore trop encline à les ignorer, voire à les bafouer.

Les trop nombreux exemples de violences, de prostition, de difficultés d'intégration des femmes étrangères, de problèmes liés à la régulation des naissances et à l'é ducation familiale, enfin d'inégalité dans le domaine de l'emploi et de la formation professionnelle, doivent nous faire prendre conscience de l'actualité et de l'inconditionnalité d'un tel soutien.

Or, je souhaite attirer votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur le fait que, malheureusement, les crédits d'intervention du service des droits des femmes sont en constante diminution depuis 1991. En effet, alors que le budget alloué à ce service en 1991 était de 106,4 millions de francs, il n'est plus que de 72 millions en 1998. Certes, pour 1999 - et je m'en félicite - ce budget est en légère augmentation - 11 % par rapport à 1998 -, puisqu'il s'établit à 80,47 millions. Mais j'espère que cette augmentation n'est qu'un premier rattrapage, car l'espoir qu'elle peut susciter ne doit pas nous faire oublier que le premier budget accordé au service des droits des femmes en 1982 était déjà de 72,7 millions, soit un ordre de grandeur tout à fait comparable à celui de 1999 alors même que la population a évolué. Prenant toutefois acte de ces 8,4 millions supplémentaires par rapport à 1998, je souhaiterais faire quelques observations sur leur utilisation.

Il me paraît important, tout d'abord, de renforcer les moyens du réseau associatif, dont l'action en matière de protection des droits des femmes a pris une importance irremplaçable. Les associations manquent de moyens compte tenu des difficultés croissantes qu'elles rencontrent au cours de leurs missions et de l'insuffisance des aides, notamment de l'Etat.

Je pense en particulier au Centre national d'information et de documentation des femmes et des familles, qui doit s'adapter à des situations de plus en plus complexes et surtout urgentes. Par exemple, il s'est trouvé dans l'obligation de contracter un prêt bancaire pour engager des travaux indispensables dans les locaux dont la vétusté devenait insupportable. Et de nombreuses antennes du réseau doivent se trouver dans des situations comparables.

M. Pierre Forgues, rapporteur spécial, pour les affaires sociales.

C'est vrai !

Mme Béatrice Marre.

Je vous remercie, cher collègue.


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Je pense aussi à l'AVFT, l'Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail, qui est en état de faillite, faute de n'avoir pas encore reçu la subvention annuelle de l'Etat. Il me paraît incompréhensible que ce réseau associatif soit contraint de réduire ses activités - voire de les cesser - et son soutien aux femmes dans le besoin, à cause du non-respect par l'Etat de ses engagements.

Le deuxième point que je souhaite aborder concerne le problème de la délégation interministérielle aux droits des femmes. Monsieur le secrétaire d'Etat, les crédits en faible augmentation de ce projet de budget pour 1999, vous semblent-ils suffisants pour pouvoir, comme le Premier ministre l'avait annoncé lors des journées parlementaires de Tours en septembre dernier, donner à cette délégation ses véritables moyens de fonctionnement ? Je rappelle que la totalité des postes de délégué régional ou départemental ne sont pas encore pourvus aujourd'hui, ce qui restreint, vous l'imaginez bien, la portée de l'action de la délégation sur l'ensemble du territoire.

Je terminerai d'ailleurs mon intervention par une citation de Lionel Jospin, le 29 septembre, à Tours : « Une juste représentation [politique] doit être recherchée entre les femmes et les hommes [...]. Le Gouvernement fera en sorte que l'Assemblée nationale examine, avant la fin de l'année, le projet de révision constitutionnelle destinée à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives [...]. La persistance d'inégalités entre hommes et femmes dans d'autres champs de la société justifie un renforcement de nos capacités de vigilance et de proposition. » Et de nos moyens, ajouterai-je

! Nous ne pouvons que nous réjouir de cette volonté du Gouvernement d'améliorer la situation des femmes. Mais, m onsieur le secrétaire d'Etat, la simple cohérence n'aurait-elle pas exigé, pardonnez-moi cette sévérité, l'octroi de crédits un peu plus substantiels en 1999 ? Pouvons-nous au moins, ce soir, obtenir un engagement, celui d'atteindre dans le budget 2000 le niveau de 1991, c'est-à-dire 106 millions de francs ? Ainsi, neuf ans auront été nécessaires pour refaire le chemin parcouru.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Je vous remercie de votre concision, madame Marre, qui n'était pas incompatible avec la densité de vos propos.

(Sourires.)

La parole est à Mme Dominique Gillot.

Mme Dominique Gillot.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget de la solidarité est d'une importance essentielle. Il traduit, pour la première année, l'engagement du Gouvernement dans la lutte contre les exclusions, tel qu'il a été adopté en juillet dernier, et plus fondamentalement, l'engagem ent du Gouvernement contre les processus qui conduisent à l'exclusion en les évitant par des interventions précoces destinées à maintenir chacun dans sa citoyenneté et son utilité sociale.

Ces processus sont généralement faits d'une accumulation de handicaps multiples et divers, d'isolements qui aggravent la précarité. Comme nous l'avons fait lors de la discussion de la loi de prévention des exclusions, il faut combattre avec conviction l'idée qu'une personne qui a besoin de l'aide publique de façon temporaire ou plus durable, pour des raisons physiques, sociales ou professionnelles, soit une personne exclue.

Toute personne doit être reconnue comme telle, avoir sa place et les droits de tous. Elle peut exercer des responsabilités familiales, associatives, politiques, culturelles qui sont autant de responsabilités citoyennes à valoriser et sur lesquelles s'appuyer pour lui garantir le respect de ses semblables et la considération de soi-même.

Le budget qui nous occupe aujourd'hui contient cette dimension essentielle pour répondre à l'urgence sociale, orienter la solidarité vers le retour à l'emploi, l'insertion par l'économique, mieux agir contre les exclusions de façon transversale.

Ainsi, ce sont 493 millions de francs qui concrétisent au niveau du budget de la solidarité, l'engagement de l'Etat dans sa lutte contre les exclusions.

Cet effort conséquent n'est qu'une partie de ce que va entraîner la mise en oeuvre de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, et je voudrais centrer la suite de mon propos sur le public qui appelle une solidarité active et respectueuse tant de ses besoins que de ses aptitudes à participer à la cohésion sociale : je veux parler des handicapés. Les crédits budgétaires qui leur sont consacrés augmentent de 5 %. L'affirmation des droits fondamentaux est contenue dans notre projet politique.

Donner à chacun la possibilité d'y accéder est le défi à relever.

La loi du 10 juillet 1987 est une réponse aux difficultés d'accès à l'emploi des personnes handicapées. Elle ne fonde cependant pas encore une politique cohérente que garantirait une interministérialité vigilante et une prise en charge financière suffisante de ses conséquences.

La persistance de l'accroissement des allocataires de l'AAH a plusieurs causes : certes, une meilleure connaissance de leurs droits par les intéressés, un fort flux d'entrées dans le dispositif, une certaines inertie de la population des bénéficiaires, mais aussi, et surtout, la faiblesse des ressources des intéressés - 60 % d'entre eux perçoivent une allocation à taux plein.

Trop de personnes handicapées ne peuvent encore accéder, malgré la reconnaissance de travailleurs handicapés par la COTOREP, à un emploi adapté en milieu ordinaire. Mauvaise information, absence de mobilisation du milieu professionnel, difficultés trop lourdes à surmonter pour la personne handicapée, inadaptation du milieu ordinaire, mauvaise appréciation des COTOREP, absence de motivation au-delà des quotas de bonnes intentions, autant de réponses qui justifient une implication plus forte des pouvoirs publics pour garantir aux adultes handicapés une meilleure insertion en milieu ordinaire, à laquelle ils aspirent légitimement.

Une réforme des COTOREP, pour obtenir une plus grande rapidité, une égalité de traitement d'un département à l'autre, d'une année à l'autre, une meilleure connaissance des conséquences de chaque handicap et des moyens de les dépasser est urgente.

J'appuie donc la demande du rapporteur visant à obtenir une meilleure lisibilité et une meilleure efficacité des institutions publiques qui ont la charge de la solidarité envers les handicapés. Il est nécessaire de procéder au réexamen global de ces prises en charge, dans la concertation avec l'ensemble des intéressés, en garantissant à c haque partie les moyens de sa responsabilité. La conscience politique commande de dépasser les rigidités administratives et les logiques sectorielles.

Dans les premières étapes de la vie, dépistage, diagnostic et éducation précoce doivent largement concerner les parents. Ils doivent leur garantir, dans une égalité d'accès à leurs droits et à ceux de leurs enfants, leur place de parents.


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Pour l'éducation et l'enseignement, les aptitudes de l'enfant et les choix des parents doivent être respectés et guidés. Sur les orientations, un enseignement spécialisé, performant et ouvert, une intégration scolaire en milieu ordinaire justifient le rapprochement des deux ministères, celui de la solidarité et celui de l'éducation nationale. Il faut prévoir à chaque étape l'accompagnement, le soutien éducatif et sanitaire adapté au projet individuel de l'enfant handicapé et aux choix de sa famille. Il faut poursuivre les parcours jusqu'au plus haut niveau. Les portes de l'enseignement supérieur doivent s'ouvrir aux étudiants handicapés.

M. Serge Janquin, rapporteur pour avis, pour l'action sociale et la lutte contre l'exclusion.

C'est vrai !

Mme Dominique Gillot.

Leur expérience est toujours très utile à leurs camarades et à leurs professeurs, leurs compétences sont utiles à la société et à la collectivité publique.

L a formation professionnelle, quant à elle, doit répondre aux attentes du marché de l'emploi et aux aptitudes des handicapés. Trop d'incohérences et d'inadaptations conduisent encore vers un gâchis financier, qui prof ite tout de même aux promoteurs d'actions de formation, vers une frustration des personnes et un gel des évolutions positives par l'emploi.

La création des 2 000 places supplémentaires de CAT et des 500 places en atelier protégé, si elle peut répondre à des besoins identifiés, doit être complétée par une meilleure ouverture du milieu ordinaire, une plus grande sensibilisation du milieu professionnel et une optimisation du partenariat avec l'AGEFIPH.

Je sais, notamment, pour un secteur que je connais bien, que ce recentrage est en marche. Une affirmation politique claire devrait l'accélérer.

Pour terminer mon propos, monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais en venir à un public que j'ai appris à connaître, celui des sourds et déficients auditifs, qu'ils soient de naissance ou non. Leurs besoins sont aujourd'hui assez clairement identifiés par un rapport que j'ai eu l'honneur de remettre au Premier ministre. Des mesures de bon sens sont impatiemment attendues, notamment pour leur garantir un véritable accueil dans les services publics, qu'ils soient de transport ou de logement, de l'éducation, de la justice ou de la police, de la santé surtout et, là, je me tourne vers vous, monsieur le secrétaire d'Etat. L'assistance publique a mis en place un service d'accueil pour les sourds et déficients auditifs à la Salpêtrière, qui devrait être modélisé dans une douzaine de sites en France pour permettre ainsi à ces personnes qui ont un grave déficit de communication de rencontrer des équipes médicales averties, sensibilisées à leur problème, capables de comprendre leurs symptômes et de leur expliquer le diagnostic et le protocole de soins, en un mot de les rendre responsables de leur santé.

D'autres mesures de ce type sont à mettre en oeuvre pour leur faciliter la vie quotidienne et éviter les dépendances à un tiers. Ces mesures d'ouverture, d'accueil, de prise en considération des besoins, mais aussi des aptitudes naturelles et des compétences acquises des handicapés devraient nous permettre de construire une société plus généreuse, plus attentive à ceux qui présentent une différence, différence qui devient trop souvent invalidante si elle n'est pas identifiée, qui devient facteur d'exclusion quand elle est négligée et empêche celui qui en est le porteur d'exercer sa responsabilité individuelle et sa citoyenneté.

La prise en charge globale de ces questions du handicap devrait trouver sa place dans un plan national qui mobiliserait toutes les compétences au-delà du cercle familial qui ne doit pas, comme c'est trop souvent le cas, être le seul lieu d'interprétation sociale. Il s'agit d'une responsabilité nationale d'envergure à laquelle nous sommes prêts. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Serge Janquin, rapporteur pour avis, pour l'action sociale et la lutte contre l'exclusion.

Très bonne intervention, madame !

M. le président.

La parole est à M. Philippe Nauche.

M. Philippe Nauche.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget de la santé que nous examinons aujourd'hui comprend des motifs de satisfaction et soulève des questions.

Les motifs de satisfaction, d'abord. Comme l'ont indiqué un certain nombre de collègues avant moi, ce budget est en augmentation de 3,4 % à structure constante et donne priorité à la lutte contre un certain nombre de fléaux sanitaires, c'est-à-dire contre un certain nombre de morts évitables.

Les questions, quant à elles, concernent la politique de santé publique et la politique de prévention.

Dans notre pays, tous budgets confondus, 10 francs par habitant, environ, sont consacrés à l'information et à l'éducation pour la santé, 250 à la médecine préventive et 11 000 aux soins. Cela donne une bonne idée de ce que, historiquement, d'année en année, nous consacrons et voulons consacrer aux politiques de prévention.

La prévention est morcelée dans notre pays. En effet, nous devons reconnaître qu'il n'existe pas de véritable culture de prévention, mais une domination quasi exclusive de la culture curative. Le véritable enjeu de la prévention, aujourd'hui, est celui d'une rationalisation et d'un développement de la prévention rassemblés sous l'égide de votre ministère. C'est ainsi que l'on améliorera son efficacité. Lorsque nous parlons santé dans le débat public, c'est essentiellement pour modifier l'offre de soins.

Or, qu'observons-nous dans les médias ? Il y a, d'un côté, les débats qui ne portent que sur les enjeux financiers et, de l'autre, un certain nombre d'émissions de télévision ou de reportages qui assènent un discours médical, délivrés par d'excellents spécialistes, certes, mais qui vantent essentiellement les prouesses techniques dont seuls quelques services dans le pays sont capables. Nous sommes bien loin là des objectifs de santé publique.

Monsieur le secrétaire d'Etat, nous fondons des espoirs importants dans les états généraux de la santé, car c'est seulement après consultation de la population que pourront être déterminés les véritables besoins. Une approche strictement médicale ou administrative de l'évaluation de ces besoins conduit à confondre ceux-ci avec les soins.

On ne peut mesurer les besoins de santé seulement par le niveau des dépenses, de lits ou d'équipement par habitant, car cela ne permet ni de mesurer les inégalités devant la santé ni d'approcher les besoins réels, puisque les conditions de vie sociale, environnementale ou autres ne sont ainsi pas prises en compte. Cette méthode fait même du passé la seule norme du futur alors que nous devons au contraire anticiper les bouleversements de notre société pour mieux répondre demain aux besoins de santé.

Le rôle des politiques est ensuite de proposer des solutions répondant à ces besoins et expliquant les modalités raisonnables de réponse.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1998

M. François Goulard.

C'est vrai !

M. Philippe Nauche.

Cela signifie que la population doit être informée au quotidien des outils qui sont mis en route, du calendrier de ce qui peut être fait. Cela nécessite, à mon sens, de développer la notion de territoires de santé, au sein desquels on doit pouvoir trouver une cohérence des différentes actions. Dans cet espace à dimension humaine, dans ce « pays », au sens de l'aménagement du territoire, un certain nombre de fonctions doivent être assurées au plus près de la population, qu'il s'agisse de la prévention, de l'éducation pour la santé, mais aussi, bien sûr, de l'offre de soins curative organisée en réseau sous forme de fonctions à assurer, quel que soit l'acteur public ou privé qui assume la fonction au service de tous.

L'évaluation des différents acteurs afin que chacun de nos concitoyens soit assuré de bénéficier en permanence d'un niveau adapté de soin est, bien entendu, nécessaire.

A cet égard, l'ANAES est un maillon essentiel du droit des malades. En effet, le défi majeur que nous aurons à relever est celui de l'égalité des chances, égalité des chances ici comme dans d'autres secteurs. Le débat budgétaire doit être l'occasion de préciser les enjeux du futur en ce domaine.

Enfin, nous devons poser le problème de l'organisation sanitaire de notre pays. Les rôles respectifs des agences régionales - DRASS, DDASS - de l'administration centrale ne doivent-ils pas évoluer ? Faut-il aller vers plus de régionalisation ? Les agences régionales d'hospitalisation doivent-elles évoluer vers une extension de leur champ de compétences et se transformer en agences régionales de santé ? Les établissements doivent-ils aller vers plus d'autonomie de décision ? La démarche d'accréditation ne doit-elle pas dépasser le seul cadre strict des établissements et concerner l'ensemble des professions de santé ? L'objectif est bien de rapprocher l'action publique de la population et d'assurer la transparence de notre système de santé, seule garante de la démocratie sanitaire. La volonté politique que vous exprimez au travers de ce budget conduira le groupe socialiste à le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. André Aschieri, dernier orateur inscrit.

M. André Aschieri.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la France consacre près de 10 % de sa richesse à la santé, mais il existe encore de graves inégalités sociales et des disparités régionales flagrantes. Un rapport récent du Conseil économique et social soulignait la priorité que le système français donne à la médecine curative. Cela explique les performances médiocres dans des domaines qui relèvent de la prévention.

Les maladies liées directement à notre environnement, les risques iatrogènes, la mortalité en couche nous poussent à reconsidérer notre système de soins. L'état de la santé d'une population résulte de la conjonction de multiples facteurs. L'existence d'un système de soins organisés n'est que l'un d'entre eux.

Nous devons passer d'une société d'assurance à une société de responsabilité, anticiper le risque afin de le réduire. En un mot, « prévenir » doit aujourd'hui guider nos choix en matière de santé publique.

Prévenir, c'est d'abord garantir l'accès à la santé pour tous. La restructuration du système hospitalier doit se faire en concertation avec tous les acteurs, au regard des besoins de la population. Il est nécessaire de maintenir des services de soins accessibles à tous. Les structures d'accueil pour les personnes en difficulté constituent une étape majeure du dispositif de lutte contre les exclusions.

Pour les plus démunis, le seul lieu d'écoute et de soins reste souvent le service des urgences. La misère n'est pas rentable, on le sait. La médecine privée ne jouera sans doute jamais le rôle social de ces structures publiques. Il vous faut, monsieur le secrétaire d'Etat, sauver cet accueil de proximité.

Prévenir, c'est aussi informer. Les moyens destinés à la lutte contre le tabagisme sont encore trop insuffisants.

Développer les campagnes de prévention, c'est sensibiliser les jeunes au risque choisi. Arrêter de fumer : pour soi mais aussi pour autrui. C'est une prise de conscience à faire le plus tôt possible. Les prévisions de mortalité liées au tabagisme, à l'horizon 2025, sont alarmantes et les estimations ne sont guère plus rassurantes concernant l'alcoolisme. Le rapport Roques mettait en évidence la dangerosité du tabac et de l'alcool, bien avant celui du cannabis, qu'il est plus facile de dénoncer.

Prévenir, c'est encore donner la priorité à la santé de nos enfants. Le Haut Comité de la santé publique a montré combien la situation de la santé des enfants et des jeunes devient préoccupante. L'augmentation de l'espérance de vie de la population, dont on se flatte, résulte désormais du prolongement de la durée de la vie des personnes âgées et non plus de celle des jeunes, comme par le passé.

Les données statistiques témoignent d'un mauvais bilan des quinze à vingt-quatre ans, et surtout d'un mal-être dont la gravité ne doit pas être sous-estimée. Troubles du sommeil, anxiété, désespoir face à l'avenir, l'Etat se doit d'apporter des réponses concrètes. Rappelons que le suicide représente pour ces jeunes la deuxième cause de mortalité après les accidents.

Parce que les comportements sanitaires de l'enfance induisent les maladies de l'adulte, c'est aujourd'hui qu'il convient de prévenir les pathologies de la société du XXe siècle. Nous souhaitons que soient mis en place des comités d'éducation à la santé dans le plus grand nombre d'établissements scolaires. Nous rappelons d'ailleurs qu'en 1997 le Parlement des enfants avait réclamé la présence d'une infirmière par école. Seulement 18 % des écoles en sont aujourd'hui dotées.

L'école doit redevenir un lieu d'éducation sanitaire.

Nutrition, hygiène de vie, lutte contre l'enfance maltraitée et information sexuelle permettront de former demain des citoyens en bonne santé et surtout épanouis. L'Etat ne doit plus se contenter d'éteindre les incendies, il doit mener une véritable politique de prévention.

Prévenir, c'est aussi permettre l'accès aux médecines alternatives.

M. François Goulard.

C'est dangereux !

M. André Aschieri.

La médecine ne doit plus seulement être allopathique. Il existe des alternatives : de l'ostéopathie à l'acupuncture, de la diététique à l'homéopathie, ces autres médecines gagnent les faveurs de la population. Elles considèrent non seulement la maladie à éliminer mais aussi la santé à développer. Elles replacent l'élément pathologique dans l'histoire de la vie du patient. Cette approche, d'un coût moins élevé que les médecines traditionnelles, doit être accessible à tous. Non remboursés, ces autres moyens thérapeutiques restent une médecine de confort, alors qu'ils doivent s'inscrire dans la politique globale de santé publique qu'il faut mettre en place.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1998

Informer la population sur les risques encourus est un devoir de l'Etat.

L'Office de protection contre les rayonnements ionisants est financé pour une part importante par le budget de la santé. A l'occasion de ce débat, les députés Verts souhaitent rappeler qu'ils attendent la création d'un grand organisme indépendant de radioprotection et de sûreté. Notre collègue Jean-Yves Le Déaut avait dénoncé l'insuffisance des moyens consacrés à la radioprotection.

Au regard des risques avérés du nucléaire, les citoyens sont en droit d'être informés. Tirons les leçons de La Hague, d'autant que l'actualité nous y invite encore. Il faut donner plus de garanties, plus de transparence, pour rétablir la sécurité et la confiance des citoyens.

Vous l'avez compris, monsieur le secrétaire d'Etat, les députés verts attachent une attention toute particulière à la politique de prévention qu'il convient de mettre en place.

Même si votre budget n'est pas encore celui que nous aurions souhaité, nous savons que vous vous efforcerez de le développer. Votre conception de la santé publique rencontre la nôtre. Aussi les Verts vous font-ils confiance et s'associent, par leur vote, aux réformes que vous engagez aujourd'hui.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.

Monsieur le président, je sais que toutes les interventions sont minutées. Je m'efforcerai donc de ne pas dépasser le temps qui m'est imparti et de ne pas imiter certains exemples dont on m'a parlé.

(Sourires.)

M. Denis Jacquat.

On pourrait vous en citer d'autres.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Mesdames, messieurs les députés, messieurs les rapporteurs, le budget que je vous présente est en général critiqué pour sa faiblesse, surtout par comparaison avec d'autres mastodontes qui interviennent aussi dans le domaine de la santé. Chaque année, on déplore son insuffisance. Croyez bien que je le regrette aussi. Néanmoins, je vais m'efforcer de vous démontrer qu'il nous permet de mener au mieux les actions de prévention et de santé publique que vous appelez tous et toutes de vos voeux.

N'oubliez pas, cependant, qu'il existe dans notre pays une Caisse nationale d'assurance maladie qui pèse très lourdement, pour le pire dans la comparaison, mais pour le meilleur quant à la santé de nos concitoyens. Or le budget du ministère de la santé n'a pas pour vocation de la suppléer ou de la renforcer. Il a essentiellement un rôle indicatif. Même si cela doit être retenu contre moi, je dois avouer que je le déplore parfois.

Dans notre système, qui présente à mon avis, beaucoup plus d'avantages que d'inconvénients par rapport à d'autres systèmes que nous connaissons tous, on est parfois embarrassé pour indiquer, comme je vais le faire, des directions, qu'il s'agisse de prévention ou de mise en oeuvre de solidarités nouvelles. En effet, certaines pesanteurs - j'emploie ce terme pour rester pudique - sont si lourdes qu'il faut plusieurs années pour que ces efforts, ces indications aboutissent. Tel est le cas avec le contenu du budget de la santé, alors que cela n'est pas vrai pour celui de la solidarité, qui a des lignes de crédits beaucoup plus conséquentes.

J'ai donc l'honneur de vous présenter aujourd'hui, au nom de Martine Aubry et de moi-même, les crédits de la santé et de la solidarité pour 1999. Ils rendent compte des responsabilités de l'Etat vis-à-vis des personnes les plus fragiles de notre société. Ils témoignent de notre attention envers ceux qui sont exclus partiellement, totalement parfois, du bénéfice des progrès économiques et qui subissent les inégalités, l'isolement et la violence des rapports sociaux.

La loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions votée en juillet dernier donne de cet immense champ d'action une vision nouvelle dont ce budget porte t émoignage. Je remercie vos rapporteurs de l'avoir compris et souligné.

M. Forgues a regretté certains retards dans la transmission des réponses au questionnaire budgétaire. Je ne les nie pas et je sais que certaines réponses n'ont pas été données. Je le déplore et je le prie de nous en excuser. Je m'en suis pourtant inquiété moi-même ainsi que Martine Aubry. A la décharge des services, et outre le fait que les conseillers de Martine Aubry et les miens se sont tenus constamment à la disposition des commissions, il faut mesurer la charge de travail que représente l'élaboration des textes d'application de la loi relative aux exclusions et la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Je suis donc aussi préoccupé que vous, monsieur Forgues, dont je connais l'intérêt pour ce ministère, de la nécessité d'ajuster les moyens de l'administration sanitaire et sociale à l'ampleur, toujours grandissante de ses missions. M. Mitterrand a d'ailleurs longuement abordé ce sujet en soulignant les acquis du budget de ce point de vue. Je m'engage donc à faire en sorte que le dialogue entre les services et le représentation sociale soit encore amélioré.

Cela étant, la croissance quantitative d'un budget - vous l'avez presque tous souligné - n'est pas une fin en soi. Cependant, je vous invite à voir dans le fait que le budget de la santé et de la solidarité augmente de 4,5 %, soit deux fois plus que la croissance moyenne du budget général de l'Etat, le signe tangible de l'engagement prioritaire du Gouvernement en faveur de l'action sanitaire et sociale. Comme M. Gilbert Mitterrand l'a souligné, ce n'est pas l'augmentation qui est significative en ellemême, mais l'indication de tendance qu'elle donne.

Hors crédits de la ville que vous avez adoptés en première lecture mardi dernier, ce projet de budget s'élève à près de 80 milliards de francs, 79 921 millions exactement, contre 72 436 millions en 1998. Cette progression brute de 7,5 milliards comprend la prise en charge par l'Etat, pour 4 233 millions, de l'allocation de parent isolé, en contrepartie de la révision du quotient familial, qui permet de rétablir les allocations familiales pour tous sans condition de ressources, dont nous en avons souvent parlé sur ce bancs.

Hors allocations de parent isolé, ce budget s'établit donc à 75 687 millions, dont 66 660 millions pour la solidarité, 3 792 millions pour la santé et 5 274 millions pour les budgets des services. La progression réelle de ce budget, à structure constante, est donc de 3 250 millions.

Certes, 70 % de cette hausse, soit 2 250 millions sont imputables à la progression des dépenses d'allocation aux adultes handicapés et au RMI, même si - nous y reviendrons, car des questions ont été posées à ce propos l'évolution des effectifs du RMI marque une lente décrue, qu'a expliquée M. Serge Janquin. Mais, en dépit de cette contrainte et de l'absence de marges de redéploiement, toutes les priorités de notre action sont ainsi financées.

Cet effort budgétaire permettra notamment de traduire dans la vie quotidienne de nos concitoyens les effets de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1998

deux grands textes de loi votés cette année, relatif l'un à la prévention et à la lutte contre les exclusions, l'autre au renforcement de la sécurité sanitaire.

Notre premier souci a été d'assurer le financement intégral des mesures de la loi et du programme de lutte contre les exclusions qui incombe au budget de la solidarité et de la santé : 725 millions de francs de mesures nouvelles leur sont spécifiquement consacrés, 1,8 milliard si l'on y ajoute l'ajustement de la dotation du RMI.

D'aucuns ont déploré que ces crédits ne soient pas suffisants. Nous verrons bien. C'est la première année. Je pense que, s'ils sont dépensés convenablement, ils seront significatifs.

Un premier ensemble de mesures participe directement au volet emploi du programme de lutte contre les exclusions.

Sans anticiper sur la discussion de demain, je veux souligner la cohérence des deux budgets emploi et solidarité.

Notre stratégie de lutte contre le chômage est, en effet, fondée sur des mesures structurelles de développement de l'emploi, mais aussi sur la concentration de moyens au profit de ceux, jeunes ou adultes, qui ont le plus de difficulté à accéder à l'emploi.

C'est sur ce second objectif que l'action sociale de l'Etat rejoint la politique de l'emploi. Les uns ayant été confrontés à des difficultés sociales, les autres étant démeurés longtemps à l'écart du marché du travail, d'autres encore ayant cumulé les deux handicaps, la réinsertion dans l'emploi ne va pas de soi. Elle ne se fait pas automatiquement et sans difficulté. Cette possible réinsertion nécessite en fait tout un parcours préalable au nouveau départ mis en exergue par le Plan national pour l'emploi, pour lequel il faut pouvoir compter sur un appui individualisé et suivi dans le temps.

Le budget de la solidarité contribue à cette démarche par deux mesures annoncées dans le programme de lutte contre les exclusions : l'abondement de 120 millions de francs des fonds d'aide aux jeunes dans le cadre du programme TRACE, après l'apport de 30 millions de francs en octobre dernier, et la hausse de 100 millions de francs des crédits de l'accompagnement social individualisé, l'ASI.

La montée en charge des moyens des fonds d'aide aux j eunes permettra d'assurer aux plus démunis des 10 000 jeunes pris en charge dans le cadre du programme TRACE en 1999 une aide matérielle qui produira ses effets dans les intervalles entre deux contrats, comme je viens de l'expliquer, ou entre deux stages de formation.

Cet effort devrait être suivi par les conseils généraux et les quelque 2 000 communes qui, vous l'avez rappelé, monsieur Janquin, contribuent aux fonds d'aide aux jeunes.

Ainsi que je l'ai indiqué, 100 millions de francs viendront abonder les crédits de l'accompagnement social individualisé, lesquels sont ainsi doublés. Votre rapporteur a parfaitement rappelé le rôle déterminant de l'ASI pour débloquer des situations sociales difficiles en amont d e la démarche d'insertion professionnelle. Je me contente donc d'indiquer, mais ce n'est pas rien, que le fonds social européen viendra doubler cet effort de l'Etat.

Outre le logement, le deuxième grand volet du programme de lutte contre les exclusions vise à répondre à l'urgence sociale.

Le dispositif de veille et d'urgence sociale trouve dans l'article 157 de la loi d'orientation contre les exclusions une assise législative qui consolide ses missions, légitime ses modes d'intervention et lui permet de progresser vers la coordination nécessaire à sa pleine efficacité.

Mis en place et constamment amélioré grâce aux efforts constants des pouvoirs publics et des associations, ce dispositif compte aujourd'hui 30 000 places en centres d'hébergement et de réadaptation sociale, sur lesquels je reviendrai, 15 000 places d'hébergement d'urgence et 28 000 places bénéficiant de l'allocation de logement temporaire, l'ALT, portées par le budget du logement qu'il ne faut pas oublier comme apport important aux lois contre l'exclusion. Il s'appuie aussi, de plus en plus souvent, à l'initiative des associations, sur des lieux d'accueil de jour et sur des équipes mobiles formées pour aller au devant des personnes les plus désocialisées, en particulier les jeunes en errance, dont plusieurs d'entre vous ont parlé.

Notre budget complète les avancées de la loi en apportant au dispositif les moyens nouveaux nécessaires pour progresser en qualité, pour soutenir les initiatives prises par les associations, promouvoir des structures de plus en plus différenciées et répondre ainsi, par des solutions de réinsertion adaptées, à l'hétérogénéité croissante des situations d'exclusion ; car chacune, pardonnez-moi ce pléonasme, est vécue individuellement. Malgré cette hétérogénéité facile à décrire, ce sont, à chaque fois, des hommes, des femmes, des jeunes qu'il faut prendre par la main, un à un.

Sur l'ensemble du programme relatif aux exclusions, les mesures consacrées à l'urgence sociale, financées sur le seul chapitre 47-21, s'élèvent à 120 millions de francs, ce qui porte ce chapitre à 1,4 milliard de francs. A cet égard, 40 millions supplémentaires permettront de financer les services de veille sociale, 80 millions seront alloués a ux structures d'hébergement d'urgence, tandis que 77 millions sont ouverts pour les centres d'hébergement et de réadaptation sociale sur le chapitre de l'aide sociale, dont 42 millions au titre des créations de places.

Comme je vous l'ai indiqué, cet effort financier, monsieur Jacquat, ne laisse nullement de côté les CHRS. Ils sont un élément essentiel du dispositif d'accueil et, surtout, de réinsertion sociale des plus démunis.

M. Denis Jacquat.

Très juste !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Mme BenayounNakache propose d'aller encore plus vite dans la création des CHRS prévus par le plan pluriannuel. Depuis quelques années, en effet, la politique menée en étroite concertation avec la Fédération nationale des associations d'accueil et de réadaptation sociale, repose sur l'élaboration de schémas d'organisation des réponses à l'urgence et sur les moyens d'hébergement des populations sans abri.

Nous voulons diversifier le rôle des CHRS qui seront de moins en moins voués aux seules fonctions d'hébergement, même si celles-ci sont toujours indispensables. Il sera de plus en plus fréquent que d'autres opérateurs ou des ensembliers d'insertion mettent en oeuvre les réponses m ultiples nécessaires : accueil d'urgence, organisation d'actions de réapprentissage au travail, accompagnement social, etc.

Dans le cadre de la renégociation des conventions qui les lient à l'Etat, certains voudraient modifier les propositions du Gouvernement et prévoir davantage de créations de places de CHRS au détriment des opérations financées au chapitre 47-21, article 70. Nous y sommes défavorables, car les propositions d'inscription qui figurent dans cet article 70 correspondent à des engagements pris par le Gouvernement dans le cadre du programme de lutte contre les exclusions du 14 mars. Nous avons besoin de réponses plus souples. Je ne m'étends pas davantage.


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La loi de lutte contre les exclusions - encore elle - a élargi le champ d'action des CHRS et consacré leur mission d'aider les personnes accueillies à atteindre ou à recouvrer leur autonomie personnelle et sociale, ce qui est, à mon avis, l'essentiel. Or certaines des quelque 30 000 places de CHRS sont encore dans des structures d'hébergement collectif ou dépourvues des conditions de sécurité, de salubrité et de protection de la personne indispensables à cette autonomie. Cela n'est plus acceptable.

C'est pourquoi le budget pour 1999 prévoit de transformer 500 places d'accueil d'urgence en CHRS dûment équipés afin d'assurer accompagnement social et réinsertion, pour un coût de 42 millions de francs qui s'ajoutent aux 35,5 millions de revalorisation des dotations globales ; et consacre 75 millions de francs à la rénovation et à la mise aux normes des centres vétustes, inadaptés, voire dangereux.

Faire face à l'urgence sociale, c'est aussi mieux gérer les aides financières d'urgence.

M. Serge Janquin a mis l'accent sur l'approche choisie par le Gouvernement en cette matière : une approche concrète, fondée sur la mobilisation coordonnée de toutes les instances et acteurs concernés - conseils généraux, CCAS, caisses d'allocations famililes, ASSEDIC, etc. - en veillant à ce que l'Etat prenne toutes ses responsabilités sans recentraliser ni se substituer aux responsabilités de ses partenaires.

Je souligne donc simplement l'importance de l'apport de la loi contre les exclusions en matière d'aide sociale d'urgence aux personnes en situation de détresse. Nous avons tiré les leçons majeures de la mise en oeuvre des fonds et des missions d'urgence sociale : la coordination des aides constitue l'impératif absolu.

Possible et efficace, la coordination démultiplie l'action de chacun des partenaires et garantit aux personnes qui s'adressent à l'un quelconque des guichets disponibles que leur dossier sera analysé dans tous ses aspects, orienté vers qui de droit sans autre démarche de leur part, et traité dans les meilleures conditions de rapidité et d'équité.

Je suis convaincu que la dynamique des commissions de l'action sociale d'urgence, les « CASU », qui se mettent en place sous l'impulsion des préfets, va se développer et atteindre son but. Il faut préciser qu'au-delà des moyens financiers apportés par l'Etat aux ressources mobilisables par les CASU au travers des fonds partenariaux, les fonds de solidarité logement, nous renforçons les moyens humains des DDASS, très impliquées dans l'appui aux CASU, par la création de 80 emplois budgétaires, 60 inspecteurs des affaires sanitaires et sociales et 20 conseillers techniques en travail social, ces derniers étant prochainement complétés par le pourvoi des postes vacants par concours.

Sans allonger par trop mon propos - mais c'est la richesse de la loi et la fidélité du budget aux engagements pris qui le veulent - j'évoquerai rapidement les mesures que M. Janquin a réunies à juste raison sous le titre

« mieux agir contre la formation des exclusions ».

Je veux parler de l'effort très substantiel - 52 millions de francs de mesures nouvelles, 61 millions de francs avec l'ajustement des subventions, soit 11 % d'augmentation du chiffre - consacré au renforcement des formations de travailleurs sociaux et à la création de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion, qui s'appuiera sur la nouvelle direction de la recherche, de l'évaluation, des études et des statistiques.

Je terminerai cet exposé des moyens de la lutte contre les exclusions par la mise en place des programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins, en application de l'article 71 de la loi.

La loi érige en droit fondamental l'accès aux soins pour tous, dont la clé de voûte sera la couverture maladie universelle à laquelle nous travaillons à partir du rapport de M. Jean-Claude Boulard. Les programmes régionaux en constituent d'ores et déjà une pièce maîtresse.

Leur objectif est d'amener le système de santé à prendre en compte la précarité, sans stigmatiser les personnes ni leur réserver un traitement à part, en répondant tout simplement à leurs besoins spécifiques. Ces programmes permettront d'identifier ces besoins, de mettre au point et de coordonner les actions de prévention, de soins et de suivi qu'appellent les risques spécifiques aux personnes en situation de précarité : pathologies spécifiques, non par nature, mais parce que non traitées et chronicisées, souffrances psychiques, conduites à risque, en particulier.

Le programme a prévu une montée en charge de ces dispositifs : 250 millions de francs, soit 194 millions de mesures nouvelles s'ajoutant à l'enveloppe existante de 56 millions de francs.

Je veux maintenant répondre à M. Accoyer, mais je m'aperçois qu'il n'est plus là.

M. Jean-Luc Préel, M. Jean-Pierre Foucher et M. Denis Jacquat.

Mais nous, nous sommes là !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Je vous répondrai aussi.

Je ne peux souscrire à l'analyse de M. Accoyer selon laquelle la dispersion des crédits sur plusieurs lignes budgétaires serait le signe d'un artifice de présentation.

D'abord, c'est très péjoratif de penser cela de votre serviteur et du Gouvernement en général.

Ensuite l'ampleur des mesures nouvelles, 194 millions de francs, suffirait à montrer qu'il n'en est rien. Et à cet égard, je crains de devoir rectifier le calcul qui conduit M. Accoyer à chiffrer les 194 millions de francs de mesures nouvelles à 0,5 % du budget de la santé, car elles représentent bel et bien - et il faudra le lui dire - dix fois plus, c'est-à-dire 5 %. Mais, au-delà des chiffres, la concentration des moyens des PRAPS, les programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins - qui, sans constituer, je le reconnais, la panacée, sont un élément important du dispositif - sur une ligne unique et identifiée comme telle traduirait une approche consistant à isoler une population

« à part », politique strictement inverse de celle que nous voulons mener.

M. Accoyer s'est plaint de ce que la prévention n'était pas suffisante. Plus je fais des efforts sur la prévention et plus on me dit que ce n'est pas assez. Les bras m'en tombent à chaque fois. Je sais que ce n'est pas assez.

Notre politique, je l'ai dit tout à l'heure, est perverse, car elle est tournée vers le soin et ne déclenche son action qu'à partir de la maladie. Nous le savons tous. Mes chers amis, changeons les choses, mais soyons conscients que, si nous les changeons, c'est un drôle de chantier qui se profile devant nous.

M. Francis Delattre.

Oh la la !

M. Denis Jacquat.

C'est sûr !

M. Jean-Luc Préel.

Ah oui !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1998

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Je vous en prie, ne faites pas « oh la la ! » quand c'est moi qui le dis. Vous disiez exactement la même chose quand c'était vous qui étiez majoritaires.

M. Denis Jacquat.

Non !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Nous savons que la prévention est la parente pauvre de notre politique de santé.

M. Jean-Pierre Foucher et M. Denis Jacquat.

Très juste !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Cela tient, vous le savez, au fait que, dans notre système, ce n'est pas la prévention qui est mise en avant mais le soin, l'action sur la maladie, le curatif. Nous en revenons à la description, certes sommaire - mais je n'ai pas besoin de vous la détailler davantage - à laquelle je me suis livré au début de mon propos. La Caisse nationale d'assurance maladie, comme toutes les caisses en général, véhicule l'immense majorité de l'argent destiné à nos concitoyens. Cela entraîne aussi des perversions dans la perception de notre système de soins.

M. Denis Jacquat.

Nous sommes d'accord !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

C'est pourquoi j'ai dit que le budget de la santé se devait d'indiquer les grandes directions de la politique de santé. Cette année, et je remercie M. Mitterrand de l'avoir fait, nous en avons indiqué de très fortes. M. Accoyer me dit que ce n'est pas assez et beaucoup d'entre vous pensent que nous pourrions faire plus. Nous nous y efforcerons. Mais, et j'y reviendrai tout à l'heure, vous sous-estimez quelquefois la manière dont la prévention et les actions non curatives et non prescriptives sont prises en charge cette année.

Je reviens à mon propos.

Pour substantielles qu'elles soient, les mesures qui se rattachent à la loi et au programme de lutte contre les exclusions ne doivent pas faire perdre de vue que le RMI, dont la création remonte, à quelques jours près, à dix ans, est le dispositif central de protection contre le dénuement et l'exclusion, et de réinsertion vers l'emploi et l'autonomie sociale et personnelle.

Monsieur Janquin, vous avez apporté à nos débats une analyse très précise de l'évolution de la dépense, des effectifs, de l'effort d'insertion et de ses résultats. Je vous en remercie.

Monsieur Jacquat, vous avez critiqué, comme on le fait souvent, le petit « i » du RMI qui n'est pas assez pris en charge. Je vous rappelle qu'il s'agit d'une responsabilité départementale et qu'elle est très diversement appréciée et développée.

M. Denis Jacquat.

C'est juste !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Mais, par rapport au dispositif qui préexistait au dispositif du RMI dans les pays européens...

M. Francis Delattre.

Qui était un mauvais système !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

... le petit « i » a été un apport considérable et original. Nous sommes tous d'accord là-dessus.

M. Denis Jacquat.

Il faut l'amplifier !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Il faut l'amplifier, personne n'en disconviendra.

M. Denis Jacquat.

Merci !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

L'évolution du RMI traduit à la fois le poids persistant des effets du chômage et de la précarité et l'effort constant que nous menons pour mobiliser les dispositifs d'insertion dans l'emploi à l'intention des bénéficiaires du RMI.

Cet effort est en train de porter ses fruits et je confirme, la conjoncture économique plus favorable aidant, que l'on devrait atteindre pour la première fois une stabilisation du nombre des bénéficiaires à la fin de cette année, après que la progression encore soutenue au premier trimestre eut fait place à une décrue progressive mais régulière.

Mais l'évolution de la dépense est décalée dans le temps par rapport à celle des effectifs, en partie à cause de l'effet report de la hausse antérieure. Aussi, la dotation de 26,4 milliards, en hausse de 1,73 milliard, est construite sur une hypothèse de hausse en volume de la dépense de 3 %, à laquelle s'ajoute une revalorisation de 1,2 %. Je réponds là à M. Bardet. Nous connaissons la plus faible augmentation du nombre de bénéficiaires du RMI depuis que celui-ci a été créé. Certes, mieux vaudrait qu'il n'y ait pas d'augmentation du tout mais il est important de noter que c'est la plus faible et nous espérons une stabilisation du nombre des bénéficiaires à la fin de l'année.

Il faut ajouter à l'analyse plusieurs éléments qui influencent les effectifs ou la dépense dans un sens ou dans l'autre : aux effets positifs sur les effectifs, du recentrage des dispositifs d'emploi sur les publics prioritaires, il faut ajouter, de façon plus limitée, bien sûr, l'accès des étrangers résidant en France à l'allocation aux adultes handicapés et au minimum vieillesse, ouvert par la loi du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France. A l'inverse, les acquis de la loi relative à la lutte contre les exclusions - possibilité de cumuler le RMI et la « petite » allocation pour jeune enfant - et de la conférence de la famille - mise hors plafond de ressources des majorations pour âge des allocations familiales - tendent à accroître la dépense.

Monsieur Janquin et monsieur Jacquat, j'ai bien noté votre insistance à tous les deux sur le petit « i » du RMI.

Qui pourrait ne pas être d'accord ? Le RMI fonctionnerait mieux, et il disparaîtrait même de lui-même, si l'offre d'insertion était plus importante. Mais il faut souligner, ce que l'on ne sait pas suffisamment, qu'il n'y a jamais eu autant de sorties du RMI : 350 000 l'an dernier ! Et la majorité l'ont été sur des solutions d'insertion professionnelle. Monsieur Jacquat, c'est sans doute parce que certains des départements - malheureusement pas tous ont justement fait porter leur effort sur le petit « i » que ces 350 000 personnes sont sorties du dispositif.

M. Denis Jacquat.

Je préfère quand même un grand

« I » ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

J'en viens à la politique à l'égard des personnes handicapées, qui est au coeur de l'action du ministère de l'emploi et de la solidarité dont elle traverse les deux budgets. Elle se traduit, dans le budget solidarité, pour l'essentiel, au travers de l'allocation aux adultes handicapés - 24,569 milliards, en hausse de 1,18 milliard -, et du financement des CAT - 6,263 milliards, en hausse de 224 millions -, sans négliger bien entendu les programmes d'action sociale, en appui de l'action qu'il faut toujours saluer des associations qui oeuvrent souvent très bien et de manière indispensable pour la protection et l'autonomie des personnes handicapées.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1998

Notre politique en faveur des personnes handicapées se construit de manière globale et cohérente, attentive à tous les aspects de la vie des personnes, en particulier à l'éducation, à l'emploi et à la vie sociale. Elle vise à favoriser prioritairement leur intégration dans tous les dispositifs de droit commun en milieu de vie ordinaire.

Cet objectif est conforme à celui proclamé par la loi d'orientation du 30 juin 1975 - sur laquelle j'aimerais revenir - qui repose sur un consensus jamais démenti depuis plus de vingt ans. Mais il est vrai cependant que le contexte démographique, économique et social a profondément changé entre-temps.

Les attentes des personnes handicapées se sont modifiées et leur aspiration à une vie plus autonome s'est affirmée.

Si la discrimination positive instituée par la loi d'orientation a été le moteur d'incontestables progrès, elle a pu contribuer, dans une certaine mesure, à dédouaner la société de sa propre implication, en lui donnant à penser que la solution aux problèmes rencontrés par les personnes handicapées relevait d'abord des dispositifs spécialisés. C'est juste. Cette opinion se trouvait confortée par l'adoption de la loi jumelle du même jour, le 30 juin 1975, relative aux institutions sociales et médico-sociales.

C'est ainsi que je comprends l'appel de M. Janquin à réfléchir à une réforme de la loi de 1975 - celle sur les personnes handicapées. Cependant, nous croyons aujourd'hui que la priorité est moins de réformer ou de toiletter cette loi, que d'en faire passer les principes dans les faits.

Ce choix suppose une volonté politique et des instruments adaptés.

Cette volonté est celle du Gouvernement. Mme Aubry l'a exprimée à plusieurs reprises, notamment devant le Conseil national consultatif des personnes handicapées.

Vous vous en souvenez.

Une politique spécifique en faveur des personnes handicapées reste légitime, mais elle ne doit pas être déconnectée des autres politiques publiques : emploi, éducation, logement, accès aux services publics. Dans tous ces domaines, les préoccupations des personnes handicapées doivent trouver leur place autour de l'objectif de l'intégration. Pas de mise à l'écart ! Monsieur Janquin, je reconnais comme vous la nécessité d'une dynamique de l'intégration des personnes handicapées. Vous avez parfaitement raison de souligner qu'il serait vain de faire tous les efforts budgétaires du monde pour accroître la capacité des centres d'aide par le travail si les personnes n'en sortent jamais. Un développement bien accompagné de leurs compétences devrait - doit, devrais-je dire - leur permettre de rejoindre le milieu ordinaire. J'associe à cette préoccupation celle des personnes lourdement dépendantes qui souhaitent rester à leur domicile.

Les outils dont nous disposons sont insuffisants. Le rapport Hespel-Thierry a posé les conditions d'une reconstruction de nos politiques d'aide à domicile. Il est temps, en effet, de dépasser le cadre des voeux pour passer à la réalisation.

Plus concrètement, nous visons trois objectifs prioritaires.

La socialisation et l'intégration des jeunes handicapés, auxquelles un prochain comité national consultatif des personnes handicapées sera consacré en liaison avec le ministère de l'éducation nationale, constitue le premier de ces objectifs.

Comme vous l'avez relevé, monsieur Forgues, l'organisation d'un débat annuel en commission d'éducation spéciale sur les orientations et la mise en oeuvre de la politique d'intégration scolaire ; l'élaboration de schémas d'équipement et d'accompagnement concernant l'enfancee t l'adolescence handicapées ; enfin, l'ouverture des CDES aux collectivités territoriales ayant une compétence en matière scolaire, constituent quelques-unes des pistes conjointement explorées par l'éducation nationale et nous-mêmes.

Madame Gillot, vous avez évoqué l'accès des personnes handicapées aux emplois-jeunes. Je vous en remercie.

Bien entendu, le programme est ouvert aux personnes handicapées et prévoit des crédits d'accompagnement substantiels. De plus, la loi a prévu que la condition générale de non-indemnisation du chômage pour les personnes de vingt-six à trente ans n'est pas exigée pour les personnes handicapées.

A ce jour, deux accords cadres ont été signés pour permettre aux structures qui les accueillent de renforcer leurs moyens. Le 27 mai, un accord cadre a été signé entre l'Etat et le comité d'entente des associations représentatives des personnes handicapées et des parents d'enfants handicapés.

Les associations qui constituent le comité d'entente se donnent pour objectif la création de 2 000 emplois dans les trois prochaines années, en mettant l'accent sur le soutien des enfants et des jeunes handicapés poursuivant leurs études et sur les actions favorisant l'autonomie. Le 13 octobre, un autre accord cadre a été signé, avec la fédération APAJH, association de placement et d'aide aux jeunes handicapés, qui s'engage à inciter ces établissements à créer 500 emplois sur trois ans.

En ce qui concerne, madame Gillot, votre préoccupation relative à l'emploi des personnes handicapées dans les collectivités locales et les entreprises publiques, je peux vous indiquer que, pour les premières, le taux d'emploi s'établit pour 1995 à 5 %, avec 28 439 bénéficiaires recensés. Ce taux est à rapprocher du taux d'emploi du privé, qui est, pour la même année, de 4 %. En ce qui concerne les entreprises publiques, l'obligation d'emploi du secteur privé leur est applicable, et leurs résultats ne sont pas distingués de ceux des entreprises privées. Toutefois, les grandes entreprises publiques - la SNCF, la RATP, Gaz de France entre autres - se sont engagées dans la voie des accords sur l'emploi en faveur des personnes handicapées.

J'ai entendu votre appel en faveur du service pour les malentendants de La Pitié-Salpêtrière et votre désir de reproduire ce service dans d'autres structures. C'est une belle et bonne idée ! Mais il faut à la fois trouver le financement - et ce n'est sans doute pas le plus difficile mais également des personnes compétentes, bien formées et volontaires.

Je connais ce service. C'est un modèle. Je m'engage à tenter, avec vous, de le faire essaimer, mais nous aurons besoin de dévouement et de compétence.

Mme Dominique Gillot.

Nous les avons !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

A ce propos, vous n'avez pas relevé, alors que nous en avions déjà parlé, l'idée qui m'a été suggérée par une association très inté ressante de créer une chaîne de télévision pour les sourds et les malentendants. La réprésentation nationale s'honorerait de se charger de ce dossier. Son financement ne sera pas chose facile. Il faudra convaincre. Mais le fait que l'immense majorité des informations essentielles pour


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la vie collective n'est pas accessible aux sourds et malentendants, pose un problème considérable que nous pourrions peut-être résoudre de cette manière.

Le deuxième objectif concerne l'accompagnement des personnes handicapées dans leur vie quotidienne, en milieu ordinaire et dans les institutions spécialisées : des expérimentations sont en cours, à partir d'aides techniques propres à favoriser la vie à domicile. Nous en attendons les conclusions.

M. Forgues a parlé de l'accès aux loisirs et M. Jacquat du vieillissement des personnes handicapées.

Monsieur Jacquat, nous avons commencé à travailler avec les associations concernées sur le vieillissement de ces personnes handicapées. La discussion s'organise autour de deux questions : D'abord, où iront-elles quand elles auront atteint l'âge de la retraite ou l'âge auquel elles ne pourront plus travailler ?

Mme Hélène Mignon.

C'est là le problème !

M. Denis Jacquat.

Exactement !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Il faut, bien sûr, leur laisser le libre choix, mais en l'aménageant.

M. Denis Jacquat.

Pour l'instant, il n'y a pas de choix ! C'est ça qui est grave !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

En outre, de quelle prise en charge bénéficieront-elles ? Faut-il suivre les associations qui estiment que le handicap ne prend pas de retraite et que les textes sur l'aide sociale aux handicapés doivent leur rester applicables ? C'est le parti que vous avez pris pour l'allocation compensatrice pour tierce personne, dans la loi du 24 janvier 1997. Faut-il, comme cela semble la pente actuelle, et au motif de l'égalité des citoyens et de notre politique d'intégration, leur appliquer les règles, moins favorables, de l'aide sociale aux personnes âgées ? Ne faut-il pas, alors, faire évoluer ces règles, par exemple pour conserver à ces personnes le bénéfice de rentes à vie souscrites par leurs parents ? Telles sont les questions auxquelles nous réfléchissons.

Monsieur Forgues, sur la question des loisirs, je vous apporterai deux précisions. La réglementation concernant les établissements d'éducation spéciale agréés au titre des annexes prévoit qu'un arrêté doit organiser les transferts et séjours hors établissement pendant ou hors période scolaire des enfants accueillis dans ces établissements. Ce texte est en préparation et fait l'objet d'une concertation interministérielle.

En ce qui concerne les adultes, le ministère de l'emploi et de la solidarité a été associé au lancement de la campagne nationale en faveur des vacances et des loisirs des personnes handicapées, menée à l'initiative du secrétariat d'Etat au tourisme. C'est la raison pour laquelle nous participerons, avec les associations, aux opérations qui seront lancées chaque année. La pratique des loisirs est évidemment un facteur essentiel d'épanouissement et d'intégration de ces personnes. Ces opérations s'inscrivent dans la politique que le Gouvernement entend mener, et dont Martine Aubry et moi-même vous avons souvent parlé.

J'ajoute que les emplois-jeunes sont un atout exceptionnel et inespéré pour apporter les moyens nécessaires et pour donner un mobile à cette exigence et qu'il faut, là aussi, y travailler.

Le troisième objectif est la formation et l'accompagnement des travailleurs handicapés. Les lignes directrices de la relance de la politique gouvernementale en matière d'insertion professionnelle seront prochainement présentées devant le conseil supérieur pour le reclassement professionnel et social des personnes handicapées.

Mais l'intégration des personnes handicapées dans le milieu de vie ordinaire ne se gagne pas contre l'institution. Les institutions sont et resteront nécessaires et indispensables pour les personnes les plus lourdement handicapées. C'est pourquoi la sortie de ce milieu doit être gérée avec prudence. Il faut penser en termes de complémentarité, de paroles échangées, d'expérience et de réseaux.

C'est précisément l'un des objectifs majeurs de la réforme engagée concernant l'autre loi de 1975, celle sur les institutions sociales et médico-sociales : doter les usagers, leurs associations, les professionnels et les pouvoirs publics d'instruments rénovés. L'approche est déjà présente dans la loi de lutte contre les exclusions, je l'ai évoquée, je n'y reviens pas : élargissement des missions de l'action sociale et médico-sociale, assouplissement et diversification des modes d'intervention des établissements et des services, coordination de ces interventions, décloisonnement des institutions entre elles et par rapport au milieu ordinaire.

Plus que l'affectation d'enveloppes financières spécifiques, la réforme de ce cadre juridique doit nous permettre de mieux répondre à l'évolution des besoins des usagers, tel le vieillissement des personnes handicapées que vous avez fort justement évoqué.

Le projet de budget pour 1999 traduit l'engagement de l'Etat en faveur des personnes handicapées : les crédits augmentent de près de 5 %, pour s'établir à 37,730 milliards.

Votre rapporteur a rappelé les objectifs du programme pluriannuel adopté par le Gouvernement pour 19992003 : 5 500 places de maisons d'accueil spécialisées et de foyers à double tarification, 8 500 places de centres d'aide par le travail et 2 500 places d'ateliers protégés. En 1999, le budget prévoit et finance la création de 2 000 places nouvelles de CAT et de 500 places d'ateliers protégés financées sur le budget de l'emploi.

Ainsi, le budget inscrit en 1999 pour les CAT est-il porté à 6,263 milliards, en hausse de 224 millions de francs dont 131 millions au titre des places nouvelles et 93 millions pour revaloriser les dotations de fonctionnement.

Je cite ce dernier chiffre pour insister sur le fait que si l'opposabilité des enveloppes, introduite par le projet de loi de financement de la sécurité sociale, témoigne bien d e la volonté du Gouvernement de poursuivre sa démarche de maîtrise des dépenses médico-sociales, elle n'exclut ni le nécessaire débat contradictoire sous le contrôle du juge ni, bien sûr, l'augmentation des moyens dont dispose ce secteur en expansion. Nous verrons tout à l'heure que cet article 27 du PLFSS doit trouver son pendant dans un article du projet de loi de finances.

Monsieur Forgues, vous avez exprimé votre perplexité quant à l'application aux CAT de la loi d'orientation relative à la réduction du temps de travail. Il faut préciser que la loi du 13 juin 1998 s'applique à l'ensemble du secteur privé, ce qui inclut les établissements sociaux et médico-sociaux à caractère associatif, sans que leur mode de financement, majoritairement public, les en exclue par principe.

Je considère que cette loi, qui est une première étape, est une chance pour un secteur qui a su parfois anticiper une organisation du travail souple et adaptée à des activités très hétérogènes, très spécifiques d'un établis sement à l'autre.


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Il faut éviter de plaquer mécaniquement telle ou telle recette. Interrogeons-nous sur le lien entre la création d'emplois, l'aménagement du temps de travail et l'efficacité de la prise en charge. Il y a là des facteurs qui s'additionnent dans un secteur très particulier. La réduction du temps de travail ne doit pas être l'occasion de dégager dans le secteur privé non lucratif ce qu'il faudrait bien nommer une « plus-value sociale ».

Cette orientation doit être présente à tous les niveaux de la négociation par branche, dans les conventions, dans les établissements, en ayant le souci de la complémentarité et de la cohérence des accords qui seront négociés.

Nous y aiderons en fournissant un appui méthodologique spécifique, qui a été confié à l'IGAS avec l'appui de cabinets-conseils et de services compétents du ministère de l'emploi et de la solidarité.

En ce qui concerne l'allocation aux adultes handicapés, qui bénéficie à 631 000 personnes, la progression du nombre d'allocataires et de la dépense correspondante se stabilise à un niveau qui reste élevé à 3,75 % en volume.

La dotation 1999 s'établit donc à 24,569 milliards, soit une hausse de 1,180 milliard, qui comprend également une provision pour revalorisation, fixée à l'époque de la construction du PLF à 1,2 %, mais qui devra suivre l'évolution du minimum vieillesse.

Nous examinerons plus avant tout à l'heure, mais je le mentionne dès maintenant, l'article 83 du projet de loi de finances qui étend la présomption d'inaptitude au travail, à l'âge de soixante ans, à tous les bénéficiaires de l'AAH et leur permet ainsi d'accéder à une pension de vieillesse.

Je terminerai cet exposé, trop bref, sur un sujet essentiel, pour soutenir la proposition de M. Forgues de faire aboutir - car elle est engagée - la réflexion sur le devenir des tutelles et curatelles d'Etat et sur la nécessité, en concertation avec les principales associations tutélaires, de revoir le mode de financement et de contrôle du dispositif de protection juridique. Révision possible à la lumière des conclusions des rapports confiés par Mme Aubry aux trois inspections générales et à leurs collègues des finances et de la justice. Dans cette attente, la dotation de 571 millions de francs, en hausse de 11 %, permettra d'assurer le financement de l'ensemble des mesures prévues pour 1999.

J'en profite pour répondre à la remarque de M. Forgues sur le comblement des arriérés de paiement pour le remboursement des IVG. Pour 1999, le chapitre 46-22 est doté de 162 millions de francs, ce qui permet de dégager 5 millions pour poursuivre le remboursement des dettes entamé depuis 1997.

Je serai un peu plus bref sur le sujet des personnes âgées, parce que les débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale ont couvert les éléments les plus stratégiques de cette politique, qu'il s'agisse des retraites - relèvement du minimum vieillesse, constitution d'un fonds de réserve minimum, et engagement de la réflexion sur un mécanisme d'épargne ouvert à tous pour assurer l'avenir des retraites, vous vous en souvenez...

M. François Goulard.

Le groupe communiste aussi !

M. Francis Delattre.

Ils évoluent !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Mais je ne doute pas que vous évoluerez aussi !

M. Pierre Forgues, rapporteur spécial pour les affaires sociales.

L'opposition ne connaît que les fonds de pension !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale a permis aussi de publier la rationalisation des exonérations des aides à domicile, ou des mesures relatives aux pensions de réversion et à l'allocation de veuvage.

Je rappellerai également le souci du Gouvernement d'apporter une réponse satisfaisante à une question qui préoccupe beaucoup de personnes âgées et leurs familles : celle de l'aide financière et de l'organisation matérielle à leur apporter lorsqu'elles ne sont plus complètement autonomes, voire qu'elles deviennent très dépendantes.

A cet égard, le bilan d'une année effective de versement de la prestation spécifique dépendance, la PSD, qui vient d'être présenté devant le Comité national de la coordination gérontologique, a montré que des progrès d'ordre qualitatif ont été accomplis et que les résultats quantitatifs sont encourageants. Il n'en demeure pas moins que des améliorations devront être apportées au dispositif en vigueur. Ces améliorations concernent tant les textes relatifs à la PSD, au sens strict, que leur bonne articulation avec les autres dispositifs existants, tels que l'aide ménagère.

Et je réponds à M. Préel, qui m'a demandé de corriger les faiblesses de la PSD. C'est M. Serge Janquin, d'ailleurs, qui avait personnellement démontré les insuffisances techniques et financières du dispositif contre lequel le PS avait voté. La PSD, c'était votre enfant, messieurs de l'opposition.

M. Denis Jacquat.

La première étape !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Effectivement ! Oublions la seconde !

M. Denis Jacquat.

Elle est à venir, la seconde !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Quoi qu'il en soit, une large concertation va s'ouvrir rapidement sur ces questions pour envisager les solutions qui permettront de répondre, sur le terrain, aux besoins des personnes en perte d'autonomie mais qui ne remplissent pas les conditions pour la PSD du fait de leur niveau de dépendance ou de ressources.

S'agissant de ce qui figure dans ce budget, je limiterai donc mon propos à un sujet que vos rapporteurs ont souligné, à juste titre : les difficultés de la gestion des subventions d'équipement social, dont le préjudice principal porte sur le programme de rénovation des hospices. Ces difficultés se sont, en quelque sorte, déclarées cette année après avoir couvé pendant plusieurs années, en raison d'annulations irrationnelles de crédits de paiement. Nous avons fait cesser la cause du problème ; reste à en réparer les effets, à savoir l'insuffisance des crédits de paiement par rapport aux engagements pris antérieurement. Les solutions sont en place : des crédits de rattrapage sont inscrits sur le chapitre 66-20 dans le budget 1999, et seront également ouverts dans le prochain collectif. Il est évidemment essentiel que l'Etat honore ses engagements, surtout s'agissant de crédits contractualisés qui doivent clore les contrats du 11e plan.

Un mot, monsieur Forgues, sur la situation du service national des objecteurs de conscience. Vous évoquez, en termes assez durs, les retards de règlement des frais exposés par les structures d'accueil des objecteurs.

M. Gérard Bapt.

C'est mérité !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Je précise que les contingents actuels, c'est-à-dire 14 247 en poste en 1997, chiffre ramené à 9 500 en 1998, sont pris en charge tota-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1998

lement par l'Etat pour les dépenses concernant la solde, l'habillement, les frais de santé, les dépenses de transport liées aux droits de permission.

La participation financière des structures d'accueil, mise en place en janvier 1997, vise essentiellement les dépenses d'hébergement et d'alimentation et rapproche ainsi le service des objecteurs de conscience des formes c iviles du service national. C'est pourquoi, sans méconnaître en rien le statut de l'objection de conscience, nous ne sommes pas revenus sur cette disposition.

J e voudrais préciser au rapporteur spécial de la commission des finances que les jeunes gens en attente d'affectation ne sont pas sans couverture sociale. Ou bien ils sont incorporés et non affectés, ils sont alors couverts par l'Etat qui prend en charge leur couverture sociale. Ou bien ils sont en report d'incorporation et conservent leur couverture antérieure.

Je veux également rassurer le rapporteur, la commission de gestion des objecteurs de conscience, qui ne regroupe, il faut le souligner, que des représentants des administrations d'Etat participant à la gestion, et dont mon ministère assure le secrétariat - c'est tout - sera bien réunie avant la fin de l'année pour examiner les difficultés éventuelles qui pourraient survenir en fin de gestion pour cet exercice.

En revanche, je dois admettre que, sur le plan financier, nous subissons les effets des sous-dotations du chapitre en cours des années passées qui ont engendré de façon cumulative des dettes difficiles à résorber et dangereuses pour la trésorerie des associations.

M. Pierre Forgues, rapporteur spécial, pour les affaires sociales.

Depuis 1993 !

M. Francis Delattre, rapporteur spécial, pour les rapatriés.

Depuis mars 1993, en effet !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Nous nous y employons cependant, avec un effort que je vous prie de saluer, et un nouvel apport en collectif budgétaire pour 1998 contribuera à apurer la situation, tandis que la baisse très sensible des effectifs devrait dégager des marges supplémentaires au sein de la dotation initiale pour 1999.

L'ampleur et la variété des domaines couverts par l'action sociale de l'Etat sont telles que je crains de sacrifier la clarté de l'exposition au souci d'exhaustivité.

Mais, comment ne pas aborder, au moins pour en souligner les points saillants, les autres aspects de l'action multiforme de l'Etat en faveur du développement social et de tout ce qui suscite et répare le lien social.

L'intégration des personnes étrangères, tout d'abord.

L'accès des étrangers résidant régulièrement en France à l'ensemble des droits sociaux et dispositifs de droit commun - aides à l'emploi et à la formation, RMI, selon les critères de résidence - a été étendu en mai dernier p ar la loi Chevènement à l'AAH et aux pensions du régime de solidarité vieillesse.

Mais tous ne disposent pas de ces droits, notamment l es demandeurs d'asile, pour lesquels nous créons 100 nouvelles places d'accueil en centre d'accueil des demandeurs d'asile.

Et surtout, beaucoup reste à faire pour agir concrètement sur le terrain pour l'intégration : 91 millions de francs seront consacrés en 1999 à ces actions, soit 14 millions de francs de plus qu'en 1998.

L'intégration est l'un des piliers du contrat républicain.

Il s'agit - et je cite ce qu'a dit Martine Aubry dans sa communication du 21 octobre dernier - de « donner à chacun, avec ses spécificités, ses racines, la certitude qu'il a bien sa place dans la société ».

L'intégration est un phénomène dynamique, qui repose sur tous les citoyens, et sur lequel le Gouvernement veut agir en trois étapes : l'accueil, la lutte contre les discriminations et l'acquisition de la nationalité française, éventuellement.

Cette action n'est qu'incomplètement traduite par les montants des crédits d'intervention inscrits sur le budget de la solidarité. Y contribuent aussi, outre l'effort en crédits de fonctionnement au profit du service des naturalisations, des crédits imputés sur le budget de l'emploi tels que ceux en faveur des actions de parrainage.

S'agissant de l'action en faveur des rapatriés, votre rapporteur a analysé avec précision - je l'en remercie - les éléments constitutifs des crédits consacrés aux rapatriés, leur dispersion sur plusieurs sections budgétaires et la cause de la diminution de presque 20 % de ce budget, d'un montant total de 1 650 millions de francs, dont 135 millions sont inscrits au budget de la solidarité.

Cette réduction tient à l'achèvement de l'indemnisation issue de la loi du 16 juillet 1987 et au tassement, depuis 1993, des demandes des rapatriés concernant l'aide publique au rachat des cotisations de retraite.

Monsieur Delattre, vous avez parlé de l'avantage vieillesse des médecins rapatriés, c'est-à-dire de leur retraite.

Comme le relève le rapporteur spécial, la situation actuelle des médecins rapatriés au regard de l'avantage social vieillesse, qui est lui-même conditionné par le conventionnement de ces praticiens à partir de 1952 résulte d'un dysfonctionnement administratif, c'est clair.

En effet, la Caisse autonome de retraite des médecins français - la CARMF - a très longtemps nié, à tort, que les médecins rapatriés aient exercé sous convention médicale en Algérie, de 1952 - validation des conventions, vous avez eu raison de le rappeler - à 1962.

L'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 13 janvier 1997, non contesté par la CARMF devant la Cour de cassation, a établi le bien-fondé de la position des médecins rapatriés. Il a toutefois, conformément au texte en vigueur, établi la valeur de rachat des cotisations nécessaires à la constitution de l'avantage social vieillesse, à la date de la retraite des intéressés.

Or une information exacte - qu'ils n'ont pas eue ! aurait permis à ceux-ci de cotiser volontairement à l'avantage social vieillesse dès 1962, date de sa création, jusqu'à 1972, date où il a pris un caractère obligatoire - pardon, pour ces explications un peu alambiquées -, en rachetant donc les années passées en Algérie. Ces cotisations étant bien entendu à un niveau très inférieur à celui de l'année de la retraite des médecins rapatriés, il apparaît donc équitable, en effet, que la CARMF propose aux médecins rapatriés des conditions de rachat identiques à celles de la création de l'avantage social vieillesse et leur serve les retraites supplémentaires correspondant aux années passées en Algérie ainsi qu'à la période 19621972. Une modification de l'arrêté interministériel établissant les statuts de la CARMF paraît nécessaire. Nous allons y travailler.

Maintenant que les grands dispositifs d'indemnisation ont globalement rempli leur office, il convient de construire notre politique en faveur des rapatriés autour d'un axe central. Il s'agit de concentrer des efforts particuliers au règlement des situation difficiles et doulou-


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reuses qui demeurent trop nombreuses, en particulier pour les rapatriés réinstallés confrontés à un lourd endettement professionnel que les mesures antérieures d'effacement et de consolidation des dettes n'ont pu résorber, mais aussi, et peut-être surtout, pour la communauté harkie, les anciens supplétifs et leurs enfants, dont le taux de chômage oscille toujours autour de 30 %, voire plus dans les secteurs urbains.

S'agissant des rapatriés endettés, la mesure d'aide exceptionnelle de l'Etat a, avec le dispositif des CODAIR institué en 1994, une base légale incertaine. Selon la Cour des comptes, il y avait des disparités de traitement en fonction des départements. Le Gouvernement a donc décidé d'assainir juridiquement le dispositif en l'instituant par décret, selon des modalités qui seront très prochainement définies, d'étendre le champ d'application de l'aide à certains mineurs orphelins lors du rapatriement, de doter le dispositif d'une somme à inscrire au prochain collectif, c'est-à-dire en décembre. La mise au point de ces nouvelles dispositions n'a pas pénalisé les réinstallés, puisqu'ils sont protégés des actions de leurs créanciers par la suspension provisoire des poursuites prononcée par l'article 100 de la loi de finances pour 1998. En outre, les dossiers en instance ont été traités : 214 aides en un an et demi pour un total de 77 millions.

Le devoir de mémoire est aussi au coeur des préoccupations du Gouvernement. A ce sujet, je confirme, monsieur le rapporteur, que l'édification du Mémorial de la France d'outre-mer se fera bien à Marseille, mais que le site choisi nécessite des études complémentaires en matière d'accessibilité et de sécurité des bâtiments existants. Je m'en tiens là pour l'instant, car je serai amené à apporter plus de précisions en répondant à une question qui me sera posée tout à l'heure.

Dernier point, mais non le moindre, je veux souligner la place que tient dans ce budget l'action en faveur des droits des femmes,...

P lusieurs députées du groupe socialiste.

Nous sommes là.

(Sourires.)

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

... dont les crédits d'intervention passent de 72 à 80,5 millions. Cet effort tout particulier témoigne de la volonté gouvernementale de faire des droits des femmes un objectif esssentiel de sa politique. Vous n'en attendiez pas moins de moi ! En ce domaine, les choses avancent. Elles changent.

C'est ce qui a conduit le Premier ministre, conformément à ses engagements, à proposer au conseil des ministres un projet de loi portant sur l'égalité entre les hommes et les femmes. Une fois votée, cette disposition constitutionnelle nous permettra d'adopter des dispositifs assurant une meilleure représentation des femmes dans les institutions politiques et dans les différents domaines de la vie professionnelle et sociale, car chacun sait que la véritable parité se vit au quotidien.

Mme Marre s'est inquiétée de l'emploi des crédits au service du droit des femmes. Je la rassure. Le financement des réseaux des centres d'information sur les droits des femmes est assuré. Nous veillons à ce que les subventions soient versées à bonne date. C'est l'une des réclamations que j'ai entendues dans de nombreuses interventions. Il est vrai que l'Etat est parfois mauvais payeur ! Par ailleurs, nous avons souhaité axer une bonne part des mesures nouvelles sur les actions du plan national d'emploi du sommet de Luxembourg, afin de donner une impulsion nouvelle à la lutte contre les discriminations dans le travail et pour l'égalité entre les hommes et les femmes.

J'en viens au budget de la santé...

M. Jean-Luc Préel.

Je croyais qu'il avait disparu !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

C'est l'objet de toute mon attention. C'est même l'unique objet de mon attention ! (Sourires.)

J'y ai déjà fait une incursion en évoquant les PRAPS à la faveur de la présentation des mesures d'application de la loi et du programme de lutte contre les exclusions, et je remercie Mme Génisson de sa présentation claire et loyale du budget de la santé.

Ce budget s'établira en 1999 à 3 792 millions, ce qui est légèrement supérieur, de 0,3 %, au niveau de 1998.

Toutefois, il faut prendre en compte, et certains ont eu tort de le brocarder, le transfert sur l'enveloppe médicosociale de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie, à hauteur de 120 millions, du financement des centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie, conformément au statut qui leur est conféré par l'article 72 de la loi contre les exclusions et en cohérence avec l'article adopté par votre assemblée le 30 octobre dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

A structure constante, ce budget augmente donc de 3,6 %, une nouvelle fois plus rapidement que le budget de l'Etat, après sa forte augmentation en 1998. Je m'en réjouis. Vous dire que je n'aurais pas souhaité plus serait mentir.

Il va de soi que la politique de santé s'exprime principalement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, ainsi qu'à travers les missions d'orientation, de réglementation et de contrôle exercées par l'administration de la santé et par les agences de sécurité santaire. Ce dispositif n'est commode ni à comprendre ni à « marier ».

C'est dans cette perspective qu'il me faut placer l'action de promotion et de protection de la santé publique financée sur le budget de l'Etat, pour bien mesurer, comme vous l'avez excellement souligné, monsieur Mitterrand, qu'elle a une portée bien plus grande que ne le laisse supposer l'enveloppe financière somme toute modeste, au regard de l'échelle des crédits que nous venons d'évoquer. C'est vrai qu'il y a des mastodontes à côté de nous ! Je vous remercie d'avoir mis l'accent sur un certain nombre d'avancées et de propositions. Pour la première fois, ce n'est pas uniquement des critiques que j'ai entendues. Vous avez donné une direction. Si nous la suivions, nous nous en sentirions tous plutôt mieux.

Les actions de santé publique se développent sur quatre fronts qui sont autant de priorités. Si elles sont suivies, l'évolution des masses financières s'en trouvera profondément modifiée.

Première priorité : la santé est un enjeu de la lutte contre les exclusions. Les praticiens et les acteurs de terrain le savent, mais jamais cette idée n'avait aussi clairement orienté les choix budgétaires.

J'ai développé à plusieurs reprises les objectifs et les moyens des programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins. Je n'y reviens que pour vous dire ma conviction qu'ils feront progresser de manière rapide et fondamentale les approches de santé publique et les pratiques des intervenants. Je pense au développement des réseaux médico-sociaux, dans lesquels vont collaborer, se coordonner, se former mutuellement les différents acteurs chargés de l'accueil, de la prévention, de la dispensation des soins, de la restauration des droits.

Certains d'entre vous ont parlé d'une agence régionale de santé, de l'évolution nécessaire, et cela recoupe l'idée souvent avancée de la complémentarité des enveloppes. Il


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est évidemment indispensable de mettre en oeuvre une complémentarité entre le médico-social et le sanitaire pur.

Nous savons que cela pose des problèmes, car les financements ne sont pas les mêmes, des problèmes de mental ité, de structure, de bâtiments, de formation. Il n'empêche ! Oui, il doit y avoir beaucoup plus de continuité, mais, je le répète, les priorités que nous vous proposons vont dans ce sens.

Il va s'agir de renouveler les formes de prise en charge des pathologies infectieuses longues ou chroniques - sida, diabète, hépatite C, cancers, notamment les cancers féminins - présentées par les personnes en situation de précarité, sans jamais verser dans l'écueil de l'ostracisme et de la stigmatisation. Nous savons que, dans le passé, les personnes en situation de précarité n'avaient pas accès aux structures de dépistage.

Il en va de même du soutien aux équipes de psychiatrie de secteur ou d'établissement pour construire, sans psychiatriser la misère, des réponses adaptées à la souffrance psychique liée à la précarité, ou encore de la mise en place de lieux d'écoute, de prévention et de soins pour les publics d'accès difficile : SDF, jeunes en situation de précarité.

La mise en place de consultations d'alcoologie au sein même des structures d'hébergement d'urgence illustre la diversification des missions du dispositif d'urgence que j'évoquais plus haut, dans l'esprit de la loi de lutte contre les exclusions.

Mme Génisson, M. Foucher, M. Jacquat et M. Accoyer ont soulevé à juste titre le grave problème posé par le suicide des jeunes, qui, certes, ne tient pas seulement à la précarité et à l'exclusion, mais dont l'approche peut se renouveler à la lumière des méthodes développées dans le cadre que je viens de décrire. Je ne veux pas abuser de votre temps, mais je serais très heureux de discuter avec vous de notre programme de lutte contre les suicides et de la manière dont les commissions qui ont été mises en place avancent, font des propositions et auront bientôt, j'espère, des résultats. J'élabore un programme national de prévention, qui mobilisera notamment les crédits du fonds de prévention et s'appuiera sur les programmes régionaux de santé - cela répond à ceux qui nous reprochent notre centralisme - qui ont fait de ce thème un de leurs objectifs. C'est la première fois que le Gouvernement met en place un tel programme.

Dans ce cadre, l'ANAES, tant décriéé, est chargée d'élaborer un protocole d'accueil, de prise en charge et de projet de sortie des suicidants à l'hôpital, car un tel suivi compte infiniment. Un groupe de travail a modélisé « le parcours du suicidant », définissant les différentes étapes de la prévention du suicide. Ce modèle doit permettre d'identifier, à chacune de ces étapes, les actions susceptibles d'être efficaces, comme il devrait le faire en amont, puisque la moitié des suicidants ont vu un médecin qui n'a pas pu ou qui n'a pas su faire quelque chose, ou qui n'a pas perçu la demande. Les actions pourront ainsi être testées sur le terrain au niveau régional et être évaluées à bref délai.

Je me suis engagé à faire passer en trois ans le nombre des suicides en dessous de la barre sinistrement symbolique des 10 000 morts par an.

Deuxième priorité : la prévention et la prise en charge des maladies infectieuses et des dépendances à l'égard des drogues et toxiques de toute nature, mission traditionnelle et essentielle de l'Etat dont le budget pour 1999 élargit notablement le champ.

Il faut, à l'évidence, une politique de prévention, vous avez raison, monsieur Aschieri, monsieur Nauche.

Les crédits de lutte contre la toximanie sont ainsi répartis : 815,7 millions de francs sur le chapitre 47-15 et 236,4 millions de francs sur le chapitre 47-16 qui porte les crédits interministériels de la mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie. M. Accoyer a justement souligné la baisse de certains crédits, mais la MILDT a obtenu des crédits d'un montant de 236,3 millions dont 220 au titre de son budget ordinaire et 15 au titre des mesures nouvelles.

C'est donc plus d'un milliard de francs que l'Etat consacrera en 1999 à cette action. Le Premier ministre a demandé à la présidente de la mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie, Mme Nicole Maestracci, ici présente, que je salue, de faire des propositions avant la fin de l'année sur l'organisation de la mission interministérielle, en lui demandant d'élargir son champ d'action à l'ensemble des toxiques, légaux ou illégaux, y compris les psychotropes. Nous avons l'intention de faire baisser leur consommation de 10 %. Pour cela, il faut faire passer à nouveau la durée de prescription à vingthuit jours, avec un avis médical circonstancié. C'est, je pense, l'une des mesures que vous souhaitez.

La majeure partie de la dépense imputée sur le chapitre 47-15 est le financement des quelque 380 structures de soins spécialisées et des 1 400 places en hébergement thérapeutique, auxquelles s'ajoutent les structures de prévention, points-écoute-jeunes et parents notamment. Certains pensent que notre politique a changé. Oui, elle a changé. Elle se renforce ! Nous multiplierons ces points d'écoute.

Un débat sur la toxicomanie, j'y aspire. Je souhaiterais qu'il y ait ici, comme au Sénat, un débat sur la prise en charge des différents toxiques. C'est à vous de le proposer. Le Gouvernement a déjà dit par la voix de Daniel Vaillant que nous le souhaitions, mais votre programme est chargé. Le débat au Sénat a été un modèle du genre.

Répétons-le ici. En tout cas, je suis à votre disposition.

(Approbation sur tous les bancs.)

M. Denis Jacquat.

Nous aussi, nous souhaitons qu'il y en ait un !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

La lutte contre le sida s'élargit à d'autres maladies transmissibles relevant d'une approche globale et de problématiques compa-r ables, principalement l'hépatite C. Cette épidémie touche près de 600 000 personnes en France. Nous avons défini un plan national de lutte sur quatre ans. Il sera mis en oeuvre dès le début de 1999. Les moyens de 1999 sont donc complétés par une mesure nouvelle de 16 millions affectés à l'hépatite C. Ces mesures nouvelles, et les dispositions équivalentes du PLFSS, permettront d'organiser le dépistage, le diagnostic et le traitement de ces patients, on parle maintenant de bithérapie et c'est donc plus coûteux, mais nous le ferons -, mais aussi de soutenir la surveillance épidémiologique, les programmes de prévention et la formation des personnels sanitaires et sociaux. Notre action sera, comme le souhaite M. Mitterrand, très largement déconcentrée.

La lutte contre l'alcoolisme comporte une mesure nouvelle de 25 millions qui s'intègre dans les mesures du programme de prévention et de lutte contre les exclusions, monsieur Aschieri. Certes, c'est insuffisant mais cela dépend de ce qu'elle recouvre. Au regard du nombre de décès, monsieur Préel, c'est insuffisant aussi, mais c'est un progrès. C'est une critique assez spécieuse de prétendre que nous n'avons pas assez d'argent pour lutter


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contre l'alcoolisme. Aussi bien dans le budget consacré à l'hôpital que dans celui consacré aux dépenses de ville, il y a des crédits considérables destinés à la prise en charge des conséquences néfastes de l'alcoolisme.

Peut-être que la prévention en France, toujours parent pauvre, n'est pas suffisante. Faut-il une agence ou pas, je n'en sais rien, mais vous savez que je suis favorable à toute mesure tendant à renforcer la prévention. Nous y t ravaillons. Pourquoi d'ailleurs ne pas y travailler ensemble ? Dans ce domaine des pratiques addictives, la mesure de relèvement des taxes sur le tabac qui vient d'être adoptée dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale est un progrès. J'ai entendu les critiques et j'ai lu les journaux. Le prix du paquet de cigarettes en Angleterre est presque deux fois et demie supérieur à ce qu'il est chez nous. Contrairement à ce qu'on pense, il est relativement bon marché en France par rapport à l'Europe. L'essentiel, c'est que l'augmentation du prix du tabac entraîne automatiquement une diminution de la consommation, surtout chez les jeunes.

Grâce à vous, nous avons fait baisser le prix sur le tabac à rouler l'année dernière, et la consommation a diminué. Malheureusement, l'augmentation du prix des cigarettes n'a pas suivi et nous assistons, pour la première année depuis dix ans, à une augmentation de la consommation chez les jeunes. Il faut réagir et c'est l'une des façons de le faire. Ce n'est pas suffisant mais je crois que c'est nécessaire.

S'agissant des cancers, madame Génisson, il y avait deux modèles de dépistage qui se combattaient l'un l'autre. L'effort ne concernait que la moitié des départements. Maintenant, nous allons organiser au niveau national une prise en charge à 100 % des cancers féminins puis du cancer colo-rectal. Si vous ne trouvez pas, mesdames, messieurs, que c'est une mesure forte, je m'étonne de la dureté de votre critique. C'est une des mesures essentielles, M. Mitterrand l'a saluée. Pour la première fois, c'est la Caisse nationale d'assurance maladie qui prend en charge la prévention. Elle rembourse à 100 % les examens, selon un modèle donné par certains pays environnants, qui sera plus performant.

Quant à la médecine scolaire, monsieur Aschieri, nous ne sommes pas seuls dans cette affaire. Nous travaillons avec Mme Ségolène Royal dans un groupe très performant, de façon à porter un regard sur le système de santé scolaire du point de vue de la santé et non du point de vue de l'éducation. J'espère que nous progresserons. En tout cas, c'est le voeu de nos amis de l'éducation nationale.

Sur les médecines alternatives, que vous dire ? Il existe un programme d'évaluation de l'homéopathie auquel participe des médecins homéopathes travaillant dans des hôpitaux prestigieux Celui-ci nous permettra peut-être d'avoir, pour la première fois, une idée de l'efficacité de l'homéopathie. Jusqu'à présent, il n'a jamais été possible d'évaluer l'efficacité des traitements homéopathiques en fonction des critères habituels.

Si nous pouvons, dans des domaines performants et très pointus, évaluer la pratique de nos collègues homéopathes qui travaillent dans les hôpitaux, j'en serai très heureux. Nous pourrons dès lors commencer des médecines alternatives.

Ce domaine d'intervention - l'organisation du système de soins - est désormais regroupé dans un « agrégat » de 1,564 milliard qui permet de cerner sa cohérence. Je vais en rappeler les principaux éléments.

L'accent est mis sur la formation des professions médicales et paramédicales. La dotation aux écoles de formation des sages-femmes et des professionnels paramédicaux est reconduite en 1999, confirmant, ce qui rassurera M. Préel et M. Vila, l'arrêt des baisses de crédits sur cette ligne. La subvention à l'ANAES s'élève à 37,33 millions de francs.

Certains critiquent le montant du budget de l'ANAES.

Mais je leur rappelle que nous avons trouvé cette agence dans un état que je ne décris pas par charité.

M. Jean-Luc Préel.

C'étaient ses débuts !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Cela faisait tout de même un an et demi qu'elle avait été créée.

M. Jean-Luc Préel.

Ça fait bien un an et demi que vous êtes là !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Nous, nous l'avons mise en route. Pour cela, nous avons publié les textes nécessaires. Nous avons organisé la présidence, la surveillance, le secrétariat général, etc.

Si le budget de l'ANAES n'a pas été augmenté, alors que les demandes sont multiples et que cet organisme essentiel a pris la suite de l'ANDEM, c'est parce que les 73 personnes jusqu'à présent recrutées ont bénéficié, ave c les mesures précédentes, d'un financement pour 128.

C'est d'ailleurs pour cela qu'elles ne se plaignent pas.

M. Gilbert Mitterrand, rapporteur social, pour la santé.

Ils ne disent rien.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Quand vous avez rencontré les responsables de l'ANAES, ils n'ont rien demandé car il n'avaient rien à demander. Le recrutement se poursuit. Il reste une cinquantaine de postes à pourvoir, pour lesquels nous disposons des crédits.

En tout cas, les quarante expérimentations prévues sont engagées. Nous aurons plaisir, les uns et les autres, à discuter de leurs résultats.

Le budget de l'ANAES est donc un budget de reconduction. L'agence pourra mobiliser ses réserves en 1999 afin d'accélérer la montée en puissance de ses missions en matière d'accréditation et de nomenclature.

C omme l'a fait remarquer M. Gilbert Mitterrand, l'ANAES est en état de fonctionnement et les textes d'accréditation ont débuté. Nous avons beaucoup progressé.

Je rappelle que j'ai installé l'ANAES en trois mois.

La subvention aux agences régionales de l'hospitalisation est de 107,7 millions de francs.

Le budget des ARH est également abondé par la contribution des régimes d'assurance maladie. Actuellement, 222 personnes travaillent pour les agences, y compris les vingt-six directeurs, et quarante-six agents sont mis à disposition par l'assurance maladie au titre des apports prévus par les conventions constitutives. Une mesure nouvelle de 3 millions de francs est affectée aux frais d'études nécessaires.

En ce qui concerne la rémunération des directeurs d'agence régionale, nous nous sommes engagés à fixer un cadre plus transparent, qui permettra d'harmoniser les niveaux de ces rémunérations par référence à ceux des emplois de direction de l'administration. Le projet a aujourd'hui sa forme finale et sa mise en place est toute proche.

Le fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, le FIMHO, créé l'an dernier, est un élément important des moyens consacrés à l'organisation des soins.


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Inscrit dans un cadre pluriannuel et doté pour 1999 de 250 millions de francs d'autorisations de programme et de 150 millions de francs de crédits de paiement, ce fonds permet, avec un effet de levier très important, de compléter le financement d'opérations choisies pour leur effet structurant.

Je n'arrête pas de recevoir des lettres de remerciements de la part des maires et des présidents de conseil d'administration qui ont bénéficié de ces fonds.

Le soin apporté à la sélection des projets en fonction de critères connus et mesurables - je dis cela pour M. Accoyer et M. Foucher - explique que nous n'ayons pas précipité l'affectation des crédits du FIMHO. Mais c'est fait. Cette attention, je dois le dire, n'avait pas toujours été le fait des opérations financées sur le chapitre d es subventions d'équipements sanitaires auquel le FIMHO se substitue. Le moins que puisse faire le Gouvernement est d'expertiser au mieux les dossiers qui lui sont présentés et de rechercher une utilisation optimale des crédits.

Je précise à Mme Génisson que nous prendrons en compte, bien entendu, la pénibilité de certaines spécialités médicales. Nous sommes en négociation depuis maintenant plus de deux mois avec les urgentistes, mais ce ne sont pas les seuls à être concernés par la pénibilité de leur métier - je pense aussi aux anesthésistes, aux obstétriciens, aux chirurgiens et aux personnels paramédicaux.

Des réflexions profondes doivent être conduites dans le cadre de l'évolution des services d'urgences, comme d'ailleurs dans le cadre des spécialités en général, puisque c'est une question récurrente. Vous savez très bien, madame la députée, que nous avons engagé des réflexions sur la transformation de l'internat, sur les études médicales, sur les moyens d'éviter une pénurie ou une absence de spécialistes dans des domaines très particuliers à l'horizon 2003-2005 - il faut gagner ce combat, sinon nos hôpitaux ne pourront plus fonctionner.

Le financement des services de santé dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte est porté à 179 millions de francs. Cela permettra d'engager un redressement significatif de la situation financière du service de santé de Wallis-et-Futuna, comme l'a souligné Mme Catherine Génisson.

A cet égard, la réduction de 6 millions opérée sur les crédits relatifs au fonctionnement des services d'urgence préhospitaliers est destinée à consolider le financement du service de santé de Wallis-et-Futuna. Nous reconsidérerons cela en 1999.

Comme M. Mitterrand l'a souligné, en cette manière aussi, nous respectons nos engagements.

M. Gilbert Mitterrand, rapporteur spécial, pour la santé.

Absolument !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Enfin, quand on parle de l'offre de soins, comment ne pas parler des malades et leurs droits ? C'est un sujet qui me tient à coeur et qui, je pense, concerne tout le monde dans cette assemblée. Soulager la douleur des malades et aider à la fin de la vie est une de mes priorités. C'est pour cette raison que j'ai décidé de mettre en place deux plans de lutte - l'un contre la douleur, l'autre sur l'accompagnement de fin de vie - dont les grandes lignes vous sont connues. Je pense que ces plans permettront de faire évoluer les mentalités de tous.

Monsieur Nauche, la démocratie sanitaire est une jolie expression. Pour notre part, nous essayons de la mettre en oeuvre. Quant à la formule "territoire de santé" que je ne connaissais pas, ne soyez pas étonné de m'entendre l'employer, car je la trouve beaucoup plus jolie que celle de bassin de vie. Bien sûr, je vous en attribuerai la paternité.

(Sourires.)

M. Pierre Forgues, rapporteur spécial, pour les affaires sociales.

En effet, c'est plus joli !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Quatrième et dernière priorité : le dispositif de veille et de contrôle de sécurité sanitaire. Je passe rapidement car vous connaissez la loi de 1998.

Mise en place dans un contexte de crise, les premiers établissements de veille ou de contrôle sanitaire l'Agence française du sang, l'Agence du médicament, l'Etablissement des greffes, l'Office de protection contre les rayonnements ionisants - ont montré la pertinence du schéma d'organisation sur lequel reste fondée la loi du 1er juillet. Il s'agit d'entités responsables et armées pour répondre aux besoins.

M. Aschieri a parlé très justement de la radioprotection. Le projet de M. Le Déaut nous est connu, et nous travaillons sur ce sujet.

Le dispositif de veille et de contrôle de la sécurité sanitaire est désormais complété par la création de trois nouveaux établissements : l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, qui reprend et élargit les compétences de l'Agence du médicament à tous les produits de la santé - il faudra la financer ; l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, laquelle, avec la participation de l'agriculture et des finances, doit renforcer nos capacités de veille ; l'Institut de veille sanitaire, qui fait suite au GIP-Réseau national de santé publique pour développer la veille épidémiologique.

J'ai bien noté les interrogations de M. Mitterrand sur la situation financière des observatoires régionaux de santé. Je sais que les crédits sont à peine reconduits. Cela dit, je crois que l'instauration de liens financiers particuliers entre l'institut de veille sanitaire et ces observatoires est une bonne chose, mais il faudra prendre garde à ce que cette nouvelle collaboration ne pénalise pas les observatoires. J'en ai pris bonne note.

La loi prévoit également, à terme rapproché, l'intégration des centres de transfusion sanguine dans un établissement français du sang, constitué en opérateur unique et public de la transfusion sanguine.

Cette transformation profonde du paysage institutionnel se traduit dans le budget mais, là encore, sans que les chiffres expriment à eux seuls la portée de ces changements, qui sont très importants.

Les subventions de fonctionnement versées par l'Etat à ces établissements représentent 338,7 millions de francs, pour seulement 296 millions de francs en 1998, monsieur Foucher, dont une provision de 80 millions de francs qui préfigurait le futur dispositif.

Je conclus sur les moyens de l'administration sanitaire et sociale. Cette année encore, la nécessité d'un renforcement a été reconnue en dépit de la norme de stabilité imposée globalement aux effectifs de la fonction et de l'extrême difficulté à plaider en faveur des mesures catégorielles.

J'ai évoqué, à propos des aides d'urgence, la création de quatre-vingts emplois dans les services déconcentrés, pour la prévention et la lutte contre les exclusions.

J'indique que les services centraux seront, eux aussi, renforcés de vingt emplois d'encadrement axés sur les capacités d'expertise, de pilotage et d'évaluation ; que les agents de catégorie C bénéficient des mêmes mesures


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d'amélioration des promotions et des primes que les agents relevant de l'emploi ; et qu'enfin 155 emplois sont ouverts pour poursuivre l'intégration des agents à statut précaire - ainsi, les deux tiers des emplois précaires seront résorbés à la fin de l'année 1999.

D'autres questions m'ont été posées, j'y répondrai tout à l'heure. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt-deux heures, troisième séance publique : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999, no 1078 : M. Didier Migaud, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1111).

Emploi et solidarité, articles 82 et 83 (suite) : Affaires sociales : M. Pierre Forgues, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 20 au rapport no 1111) ; Santé : M. Gilbert Mitterrand, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 23 au rapport no 1111) ; M. Bernard Accoyer, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 1112, tome X)

; Rapatriés : M. Francis Delattre, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 22 au rapport no 1111) ; Action sociale et lutte contre l'exclusion : M. Serge Janquin, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 1116, tome

VIII ). La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT