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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET

1. Loi de finances pour 1999 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 8665).

TRAVAIL ET EMPLOI M. Gérard Bapt, rapporteur spécial de la commission des finances, pour le travail et l'emploi.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour le travail et l'emploi.

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la formation professionnelle.

M. Patrick Malavieille, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la formation professionnelle.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Mme Marie-Thérèse Boisseau,

M.

Claude Hoarau, Mme Roselyne Bachelot-Narquin,

MM. Maxime Gremetz, Gérard Lindeperg.

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

MM. François Goulard, Germain Gengenwin, Mme Muguette Jacquaint,

MM. Gaëtan Gorce, Bernard Perrut, Yves Cochet, Michel Destot, Mme Dominique Gillot.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat à la formation professionnelle.

Renvoi de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour de l'Assemblée (p. 8694).

3. Ordre du jour des prochaines séances (p. 8694).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1 LOI DE FINANCES POUR 1999 (DEUXIÈME PARTIE) Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078, 1111).

TRAVAIL ET EMPLOI

M. le président.

Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité, concernant le travail et l'emploi.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour le travail et l'emploi.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan pour le travail et l'emploi.

Monsieur le président, madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, madame la secrétaire d'Etat à la formation professionnelle, mes chers collègues, la présentation devant notre assemblée de ce budget pour 1999 du travail et de l'emploi survient dans un contexte favorable d'évolution du taux de chômage qui est passé, au sens du Bureau international du travail, de 12 % en septembre 1997 à 11,7 % en septembre dernier.

Cette évolution positive est bien entendu à mettre au compte du retour de la croissance. Mais elle survient aussi dans le cadre d'un processus bien engagé de réformes profondes de la politique publique de l'emploi au niveau européen et au niveau national.

Au niveau européen, il s'agit de la fixation d'engagements arrêtés en commun, à partir de mesures positives expérimentées avec succès par tel ou tel Etat puis de la surveillance communautaire de leur application.

Au niveau national, des plans nationaux pour l'emploi ont permis, à ce titre, à chaque pays de l'Union européenne de fixer des stratégies claires. La France s'y est employée sous votre impulsion, madame la ministre, à partir de trois impératifs : « une croissance plus forte, une croissance plus riche en emplois, une croissance qui puisse profiter à tous ».

Ce changement est encore plus évident, sur le plan proprement français, avec le lancement de la dynamique de la négociation sociale voulue par les auteurs de la loi du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail. Cette dynamique s'installe avec les accords dans le textile ou l'artisanat du bâtiment.

La lutte contre l'exclusion, confortée par la loi du 29 juillet 1998, et les nouveaux instruments qu'elle mettra en oeuvre, permettra de concrétiser plus encore le retour à l'emploi des personnes qui en sont le plus éloignées.

Tous ces éléments témoignent qu'un tournant s'est bien opéré vers une approche plus offensive et active du problème du chômage.

D'autres réformes sont encore à venir, en particulier en ce qui concerne les voies d'un allégement du coût du travail garant d'une plus grande efficacité en matière de création d'emplois faiblement qualifiés. Mais le présent projet de budget regroupe, plus encore qu'il n'avait pu le faire l'année dernière, les moyens au service de cette nouvelle approche.

Les crédits inscrits au projet de budget du ministère du travail et de l'emploi pour 1999 s'élèvent à 161,85 milliards de francs.

Ce montant comprend désormais les compensations par l'Etat des exonérations de cotisations sociales encore inscrites en 1998 au budget des charges communes : exonérations sur les bas salaires et exonérations des cotisations d'allocations familiales ; aides accordées au titre de la réduction du temps de travail. Les crédits inscrits au budget du ministère augmentent de 4 % par rapport aux moyens mis à la disposition du ministère du travail et de l'emploi en 1998 : 155,8 milliards de francs, dont 43 milliards au budget des charges communes. Comparée au taux d'évolution des dépenses civiles de l'Etat retenu dans le présent projet de loi de finances - 2,3 % -, la progression des crédits de l'emploi traduit la priorité accordée à la politique de l'emploi.

Mais cette progression globale ne rend pas compte de la réalité des moyens nouveaux affectés aux priorités gouvernementales dans ce budget, puisque d'importants redéploiements assurent leur montée en charge, sur trois axes : l'aide au développement de l'emploi par les emplois-jeunes, la réduction du temps de travail et l'allégement des charges sociales.

Deux actions leur sont complémentaires. Tout d'abord, un recentrage des dispositifs d'aide à l'emploi au bénéfice des demandeurs d'emploi, prioritaires. Il en est ainsi pour les contrats emplois consolidés, les contrats emploisolidarité et les contrats initiative-emploi. Ensuite un renforcement des moyens du service public de l'emploi.

Plutôt qu'à la description exhaustive de l'ensemble des chapitres budgétaires, que vous lirez dans le rapport écrit, je veux m'attacher à présenter l'effort budgétaire sur les piliers qui caractérisent ce budget.

Le budget du ministère du travail inscrit 13,9 milliards de francs - soit une augmentation de 5,87 milliards pour financer les emplois-jeunes. L'objectif est de parvenir à 250 000 emplois, à la fin de 1999, tous ministères de rattachement confondus.


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Le montant de l'aide spécifique versée par poste a été revalorisé proportionnellement à l'évolution du SMIC au 1er juillet et porté à 93 840 francs par an.

Le crédit inscrit à ce titre tient compte du délai s'écoulant nécessairement entre la date de la signature de la convention conclue entre l'employeur et l'Etat et celle du recrutement effectif. Au 1er octobre 1998, le nombre des recrutements effectifs s'élevait à presque 89 000 emplois, et le nombre de conventions conclues à 138 250. L'objectif intermédiaire de 150 000 conventions signées à la fin de cette année sera donc atteint. Mais c'est sa traduction en emplois effectifs qui est prise en compte sur le plan budgétaire.

D'après nos informations, près de 100 000 emplois avaient déjà été créés, en termes de conventions signé es, à la fin du mois de juin 1998, dont 50 000 avec les associations et les collectivités locales.

Concernant la création d'emplois par la réduction du temps de travail, 3,7 milliards de francs sont prévus pour financer l'aménagement et la réduction du temps de travail au titre de la loi d'orientation et d'incitation, relative à la réduction du temps de travail. Cela correspond à une augmentation de 25 % par rapport aux crédits inscrits, à ce titre, au budget des charges communes de la loi de finances pour 1998, et devrait permettre le financement de l'abattement forfaitaire de cotisations, en année pleine, compte tenu tant des reports de crédits non consommés de 1998 que des conséquences qui seront tirées de l'impact favorable, pour les organismes sociaux, des créations et préservations d'emplois résultant du passage anticipé aux 35 heures.

Il serait opportun, madame la ministre, que vous indiquiez à quel niveau la compensation de l'Etat s'effectuera pour les organismes de sécurité sociale, pour tenir compte des recettes générées par ces créations d'emplois.

Par ailleurs, 200 millions de francs sont prévus pour aider les entreprises de moins de 500 salariés à négocier et mettre en oeuvre l'aménagement-réduction du temps de travail.

Enfin, une dotation de 3,05 milliards de francs est inscrite au chapitre 44-77 pour honorer en 1999 les conventions conclues au titre de la loi du 11 juin 1996, dite loi Robien.

L'allégement des charges sociales concerne les bas salaires et l'aménagement du territoire.

La ristourne dégressive porte sur les salaires inférieurs à 1,3 SMIC depuis le 1er janvier 1998. Figurant désormais au chapitre 44-77 du budget, elle s'élève à 43 milliards de francs, contre 38,77 milliards en 1998, et bénéf icie donc de plus de 4 milliards de dotation supplémentaire pour tenir compte des besoins estimés.

Les exonérations de charges sociales dans les départements d'outre-mer sont inscrites à l'article 60 du nouveau chapitre 44-77, au niveau de 1 milliard de francs, contre 705 millions en 1998. Elles visent à favoriser l'emploi dans l'industrie, la pêche, l'hôtellerie-restauration, l'agriculture, par solidarité avec les départements d'outre-mer.

Quant à l'exonération des cotisations d'allocations familiales, aucun crédit n'est inscrit à l'article 81 du nouveau chapitre 44-77, contre 527 millions de francs en 1998. L'article 81 du projet de loi de finances prévoit, en effet, la suppression de l'« abattement-famille » : nous aurons l'occasion d'y revenir avec la discussion d'un amendement de la commission des finances.

Enfin, les autres exonérations de charges sociales liées à l'aménagement du territoire, inscrites sur le nouveau chapitre 44-77, concernent les zones de revitalisation rurale et de redynamisation urbaine pour 500 millions de francs, contre 350 millions en 1998, et les zones franches urbaines pour 600 millions, contre 350 millions en 1998.

La dépense fiscale au titre du crédit d'impôt de 10 000 francs par emploi net créé par les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés a été estimée, lors d e son institution, à 3 milliards de francs, sur la base d'un effet incitatif concernant 60 000 emplois.

A côté de l'aide au développement de l'emploi, l'action d'aide au bénéfice des publics les plus en difficulté, considérés comme prioritaires, constitue le second pilier de ce budget.

S'il existe une diminution de l'offre globale des c ontrats aidés, CES, CEC, CIE, qui passeront de 700 000 à 650 000, en tenant compte du retour de la croissance et de la création nette d'emplois, en revanche, le nombre des contrats aidés destinés aux publics les pluse n difficulté augmente significativement, passant de 460 000 à 510 000.

C'est le cas du CEC, contrat emploi consolidé, dont la dotation passe de 3,1 milliards de francs en 1998 à 5,2 milliards en 1999. Le nombre de CEC augmente - il passe de 50 000 à 60 000 -, mais surtout, est mis en place, pour 70 % des contrats, un CEC de type nouveau, créé par la loi de lutte contre les exclusions. Il s'agit d'un CEC pris en charge à 80 % pendant cinq ans sans dégressivité, réservés aux personnes ayant de sérieuses difficultés d'accès à l'emploi.

A l'inverse, la dotation aux contrats emploi-solidarité diminue, passant de 11,6 milliards de francs en 1998 à 9 ,9 milliards en 1999, pour le financement de 425 000 CES. Un recentrage vers les publics les plus en difficulté avait déjà été effectué en 1995, puis accentué en 1997. Ce recentrage sera à nouveau accentué en 1999, avec l'objectif de 80 % d'entre eux réservés aux publics prioritaires contre 50 % en 1997. Ils bénéficieront alors du taux maximum d'aide de 95 %.

De même, se poursuivra le recentrage du CIE vers les chômeurs de longue durée, les titulaires de minima sociaux, les handicapés, les personnes de plus de cinquante ans, les jeunes de faible qualification. Six milliards de francs sont inscrits en 1999, contre 13 milliards l'an passé.

Concernant les handicapés, il faut signaler la majoration des crédits ouverts au titre des ateliers protégés, qui passent de 144 à 155 millions de francs, permettant la création de 500 places nouvelles.

Les moyens consacrés à l'insertion par l'économique s'élèveront à 363 millions de francs, en hausse de 4 %, auxquels s'ajoutent 176 millions du Fonds social européen, et 338 millions pour compenser l'exonération totale des cotisations patronales sur les salariés en insertion des entreprises d'insertion et de travail temporaire d'insertion.

Enfin, la loi de lutte contre les exclusions a prévu deux mesures d'incitation à la reprise d'un emploi par ceux qui en sont les plus éloignés par la sélectivité du marché du travail.

La première concerne le programme TRACE, accompagnement personnalisé vers l'emploi d'une durée de dixhuit mois maximum, en faveur des jeunes confrontés à de g raves difficultés et sortis du système éducatif au niveau VI et VI bis.

Les crédits pour 1999 figurent au chapitre 44-70, pour 60 millions de francs pour le recours à des opérateurs extérieurs, et pour 30 millions de couverture sociale.


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La seconde mesure concerne les titulaires de minima sociaux créant leur propre entreprise : 200 millions de francs sont destinés à des avances remboursables assorties d'un suivi-conseil.

Je ne citerai que pour mémoire les dispositifs de retrait d'activité - aide publique au chômage partiel, FNE relatif aux restructurations, allocations temporaires dégressives, convention de conversion - dont les dotations diminuent pour tenir compte de l'amélioration de la situation économique.

Les allocations spéciales du FNE s'effondrent, passant de 8,3 à 4,85 milliards de francs ainsi que les préretraites progressives, ce qui correspond en dehors de l'amélioration du contexte économique à la volonté du Gouvernement de mieux maîtriser la gestion des effectifs lorsqu'elle est financée sur fonds publics.

Une mesure ne donne pas lieu à inscription budgétaire : l'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE, dispositif mis en place par les partenaires sociaux consistant dans le versement d'une allocation de remplacement pour l'emploi aux salariés âgés de cinquantesept ans et demi au moins, ayant cotisé pendant quarante ans, qui partent de manière anticipée à la retraite et dont l'entreprise s'est engagée à une embauche de remplacement.

A la fin d'août 1998, 121 000 décisions d'admission avaient été prises. Le dispositif est financé par l'UNEDIC, mais le Gouvernement s'est engagé à participer à hauteur de 40 000 francs par contrat si l'ARPE était étendue aux salariés ayant commencé à travailler à quatorze ans.

Au titre de la participation de l'Etat au financement de l'indemnisation du chômage, la subvention au fonds de solidarité s'élève à 8,389 milliards de francs en 1999, en augmentation de 3,37 %, auxquels il faut ajouter 6,5 milliards de francs au titre de la contribution de solidarité des fonctionnaires.

Ces crédits prennent en compte les allocations de solidarité et leur indexation sur les prix prévus par la loi de lutte contre les exclusions et l'allocation spécifique d'attente et celle destinée aux chômeurs créateurs d'entreprises, créées par la même loi.

Ce budget est enfin marqué par un renforcement des moyens du service public de l'emploi. Il faut se féliciter que les moyens humains et de fonctionnement soient mis à la hauteur des ambitions de ce budget et que l'effort de titularisation et de création d'emplois engagé en 1998 soit poursuivi.

Surtout, l'ANPE bénéficie d'une augmentation de plus de 10 % de sa dotation de fonctionnement, portée à 5,765 milliards de francs pour la création de 500 emplois en année pleine afin de lui permettre de participer à l'accompagnement des demandeurs d'emploi dont la France a pris l'engagement dans son plan national d'action.

En conclusion, madame la ministre, la commission des finances a adopté les crédits du budget du travail et de l'emploi, en appréciant son volontarisme et son adéquation aux priorités gouvernementales. Toutefois, elle a adopté un amendement à l'article 81, article rattaché qui concerne les exonérations de cotisations d'allocations familiales dont bénéficient certaines catégories d'entreprises.

Je terminerai cette présentation du budget 1999 sur une question essentielle pour le budget du travail et de l'emploi mais aussi de la sécurité sociale. Il s'agit de la réforme du système des prélèvements des cotisations sociales patronales dans un sens plus favorable à l'emploi.

Ce débat doit être ouvert sur toutes les pistes, y compris celle d'un transfert de tout ou partie des cotisations patronales sur une assiette constituée par la valeur ajoutée par l'entreprise. Les récents commentaires sur cette question ont semblé converger sur l'abandon de la base valeur ajoutée. Mais il n'existe pas aujourd'hui de démonstration décisive permettant d'exclure totalement cette piste. Le rapport Malinvaud lui-même ne le fait pas.

Chargé par l'office parlementaire d'évaluation des politiques publiques d'un rapport sur l'efficacité des aides à l'entreprise en matière de création d'emplois à rendre au mois de mars prochain, je compte bien, en accord avec le président de la commission des finances, nourrir ce débat sur lequel, je le sais, madame la ministre, vous êtes particulièrement mobilisée.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Merci, monsieur le rapporteur spécial !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour le travail et l'emploi.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour le travail et l'emploi.

Madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le président, mes chers collègues, présenter un bon budget, et même un très bon b udget, n'est pas un exercice redoutable. Encore convient-il de ne pas se contenter de l'affirmer : il faut le démontrer.

Un premier indicateur l'établit : sa croissance est de 4,2 %, soit le double de la progression moyenne des crédits de l'Etat pour 1999.

M. Jean-Pierre Delalande.

A priori, c'est plutôt mauvais signe !

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis.

Dans le même temps, certains signes témoignent du succès rencontré par la politique de l'emploi. Ainsi, entre la discussion budgétaire de l'année dernière et celle-ci, le chômage a diminué de 5 %.

C'est un bon budget, parce qu'il finance les quatre piliers sur lesquels repose la politique de l'emploi : l'accompagnement de la croissance, la réduction de la durée du travail, le développement des nouveaux services, à travers les emplois-jeunes, et la promotion de l'insertion par l'activité.

Je commence par l'accompagnement de la croissance.

Sans croissance, il n'y a pas de redressement durable de l'emploi. M. Seillière du MEDEF...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Joli nom ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis.

... a bien voulu porter, après la publication des derniers chiffres montrant la réduction du chômage, une appréciation positive sur la politique du Gouvernement.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Quelle référence !

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis.

Il a d'abord souligné que le Gouvernement avait eu raison de sauvegarder la demande intérieure en maintenant, voire en développant, le pouvoir d'achat. Il est vrai que le transfert des cotisations des salariés vers la CSG a contribué à une progression de 1 % du pouvoir d'achat.

Ensuite, il a reconnu que la création des emplois-jeunes était une bonne idée parce que, lorsqu'un jeune a un


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emploi, c'est toute sa famille qui a une autre vision de l'avenir et retrouve confiance. Une autre manière de consommer apparaît lorsque l'emploi des jeunes se développe.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Si c'est M. Seillière qui le dit !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Belle référence !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Vous devriez tout de même vous méfier, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis.

Quand je dis du bien de la politique du Gouvernement, personne n'y prête une attention particulière puisque j'appartiens à la majorité. En revanche, quand de tels propos sont tenus par un homme qui n'a pas pour habitude de louer le Gouvernement, ils prennent une toute autre valeur.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Quand il dit du mal, ce n'est pas bien, mais quand il dit du bien c'est mieux ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis.

J'ajoute, mesdames et messieurs de l'opposition, qu'il faut se méfier de la multiplication des discours pessimistes sur la crise internationale. N'oublions jamais, en effet, que, dans un monde de communication, l'état de l'économie n'est pas indépendant de la médiatisation. La répétition de discours sur le doute finit par créer le doute. On peut ainsi provoquer ou aggraver une crise à force de l'annoncer, alors que les discours raisonnables sur la confiance engendrent la confiance ou contribuent à son maintien.

M me Marie-Thérèse Boisseau.

C'est la méthode Coué !

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis.

Il semble que le président du MEDEF ait compris ce message.

L'outil essentiel de l'accompagnement de la croissance dans ce budget est constitué par les allégements de charges sociales qui s'élèvent à 80 milliards de francs. En lui-même ce chiffre est une bonne réponse à tous ceux qui estiment que les efforts sont insuffisants en la matière. Ainsi plus de 50 % du budget de l'emploi sont consacrés au financement soit de la suppression, soit de l'allégement de charges sociales. Le problème est donc moins celui du niveau de l'allégement qui est considérable que celui de son assiette.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Très bien !

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis.

La réforme annoncée portera sur cette question. Pour ma part, je crois que regarder un tout petit peu du côté des revenus du capital ne devrait pas être interdit. Cela est même justifié quand, dans l'évolution des processus de production, les machines remplacent les hommes.

Le deuxième pilier de la politique de l'emploi, parce que la croissance ne suffit pas, est la réduction de la durée du travail.

L'avantage de ne pas préparer ses interventions par écrit est de pouvoir se référer à l'actualité du jour. Or j' ai lu ce matin dans un journal que je ne veux pas citer ce titre : « Trente-cinq heures, la marmite bouillonne. Une entreprise sur cinq négocie ou a conclu un accord. Plus de trois millions de salariés sont déjà concernés par les accords signés. »

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

La soupe est indigeste.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Non, c'est un plat raffiné ! (Sourires.)

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Les entreprises n'ont pas le choix !

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis.

La réalité d'aujourd'hui est le meilleur démenti aux discours pessimistes tenus il y a quelques mois sur ces bancs et selon lesquels cela ne marcherait pas. Or ces accords sont triplement gagnants : gagnants pour les salariés, gagnants pour l'entreprise qui se réorganise, gagnants pour les chômeurs qui bénéficient d'offres d'emploi.

Les crédits pour accompagner cette politique figurent dans le budget à hauteur de 3 milliards de francs auxquels il faut ajouter les reports de crédits non utilisés inscrits l'année dernière.

Le troisième pilier de la politique de l'emploi est le d éveloppement des nouveaux services à travers les emplois-jeunes.

Dans ce budget pour 1999, sont inscrits 14 milliards de francs pour atteindre l'objectif des 250 000 emploisjeunes à la fin de l'année prochaine. Dès octobre, 88 000 emplois-jeunes avaient été créés et 138 000 avaient été autorisés dans le cadre de conventions. A cet égard, je tiens à souligner que l'administration va quelquefois plus vite pour approuver les conventions que les employeurs eux-mêmes. Il me semble bon de le relever, car on adresse assez souvent à l'administration la critique d'être lente, d'autant que l'embauche nécessite parfois un processus plus long qu'on ne l'imagine ce qui explique le décalage entre emplois créés et ceux dont la création est autorisée.

En tout cas, le dispositif est un succès. Pourtant que n'a-t-on entendu à son propos ! Les jeunes l'apprécient et il s'inscrit dans une dynamique de développement pour l es associations, dans une dynamique de création d'emploi de proximité pour la population et pour toutes les collectivités. Il convient d'ailleurs de relever avec satisfaction que, quelles que soient les sensibilités politiques des majorités, des partenariats ont été mis en place dans les régions, dans les départements et même dans des c ommunes, pour cofinancer le développement des emplois-jeunes.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Nous ne sommes pas sectaires, nous !

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis.

Cela démontre que, au-delà des débats qui nous ont opposés dans cette enceinte, les élus de terrain considèrent que ce dispositif est extrêmement positif.

Le quatrième et dernier pilier de la politique de l'emploi est l'insertion par l'activité, traduction notamment de la loi sur l'insertion.

Le recentrage des contrats emploi-solidarité est certes réussi, puisque deux tiers des bénéficiaires sont des chômeurs de longue durée. Pour autant, il ne faudrait pas qu'il débouche sur un repli. Soyons vigilants à cet égard en faisant en sorte que la durée de ces contrats soit compatible avec la gestion de l'offre d'insertion. En effet, des contrats de trop courte durée - ils sont quelquefois de huit mois - ne sont pas toujours compatibles avec la mise en oeuvre de chantiers d'insertion, généralement mis en place pour une année.

Dans ce domaine les contrats emploi-solidarité jouent aussi un rôle essentiel. D'ailleurs le mot « consolidation » est au coeur du nouveau dispositif de l'insertion par l'activité. Le pire des cas, pour tous ceux qui sont très


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impliqués dans l'insertion, est celui des personnes que l'on peut appeler les « licenciés de l'insertion », celles qui, après avoir épuisé leurs droits à l'insertion, n'ont d'autre solution que de retourner vers le chômage, avec cette séquence absurde : deux ans en insertion, un an de chômage pour se reconstituer des droits à l'insertion et pouvoir de nouveau entrer dans un dispositif d'insertion.

Tout ce qui va dans le sens de la consolidation des dispositifs d'insertion permet d'éviter ce phénomène assez absurde.

Le budget intervient en ce sens puisqu'il porte le nombre des postes en contrats emploi consolidé de 30 000 à 60 000. Il est souhaitable que les décrets paraissent rapidement à la fois pour l'accès direct aux contrats emploi consolidé et pour l'amélioration de leur financement lorsqu'il s'agit des publics les plus en difficulté.

Les CEI sont également recentrés pour éviter des effets d'aubaine. Une enquête récente à en effet montré que, dans la plupart des cas, un employeur qui décide d'embaucher examine les différents dispositifs pour choisir le plus intéressant. Les CEI ne sont donc pas toujours le levier d'une embauche supplémentaire. Cela justifie pleinement le recentrage pratiqué dans ce budget. Le projet de budget pour 1999 prévoit aussi 40 000 entrées dans le programme TRACE pour les jeunes.

Par ailleurs, il est souhaitable que soient rapidement pris les décrets relatifs tant au dispositif de création d'activités par les jeunes, qui était prévu par la loi sur les emplois-jeunes, qu'à l'élargissement du dispositif de création d'emplois pour les chômeurs, prévu dans la loi sur l'insertion. Aider quelqu'un à sortir du chômage en lui permettant de créer des richesses est une donnée essentielle de la politique de l'emploi. En effet, celle-ci ne saurait se résumer en une politique de partage puisque l'on ne peut partager que la richesse qui est créée. Il ne faut donc pas dissocier les politiques de partage de l'emploi et de partage de la productivité au service de l'emploi des politiques de développement et de croissance, qui seules sont de nature à dégager les financements nécessaires à la politique de l'emploi.

Je vais conclure en me réjouissant d'une réduction de crédits. Cela peut paraître paradoxal car, habituellement, quand le rapporteur d'un budget monte à cette tribune, c'est pour expliquer combien il trouve formidable que les crédits, sur tel ou tel chapitre, augmentent.

En l'occurrence la réduction de crédits que je vise est t rès intéressante car elle témoigne, d'une certaine manière, de la réussite de la politique menée par le Gouvernement : dans ce budget les crédits de dépenses de chômage et de retrait d'activité sont diminués de 21 %.

Cette réduction est un signe extrêmement positif. En effet, ainsi que j'ai essayé de le démontrer un bon budget est un budget dans lequel les crédits de gestion passive d'une situation diminuent, alors que ceux mis en oeuvre en faveur d'une politique active de l'emploi augmentent.

Tel est bien le cas du budget de l'emploi. C'est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à son adoption.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan pour la formation professionnelle.

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan pour la formation professionnelle.

Mesdames les ministres, mes chers collègues, il me revient de présenter, au nom de la commission des finances, les crédits de la formation professionnelle pour 1999.

Cet examen s'inscrit dans un contexte qui lui donne une particulière importance. D'une part, nous voyons progressivement s'affirmer, dans certains secteurs, des besoins non satisfaits de main d'oeuvre qualifiée - tel est le cas des informaticiens, mais ce n'est pas le seul exemple - alors même que la lutte contre le chômage, en particulier contre celui de longue durée demeure laborieuse, malgré les progrès récents. D'autre part, le Gouvernement semble avoir voulu que 1999 soit une année de réformes. Le Livre blanc annoncé de la formation professionnelle devrait nous apporter à cet égard un bilan clair du système.

Avant de vous soumettre quelques observations et quelques questions, je vais brièvement rappeler que, dans la masse des crédits consacrés à la politique de l'emploi, du travail et de la formation professionnelle, environ 162 milliards, ceux alloués à la formation professionnelle, regroupés au sein d'un nouvel agrégat « Participation de l'Etat à la formation professionnelle », atteignent 26 419 millions.

Ils connaissent une progression sensible de 5,3 % et l'essentiel va au financement des formations en alternance. Il faut cependant rapporter ces 26 milliards à l'ensemble de la formation professionnelle qui représente, selon le dernier chiffre disponible, environ 140 milliards de francs, mais peut-être le Livre blanc nous permettrat-il d'avoir des chiffres plus précis.

La première des cinq observations que je vais présenter en les assortissant de quelques questions concerne les formations en alternance.

Elles constituent le coeur de notre système de formation professionnelle et représentent plus de 12 milliards de francs dans le budget pour 1999 où elles sont en progression de plus de 5 %. Longtemps cantonnées au secteur de l'artisanat et du commerce, ces formations ont pris un véritable essor depuis cinq ans. Les entrées en alternance ont progressé de 23 % et l'apprentissage a pris, dans cette progression, une place prédominante avec 211 000 nouveaux contrats. Les autres contrats dits de qualification, d'orientation ou d'adaptation ont également progressé avec un total de près de 170 000 contrats en 1997.

A cet égard, le projet de loi de finances comporte des points positifs, notamment l'augmentation sensible des contrats de qualification qui devraient passer de 100 000 à 130 000 et l'extension du contrat de qualification aux adultes avec 10 000 contrats prévus.

En revanche, on peut s'interroger sur la baisse des effectifs prévus pour les contrats d'apprentissage, qui ne seraient plus que 230 000 au lieu de 240 000. Peut-on savoir, comment le Gouvernement explique cette minoration des prévisions ? Faut-il y voir des raisons d'ordre démographique, la crainte que les entreprises soient peu intéressées à accueillir des apprentis, les réticences des jeunes à s'engager dans cette voie ? Il est heureux, en revanche, de constater que les contrats d'orientation devraient progresser, car ils constituent une excellente liaison entre une sortie difficile du système scolaire et l'entrée dans un contrat d'alternance.

S'agissant du contrat d'adaptation, ne serait-il pas opportun de relancer la négociation sociale pour lui donner une plus grande attractivité ? A ces interrogations portant sur le nombre des contrats prévus s'ajoute une autre inquiétude concernant la restrict ion des primes versées aux entrepreneurs pour


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 1998

l'embauche des apprentis qui se situent au-dessus d'un certain niveau de qualification. Tel est déjà malheureusement le cas pour le contrat de qualification alors même qu'il constitue un excellent moyen d'insertion pour des jeunes de niveau bac et au-delà. Certes, j'ai lu qu'il avait été instauré essentiellement pour des jeunes de formation relativement faible. Néanmoins, force est de constater qu'il permet souvent la transition entre une scolarité mal terminée, si je puis dire, et trop loin de la réalité, et l'entreprise. Nous regrettons donc l'orientation prise, mais vous nous donnerez peut-être des explications à ce sujet.

J'ajoute que le nombre des contrats concernant les jeunes de niveau bac et au-delà a progressé de quatre points en deux ans. Il serait donc dommage de couper cet élan. Il est certes bien de recentrer les formations en alternance sur des publics en difficulté, mais je ne vois pas pourquoi - ce propos reflète de ce qui a été dit en commission - cela se ferait au détriment des contrats en alternance destinés aux jeunes plus qualifiés. Il faut mener simultanément les deux politiques.

Vous avez évidemment raison de vouloir redonner toute sa place à l'apprentissage et à la qualification de publics moins favorisés, mais il n'empêche que, par une ffet d'enchaînement, un contrat d'apprentissage débouche souvent sur un autre, offrant ainsi une sorte de promotion sociale aux jeunes concernés qui sont souvent issus de milieux modestes. Au fil d'apprentissages successifs, ils pourront devenir peu à peu des acteurs majeurs de la vie économique.

Les employeurs n'étant pas toujours très disposés à prendre des apprentis de bon niveau - ce que je regrette la suppression de cette prime risque d'être un signal négatif. Nous aurons l'occasion d'y revenir puisque nous vous proposerons un amendement à ce sujet.

Ma deuxième remarque concerne les actions de formation hors alternance à la charge de l'Etat. Là aussi, on enregistre une progression. Elle est de 1,3 %.

Je souligne au passage l'effort réalisé en faveur de la lutte contre l'illettrisme. Il s'agit d'un prolongement de la lutte contre les exclusions et je me rejouis qu'il soit mené avec des moyens supplémentaires.

Il importe de réaffirmer notre souhait de voir un certain nombre de contrats d'insertion, comme le contrat emploi-solidarité, le contrat initiative-emploi et le contrat d'emploi consolidé, s'accompagner d'une formation plus systématique et mieux ciblée. Ils offrent en effet une occasion unique de renforcer la formation des personnes en difficulté.

Madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, nous devons nous interroger aussi sur les moyens dont dispose l'Etat pour évaluer les actions conduites par les régions. Il ne s'agit pas pour l'Etat de s'immiscer dans une compétence désormais régionalisée. Dieu sait si je suis favorable à la décentralisation mais elle ne doit pas signifier pour autant ignorance de ce que font les acteurs locaux, d'autant que - M. Gengenwin me permettra de le dire toutes les régions ne sont pas aussi attentives que ne l'est l'Alsace. Si l'on veut que l'Etat complète utilement l'effort régional, il lui faut en connaître la portée exacte, notamment sur les publics en difficulté.

Ma troisième remarque portera sur l'AFPA, l'agence pour la formation professionnelle des adultes. Sa subvention de fonctionnement augmente de 3,09 % par rapport à 1998.

L'AFPA, qui compte près de 12 000 employés, a incontestablement progressé. Le Comité d'évaluation du contrat de progrès 1994-1998 a souligné les avancéesr éalisées. Mais l'AFPA doit poursuivre ses efforts : accroissement de la déconcentration en interne et meilleure répartition régionale des moyens. L'AFPA doit continuer à viser une plus grande efficacité.

La volonté de recentrer l'agence sur sa mission de service public est justifiée. Elle peut en effet faire beaucoup pour les chômeurs de longue durée.

Pour autant - et je crois que nous en sommes tous d'accord -, l'AFPA ne doit pas perdre son ouverture sur le marché de la formation. Il faut qu'elle conserve des clients privés, pour garder un contact étroit avec tout ce qui se fait en formation professionnelle, dans un domaine où l'usage des nouvelles technologies va induire de profondes évolutions de l'appareil de formation professionnelle.

Il ne faudrait pas que l'AFPA, qui a été très souvent dans le passé à l'avant-garde, perde ainsi pied avec les besoins d'une société moderne.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très juste !

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial.

Deux exigences me semblent s'imposer à l'AFPA, ou plutôt devoir l'inciter à accroître encore son effort : la rationalisation de la gestion, d'une part, l'acceptation de la dimension régionale de la formation professionnelle, d'autre part.

J'ai énuméré dans mon rapport les progrès à réaliser par l'AFPA pour rationaliser encore plus la gestion : respect des procédures administratives et de contrôle interne, inventaire comptable plus détaillé. Je ne m'y arrête pas.

Il faut aussi se demander si l'agence ne pourrait pas utiliser une partie de ses fonds de réserve pour répondre à des besoins d'investissements.

Bref, il faut que l'AFPA ait une gestion de plus en plus transparente et exigeante pour écarter les griefs qui ont pu lui être faits dans le passé.

Deuxième exigence : il faut que l'agence accepte la dimension régionale désormais acquise par la formation professionnelle.

Il ne s'agit pas de réclamer, comme d'aucuns, une régionalisation totale : elle affaiblirait l'AFPA dont la force repose sur un réseau national efficace, susceptible de faire jouer des économies d'échelle. Mais, si l'AFPA était partie prenante dans les nouveaux contrats de plan, de stratégies régionales, il est certain qu'elle y gagnerait en reconnaissance de tous les autres partenaires. Cela lui perm ettrait de répondre encore plus efficacement aux besoins.

Il est indispensable, dans cette perspective, de créer une synergie entre les services régionaux de l'AFPA, le conseil régional et le préfet de région.

Ma quatrième remarque concerne la parution prochaine du Livre blanc. Mme la ministre a participé activement à sa préparation et pourra donc nous en parler en connaissance de cause. Les systèmes de collecte ont été simplifiés mais restent encore complexes et souvent loin du terrain. Trop souvent, c'est l'offre de formation qui oriente le choix des objectifs alors que ce devraient être les entreprises et leurs salariés qui soient à l'origine des orientations choisies et des directions prises.

J'ai en mémoire les collectes organisées par certaines toutes petites branches qui ne sont dotées que d'un étatmajor parisien installé dans une soupente, et qui drainent vers elles, ma foi, pas mal d'argent. On peut d'ailleurs se demander si cet argent collecté au plus près du terrain ne permettrait pas d'avoir des résultats plus effectifs parce que plus en phase avec les besoins sur le terrain.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 1998

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Tout à fait.

M. Germain Gengenwin.

Vous prenez, monsieur le rapporteur, beaucoup trop de précautions !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

C'est très diplomatique !

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial.

Je le dis de manière diplomatique, mais je crois que les intéressés se reconnaîtront. Je l'espère en tout cas.

Le Livre blanc sera peut-être ce miroir indispensable. A l'inverse, la qualité des formations offertes par les organismes devra être un peu plus éprouvée. Je reconnais que le chemin sera long mais ce n'est pas une raison pour ne pas accélérer la marche en avant car ce sera l'un des grands enjeux de demain.

Je terminerai sur ce point. Nous devons nous acheminer vers une réforme fondamentale consistant à créer une formation tout au long de la vie pour pouvoir faire bénéficier le plus grand nombre d'une véritable deuxième chance. Il faut passer de l'obligation de former à l'obligation de qualifier. Notre système de formation professionnelle, né en 1971, a donné des résultats non négligeables, mais il exige aujourd'hui une adaptation pour offrir aux salariés français la chance d'une adaptabilité accrue. C'est la vraie garantie contre les aléas des mutations technologiques et des évolutions économiques.

Nous souhaitons que le Gouvernement puisse évoquer les fondements sur lesquels il entend s'appuyer pour mettre en oeuvre cette réforme. Il est possible d'ores et déjà d'affirmer que cette réforme impliquera au moins deux conditions majeures.

La première est la fongibilité des financements pour dépasser une logique statutaire qui laisse aujourd'hui de côté de nombreuses personnes. Ce financement devra être conçu de manière assez souple pour pouvoir répondre à des situations qui seront de plus en plus diverses. Il pourra combiner les logiques de capitalisation individuelle et de mutualisation. Il faudra à la fois doter les salariés d'un véritable capital temps-formation et en même temps assurer le financement des formations. Enfin, il faudra tenir compte à la fois de l'intérêt de l'entreprise, désireuse de former ses salariés, mais aussi des salariés, qui ont le souci d'acquérir des compétences plus larges pour acquérir une mobilité accrue.

La deuxième condition est la mise au point d'un système de validation des compétences et des acquis professionnels. Nous en avons quelques embryons, aujourd'hui.

L'AFPA a, à cet égard, une bonne expérience. Les branches industrielles valident dans certains cas les acquis professionnels. Mais il reste à donner à cette validation des bases plus solides et plus universelles. Cela devra se faire dans un climat de coopération.

A ce propos, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, une concertation large va-t-elle pouvoir s'ouvrir ? Je vous interroge là sur la méthode ? Le

MEDEF, puisqu'il faut désormais appeler le CNPF ; ainsi, à fait à Deauville des propositions importantes sur la gestion des compétences.

M. Maxime Gremetz.

Elles ne sont pas bonnes.

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial.

Il n'est pas inutile de savoir si le travail fait par le MEDEF et la recherche poursuivie par le Gouvernement feront l'objet d'une concertation.

Ces quelques observations n'empêchent pas votre rapporteur de donner, au nom de la commission, un avis favorable sur ce budget en progression. Il devra être suivi d'une rénovation en profondeur de notre système de formation et de la mise sur orbite d'un véritable dispositif de formation tout au cours de la vie. Il y va à la fois de notre compétitivité, et de la promotion des travailleurs, à laquelle je suis personnellement très attaché.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la formation professionnelle.

M. Patrick Malavieille, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour l a formation professionnelle.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, depuis plusieurs années, le débat dans le domaine de la formation professionnelle continue se pose en termes de changements et de réformes nécessaires. Nous sommes dans une période où les responsabilités de la nation sont engagées pour assurer l'accès de tous à de nouveaux savoirs et connaissances, à la qualification et aux compétences nécessaires pour le développement du pays et les coopérations en Europe.

De ce point de vue, les entreprises sont avec l'Etat et les régions les contributrices financières essentielles. Les dirigeants des chefs d'entreprises avancent un projet de formation qu'ils nomment « la logique des compétences ».

Cet objectif s'inscrit dans une démarche de compétition, d e déréglementation de la formation professionnelle continue. C'est un processus qui poursuit celui de la flexibilité, de la précarité pour la rentabilité financière.

En préparant mon intervention, j'ai pris connaissance, dans une publication économique de ma région, de l'état d'esprit actuel de certains dirigeants de grandes écoles et de certains chefs d'entreprises. Dans le débat, l'un d'entre eux indiquait : « Nous sommes différents des AngloSaxons, en grande partie à cause de l'enseignement égalitaire dans lequel nous baignons depuis l'enfance alors que n ous avons besoin de guerriers. Dans ce nouveau contexte de compétition, c'est eux ou nous et il faut être un tueur. »

Il n'est bien évidemment pas question de diaboliser les entreprises et il faut avoir parfaitement conscience des enjeux économiques et de formation actuels.

Je ne perds pas non plus de vue que nos partenaires européens comme l'Allemagne ou la Grande-Bretagne accordent à la formation professionnelle des moyens encore plus importants que nous dans le PIB.

Je constate un intérêt grandissant de la part de salariés, d'emplois-jeunes, de chômeurs pour la formation. Ils a ttendent souvent de l'entreprise qu'elle s'investisse davantage dans les femmes et dans les hommes. C'est également un enjeu majeur des négociations engagées pour la réduction du temps de travail à 35 heures.

Les chefs d'entreprises veulent parfois sortir la formation professionnelle du temps de travail et en faire payer une partie par les salariés. Il me semble nécessaire de repousser cette perspective, d'autant que l'application des 35 heures avec la création d'emplois appelle des changements dans l'organisation du travail et des formations qui les accompagnent.

La politique de formation professionnelle conduite depuis seize mois par le Gouvernement s'inscrit en rupture avec celle du gouvernement précédent. La formation


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professionnelle est redevenue une priorité de l'action publique. Le Gouvernement a la volonté d'affirmer une politique de formation professionnelle plus dynamique.

Cette nouvelle politique se traduit par trois orientations positives : le réengagement institutionnel de l'Etat au moyen de la création d'un secrétariat d'Etat à la formation professionnelle, dirigé par Mme Nicole Péry ; l'augmentation significative des crédits de la formation professionnelle qui nous place dans une phase de redressement ; et, enfin, l'engagement d'une démarche concertée ayant pour objet de rénover le dispositif de formation professionnelle.

Les crédits consacrés à la formation professionnelle pour 1999 s'élèvent à 34 milliards de francs et sont en augmentation de 3,65 % par rapport à 1998, soit nettement plus que l'ensemble du budget de l'Etat.

La commission, dans son analyse des crédits de la formation professionnelle pour 1999, a noté des évolutions contrastées.

Premièrement, dans le cadre du programme « nouveaux services - nouveaux emplois » pour le dispositif emploijeunes, la poursuite du recrutement continue avec comme objectif 150 000 contrats fin 1998, 250 000 fin 1999.

L'analyse des conventions fait ressortir que 25 % des jeunes embauchés n'ont pas de qualification ou au plus un CAP et 50 % ont suivi une formation de niveau baccalauréat. Des plates-formes régionales de professionnalisation ont été mises en place.

Deuxièmement, en ce qui concerne la formation professionnelle des jeunes, on peut noter la poursuite du développement de l'apprentissage avec 230 000 nouvelles entrées, la forte relance du contrat de qualification avec 130 000 entrées contre 100 000 en 1998, et, enfin - on en a déjà parlé - le recentrage des aides à l'embauche de ces deux contrats sur les jeunes les moins qualifiés et le renforcement du réseau d'accueil des jeunes notamment pour assurer la mise en oeuvre du programme TRACE.

Troisièmement, en ce qui concerne les adultes demandeurs d'emploi, on observe une réduction du nombre d'entrées prévues en stages de formation professionnelle au total 175 000 entrées en SIFE collectifs ou individuels et en SAE en 1999 au lieu de 200 000 en 1998 - qui est partiellement compensée par l'extension, à titre expérimental, du contrat de qualification dont il est prévu la réalisation de 10 000 entrées en 1999.

Quatrièmement, en ce qui concerne les actifs occupés, on note une diminution sensible des crédits affectés à la politique contractuelle, qui sont ramenés de 399 millions en 1998 à 335 millions de francs en 1999, et la reconduction pour trois ans du crédit d'impôt formation, destiné à favoriser le développement de la formation professionnelle des salariés, en particulier dans les petites entreprises.

Cinquièmement, les crédits du programme national de formation professionnelle augmentent sensiblement. La progression est particulièrement importante - il faut le souligner - pour les crédits destinés à financer les actions de formation en faveur des handicapés, des jeunes détenus et pour lutter contre l'illettrisme.

S ixièmement, les dotations décentralisées vers les régions, notamment destinées à financer les actions de formation professionnelle en faveur des jeunes, augmentent de près de 3 %, soit un peu plus que l'ensemble du budget de l'Etat.

Septièmement, les crédits affectés aux actions conduites par l'AFPA dans le cadre de ses missions de service public et de formation des demandeurs d'emploi augmentent de 3,6 %.

Enfin, en ce qui concerne les dispositifs associés d'insertion et de réinsertion dans l'emploi qui peuvent donc comprendre un volet formation, on observe une forte augmentation des financements destinés aux emploisjeunes dont la professionnalisation est fortement encouragée, une diminution sensible des CES et le doublement des entrées en CEC dont le nombre passe de 30 000 en 1998 à 60 000 en 1999. La diminution du nombre de c ontrats emploi-solidarité s'explique toutefois par le recentrage des deux dispositifs CES et CEC sur les personnes les plus en difficulté en même temps que le volet formation est renforcé. En outre, compte tenu de l'amélioration de l'emploi, M. le rapporteur Boulard l'a indiqué, le nombre d'entrées en conventions de conversion et en CIE est en diminution.

Je me félicite pour ma part que de nombreuses propositions constructives présentées par le rapporteur pour avis sur les crédits de la formation aient, d'ores et déjà, été reprises par le Gouvernement, soit dans des dispositions de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998, soit dans des mesures nouvelles prévues par la loi de finances pour 1999.

Au total, le budget de la formation professionnelle va dans le bon sens.

Dans l'attente de la réforme annoncée du système de formation professionnelle, il marque une nouvelle étape positive.

Au-delà, il est souhaitable que la réforme prévue du système de formation professionnelle soit ambitieuse. Elle d oit être de la même importance que celle des années 1970-1971. Il ne fait aucun doute pour personne que les mutations dans les métiers, l'accélération technologique, les changements dans l'organisation du travail appellent un accès permanent à la formation professionnelle afin que les ressources humaines soient déterminantes dans la production des biens et des services.

Le système mis en place il y a près de trente ans maintenant a permis de développer l'effort national de formation professionnelle mais il montre aujourd'hui ses limites. La réforme devra procéder à une véritable refondation avec pour objectif notamment de corriger les graves inégalités d'accès à la formation professionnelle. La démocratisation de cette formation continue et la réussite professionnelle et personnelle sont deux objectifs essentiels de la réforme à venir.

Sans doute faudra-t-il que la part des richesses nationales consacrées à la formation initiale et continue soit augmentée.

En conclusion, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le président, la commission a donné un avis favorable aux crédits de la formation professionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des a ffaires culturelles, familiales et sociales.

Madame la ministre, il est agréable de débattre gravement et sérieusement, dans un climat aussi apaisé !

M. Germain Gengenwin.

Cela nous change de dimanche dernier !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 1998

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Oui je trouve ça très bien.

Madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, après les rapports de grande qualité qui viennent d'être présentés, je me contenterai de quelques remarques.

La première portera sur la formation professionnelle.

La grande loi de 1971 inspirée par M. Jacques Delors,...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Bravo la récup' !

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

... nécessite aujourd'hui une deuxième loi et je souhaiterais, personnellement, qu'elle soit engagée dans le courant de 1999 et, même, avant la fin du premier semestre 1999. Nous en avons absolument besoin. Elle représente un enjeu essentiel. Une grande partie des responsabilités en matière de formation professionnelle des jeunes, qualifiante ou non, ont été transférées sur les régions.

Après quelques hésitations, je me suis rangé parmi ceux qui considéraient ce transfert comme utile. Mais je suis conscient que cela donne une énorme responsabilité aux régions.

Il faut mettre l'ensemble des dispositifs à plat et mettre en route des systèmes d'évaluation des formations professionnelles. Il faut avoir une capacité d'adaptation aux besoins, recensés d'une manière plus large, plus complète, avec un regard très attentif. L'enjeu est énorme, et nous aurons besoin d'un cadre de pilotage.

M. Michel Destot.

Si les régions ne se désengagent pas !

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Nous aurons donc, dans les mois à venir, à reprendre ce débat.

Trois grandes lois ont été votées cette année, relatives aux emplois-jeunes, aux 35 heures et à la lutte contre l'exclusion. Je me félicite de la qualité des débats auxquels elles ont donné lieu, aussi bien en commission des affaires culturelles, familiales et sociales qu'en séance plénière. En dépit de nos désaccords, nous avons montré une volonté d'écoute, de réponse et de compréhension qui est la marque d'un bon travail parlementaire. Mais on ne parle du travail parlementaire que quand il se passe moins bien et qu'il prête à la caricature ! La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a voulu assumer pleinement son rôle en désignant un rapporteur pour le suivi de chacune de ces lois, lequel devra remettre un rapport sur son application, et en rédigeant une brochure d'explication largement diffusée, qui constitue un outil de pédagogie politique pour la mise en oeuvre sur le terrain, sous votre tutelle, madame la ministre, de textes dont vous avez été l'inspiratrice.

Le rapport de M. Jean-Claude Boulard sur les emploisjeunes sera soumis à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales dans les semaines à venir.

M. Gaëtan Gorce remettra le sien sur les 35 heures dans le courant du deuxième trimestre 1999, et peut-être un rapport d'étape entre-temps. Quant à Mme Hélène Mignon, son rapport concernera la partie emploi culture de la loi relative à l'exclusion.

Ces petites brochures pédagogiques sont un élément important. Celle sur l'exclusion a été tirée à 13 800 exemplaires et il en est tiré en permanence. Cela montre bien qu'elle répond à un besoin. Il est bon que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales s'efforce d'adapter sa méthode de travail à ces réalités.

S'agissant des emplois-jeunes dont M. Jean-Claude Boulard a parlé - il connaît bien, et pour cause, le sujet ! - nous entrons dans une deuxième phase où le rôle des collectivités locales territoriales et des associations va monter en charge. C'est grâce à cela que nous pourrons amplifier le dispositif, assurer la réussite et aller vers les 350 000 emplois prévus - démarche qui est déjà largement engagée.

Voici comment, selon moi, nous devons impulser l'application de cette loi : Vous avez d'abord le souci, madame la ministre, d'équilibrer les qualifications exigées pour les emploisjeunes, qui, vous l'avez dit vous-même, au départ, étaient plutôt élevées. En effet, ce dispositif doit aussi participer à la lutte contre l'exclusion. Il convient de veiller à l'égalité dans les conditions de recrutement, pour éviter toute inquiétude ou sentiment de refus de la part de certains jeunes.

Enfin, une réflexion doit être engagée sur la manière d'aider les petites associations à s'engager dans cette démarche. Jean-Claude Boulard pense à des emploisjeunes à mi-temps. Je ne sais pas si c'est la bonne réponse ; en tout cas, il importe d'y réfléchir.

Vous vous êtes engagée à sortir et faire appliquer très vite les décrets de la loi sur l'exclusion. Il faudra mobiliser les différents acteurs sur le terrain, les mettre en synergie pour donner à cette loi sa pleine efficacité. Associations, CCAS, tous ont leur rôle à jouer. Encore faut-il coordonner l'ensemble des dispositifs.

Quant aux parcours TRACE, ils sont déjà mis en route. Hier, la région Nord Pas-de-Calais a adopté une disposition permettant d'accentuer l'action en la matière.

On a dit beaucoup de choses sur les 35 heures : on s'apercevra dans les semaines à venir qu'elles sont totalement erronées. Je crois qu'on ne mesure pas assez la véritable révolution culturelle qui est en train de s'opérer dans les entreprises. Alors qu'il est de bon ton de parler de l'insuffisance du dialogue social, il s'amorce en ce moment quelque chose d'extrêmement important.

Je suis personnellement très attentif, et je ne suis pas le seul, à l'évolution des comportements syndicaux. Celui de la CFDT, dont nous connaissons l'engagement, n'est pas étonnant. Mais je perçois de plus en plus, dans de g randes organisations syndicales, même si certaines demeurent extrêmement réticentes, des mutations qui peuvent changer complètement le rythme et les méthodes du dialogue social dans les entreprises. C'est primordial pour l'avenir. Moi qui me rend dans beaucoup d'entreprises, je suis frappé de voir comment elles perçoivent cette mutation du dialogue, avec la volonté de mettre les c hoses à plat et de s'engager dans des dispositifs

« gagnant/gagnant ».

D'ailleurs, le MEDEF ne s'y est pas trompé...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Encore ? La CGT, le MEDEF, que de références !

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires familiales, culturelles et sociales.

... le MEDEF quel drôle de nom, d'ailleurs ! - qui voit bien qu'il y a là quelque chose de fondamental pour l'entreprise.

Je suis frappé de voir que la réflexion s'engage aussi sur le problème des cadres, de l'organisation de l'encadrement, et du rapport des cadres au travail.

Je suis convaincu que, dans les mois à venir, nous aurons un dispositif qui montrera son efficacité en termes d'emplois, mais également d'évolution du dialogue social.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 1998

C'est une donnée extrêmement importante. (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Vous avez, madame la ministre, évoqué la nécessité d'amplifier le dispositif dit Delalande, dont l'auteur passera ainsi à la postérité. (Sourires.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Pas que pour cela ! (Sourires.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Vous posez, là, un véritable problème et je ne peux qu'approuver votre démarche. Il faudra bien qu'en France - et nous devrons nous en entretenir avec les chefs d'entreprise - cesse cette attitude totalement schizophrénique, avec un chômage des jeunes important - même s'il a tendance à diminuer fortement ce dont on ne peut que se féliciter - et une sortie du monde du travail de salariés encore jeunes ! C'est socialement absurde et économiquement désastreux.

Il est inepte de laisser le soin à la société et aux pouvoirs publics de corriger les conséquences de cette sortie prématurée.

A terme, cette approche est mortelle. Donc, nous devons, je l'ai souvent dit, faire preuve d'une extrême sévérité. Je ne confonds pas cette dérive avec l'extension du dispositif ARPE, qui concerne des salariés ayant souvent travaillé très jeunes sur des emplois pénibles et qui ont quarante années de cotisations. Il s'agit là d'une mesure de justice sociale.

Mme Muguette Jacquaint.

Tout à fait !

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Sur ce point, il n'y a pas de désaccord entre nous. Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit, c'est de l'utilisation de dispositifs de sortie du travail pour régler, en les externalisant, les problèmes de l'entreprise. Ce n'est pas acceptable ! Je garde en mémoire nos débats sur le problème des retraites lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. On ne peut pas, en même temps, appeler l'attention sur le problème des retraites pour les années à venir, et continuer à laisser le patronat pratiquer une telle politique ! Nous devons la condamner fermement et je suis tout à fait favorable à l'accentuation de votre dispositif.

Je continuerai sur deux remarques à propos du chômage de longue durée. En dépit d'une légère amélioration, il reste une très grande préoccupation. On en connaît les conséquences sociales. Gardons de la pudeur face à des situations sociales difficiles : je n'en dirai pas plus, tout le monde les connaît.

Vous avez, à juste titre, madame la ministre, recentré les dispositifs. Ils sont en oeuvre. C'est une bonne politique. Je me demande s'il ne faudrait pas engager, comme en 1982, puis en 1992, une campagne à ce sujet en 1999.

J'ai bien conscience qu'il ne faut pas multiplier les dispostifs spécifiques. Mais il me semble indispensable d'affirmer votre volonté encore plus fortement et de remettre en route ces campagnes qui avaient donnée des effets non négligeables.

A propos des créations d'entreprises, il nous arrive parfois d'avoir des désaccords. Mais c'est normal, c'est même très bien en démocratie ! Sur ce sujet important, il faut rouvrir le débat.

Pour ce qui est des cotisations patronales, nous avons eu un débat d'orientation lors de l'examen du PLFSS. Je rappelle que, dans le rapport annexé à l'article 1er , un amendement a été voté par l'Assemblée qui indique que, lors du premier semestre 1999, afin d'assurer la pérennité du financement de la sécurité sociale, il nous faudra rechercher une assiette moins sensible aux variations de la masse salariale des entreprises. Les mots sont pesés.

L'amendement a été voté. Ensemble, nous devons travailler à une nouvelle architecture des cotisations, à rechercher - pourquoi pas ? - comme le suggérait M. Boulard, une assiette qui inclue, d'une manière ou d'une autre, les revenus du capital. La réflexion est indispensable.

Malgré les résultats très sensibles obtenus depuis un an, et les espoirs que les lois que nous avons votées ont fait naître, une réforme des cotisations patronales devrait conclure ou, tout au moins, boucler l'ensemble des dispositifs.

Nous avons besoin d'un grand coup d'accélérateur en 1999. Il faut aller encore plus vite, encore plus loin, encore plus fort. En la matière, vous aurez l'appui de votre majorité, et vous pouvez compter sur la collaboration de la commission des affaires sociales.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Marie-Thérèse Boisseau, premier orateur inscrit.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

« Nous voulons bien créer des emplois avec les 35 heures, encore faut-il trouver les gens capables de remplir ces fonctions. Nous refusons des commandes et hésitons à investir parce que nous n'avons pas le personnel nécessaire au développement de nos activités. » Voilà les propos que j'entends tous les

jours ! Une enquête menée récemment par l'Union patronale de Bretagne montre qu'un tiers seulement des recruteurs trouvent la main-d'oeuvre souhaitée en moins d'un mois, alors que plus de 60 % des offres d'emplois sont des CDI qui s'adressent à des moins de 35 ans.

Et au-delà des offres d'emploi explicites, il y a le nondit, le silence des entreprises qui seraient prêtes à embaucher mais qui ne frappent plus à la porte des agences parce qu'elles savent qu'elles n'auront pas la réponse souhaitée.

La même enquête révèle que les causes principales des difficultés à recruter sont l'absence de main-d'oeuvre qualifiée et la faible motivation des personnes et que les conditions de travail arrivent loin derrière.

L'inadéquation entre les besoins des entreprises et la main-d'oeuvre disponible est, dans cette période de reprise économique, incontestable même si elle est fragile, un des freins majeurs à la croissance.

Le bassin d'emplois de Fougères - pour ne citer qu'un bassin que je connais un peu - manque comme beaucoup d'autres de personnel qualifié en mécanique, électronique, agro-alimentaire, couverture, plomberie, maçonnerie, tôlerie-carrosserie et même en agriculture où l'on a besoin notamment de porchers. Et sur le plan national et même européen, pour ne prendre encore qu'un exemple, des dizaines de milliers d'emplois dans le secteur des technologies de l'information restent non pourvus en raison du manque de qualification des salariés.

On parle même d'un défaut de 1,6 million d'emplois sous quatre ans, ce qui entraînera entre autres le report différé des projets et des investissements et la délocalisation des emplois hors d'Europe en amont comme en aval.

Il y a un manque de connaissance mutuelle, de coopération entre l'école et l'entreprise qui demeure, quoi qu'on en dise, et qui nuit à l'emploi. Il explique les difficultés que rencontrent les jeunes en matière d'emploi et les entreprises en matière d'embauche.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 1998

Comment comprendre qu'un bachelier ne sache pas remplir un CV ? Comment admettre qu'on laisse des jeunes faire des études dans la bureautique ou le médicosocial alors que ce sont des secteurs aujourd'hui sans débouchés ? Quand intégrera-t-on à tous les niveaux du système éducatif le savoir-faire technologique ? Quand introduira-t-on plus de souplesse, favorisant systématiquement les alternances, les aller et retour entre la formation et l'emploi, y compris l'intérim ? Beaucoup de jeunes, tentés par ce dernier, abandonnent brutalement leur formation professionnelle, voire initiale, sans possibilité de la reprendre par la suite. Et les adultes, après des phases d'intérim, parfois relativement longues, se retrouvent plongés dans l'inactivité. Pourquoi ne pas envisager un pool de formation à la carte pouvant être utilisé à tout moment entre deux périodes d'intérim ? Cela permettrait à chacun d'acquérir un niveau certain de qualification, de s'y maintenir et aux entreprises de trouver du personnel compétent.

Un autre frein très puissant à l'emploi est le manque de motivation. Nombreux sont les entrepreneurs qui, faisant l'impasse sur la qualification, cherchent tout simplement à embaucher des personnes qui aient envie de trav ailler. Comme ce responsable d'une entreprise de machinisme agricole qui, las de chercher des ajusteurs, soudeurs et autres mécaniciens, a embauché - je vous le donne en mille ! - deux boulangers dont il est très content ! Loin de moi l'idée de contester le principe et le montant des minima sociaux. Cet indispensable filet de sécurité permet momentanément aux personnes qui ont perdu pied de vivre ou au moins de survivre. Mais il me paraît urgent d'insister sur leur caractère transitoire et sur la nécessité de contrôler leur attribution de manière beaucoup plus rigoureuse.

Car il y a ceux qui s'en contentent, qui s'y installent, et d'autant plus facilement qu'ils n'ont vu que du chômage autour d'eux et que, avec l'obligation des trentecinq heures, beaucoup de salariés n'auront pas de revenus supérieurs aux leurs.

Il y a aussi ceux qui en jouent, refusant les offres d'emploi pour mieux travailler au noir et manger ainsi à tous les râteliers.

Il est dur pour le personnel d'une agence pour l'emploi de voir passer sous ses fenêtres, parfois deux fois par jour, des chômeurs indemnisés, tout à fait aptes au travail, qui vont louer des cassettes vidéo dans le magasin voisin.

Il est encore plus révoltant pour les entreprises de savoir que les fichiers des ASSEDIC renferment parfois les qualifications qu'ils recherchent en vain. Mais c'est la réalité ! Madame la ministre, aurez-vous un jour le courage de faire radier des ASSEDIC ceux, plus nombreux qu'on ne pense, qui, sans motif valable, ont refusé des offres d'emploi et dont on a besoin sur le marché officiel du travail ? A court terme, malgré les trois millions de chômeurs, l'économie française manquera de bras ; à moyen terme elle peut créer des centaines de milliers d'emplois si vousmême créez les conditions favorables, essentiellement dans trois domaines.

D'abord, et encore, le coût du travail reste trop élevé particulièrement pour les petits salaires. Il faut baisser encore les charges sociales. C'est la position que j'ai défendue cet hiver lors de la discussion de la proposition de loi présentée par les groupes UDF et RPR.

Vous l'avez repoussée, mais elle est plus que jamais d'actualité. Tout le monde semble d'accord.

Selon une étude récente de l'INSEE, l'exonération des cotisations sociales est la mesure la plus incitative à l'embauche pour 69 % des entreprises, notamment pour les activités de moins de dix salariés.

La Commission européenne semble du même avis, puisqu'elle a estimé, dans son rapport du 25 mars 1998 sur l'état de la convergence, que les marges budgétaires retrouvées doivent être consacrées à la réduction des charges sociales pesant sur les bas salaires.

Qu'attendez-vous pour prendre, dans ce domaine, de nouvelles mesures, simples et pérennes, qui mettent les chefs d'entreprise en confiance et les incitent soit à maintenir, soit à créer des emplois ? Cela atténuerait l'effet néfaste des 35 heures qui, dans beaucoup de cas, vont alourdir le coût du travail.

Faut-il redire une fois encore que d'énormes possibilités sont inexploitées dans les secteurs de l'artisanat et dans des services qui ne sont pas confrontés à la concurrence mondiale ? Faut-il rappeler qu'en France, premier pays touristique au monde, on peut dormir dans un hôtel sans voir personne, et manger « rapidement » dans un restaurant en moins d'une heure ? Alors que, si l'on employait dans le domaine de l'hôtellerie-restauration commerce, autant de personnels qu'aux Etats-Unis, on pourrait créer des millions d'emplois - Thomas Piketty est plus précis, puisqu'il parle de 2,8 millions - dont une bonne partie peu qualifiés. Cela permettrait d'insérer beaucoup de jeunes en difficulté.

Le second domaine dans lequel le Gouvernement doit conforter sa politique d'encouragement est l'innovation.

En innovant, les entreprises assurent leur pérennité grâce à une meilleure présence sur le marché à travers une évolution permanente des produits, des méthodes et des organisations.

Il est important et urgent d'aider particulièrement les PME-PMI qui jouent un grand rôle en matière d'innovation donc de créations d'emplois mais qui ne disposent pas d'une capacité suffisante d'autofinancement suffisante par rapport aux grosses entreprises.

Le troisième domaine, que je ne ferai qu'effleurer, est celui de la création d'entreprises qui est un des principaux vecteurs de nouveaux emplois mais qui marque dangereusement le pas. La France est passée en dix ans de 210 000 à seulement 160 000 créations d'entreprises par an. C'est dommage quand on sait que 20 % d'entre elles comprennent deux ou trois emplois et que 5 % monteront en quelques années leurs effectifs à une cinquantaine de personnes en moyenne.

Telles sont, me semble-t-il quelques-unes des lignesforces des problèmes de l'emploi, tels qu'ils se posent aujourd'hui sur le terrain.

C ertes, la croissance est nécessaire à la création d'emplois, nous en sommes tous d'accord. Elle est momentanément au rendez-vous, mais pour combien de temps ? Tout aussi nécessaires sont les priorités que se fixe le Gouvernement. Vous avez choisi, cette année encore, de ne traiter aucun problème au fond et de ne remettre en cause aucune des politiques antérieures, dont certaines n'ont pas fait leurs preuves. Je pourrais en citer beaucoup, mais pour aller vite, j'évoquerai le trop grand nombre d'aides aux entreprises dont j'avais cru que tout le monde s'accordait à penser qu'elles ne servaient à rien ou à pas grand-chose.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 1998

D'autres mesures sont trop ponctuelles, comme le programme TRACE, qui permet de suivre des jeunes en difficulté pendant dix-huit mois. J'y suis favorable, mais vous annoncez 40 000 TRACE pour l'année 1999, soit 400 par département, c'est-à-dire 400 pour le département d'Ille-et-Vilaine.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est mieux que rien !

Mme Nicole Bricq.

Que proposez-vous ?

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

... quand sur le seul bassin de l'emploi de Fougères, à la seule mission locale, 500 jeunes étaient « disponibles », au 15 octobre dernier.

Des aides sont apportées à diverses structures dont on ne peut pas toujours juger de l'utilité. Tout à l'heure, avec Germain Gengenwin, nous nous posions la question de savoir à quoi servent les 800 ou 900 personnes qui travaillent à l'AFPA de Rueil-Malmaison ? Où en sont les projets de déconcentration de cette honorable maison ? D'autres mesures sont beaucoup trop complexes et trop émiettées. Il y a, je vous l'assure, beaucoup trop de contrats. Les entreprises ne s'y retrouvent pas. Ils coûtent chers et sont peu utilisés.

Concrètement, sur le terrain, de quoi avons-nous besoin ? D'intérim pour les jeunes en grande difficulté.

Seul un vrai travail permettra, en l'état actuel des choses, de les insérer dans la société, avec, bien sûr, un accompagnement social et une formation. Ce qu'ils veulent d'abord, c'est « du boulot ». C'est cela qui les raccrochera à la société. Les autres, qu'ils aient ou non suivi une formation qualifiante, ont besoin d'un contrat de qualification. Le reste est littérature.

Permettez-moi, pour terminer, de déplorer dans ce projet de budget le maintien de dispositifs beaucoup trop autoritaires qui continuent à m'inquiéter. Je veux parler, bien sûr, des 35 heures obligatoires.

Beaucoup d'entreprises, aujourd'hui, pensent à une nouvelle organisation. Cela favorise le dialogue social. A cet égard, c'est une excellente chose. Mais elles y consacrent énormément de temps, elles sont inquiètent, elles dépensent beaucoup d'énergie qui serait peut-être mieux utilisée à la mise en place d'innovations et à la recherche de nouveaux marchés. Qu'on le veuille ou non, dans beaucoup d'entre elles, le coût du travail sera augmenté et certaines ne pourront survivre.

L'important, madame la ministre, n'est pas que votre budget augmente de 4,2 %, mais que vous soyez toujours plus attentive aux besoins de nos concitoyens et donniez à notre économie l'oxygène dont elle a besoin pour être prospère et créer des emplois. Je crains qu'il n'en soit pas ainsi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Claude Hoarau.

M. Claude Hoarau.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au coeur de l'action du Gouvernement, l'emploi : le projet de loi de finances pour 1999 ne déroge pas à la règle édictée par le Premier ministre dès sa déclaration de politique générale. C'est dire à quel point, madame la ministre, nous sommes attentifs à votre budget où nous voulons voir le point de convergence de la politique gouvernementale.

La logique - et aussi le pari - du Gouvernement est de créer les conditions d'une croissance « soutenue, durable et solidaire », capable de servir de socle à la relance de l'emploi. Nous soutenons, bien sûr, cette démarche qui a déjà commencé à donner des résultats positifs. Mais nous sommes, dans le même temps, obligés de constater qu'une telle logique a des effets limités, voire nuls, dans les départements d'outre-mer, en particulier à la Réunion.

La raison est à rechercher dans les caractéristiques et l'ampleur du chômage et de son corollaire, l'exclusion, qui sont différents de ce qu'ils sont dans l'hexagone, et sans commune mesure avec les dimensions qu'ils y prennent.

Nous ne reviendrons pas sur l'analyse de la situation maintes fois présentée ici même. Rappelons seulement que le décalage entre la croissance de la population active, encore forte pendant au moins une décennie, et la création d'emplois, d'ailleurs plus importante qu'en France, ne pourra, en l'état actuel des choses, que croître. Par conséquent, le nombre des chômeurs augmentera un peu plus chaque année. Déjà 42 % de la population active se trouve aujourd'hui sans emploi ; la moitié sans doute le sera demain. Sombres perspectives pour une société ! Avenir inacceptable pour la jeunesse ! E mpêcher ce scénario-catastrophe de se réaliser implique de s'engager résolument dans une démarche v olontariste de développement économique solidaire.

Inverser la courbe ascendante du chômage suppose d'intervenir à la fois dans le court terme et dans le long terme. Il faut donc favoriser simultanément le secteur de l'économie solidaire et le développement économique, et, dans un cas comme dans l'autre, pour tenir compte de cette situation exceptionnelle, imaginer, à côté des formules traditionnelles, des solutions et des dispositifs innovants.

Si l'on souhaite intervenir de façon décisive dans le secteur productif, il est indispensable de tirer parti des atouts de la Réunion. Cela suppose que soit davantage prise en compte notre situation d'île de l'Union européenne dans l'océan Indien. Depuis la fin de la guerre froide, cette zone connaît une intensification de ses échanges internes, illustrée d'ailleurs par l'organisation de blocs régionaux importants qui constituent des marchés immenses et solvables.

La Réunion dispose à présent des infrastructures, des équipements et des compétences humaines nécessaires pour accéder à ces nouveaux marchés et valoriser ainsi l'ensemble des investissements - souvent très lourds - qui ont été consentis. Encore faut-il se libérer de plusieurs entraves ; cette libération dépend essentiellement de décisions politiques.

Il faut être conscient que c'est en passant à une échelle supérieure, en débordant un marché local désormais couvert en partie, que le système productif réunionnais pourra créer des emplois en nombre significatif. Cela signifie qu'il faut agir à présent en faveur des exportations de biens et de services à destination de notre environnement ; nous l'affirmons d'autant plus qu'une entreprise d'informatique de la Réunion vient de nous en donner la preuve en remportant, face à des concurrents mondialement réputés, d'importants marchés chinois.

Aller plus loin dans le développement de l'exportation nécessite aussi qu'on intervienne sur le coût du travail.

Cette condition est indispensable pour attirer des entreprises exportatrices et des investissements directs internationaux dont l'impact sur l'emploi local n'est plus à démontrer. A cet égard, il semble que ce soit le concept d'entreprise franche, appliqué à la production de biens mais aussi de services, qui réponde le mieux à cet impératif.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 1998

Quoi qu'il en soit, nous comptons sur la volonté du Gouvernement pour que la loi d'orientation sur l'aménagement durable du territoire soit l'occasion d'instituer, à travers les futures zones prioritaires ultrapériphériques, une fiscalité incitative et dérogatoire. Non encore créées en France, ces zones existent déjà dans d'autres régions u ltrapériphériques de l'Union européenne, où sont comptabilisés des centaines de milliers d'emplois.

Ces zones constitueront un cadre propice au développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Les premiers pas dans ce domaine, où disparaissent les handicaps liés à l'éloignement et à l'insularité, sont plus qu'encourageants. Une entreprise de dessins animés est en activité depuis trois ans ; elle est la première entreprise européenne dans ce secteur et elle a créé un nombre d'emplois significatif.

Une seule décision de notre assemblée, celle d'accepter dans quelques jours un amendement que nous avons proposé au projet de loi de finances pour 1999, pourrait avoir comme conséquence la création de plus d'un millier d'emplois sur une période de quatre ans. Là encore, madame la ministre, nous comptons sur votre ferme appui.

Parallèlement au développement du secteur productif, il est indispensable, pour juguler les phénomènes d'exclusion, de développer le secteur de l'économie solidaire. Le dernier-né des dispositifs d'insertion, les emplois-jeunes, connaît un grand succès à la Réunion. De ce point de vue, l'île se place parmi les premières régions françaises.

Un an après leur création, les emplois-jeunes concernent en effet plus de 3 000 personnes ; près de la moitié d'entre elles, soit 1 247, ont été embauchées par les collectivités locales ou des associations. En même temps qu'il traduit l'immense désir qu'ont les jeunes de travailler, cet engouement montre l'importance des besoins en services de proximité.

Ces chiffres, qui confirment les prévisions que mes collègues et moi-même avions formulées au moment de l'adoption du texte instituant ce dispositif, incitent à une mobilisation encore plus soutenue au profit de la création directe de ce type d'emplois. Lors de la discussion de la loi sur les emplois-jeunes, nous vous avions assurée, madame la ministre, de la réussite de ce dispositif chez nous. Nous ne croyons pas vous avoir déçue.

L'objectif de la région Réunion est d'atteindre les 10 000 emplois-jeunes d'ici à trois ans. Cet objectif doit permettre de répondre aux besoins en services de proximité, qui sont importants mais non solvables du fait même de l'exclusion, ainsi qu'à la nécessité de protéger un environnement fragile et menacé. Un tel objectif doit enfin contribuer à apporter une solution au chômage dramatique de notre jeunesse. Rappelons-nous que près des deux tiers des moins de vingt-cinq ans sont sans emploi.

Mais ce dispositif, dans lequel se préfigurent vraisemblablement des emplois de demain, n'a pas été pensé pour une société où l'exclusion est en passe de devenir la norme ; il est donc nécessaire d'y apporter un certain nombre d'adaptations que l'expérience a montré indispensables.

Il y a d'abord la question du financement des emplois.

La création des emplois-jeunes risque de se heurter aux difficultés financières des collectivités locales ou des associations. Pour contourner cet obstacle, l'idée a été émise d'une participation aux quatre quarts, où la partie non prise en charge par l'Etat serait assurée, à parts égales, par la région, le département, les communes et un fonds de solidarité. Ce fonds, dont la création devrait être initiée par l'Etat, pourrait, par exemple, être alimenté par une taxe sur le produit des jeux, ou encore par le redéploiement des primes d'éloignement, dont tout le monde souligne aujourd'hui la nécessité de les remettre en cause.

Se pose ensuite la question de la pérennisation des emplois ainsi créés. Elle passe nécessairement par la formation. Il faut résoudre, notamment pour les nondiplômés, qui sont aussi les plus nombreux, le problème du financement des formations pré-qualifiantes. Nous souhaiterions pour cela un cofinancement Etat-région.

De la même façon, pour que les projets validés aient une traduction opérationnelle, il faut envisager des dispositifs d'aide à l'encadrement et à l'équipement.

Il est enfin apparu que les salaires des premiers mois, venant après la signature d'un contrat, étaient versés avec un certain retard. La mise en place, par l'Etat et les acteurs locaux, d'un fonds de roulement devrait permettre de remédier facilement à ce contretemps.

Les emplois-jeunes sont en train de devenir un véritable enjeu de société à la Réunion. Ils peuvent y assurer, à la fois, la solidarité à l'égard des chômeurs et des familles insolvables et un développement durable en matière d'environnement et d'aménagement du cadre de vie. C'est dire à quel point, madame la ministre, nous comptons sur votre détermination afin que les espoirs des jeunes et des acteurs locaux pour structurer une économie alternative ne soient pas déçus.

M. le président.

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen du budget du travail et de l'emploi nous conduit, pour exprimer un avis, à nous interroger sur le sens que nous donnons au rôle de l'Etat en ce domaine. Il lui revient, bien sûr, d'intervenir au fond - infrastructures, formation, recherche - mais pour ce qui concerne votre ministère, madame la ministre, nous fixons trois missions essentielles.

D'abord, dire le droit, fixer le cadre normatif qui protège les salariés, et se donner les moyens de faire observer ces lois et ces règlements.

Ensuite, établir les filières, les mécanismes, les structures qui permettent aux moins pourvus d'entre nous de retrouver le marché du travail. Ces dispositifs, que nous connaissons bien, relèvent du sas social que constituent les emplois aidés ou d'insertion.

Enfin, et c'est sans doute un rôle nouveau pour lui, l'Etat peut explorer des pistes innovantes d'emplois, peu rentables dans un premier temps, mais dont le relais serait pris, à terme, par le secteur concurrentiel.

L'Etat n'a donc pas la mission directe de créer des emplois, il n'en a d'ailleurs pas la capacité. Et l'embellie des chiffres du chômage que nous constatons, M. Bapt en convenait à l'instant, est due à la croissance qui a suscité 280 000 emplois nouveaux, notamment dans le secteur tertiaire.

Ce mouvement est général en Europe et en Amérique du Nord, quelles que soient les politiques menées par les gouvernements. Et, sauf à se comporter comme le Chantecler de Rostand, qui pensait que son chant faisait, lever le soleil, il serait bien présomptueux de vous parer de cette embellie.

Avoir fait croire que la réduction du temps de travail ou l'instauration des emplois-jeunes était de nature à faire baisser le chômage relève donc au mieux de l'utopie, au


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 1998

pire du slogan électoral. Car c'est à l'aune de ces promesses électorales que nous devons juger ces deux mesures « phares » de votre politique de l'emploi.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Vous me faites de la peine, madame Bachelot ! (Sourires.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Oui, je le sais. La réduction du temps de travail nous a été « vendue » c omme devant créer à terme entre 250 000 à 1 000 000 d'emplois. Elle est en fait une simple mesure normative qui améliorera peut-être...

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

On verra !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

... la situation des salariés en place, si la rigueur salariale et la flexibilité ne leur font pas payer trop cher cet acquis empoisonné.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Absolument !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

On voit bien sur le terrain que les choses ne sont pas simples malgré les efforts méritoires que vous déployez, madame la ministre, et qui vous ont transformée en VRP des 35 heures. Selon le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, cinq mois après la promulgation de la loi, seuls 38 000 salariés sont concernés et le dispositif n'a permis de « sauver » ou de « créer » que 3 000 emplois. On est loin des 40 000 emplois promis ! A terme, faut-il le rappeler, 14 millions de postes sont concernés et, selon vos services, 4 millions de salariés devraient rejoindre le dispositif en 1999 ? Il faut donc tabler sur un cahier de marche de 300 000 salariés par mois. On est loin du compte ! Certes, des accords de branche sont signés, mais les plus importantes, comme la branche de la métallurgie ou celle du textile, n'ont pris aucun engagement en matière de création d'emplois, et certaines branches ont incité leurs adhérents à refuser l'effet pervers à terme des aides publiques.

On a d'ailleurs du mal à comprendre ce qui a déclenché votre réprobation à l'encontre de l'accord signé dans la métallurgie et vous a conduite à le traiter d'accord virtuel - ce qui vous a valu de voir votre attitude dénoncée comme « sectaire et inconséquente » par un syndicat signataire. D'un autre côté, vous avez accordé votre bénédiction à l'accord passé dans le textile, alors qu'il n'est pas substantiellement différent de l'accord signé dans la métallurgie, puisqu'il ne comporte aucun engagement en matière d'emplois et prévoit l'augmentation des heures suppplémentaires en même proportion et l'annualisation du temps de travail.

En fait, les questions que nous avions soulevées lors du débat sur les 35 heures n'ont encore recu aucune réponse, qu'il s'agisse du décompte du temps de travail, du traitement des heures supplémentaires, de la situation des cadres, de la révision des conventions collectives, de la validité des contrats de travail individuels et collectifs, de la mise en jeu du double SMIC, j'en passe et des pires, en particulier l'extension du dispositif au secteur public.

Les salariés se meuvent donc dans un environnement opaque que vos déclarations contradictoires assombrissent un peu plus. On doit saluer malgré tout la volonté et la responsabilité d'un grand nombre d'acteurs - syndicats ou employeurs - qui font tout pour limiter les dégâts et se sont engagés dans la négociation ; ils y étaient bien obligés. Ce n'est pas un des moindres paradoxes du dispositif que de voir le rapporteur de la commission des affaires sociales se féliciter que le MEDEF réussisse à mettre au pas la CGT !

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial.

C'est une interprétation tendancieuse !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Votre campagne publicitaire est d'ailleurs en elle-même un formidable aveu. Je ne vous reproche pas son coût : 25 millions de francs de plus ou de moins, eu égard aux autres gaspillages de l'Etat, ce n'est pas une affaire, n'est-ce pas ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mais pour reprendre l'analyse pertinente du sociologue Daniel Mothé, je dirai : pourquoi placarder une affiche sur laquelle une femme qui n'est pas une chômeuse nous fait savoir qu'elle est satisfaite d'avoir davantage de temps libre ? C'est l'aveu même que votre mesure servira - peutêtre - les salariés les mieux lotis dans les entreprises les plus performantes, celles qui n'avaient pas besoin de l'argent des contribuables. Quant aux chômeurs, ils continueront d'avoir du temps libre, puisque c'est apparemment le but que s'est fixé le ministère de l'emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Michel Destot.

C'est de mauvais goût !

M. Gérard Lindeperg.

Vous étiez meilleure samedi soir !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Quant aux emploisjeunes, ils sont d'une autre nature. Bien sûr, ils ne permettront pas de créer des emplois, puisque ce sont des emplois payés par l'argent public. Pour autant, c'est le rôle de l'Etat de flécher un certain nombre de dispositifs vers des publics en difficulté, non pour créer des emplois mais pour permettre aux personnes en difficulté de mieux accéder à l'emploi.

Je rappelle que, en ce domaine, vous aviez promis de créer 700 000 postes : 350 000 dans le secteur public ou para-public et 350 000 dans le privé.

Mme Dominique Gillot.

Vous n'y avez jamais cru !

M. Gérard Lindeperg.

La législature n'est pas finie !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Les seconds sont d'ores et déjà dans le cimetière - il est vrai fort peuplé des illusions perdues.

Pour ce qui concerne les emplois-jeunes du secteur public, vous en êtes à 138 000 emplois. Comme l'a souligné le rapporteur, il faut saluer l'effort remarquable accompli par de nombreuses collectivités en ce domaine : embauches directes, aides financières aux associations, crédits de formation. Elles ne vous ont pas barguigné leur aide. Cet effort remarquable est marqué par un esprit de service et éloigné de toute approche politicienne.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis.

Absolument !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Les collectivités y étaient d'ailleurs fortement incitées par une aide de l'Etat d'un montant inégalé. Pour reprendre l'expression d'Alain Madelin, je dirai qu'on ne tire pas sur le Père Noël !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous avez de drôles de références !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Je ne peux pas, comme l'un des rapporteurs, citer M. Seillière à tout instant, j'en suis désolée.

(Sourires.)

Malgré cette mobilisation des acteurs de terrain, certaines zones d'obscurité subsistent et des difficultés apparaissent.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 1998

D'abord, je pense à l'avenir des jeunes embauchés dans le cadre des emplois dit « Allègre ». En effet, notre ministre de l'éducation nationale, jamais en reste quand il s'agit de secouer le cocotier, a indiqué qu'il souhaitait, non pérenniser les jeunes dans leur emploi mais pérenniser les postes pour entretenir une perturbation positive.

Pour la perturbation, voilà un homme qui sait évidemment de quoi il parle. (Sourires.) Mais que deviendront les jeunes qui ont parfois arrêté leurs études, persuadés que ces emplois étaient un marchepied pour entrer à l'éducation nationale ?

Mme Dominique Gillot.

Ils se présenteront aux examens !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Quels emplois pourront-ils trouver après plusieurs années passées dans de vagues emplois d'animateurs de cours de récréation, alors que de nombreuses voix s'élèvent pour dénoncer le manque cruel de formation des emplois-jeunes dans l'éducation nationale, ce qui est un comble ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Par ailleurs, nous constatons sur le terrain un certain nombre de dérives : des effets d'aubaine, des embauches inévitables réalisées dans ce cadre. Je dois avouer que moi-même j'ai procédé par ce biais à quelques embauches dans des associations que je préside.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Bravo, madame la députée !

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis.

Faute avouée...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Et ma surprise a été grande, madame la ministre, de voir vos services m'accorder sans aucune difficulté ces aides, alors que l'effet d'aubaine était manifeste.

M. Patrick Malavieille, rapporteur pour avis.

Quelle perversité ! (Sourires.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Il semble bien que la consigne ait été donnée de « faire du chiffre », ce qui réduit singulièrement l'impact global sur l'emploi.

Effet d'aubaine, mais aussi surqualification des jeunes embauchés, notamment dans les collectivités territoriales.

Jean Le Garrec disait très justement qu'il faudrait y veiller.

On note également le remplacement d'autres contrats aidés, les CES en particulier, par des emplois-jeunes. J'ai pu l'observer dans les établissements scolaires de mon département, où beaucoup de CES ont été supprimés - avec l'appui d'ailleurs de vos amis politiques, madame la ministre -, au motif que ces CES n'étaient pas de vrais emplois. Ils constituent pourtant un outil d'insertion utile pour des personnes en grande difficulté.

Mais là où véritablement les emplois-jeunes ont montré leurs limites, c'est sur le concept d'« emplois émergents », lesquels constituaient le socle philosophique de votre démarche. Je vous avais exprimé mon accord sur cette approche - à terme la seule susceptible de créer des emplois. Cette approche, même si elle était certainement beaucoup plus lente et très exigeante, permettait d'impliquer le secteur marchand. Vous avez préféré faire du chiffre. Et notre rapporteur de la commission des affaires sociales, avec sa franchise habituelle, a avoué que l'innovation était surtout d'ordre sémantique. On reste étonné devant les ambassadeurs, agents d'ambiance, médiateurs et autres cavaliers verts, toutes appellations qui recouvrent des postes d'agent d'entretien, de gardien ou des emplois de bureau dans le meilleur des cas et parfois, dans le pire, des emplois occupés par des jeunes qui s'ennuient en cherchant vainement leur place et le sens de leur fonction.

C'était le rôle de l'Etat d'être ce laboratoire de l'innovation sociale que j'évoquais au début de mon propos. Ce sera là une autre occasion manquée.

Occasion manquée, absence de visibilité de la politique conduite, incohérence, gaspillage d'argent public,...

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis.

Mais non !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

... telles sont les raisons pour lesquelles le groupe du Rassemblement pour la République votera contre le budget du travail et de l'emploi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

On s'en doutait !

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis.

La conclusion n'est pas bonne !

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Vous avez exposé, madame la ministre, les priorités du Gouvernement en matière de politique de l'emploi. Je suis sensible à l'affirmation selon laquelle le développement de l'emploi passe par une meilleure formation des femmes et des hommes, ainsi que par la réduction du temps de travail.

Après les dispositions de la loi relative à la lutte contre les exclusions, adoptée au printemps dernier, les actions en faveur des publics en difficulté constituent un élément important de la politique menée en la matière, au même titre que le développement du service public de l'emploi.

A ce sujet, je tiens à souligner la création de dix postes d'inspecteurs du travail et de 135 postes de contrôleurs, ce qui constitue une avancée non négligeable. Mais il sera nécessaire de poursuivre cet effort pour combler les manques accumulés depuis des années.

Concernant la réduction du temps de travail, les crédits de votre ministère sont en augmentation, ce dont nous nous félicitons. Toutefois les crédits consacrés aux exonérations de cotisations sociales patronales sont en hausse de 10 % et représentent près d'un tiers du budget.

Il est à noter que la plupart des accords passés c oncernent des PME-PMI et pratiquement pas de grandes entreprises. Pourtant ce sont ces dernières qui ont les moyens de mettre en oeuvre une véritable réduction du temps de travail.

Au reste, peu ou pas d'accords ont porté sur des actions de formation. Et quand celle-ci y est intégrée, elle est considérée comme ne devant plus faire partie du temps de travail.

Le groupe communiste se félicite que, sur le terrain, contrairement à la logique d'affrontement que prône le CNPF, ou le MEDEF si l'on préfère, des négociations soient engagées dans de nombreux secteurs. Mais le plus souvent, ces accords, s'ils ne réduisent pas les salaires, programment un gel des rémunérations et une modulation du temps de travail, imposant heures supplémentaires et travail du dimanche.

Le Gouvernement ne peut pas rester silencieux - il ne l'est pas d'ailleurs - face aux tentatives de dénaturer une loi qui associe étroitement réduction du temps de travail et créations d'emplois.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 1998

S'agissant des emplois-jeunes, si plus de 100 000 emplois ont été créés, vous savez bien, madame la ministre, que beaucoup de leurs bénéficiaires ne peuvent avoir accès à des actions de formation leur permettant de pérenniser ces emplois. C'est notamment le cas dans l'éducation nationale. Je regrette aussi que seulement 125 millions de francs soient affectés aux mesures d'accompagnement des emplois-jeunes sur les 14 milliards de francs prévus pour les nouveaux emplois.

Aujourd'hui, les licenciements économiques se poursuivent massivement. Et le grand patronat, s'il a changé de sigle, n'a pas changé de politique. Celle-ci continue d'allier priorité aux profits financiers, licenciements en France, délocalisations à l'étranger et pressions sur le pouvoir d'achat des salariés.

Le ralentissement de la croissance sert de prétexte à de nouvelles suppressions d'emplois. C'est pourquoi les députés communistes demandent encore une fois, sous des formes appropriées, l'institution d'un moratoire des licenciements pour donner toutes ses chances de réussite à la politique de gauche. Au reste, lors du débat sur le projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions, vous aviez annoncé, madame la ministre, le dépôt d'un projet de loi sur les licenciements.

Si nous apprécions la mesure relative au dispositif Delalande et consistant à porter à douze mois de salaire l'indemnité versée aux salariés de plus de cinquante ans en cas de licenciement, car elle limitera sans aucun doute leur exclusion, si nous partageons votre souci, madame la ministre, que l'Etat ne finance pas de façon aussi importante les plans sociaux en lieu et place des grandes entreprises, nous nous interrogeons, voire nous sommes en désaccord, sur la réduction des crédits consacrés aux préretraites. En effet, il est évident que cette mesure va toucher nombre de salariés, notamment ceux qui travaillent en équipe, ceux qui occupent des emplois pénibles, lesquels ne pourront plus, compte tenu de la baisse des crédits consacrés aux préretraites, prendre cette préretraite tant attendue.

Des centaines de milliers de salariés, qui pour la plus grande majorité d'entre eux ont d'ailleurs cotisé plus de quarante annuités, veulent pouvoir profiter de la préretraite. Je demande au Gouvernement de bien réfléchir à cette disposition car elle me semble très grave. Elle sera reçue de façon très négative.

Au reste, n'y a-t-il pas un risque de transferts des charges vers l'UNEDIC ? Pour notre part, nous pensons qu'il serait souhaitable d'étendre le dispositif de l'ARPE, qui, contrairement au dispositif du FNE, maintient le niveau des emplois. Nous réitérons notre souhait de voir l'Etat abonder ce dispositif de façon plus importante.

Pour ce qui est de la formation professionnelle, la création d'un secrétariat d'Etat est un facteur important.

M. François Goulard.

Cela fera au moins un emploi !

M. Maxime Gremetz.

La formation professionnelle ne peut pas en effet être considérée comme un supplément d'âme. Il s'agit d'une exigence pour l'évolution humaine.

C'est un atout pour la croissance et un élément important pour une politique de création de nouveaux emplois.

L'objectif d'une formation tout au long de la vie implique une augmentation importante des crédits tant publics que privés. Contrairement aux exigences du CNPF, qui prône une reconnaissance exclusive des compétences du chef d'entreprise, il est nécessaire d'affirmer la place de la formation professionnelle continue dans le domaine de la négociation collective.

L'accès au congé individuel de formation ne concerne qu'une vingtaine de milliers de salariés, notamment parmi l es plus qualifiés. Chaque salarié peut espérer, en moyenne, quinze heures de formation par an dans le secteur privé.

Chaque année, entre 50 000 et 80 000 jeunes sortent du système éducatif sans diplôme ni qualification professionnelle. Et parmi les sorties post-bac, 200 000 à 300 000 jeunes n'ont pas de réelle formation professionnelle.

Ces quelques chiffres témoignent de la nécessité de réactualiser la loi de 1971. Bien que l'ordre du jour de notre Assemblée soit chargé, nous souhaiterions que des réunions de travail soient engagées très rapidemment afin d'aboutir à une nouvelle loi relative à la formation professionnelle.

Madame la ministre, pourriez-vous nous préciser, à ce sujet, quelle sera l'utilisation des 20 millions de francs prévus pour les mesures expérimentales dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle ? La réforme de la loi de 1971 pourrait permettre de mettre en oeuvre quelques grandes orientations.

Il faudrait instituer un droit pour tous à la qualification, qui établirait un droit permanent à se qualifier. Ce dispositif pourrait être financé sur les actuels crédits de formation - 135 milliards de francs proviennent à égalité de l'Etat et des entreprises, d'une part, des régions, de l'UNEDIC et des ménages, d'autre part -, par des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires - exonérations qui devraient servir en priorité à l'aide, à la qualification, à l'évolution des compétences pour les salariés peu qualifiés - et par une mutualisation des financements. Un tel dispositif présenterait l'avantage d'ouvrir les actions de formation aux salariés des petites entreprises.

Il conviendrait de mettre en place une obligation de formation de 10 % du temps travaillé, laquelle devrait être négociée avec les organisations syndicales.

De même, la formation devrait être considérée comme un temps de travail effectif, tout autre dispositif conduirait à renforcer les inégalités, en particulier pour les salariés les moins formés et les moins payés.

Un système de validation des acquis professionnels et de certification des compétences devrait être institué.

Enfin, il faudrait que le rôle et la place du service public d'éducation - l'AFPA, les GRETA, le CNAM, l'Université - soient mis en avant pour contrer les dérives patronales vers la « marchandisation » de la formation.

Telles sont les remarques que je tenais à formuler, madame la ministre. Leur prise en compte permettrait à ce projet de budget de répondre encore mieux aux aspirations des salariés, des personnes privés d'emploi et des jeunes.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Gérard Lindeperg.

M. Gérard Lindeperg.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avant d'aborder le détail du budget de la formation professionnelle qui nous est proposé, je voudrais rappeler les deux grandes priorités que le Premier ministre a placées au centre de sa politique : d'une part, l'emploi ; d'autre part, la solidarité et l'égalité des chances.

Force est de constater que le système actuel de formation professionnelle est loin de contribuer à la réduction des inégalités. Selon que l'on habite dans une région du


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 1998

Nord ou du Sud, que l'on travaille dans une petite ou une grande entreprise, que l'on a une formation de base de niveau 5 ou de niveau 2, que l'on dépend de l'agroalimentaire ou de l'énergie, que l'on est un homme ou une femme, les chances d'accéder à une formation professionnelle continue varient de un à dix, voire de un à vingt dans certains cas extrêmes.

Sans trop grossir le trait, on peut dire que la formation va à la formation et que, souvent, comme le disait un syndicaliste de mes amis : « On arrose là où c'est déjà mouillé. »

S'agissant de l'emploi, trois moteurs ont été allumés : la croissance, les 35 heures, les emplois-jeunes.

M. Germain Gengenwin.

Il y en a qui sont mouillés ! (Sourires.)

M. Gérard Lindeperg.

Reste à allumer un quatrième moteur, je veux parler de la formation professionnelle, à laquelle il faut donner une nouvelle dimension. Faute de quoi, ainsi que cela a été souligné tout à l'heure, l'absence de main-d'oeuvre qualifiée risque d'être un frein à la croissance.

Alors que nous connaissons des mutations technologiques sans précédent, 40 % de la population active de notre pays a une formation initiale inférieure au CAP, contre 18 % seulement en Allemagne - c'est dire l'importance de notre retard en la matière.

La loi de 1971, qui a placé la France en tête des pays développés, fut une grande loi ; vingt-sept ans après, force est de constater qu'elle répond mal aux exigences de l'économie et aux aspirations des salariés. Au fil du temps, notre système est devenu de plus en plus complexe et de plus en plus opaque. Le labyrinthe des dispositifs, qui se sont accumulés au fil des ans, le maquis des procédures, la complexité des financements, l'éparpillement des responsabilités, la jungle des sigles ont découragé les meilleures volontés, et la formation professionnelle est devenue, malheureusement, l'affaire de spécialistes. Il est urgent de faire un effort de simplification, de transparence, et il nous appartient de préciser les enjeux politiques globaux d'une formation professionnelle qui doit s'adapter à une société qui a beaucoup évolué depuis 1971. Pour mieux répondre à l'attente des salariés, nous devons leur proposer une information plus accessible, une orientation plus systématique et une validation des acquis mieux adaptée.

Edifié en période de croissance et de plein emploi, notre système répond mal tant à la demande sociale qu'aux mutations économiques ; il nécessite donc une remise à plat.

Il nous appartient de répondre rapidement à la question centrale que l'on peut formuler ainsi : comment mettre en oeuvre aujourd'hui les conditions de l'égalité d'accès des individus à la formation tout au long de leur vie ? Cette question centrale nous conduira à répondre à une autre question - qui fait quoi, de l'Etat, des conseils régionaux et des partenaires sociaux - et à réfléchir aux moyens d'améliorer la coordination entre les différents acteurs et partenaires de la formation continue.

De même, nous aurons à mieux situer le rôle du service public - AFPA et GRETA de l'éducation nationale par rapport au marché de la formation.

Enfin, je souligne que si, au fil du temps, les salariés ont réussi à imposer divers systèmes de protection pour faire face aux accidents du travail, à la maladie et au vieillissement, il reste à construire, à travers la formation, un système d'assurance-formation permettant de faire face aux nouvelles formes d'emploi et d'organisation du travail, à l'obsolescence technologique et aux mutations professionnelles : on le sait, un travailleur sur trois change de profession tous les cinq ans.

Il va de soi qu'il ne faut pas confondre remise à plat et remise en cause. Il appartient à l'entreprise d'assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi, et tout ce qui relève du plan de formation de l'entreprise doit être comptabilisé sur le temps de travail.

La réduction du temps de travail et le compte épargne temps ne doivent pas conduire à une régression, ils doivent au contraire constituer un tremplin pour une nouvelle avancée en faveur du droit à la formation pour tous.

Le budget de la formation professionnelle qui nous est proposé augmente de 3,6 %. Cette augmentation, supérieure à celle du budget de l'Etat, est la marque d'une volonté du Gouvernement en faveur de la qualification et de l'emploi.

Je veux me féliciter des avancées concernant notamment la redynamisation des service des l'emploi, les nouveaux moyens accordés à l'AFPA, la création de trente nouvelles missions locales, la forte augmentation des moyens en faveur de la lutte contre l'illettrisme et de l'insertion par l'activité économique, laquelle voit doubler ses crédits.

Deux innovations intéressantes doivent être soulignées, je veux parler des programmes TRACE et de l'ouverture des contrats de qualification aux adultes. Après cette première année d'expérimentation, je souhaite qu'un bilan soit réalisé et qu'on puisse déboucher sur une ligne budgétaire spécifique, plutôt que d'émarger, pour la part formation des adultes, sur les fonds de l'alternance jeunes.

M. Germain Gengenwin.

Très bonne remarque !

M. Gérard Lindeperg.

S'agissant des formations en alternance, l'Etat continue à s'investir fortement, avec 3 milliards pour les contrats de qualification et 9,3 milliards pour l'apprentissage. Il nous appartient de veiller à ce que cet effort soit orienté en direction de ceux qui en ont le plus besoin, et qu'il ne soit pas détourné de nos objectifs.

Comme son nom l'indique, le contrat de qualification a pour objet de donner une qualification à ceux qui n'en ont pas. Or, aujourd'hui, 43 % des contrats de qualification seulement sont égaux ou inférieurs au niveau V.

Cela signifie que la majorité des entreprises signent des contrats avec des jeunes qui ont un niveau supérieur au CAP-BEP, soit à travers une première qualification, soit après des études au lycées ou à l'université.

J'en veux pour preuve les dernières statistiques, qui indiquent qu'au cours des six dernières années la part des niveaux IV et supérieurs - c'est-à-dire au-dessus du bacc alauréat - a augmenté de 21 %. A l'inverse, les niveaux V bis et VI ne représentent plus que 8,4 % des contrats de qualification en 1997. Le rapport entre les niveaux V et les niveaux supérieurs est, certes, différent pour l'apprentissage, mais il faut rappeler que l'apprentissage n'est pas un mode d'insertion sociale, c'est un mode de formation initiale, et il doit le rester.

Le principe des formations en alternance est de moins en moins contesté et, depuis une quinzaine d'années, l'éducation nationale elle-même s'est considérablement


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 1998

rapprochée des entreprises. Mais l'apprentissage tel qu'il fonctionne aujourd'hui est loin de répondre à l'attente de beaucoup de jeunes. Un quart des contrats sont rompus avant leur terme et près d'un tiers des contrats achevés ne débouchent pas sur un emploi. Il reste donc à faire des avancées qualitatives, grâce à un tutorat mieux structuré et à une meilleure articulation entre le CFA et l'entreprise.

M. Germain Gengenwin.

Vous avez raison !

M. Gérard Lindeperg.

Nous sommes favorables à une formation en alternance en tant que pratique pédagogique adaptée à une qualification professionnelle, en précisant qu'elle n'est pas nécessairement la mieux adaptée à tous les jeunes et à tous les métiers. Bref, l'apprentissage n'est pas la réponse à l'emploi, mais une réponse parmi d'autres. C'est donc l'ensemble des formations en alternance qu'il nous faut conforter, en recentrant les aides financières au bénéfice des jeunes qui se situent audessous du baccalauréat.

Force est de constater que les jeunes nés en France de parents eux-mêmes de plus en plus souvent nés sur notre sol ont les plus grandes difficultés à trouver une entreprise d'accueil et un maître d'apprentissage, au motif qu'ils portent un nom à consonance étrangère ou qu'ils sont issus d'un quartier à problèmes. Actuellement, le nombre de jeunes accueillis dans l'enseignement technique du CAP au BAC pro est de 40 %, c'est-à-dire l'équivalent au total des jeunes apprentis, 23 %, et des stages de qualification, 17 %. Cet équilibre apparent recouvre des différences de recrutement qui n'ont rien à voir avec les compétences des jeunes, et il nous appartient de regarder cette réalité en face afin d'éliminer toute discrimination en donnant à chacun sa chance.

Avant de terminer sur le chapitre des formations en alternance, je dirai un mot des prélèvements successifs sur l'AGEFAL. Cette démarche de M. Juppé, poursuivie malheureusement, allais-je dire - par l'actuel gouvernement, pose deux types de problème.

M. Germain Gengenwin.

C'est la loi de financement de la sécurité sociale qui a prévu ce prélèvement !

M. Gérard Lindeperg.

Nous en reparlerons tout à l'heure.

Ces deux problèmes sont la marge d'autonomie des partenaires sociaux et la finalité de ces fonds, dont l'objet est la formation des jeunes en alternance, et non l'ajustement du budget de l'Etat.

Je conclurai par une remarque de caractère général.

Dans une économie tournée vers la technologie et la communication, nous savons tous que le niveau des connaissances devient un facteur essentiel du développement. Dans une société où la progression du temps libéré va ouvrir de nouveaux espaces, l'éducation et la formation d oivent favoriser l'épanouissement d'une citoyenneté mieux assumée.

C'est pourquoi, en cette fin de siècle, la formation permanente doit enfin trouver sa pleine signification, et la formation initiale doit être repensée dans cette perspective. Cela signifie concrètement la remise en cause du découpage du temps de la vie en séquences trop étanches - formation, travail, retraite -, qui conduisent à des fragmentations de plus en plus en décalage par rapport aux attentes de nos concitoyens et aux besoins de la société.

C'est pourquoi je souhaite qu'une collaboration étroite entre le Gouvernement et notre assemblée nous permette, au cours de l'année qui vient, d'apporter des réponses à la hauteur de ces enjeux.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

(M. Patrick Ollier remplace M. Yves Cochet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne commenterai pas la progression des crédits de ce budget en me demandant si une progression de 4 % est remarquable, comme on l'entend dire à la radio à longueur de temps, ou en insistant sur la régression de telle ou telle ligne. C'est un exercice obligé des discussions budgétaires qui n'a aucun intérêt réel.

Je crois que la discussion budgétaire aura un sens le jour où nous pourrons nous livrer à une analyse coûtefficacité des politiques publiques dont on nous soumet les budgets. Mais nous en sommes très loin.

S'agissant de la formation professionnelle, et de l'apprentissage en particulier, le fameux article 80 du projet de loi de finances vise, nous dit l'exposé des motifs,

« à recentrer l'aide à l'embauche de l'indemnité compensatrice forfaitaire à l'apprentissage [...] en faveur des publics prioritaires de la politique de l'emploi ». Cela signifie en clair qu'on exclut du dispositif de soutien les maîtres d'apprentissage qui embauchent des apprentis de niveau IV et au-delà. Un amendement de notre collègue Jacques Barrot devrait nous épargner l'application de cet article.

Cette orientation du Gouvernement me paraît inquiétante alors qu'on nous annonce une réforme de la formation professionnelle. Inquiétante, d'abord, parce qu'elle n'a été précédée d'aucune concertation avec les milieux professionnels. Contrairement à ce qu'affirme le credo gouvernemental la concertation, là encore, n'a pas eu lieu ; en effet, les chambres de métiers, qui sont pourtant des acteurs déterminants de l'apprentissage, n'ont pas été consultés.

Nous considérons que la voie de l'apprentissage est à promouvoir, y compris pour les qualifications de niveau élevé. Il est extrêmement réjouissant qu'elle soit retenue aujourd'hui y compris pour des formations supérieures dans les grandes écoles. C'est un très bon exemple. Il ne peut que tirer l'ensemble des formations vers le haut et promouvoir une forme de formation professionnelle qui a fait ses preuves et a démontré son efficacité.

De même, nous regrettons - ce n'est pas dans la loi, mais dans un décret du 12 octobre 1998 - la suppression de la prime à l'embauche pour les contrats de qualification à des niveaux supérieurs au CAP. Le ciblage des dispositifs nous paraît préoccupant. C'est une réponse bureaucratique assez habituelle, qui répond à deux préoccupations. La première est budgétaire : un dispositif ciblé est généralement moins coûteux qu'un dispositif qui ne l'est pas. Mais une telle formule traduit surtout la volonté de puissance de l'administration, qui entend régir les réalités économiques et sociales et néglige, du fait de sa myopie, les effets pervers, de seuil, d'éviction, en bref tous les effets négatifs, en se concentrant uniquement sur ce qu'elle veut voir.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 1998

J'en viens maintenant aux crédits qui accompagnent l'application de la loi du 13 juin 1998 sur les 35 heures.

Nous avons 3,7 milliards de crédits inscrits à ce titre, pour un objectif théorique affiché par le Gouvernement de 40 000 emplois. Je crois, à en lire la presse, que nous en sommes aujourd'hui à 3 000 ou 4 000 emplois

« créés » ou « sauvegardés ». Je précise simplement que la croissance a créé 260 000 emplois en 1998.

A ces 3,7 milliards s'ajoutent un peu plus de 3 milliards de francs au titre de la loi Robien. On ne peut s'empêcher de rapprocher ce chiffre de l'incident regrettable, lié à l'application de cette loi, qui a vu l'entreprise VVF, dont le dirigeant est un ancien responsable de la CFDT, après avoir encaissé les subventions pour la sauvegarde de l'emploi en échange d'une réduction du temps de travail, à annoncer tout simplement qu'elle allait procéder à des licenciements massifs. C'est assez désolant, mais malheureusement significatif du peu d'efficacité de telles mesures.

Nous avions critiqué la loi du 13 juin 1998, parce qu'elle laissait trop peu de champ à la négociation collective, à laquelle elle appelle pourtant dans son article 2.

Aujourd'hui, les négociations sont engagées. Elles portent sur l'annualisation du temps de travail et c'est une très bonne chose, nous l'avons toujours dit. Elles portent aussi sur le contingent d'heures supplémentaires. Comment s'étonner, en effet, que les entreprises recherchent une souplesse dans le contingent d'heures supplémentaires pour compenser l'impact des trente-cinq heures ? Mais au fur et à mesure de l'annonce de ces accords ou d e ces négociations collectives, on assiste temps, madame la ministre, à un spectacle que je trouve pour ma part peu digne de ce que j'appellerai une démocratie sociale, c'est-à-dire d'un pays où les partenaires sociaux négocient en toute liberté et en toute responsabilité le contenu de leurs accords. Les accords qui se succèdent sont en quelque sorte soumis à votre censure morale. Il y a pour vous les « bons accords » et les « mauvais accords », ces derniers étant à peu de chose près considérés comme inexistants - vous avez même employé l'adjectif : « virtuels ». Les commentateurs spécialisés soulignent pourtant qu'il y a en réalité fort peu de différences de contenu entre tous ces accords.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il suffit de savoir lire !

M. François Goulard.

Il y a, d'un côté, les organisations patronales qui font des concessions verbales à la politique du Gouvernement. Celles-là sont citées au tableau d'honneur ministériel. Et puis il y a ceux qui ont le tort d'exprimer publiquement des critiques à l'égard de votre politique.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est vrai que la loi est la loi !

M. François Goulard.

Ceux-là, vous les vouez carrément aux gémonies. Mais il est vrai que, comme le dit Camus, l'un de mes auteurs préférés, « être libre de ses humeurs est le privilège des grands fauves ».

Mme Dominique Gillot.

Oh !

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial.

Il faut en parler au président Séguin ! (Sourires.)

M. François Goulard.

Je voudrais revenir sur la notion d'emplois « créés » ou « sauvegardés », car je le trouve particulièrement contestable. Et ce ne sont pas les recensements auxquels vous vous livrez, et que vous publiez régulièrement comme autant de pauvres communiqués de victoire, qui me convaincront. Cette notion est largement déclarative. L'entreprise explique qu'elle peut, grâce à une réduction du temps de travail, sauver un certain nombre d'emplois. Et j'ai le sentiment qu'on examine ces plans avec une bienveillance qui vise à améliorer le bilan que vous entendez présenter.

Cette notion est, en outre, très contingente : on l'a vu avec l'exemple de VVF. On peut fort bien, assez peu de temps après, s'apercevoir que la « sauvegarde » en question a été toute théorique, et qu'elle a consisté en un simple effet d'annonce.

Quant aux emplois créés, n'auraient-ils pas été créés en tout état de cause ? J'ai tendance à penser qu'une entreprise qui a l'intention de créer des emplois sera encline à bénéficier de l'aubaine que constitue le dispositif de l'article 3 de la loi, car elle y aura intérêt. En fait, la création d'emplois grâce à la réduction du temps de travail se réduit à la simple utilisation d'un dispositif de subvention.

Et cette notion floue d'emplois créés ou sauvegardés risque d'être utilisée dans un sens très comptable, pour faire payer non seulement à la sécurité sociale mais aussi à d'autres organismes une partie du coût de cette politique. Ainsi, l'UNEDIC a récemment exprimé sa crainte de devoir contribuer à la politique des trente-cinq heures.

Je fais simplement observer qu'un emploi « créé », au sens de la loi du 13 juin 1998, n'équivaut pas forcément à un chômeur de moins car, même à supposer que cette création d'emploi soit réelle, elle peut bénéficier à quelqu'un qui occupait déjà un emploi.

Ainsi, au-delà des bons et des mauvais accords, suivant vos critères, madame la ministre on s'aperçoit que ce dont on parle le moins à propos de ces accords, ce sont les créations d'emplois.

La baisse du chômage à laquelle nous assistons, et dont chacun naturellement se réjouit, tient à la conjoncture, nous le savons bien. Avec le mauvais esprit dont je fais preuve habituellement, je remarque simplement que nous sommes en la matière très en dessous de la moyenne européenne.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Cela n'est pas vrai !

M. François Goulard.

La conjoncture s'améliore partout, mais le chômage diminue plutôt moins en France que dans les autres pays européens.

Je conclurai sur un point plus technique, à savoir le dispositif Delalande, du nom de notre collègue ici présent, qui consiste à pénaliser les licenciements des salariés âgés de plus de cinquante ans dans les entreprises de plus de vingt salariés. C'est une idée apparemment généreuse, mais le renforcement de ce dispositif, son alourdissement aura des effets pervers, car il pénalisera les salariés de plus de quarante ans. En effet, à l'évidence, les entreprises hésiteront à embaucher des salariés ayant un peu moins de cinquante ans, craignant d'avoir à supporter le coût d'un éventuel licenciement ultérieur.

M. le président.

Il faut penser à conclure, monsieur Goulard !

M. François Goulard.

A mon sens, seul un marché de l'emploi plus libre permettrait d'éviter que le comportement des entreprises ne soit vicié par des dispositifs contraignants et offrirait à chacun sa chance de trouver un emploi. Mais je sais bien, madame la ministre, que ces principes sont opposés aux vôtres et je ne m'attends pas à rencontrer chez vous la moindre compréhension à cet


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 1998

égard.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Sur ce point, vous avez raison !

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la progression des crédits de l'emploi et de la formation professionnelle, que personne ne nie, ne c onstitue pas forcément une raison suffisante pour approuver ce projet de budget.

M. Gérard Lindeperg.

C'est tout de même mieux qu'avant !

M. Michel Destot.

Ça progresse !

M. Germain Gengenwin.

J'ai en effet de nombreux motifs d'inquiétude et d'interrogation. La remise en cause de la prime d'embauche pour les contrats d'apprentissage et de qualification est l'une de mes inquiétudes. Comme l'ont dit François Goulard à l'instant et Jacques Barrot, tout le monde se félicite de l'augmentation des entrées dans le dispositif de formation en alternance. D'après les chiffres publiés dans le document budgétaire, le flux d'entrée passerait de 340 000 en 1998 à 370 000 en 1999. En y regardant de plus près, on constate que les deux formules concernées que sont le contrat d'apprentissage et le contrat de qualification n'évoluent pas de la même façon. Alors que le nombre de contrats de qualifications augmente et passe de 100 000 à 130 000, et même à 140 000 si l'on inclut les contrats de qualification adulte, en revanche le nombre de contrats d'apprentissage chute de 240 000 à 230 000 en 1999.

Vous voulez en fait favoriser d'autres dispositifs de formation, au détriment de l'apprentissage et du contrat de qualification. L'article 80 du projet de loi de finances pour 1999 et le décret du 12 octobre dernier en sont la preuve tangible. L'article 80, qui vise à recentrer la prime à l'embauche des apprentis sur les niveaux V, V bis et VI, c'est-à-dire les plus bas, va conduire à diminuer le n ombre des apprentis. La suppression de l'aide à l'embauche nuit à l'apprentissage de niveau IV et plus.

Les entreprises ne sont plus incitées à former des apprentis de haut niveau de qualification...

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

C'est bien dommage !

M. Germain Gengenwin.

... et c'est pourtant de cela que dépend la pérennité de notre artisanat. Cet article est l'expression d'une volonté de cantonner l'apprentissage aux plus bas niveaux de qualification, d'en faire le système de formation des plus défavorisés. En réalité, cela équivaut à renvoyer l'apprentissage vers cette image de solution d'échec...

M. François Goulard.

Grave erreur !

M. Germain Gengenwin.

... contre laquelle nous avons voulu lutter en votant la loi de 1987. Depuis cette loi, nous avions réussi à redonner à cette filière ses lettres de noblesse. Je ne peux donc pas vous soutenir dans cette direction, mesdames les ministres.

M. François Goulard.

Bravo !

M. Germain Gengenwin.

Je vous rappelle que des efforts ont été entrepris pendant des années, y compris par votre majorité - je pense notamment à Mme Cresson -,...

M. François Goulard.

C'est vrai !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

C'est loin !

M. Germain Gengenwin.

... pour favoriser la promotion de l'apprentissage et lui donner ses lettres de noblesse. Or aujourd'hui on revient en arrière. Vous connaissez mon attachement à l'apprentissage. Ayant été le rapporteur de la loi de 1987 qui, en ouvrant l'apprentissage aux métiers à haute qualification, a favorisé le développement de cette formation en alternance et lui a redonné une autre image de qualification dans le grand public, je ne peux vous suivre dans cette voie. J'ai donc amendé l'article 80 du projet de loi de finances pour 1999 afin que soit maintenu le dispositif actuel de la loi Barrot.

Par décret du 12 octobre, vous avez procédé à la même opération de recentrage sur les basses qualifications en ce qui concerne le contrat de qualification : la prime à l'embauche est supprimée pour les contrats de qualification débouchant sur un diplôme supérieur au CAP. J'y vois là aussi une volonté délibérée de casser un dispositif qui marche bien et qui conduit à des formations de haut niveau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

C'est vrai !

M. Germain Gengenwin.

La part des jeunes de niveau IV, c'est-à-dire au niveau du bac, a progressé de quatre points en deux ans. Que restera-t-il, madame la ministre, de cette voie de formation quand on sait que la part des contrats de niveau V et en dessous n'a cessé de régresser, passant de 50 % à 36 % ? Vous allez contribuer à la quasi-extinction du contrat de qualification.

Ces deux mesures inquiètent au plus haut point les nombreuses entreprises qui se sont investies dans la formation des jeunes - je ne suis pas le premier à vous le rappeler. Elles inquiètent aussi d'autant plus les élus que nous sommes qu'elles semblent avoir été prises de manière unilatérale par le Gouvernement, sans aucune concertation préalable avec les autres cofinanceurs de ces dispositifs que sont les entreprises, les partenaires sociaux et les conseils régionaux, et sans réflexion globale sur la formation en alternance des jeunes. Je ne comprends pas cette précipitation à réformer dès maintenant les aides aux dispositifs de formation en alternance des jeunes alors qu'une grande réforme globale du système de formation est annoncée - pour juin prochain - peut-être allez-vous nous le confirmer, à moins que ce ne soit, comme d'aucuns le pensent, pour renflouer l'alternance sous statut scolaire. On veut en effet favoriser l'alternance au niveau des lycées où l'on constate un léger tassement.

Lorsque vous avez décidé d'étendre le contrat de qualification aux adultes, en mai dernier, je vous avais interrogé sur le financement du dispositif, et notamment sur la participation de l'AGEFAL. Vous m'avez répondu que les partenaires sociaux étaient d'accord. En fait, il semble que cela ne soit pas le cas. Dans le numéro spécial d'Info Flash du 15 octobre dernier, j'ai relevé les critiques formulées par certains d'entre eux.

La CFE-CGC déclare ainsi : « En ce qui concerne le

« financement, nous ne pouvons pas accepter que l'argent nécessaire à la formation des moins de vingt-six ans soit réduit. » Je me réjouis au passage que M. Lindeperg ait

également posé la question du financement. Il a eu raison.

La CFTC estime pour sa part que le « financement de la mesure sur les fonds d'alternance obère l'avenir du contrat de qualification pour les moins de vingt-six ans, car il représente une ponction supplémentaire sur des


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financements qui ne sont pas extensibles ». Certes, il y avait des ponctions sur l'AGEFAL, mais je vous signale que la dernière loi de financement de la sécurité sociale en opère une nouvelle.

L'UPA, qui est tout aussi sceptique, considère que « les OPCA de l'artisanat n'ont pas la capacité financière d'accompagner une telle démarche ». Le MEDEF, également réservé sur le financement du contrat de qualification adulte, estime que « l'on peut craindre que l'Etat ne se désengage du nouveau dispositif et n'en laisse supporter la charge aux entreprises ».

J'en viens aux interrogations. La réforme de la loi de 1971, dont tout le monde a déjà parlé, est, semble-t-il, p révue pour juin 1999. Pouvez-vous, madame la ministre, me confirmer cette information ? Quel sera le contenu de la réforme ? On parle de permettre aux salariés de se former tout au long de leur vie. C'est très bien, j'espère néanmoins que cela ne sera pas simplement un slogan. Les résultats de la réflexion menée sur ce point par le Gouvernement devaient être présentés au Parlement début novembre. Qu'en est-il ? Il semble que le Gouvernement envisage à cette occasion de réformer la collecte de la taxe d'apprentissage. Est-ce le cas ? Si oui que comptez-vous proposer ? Je vous mets en garde, madame la ministre : il y a énormément d'organismes collecteurs de formation mutualisation et il conviendrait d'opérer une remise en forme.

Dans le projet de budget pour 1999, vous avez prévu 20 millions de francs pour financer des actions expérimentales en vue d'engager la réforme de la formation professionnelle. Qu'est-ce que cela signifie ? De quelles actions s'agit-il ?

M. le président.

Monsieur Gengenwin, il faut penser à conclure !

M. Germain Gengenwin.

La réforme des charges patronales de sécurité sociale doit intervenir au 1er septembre 1999, conformément à l'engagement que vous avez pris lors de la première lecture du projet de loi de f inancement de la sécurité sociale. Qu'en est-il ? Qu'adviendra-t-il de la ristourne dégressive sur les bas salaires ? Avez-vous l'intention de pérenniser le dispositif et de l'étendre ? Quel est l'état d'avancement des consultations entreprises à ce sujet par le Gouvernement ? La question de la reconduction de l'ARPE a déjà été posée.

S'agissant de la rémunération mensuelle minimale, la création d'un SMIC bis a été annoncée il y a quelques mois. Quel est l'état d'avancement de la concertation que vous devez mener avec les partenaires sociaux ? Dans quels délais et selon quelles modalités comptez-vous inst aurer cette rémunération minimale qui ne devrait concerner que les salariés nouvellement embauchés ? La question a été posée de l'indemnisation de la sécurité sociale pour la perte de ressources due aux trentecinq heures. Je crains, madame la ministre, que les 3,5 milliards prévus à cet effet ne suffisent pas, car si l'on interroge nos différentes instances, on constate que la réduction du temps de travail ne suscite pas vraiment d'euphorie dans nos régions.

M. le président.

Monsieur Gengenwin, votre temps est dépassé !

M. Germain Gengenwin.

Pour finir, je souhaite savoir, madame la ministre, comment vous allez justifier l'amputation, à hauteur de 206,4 millions de francs, des crédits destinés à l'allocation spécifique pour privation partielle d'emploi. S'agissant de la participation de l'Etat au financement des préretraites, quelle est la raison de son désengagement massif ? Quelle est la mission exacte de l'ANACT et son devenir ? J'avais aussi des questions à vous poser sur la péréquation, mais j'espère que nous aurons l'occasion d'y revenir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je vous rappelle que, quels que soient les groupes, une minute fait toujours soixante secondes, et je vous demande de veiller à respecter votre temps de parole ! La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la loi sur la réduction du temps de travail à trente-cinq heures, votée le 10 février 1998, est un espoir pour des milliers de femmes. Elles sont très concernées parce qu'elles aspirent à plus de temps pour elles et ceux qu'elles aiment,...

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Elles aspirent à des horaires plus pratiques aussi !

Mme Muguette Jacquaint.

... mais aussi parce que, le chômage les touchant en grand nombre, elles sont directement intéressées par les créations d'emploi. Je souhaite, madame la ministre, insister sur le travail à temps partiel imposé et la précarité du travail. En effet, la précarité es t le corollaire du chômage.

Tout démontre que l'un alimente l'autre. On ne pourra lutter efficacement contre le chômage qu'en luttant contre la précarité. Les politiques des pays anglosaxons, souvent montrées en exemple, ont imposé la précarité. Celle-ci se traduit par un accroissement de l'exclusion, de la pauvreté et a créé une nouvelle appellation « le travailleurs pauvre ». Ce n'est pas le chemin à suivre.

Les emplois précaires - les spécialistes parlent de

« formes particulières d'emplois » - se sont développés, ainsi que le travail à temps partiel, dans la dernière période. Avec la reprise de la croissance, ils tendent à s'accroître très fortement. Alors que l'emploi salarié progressait de 9 % sur quinze ans de 1983 à 1998, le nombre d'emplois précaires a été multiplié par quatre. Près d'un salarié sur dix occupe aujourd'hui un emploi précaire. Par ailleurs, une forme de précarisation du travail, le travail à temps partiel, s'est très fortement accrue. En effet, plus de 18 % des salariés travaillent aujourd'hui à temps partiel.

Actuellement, deux tiers des personnes embauchées à temps partiel sont des femmes. Elles sont les premières victimes de la précarité de l'emploi : 29 % travaillent à temps partiel pour seulement 5 % des hommes. Je dis

« victimes », car les salaires moyens sont souvent très bas - près des deux tiers des salaires bruts restent inférieurs ou égaux à 5 000 francs - et 80 % des salariés qui gagnent moins de 4 800 francs sont des femmes. Les conditions de travail sont pénibles. Les branches utilisant d'une façon méthodique ces formes d'emploi sont souvent les grands groupes. La grande distribution s'est engouffrée dans ce dispositif. Les conditions de travail, qui font de la salariée une marchandise, sont dénoncées avec véhémence par les intéressées elles-mêmes et leurs organisations syndicales.

Ce temps partiel et ces abus ont explosé aussi avec la mise en place d'aides financières, notamment les exonérations de cotisations sociales patronales. L'année 1997 a vu l es entreprises cumuler l'abattement de 30 % pour


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l'embauche à temps partiel et les exonérations sur les salaires inférieurs à 1,33 % du SMIC. Selon la presse économique, la réduction peut atteindre au total près de 20 % du coût du travail.

Depuis le début de 1998, ce dispositif a quelque peu été modifié. La loi sur la réduction du temps de travail a relevé à dix-huit au lieu de seize le nombre d'heures ouvrant droit aux exonérations. Ces aménagements législatifs et réglementaires ont freiné, sans l'arrêter, la hausse du temps partiel.

Pour la moitié des salariés il s'agit d'un temps partiel imposé. Les répercussions sur leurs conditions de vie sont i mportantes. Souvent, les horaires de travail sont incompatibles avec la vie familiale. Ils sont éclatés et engendrent de longues journées de travail.

Le travail précaire tend à s'institutionnaliser. L'intérim croît fortement et ce n'est pas, comme certains peuvent le penser, une étape vers un emploi stable.

M. Jean Ueberschlag.

Vous dressez un véritable réquisitoire !

Mme Muguette Jacquaint.

Selon l'INSEE, en 1991, 35 % des salariés en CDD, contrat d'intérim ou contrat aidé, trouvaient un emploi stable l'année suivante.

Ce taux a diminué pour atteindre 29 % en 1997.

Enfin, 31 % de ceux qui occupaient un emploi précaire en 1991 occupaient toujours l'année suivante un emploi du même type ; ce taux dépassait 40 % en 1997.

Ces quelques chiffres démontrent que les aides gouvernementales à l'emploi ne peuvent avoir pour seul but la baisse du coût du travail, pour reprendre une expression patronale. Il est donc nécessaire qu'elles aient réellement pour objectif non seulement la création d'emplois, mais aussi la transformation des emplois précaires en emplois stables.

M. le président.

Madame Jacquaint...

Mme Muguette Jacquaint.

Je conclus, monsieur le président.

Pour travailler dans ce sens, je ne ferai que trois propositions.

Ces aides et réductions de cotisations sociales ne pourraient-elles pas s'appliquer aux emplois qui sont transformés au bout d'un certain temps en emplois stables ? Ne faudrait-il pas réglementer la notion d'heures c omplémentaires pour le travail à temps partiel ? L'ensemble des salariés, notamment ceux qui sont obligés d'accepter des emplois précaires - les femmes et les jeunes - le demandent avec force.

Ne pourrait-on faire obligation à l'employeur de modifier le contrat de travail en fonction des heures réellement et régulièrement effectuées ?

M. le président.

Vous concluez, j'espère, madame Jacquaint !

Mme Muguette Jacquaint.

Par ces quelques propositions, j'ai souhaité me faire l'écho de ces préoccupations concernant le travail précaire et partiel, car je pense que c'est l'un des enjeux de la réussite de la majorité, dans la lutte qu'elle mène contre le chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'emploi est, avec la sécurité, la première préoccupation des Français.

Depuis dix-huit mois, sous votre impulsion, madame la ministre, notre assemblée n'a pas ménagé sa peine.

Emplois-jeunes, réduction négociée du temps de travail, loi contre l'exclusion, tous ces textes ont été débattus, votés et mis en oeuvre avec une détermination politique nouvelle. Je veux me féliciter que ce budget respecte scrupuleusement les engagements financiers pris dans ces différents textes. Il y a, madame la ministre, continuité entre vos paroles et vos actes et cela mérite d'être souligné.

Les premiers résultats sont là, même s'il faut les interpréter prudemment, les derniers chiffres du chômage en attestent. La mise en oeuvre de la loi sur l'exclusion se fait par ailleurs en parfait accord et en concertation avec nos principaux interlocuteurs.

Enfin, la mise en oeuvre de la loi sur la réduction du temps de travail se traduit aujourd'hui par une signature régulière d'accords de branches et d'accords d'entreprises.

N'en déplaise à ceux qui veulent faire des bilans plus délicats, il faut donner un peu de temps au temps.

M. Goulard nous ayant cité Camus, je ne résiste pas à l'idée de le renvoyer à une citation de son auteur préféré, qui avait dit, dans son discours de Stockholm : « L'artiste chemine entre deux abîmes qui sont l'emphase et la futilité. »

M. Philippe Vuilque.

Très bien !

M. Gaëtan Gorce.

Vous me permettrez, madame la ministre, d'élargir mon propos à d'autres préoccupations qui sont d'une certaine manière la conséquence des améliorations constatées.

Ma conviction est en effet que, après s'être dotée des instruments d'une politique active de création d'emplois, notre majorité devra aussi s'attacher à mieux protéger les droits de ceux qui occupent ou retrouvent un emploi.

La reprise économique à laquelle nous assistons n'a pas mis fin aux dérives préoccupantes, qui appellent notre intervention.

J'en prendrai comme exemple les emplois précaires. Si l'on peut admettre que ces emplois soient le premier pas vers l'embauche en période de reprise, il n'est pas acceptable qu'ils deviennent un moyen usuel de gestion des effectifs sur de longues périodes.

Dois-je rappeler que le nombre de salariés intérimaires a augmenté de 15 % entre octobre 1997 et octobre 1998 et de 25 % sur les dix derniers mois ? A tout le moins, la logique voudrait que le coût du recours à l'intérim ou aux CDD soit renchéri lorsqu'il est utilisé de manière permanente et que la couverture chômage des salariés, en particulier des jeunes, victimes des formes d'emplois précaires, soit améliorée en conséquence.

Je voudrais également prendre l'exemple de la procédure des licenciements économiques. Là encore, la reprise de l'activité s'est accompagnée, et nous nous en réjouissons, d'une diminution spectaculaire du nombre de ces licenciements. Ceux-ci restent cependant particulièrement douloureux, notamment parce qu'ils ont tendance à se concentrer sur quelques grands secteurs industriels ou secteurs géographiques en difficulté.

Vous avez annoncé un alourdissement de la « contribution Delalande » et nous nous en félicitons. Vous avez également resserré les conditions de recours aux conventions FNE et donc aux préretraites, ce dont nous nous félicitons tout autant. A cet égard, la façon dont se mettent en place certains plans sociaux, nos collègues nous l'ont souligné - Nicole Bricq, par exemple, s'agissant des sucreries - doit nous inciter à la vigilance.


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Nous considérons comme indispensable une modernisation de notre législation sur les licenciements économiques. Il n'est pas acceptable en effet que des bassins d'emplois puissent être sinistrés par des décisions d'entreprises en bonne santé qui peuvent licencier brutalement sans qu'une vraie concertation ait pu s'engager avec les représentants des salariés et sans qu'elles aient à payer les conséquences de la casse industrielle à laquelle elles se livrent sur le terrain local.

Cette législation nouvelle devrait encourager la gestion prévisionnelle des effectifs, l'effort de formation à la qualification et l'association des salariés à toutes les négociations qui anticipent la mise en oeuvre de ces mesures et, à l'inverse, pénaliser le recours à la flexibilité externe.

La question du chômage de longue durée doit également retenir toute notre attention. Le Gouvernement a, je crois, fait dans ce domaine de nombreux efforts. Je n'y reviendrai pas et je n'insisterai pas sur le sujet qu'ont évoqué, notamment, le président de notre commission et d'autres orateurs.

J'aimerais aborder, enfin, la question de la contribution de votre ministère au développement des territoires. Le débat relatif à la lutte contre les exclusions a bien montré la nécessité d'une déconcentration forte des moyens, de l eur adaptation au terrain, notamment aux bassins d'emplois sur lesquels ils sont employés.

La mise en place des PLIE répond à cette exigence. La globalisation des crédits peut également aller dans ce sens.

Mais ne faut-il pas également revoir l'organisation des services publics de l'emploi pour favoriser la définition de politiques locales de l'emploi qui s'inscrivent dans le cadre de formes nouvelles d'organisations du territoire, tels que les pays, et qui puissent être mises en oeuvre avec l'aide des élus ? Les contrats de plan ne pourraient-ils pas être l'instrument d'une telle évolution, qui serait de nature à améliorer encore l'efficacité des différents dispositifs sur lesquels nous sommes engagés ? L'emploi conditionne l'avenir de chacun d'entre nous.

Le droit au travail, sans être rigide, doit répondre à l'aspiration légitime des salariés à plus de sécurité. L'effort qu i leur est demandé en termes d'évolution des qualifications, d'aménagement des formes d'organisation du travail, de meilleure productivité, doit trouver sa contrepartie non seulement dans le développement d'un nouveau dialogue social, mais aussi dans l'intervention du droit susceptible de corriger les abus qu'a permis un contexte économique et social fortement dégradé ces dernières années.

Puis-je, en conclusion, souhaiter qu'en travaillant pour l'emploi - ce qui est fondamental - on ne perde pas de vue l'avenir du travail ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Merci, monsieur Gorce, d'avoir respecté votre temps de parole.

La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut.

Je ne voudrais pas rompre avec l'optimisme gouvernemental ambiant. Mais je rappellerai qu'hélas, ni la croissance, ni les mesures pour l'emploi n'ont encore totalement fait reculer les difficultés ni la misère de nos concitoyens. J'ai lu dans un journal, il y a quelques jours, que 800 000 foyers avaient déposé une demande auprès du fonds d'urgence sociale et que les nouvelles tendances des formes d'emploi - emplois intérimaires, emplois précaires, emplois à temps partiel - plaçaient de plus en plus de salariés dans des situations difficiles.

Il faut bien reconnaître qu'au-delà des effets naturels de la conjoncture, l'action gouvernementale a certainement joué dans la baisse du chômage. Mais il s'agit là d'une baisse artificielle liée, notamment, à certaines formes de traitement du chômage plus qu'à une véritable politique économique.

La création des emplois-jeunes, dont on connaît le prix - une dépense à terme de 35 milliards de francs par an -, n'est pas la mesure la mieux adaptée à la situation.

Nous nous sommes déjà exprimés sur ce point. Le bilan 128 000 - n'est d'ailleurs pas celui que vous attendiez ; et encore, les chiffres sont gonflés par les 35 000 emplois de l'éducation nationale.

On peut s'interroger, madame la ministre : s'agit-il de nouveaux emplois et que deviendront-ils à terme ? Si ce sont bien des emplois supplémentaires aux appellations pittoresques, ils recouvrent trop souvent des réalités anciennes, du cantonnier à l'éducateur sportif.

Je reconnais qu'il y a des expériences intéressantes, comme les agents d'ambiance dans les bus et que tout n'est pas négatif. Mais que vont devenir ces jeunes dans cinq ans ? Auront-ils trouvé une place dans la société, auront-ils eu des formations ? Comment les communes et les associations feront-elles face ? Les contribuables paieront.

J'ai pu constater que les emplois bénéficiaient trop souvent aux jeunes les plus qualifiés et excluaient les jeunes des quartiers. J'ai encore ressenti que les emploisjeunes de l'Education nationale n'ont pas toujours obtenu la formation qu'ils attendaient et que dans la police, les adjoints de sécurité n'ont pas toujours eu l'encadrement suffisant pour être efficaces sur le terrain.

J e voudrais parler du dispositif TRACE qui accompagne les jeunes en grande difficulté mais qui pose un certain nombre de questions sur le terrain. Pourquoi l es moyens attribués aux opérateurs externes 12 000 francs par jeune - sont différents de ceux accordés aux missions locales elles-mêmes - 528 francs ? La lourdeur du dispositif TRACE fait que l'on passe de plus en plus de temps en réunion et dans les procédures administratives, au lieu de suivre réellement les jeunes. C'est ce que me confiait hier la directrice de la mission locale que je préside.

Il convient par ailleurs, madame la ministre, d'assouplir les critères trop administratifs d'éligibilité au dispositif.

Beaucoup de jeunes ne sont pas inscrits à l'ANPE. Ils ont le droit d'être suivis. Mais comment accéder à ces mesures ? Encore faut-il qu'il y ait des possibilités d'emploi pour ces jeunes, qui ne croient plus en rien et qui sont trop souvent déçus.

L'action pour les jeunes ne doit pas masquer un point noir : les chômeurs de longue durée, qui représentent toujours plus d'un demandeur d'emploi sur trois, et les

« quinquas », hommes et femmes, qui connaissent un chômage qui ne fait que grimper. Alors qu'ils détiennent un fort potentiel de consommation, on semble les négliger. Quelles mesures comptez-vous prendre pour eux ? Quel gaspillage d'expérience et de compétences pour notre économie ! Pour toutes ces raisons, vous comprendrez mon inquiétude devant votre budget. Je suis convaincu qu'il n'existe pas de solutions miracle pour résoudre les problèmes du chômage mais bien plutôt des micro-solutions, nées de millions d'initiatives sur le terrain. Parce que l'emploi dépend de l'entreprise, ne devriez-vous pas mieux aider et soutenir ceux qui veulent entreprendre ? Sur 2,5 millions d e Français qui souhaitent créer leur entreprise,


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500 000 développent un projet chaque année et seulement 180 000 passent à l'acte. La solution passe certainement par l'aide à la création d'entreprise, le développement du capital-risque et l'ouverture aux jeunes de nos entreprises.

A ce propos, je voudrais appeler votre attention sur les difficultés rencontrées par de nombreux jeunes pour obtenir un stage professionnel dans le cadre d'une formation en alternance. Quelles dispositions envisagez-vous de prendre pour améliorer l'accueil des jeunes dans les entreprises ?

M. Gérard Lindeperg.

Il faudrait d'abord que les chefs d'entreprise soient plus accueillants !

M. Bernard Perrut.

L'apprentissage, quant à lui, s'est développé grâce aux efforts menés par les entreprises, les compagnies consulaires, les régions. Mais il ne me semble pas souhaitable, madame la ministre, de modifier son financement au moment où un projet de réforme globale de la formation professionnelle est en réflexion. Pourquoi,e n effet, décourager les maîtres d'apprentissage en excluant du dispositif de soutien la prime à l'embauche pour ceux qui embauchent des apprentis de niveau IV et au-delà ? Il ne faut pas oublier que ces jeunes, et c'est là l'essentiel, constituent un vivier de futurs repreneurs et de créateurs d'entreprises artisanales.

J'évoquerai, pour conclure, la situation des handicapés, q ui me tient à coeur. Dans quelques jours, le 14 novembre, débutera la semaine pour l'emploi des personnes handicapées en France. Je rappelle que les personnes handicapées à la recherche d'un emploi restent deux fois plus longtemps au chômage que les personnes valides. La loi de 1987 atteint un palier - le taux d'emploi des handicapés oscille autour de 4 % - que l'on ne dépassera aujourd'hui qu'au prix d'un nouvel élan, d'une nouvelle dynamique. Je souhaiterais obtenir, madame la ministre, des engagements de votre part sur ce point.

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le Gouvernement a f ixé clairement des objectifs de développement de l'emploi, de lutte contre le chômage et d'orientation vers une plus grande justice sociale et fiscale. Ces objectifs doivent être atteints à moyen terme, ils doivent être durables et ne pas augmenter l'endettement du pays.

Naturellement, les députés du groupe Radical, Citoyen et Vert s'accordent avec vous sur ces objectifs et se félicitent des crédits obtenus pour votre ministère en 1999.

C'est la raison pour laquelle nous voterons en faveur.

Cependant, je souhaite faire quelques remarques, poser quelques questions et développer quelques perspectives parfois différentes des vôtres, sur des points qui ont d'ailleurs été repris par M. le président de la commission.

Tout d'abord, nous sommes, bien sûr, très favorables aux emplois-jeunes. Leur financement augmentera de 5,9 milliards entre 1998 et 1999. C'est très bien. Mais cela nous amène à lancer deux débats.

Le premier porte sur le fait que ce sont essentiellement les ministères - éducation, intérieur et d'autres - et beaucoup moins les collectivités territoriales ou les associations qui ont recours à cette formule. Comme l'a dit M. Le Garrec, il faut y inciter fortement les associations, car ces dernières sont les « PME du social ». Le succès des emplois-jeunes dépendra d'elles dans quatre ans et, plus généralement, dépendra d'un nouveau type d'emploi que j'appelle d'utilité écologique et sociale, d'emplois de proximité que l'on peut catégoriser dans le tiers secteur.

Le second débat tourne autour des emplois-jeunes et de leur pérennisation. Nous ne sommes pas, comme certains sur ces bancs, y compris dans la majorité, des fétichistes de la fonction publique envisagée comme seul horizon possible. Il faut penser et organiser un nouveau type d'emploi, des emplois ni publics ni privés, les emplois de l'économie solidaire.

Ensuite, nous sommes extrêmement favorables à votre loi sur la réduction du temps de travail. Nous sommes d'ailleurs d'accord avec les conclusions de M. le rapporteur Boulard ou avec le président Le Garrec : c'est le texte le plus important de la législature. Il constitue l'instrument principal du recul du chômage et de nouvelles embauches. Il faut qu'il soit efficace. C'est d'ailleurs sur le recul du chômage que nous serons jugés.

J'entends dire, même parmi les rapporteurs, que c'est d'abord la croissance qui va générer de l'emploi. Méfionsnous, chers collègues, la croissance peut n'être que conjoncturelle. Si elle diminue, le chômage risque à nouveau de s'envoler. Nous considérons, pour notre part, qu'en période de croissance comme en période de moindre croissance, il faut réduire le temps de travail.

Cette réduction est l'outil principal qui nous permettra d'être efficaces en matière économique et sociale.

Un de nos rapporteurs, M. Bapt ou M. Boulard, a déclaré qu'un nombre considérable d'accords avaient été conclus. C'est très bien, il faut s'en féliciter. Encore faut-il apprécier la qualité de ces accords. Car, disons-le tout net, il y a de bons et de mauvais accords de RTT.

Trois branches ont déjà élaboré, voire signé des accords de réduction du temps de travail : la métallurgie, le textile, le BTP. Or les accords de la métallurgie et du BTP, actuellement, sont mauvais. Ils sont même illégaux ou ils le deviendront - en tout cas - en l'an 2000. D'ailleurs, les plus grands syndicats ne les ont pas signés. Et ils ont raison. Ce sont des accords qui, sous prétexte de la réduction du temps de travail, et de la loi qui l'accompagne, aboutissent en fait à démolir le code du travail. L'habileté de l'UIMM - Union des industries métallurgiques et minières - a été de vider la loi de son contenu. Les questions comme la durée du travail ou les droits dans l'entreprise vont se résoudre d'elles-mêmes par « dissolution ».

Moins de contrôle, moins de mesure du temps de travail, il ne restera plus que la négociation gré à gré, les contrats individualisés, le travail à la mission, bref le libéralisme qui renforce l'exploitation. De cela, évidemment, on ne peut se satisfaire.

Nous vous l'avons d'ailleurs dit voici quelques mois lorsque nous discutions de cette loi sur la réduction du temps de travail : nous aurions souhaité que même la première loi soit plus normative et plus cadrée. Il eût fallu, à notre avis, un geste politique plus ferme.

Heureusement, il y aura, dans un an peut-être, une seconde loi sur la réduction du temps de travail. Celle-ci devra préciser et cadrer de manière plus ferme, notamment, les heures supplémentaires et la représentation du personnel.

Les heures supplémentaires seront le point sensible.

Cette mesure apparemment technique, en fait très politique, fera le succès ou l'échec de la réduction du temps de travail. Nous y serons très attentifs.

J'en viens à mon troisième point, les minima sociaux.

Nous sommes favorables à l'inconditionnalité et au relèvement des minima sociaux, ainsi qu'à leur unification dans ce qu'on pourrait appeler le « revenu de citoyenneté » qui serait étendu aux jeunes de moins de vingtcinq ans. Vous nous répondez, comme M. Jospin, qu'il


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ne s'agit pas d'offrir à nos jeunes, comme à tout le monde d'ailleurs, une société d'assistance. Or ce n'est pas une société d'assistance que permettrait ce revenu de citoyenneté, mais une société de responsabilité et de solidarité.

Ce revenu de citoyenneté et d'autonomie permettrait aux jeunes de faire une déclaration fiscale autonome, d'être déliés de leurs parents, éventuellement de ne plus vivre chez eux, comme ils le font actuellement jusqu'à vingt-cinq ou vingt-huit ans.

L'Etat économiserait sur le quotient familial, sur les allocations familiales. La déduction fiscale accordée aux parents de ces jeunes n'aurait plus lieu d'être tandis que ceux-ci deviendraient socialement adultes - même s'ils le sont administrativement beaucoup plus tôt ; ils seraient responsables de leur avenir et plus actifs dans la recherche d'une formation ou dans la recherche d'un emploi.

Hier, lors de l'examen du budget « solidarité et santé », de votre ministère, certains se sont lamentés sur la faible efficacité du volet insertion - le I - du RMI. Je pense qu'il faut responsabiliser nos jeunes de cette façon.

Je terminerai sur quelques remarques.

D'abord, la moitié du budget, se félicitait-on, est consacrée à l'allègement des charges sur les bas salaires pour à peu près 80 milliards. Or cela me semble peu efficace. En effet, pour réduire le coût du travail, il faut envisager également l'assiette de ces transferts. Mieux vaudrait transférer au moins partiellement et progressivement la base « masse salariale » vers la base « valeur ajoutée ».

Deuxième point, l'allocation spéciale d'attente. Le plancher des 5 000 francs mensuels devrait, à notre avis, être garanti pour tous les allocataires. Nous considérons aussi que le bénéfice de cette allocation devrait être étendu à tous les cotisants qui ont quarante annuités ; tel n'est pas encore le cas.

Sur l'ANPE, enfin, une remarque qui pourra vous paraître provocatrice, mais qui ne l'est pas. Vous proposez de créer 500 postes pour l'ANPE, ce dont on pourrait se féliciter. Mais nous souhaitons, quant à nous, qu'il n'en soit créé que 400. Je comprends que, venant des Verts, une telle proposition puisse surprendre. C'est que nous considérons que 100 postes devraient être offerts aux associations de chômeurs et de défense des chômeurs afin d'améliorer leur participation aux comités de liaison départementaux.

Monsieur le président de la commission, je vous vois sourire. Vous avez, tout à l'heure, exhibé des rapports parlementaires - ils sont tous très bons - sur les emploisjeunes et la réduction du temps de travail. J'appelle, quant à moi, votre attention sur un très bon livre sorti récemment en librairie : Négocier la réduction du temps de travail.

Il est fort utile pour préparer d'abord de très bons accords en matière de réduction du temps de travail - ils ne le sont pas tous - ensuite la seconde loi que nous espérons, et à laquelle nous travaillerons avec vous, mesd ames, messieurs de la majorité et mesdames les ministres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Donnez les références du livre !

M. Yves Cochet.

Je ne vais pas faire de publicité.

M. le président.

Monsieur Cochet, vous n'avez pas épuisé votre temps de parole. Il vous reste encore une minute. (Sourires.)

M. Yves Cochet.

Eh bien, il s'agit d'un livre de Michel Miné, publié aux éditions de l'Atelier. Mais je ne sais s'il est encore en librairie.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Offrezmoi votre exemplaire, monsieur Cochet !

M. Yves Cochet.

Le mien est dédicacé, monsieur le

président

: mais je demanderai aux éditions de l'Atelier, où je collabore parfois, de vous envoyer un exemplaire gratuit ! (Sourires.)

M. le président.

Merci, monsieur Cochet, pour votre concision.

La parole est à M. Michel Destot.

M. Michel Destot.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour lutter contre le chômage, notre majorité s'est dotée de moyens forts, avec la mise en place des emploisjeunes, la réduction du temps de travail et le soutien à la croissance. Les résultats commencent d'ailleurs à se faire sentir.

Pour lutter contre les exclusions, la loi du 29 juillet dernier prévoit un dispositif global qui vise à enrayer la spirale bien connue qui conduit du chômage à l'exclusion. Révoltante, cette exclusion que connaissent nombre de nos concitoyens est d'autant plus choquante qu'elle touche, dans une large proportion, les jeunes.

C'est la raison pour laquelle la loi de lutte contre lese xclusions inclut dans son dispositif le programme TRACE, qui prévoit un accompagnement personnalisé vers l'emploi, avec couverture sociale, d'une durée maximum de dix-huit mois, au bénéfice des jeunes confrontés à de graves difficultés sociales, familiales ou sortis du système scolaire sans diplôme ou sans qualification. L'objectif est de prendre en charge 40 000 jeunes avec un suivi personnalisé reprenant la grande formule, idée originelle et originale, de Bertrand Schwartz. En effet, nous le savons d'expérience, la lutte contre les exclusions passe par une approche qui doit sortir des logiques de guichet et dépasser les clivages traditionnellement observés entre emploi et formation comme entre insertion professionnelle et insertion sociale.

Dès lors, il est nécessaire de mobiliser l'ensemble des acteurs de terrain vers un objectif clair, simple et unique : l'accès à un emploi durable. Un emploi durable qui doit se situer clairement dans une autre sphère que la seule sphère sociale et encore moins dans le seul giron administratif. D'ailleurs, nous le savons, nous y serons poussés par les jeunes eux-mêmes, qui, plus que d'autres catégories, aspirent naturellement à faire la synthèse entre l'économique, le social et l'écologique, entre le public et le privé, et ce quelles que soient la commune, l'origine sociale ou culturelle de leur famille.

Madame la ministre, vous avez fait le choix de confier le pilotage du programme TRACE au réseau des missions locales et des PAIO. C'est un bon choix. C'est même une chance, car aujourd'hui, avec près de 700 structures et plus de 6 000 salariés, le réseau des missions locales et des PAIO est en contact avec 1,1 million de jeunes, dont 400 000 nouvellement accueillis chaque année.

Parce qu'elles émanent de l'initiative locale, les missions locales sont en effet un outil original dans le paysage politique français. La logique qui préside à leur création n'est ni celle de la déconcentration ni celle de la décentralisation. Elles constituent un niveau de subsidiarité propre guidé par le souci de complémentarité de la logique partenariale. Mais, pour être pleinement efficace, j'en suis convaincu, ce réseau doit être réaménagé et


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développé. J'entends m'y employer d'ailleurs en tant que nouveau président du conseil national des missions locales.

Le réseau doit être réaménagé pour mieux correspondre à son niveau d'intervention le plus pertinent : celui du bassin de vie, celui du bassin d'emplois. Nous y travaillons d'ailleurs avec la délégation interministérielle à l'insertion des jeunes.

Le réseau doit être développé aussi, car il n'est pas réparti de façon homogène sur le territoire. Je prends acte avec satisfaction, madame la ministre, de l'augmentation de 13,5 % des crédits affectés au réseau d'accueil destinée à la création de trente nouvelles missions locales.

Pour la mise en oeuvre du programme TRACE, une enveloppe de 90 millions est prévue pour l'exercice 1999.

Vous avez annoncé la création de 700 postes cofinancés par l'Etat et les collectivités locales et je me réjouis de constater que 30 millions serviront à créer 230 postes sur l'année. Toutefois, le financement de ces postes pose à mon sens deux questions.

La première concerne l'attitude des collectivités locales et, en particulier, des régions. J'interpellais tout à l'heure, un peu cavalièrement, Jean Le Garrec sur cette question.

Sans m'étendre sur les disparités d'implication en faveur de l'insertion des jeunes, je souhaiterais savoir quelles assurances a l'Etat que ces 350 postes seront créés. Peutêtre conviendrait-il d'ailleurs d'inscrire cette exigence dans les contrats de plan Etat-régions. C'est en tout cas ce que je propose. Cela permettrait de forcer la main à certains conseils régionaux prêts à se désengager de leurs responsabilités en matière de formation professionnelle et de politique de la ville.

Je tiens à vous exprimer ici les réserves du CNML concernant le recours généralisé à des opérateurs externes chargés de l'accompagnement global des jeunes, comme cela semble être déjà le cas ici ou là. Pouvez-vous nous apporter quelques clarifications sur la nature du rôle des opérateurs externes ? Je vous propose d'ailleurs d'en reparler concrètement au début de 1999 à l'occasion de la tenue d'une conférence nationale des présidents des missions locales et PAIO.

Madame la ministre, je ne peux qu'approuver l'augmentation des crédits du budget de l'emploi affectés aux actions en faveur des publics prioritaires, et en particulier des jeunes. En plus du programme TRACE, le financement de 10 000 contrats de qualification et le renforcement de l'insertion par l'activité économique nous permettent de disposer des outils pour réussir.

La lutte pour l'emploi et contre les exclusions est au coeur du contrat que nous avons passé avec les Français.

Sans emphase et tout en restant vigilants, nous pouvons dire, madame la ministre, madame la sécrétaire d'Etat, qu'avec le Gouvernement nous sommes enfin sur la bonne voie. Bravo et merci ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Merci, monsieur Destot !

M. le président.

La parole est à Mme Dominique Gillot.

M me Dominique Gillot.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, lutter contre le chômage, développer l'emploi grâce aux emplois-jeunes et à la mise en place des 35 heures, concentrer l'aide publique sur ceux qui sont les plus éloignés de l'emploi, renforcer les moyens de la politique de formation professionnelle et donner aux services publics de l'emploi les moyens de répondre aux enjeux actuels, telles sont les priorités affichées par ce budget qui traduit la volonté de casser l'approche traditionnelle du traitement social du chômage.

Je vais analyser ce budget sous l'angle d'une population qui rencontre des difficultés particulières face au marché du travail, et qui ne bénéficie pourtant pas d'une attention suffisante en terme d'intégration, les personnes handicapées.

L'amendement gouvernemental instaurant une exonération totale des cotisations sociales patronales pour les prestataires à but non lucratif qui salarient les aides à domicile s'occupant de personnes handicapées dépendantes permettra de solvabiliser et de développer ces activités, dans le cadre notamment du programme « nouveaux services nouveaux emplois ».

Concernant les emplois-jeunes, le Gouvernement en fixant à 20 % au moins le nombre de jeunes résidant dans des quartiers en difficulté a marqué sa volonté de lutter prioritairement contre les principales sources de l'exclusion. Or les jeunes qui cumulent parfois un handicap social et un handicap physique plus ou moins lourd n'entrent pas dans ces priorités. Les jeunes handicapés sont pourtant touchés plus que d'autres par la difficulté d'accéder à un premier emploi, même si la loi de 1987 prévoit que l'embauche d'un jeune de moins de vingtcinq ans compte pour une demi-unité supplémentaire.

A l'autre bout, la cohérence et l'efficacité devraient conduire à revoir l'article 83 du projet de loi de finances qui conduit à déclarer les bénéficiaires de l'AAH de plus d e soixante ans inaptes au travail. A l'instar de l'UNAPEI, je pense que cette mesure participe plus d'un discours d'assistance conduisant à l'exclusion que d'un discours volontaire d'insertion.

Concentrer l'aide publique sur ceux qui sont le plus éloignés de l'emploi répond aujourd'hui à une nécessité d'efficacité qui s'oppose à la logique de guichet et de saupoudrage. Cependant, la notion de public prioritaire concerné par les programmes TRACE, CES ou CEC ne concerne que les personnes handicapées bénéficiaires de l'AAH, et exclut de ce fait les handicapés autonomes, qui, capables de dépasser leur handicap en vue d'une insertion professionnelle, sortent des circuits d'aide sans bénéficier des parcours d'insertion performants et individualisés vers le milieu ordinaire.

Alors que le nombre des bénéficiaires de l'AAH s'élève à un peu plus de 631 000, près de 3,5 millions de personnes souffrent d'un handicap grave, et plus de 5 millions sont touchées par un handicap qui constitue une gêne au quotidien : on ne retrouve pas ces proportions dans les dispositifs CES et CIE où l'on ne compte, respectivement, que 11 et 10,3 % de handicapés.

La mise en place de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé par les COTOREP, comme sésame protecteur pour l'accès à l'emploi dans le cadre des quotas à l'intérieur des entreprises, a permis l'embauche de nombreux handicapés et constitue une réponse ponctuelle au problème d'insertion professionnelle d'un public restreint.

Dans le cadre d'une politique où la solidarité se veut au coeur du dispositif, on ne peut se contenter de ces quotas mal respectés, même si l'extension des programmes départementaux d'insertion des travailleurs handicapés conduit une augmentation des orientations en milieu ordinaire.

Si la tendance actuelle voit les handicapés légers et les handicapés autonomes profiter de la loi de 1987, la question de l'insertion des personnes les plus lourdement touchées par le handicap doit aller au-delà de la création de places en établissements spécialisés.


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Beaucoup aspirent légitimement à une autonomie de vie citoyenne en milieu ordinaire. Le fait que ces handicapés ne bénéficient pas des dispositifs CEC et CES constitue un obstacle à cette volonté. Il n'est pas rare que des personnes ayant dépassé leur handicap et acquis une solide expérience professionnelle se voient refuser un emploi sous prétexte de leur classement handicapé, et du fait qu'ils ne peuvent bénéficier d'emplois aidés, alors que d'autres, pour qui le quota aurait une réelle signification sociale en termes d'insertion, se trouvent de fait cantonnés dans les établissements spécialisés.

A cet égard, la création de 500 places en ateliers protégés répond à une réelle nécessité et doit être soutenue dans sa mise en oeuvre. Elle ne doit être qu'un des volets d'une politique globale en faveur des personnes handicapées, dont nous devons respecter les aptitudes à la vie en société et les compétences acquises au-delà du milieu familial et protégé.

La logique de ce budget traduit celle du ministère de l'emploi et de la solidarité. Elle participe d'une volonté de traiter en amont les phénomènes d'exclusions liés aux handicaps pour faciliter l'accès à la vie professionnelle par le développement de l'intégration scolaire, l'amélioration de l'enseignement dans les établissements spécialisés et le renforcement de la formation professionnelle.

S'agissant des handicaps sensoriels, par exemple, force cependant est de constater que l'essentiel des dépenses est supporté par l'assurance maladie d'une part, suite à une circulaire du 8 juin 1978 qui excluait provisoirement du champ d'application de la loi « les personnels disposant à titre principal leur enseignement », et, d'autre part, par des fonds privés, collectés et redistribués par l'AGEFIPH.

Je rejoins le rapporteur M. Forgues, lorsqu'il met en exergue le fait que 20 000 enfants, souvent autistes ou polyhandicapés, se trouvent encore en dehors de tout établissement, et demande une véritable réponse aux besoins des services d'éducation spéciale et de soins à domicile, ainsi que des services de suite.

M. le président.

Madame Gillot, il faut conclure.

Mme Dominique Gillot.

Par ailleurs, les moyens supplémentaires mis à disposition du service public de l'emploi doivent rendre lisible la volonté gouvernementale de lutte contre les exclusions liées au handicap. Ainsi, il est indispensable que des personnes handicapées soient recrutées dans les équipes d'accueil et de conseil des ANPE, mais aussi dans les structures d'accueil, d'orientation et de conseil des jeunes.

Je reprendrai ici l'exemple du désarroi des sourds et déficients auditifs, qui n'ont pas accès au service public de l'emploi, faute d'interlocuteurs sensibilisés et compétents ou de dispositifs permettant de surmonter le déficit de communication. Le public handicapé appelle une attention, une psychologie et un suivi dont il doit être tenu compte aujourd'hui, dans tous les services publics.

M. le président.

Je vous ai appelée à conclure, madame !

Mme Dominique Gillot.

Prendre conscience que les difficultés que rencontrent les jeunes, les chômeurs de longue durée, les personnes sans qualification, pour accéder au marché du travail sont amplifiées par un handicap physique ou sensoriel doit nous conduire à développer de façon plus efficace le soutien et l'accompagnement de la puissance publique aux personnes handicapées afin de leur garantir la place qu'elles revendiquent à juste titre dans notre société.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la formation professionnelle.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat à la formation professionnelle.

Mesdames, messieurs les députés, compte tenu de l'horaire, je vais m'efforcer de répondre brièvement à vos questions. Vous voudrez donc bien me pardonner si l'une ou l'autre n'obtient pas de réponse à ce stade du débat.

Le « noyau dur » du projet de budget de la formation professionnelle s'élève, pour 1999, à 26,42 milliards de francs, ce qui représente - certains d'entre vous l'ont souligné - une hausse de 5,3 % par rapport à 1998. L'essentiel de cette hausse porte sur le financement des formations en alternance. Ce financement prend en compte également l'objectif général de recentrage de l'ensemble des dispositifs de la politique de l'emploi et de la formation professionnelle sur les publics rencontrant des difficultés particulières du fait de leur manque de qualification.

L e Gouvernement est déterminé à augmenter le nombre de contrats de formation en alternance sous la forme de contrats d'apprentissage et de contrats de qualification. L'augmentation en volume est le signe dynamique d'une croissance présente, d'un retour de la confiance, des investissements des entreprises et de la politique de l'emploi que nous avons menée. Ces dispositifs offrent de véritables chances de qualification et d'insertion professionnelle aux jeunes qui en bénéficient.

Ayant cherché à évaluer la qualité de ce dispositif, à la fois en termes de validation de la formation et de l'emploi occupé, je peux vous dire que, à ce jour, près de 62 % des jeunes ont obtenu un diplôme ou une validation de leur formation et que 66 % d'entre eux occupent un emploi. De janvier à septembre 1998, ces dispositifs ont connu une progression importante : plus de 3,5 % pour l'apprentissage, 9 % pour les contrats d'adaptation monsieur Barrot, je n'ai pas très bien compris votre interrogation à leur sujet - 12 % pour les contrats de qualification, et 68 % pour les contrats d'orientation.

Ainsi le nombre de contrats de qualification est porté à 130 000 pour 1999, ce qui correspond à une prévision que nous jugeons réaliste, compte tenu de l'évolution importante de plus de 12 % que j'ai mentionnée. Cela représente un montant d'intervention de 2,95 milliards de francs.

Par ailleurs, contrairement à la pratique des années précédentes, les primes à l'embauche seront dûment inscrites en loi de finances, ce qui évitera les retards observés dans le versement des primes.

En ce qui concerne les contrats d'apprentissage, j'ai noté une certaine émotion. Sachez qu'on a observé une évolution sensible en septembre dernier - plus 7 % - par rapport à septembre 1997. Cela devrait nous conduire à 220 000 contrats fin 1998 ; c'est une évaluation maximale. Ils seront portés, selon nous, à 230 000 en 1999. Il s'agit d'une prévision réaliste et non d'une baisse, comme certains d'entre vous ont cru pouvoir le relever.

M. Germain Gengenwin.

Sans les primes, cela va inverser la tendance ! Mme la secrétaire d'Etat à la formation professionnelle.

Ces 230 000 contrats seront financés par un crédit de 9,25 milliards de francs inscrit au projet de loi de finances pour 1999. C'est dire l'importance de l'effort public en matière de financement de l'apprentissage.

Il va de soi, monsieur Barrot, que, si les réalisations étaient supérieures à cette prévision budgétaire, l'Etat majorerait ses interventions en conséquence.


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J'ajoute que l'Etat, à travers ce dispositif d'incitation, a pris en charge, en 1997, 52 % des dépenses liées à l'apprentissage, les régions, quant à elles, en assumant un peu plus de 25 %. J'ai tenu à rappeler ces chiffres pour montrer la force de l'intervention publique. Mais il est normal que nous aidions les entreprises qui se veulent formatrices.

Le Gouvernement a aussi la volonté de limiter la sélectivité croissante - c'est un constat - exercée par les employeurs en réservant les aides forfaitaires à l'embauche aux jeunes les moins qualifiés. Désormais, les aides seront réservées aux jeunes titulaires d'un BEP ou d'un CAP et aux jeunes sans diplôme. Je précise que seront concernés les jeunes sortant du système scolaire sans le baccalauréat, mais ayant le niveau de terminale. Cette question est revenue plusieurs fois cette semaine lors des contacts que j'ai eus avec les chambres consulaires.

Il ne s'agit donc pas forcément de publics en difficulté.

Notre objectif est de viser tous ceux qui souffrent d'un manque de qualification. Cette mesure a déjà été mise en oeuvre pour les contrats de qualification avec l'assentiment de la plupart des partenaires sociaux, notamment les syndicats de salariés. Vous savez qu'un décret et une circulaire, respectivement datés des 12 et 14 octobre 1998, en précisent les modalités.

Les contrats de qualification ont été mis en place par les partenaires sociaux en 1983 dans le but de favoriser l'accès à la qualification professionnelle des jeunes sortant du système scolaire sans qualification. Ils sont environ 53 000 dans cette situation chaque année. Or les évolutions constatées font apparaître une éviction des jeunes de bas niveau de qualification. La part des jeunes de niveaux V et inférieurs a chuté entre 1990 et 1997, passant de 67 % à 43 %. C'est cette dérive que nous voulons corriger avec la mesure de recentrage des aides à l'embauche du contrat de qualification, car nous souhaitons porter notre effort sur les jeunes qui manquent de qualification.

M. Germain Gengenwin.

Souvent on les éjecte de l'université ! Mme la secrétaire d'Etat à la formation professionnelle.

Afin de ne pas créer de disparités entre les deux grandes formations en alternance que sont les contrats de qualification et les contrat d'apprentissage, le projet de loi de finances propose une mesure identique pour les aides à l'embauche sous contrat d'apprentissage.

La dérive est de moindre ampleur pour les contrats d'apprentissage qui, à plus de 84 % en 1997, étaient conclus avec des jeunes de niveaux V et inférieurs.

Cependant, entre 1994 et 1997, la part des jeunes de ce niveau a baissé de six points. C'est pourquoi le recentrage des primes ne devrait pas concerner de façon significative le développement de l'apprentissage dans le secteur des métiers auquel je suis particulièrement attachée, même si certains d'entre vous ont souligné qu'il fallait encore opérer quelques avancées qualitatives.

Je tiens d'ailleurs à assurer à tous ceux qui cherchent une explication autre de cette décision, M. Goulard et M. Gengenwin notamment, de ma volonté de ne pas contenir l'apprentissage dans une image passéiste de métiers faiblement qualifiés.

M. Germain Gengenwin.

C'est bien là l'enjeu ! Mme la secrétaire d'Etat à la formation professionnelle.

Je suis convaincue que cette filière peut répondre aux attentes de certains jeunes qui veulent aller plus loin dans leur qualification professionnelle. Tel quel, ce dispositif demeure indéniablement incitatif - j'ai déjà rappelé les chiffres élevés de l'engagement public - pour tous ceux qui veulent s'engager dans le développement de l'apprentissage y compris dans l'enseignement supérieur.

Je souligne d'ailleurs que, bien souvent, les entreprises qui accueillent en apprentissage des jeunes ayant des niveaux élevés - niveau IV, niveau III, voire niveau II ne demandent pas le versement de la prime à l'embauche.

Le financement de l'apprentissage fonctionne selon des règles complexes. Plus de 600 organismes collecteraient et répartiraient la taxe d'apprentissage, soit plus de 7,5 milliards de francs. Cela a été souligné par plusieurs d'entre vous, notamment par les rapporteurs. Or ce système perpétue des inégalités entre les CFA, les coûts unitaires variant très fortement.

J'ai donc inscrit cette priorité dans les critères d'affectation des ressources du fonds national de péréquation de la taxe d'apprentissage.

Messieurs les rapporteurs, je partage votre point de vue quant à la nécessité d'une répartition plus équitable de la taxe d'apprentissage entre les régions et entre les CFA au sein d'une même région.

M. Jean Ueberschlag.

Mais cela est fixé dans la loi de 1996 ! Mme la secrétaire d'Etat à la formation professionn elle.

Ces considérations seront centrales dans la recherche d'un nouvel équilibre financier des formations en alternance sous contrat de travail.

Les deux dispositifs doivent être gérés et développés de façon complémentaire et non en concurrence ce qui est trop souvent le cas aujourd'hui, au détriment des entreprises et des jeunes.

Mme Dominique Gillot.

Très bien ! Mme la secrétaire d'Etat à la formation professionnelle.

Enfin ils doivent répondre au double objectif que je m'assigne : plus de transparence et d'égalité dans les moyens, plus d'efficacité dans un partenariat de proximité.

M. Michel Hunault.

On est tous d'accord ! Mme la secrétaire d'Etat à la formation professionnelle.

Le partenariat devra impliquer plus fortement l'entreprise dans les trois formes de l'alternance, car je crois à l'alternance :...

Mme Dominique Gillot.

Très bien ! Mme la secrétaire d'Etat à la formation professionnelle.

... les contrats de qualification, l'apprentissage, mais aussi les stages qui accueillent les jeunes de l'enseignement technologique et professionnel. Je suppose, car j'ai moi-même connu cette situation, que nombreux sont les jeunes qui vous rendent visite, mesdames, messieurs les parlementaires, dans vos permanences, pour trouver une entreprise d'accueil.

Mme Dominique Gillot.

Oh oui ! Mme la secrétaire d'Etat à la formation professionnelle.

Sans détailler toutes les mesures du fonds de la formation professionnelle et de la promotion sociale, je souh aite mettre l'accent sur des dispositifs importants concernant principalement la formation des adultes : il s'agit des contrats de qualification adulte, des mesures de lutte contre l'illettrisme et de l'AFPA.

La loi d'orientation relative à la lutte contre les exclu-s ions a prévu, à titre expérimental jusqu'au 31 décembre 2000, un élargissement aux demandeurs d'emploi adultes des contrats de qualification. Cette mesure était attendue et répond à des préoccupations


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majeures : la nécessité de prévenir l'exclusion à laquelle sont exposés les chômeurs de longue durée ; l'absence, en dehors de l'AFPA, de dispositifs d'accès à la qualification pour les demandeurs d'emploi adultes et enfin l'utilisation de la pédagogie de l'alternance bien adaptée pour ceux qui n'adhèrent pas aux pédagogies classiques.

Il est prévu d'apporter à l'employeur une aide de l'Etat de 10 000 francs s'il embauche un demandeur d'emploi de longue durée.

Un doublement de la prime en fin de contrat est prévu sous deux conditions : les personnes recrutées doivent être des chômeurs de très longue durée, c'est-à-dire ayant plus de vingt-quatre mois de chômage et avoir été embauchées en contrat à durée indéterminée. Les exonérations de charges sociales seront semblables à celles des contrats de qualification pour les jeunes.

Ce dispositif a pour but de favoriser l'accès à la qualification et à un emploi durable des chômeurs les plus éloignés de l'emploi. Le projet de loi de finances pour 1999 prévoit 248,6 millions de francs pour financer les exonérations et 100 millions de francs pour les primes, ce qui correspond à un volume de dix mille contrats. Il a été conçu selon une méthode originale, associant l'Etat et les partenaires sociaux au sein d'un groupe de travail tripartite. Ce dernier a contribué à l'élaboration du projet de décret et assurera un suivi de l'expérimentation.

Des branches professionnelles comme le bâtiment et les travaux publics, qui viennent de signer un accord ayant recueilli l'unanimité des organisations patronales et syndicales, se sont engagées à recruter mille demandeurs d'emploi dans ce dispositif, d'autres secteurs comme l'agroalimentaire, les métiers de bouche, les pompes funèbres se sont manifestés.

Ce dispositif devrait servir de modèle à nos réflexions sur la formation des demandeurs d'emploi.

Quant à la lutte contre l'illettrisme, elle est une priorité nationale affirmée dans la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.

F ace aux difficultés importantes auxquelles sont confrontées dans leur vie quotidienne les personnes ne maîtrisant pas les connaissances de bases, le Gouvernement a décidé de donner une impulsion nouvelle à cette action menée surtout actuellement par le groupe permanent de lutte contre l'illettrisme.

Dans le cadre du programme de prévention et de lutte contre les exclusions présenté en conseil des ministres le 4 mars dernier, l'Etat a décidé de tripler les moyens consacrés à cette politique pour passer de 25 millions de francs en 1996 à 74 millions d'ici à l'an 2000. Dès cette année, les moyens consacrés à ces actions ont été portés à 54 millions inscrits au fonds de la formation professionnelle et de la promotion sociale.

Ayant conscience du fait que, parallèlement à l'augmentation des moyens, une meilleure organisation de l'action publique en ce domaine est indispensable, une mission dont on attend les conclusions dans les jours qui viennent, a été confiée à Mme Marie-Thérèse Geffroy pour évaluer l'efficacité des actions menées, face à un fait de société que l'INSEE estime concerner 2,3 millions de personnes en France. Les propositions attendues donneront toute leur ampleur à la politique publique que nous devons conduire.

J'aurais voulu m'exprimer, mesdames, messieurs les députés, sur les stagiaires de l'AFPA. Cependant j'ai conscience de l'heure, et compte tenu du fait que vous avez été nombreux à évoquer notre projet de réforme, je veux en brosser à grands traits le contenu.

Le Premier ministre et Martine Aubry m'ont demandé de préparer, en étroite concertation avec les principaux acteurs de la formation professionnelle, une évaluation du système actuel et une remise en mouvement de cette politique prenant en compte les défis nouveaux de l'organisation économique et sociale de notre société.

En effet, il me semble important d'évaluer objectivement l'efficacité globale du système et de son financement.

Ce travail d'étude et d'écoute s'achève. Je publierai avant la fin de l'année un livre blanc dont je débattrai, selon la méthode que j'ai choisie, avec les partenaires sociaux, les régions et vous-mêmes durant les premiers mois de l'année 1999.

(« Très bien ! sur les bancs du groupe socialiste.)

A ceux d'entre vous qui m'ont interrogée sur l'affectation des 20 millions alloués aux expérimentations, je peux indiquer que, en ce moment, j'ai davantage de candidatures et de sujets possibles que de fonds à ma disposition.

C'est toujours dans la même logique de concertation que je poursuis le choix de ces expérimentations qui concerneront aussi bien la validation des acquis que des expériences de terrain avec les régions.

Il a déjà été souligné que l'effort de la communauté nationale en ce domaine atteindrait 138 milliards de francs. J'en précise la ventilation : 56 milliards de l'Etat, 55 milliards des entreprises, 13 milliards des régions et 1 4 milliards d'autres partenaires, principalement l'UNEDIC. Il faut cependant reconnaître que prédomine actuellement le sentiment d'une utilisation non optimale - pour m'exprimer de façon mesurée - des fonds de la formation professionnelle.

Mme Muguette Jacquaint.

C'est vrai !

M. Maxime Gremetz.

C'est la réalité ! Mme la secrétaire d'Etat à la formation professionnelle.

Nous devons en débattre, mais cela ne doit pas nous faire perdre de vue l'essentiel, c'est-à-dire la nécessité de redéfinir ensemble une politique de la formation professionnelle qui ait du sens, tant les besoins sont importants pour nos concitoyens non seulement aujourd'hui, mais aussi à moyen terme.

Beaucoup a été fait depuis 1971, mais beaucoup reste à faire. Nous parlons souvent, parce que cette préoccupation nous concerne tous, de l'insertion professionnelle des jeunes, de l'accompagnement vers le premier emploi.

Cependant il est un autre constat qui me préoccupe fortement et c'est pourquoi je l'exprime d'abord : il s'agit de l'état actuel de la population active.

Ainsi que M. Lindeperg l'a précisé, 40 % de la population active a un niveau de formation initiale inférieur au CAP, avec des disparités croissantes entre les jeunes et les adultes déjà engagés dans la vie active. Je suis persuadée que cela va poser des problèmes à très court terme.

Le deuxième constat concerne les fortes inégalités d'accès. Ainsi, les femmes, les salariés des petites entreprises et ceux dont la qualification est faible accèdent difficilement à la formation professionnelle. Là encore, les chiffres sont significatifs : 80 % des salariés non qualifiés n'accèdent pas à la formation, contre 50 % des ingénieurs et des cadres ; 91 % des salariés des entreprises de moins de vingt personnes n'accèdent pas à la formation, contre 46 % dans les entreprises de plus de 500 salariés. A l'évidence, nous devons lutter contre ces inégalités d'accès.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 1998

Ma troisième observation sera pour souligner que la m obilité s'est considérablement accrue ces dernières années. En effet un salarié sur quatre a changé d'entreprise au cours des cinq dernières années, un actif sur trois a changé soit de catégorie socioprofessionnelle soit de métier pendant la même période. Nous devons absolument prendre en compte ce constat dans la remise en mouvement du système de la formation professionnelle.

De plus, le modèle français est marqué par une séparation nette entre le temps de la formation initiale et celui de la formation continue, à la différence de ce qui se passe chez nos partenaires européens. Cette césure est aggravée par la difficulté à valider et à reconnaître social ement l'expérience professionnelle. Il faudra, là aussi, que nous progressions, car on ne compte pas plus de 25 000 congés individuels de formation par an et pas plus de 5 000 validations d'acquis professionnel telles qu'elles sont prévues dans la loi de 1992.

La formation n'est pas suffisamment considérée pour et par les demandeurs d'emploi comme une période d'activité mise à profit pour acquérir une qualification ou développer des compétences.

Face à ces constats, il nous faut réfléchir avec les partenaires sociaux et les régions à un système de formation qui ménage des passerelles entre les situations d'activité et d'inactivité, qui produise un droit effectif à la formation qui soit individuelle, transférable d'une situation à une autre. Le système de formation doit être mis résolument au service des salariés, des demandeurs d'emploi et des entreprises.

Il doit se saisir des nouvelles technologies, offrir davantage d'égalité, reconnaître les expériences professionnelles et les acquis. Ma réflexion sur toutes ces propositions est en voie d'achèvement. Elles feront l'objet d'un vaste débat dans les prochains mois.

La réduction du temps de travail peut offrir des opportunités dans le respect d'une responsabilité partagée.

Comme l'a rappelé Martine Aubry en plusieurs occasions, un nouvel équilibre doit être trouvé, mais il est important d'affirmer dès à présent que la formation professionnelle et, notamment, les actions d'adaptation des plans de formation décidées par l'employeur ne peuvent basculer en dehors du temps de travail.

M. Gérard Lindeperg.

Très bien ! Mme la secrétaire d'Etat à la formation professionnelle.

Les mutations en cours et à venir risquent de laisser sur le bord de la route beaucoup de personnes.

Le système de formation professionnelle doit s'attacher à réduire ces risques et à réfléchir aussi à leur mutuali sation. Les experts parlent d'une formidable accélération des changements ; dans vingt ans, estiment-ils, une majorité de métiers seront nouveaux.

L'enjeu essentiel est donc bien la capacité d'adaptation de chacun aux mutations, liée à une formation tout au long de la vie, véritable passeport de protection et de promotion sociales.

Pour conduire ces changements, mesdames, messieurs les députés, je m'inscrirai dans le respect de la culture originale du système, fondée sur l'articulation entre la négociation des partenaires sociaux, la concertation avec les régions, qui se développera tout au long de 1999, et la loi. Parallèlement, au-delà des acteurs institutionnels, je souhaiterais ouvrir sur ce sujet de société un large débat avec nos concitoyens.

Vous serez, je n'en doute pas, les relais privilégiés de ce débat.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

M. le président.

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 4 décembre 1998 inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.

Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.

3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999, no 1078 : M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1111).

Emploi et solidarité, articles 80 et 81 (suite) : - Travail et emploi : M. Gérard Bapt, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 24 au rapport no 1111 ; M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 1112, tome XI). - Formation professionnelle : M. Jacques Barrot, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 21 au rapport no 1111) ; M. Patrick Malavieille, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 1112, tome IX).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures quarante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 1998

A N N E X E

ORDRE DU JOUR ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS (Réunion du mardi 10 novembre 1998) L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 4 décembre 1998 inclus a été fixé : Mardi 10 novembre 1998 : Le matin, à neuf heures, et l'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement et le soir, à vingt et une heures : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078, 1111 à 1116).

Travail et emploi.

Jeudi 12 novembre 1998 : Le matin, à neuf heures trente : Jeunesse et sports.

L'après-midi, à quinze heures et le soir, à vingt et une heures : Agriculture et pêche ; BAPSA.

Vendredi 13 novembre 1998 : Le matin, à neuf heures : Communication.

L'après-midi, à quinze heures et le soir, à vingt et une heures : Industrie, Poste et télécommunications.

Légion d'honneur et ordre de la Libération.

Justice.

Lundi 16 novembre 1998 : Le matin, à dix heures : Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat.

L'après-midi, à quinze heures et, le soir, à vingt et une heures : Eventuellement, petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat (suite).

Economie et finances : charges communes, services financiers, Monnaies et médailles, comptes spéciaux du Trésor, taxes parafiscales ; commerce extérieur.

Articles non rattachés.

Mardi 17 novembre 1998 : Le matin, à neuf heures et, l'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement et le soir, à vingt et une heures : Articles non rattachés (suite).

Mercredi 18 novembre 1998 : Le matin, à neuf heures : Eventuellement, articles non rattachés (suite).

L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement et à vingt et une heures : Explications de vote et vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078, 1111 à 1116).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage (no 941).

Jeudi 19 novembre 1998 : Le matin, à neuf heures : Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à étendre aux centres de soins infirmiers gérés par la

M utualité sociale agricole la subvention prévue à l'article L. 162-32 du code de la sécurité sociale (no 766).

Eventuellement, discussion, sur rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux.

(Ces deux textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.) Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux (nos 1142, 1177).

L'après-midi, à quinze heures : Discussion : de la proposition de loi instituant un médiateur des enfants (no 1144) ; de la proposition de loi organique relative à l'inéligibilité du médiateur des enfants (no 1145).

(Ces deux textes faisant l'objet d'une discussion générale commune.)

Discussion de la proposition de loi visant à interdire l'achat par les établissements scolaires et les collectivités locales des fou rnitures fabriquées par des enfants dans des pays où les droits de l'enfant ne sont pas respectés (no 1069).

Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux (nos 1142, 1177).

Vendredi 20 novembre 1998 : Le matin, à neuf heures : Discussion de la proposition de loi organique modifiant l'ordonnance no 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances (no 1151).

(Séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par l' Assemblée, en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution.) L'après-midi, à quinze heures : Suite de l'ordre du jour du matin.

(Ordre du jour complémentaire.)

Mardi 24 novembre 1998 : Le matin, à dix heures trente : Questions orales sans débat.

L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : D iscussion du projet de loi constitutionnelle modifiant l'article 88-2 de la Constitution (no 1072).

Mercredi 25 novembre 1998 : L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement : Suite de l'ordre du jour de la veille.

Le soir, à vingt et une heures : Eventuellement, discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux.

(Ce texte faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.)

Suite de l'ordre du jour de l'après-midi.

Jeudi 26 novembre 1998 : L'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Discussion, soit sur rapport de la commission mixte paritaire, soit en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Eventuellement, vendredi 27 novembre 1998 : Le matin, à neuf heures, et l'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Suite de l'ordre du jour de la veille.

Mardi 1er décembre 1998 : Le matin, à dix heures trente : Questions orales sans débat.

L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Suite de la discussion des propositions de loi relatives au pacte civile de solidarité (nos 1118, 1119, 1120, 1121, 1122, 1138, 1143).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 1998

Mercredi 2 décembre 1998 : L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Suite de l'ordre du jour de la veille.

Jeudi 3 décembre 1998 : L'après-midi, à quinze heures : Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi portant règlement définitif du budget de 1995 (no 1159).

D iscussion du projet de loi de finances rectificative pour 1998.

Le soir, à vingt et une heures : Discussion, en lecture définitive, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Suite de l'ordre du jour de l'après-midi.

Eventuellement, vendredi 4 décembre 1998 : Le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Suite de l'ordre du jour de la veille.